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L'ACTUALITÉ EN GIRONDE

L’ÉTÉ EN GIRONDE Sud Ouest


uLundi 4 août 2008

Six étés brûlants 4. LA GIRONDE À PARIS . Sous la Révolution, l’événement le plus marquant
de la Gironde a eu lieu à Paris. Le 2 juin 1793, les députés Girondins sont condamnés
à mort. Une chasse à l’homme qui s’achève dans le sang l’été suivant

Les fugitifs de l’an II


3 Chaque lundi, l’été girondin
frémit au souvenir d’un épisode
de l’histoire particulièrement
marquant qui s’est déroulé en Gi-
ronde, et bien sûr en été.

: Jean-Michel Petaux

L
a sentence tombe. Ce
2juin 1794, les députés de
la Convention viennent
de voter, à bulletin secret,
l’arrestation de leurs pairs Giron-
dins. Un décret écrit en quel-
ques heures sous la pression du
peuple de Paris qui tient le siège
du manège des Tuileries.
Depuis leur hémicycle les dépu-
tés ont entendu le bruit des insur-
gés de la Commune de Paris.
« L’armée révolutionnaire est forte
de 80 000 hommes, chiffre Anne
de Mathan, maître de conférence
en Histoire et spécialiste des Giron-
dins (1). Le citoyen Pache mène la
troupe, secondé très efficacement
par François Hanriot comman-
dant de l’armée révolutionnaire »,
décrit-elle.
Hérault de Seychelles, député
montagnard qui préside la séance
du jour, va alors à la rencontre du
peuple. Mais lorsqu’il demande ce
que les députés peuvent faire C’est une équipée complète-
pour le bonheur du peuple, Han- ment rocambolesque. »
riot répond sans détours : « Nous
voulons des têtes ! »
« À l’annonce
Légalistes jusqu’à la mort. Ce
sang réclamé, c’est celui des du décret
parlementaires connus sous le
nom de Girondins. « On les ap- d’arrestation, l’un
pelle ainsi, car les députés les
plus éloquent de ce parti de d’eux, Dufriche-
républicains modérés, tel que
Vergnaud, Gadet, Grangeneuve, Valazé sort un
Geansenné, viennent de la Gi-
ronde, précise Anne de Ma- poignard, vise le
than. Ils sont un peu utopistes
ou optimistes et s’opposent aux cœur… et se rate »
Montagnards et à Robespierre. »
Sur les 753 députés, 180 sont Arrivés ensuite au Finistère, les
membres du parti des Girondins députés fugitifs s’embarquent à
et une trentaine d’entre eux est destination de la Gironde. « Bar-
visée par l’ordre d’arrestations. « À baroux, de Marseille, et Gadet font
l’annonce du décret d’arresta- partie de la première équipe qui
tion, l’un d’eux, Dufriche-Valazé débarque au bec d'Ambès. » Ils se
sort un poignard, vise le cœur… réfugient alors dans la famille de
et se rate », raconte Anne de Gadet à Saint-Émilion avant d’arri-
Mathan. Lassource et Isnard, ver chez une certaine Madame
moins romantiques, annoncent Bouquey. « On a alors des témoi-
une démission de dernière gnages de scènes d’un grand
minute pour sauver leur peau. romantisme, où, cachés dans son
La confusion règne alors dans puits, ils écrivent leurs mémoires
l’assemblée, au tumulte s’ajoutent à la bougie, en décrivant cet ange
quelques empoignadess. « Une providentiel qui vient les ravi-
quinzaine de Girondins en profi- tailler. »
tent pour s’enfuir. » À l’inverse,
certains comme Brissot et Ver- DécapitéplaceGambetta.Mais
gnaud iront jusqu’au bout de la Terreur lancée par l’Incor-
leur légalisme. Condamnés par ruptible Robespierre a raison cesse de semer la peur en ville. conces pour rendre hommage à de football, que pour leur bra-
les élus du peuple souverain, ils du romantisme girondin. Ga- Le vent tourne, qu’à cela ne ces révolutionnaires pétris des voure sous la Révolution. Pour-
acceptent leur sort, tel Socrate face det est finalement arrêté et tienne, les Bordelais deviennent idées des Lumières. « Il y a tout de tant, ils ont mis en jeu plus qu’un
aux Athéniens. guillotiné à l’emplacement de Thermidoriens (favorables à la même quelque chose d’étrange ballon rond, puisqu’ils y ont
l’actuelle place Gambetta à Bor- fin de la Terreur). avec ce monument, note pour sa perdu pour beaucoup… leur tête. »
Une équipée rocambolesque. deaux. « Nous sommes le II « De manière générale, cet épi- part l’auteur bordelais, Michel
Pour Grangeneuve, négociant à Thermidor de l’An II, soit le sode a marqué les Bordelais, qui Suffran. On a financé les che- 3 La semaine prochaine, le grand
Bordeaux, Bergoieng, médecin 20 juillet 1794. C’est d’autant se détournent longtemps de la vaux, la colonne, mais il n’y avait incendie de Montalivet
à Saint-Macaire, et Gadet avo- plus tragique qu’une semaine politique ou en tout cas d’un plus d’argent pour achever les sta-
cat à Saint-Émilion, ce 2 juin plus tard a lieu la chute de engagement trop appuyé pour un tues des députés qui devaient (1)AnnedeMathanestmaîtredeconférence
marque en revanche le début Robespierre. » Une fois l’an- parti. » Les notables locaux succè- orner l’œuvre. » Cet acte manqué àl’universitédeBretagneoccidentale. etl’au-
d’une course folle. « Ils sont une nonce de l’arrestation et la dent vite aux Montagnards à la le fait aujourd’hui sourire. « Fina- teurde« Girondinsjusqu’auxtombeaux,une
bonne dizaine de députés à mort de l’Incorruptible parve- mairie. Un siècle plus tard, une lement, les Girondins sont plus révolte bordelaise dans la révolution ». Ed.
fuir à pied Paris pour Caen. nue à Bordeaux, la camarde colonne est érigée place des Quin- connus comme étant une équipe Sud-Ouest, 2004.

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