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Observez ce qui apparaît et ce qui disparaît d'instant en instant, sans chercher à saisir ni
à rejeter quoi que ce soit. Ainsi vous pouvez réaliser une grande liberté d'esprit. Un esprit
vaste, comme le vaste ciel, qui n'est pas dérangé par le passage des nuages, qui englobe
toute chose.
Lorsque Hyakujo était encore jeune moine, il se rendit auprès de Me Baso ; celui-ci lui
demanda : « Que viens-tu chercher ici ? » Je vous pose la même question : « Que venez-
vous chercher ici ? »
Hyakujo avait répondu : « Je suis venu ici pour découvrir la vérité de Bouddha. »
Autrement dit pour réaliser l'Eveil, la véritable nature de mon existence. Alors Baso lui
a répondu : « Mais, qu'espères-tu apprendre auprès de moi ? Pourquoi ignores-tu le
trésor qui existe en toi ? Pourquoi continues-tu à errer au loin ? »
Bodaishin, l'Esprit d'Eveil, l'esprit qui recherche l'Eveil, est ce qui nous motive à venir
en sesshin.
L'Eveil n'existe pas ailleurs, ni même au fond de soi, car ce n'est pas quelque chose.
C'est ce que la pratique juste réalise, le fait d'être véritablement un avec la vie de chaque
instant, un avec chaque pratique, un avec la sangha, la communauté. Chacun de nous
est différent, et nous partageons ensemble la même nature de Bouddha, au-delà de nos
différences. C'est ce que la pratique juste du gyoji, la pratique constante, permet de
réaliser, le sens de la sesshin.
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Camp d’été Roland Yuno Rech, Godinne 2023
Pendant zazen, ramenez constamment votre attention à la posture de votre corps. C’est
un peu le leitmotiv de notre pratique.
Rester en contact avec son corps, et apprendre à penser avec son corps, et donc au lieu
de suivre ses pensées on suit sa respiration, on observe si elle est longue ou courte, on
ne se concentre pas seulement sur l’expiration, il est important aussi de donner de
l’ampleur à l’inspiration. Tout ce qui arrive pendant la pratique de zazen, même quand
on est un débutant, ça fait partie intégralement de la pratique de zazen, de la manière
dont on fait face à ses difficultés, c’est la pratique.
Donc, ne sous-estimez pas votre pratique de débutant. Ne regrettez pas d’avoir mal au
genou parfois. La pratique ne commence pas quand les difficultés ont disparu, mais par
notre manière de les traverser. Dès l’instant où l’on entre dans le dojo, tout ce qui se
passe devient la pratique.
Alors pas besoin de regretter le temps qui passe, pas besoin de s’inquiéter de l’avenir.
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Un jour que Hyakujo se promenait avec son maître Baso le long d’un chemin, ils
entendirent une bande de canards sauvages passer au-dessus d’eux en criant. Alors,
Maître Baso se tourna vers et lui demanda : « Quel était ce bruit ? » Hyakujo répondit :
« C’est le cri des canards sauvages. » Au bout d’un moment, Me Baso demanda : - «
mais où sont-ils allés ? » - « Ils se sont envolés au loin. »
Si on écoute cette histoire avec notre esprit ordinaire, elle paraît tout à fait
incompréhensible. Et pourtant, Hyakujo s’est complètement éveillé par cette action de
son maître. Dans notre esprit ordinaire, il y a des canards qui passent, qui crient, et il y
a nous qui les entendons. Lorsqu’on pratique zazen, les oiseaux qui chantent et nous-
mêmes en zazen ne sommes pas séparés.
Concentré sur notre respiration, chacun de nous peut faire l’expérience de l’éternel
présent en cet instant. Pas besoin de regretter le passé, ni d’attendre ce qui va venir.
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Le monde dans lequel nous vivons est le monde de notre esprit. Zazen ne supprime pas
cette transmigration, mais nous permet d’en prendre conscience, et nous évite de stagner
dans un état particulier. Chaque jour est un jour nouveau. Même si nous répétons chaque
jour la même pratique, ce qui est le propre de ce qu’on appelle le gyoji, la pratique
constante, notre esprit est toujours neuf. Et l’on peut devenir plus créatif, en particulier
cesser de répéter les mêmes erreurs. Plus on est conscient de la causalité karmique, c’est-
à-dire de nos pensées, de nos paroles, de nos actions, mieux nous pouvons contrôler
notre vie.
Nous vivons dans un monde où les gens sont de plus en plus individualistes, égocentrés.
La pratique de zazen permet de corriger ce défaut. Les mérites de zazen ne se produisent
pas seulement plus tard, mais immédiatement. Zazen nous libère de nos
conditionnements. Sa pratique devient instantanément pratique d’Eveil.
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Nous pratiquons la Voie dans le monde des phénomènes, dans lequel le juste et le faux,
le bien et le mal, existent. C’est un monde dans lequel on ne peut pas négliger la
causalité, sans quoi on tomberait dans un mode d’existence irresponsable, opposé à la
vie de bodhisattva, consacrée à soulager la souffrance.
Donc, on pratique dans le monde des phénomènes, mais on n’est pas seulement dans ce
monde. Dès qu’on pénètre dans le dojo, on se concentre seulement sur la pratique de
chaque instant, et dans cette concentration l’esprit de discrimination est abandonné. On
ne juge plus du bien ou du mal, du vrai ou du faux, car ce n’est pas nécessaire.
En zazen, aucun mal ne peut être commis, aucune mauvaise parole ne peut être
prononcée, on ne crée pas de mauvaise pensée. Aussi, aucun karma n’est accompli. Si
zazen est au-delà de tout karma, de toute intention, mushotoku, on ne fait plus rien, pas
même zazen. On abandonne toute intention, y compris celle de s’éveiller. Alors la
pratique devient véritablement libération, c’est-à-dire le retour à l’unité de notre vie,
avant toute séparation. Pas besoin de penser au karma, au satori, à Bouddha, il y a
simplement besoin d’être présent à la réalité de chaque instant. Un disciple avait
demandé à Hyakujo : « Qui est Bouddha ? » Hyakujo répondit : « Qui es-tu, toi ? »
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Nous devons nous tirer nous-mêmes par notre propre anneau nasal.
Pendant les trois mois que dure la saison d’été nous persévérons dans la pratique.
Aujourd’hui il ne reste plus que trente jours,
Aussi devons-nous accroître nos efforts,
Et éteindre le feu qui brûle sur nos têtes.
Cela veut dire que dans la Voie nous ne devons pas être dirigé par les autres, mais par
nous-même. La véritable foi ne doit pas être une imitation des traditions, de la famille
ou des autres. Il faut toujours en décider par nous-mêmes. Si le feu brûle sur notre tête,
on ne peut pas remettre à plus tard le moment de l’éteindre. Il faut agir ici et maintenant.
La vraie liberté n’est pas égoïste, elle est sans ego. On peut alors devenir comme le
bodhisattva Kanjizaï, le bodhisattva de la Grande Compassion. Et Me Deshimaru
commentait en disant que c’est la liberté du cerveau droit, qui suit l’ordre cosmique,
alors que la partie gauche du cerveau suit l’ego.
La vraie liberté c’est d’abandonner l’ego. Ainsi on peut réaliser le véritable ego, qui est
relié à l’Ordre Cosmique. C’est ce que réalise la conscience hishiryo, en zazen.
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En zazen, on peut réaliser la véritable nature de notre vie. Au-delà de Bouddha. C’est le
véritable sens de notre pratique. Nous n’avons pas besoin de règles, pas besoin de
préceptes. Car en zazen aucun mal ne peut être commis. Et la vérité se réalise. Au-delà
de toute notion de vrai ou de faux.
Mais quand on retourne dans la vie quotidienne, alors on ne peut pas négliger la
causalité. C’est pourquoi Me Hyakujo fut le fondateur de la grande règle monastique du
zen. Il n’enseignait pas seulement la dimension absolue de zazen, il enseignait aussi à
l’incarner complètement dans la vie quotidienne. C’est lui qui instaura les 10 préceptes
qui sont transmis au moment de l’ordination. Ils sont à la fois des défenses et des
recommandations.
Participer au samu, aux travaux collectifs, c’est faire don de son énergie pour la sangha,
permettre à chacun de pratiquer. Mais c’est aussi l’occasion d’actualiser notre
concentration, dans les gestes de la vie quotidienne.
C’est aussi Hyakujo qui institua les règles de vie dans le dojo. Dans les monastères zen
en Orient, les moines vivent dans le dojo. Ils font zazen, mais aussi ils mangent, dorment
dans le dojo. Ils se reposent aussi dans le dojo. Ainsi ils peuvent pratiquer la vie sans
séparation.
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C’est aussi ce que Me Deshimaru nous enseignait, faire de tous les lieux des lieux de
pratique, de tous les temps des moments de pratique. Autrement dit, vivre en unité avec
la Voie, que l’on pratique également en dehors du dojo, dans le travail, dans la famille,
dans les transports. Gyoji, la pratique constante, fait de tous les lieux, de tous les temps
de notre vie l’occasion de pratiquer la Voie. C’est par excellence l’expérience de la
sesshin.
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Quand on est assis en zazen, on se concentre seulement sur la posture, le bassin bien
basculé en avant, on étire la colonne vertébrale et la nuque, le menton est rentré, les
épaules relâchées, le ventre détendu, on inspire et on expire calmement par le nez et on
laisse passer toutes les pensées. Lorsque l’on se concentre ainsi, notre esprit devient
complètement calme, on ne poursuit rien et ne rejette rien. L’on n’est pas perturbé par
les phénomènes de l’environnement. Et cet environnement lui-même devient calme.
Notre esprit et l’environnement extérieur s’harmonisent. Ainsi on peut se dépouiller de
toutes ses ruminations mentales.
Il n’y a rien à saisir dans le monde de zazen. Rien non plus à rejeter. On apprend à
patienter, également vis-à-vis de nos bonno, nos attachements. On abandonne ses
doutes, ses jugements ses opinions, ses raisonnements. Ainsi notre esprit devient
beaucoup plus simple, clair, léger. Alors on peut ressentir un sentiment de joie, de
bonheur dans la pratique. Et même ce sentiment, on ne s’y attache pas.
On ne demeure dans aucun état particulier. Gyo, « la pratique », signifie en même temps
« aller, aller de l’avant ». Ce n’est pas statique. On s’harmonise avec l’Ordre Cosmique,
avec le Dharma dans lequel rien ne demeure un seul instant identique. C’est le mérite
de la pratique de la concentration. Le véritable zazen n’est pas limité à cette
concentration : il est important de pratiquer aussi l’observation, à travers la
concentration. Et d’équilibrer les deux : se concentrer et observer l’objet, ce sur quoi on
est concentré.
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En zazen on n’entretient pas ses pensées, on ne laisse pas notre esprit stagner sur quoi
que ce soit. Lorsque notre conscience ne stagne sur rien, une conscience plus profonde
peut apparaître. Lorsque l’esprit ne stagne sur rien, alors l’esprit pur apparaît. Pour cela,
pendant zazen, il nous faut voir sans regarder, entendre sans écouter, être concentré sur
la posture, tous nos sens concentrés mais disponibles.
Trop souvent on s’accroche à une idée, une pensée, alors que notre esprit devrait être
comme l’eau qui s’écoule rapidement. Car, par exemple, les émotions négatives telles
que la tristesse, la colère, la jalousie, quand on ne veut pas les laisser passer, créent des
tensions dans le corps et usent notre énergie. Elles peuvent même nous rendre malade.
Zazen nous aide à voir et à laisser passer, sans rester fixé sur un conflit, des regrets, etc.
Maître Deshimaru disait : « Zazen, c’est la voie de l’oiseau. » La vraie liberté. Sans
limite. Infinie, car souple et flexible. Lorsqu’on répète cette conscience hishiryo de
zazen, c’est-à-dire une conscience fraîche, pure, libre, alors toute notre vie peut devenir
également fraîche, pure et libre.
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Pendant zazen, continuez à bien vous concentrer sur votre posture, sur votre respiration,
et laissez passer toutes vos pensées. Ne vous concentrez pas sur la pensée. Me Hyakujo
disait : « Dhyana, la concentration dont je parle est la concentration constante. Elle n’est
affectée ni par les paroles ni par le silence. » Ainsi en zazen, nous sommes dans les
meilleures conditions pour nous concentrer. La posture est juste, équilibrée. Nous
n’avons rien de spécial à faire ni à dire. Pas besoin non plus de penser à quelque chose.
Ainsi on peut retrouver un esprit stable.
Mais cette stabilité existe aussi dans le mouvement. Le véritable silence existe aussi au
milieu des bruits. La véritable concentration ne dépend d’aucune technique. C’est une
concentration sans aucune trace d’effort. Sinon la concentration est limitée par la
volonté. Et à ce moment-là la concentration se rétrécit. En réalité toutes les méthodes de
concentration ne sont que des portes d’entrée pour réaliser ce dhyana perpétuel, qui ne
dépend d’aucune condition particulière. C’est ce qui fait le lien entre la pratique de zazen
dans le dojo et la pratique du gyoji de la vie quotidienne. Au milieu des phénomènes de
la vie quotidienne, on est sans être dérangé par quoi que ce soit et sans se laisser distraire.
Maître Hyakujo disait : « Cela est possible, car notre véritable nature est vacuité. Et elle
demeure ainsi dans toutes les situations. » Et quand on n’est pas en contact avec cette
nature, alors on éprouve toutes sortes d’attachements. Beaucoup de gens souffrent parce
qu’ils pensent qu’il leur manque quelque chose, et que s’ils pouvaient l’obtenir tout irait
bien. Alors si l’on pratique zazen avec cette illusion, zazen perd tout son pouvoir de
nous libérer de la souffrance.
On peut voir clairement que notre ego, ce « moi je », est une figure de langage qui a fini
par se prendre au sérieux. Alors la concentration de zazen, c’est ce qui permet de voir
clairement que notre véritable nature est sans substance, vacuité. Et donc libre de tout
attachement. Aussi Me Hyakujo disait : « C’est ce détachement qui permet le
fonctionnement simultané de dhyana (la concentration) et de la sagesse, au même
niveau. »
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Mondo
Question 1
Q1 : Je me demande s’il y a des origines taoïstes au zen Soto. En tout cas quels sont les liens
par rapport au bouddhisme ?
R: Effectivement, on dit qu’il y a eu des influences du taoïsme sur le bouddhisme qui est
arrivé en Chine, et que ça été un élément qui a fait naître l’école zen. Mais je ne connais pas
bien cette question. C’est une question historique. Ce que je peux dire en tout cas, c’est que les
taoïstes n’ont pas comme le Bouddha la notion de karma. Et donc l’école zen critique finalement
d’une certaine manière le taoïsme à cause de ça, qui est une lacune grave, en ne considérant pas
la causalité karmique dans l’enseignement.
Q1 : Dans ce cas-là je voudrais poser une autre question, je ne sais pas bien l’exprimer :
Qu’est-ce que la notion de l’ego ? C’est hyper large. Est-ce que c’est négatif ? Est-ce que c’est
positif ?
R: Non, non. Cela n’a rien de négatif ni de positif. Cela dépend comment il fonctionne. Le
côté négatif de l’ego, c’est quand l’ego devient égocentrique. Ego ça veut dire moi, je, première
personne du singulier. Il est clair qu’il est absolument indispensable dans l’évolution d’un
enfant qu’il réussisse à constituer un ego, un moi, un sens de l’identité. Et donc ça commence
par se séparer du corps de la mère et se différencier. Et puis après, au moment de la crise de
l’adolescence, comme vous le savez, il y a généralement tout ce mouvement, qui se produit
chez les jeunes, d’opposition aux parents, pour justement affirmer leur ego, leur différence. Et
c’est indispensable à la santé mentale. Donc, le zen ne propose pas une régression à un stade
antérieur à la constitution de l’ego, il propose simplement la compréhension juste de l’ego :
apprendre à se connaître soi-même, c’est le principe fondamental du zen. Dans le Genjokoan
Me Dogen dit : « Apprendre à se connaître soi-même, c’est apprendre s’oublier soi-même. »
C’est-à-dire à dépasser le côté égocentrique de l’ego, l’attachement à l’ego, et pour cela de
réaliser qu’il y a deux dimensions à l’existence : une dimension relative et une dimension
absolue. Dans la dimension relative il y a l’ego, c’est nécessaire, et dans la dimension absolue
c’est différent parce que là tout est interdépendant, et donc sans substance. Donc il n’y a pas de
substance à l’ego.
Aussi se comprendre soi-même, c’est se comprendre la fois comme un ego relatif avec ses
caractéristiques, son histoire, son karma, (tous les maîtres zen ont eu un ego très fort, c’est-à-
dire une forte personnalité), mais par contre pas égocentrique. La tendance égocentrique de
l’ego est compensée par la perception de notre non-séparation, de notre totale interdépendance
avec les autres. Finalement être égocentrique est quelque peu excentrique, c’est une maladie.
C’est ne pas comprendre que par soi-même on ne peut pas exister, en n’existe qu’à travers les
relations avec les autres, notre existence est complètement interdépendante de notre
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environnement, humain, mais aussi naturel, biologique, cosmique. Et donc la pratique de zazen
nous permet dans un premier stade d’apprendre à reconnaître cette dimension de l’ego qui est
liée au karma et qui est la dimension on peut dire psychologique, et éthique, morale, mais la
pratique de zazen nous aide à comprendre que cela n’a pas de substance absolue, que c’est
impermanent, que l’ego n’existe qu’en interdépendance avec les autres mais que la réalité
ultime c’est notre non-séparation d’avec tout l’univers, notre unité avec l’univers.
Et c’est là, oui, qu’on peut dire qu’il y a un rapprochement avec le taoïsme, parce que le taoïsme
est très axé sur cette notion d’unité avec le cosmos. OK ?
R: Et d’ailleurs, Tao ça veut dire Do, la Voie ; et le kanji Do à deux sens fondamentaux :
c’est à la fois la Voie en tant que cheminement, donc on peut dire que ça va dans le sens de la
pratique, qui est un cheminement, mais en même temps Do ou Tao cela veut dire Eveil. Do en
tant que Voie c’est ce qui nous conduit à l’Eveil. Ce qui caractérise le zen Soto, notamment
l’enseignement de Me Dogen, c’est que la pratique de zazen en tant que shikantaza, ce n’est
pas seulement une pratique progressive, cheminement vers l’Eveil. Si on pratique véritablement
avec ce que l’on appelle shin jin datsu raku, c’est-à-dire en abandonnant complètement
l’attachement à l’ego, en étant complètement un avec la Voie en zazen, à ce moment-là zazen
lui-même devient Eveil, ce n’est pas un moyen, une voie, un cheminement vers un Eveil, il
devient pratique–réalisation. C’est l’essence du zen de Dogen : shu sho ichi nyo, shu la pratique
et sho l’Eveil = Unité. Ça c’est le principe de base même de l’enseignement de Me Dogen.
Et ça c’est le côté subitiste du zen : en zazen on peut réaliser l’éveil immédiatement, si on est
véritablement un avec la posture, avec la respiration et si on est capable de totalement lâcher
prise d’avec nos fabrications mentales, et notamment de cette fabrication mentale qu’est l’ego
justement. On doit donc s’oublier soi-même. C’est le deuxième aspect. Dogen dit :
S’oublier soi-même, ce n’est pas une lacune, un trouble de la mémoire. S’oublier soi-même
veut dire lâcher prise d’avec son attachement à son petit ego. Et à ce moment-là, c’est réaliser
le véritable ego. Des fois, pour exprimer la différence on dit « réaliser le véritable Soi », avec
un grand S majuscule. Je n’aime pas trop cette façon de s’exprimer parce que si c’est le soi en
tant que nature de Bouddha, oui, mais souvent le Soi ça devient quelque chose qu’on peut
assimiler à ce que dans la philosophie orientale on appelle l’atman, dans l’hindouisme. C’est
justement ça que Bouddha a critiqué : Bouddha enseigne le non-soi. C’est-à-dire que le Soi est
le non-soi.
Il y a cette tendance à vouloir substantialiser le soi, à vouloir en faire une sorte de nouvel atman
et donc quelque chose à quoi on s’attache. Bouddha a combattu complètement cette vue et
Dogen a beaucoup insisté là-dessus. Il critiquait ce qu’on appelle Jinen gedo, cette hérésie de
croire en un Eveil spontané, un peu à la manière des taoïstes, séparé de la pratique.
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Question 2
Q2 : C’est une question compliquée pour moi. Je ne suis pas sûr d’être claire.
Q2 : Oui, et même à concevoir. Je vais essayer…Donc, si notre soi relatif est le fruit
d’une coproduction conditionnée (Roland acquiesce), comment ce concours de
circonstances, ce fruit du hasard…
Q2 : Oui, comment cette causalité, qui est liée à un ensemble de circonstances (Roland
acquiesce), qui me semblent aléatoires…
R : … aléatoires, en ce sens qu’on ne les maîtrise pas. On n’est pas soi-même l’auteur
de sa propre vie, on a été créé par l’alliance de nos parents puis par l’influence de tout
le cosmos, qui nous a permis de nous développer.
Mais alors, c’est quoi ta question ? Quand on fait un mondo c’est important de se poser
une question qui ait quelque chose de vital pour soi. C’est important pour toi de
comprendre ça, pas quelque chose de théorique, un peu fumeux, tu comprends ?
R: … insignifiante ?
Q2 : Oui, que je transmettrais… à je ne sais qui a vrai dire. Je ne sais pas l’exprimer
autrement. Mais il y a quelque chose de ce que j’ai compris du cycle des renaissances,
le cycle du samsara, et du karma, que je n’arrive pas à entendre, comprendre, parce qu’il
me semble que ma vie est si petite et cette influence est disproportionnée …
Comment une vie aussi petite peut-elle influencer une vie prochaine, qui ne sera peut-
être pas la mienne mais, comment peut-elle s’inscrire dans un cycle de renaissances et
transmettre quelque chose ?
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Finalement, ce qui se transmet au-delà de la mort, c’est une sorte d’énergie, ce n’est pas
quelque chose de substantiel.
Mais, je reviens au fait que ce qui est important de comprendre toi-même, c’est comment
nous nous réincarnons tous les matins quand on se lève. Comment en fonction de notre
état d’esprit, en fonction aussi de notre karma, c’est-à-dire de nos paroles, nos actions,
nous créons notre propre vie, notre propre monde. Nous ne sommes pas seulement le
produit de l’Ordre Cosmique : ce produit de l’Ordre Cosmique on en fait quelque chose.
On s’approprie les éléments qui nous constituent et on crée notre vie et en même temps
on peut créer la Voie de l’Eveil.
Je crois que, profondément, nous sommes tous la nature de Bouddha. Nous avons tous
la nostalgie de cette nature de Bouddha, c’est-à-dire de cette existence en totale unité
avec tout l’univers, et on est comme enfermés dans ce corps, dans cet ego, dans ce
karma, et on a comme une sorte de nostalgie d’une existence beaucoup plus profonde et
beaucoup plus vaste, et qui est cette nature de Bouddha.
Et c’est ça qui nous pousse, soit à compenser cette espèce de manque, d’insuffisance, de
non-réalisation, par toutes sortes d’ambitions matérielles (on va développer un ego
ambitieux chargé de la recherche de pouvoir, d’influence, de tous les attachements
possibles et imaginables que les êtres humains sont capables de se créer) ou alors ça
stimule l’esprit d’Eveil, et cette nostalgie de ne pas être véritablement réalisés dans la
vraie dimension de notre vie nous pousse à pratiquer la Voie. Et c’est ça qui est
important.
Dans cette réalisation de la Voie, c’est au-delà de « petit » ou « grand », hein !? C’est
au-delà même de l’intelligence, c’est plus une question de foi, c’est-à-dire de confiance,
à la fois dans le fait qu’il y a au fond de nous cette nature de Bouddha et dans le fait
qu’on peut l’actualiser, la réaliser dans la pratique du gyoji, c’est-à-dire une pratique
constante de la Voie, qui ne soit pas seulement le zazen mais aussi la pratique au
quotidien.
Voilà. D’accord ?
Q2 : Merci.
R: Tu as compris ?
R: Oui, absolument.
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Dans le Sûtra du Nirvana il est dit : « Pas de mots. Rien à dire. C’est ce qu’on appelle
dhyana, la véritable concentration. » C’est l’état dans lequel on ne s’attache à aucune
notion. Lorsque Shâkyamuni Bouddha a voulu évoquer l’essence de son Eveil, il a
simplement pris une fleur entre ses doigts et l’a faite tourner en silence dans un geste de
totale concentration.
Cette concentration permet de voir la réalité telle qu’elle est, juste ici et maintenant.
Lorsqu’on est ainsi concentré, notre esprit devient comme un miroir. Quand le miroir
reflète quelque chose sa clarté ne diminue pas ; et quand il ne reflète rien elle ne diminue
pas non plus. La clarté du miroir de zazen n’est pas dérangée par le fait qu’il y ait des
pensées ou des perceptions qui apparaissent, ou qu’il n’y en ait pas.
Pour atteindre cette clarté il faut un certain effort de concentration, que Jinshu avait
exprimé en disant qu’il fallait constamment s’efforcer de polir le miroir de notre esprit.
Et lorsque l’esprit fonctionne réellement comme un miroir, rien ne peut l’obscurcir. Que
l’on pense ou que l’on ne pense pas, la concentration de zazen nous conduit au-delà de
tout lieu où l’on pourrait demeurer.
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Cette nature n’est pas une chose, ce n’est pas quelque chose. Rien de saisissable. En
zazen on perçoit bien que tout change sans cesse. On ne peut donc rien saisir. C’est ce
qu’on appelle shin fuka toku, l’esprit qu’on ne peut pas saisir. S’harmoniser avec cela
permet d’oublier notre petit ego, de s’en libérer.
C’est réaliser notre vraie vie, en unité avec tout l’univers. C’est ici et maintenant, avec
nos condisciples dans le dojo. Aussi Me Hyakujo disait : « Notre véritable nature est
vacuité. Elle demeure telle dans toutes les circonstances, libre de tout attachement. »
Comprendre véritablement cela c’est le pratiquer avec la totalité de notre corps et la
totalité de notre esprit. C’est ainsi que notre pratique de la Voie devient la porte de la
véritable libération, l’essence de l’enseignement transmis par le Bouddha.
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Dans notre pratique du zen, nous suivons l’enseignement de Me Deshimaru, qui lui-
même suivait l’enseignement de Kodo Sawaki. Son enseignement était complètement
l’expression de sa pratique de zazen. Aussi nous ne devons pas seulement suivre son
enseignement, mais sa transmission, c’est-à-dire sa manière de pratiquer
l’enseignement.
C’est de cette pratique que le monde entier a le plus besoin. C’est le sens de la
transmission de Me Deshimaru.
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Le dojo de zazen est cette forêt de montagne. La posture de zazen elle-même est
semblable à un pin dans la montagne. Cette forêt de montagne, c’est le monde au-delà
des préoccupations de l’égoïsme humain, c’est le monde au-delà des fabrications et des
artifices de notre ego, de la vie sociale compliquée. C’est le lieu où disparaît la
séparation entre soi et la nature, entre soi et les autres, entre soi et l’Ordre Cosmique.
Dans le dojo nous sommes à la fois tout à fait seul et complètement ensemble.
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Le sens de notre pratique, c’est de nous délivrer des causes de souffrance. Et cela ne
peut être réalisé que par un Eveil immédiat. Immédiat veut dire se libérer instantanément
de ses pensées illusoires. Cela ne signifie pas nécessairement qu’elles disparaissent,
mais que l’on cesse simplement de les suivre, grâce au retour constant à la concentration
sur la posture et la respiration.
Souvent nous opposons ce que nous aimons et ce que nous n’aimons pas, nous cherchons
à obtenir ce que nous aimons et à rejeter ce que nous n’aimons pas. Et à cause de cela
notre esprit n’est pas vraiment libre. Pratiquer zazen c’est cesser de créer de telles
oppositions. Comme le dit Me Sosan au début du Shin Jin Mei, « Pénétrer la voie n’est
pas difficile, mais il ne faut ni avidité ni haine, ni choix ni rejet. » Et là il faut faire
attention à ne pas développer une avidité pour le satori ou une haine par rapport aux
illusions.
Zazen nous libère de telles oppositions. On pousse le ciel avec le sommet de la tête, la
terre avec les genoux. En zazen l’esprit devient vaste, il embrasse les pôles de toute
dualité. Et cela ne peut se réaliser que soudainement, au moment où on lâche prise
d’avec un attachement. Un oiseau ne s’envole pas progressivement. D’un instant à
l’autre, il est en l’air. Dès qu’on cesse de s’attacher à une pensée on en est libéré. D’un
instant à l’autre.
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Continuez à bien vous concentrer sur la posture de votre corps. Pour avoir un esprit
concentré, la meilleure méthode, c’est de se concentrer sur la posture car le corps est
toujours parfaitement ici, et de se concentrer sur la respiration car la respiration a
toujours lieu maintenant. Pratiquer une sesshin c’est apprendre à rester concentré ici et
maintenant, pas seulement en zazen mais dans tous les moments de la vie quotidienne.
L’Eveil n’est pas quelque chose à atteindre, mais simplement à pratiquer, en étant
vraiment un avec notre vie de chaque instant. Ici et maintenant, rien ne manque. Pas
besoin d’ajouter quoi que ce soit à notre expérience de l’instant présent. Pour que notre
pratique soit réellement une pratique d’Eveil ici et maintenant, Hyakujo disait : « Vous
devez commencer par la véritable racine. » Cette racine, c’est l’esprit. En fonction de
notre état d’esprit, nous nous incarnons chaque instant dans un monde différent.
La transmigration n’est pas une question pour après la mort, c’est l’affaire de chaque
instant. Car le monde dans lequel nous vivons est le reflet de notre état d’esprit. Lorsque
notre esprit est bienveillant, si nous souhaitons réellement le bonheur de tous les êtres,
alors nous créons de la sympathie et le monde autour de nous nous la renvoie. Quand
notre esprit est en paix, tout s’apaise autour de nous.
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Mondo
Question 1
Mais moi je vais donner la transmission à certaines personnes, parce que ces personnes
ont dans leurs dojos des personnes qui souhaitent être ordonnées par elles, et donc pour
pouvoir donner l’ordination il faut être qualifié de « maître ». C’est la raison pour
laquelle je fais ces transmissions.
Mais sinon je pense que chacun d’entre vous, à travers votre propre pratique,
transmettez… Et l’important évidemment, c’est d’associer les deux, c’est-à-dire de
pratiquer véritablement ce que l’on enseigne. Ce que je m’efforce de faire. Quand je
donne un enseignement, je le donne en premier à moi-même, en me disant que je suis
inspiré par l’enseignement de Me Dogen, l’enseignement de Me Deshimaru,
l’enseignement de Me Hyakujo. Je m’en sers pour transmettre cet enseignement à vous
autres, mais en tout premier lieu je me dis qu’il ne suffit pas simplement de l’enseigner
dans le dojo, il s’agit de le pratiquer. Et donc, dès l’instant où j’enseigne, je me confronte
avec cet enseignement, et ça m’aide à approfondir ma pratique.
L’enseignement c’est ce qui donne une direction, c’est comme un panneau indicateur
sur le bord d’un chemin. Mais l’important, c’est de suivre ce qu’a dit le panneau et de
suivre le chemin. Sinon, on reste planté devant le panneau qui indique « par là il y a la
Voie », mais si on ne marche pas sur la Voie ça ne va pas. D’ailleurs, Do c’est le chemin,
mais aussi le cheminement, c’est-à-dire la pratique.
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Question 2
Q2 : Grand merci pour tes kusen. Je suis contente de ramener chez moi tant de trésors.
Lorsqu’on écoute des kusen on est mushotoku, du moins on essaye. Alors à qui, Roland,
destines-tu tes kusen si tes disciples sont mushotoku ?
J’avais posé la question à Maître Deshimaru : « N’y aurait-il pas une contradiction entre
mushotoku et bodaishin ? » Bodaishin, comme vous le savez, c’est l’Esprit d’Eveil ; et
c’est l’esprit qui recherche l’Eveil, en fait. Si nous sommes là tous, c’est parce que nous
cherchons à nous éveiller, donc ça veut dire qu’on souhaite obtenir quelque chose, alors
dans ce cas-là ça n’est pas mushotoku. Vouloir le satori ça n’est pas mushotoku. La
réponse de Maître Deshimaru a été : « Si vous partagez l’enseignement, non pas
seulement le recevoir pour vous mais le partager avec les autres, alors vous êtes
mushotoku. » Maître Deshimaru disait : « vous devez pratiquer pour les autres, pas
seulement pour vous-même. » À ce moment-là, ce que vous avez reçu, dans la mesure
où vous le partagez avec les autres en contribuant à la transmission, c’est mushotoku.
Et puis, à la fin, il faut se dire qu’on n’est jamais complètement mushotoku. Et ce n’est
pas si grave que cela, parce que sinon on va vivre dans un état de culpabilité, ça va
devenir une sorte de nouveau péché originel. Or l’enseignement du Bouddha était un
enseignement qui allait tout à fait à l’encontre de la culpabilité. La culpabilité ça revient
à se haïr soi-même, on s’en veut. Or la haine c’est l’un des trois poisons. Il ne faut pas
s’en vouloir à soi-même. Il faut avoir aussi beaucoup de bienveillance vis-à-vis de vous-
même, et donc accepter de ne pas être mushotoku, et ne pas se culpabiliser de cela. C’est
être bienveillant vis-à-vis de vous-même.
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Question 3
R: Non, il n’y a qu’un seul esprit. Mais il fonctionne de façon très différente par
moments. Parfois cet esprit fonctionne avec le désir d’Eveil, c’est bodaishin, parfois il
fonctionne sur le mode hishiryo, sans aucun objet - il s’harmonise alors complètement
avec notre nature de Bouddha -, parfois notre esprit réfléchit, cherche les moyens habiles
pour réaliser quelque chose - c’est le mental plutôt ordinaire, qui est aussi nécessaire
pour s’orienter dans la vie et agir de manière efficace -. Donc tu demandes s’il y a
plusieurs esprits, non, il y a un esprit, mais qui fonctionne selon des modes différents.
C’est pour cela qu’il est important d’observer son esprit et de voir dans quel registre on
fonctionne maintenant, dans quel mode on se trouve actuellement. Mais il ne faut pas
vouloir figer l’esprit toujours dans le même mode. Il faut avoir cette souplesse d’esprit
de passer d’un mode de fonctionnement à un autre. Avoir un esprit souple, doux.
L’enseignement de Nyojo à Dogen, c’est nyu nan shin, ayez l’esprit doux, l’esprit
souple, l’esprit doux et souple, c’est-à-dire non figé, capable justement d’épouser
l’impermanence, qui est vraiment la nature de Bouddha. Dogen disait que la nature de
bouddha c’est l’impermanence, c’est-à-dire la véritable nature de toute chose. Quand on
observe son esprit, on est véritablement en contact avec cette impermanence. Il ne faut
pas vouloir aller contre ça. Au contraire, il faut réaliser un esprit souple. Dans un poème,
Dogen parle de l’esprit comme de la rivière qui s’écoule. Ça répond à ta question ?
Q3 : Oui, C’est bien que tu aies éclairé cela, car je l’avais vu différemment.
Pour moi « abandonner corps et esprit », c’était l’ego, l’esprit c’était quelque part l’ego.
Et « toucher l’esprit » c’était quelque chose qui n’était plus exactement identifié à moi,
mais à un niveau plus cosmique, qui se rattachait plus à tous. Toucher l’esprit c’est
accéder à ce qui n’est pas le moi. Et abandonner corps et esprit, pour moi, c’est un peu
comme lorsqu’on fait sanpaï, c’est lâcher tout. Et venir ici, pour une sesshin, c’est
s’ouvrir à l’autre, à la dimension universelle, cosmique…
R: Oui, mais c’est vrai aussi. Abandonner le corps et l’esprit, c’est vraiment
l’attitude du zazen, c’est vraiment lâcher prise d’avec toutes formes d’attachement, et
finalement réaliser qu’au fond il n’y a rien à quoi on peut s’attacher. C’est ce que Dogen
appelait shin fuka toku, l’esprit insaisissable. L’esprit est finalement insaisissable, et
donc si l’on ressent cela on ne va plus s’attacher à un état d’esprit particulier. Alors on
sera davantage capable d’avoir la fluidité d’esprit de s’adapter aux différentes
circonstances de la vie, à ne pas être rigide.
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Question 4
Q4 : Alors moi, j’ai une question pratique. Depuis notre arrivée, au moment des repas
nous interrompons le repas par un coup de bois pour s’harmoniser. Je trouve ça très bien,
mais je me demande pourquoi il n’y a pas le même coup de bois pour démarrer le repas
parce que, quand on est à l’arrière, derrière le service, on a du mal à te voir et à savoir
si on peut commencer à manger. Donc on a toujours un temps de retard. Et puisqu’on
veut s’harmoniser, pourquoi ne le fait-on pas pour tout ? Par exemple, le matin on met
tous ensemble notre kesa mais le soir on l’enlève séparément à différents endroits…
R/ mais, effectivement, avec Maître Deshimaru, et moi je l’ai fait dans certaines
sesshin, les moines qui portent le kesa se retrouvent devant l’hôtel des kesa et on enlève
les kesa ensemble. Ici il y a aussi un autel pour les kesa, eh bien on peut le faire. Mais il
est vrai que nous sommes nombreux à porter le kesa, alors on va être une foule…
Question 5
Q5 : Est-ce que vous pourriez nous expliquer ce que signifie la cérémonie pour les
défunts ? Et aussi parler un peu de la mort dans le zen Soto.
Et donc, quand on fait une cérémonie pour les morts, c’est pour les accompagner dans
ce passage, que les tibétains appellent le bardo, vers une nouvelle vie pour les aider à
avoir une renaissance favorable, c’est-à-dire une renaissance dans des circonstances où
ils pourront continuer leur pratique de la Voie. Et donc la cérémonie pour les morts est
une prière dans ce sens-là.
R: Absolument.
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Q5 : Donc ce n’est pas l’essence de quelqu’un, défini, qui est parti. Mais ce serait le
lien, ou cette énergie, enfin, je ne sais pas comment le définir… Et donc ça va ensuite
avec la non dualité et le fait qu’on est tous interdépendants…
Q5 : Et donc, ce serait cette nature de Bouddha qui partirait à la mort et qui renaîtrait
ensuite ?
R: C’est délicat, parce que ce n’est pas quelque chose. On essaie toujours de saisir,
d’une manière un peu substantielle, ce quelque chose. C’est plus un flux, une énergie.
Mais on ne peut pas même dire cela, c’est encore des mots. Là on est en train d’essayer
d’enfermer quelque chose qui ne peut pas être enfermé dans des concepts. C’est un des
plus grands mystères de l’existence.
En tout cas ce qui est important, c’est de se rappeler que le Bouddha considérait comme
nihiliste, et donc pas du tout dans la compréhension du Dharma de Bouddha, le fait de
croire que la mort était la fin de tout. Pour Dogen croire que la mort est la fin de tout,
c’est une compréhension nihiliste, et ce n’est absolument pas ce qu’il enseignait. Il y a
trois chapitres du Shobogenzô dans lesquels il parle de ça, notamment le Sanjigô, les
trois périodes du karma.
Les renaissances ont à voir aussi avec le karma, parce que le karma ça veut dire que tout
ce que pensons, faisons, disons, consciemment et qui a une certaine valeur éthique, c’est-
à-dire en termes de bien et de mal, va avoir des conséquences, bien sûr des conséquences
sur notre environnement mais aussi des conséquences pour l’auteur de ces pensées ou
de ces actions, donc nous-mêmes, et alors ces conséquences on va devoir les recevoir.
On compare ça à une graine qui va donner un fruit, et ce fruit il faut le recueillir. Et le
fait est que parfois le fruit du karma se manifeste dans cette vie même, et d’autres fois
il ne se manifeste pas dans cette vie même mais reste à l’état latent. Et donc il faut qu’il
y ait une nouvelle naissance pour que ce karma puisse produire son effet, dans une
nouvelle vie. C’est l’enseignement de Dogen dans le chapitre qui s’appelle le Sanjigô ;
si ça vous intéresse lisez ce chapitre.
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Question 6
Q6 : Moi, c’est une question sur le samâdhi. On tombe dedans c’est facile, on sort de
là c’est facile. Mais pour aller au-delà du samâdhi, je ne sais pas, hein, il ne faut pas
rester dans le samadhi, mais il faut aller au-delà du samâdhi.
R: Oui, c’est zazen qui nous fait plonger dedans. Il ne faut pas s’y attacher.
Q6 : On s’y attache.
Q6 : Oui, mais on quitte le samadhi alors. Mais quitter et au-delà, ce n’est pas la même
chose.
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Question 7
Q7 : J’ai entendu de belles histoires à ton sujet. Mais j’ai aussi entendu qu’elles datent
un peu. J’ai aussi entendu que tu prends de l’âge et que tu te remets d’une maladie. Et
chaque fois que je viens en sesshin, je repars avec plus de frustration que je n’en avais
en arrivant.
Q7 : Je pense toujours que le zen c’est au sujet de la vie et la mort, et je ne sens pas
cette urgence quand je viens en sesshin, ce feu.
Q7 : La frustration est quand même là. Qu’est-ce que je peux faire de cette frustration
?
(Silence)
Q7 : Merci beaucoup.
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Question 8
Q8 : Lors de ma première sesshin avec vous, j’ai posé la même question que Fanny à
propos de la signification de la cérémonie des défunts. Et cela faisait doublement sens,
parce que j’avais donné le nom de ma maman qui enseignait ici. Depuis, j’ai suivi vos
enseignements, et demain je vais avoir la joie de prononcer mes vœux de bodhisattva
grâce à vous, en la présence de la sangha et de mon papa, de mon frère et de mon
compagnon. J’ai suivi les ateliers d’ordination qui se sont déroulés dans une pièce et il
y a vraiment beaucoup de salles dans cette école. Or il se fait que c’est précisément la
classe où ma maman enseignait. Donc ça fait beaucoup de synchronicités. Et donc ma
question est : en une première version type private joke : est-ce grave, docteur ?
R: Ben non, au contraire, c’est merveilleux, cette synchronicité.
Q8 : …et donc, sur le fond, quelle est la vision du zen sur les synchronicités ? Est-ce
qu’il y a une utilité, une raison ?
R: Dans le zen, on ne parle pas vraiment de synchronicité. C’est Jung qui parlait de
la synchronicité, c’est-à-dire un certain nombre de coïncidences. Souvent cette
synchronicité arrive un peu par hasard. Mais avec notre pratique de zazen on peut
provoquer la coïncidence, c’est-à-dire la rencontre. En zazen on coïncide avec notre
véritable nature de Bouddha, on rencontre cette nature de Bouddha, qui est en nous mais
que souvent l’on a perdu de vue. Alors, la pratique de zazen permet de coïncider avec
notre véritable nature, c’est-à-dire de retrouver cette unité.
C’est d’ailleurs le sens du symbole même du geste quand on entre dans le dojo en
joignant les mains en gasshô, on s’incline devant l’autel. Ça veut dire qu’à ce moment-
là on coïncide avec Bouddha, c’est-à-dire pas la statue de Bouddha mais l’Eveil de
Bouddha. Puis l’on se tourne face à son zafu, puis on fait demi-tour et on se tourne vers
l’autre côté, c’est-à-dire qu’on coïncide avec la sangha. Gasshô est un geste d’unité, de
parfaite coïncidence. Pendant la cérémonie d’ordination vous serez souvent en gasshô.
Gasshô, c’est l’expression à la fois du respect et en même temps de l’unité. D’ailleurs
Me Deshimaru parlait souvent de cela, il disait : « En gasshô la main droite et la main
gauche se réunissent. » La main droite correspond à l’ego, au cerveau gauche ; la main
droite, au moins pour les droitiers, c’est la main avec laquelle on fabrique des choses,
on manipule les choses, on utilise les choses, c’est la main de la technique, avec laquelle
on essaie de maîtriser la matière, les phénomènes. Et la main gauche c’est la main qui
correspond au cerveau droit, le cerveau de l’intuition, qui est beaucoup plus apte à
percevoir intuitivement l’unité avec ce devant quoi nous nous trouvons, ce que nous
percevons. Et donc Me Deshimaru insistait sur le fait qu’en zazen ça permet de réaliser
cette unité entre l’ego et la nature de Bouddha, et en même temps l’unité avec la sangha
puisqu’on se respecte et on se salue mutuellement. Et enfin réaliser cela s’est pratiquer
le Dharma. Donc les Trois Trésors sont réunis là, dans ce geste.
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Question 9
R: L’esprit du débutant, déjà, c’est bodaishin, l’esprit qui aspire à l’Eveil. On débute
la pratique de zazen pour ça. Mais en même temps l’esprit du débutant c’est un esprit
qui est complètement vierge, complètement ouvert, qui n’a pas de conceptions, d’idées
au sujet de l’Eveil, au sujet du Bouddha, au sujet du satori. Il ne faut pas croire qu’avec
beaucoup d’années de pratique et d’enseignement on va avoir une sagesse qui résulterait
d’un savoir accumulé. Ça, c’est terrible, c’est le contraire de l’esprit du débutant.
L’esprit du débutant c’est l’esprit complètement réceptif. Et donc pour conserver l’esprit
du débutant il faut éviter de s’attacher à ce qu’on croit avoir obtenu.
Par exemple Kodo Sawaki souvent s’exprimait dans cet direction-là, et Dogen
également. Ainsi Dogen dans le Genjokoan disait : « Les gens ordinaires s’illusionnent
sur leur Eveil. Les bouddhas éclairent leurs illusions. » L’esprit du débutant c’est l’esprit
qui est toujours prêt à éclairer ses illusions, qui ne croit jamais qu’il a acquis quelque
chose. C’est un esprit réceptif à l’enseignement de tous les phénomènes de la vie. Du
coup c’est ce qui peut rendre créatif dans la vie, parce que ça veut dire que tous les
phénomènes que nous rencontrons nous enseignent quelque chose. Si les phénomènes
que nous rencontrons nous enseignent quelque chose, nous en faisons quelque chose
aussi. Donc nous créons notre vie à partir de cette expérience d’Eveil à travers les
phénomènes que nous rencontrons.
Q9 : Ce matin tu as dit une phrase qui m’est restée : l’Eveil n’est pas à atteindre mais
à pratiquer. Cela fait-il parti également de cet esprit neuf ?
R : Cela veut dire que fondamentalement notre esprit est éveillé, notre esprit est la
nature de Bouddha. C’est pour ça que ce n’est pas quelque chose à atteindre, mais qu’il
faut qu’il se révèle. L’Eveil est déjà là, la nature de Bouddha est déjà là, mais souvent
recouverts par toutes sortes d’attachements, de croyances, de conditionnements. Et en
deçà de tout cela existe notre véritable nature de Bouddha. Et donc notre pratique
consiste à essayer de se dépouiller de ce qui recouvre notre nature de Bouddha. Et en
particulier l’attachement à un mode de fonctionnement mental dans lequel on s’attache
à toutes sortes de notions, et la principale de ces notions c’est celle de l’ego, du moi, au
point qu’on finit par s’attacher à une certaine idée qu’on se fait de soi-même, sa
personnalité, son identité. Bien sûr il est important d’avoir une identité, sinon on risque
d’être dans la confusion. Mais en même temps on ne doit pas s’attacher à notre identité,
ce n’est pas quelque chose de figé. L’esprit du débutant justement c’est de ne pas être
attaché à une identité. C’est un esprit relativement vierge, vierge surtout par rapport à
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toutes les connaissances que par la suite on pourrait accumuler au sujet du Dharma, de
l’enseignement, etc. Il faut donc toujours revenir à l’esprit d’avant tous les
enseignements.
Q9 : j’ai encore une question : nous allons recevoir un nom marqué sur notre rakusu.
N’y a-t-il pas un danger de nouvel attachement ?
R: Oui.
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Question 10
R: Notre sangha !
Q10 : Laissez-moi poser ma question, sinon je vais avoir trop d’émotion. Comment
recevoir les grâces de votre enseignement et de votre sangha avec des mains ouvertes ?
R: … Eh bien ! C’est ce que tu fais. Tu as les mains ouvertes, là. En zazen aussi
l’esprit est ouvert. Justement ça rejoint la question précédente, on doit faire zazen avec
un esprit de débutant de manière à recevoir l’enseignement du zazen.
D’ailleurs, quand vous venez faire une sesshin, vous apportez votre foi, votre énergie,
votre pratique. C’est comme d’amener une bûche dans le feu, pour alimenter le feu de
la pratique du Dharma. D’accord ?
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Question 11
Q11 : J’ai à nouveau une question. Il y a peu, une amie m’a fait part de quelque chose
qui lui était arrivé : elle se baladait dans les rues de Bruxelles la nuit, elle s’est retrouvée
face-à-face avec un homme qui arrivait sur la même trajectoire et qui a fait des gestes
obscènes à son endroit. Et là, elle a fait ce qu’elle n’avait jamais fait dans de telles
circonstances, c’est-à-dire qu’elle l’a bousculé en passant tout près. Pour le coup ce
monsieur s’est trouvé décontenancé de voir que la personne qu’il agressait répondait :
car du coup, la relation de domination qu’il tentait d’imposer tombait d’elle-même. Cela
a alimenté ma réflexion, Et une question me taraude, que je vous soumets : dans une
telle situation peut-être a-t-elle fait quelque chose pour elle en se défendant, mais en
bousculant les choses et en faisant en sorte que le rapport de domination soit cassé peut-
être également a-t-elle fait quelque chose pour la personne…
R: Oui, absolument…
Q11 : … je me dis que dans un tel cas en s’opposant à quelqu’un on peut peut-être
aussi ...
Il ne faut pas laisser le mal se réaliser. Il faut faire tout ce qu’on peut pour l’empêcher.
Et donc il ne s’agit pas d’avoir une attitude passive. Face au mal il faut agir pour
empêcher que ce mal se réalise.
Q11 : Tel que cet amie me l’a rapporté, son geste n’avait rien de réfléchi, en quelque
sorte elle a pris la vague, l’acte qu’elle a posé n’était ni construit ni volontaire, mais
parfaitement spontané.
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Dans la vie quotidienne notre esprit est constamment souillé par l’agitation de nos
bonno, de nos attachements. En zazen on pense du tréfonds de la non-pensée, hishiryo.
Comme on n’entretient aucune pensée, l’esprit se calme et devient clair, comme l’eau
boueuse devient transparente quand on cesse de l’agiter. Alors tout peut se refléter sur
cette eau pure, elle est transparente jusqu’au fond.
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Et cet esprit n’est évidemment pas réservé à ceux qui reçoivent l’ordination. Il concerne
tous ceux qui veulent véritablement pratiquer la Voie de Bouddha, c’est-à-dire la voie
de la libération. Qu’est-ce qui dirige notre vie ? La plupart du temps, c’est notre ego,
notre esprit qui veut toujours saisir quelque chose. Alors que le véritable zazen c’est
laisser bodaishin, l’Esprit d’Eveil, diriger notre vie. Il apparaît lorsque l’on prend
véritablement conscience de mujo, c’est-à-dire de l’impermanence, du fait que notre ego
est impermanent et sans substance. Ce qui signifie qu’il est totalement interdépendant
et en unité avec tous les êtres.
Lorsque l’on réalise cela on peut abandonner l’attachement à l’ego égocentrique, et c’est
la source de la véritable compassion, se sentir réellement en unité avec tous les êtres.
Nous ne devons pas attendre un moment ou un lieu spécial pour réaliser cela. Il faut
simplement une forte décision intérieure, car sans cet esprit zazen deviendrait une sorte
de gymnastique, une technique de bien-être, du développement personnel, c’est-à-dire
au fond le développement de son ego.
Il s’agit de développer notre véritable soi, notre véritable nature. Lorsqu’on est animé
par ce bodaishin, on aide naturellement les autres à le réaliser. L’activité de bodhisattva
surgit de cette réalisation de notre totale unité avec toutes les existences. Cette unité est
l’essence même de notre vie. Zazen permet de la réaliser, et ainsi de mener une vie
authentique, en harmonie avec notre vraie nature. Cela devient la source d’un grand
bonheur, que l’on souhaite partager avec les autres. C’est le sens de l’ordination.
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dimanche 23 juillet 2023 – sesshin jour 3 - zazen avec les ordonnés 12h00
Les huit jours de ce camp d’été sont passés très vite, et nous devons constamment nous
souvenir de la rapidité du temps, nous efforcer de partager la pratique de la voie avec
les autres. Dans cette pratique où nous nous concentrons ensemble, dans chaque aspect
de la vie quotidienne, à partir de zazen, chaque pratique devient l’occasion de vivre
l’éternel présent. L’éternité dans l’instant. C’est-à-dire ce qui est au-delà de l’avant et
de l’après. Cela veut dire être totalement en unité, corps et esprit, avec notre vie de
chaque instant.
Alors nous n’avons pas à regretter le passé ni à nous inquiéter pour l’avenir. Et surtout,
nous pouvons actualiser l’Esprit d’Eveil, à travers ce que l’on appelle kanno doko, c’est-
à-dire la sympathie mutuelle, entre nous et tous les êtres. Maître Deshimaru disait : «
Sans l’Esprit d’Eveil par kanno doko, notre pratique est comme une tour sur du sable.
C’est ainsi que certains cessent de pratiquer. »
Kano doko c’est la communion entre Bouddha, ou Dieu si vous êtes croyant en Dieu, et
les êtres humains. À travers nos cérémonies, en particulier à travers l’ordination, se crée
un lien spirituel entre nous, Bouddha et tous les maîtres de la transmission qui nous
viennent en aide pour que nous puissions ensemble développer cet Esprit d’Eveil, et le
partager avec les autres, pour le plus grand bonheur de chacun.
La dernière cérémonie sera dédiée aux personnes décédées, et dont vous avez donné les
noms. Ça veut dire à la fois célébrer leur mémoire et en même temps prier pour la
poursuite de leur développement spirituel. Dans la pratique de la voie du zen, nous
remédions à toute séparation et réalisons l’unité entre tous les êtres.
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