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2. Quels effets produisent ces rapprochements ? « Quand j’eus fini de m’habiller, je vis un homme qui me regardait dans le miroir, un
homme qu’il m’avait semblé connaître dans une autre vie. » (chap.11, p.95)
Quelques indices :
« Le lendemain, je découvris ce qui restait de son corps. […] Toute sa beauté s’était
retirée d’elle. […] Son visage n’existait plus. […] C’est d’ailleurs à ses cheveux que je
« Ses yeux étaient très ronds, et sortaient un peu de sa face ce qui rendait son regard
la reconnus. Ses cheveux qui me paraissaient jadis, tandis que je rampais sur le sol en
encore plus pénétrant. Il parlait très peu. Il écoutait surtout. » (chap. 2, p.24)
contrefaisant le chien, comme des filaments de soleil, aveuglants et obscènes. […] Sans
doute ne savait-elle pas que lorsqu’on a quitté les Enfers, jamais il ne faut s’en retourner
« Ce fut une année de pleine obscurité. Je veux dire que dans ma vie, j’ai le sentiment
vers eux. » (chap.16, p.143)
d’un vide très noir et très profond, c’est pour cela que je le nomme le Kazerskwir – le
cratère -, au bord duquel souvent encore je m’aventure la nuit. » (chap. 3, p.26-27)
« Je sentis soudain contre moi une présence. C’était l’Ohnmeist qui essayait de fourrer
son museau froid contre mon pantalon. Cela m’a étonné cette familiarité. Je me suis
« C’était il y a longtemps : j’étais devant une maison en ruine qui fumait un peu. […]
même demandé s’il ne me prenait pas pour un autre, s’il ne me prenait pas pour
C’était au début d’une autre guerre. […] Fédorine m’a dit de regarder en contrebas ce
l’Anderer, le seul à qui il avait accordé jadis ses privautés. » (chap.18, p.159)
qui restait de mon village. […] J’ai regardé alors de toutes mes forces les animaux
morts à la panse gonflée, les granges ouvertes aux quatre vents et les murs éboulés. Il y
« Les hommes sont bizarres. Ils commettent le pire sans trop se poser de questions, mais
avait aussi dans les rues quantité de pantins couchés les bras en croix ou le corps en
ensuite, ils ne peuvent plus vivre avec le souvenir de ce qu’ils ont fait. Il faut qu’ils s’en
boule. » (chap. 3, p.29)
débarrassent. » (le curé Peiper, chap.19, p.163)
« le vieil Ohnmeist allait et venait de porte en porte. C’est un chien particulier. On
Le curé Peiper à propos de l’Anderer : « Cet homme, c’était comme un miroir, vois-tu,
l’appelle ainsi car il n’a pas de maître et n’en a jamais voulu. […] Et c’était très étrange
il n’avait pas besoin de dire un seul mot. Il renvoyait à chacun son image. » (chap.19,
de les voir ainsi tous les deux, le chien placide et heureux, qui acceptait la caresse
p.166)
sagement alors que d’ordinaire aucun de nous ne pouvait l’approcher vraiment et encore
moins le toucher, et l’Anderer qui flattait le chien de sa main nue. » (chap.4, p.35)
« Je ferais mieux de prendre Poupchette et Émélia dans mes bras, la vieille Fédorine sur
mon dos, […] et m’en aller loin d’ici. Recommencer. » (chap.20, p.175)
« Fais attention à toi, tu es déjà revenu une fois d’où on ne revient pas. » (Fédorine à « Et comme je disais son nom, […] j’ai vu que ses yeux ne me voyaient pas, j’ai
Brodeck, chap.21, p.188) compris qu’elle ne m’entendait pas, j’ai compris qu’il y avait devant moi le corps et le
visage merveilleux d’Émélia, mais que son âme errait quelque part, je ne savais où,
« j’ai cherché au loin les silhouettes de Poupchette et d’Émélia. […] Elles étaient de dans un lieu inconnu mais où je me suis juré d’aller l’y reprendre » (chap.32, p.298)
l’autre côté, invisibles, disparues. […] J’ai pris son visage dans mes mains, je l’ai
tourné vers moi et j’ai vu alors sur ses yeux comme le sourire d’une grande absente» « ce que je sais faire : regarder, écouter, saisir l’âme des choses et celle des êtres. […] Je
(chap.23, p.201) crois sans présomption avoir compris une grande part de vous-mêmes » (chap.34,
p.320)
La ville de S. : « grand corps tentaculaire », « apercevoir tous ces hommes disparaître
dans les rues, comme la queue d’un gros serpent dont mon imagination grossissait plus « en le [le portrait de Brodeck par l’Anderer] considérant, c’est un peu comme s’il
encore la gueule invisible », « la ville, qui commençait à avoir de la fièvre, répondit en m’avait aspiré, comme s’il s’était animé. […] Il était ma vie. Il me confrontait à moi-
rassemblant dans son ventre des grondements et des menaces » (chap.25) même, à mes douleurs, à mes vertiges, à mes peurs, à mes désirs.[…] Il était un miroir
opaque qui me jetait au visage tout ce que j’avais été, tout ce que j’étais. » (chap.34,
« Elle était arrivée dans la ville un an plus tôt, avec pour seul trésor ses deux mains qui p.324)
savaient faire des broderies délicates, des points complexes, des dentelles fragiles
comme des fils de givre. « Derrière moi, il n’y a que du noir et rien que du noir », et ces « Les portraits qu’en [les villageois] avait faits l’Anderer agissaient comme des
mots qu’elle me dit un soir alors que je l’interrogeais sur sa famille et le lieu d’où elle révélateurs merveilleux qui amenaient à la lumière les vérités profondes des êtres. »
venait m’ont ramené vers mon propre passé, ma lointaine enfance de mort, de maisons (chap.34, p.325)
détruites, de murs éboulés, de ruines fumantes » (chap.25, p.218)
« Ils se tournèrent vers les dessins, et les considérèrent de nouveau. Ou autrement. Et ils
« Je redevenais le petit garçon errant parmi les ruines, abandonné au milieu des gravats virent. Ils se virent. À vif. Ils virent ce qu’ils étaient et ce qu’ils avaient fait. […] Et
et des décombres, des feux allumés un peu partout » (chap.26, p.226) bien sûr, ils ne le supportèrent pas. » chap.34, p.327)
« La ville était au bord des flammes. […] Une heure plus tard, nous quittions la ville. » « Quelle importance maintenant… Un nom, ce n’est rien, je pourrais être personne, ou
(chap.27) tout le monde, répondit l’Anderer. (chap.35, p.336)
« le village m’est apparu alors sous un jour nouveau : je le vis soudain comme le lieu « Au début, j’eus très soif. Ma bouche me brûlait […] La soif revint. […] cette soif
ultime, rejoint par ceux qui laissent derrière eux la nuit et le vide, le lieu non pas où l’on devient comme une démente et fit de nous des déments. […] C’était la bonbonne d’eau
peut recommencer, mais simplement la place où peut-être tout finit, où tout se doit de qui les avait maintenus en vie, et dans cette bonbonne qui nous semblait à Kelmar et à
finir… » (chap.29, p.257) moi, inépuisable, il restait encore de l’eau. » (chap.37)
« ce voyage vertigineux, en descendant un à un les barreaux de la sordide échelle qui « Il y a eu jadis, je crois, un voyageur qui est parti ainsi, de sa ville incendiée, en portant
me faisait aller toujours plus profond dans le Kazerswir » (chap.31, p.271) sur ses épaules son vieux père et son jeune fils. » (chap.40, p.372)
« Elle [Émélia] n’aurait pas alors fait son premier pas dans le gouffre. » (chap.32,
p.295)
« Elles y disparurent.
Elles y furent englouties.
Et puis, plus rien. » (chap.32, p.297)