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Conjonctivites
Conjonctivites
Les conjonctivites constituent un motif très fréquent de consultation. Les tableaux cliniques sont
nombreux et polymorphes et les étiologies variées : infectieuse (bactérienne, virale), allergique, liée à un
syndrome sec primitif ou secondaire, associée à une rosacée, etc. Si l’examen clinique et l’interrogatoire
suffisent à poser un diagnostic dans la majorité des cas, certaines situations aux aspects cliniques peu
évocateurs, ou accompagnées de critères de gravité ou de facteurs de risque, nécessitent la contribution
du laboratoire pour confirmer l’étiologie et permettre ainsi l’instauration d’un traitement adapté et
efficace. Différents examens biologiques, parmi lesquels la biologie moléculaire qui a pris une place
importante, peuvent alors être prescrits en fonction du tableau clinique. Certains d’entre eux peuvent être
effectués en routine de manière isolée ou dans le cadre d’un véritable bilan de la surface oculaire, d’autres,
plus spécialisés, comme la cytofluorimétrie sur empreintes conjonctivales ou la protéomique des larmes,
entrent dans le cadre de recherches clinicobiologiques. Cet article a pour but de faire le point sur toutes
ces méthodes et un arbre décisionnel des examens biologiques pouvant être prescrits en fonction du
tableau clinique y est proposé. Dans tous les cas, la collaboration entre le clinicien et le biologiste reste
primordiale, car elle conditionne la qualité de la prise en charge diagnostique et thérapeutique.
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Ophtalmologie 1
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21-130-B-10 ¶ Diagnostic biologique des conjonctivites
• le prélèvement doit être effectué si possible avant tout ophtalmologie. En effet, la mise au point de ces nouvelles
traitement ou après fenêtre thérapeutique de 48 heures pour techniques a permis d’améliorer considérablement le diagnostic
les examens microbiologiques. d’infections virales (Herpesviridae, adénovirus), à Chlamydiae et
Si le prélèvement ne peut être effectué au laboratoire, son parasitaires (toxoplasme et acanthamibes) tant au niveau de la
transport doit être le plus rapide possible. sensibilité que de la spécificité et du délai des résultats.
La fluorescéine et l’oxybuprocaïne sont des inhibiteurs de
Prélèvement dans le cadre polymerase chain reaction (PCR). Il est donc nécessaire de rincer
l’œil avec du NaCl 0,9 % stérile en dosettes avant le prélève-
des conjonctivites aiguës ment pour la PCR si ces molécules ont été utilisées pour
Une conjonctivite mucopurulente, collant les paupières le l’examen à la lampe à fente et les autres prélèvements [1]. En
matin au réveil, évoque une étiologie bactérienne. En général, outre, le prélèvement doit être réalisé dans des conditions
ces formes aiguës sont de diagnostic aisé et ne nécessitent des d’asepsie pour éviter une contamination qui pourrait conduire
examens microbiologiques que dans certaines situations à un résultat faussement positif.
particulières. La technique de PCR en temps réel consiste à mettre en
Une conjonctivite bilatérale le plus souvent en deux temps, évidence une séquence spécifique du génome recherché à l’aide
accompagnée ou non de fausses membranes, d’adénopathie d’amorces spécifiques complémentaires qui, une fois hybridées
satellite et évoluant généralement sous forme d’épidémie, est à celui-ci, permettent l’action de la polymérase et l’amplification
très évocatrice d’une conjonctivite virale à adénovirus. La mise de la séquence spécifique choisie. Cette amplification permet la
en évidence du virus sur le produit de grattage des conjonctives détection d’une faible quantité de génome cible. La PCR en
est alors utile pour poser le diagnostic et prendre des mesures temps réel étant quantitative, elle permet d’établir des seuils de
d’éviction car ces virus sont très contagieux. charges infectieuses. La quantification en parallèle du nombre
Une conjonctivite aiguë chez un nouveau-né peut avoir des de copies d’un gène humain permet de vérifier la présence de
étiologies diverses : bactérienne (gonocoque, Chlamydia), virale cellules dans le prélèvement et de valider ainsi la qualité de
(herpèsvirus) ou toxique au nitrate d’argent. Un examen celui-ci. L’utilisation d’un contrôle interne positif analysé en
microbiologique est souhaitable pour permettre un diagnostic parallèle pour chaque échantillon évite le risque de résultats
étiologique et instaurer un traitement spécifique. faussement négatifs liés à la présence d’inhibiteurs de PCR dans
Une conjonctivite saisonnière chez un sujet atopique, avec le milieu biologique et valide l’extraction.
prurit et/ou rhinite, est pathognomonique d’une allergie Une PCR positive signe la présence du génome bactérien,
saisonnière. L’interrogatoire et l’examen clinique sont, dans la viral ou parasitaire et non du micro-organisme vivant. Tout
grande majorité des cas, suffisants pour poser le diagnostic. résultat positif doit être interprété en fonction du contexte
clinique du patient.
Prélèvement au cours des conjonctivites
chroniques
Les conjonctivites chroniques sont représentées essentielle-
ment par les allergies perannuelles, vernales ou atopiques, les “ Point important
sécheresses oculaires et les blépharoconjonctivites, en particulier
la rosacée oculaire. L’intrication de ces différentes pathologies Quels examens biologiques pratiquer dans le
ainsi que des phénomènes toxiques associés induits par les cadre d’une conjonctivite infectieuse ?
collyres contenant des conservateurs rendent souvent leur • Conjonctivite aiguë a priori infectieuse : en présence de
diagnostic étiologique difficile et c’est dans ces cas souvent facteurs aggravants (échec thérapeutique, critères de
complexes que des examens biologiques peuvent s’avérer utiles. gravité locaux ou généraux, cas particuliers) : examen
Ils comprennent la recherche d’une sécrétion locale d’immuno- microbiologique du frottis conjonctival.
globulines E (IgE) et l’examen des sécrétions conjonctivales dans
• Conjonctivite aiguë a priori virale, en présence de
les suspicions d’allergie, l’électrophorèse des protéines lacryma-
critères de gravité et en cas de notion d’épidémie :
les et l’étude cytologique de l’empreinte conjonctivale dans les
syndromes secs, mais aussi dans des étiologies inflammatoires, recherche d’adénovirus par technique PCR sur raclage
la recherche de Demodex sur un prélèvement de cils au cours des conjonctival.
blépharoconjonctivites. • Conjonctivite aiguë ou chronique avec suspicion
Certaines conjonctivites infectieuses, en particulier la d’origine chlamydienne : recherche de Chlamydiae par
conjonctivite à Chlamydiae de l’adulte, peuvent évoluer sous technique PCR sur raclage conjonctival.
forme chronique. Le diagnostic est alors difficile et la biologie • Conjonctivite chronique avec blépharite, meibomite,
moléculaire prend ici toute son importance pour mettre en rosacée : recherche de Demodex au niveau des cils.
évidence le génome de la bactérie à l’intérieur des cellules
conjonctivales.
Devant un tableau de conjonctivite fibrosante ou de lésions
conjonctivales atypiques, une biopsie conjonctivale s’avère
parfois nécessaire pour poser le diagnostic.
Flore conjonctivale commensale
Certains conservateurs contenus dans les collyres (thimérosal, La conjonctive est ouverte sur l’extérieur et constamment
chlorhexidine, benzalkonium en particulier) sont connus pour contaminée par la flore commensale cutanée adjacente et les
leurs propriétés allergisantes et/ou leur toxicité conjonctivale bactéries de l’oropharynx. Variable dans le temps, cette flore est
responsable de conjonctivite chronique et de fibrose. Le le résultat d’un équilibre entre, d’une part, les contaminations à
diagnostic de ces conjonctivites iatrogènes est essentiellement partir du milieu environnant qui sont fonction du lieu géogra-
clinique et l’arrêt d’utilisation du conservateur constitue un bon phique et du climat et, d’autre part, les défenses locales qui sont
test diagnostique. influencées par l’âge du sujet, le port de lentilles de contact, une
pathologie oculaire sous-jacente. L’interprétation des résultats des
■ Diagnostic biologique prélèvements microbiologiques doit tenir compte de cette flore
commensale. En effet, la présence de quelques bactéries, levures
des conjonctivites infectieuses ou champignons filamenteux sur la conjonctive est physiologi-
que. Une culture conjonctivale positive peut ainsi être retrouvée
En préambule, nous insisterons sur l’intérêt des techniques de chez plus de la moitié des sujets sains [2]. La composition de cette
biologie moléculaire dans le domaine de l’infectiologie en flore varie selon différentes situations.
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traumatisme avec un corps étranger d’origine végétal ou L’examen direct est effectué après raclage conjonctival de la
tellurique ou sont liées aux microtraumatismes associés au port lésion à l’éponge ophtalmologique et étalement sur une lame
de lentilles de contact ou à une immunodépression. Elles sont cerclée.
dues à des levures ou à des champignons filamenteux de La culture ou la recherche par PCR imposent le port de gants
l’environnement. Un examen mycologique spécifique n’est sans talc. La conjonctive est raclée à l’aide d’une éponge
effectué qu’en seconde intention en cas d’échec thérapeutique, ophtalmologique stérile et les sécrétions sont recueillies dans le
de facteurs de risque (lésion par un végétal, sujet immunodé- cul-de-sac conjonctival. S’il existe des fausses membranes, il faut
primé) ou de facteurs aggravants (atteinte cornéenne). en récupérer un morceau. Après avoir coupé la tige de l’éponge
avec des ciseaux stériles, l’éponge est introduite dans le milieu
Prélèvement de transport pour virus préalablement remis à température
Le prélèvement est effectué de préférence avant toute admi- ambiante.
nistration de collyre anesthésique (oxybuprocaïne ou autre) avec Si nécessaire, un prélèvement de larmes et de sérum peut être
conservateur, car ce dernier inhiberait la croissance des cham- effectué à la recherche d’une sécrétion locale d’anticorps anti-
pignons. Les unidoses n’en contiennent pas. En pratique, on HSV ou VZV.
effectue deux frottis conjonctivaux. Le premier prélèvement est
ensemencé sur un milieu de culture sélectif pour champignons Traitement des échantillons et résultats
et levures avec antibiotique et sans inhibiteur. Le second
prélèvement est étalé en couche mince sur une ou deux lames Examen direct
cerclées pour l’examen direct.
L’examen direct sur lame après coloration au MGG montre
Chez les porteurs de lentilles de contact, un examen myco-
une réaction inflammatoire aspécifique classiquement lympho-
logique des lentilles de contact et de leur boîtier peut s’avérer
cytaire ou lymphohistiocytaire.
utile, permettant de retrouver l’agent causal de l’infection.
Techniques immunologiques de détection d’antigènes viraux
Traitement des échantillons et résultats
La sensibilité de ces techniques rapides (immunofluorescence
Examen direct directe ou Elisa) est très dépendante de la richesse du prélèvement
La coloration de MGG effectuée en dépistage colore assez mal en particules virales. Celui-ci est généralement peu riche en
les champignons. En cas de doute, la coloration de Grocott est dehors des kératoconjonctivites épidémiques à adénovirus [16-18].
utilisée après décoloration du MGG. La présence de nombreuses
levures ou de filaments mycéliens accompagnée d’une cytologie Culture virale
riche en polynucléaires neutrophiles et/ou en macrophages, Après isolement du virus en culture cellulaire, celui-ci est
dans un contexte clinique évocateur, peut faire suspecter une identifié par immunomarquage. Cette technique est supplantée
infection fongique. par la PCR, beaucoup plus rapide, aussi spécifique et de sensi-
bilité souvent supérieure.
Culture
Le milieu est gardé en observation à l’étuve à 30 °C pendant Recherche du génome viral par « polymerase chain
14 jours. Si la culture est positive, une identification du reaction » [19-22]
champignon et la mesure des concentrations minimales inhibi-
trices (CMI) des principaux antifongiques utilisés en ophtalmo- La recherche du génome viral par PCR est aujourd’hui
logie sont réalisées. L’interprétation du résultat doit être faite en pratiquée en routine par certains laboratoires pour les herpèsvi-
fonction du contexte clinique, car la présence d’une colonie sur rus (Herpes simplex, varicelle-zona virus, cytomégalovirus [CMV])
un seul milieu de culture peut simplement indiquer la présence et les adénovirus. De nouvelles techniques de PCR dites « en
de spores de champignons filamenteux ou de levures dans la multiplex » permettent la détection simultanée des génomes de
flore conjonctivale saprophyte. Un second prélèvement doit être Chlamydia trachomatis, Herpes simplex et adénovirus ou de
effectué pour confirmer le caractère permanent de la levure ou différents Herpes viridiae (HSV, VZV, Epstein-Barr virus [EBV],
du champignon en cause avant d’entreprendre un traitement cytomégalovirus, HHV6) sur un frottis conjonctival.
spécifique.
Dosage d’anticorps spécifiques
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Prélèvement
Filaire adulte
Après application topique d’un collyre anesthésique immobi-
lisant la filaire, celle-ci peut être extraite de la conjonctive à
l’aide d’une pince et placée dans un pot stérile apporté rapide-
ment au laboratoire où elle sera identifiée par ses caractères
macroscopiques. Un prélèvement sanguin sera réalisé entre
10 heures et 15 heures pour quantifier la microfilarémie avant
traitement et effectuer une numération-formule sanguine.
Myiases
Après application topique d’un collyre anesthésique, toutes
les larves doivent être enlevées une à une à la pince et déposées
dans un pot stérile apporté rapidement au laboratoire.
Demodex folliculorum
Huit à dix cils répartis sur les paupières supérieures et
Figure 3. Observation au microscope optique d’un Demodex folliculo-
inférieures sont prélevés à la pince et déposés dans un pot rum à la base d’un cil.
stérile apporté rapidement au laboratoire.
Microsporidies
Un prélèvement conjonctival avec un grattoir pour Chlamy-
■ Diagnostic biologique
diae est immédiatement placé dans un tube pour PCR. Un des conjonctivites allergiques
deuxième grattage avec un vaccinostyle et des étalements
minces sur deux lames sont pratiqués pour un examen direct. Le diagnostic biologique d’une conjonctivite allergique
comprend plusieurs étapes :
• objectiver les facteurs généraux : la mise en évidence d’une
Traitement des échantillons et résultats
sensibilisation à un ou plusieurs allergènes définis ou non
Filaire adulte repose sur la recherche d’une éosinophilie sanguine, le dosage
des IgE sériques totales et spécifiques, les prick-tests et/ou
Le diagnostic est posé par l’identification macroscopique du patch-tests ;
parasite. Une numération-formule sanguine permet, outre la • objectiver les facteurs locaux : la mise en évidence d’une
recherche d’une hyperéosinophilie qui peut cependant être sécrétion locale d’IgE lacrymales et/ou l’éosinophilie
absente, la recherche de microfilaires sur un frottis mince coloré conjonctivale signent une sensibilisation conjonctivale. Le
au MGG. L’identification et le dénombrement de microfilaires test de provocation conjonctivale signe une réaction allergi-
de Loa loa permettent de décider du protocole thérapeutique. que locale à un allergène précis.
Un traitement intempestif par l’ivermectine chez des patients
ayant une forte microfilarémie peut entraîner des complications Objectiver les facteurs généraux
neurologiques graves, parfois mortelles (encéphalopathie
thérapeutique), liées aux réactions anaphylactiques dues à la L’éosinophilie sanguine est en faveur d’un terrain atopique
lorsqu’elle est supérieure à 500 éléments/mm3 chez l’adulte
libération massive d’antigènes lors de la lyse des microfilaires.
(400/mm 3 chez l’enfant), mais elle est inconstante et non
Myiases spécifique, car elle peut être élevée dans les parasitoses, les
maladies infectieuses, les hémopathies, etc.
Le diagnostic est posé sur l’identification macroscopique du Les IgE totales sériques sont augmentées chez les sujets
parasite. atopiques et en cas de polysensibilisation. Chez un patient
suspect cliniquement d’allergie avec des tests cutanés négatifs,
Demodex folliculorum le taux d’IgE totales sériques est intéressant pour confirmer
l’absence d’allergie en cas de valeur basse. Mais ce dosage n’est
Après addition éventuelle d’hydroxyde de potassium à 20 % ni sensible ni spécifique : on estime que 20 % des sujets
qui présente l’avantage de dissoudre le meibum dans lequel le allergiques ont des IgE totales normales et 20 % des sujets ayant
parasite peut être englué, les cils sont observés au microscope des IgE totales élevées ne sont pas allergiques. Des IgE totales
optique entre lame et lamelle et le nombre d’acariens est élevées peuvent évoquer d’autres maladies que l’allergie,
comptabilisé en fonction du nombre de cils observés (Fig. 3). Ce notamment les helminthiases ou certaines maladies telles que la
parasite est présent en petite quantité de façon asymptomatique maladie de Hodgkin, la sarcoïdose, etc. Dans le cadre des
chez de très nombreux individus adultes. Le nombre de porteurs conjonctivites allergiques, ce dosage est indispensable pour
sains augmente avec l’âge. Sa pathogénicité reste controversée, interpréter le résultat des IgE lacrymales.
mais il pourrait agir comme cofacteur dans la rosacée et La présence d’IgE spécifiques sériques vis-à-vis d’un allergène
certaines blépharites chroniques. indique la sensibilisation du sujet à cet allergène, sachant que
sensibilisation n’est pas obligatoirement synonyme d’allergie. En
Microsporidies outre, il existe de fréquentes réactivités croisées entre plusieurs
allergènes, pouvant amplifier le résultat, voire créer de faux
La principale méthode diagnostique est l’examen microscopi- positifs. L’utilisation d’allergènes recombinants devrait pallier ce
que optique avec des colorations particulières (trichrome modifié problème.
selon Weber) ou utilisation de fluorochromes. Il peut être Des tests multiallergéniques de dépistage détectent les IgE
complété par de la microscopie électronique ou des techniques de spécifiques dirigées contre des mélanges de pneumallergènes ou
détection antigénique. La méthode de détection par amplification de trophallergènes [25].
génique (PCR) est de loin la plus sensible et la plus spécifique, La recherche d’IgE spécifiques vis-à-vis d’un allergène donné
mais elle est réservée à des laboratoires spécialisés. est effectuée par une technique immunologique, le choix de
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Tableau 1.
Calcul du rapport R = immunoglobulines E (IgE) totales lacrymales
dosées/filtrées et interprétation du résultat.
Mode de calcul
Coefficient de filtration C = albumine lacrymale/albumine sérique
× 0,65
IgE lacrymales filtrées = IgE sériques × C
Rapport R = IgE totales lacrymales dosées/filtrées
Interprétation
IgE totales lacrymales < 0,15 kU/l Absence d’IgE détectables
R<2 Rapport non significatif
2<R<4 Rapport intermédiaire
R>4 Rapport en faveur d’une sécrétion
locale d’IgE
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kératoconjonctivite vernale, son taux est élevé, par déficit • marqueurs de remodelage tissulaire : métalloprotéinases 1 et
génétique en histaminase [44]. Il n’existe pas de corrélation entre 9 (MMP-1 et MMP-9) [56].
son taux dans les larmes et l’intensité des symptômes cliniques
(larmoiement, hyperémie, prurit).
Tryptase. Médiateur spécifique de l’activation des mastocytes, ■ Diagnostic biologique
elle est libérée dans la seule phase précoce et représente 20 % à
50 % des protéines mastocytaires. Son taux lacrymal est plus
d’une sécheresse oculaire
élevé chez les patients atteints de kératoconjonctivite vernale [45]. Le diagnostic de sécheresse oculaire est avant tout clinique.
Chymase. Médiateur spécifique de l’activation de certains Les examens biologiques permettent d’évaluer l’importance de
mastocytes (sous-type MCTC), son taux est élevé dans les larmes la souffrance tissulaire et d’orienter le diagnostic étiologique. Ils
des patients atteints de kératoconjonctivite vernale et atopique. trouvent tout leur intérêt dans les conjonctivites chroniques peu
Cette forte activité de la chymase est corrélée au degré de évocatrices de l’adulte au cours desquelles différents mécanismes
sévérité de la maladie dans les kératoconjonctivites vernales [46]. physiopathologiques sont impliqués, aboutissant à un cercle
Médiateurs synthétisés par les polynucléaires éosinophiles. vicieux.
L’infiltration et la dégranulation des polynucléaires éosinophiles
au cours de la réaction allergique entraînent la libération dans Examens locaux
les larmes de protéines cationiques cytotoxiques pour l’épithé-
lium cornéen et histaminolibératrices : eosinophil cationic protein Analyse biologique du film lacrymal
(ECP), eosinophil peroxydase (EPO), eosinophil-derived neurotoxin
Le prélèvement de larmes à la pipette peut s’avérer difficile en
(EDN), major basic protein (MBP).
cas de syndrome sec. Une stimulation peut être nécessaire, mais
L’ECP est un marqueur sensible d’activation éosinophilique.
elle risque de modifier les résultats avec, en particulier, une
Normalement, de 8 plus ou moins 2 µg/l, son taux sérique est
augmentation de la composante protéique d’origine plasmatique.
augmenté dans toutes les formes d’allergie conjonctivale en
Dans le syndrome de Sjögren, il n’est pas rare de ne pas obtenir
phase active (saisonnière, perannuelle et vernale) sauf dans la
de larmes malgré la stimulation. Le prélèvement constitue un
conjonctivite gigantopapillaire. Il est parfois le seul marqueur
facteur limitant de l’exploration biologique du film lacrymal
sérique positif chez les jeunes patients atteints de kératocon-
malgré le développement de techniques de plus en plus sensibles
jonctivite vernale sans manifestation allergique autre qu’ophtal-
et utilisant des volumes d’échantillons de plus en plus faibles.
mologique [29] . Son taux est également augmenté dans les Comme pour les IgE, le recueil des larmes sur des bandelettes de
larmes de ces formes d’allergie. Chez les patients atteints de type Schirmer ou des mini-éponges suivi de l’élution des compo-
kératoconjonctivite vernale, l’ECP lacrymal constitue un sants fixés est simple et pratique, mais l’approximation du
véritable marqueur d’activité de la maladie, car il est corrélé à volume prélevé et du degré d’élution permet difficilement de
la sévérité de l’atteinte cornéenne. quantifier de façon fiable des composants lacrymaux.
Cytokines [47-49]. Il s’agit de médiateurs peptidiques solubles
sécrétés par les cellules : interleukines, interférons, chémokines. Étude des protéines lacrymales
Ce sont les acteurs essentiels de la communication cellulaire. Les protéines lacrymales sont des marqueurs intéressants du
Leur activité est complexe et redondante, avec un spectre syndrome sec, car certaines comme les lipocalines, le lysozyme
d’action très large sur de nombreuses cellules cibles et un et la lactoferrine sont synthétisées par la glande lacrymale et
fonctionnement en réseau avec de très nombreuses intrications. reflètent son activité métabolique [57-59]. D’autres protéines, en
Le domaine des cytokines est organisé de manière très com- particulier l’albumine, ont une origine sérique, leur taux
plexe, son équilibre reste fragile et sa connaissance, encore très lacrymal étant le reflet de l’état de la barrière hématolacrymale.
parcellaire, est en constante évolution. Les techniques standards permettant leur étude comprennent le
Leur exploration est délicate dans les milieux biologiques, car dosage des protéines totales, l’électrophorèse des protéines et le
elles circulent à des concentrations très faibles et, comme pour dosage spécifique de certaines protéines [60] . Le volume de
les IgE, il doit exister une filtration à travers la barrière hémato- larmes nécessaire pour le dosage des protéines totales et
lacrymale. L’arrivée sur le marché d’appareils de type « multi- l’électrophorèse des protéines est faible (20 µl).
plex », permettant de quantifier sur un très petit volume Dosage des protéines totales. La technique au rouge de
d’échantillon (10 µl) plusieurs dizaines de cytokines, devrait pyrogallol utilisée pour le dosage des protéines du liquide
permettre le développement de ces dosages dans l’exploration céphalorachidien (LCR) a tendance à remplacer celle utilisant le
de la physiopathologie allergique. bleu de Coomassie. Les valeurs usuelles de 6 à 11 g/l sont plus
On peut distinguer par exemple : élevées chez l’enfant et le jeune adulte. Dans les syndromes secs
• les cytokines Th2 : IL-3, -4, -5, -10, -13 et GM-CSF que l’on par atteinte des glandes lacrymales, le taux de protéines totales
oppose classiquement aux cytokines Th1 : IL-2, -12, INF-c ; est théoriquement abaissé, mais, en cas d’inflammation associée,
• les récepteurs de cytokines qui constituent des marqueurs la baisse peut être masquée par les protéines d’origine sérique
fiables d’environnement Th1 ou Th2, comme le couple de libérées par rupture de la barrière hématolacrymale. Ce dosage ne
récepteurs aux chimiokines CCR4 (Th2) et CCR5 (Th1) [50] ; doit pas être interprété seul, mais avec le profil électrophorétique.
• les cytokines impliquées dans la prolifération, l’activation des Électrophorèse des protéines. La technique d’électrophorèse
mastocytes et la synthèse d’IgE : IL-3 et IL-4 ; standard utilise la migration des larmes centrifugées (5 µl) sur
• les cytokines jouant un rôle clé dans la prolifération, l’attrac- un gel d’agarose à pH alcalin (pH 9) sous l’effet d’un champ
tion et l’activation des polynucléaires éosinophiles : IL-5, électrique (Fig. 8). Elle permet l’évaluation semi-quantitative de
éotaxine [51, 52] et regulated on activation, normal T cell 70 % à 85 % des protéines lacrymales totales que représentent
expressed and secreted (RANTES) ; les lipocalines, la lactoferrine et le lysozyme.
• les cytokines pro-inflammatoires : tumor necrosis factor alpha Quatre fractions sont séparées, leur taux sont calculés en %
(TNF-a) [53], IL-1, etc. et en g/l (Fig. 9) et l’interprétation est effectuée à la fois
Autres marqueurs. De nombreux autres marqueurs sont qualitativement sur l’aspect du tracé et quantitativement par
accessibles au niveau lacrymal ou tissulaire où ils sont souvent rapport aux valeurs usuelles chez l’adulte (Tableau 2) :
retrouvés à des taux élevés, en particulier dans les kératocon- • la fraction 1 contient l’albumine, marqueur d’inflammation, et
jonctivites vernales et atopiques : les lipocalines dont le pic est parfois dédoublé (isoformes) qui
• antigène human leukocyte antigen (HLA) DR, marqueur non représentent les principales endonucléases du film lacrymal ;
spécifique d’inflammation [54] ; • la fraction 2, assez stable, comprend un ensemble hétérogène
• molécules d’adhésion : intercellular adhesion molecule (ICAM), et mal connu de protéines ;
vasculaire adhesion molecule (VCAM), endothelial adhesion • la fraction 3, assez hétérogène, contient essentiellement la
molecule (ECAM) [55] ; lactoferrine et les immunoglobulines ;
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Diagnostic biologique des conjonctivites ¶ 21-130-B-10
Tableau 2.
Valeurs usuelles des quatre principales fractions électrophorétiques des
protéines lacrymales chez l’adulte. Électrophorèse des protéines
lacrymales sur gel d’agarose pH 9.
Fractions % g/l
Fraction 1 : albumine + lipocalines 25-35 1,8-3,6
Fraction 2 : ensemble hétérogène 6-10 0,4-0,8
et mal connu de protéines
Fraction 3 : lactoferrine 28-42 2,0-3,8
+ immunoglobulines
Fraction 4 : lysozyme 20-30 1,4-2,8
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Tableau 3.
Classification des quatre stades de la cristallisation des larmes selon
Rolando.
Stade Aspect microscopique
1 Feuilles de fougères avec arborisations uniformes
et très rapprochées, sans espace entre les feuilles
2 Feuilles de fougères plus petites, moins ramifiées
avec apparition d’espaces vides entre les feuilles
3 Feuilles de fougère petites, incomplètement formées,
arborisations rares ou même absentes, cristallisation
différente, apparition de grands espaces libres
4 Aucune ou très rares cristallisations, présence de débris
et de structures amorphes
Test de cristallisation des larmes (« ferning test ») Figure 12. Prélèvement d’empreinte conjonctivale avec filtre Millipore®.
Ce test simple consiste à étudier sous un microscope
optique les motifs de cristallisation des mucines des larmes
après évaporation spontanée à température ambiante. Les
• polyéthersulfone (Supor 200®) pour cytométrie de flux ou
motifs ont l’aspect en feuilles de fougère et quatre types ont
immunomarquage.
été décrits (Tableau 3). Selon Rolando, 82,7 % des sujets
Le prélèvement, non invasif et non douloureux, est réalisé de
normaux cristallisent selon les types I et II alors que les formes
préférence sans anesthésie topique. Un demi-filtre est appliqué
III et IV sont observées chez 91,7 % des patients atteints de
côté mat sur la conjonctive bulbaire supérieure, laissé quelques
kératoconjonctivite sèche avec une forte corrélation avec le
secondes puis retiré avec une pince (Fig. 11, 12). Un larmoie-
break up time (BUT) (Fig. 10) [76]. Ils varient en fonction de la
ment excessif diminue la richesse du prélèvement. La mem-
concentration et de la qualité du mucus et de la concentration
brane est ensuite fixée dans du formol à 4 % ou 0,05 % selon
en électrolytes [77]. En routine, ce test reste peu pratiqué et des
le type et conservée à + 4 °C.
précautions techniques doivent être prises pour éviter des
erreurs d’interprétation. Étude cytologique
Empreinte conjonctivale Cette technique est réalisée en routine par certains
laboratoires.
L’empreinte conjonctivale constitue un moyen simple de L’empreinte est colorée, transparisée et montée entre lame et
recueillir les cellules des couches superficielles de la conjonctive lamelle. La coloration utilisant le crésyl violet présente l’avan-
au moyen d’un demi-disque de papier-filtre. tage de colorer à la fois les mucocytes et la chromatine des
Trois techniques sont utilisées pour les empreintes conjoncti- noyaux des cellules épithéliales, mais d’autres colorations sont
vales : l’étude cytologique standard, l’analyse immunocytologi- possibles (hématoxyline, Papanicolaou, MGG, Periodic Acid Schiff
que et la cytométrie en flux. [PAS], bleu alcian).
L’observation au microscope optique permet d’étudier :
Prélèvement
• l’organisation du tapis cellulaire : nappe, placards, éléments
Il existe deux types de supports de prélèvement selon la isolés ;
technique d’étude utilisée : • les signes de souffrance de l’épithélium conjonctival : aniso-
• acétate de cellulose pour cytologie standard (Biopore®) ; cytose, anisonucléose, parakératose, vacuolisation, cellules
12 Ophtalmologie
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Diagnostic biologique des conjonctivites ¶ 21-130-B-10
Figure 13. Cytologie d’empreinte conjonctivale colorée au violet de Figure 14. Cytologie d’empreinte conjonctivale colorée au violet
crésyl : aspect normal. de crésyl : aspect de parakératose, présence de cellules épithéliales pluri-
nucléées et à snake-like chromatine.
Tableau 4.
Classification des altérations de l’épithélium conjonctival sur empreinte
conjonctivale. Cytologie de l’empreinte conjonctivale sur filtre millipore.
Stades Classification des altérations de l’épithélium conjonctival
0 Normal
1 1 ou plusieurs anomalies cytologiques à un degré discret
à modéré
2 Au moins 2 anomalies à un grade « assez important »
avec possibilité de très rares « snake-like chromatin » (SNL) en
formation
3 Au moins 3 anomalies avec présence de SNL
en petite quantité.
3à5 Nombreuses anomalies cytologiques de grade
« assez important » à « important », parakératose et
fragmentation du noyau importantes et présence de SNL en
quantité « assez importante » à « importante ».
Ophtalmologie 13
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21-130-B-10 ¶ Diagnostic biologique des conjonctivites
Autres causes
Un diagnostic biologique peut orienter vers d’autres causes de
sécheresse oculaire par insuffisance de production lacrymale :
• dosages vitaminiques, en particulier vitamine A (carences) ;
• dosages hormonaux (dysfonctionnement ovarien) ;
• enzyme de conversion de l’angiotensine et bilan phosphocal-
cique (sarcoïdose) ;
• bilan du fer (hémochromatose) ;
• sérologie des hépatites C, du virus de l’immunodéficience
Figure 16. Cytologie d’empreinte conjonctivale colorée au violet de humaine (VIH), du human T-cell lymphoma virus (HTLV).
crésyl : aspect inflammatoire lymphocytaire.
■ Diagnostic biologique
Étude en cytométrie en flux des conjonctivites des blépharites
L’extraction des cellules de l’empreinte est effectuée manuelle- et de la rosacée oculaire
ment par agitation douce à l’aide d’une pipette. Après centrifu-
gation, les cellules conjonctivales sont ensuite marquées avec des Une conjonctivite accompagne souvent les blépharites
anticorps monoclonaux fluorescents et analysées en cytométrie chroniques diffuses qu’elles soient antérieures souvent associées
de flux. Cette technique, qui nécessite du matériel et une équipe à la dermite séborrhéique ou postérieures associées à la rosacée.
entraînée, représente une avancée majeure dans l’étude des Le diagnostic est, dans ces cas, essentiellement clinique.
mécanismes inflammatoires et immunitaires impliqués dans la En pratique courante, peu d’éléments biologiques sont
physiopathologie des syndromes secs oculaires. Il a été démontré, recherchés : une contamination bactérienne étant souvent
au cours des syndromes secs, une augmentation de marqueurs associée, un prélèvement du bord libre palpébral avec culture
biologiques d’inflammation au niveau de l’épithélium conjoncti- bactériologique peut objectiver la présence de Staphylococcus
val : surexpression de HLA DR (marqueur sensible d’inflammation aureus, Staphylococcus epidermidis, Propionibacterium acnes,
non spécifique) et également de molécules d’adhésion (ICAM1), Corynebacterium [88].
de médiateurs inflammatoires (IL-1a et b, 6, 8, TNF-a) et de Le rôle du Demodex folliculorum dans la rosacée oculaire est
métalloprotéinases (MMP-9) [82, 83] . Il existe également une discuté et, même s’il ne s’agit que d’un contaminant secondaire,
surexpression du récepteur aux chémokines CCR5, alors que le il convient de le traiter lorsque la prolifération est
récepteur CCR4 serait plutôt augmenté dans les conjonctivites importante [89-91].
allergiques. Le couple CCR5/CCR4 pourrait distinguer de façon La biopsie conjonctivale peut être utile en cas de suspicion
intéressante les réactions de mécanisme Th1 (CCR5) et Th2 d’une néoplasie sous-jacente. Elle montre un infiltrat de
(CCR4) [51]. Une diminution d’expression de la mucine MUC5AC lymphocytes avec un ratio CD4/CD8 anormalement élevé chez
traduit la souffrance des cellules à mucus [84]. les patients atteints de rosacée oculaire [92].
Par des techniques de recherche, il a été montré plusieurs
anomalies biologiques dans les blépharites et la rosacée oculaire :
Examens biologiques systémiques • anomalies des lipides meibomiens [93] ;
du syndrome sec • anomalies glucidiques et protéiques au niveau lacrymal [94, 95] ;
• au niveau de marqueurs de l’inflammation : surexpression de
HLA DR, d’ICAM1 et diminution de la mucine MUC5AC par
Syndrome de Gougerot-Sjögren des techniques fondées sur l’empreinte conjonctivale et la
Le syndrome de Gougerot-Sjögren primitif comporte des cytométrie de flux [96], élévation du taux lacrymal de MMP-
anomalies biologiques systémiques : 9 et TIMP-1 par techniques immunologiques [97].
• syndrome inflammatoire biologique (élévation de la vitesse
de sédimentation et de la CRP (C-reactive protein) ;
• présence spécifique d’anticorps antinucléaires anti-Ro (SS-A) ■ Diagnostic biologique
et anti-La (SS-B) ;
• présence non spécifique, mais évocatrice :
des conjonctivites fibrosantes
C d’un facteur rhumatoïde dans 30 % à 67 % des cas (test au Certaines étiologies de conjonctivite fibrosante sont de
latex, test de Waaler-Rose) ; diagnostic aisé, tel le trachome, le syndrome de Stevens-
C d’une hypergammaglobulinémie polyclonale dans 40 % à Johnson ou la maladie de Lyell. D’autres sont plus difficiles à
90 % des cas ; diagnostiquer comme certaines maladies bulleuses auto-
C d’une cryoglobulinémie qui doit faire rechercher un immunes sous-épidermiques de la peau et des muqueuses dont
syndrome lymphoprolifératif ou une hépatite C ; la conjonctive : la pemphigoïde cicatricielle ou pemphigoïde des
C d’anticorps antirécepteur muscarinique M3 [85] , membranes muqueuses (MMP) ou l’épidermolyse bulleuse
antifodrine [86]. acquise et la dermatose à IgA linéaire.
La biopsie des glandes salivaires accessoires confirme le Le syndrome de conjonctivite fibrosante est aspécifique et le
diagnostic en montrant une infiltration lymphocytaire associée diagnostic repose sur la détection et la caractérisation d’auto-
à une fibrose tissulaire (stade 3 ou 4 de la classification de anticorps circulants ainsi qu’au niveau de la membrane basale
Chisholm) [87]. conjonctivale [98].
14 Ophtalmologie
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Diagnostic biologique des conjonctivites ¶ 21-130-B-10
Immunofluorescence indirecte Cette technique est indiquée en cas de résultat négatif à l’IFI.
Elle nécessite un laboratoire d’anatomopathologie entraîné à la
La recherche des autoanticorps antimembrane basale dans le manipulation des biopsies conjonctivales qui sont de petite taille
sérum des patients par immunofluorescence indirecte (IFI) joue et fragiles. Les coupes sont analysées avec un conjugué polyspé-
un rôle de premier plan dans le diagnostic des maladies bulleuses cifique (anti-IgG+ A+ M), un anti-IgG, un anti-IgA et un anti-C3.
auto-immunes. Les sérums des patients atteints de ces pathologies Les autoanticorps antimembrane basale montrent un marquage
donnent un marquage linéaire de fluorescence de la membrane fluorescent linéaire continu homogène au niveau de la jonction
basale sur coupe de peau humaine. Cette technique est facile à dermoépidermique sans permettre de diagnostic différentiel entre
réaliser, mais manque de sensibilité (30 % de faux négatifs). Si la les diverses maladies bulleuses sous-épidermiques.
recherche est positive dans 60 % à 80 % des pemphigoïdes
bulleuses, elle est très inconstante dans les pemphigoïdes cicatri-
cielles et également positive chez 1 % des sujets normaux. Immunomicroscopie électronique
Recherche de la spécificité des auto-anticorps La localisation des autoantigènes reconnus par les autoanti-
corps peut être précisée par des techniques d’immunomicrosco-
Cette recherche, qui relève de laboratoires spécialisés, peut se pie électronique qui ne sont pas réalisées en routine. Elles
faire par immunoempreinte, technique Elisa ou blot. Elle permettent de voir précisément où se situe le dépôt à l’intérieur
permet de déterminer précisément les protéines cibles des même de la jonction et de différencier entre elles les pemphi-
autoanticorps [99] : goïdes des muqueuses.
• les anticorps anti-BPAg2, anti-intégrine a6b4 et antilaminine
5 dans la pemphigoïde cicatricielle ;
• les anticorps anti-collagène VII dans l’épidermolyse bulleuse
acquise ; ■ Conclusion
• les anticorps anti-BPAg2, BPAg1 et/ou collagène VII dans la
dermatose à IgA linéaire. Poser un diagnostic étiologique sur une atteinte conjoncti-
vale n’est pas toujours aisé, car il existe de nombreuses formes
Techniques d’immunomarquage direct dites « frontières » entre les conjonctivites allergiques chroni-
ques, les syndromes secs, certaines formes de rosacée et des
sur biopsie
pathologies iatrogènes au cours desquelles la symptomatolo-
Le diagnostic immunopathologique repose sur l’examen en gie clinique peut être trompeuse [100] . Seule une bonne
immunofluorescence directe (IFD) d’une biopsie de peau ou de connaissance de l’ensemble des mécanismes physiopathologi-
muqueuse. La biopsie conjonctivale est pratiquée après anesthé- ques intervenant dans la pathologie de la surface oculaire
sie locale par instillation de tétracaïne, puis injection sous- chez un patient permet une bonne prise en charge diagnos-
conjonctivale de Xylocaïne® dans la zone à biopsier (en général tique et thérapeutique. Le laboratoire peut, dans ces cas
temporale supérieure). Un fragment de conjonctive de 5 mm × complexes, participer efficacement au diagnostic étiologique
5 mm est prélevé en respectant la capsule de Tenon puis divisé par un choix d’examens biologiques appropriés au contexte
en autant de morceaux qu’il y a de techniques à réaliser, en plus clinique et pour lequel la collaboration clinicobiologique est
de l’étude histopathologique classique. essentielle (Fig. 17).
Conjonctivite aiguë
Si Si Si
Critères échec thérapeutique, épidémique, récidivante
décisionnels critères de gravité bilatérale
généraux ou locaux,
cas particuliers :
postopératoire,
monophtalme,
nouveau-né
A
Figure 17. Arbre décisionnel. Examens biologiques à prescrire en première intention. MST : maladie sexuellement transmissible ; IgE : immunoglobulines
E ; TPC : test de provocation conjonctivale ; SGS : syndrome de Goujerot-Sjögren ; PCR : polymerase chain reaction.
A. Au cours d’une conjonctivite aiguë.
Ophtalmologie 15
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21-130-B-10 ¶ Diagnostic biologique des conjonctivites
Conjonctivite chronique
Rechercher une
Poser atopie associée, Orienter Aider
Différencier
le diagnostic Rechercher une mettre en le diagnostic au diagnostic
et évaluer
étiologique contamination évidence une étiologique des maladies
Critères les composantes
pour microbienne sécrétion et évaluer bulleuses
décisionnels sécheresse/
un traitement souvent locale d'IgE et l'intensité auto-immunes
allergie/infection/
adapté associée identifier le(s) des troubles sous-
inflammation
et efficace responsable(s) locaux épidermiques
allergique(s)
B
Figure 17. (suite) Arbre décisionnel. Examens biologiques à prescrire en première intention. MST : maladie sexuellement transmissible ; IgE : immunoglo-
bulines E ; TPC : test de provocation conjonctivale ; SGS : syndrome de Goujerot-Sjögren ; PCR : polymerase chain reaction.
B. Au cours d’une conjonctivite chronique.
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Laboratoire, Centre hospitalier national d’ophtalmologie des Quinze-Vingts, 28, rue de Charenton, 75571 Paris cedex 12, France.
S. Doan.
Service d’ophtalmologie, Hôpital Bichat-Claude Bernard, 46, rue Henri-Huchard 75018 Paris, France.
F. Baudouin.
P. Goldschmidt.
C. Chaumeil.
Laboratoire, Centre hospitalier national d’ophtalmologie des Quinze-Vingts, 28, rue de Charenton, 75571 Paris cedex 12, France.
Toute référence à cet article doit porter la mention : Batellier L., Doan S., Baudouin F., Goldschmidt P., Chaumeil C. Diagnostic biologique des conjonctivites.
EMC (Elsevier Masson SAS, Paris), Ophtalmologie, 21-130-B-10, 2010.
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