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Table des matières

édition sba-medecine.com 11

livres gratuits 12

notre histoire 13

EMC - Neurologie

I - Génétique 14

Chapitre 01 - Aspects Génétiques Des Tumeurs Cérébrales Primitives De L’Adulte 15

Chapitre 02 - Aspects Génétiques Des Epilepsies 25

Chapitre 03 - Génétique Des Démences Dégénératives 39

Chapitre 04 - Bases Moléculaires De La Maladie De Parkinson 48

Chapitre 05 - Génétique Et Maladies De La Substance Blanche 57

Chapitre 06 - Génétique Des Maladies Du Motoneurone 65

Chapitre 07 - Génétique Et Maladies Musculaires 71

Chapitre 08 - Canaux Ioniques Dépendants Du Voltage Et Maladies


91
Neuromusculaires

II - Physiologie 110

Chapitre 09 - Fonctions Motrices 111

Chapitre 10 - Intolérance Musculaire A L’Effort 136

Chapitre 11 - Système Nerveux Autonome 146

Chapitre 12 - Olfaction Et Gustation 164

III - Sémiologie Générale 175

Chapitre 13 - Locomotion 176

Chapitre 14 - Mouvements Anormaux (Dystonie, Athétose, Chorée, Ballisme) 186

Chapitre 15 - Dysphonie Spasmodique 210

Chapitre 16 - Mouvements Anormaux Secondaires 221

Chapitre 17 - Myoclonies 237

Chapitre 18 - Syndrome Des Jambes Sans Repos 258

Chapitre 19 - Tremblements 279

Chapitre 20 - Vessies Neurologiques 296

Chapitre 21 - Ptôsis 318

Chapitre 22 - Diplopie 329

Chapitre 23 - Nystagmus 340

Chapitre 24 - Pathologie Pupillaire 352


Chapitre 25 - Oedème Papillaire Dans L’Hypertension Intracrânienne Idiopathique 375

Chapitre 26 - Vertige Positionnel Paroxystique Bénin 385

Chapitre 27 - Diagnostic D'Un Vertige En Pratique 401

Chapitre 28 - Agnosies Auditives Et Syndromes Voisins 414

Chapitre 29 - Apraxies 425

Chapitre 30 - Cognition Sociale 432

Chapitre 31 - Comas 439

Chapitre 32 - Syndrome Confusionnel 449

Chapitre 33 - Sémiologie Et Orientation Diagnostique Des Encéphalopathies De


458
L’Adulte

Chapitre 34 - Migraine 474

Chapitre 35 - Céphalées De L'Enfant 486

Chapitre 36 - Migraine Hémiplégique Familiale 494

Chapitre 37 - Céphalées Primaires Non Migraineuses 504

Chapitre 38 - Céphalées De Tension 517

Chapitre 39 - Syndrome De Vasoconstriction Cérébrale Réversible 523

Chapitre 40 - Algie Vasculaire De La Face 533

Chapitre 41 - Aspects Cliniques Et Thérapeutiques Des Névralgies Essentielles Du


541
Trijumeau

Chapitre 42 - Névralgie Du Trijumeau Et Neurochirurgie 562

Chapitre 43 - Hypotension Intracrânienne Spontanée 576

Chapitre 44 - Hypertension Intracrânienne 585

Chapitre 45 - Traitement Pharmacologique Des Douleurs Neuropathiques 599

Chapitre 46 - Aspects Du Sommeil Normal 609

Chapitre 47 - Insomnie 623

Chapitre 48 - Hypersomnies 632

Chapitre 49 - Troubles Du Rythme Circadien Veille Ou Sommeil 647

Chapitre 50 - Accidents Vasculaires Cérébraux Et Syndrome D’Apnées Du Sommeil 652

IV - Méthodes D'Examen 660

Chapitre 51 - Electromyogramme. Vitesses De Conduction Nerveuse 661

Chapitre 52 - Explorations Electrophysiologiques Périnéales 674

Chapitre 53 - Biopsie Du Nerf Périphérique 685

Chapitre 54 - Biopsie Musculaire 694

Chapitre 55 - Bases Neurophysiologiques De L'Electroencéphalographie Clinique Et


717
Principales Indications
Chapitre 56 - Potentiels Evoqués En Neurologie Réponses Normales 747

Chapitre 57 - Potentiels Evoqués En Neurologie Réponses Pathologiques Et


776
Indications

Chapitre 58 - Exploration Ultrasonore En Neurologie Vasculaire 801

Chapitre 59 - Stimulation Magnétique Et Electrique Du Cortex Cérébral 818

Chapitre 60 - Imagerie Par Résonance Magnétique Pratique A L’Usage Des


829
Neurologues

Chapitre 61 - Imagerie Cérébrale Par Tomographie D'Emission De Positons En


846
Neurologie

Chapitre 62 - Aspects Techniques Et Pratiques, Et Indications De La Tomographie 855

Chapitre 63 - Imagerie Médullorachidienne 872

Chapitre 64 - Aphasie 903

V - Grands Syndromes 938

Chapitre 65 - Syndrome Frontal 939

Chapitre 66 - Mémoire Et Ses Troubles 946

Chapitre 67 - Négligence Spatiale Unilatérale 961

Chapitre 68 - Hypertension Intracrânienne Idiopathique 975

VI - Affections De L'Encéphale 985

Chapitre 69 - Classification Des Epilepsies Actuelle Et Future 986

Chapitre 70 - Etiologies Des Epilepsies 993

Chapitre 71 - Epilepsie Et Photosensibilité 1003

Chapitre 72 - Epilepsies De L’Enfant 1013

Chapitre 73 - Epilepsies Généralisées 1026

Chapitre 74 - Epilepsies Partielles Symptomatiques 1039

Chapitre 75 - Epilepsie Chez Le Sujet Agé 1049

Chapitre 76 - Physiopathologie Des Crises D’Epilepsie 1063

Chapitre 77 - Imagerie Fonctionnelle Dans L’Epilepsie 1073

Chapitre 78 - Malformations Du Développement Cortical 1081

Chapitre 79 - Etats De Mal Epileptiques Diagnostic Et Traitement 1097

Chapitre 80 - Traitement Médical De L’Epilepsie De L'Adulte 1108

Chapitre 81 - Traitement Neurochirurgical De L’Epilepsie 1122

Chapitre 82 - Crises Non Epileptiques Psychogènes 1136

Chapitre 83 - Pharmacogénétique Des Médicaments Antiépileptiques 1148

Chapitre 84 - Grossesse Chez La Femme Epileptique 1159

Chapitre 85 - Sexualité Et Epilepsie 1165


Chapitre 86 - Aspects Médicolégaux Et Médicosociaux De L’Epilepsie 1168

Chapitre 87 - Pression Artérielle Et Cerveau 1181

Chapitre 88 - Physiopathologie De L'Ischémie Cérébrale 1194

Chapitre 89 - Epidémiologie Des Accidents Vasculaires Cérébraux 1206

Chapitre 90 - Accident Ischémique Cérébral Et Rétinien Transitoire 1222

Chapitre 91 - Prévention Des Accidents Vasculaires Cérébraux 1234

Chapitre 92 - Lacunes Et Syndromes Lacunaires 1254

Chapitre 93 - Hématomes Intracérébraux Spontanés 1264

Chapitre 94 - Vascularites Du Système Nerveux Central 1274

Chapitre 95 - Angiopathies Cérébrales Toxiques 1299

Chapitre 96 - Angiopathies Amyloïdes Cérébrales 1308

Chapitre 97 - Dissection Des Artères Carotides Et Vertébrales Extracrâniennes 1315

Chapitre 98 - Cadasil 1328

Chapitre 99 - Accidents Ischémiques Cérébraux Du Sujet Jeune 1341

Chapitre 100 - Affections Hématologiques Et Accidents Vasculaires Cérébraux 1353

Chapitre 101 - Prise En Charge De L'Infarctus Cérébral Aigu 1360

Chapitre 102 - Microsaignements Intracérébraux 1383

Chapitre 103 - Causes Cardiaques D’Embolie Cérébrale 1388

Chapitre 104 - Thromboses Veineuses Cérébrales 1411

Chapitre 105 - Accidents Vasculaires Cérébraux Chez La Femme 1425

Chapitre 106 - Pathologie Vasculaire Cérébrale De La Grossesse Et Du


1437
Post-Partum

Chapitre 107 - Rééducation Après Accident Vasculaire Cérébral 1448

Chapitre 108 - Traitements De La Spasticité 1458

Chapitre 109 - Manifestations Neurologiques Liées Au Virus HTLV-1 1469

Chapitre 110 - Encéphalites Infectieuses 1483

Chapitre 111 - Manifestations Neurologiques Centrales Associées A L’Infection


1502
VIH-1

Chapitre 112 - Borréliose De Lyme Et Neuroborréliose 1518

Chapitre 113 - Tuberculose Du Système Nerveux Central 1532

Chapitre 114 - Neurosyphilis 1547

Chapitre 115 - Principales Echelles Cognitives Globales Utilisables Par Le


1554
Neurologue Démences

Chapitre 116 - Principales Echelles De Mémoire Utilisables Par Le Neurologue


1561
Démences
Chapitre 117 - Diagnostiquer La Maladie D'Alzheimer 1568

Chapitre 118 - Prise En Charge De La Maladie D'Alzheimer Et Des Maladies


1582
Apparentées

Chapitre 119 - Démences Frontotemporales 1594

Chapitre 120 - Atrophie Corticale Postérieure 1608

Chapitre 121 - Maladie A Corps De Lewy 1614

Chapitre 122 - Troubles Cognitifs D'Origine Vasculaire 1622

Chapitre 123 - Atrophies Focales 1634

Chapitre 124 - Maladies A Prions Ou Encéphalopathies Spongiformes


1648
Transmissibles

Chapitre 125 - Tics Et Syndrome De Gilles De La Tourette 1669

Chapitre 126 - Maladie De Huntington 1678

Chapitre 127 - Encéphalites Limbiques 1691

Chapitre 128 - Maladie De Wilson 1704

Chapitre 129 - Maladie De Parkinson Idiopathique 1718

Chapitre 130 - Stimulation Cérébrale Et Maladie De Parkinson 1748

Chapitre 131 - Hallucinations Et Maladie De Parkinson 1763

Chapitre 132 - Traitement Chirurgical De La Maladie De Parkinson 1769

Chapitre 133 - Dépression Et Maladie De Parkinson 1783

Chapitre 134 - Critères Cliniques De Diagnostic Des Dégénérescences


1798
Coricobasales

Chapitre 135 - Paralysie Supranucléaire Progressive (Maladie De


1804
Steele-Richardson-Olszewski)

Chapitre 136 - Atrophie Multisystématisée 1815

Chapitre 137 - Atrophies (Dégénérescences) Cérébelleuses Tardives 1828

Chapitre 138 - Ataxies Episodiques 1857

Chapitre 139 - Choréoathétoses Paroxystiques 1862

Chapitre 140 - Encéphalomyélite Aiguë Disséminée 1867

Chapitre 141 - Neuromyélite Optique Aiguë (Maladie De Devic) 1880

Chapitre 142 - Aspects Cliniques, Physiopathologiques, Et Thérapeutiques De La


1894
Sclérose En Plaques

Chapitre 143 - Leucoencéphalite Multifocale Progressive 1921

Chapitre 144 - Leucodystrophies De L'Adulte 1930

Chapitre 145 - Encéphalopathies Métaboliques Et Toxiques Non Médicamenteuses 1938

VII - Affections De La Moelle 1950

Chapitre 146 - Malformations Vasculaires Vertébromédullaires 1951


Chapitre 147 - Myélopathies Aiguës 1972

Chapitre 148 - Infarctus Médullaires 1985

Chapitre 149 - Paraplégies Spastiques Héréditaires 1994

Chapitre 150 - Malformations De La Charnière Craniocervicale Et Syringomyélies 2008

Chapitre 151 - Sclérose Latérale Amyotrophique 2024

VIII - Affections Des Nerfs 2039

Chapitre 152 - Neuropathies Périphériques Généralités 2040

Chapitre 153 - Atteintes Isolées Des Nerfs Crâniens 2045

Chapitre 154 - Atteintes Multiples Des Nerfs Crâniens 2056

Chapitre 155 - Syndrome De Guillain-Barré 2070

Chapitre 156 - Polyradiculonévrites Chroniques 2076

Chapitre 157 - Polyneuropathies Périphériques 2082

Chapitre 158 - Introduction Sur Les Aspects Génétiques Des Neuropathies 2102

Chapitre 159 - Neuropathies Motrices Multifocales Avec Bloc De Conduction 2113

Chapitre 160 - Neuropathies Périphériques Au Cours Des Dysglobulinémies 2123

Chapitre 161 - Neuropathies Périphériques Au Cours De L’Infection Par Le VIH 2137

Chapitre 162 - Neuropathies Périphériques Et Cancers Solides 2143

Chapitre 163 - Neuropathies Des Vascularites 2154

Chapitre 164 - Neuropathies Chez Les Diabétiques 2161

Chapitre 165 - Neuropathies Des Hypoglycémies 2171

Chapitre 166 - Neuropathies Amyloïdes Familiales 2174

Chapitre 167 - Neuropathies Toxiques 2186

Chapitre 168 - Neuropathies Sensitives 2195

Chapitre 169 - Syndromes Canalaires Des Membres 2202

Chapitre 170 - Neuropathies Héréditaires Sensibles A La Pression (Neuropathie


2210
Tomaculaire Ou Allantoïdienne)

Chapitre 171 - Tumeurs Du Système Nerveux Périphérique 2217

IX - Affections Des Méninges 2228

Chapitre 172 - Hémorragies Sous-Arachnoïdiennes Non Traumatiques 2229

Chapitre 173 - Hydrocéphalie Chronique De L’Adulte (Hydrocéphalie A Pression


2243
Normale)

Chapitre 174 - Méningites Aiguës 2254

Chapitre 175 - Méningites Chroniques 2265

Chapitre 176 - Hydrocéphalies De L'Enfant Et De L'Adulte 2287


X - Affections Diverses 2301

Chapitre 177 - Complications Neurologiques De La Radiothérapie 2302

Chapitre 178 - Effets Indésirables Des Biothérapies Dans La Sclérose En Plaques 2317

Chapitre 179 - Syndromes Neurologiques Paranéoplasiques 2327

Chapitre 180 - Approche Diagnostique Des Cytopathies Mitochondriales De L'Enfant 2339

Chapitre 181 - Neurosarcoïdoses 2347

Chapitre 182 - Manifestations Neurologiques De La Maladie De Behçet 2362

Chapitre 183 - Manifestations Neurologiques De La Maladie De Whipple 2371

Chapitre 184 - Neurofibromatose 1 Et Formes Variantes 2379

Chapitre 185 - Neurofibromatose De Type 2 2387

XI - Affections Médicales Des Muscles 2398

Chapitre 186 - Introduction Aux Affections Musculaires 2399

Chapitre 187 - Myasthénies Et Syndromes Myasthéniques 2413

Chapitre 188 - Myopathies Congénitales Myopathies Structurales 2433

Chapitre 189 - Dystrophies Musculaires Congénitales 2443

Chapitre 190 - Dystrophie Musculaire Facio-Scapulo-Humérale 2459

Chapitre 191 - Dystrophies Musculaires Liées Au Gène DMD 2470

Chapitre 192 - Myopathies Des Ceintures 2485

Chapitre 193 - Myopathies Distales 2500

Chapitre 194 - Dystrophie Musculaire Oculopharyngée 2515

Chapitre 195 - Maladie De Steinert 2527

Chapitre 196 - Myotonies Non Dystrophiques 2533

Chapitre 197 - Myopathies Métaboliques 2540

Chapitre 198 - Neurotoxicité Des Substances Naturelles 2553

Chapitre 199 - Myopathies Inflammatoires 2561

Chapitre 200 - Myosites A Inclusions 2584

Chapitre 201 - Rhabdomyolyses 2592

XII - Néoformations Intracraniennes 2600

Chapitre 202 - Tumeurs Du Système Nerveux Central 2601

Chapitre 203 - Imagerie Métabolique Et Fonctionnelle In Vivo Des Tumeurs


2610
Cérébrales

Chapitre 204 - Examens Cytologique Des Tumeurs Du Système Nerveux Central 2620

Chapitre 205 - Gliomes De Grade II 2648

Chapitre 206 - Gliome De Haut Grade 2659


Chapitre 207 - Oligodendrogliomes 2669

Chapitre 208 - Ependymomes Intracrâniens De L'Adulte 2682

Chapitre 209 - Tumeurs Cérébrales Et Grossesse 2688

Chapitre 210 - Radiothérapie Des Tumeurs Cérébrales Primitives De L'Adulte 2696

Chapitre 211 - Radiochirurgie Et Radiothérapie Stéréotaxique Des Tumeurs


2708
Cérébrales

Chapitre 212 - Thérapies Moléculaires Ciblées Dans Le Traitement


2715
DesGglioblastomes

Chapitre 213 - Tumeurs Intraventriculaires 2728

Chapitre 214 - Neurinomes Intracrâniens 2774

Chapitre 215 - Méningiomes Intracrâniens 2787

Chapitre 216 - Métastases Cérébrales 2813

Chapitre 217 - Adénomes Hypophysaires 2836

Chapitre 218 - Médulloblastomes 2846

Chapitre 219 - Lymphomes Intracrâniens Du Sujet Immunocompétent 2861

Chapitre 220 - Traitement Des Lymphomes Cérébraux Primitifs 2875

Chapitre 221 - Tumeurs Du Tronc Cérébral 2884

Chapitre 222 - Tumeurs Rachidiennes Et Intrarachidiennes 2898

Chapitre 223 - Tumeurs De La Région Pinéale 2920

Chapitre 224 - Chirurgie Endoscopique De L'Hypophyse Et De La Base Du Crâne 2937

XIII - Malformations Vasculaires Et Leurs Traitement 2957

Chapitre 225 - Abcès Cérébraux 2958

Chapitre 226 - Anévrismes Artériels Intracrâniens 2964

Chapitre 227 - Fistules Artérioveineuses Durales Intracraniennes 2984

Chapitre 228 - Fistules Artérioveineuses Durales Rachidiennes 2993

Chapitre 229 - Cavernomes Du Système Nerveux Central 2997

Chapitre 230 - Formes Familiales De Cavernomes Cérébraux 3004

XIV - Traumatismes Craniocérébraux 3011

Chapitre 231 - Traumatismes Cranioencéphaliques 3012

Chapitre 232 - Hématomes Intracrâniens Post-Traumatiques En Phase Aiguë 3025

Chapitre 233 - Hématome Sous-Dural Chronique De L’Adulte 3042

Chapitre 234 - Traumatismes De La Moelle Spinale 3051

XV - Compressions Médullaires Et Radiculaires 3066

Chapitre 235 - Compression Médullaire Lente 3067


Chapitre 236 - Myélopathies Cervicales 3078

XVI - Neurochirurgie Fonctionnelle 3092

Chapitre 237 - Neurochirurgie De La Douleur 3093

XVII - Annexe Thérapeutiques 3118

Chapitre 238 - Guide De Thérapeutique 3119

Chapitre 239 - Interactions Médicamenteuses 2016 3262

Chapitre 240 - Vidal Recos 2016 3310

Accident Ischémique Transitoire 3310

AINS (Traitement Par) 3314

Alzheimer (Maladie D') 3325

Apnées Obstructives Du Sommeil (Syndrome D') 3331

Confusion Aiguë 3335

Convulsion Fébrile 3340

Crise Convulsive De L'Adulte 3344

Douleur De L'Adulte 3350

Douleur De L'Enfant 3371

Epilepsie De L'Adulte 3384

Epilepsie De L'Enfant 3394

Infarctus Cérébral 3406

Méningite Aiguë De L'Adulte 3412

Méningite De L'Enfant 3421

Migraine 3429

Narcolepsie Et Hypersomnie Idiopathique 3439

Parkinson (Maladie De) 3444

Sclérose En Plaques 3452

Spasticité 3463

Syncope 3470

Vertiges 3475

Mise à jour IV 2017 3480

Syndrome pariéto-occipital.pdf 3552

Ataxies épisodiques.pdf 3480

Exploration ultrasonore en neurologie vasculaire.pdf 3487

Mémoire et ses troubles.pdf 3504


Encéphalomyélite aiguë disséminée.pdf 3518

Syndromes canalaires des membres.pdf 3531

Grossesse et gliomes diffus de bas grade.pdf 3544

Mise à jour I 2019 3559

Gliomes du tronc cérébral de l'adulte.pdf 3559

Hydrocéphalie chronique de l'adulte.pdf 3572

Maladie de Parkinson et dépression.pdf 3589

Aphasie primaire progressive.pdf 3602

Malformations du développement cortical.pdf 3615

Mise à jour I 2020 3632

Céphalées de tension 3632

Encéphalites auto-immunes 3638

Tumeurs de la région pinéale 3654

Formes atypiques de sclérose en plaques et maladies inflammatoires


3670
démyélinisantes

Traitement médical de l’épilepsie de l’adulte 3680

Hypertension intracrânienne idiopathique 3697

Neuropathies optiques ischémiques 3707

Mise à jour III 2020 3716

1 diagnostic d'un vertige en pratique.pdf 3716

2 ponction lombaire.pdf 3729

3 Biopsie du nerf périphérique.pdf 3741

4 Biopsie du nerf périphérique.pdf 3752

5 Rééducation de la sclérose en plaques.pdf 3764

6 Néoformations intracrâniennes gliomes de grade II.pdf 3770


I - Génétique
¶ 17-001-A-10

Aspects génétiques des tumeurs


cérébrales primitives de l’adulte
A. Idbaih, K. Hoang-Xuan, D. Psimaras, M. Sanson, J.-Y. Delattre

Les tumeurs cérébrales primitives de l’adulte constituent un groupe de tumeurs solides très hétérogène sur
le plan clinique. Dans la majorité des cas, leur génétique est complexe avec de nombreux remaniements
chromosomiques. Les études génétiques menées ces dernières années, principalement dans les gliomes
diffus, ont permis de révéler, en partie, la signification clinique et biologique de ces altérations
moléculaires non aléatoires. En effet, la délétion combinée des bras chromosomiques 1p et 19q, reflet
d’une translocation déséquilibrée t(1 ; 19) (q10 ; p10), est associée au phénotype oligodendroglial, à un
meilleur pronostic et à une meilleure chimiosensibilité dans les tumeurs cérébrales primitives de l’adulte.
Au contraire, l’amplification du gène du récepteur au facteur de croissance épithélial (EGFR),
parfaitement exclusive de la t(1 ; 19) (q10 ; p10), est associée au phénotype astrocytaire, à un pronostic
sombre et à une activation de plusieurs voies de signalisation intracellulaires impliquées dans la
prolifération cellulaire et le processus tumoral. Ces biomarqueurs, entre autres, mis en évidence par la
biologie moléculaire permettent d’établir une classification histomoléculaire diagnostique et pronostique
des tumeurs cérébrales utilisable en pratique clinique, de rationaliser la prescription des traitements
antitumoraux conventionnels et de guider le développement de nouvelles stratégies thérapeutiques
moléculaires ciblées.
© 2009 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Génétique ; Tumeur cérébrale primitive ; Biomarqueurs ;


Récepteur au facteur de croissance épithélial ; Gliome diffus

Plan • les tumeurs hématopoïétiques ;


• les tumeurs germinales ;
¶ Introduction 1 • les tumeurs de la région sellaire.
¶ Génétique des tumeurs neuroépithéliales 2 Ces cinq principaux types tumoraux sont eux-mêmes subdi-
Astrocytomes de grade I et tumeurs gliales diffuses 2 visés en plusieurs sous-types histologiques [1, 2] (Tableau 1).
Épendymomes 4 Sur le plan thérapeutique, la prise en charge médicale des
Tumeurs du parenchyme pinéal 5 patients atteints de tumeur cérébrale primitive est variable allant
Médulloblastomes 5 de la simple surveillance pour les tumeurs lentement évolutives
Tumeurs tératoïdes rhabdoïdes atypiques 5 (e.g. méningiome de grade I) à un traitement très agressif
¶ Génétique des tumeurs non neuroépithéliales 5 combinant chirurgie d’exérèse maximale, chimiothérapie
Méningiomes 5 (cytotoxique et/ou moléculaire ciblée) et/ou radiothérapie (e.g.
Lymphomes cérébraux primitifs du sujet immunocompétent 5 astrocytome de grade IV). Le pronostic est également très
¶ Génétique des tumeurs cérébrales survenant dans un contexte variable entre les cinq principaux sous-types mais également au
de prédisposition héréditaire au cancer 6 sein d’un même sous-type histologique.
¶ Conclusion 6 Actuellement les bases du diagnostic et du traitement des
tumeurs cérébrales reposent sur leurs caractéristiques histologi-
ques. Cependant, ces données sont parfois insuffisantes pour
apprécier a priori leur pronostic et leur réponse aux traitements
■ Introduction antitumoraux [3-7]. Certaines données moléculaires, notamment
génétiques, prédictives du comportement clinique des tumeurs
Les tumeurs primitives du système nerveux central (SNC) de
cérébrales, prennent une place grandissante dans les discussions
l’adulte, dont on dénombre environ 10 000 nouveaux cas par
diagnostique et thérapeutique en neuro-oncologie. Incontesta-
an en France, sont classées en plusieurs sous-types neuropatho-
blement, elles deviendront, dans un avenir proche, indispensa-
logiques principalement selon leur localisation, leur degré de
différenciation, leur phénotype et la possible origine embryon- bles dans la prise en charge médicale des patients atteints de
naire de la cellule dont elles dérivent. Ainsi l’Organisation tumeurs cérébrales.
mondiale de la santé (OMS) individualise cinq principaux types Les tumeurs cérébrales primitives de l’adulte sont des tumeurs
de tumeurs cérébrales primitives chez l’adulte : sporadiques à génétique complexe dans la très grande majorité
• les tumeurs neuroépithéliales ; des cas (95 %). Environ 5 % surviennent dans un contexte
• les tumeurs méningées ; familial ou dans un syndrome de prédisposition au cancer.

Neurologie 1
17-001-A-10 ¶ Aspects génétiques des tumeurs cérébrales primitives de l’adulte

Tableau 1. revanche, dans le tiers des cas restant, des gains de chromoso-
Classification neuropathologique simplifiée des tumeurs cérébrales mes entiers sont observés. Ces gains chromosomiques concer-
primitives du système nerveux central chez l’adulte [1, 2]. nent principalement les chromosomes 5 et 7 et sont surtout
Tumeurs neuroépithéliales observés chez les adultes et les adolescents âgés de plus de
15 ans [9] (Fig. 1A). Ce résultat suggère une oncogénétique
Tumeurs gliales
différente entre les astrocytomes de grade I pédiatriques et ceux
- tumeurs astrocytaires
de l’adulte.
- tumeurs oligodendrocytaires
- tumeurs oligoastrocytaires ou mixtes Astrocytomes de grade II
Tumeurs épendymocytaires
La mutation du gène TP53 localisé sur le chromosome 17 en
Tumeurs des plexus choroïdes
position p13.1 est l’altération génétique la plus caractéristique
Tumeurs embryonnaires
des astrocytomes de grade II [10] . Elle est observée dans la
Tumeurs neuronales et glioneuronales majorité des cas (environ 60 %). Le gène TP53 est un gène
Tumeurs de la région épiphysaire suppresseur de tumeur qui code la protéine p53 (« le gardien du
Tumeurs neuroépithéliales autres génome ») impliquée dans la régulation du cycle cellulaire. La
Tumeurs non neuroépithéliales trisomie du chromosome 7 est également récurrente, rapportée
dans plus de la moitié des astrocytomes de grade II [11-13]. La
Tumeurs méningées
signature génétique actuelle des astrocytomes de grade II est
Cancers hématopoïétiques
donc la combinatoire génétique trisomie 7 et mutation de TP53
- lymphomes malins du système nerveux central (Fig. 1B).
- cancers hématopoïétiques autres
Tumeurs germinales Astrocytomes de grade III
Tumeurs de la région sellaire
Les astrocytomes de grade III sont des tumeurs relativement
rares (Tableau 2) et peu caractérisées de manière exhaustive sur
le plan génétique [11, 12, 14]. Cependant le gain du bras chromo-
■ Génétique des tumeurs somique 7q, la perte des bras chromosomiques 9p, 4q, 10q et
11p et la mutation du gène TP53 sont les altérations génétiques
neuroépithéliales les plus fréquentes dans les cas rapportés. La fréquence de
l’amplification du gène codant le récepteur au facteur de
croissance épithélial (EGFR) est discutée dans les astrocytomes
Astrocytomes de grade I et tumeurs gliales grade III et se situe probablement entre 5 et 20 %. Dans les
diffuses astrocytomes de grade III, l’amplification du gène EGFR a un
mauvais pronostic [15-20]. Ainsi, la signature génomique des
Les tumeurs gliales diffuses, ou gliomes diffus, sont les
astrocytomes de grade III paraît hétérogène ; certaines tumeurs
tumeurs cérébrales primitives les plus fréquentes chez l’adulte,
sont proches des astrocytomes de grade II sur le plan génétique
représentant environ 50 % de l’ensemble des tumeurs primitives
alors que d’autres présentent les mêmes altérations que celles
du SNC chez l’adulte. Elles sont classées par l’OMS selon leur
observées dans les astrocytomes de grade IV.
phénotype (astrocytaire, oligodendrocytaire ou oligoastrocytaire/
mixte) et leur grade de malignité (grade II à IV) distinguant Astrocytomes de grade IV ou glioblastomes multiformes
ainsi sept principaux types de gliomes diffus. Leur nosologie,
leur épidémiologie et leur pronostic sont synthétisés dans le Les glioblastomes multiformes ou astrocytomes de grade IV
Tableau 2 [2, 8]. Les astrocytomes de grade I ne font pas partie sont les tumeurs gliales les plus fréquentes chez l’adulte
des gliomes diffus mais compte tenu de leur phénotype glial (Tableau 2) et les plus agressives avec une médiane de survie
astrocytaire, ils sont traités ici. globale inférieure à 24 mois [21, 22].
Au sein des glioblastomes, deux entités sont individualisées
Tumeurs astrocytaires sur le plan de l’histoire naturelle :
• les glioblastomes primitifs, primaires ou de novo d’une part ;
Astrocytomes de grade I • les glioblastomes secondaires d’autre part.
Les astrocytomes de grade I ont été peu étudiés sur le plan Les premiers, représentant 90 % de l’ensemble des glioblasto-
génétique ; néanmoins quelques données commencent à être mes, surviennent d’emblée, au cours de la seconde partie de la
rapportées. Dans environ deux tiers des cas, le génome des vie avec un âge médian de survenue aux alentours de 60 ans.
astrocytomes pilocytiques est parfaitement équilibré, dépourvu Les glioblastomes secondaires sont, quant à eux, plus rares. Ils
de toute anomalie génétique quantitative déséquilibrée. En représentent 10 % des glioblastomes et touchent plus volontiers

Tableau 2.
Classification neuropathologique simplifiée, épidémiologie et pronostic des gliomes diffus de l’adulte* [2, 8].

Phénotype Grade de malignité Nom Fréquence** au sein Pronostic et survie


des gliomes globale moyenne**
Astrocytome (A) Grade I A grade I ou pilocytique ~5% Très prolongée
Grade II A grade II ~5% ~ 7 ans
Grade III A grade III ~5% ~ 4 ans
Grade IV A grade IV ou glioblastome ~ 50 % ~ 1,5 ans
Oligoastrocytome ou gliome Grade II M grade II ~5% ~ 9 ans
mixte (M) Grade III M grade III ~ 10 % ~ 5 ans
Oligodendrogliome (O) Grade II O grade II ~ 10 % ~ 14 ans
Grade III O grade III ~ 10 % ~ 6 ans
*Les astrocytomes pilocytiques ne font pas partie des gliomes diffus mais compte tenu de leur phénotype astrocytaire, ils sont traités avec les astrocytomes diffus (grades II à IV).
** : chiffres approximatifs donnés à titre indicatif.

2 Neurologie
Aspects génétiques des tumeurs cérébrales primitives de l’adulte ¶ 17-001-A-10

3,0 3,0
2,7 2,7
2,4 2,4
2,1 2,1
1,8 1,8
1,5 1,5
1,2 1,2
0,9 0,9
0,6 0,6
0,3 0,3
0,0 0,0
1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 202122 X Y 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19202122 X Y

A B
3,1
3,0
2,8
2,7
2,5
2,4
2,2
2,1
1,9
1,8
1,6
1,5
1,3
1,2
1,0
0,9
0,7
0,6
0,4
0,3
0,1
1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19202122 X Y 0,0
1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 1819 202122 X Y

C D
3,0 3,0
2,7 2,7
2,4 2,4
2,1 2,1
1,8 1,8
1,5 1,5
1,2 1,2
0,9 0,9
0,6 0,6
0,3 0,3
0,0 0,0
1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 1819 202122 X Y 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 1819 202122 X Y

E F
2,8 2,8

2,5 2,5
2,2 2,2
1,9 1,9
1,6 1,6
1,3 1,3

1,0 1,0
0,7 0,7

0,4 0,4
0,1 0,1

1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 1819 202122 X Y 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 1819 202122 X Y

G H
Figure 1. Profils génomiques observés dans les astrocytomes pilocytiques et les gliomes diffus de l’adulte et obtenus par une hybridation génomique
comparative sur puce à acide désoxyribonucléique (ADN). L’axe des abscisses indique le génome du télomère du bras chromosomique 1p au télomère du bras
chromosomique Yq. L’axe des ordonnées représente le nombre de copie relatif d’un locus dans le génome tumoral par rapport au génome normal
parfaitement diploïde. Chaque point correspond à un locus. La technique utilisée dans les cas présentés analyse environ 3 500 loci permettant d’étudier
le génome tumoral avec une résolution de l’ordre de 1 mégabase. Le code couleur indique : en bleu, les loci normaux équilibrés ; en rouge, les loci gagnés ou
amplifiés et en vert les loci perdus ou délétés.
A. Profil génomique caractéristique d’un astrocytome de grade I, chez un patient adulte, avec les gains des chromosomes 5 et 7. Par ailleurs, ce cas présente
d’autres altérations chromosomiques moins récurrentes dans les astrocytomes de grade I de l’adulte (les gains des chromosomes 9, 12, 17 et 21).
B. Profil génomique caractéristique d’un astrocytome de grade II, chez un patient adulte, avec le gain (trisomie) du chromosome 7. De plus, ce cas présente
d’autres altérations chromosomiques moins récurrentes dans les astrocytomes de grade II de l’adulte (les gains partiels des chromosomes 3, 8, 16 et 17 ainsi
que la perte partielle du chromosome 10).
C. Profil génomique caractéristique d’un glioblastome de novo, avec une amplification du locus de l’EGFR, un gain du chromosome 7, une perte du bras
chromosomique 9p et du chromosome 10. Ce cas présente également une perte des chromosomes 13, 15, 18 et 21 ainsi qu’un gain du chromosome 20.
D. Profil génomique caractéristique d’un glioblastome secondaire, avec un gain du chromosome 7, une perte des chromosomes 9 et 10. Par ailleurs, ce cas
présente principalement un gain des chromosomes 17 et 19 et une perte des chromosomes 6, 14 et 22.
E. Profil génomique caractéristique d’un oligodendrogliome de grade II, avec une délétion combinée des bras chromosomiques 1p et 19q.
F. Profil génomique caractéristique d’un oligodendrogliome de grade III, avec une délétion des bras chromosomiques 1p, 19q, 9p, 10p et 10q. Ce cas présente
aussi une perte partielle du chromosome 15.
G. Profil génomique caractéristique d’un oligoastrocytome de grade II, avec une délétion des bras chromosomiques 1p, 19q et un gain du chromosome 7.
La signification des altérations additionnelles (perte des chromosomes 3 et 18, gain du chromosome 8) n’est pas élucidée.
H. Profil génomique caractéristique d’un oligoastrocytome de grade III, avec une délétion complète des bras chromosomiques 1p et 19q, une délétion partielle
des chromosomes 9p, 10p et 10q et un gain du chromosome 7. De nombreuses altérations génomiques additionnelles de signification indéterminée sont
également observées.

des sujets plus jeunes. Ils surviennent sur une lésion gliale à une mutation de la région génique codant le domaine
préexistante de plus bas grade de malignité (grade I à III) qui a extracellulaire du récepteur dans respectivement 40 %, 20 % et
dégénéré vers un astrocytome de grade IV. À ces deux entités 10 % des cas [23] . Ces altérations génétiques sont souvent
cliniques évolutives correspondent deux entités génétiques. associées entre elles. Les mutations du gène suppresseur de
En effet, les glioblastomes de novo présentent des altérations tumeur, PTEN (Phosphatase and TENsin homolog), localisé sur le
multiples du gène EGFR. Ces altérations correspondent à une chromosome 10, sont également plus fréquemment observées
amplification génique, à une délétion génique des exons 2 à dans les glioblastomes de novo, dans un tiers des cas. Les
7 codant un récepteur tronqué constitutionnellement actif et/ou altérations activatrices de l’EGFR (mutation, amplification,

Neurologie 3
17-001-A-10 ¶ Aspects génétiques des tumeurs cérébrales primitives de l’adulte

EGF EGFR

Membrane cellulaire
PTEN

PI3K
EGFR CDKN2A

AKT PTEN
Membrane nucléaire

TP53
Cytoplasme
Facteurs de transcription

ADN

Prolifération
Angiogenèse
Migration
Survie Figure 3. Synthèse des altérations les plus fréquemment observées
Figure 2. Les altérations moléculaires activatrices (mutation, amplifica- dans les gliomes diffus de l’adulte. Les encadrés vert et rouge indiquent
tion et/ou délétion) du récepteur au facteur de croissance épithélial respectivement les régions chromosomiques perdues et gagnées de ma-
(EGFR) entraînent l’activation de la voie de signalisation intracellulaire nière récurrente dans les gliomes diffus de l’adulte. Les points à droite des
PI3K/AKT (schéma simplifié). EGF : epidermal growth factor ; EGFR : epider- chromosomes indiquent les gènes altérés de manière récurrente dans les
mal growth factor receptor ; PTEN : phosphatase and tensin homolog ; PI3K : gliomes diffus de l’adulte et leur position génomique. EGFR : epidermal
phospho-inositide-3 kinase ; AKT : v-akt murine thymoma viral oncogene growth factor receptor ; CDKN2A : cyclin-dependent kinase inhibitor-2A ;
homolog 1 ; ADN : acide désoxyribonucléique. PTEN : phosphatase and tensin homolog ; TP53 : tumor protein 53.

délétion) entraînent principalement l’activation de la voie de


signalisation intracellulaire d’aval phosphatidylinositol ce biomarqueur génétique est associé à un meilleur pronostic en
3’-kinase/Akt (entre autres voies de signalisation). Les acteurs de termes de survie et à une meilleure réponse à la chimiothérapie
cette voie de signalisation induisent, via des complexes protéi- cytotoxique des tumeurs oligodendrogliales [32-34]. Ce biomar-
ques de transcription, l’expression de gènes impliqués dans le queur génétique est dorénavant pris en compte dans l’élabora-
processus tumoral en favorisant la prolifération cellulaire, tion des essais cliniques mais également en pratique par certains
l’angiogenèse tumorale, la migration cellulaire et la survie cliniciens pour guider la prise en charge médicale des patients
cellulaire notamment. L’activation de la voie de signalisation atteints d’oligodendrogliome.
phosphatidylinositol 3’-kinase/Akt/mTOR est amplifiée par les La codélétion des bras chromosomiques 1p et 19q est carac-
mutations inactivatrices de la protéine PTEN. En effet, la téristique à la fois des oligodendrogliomes de grade II et de
protéine PTEN est un frein physiologique de la voie phosphati- grade III (Fig. 1E, F). Les oligodendrogliomes de grade III
dylinositol 3’-kinase/Akt/mTOR (Fig. 2). présentent plus fréquemment la perte du bras chromosomique
Les glioblastomes secondaires sont caractérisés par une 9p visant le gène CDKN2A et la perte du chromosome 10 [35].
fréquence relativement élevée de mutations du gène TP53 (60 %
des cas) et par la rareté des altérations des gènes EGFR et PTEN Oligoastrocytomes ou gliomes mixtes
plus spécifiques des glioblastomes de novo. À côté de ces
Les oligoastrocytomes sont des tumeurs mixtes sur le plan
altérations génétiques discriminantes, les glioblastomes de novo
et secondaires présentent de nombreuses similitudes génétiques. neuropathologique avec des cellules tumorales oligodendrocy-
En effet, la perte du chromosome 10, la perte du bras chromo- taires et astrocytaires. Sur le plan moléculaire, ces tumeurs n’ont
somique 9p visant principalement le gène CDKN2A et la pas de signature génétique clairement établie. Trois populations
trisomie du chromosome 7 sont observées dans la majorité des génétiques semblent émerger :
cas de glioblastomes, qu’ils soient de novo ou secondaires [15, 24] • les oligoastrocytomes présentant les altérations génétiques
(Fig. 1C, D). observées dans les oligodendrogliomes (i.e. la codélétion des
bras chromosomiques 1p et 19q) ;
Oligodendrogliomes • les oligoastrocytomes présentant les altérations observées
dans les astrocytomes (i.e. la mutation du gène TP53 et la
Les tumeurs astrocytaires comptent quatre grades de mali- trisomie du chromosome 7) ;
gnité. Les oligodendrogliomes, en revanche, sont divisés en • les oligoastrocytomes véritablement mixtes sur le plan
deux grades de malignité. génétique (i.e. la trisomie du chromosome 7, la mutation du
La signature génétique de ces tumeurs est la perte combinée gène TP53 et la codélétion des bras chromosomiques 1p et
des bras chromosomiques 1p et 19q, dans leur intégralité, avec
19q) (Fig. 1G, H).
des points de cassures chromosomiques au niveau des centro-
mères des chromosomes 1 et 19. Cette codélétion 1p et 19q Voies de progression génétique des gliomes diffus
correspond en réalité à une translocation t(1 ; 19) (q10 ; p10) et
n’est jamais associée à une amplification génique [12, 25-31]. Elle Les corrélations des données histologiques et cliniques avec
est observée dans environ 40 à 60 % des oligodendrogliomes. les données génétiques les plus pertinentes (Fig. 3) ont permis
L’hypothétique gène de fusion résultant de cette translocation de proposer un schéma de progression des gliomes diffus
chromosomique n’est pas encore identifié. Sur le plan clinique, (Fig. 4).

4 Neurologie
Aspects génétiques des tumeurs cérébrales primitives de l’adulte ¶ 17-001-A-10

A B C D

Mutation TP53 Codélétion 1p/19q Codélétion 1p/19q


Trisomie 7 Trisomie 7

OAII OII
AII
Délétion 9p Délétion 9p
Délétion homozygote Délétion homozygote
Délétion 9p
CDKN2A CDKN2A
Délétion homozygote
Monosomie 10 Monosomie 10
CDKN2A

AIII OAIII OIII

Délétion homozygote CDKN2A


Monosomie 10 Monosomie 10
Mutation PTEN Mutation PTEN
Trisomie 7
Amplification, délétion, mutation EGFR

GBM de novo GBM secondaire

Figure 4. Voies de progression génétique théoriques des gliomes diffus. Branche A : les astrocytomes de grade II présentent classiquement une trisomie du
chromosome 7 associée à une mutation du gène TP53. La perte du bras chromosomique 9p visant le gène suppresseur de tumeur CDKN2A fait passer
les astrocytomes du grade II au grade III. Enfin, le passage au grade IV (glioblastome secondaire) s’accompagne de la perte du chromosome 10 et de la mutation
du gène PTEN. Branche B : les glioblastomes de novo apparaissent d’emblée avec des altérations génomiques multiples acquises simultanément. Branche C :
oligoastrocytomes de grade II caractérisés par la délétion combinée des bras chromosomiques 1p et 19q associée à un gain du chromosome
7. Le passage au grade III s’accompagne d’une perte du chromosome 9p visant CDKN2A et/ou une monosomie du chromosome 10. Branche D :
oligoastrocytomes de grade II caractérisés par la délétion combinée des bras chromosomiques 1p et 19q. Le passage au grade III s’accompagne d’une perte
du chromosome 9p visant CDKN2A et/ou une monosomie du chromosome 10. EGFR : epidermal growth factor receptor ; CDKN2A : cyclin-dependent kinase
inhibitor-2A ; PTEN : phosphatase and tensin homolog ; TP53 : tumor protein 53 ; AII : astrocytome de grade II ; AIII : astrocytome de grade III ;
GBM : glioblastome multiforme ; OAII : oligoastrocytome de grade II ; OAIII : oligoastrocytome de grade III ; OII : oligodendrogliome de grade II ;
OIII : oligodendrogliome de grade III.

Épendymomes à la localisation intracrânienne et au grade de malignité III,


serait un facteur génétique pronostique défavorable [44].
Les épendymomes, développés à partir des cellules épendy-
maires du système ventriculaire cérébral et du canal épendy-
maire, touchent préférentiellement l’enfant et l’adulte jeune. Ils
Tumeurs du parenchyme pinéal
sont classés par l’OMS en trois grands groupes : Les tumeurs de la région épiphysaire sont subdivisées en
• les épendymomes myxopapillaires et les subépendymomes quatre principales catégories :
(grade I) ; • les pinéalocytomes (grade I) ;
• les épendymomes (grade II) ; • les tumeurs du parenchyme pinéal de différenciation inter-
• les épendymomes anaplasiques (grade III). médiaire (grades II et III) ;
Les épendymomes de grade I ont été peu étudiés sur le plan • les pinéaloblastomes (grade IV) ;
génétique et aucune signature moléculaire n’est clairement • les tumeurs papillaires de la région pinéale de description
reconnue. La génétique des épendymomes de grade II est, quant plus récente et de grade encore indéterminé [45].
à elle, très liée à leur localisation tumorale. En effet, la perte du Les tumeurs pinéales sont majoritairement observées chez les
chromosome 22, le gain du chromosome 7 et la mutation du jeunes adultes et leur pronostic est corrélé au grade de
gène NF2 sont plus fréquemment observés dans les tumeurs malignité.
médullaires. En revanche, le gain du bras chromosomique 1q, Actuellement, peu de données moléculaires sont disponibles
la perte des bras chromosomiques 6q, 9p et 9q, la délétion concernant ces tumeurs rares constituant moins de 5 % de
homozygote de CDKN2A et l’amplification du gène MDM2 sont l’ensemble des tumeurs primitives du SNC chez l’adulte. Les
plus fréquemment observés dans les épendymomes de grade II tumeurs de bas grade (I et II) sont peu altérées sur le plan
intracrâniens [36-41]. Les épendymomes de grade III sont carac- génétique par rapport aux tumeurs de plus haut grade de
térisés par le gain du bras chromosomique 1q ainsi que la perte malignité [46, 47]. Dans les tumeurs de grade III, les chromoso-
des bras chromosomiques 9p, 9q, 10q et 13 [36, 38, 42]. Au sein mes 4, 12 et 22 sont les plus fréquemment déséquilibrés [48]. Les
des épendymomes, une entité histogénétique particulière a été pinéaloblastomes, quant à eux, sont caractérisés par des pertes
récemment décrite. Il s’agit des épendymomes à trisomie 19 qui des chromosomes 20 et 22, des réarrangements chromosomi-
sont préférentiellement : ques impliquant le chromosome 1, de rares mutations du gène
• de grade III de malignité ; INI1 (Integrase Interactor 1) et des amplifications géniques de
• intracrâniens et supratentoriels ; haut niveau [48-51] . Une seule étude a exploré les tumeurs
• observés chez le jeune adulte [43]. papillaires de la région pinéale et a montré que les chromoso-
Dans le cadre de la prise en charge médicale des patients mes 4 et 10 étaient les chromosomes le plus souvent anormaux
présentant un épendymome, le gain du chromosome 1q, associé dans ces tumeurs [52].

Neurologie 5
17-001-A-10 ¶ Aspects génétiques des tumeurs cérébrales primitives de l’adulte

Médulloblastomes
Les médulloblastomes, classés au sein des tumeurs embryon-
naires, sont la première cause de tumeur cérébrale chez l’enfant. Monosomie 22q
Ils siègent préférentiellement au niveau du cervelet. Sur le plan Mutation NF2
génétique, l’isochromosome 17q (i.e perte du bras court du
chromosome 17 avec un point de cassure au niveau des bandes
17p11.2 et duplication du bras long du chromosome 17) est
MI
l’anomalie génomique la plus caractéristique des médulloblasto-
mes, rapportée dans environ 30 % à 40 % des cas [53]. L’hypo-
thétique gène visé par cette cassure chromosomique n’est pas
encore identifié. Monosomie 1p
Chez l’adulte, les médulloblastomes représentent moins de
1 % de l’ensemble des tumeurs cérébrales primitives. La rareté
de ce type tumoral chez l’adulte explique le peu d’études
génétiques spécifiquement consacrées aux médulloblastomes de
l’adulte. Quelques cas sont rapportés mais aucune altération
génétique ne semble véritablement récurrente [54, 55].
MII

Tumeurs tératoïdes rhabdoïdes atypiques Monosomie 10


Monosomie 9p
Les tumeurs tératoïdes rhabdoïdes atypiques sont des tumeurs
très indifférenciées et très agressives observées essentiellement
chez le très jeune enfant avant l’âge de 3 ans. Elles sont
exceptionnelles chez l’adulte [55-58] . Ces tumeurs ont une
signature génétique relativement spécifique : la monosomie du
chromosome 22 associée à une délétion ou une mutation du
second allèle du gène suppresseur de tumeur INI1 localisé sur le
chromosome 22 en position q11.2. INI1 est une protéine
intervenant dans le complexe de transcription SWI/SNF5 qui MIII
régule la transcription de nombreux gènes impliqués dans la
prolifération et la différenciation cellulaire [57-59]. Figure 5. Voies de progression génétique théorique simplifiée des
méningiomes. NF2 : neurofibromin isoform ; MI : méningiome de grade I ;
MII : méningiome de grade II ; MIII : méningiome de grade III.

■ Génétique des tumeurs


non neuroépithéliales
Lymphomes cérébraux primitifs du sujet
Méningiomes immunocompétent
Les méningiomes, dérivant des cellules arachnoïdiennes, Les lymphomes cérébraux primitifs du sujet immunocompé-
représentent environ 30 % des tumeurs cérébrales primitives de tent sont majoritairement des lymphomes B à grandes cellules
l’adulte. Ces tumeurs sont classées par l’OMS en 3 grades de de haut grade de malignité. Ils représentent 1 % de l’ensemble
malignité : des tumeurs primitives du SNC chez l’adulte et surviennent
• bénin (grade I) ; le plus souvent entre 50 et 70 ans. Leur traitement repose
• atypique (grade II) ; principalement sur la chimiothérapie cytotoxique et la radio-
• malin ou anaplasique (grade III). thérapie encéphalique. L’exérèse chirurgicale ne fait pas partie
Ils apparaissent généralement au cours de la seconde partie de de l’arsenal thérapeutique de ces tumeurs très infiltrantes. Ainsi,
la vie. Excepté pour les méningiomes de grade III, le pronostic peu de matériel biologique est en général disponible pour la
des méningiomes est globalement favorable après une résection réalisation d’études moléculaires complémentaires au diagnostic
chirurgicale complète. Cependant, malgré la chirurgie, le taux anatomopathologique.
de récidive est estimé à ~5 %, ~40 % et plus de 50 % dans Néanmoins, quelques études ont été rapportées. Plusieurs
respectivement les tumeurs de grade I, II et III [60]. altérations chromosomiques semblent récurrentes : le gain des
Les études génétiques ont permis de proposer un schéma de bras chromosomiques 18q, 1q, 9p, 11q 12p, 12q, 16p, 17q 20q
progression génomique associée à la progression des méningio- et 22q et la perte du bras chromosomique 6q. Cette dernière
mes, du grade I vers le grade III (Fig. 5). La perte de la région altération génétique semble la plus pertinente pour deux
chromosomique 22q12 et la mutation du gène NF2 sont les
raisons. Elle est plus associée aux lymphomes B du SNC contrai-
altérations génétiques les plus fréquemment observées dans près
rement aux autres déséquilibres génétiques également rapportés
de la moitié des méningiomes sporadiques de grade I [60-63].
dans les lymphomes B systémiques [70-73]. De plus, la perte du
Dans les méningiomes de grade II, l’altération additionnelle la
bras chromosomique 6q serait associée à un mauvais pronos-
plus souvent rapportée est la perte du chromosome 1p, là aussi
dans environ la moitié des cas [64]. Par rapport aux méningio- tic [74, 75]. Des translocations chromosomiques avec la création
mes de plus bas grade, les méningiomes de grade III sont plus d’un gène de fusion impliquant BCL6 ont été mises en évidence
altérés sur le plan génétique avec notamment des anomalies dans environ un tiers des cas [76, 77].
chromosomiques additionnelles (la perte du bras chromosomi- Les lymphomes de la zone marginale ou de type mucosa-
que 9p, la perte du chromosome 10, et des gains ou des associated lymphoid tissue (MALT) du SNC sont des lymphomes
amplifications de la région chromosomique 17q23) [65-67]. Des de type B de bas grade de malignité et de bon pronostic. Ils sont
altérations des gènes impliqués dans le contrôle du cycle exceptionnels et de prédominance féminine. La trisomie du
cellulaire (i.e. délétion homozygote ou une mutation de chromosome 3 a été observée dans 50 % des cas. Aucune
CDKN2A, p14ARF et CDKN2B) ont été rapportées dans les translocation impliquant le gène MALT1 n’a été mise en
méningiomes de grade III [68, 69]. évidence [78].

6 Neurologie
Aspects génétiques des tumeurs cérébrales primitives de l’adulte ¶ 17-001-A-10

■ Génétique des tumeurs Tableau 3.


Syndromes de prédisposition génétique aux cancers responsables de
cérébrales survenant tumeurs cérébrales primitives [79-84].

dans un contexte de prédisposition Syndrome de prédisposition aux tumeurs Gène(s) impliqué(s)

héréditaire au cancer Syndrome de Turcot B MSH2, MLH1, PMS2,


MSH6
Les tumeurs primitives du SNC survenant dans un contexte Syndrome de von Hippel-Lindau VHL
de syndrome de prédisposition héréditaire au cancer repré- Syndrome de Turcot A APC
sentent moins de 5 % de l’ensemble des tumeurs cérébrales Syndrome astrocytome-mélanome CDKN2A
primitives de l’adulte. Les principaux syndromes de prédispo- Syndrome de Gorlin-Goltz PTCH1
sition héréditaire aux cancers dans lesquels apparaissent des Sclérose tubéreuse de Bourneville TSC1, TSC2
tumeurs cérébrales ainsi que les gènes en cause sont listés Syndrome de Cowden PTEN
dans le Tableau 3 et la Figure 6 [79-84].
Syndrome de Li-Fraumeni TP53
Neurofibromatose de type 1, maladie NF1
■ Conclusion de von Recklinghausen
Syndrome de prédisposition aux tumeurs INI1
Les tumeurs cérébrales primitives de l’adulte constituent un rhabdoïdes
groupe tumoral hétérogène sur le plan clinique, radiologique et Neurofibromatose de type 2 NF2
neuropathologique. Les données histologiques, socle du dia- NF1 : neurofibromin isoform 1 ; NF2 : neurofibromin isoform 2 ; APC : adenomatosis
gnostic, conditionnent en grande partie la prise en charge polyposis coli ; MSH2 : mutS homolog 2 ; MLH1 : MutL protein homolog 1 ; PMS2 :
médicale des patients atteints de tumeur cérébrale. Cependant, postmeiotic segregation increased 2 isoform ; MSH6 : mutS homolog 6 ; TSC1 : tuberous
ces critères morphologiques apparaissent insuffisants dans sclerosis 1 protein isoform 1 ; TSC2 : tuberous sclerosis 2 protein isoform 1 ; TP53 : tumor
protein p53 ; PTEN : phosphatase and tensin homolog ; CDKN2A : cyclin dependent
certains cas pour prédire le pronostic et la réponse aux traite- kinase inhibitor 2A ; VHL : von Hippel-Lindau tumor suppressor ; PTCH1 : patched 1 ;
ments antitumoraux. Outre l’apport cognitif, la génétique a INI1 : integrase interactor 1.
permis de mettre en évidence des biomarqueurs moléculaires
pertinents, utilisables en pratique clinique, associés au diagnos-
tic, au pronostic et à la réponse aux traitements des tumeurs Les nouvelles techniques de biologie moléculaire (puces), qui
cérébrales. étudient à haut débit le génome, l’épigénome (modifications

MSH2
MSH6 VHL
MLH1

APC

PMS2
CDKN2A

PTCH1
PTEN
TSC1

TSC2
TP53
NF1

INI1
NF2

X Y
Figure 6. Gènes impliqués dans les syndromes de prédisposition aux cancers pouvant se compliquer de l’apparition de tumeurs cérébrales. MSH2 : mutS
homolog 2 ; APC : adenomatosis polyposis coli ; PMS2 : postmeiotic segregation increased 2 isoform ; CDKN2A : cyclin dependent kinase inhibitor 2A ; PTCH1 :
patched 1 ; TSC1 : tuberous sclerosis 1 protein isoform 1 ; PTEN : phosphatase and tensin homolog ; TSC1 : tuberous sclerosis 2 protein isoform 1 ; TP53 : tumor
protein p53 ; NF1 : neurofibromin isoform 1 ; INI1 : integrase interactor 1.

Neurologie 7
17-001-A-10 ¶ Aspects génétiques des tumeurs cérébrales primitives de l’adulte

épigénétiques), le transcriptome (acides ribonucléiques [ARN] [8] Louis DN, Holland EC, Cairncross JG. Glioma classification: a
messagers), les protéines (protéome) et leurs interactions au molecular reappraisal. Am J Pathol 2001;159:779-86.
niveau cellulaire et tissulaire (interactome) permettront de [9] Jones DT, Ichimura K, Liu L, Pearson DM, Plant K, Collins VP.
raffiner la classification histomoléculaire des tumeurs cérébrales Genomic analysis of pilocytic astrocytomas at 0.97 Mb resolution
et de mieux comprendre leur biologie en vue d’améliorer les shows an increasing tendency toward chromosomal copy number
stratégies thérapeutiques. change with age. J Neuropathol Exp Neurol 2006;65:1049-58.
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• Les gliomes diffus sont les tumeurs cérébrales primitives [12] Idbaih A, Marie Y, Lucchesi C, Pierron G, Manié E, Raynal V, et al.
les plus fréquentes chez l’adulte BAC array CGH distinguishes mutually exclusive alterations that
• La codélétion des bras chromosomiques 1p et 19q, define clinicogenetic subtypes of gliomas. Int J Cancer 2008;122:
témoignant d’une translocation déséquilibrée t(1 ; 19) 1778-86.
[13] Hirose Y,Aldape KD, Chang S, Lamborn K, Berger MS, Feuerstein BG.
(p10 ; q10), est associée, dans les gliomes diffus, au
Grade II astrocytomas are subgrouped by chromosome aberrations.
phénotype oligodendroglial, à un pronostic favorable et à
Cancer Genet Cytogenet 2003;142:1-7.
une meilleure sensibilité à la chimiothérapie antitumorale [14] Bredel M, Bredel C, Juric D, Harsh GR, Vogel H, Recht LD, et al.
• L’amplification du gène du récepteur au facteur de High-resolution genome-wide mapping of genetic alterations in human
croissance épithélial localisé sur le chromosome 7 est glial brain tumors. Cancer Res 2005;65:4088-96.
associée au phénotype astrocytaire, au haut grade de [15] Ohgaki H, Dessen P, Jourde B, Horstmann S, Nishikawa T, Di Patre PL,
malignité, à un mauvais pronostic et est parfaitement et al. Genetic pathways to glioblastoma: a population-based study.
exclusive de la t(1 ; 19) (p10 ; q10) Cancer Res 2004;64:6892-9.
• Près des deux tiers des gliomes diffus ont une signature [16] von Deimling A, Bender B, Jahnke R, Waha A, Kraus J, Albrecht S,
génétique spécifique et al. Loci associated with malignant progression in astrocytomas: a
• Les biomarqueurs génétiques, complémentaires au candidate on chromosome 19q. Cancer Res 1994;54:1397-401.
diagnostic neuropathologique, ont un intérêt clinique [17] Kunwar S, Mohapatra G, Bollen A, Lamborn KR, Prados M,
permettant de moduler le diagnostic et d’apprécier a Feuerstein BG. Genetic subgroups of anaplastic astrocytomas correlate
priori le pronostic et la réponse au traitement. with patient age and survival. Cancer Res 2001;61:7683-8.
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Remerciements : Les profils génomiques (Fig. 1) ont été obtenus par la
Amplification of the epidermal growth factor receptor in astrocytic
technique d’hybridation génomique comparative sur puce à ADN. Cette
tumours by chromogenic in situ hybridization: association with
technologie a été financée dans le cadre du programme « Carte d’identité des
clinicopathological features and patient survival. Neuropathol Appl
tumeurs » (CIT) de la Ligue nationale contre le cancer.
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A. Idbaih (ahmed.idbaih@gmail.com).
K. Hoang-Xuan.
Service de neurologie Mazarin, Groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière, 47-83, boulevard de l’Hôpital, 75651, Paris cedex 13, France.
Inserm, unité 711, Paris, France.
UPMC Université Paris 06, Laboratoire biologie des interactions neurones-glie, Groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière, 47-83, boulevard de l’Hôpital, 75651,
Paris cedex 13, France.
D. Psimaras.
Service de neurologie Mazarin, Groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière, 47-83, boulevard de l’Hôpital, 75651, Paris cedex 13, France.
M. Sanson.
J.-Y. Delattre.
Service de neurologie Mazarin, Groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière, 47-83, boulevard de l’Hôpital, 75651, Paris cedex 13, France.
Inserm, unité 711, Paris, France.
UPMC Université Paris 06, Laboratoire biologie des interactions neurones-glie, Groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière, 47-83, boulevard de l’Hôpital, 75651,
Paris cedex 13, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Idbaih A., Hoang-Xuan K., Psimaras D., Sanson M., Delattre J.-Y. Aspects génétiques des tumeurs
cérébrales primitives de l’adulte. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris), Neurologie, 17-001-A-10, 2009.

Disponibles sur www.em-consulte.com


Arbres Iconographies Vidéos / Documents Information Informations Auto-
décisionnels supplémentaires Animations légaux au patient supplémentaires évaluations

10 Neurologie
¶ 17-001-A-30

Aspects génétiques des épilepsies


I. Gourfinkel-An

Des progrès considérables ont été réalisés ces quinze dernières années dans le domaine de la génétique
des épilepsies, tant dans les formes idiopathiques que symptomatiques. Il faut reconnaître qu’il n’y a pas
encore de retombées de ces découvertes au plan thérapeutique. Pourtant, l’identification des gènes
impliqués dans les formes familiales permet d’améliorer notre compréhension des mécanismes
physiopathologiques de ces maladies et d’élaborer des modèles expérimentaux. Elle rend par ailleurs
possible un diagnostic moléculaire direct, qui n’est pas sans soulever des problèmes éthiques et se heurte,
dans bon nombre de cas, au problème des corrélations entre phénotype et génotype. Cet article passe en
revue les connaissances actuelles sur les bases génétiques des épilepsies. En sont exclues les pathologies
d’origine génétique dans lesquelles l’épilepsie n’est pas le symptôme essentiel.
© 2009 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Épilepsies familiales ; Formes mendéliennes ; Épilepsies idiopathiques ;


Épilepsies symptomatiques ; Canaux ioniques ; Troubles de la migration neuronale

Plan les plus présents, les épilepsies monogéniques (dans lesquelles


un gène est causal) en sont le modèle, « l’environnement » a
¶ Introduction 1 probablement un impact expliquant que tous les porteurs d’une
mutation n’expriment pas la maladie (pénétrance incomplète),
¶ Épilepsies idiopathiques 2 ainsi que les variabilités phénotypiques (expressivité variable).
Épilepsies généralisées idiopathiques (EGI) 2
L’existence d’une composante génétique dans l’épilepsie est
Épilepsies partielles idiopathiques 3
connue depuis des années grâce aux études de concordance
¶ Contextes génétiques associant épilepsies et convulsions entre jumeaux et à l’analyse d’agrégations familiales. Ainsi,
fébriles 6 l’étude de concordance entre jumeaux réalisée pour différents
Concept de « generalized epilepsy with febrile seizures plus » types d’épilepsies (généralisées et partielles) montre que la
(GEFS+) 6 concordance chez les jumeaux monozygotes est supérieure à
Syndrome de Dravet (ou épilepsie myoclonique sévère celle des jumeaux dizygotes, confirmant la composante généti-
du nourrisson) 6 que [3]. Ceci est particulièrement net pour les épilepsies généra-
¶ Épilepsies myocloniques progressives (EMP) 7 lisées idiopathiques. Cependant, la concordance entre jumeaux
Maladie d’Unverricht-Lundborg 8 monozygotes est toujours inférieure à 100 %, suggérant l’inter-
Maladie de Lafora 8 vention de facteurs non génétiques. Par ailleurs, la concordance
¶ Épilepsies en rapport avec des anomalies du développement chez les jumeaux dizygotes est toujours plus faible que ce qu’on
cortical (anomalie de migration ou d’organisation corticale) attend en théorie dans une maladie monogénique (soit 50 % si
d’origine génétique 9 la transmission est dominante, 25 % si la transmission est
Hétérotopies nodulaires périventriculaires (HNP) 9 récessive). Ceci suggère l’intervention d’autres facteurs généti-
Lissencéphalies dont l’origine génétique est prouvée 9 ques ou de facteurs non génétiques, comme dans le cas précé-
Polymicrogyries d’origine génétique 11 dent. Ces études montrent également la concordance
¶ Anomalies chromosomiques et épilepsie 12 syndromique entre jumeaux monozygotes, suggérant que
certains syndromes épileptiques ont des bases génétiques
¶ Conclusion 12 spécifiques.
Les études d’agrégations familiales suggèrent également
l’implication de facteurs familiaux, probablement génétiques,
■ Introduction dans différentes formes d’épilepsies, généralisées et partielles [4].
Les épilepsies sont des affections fréquentes (prévalence En effet, le risque d’épilepsie chez les apparentés du premier
évaluée entre 0,5 % et 1 %) qui constituent un ensemble degré (enfants, fratrie et parents) de sujets épileptiques est
hétérogène au plan étiologique. La plupart sont des pathologies supérieur à celui de la population générale, mais reste inférieur
multifactorielles dont le déterminisme fait intervenir des à ce qu’on attend dans une maladie à transmission
facteurs environnementaux et génétiques, dont la part respec- monogénique.
tive dépend du groupe d’épilepsies considéré [1, 2]. Ainsi, dans Plusieurs hypothèses peuvent être émises concernant l’inter-
les formes d’épilepsies dues à des causes exogènes, acquises vention des gènes dans les phénotypes épileptiques :
(infection, toxique, traumatisme, etc.), les facteurs génétiques • existence de gènes spécifiques de chaque syndrome ;
peuvent intervenir en tant qu’élément prédisposant. Dans les • interaction entre des gènes communs à un groupe d’épilepsie
formes d’épilepsies dans lesquelles les facteurs génétiques sont (par exemple aux épilepsies généralisées idiopathiques) ou

Neurologie 1
17-001-A-30 ¶ Aspects génétiques des épilepsies

entre des gènes de prédisposition générale à l’épilepsie et de Tableaux 1-4 résument l’ensemble des données cliniques et
gènes modulateurs donnant ses particularités à chaque génétiques concernant ces formes d’épilepsies, dont seules
syndrome. certaines seront développées ici.
Le nombre de gènes intervenant dans le déterminisme
génétique des épilepsies est variable. Un gène unique dans les
formes monogéniques, ou plusieurs gènes (oligo- ou multigé-
Épilepsies généralisées idiopathiques (EGI)
nisme) en cas d’hérédité complexe, ce qui est le cas le plus (Tableau 1) [5]
fréquent pour les épilepsies. Dans ce dernier cas, le phénotype
résulte de l’effet conjoint de polymorphismes « à risque » de Les convulsions néonatales familiales bénignes
plusieurs gènes dits « de susceptibilité » (ces polymorphismes (CNFB) [6]
sont présents dans la population générale, mais ne peuvent
Il s’agit du premier syndrome épileptique idiopathique dans
isolément déterminer l’épilepsie chez un individu). Ces poly-
lequel une liaison génétique a été publiée [7]. Deux gènes ont à
morphismes de gènes différents se transmettent indépendam-
ce jour été identifiés : KCNQ2 en 20q [8], gène majoritairement
ment les uns des autres au sein d’une famille, ce qui peut
impliqué, et KCNQ3 en 8q [9]. Un troisième gène est suspecté.
expliquer l’aspect le plus fréquent des pedigrees avec épilepsies
Une famille non liée à KCNQ2 et KCNQ3, avec inversion
idiopathiques : les individus affectés sont dispersés et la
péricentrique du chromosome 5, a été décrite, offrant la
transmission ne parait pas clairement mendélienne. L’identifi-
possibilité de découvrir un nouveau gène dans cette région [10].
cation de ces gènes de susceptibilité est particulièrement difficile
Les canaux potassiques codés par ces deux gènes ont de grandes
et nécessite l’étude de populations très étendues et la mise en
homologies de séquences et sont tous deux exprimés de façon
œuvre d’études particulières, dites « non paramétriques » (études
prépondérante dans le cerveau. Ils sont également très homolo-
de paires de germains, de trios, ou études cas-témoins). Les
gues à KCNQ1, exprimé préférentiellement dans le cœur et
difficultés rencontrées dans l’étude génétique de ces épilepsies
l’oreille, et impliqué dans une forme de syndrome du QT long
rend probablement compte des résultats contradictoires publiés.
isolé ou associé à une surdité [11, 12]. Les canaux codés par
Les formes monogéniques d’épilepsie sont les plus rares, mais KCNQ2 et KCNQ3 sont fonctionnellement liés, ce qui explique
ce sont celles pour lesquelles les connaissances ont le plus pourquoi leurs mutations donnent lieu au même tableau
avancé. Elles sont théoriquement plus faciles à étudier généti- clinique. Ils interviennent dans la repolarisation de la mem-
quement que celles à hérédité complexe, mais le problème brane neuronale après une dépolarisation [13]. Les mutations
majeur est de disposer de familles suffisamment grandes pour (plus de 60 sont décrites) ou les remaniements chromosomiques
identifier de nouveaux gènes. Ce sont celles qui vont être (délétions ou duplications dans KCNQ2) décrits entraînent une
développées ici. perte de fonction du canal [14, 15] . L’âge-dépendance de ce
syndrome pourrait être expliquée par les variations d’expression
des canaux potassium au cours de la vie [16].
■ Épilepsies idiopathiques
Ce sont les épilepsies les plus fréquentes. Elles sont caractéri- EGI de l’enfant et de l’adolescent
sées par l’absence de déficit neurologique ou intellectuel, par la L’épilepsie-absence de l’enfant et de l’adolescent, l’épilepsie
normalité de l’imagerie cérébrale et leur âge-dépendance. La myoclonique juvénile et l’épilepsie avec crises grand mal du
plupart ont une hérédité complexe. Les formes à hérédité réveil sont classées comme des entités séparées dans le groupe
mendélienne sont rares. Parmi ses dernières, l’identification de des EGI au sein de la classification internationale des épilepsies
gènes codant pour des sous-unités de canaux ioniques voltage- et syndromes épileptiques. Cependant, ces affections ont de
dépendants ou dépendant d’un ligand (récepteurs-canaux) a nombreuses similitudes cliniques et électriques, ainsi que des
permis de confirmer dans la pathologie humaine des mécanis- points communs dans les réponses thérapeutiques. D’autre part,
mes physiopathologiques de l’épilepsie suspectés depuis des elles sont fréquemment associées au sein d’une même famille.
années (déséquilibre de la balance des influences inhibitrices et L’ensemble de ces caractéristiques suggère qu’elles représentent
excitatrices sur les neurones), et a fait entrer celles-ci dans le un continuum d’un même contexte épileptique. Il est commu-
groupe des canalopathies (Fig. 1). Bon nombre de ces canaux nément admis qu’il s’agit d’épilepsies multigéniques. Les formes
ioniques sont des cibles de molécules antiépileptiques. Les monogéniques décrites ici sont rares.

Récepteur Canal potassique Canal sodique Récepteur Canal chlore Canal


nicotinique à voltage- voltage- GABAA voltage- calcique
l'acétylcholine dépendant dépendant dépendant de type P/Q

Na+ Na+ Cl- Cl- Ca2+


Ca2+

β2 α2 β1 α α1 A
α2 γ2
α4 1 et 2

K+
Épilepsie CNFB GEFS+ GEFS+ EGI AD EA avec
frontale Syndrome EMJ AD ataxie
nocturne AD de Dravet épisodique
CBFNI
Figure 1. Canaux ioniques neuronaux voltage-dépendants et dépendants de ligands impliqués dans l’épilepsie. AD : autosomique dominant ; CNFB :
convulsions néonatales familiales bénignes ; CBFNI : convulsions bénignes familiales néonatales-infantiles ; EMJ : épilepsie myoclonique juvénile ; EGI :
épilepsie généralisée idiopathique ; EA : épilepsie absence ; GEFSF+ : generalized epilepsy with febrile seizures plus.

2 Neurologie
Aspects génétiques des épilepsies ¶ 17-001-A-30

Tableau 1.
Caractéristiques cliniques et génétiques des formes familiales d’épilepsies généralisées idiopathiques.
Pathologies familiales Mode Gènes et loci Principales caractéristiques Évolution et pronostic
de transmission cliniques et paracliniques
Convulsions néonatales AD Gènes de canaux potassiques Crises cloniques uni- ou bilatérales, Évolution généralement
familiales bénignes voltage-dépendants : souvent à bascule, crises apnéiques favorable, mais risque de 15 %
e
Le plus souvent KCNQ2 (20q13) ou éventuellement toniques au 2 de développer une épilepsie
ou 3e jour de vie d’un nouveau-né ultérieure (surtout une EGI)
Rarement KCNQ3 (8q24)
normal Un retard de développement
Autre locus suspecté sur le
Rarement, aspect « thêta pointu psychomoteur est rapporté
chromosome 5
alternant » sur l’EEG intercritique : dans certaines familles
non spécifique mais évocateur dans le
contexte
EGI hétérogènes AD Gène CLCN2 (3q36) du canal Tableaux électrocliniques classiques
chlore voltage-dépendant ClC2 des EGI
EMJ familiales pures AD Gène GABRA1 (5q34) de la Tableaux électrocliniques classiques
sous-unité alpha-1 du récepteur des EGI
GABAA
Gène EFHC1 (6p12) de la
myoclonine-1
Épilepsies-absences Rares cas sporadiques Gène CACNA1A (19p) de la Association à une ataxie épisodique et Diamox actif sur l’ataxie mais
ou familiaux sous-unité alpha-1 du canal un retard mental pas sur les absences
calcique de type P/Q
Épilepsie myoclonique AD 8q23 (gène NI) Myoclonies distales irrégulières Bonne réponse au clonazépam
bénigne de l’adulte ou 2p11 (gène NI) associées à un tremblement d’action et au valproate de sodium
tremblement myoclonique ressemblant à un tremblement Pas d’ataxie et le plus souvent
Autre locus suspecté
cortical familial avec essentiel, débutant chez l’adolescent pas de dégradation cognitive
épilepsie ou l’adulte
Début de crises généralisées
tonicocloniques à l’âge adulte
Photosensibilité fréquente
Dans de rares familles : individus avec
crises partielles et retard mental
Les individus atteints dans une même
famille peuvent avoir le tremblement
ou l’épilepsie ou les deux types
de manifestations
IRM cérébrale normale
EEG : électroencéphalogramme ; EGI : épilepsies généralisées idiopathiques ; EMJ : épilepsie myoclonique juvénile ; AD : autosomique dominant ; NI : non identifié ; IRM :
imagerie par résonance magnétique.

Forme familiale hétérogène d’épilepsies généralisées comme un seul et même trait transmis « en bloc », selon un
idiopathiques mode mendélien. Deux gènes sont à ce jour identifiés :
Une cartographie du génome portant sur 130 familles avec • Le gène GABRA1 (5q34), codant pour la sous-unité alpha-
EGI a permis d’identifier un locus en 3q36 [17]. Le gène CLCN2 1 du récepteur GABAA. En 2002, Cossette et al. ont décrit une
codant pour le canal chlore voltage-dépendant ClC2, largement grande famille de canadiens français avec EMJ à hérédité
exprimé dans le cerveau, était localisé dans l’intervalle candidat. autosomique dominante [22]. Le phénotype était homogène
L’implication de ce canal, qui a un rôle dans le maintien d’une pour les huit sujets atteints et répondait aux critères électro-
concentration basse en chlore intracellulaire, dans une forme cliniques des EMJ. La seule variabilité intrafamiliale était la
d’épilepsie familiale était une hypothèse très intéressante, présence ou non d’absences et d’une photosensibilité. La
puisque la concentration intraneuronale en chlore oriente les mutation présente dans cette famille touchait un segment de
réponses à l’acide gamma-aminobutyrique (GABA), médiées par la sous-unité alpha-1 du récepteur GABAA participant à la
les récepteurs GABA-A (effet inhibiteur du GABA si la concen- formation du pore du canal chlore du récepteur. Des études
tration est basse, effet paradoxalement excitateur si elle est électrophysiologiques réalisées in vitro sur modèle cellulaire
élevée) [18]. Ultérieurement, trois mutations dans ce gène ont été ont montré que la mutation diminuait le courant évoqué
rapportées dans trois familles d’EGI « hétérogènes » (regroupant par le GABA, la réponse maximale et l’affinité de liaison au
divers types d’EGI), dont deux comportant une transmission ligand, mais pas la potentialisation du récepteur muté par les
autosomique dominante. Les conséquences sont fonctionnelles benzodiazépines. Ce gène semble peu impliqué dans les EMJ
sur le canal, menant à une probable hyperexcitabilité neuronale familiales, puisqu’il n’y a pas d’autres publications à ce jour.
par des mécanismes différents pour ces trois mutations (perte de • Le gène EFHC1 (6p12) codant pour la myoclonine-1 [23]. Des
fonction ou modification de la dépendance au voltage du pore mutations faux-sens, non-sens, des délétions et des mutations
du canal) [19]. Cependant, l’engouement initial est retombé. touchant le promoteur du gène ont été identifiées dans
L’étude ultérieure de grandes séries [20, 21] n’a pas permis de diverses cohortes d’EMJ familiales à transmission autosomique
retrouver d’autres familles liées à ce gène. Les rares publications dominante d’origines géographiques variées et également dans
ultérieures, contestées, rapportent probablement plutôt des quelques cas isolés (mutations de novo). Ce gène est impliqué
variants que des mutations dans CLCN2. L’implication de ce dans environ 9 % des familles d’EMJ et c’est dans les familles
gène, en tant que gène causal, est à présent controversée. d’origine hispanique qu’on retrouve le plus de mutations. La
myoclonine paraît impliquée dans les divisions cellulaires,
Formes familiales pures d’épilepsie myoclonique juvénile l’apoptose et l’homéostasie calcique postsynaptique.
(EMJ)
Ces formes familiales sont rares. L’EMJ associe différents types
de crises observées dans les EGI (crises généralisées tonicocloni-
Épilepsies partielles idiopathiques
ques, myoclonies et absences) et peut être considérée, soit Alors que l’importance des facteurs génétiques dans les
comme un ensemble complexe de traits oligogéniques, soit épilepsies généralisées idiopathiques est communément admise,

Neurologie 3
17-001-A-30 ¶ Aspects génétiques des épilepsies

Tableau 2.
Caractéristiques cliniques et génétiques de l’épilepsie frontale nocturne autosomique dominante et de l’épilepsie temporale latérale autosomique dominante.
Pathologies familiales Gènes et loci Âge de début Principales caractéristiques Évolution et pronostic
cliniques et paracliniques
Épilepsie frontale nocturne Gènes de sous-unités du Rr Très variable (de 1 an à CP brèves, en salves, survenant Amélioration, parfois même
autosomique dominante nicotinique neuronal à l’Ach : l’âge adulte) typiquement pendant le guérison à l’âge adulte
(pénétrance variable selon les CHRNA4 (20q13.2), CHRNB2 sommeil, avec prédominance Mais pharmacorésistance
mutations : 29 %-100 %) (chs1), CHRNA2 (8p12.3-q12.3) de signes moteurs : postures possible
Locus en 15q 24 (gène NI) dystoniques soudaines,
Certaines mutations sont
pédalages, déambulations
associées à un retard mental
(diagnostic différentiel avec le
ou à des troubles psychotiques
somnambulisme) ou simples
réveils
Vocalisation ou auras
non spécifiques possibles
Généralisations rares
EEG percritiques souvent
normaux ou non interprétables
IRM cérébrale normale
Épilepsie temporale latérale LGI1 (gène de l’épitempine) Adolescent ou adulte CPS et CPC Pharmacosensibilité habituelle
autosomique dominante (10q22-24) (rarement l’enfant) Aura comportant des mais récidive fréquente à l’arrêt
(pénétrance de 60 %-70 %) Autre locus recherché hallucinations ou des illusions du traitement AE
(seulement 30 %-50 % des auditives Rares cas
familles liées à LGI1) Composante réflexe fréquente de pharmacorésistance
(déclenchement par un bruit
ou la perception ou production
de parole)
Autres symptômes possibles :
aphasie, hallucinations
visuelles, signes impliquant la
face mésiale du lobe temporal.
Généralisations possibles
IRM cérébrale : parfois
anomalies structurelles du
cortex externe du lobe temporal
gauche
AD : autosomique dominant ; Rr : récepteur ; Ach : acétylcholine ; CP : crises partielles ; CPS : crises partielles simples ; CPC : crises partielles complexes ; AE : antiépileptiques ;
NI: non identifié ; EEG : électroencéphalogramme ; IRM : imagerie par résonance magnétique.

le concept d’épilepsies partielles non lésionnelles d’origine boucle thalamocorticale à l’origine d’une facilitation et d’une
génétique est nouveau. Plusieurs formes à transmission mendé- synchronisation des oscillations spontanées dans ce circuit [34].
lienne ont été décrites ces dix dernières années (Tableaux 2-4). La carbamazépine est généralement la molécule la plus
Il s’agit de formes rares d’épilepsies [24]. efficace, et souvent à des doses plus faibles, que dans les
épilepsies frontales non génétiques. Il a été démontré qu’elle
Épilepsie frontale nocturne autosomique bloque le récepteur nicotinique à l’acétylcholine [35]. La plupart
dominante (autosomal dominant nocturnal frontal des mutations augmentent la sensibilité du récepteur à cet effet
lobe epilepsy [ADNFLE]) [25] bloqueur, ce qui explique cette efficacité particulière. D’autre
Il existe une variabilité intrafamiliale importante pour l’âge de part, il a été montré que la nicotine (en patch ou cigarette) peut
début, l’expression des crises et le pronostic de l’épilepsie améliorer l’état de certains patients [36].
(Tableau 2). Des données d’imagerie fonctionnelle (tomographie Dans cette épilepsie, les crises surviennent surtout dans le
par émission de positons [PET] et tomodensitométrie par émis- sommeil lent. La crise débute par un éveil ou se greffe sur un
sion photonique [SPECT]) et d’enregistrement en stéréo- éveil. Il est intéressant de noter que la prévalence des parasom-
électroencéphalographie (SEEG) ont montré que la localisation du nies du sommeil lent profond est plus élevée dans les familles
foyer épileptique pouvait varier d’une famille à l’autre au sein du avec cette épilepsie que dans la population générale. Ceci
lobe frontal, voire être insulaire [26, 27]. On ne sait pas s’il existe soulève la question de bases génétiques ou d’un mécanisme
une variabilité intrafamiliale de la localisation du foyer. physiopathologique communs aux deux pathologies [37]. L’étude
Les mutations identifiées dans ce syndrome touchent les de la structure du sommeil dans cette épilepsie montre une
récepteurs nicotiniques à l’acétylcholine neuronaux (Tableau 2). fragmentation anormale de celui-ci avec augmentation des
Il s’agit de récepteurs ionotropes hétéropentamériques qui sont microréveils, comme dans les parasomnies [38]. Ceci pourrait
presque exclusivement présynaptiques. Ils pourraient avoir un
être non pas la conséquence, mais un facteur favorisant l’émer-
rôle dans la régulation de la libération de neuromédiateurs,
gence de ces deux types de pathologies.
notamment du glutamate. Les mutations touchent différentes
sous-unités du récepteur [28-30]. Il y a peu de mutations publiées Une étude récente en PET scan, utilisant un traceur marquant
pour chacune d’entre elles, mais ces mutations peuvent être les récepteurs nicotiniques à l’acétylcholine, a montré une
récurrentes, retrouvées dans différentes familles pourtant sans augmentation de la densité de ces récepteurs dans différentes
ancêtre commun [31]. D’exceptionnelles mutations sont rappor- régions du mésencéphale et du diencéphale adjacent et notam-
tées dans des cas isolés d’épilepsie frontale nocturne (mutations ment le noyau interpédonculaire et l’épithalamus des patients
de novo) [32] . Les études électrophysiologiques in vitro sur avec cette épilepsie familiale par rapport aux témoins [39]. Or, ces
modèles cellulaires exprimant des récepteurs mutés montrent que structures, reliées entre elles, interviendraient dans l’éveil par le
les mutations étudiées ont en commun qu’elles augmentent la biais de leur connections avec le système réticulaire activateur
sensibilité du récepteur à l’acétylcholine (gain de fonction) [33]. ascendant. Ces données pourraient constituer une piste permet-
Une hypothèse serait l’apparition, du fait des mutations, d’un tant d’expliquer la structuration particulière du sommeil dans
déséquilibre entre influences inhibitrices et excitatrices sur la cette pathologie.

4 Neurologie
Aspects génétiques des épilepsies ¶ 17-001-A-30

Tableau 3.
Caractéristiques cliniques et génétiques des formes familiales d’épilepsies partielles idiopathiques (autres que ADNFLE et ADLTE).
Pathologies familiales Gènes et loci Âge de début Principales caractéristiques Évolution et pronostic
(mode de transmission) cliniques et paracliniques
Épilepsie mésiotemporale familiale 4q13.2-q21.3 Adolescent Pas d’antécédent de CF Pharmacosensibilité habituelle
« bénigne » (AD) (gène NI) ou adulte CPS avec symptomatologie végétative
et psychique
CPC et généralisations rares
IRM cérébrale normale
Épilepsie mésiotemporale familiale Locus NI 3 premières CPS et CPC fréquentes Évolution le plus souvent favorable mais
avec SH (AD) décades Antécédents de CF moins fréquents que pharmacorésistance possible (moins
dans les épilepsies mésiotemporales fréquente que dans la forme sporadique)
sporadiques avec SH
Antécédents de CF et présence d’une SH
ségrégant de manière indépendante
dans ces familles
IRM cérébrale: normale ou SH (possible
chez des personnes asymptomatiques)
Épilepsie mésiotemporale familiale 12q22-q23.3 Enfant Association de CF et/ou d’une épilepsie Bon pronostic de l’épilepsie avec
avec CF et sans SH (AD) (gène NI) mésiotemporale chez les mêmes rémission possible
individus ou des individus différents
d’une même famille
IRM cérébrale normale
Épilepsie partielle familiale à foyer 2qter (gène NI) 3 premières Un seul foyer épileptique (frontal, Très variable (guérison à
variable 22q11-12, décades temporal, centropariétal ou occipital) pharmacorésistance)
(AD, pénétrance de 70 %) (gène NI) chez un individu donné, mais variabilité
intrafamiliale pour la localisation
du foyer et l’évolution
IRM cérébrale normale
Épilepsie rolandique familiale (AD) 15q14 (gène NI) Enfant Tableau électroclinique complet Évolution habituelle des ER : guérison
ou seulement trait EEG caractéristique des crises avant l’âge adulte
des ER
IRM cérébrale normale
Épilepsie rolandique avec dyspraxie orale Locus NI dans la Enfant Association d’une ER, d’une dyspraxie L’ER a une évolution habituelle alors que
et de la parole (une forme AD avec forme AD orale et de la parole et d’un déficit les troubles du langage sont persistants
anticipation et une forme liée à l’X) Gène SRPX2 intellectuel
(Xq22) IRM cérébrale : Le plus souvent normale
Polymicrogyrie périsylvienne bilatérale
chez un individu dans une famille
avec mutation dans SRPX2
Épilepsie rolandique avec dystonie induite 16p12-11.2 (NI) Enfant ER, dystonie (axiale ou hémicorporelle) Guérison à l’adolescence de l’ER
par l’exercice et crampe de l’écrivain (AR) (une famille survenant après une marche prolongée, et de la dystonie induite par l’exercice
décrite) et crampe de l’écrivain mais persistance de la crampe de
IRM cérébrale normale l’écrivain qui est améliorée par l’alcool

ADNFLE : épilepsie frontale nocturne autosomique dominante ; ADLTE : épilepsie temporale latérale autosomique dominante ; AD : autosomique dominant ;
AR : autosomique récessif ; CPS : crises partielles simples ; CPC : crises partielles complexes ; CF : convulsions fébriles ; SH : sclérose hippocampique ; ER : épilepsie rolandique ;
NI: non identifié.

Tableau 4.
Caractéristiques cliniques et génétiques des formes familiales d’épilepsies partielles idiopathiques du nourrisson.
Pathologies familiales Gènes et loci Âge de début Principales caractéristiques Évolution et pronostic
(mode de transmission) cliniques et paracliniques
Convulsions infantiles 19q12-q13.1 (gène NI) Entre 4 mois Survenue chez un enfant normal d’une salve de CP Évolution spontanément
familiales bénignes (AD) 2q24 (gène NI) et 7 mois ± secondairement généralisées sur quelques jours favorable, pronostic excellent
16p12-q12 (gène NI) EEG ictal montrant un début pariéto-occipital sans complications
ou temporal des crises neurologiques ultérieures
Imagerie cérébrale normale
Syndrome convulsions 16p12-q12 (comme dans Entre 3 mois et Survenue chez les mêmes individus Parfois épilepsie ultérieure
infantiles et choréoathétose la forme pure) (gène NI) 1 an ou des individus différents de la même famille dans certaines familles
paroxystique (AD) de convulsions infantiles bénignes et plus La choréoathétose
tardivement dans l’enfance, d’une dystonie paroxystique tend à disparaître
paroxystique survenant au repos ou induite à l’âge adulte
par l’exercice ou le stress
Imagerie cérébrale normale
Convulsions bénignes familiales SCN2A (2q24) Entre 2 jours CP parfois longues et apnéiques ± secondairement Évolution favorable avec arrêt
néonatales-infantiles (AD) (gène de la sous-unité de vie et 7 mois généralisées des crises après l’âge de 1 an
alpha-2 du canal Fréquence des crises très variable selon les enfants
sodique voltage- (parfois pluriquotidiennes)
dépendant) EEG : décharges pariéto-occipitale ou centrale
IRM normale
AD : autosomique dominant ; CP : crises partielles ; NI: non identifié ; EEG : électroencéphalogramme.

Neurologie 5
17-001-A-30 ¶ Aspects génétiques des épilepsies

Épilepsie temporale latérale autosomique des convulsions fébriles (CF) et/ou étant atteints d’épilepsie,
dominante (autosomal dominant lateral temporal ainsi que par l’existence d’une extraordinaire variabilité phéno-
epilepsy [ADLTE]) typique intrafamiliale [50]. En effet, certains membres avaient eu
des CF « classiques », d’autres des CF dites « plus », faisant toute
La description initiale fait référence à une épilepsie familiale, la particularité de ce contexte familial. Il s’agit de CF caractéri-
caractérisée par la présence chez divers membres d’une famille sées par leur persistance au-delà de l’âge de 6 ans et par leur
d’une aura auditive survenant isolément ou précédant des crises intrication précoce à des crises généralisées tonicocloniques
partielles complexes ou des généralisations secondaires [40]. Elle afébriles. Certains individus avaient des manifestations épilep-
fut de ce fait initialement décrite comme l’« épilepsie partielle tiques généralisées survenant sans contexte fébrile (crises
autosomique dominante avec signes auditifs ». Une autre généralisées tonicocloniques, absences, myoclonies, crises
caractéristique (inconstante) est le déclenchement des crises par atoniques), pouvant s’associer de manière variable et survenant
certains stimuli auditifs ou la production ou la perception du
sans ou avec intervalle libre par rapport à la période des CF. Le
langage [41, 42]. Cependant, il existe une hétérogénéité intra- et
tableau électroclinique de ces individus était plus ou moins
interfamiliale. En effet, l’aura auditive est inconstante chez les
typique d’épilepsies généralisées idiopathiques ou dans de rares
membres atteints d’une même famille. D’autres symptômes
cas, de celui d’un syndrome de Doose (épilepsie myoclono-
critiques orientant également vers le néocortex temporal,
astatique). Pour certains ayant une épilepsie, on ne retrouvait
comme une aphasie ou des symptômes prenant naissance à la
pas d’antécédents de CF. Ce contexte familial fut appelé
face mésiale du lobe temporal (déjà vu, sensation épigastrique,
« GEFS+ ». Depuis, d’autres familles ont été rapportées. L’évolu-
etc.), voire une origine extratemporale, comme une aura
tion et la pharmacosensibilité de l’épilepsie sont très variables
visuelle, sont possibles chez d’autres membres [41-45] . Des
au sein d’une même famille. Un déficit intellectuel est parfois
épilepsies généralisées idiopathiques et des convulsions fébriles
observé [51] . L’imagerie cérébrale est normale en dehors de
sont également rapportés dans certaines familles. Cependant, le
possibles scléroses hippocampiques séquellaires de CF.
phénotype majoritaire reste la présence de signes impliquant la
face latérale du lobe temporal (Tableau 2). Au plan génétique, la transmission est autosomique domi-
Les familles comportant au moins deux personnes avec aura nante et la pénétrance incomplète (70 % à 80 %). Il existe une
auditive sont celles dans lesquelles la probabilité de trouver une hétérogénéité génétique. Trois gènes sont identifiés à ce jour :
mutation dans le gène LGI1 (leucine-rich glioma inactivated 1) • le gène SCN1B (19q13), codant pour la sous-unité bêta-1 du
(10q22-24) [46], codant pour l’épitempine, est la plus élevée canal sodique voltage-dépendant neuronal (sous-unité qui
(30 % à 50 % des familles positives dans ce cas) [47]. Mais des module l’ouverture du canal). Il s’agit du premier gène
mutations dans LGI1 ont également été rapportées dans des identifié dans ce contexte familial [52] ;
familles avec comme seule aura une symptomatologie aphasi- • le gène SCN1A (2q31) codant pour la sous-unité alpha-1 du
que [41]. La recherche de mutation de LGI1 dans des cas spora- canal sodique voltage-dépendant neuronal (sous-unité qui
diques est exceptionnellement positive. Il existe au moins un forme le pore du canal) [53] ;
deuxième gène impliqué dans ce syndrome familial, mais il n’a • le gène GABRG2 (5q34) codant pour la sous-unité gamma-
pas encore été identifié. Récemment, il a été montré que 2 du récepteur GABAA. [54] Par ailleurs, un nouveau locus a
LGI1 est libérée par les neurones et entre dans la composition été récemment rapporté en 2p24 [55].
d’un complexe protéique au niveau de la densité neuronale Les mutations dans SCN1B et GABRG2 ne concernent que
postsynaptique. À ce niveau, LGI1 se fixe sélectivement à une quelques familles. Pour GABRG2, il s’agit soit de familles GEFS+,
protéine membranaire neuronale, ADAM22 (une métallopro- soit de familles ayant un phénotype moins complexe compor-
téase) et elle intervient dans la régulation de la neurotransmis- tant CF et absences [56]. Le gène SCN1A est à ce jour le plus
sion glutamate-récepteur AMPA [48] . Le gène codant pour souvent impliqué, même s’il ne représente que 5 % à 10 % des
ADAM22 semblait donc un bon candidat comme deuxième familles [57, 58]. De nombreuses mutations dans SCN1A, toujours
gène impliqué dans cette pathologie, mais les premières publi- des mutations faux-sens (changement d’un acide aminé dans la
cations ne rapportent pas de mutation de ce gène dans les protéine), sont rapportées (Fig. 2). D’autres phénotypes indivi-
familles avec ADLTE [49]. duels ont été décrits dans des familles GEFS+ liées à SCN1A :
syndrome de Dravet, syndrome de Lennox-Gastaut, épilepsie
temporale, épilepsie frontale. Pour cette raison, le concept initial
de GEFS+ tend à être remplacé par celui d’autosomal dominant
“ Point fort epilepsy with febrile seizures (ADEFS).

Intérêt pratique et limites de l’étude des gènes Syndrome de Dravet (ou épilepsie
impliqués dans les épilepsies idiopathiques myoclonique sévère du nourrisson)
L’analyse de ces gènes n’est actuellement pas possible en Cette encéphalopathie rare débute typiquement par des crises
routine. avant l’âge de 1 an chez un enfant au développement psycho-
La recherche de mutation dans les gènes d’intérêt est : moteur initial normal [59]. Il s’agit de crises prolongées cloniques
• utile dans les formes du nourrisson : elle permet de généralisées ou hémicorporelles, parfois à bascule, survenant le
rassurer les familles sur le caractère transitoire de ces plus souvent dans un contexte fébrile (parfois une fièvre
épilepsies et d’éviter des prises en charge agressives ; minime) ou déclenchées par un bain ou une vaccination (un
grand nombre d’« encéphalites postvaccinales » sont en fait des
• intéressante dans les épilepsies frontales et temporales : syndromes de Dravet [60]). Les crises sont très fréquentes au
elle indique souvent un pronostic meilleur que dans des début de la maladie et les états de mal quasi constants et
formes non génétiques. Pour les cas pharmacorésistants, fréquents dans les deux premières années de vie. L’épilepsie est
le pronostic postopératoire est actuellement mal connu particulièrement pharmacorésistante. Entre 1 an et 4 ans, l’état
dans un tel contexte et incite à la prudence. neurologique de l’enfant se dégrade, avec une régression
psychomotrice, l’apparition d’autres manifestations épileptiques
(absences atypiques, crises partielles, myoclonies), une hyperac-
■ Contextes génétiques associant tivité, des troubles du comportement. Une ataxie inconstante et
éventuellement transitoire peut être observée. À partir de
épilepsies et convulsions fébriles l’adolescence, l’épilepsie tend à être moins active, les troubles
cognitifs et comportementaux dominant alors fréquemment le
Concept de « generalized epilepsy tableau. Les crises sont plus rares et moins prolongées et
souvent alors essentiellement nocturnes. Le déclenchement des
with febrile seizures plus » (GEFS+) crises par une fièvre peut persister ou non.
En 1997, Scheffer et Berkovic décrivirent une grande famille, Avant un an, l’électroencéphalogramme est dépourvu d’ano-
remarquable par le nombre considérable d’individus ayant eu malies ou montre parfois une photosensibilité précoce qui, dans

6 Neurologie
Aspects génétiques des épilepsies ¶ 17-001-A-30

Milieu extracellulaire
Membrane neuronale

β1 DI DII DIII DIV α1

S1 S2 S3 S4 S5 S6 S1 S2 S3 S4 S5 S6 S1 S2 S3 S4 S5 S6 S1 S2 S3 S4 S5 S6

COOH
NH2
Milieu intracellulaire

Régions à forte densité de mutations


Figure 2. Canal sodique voltage-dépendant neuronal.

le contexte clinique, doit attirer l’attention. Ultérieurement, des


anomalies épileptiques intercritiques généralisées, focales ou
multifocales et un ralentissement du rythme de base peuvent
être observés, mais il n’y a pas d’anomalies spécifiques.
“ Point fort
L’IRM cérébrale est au départ normale, mais peut montrer, si Mutations dans le gène SCN1A
elle est réalisée des années après le début de la maladie, une • Les mutations aboutissant à une protéine tronquée ne
atrophie corticale diffuse non spécifique, une sclérose hippo- sont retrouvées que dans les syndromes de Dravet (et
campique uni- ou bilatérale (moins fréquente cependant que ce
rarement chez un parent transmetteur) et non dans les
qui serait attendu vu la fréquence des états de mal épileptiques).
familles GEFS+.
Il est important de reconnaître la maladie, car certains
antiépileptiques sont aggravants. D’autre part, une prise en • Les mutations faux-sens (changement d’acide aminé de
charge thérapeutique particulière (stiripentol, médicament la protéine) sont retrouvées dans les familles GEFS+ et le
orphelin utilisé dans cette pathologie en association au val- syndrome de Dravet. La localisation de la mutation dans la
proate de sodium et au clobazam) peut limiter la survenue des sous-unité alpha-1 ne permet pas de prédire le
états de mal, dont le rôle aggravant dans la dégradation phénotype. Le conseil génétique est particulièrement
cognitive est probable. difficile dans ce cas.
Le syndrome de Dravet survient le plus souvent de manière La plupart des syndromes de Dravet sont dus à des
sporadique, mais il existe quelques cas de récurrence dans une mutations de novo. La mutation est transmise dans 10 %
même fratrie [61] et des cas appartenant à des familles GEFS+ [62]. des cas avec un risque de récurrence pour un autre enfant
L’existence d’un continuum entre événements fébriles et
à naître, difficile à évaluer en cas de mosaïque parentale.
afébriles a poussé à rechercher l’implication du gène SCN1A
dans ce syndrome. Effectivement, des mutations ont été
retrouvées dans des cas sporadiques de syndrome de Dravet [63].
Elles sont de types plus variés que dans les familles GEFS+ (où présente dans la majorité des cas. Les formes débutantes
seules sont décrites des mutations faux-sens) : mutations
peuvent évoquer une épilepsie généralisée idiopathique. Selon
ponctuelles faux-sens ou aboutissant à une protéine tronquée,
l’étiologie sous-jacente, l’âge de début, l’importance respective
délétions du gène. Dans 90 % des cas, il s’agit d’une mutation
de tel ou tel symptôme, l’association d’autres symptômes (par
dite de novo (non retrouvée chez un parent). Cependant, dans
les autres cas, la mutation est transmise par un parent asymp- exemple dystonie, atteinte oculomotrice, atteinte visuelle,
tomatique ou présentant une épilepsie peu sévère [61, 64]. Il y a hépatosplénomégalie, atteinte osseuse) et la rapidité évolutive
alors un risque de récidive pour un autre enfant. Un phéno- vont varier. L’ensemble de ces données cliniques, l’aspect de
mène de mosaïque somatique et germinale a été démontré chez l’IRM cérébrale (présence d’anomalies de la substance blanche,
certains parents transmetteurs, permettant d’expliquer la des noyaux gris centraux en plus d’une atrophie corticale et
légèreté du phénotype parental [61]. Mais le gène SCN1A n’est cérébelleuse qui, elles, sont non spécifiques de l’étiologie), le
pas impliqué dans tous les cas de syndrome de Dravet. Selon les mode de transmission et l’origine ethnique du patient sont
études et les critères d’inclusion, 35 % à 100 % des cas sont liés autant de « fils d’Ariane » qui vont guider le clinicien dans le
au gène SCN1A (Fig. 2) [58, 64]. Une mutation dans le gène parcours souvent difficile de la recherche étiologique. Le bilan
GABRG2 a été rapportée dans une famille GEFS+ dont un est souvent long, coûteux, invasif à la recherche d’inclusions ou
individu avait un syndrome de Dravet [65]. En revanche, aucune d’anomalies morphologiques cellulaires spécifiques de certaines
mutation de ce gène n’a été rapportée dans des cas sporadiques étiologies (maladie de Lafora, céroïdes lipofuscinoses, myoclonus
de syndrome de Dravet, suggérant qu’il est rarement en cause epilepsy with ragged-red fibers [MERRF]) et, bien souvent, déce-
et qu’il existe probablement un autre gène à découvrir [66]. vant. C’est parfois seulement l’examen neuropathologique
(biopsie cérébrale, autopsie) qui permettra de porter le diagnos-
tic (dans la maladie de Kufs par exemple). La possibilité de
■ Épilepsies myocloniques réaliser des dosages enzymatiques et, plus récemment, d’analy-
ser directement les gènes impliqués dans un certain nombre de
progressives (EMP) ces pathologies a nettement simplifié le bilan. Cependant, les
Il s’agit d’un groupe hétérogène de maladies dégénératives, cas non étiquetés au plan étiologique sont encore non excep-
pour la plupart d’origine génétique, dont certaines correspon- tionnels. Les principales caractéristiques cliniques et génétiques
dent à des maladies de surcharge. Elles ont en commun l’asso- des ces pathologies sont résumées dans les Tableaux 5 et 6.
ciation d’une épilepsie, de myoclonies, d’un syndrome Les plus communes de ces pathologies rares sont la maladie
cérébelleux, d’une atteinte cognitive et une évolutivité. Les d’Unverricht-Lundborg, la maladie de Lafora et l’encéphalopa-
troubles psychiatriques sont fréquents. Une photosensibilité est thie mitochondriale de type MERRF.

Neurologie 7
17-001-A-30 ¶ Aspects génétiques des épilepsies

Tableau 5.
Particularités cliniques et d’imagerie cérébrale selon les formes d’épilepsies myocloniques progressives.
Maladie Âge de début Signes neurologiques Signes extra neurologiques Particularités de l’IRM
associés a associés b cérébrale c
Unverricht-Lundborg Enfant-adolescent Crises occipitales+++, parfois
Quelques cas chez le jeune inaugurales
adulte Atteinte cognitive sévère
Lafora Enfant-adolescent
Quelques cas chez le jeune
adulte
MERRF (myoclonus epilepsy Possible à tout âge Surdité, myopathie, atrophie Diabète, atteinte cardiaque, Anomalies de la substance
with ragged-red fibers) optique, neuropathie lipomatose, petite taille blanche
périphérique Calcifications des noyaux gris
centraux
Céroïde-Lipofuscinoses Selon le type Signes extrapyramidaux Rétinite pigmentaire (sauf Anomalies de la substance
(petit enfant à adulte) Atteinte cognitive sévère forme adulte) blanche, hyposignal
atrophie optique (sauf Kufs) putaminal et thalamique
Sialidose Enfant-adolescent Myoclonus facial Tache rouge cerise au fond
Début tardif possible d’œil
Hépatosplénomégalie
Pieds mains brûlants
Galactosialidose + Dans la galactosialidose :
dysmorphie, angiokératomes,
atteinte osseuse, petite taille
Encéphalopathie avec Adolescent-adulte Signes frontaux
inclusions de neuroserpine d
Atteinte cognitive sévère
Gaucher type 3 d Enfant-adulte jeune Atteinte des saccades oculaires Hépatosplénomégalie,
horizontales thrombopénie, atteinte
osseuse
Forme juvénile de maladie de Enfant Dystonie, atteinte cognitive Atrophie des noyaux caudés
Huntington d sévère
Forme juvénile d’atrophie Enfant-adolescent Choréoathétose
dentato-rubro-pallido-
luysienne d
EMP liée à KCTD7 (une Petit enfant Après un développement
famille publiée récemment) (autour de 2 ans) psychomoteur initial normal,
détérioration cognitive rapide
et précoce
a
Signes s’associant aux signes communs des EMP.
b
Inconstants mais ils orientent vers l’étiologie quand ils sont présents.
c
En dehors des signes non spécifiques de l’étiologie que sont l’atrophie corticale ou cérébelleuse.
d
Le tableau d’EMP est une des présentations cliniques possibles de ces maladies.

Maladie d’Unverricht-Lundborg Dans la forme méditerranéenne, dans laquelle une consangui-


nité est fréquente, une expansion du dodécamère sur les deux
Le tableau d’EMP est pur (sans autre signe neurologique ou allèles est la forme la plus fréquente.
extraneurologique notable), avec typiquement une évolution La cystatine B est un inhibiteur de protéase et paraît impli-
lente et une atteinte cognitive modérée et tardive (cependant, quée dans la protection contre l’apoptose, en inactivant
certains patients peuvent être plus sévèrement atteints) [67]. La directement ou indirectement les caspases. Cependant, les
sévérité du tableau clinique est variable, allant de patients tout mécanismes exacts conduisant à la maladie ne sont pas encore
à fait autonomes à d’autres confinés au fauteuil roulant du fait connus. Dans un modèle murin de la maladie déficient en
de l’intensité des myoclonies des membres inférieurs. cystatine B, le phénotype est proche du phénotype humain et
La forme balte et méditerranéenne, initialement décrites il existe une perte neuronale par apoptose, notamment dans le
comme des entités séparées, sont en fait toutes deux dues à des cervelet.
mutations dans le gène de la cystatine B (EPM1A, 21q22.3) [68, Un deuxième locus en 12p11-q13 (EPM1B) a été mis en
69]. Ces mutations touchent soit le promoteur du gène, aboutis-
évidence dans cette maladie, mais le gène n’est pas encore
sant à une diminution de la transcription, soit la partie codante identifié [73].
du gène (mutations ponctuelles ou délétions), aboutissant à une
protéine de structure anormale et/ou ayant perdu sa fonc- Maladie de Lafora
tion [70, 71]. Le promoteur contient un dodécamère (CCC CGC C’est une des étiologies les plus redoutables d’EMP de part
CCC GCG)n qui, à l’état normal, existe en deux ou trois copies. l’importance et la rapidité de la dégradation cognitive et son
Les allèles mutés comportent plus de 30 copies. Il n’y a pas de évolution rapidement fatale dans les dix ans qui suivent le
corrélation entre la taille de l’expansion et l’âge de début de la début de la maladie. L’existence de crises à point de départ
maladie [72]. Il y a des porteurs de prémutations ayant 12 à occipital, parfois inaugurales, est très évocatrice de la maladie.
17 copies, un phénotype normal et qui sont susceptibles de Cette pathologie est considérée actuellement comme une
transmettre un allèle pathologique à leur descendance (instabi- maladie de surcharge (accumulation de polyglycosans). En effet,
lité méiotique de l’expansion) [72]. elle est caractérisée au plan anatomopathologique par la
La transmission est autosomique récessive. La fréquence présence d’inclusions intracellulaires particulières dans le
respective des deux types de mutations dépend de l’origine cerveau et différents organes, les corps de Lafora (periodic acid
géographique des populations. Dans la forme balte, on retrouve Schiff [PAS] positifs), dont la recherche par biopsie de peau du
le plus souvent une mutation hétérozygote composite (mutation creux axillaire ramenant des glandes sudoripares a constitué
ponctuelle sur un allèle, expansion du dodécamère sur l’autre). pendant longtemps le seul moyen de faire le diagnostic.

8 Neurologie
Aspects génétiques des épilepsies ¶ 17-001-A-30

Tableau 6.
Caractéristiques génétiques des différentes épilepsies myocloniques progressives.
Mildew Mode de transmission Locus Gène/protéine synthétisée
Unverricht-Lundborg AR 21q22.3 EPM1A/cystatine B
12p11-q13 EPM1B (NI)
Lafora AR 6q24 EPM2A/laforine
6p22 EPM2B (NHLRC1)/maline
Autre locus
MERRF (myoclonus epilepsy with ragged-red fibers) Transmission maternelle Mutation dans le génome mitochondrial : A8344G la plus
fréquente
Céroïdes lipofuscinoses
Forme infantile AR 1p32 CLN1/palmitoyl protéine thiostérase
(enzymes lysosomale)
Forme infantile tardive AR 11p15 CLN2/tripeptidyl peptidase I
(enzymes lysosomale)
Forme juvénile AR 16p12 CLN3/une protéine
transmembranaire (fonction ?)
Forme adulte (maladie de Kufs) Divers modes de transmission NI CLN4 (NI)
décrits
Le plus souvent cas
sporadiques
Forme infantile tardive variant finlandais AR 13q22 CLN5/une protéine
transmembranaire (fonction ?)
Forme infantile tardive variant indo-européen AR 15q21-23 CLN6/une protéine
transmembranaire (fonction ?)
Forme infantile tardive variant turc et Northern epilepsy AR 8p23 CLN7=CLN8/une protéine
transmembranaire (fonction ?)
Sialidose AR 6p21.3 NEU1/Alpha-neuraminidase
Galactosialidose AR 20q13 Gène de la PPCA (Proteine
protective/cathepsine A)
Encéphalopathie avec inclusions de neuroserpine AD 3q26 SERPINI1/neuroserpine
Gaucher type 3 AR 1q21 Gène de la bêta-glucocérébrosidase
Forme juvénile de maladie de Huntington AD 4p16.3 IT15/Huntingtine
Forme juvénile d’atrophie dentato-rubro-pallido- AD 12p13 Gène de l’atrophine
luysienne
EMP liée à KCTD7 AR 7q11.2 KCTD7/un canal potassique
AR : autosomique récessif ; AD : autosomique dominant ; NI : non identifié ; EMP : épilepsies myocloniques progressives.

Cependant, cette biopsie n’est pas toujours positive. Le diagnos- du fait d’une létalité chez les embryons mâles. Quelques cas
tic génétique est actuellement possible. Deux gènes sont masculins avec HNP sont cependant décrits, avec un phénotype
identifiés : le gène EPM2A (6q24), impliqué dans 80 % des cas, souvent beaucoup plus sévère [79, 80]. Chez les femmes atteintes,
codant pour la laforine, une protéine tyrosine phosphatase [74] le retard mental étant discret ou absent, l’anomalie cérébrale est
et le gène EPM2B, ou NHLRC1 (6p22) [75] , codant pour la découverte dans le bilan d’une épilepsie partielle de sévérité
maline, une ubiquitine ligase. Toutes deux sont impliquées par variable, qui démarre à l’adolescence ou l’âge adulte ou bien
le biais de mécanismes multiples dans le métabolisme du fortuitement [81]. L’hétérotopie est le plus souvent bilatérale ou
glycogène [76]. Des études de corrélations phénotype-génotype plus rarement unilatérale (Fig. 3). Une hypoplasie vermienne est
(gène EPM2A ou EPM2B) sont en cours. Il existe au moins un parfois associée. Une coagulopathie, des anomalies valvulaires
troisième gène [77, 78]. cardiaques, un canal artériel persistant, des anomalies du
squelette, voire un syndrome d’Ehlers-Danlos peuvent être
■ Épilepsies en rapport avec associés [82].
Une mutation dans le gène FLNA, qui code pour la filamine
des anomalies du développement A (protéine se liant à l’actine et intervenant dans l’organisation
cortical (anomalie de migration du cytosquelette), est retrouvée dans plus de 90 % des cas
familiaux (transmission dominante liée à l’X), mais seulement
ou d’organisation corticale) 30 % des cas sporadiques [83] . Il s’agit très souvent d’une
mutation aboutissant à une protéine tronquée et donc à une
d’origine génétique perte de fonction.
Elles sont une cause importante d’épilepsies pharmacorésis- Il existe une forme rare, autosomique récessive, d’HNP
tantes, souvent associées à un retard mental et sont en rapport associée à une microcéphalie liée à des mutations dans le gène
avec une malformation corticale survenue à un stade variable ARFGEF2 (dont la protéine est impliquée dans le transport
du développement (Tableau 7). vésiculaire) [84]. De plus, de rares cas d’HNP ont été rapportés
Ne sont pas abordées ici les anomalies de la gyration en chez des patients ayant une duplication 5p15 [85].
rapport avec des pathologies métaboliques (notamment mala-
dies des peroxysomes), auxquelles on doit penser quand elles
sont associées à une atteinte de la substance blanche cérébrale. Lissencéphalies dont l’origine génétique
est prouvée
Hétérotopies nodulaires périventriculaires L’anomalie génétique est à l’origine d’un défaut de migration
(HNP) neuronale radiaire. Ce contexte recouvre en fait un spectre
Celles liées au gène FLNA (Xq28) sont les plus fréquentes. Ce allant de l’agyrie (cortex épais sans sillons corticaux discerna-
syndrome dominant lié à l’X touche essentiellement les fem- bles) à la pachygyrie (cortex épais avec quelques sillons corti-
mes. Celles-ci font fréquemment des fausses couches précoces caux) à l’hétérotopie sous-corticale en bandes ou hétérotopie

Neurologie 9
17-001-A-30 ¶ Aspects génétiques des épilepsies

Tableau 7.
Caractéristiques anatomiques, cliniques et génétiques des anomalies corticales d’origine génétique.
Type de Anomalies cérébrales Gènes impliqués selon le sexe Particularités topographiques Particularités cliniques
malformation associées particulières et les anomalies cérébrales et autres anomalies cérébrales
corticale associées possibles
Hétérotopie FLNA : surtout F (rarement H) Le plus souvent bilatérale mais FLNA : coagulopathie, anomalies
nodulaire Très rarement gène ARFGEF2 forme unilatérale possible valvulaires cardiaques, canal
périventriculaire duplication 5p15 Parfois hypoplasie vermienne artériel persistant, anomalies du
squelette voire syndrome d’Ehlers-
Danlos sont à rechercher
ARFGEF2 : microcéphalie
Lissencéphalies H : DCX, LIS1 et délétion 17p13.3 DCX : liss. homogène ou plus del 17p13.3 : syndrome de Miller-
type 1 F : LIS1 et délétion 17p13.3 sévère en avant Dieker : dysmorphie faciale,
Agyrie-pachygyrie LIS1 : liss. plus sévère en arrière microcéphalie et diverses autres
malformations somatiques
Parfois hypoplasie du cervelet
ARX : épilepsie néonatale
del 17p13.3: liss. homogène
réfractaire, hypothermie,
RELN : liss. plus sévère en avant
anomalies des organes génitaux
Hypoplasie majeure du cervelet externes, décès dans les premiers
Hypoplasie cérébelleuse Gène RELN ++
ARX : liss. plus sévère en arrière mois de vie
LIS1
Agénésie du corps calleux TUBA3 : phénotype très variable
TUBA3
Anomalies de la substance Microcéphalie
blanche, hypoplasie du striatum et Retard mental variable
de la région hypothalamique
Épilepsie de début variable
Cervelet épargné
Diplégie spastique
Atteinte du corps calleux ARX +++ (H) TUBA3 : liss. homogène
RELN : peu de données cliniques
TUBA3 ou plus sévère en avant
actuellement disponibles
Anomalies du corps calleux,
hypoplasie du cervelet, anomalies
des hippocampes, hypoplasie
du tronc cérébral
Double cortex DCX +++ : surtout F, rarement H Double bande continue bilatérale
LIS1 : rarement H ou asymétrique, localisée
TUBA3
Polymicrogyries GPR56 GPR56 : PMG frontopariétale GPR56 : retard mental de sévérité
Délétion 22q11 bilatérale, anomalies variable, ataxie, épilepsie,
de la substance blanche en patchs, strabisme
hypoplasie du cervelet et du tronc del 22q11 : sd polymalformatif
cérébral variable
del 22q11 : PMG de topographie
variable
F : sexe féminin ; H : sexe masculin ; del : délétion ; liss : lissencéphalie ; sd : syndrome.

gènes impliqués dans la glycosylation des protéines [86]. La


transmission est autosomique récessive. Elles sont très rares.
Les lissencéphalies classiques (type 1) sont les plus fréquentes.
Les vallées sylviennes ne sont pas operculisées, le cortex est
épais, comportant une architecture anormale à quatre couches
plus ou moins désorganisées. Les sillons sont absents ou rares,
le volume de substance blanche cérébrale est diminué (Fig. 4).
L’épilepsie, pharmacorésistante, débute à quelques mois de vie
(spasmes, crises partielles ou généralisées). Le retard mental est
sévère et s’associe à une quadriparésie spastique.

Lissencéphalies liées aux gènes LIS1 et DCX


Les gènes LIS1 et DCX codent pour des protéines interagissant
avec les microtubules qui ont un rôle fondamental pour la
migration neuronale au cours du développement.
Les lissencéphalies impliquant le gène LIS1 (60 % des
patients), qui, elles, touchent les deux sexes, sont en rapport
soit avec une délétion 17p13.3 (emportant le gène LIS1 et
Figure 3. Hétérotopie nodulaire périventriculaire chez une patiente d’autres gènes), qui donne lieu au syndrome de Miller-Dieker,
ayant une mutation dans la filamine A (iconographie du Dr An). associant une agyrie complète, une dysmorphie faciale caracté-
ristique, une microcéphalie et éventuellement d’autres malfor-
mations somatiques ; soit des mutations ponctuelles dans
laminaire sous corticale ou double cortex (larges bandes de LIS1 [87]. Elles se présentent alors soit sous forme d’une agyrie
substance grise séparées du cortex par une fine bande de diffuse ou d’une agyrie dans les régions postérieures, associée à
substance blanche). une pachygyrie dans les régions antérieures, sans dysmorphie.
Nous ne développerons pas les lissencéphalies pavimenteuses Dans le syndrome de Miller-Diecker, la délétion survient le plus
(dites cobblestone ou type 2), qui constituent un groupe de souvent de novo, le risque de récurrence est alors infime.
maladies associant à la lissencéphalie des anomalies oculaires et Cependant, une translocation équilibrée impliquant le locus
une dystrophie musculaire congénitale et sont liées à différents LIS1 doit être recherchée chez un des parents car le risque de

10 Neurologie
Aspects génétiques des épilepsies ¶ 17-001-A-30

Figure 6. Polymicrogyrie chez un patient ayant une mutation dans


GPR56 (iconographie du Dr An).

Lissencéphalies liées à d’autres gènes


Figure 4. Pachygyrie chez un patient ayant une mutation dans le gène D’autres gènes impliqués dans des lissencéphalies ont été plus
LIS1 (iconographie du Dr An). récemment identifiés. Ils sont à l’origine d’anomalies cérébrales
plus complexes, associant notamment, selon les gènes, des
anomalies du corps calleux, du cervelet ou d’autres structures
cérébrales. Leurs particularités phénotypiques (imagerie cérébrale
et clinique) sont résumées dans le Tableau 7.
Gène « Aristaless-related homeobox gene » (ARX) (Xp22)
Donnant la lissencéphalie X-linked lissencephaly with abnormal
genitalia (XLAG), il touche le sexe masculin [92]. Les femmes
hétérozygotes (mère, sœurs d’un patient atteint) peuvent avoir
de manière inconstante une agénésie du corps calleux et/ou une
épilepsie et/ou un retard mental. Le gène ARX interviendrait
dans la spécification de certains types neuronaux et dans le
guidage axonal. Au plan histologique, outre une organisation
corticale anormale, il y a une absence d’interneurones gabaer-
giques, caractéristique de cette pathologie. Le risque de récur-
rence de lissencéphalie dans la fratrie dépend du résultat de
l’analyse génétique chez la mère (une IRM normale ne permet
pas d’exclure le statut de conductrice). Si la mère est porteuse
de la mutation, elle a un risque sur deux que l’enfant ait la
Figure 5. Double cortex chez une patiente ayant une mutation dans le mutation (transmission dominante liée à l’X) avec, dans le cas
gène DCX (iconographie du Dr An). d’une fille, des difficultés pour prédire le phénotype, notam-
ment concernant le risque de retard mental.
récurrence lors d’une autre grossesse est alors non négligeable. Ce gène est aussi impliqué dans d’autres phénotypes que les
Les mutations ponctuelles dans LIS1 sont le plus souvent des lissencéphalies : retard mental, syndrome de West, syndrome de
néomutations, mais il existe un risque de récurrence si l’un des Partington.
parents est porteur d’une mosaïque germinale (transmission Gène TUBA3 (ou TUBA1A) (12q13)
autosomique dominante).
Il code pour l’alpha-3-tubuline, qui forme avec une bêta-
Les agyries-pachygyries impliquant le gène DCX (Xq22) [88]
tubuline un hétérodimère qui interagit avec la double cor-
ne concernent que le sexe masculin. On observe dans ce cas
tine [93]. Les mutations sont le plus souvent des néomutations,
une agyrie dans les régions antérieures et une pachygyrie dans
mais il existe un risque de récurrence si l’un des parents est
les régions postérieures, sans dysmorphie.
porteur d’une mosaïque germinale (transmission autosomique
Chez la femme, le phénotype en rapport avec les mutations
dominante).
dans DCX est différent (du fait d’un phénomène d’inactivation
de l’X chez la femme) : double cortex ou hétérotopie laminaire Gène RELN (7q22)
sous corticale (double bande continue bilatérale ou asymétrique Il code pour la reeline humaine (protéine extracellulaire
et localisée) (Fig. 5). Le retard mental est absent ou de degré sécrétée par les cellules de la couche moléculaire) [94]. Son rôle
variable. L’épilepsie, de sévérité variable, démarre plus tard que est de stopper la migration neuronale en interagissant avec des
dans les pachygyries (enfance ou âge adulte). Quatre-vingts pour récepteurs de surface de ces cellules. La transmission est
cent des femmes ayant un double cortex ont une mutation autosomique récessive.
dans le gène DCX. Des cas rares de double cortex sont égale-
ment décrits chez des garçons ayant des mutations dans DCX
ou LIS1 [89, 90]. Un mécanisme de mosaïque somatique a été
Polymicrogyries d’origine génétique
prouvé dans certains cas, pouvant expliquer ce phénotype Les polymicrogyries (PMG) sont dues à une organisation
masculin particulier [91]. Pour les malformations liées à DCX, le corticale anormale pendant le développement. Elles sont
risque de récurrence dépend du résultat de l’analyse génétique caractérisées par un nombre excessif de gyri de petite taille
chez la mère (une IRM normale ne permet pas d’exclure le comportant une lamination anormale (Fig. 6). Elles ont des
statut de conductrice). Si la mère est porteuse de la mutation, causes variées génétiques et environnementales (infection intra-
elle a un risque sur deux que l’enfant ait la mutation (transmis- utérine à CMV, hypoperfusion fœtale). Dans ce dernier cas, elles
sion dominante liée à l’X) avec, dans le cas d’une fille, des sont le plus souvent unilatérales et souvent associées à des
difficultés pour prédire le phénotype, notamment concernant le calcifications cérébrales. Celles d’origine génétique sont le plus
risque de retard mental. souvent bilatérales, mais des formes unilatérales sont également

Neurologie 11
17-001-A-30 ¶ Aspects génétiques des épilepsies

observées, notamment dans les cas de remaniements chromo- Les gènes impliqués dans les épilepsies interviennent par le
somiques. Les signes neurologiques sont très variés, discrets à biais de mécanismes sous-jacents multiples : anomalies du
sévères, dépendant de l’étendue et de la topographie de la développement, mort neuronale, modification de l’excitabilité
PMG : retard mental, épilepsie, déficits neurologiques localisés. neuronale dans le cadre de canalopathies. Il est étonnant de
Si plusieurs familles avec PMG de topographie spécifique sont noter que des mutations de sous-unités différentes d’un même
publiées [95], à ce jour le seul gène identifié est le gène G-protein récepteur peuvent être impliquées dans un même syndrome
coupled receptor 56 (GPR56) (16q13), codant pour un récepteur (récepteur nicotinique à l’acétylcholine et épilepsie frontale
couplé aux protéines G, fortement exprimé par les cellules nocturne autosomique dominante) ou dans des syndromes très
progénitrices neuronales [96]. La PMG est bilatérale et a une différents (récepteur GABAA dont les sous-unités impliquées
prédominance frontopariétale. La transmission est autosomique dans les familles GEFS+ et les EMJ familiales sont pourtant
récessive. toutes deux préférentiellement associées dans le récepteur au
Une PMG périsylvienne bilatérale est décrite chez quelques niveau cérébral).
individus appartenant à des familles atteintes d’une forme La plupart des découvertes génétiques ont bénéficié aux
particulière d’épilepsie rolandique avec retard mental et dys- épilepsies à hérédité monogénique, qui sont pourtant les plus
praxie orale et liées au gène SRPX2 (Xq22). Reste à savoir si ce rares. Toutefois, on peut espérer que ces découvertes vont
gène peut être impliqué dans les polymicrogyries en dehors de permettre d’aborder la compréhension des épilepsies à hérédité
ce contexte très particulier. complexe en mettant à jour des gènes de susceptibilité.
Des PMG de topographie variable sont décrites dans de
multiples réarrangements chromosomiques. D’autres malforma-
tions cérébrales ou somatiques peuvent être associées. En cas de .

délétion 22q11, anomalie chromosomique la plus fréquemment


impliquée et à rechercher systématiquement, la PMG peut être ■ Références
uni- ou bilatérale et de topographie variable [97]. Il existe une
dysmorphie plus ou moins sévère et des malformations cardia- [1] Bird TD. Epilepsy. In: King RA, Rotter JL, Motulsky AG, editors. The
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associées ou non à une malformation cérébrale. Certaines [5] Gardiner M. Genetics of idiopathic generalized epilepsies. Epilepsia
d’entre elles donnent lieu à un tableau électroclinique spécifi- 2005;46(suppl9):15-20.
que, dont la reconnaissance conduira le clinicien à demander [6] Plouin P, Anderson VE. Les crises néonatales idiopathiques bénignes
une analyse orientée du caryotype [98]. En termes de recherche, familiales ou non. In: Roger J, Bureau M, Dravet C, Genton P,
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Si l’étude génétique de syndromes épileptiques bien définis a [15] Heron SE, Cox K, Grinton BE, Zuberi SM, Kivity S, Afawi Z, et al.
permis l’identification de nouveaux gènes, la génétique a Deletions or duplications in KCNQ2 can cause benign familial neonatal
également permis d’individualiser de nouvelles entités cliniques seizures. J Med Genet 2007;44:791-6.
familiales non répertoriées dans la classification internationale [16] Tinel N, Lauritzen I, Chouabe C, Lazdunski M, Borsotto M. The
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clinique d’entités déjà décrites. developmental expression. Brain localization and comparison with
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génétiques des épilepsies sont complexes : transmission polygé- [17] Sander T, Schulz H, Saar K, Gennaro E, Riggio MC, Bianchi A, et al.
nique ou mendélienne, hétérogénéité allélique (plusieurs Genome search for susceptibility loci of common idiopathic
mutations d’un même gène impliquées pour une même patho- generalised epilepsies. Hum Mol Genet 2000;9:1465-72.
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I. Gourfinkel-An, Praticien hospitalier (isabelle.an@psl.aphp.fr).


Unité d’épileptologie, Centre de référence épilepsies rares, Unité 679 Inserm, Hôpital Pitié-Salpêtrière, 47, boulevard de l’Hôpital, 75651 Paris cedex 13,
France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Gourfinkel-An I. Aspects génétiques des épilepsies. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris), Neurologie,
17-001-A-30, 2009.

Disponibles sur www.em-consulte.com


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14 Neurologie
 17-001-A-40

Génétique des démences dégénératives


D. Wallon, G. Nicolas

La maladie d’Alzheimer (MA) et les dégénérescences lobaires frontotemporales (DLFT) représentent les
causes les plus fréquentes de démences dégénératives, notamment chez le sujet âgé de moins de 65 ans.
Une agrégation familiale est souvent rapportée dans ces pathologies mais la proportion de familles
concernées par une transmission autosomique dominante reste minoritaire. Plusieurs gènes sont désor-
mais identifiés : pour la MA, il s’agit des gènes presenilin 1 (PSEN1), presenilin 2 (PSEN2) et amyloid
precursor protein (APP) ; pour les DLFT, les gènes granulin precursor (GRN), microtubule associated
protein Tau (MAPT), valosin-containing protein (VCP) et plus récemment C9ORF72. En outre, d’autres
gènes sont impliqués dans des formes rares de DLFT. L’étude systématique des phénotypes cliniques asso-
ciés aux mutations de ces gènes a montré qu’il existe une grande diversité sémiologique dépassant
parfois le cadre de la neurologie. Il est donc important de bien connaître ces cadres syndromiques afin
de ne pas méconnaître un diagnostic moléculaire justifié. Enfin, un nombre grandissant de facteurs de
risque génétiques a été rapporté associé à ces démences dégénératives. Dans cette revue, les corrélations
phénotype–génotype pour les mutations causales de MA et de DLFT sont décrites, tant sur le plan clinique,
radiologique que neuropathologique, de même que certains facteurs de risque génétiques modifiant la
susceptibilité de développer de telles pathologies.
© 2015 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots-clés : Démences neurodégénératives ; Génétique ; Maladie d’Alzheimer ;


Dégénérescences lobaires frontotemporales

Plan frontotemporales (DLFT) [2, 3] . Les autres causes de démence dégé-


nérative comprennent la démence associée à la maladie de Parkin-
■ Introduction 1 son, les maladies à Prion, la maladie de Huntington, et d’autres
causes plus rares. Certaines faisant l’objet d’articles spécifiques de
■ Génétique de la maladie d’Alzheimer 1
l’EMC, nous nous focalisons donc sur la génétique de la MA et des
Introduction 1
DLFT.
Gène PSEN1 2
Les variations génétiques sont des déterminants majeurs des
Gène PSEN2 2
démences dégénératives. Il convient de distinguer d’une part les
Mutations d’APP 2
mutations causales de certains gènes, qui sont suffisamment péné-
Duplications d’APP 3
trantes pour causer la maladie et sont transmises selon un mode
Facteurs de risque génétiques 3
mendélien ; d’autre part, il existe de multiples facteurs de risque
Guide des investigations génétiques de la maladie d’Alzheimer 3
génétiques, qui confèrent un risque supérieur à celui de la popula-
■ Génétique des dégénérescences lobaires frontotemporales 3 tion générale, mais ne sont ni nécessaires ni suffisants pour induire
Spectre clinique 3 la pathologie. Le nombre de ces facteurs découverts augmente
Neuropathologie 4 chaque année avec les larges études génétiques cas–témoins.
Génétique 4 Si la mise en évidence des gènes causaux de démences dégé-
nératives est essentielle pour une meilleure connaissance de ces
maladies et de leurs mécanismes physiopathologiques, elle permet
aussi de définir de nouvelles cibles thérapeutiques et reste indis-
 Introduction pensable pour la réalisation d’un conseil génétique précis dans ces
familles avec la possibilité de diagnostic présymptomatique.
La démence est définie par la présence de déficits cognitifs
multiples, à l’origine d’un déclin significatif du fonctionnement
social ou professionnel selon les critères du Diagnostic and Sta-
tistical Manual of Mental Disorders (DSM) IV-TR. Les démences  Génétique de la maladie
dégénératives, qui sont marquées par une mort neuronale pro- d’Alzheimer
gressive, représentent la catégorie la plus fréquente et la maladie
d’Alzheimer (MA) la première cause de démence dégénérative. Introduction
Chez le sujet âgé de plus de 65 ans, la maladie à corps de Lewy
est la seconde cause de démence dégénérative pure [1] . Chez les Première cause de démence neurodégénérative, la MA affecte
sujets de moins de 65 ans, il s’agit des dégénérescences lobaires actuellement en France plus de 800 000 patients. Décrites il

EMC - Neurologie 1
Volume 12 > n◦ 3 > juillet 2015
http://dx.doi.org/10.1016/S0246-0378(15)50907-X
17-001-A-40  Génétique des démences dégénératives

y a plus d’un siècle, les deux lésions histologiques caracté- périphérie à l’inverse des plaques séniles. Aucune hypothèse
ristiques de la MA sont les plaques amyloïdes composées de n’a permis d’expliquer complètement leur présence associée à
peptides amyloïdes et les dégénérescences neurofibrillaires où l’ensemble des mutations identifiées.
s’agrège la protéine Tau anormalement phosphorylée. L’étude
des formes autosomiques dominantes qui représentent moins de
1 % de la totalité des MA [4, 5] est essentielle pour la compréhen- Gène PSEN2
sion physiopathologique de cette maladie. Les causes génétiques
Beaucoup plus rares que PSEN1, les mutations de PSEN2, actuel-
actuellement validées sont les mutations des gènes presenilin 1
lement au nombre de 13, représentent 6 % des familles avec
(PSEN1) et presenilin 2 (PSEN2) et les mutations ou duplications
transmission autosomique dominante de MA. Près de 70 % d’entre
du gène amyloid precursor protein (APP) [5] . Outre l’âge de début
elles ont une pathogénicité avérée alors que pour les autres, des
précoce et l’importante récurrence des cas au sein d’une même
données complémentaires sont encore nécessaires pour garantir
famille, il existe des variations phénotypiques inhabituelles dont
leur caractère pathogène.
la connaissance est essentielle pour le clinicien. Par ailleurs,
Le phénotype rencontré est celui d’une MA classique avec des
plusieurs facteurs de risque génétiques sont maintenant bien iden-
âges de début plus tardifs que ceux associés aux mutations PSEN1.
tifiés, largement dominés par le gène apolipoprotein E (APOE). Les
Les troubles débutent entre 47 et 69 ans [5] mais il est décrit des
études d’association pangénomique (Genomic Wide Association
formes débutant jusqu’à 85 ans [23] . Dans la plus grande série
Study [GWAS]) sont plus récemment à l’origine de la découverte
comportant 101 cas porteurs de la même mutation, l’âge de début
d’une série d’autres facteurs de risque génétiques.
moyen était 53,7 ans (39 à 75) et le décès survenait en moyenne
autour de 64,2 ans (43 à 88 ans) [24] . Ces écarts imposent donc
une certaine prudence pour évoquer le pourcentage de pénétrance
Gène PSEN1 complète avec une mutation de PSEN2.
Le gène codant la préséniline 1 (PSEN1), identifié en
1995, est le plus fréquemment impliqué dans la MA autoso-
mique dominante. Plus de 180 mutations de ce gène ont été
Mutations d’APP
répertoriées dans la base de données Alzheimer Disease and Les mutations du gène APP sont historiquement les pre-
Frontotemporal Dementia Mutation Database (AD-FTD Mutation mières mutations décrites responsables de MA autosomiques
Database) (www.molgen.ua.ac.be/ADMutations/). Les mutations dominantes [25] . Elles expliquent environ 9 % des familles avec
ponctuelles faux-sens représentent la plupart des cas mais il a éga- transmission autosomique dominante de MA. Actuellement,
lement été identifié des mutations d’épissage au niveau de l’intron 24 mutations de type faux-sens et considérées pathogènes ont été
8, entraînant une délétion de l’exon 9. À elles seules, les mutations répertoriées dans la base de données AD-FTD Mutation Database.
de PSEN1 permettent d’expliquer 43 % des familles avec transmis- Ces mutations correspondent au niveau protéique soit aux sites
sion autosomique dominante de MA. de clivage de la protéine APP, soit à la séquence codant le peptide
En moyenne, l’âge de début de la maladie est de 43,6 ans mais A␤ et agissent sur l’agrégation du peptide A␤ de trois manières
plus de 50 % des patients porteurs d’une mutation de PSEN1 différentes :
débuteront les troubles avant 40 ans. Une grande diversité des • elles augmentent la production de fragments A␤40 et A␤42 pour
âges de début existe toutefois en fonction des mutations. On les mutations concernant le site de clivage ␤-sécrétase ;
rencontre par exemple un début avant 30 ans [6, 7] et jusqu’à • elles modifient le rapport de concentration entre ces deux pep-
60 ans [5, 8] . La pénétrance reste toutefois complète avant 65 ans tides pour les mutations du site de clivage ␥-sécrétase ;
dans tous les cas. Le phénotype clinique le plus fréquent est • elles augmentent l’agrégabilité du peptide pour les mutations
celui d’une présentation amnésique de MA pour près de 80 % des de la région codante [26, 27] .
patients [9] . L’imagerie par résonance magnétique (IRM) cérébrale Le phénotype le plus fréquemment rencontré est une présenta-
objective généralement une atrophie hippocampique bilatérale tion amnésique de MA. Les âges de début peuvent toutefois être
qui peut être sévère (stade IV de la classification de Scheltens [10] ) et très variables, allant de 37 à 64 ans pour la mutation p.Val717Ile
l’imagerie fonctionnelle, un profil d’hypoperfusion ou hypométa- ou London APP, largement la plus fréquente [13] . Cette muta-
bolisme des aires temporopariétales. Toutefois, des présentations tion modifie le site d’intervention de la ␥-sécrétase et entraîne
plus atypiques peuvent se rencontrer chez les patients porteurs un déséquilibre du ratio de peptide A␤40/A␤42. À l’autre extré-
d’une mutation de PSEN1. Par exemple, des troubles du compor- mité du peptide, une double mutation remplace la séquence
tement au premier plan dans le cadre de variant frontal de MA lysine/méthionine par asparagine/leucine. Cette modification
sont rencontrés avec de nombreuses mutations de PSEN1 [5, 11, 12] . génétique qui porte le nom de Swedish APP est associée à des
Une autre situation phénotypique inhabituelle est la survenue symptômes cognitifs et à un tableau psychiatrique avec délire. Les
précoce de myoclonies ou de crises d’épilepsie. Ces dernières sont mutations affectant la séquence protéique d’A␤, par exemple Iowa
des symptômes classiques dans les formes sporadiques mais elles APP, entraînent un déclin cognitif progressif et sont parfois asso-
apparaissent tardivement. Dans le cas de certaines mutations de ciées à une angiopathie amyloïde cérébrale (AAC) importante [28] .
PSEN1, elles sont plus fréquentes et beaucoup plus précoces [13] . La situation clinique correspond à la survenue d’hémorragies
Ainsi, plus de 12 % des patients porteurs de mutations de PSEN1 cérébrales lobaires ou méningées focales. Les hématomes intrapa-
peuvent présenter une épilepsie ou des myoclonies précoces [5] . renchymateux sont classiquement corticaux et de taille variable.
Il est important de connaître le tableau clinique associant une L’imagerie cérébrale par tomodensitométrie (TDM) ou IRM en
paraplégie spastique aux troubles cognitifs dans le cas de muta- séquence adaptée (T2* ou susceptibility weighted images [SWI])
tions de PSEN1. Ce trouble moteur d’installation progressive peut signe la présence des macrosaignements ou hémorragies mais
être rencontré dans 10 % des cas. Il a été décrit associé à une seule l’IRM est à même de montrer la présence de microsaigne-
vingtaine de mutations différentes de PSEN1 [14] . La paraparésie ments, le plus souvent nombreux. Cette AAC est fréquemment
est souvent contemporaine des troubles cognitifs mais peut éga- associée à une leucopathie d’intensité variable au niveau périven-
lement les précéder de plusieurs années. À l’imagerie cérébrale, triculaire (en plage progressivement confluente) ou juxtacortical
une leucopathie périventriculaire [15] ou juxtacorticale [16] est sou- (punctiforme ou en plage) [29] . Ce phénotype est également ren-
vent rapportée. Enfin, plus rarement, une ataxie cérébelleuse peut contré dans la forme Artic APP. Enfin, plus récemment ont été
survenir dans le cas de mutation de PSEN1. Elle peut être contem- découvertes des variations intéressantes sur le codon 673. En
poraine des symptômes cognitifs ou inaugurale [17–21] . effet, la mutation p.Ala673Val entraînerait la maladie à l’état
Sur le plan neuropathologique, il est fréquemment rencon- homozygote [30] alors qu’à l’inverse, les apparentés porteurs hété-
tré, outre les lésions habituelles de MA en grande quantité, des rozygotes ne présentent aucun trouble cognitif, définissant ainsi
plaques arrondies distinctes des plaques séniles, de grande taille, pour la première fois une transmission autosomique récessive [31] .
appelées cotton wool en raison de leur aspect microscopique [14, 22] . En revanche, le remplacement de l’alanine par une thréonine
Elles sont principalement constituées de peptide A␤42 sans cœur (p.Ala673Thr) sur le même codon confère un caractère protec-
amyloïde dense et ne présentent pas de pathologie neuritique en teur pour la MA selon une étude d’association portant chez

2 EMC - Neurologie
Génétique des démences dégénératives  17-001-A-40

1795 individus islandais. Selon les auteurs, cette variation rare du que le variant p.Arg47His constitue un nouveau facteur de
gène APP est associée à un moindre risque de développer une MA risque de développer la MA dans les formes sporadiques à début
avec un odd ratio = 0,236 (p = 4 10−5 ) [32] . tardif [49, 50] avec un odd ratio atteignant 4,5 [1,7–11,9]. La fré-
Sur le plan neuropathologique, les mutations APP sont fré- quence de ce facteur de risque reste très rare : inférieure à 0,5 %
quemment associées à une AAC. En effet, cette angiopathie en population générale [50] . Une étude complémentaire a per-
amyloïde est décrite avec les mutations Flemish APP, Italian APP, mis de confirmer l’implication de ce facteur de risque dans les
Iowa APP ou Artic APP de façon plus ou moins sévère. L’étude neu- formes à début précoce avec une fréquence et un odd ratio
ropathologique met alors en évidence de sévères lésions affectant similaire [51] .
les artères cérébrales avec des dépôts d’A␤40 et A␤42 organisés
dans la paroi des vaisseaux.
Guide des investigations génétiques
Duplications d’APP de la maladie d’Alzheimer
À partir de 2006, les duplications du locus du gène APP ont per- À partir de ces données, le Centre national de référence Malades
mis d’expliquer une transmission autosomique dominante chez Alzheimer Jeunes (CNR-MAJ) a établi les critères nécessaires pour
une vingtaine de familles [5, 33–37] . Elles représentent en France 7 % le diagnostic moléculaire des formes autosomiques dominantes de
de la totalité des familles identifiées [5] . Il ne s’agit pas d’une ano- MA. Compte tenu de ce que nous savons de la pénétrance et des
malie ponctuelle comme dans le cas des mutations du gène mais présentations cliniques, une recherche d’altérations génétiques
d’une variation quantitative responsable d’une surexpression de la concernant les trois gènes causaux doit être proposée lorsque :
protéine APP entraînant secondairement l’augmentation de pro- • soit au moins deux apparentés du premier degré présentent
duction du peptide A␤ [38] . Le gène étant situé sur le chromosome ou ont présenté une MA dont l’âge de début des premiers
21, sa duplication suffit à expliquer que les patients avec trisomie symptômes était inférieur ou égal à 65 ans pour chacun. Il est
21 présentent précocement les lésions de MA. recommandé de documenter une preuve physiopathologique
Les duplications d’APP rencontrées sont de taille variable, allant de MA par des biomarqueurs du liquide cérébrospinal d’au
de 0,29 Mb à 15,50 Mb, mais le phénotype reste indépendant de moins un patient en faveur d’une MA [52] ;
celle-ci. En effet, dans une famille néerlandaise, la duplication ne • soit un cas isolé présente une MA dont l’âge de début des
concernait que le gène APP excluant donc l’implication poten- premiers symptômes était inférieur ou égal à 50 ans. Il est
tielle des gènes adjacents [39] . recommandé de documenter une preuve physiopathologique
La situation phénotypique la plus fréquente (71 %) correspond de MA par des biomarqueurs du liquide cérébrospinal en faveur
à la présentation amnésique de MA. Les troubles commencent d’une MA [52] .
habituellement entre 41 et 65 ans. Les lésions neuropathologiques Le diagnostic moléculaire nécessite un consentement informé,
regroupent les plaques amyloïdes particulièrement riches et dif- signé spécifiquement par le patient. Les informations, for-
fuses à l’ensemble des structures corticales. Ces plaques amyloïdes mulaires de consentement et modalités de prélèvement sont
peuvent parfois s’organiser en « pétales de rose » dans la corne disponibles sur le site : www.alzheimer-genetique.fr. La stratégie
d’Ammon. Les dégénérescences neurofibrillaires et les neurites d’investigation génétique est résumée sur la Figure 1.
dystrophiques sont également très fréquentes et intéressent de
manière sévère l’ensemble du cortex cérébral. À l’instar de cer-
taines mutations d’APP, l’AAC est fréquemment associée aux  Génétique des dégénérescences
duplications de ce gène [5] . Enfin, les crises comitiales précoces
sont fréquentes. Plusieurs hypothèses sont avancées pour expli- lobaires frontotemporales
quer la précocité de cette épilepsie comme l’existence de lésions
cérébrovasculaires, l’AAC elle-même ou la toxicité neuronale du Spectre clinique
peptide A␤ sur les équilibres de certains réseaux neuronaux. Les DLFT sont définies par une neurodégénérescence affec-
tant principalement les lobes frontaux et temporaux. L’expression
Facteurs de risque génétiques clinique des DLFT peut se faire selon les syndromes principaux
suivants : variant comportemental de démence frontotempo-
La grande majorité des cas de MA correspond à des formes spo- rale (DFTc), aphasies primaires progressives (variant sémantique
radiques pour lesquelles il existe un déterminisme multifactoriel. ou aphasie non fluente également nommée aphasie agramma-
La part génétique de ce déterminisme est représentée par diffé- tique) et deux tableaux d’associations syndromiques : le syndrome
rents facteurs de risque. Le premier et principal de ces facteurs corticobasal/paralysie supranucléaire progressive (SCB-PSP) et
est l’allèle ␧4 du gène APOE (APOE4) codant l’apolipoprotéine E. l’association avec la sclérose latérale amyotrophique (DFT-SLA).
L’importance de ce facteur de risque est tout à fait substantielle Ce regroupement syndromique au sein des DLFT est justifié par
puisque 10 % des porteurs d’un allèle APOE4 ayant atteint l’âge la possibilité chez un même patient d’appartenir au cours de
de 75 ans auront développé une MA et 33 % s’ils sont homozy- l’évolution de la pathologie à différents sous-types mais également
gotes APOE4/E4 [40] . Dans la population générale caucasienne, la par la possibilité pour une mutation donnée de rencontrer des
proportion de porteur hétérozygote APOE4 est de 24 %, et homo- tableaux cliniques différents. Il est toutefois important de retenir
zygote APOE4/E4 de 2 % (AlzGene Meta-Analysis [41] ). Plusieurs que ces descriptions cliniques ne sont que le reflet de l’expression
hypothèses sont avancées pour expliquer le lien physiopatho- fonctionnelle de la localisation des lésions. Ainsi, en dépit d’une
logique entre l’isoforme ApoE4 et l’apparition de lésions de la terminologie similaire ou d’une corrélation anatomoclinique pré-
maladie. Il semblerait que cette protéine interagisse avec le pep- dominante, chaque syndrome ne doit pas être confondu avec la
tide A␤ en modifiant ses capacités d’agrégation et sa clairance définition anatomoclinique.
mais elle pourrait également intervenir dans la plasticité neu- Les DFTc représentent environ 70 % des DLFT [2, 3] et pré-
ronale ou la neuro-inflammation [42] . Par la suite, de grandes sentent un trouble du comportement avec syndrome dysexécutif
études d’association pangénomique ou Genome Wide Associa- au premier plan. Elles débutent typiquement avant l’âge de
tion [GWA] ont identifié des polymorphismes sur plusieurs autres 65 ans. La durée de la maladie varie de 2 à 20 ans. Elles sont
gènes [43–45] : CLU (également appelé APOJ), PICALM, CR1 et BIN1 définies par les critères de Rascovsky [53] . En ce qui concerne
conférant un risque faible, avec des odds ratio de l’ordre de 1,10 les aphasies primaires progressives, elles correspondent à une
à 1,20. Ces données ont rapidement été confirmées par d’autres présentation de type aphasique, d’apparition et d’aggravation pro-
études et méta-analyses [46–48] . Enfin, en 2012, deux équipes ont gressives. Elles sont subdivisées en fonction de la caractérisation
mis en évidence un nouveau facteur de risque de magnitude précise du trouble du langage (altération grammaticale ou séman-
comparable à celle de l’APOE4 mais beaucoup plus rare. Les tique, fluence, compréhension, etc.) en démence sémantique
auteurs de ces deux études sont parvenus à identifier un variant (DS), aphasie primaire progressive non fluente (APNF), également
spécifique du gène TREM2. Leurs résultats permettent de retenir dénommée aphasie agrammatique. L’aphasie primaire progressive

EMC - Neurologie 3
17-001-A-40  Génétique des démences dégénératives

Figure 1. Investigations génétiques (Centre


Un patient MA Deux apparentés MA ou plus
national de référence Malades Alzheimer Jeunes)
Âge début ≤ 50 ans Âge début ≤ 65 ans
pour le diagnostic moléculaire de forme auto-
somique dominante de maladie d’Alzheimer
(MA) [52] . QMPSF : quantitative multiplex PCR of
Absence de linéarité Linéarité short fragments ; APP : amyloid precursor protein ;
verticale verticale Dup APP : duplications APP ; PSEN1 : presenilin 1 ;
PSEN2 : presenilin 2 ; APOE : apolipoprotein E ; E4 :
apolipopotein E4.

APOE

Pas E4/E4 Séquençage


ciblé/QMPSF

Sans anomalie
E4/E4 PSEN1 PSEN2 APP Dup APP
identifiée

logopénique (APL) représente un autre profil clinique plus fré- gène C9ORF72, 47 présentaient des mutations de GRN, 27 des
quemment associé à un diagnostic neuropathologique de MA qu’à mutations de MAPT, dix des mutations de VCP, et cinq des muta-
celui d’une DLFT [54] . tions de TARDBP, quatre des mutations de SQSTM1, et un une
Les DLFT s’intègrent également dans le cadre de spectres cli- mutation du gène FUS. La cause génétique des autres cas reste
niques plus larges. Elles peuvent, comme nous l’avons vu, être inconnue [59] .
associées à une SLA. De même, elles peuvent être associées à une La grande majorité des DLFT liées aux gènes actuellement iden-
maladie de Paget et une myopathie particulière : myopathie à tifiés se transmet selon un mode autosomique dominant, en
inclusion, entrant alors dans le cadre d’une inclusions body myopa- dehors de rares exceptions (cf. infra).
thy with Paget disease of bone and frontotemporal dementia (IBMPFD).
Ces deux cadres syndromiques sont particulièrement sous-tendus
par des mutations sur des gènes spécifiques (cf. infra). Le SCB et Gène C9ORF72
les PSP appartiennent également au spectre clinique des DLFT. Après plusieurs années de recherche sur le locus 9p21, iden-
Parmi ces dernières, on distingue les formes classiques de PSP ou tifié à partir de familles présentant un phénotype de DLFT-SLA,
syndrome de Richardson [55] et des formes plus complexes avec le gène causal, C9ORF72, un gène de fonction inconnue localisé
akinésie pure et freezing à la marche (PSP with pure akinesia and sur le chromosome 9, a été identifié en 2011 [60, 61] . L’anomalie
gait freezing [PSP-PAGF]) ou associée à un SCB (PSP-SCB), à une génétique n’est pas une mutation ponctuelle mais une expansion
APNF (PSP-APNF) [56, 57] . anormale d’une répétition de six nucléotides (GGGGCC) dans une
région non codante du gène, qui se transmet selon un mode auto-
somique dominant. Le seuil d’expansion de l’allèle pathologique
Neuropathologie versus allèle normal reste controversé. Les expansions anormales
Les données neuropathologiques permettent d’établir une excèdent généralement 60 répétitions, limite de détection de la
classification suivant les inclusions neuronales et gliales pré- technique la plus communément utilisée (repeat-primed PCR). En
sentes dans le tissu cérébral dégénératif. On distingue deux population contrôle, la taille maximale des répétitions était de
grands types de DLFT : les DLFT-tau, associées à des inclusions 24. Une expansion anormale explique une grande proportion
contenant de la protéine Tau hyper- et anormalement phospho- de familles avec transmission autosomique dominante de DLFT
rylée (tau-positives), et les DLFT-U, associées à des inclusions (jusqu’à 29 %), de SLA (jusqu’à 50 %) et de DLFT-SLA (jusqu’à
ubiquitine-positives et tau-négatives. La protéine Tau est une pro- 88 %), les populations caucasiennes présentant les proportions les
téine associée aux microtubules et un élément majeur retrouvé plus élevées [62] . Les principales hypothèses expliquant la neurodé-
dans les tauopathies. Les DLFT-U sont elles-mêmes subdivisées générescence sont une diminution d’expression de l’allèle portant
selon la présence d’inclusions TAR-DNA binding protein (TDP-43) l’expansion, une agrégation de l’ARN portant l’expansion et pou-
(80–90 %) ou FUS-positives (10–20 %) [58] . Les protéines FUS et vant piéger des protéines se liant à l’ARN, ou un rôle toxique
TDP-43 sont relativement similaires entre elles et sont impliquées de protéines dipeptidiques issues d’une traduction des répétitions
dans le métabolisme des acides ribonucléiques (ARN). elles-mêmes [63, 64] .
Sur le plan neuropathologique, les DLFT associées à des expan-
sions anormales dans le gène C9ORF72 sont marquées par des
Génétique inclusions ubiquitine-, TDP-43-, et p62-positives. Par ailleurs et
d’une façon qui semble spécifique, il existe des accumulations
À partir de la classification neuropathologique des DLFT, on de ces protéines dipeptidiques au sein des inclusions cytoplas-
peut rattacher les gènes qui, lorsqu’ils présentent une mutation miques neuronales TDP-43-négatives et p62-positives dans la
hétérozygote, sont responsables d’un type particulier de DLFT. couche des grains du cervelet ou des neurones pyramidaux hip-
Les mutations du gène microtubule associated protein Tau (MAPT), pocampiques [64, 65] .
qui code la protéine tau, entraînent des DLFT-tau. Les principaux Sur le plan clinique, la diversité est importante : un individu
autres gènes causant des DLFT sont les gènes granulin precursor porteur peut développer soit une DLFT, soit une SLA, soit les deux.
(GRN), C9ORF72 et valosin-containing protein (VCP), dont les muta- L’âge de début clinique varie de 30 à 76 ans (DLFT) et de 27 à 83 ans
tions donnent des DLFT-U associées à des inclusions TDP-43. Les (SLA) [62] . La durée d’évolution de la DLFT est elle-même variable
DLFT-U associées à des inclusions FUS sont encore de cause majo- d’un individu à l’autre, à l’image des autres causes de DLFT. Une
ritairement inconnue sur le plan génétique. anticipation de l’âge de début a été suggérée par plusieurs études
Dans la cohorte française de 429 proposants avec DLFT ou DFT- familiales, mais cela n’est pas confirmé pour le moment. Le prin-
SLA, incluant 310 cas familiaux, 151 proposants étaient liés au cipal obstacle reste notamment le manque d’information sur la

4 EMC - Neurologie
Génétique des démences dégénératives  17-001-A-40

taille exacte des répétitions GGGGCC et l’existence ou non d’une moyenne autour de 50 ans [80, 81] . L’imagerie cérébrale montre dans
corrélation de celle-ci avec la situation clinique. Un syndrome la grande majorité des cas une atrophie bifrontale et temporale
parkinsonien sans tremblement de repos et non dopa-sensible est majeure.
associé à la DLFT au début de la maladie chez 35 % des patients
avec DLFT liée au gène C9ORF72 [62, 66] . L’association d’une telle
anomalie génétique avec d’autres pathologies neurodégénératives Gène VCP
comme la MA est rare et pourrait correspondre à une comorbi-
Les mutations du gène VCP sont responsables d’un syndrome
dité [9, 67] .
particulier de transmission autosomique dominante, nommé
Les DLFT associées au gène C9ORF72 s’expriment plus fréquem-
IBMPFD pour myopathie à inclusion (inclusion body myopathy
ment par une DFTc (59–87 % selon les auteurs) [68–70] , et les signes
[IBM], phénotype le plus fréquent), maladie de Paget osseuse
psychotiques semblent également plus fréquents en début de
(Paget disease of bone [P]), et DLFT (frontotemporal dementia
maladie en comparaison avec les autres causes [70] . Concernant la
[FD]) [82] . Ces syndromes cliniques peuvent être présents chez
SLA, les formes peuvent être de type spinal (60 à 90 % des cas),
une même personne ou une même famille, mais la triade clas-
bulbaire (10 à 33 %) ou multifocal (6 %). Elles sont en moyenne
sique est rarement complète chez un même patient (12 %,
d’apparition plus précoce que les SLA non liées à C9ORF72 [68, 71, 72] .
GeneReviewsTM [83] ). Le diagnostic peut être difficile car la présen-
tation la plus fréquente est de type musculaire, à un âge moyen de
Gène GRN 42 ans, pouvant mimer une myopathie des ceintures, et la maladie
Les mutations du gène GRN (également connu sous le nom de Paget osseuse peut être asymptomatique. L’enquête génétique
de GRN, granulin precursor) représentent la deuxième cause en familiale et le bilan radiologique/biochimique de la maladie de
fréquence de DLFT de transmission autosomique dominante, Paget sont donc déterminants pour identifier une mutation de
depuis l’identification des expansions anormales dans le gène ce gène. Plus récemment, des mutations de VCP ont été mises
C9ORF72. Les types de mutation (non-sens, petites insertions ou en évidence dans des familles associant le phénotype SLA [84] ,
délétions décalant le cadre de lecture, mutations au niveau des enrichissant encore le spectre phénotypique. Certains auteurs
sites d’épissage) plaident en faveur d’un mécanisme de perte de préfèrent désormais le terme de protéinopathie multisystémique
fonction. Ceci a été confirmé par la mise en évidence d’une baisse (multisystem proteinopathy), regroupant l’IBMPFD + SLA dû à des
du taux plasmatique de progranuline chez les patients avec muta- mutations VCP ou avec des phénotypes comparables lors de muta-
tion [73] . En effet, les ARN issus de la transcription d’un acide tions des gènes hnRNPA2B1 et hnRNPA1 [85] .
désoxyribonucléique (ADN) portant un codon stop prématuré Sur le plan pathologique, les mutations de VCP sont respon-
peuvent être dégradés. La cellule ne dispose plus, au minimum, sables de DLFT-U TDP43-positives, et, au niveau musculaire, la
que de la moitié de l’information génétique (l’allèle sauvage), qui présence de vacuoles bordées permet de faire le diagnostic de
ne permet de constituer que 50 % de la protéine fonctionnelle. Le myopathie à inclusion.
dosage de la progranulinémie constitue donc une étape intéres-
sante dans la recherche du gène causal, avant le séquençage du
gène GRN. Autres causes rares
Les mutations de GRN sont responsables de DLFT-U avec inclu-
Récemment, des mutations dans le gène SQSTM1 ont été mises
sions TDP-43.
en évidence chez des patients avec SLA [86] puis chez des patients
Sur le plan clinique, la diversité est grande. L’âge de début
avec DLFT avec ou sans SLA [59, 87] de transmission autosomique
est décrit entre 35 et 87 ans [74] mais une majorité de patients
dominante. Classiquement, les mutations de ce gène présentes
développe la maladie aux alentours de 60 ans [75] . La pénétrance
dans le domaine de liaison aux protéines associées à l’ubiquitine
n’est pas complète puisqu’elle est estimée à 90 % à 75 ans [76] .
sont responsables de maladie de Paget osseuse. Certains patients
Les présentations cliniques sont, là encore, majoritairement des
avec des mutations différentes mais aussi des mutations typique-
DFTc (60 %), et plus rarement des aphasies primaires progressives
ment causales de maladie de Paget osseuse pourraient développer
(15 %). Il n’est pas rare que le tableau clinique et surtout l’imagerie
une DLFT et/ou SLA, avec ou sans maladie de Paget osseuse. Ces
cérébrale montrent une expressivité très asymétrique [77] . Certains
résultats restent à explorer plus amplement. SQSTM1 code la pro-
patients avec mutation GRN présentent un syndrome parkin-
téine p62, une protéine ubiquitaire impliquée notamment dans
sonien associé (40 %), pouvant, dans certains cas, réaliser un
l’autophagie et le système ubiquitine-protéasome, tout comme
syndrome de dégénérescence corticobasale [78] . Lorsqu’une apha-
la protéine VCP. Une autre protéine, codée par le gène UBQLN2,
sie primaire logopénique s’intègre dans le cadre d’une DLFT, c’est
intervient dans les mêmes processus cellulaires, et de rares muta-
en général en lien avec une mutation du gène GRN [63] . Enfin, plus
tions de ce gène ont été retrouvées dans des cas de SLA liées au
rarement (5 %), le tableau clinique pourrait évoquer celui d’une
chromosome X.
MA.
Deux mutations du gène CHMP2B ont été retrouvées dans une
famille danoise avec DLFT de transmission autosomique domi-
Gène MAPT nante et un patient belge [88, 89] . La neuropathologie montrait une
La mise en évidence du gène MAPT a permis une grande avan- DLFT-U TDP-43- et FUS-négative. D’autres mutations ont rare-
cée dans la connaissance des DLFT et des démences dégénératives ment été retrouvées et restent de pathogénicité incertaine.
en général [79] . En effet, les mutations de ce gène, qui code directe- Le gène TARDBP code la protéine TDP-43 elle-même. Des muta-
ment la protéine Tau (tubulin associated unit), à la fois stabilisateur tions de ce gène ont été rapportées chez des patients avec SLA et
des microtubules et constituant majeur des inclusions intraneuro- une minorité de patients avec DLFT-SLA [59] .
nales des tauopathies, sont responsables de DLFT de transmission Bien que des mutations du gène FUS soient une cause de SLA et
autosomique dominante. Il existe un épissage alternatif de l’ARN que la protéine FUS soit retrouvée dans les inclusions ubiquitine-
de MAPT donnant lieu à plusieurs isoformes contenant soit trois, positives, TDP-43 négatives, de certains patients avec DLFT, la
soit quatre domaines de liaison aux microtubules (3R et 4R). plupart de ces cas restent inexpliqués sur le plan génétique. Excep-
L’équilibre 3R/4R est important et peut être altéré par certaines tionnellement ont été rapportées des mutations du gène FUS, chez
mutations (en particulier les mutations affectant l’épissage), alors des patients avec DLFT et SLA [90] .
que d’autres mutations sont localisées directement sur un site de Le gène TREM2 est connu pour donner, lorsqu’il porte des
liaison au microtubule. mutations bialléliques (transmission autosomique récessive), le
Sur le plan clinique, les mutations du gène MAPT s’expriment syndrome de Nasu–Hakola, qui donne classiquement un phéno-
majoritairement par un phénotype de DFTc (85 %) sans ou avec type osseux (kystes, douleurs, fractures pathologiques) dans la
syndrome parkinsonien (DFT-P). Plus rarement, une aphasie pri- quatrième décennie, puis une démence avec syndrome préfrontal
maire progressive peut être le syndrome initial mais on rencontre et calcifications des noyaux gris centraux. De rares cas de démence
également des syndromes de PSP ou de dégénérescence corti- ressemblant à des DFTc liées à des mutations homozygotes de
cobasale ou même l’association des deux cadres au sein des TREM2 sans phénotype osseux ont été décrits [91, 92] , restant néan-
PSP-SCB. L’âge de début est classiquement avant 65 ans avec une moins exceptionnels [93] .

EMC - Neurologie 5
17-001-A-40  Génétique des démences dégénératives

Facteurs de risque génétiques facteur de risque de DLFT [98, 99] . Enfin à l’instar de la MA, des
Le premier gène investigué comme facteur de risque de DLFT études d’association pangénomique (GWAS) ont été réalisées dans
fut l’APOE, bien connu pour son impact dans la MA (cf. supra). les DLFT et ont identifié TMEM106B [100] , entraînant secondaire-
Certaines études ont en effet montré qu’il existait également une ment une modulation de l’expression de GRN et très récemment
augmentation du risque de développer une DLFT chez les indi- deux loci [101] : 6p21.3 comprenant le locus HLA (impliqué dans le
vidus porteurs d’APOE4 [94, 95] . Cependant, toutes les études ne système immunitaire) et 11q14 comprenant RAB38/CTSC (impli-
sont pas arrivées aux mêmes conclusions [96, 97] . En dehors des qué dans le trafic au sein du lysosome). La modification du risque
mutations causales, certaines variations de MAPT notamment de DLFT lié à ces loci reste très modérée compte tenu d’odds ratios
synonymes, c’est-à-dire qui ne changent pas la composition en faibles mais renforce l’implication du système immunitaire et des
acides aminés de la protéine, pourraient être impliquées comme voies lysosomiales dans les processus pathologiques en cause. Ces

DFTc, APP, PSP, SCB

Familial Sporadique

Âge de début Avec maladie de Paget Si aphasie Progranulinémie


Âge de début
< 50 ans : osseuse et/ou progressive
> 50 ans :
analyse myopathie à inclusion : primaire :
progranulinémie
C90RF72 séquençage VCP progranulinémie
Normale Abaissée

Normale Abaissée Si pas Abaissée :


d'expansion : Normale séquençage
Analyse Séquençage
séquençage GRN
C90RF72 GRN
MAPT
Si pas de
Analyse Séquençage mutation
C90RF72 GRN
Analyse Si pas
Si pas de C90RF72 d'expansion et
mutation :
âge de début
Si pas de progranulinémie
Si pas < 65 ans :
d'expansion et mutation : séquençage
recherche Si pas
âge de début MAPT
de délétion d'expansion et
< 65 ans : Normale : Abaissée :
GRN âge de début
séquençage ± séquençage séquençage < 65 ans :
MAPT SQSTM1 GRN séquençage
± VCP,
MAPT
TARDBP,
SQSTM1

A
Figure 2. Investigations génétiques pour le diagnostic moléculaire des dégénérescences lobaires
DFT-SLA
frontotemporales (d’après Le Ber et al. [59] ).
Familial et sporadique
A. Diagnostics de démence frontotemporale comportementale (DFTc), aphasie progressive pri-
maire (APP), paralysie supranucléaire progressive (PSP) et syndrome corticobasal (SCB).
B. Diagnostic de démence frontotemporale associée à une sclérose latérale amyotrophique (DFT-SLA).
Analyse de C90RF72

Si pas d’expansion

Séquençage TARDBP

Si pas de mutation

Progranulinémie

Normale Abaissée

Considérer séquençage FUS, Séquençage


MAPT, VCP GRN
± UBQLN2 si lié à I'X

6 EMC - Neurologie
Génétique des démences dégénératives  17-001-A-40

données sont actuellement à un stade précoce et doivent encore [17] Martin JJ, Gheuens J, Bruyland M, Cras P, Vandenberghe A, Masters
être confirmées par des études de réplication indépendantes. CL, et al. Early-onset Alzheimer’s disease in 2 large Belgian families.
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L’étude systématique de la génétique des DLFT a permis de by mutation position in presenilin-1-linked Alzheimer’s disease. Am J
comprendre qu’à l’échelle de l’individu, le phénotype clinique ne Pathol 2001;158:2165–75.
permet pas de prédire le gène en cause. L’important est donc de [19] Moehlmann T, Winkler E, Xia X, Edbauer D, Murrell J, Capell A, et al.
savoir rechercher une forme génétique en connaissant la diversité Presenilin-1 mutations of leucine 166 equally affect the generation of
d’expression qui peut même parfois sortir du spectre des DLFT. the Notch and APP intracellular domains independent of their effect
Le Ber et al. [59] , sous l’égide du Centre national de référence des on Abeta 42 production. Proc Natl Acad Sci U S A 2002;99:8025–30.
démences rares, ont donc proposé un arbre décisionnel pour le test [20] Miklossy J, Taddei K, Suva D, Verdile G, Fonte J, Fisher C, et al. Two
génétique des DLFT basé sur la clinique. Nous présentons l’arbre novel presenilin-1 mutations (Y256S and Q222H) are associated with
early-onset Alzheimer’s disease. Neurobiol Aging 2003;24:655–62.
diagnostique proposé lorsque le dosage de la progranulinémie est
[21] Anheim M, Hannequin D, Boulay C, Martin C, Campion D, Tranchant
disponible (Fig. 2).
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D. Wallon (david.wallon@chu-rouen.fr).
G. Nicolas.
Centre national de référence Malades Alzheimer Jeunes, Centre hospitalier universitaire, 1, rue de Germont, 76031 Rouen cedex, France.
Inserm UMR1079, Faculté de médecine, 1, boulevard Gambetta, 76183 Rouen cedex, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Wallon D, Nicolas G. Génétique des démences dégénératives. EMC - Neurologie 2015;12(3):1-9 [Article
17-001-A-40].

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EMC - Neurologie 9
¶ 17-001-A-45

Bases moléculaires de la maladie


de Parkinson
S. Lesage, A. Brice

La maladie de Parkinson est la seconde maladie neurodégénérative la plus fréquente, caractérisée par une
perte progressive des neurones dopaminergiques et une accumulation de corps de Lewy. Durant ces dix
dernières années, l’identification d’au moins 13 loci et neuf gènes (Parkine, PINK1, DJ-1, ATP13A2,
SNCA, UCHL1, LRRK2, GIGYF2 et Omi/HTRA2) impliqués dans les formes familiales et sporadiques de
la maladie de Parkinson, ont permis de mieux comprendre la physiopathologie de cette entité complexe.
Les formes monogéniques ont une fréquence variable selon l’origine ethnique des populations étudiées.
Un effet de dose du gène est observé pour SNCA et le phénotype des porteurs de mutations est souvent
celui d’un syndrome parkinsonien typique. La pénétrance de certaines mutations est dépendante de l’âge
et parfois incomplète. Certains gènes impliqués dans les formes monogéniques de maladie de Parkinson
sont aussi des facteurs de risque dans des cas sporadiques.
© 2010 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Maladie de Parkinson ; Génétique ; Formes monogéniques ;


Transmission autosomique dominante ; Transmission autosomique récessive ; Cas sporadiques ;
Facteurs de susceptibilité

Plan dopaminergiques s’accompagne d’une amélioration des signes,


permettant d’augmenter le confort et l’espérance de vie des
patients.
¶ Introduction 1
La maladie de Parkinson a longtemps été considérée comme
¶ Formes monogéniques de maladie de Parkinson 1 une maladie neurodégénérative purement idiopathique d’ori-
a-synucléine (SNCA ; PARK1 et PARK4) 2 gine inconnue. Le rôle des facteurs environnementaux semble
Parkine (PARK2) 3 modeste et une contribution génétique est suspectée depuis
Ubiquitin carboxyterminal hydroxylase L1 (UCHL1 ; PARK5) 3 longtemps. Ainsi, dès 1900, Gowers rapportait que 15 % de ses
PTEN-induced putative kinase 1 (PINK1 ; PARK6) 3 patients présentaient une histoire familiale. Au cours des dix
DJ-1 (PARK7) 3 dernières années, l’existence de rares formes familiales compa-
Leucine-Rich Repeat Kinase 2 (LRRK2 ; PARK8) 3 tibles avec une transmission mendélienne et surtout l’identifi-
ATP13A2 (PARK9) 4 cation de mutations délétères qui coségrégeaient avec la maladie
GRB10-interacting GYF protein 2 (GIGYF2 ; PARK11) 4 dans les familles, ont permis des avancées spectaculaires dans la
Omi/Htra2 (PARK13) 4 compréhension de la physiopathologie de la maladie de Parkin-
¶ Autres loci et gènes candidats impliqués dans la maladie son, une meilleure définition du phénotype associé et le
de Parkinson 4 développement d’outils diagnostiques et pronostiques.
¶ Conclusion 5
■ Formes monogéniques
de maladie de Parkinson
■ Introduction Des études de liaison génétique, surtout dans des grandes
La maladie de Parkinson est une affection neurodégénérative familles atteintes de syndromes parkinsoniens, ont permis
progressive, la seconde en fréquence après la maladie d’Alzhei- d’identifier au moins 13 loci et neuf gènes (Tableau 1) qui sont
mer. Elle est caractérisée cliniquement par la triade bradykinésie, associés, soit à des formes autosomiques dominantes
rigidité avec phénomène de la roue dentée et tremblement de (SNCA/PARK1 et PARK4 ; UCHL1/PARK5 ; LRRK2/PARK8 ;
repos, auxquels s’ajoutent, en général, d’autres manifestations GIGYF2/PARK11 ; Omi/HTRA2/PARK13), soit à des formes
neurologiques telles que des troubles cognitifs. La maladie autosomiques récessives (Parkine/PARK2 ; PINK1/PARK6 ; DJ-1/
débute souvent après l’âge de 60 ans mais près de 10 % des PARK7 ; ATP13A2/PARK9) de maladie de Parkinson. Cependant,
patients ont leurs premiers symptômes avant l’âge de 40 ans. La l’ensemble des mutations dans ces gènes ne rend compte que de
prévalence de la maladie augmente avec l’âge. La maladie est 5 % à 10 % des cas familiaux, la forme la plus commune étant
due à une perte massive et sélective des neurones dopaminergi- les cas sporadiques. Néanmoins, même en l’absence d’une
ques de la voie nigrostriatale, le plus souvent associée à des histoire familiale, une proportion non négligeable des cas dits
inclusions éosinophiles cytoplasmiques, les corps de Lewy, « apparemment » sporadiques pourrait être due à des altérations
présents dans les neurones survivants. La perte neuronale dans les gènes identifiés. Ceci pourrait s’expliquer par un
s’accompagne d’une déplétion en dopamine qui explique phénomène de censure ou d’une pénétrance incomplète de
pourquoi le traitement substitutif par la L-Dopa ou les agonistes certaines mutations dominantes.

Neurologie 1
17-001-A-45 ¶ Bases moléculaires de la maladie de Parkinson

Tableau 1.
Causes génétiques de la maladie de Parkinson.
Localisation Gène Chromosome Transmission Mutations
Formes monogéniques
PARK1/PARK4 SNCA 4q21 AD de début variable ; sporadique A30P, E46K, A53T
Duplications/triplications
PARK2 Parkine 6q25-q27 AR juvénile et de début précoce ; sporadique > 100 mutations (mutations ponctuelles,
réarrangements exoniques)
PARK3 Non encore 2p13 AD de début tardif -
identifié
PARK5 UCHL1 4p14 AD de début tardif d’une fratrie I93M chez 2 patients ; S18Y, effet protecteur
PARK6 PINK1 1p35-p36 AR de début précoce > 40 mutations ponctuelles, grandes délétions rares
PARK7 DJ-1 1p36 AR de début précoce > 10 mutations ponctuelles, grandes délétions
PARK8 LRRK2 12q12 AD de début tardif ; sporadique > 40 variants faux-sens
> 6 pathogéniques dont les mutations G2019S,
I2020T, R1441G/C/H, Y1699C ; G2385R et R1628,
facteurs de risque dans la population asiatique
PARK9 ATP13A2 1p36 Formes AR juvéniles du syndrome de Kufor-Rakeb ; > 5 mutations ponctuelles
Parkinson de début précoce
PARK10 Non encore 1p32 Formes familiales -
identifié
PARK11 GIGYF2 2q36-q37 AD de début tardif 7 variants faux-sens
PARK12 Non encore Xq Formes familiales -
identifié
PARK13 Omi/HTRA2 2p13 Formes familiales 2 variants faux-sens
PARK14 ? PLA2G6 22q12-q13 Formes AR juvéniles du syndrome parkinsonien 2 mutations faux-sens
avec dystonie dopasensible
PARK15 ? FBXO7 22q12-q13 Formes AR atypiques du syndrome parkinsonien 3 mutations ponctuelles
Gènes candidats
- SCA2 12q24.1 AD pour les ataxies spinocérébelleuses de type 2 Expansions de 32 à 42 répétitions CAG avec
interruptions
- GBA 1q21 AR pour la maladie de Gaucher Mutations hétérozygotes, facteurs de susceptibilité
pour la maladie de Parkinson
AD : transmission autosomique dominante ; AR : transmission autosomique récessive ; SNCA : a-synucléine ; PINK1 : PTEN-induced kinase 1 ; LRRK2 : Leucine-Rich Repeat
Kinase 2 ; UCHL1 : ubiquitin carboxyterminal hydroxylase L1 ; GIGYF2 : GRB10-interacting GYF protein 2 ; PLA2G6 : phospholipase A2 de groupe VI ; GBA : b glucocérébrosidase.

un effet fondateur différent de celui observé dans les familles


Répétitions KTKEGV méditerranéennes [5]. Deux autres mutations, plus rares, ont
ensuite été décrites : p.A30P dans une famille allemande [6] et
p.E46K dans une famille espagnole, avec démence à corps de
Lewy [7]. Malgré de nombreuses études, aucune autre mutation
A30P E46K A53T Mutations
ponctuelle de ce gène n’a été rapportée [8].
Région amphiphile Domaine Extrémité acide
non amyloïde Très récemment, des duplications et triplications du locus de
1 61 95 140 Duplications ou SNCA (PARK4) ont été rapportées [9-18] avec une fréquence
triplications moyenne d’environ 2 % dans les formes familiales de syndro-
génomiques de
0,4 à 4,5 Mb
mes parkinsoniens. De manière intéressante, la taille minimale
des régions multipliées et par conséquent le nombre de gènes
Figure 1. Représentation schématique du gène SNCA, ses différents adjacents contenus dans ces régions, étaient très variables (de
domaines putatifs. Les trois mutations ponctuelles rapportées dans la 0,4 à 6,37 Mb contenant de 1 à 33 gènes multipliés) et les
littérature et les duplications et triplications du locus SNCA sont haplotypes associés étaient différents d’une famille à l’autre,
représentées. suggérant que chaque mutation est apparue indépen-
damment [16-18]. L’étude du phénotype associé a montré que la
sévérité de la maladie ne dépendait pas du nombre de gènes
a-synucléine (SNCA ; PARK1 et PARK4) multipliés mais du nombre de copies de gène (quatre copies
dans les triplications hétérozygotes ou duplications homo-
SNCA, constituant majeur des corps de Lewy [1, 2], est le
zygotes et trois copies dans les duplications hétérozygotes). En
produit du premier gène identifié dans les formes familiales de
effet, à l’exception de quelques rares cas avec démence [13-16, 19,
la maladie de Parkinson. Ainsi, l’étude d’une grande famille 20] , les duplications produisent généralement un syndrome
italo-américaine qui présentait une transmission de type
autosomique dominante, a permis la localisation puis l’identifi- parkinsonien typique de début tardif alors que les triplications
cation de la première mutation dans le gène SNCA (locus donnent un syndrome parkinsonien de début précoce et de
PARK1) [3]. Dans cette famille, la mutation p.A53T du gène progression rapide, associé à des lésions typiques de démence
(Fig. 1) était associée à un syndrome parkinsonien avec un avec corps de Lewy [17]. En raison d’une pénétrance incomplète,
début précoce (45 ans en moyenne), des signes cliniques des duplications du gène SNCA ont aussi été rapportées chez de
atypiques (myoclonie, hypoventilation, dysautonomie, halluci- rares cas sporadiques [15, 21, 22].
nation, démence) et une progression rapide de la maladie. Cette En plus de ces mutations, certains variants introniques ou
mutation a ensuite été décrite dans au moins une douzaine situés dans la région promotrice et 3’ du gène SNCA ont été
d’autres familles toutes originaires de Grèce, ce qui résulte retrouvés plus fréquemment chez des patients parkinsoniens
probablement d’un effet fondateur [4]. Plus récemment, cette que chez des témoins appariés. Ces résultats suggèrent que ces
même mutation a été rapportée dans une famille coréenne, avec variants, qui pourraient jouer un rôle dans la régulation de

2 Neurologie
Bases moléculaires de la maladie de Parkinson ¶ 17-001-A-45

l’activité transcriptionnelle du gène et de la stabilité des ARN PTEN-induced putative kinase 1 (PINK1 ;
messagers, seraient des facteurs de prédisposition à la maladie
de Parkinson [23-28].
PARK6)
Le gène codant pour cette protéine kinase mitochondriale a
été localisé sur le chromosome 1 dans une famille italienne [59]
Parkine (PARK2) puis récemment identifié [60]. Depuis, plusieurs familles récessi-
Le gène de la Parkine a été localisé puis identifié [29] dans des ves de différentes origines avec des mutations dans ce gène
familles japonaises avec un syndrome parkinsonien juvénile (mutations ponctuelles et plus rarement délétions exoniques, ou
autosomique récessif. Le criblage de ce grand gène de 1,3 Mb du gène entier) ont été décrites [61-70], mais avec une fréquence
contenant 12 exons a permis d’identifier plus de 100 mutations beaucoup plus modeste que pour la Parkine (1 %-15 %). Plus
différentes (mutations ponctuelles, réarrangements exoniques) rarement, des mutations homozygotes de PINK1 ont été trou-
et de montrer une fréquence de mutations variable dans des vées chez des cas sporadiques de début précoce (0,5 %-
populations très diverses [30-43]. Dans la population européenne, 2,5 %) [69-71]. Comme pour la Parkine, des mutations
les mutations homozygotes et hétérozygotes composites de la hétérozygotes ont également été rapportées [45, 65, 72, 73]. Sur le
Parkine représentent plus de 50 % des formes familiales et plus plan phénotypique, il s’agit d’un syndrome parkinsonien
typique, de début plutôt précoce (entre 30 et 50 ans). Le rôle de
de 15 % des cas isolés, avec un début avant 45 ans [33, 44]. La
PINK1 n’est pas encore bien élucidé. Néanmoins, cette protéine
fréquence des cas avec mutations de la Parkine diminue ensuite
possède un domaine kinase et un domaine d’adressage aux
lorsque l’âge de début de la maladie augmente. De manière
mitochondries, dans lesquelles elle exercerait des effets neuro-
intéressante, un nombre non négligeable de cas avec une seule
protecteurs en phosphorylant des protéines mitochondriales
mutation dans le gène récessif de la Parkine a été rapporté. Le
spécifiques [74]. Chez la drosophile, l’inactivation de PINK1
rôle de ces mutations hétérozygotes demeure controversé et
provoque une apoptose dans les muscles des ailes, une survie
difficile à interpréter [45] :
réduite et des dysfonctionnements mitochondriaux [75, 76]. Ce
• la deuxième mutation a pu échapper aux techniques classi- phénotype est similaire à celui provoqué par l’absence de
ques de criblage du gène ; Parkine [77], conduisant à l’exploration de l’interaction entre ces
• la présence de ces mutations hétérozygotes peut être fortuite, deux protéines. L’expression de la Parkine restaure le fonction-
comme elles sont également retrouvées chez des apparentés nement mitochondrial et un phénotype normal des mouches
sains et dans la population générale ; déficientes en PINK1, alors qu’au contraire, l’expression de
• une seule mutation dans ces gènes « récessifs » serait suffi- PINK1 ne protège pas de la toxicité due à l’absence de la
sante pour être la cause de la maladie ; ceci est suggéré par Parkine [75, 76]. Ces résultats suggèrent que les deux protéines
des études d’imagerie fonctionnelle chez des porteurs asymp- interviennent dans une même voie, PINK1 agissant en amont
tomatiques de mutations hétérozygotes ayant montré un de la Parkine. Des études récentes chez la drosophile suggèrent
dysfonctionnement de l’activité dopaminergique du stria- que cette voie modulerait la dynamique de fusion et fission
tum [46] ; mitochondriales [78, 79].
• ces mutations hétérozygotes représenteraient des facteurs de
prédisposition pour la maladie de Parkinson de début plus
tardif.
DJ-1 (PARK7)
Phénotypiquement, les cas avec mutations de la Parkine ne L’étude d’un syndrome parkinsonien de début précoce dans
semblent pas se distinguer des autres formes de Parkinson de un isolat aux Pays-Bas a permis de localiser un nouveau gène,
début précoce, aussi caractérisés par un début souvent symétri- DJ-1, sur le chromosome 1 [80]. Le gène a été ensuite identifié,
que de la maladie, une progression très lente, une réponse codant pour une protéine de fonction inconnue, qui est
persistante à la Levodopa, une fréquence plus élevée de dystonie surexprimée en cas de stress cellulaire [81] . De nombreuses
et d’hyperréflexie [35, 44] . La neuropathologie des cas avec études ont ensuite révélé que les mutations de ce gène sont très
mutations de la Parkine est particulière car la perte des neurones rares, représentant environ 1 % des formes autosomiques
dopaminergiques de la substantia nigra ne s’accompagne pas de récessives de début précoce [82-86].
corps de Lewy, à l’exception de deux cas autopsiés [47-51]. La
Parkine est une E3 ubiquitine ligase qui intervient dans la voie Leucine-Rich Repeat Kinase 2 (LRRK2 ;
de dégradation ubiquitine-protéasome par mono- et poly- PARK8)
ubiquitylation de protéines présentes dans les corps de Lewy [52].
Plusieurs de ses substrats sont connus dont certains permettent Le gène LRRK2, d’abord localisé sur le chromosome 12 dans
d’établir un lien avec SNCA [53]. Les mutations entraînent une une grande famille japonaise [87] , a ensuite été récemment
perte de fonction qui pourrait conduire à une accumulation identifié par deux équipes indépendantes dans des familles
toxique de ses substrats mais cette hypothèse n’a pas été d’origines géographiques variées [88, 89]. Des mutations ponc-
confirmée dans les modèles animaux. tuelles de type faux-sens sont responsables d’un syndrome
parkinsonien cliniquement typique, de début généralement
tardif, mais avec une neuropathologie variable, allant d’une
Ubiquitin carboxyterminal hydroxylase L1 dégénérescence pure de la substantia nigra sans corps de Lewy
(UCHL1 ; PARK5) à une accumulation de SNCA sous forme de corps de Lewy
limités au tronc cérébral ou s’étendant dans le cortex en passant
UCHL1 est une enzyme neuronale de déubiquitylation par des cas avec accumulation de protéine tau [90, 91].
impliquée dans la voie de dégradation ubiquitine-protéasome. LRRK2 est un grand gène de 51 exons codant pour une
Cette protéine est présente dans les corps de Lewy et pourrait protéine de 2 527 acides aminés avec de multiples domaines, en
favoriser l’accumulation de SNCA [54]. Une mutation faux-sens particulier un domaine GTPase, un domaine kinase et plusieurs
(p.I93M) dans le gène UCHL1 a été mise en évidence chez deux domaines d’interaction protéine-protéine [92]. Le criblage du
patients d’une même fratrie, dans une famille allemande, bien gène entier, rapporté dans quelques études sur des formes
que le parent transmetteur de la mutation fut asymptomati- autosomiques dominantes de la maladie de Parkinson, a permis
que [54]. Cependant, ni cette mutation, ni aucune autre n’a été d’identifier plus de 40 variants faux-sens, dont six semblent être
retrouvée ultérieurement dans de nombreuses familles analysées, pathogéniques et récurrents [91, 93]. Parmi eux, la mutation
remettant en doute le rôle de ce gène dans la maladie de p.G2019S a suscité un intérêt considérable car elle explique, à
Parkinson [55-57]. Enfin, bien que les études du polymorphisme elle seule, une proportion importante des formes autosomiques
fréquent p.S18Y aient donné des résultats contradictoires, les dominantes de la maladie de Parkinson et aussi de façon très
résultats d’une méta-analyse semblent suggérer que ce variant a intéressante, des formes communes sporadiques, dans certains
un effet protecteur dans les formes sporadiques de début tardif sous-groupes de patients parkinsoniens. Cette mutation a été
de la maladie de Parkinson [58]. initialement associée à 5-6 % des formes familiales de la maladie

Neurologie 3
17-001-A-45 ¶ Bases moléculaires de la maladie de Parkinson

de Parkinson d’origine européenne et à 1-2 % des cas apparem- est candidat au locus PARK13, sur le chromosome 2, en raison
ment isolés [91, 94-96]. Depuis, de nombreuses études montrent d’arguments biologiques et génétiques [131]. En effet, des souris
que la fréquence de la mutation p.G2019S varie considérable- partiellement ou totalement invalidées pour ce gène présentent
ment selon l’origine géographique et ethnique des populations un phénotype parkinsonien [132, 133]. Des études de cas/témoins
étudiées. Très rare en Asie [97-99], en Afrique du Sud [100], elle est d’origine allemande ont identifié une mutation, p.G399S, ainsi
présente dans environ 30 % à 40 % des cas familiaux et qu’un variant de prédisposition, p.A141S [131], mais deux autres
sporadiques d’origine nord-africaine et chez 10 % à 30 % des études n’ont montré aucune association de ces deux variants
Juifs Ashkénazes [101-106]. De manière intéressante, au moins avec la maladie de Parkinson dans leurs populations testées [134,
trois haplotypes distincts ont été rapportés, associés à cette 135] . En revanche, une autre étude a identifié des variants
mutation, dont l’haplotype 1, partagé par 95 % des porteurs de fonctionnels dans la région régulatrice du gène [136]. L’implica-
la mutation p.G2019S de toutes origines, sauf les rares cas tion directe de ce gène dans la maladie de Parkinson reste donc
japonais [107-111]. Aussi remarquable est l’absence « d’effet dose » sujette à caution.
observé chez les patients homozygotes pour la mutation
p.G2019S ou ceux porteurs à la fois de la mutation p.G2019S et
de mutations dans le gène de la Parkine, qui présentent un
tableau clinique de maladie de Parkinson idiopathique [101, 106, ■ Autres loci et gènes candidats
112, 113]. Cette mutation a aussi été rapportée à l’état hétéro-

zygote et homozygote chez des apparentés asymptomatiques et


impliqués dans la maladie
aussi quelques rares témoins, suggérant une pénétrance incom- de Parkinson
plète dépendante de l’âge. Dans une étude collaborative,
regroupant 21 centres de l’Amérique du Nord et d’Europe, Pour quelques loci identifiés par des études de liaison
l’étude de 1 045 participants provenant de 133 familles a permis génétique dans des séries de petites familles, soit les gènes ne
d’estimer la pénétrance chez les porteurs de p.G2019S à 28 % à sont pas encore identifiés, comme pour PARK12, sur le chromo-
59 ans, 51 % à 69 ans, et 74 % à 79 ans [91]. Ces données some X [127], soit les gènes candidats proposés restent contro-
permettent de préciser le risque associé à cette mutation et de versés, comme pour PARK3 et PARK10 [137, 138]. Néanmoins, ces
répondre à des demandes de tests présymptomatiques émanant régions semblent plus contenir des facteurs de prédisposition
d’apparentés de porteurs de la mutation. pour la maladie de Parkinson de début tardif, que des gènes
En dehors de la mutation p.G2019S, d’autres mutations ont délétères. Très récemment, un locus associé à une démence à
été identifiées, qui semblent spécifiques d’une population corps de Lewy a été identifié dans une famille belge, dans une
donnée. Ainsi, la mutation p.R1441G est fréquente dans la région adjacente au locus PARK11 [139]. De plus, deux nouveaux
population basque [88, 114-116], alors que la mutation p.I2020T a gènes récessifs ont été identifiés dans des familles présentant des
été identifiée dans la famille japonaise qui a permis la localisa- formes atypiques de la maladie de Parkinson : FBXO7, impliqué
tion du gène LRRK2 [117]. De même, deux variants, p.G2385R et dans la voie de dégradation ubiquitine-protéasome [140, 141] et
p.R1628P, agissent comme facteurs de prédisposition dans la PLA2G6, qui code pour une phospholipase A2 de groupe VI [142].
population asiatique, augmentant le risque de la maladie de L’association de la maladie de Parkinson avec certaines
Parkinson de 2 à 3 fois [118-121]. pathologies, comme les ataxies spinocérébelleuses autosomiques
dominantes ou encore la maladie de Gaucher, a conduit à
ATP13A2 (PARK9) suspecter les mutations causales dans ces pathologies, comme
une des causes de la maladie de Parkinson.
Des mutations du gène ATP13A2, qui code pour une ATPase Ainsi, des expansions intermédiaires de 32 à 42 répétitions
de type P lysosomale à prédominance neuronale jusqu’alors CAG avec interruptions d’un ou plusieurs codons CAA rendent
inconnue, sont associées au syndrome de Kufor-Rakeb, forme compte de 1,5 % à 8 % des formes autosomiques dominantes
autosomique récessive de syndrome parkinsonien de début de la maladie de Parkinson, alors que des grandes expansions de
précoce, avec dégénérescence pyramidale et démence [122, 123]. CAG sans interruptions sont responsables de formes
Récemment, le spectre mutationnel de ce gène a été étendu à ataxiques [143-148].
des syndromes parkinsoniens plus typiques, de début pré- Des mutations homozygotes et hétérozygotes composites du
coce [124, 125] . Des études fonctionnelles ont montré que, gène de la b glucocérébrosidase (GBA) sont la cause de la
contrairement aux protéines sauvages localisées dans la mem-
maladie de Gaucher, maladie métabolique rare, due à une
brane lysosomale, les protéines mutées sont retenues dans le
surcharge viscérale de glucolipides complexes, les glucocérébro-
réticulum endoplasmique et dégradées par le protéasome [122].
sides. La fréquence de syndromes parkinsoniens et la présence
de corps de Lewy chez les patients atteints de la maladie de
GRB10-interacting GYF protein 2 (GIGYF2 ; Gaucher ont conduit plusieurs auteurs à cribler les mutations les
plus fréquentes identifiées dans cette maladie ou à analyser
PARK11) l’ensemble du gène GBA chez des patients avec syndrome
Très récemment, il a été proposé que le gène GIGYF2, impli- parkinsonien d’origines géographiques très diverses [149-158]. Ces
qué dans les voies de signalisation de l’insulin like growth factor études de cas et témoins ont montré une association significa-
1 (IGF-1) et de l’insuline, soit impliqué dans la forme PARK11, tive des mutations à l’état hétérozygote du gène GBA avec la
sur le chromosome 2 [126-128]. Le criblage de ce gène dans deux maladie de Parkinson, avec un risque sept fois plus élevé chez
populations indépendantes, française et italienne avec une les Juifs Ashkénazes que chez les témoins [149]. Ainsi, la fré-
transmission de type autosomique dominante, nous a permis quence des mutations du gène GBA est de 17 % chez des
d’identifier dix variants portés par 16 familles différentes, patients rapportant des ancêtres juifs contre 8 % chez ceux qui
représentant une fréquence non négligeable de 6 % [129] . n’en ont pas ; cette fréquence est d’autant plus élevée que le
Cependant, le criblage de l’isoforme longue de GIGYF2 dans début de la maladie est plus précoce (22 % chez les patients
deux autres populations nord-américaine et portugaise de avec un début de maladie ≤ 50 ans contre 10 % chez ceux avec
patients avec maladie de Parkinson, essentiellement des cas un début de maladie > 50 ans) [157]. De manière intéressante, les
sporadiques et de témoins appariés sur l’origine géographique, mutations du gène GBA responsables de formes sévères de la
n’a pas permis de mettre en évidence de mutations maladie de Gaucher augmentent le risque de maladie de
délétères [130]. Parkinson d’un facteur 13 contre seulement 2, pour les muta-
tions conduisant à des formes moins sévères de la maladie de
Omi/Htra2 (PARK13) Gaucher [157]. Des études récentes ont également rapporté que
les mutations hétérozygotes du gène GBA pouvaient être aussi
Le gène Omi/Htra2 qui code pour une protéase à sérine un facteur de prédisposition pour les démences à corps de
mitochondriale, relarguée dans le cytosol au cours de l’apoptose, Lewy [159-161].

4 Neurologie
Bases moléculaires de la maladie de Parkinson ¶ 17-001-A-45

Mode de transmission

Autosomique récessif
Cas sporadique (= au moins 2 atteints dans la même fratrie, Autosomique dominant
issus des 2 parents apparemment non atteints (= au moins 2 générations atteintes)
ou consanguinité)

Âge de début Âge de début Âge de début

≤ 40 ans > 40 ans ≤ 50 ans > 50 ans ≤ 50 ans > 50 ans

Parkine >> Ne justifie pas Parkine >> Ne justifie pas SNCA (grands LRRK2
LRRK2 d'analyse PINK1 >> d'analyse réarrangements) (p.G2019S)
(p.G2019S) génétique de DJ-1 génétique de si forme
routine routine atypique >>
LRRK2
(p.G2019S)

Données démographiques et cliniques du patient parkinsonien

LRRK2 (p.G2019S)

Si patient d'origine juive ou nord-africaine

Figure 2. Arbre décisionnel. Analyses génétiques à demander en fonction de l’histoire familiale de la maladie de Parkinson et de l’âge de début de la maladie.

■ Conclusion ■ Références
La maladie de Parkinson est une affection très hétérogène, [1] Spillantini MG, Schmidt ML, Lee VM, Trojanowski JQ, Jakes R,
particulièrement au plan génétique, résultant de l’altération Goedert M.Alpha-synuclein in Lewy bodies. Nature 1997;388:839-40.
d’un ou plusieurs gènes, qui seuls, ou en interaction avec des [2] Spillantini MG, Crowther RA, Jakes R, Hasegawa M, Goedert M.
facteurs environnementaux, vont conduire à la mort des Alpha-Synuclein in filamentous inclusions of Lewy bodies from
neurones dopaminergiques dans la substantia nigra. L’identifi- Parkinson’s disease and dementia with Lewy bodies. Proc Natl Acad
cation de ces différents gènes délétères et des facteurs de Sci USA 1998;95:6469-73.
prédisposition suggère l’implication de plusieurs voies molécu- [3] Polymeropoulos MH, Lavedan C, Leroy E, Ide SE, Dehejia A, Dutra A,
laires, à l’origine de la mort neuronale, que ce soit une altéra- et al. Mutation in the alpha-synuclein gene identified in families with
tion de la voie ubiquitine-protéasome, une accumulation des Parkinson’s disease. Science 1997;276:2045-7.
protéines toxiques, une augmentation du stress oxydatif, un [4] PapadimitriouA, Veletza V, Hadjigeorgiou GM, PatrikiouA, Hirano M,
dysfonctionnement mitochondrial ou lysosomal ou encore Anastasopoulos I. Mutated alpha-synuclein gene in two Greek kindreds
d’autres processus restant à découvrir. Outre l’intérêt physiopa- with familial PD: incomplete penetrance? Neurology 1999;52:651-4.
thologique évident de l’identification de ces gènes, l’étude des [5] Ki CS, Stavrou EF, Davanos N, Lee WY, Chung EJ, Kim JY, et al. The
formes monogéniques est capitale pour définir le phénotype de Ala53Thr mutation in the alpha-synuclein gene in a Korean family with
ces formes particulières et pour savoir quand les rechercher Parkinson disease. Clin Genet 2007;71:471-3.
(indications du diagnostic génétique) dans un but de diagnostic
[6] Kruger R, Kuhn W, Muller T, Woitalla D, Graeber M, Kosel S, et al.
positif et pour des applications de conseil génétique (Fig. 2).
Ala30Pro mutation in the gene encoding alpha-synuclein in
Néanmoins, les mutations identifiées dans les formes mono-
Parkinson’s disease. Nat Genet 1998;18:106-8.
géniques de la maladie de Parkinson, ces dix dernières années,
ne représentent qu’une toute petite fraction et les avancées [7] Zarranz JJ,Alegre J, Gomez-Esteban JC, Lezcano E, Ros R,Ampuero I,
technologiques comme le développement des puces à acide et al. The new mutation, E46K, of alpha-synuclein causes Parkinson
désoxyribonucléique (ADN) à haute densité ou des puces and Lewy body dementia. Ann Neurol 2004;55:164-73.
d’expression, ainsi que le séquençage du génome humain, [8] Berg D, Niwar M, Maass S, Zimprich A, Moller JC, Wuellner U, et al.
devraient permettre de découvrir prochainement d’autres gènes Alpha-synuclein and Parkinson’s disease: implications from the
ou facteurs de prédisposition impliqués dans cette maladie screening of more than 1,900 patients. Mov Disord 2005;20:1191-4.
neurodégénérative. De même, un défi sera d’identifier des [9] Singleton AB, Farrer M, Johnson J, Singleton A, Hague S, Kachergus J,
biomarqueurs de la maladie de Parkinson afin d’identifier la et al. alpha-Synuclein locus triplication causes Parkinson’s disease.
maladie durant la phase présymptomatique et de trouver des Science 2003;302:841.
molécules qui ralentiraient la progression de la maladie ou [10] Farrer M, Kachergus J, Forno L, Lincoln S, Wang DS, Hulihan M, et al.
mieux encore, préviendraient de son développement grâce à Comparison of kindreds with parkinsonism and alpha-synuclein
l’identification de nouvelles cibles thérapeutiques. genomic multiplications. Ann Neurol 2004;55:174-9.

Neurologie 5
17-001-A-45 ¶ Bases moléculaires de la maladie de Parkinson

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S. Lesage, Docteur es sciences.


INSERM, CRicm UMR S975 (anciennement UMR S679), 47, boulevard de l’Hôpital, 75013 Paris, France.
Université Pierre et Marie Curie 6, CRicm UMR S975, 47, boulevard de l’Hôpital, 75013 Paris, France.
A. Brice, Professeur des Universités, praticien hospitalier (alexis.brice@upmc.fr).
INSERM, CRicm UMR S975 (anciennement UMR S679), 47, boulevard de l’Hôpital, 75013 Paris, France.
Université Pierre et Marie Curie 6, CRicm UMR S975, 47, boulevard de l’Hôpital, 75013 Paris, France.
Département de génétique, cytogénétique et embryologie, AP-HP, Hôpital Pitié-Salpêtrière, 47-83, boulevard de l’Hôpital, 75013 Paris, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Lesage S., Brice A. Bases moléculaires de la maladie de Parkinson. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris),
Neurologie, 17-001-A-45, 2010.

Disponibles sur www.em-consulte.com


Arbres Iconographies Vidéos / Documents Information Informations Auto- Cas
décisionnels supplémentaires Animations légaux au patient supplémentaires évaluations clinique

Neurologie 9
¶ 17-001-A-50

Génétique et maladies de la substance


blanche
P. Labauge

Les leucodystrophies de l’adulte constituent un vaste champ diagnostique. La principale analyse est de
savoir si le clinicien est en présence d’une leucodystrophie d’origine vasculaire ou non. En faveur d’une
origine vasculaire, on retient l’atteinte des noyaux gris, de la partie médiane du pont et le
microsaignement en écho de gradient. Dans une telle situation, la pathologie la plus fréquente est
représentée par la maladie de Cadasil dont le gène muté est Notch3. À l’inverse, une leucodystrophie non
vasculaire doit être recherchée. Elle peut être due à une anomalie biochimique ou à une mutation
génétique. L’aspect neuroradiologique est un des éléments clés pour arriver à un tel diagnostic.
© 2009 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Leucodystrophies vasculaires ; Leucodystrophies métaboliques ; Gènes ; IRM

Plan facteurs de risque vasculaire, doivent faire évoquer une maladie


génétique, même en l’absence d’antécédents familiaux. La
maladie la plus connue est la maladie de Cadasil, acronyme de
¶ Introduction 1
cerebral autosomal dominant arteriopathy with subcortical infarcts
¶ Leucodystrophies vasculaires 1 and leukoencephalopathy [1].
CADASIL 1
Leucodystrophie vasculaire et mutation du gène COL4A1 2
¶ Leucodystrophies non vasculaires 2 CADASIL
Leucoencéphalopathie mégalencéphale avec kystes sous-corticaux 3
Il s’agit d’une maladie autosomale dominante, ayant comme
Leucoencéphalopathie avec atteinte du tronc cérébral
symptômes cliniques des accidents lacunaires à répétition, une
et de la moelle avec augmentation de lactate (syndrome LBSL) 3
démence de type sous-cortical, associés à des migraines avec
Syndrome Nasu-Hakola 4
aura, et des états psychiatriques, dépression, voire mélancolie ou
Leucodystrophie de l’adulte autosomale dominante 4
état maniaque. Le gène muté, à l’origine de cette pathologie est
Maladie d’Alexander 5
Notch3 [2], localisé sur le bras long du chromosome 19. L’aspect
Syndrome CACH/VWM 5
neuroradiologique consiste en l’association d’infarctus de type
¶ Conclusion 6 lacunaire, intéressant la capsule interne, le corps calleux, le
thalamus, les noyaux caudés, la partie centrale de la protubé-
rance. Est associée une leucoaraïose, consistant en de vastes
plages de démyélinisation, à prédominance périventriculaire et
■ Introduction respectant le plus souvent les fibres en U (Fig. 1). Ces aspects
neuroradiologiques peuvent parfois, lorsque les noyaux gris sont
respectés, en imposer pour une sclérose en plaques. Lorsque
Les maladies de la substance blanche d’origine génétique sont sont réalisées des séquences en écho de gradient, elles mettent
multiples. Deux grands groupes les opposent : les maladies en évidence des hyposignaux, rentrant dans le cadre de micro-
vasculaires et les maladies démyélinisantes. L’objectif de cette saignements [3, 4]. Ces aspects sont très importants, car ils ne
mise au point est d’en définir les principales causes et d’élaborer sont jamais objectivés dans les leucodystrophies non vasculaires.
un arbre diagnostique. Un signe neuroradiologique très utile dans ce contexte est la
mise en évidence à la phase précoce d’hypersignaux de la
pointe des lobes temporaux [5]. Il en est de même de l’atteinte
des capsules externes, réalisant des images dites en « croissant »,
■ Leucodystrophies vasculaires et de celle du corps calleux [5].
La cause de cette pathologie est une fragilité des parois des
Les arguments devant faire évoquer au clinicien une maladie vaisseaux secondaire à une raréfaction des cellules musculaires
de la substance blanche d’origine vasculaire et génétique lisses, notamment des couches des cellules musculaires lisses
doivent être bien connus : un âge jeune, moins de 50 ans, appendues aux vaisseaux artériels, qu’ils soient neurologiques
l’absence de facteurs de risque vasculaire (hypertension arté- ou en dehors du système nerveux central. La mutation du gène
rielle, diabète, hypercholestérolémie, tabagisme actif). En cas de Notch3 entraîne une accumulation du récepteur Notch3 sur la
doute, les résultats de l’échographie des vaisseaux du cou, la membrane de ces vaisseaux. Un aspect caractéristique sur le
présence d’anomalies athéroscléreuses au fond d’œil, vont plan histologique est la mise en évidence de dépôts, appelés
plutôt orienter la démarche étiologique vers une maladie GOMs, visibles uniquement en microscopie électronique, sur les
acquise que génétique. À l’inverse, un âge jeune, l’absence de membranes basales de ces vaisseaux.

Neurologie 1
17-001-A-50 ¶ Génétique et maladies de la substance blanche

cutanées sont réalisées, il est mis en évidence des dépôts le long


des vaisseaux, mais qui n’ont pas les caractéristiques des dépôts
observés dans la maladie CADASIL.

Leucodystrophie vasculaire et mutation


du gène COL4A1
Le gène COL4A1 fait partie d’une grande famille de collagène,
protéine de soutien des vaisseaux.
Le tableau initial décrit a été celui de sujets présentant une
hémiplégie infantile, associée à une leucodystrophie ayant les
caractéristiques vasculaires, potentiellement associées à de vastes
cavités porencéphaliques, des tortuosités rétiniennes, une
cataracte congénitale et d’autres malformations de la chambre
antérieure de l’œil [6, 7]. Le tableau s’est ensuite enrichi par la
description de patients ayant des tableaux de crampes muscu-
laires, d’anévrismes intracrâniens et d’insuffisance rénale,
dénominés syndrome HANAC (hereditary angiopathy with neph-
ropathy, aneurysms and muscle cramps). Ils sont en rapport avec
différentes mutations dans le même gène, une douzaine de
familles ayant été récemment rapportées.

■ Leucodystrophies non vasculaires


Elles peuvent être secondaires à des erreurs congénitales du
métabolisme ou à des mutations génétiques. Les principales
causes de leucodystrophies sont résumées dans le Tableau 1.
Il est cependant difficile de détailler tous les aspects neurora-
diologiques des leucodystrophies métaboliques. Les principaux
aspects peuvent être résumés de la manière suivante (Tableau 2) :
• hypersignaux symétriques sur les séquences pondérées T2 ;
• caractère extensif de la démyélinisation ;
Figure 1. Maladie de CADASIL.
• absence de rehaussement des lésions après injection de
A. IRM pondérée T2 2e écho.
B. Séquence FLAIR. Leucoencéphalopathie intéressant les régions périven- gadolinium ;
triculaires les capsules externes et la partie antérieure du lobe temporal. • atteinte sélective de certaines structures de la substance
blanche : atteinte préférentielle de la substance blanche du
lobe frontal ou pariétal, atteinte élective des fibres corticospi-
nales, du corps calleux ;
Il est à noter cependant qu’un certain nombre de leucodys- • respect ou atteinte des fibres en U ;
trophies vasculaires, remplissant l’ensemble des critères clini- • absence de lésions de petite taille ou de forme ovoïde ;
ques et neuroradiologiques de CADASIL, n’ont pas de mutation • atteinte du tronc cérébral ou des lobes cérébelleux.
retrouvée dans le gène Notch3. Elles sont appelées CADASIL-like La généralisation du parc d’imagerie par résonance magnéti-
et correspondent à des maladies héréditaires des petits vaisseaux que (IRM) a permis progressivement de discerner quelques
intracrâniens. Il est à souligner que lorsque des biopsies aspects IRM de leucodystrophies dont les gènes sont identifiés.

Tableau 1.
Principales leucodystrophies de l’adulte et leurs diagnostics biochimiques ou moléculaires.
Métaboliques Anomalies biochimiques Gènes connus
Adrénoleucodystrophie C 26 / 24 Leucodystrophies vasculaires
Maladie de Krabbe Déficit en galactocérébroside b-galactosidase CADASIL (Notch3)
Homocystinurie Augmentation de l’homocystinurie Col 4A1 mutation (Col 4A1)
Xanthomatosis cérébrotendineuse Augmentation du cholestanol Leucodystrophies non vasculaires
Cytopathie mitochondriale Mutation MELAS CACH syndrome (EIF2B1-5)
Maladie de Refsum Augmentation de l’acide phytanique ADLD (lamine B1)
a/b mannosidose Diminution de l’ a ot b mannosidose Maladie d’Alexander (GFAP)
Leucodystrophie métachromatique Diminution de l’arylsulfatase A LBSL (DARS2)
Maladie de Krabbe Déficit en galactocérébrosidase Syndrome de Nasu-Hakola (DAP12/TREM2)
Gangliosidose GM1 Déficit en b-galactosidase MLC I (MLC1)
Gangliosidose GM2 Déficit en hexosaminidase A Prémutation X fragile (GAA)
Maladie de Sandhoff Déficit en hexosaminidase A et B
Maladie de Gaucher Déficit en b-glucosidase
Maladie de Fabry Déficit en a-galactosidase A
Maladie de Niemann-Pick (types A and B) Déficit en sphingomyélinase

2 Neurologie
Génétique et maladies de la substance blanche ¶ 17-001-A-50

Tableau 2. les parties externes des gaines de myéline, respectant les axones.
Principales caractéristiques des leucodystrophies vasculaires et Ces aspects sont dus à une division des lamelles de myéline le
métaboliques dont les gènes sont identifiés. long des lignes intrapériodiques ou à une compaction
Vasculaire Métabolique Gènes clonés incomplète [8].
La MLC est observée de manière ubiquitaire dans le
Hypersignaux en T2
monde [11, 12], excepté une fréquence particulièrement élevée
Ovoïdes – – –
dans le Nord de l’Inde (population Agarwals) [13] et en Tur-
Thalamus + – – quie [9, 10]. De transmission récessive, un premier gène a été
Noyaux caudés + – – identifié. Il est localisé sur le bras long du chromosome 22
Capsules internes + – – (22qtel) [14]. Il a été par la suite cloné (KIAA0027), sa dénomi-
Tronc cérébral + – – nation actuelle est MLC1 (MIM no. 604004), par l’équipe de
- pont + – – Leegwater et al. en 2001 [15]. Un effet fondateur a été retrouvé
- pédicule cérébelleux – – LBSL, lamine B1 dans certaines populations [16] . Il s’agit cependant d’une
- pyramidal – – LBSL, lamine B1 affection génétiquement hétérogène, puisque 20 % des patients
- nerf trigéminé – – LBSL
atteints de MLC ne sont pas liés à ce gène [17, 18].
Leucoencéphalopathie
Extensive + + + Leucoencéphalopathie avec atteinte
Symétrique + + +
du tronc cérébral et de la moelle avec
Périventriculaire + + +
Capsules externes + – –
augmentation de lactate (syndrome LBSL)
Corps calleux + +/– +/– Une nouvelle forme de leucoencéphalopathie ataxique a été
Pointe du lobe + – – récemment individualisée par Van der Knaap en 2003 [19]. Elle
temporal est caractérisée par une paraparésie spastique d’évolution
Kystique – – CACH, MLC lentement progressive, une ataxie mixte, proprioceptive et
Séquences écho de cérébelleuse, de début infantile. L’IRM est très particulière avec
gradient une démyélinisation extensive, intéressant le corps calleux, la
Hyposignaux + – – couronne rayonnante, la partie postérieure des capsules inter-
nes, le tronc cérébral, et en particulier, les pédoncules cérébel-
leux, les parties intraparenchymateuses et mésencéphaliques des
Leucoencéphalopathie mégalencéphale nerfs trijumeaux. De façon très caractéristique, la moelle
épinière est également le siège d’une démyélinisation, et
avec kystes sous-corticaux notamment les fibres corticospinales latérales et le faisceau
Décrite pour la première fois en 1995, la leucoencéphalopa- cordonal postérieur [20]. La démyélinisation peut aussi intéresser
thie mégalencéphale avec kystes sous-corticaux (megaloencephalic la substance blanche du cervelet [21] . La spectrorésonance
leukoencephalopathy with subcortical cysts : MLC) est caractérisée magnétique nucléaire (RMN) montre une diminution significa-
par : tive du N-acétylaspartate, une augmentation du myo-inositol,
• cliniquement : une macrocéphalie survenant dès la 1re année, des quantités normales ou modérément élevées de choline et
une atteinte modérée ou discrète des fonctions cognitives, une élévation des lactates au sein de la substance blanche,
une spasticité progressive, entraînant un handicap modéré et donnant le nom de LBSL. Cependant, quelques patients ont été
d’apparition insidieuse, des crises d’épilepsie dans la moitié rapportés avec une quantité normale de lactates [22, 23] . La
des cas ; plupart des patients décrits se présentaient de manière sporadi-
• neuroradiologiquement (Fig. 2) : lésions démyélinisantes que, les rares familles rapportées sont en faveur d’une transmis-
diffuses et symétriques périventriculaires et sous-corticales, sion récessive. Le gène muté a été initialement localisé sur le
présence de kystes sous-corticaux dans les régions frontopa- chromosome 1, et il a été récemment identifié comme étant
riétales et parties antérieures des lobes temporaux [8-10]. DARS2, qui code pour une protéine mitochondriale (aspartyl-
Les données histologiques consistent en un aspect spongi- tRNA synthétase). L’état muté entraîne une diminution de
forme de la substance blanche, dû à des vacuoles situées entre l’activité enzymatique de la tRNA synthétase [24].

Figure 2. Aspect typique d’un patient atteint d’une MLC de type I. IRM T2 axiale séquences pondérées FLAIR. Démyélinisation diffuse, symétrique,
périventriculaire, sous-corticale de la substance blanche, avec cavités kystiques temporales bilatérales.

Neurologie 3
17-001-A-50 ¶ Génétique et maladies de la substance blanche

Figure 3. Aspect typique d’une mutation de la lamine B1 : IRM axiale séquence FLAIR. Hypersignaux intéressant la substance blanche et les pédoncules
cérébelleux.

Syndrome Nasu-Hakola de mutations ont été identifiés : délétion d’une simple base chez
un patient japonais, délétion de plusieurs exons (de 1 à 4).
Le syndrome Nasu-Hakola (NHD), également connu sous le Cette pathologie est elle aussi hétérogène sur le plan généti-
terme de PLOSL (polycystic lipomembranous osteodysplasia with que, depuis la publication de famille suédoise et norvégienne,
sclerosing leukoencephalopathy ; MIM221770), est une affection remplissant tous les critères mais sans mutation retrouvée dans
autosomale récessive, caractérisée par une démence présénile et le gène DAP12 [29] . Un deuxième gène a été identifié,
une raréfaction osseuse [25]. Initialement décrit au début des TREM2 [30].
années 1970 [26], plus de 150 cas ont été rapportés, essentielle- La pathogénie de cette pathologie n’est pas clairement
ment au Japon, en Finlande, mais aussi dans d’autres pays. Les démontrée. Plusieurs hypothèses ont été proposées :
symptômes cliniques débutent dans la 3 e décade et sont • un mécanisme vasculaire, avec interruption de la barrière
représentés avant tout par des douleurs et des gonflements des hématoencéphalique, et ischémie secondaire entraînant une
articulations (poignets, genoux, chevilles), des fractures distales atteinte axonale et oligodendrocytaire, expliquant la forma-
dans les suites de traumatismes souvent mineurs. Les radiogra- tion d’axones sphéroïdaux et la perte axonale et des gaines
phies osseuses mettent en évidence une perte osseuse dans les myéliniques ;
extrémités distales des os longs et la présence de kystes dans les • des anomalies du métabolisme lipidique systémique, aboutis-
doigts et les orteils. En général, le crâne et le rachis sont sant à des lésions des gaines de myéline [31].
respectés. Ces cavités kystiques contiennent des cellules lipidi-
ques et sont entourées de membranes lipidiques de 1 à 2 µm
d’épaisseur [25] . Les symptômes neurologiques surviennent Leucodystrophie de l’adulte autosomale
10 ans après, comprenant des crises d’épilepsie, une démence de dominante
type frontal et des mouvements choréiques. Le caractère frontal
de la démence est supporté par les données cliniques mais Les leucodystrophies autosomales dominantes de l’adulte
également par les études en imagerie fonctionnelle (tomogra- (ADLD ; OMIM [Online Mendelian Inheritance in Man] = 169 500)
phie d’émission à positons [PET-scan]). Le décès survient en ont été décrites pour la première fois dans une grande famille
général 20 ans plus tard, soit à un âge moyen de 50 ans. irlando-américaine en 1984 [32]. Le début des symptômes se
L’évolution neuroradiologique est caractérisée par l’aggravation situe entre 50 et 60 ans et associe :
progressive des lésions neuroradiologiques : atrophie cérébrale, • une atteinte végétative (troubles urinaires, intestinaux,
avec au départ un respect de la substance blanche, une aug- hypotension orthostatique) ;
mentation progressive de l’espace intercaudé, apparition de • un syndrome cérébelleux et pyramidal.
calcifications des noyaux gris. En fin d’évolution, l’atrophie L’IRM est caractérisée par une démyélinisation de la subs-
cérébrale est diffuse et la démyélinisation intéresse toute la tance blanche à prédominance frontopariétale et cérébelleuse,
substance blanche. Les études neuropathologiques ont montré présente surtout dans les pédoncules cérébelleux. Dans les
une perte des fibres myéliniques du lobe frontal et un aspect de formes avancées, les anomalies peuvent être également obser-
gonflement axonal, dit sphéroïde, la présence de macrophages vées au niveau occipital et à un moindre degré dans les lobes
avec inclusions lipidiques et une réaction étendue astrocytaire temporaux [33]. Le faisceau corticospinal est intéressé dans son
et gliale [25-28]. De plus, il est noté une réduction du volume des ensemble, ainsi que le corps calleux (Fig. 3). Cette démyélinisa-
ganglions de la base, essentiellement des noyaux caudés. Des tion respecte les régions périventriculaires, et prédomine au
lésions vasculaires sont également vues, il s’agit d’épaississement niveau des lobes. Cette démyélinisation est également mise en
des parois des vaisseaux avec diminution de la lumière et évidence chez des sujets asymptomatiques, allant de modifica-
occlusion au sein des petites artérioles et capillaires. Les études tions minimes à une extensive démyélinisation.
en immunomarquage ont montré une augmentation de la En raison de l’âge de début tardif, de la lenteur évolutive, un
quantité de collagène de type IV sur les lames basales des diagnostic de sclérose en plaques peut être porté initialement.
vaisseaux. Sur ces données, la physiopathologie de cette Une étude neuropathologique a été possible chez trois
pathologie repose sur des anomalies du métabolisme lipidique patients décédés. Elle met en évidence une perte extensive de
ou une hypoplasie vasculaire. fibres myéliniques, survenant de manière isolée ou en nappes,
Le gène muté (DAP12) est localisé sur le bras long du chro- intéressant la substance blanche dans son ensemble, cérébrale et
mosome 19 (19q13.1). Il a été mis en évidence au sein de la cérébelleuse. Le respect des cellules oligodendrogliales, l’absence
population finlandaise un effet fondateur [26]. Différents types relative de gliose dans les zones de démyélinisation et l’absence

4 Neurologie
Génétique et maladies de la substance blanche ¶ 17-001-A-50

de réaction inflammatoire sont les signes histologiques Variantes phénotypiques


caractéristiques.
Le gène a été localisé sur le bras long du chromosome 5 Dépendant de l’âge de début, différents phénotypes ont été
(5q31.6) [34]. Il s’agit d’une duplication du gène codant pour la décrits.
lamine B1, protéine de structure nucléaire [35]. Formes anténatales : diminution des mouvements du fœtus,
oligohydramnios, diminution de la taille fœtale, microcéphalie.
Dès la naissance, une détérioration neurologique rapide est
Maladie d’Alexander notée, comprenant vomissements, hypotonie axiale, épisodes
d’apnées, insuffisance respiratoire, coma et mort en quelques
La maladie d’Alexander est une maladie progressive, considé-
mois [49-51].
rée comme fatale, débutant le plus souvent dans l’enfance. Le
Formes infantiles : dénommée aussi Cree leucoencephalopathy,
début de la maladie est généralement avant 2 ans, (plus de trois
cette forme a été décrite parmi les Indiens de la tribu Cree. Le
quart des cas publiés) [36], les symptômes associent un retard
début se situe entre 3 et 9 mois et entraîne un décès rapide.
mental, un syndrome bulbaire, des crises d’épilepsie, une
macrocéphalie et une spasticité. Le décès survient vers l’âge de Forme tardive de l’adolescent et de l’adulte : formes asymp-
10 ans. Les études neuropathologiques ont mis en évidence une tomatiques, début tardif, commençant à l’âge de 40 ans, forme
perte de la myéline dans les lobes frontaux. Des formes à début uniquement psychiatrique, forme démentielle [52, 53].
plus tardif ont été décrites :
• forme juvénile, à début entre 2 et 12 ans, caractérisée par un Insuffisance ovarienne
syndrome bulbaire et une évolution plus lente ;
• forme à début tardif de l’adulte : évolution particulièrement Une insuffisance ovarienne, primaire ou secondaire, peut être
lente, ataxie, myoclonies du voile, absence d’atteinte cogni- retrouvée parmi les sujets de sexe féminin quelle que soit la
tive et de macrocéphalie [37-39]. sévérité de la forme. L’échographie ovarienne peut mettre en
D’autres particularités phénotypiques ont été rapportées : évidence une atrophie ovarienne [54-56].
insuffisance ovarienne primaire, oscillopsie, dysthyroïdie,
hypothermie, dysautonomie, évolution aiguë avec décès en Aspects neuroradiologiques
moins de 2 mois [40, 41].
Le pronostic de la maladie d’Alexander est corrélé à l’âge de L’IRM met en évidence une démyélinisation extensive
début : le délai moyen de survie dans les formes infantiles est intéressant toute la substance blanche, respectant les fibres en
de 3,6 ans, de 8,1 ans dans les formes juvéniles et de 15 ans U. Le suivi périodique en IRM montre une disparition de la
dans les formes de l’adulte. substance blanche, respectant les fibres en U. Cette destruction
Des critères neuroradiologiques ont été établis en 2001 par de la substance blanche est remplacée par de l’eau donnant un
Van der Knaap et al. [42] : aspect cavitaire et kystique [57]. Ces modifications sont mises en
• atteinte de la substance blanche à prédominance frontale ; évidence par les séquences en densité de proton et en FLAIR,
• hypersignal périventriculaire en T1 visible en hyposignal en avec une alternance d’hypersignaux, correspondant à la démyé-
T2 ; linisation et d’hyposignaux, correspondant à la dégénérescence
• atteinte des ganglions de la base et des thalamus ; kystique (Fig. 4). Une augmentation du coefficient de diffusion
• atteinte du tronc cérébral ; est notée sur les séquences en diffusion, correspondant à la
• possibilité de rehaussement par l’injection de produit de dégénérescence kystique. Il n’y a en revanche jamais de rehaus-
contraste [43]. sement des lésions par l’injection de gadolinium.
Dans les formes tardives de l’adulte, les anomalies en IRM Il n’y a pas de corrélation entre l’étendue des lésions en IRM
sont mises en évidence sous la forme d’hyposignaux en T2 dans et les symptômes cliniques. En effet, des patients avec des
la substance grise, le tronc cérébral et la moelle cervicale avec anomalies très étendues peuvent avoir peu ou pas de symptô-
une atrophie marquée. De plus, les lobes frontaux sont souvent mes cliniques.
respectés dans ces formes de l’adulte. L’évolution neuroradiologique est caractérisée par un aspect
Les données histologiques mettent en évidence une accumu- kystique de l’ensemble de la substance blanche cérébrale.
lation massive de fibres de Rosenthal, communes à toutes ces Cette démyélinisation peut parfois intéresser le tronc cérébral
formes évolutives. Ces fibres sont particulièrement mises en et la substance blanche cérébelleuse, entraînant une atrophie
évidence dans les régions piales et sous-épendymaires, dans les mais sans aspect cavitaire.
formes juvéniles et dans les formes tardives de l’adulte dans le
cervelet et le tronc cérébral.
Pathologie
La plupart des observations rapportées sont secondaires à des
mutations du gène codant pour la GFAP (glial fibrillary acidic L’examen macroscopique cérébral met en évidence un aspect
protein), dont la mutation entraîne le dépôt de fibres de gélatineux ou cavitaire du cerveau. L’atteinte prédomine au
Rosenthal dans les astrocytes [44-46]. niveau du lobe frontal et pariétal, et des zones périventriculaires
sont particulièrement atteintes, tandis que le lobe temporal, les
Syndrome CACH/VWM voies optiques, le corps calleux, la capsule interne sont le plus
souvent respectés.
Le syndrome CACH (childhood ataxia with central L’étude microscopique met en évidence une substance
hypomyelination)/VWM (vanishing white matter), dans sa forme la blanche pâle, un amincissement des gaines de myéline, des
plus classique et initialement rapportée, a un début dans aspects de vacuoles, une perte de fibres myélinisées et des
l’enfance, entre 2 et 6 ans. Elle est caractérisée par une atteinte vacuoles et un aspect kystique. La présence de lipophages,
neurologique progressive associant une ataxie cérébelleuse, une macrophages remplis de débris méyliniques, est rarement
spasticité modérée et une diminution modérée des fonctions retrouvée. La substance grise est le plus souvent respectée,
cognitives. L’évolution est caractérisée par des épisodes comparée à l’atteinte de la substance blanche. Il n’y a jamais de
paroxystiques de détérioration majeure et aigus neurologiques, réaction inflammatoire. L’importance de la perte axonale est
dans les suites de différents facteurs déclenchants, traumatismes corrélée à celle des cavités. Les gaines de myéline sont anorma-
crâniens minimes, infections, fièvre, frayeur brutale. Durant ces les et variant d’une simple pâleur à un aspect trop fin, voire à
épisodes paroxystiques, il existe des troubles de conscience, un des vacuoles.
déficit moteur, une hypotonie, pouvant aboutir à un coma, Il est également noté une augmentation de taille des oligo-
voire à un décès. La récupération neurologique est en général dendrocytes, mise en évidence dans les aires de démyélinisation.
incomplète, avec des séquelles irréversibles et un décès quelques Les astrocytes sont quant à eux dysmorphiques et augmentés de
années après ces épisodes paroxystiques [47, 48]. taille.

Neurologie 5
17-001-A-50 ¶ Génétique et maladies de la substance blanche

Figure 4. CACH syndrome. IRM incidence axiale, séquence FLAIR. Démyélinisation étendue avec aspect cavitaire au sein de la démyélinisation visible sous
la forme d’hyposignaux.

Données génétiques ■ Références


Cinq gènes mutés EIF2B1-5 sont à l’origine de cette [1] Chabriat H, Vahedi K, Iba-Zizen MT, Joutel A, Nibbio A, Nagy TG,
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translation protéique (eukaryotic translation initiation factor eIF2B autosomal dominant arteriopathy with subcortical infarcts and
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Les deux tiers des patients atteints de CACH/VWM sont [2] Joutel A, Corpechot C, Ducros A, Vahedi K, Chabriat H, Mouton P,
porteurs de mutations dans EIF2B5, qui est la plus grande sous- et al. Notch3 mutations in CADASIL, a hereditary adult-onset condi-
unité des EIF2B. tion causing stroke and dementia. Nature 1996;383:707-10.
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■ Conclusion Brain stem MRI signal abnormalities in CADASIL. Stroke 1999;30:
457-9.
Le diagnostic d’une leucoencéphalopathie de l’adulte consti- [5] O’Sullivan M, Jarosz JM, Martin RJ, Deasy N, Powell JF, Markus HS.
tue une problématique régulière pour les neurologues. Certains MRI hyperintensities of the temporal lobe and external capsule in
arguments neuroradiologiques plaident pour une origine patients with CADASIL. Neurology 2001;56:628-34.
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microsaignements). En l’absence de ces aspects, une origine non et al. Hereditary infantile hemiparesis, retinal arteriolar tortuosity, and
vasculaire peut être suspectée. L’exploration en IRM doit être leukoencephalopathy. Neurology 2003;60:57-63.
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with megalencephaly in a Japanese boy. Brain Dev 1998;20:245-9.
• présence de microsaignement sur les séquences en
[12] Patrono C, Di Giacinto G, Eymard-Pierre E, Santorelli FM,
écho de gradient.
Rodriguez D, De Stefano N, et al. Subcortical cysts and genetic
En faveur de certaines leucodystrophies avec gènes connus : heterogeneity of megalencephalic leukoencephalopathy. Neurology
• CACH : leucodystrophie cavitaire (FLAIR 2003;61:534-7.
indispensable) ; [13] Gorospe JR, Singhal BS, Kainu T, Wu F, Stephan D, Trent J, et al.
• MLC : kystes bitemporaux ; Indian Agarwal megalencephalic leukodystrophy with cysts is caused
• LBSL : atteinte du tronc cérébral et de la moelle by a common MLC1 mutation. Neurology 2004;62:878-82.
épinière ; [14] Topçu M, Gartioux C, Ribierre F, Yalçinkaya C, Tokus E, Oztekin N,
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atrophie bulbaire. subcortical cysts, mapped to chromosome 22qtel. Am J Hum Genet
2000;66:733-9.

6 Neurologie
Génétique et maladies de la substance blanche ¶ 17-001-A-50

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Neurologie 7
17-001-A-50 ¶ Génétique et maladies de la substance blanche

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P. Labauge, MD, PhD (labauge@yahoo.fr).


Département de neurologie, CHU Montpellier-Nîmes, 30029 Nîmes cedex, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Labauge P. Génétique et maladies de la substance blanche. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris), Neurologie,
17-001-A-50, 2009.

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8 Neurologie
¶ 17-001-A-70

Génétique des maladies du motoneurone


J. Praline, P. Corcia, P.-F. Pradat

Les maladies du neurone moteur forment un groupe cliniquement hétérogène : en effet, le trouble moteur
peut être lié à une atteinte isolée du neurone moteur périphérique (NMp) et/ou central (NMc), ou
compliquée d’autres lésions neurologiques. Cette hétérogénéité n’est pas uniquement phénotypique mais
concerne aussi les caractéristiques génétiques puisque les facteurs génétiques intervenant dans les
maladies du motoneurone peuvent soit être directement responsables soit favoriser la dégénérescence du
neurone moteur. Ces perturbations vont entraîner des anomalies métaboliques ou fonctionnelles le plus
souvent spécifiques à chacune de ces pathologies. Dans la mesure où la physiopathologie de la plupart de
ces affections reste méconnue voire inconnue, l’apport de la génétique dans notre compréhension des
mécanismes qui sous-tendent cette dégénérescence motoneuronale est majeure : l’identification d’un
facteur génétique impliqué dans le processus de mort des neurones moteurs permet d’étayer des
hypothèses physiopathologiques en tenant compte des propriétés de la protéine codée par le gène muté.
Parallèlement, la découverte d’une mutation génétique peut permettre de développer des modèles
animaux, et d’observer les modifications structurelles et fonctionnelles qui en découlent. Chacune des
maladies du neurone moteur, les gènes impliqués et la piste physiopathologique présumée sont détaillés.
© 2009 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Amyotrophie spinale ; Paraplégie spastique héréditaire ; Neuropathie motrice distale héréditaire ;
Motoneurone ; Génétique

Plan périphérique (NMp) ou les deux. Il est ainsi possible de distin-


guer la sclérose latérale primitive (SLP) ou la paraparésie
spastique lorsque l’atteinte concerne le NMc, les amyotrophies
¶ Introduction 1
spinales lorsque l’atteinte prédomine sur le NMp et enfin la
¶ Amyotrophies spinales 1 sclérose latérale amyotrophique (SLA) en présence d’une atteinte
Amyotrophie spinale infantile (ASI) 1 conjointe des deux neurones moteurs. À ce jour, la physiopa-
Amyotrophies spinales progressives de l’adulte 2 thologie de la plupart de ces affections reste inconnue. Dans
Amyotrophie spinale avec dysautonomie 2 toutes ces affections, l’intervention d’un facteur génétique,
Amyotrophie spinale avec atteinte bulbaire : maladie de Kennedy 2 causal ou de susceptibilité, pour la dégénérescence motoneuro-
Cas particulier : gangliosidose GM2 2 nale a été mis en évidence.
¶ Neuropathies motrices distales héréditaires (dNMH) 2 Nous proposons ici une mise au point sur les facteurs géné-
Gènes des heat shock proteins (HSP) 2 tiques liés ou associés à ces différentes affections du motoneu-
Gène GARS (glycyl-t ARN synthétase) 3 rone en précisant les liens unissant ces facteurs à des
Gène BSCL2 (Berardinelli-Seip congenital lipodystrophy 2) 3 mécanismes physiopathologiques. Nous ne traiterons pas de la
Gène de la dynactine 3 SLA, déjà abordée dans un autre article. Concernant la SLP, une
Gène IgHMBP2 (immunoglobulin mu binding protein 2) 3 seule étude a trouvé une liaison entre une forme familiale et le
Gène de la senataxine 3 chromosome 4 (locus 4ptel-4p16.1) [1].
¶ Paraparésies spastiques héréditaires (PSH) 3

■ Amyotrophies spinales
Paraparésies spastiques héréditaires de transmission autosomique
dominante 3
Paraparésies spastiques héréditaires de transmission autosomique
récessive 4 Amyotrophie spinale infantile (ASI)
Paraparésies spastiques héréditaires de transmission récessive liée
L’ASI, de transmission autosomique récessive, concerne
à l’X 5
1/4 000 naissances. Cliniquement, l’atteinte bilatérale et
symétrique du NMp du tronc et des membres prédomine en
proximal et aux membres inférieurs. Trois phénotypes sont
définis selon l’âge de début et la sévérité [2]. Il existe aussi une
■ Introduction forme de l’adulte dite de type IV, plus rare et plus bénigne,
débutant entre 15 et 50 ans (médiane à 37 ans), avec une
Les maladies du neurone moteur forment un groupe clini- marche souvent conservée après 20 ans d’évolution.
quement hétérogène et sont classifiées selon le neurone moteur L’ASI est liée à une délétion homozygote de l’exon 7 du gène
atteint : neurone moteur central (NMc), neurone moteur SMN1 présente dans presque tous les cas d’ASI [3]. Les gènes

Neurologie 1
17-001-A-70 ¶ Génétique des maladies du motoneurone

SMN (survie du neurone moteur) sont localisés sur le locus Tableau 1.


5q12.3. Deux copies du gène SMN sont présentes chez Classification de Harding des neuropathies motrices distales héréditaires.
l’homme : SMN1 (copie télomérique) et SMN2 (copie centromé- Type Mode de Particularités Âge de début
rique). La production de la protéine SMN, assurée à 90 % par la transmission cliniques
transcription de SMN1, intervient dans de nombreuses fonc-
tions parmi lesquelles les processus d’épissage et de transport 1 DA 2-20 ans
axonal de l’acide ribonucléique (ARN) messager [4]. SMN2 a un 2 DA 20-40 ans
effet modulateur sur le phénotype puisqu’il existe une corréla- 3 RA 2-10 ans
tion entre le nombre de copies de SMN2 et la durée 4 RA Sévère 0,3-20 ans
d’évolution [5]. 5 DA ou Prédominance aux 5-20 ans
sporadique membres supérieurs
Amyotrophies spinales progressives 6 RA Forme sévère Infantile
de l’adulte 7 DA Atteinte des cordes 10-20 ans
vocales
L’amyotrophie spinale progressive de l’adulte est une affec-
tion sporadique non liée à une délétion du gène SMN1. Toute- DA : dominant autosomique ; RA : récessif autosomique.
fois, il existe une relation avec le locus SMN2 dans la mesure où
la délétion de l’exon 7 de SMN2 est nettement plus fréquente
par un retard du développement psychomoteur compliqué
dans cette population que dans la population générale (36 %
d’une atteinte motrice, d’une démence et d’une cécité sympto-
contre 5 %) [6, 7].
matique de lésions rouge cerise rétiniennes, et conduit au décès
vers l’âge de 2 à 3 ans. Il existe des formes de l’adulte jeune plus
Amyotrophie spinale avec dysautonomie rares révélées dans certains cas par une atteinte du NMp isolée
Ce tableau de révélation tardive (à l’âge adulte) et de trans- (volontiers proximale, bilatérale et symétrique), ou compliquée
mission autosomique dominante se caractérise par une atteinte d’une atteinte du NMc ou des voies spinocérébelleuses [13].
du NMp proximale bilatérale et symétrique associée à une
atteinte dysautonomique [8]. Il est lié à une mutation du gène
VAPB déjà impliqué dans les SLA familiales de type 8 [9]. ■ Neuropathies motrices distales
héréditaires (dNMH)
Amyotrophie spinale avec atteinte bulbaire :
Ces neuropathies sont également dénommées amyotrophies
maladie de Kennedy spinales distales ou formes spinales de Charcot Marie Tooth
Cette maladie se développe quand le nombre de répétition (CMT). Elles peuvent parfois être confondues avec les formes
CAG dépasse 35 dans l’exon 1 du gène du récepteur aux axonales de CMT [14]. En effet, bien que l’absence de signes
androgènes [10]. L’atteinte motrice, volontiers proximale avec sensitifs soit nécessaire pour le diagnostic de dNMH, ils peuvent
fasciculations profuses, s’accompagne de troubles bulbaires et de être présents cliniquement et en électrophysiologie. La première
désordres endocriniens avec une gynécomastie, un diabète, une classification en sept groupes établie par Harding et al. tenait
hyperlipidémie et un hypogonadisme. Cette répétition excessive compte du mode de transmission du trait pathologique, de l’âge
de triplets CAG conduit à une perte partielle de la fonction du de début et de l’existence de signes associés à l’atteinte motrice
récepteur aux androgènes qui explique simplement la résistance périphérique (Tableau 1) [15]. Actuellement, plusieurs gènes et
modérée aux androgènes. La variation de conformation de la loci ont été rattachés aux dNMH. Certaines corrélations
protéine la rend plus apte à s’agréger et ainsi participe à la mort phénotype-génotype semblent se dessiner en tenant compte du
neuronale en séquestrant différentes protéines [11]. caractère pur ou compliqué de l’atteinte du NMp et du territoire
dans lequel l’atteinte prédomine (Tableau 2).
Cas particulier : gangliosidose GM2
Il s’agit d’une affection récessive autosomique, affectant plus
Gènes des heat shock proteins (HSP)
particulièrement les sujets ashkénazes et rattachée à des Les protéines de choc thermique sont impliquées dans de
mutations du gène HEX-A localisé sur le locus 15q23-q24 [12]. La nombreux processus pathologiques qui altèrent la morphologie
forme classique infantile ou maladie de Tay-Sachs se caractérise ou l’activité des protéines. Les gènes HSP sont faiblement

Tableau 2.
Corrélation phénotype-génotype des neuropathies motrices distales héréditaires.
Phénotype Nom Gène impliqué Locus Transmission
Atteinte prédominante aux membres inférieurs
Pure HMN2 HSPB8 (HSP22) 12q24-qter DA
HSPB1 (HSP27) 7q11-q21 DA

Atteinte du NMc SMAX3 Xq13.1-q21 RA


HMN5B BSCL2 11q13 DA
HMNJ (Jerash type) 9p21.1-p12 RA
Senataxine 9q34 DA
Atteinte prédominante aux membres supérieurs
Pure HMN5A GARS 7p15 DA
Atteinte du NMc HMN5B BSCL2 11q13 DA

Atteinte diaphragmatique HMN6 IGHMBP2 11q13.2-q13.4 RA


Distal SMA3 11q13.3 RA

Atteinte des cordes vocales HMN7A 2q14 DA


HMN7B Dynactine 2p13 DA
DA : dominant autosomique ; RA : récessif autosomique.

2 Neurologie
Génétique des maladies du motoneurone ¶ 17-001-A-70

exprimés en situation physiologique mais, lors d’un stimulus Gène de la senataxine


comme le stress oxydatif par exemple, leur synthèse et leur
activation sont fortement accrues. Ainsi, les deux gènes concer- Le tableau clinique est similaire à celui des SLAF de
nés dans les dNMH – HSPB8 (anciennement nommé HSP22) et type 4 [26]. La principale différence entre ces formes et les SLAF
HSPB1 (anciennement nommé HSP27) – obéissent à cette règle 4 est la prédominance de l’atteinte sur le NMp. Ceci permet
et ont une action antiapoptotique. La première mutation décrite d’étayer l’hypothèse d’un continuum entre ces affections du
concernait une famille originaire de Russie dans laquelle il motoneurone et la SLA.
existait chez la plupart des sujets atteints une atteinte sensitive
et motrice conduisant au diagnostic de CMT2F, alors qu’un des
membres de la famille présentait une atteinte motrice pure
■ Paraparésies spastiques
compatible avec un tableau de dNMH [16] . Cliniquement, héréditaires (PSH)
l’atteinte motrice distale, bilatérale et symétrique aux membres
Le terme de PSH (autrefois maladie de Strumpell-Lorrain) est
inférieurs prédomine sur les loges péronières et donne un déficit
actuellement utilisé pour désigner diverses affections dont le
de l’extension du pied.
point commun est une atteinte du NMc aux membres infé-
rieurs. La classification des PSH repose sur le mode de transmis-
Gène GARS (glycyl-t ARN synthétase) sion du trait pathologique dans la famille et l’existence ou non
Le gène GARS code une enzyme indispensable à la synthèse de signes neurologiques associés qui définissent les formes pures
protéique par la fixation d’un acide aminé glycine sur son ARN ou compliquées [27]. Il existe trois modes de transmission du
de transfert spécifique. Ce gène fut lié initialement à une dNMH trait pathologique : dominant autosomique dans 80 % des
de type 5 de révélation tardive [17] , puis à la CMT2D [18] . cas [28], récessif autosomique et récessif lié à l’X. Dans les formes
Actuellement, les mutations du gène GARS sont trouvées chez pures, l’atteinte du NMc aux membres inférieurs est fréquem-
des patients ayant une atteinte du NMp qui prédomine aux ment associée à des troubles mictionnels et une atteinte
mains : l’élément déterminant pour le diagnostic est la prédo- cordonale postérieure. Les formes compliquées comportent
minance de l’atrophie et du déficit moteur à la loge thénarienne d’autres signes neurologiques ou systémiques.
et au premier interosseux dorsal [19]. La distinction entre dNMH Actuellement, la classification des PSH est établie à partir des
de type 5 et CMT2D repose uniquement sur l’existence ou non résultats de la biologie moléculaire qui permettent de répertorier
de troubles sensitifs. L’affection débute en général entre 10 et 17 loci et 19 gènes (Tableau 3). Nous détaillerons ici les aspects
30 ans par une amyotrophie touchant initialement les mains, relatifs aux principaux gènes impliqués. La fonction de ces
mais pouvant rarement débuter aux pieds ou bien affecter gènes n’est pas exactement connue, mais beaucoup sont
d’emblée les quatre extrémités [19]. La description récente d’une impliqués dans le transport axonal. Par ailleurs, la spastine
mutation p.Asp500Asn sur le gène GARS qui coségrégeait avec semble jouer un rôle central car des mutations sur les gènes
les deux phénotypes (dNMH type 5 et CMT 2D) dans une codant des protéines qui interagissent avec la spastine comme
famille italienne démontre le chevauchement phénotypique l’altlastine et la protéine ZFYVE27 sont aussi responsables de
entre certaines dNMH et certaines formes de CMT [20]. tableaux de PSH [29].

Gène BSCL2 (Berardinelli-Seip congenital Paraparésies spastiques héréditaires


lipodystrophy 2) de transmission autosomique dominante
Ce gène code la seipine dont la fonction reste inconnue. Les SPG4/spastine
mutations du gène BSCL2 ont été décrites initialement dans une Le gène de la spastine code une adénosine triphosphatase
affection non neurologique (lipodystrophie). Deux phénotypes (ATPase) caractérisée par un domaine AAA (adenosine triphos-
de dNMH peuvent être liés à une mutation de ce gène. Un phate activity) qui semble impliquée dans le transport axonal et
tableau de dNMH de type 5 est le plus fréquent (près de 50 % vésiculaire [30]. Les mutations de ce gène intéressent près de
des cas), avec une atteinte prédominant aux membres supérieurs 40 % des formes dominantes [27]. Il s’agit le plus souvent de
et respectant parfois les membres inférieurs [21]. La présentation mutations non-sens ou de mutations conduisant à coder une
clinique peut aussi correspondre à un type 2 avec un début aux protéine tronquée [31]. Les PSH liées à ces mutations sont le plus
membres inférieurs parfois associé à une atteinte du NMc. Les souvent pures, mais certaines formes compliquées ont été
mutations de ce gène sont aussi responsables d’une forme de rapportées [31]. Enfin, une mutation de ce gène a été rapportée
paraplégie spastique (SPG17) avec amyotrophie très importante chez des patients présentant un tableau de SLA de forme
et distale des membres supérieurs (syndrome de Silver). juvénile ou à début précoce [32, 33].

Gène de la dynactine SPG3A/atlastine


Il code la sous-unité p150 de la dynactine qui, associée à la Les mutations de ce gène sont identifiées dans environ 40 %
dynéine, forme un complexe protéique qui joue un rôle majeur des formes de début précoce (avant l’âge de 20 ans) après
dans le transport axonal rétrograde le long des microtubules [22]. exclusion d’une mutation de la spastine [34] . Il code une
La mutation p.Gly59Ser est liée à un tableau d’atteinte du protéine fortement exprimée dans les cellules pyramidales
NMp [23]. Les signes débutent autour de la trentaine, le plus (couche V) du cortex [35] et caractérisée par un domaine guanine
souvent par des troubles laryngés à type de stridor. Les troubles triphosphatase (GTPase) présent également sur la protéine
moteurs distaux surviennent secondairement. L’atteinte est plus GBP1 de la famille des dynamines impliquée dans le transport
marquée sur la loge thénarienne qu’hypothénarienne. vésiculaire. Comme les mutations du gène de l’atlastine sont
presque exclusivement retrouvées dans le domaine GTPase, une
Gène IgHMBP2 (immunoglobulin mu modification du transport vésiculaire est suspectée.
binding protein 2) SPG10/kinesin heavy chain (KIF5a)
Les mutations de ce gène ont été rapportées dans une forme Le gène KIF5a code une protéine impliquée dans le transport
particulière de dNMH, le SMARD (spinal muscular atrophy with axonal antérograde et exprimée uniquement dans les neuro-
respiratory distress), affection récessive autosomique touchant le nes [36]. Le phénotype est celui d’une forme de début précoce,
pourtour méditerranéen (Liban, Sicile, Turquie) [24]. Le gène accompagnée d’un syndrome cérébelleux dans un quart des cas
IGHMBP2, tout comme les gènes SMN, intervient dans les environ.
phénomènes d’épissage de l’ARN messager et aussi dans la
régulation de la transcription de l’acide désoxyribonucléique. SPG13/HSPD1
Enfin, ce gène présente une homologie de séquence avec la Le gène HSPD1 code une protéine chaperone dénommée
senataxine [25]. également protéine de choc thermique qui est impliquée dans

Neurologie 3
17-001-A-70 ¶ Génétique des maladies du motoneurone

Tableau 3.
Classification des paraparésies spastiques héréditaires.
Nom Locus Gène - Protéine Particularités cliniques
Transmission autosomique dominante
SPG3A 14q11-q21 atlastin
SPG4 2p22 spastin
SPG6 15q11.1 NIPA1
SPG8 8q24.13 KIAA0196

SPG9 10q23.3-q24.1 Cataracte, reflux gastro-œsophagien, neuropathie motrice


SPG10 12q13 KIF5A Amyotrophie distale
SPG12 19q13

SPG13 2q33.1 HSP60 (1 famille)


SPG17 11q13 BSCL2, seipine Amyotrophie des mains (syndrome de Silver)
SPG19 9q33-q34 (1 famille)

SPG29 1p31.1-p21.1 Hyperbilirubinémie, surdité (1 famille)

SPG31 2p11.2 REEP1 (1 famille)


SPG33 10q24.2 ZFYVE27
SPG37 8p21.1-q13.3 (1 famille)
Transmission autosomique récessive
Alsin 2q33 Alsin Début infantile
SPG5A 8q21.3 CYP7B1
SPG7 16q24.3 paraplegin Association variable avec : anomalies mitochondriales musculaires, dysarthrie,
dysphagie, pâleur papillaire, neuropathie axonale, démyélinisation ou atrophie sur
l’IRM
SPG11 15q spatacsin Association variable avec : retard mental, amincissement du corps calleux,
amyotrophie distale des membres supérieurs, dysarthrie, ataxie, nystagmus
SPG14 3q27-28 Retard mental et neuropathie motrice distale (1 famille)

SPG15 14q24.1 spastizin Rétinopathie pigmentaire, amyotrophie distale, dysarthrie, atteinte cognitive
SPG20 13q spartin Amyotrophie distale, dysarthrie et syndrome cérébelleux (syndrome de Troyer)
(1 famille)
SPG21 15q21-q22 maspardin Retard mental ou démence précoce, amincissement du corps calleux et anomalies en
IRM de la substance blanche cérébrale (MAST syndrome) (1 famille)

SPG23 1q23-q32 Neuropathie périphérique, trouble de la pigmentation cutanée


SPG24 13q14 (1 famille)
SPG25 6q23.3-q24.1 Hernie discale (1 famille)
SPG26 12p11.1-q14 Amyotrophie distale, retard mental modéré (1 famille)
SPG27 10q22.1-q24.1 (1 famille)
SPG28 14q21.3-q22.3 Atteinte sensitive distale (1 famille)
SPG30 2q37.3 Association variable avec neuropathie sensitive, syndrome cérébelleux (1 famille)
SPG32 14q12-q21 Atrophie cérébrale et cérébelleuse, corps calleux fin, retard mental modéré (1 famille)

SPG39 19q13.3 PNLPLA6 Déficit moteur distal, atrophie médullaire thoracique (1 famille)

SPOAN 11q13 Atrophie optique, neuropathie périphérique (1 famille)


Transmission liée à l’X
SPG1 Xq28 L1CAM Retard mental, pouces en adduction, hydrocéphalie, corps calleux fin (CRASH
syndrome)
SPG2 Xq21 PLP1 Association variable avec atteinte en IRM de la substance blanche supra-tentorielle
SPG16 Xq11.2 Aphasie motrice, baisse d’acuité visuelle, retard mental, altération fonctionnelle de
l’intestin et de la vessie
SPG22 Xq13.2 SCL16A2 Retard mental, ataxie, dysarthrie, mouvements athétosiques (syndrome d’Allan-
Herndon-Dudley)
IRM : imagerie par résonance magnétique ; CRASH : corps calleux agénésie, retard mental, adduction des pouces, spasticité et hydrocéphalie.

les réactions de stress. Le début survient autour de 40 ans et le sphinctériens. L’évolution conduit les patients à recourir au
tableau est marqué par une atteinte spastique importante fauteuil roulant vers la cinquième décade habituellement [39].
responsable d’un déficit sévère dans la moitié des cas [37].
Paraparésies spastiques héréditaires
SPG6/NIPA1 de transmission autosomique récessive
Le gène NIPA1 code une protéine vraisemblablement impli-
quée dans le transport du magnésium [38]. Le tableau clinique, Gène de l’alsine
très sévère, débute entre 15 et 35 ans, avec une atteinte du NMp Le gène de l’alsine code deux isoformes de la protéine par
prédominant aux membres inférieurs, des troubles sensitifs et épissage alternatif de l’exon 4 [40]. Cette protéine se caractérise

4 Neurologie
Génétique des maladies du motoneurone ¶ 17-001-A-70

par la présence d’un domaine guanine exchanging factor (GEF) l’installation d’un tableau d’hypotonie du nourrisson compli-
qui intervient dans le transport vésiculaire [35]. La majorité des quée d’un syndrome pyramidal, d’une dystonie et d’un syn-
mutations décrites concernait l’isoforme long de l’alsine drome cérébelleux. La forme SPG2 se caractérise par un début
principalement à hauteur d’un domaine GEF. Actuellement, le précoce, un nystagmus et un syndrome cérébelleux.
rôle précis des mutations du gène de l’alsine dans la survenue
d’une affection motoneuronale reste obscur. En effet, les souris
invalidées pour le gène de l’alsine ne développent pas de
tableau neurologique patent, mais les cellules nerveuses de ces
animaux sont plus sensibles au stress oxydatif que celles des
“ Points forts
animaux sauvages. Cela conduit à considérer les mutations du
gène de l’alsine comme un facteur non causal mais prédisposant • Devant des signes d’atteinte d’un des neurones
au stress oxydatif. Les mutations de ce gène ont été liées à trois moteurs, rechercher systématiquement des signes
phénotypes distincts : d’atteinte de l’autre neurone moteur, des signes
• la paraparésie spastique ascendante de début précoce (IAHSP), neurologiques ou systémiques associés.
qui se définit par une atteinte spastique des membres infé- • Penser à une neuropathie motrice distale héréditaire,
rieurs apparaissant vers l’âge de 2 ans et compliquée d’une même devant un phénotype de maladie de Charcot-
atteinte des membres supérieurs et du territoire bulbaire après Marie-Tooth axonal.
10 à 20 ans ; • Déterminer le caractère pur ou compliqué, et le mode
• la SLP juvénile ;
de transmission d’un tableau de paraparésie spastique
• des formes juvéniles de SLA (ALS2).
pour orienter l’enquête génétique.
SPG7/paraplégine .

La paraplégine a une forte homologie avec des protéines


impliquées dans les processus protéolytiques et des chaperones ■ Références
dans la membrane externe mitochondriale. Des études faites sur
[1] Valdmanis PN, Dupré N, Rouleau GA. A locus for primary lateral
des biopsies musculaires ont montré des fibres rouges déchique- sclerosis on chromosome 4ptel-4p16.1. Arch Neurol 2008;65:383-6.
tées (ragged red fibers) et une altération du fonctionnement de [2] Munsat TL, Davies KE. International SMA Consortium Meeting.
la chaîne respiratoire mitochondriale [41]. Les formes liées à une Neuromusc Disord 1992;2:423-8.
mutation du gène de la paraplégine représentent 5 % des [3] Lefebvre S, Bürglen L, Reboullet S, Clermont O, Burlet P, Viollet L,
formes récessives autosomiques [42]. Le phénotype est habituel- et al. Identification and characterization of a spinal muscular atrophy-
lement compliqué d’une atrophie optique [41] et parfois d’un determining gene. Cell 1995;80:155-65.
syndrome cérébelleux ou d’une atrophie corticale [42]. L’hypo- [4] Eggert C, Chari A, Laggerbauer B, Fischer U. Spinal muscular atrophy:
thèse d’une transmission dominante autosomique est the RNP connection. Trends Mol Med 2006;12:113-21.
controversée [43]. [5] Wirth B, Brichta L, Schrank B, Lochmuller H, Blick S, Baasner A, et al.
Mildly affected patients with spinal muscular atrophy are partially
SPG20/spartine protected by an increased SMN2 copy number. Hum Genet 2006;119:
422-8.
Le gène de la spartine code une protéine ubiquitaire avec une [6] Moulard B, Salachas F, Chassande B, Briolotti V, Meininger V,
expression majeure dans les tissus graisseux présentant une Malafosse A, et al. Association between centromeric deletions of the
homologie de séquence avec la partie N-terminale de la spastine SMN gene and sporadic adult-onset lower motor neuron disease. Ann
et avec d’autres protéines impliquées dans le transport axonal. Neurol 1998;43:640-4.
Les mutations conduisent à la formation d’une protéine tron- [7] Echaniz-Laguna A, Guiraud-Chaumeil C, Tranchant C, Reeber A,
quée [44] . Le syndrome de Troyer débute dans la première Melki J, Warter JM. Homozygous exon 7 deletion of the SMN
enfance par un tableau de paraparésie spastique compliquée centromeric gene (SMN2): a potential susceptibility factor for adult-
d’une amyotrophie distale. onset lower motor neuron disease. J Neurol 2002;249:290-3.
[8] Marques VD, Barreira AA, Davis MB, Abou-Sleiman PM,
SPG11/spatacsine Silva Jr. WA, Zago MA, et al. Expanding the phenotypes of the
PRO56SER VAPB mutation: proximal SMA with dysautonomia.
Ce gène code une protéine comportant quatre domaines
Muscle Nerve 2006;34:731-9.
transmembranaires qui laissent supposer que cette protéine [9] Nishimura AL, Mitne-Neto M, Silva HC, Oliveira JR, Vainzof M,
puisse être un transporteur ou un récepteur dont la cible reste Zatz M.Anovel locus for late onset amyotrophic lateral sclerosis/motor
à déterminer. Des mutations ont été liées à des tableaux de neurone disease variant at 20q13. J Med Genet 2004;41:315-20.
paraparésie spastique avec corps calleux aminci qui représente [10] La Spada AR, Wilson EM, Lubahn DB, Harding AE, Fischbeck KH.
la signature phénotypique, troubles cognitifs de sévérité variable Androgen receptor gene mutations in X-linked spinal and bulbar
et atteinte ophtalmologique secondaire à une cataracte, une muscular atrophy. Nature 1991;352:77-9.
atrophie optique ou une rétinopathie pigmentaire [45]. L’image- [11] Li M, Miwa S, Kobayashi Y, Merry DE, Yamamoto M, Tanaka F, et al.
rie par résonance magnétique cérébrale montre des plages de Nuclear inclusions of the androgen receptor protein in spinal and bulbar
démyélinisation. muscular atrophy. Ann Neurol 1998;44:249-54.
[12] Mitsumoto H, Sliman RJ, Schafer IA, Sternick CS, Kaufman B,
Paraparésies spastiques héréditaires Wilbourn A, et al. Motor neuron disease and adult hexosaminidase A
deficiency in two families: evidence for multisystem degeneration. Ann
de transmission récessive liée à l’X Neurol 1985;17:378-85.
Ces formes sont exceptionnelles ; peu de familles répondent [13] Johnson WG, Wigger HJ, Karp HR, Glaubiger LM, Rowland LP.
à ce mode de transmission. Un locus et trois gènes sont liés à Juvenile spinal muscular atrophy: a new hexosaminidase deficiency
phenotype. Ann Neurol 1982;11:11-6.
des formes récessives liées à l’X (Tableau 3). L1CAM est une
[14] Irobi J, De Jonghe P, Timmerman V. Molecular genetics of distal
protéine d’adhésion impliquée dans les mécanismes de migra-
hereditary motor neuropathies. Hum Mol Genet 2004;13(suppl2):
tion et de croissance neuronale. La forme SPG1 se caractérise R195-R202.
par un retard mental et l’agénésie du muscle long extenseur du [15] Harding AE. Inherited neuronal atrophy and degeneration
pouce responsable d’une attitude en adduction. Le gène predominantly of lower motor neurons. In: Dyck PJ, Thomas PK,
PLP1 code deux protéines différentes en raison d’un épissage Griffin JW, Low PA, Podulso JF, editors. Peripheral neuropathy, (vol
alternatif de l’exon 3B. La protéine PLP1, qui résulte du codage 2). Philadelphia: WB Saunders; 1993. p. 1051-64.
de tous les exons, est une protéine majeure de la myéline du [16] Evgrafov OV, Mersiyanova I, Irobi J, Van Den Bosch L, Dierick I,
système nerveux central. Les mutations du gène PLP ont été Leung CL, et al. Mutant small heat-shock protein 27 causes axonal
précédemment décrites dans une autre affection neurologique, Charcot-Marie-Tooth disease and distal hereditary motor neuropathy.
la maladie de Pelizaeus-Merzbacher qui se caractérise par Nat Genet 2004;36:602-6.

Neurologie 5
17-001-A-70 ¶ Génétique des maladies du motoneurone

[17] Christodoulou K, Kyriakides T, Hristova AH, Georgiou DM, [34] Dürr A, Camuzat A, Colin E, Tallaksen C, Hannequin D, Coutinho P,
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neuron syndromes. Ann Neurol 2005;58:865-9. Masson SAS, Paris), Neurologie, 17-100-A-20, 2004.

J. Praline (julien.praline@med.univ-tours.fr).
P. Corcia.
Centre SLA, Service de neurologie et de neurophysiologie clinique, Hôpital Bretonneau, Centre hospitalier régional universitaire de Tours, 2, boulevard
Tonnellé, 37044 Tours cedex 9, France.
INSERM U930, Équipe 2, Université François Rabelais, 116, boulevard Béranger, 37000 Tours, France.
P.-F. Pradat.
Centre référent maladie rare SLA, Fédération des maladies du système nerveux, Hôpital de la Pitié-Salpêtrière, 47-83, boulevard de l’Hôpital, 75651 Paris
cedex 13, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Praline J., Corcia P., Pradat P.-F. Génétique des maladies du motoneurone. EMC (Elsevier Masson SAS,
Paris), Neurologie, 17-001-A-70, 2009.

Disponibles sur www.em-consulte.com


Arbres Iconographies Vidéos / Documents Information Informations Auto- Cas
décisionnels supplémentaires Animations légaux au patient supplémentaires évaluations clinique

6 Neurologie
 17-001-A-90

Génétique et maladies musculaires


B. Eymard

Au cours des 30 dernières années, le champ des affections génétiques affectant le muscle et la jonction
neuromusculaire s’est considérablement étendu sur des bases cliniques, histopathologiques et de géné-
tique moléculaire (plusieurs centaines de gènes identifiés). Les affections sont classées en fonction de leur
physiopathologie : dystrophies musculaires, myopathies et dystrophies congénitales, myopathies méta-
boliques, myopathies myofibrillaires, syndromes myasthéniques, etc. Ces pathologies appartiennent à la
catégorie des maladies rares (moins d’un cas sur 2000) mais leur multiplicité rend compte d’un nombre
important de patients (plusieurs dizaines de milliers en France). Si la mise en évidence d’une mutation
pathogène permet l’identification définitive d’une affection musculaire, l’analyse génétique doit toujours
s’inscrire à la fin d’une démarche diagnostique qui se fonde sur des informations cliniques (nature des
symptômes, phénotype clinique et profil évolutif) et des examens complémentaires choisis en fonction
des hypothèses évoquées dont l’imagerie et l’histologie musculaire. Ces données permettent d’ouvrir les
principales portes d’entrée diagnostiques et, en définitive, d’identifier l’affection. Dans cet article sont
décrits les principales myopathies génétiques et les syndromes myasthéniques congénitaux. Des progrès
remarquables ont été effectués dans le domaine du conseil génétique et du traitement qui permet de pal-
lier les complications orthopédiques, respiratoires et cardiaques. Des thérapies innovantes sont en cours
d’élaboration, en particulier pour les dystrophies musculaires : remplacement des gènes défaillants par un
minigène couplé à un adénovirus, réparation du gène par translecture d’un codon-stop, rétablissement
du cadre de lecture par saut d’exon.
© 2015 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots-clés : Dystrophies musculaires progressives ; Myopathies congénitales ;


Dystrophies musculaires congénitales ; Myopathies métaboliques ; Myopathie d’Émery-Dreifuss ;
Myopathies distales ; Myopathies myofibrillaires, Syndromes myasthéniques congénitaux

Plan ■ Hyperthermie maligne (HM) 15


■ Canalopathies génétiques : paralysies périodiques (PP),
■ Introduction 1 paramyotonie et myotonie congénitales, et autres syndromes
■ Dystrophies musculaires progressives 2 d’hyperexcitabilité 15
Maladie de Duchenne (DMD) et de Becker (DMD) 3 ■ Autres affections musculaires 17
Dystrophie myotonique de Steinert (dystrophie myotonique ■ Syndromes myasthéniques congénitaux (SMC) 17
de type 1, DM1), myopathie proximale avec myotonie (dystrophie
■ Conclusions et perspectives 18
myotonique de type 2, DM2) 4
Myopathie facio-scapulo-humérale (FSH) de Landouzy-Dejerine 5
Dystrophies des ceintures 5


Myopathie oculopharyngée
Myopathies rétractiles : Émery-Dreifuss, laminopathie,
8
 Introduction
myopathie de Bethlem 8 Au cours des 30 dernières années, le champ des affections
Myopathie rétractile avec cardiopathie : Émery-Dreifuss 8 musculaires génétiques s’est considérablement étendu : de très
Myopathie rétractile sans cardiopathie : myopathie de Bethlem 8 nombreuses entités ont été identifiées sur des bases cliniques,
■ Myopathies congénitales (MC), dystrophies musculaires histopathologiques et moléculaires. Les principales protéines
congénitales (DMC) et arthrogrypose multiple 9 musculaires impliquées dans les myopathies, hors pathologies
Myopathies congénitales 9 métaboliques, sont présentées sur la Figure 1. Ces pathologies
Dystrophies musculaires congénitales 9 appartiennent à la catégorie des maladies rares (moins de 1 cas sur
Arthrogrypose multiple 9 2000) mais leur multiplicité rend compte d’un nombre important
■ Myopathies distales 10 de cas (plusieurs dizaines de milliers en France). Les progrès de
la génétique moléculaire ont permis l’identification de plusieurs
■ Myopathies métaboliques 10
centaines de gènes et ouvert la voie pour un conseil génétique

EMC - Neurologie 1
Volume 12 > n◦ 2 > avril 2015
http://dx.doi.org/10.1016/S0246-0378(15)50913-5
17-001-A-90  Génétique et maladies musculaires

Espace extracellulaire

8
Matrice 1
extracellulaire α
11
2

β α β γ δ
Sarcolemme 3

10 9
16
14

4 15
COOH
Cytoplasme NH2 12

Enveloppe
13
nucléaire Réticulum
sarcoplasmique

5
6
Noyau 7
Appareil de Golgi A

Unité contractile
1 6 7 8 9 10 11 12
4

3
2

B
Figure 1. Principales molécules impliquées dans les affections musculaires génétiques.
A. 1. Laminine ␣2 ; 2. intégrine ␣7 ; 3. dysferline ; 4. dystrophine ; 5. nesprines 1, 2, 3 ; 6. lamine A/C ; 7. émerine ; 8. collagène VI, A1, A2, A3 ; 9. sarcoglycanes ;
10. dystroglycanes ; 11. cavéoline ; 12. actine ; 13. enzymes de glycosylation de l’alpha-dystroglycane : FKRP, fukutin, POMT1, POMT2, POMGnT1 ;
14. récepteur de la dihydropyridine ; 15. ryanodine 1 ; 16. calpaïne.
B. 1. Desmine ; 2. alpha-actinine ; 3. téléthonine ; 4. myotiline ; 5. filamine C ; 6. actine ; 7. nébuline ; 8. tropomyosine/troponine ; 9. calpaïne 3 ; 10. myosine ;
11. tropomoduline ; 12. titine.

performant et de nouvelles stratégies thérapeutiques. Si la mise références concernant les publications relatant la première des-
en évidence d’une mutation pathogène permet l’identification cription du gène, nous renvoyons à la base de données publiée
définitive d’une affection musculaire, l’analyse génétique doit dans la revue Neuromuscular Disorders dont une version actua-
toujours s’inscrire à la fin d’une démarche diagnostique qui se lisée est accessible librement sur internet [1] et au site internet
fonde : de l’OMIM (Online Mendelian Inheritance in Man® ). Elles ne
• sur les informations cliniques : nature des symptômes et signes sont pas, pour la plupart, reprises individuellement dans ce texte
d’examen (déficit moteur des membres/axial, modification du afin de ne pas le surcharger. Par ailleurs, nous conseillons le site
volume musculaire, atteinte oculobulbaire, myotonie, rétrac- internet Washington Neuromuscular qui présente une synthèse
tions tendineuses, intolérance à l’effort, association à une de qualité des données cliniques et moléculaires concernant les
atteinte cardiaque, respiratoire, à d’autres manifestations systé- affections neuromusculaires.
miques), profil chronologique (âge de début, évolution rapide,
progressive, par poussées) ;
• sur des examens complémentaires : taux de CPK (créatine
phosphokinase), imagerie musculaire, données électromyo-
graphiques (syndrome myogène, présence d’une myoto-
 Dystrophies musculaires
nie, troubles de la transmission neuromusculaire), biopsie progressives
musculaire avec recherche de lésions significatives de la fibre
musculaire (nécrose, régénération, désorganisation myofibril- Formant le principal contingent des myopathies génétiques, les
laire, fibrose, etc.), d’un défaut ou d’une surcharge protéique dystrophies musculaires progressives se caractérisent sur le plan
spécifique révélés par une étude en immunomarquage et physiopathologique par un déficit protéique entraînant une des-
western blot, d’une accumulation glycogénique, lipidique, truction progressive des fibres musculaires. La biopsie musculaire
mitochondriale. révèle une inégalité de taille des fibres, une involution chronique
Ces données, permettant d’ouvrir les principales portes d’entrée des myocytes avec fréquemment un processus de nécrose régéné-
diagnostiques, sont présentées dans le Tableau 1. Pour toutes les ration et une augmentation du tissu conjonctif.

2 EMC - Neurologie
Génétique et maladies musculaires  17-001-A-90

Tableau 1.
Affections musculaires génétiques selon leur porte d’entrée.
Affections à début néonatal :
- myopathies congénitales
- dystrophies musculaires congénitales (Tableaux 3 et 4)
- Steinert néonatal
- myopathies métaboliques (chaîne respiratoire mitochondriale, bêtaoxydation, glycogénoses et en particulier le déficit en maltase acide), syndromes
myasthéniques congénitaux (Fig. 4)
Déficit musculaire lentement évolutif, héréditaire – dystrophies musculaires :
- autosomiques dominantes : facio-scapulo-humérale, Steinert, dystrophies des ceintures dominantes
- liées à l’X (Duchenne, Becker)
- autosomiques récessives : dystrophies des ceintures récessives ; les principales : calpaïnopathie, sarcoglycanopathie, dysferlinopathie,
alpha-dystroglycanopathie, autres (Tableau 2)
Atteinte rétractile au premier plan, lentement évolutive, héréditaire :
- avec atteinte cardiaque (myopathie d’Émery-Dreifuss liée à l’X, gènes de l’émerine et FHL1 ; de transmission dominante, liée au gène de la lamine A/C),
autosomique récessive, liée au gène de la titine
- sans atteinte cardiaque (collagénopathies, liées aux gènes COLVIA1, COLVIA2, COLVIA3)
Déficit musculaire à début purement distal, lentement évolutif et héréditaire : myopathies distales :
- autosomiques récessives : myopathies de Miyoshi, anoctaminopathie, Nonaka
- autosomiques dominantes : titinopathie, myopathie de Laing, myopathies myofibrillaires, en particulier zaspopathies, myotilinopathies, desminopathies
(Tableaux 6 et 7)
Syndrome myotonique :
- dystrophiques (DM1 : maladie de Steinert ; DM2 : PROMM [proximal myotonic myopathy])
- non dystrophiques (myotonies congénitales liées aux gènes du canal chlore et du canal sodium)
Épisodes paralytiques récidivants dominants :
Canalopathies musculaires liées aux gènes du canal sodium (SCN4A), canal calcium (CACNA1S), canal potassique (KCNJ2)
Ophtalmoplégie ± troubles bulbaires ± déficit et/ou fatigabilité des membres :
- d’évolution progressive, sans variabilité : myopathies mitochondriales (atteinte plurisystémique, transmission maternelle ou mendélienne), myopathie
oculopharyngée et oculopharyngodistale (sans atteinte systémique, de transmission autosomique dominante)
- avec variabilité à court et long terme : syndromes myasthéniques congénitaux
Myolyse et/ou intolérance à l’effort :
- effort court : glycogénoses : la plus fréquente McArdle (déficit en phosphorylase) (Tableau 8)
- jeûne, fièvre, effort long : déficit en carnitine palmityl transférase, anomalies de la bêtaoxydation (Tableau 9)
- myopathies mitochondriales
- dystrophies pseudométaboliques
- autres : myopathie liée aux gènes codant la lipine et la ryanodine
Élévation isolée des CPK :
- dystrophies musculaires à un stade présymptomatique
- susceptibilité à l’hyperthermie maligne (gène de la ryanodine)

CPK : créatine phosphokinase.

La plupart des dystrophies musculaires débutent dans l’enfance parfois très tardivement. On décrit de rares formes intermédiaires
ou à l’adolescence et sont marquées par une perte progressive de Duchenne avec perte de la marche entre 13 et 16 ans. Quelle
de la force musculaire débutant aux racines. Dans certaines dys- que soit la gravité motrice, on retrouve une atteinte à prédomi-
trophies, la formule diffère du schéma habituel : début néonatal nance pelvifémorale, peu sélective, une hypertrophie des mollets,
dans les dystrophies musculaires congénitales (voir infra), atteinte une macroglossie, une cardiomyopathie dilatée dont la sévérité
distale prédominante dans la maladie de Steinert et les myopa- n’est pas corrélée à celle des membres et une franche élévation
thies distales, ptosis et troubles de déglutition de début tardif des CPK.
dans la myopathie oculopharyngée. Le diagnostic étiologique de La gravité de la cardiopathie et l’atteinte respiratoire, favori-
la dystrophie est établi sur les paramètres suivants : le mode de sée par la scoliose, conduisent au décès dans la DMD, mais les
transmission, l’âge de début, la formule clinique définie sur les progrès de la prise en charge (arthrodèse rachidienne, ventila-
caractères du déficit (atteinte faciale ?, des membres ? si oui, topo- tion mécanique non invasive puis sur trachéotomie et le contrôle
graphie proximale/distale/proximodistale, sélectivité, symétrie), de la cardiopathie par les inhibiteurs de l’enzyme de conver-
la présence d’une hypertrophie des mollets, la prééminence des sion, bétabloquants) ont permis un allongement majeur de la
rétractions tendineuses par rapport au déficit, l’existence d’une survie de 18–20 ans à 30, voire 40 ans. Pour une étude rétros-
myotonie, l’atteinte des muscles oculomoteurs ou vélopharyngés, pective détaillée des caractéristiques cliniques et moléculaires
l’association à une cardiomyopathie (dilatée ? hypertrophique ? effectuée sur 600 patients français, présentant une DMD et une
avec troubles conductifs/rythmiques ?). C’est en définitive la mise DMB, voir [2] . DMD et DMB sont toutes deux dues à une anoma-
en évidence du déficit protéique spécifique de la myopathie lie de la dystrophine, protéine musculaire qui est absente ou en
lorsqu’il est informatif et la génétique moléculaire qui permettent quantité très faible (< 5 %) dans la DMD et en quantité et en taille
d’établir le diagnostic. réduites dans la DMB. Le gène de la dystrophine, identifié en 1986
par Monaco [3] , se caractérise par sa très grande taille (2,7 Mb),
79 exons, 3685 aminoacides, une séquence terminale non codante
Maladie de Duchenne (DMD) et de Becker très conservée, de très grands introns. Les transcrits sont multiples
(DMD) du fait de promoteurs alternatifs (cérébral, musculaire, cellules de
Purkinje, rétinien, rénal, schwannien et ubiquitaire) et d’épissages
La myopathie de Duchenne est de transmission liée à l’X, affec- alternatifs. Dans la DMD et la DMB, les mutations sont de deux
tant un garçon sur 3000. Elle débute avant 5 ans et conduit avant types :
l’âge de 13 ans à une perte de la marche. Sa variante allélique, la • grands réarrangements, les plus fréquents (plus de 85 % pour
myopathie de Becker, est plus rare, de survenue plus tardive (début la DMD, 75 % pour la DMB [4] ), soit à type de délétions, soit,
au-delà de 10 ans) et surtout de sévérité moindre que la myopathie beaucoup plus rarement, de duplications concernant dans
de Duchenne, avec une possibilité de conservation de la marche les deux cas un nombre entier d’exons supérieur ou égal
après l’âge de 16 ans, souvent prolongée à l’âge adulte et même à 1;

EMC - Neurologie 3
17-001-A-90  Génétique et maladies musculaires

• petites lésions, plus rares, de type varié : en majorité mutations pigmentaire, granulomatose chronique). La thérapie moléculaire
ponctuelles non sens, site d’épissage, plus rarement, petites de la DMD est en plein développement (voir infra « Conclusions et
délétions et petites insertions inférieures à 1 exon et exception- perspectives »).
nellement mutations faux sens [4] .
Dans environ 25 % des DMD, la mutation est de type « de
novo », non retrouvée chez la mère. L’absence de dystrophine Dystrophie myotonique de Steinert
ou son niveau très bas (< 5 %) s’explique par le caractère hors
phase des duplications/délétions et le caractère nul des muta- (dystrophie myotonique de type 1, DM1),
tions. À l’inverse, lorsque les mutations respectent le cadre de myopathie proximale avec myotonie
lecture, l’expression de la dystrophine est moins altérée et, en (dystrophie myotonique de type 2, DM2)
conséquence, le tableau moins sévère, de type DMB. Cette règle
de Monaco s’applique à plus de 90 % des mutations et les excep- La dystrophie myotonique de Steinert, la plus fréquente des
tions sont plus nombreuses dans la DMB (environ 7 %), avec dystrophies de l’adulte (incidence 1/8000), se caractérise par les
des mutations hors phase mais un saut d’exon emportant l’exon éléments suivants : transmission autosomique dominante, myo-
muté, un épissage alternatif, une mutation très distale, que dans tonie des mains, faciès évocateur (ptosis, diplégie faciale, atrophie
la DMD (4 %), avec une délétion en phase mais à l’effet sévère massétérine et temporale, calvitie chez l’homme), déficit atro-
car survenant dans le domaine fixation à l’actine ou dans le phiant du cou, des autres muscles axiaux et des muscles distaux,
domaine III, riche en cystéine [4] . La mise en évidence d’une muta- atteinte plurisystémique (cataracte, atteinte cardiaque – troubles
tion du gène de la dystrophine sur un prélèvement sanguin conductifs et rythmiques –, diabète, somnolence, troubles cogni-
permet de poser le diagnostic dans la plupart des cas (voir infra), tifs) [9, 10] .
mais il est pour beaucoup souhaitable de faire précéder cette Dans sa forme classique, la maladie de Steinert débute entre
recherche par la biopsie musculaire qui permet de confirmer 20 et 30 ans par le déficit moteur distal ; l’évolution est pro-
le déficit en dystrophine par la technique d’immunomarquage gressive et le pronostic réservé avec un déficit invalidant, une
et de western blot, et d’en apprécier le caractère complet ou atteinte cardiaque et respiratoire : la durée de vie est en moyenne
partiel, déterminant pour le pronostic. Les réarrangements de réduite d’une dizaine d’années du fait des complications cardio-
grande taille sont les plus faciles à démontrer à partir d’un respiratoires. La DM1 est parfois très légère et tardive, se limitant
prélèvement sanguin sur lequel plusieurs techniques sont réa- à une cataracte après 50 ans. Il existe également des formes à
lisables : réaction de polymération en chaîne (PCR) multiplex, début néonatal (Steinert congénital), de transmission exclusive-
QF-PCR (quantitative fluorescence-PCR), MLPA (multiplex ligation ment maternelle, très sévères, avec syndrome malformatif, grande
probe amplification) et CGH array (comparative genomic hybridation). hypotonie, détresse respiratoire, troubles de déglutition, décès fré-
Pour les mutations ponctuelles, l’étude est réalisée de préférence quent et, si survie, retard mental invalidant. La seconde forme
à partir des acides ribonucléiques (ARN) extraits de la biopsie pédiatrique, le Steinert infantile, débute après un an, est de trans-
musculaire en recourant à la RT-PCR (reverse transcription-PCR) et mission maternelle ou paternelle et se manifeste par un échec
au séquençage. En l’absence de muscle disponible pour l’étude scolaire, une lenteur, des troubles visuospatiaux et des difficul-
de l’ARN, une analyse de l’acide désoxyribonucléique (ADN) tés d’élocution, une baisse inconstante du quotient intellectuel.
génomique est effectuée par DHPLC (denaturing high performance L’anticipation est caractéristique de la DM1 : cataracte à la pre-
liquid chromatography)/séquençage. Si le cas index est unique dans mière génération, forme classique à la deuxième génération,
la famille, il faut vérifier s’il s’agit d’une néomutation en tes- forme congénitale à la troisième génération. En 1992, le clonage
tant la mère. Pour l’analyse des apparentés, particulièrement et la cartographie complète du génome autour de région 19q13.3
importante pour le diagnostic prénatal, lorsque la mutation est ont permis d’identifier chez le patient DM un fragment d’ADN
inconnue et qu’il n’y a plus de myopathes en vie, le diagnos- instable correspondant à l’expansion d’un trinucléotide CTG
tic est indirect par haplotypage. Une atteinte cognitive, parfois répété, situé dans la région 3’ non traduite d’un gène codant une
marquée mais non évolutive, n’est pas exceptionnelle dans la protéine kinase [11] . Le nombre de triplets CTG, compris chez le
DMD et peut également concerner la DMB. Dans le tissu céré- sujet normal entre 5 et 35, dépasse toujours 50 chez le patient
bral, trois isoformes sont exprimées : DP247 (complète, commune DM. La répétition est instable d’une génération DM à l’autre, la
avec le muscle), DP140 (cerveau et rein), DP71 (ubiquitaire, la taille du triplet augmentant de génération en génération pour
plus représentée dans le tissu cérébral, promoteur situé dans atteindre de très grandes tailles (plusieurs milliers de répétitions)
la partie distale entre l’exon 62 et 63) [5] . Les réarrangements dans les formes congénitales. Le nombre de répétitions est gros-
situés dans la partie distale du gène semblent plus associés à des sièrement corrélé à la gravité de la DM : formes légères entre 50
troubles cognitifs que ceux de la région proximale. L’expression et 100 répétitions, formes classiques de 100 à 1000, formes congé-
clinique des mutations du gène de la dystrophine ne se limite nitales à partir de 1000. Ces données expliquent le phénomène
pas à la DMD/DMB. De 10 à 20 % des femmes porteuses de d’anticipation. Dans environ 5 % des cas, l’expansion CTG est
la mutation DMD et DMB présentent des symptômes en géné- interrompue par d’autres triplets (en particulier GGC et CCG),
ral modérés, du fait d’un profil de lyonisation qui ne conduit ce qui rend compte d’une modification de la corrélation phé-
pas à une inactivation incomplète du chromosome X muté. En notype/génotype, avec des formes légères contrastant avec une
cas de translocation entre le chromosome X et un autosome, expansion importante [12] . La physiopathologie est mieux com-
emportant le locus de la dystrophine (l’X normal étant inac- prise : l’expansion des triplets CTG induit une rétention d’ARN
tivé) et dans le syndrome de Turner avec un seul exemplaire du messagers CUG dans le noyau qui entraîne un gain d’activité des
chromosome X (45, XO) [6] , le phénotype est de type Duchenne protéines CEFL-CUG BP (binding proteins) et une perte d’activité
féminin. La pratique d’un caryotype est la première étape à effec- de la protéine muscle-blind avec pour conséquence, dans les deux
tuer devant un Duchenne féminin. Dans les cardiopathies isolées cas, une perturbation de l’épissage des messagers de nombreux
liées à l’X, les mutations sont en majorité localisées dans la gènes dont ceux du canal chlore (à l’origine de la myotonie), du
région 5 (délétions ou mutations ponctuelles impliquant le pro- récepteur à l’insuline, de la protéine tau (tubule-associated unit),
moteur musculaire et le premier exon, avec compensation par de la troponine T, de la ryanodine, rendant compte du carac-
les isoformes cérébrale et Purkinje pour le muscle squelettique tère systémique de l’affection [10] . La DM1 est une affection de
mais pas pour le cœur) [7] , plus rarement dans le rod domain révélation tardive, potentiellement grave, notamment du fait de
(exons 48 à 51), affectant des introns particulièrement impor- l’atteinte cardiaque, avec un haut risque de transmission à la
tants pour le muscle cardiaque. Les formes pseudométaboliques descendance, qui justifie un diagnostic présymptomatique pro-
de dystrophinopathies correspondent à des délétions en phase posé au sujet majeur qui souhaite connaître son statut. Chez
dans le rod domain [8] . De grands réarrangements intéressant à le mineur non symptomatique, l’analyse peut être discutée en
la fois le gène de la dystrophine et les gènes adjacents ont raison du risque cardiaque, rare mais non nul. Il implique une
été rapportés chez des patients présentant, en plus de la DMD, concertation approfondie entre généticien, neuropédiatre, psy-
une ou plusieurs pathologies (syndrome de McLeod, déficit en chologue, enfant concerné et parents. Le diagnostic prénatal est
glycérol kinase, déficit en ornithine-transcarbamylase, rétinite pratiqué si un des parents est porteur de la mutation. Il se fait de

4 EMC - Neurologie
Génétique et maladies musculaires  17-001-A-90

préférence sur trophoblastes ou, à défaut, sur liquide amniotique. • présence de deux variants alléliques subtélomériques, 4qA et
Un dépistage préimplantatoire est possible. Plusieurs techniques 4qB ; seules les contractions affectant le variant allélique 4qA,
sont disponibles pour le diagnostic moléculaire, les plus répan- avec l’haplotype 4qA 161 (prévalent dans la population cauca-
dues sont la PCR, la TPCR (transfer-PCR), variante plus fiable, sienne) sont associées à la FSH [20] ;
permettant d’étudier le gène par ses deux extrémités et de révéler • hypométhylation de la région D4Z4 de l’allèle morbide ;
l’interruption de triplets CTG par d’autres séquences trinucléo- • présence, uniquement chez les patients FSH, d’un site de poly-
tidiques (voir supra) qui peut négativer la simple PCR. L’analyse adénylation situé à la partie distale de la dernière séquence
est systématiquement complétée par un Southern blot qui permet répétée D4Z4. Ce site est responsable de l’activation d’un gène
toujours de détecter et de chiffrer l’expansion. Lorsque la muta- homéobox, DUX4, normalement réprimé chez les sujets sains
tion est absente chez un sujet symptomatique, on s’oriente vers et qui, du fait d’un « gain toxique », serait responsable de la
d’autres pathologies : myotonie congénitale liée au canal chlore maladie [21] .
(voir infra), sans éléments dystrophiques, PROMM (proximal myo- Une autre équipe a apporté très récemment une explica-
tonic myopathy) encore appelée dystrophie myotonique de type 2 tion à la variabilité phénotypique intrafamiliale en démontrant
(DM2). Cette dernière affection, particulièrement fréquente en que contrairement au nombre de répétitions D4Z4, identique
Europe du Nord et de l’Est (Pologne, Finlande, Allemagne) où chez les sujets porteurs au sein d’une même famille, le niveau
son incidence dépasse celle du Steinert, est proche du Steinert : d’hypométhylation pouvait varier. Ainsi, chez les porteurs asymp-
transmission dominante, cataracte, troubles cardiaques, myoto- tomatiques, la méthylation était normale, ne différant pas des
nie, mais le déficit est proximal (alors qu’il est distal dans la contrôles, contrairement aux sujets symptomatiques chez lesquels
DM1) et l’expression plus tardive et moins sévère sans formes elle était diminuée [22] .
pédiatriques [10, 13] . Lorsque le contexte clinique est peu parlant, En l’absence de contraction D4Z4, si le tableau est compatible
ce qui est souvent le cas, la mise en évidence d’une myoto- avec une FSH, une biopsie musculaire est utile pour éliminer une
nie sur les muscles proximaux à l’électromyogramme (EMG) ou autre myopathie, la maladie de Pompe, une myopathie liée au
d’une atrophie des fibres de type 2 avec sacs nucléaires sur la gène de la valosin containing protein, une myopathie myofibrillaire
biopsie musculaire orientent vers le diagnostic qui, en défini- ou une myopathie à corps réducteurs codée par le gène FHL1 (pour
tive, repose sur la détection de la mutation par deux techniques toutes ces entités, voir infra). Si la biopsie n’est pas contributive,
(PCR et Southern blot) : expansion d’un quadruplet CCTG situé il faut envisager une autre forme de FSH, la FSHD2 (la FSHD1 cor-
dans l’intron du gène ZNF9, en 3q21 [14] . Le scénario physiopa- respondant à la forme avec contraction D4Z4). Cinq pour cent
thologique est identique à celui décrit pour le Steinert : rétention des patients présentant une FSH ont la forme FSHD2, individuali-
intranucléaire de l’ARN messager (CCUG) induisant une pertur- sée en 2010, très semblable à la FSHD1, avec cependant une plus
bation de l’épissage de nombreux gènes [10] . grande fréquence des formes sporadiques (2 cas sur 3) un début
plus tardif et une plus grande bénignité [23] . Le groupe de van der
Maarel a élucidé la physiopathologie de la FSHD2 qui se caractérise
sur le plan moléculaire par :
Myopathie facio-scapulo-humérale (FSH) • l’absence de contraction de la région D4Z4 ;
de Landouzy-Dejerine • la présence de l’allèle 4qA permissif avec un site de polyadény-
lation et une perte de méthylation, comme dans la FSHD1 ;
De transmission autosomique dominante, avec une incidence • des mutations du gène SMCHD1 (structural maintenance of chro-
d’environ un cas sur 20 000, la myopathie facio-scapulo-humérale mosomes flexible hinge domain-containing protein 1), situé sur le
débute habituellement dans la deuxième décennie et se manifeste chromosome 18, dans la région 18p11.32 [24] . La molécule codée
par une atteinte musculaire asymétrique et sélective affectant la par ce gène se fixe sur la région D4Z4 et induit une hypomé-
face (orbiculaires, muscles des joues et des lèvres), la ceinture sca- thylation qui, comme dans la FSHD1, entraîne une répression
pulaire (fixateurs de l’omoplate), les sterno-cléido-mastoïdiens, les de l’expression du gène DUX4 responsable de la maladie [21]
biceps et les longs supinateurs. (Fig. 2).
Les muscles distaux des membres inférieurs sont souvent Dans quelques familles, il a été montré que la maladie était
touchés. Les formes frustes sont fréquentes, se limitant à un décol- plus sévère chez les individus chez lesquels coexistaient la muta-
lement de l’omoplate, une asymétrie de la bouche. Au sein d’une tion FSHD1 et la mutation du gène SMCHD1, ce dernier gène se
même famille, il peut exister une grande variabilité du degré de comportant comme un modificateur [25] .
l’atteinte musculaire. Le pronostic est généralement assez bon, L’interprétation physiopathologique présentée plus haut est
mais la sévérité est très variable, allant de formes très modérées discutée par certains. Une étude italienne sur la FSH, portant
à des tableaux de faiblesse majeure conduisant au fauteuil rou- sur une grande population de patients, a révélé que les données
lant (10 à 20 % des patients) [15] . Il existe des formes infantiles moléculaires présentées plus haut n’étaient pas toujours confir-
(5 % des cas) qui s’individualisent par un début précoce, le déve- mées, ainsi aucun haplotype 4q n’était exclusivement associé
loppement d’une scoliose et d’une faiblesse marquées avec perte à la maladie et 1,3 % de sujets sains de la population géné-
de l’ambulation autour de l’âge de 20 ans, avec parfois un retard rale étaient porteurs d’une contraction D4Z4 inférieure ou égale
intellectuel, une comitialité. Un diagnostic moléculaire fiable est à huit avec l’haplotype 4qA classiquement associé à la FSH [26] .
disponible depuis 1992, reposant sur la mise en évidence d’une Le conseil génétique reste donc délicat. Le diagnostic prénatal
perte d’unités répétées de 3,3 kb, reconnues par la sonde D4Z4, est réalisable mais il pose un problème d’indication pour une
situées dans la région distale 4q35 ; chez le patient FSH, le nombre affection d’expression tardive, ne mettant pas en jeu le pro-
de répétitions est inférieur à 11 (entre 1 et 10) [16] . Une nouvelle nostic vital, mais dont le caractère parfois invalidant n’est pas
technique diagnostique s’appuyant sur le peignage moléculaire a prévisible.
été proposée [17] . Il existe une corrélation grossière entre la taille de
l’allèle pathologique (identique chez tous les sujets atteints d’une
même famille) et la sévérité de la myopathie [18] . Cependant, dans Dystrophies des ceintures
une même famille, alors que la taille de la mutation est identique,
la sévérité est variable. Les fragments de plus petite taille (≤ 3) Les dystrophies des ceintures se caractérisent par leur trans-
sont toujours retrouvés dans les formes infantiles sévères. De plus, mission autosomique, beaucoup plus souvent récessive que
dans ces cas, la mutation peut soit apparaître de novo, soit résulter dominante, leur survenue après la période néonatale, une fois la
d’un mécanisme de mosaïcisme somatique, avec présence chez un marche acquise, et leur formule clinique comportant une atteinte
des parents, généralement non ou très légèrement affecté, d’une déficitaire évolutive prédominant sur les ceintures et respectant
petite fraction de l’ADN muté [19] . Ainsi, avant de conclure à une la face. Dans la nomenclature anglosaxonne, les dystrophies des
forme infantile sporadique, il faut examiner soigneusement les ceintures sont intitulées limb girdle muscular dystrophy 1 (LGMD1)
parents et faire chez eux une étude moléculaire très soigneuse. lorsqu’elles sont de transmission dominante, limb girdle muscular
Les résultats de l’équipe de van der Maarel ont permis de préciser dystrophy 2 (LGMD2) en cas de transmission autosomique réces-
les caractéristiques moléculaires de la FSH : sive.

EMC - Neurologie 5
17-001-A-90  Génétique et maladies musculaires

Unité D4Z4
1
DUX4
réprimé

DUX4 Pas de FSH

Activation
2 PolyAAA de

3 PolyAAA

Figure 2. Physiopathologie de la myopathie facio-scapulo-humérale, FSDH1 et FSHD2. Dans les deux affections de phénotype clinique identique, présence
d’un allèle permissif qA, hypométhylé, et d’un site de polyadénylation responsable de la réexpression du gène homéobox DUX4. 1. Contrôle → pas de
contraction D4Z4, méthylation normale, pas de site de polyadénylation (polyAAA) ; 2. FSHD1 → contraction D4Z4 sur allèle permissif qA, hypométhylé + site
polyAAA ; 3. FSHD2 → pas de contraction D4Z4, allèle permissif qA + site polyAAA + hypométhylation induite par une mutation du gène SMCHD1.

Dystrophies des ceintures autosomiques codée par le gène défaillant et sur l’étude génétique molécu-
récessives (LGMD2) laire. La recherche de la mutation est plus simple sans forcément
recourir à la biopsie musculaire si l’on est dans une popula-
La liste des dystrophies des ceintures récessives ne cesse tion à effet fondateur. L’étude sur échantillon sanguin peut
de s’allonger : 23 entités, toutes caractérisées sur le plan molé- suffire. Des corrélations génotype–phénotype ont été progressi-
culaire [27] (Tableau 2). Le phénotype clinique permet une vement établies, en particulier dans les ␣-sarcoglycanopathies :
orientation diagnostique. les doubles mutations nulles correspondent aux formes les plus
sévères, la sévérité de la myopathie étant par ailleurs corré-
Dystrophies des ceintures de phénotype Duchenne lée à l’importance du déficit musculaire de la protéine [29] . Un
ou Becker-like avec hypertrophie des mollets, atteinte diagnostic prénatal peut être proposé lorsque les deux muta-
non sélective des cuisses et cardiomyopathie : tions sont identifiées. Dans une population endogame avec
sarcoglycanopathies et alpha-dystroglycanopathies effet fondateur, il est légitime, dans un but de conseil géné-
Le complexe sarcoglycane est composé de quatre glycopro- tique, de dépister les porteurs sains (par exemple le conjoint
téines, l’alpha-, le bêta-, le gamma- et le delta-sarcoglycanes d’un sujet myopathe) en recherchant la mutation à l’état
(Fig. 1) codées par quatre gènes différents, chacun impli- hétérozygote.
qué dans une dystrophie : SGCA (17q1-q21) → LGMD2D (␣- Les alpha-dystroglycanopathies sont des dystrophies autoso-
sarcoglycanopathie), SGCB (4q12) → LGMD2E (bêtasarcoglyca- miques récessives, de type Becker-Duchenne-like, avec hypertro-
nopathie), SGCD (5q33) → LGMD2F (deltasarcoglycanopathie, phie de mollets, relativement fréquentes. Leur dépistage repose
SGCG (13q12) → LGMD2C (gammasarcoglycanopathie). Pour sur la mise en évidence en immunomarquage et en western
toutes ces entités, les publications génétiques princeps sont blot d’une perte d’expression d’une protéine du sarcolemme,
consultables [1] . La distribution des différentes sarcoglycanopa- l’alpha-dystroglycane (alpha-DG) secondaire à un défaut de gly-
thies est universelle, cependant les alpha-sarcoglycanopathies cosylation. Une dizaine de gènes de glycosylation sont impliqués
sont plus fréquentes dans la population caucasienne et les dans un tableau de dystrophies des ceintures avec déficit en
gammasarcoglycanopathies dans la population d’Afrique du alpha-DG (Tableau 2). La principale entité, LGMD2I, est due
Nord, les deltasarcoglycanopathies (les plus rares des sarco- à des mutations du gène FKRP, codant la fukutin-related pro-
glycanopathies) ont été rapportées le plus souvent au Brésil. tein [1] . Dans plus de 90 % des cas, on retrouve la mutation
La sévérité de l’atteinte est variable, particulièrement dans le Leu267Ileu. Les formes homozygotes Leu267Ileu sont plus légères
groupe des alphasarcoglycanopathies qui comporte des formes que les formes hétérozygotes composites (Leu267Ileu + autre
légères, débutant à l’adolescence, et des formes sévères, pré- mutation) [30] . Une observation de dystrophie des ceintures liée
coces. Dans les autres sarcoglycanopathies, à l’exception de à des mutations du gène de l’alpha-DG a été rapportée [1] . Ces
quelques cas de bêtasarcoglycanopathies, l’atteinte est générale- dystrophies s’accompagnent souvent d’un retard intellectuel,
ment sévère (Duchenne-like). Il existe un effet fondateur dans d’une microcéphalie et d’une hypertrophie des mollets. Tous
la population maghrébine et gitane où l’on retrouve respec- les gènes de glycosylation sont également impliqués dans des
tivement les mutations homozygotes c.525delT et Cys283Tyr tableaux de dystrophies musculaires congénitales associées à des
dans le gène SGCG et, dans la population amish du sud, anomalies de développement du système nerveux central (voir
la mutation homozygote Tyr151Arg dans le gène SGCB. Près infra).
d’une centaine de mutations du gène SGCA ont été décrites
dans les ␣-sarcoglycanopathies, en grande majorité de type faux
sens. La mutation Arg77Cys est récurrente, constituant 50 % Dystrophies des ceintures récessives, purement atrophiques,
des allèles mutants. Pour le gène SGCG impliqué dans les ␥- sans cardiomyopathie. Trois entités appartiennent
sarcoglycanopathies, le spectre mutationnel est large : plus de à ce groupe : calpaïnopathie (LGMD2A), la plus fréquente,
80 mutations dont deux fondatrices (525delT et Cys283Tyr res- dysferlinopathie (LGMD2B) et anoctaminopathie (LGMD2L)
pectivement dans la population maghrébine et gitane). Hormis Les premiers cas de calpaïnopathies (LGMD2A) ont été identi-
la mutation « gitane » de type faux sens, toutes les mutations fiés en 1989 dans un isolat génétique de l’île de la Réunion [31] ,
sont nulles. De grandes délétions ont été décrites dans les gènes puis il est apparu que cette affection avait un caractère universel
SGCA et SGCG [28] . La confirmation diagnostique repose sur la et correspondait à la plus fréquente des dystrophies des cein-
mise en évidence par immunomarquage et western blot d’un tures. La formule clinique bien analysée en imagerie par résonance
déficit protéique qui intéresse en général l’ensemble des quatre magnétique (IRM) est très sélective avec atteinte préférentielle
sarcoglycanes, même s’il prédomine souvent sur la protéine des fessiers, ischiojambiers,fixateurs de l’omoplate, entraînant un

6 EMC - Neurologie
Génétique et maladies musculaires  17-001-A-90

Tableau 2.
Dystrophies des ceintures a .
Dystrophies des ceintures autosomiques dominantes (LGMD1) Dystrophies des ceintures autosomiques récessives (LGMD2)
LGMD1A (myotilinopathie) LGMD2A (calpaïnopathie)
LGMD1B (laminopathie) LGMD2B (dysferlinopathie)
LGMD1C (cavéolinopathie) LGMD2C (gamma-sarcoglycanopathie)
LGMD1D (liée au gène DNAJB6 b ) LGMD2D (alpha-sarcoglycanopathie)
LGMD1E (desminopathie, forme dominante) LGMD2E (bêta-sarcoglycanopathie)
LGMD1F (liée au gène de la transportin 3) LGMD2F (delta-sarcoglycanopathie)
LGMD1G (liée au gène HNRPDL) LGMD2G (téléthoninopathie)
LGMD1H (3p25.1-p23) LGMD2H (liée au gène TRIM 32)
LGMD2I (alpha-dystroglycanopathie, gène FKRP b )
LGMD2J (titinopathie)
LGMD2K (alpha-dystroglycanopathie, gène POMT1 b )
LGMD2L (liée au gène de l’anoctamine 5, gène ANO5)
LGMD2M (alpha-dystroglycanopathie, gène FKTN b )
LGMD2N (alpha-dystroglycanopathie, gène POMT2 b )
LGMD2O (alpha-dystroglycanopathie, gène POMGNT1 b )
Autres alpha-dystroglycanopathies :
liées aux gènes de glycosylations suivants : GMPP b , ISPD b , DAG 1 b , DPM3 b
Dystrophies liées à d’autres gènes :
avec déficit primaire en mérosine, gène LAMA2
Plectinopathie, gène PLEC1
Desminopathie récessive, gène DES
Dystrophie liée au gène codant le trafficking protein complex11, gène TRAPPC11
a
En gras, les protéines dont le déficit est mis en évidence sur biopsie musculaire. DAG : alpha-dystroglycane ; DNAJB6 : HSP-40, homologue subfamily B, number 6 ;
DPM3 : dolichyl-phosphate mannosyltransférase polypeptide 3 ; FKRP : fukutin-related protein ; HNRPDL : heterogeneous nuclear ribonucleoprotein D-like ; GMPPB : GDP-mannose
pyrophosphorylase B ; ISPD : isoprenoid synthase domain-containing ; POMT1 : protéine-O-manosyl-transférase 2 ; POMT2 : protéine-O-manosyl-transférase 2 ; POMGNT1 :
protein 0-linked mannose beta-1,2-N-acetyl-glucosaminyl-transferase 1 ; FKTN : fukutin.
b
Enzymes de glycosylation de l’alpha-dystroglycane.

décollement marqué, biceps brachiaux, sans atteinte faciale, sans L’anoctaminopathie 5 (LGMD2L) est cliniquement très proche
cardiopathie et avec une fonction respiratoire généralement peu de la dysferlinopathie, avec cependant une évolution moins
altérée. sévère [35, 36] . Le diagnostic est posé sur la normalité de la dysferline
Le gène, localisé en 15q15.1, code un enzyme protéolytique, à la biopsie et la présence de mutations du gène ANO5, dont une
la calpaïne, dont la localisation et la fonction restent encore particulièrement fréquente, c.191dupA, dont le caractère fonda-
mal connues. Dans la population réunionnaise, six mutations teur a été montré [36] . Il existe une variante allélique distale (voir
ont été retrouvées. Des mutations homozygotes fondatrices ont infra).
été décrites dans la population basque (2362AG→TCATCT) et
amish du nord (c.2306G > A). Dans la population caucasienne, Autres dystrophies récessives des ceintures
les mutations situées tout le long du gène sont en majorité pri- Les téléthoninopathies (LGMD2G) sont principalement pré-
vées, propres à chaque famille. Les mutations identifiées sont sentes au Brésil, la dystrophie TRIM 32 (LGMD2H) dans la
de tout type (faux sens, non sens, décalage du cadre de lecture, population hutterite, même si quelques patients ont été décrits
micro-insertions/délétions, épissage) [32] . Des délétions de grande en Europe, la titinopathie (LGMD2J) en Finlande (forme allélique
taille ont été rapportées. Les corrélations génotype–phénotype de la forme distale tardive) [1] .
ne sont pas simples à établir, cependant les patients à double
mutation nulle sont plus sévèrement atteints que ceux ayant Dystrophies des ceintures autosomiques
au moins une mutation faux sens [32] . Le diagnostic de calpaï-
nopathie repose sur la mise en évidence d’un déficit protéique
dominantes
sur la biopsie, uniquement retrouvé en western blot. Dans 10 Beaucoup plus rares que les formes récessives, elles sont présen-
à 20 % des calpaïnopathies, le déficit protéique n’est pas trouvé tées dans le Tableau 2. La première des trois principales entités est
alors que le gène est muté. Par ailleurs, un déficit secondaire en la myotilinopathie (LGMD1A), rapportée initialement dans deux
calpaïne peut être trouvé dans d’autres myopathies : dysferlinopa- familles, l’une américaine, l’autre argentine, respectivement due à
thie, alpha-dystroglycanopathie en particulier due au gène FKRP, la mutation Thr57Ile et à la mutation Ser55Phe [1] . La variante allé-
titinopathie. C’est pourquoi la recherche de mutations du gène lique est une myopathie myofibrillaire tardive à expression distale
de la calpaïne est nécessaire pour affirmer une calpaïnopathie (voir infra). La LGMD1B est la seconde entité. C’est une lami-
primaire. nopathie, variante allélique de la myopathie d’Émery-Dreifuss
La dysferlinopathie (LGMD2B) se caractérise par une for- dominante (voir infra), dont la caractéristique principale est une
mule clinique particulière : atteinte des ceintures purement cardiopathie dilatée avec troubles de conduction et rythmiques
atrophique avec respect des fixateurs de l’omoplate (contrai- entraînant un risque élevé de mort subite [37] . Le diagnostic est
rement à la calpaïnopathie), atteinte des mollets précoce porté sur la mise en évidence d’une mutation du gène LMNA
(distribution proximodistale), début vers 20 ans et, non excep- codant les lamines A/C. La cavéolinopathie (LGMD1C) est la troi-
tionnellement, évolution rapide vers une perte de la marche sième myopathie, qui se singularise par la présence de myalgies et
en quelques années [33] . La variante allélique, parfois retrouvée crampes, d’un myoœdème à la percussion, d’une contraction en
dans la même famille, est la myopathie distale de Miyo- vague (rippling) au pincement musculaire ; le diagnostic repose sur
shi (voir infra). Le diagnostic repose sur la présence d’un la constatation d’un déficit protéique en immunomarquage ou en
déficit complet en immunomarquage et en western blot. La western blot de la cavéoline 3 et d’une mutation, le plus souvent
recherche de mutations sur le gène situé en 2p13 est difficile : de type faux sens, du gène CAV3. Les variantes alléliques rappor-
55 exons, plus de 250 mutations, la plupart privées, distribuées tées sont une élévation isolée de CPK, un rippling syndrome isolé,
tout le long du gène, y compris au niveau intronique, nom- une myopathie distale, des formes récessives. Trois dystrophies
breux variants [34] . La plupart conduit à un codon-stop ou à des ceintures dominantes rares ont été récemment caractérisées,
une protéine tronquée. Il n’y a pas de corrélation génotype– l’une due au gène DNAJB6, l’autre au gène de la Transportine 3, la
phénotype. dernière liée au gène HNRPDL [1] .

EMC - Neurologie 7
17-001-A-90  Génétique et maladies musculaires

Myopathie oculopharyngée buccales, ce qui facilite le diagnostic et permet d’éviter une biop-
sie musculaire. La recherche de mutation est effectuée dans un
Plusieurs particularités singularisent cette myopathie autoso- second temps. Plus d’une centaine de mutations situées tout le
mique dominante : l’installation tardive (après 40 ans), le tableau long du gène ont été décrites, pour la plupart tronquantes, créant
clinique dominé par une myopathie oculaire, dont le ptosis bila- un codon-stop prématuré (mutations non sens, insertions ou délé-
téral et symétrique est le signe principal, associée à une atteinte tions hors phase, mutations d’épissage), rendant compte d’une
pharyngée avec dysphagie et voix nasonnée, une formule his- absence d’expression protéique.
tologique caractéristique (présence en microscopie optique de Un autre gène (LMNA), codant également une molécule éga-
vacuoles bordées et en microscopie électronique d’inclusions fila- lement située dans la membrane nucléaire, appelée lamine A/C
mentaires de 8,5 nm de diamètre présentes dans les noyaux) [38] . (Fig. 1), est responsable de la forme autosomique dominante
Un déficit proximal des membres peut s’associer à l’atteinte ocu- d’EDMD, appelée laminopathie. Celle-ci est trois à quatre fois plus
lopharyngée. Après des années d’évolution, le pronostic vital fréquente que la forme liée à l’X [1, 39, 40] . Dans l’EDMD dominant
peut être engagé du fait de troubles majeurs de déglutition qui lié aux lamines A/C, il n’y a pas de déficit d’expression tissu-
entraînent des fausses routes sévères, une cachexie, des pneu- laire de la lamine si bien que le diagnostic s’appuie uniquement
mopathies de déglutition. La myotomie cricopharyngienne peut sur la recherche de mutation. Plus de 400 mutations, en grande
améliorer significativement et pendant plusieurs années la dys- majorité de type faux sens, ont été observées tout le long du
phagie. gène LMNA. À côté des formes familiales dominantes majoritaires,
La mutation a été caractérisée en 1998 sur l’extrémité N- il existe une proportion non négligeable de mutations de novo.
terminale du gène poly(A) binding protein 2 (PABP2) [1] . Les patients Le gène LMNA est impliqué dans d’autres affections musculaires,
atteints présentent une courte expansion d’un triplet (GCG) alléliques, plus rares du muscle strié : dystrophie des ceintures
répété de 8 à 13 fois, alors que l’allèle normal, présent dans 98 % de LGMD1B (voir supra), dystrophie musculaire congénitale (L-
la population, est composé de six triplets. L’expansion (GCG) 9 est DCM) de début néonatal avec déficit axial majeur [41] et dans des
la plus répandue, très majoritaire dans la population québécoise, cardiomyopathies dilatées isolées [42] . D’autres pathologies plus
moins dans la population anglaise où l’expansion (GCG) 10 est rares sont liées au gène LMNA : neuropathie de Charcot-Marie-
presque aussi fréquente. Le phénotype est plus sévère dans les cas Tooth de type 2 (CMT2), lipodystrophie partielle de type androïde
suivants : de Dunnigan, syndromes de vieillissement précoce (syndrome de
• chez des patients dont le deuxième allèle n’est pas (GCG) 6 mais Hutchinson-Gilford et certaines formes de syndrome de Werner),
(GCG) 7, ce qui est le cas de 2 % de la population ; dysplasie acromandibulaire, et des affections fœtales très sévères
• pour les grandes expansions, telles que CCG13 ; (dermopathie restrictive et syndrome d’akinésie fœtale) [43] . La
• chez les homozygotes, par exemple (GCG) 9/(GCG) 9, avec dans transmission est autosomique récessive dans plusieurs de ces affec-
ce dernier cas, outre la sévérité, un début précoce vers 30 ans. tions : certains CMT2, la dysplasie acromandibulaire, le syndrome
Enfin, les sujets homozygotes (GCG) 7/(GCG) 7 ont également d’akinésie fœtale et de rares formes d’EDMD. Plusieurs phénotypes
la myopathie, héritée alors selon un mode apparemment récessif. peuvent coexister au sein d’une même famille (EDMD, LGMD1B,
cardiomyopathie isolée) ou chez un même patient qui peut par
exemple présenter des signes d’EDMD et de lipodystrophie.
 Myopathies rétractiles : Plusieurs observations de myopathies d’Émery-Dreifuss liées à
l’X mais sans mutation du gène EMD, particulières par le caractère
Émery-Dreifuss, laminopathie, hypertrophique de la cardiomyopathie, ont été rapportées à des
myopathie de Bethlem mutations du gène FHL1 [44] . Ce gène est également impliqué dans
d’autres affections musculaires : myopathie avec atrophie postu-
rale et hypertrophie musculaire X-MPMA [45] , myopathie à corps
De nombreuses myopathies s’accompagnent de rétractions
réducteurs (reducing bodies myopathies), avec des phénotypes variés
tendineuses mais les myopathies rétractiles présentées dans
(syndrome scapulopéronier, myopathie infantile sévère) [46] .
ce chapitre s’individualisent par les caractéristiques suivantes :
En 2013, des mutations autosomiques récessives du gène de la
rétractions inaugurales, au premier plan devant la faiblesse,
titine, très grosse protéine de soutien des unités contractiles, ont
diffuses, affectant non seulement les tendons d’Achille mais éga-
été identifiées chez plusieurs patients ayant un tableau clinique
lement les fléchisseurs des doigts, les coudes et le rachis (colonne
raide), évolutives à partir de la première décennie. Le déficit typique d’Émery-Dreifuss et une formule histologique compor-
musculaire s’accentue à l’âge adulte, souvent à partir de la qua- tant des cores [47] . Dans plus de 60 % de cas, l’EDMD reste non
rantaine, induisant une impotence fonctionnelle franche. Deux caractérisé sur le plan moléculaire.
entités entrent dans ce cadre : la myopathie d’Émery-Dreifuss qui
comporte une cardiopathie, de transmission liée à l’X ou auto- Myopathie rétractile sans cardiopathie :
somique dominante, et la myopathie de Bethlem, sans atteinte
cardiaque, de transmission habituellement autosomique domi-
myopathie de Bethlem
nante (voir pour revue des myopathies rétractiles la référence [39] ). Lorsque la myopathie rétractile ne comporte pas, au cours
de son évolution, d’atteinte cardiaque, c’est la myopathie de
Bethlem qui sera envisagée. Cette affection musculaire est due
Myopathie rétractile avec cardiopathie : à une anomalie primaire du collagène VI situé dans la matrice
Émery-Dreifuss extracellulaire (Fig. 1). Elle débute habituellement entre la pre-
mière et la seconde décade mais un début plus tardif, ou à
La dystrophie musculaire d’Émery-Dreifuss (EDMD), quel que l’inverse plus précoce, est possible, avec arthrogrypose, hypo-
soit son mode de transmission, se caractérise par une distribu- tonie, torticolis congénital souvent. Le déficit prédomine aux
tion scapulopéronière et se complique d’une cardiomyopathie racines. Elle se différencie de l’EDMD par l’absence d’atteinte car-
dilatée sévère avec dysfonction ventriculaire, troubles conduc- diaque. L’affection est dans l’ensemble légère même si, après la
tifs et rythmiques à l’origine de mort subite et d’insuffisance quarantaine, l’impotence fonctionnelle se majore souvent [39, 48] .
cardiaque majeure [40] . L’affection débute habituellement dans Le diagnostic repose sur la transmission dominante, la for-
l’enfance par les rétractions et le déficit, ce dernier d’abord dis- mule clinique, l’imagerie musculaire, très caractéristique, avec
cret. L’atteinte cardiaque survient habituellement à l’âge adulte. l’involution adipeuse débutant en périphérie du muscle, notam-
La forme liée à l’X, appelée émérinopathie, est due à une anoma- ment au niveau du quadriceps.
lie d’une protéine de la membrane nucléaire, l’émerine (Fig. 1), La seconde étape est l’étude menée sur fibroblastes qui permet
codée par le gène EMD situé en Xq28 [1] . La femme transmettrice de visualiser en immunofluorescence le déficit en collagène A6
peut exprimer une atteinte cardiaque. Dans l’EDMD liée à l’X, (qui n’est pas détectable dans le muscle) et de dépister, à par-
le déficit en émerine est mis en évidence non seulement dans le tir de l’ARN messager, les mutations qui concernent l’un des
muscle mais également dans la peau, les leucocytes et les cellules trois gènes COL6A1, COL6A2 (tous deux localisés en 21q22.3) et

8 EMC - Neurologie
Génétique et maladies musculaires  17-001-A-90

COL6A3 (2q37) [1] . Les mutations se répartissent à part égale entre autosomique dominante, soit de novo, soit autosomique récessive
ces trois gènes. Les trois quarts des mutations sont familiales domi- (Tableau 3). C’est le gène RYR1, le plus fréquemment à l’origine
nantes et de rares formes sont récessives. Les mutations sont très de MC, pour lequel une multiplicité de combinaisons a été rap-
nombreuses et privées, siégeant dans les régions introniques ou portée tant pour le phénotype clinique (formes légères, formes
exoniques, affectant souvent la région de la triple hélice, en parti- très sévères et précoces – anténatales ou néonatales – avec ou sans
culier pour COL6A1. Tous les types de mutations sont représentés atteinte oculomotrice) que pour la signature histopathologique
(faux sens, non sens, sauts d’exons en phase dus à des muta- variée (cores centraux, minicores, centralisations nucléaires au
tions des sites consensus, épissage ou délétions hors phase, petites premier plan) et le mode de transmission [52] (Tableau 3). Pour les
insertions ou délétions, remaniements génomiques) [49] . De rares nombreux cas non identifiés, la stratégie diagnostique est facilitée
formes autosomiques récessives ont été rapportées dans la myopa- par une combinaison des données cliniques, morphologiques et
thie de Bethlem. La dystrophie musculaire congénitale d’Ullrich des techniques moléculaires innovantes telles que le séquençage
en est une variante allélique, plus précoce et beaucoup plus sévère, d’exomes.
comportant une hyperlaxité distale. Elle est souvent sporadique.
Les mutations, également privées et de type varié, sont dans trois
quarts des cas dominantes de novo et pour le reste autosomiques Dystrophies musculaires congénitales
récessives [39, 49] . Des formes intermédiaires entre Ullrich et Beth-
Les DMC sont dues à une anomalie d’une molécule de
lem ont été décrites avec des mutations dominantes de novo dans
la fibre musculaire de siège variable : matrice extracellulaire
la moitié des cas [49] .
(sous-unités alpha-1, alpha-2, alpha-3 du collagène VI, colla-
gène XII, et ␣2 laminine ou mérosine), membrane basale
(alpha-dystroglycane), sarcolemme (intégrine-alpha-1, intégrine-
 Myopathies congénitales (MC), alpha-9), réticulum endoplasmique (sélénoprotéine 1), enveloppe
nucléaire (lamine A/C), membrane mitochondriale (choline-
dystrophies musculaires kinase-bêta). Les trois principaux groupes de DMC, en termes de
congénitales (DMC) et fréquence, sont le déficit primaire en mérosine, les déficits secon-
daires en alpha-dystroglycane avec plus de dix gènes identifiés
arthrogrypose multiple dont plusieurs associés à des phénotypes différents (musculaires
purs ou avec atteinte du système nerveux central) et la colla-
MC et DMC constituent deux familles d’affections musculaires génopathie d’Ullrich. Au total, près d’une trentaine de gènes
qui partagent plusieurs caractéristiques : un début précoce, habi- sont connus (Tableau 4) [53] . La transmission est récessive dans
tuellement néonatal, voire anténatal, et une faiblesse musculaire, la plupart des cas, mais elle est dominante/de novo pour le
s’exprimant chez le nouveau-né par une hypotonie, et une atro- gène LMNA et certains cas d’Ullrich (voir infra). Cliniquement,
phie/hypotrophie musculaire. La différence principale concerne les DMC se caractérisent par un déficit sévère et évolutif à début
l’histologie musculaire qui est de type dystrophique dans les DMC néonatal, entraînant un retard moteur et une atteinte respira-
mais pas dans les MC où l’on retrouve d’autres anomalies morpho- toire, la présence de rétractions tendineuses marquées et diffuses,
logiques informatives. un aspect dystrophique du muscle avec fibrose endomysiale et
nécrose/régénération, une élévation des CPK. Le diagnostic étio-
logique d’une DMC repose d’abord sur la formule clinique :
Myopathies congénitales • présence ou non d’une atteinte du système nerveux central
(soit très sévère avec anomalie du développement cérébral dans
Les MC se singularisent par la présence fréquente de marqueurs
certaines alpha-dystroglycanopathies, soit peu ou pas symp-
morphologiques (cores de petite ou grande taille, correspondant
tomatique avec, à l’IRM, une leucodystrophie dans le déficit
à une désorganisation myofibrillaire, bâtonnets, centralisations
primaire en mérosine) ;
nucléaires, disproportion de taille, accumulation polaire de myo-
• hyperlaxité distale et cicatrices chéloïdes dans les collagénopa-
sine ou de filaments fins, formant respectivement les corps hyalins
thies (syndrome d’Ullrich) ;
et les « caps », surcharge d’actine) qui permettent de les identifier
• déficit majeur des muscles du cou, dans la laminopathie néo-
sur la biopsie musculaire, un taux normal ou peu élevé de CPK,
natale, scoliose majeure et atteinte respiratoire dans le déficit
une évolutivité faible, voire nulle, une absence ou une discrétion
en sélénoprotéine.
des rétractions [50] .
Un déficit en mérosine et en alpha-dystroglycane est recherché
Parmi les gènes les plus impliqués, on retiendra celui d’un canal
dans le muscle. L’anomalie d’expression du collagène VI est pré-
calcique du réticulum sarcoplasmique, le récepteur de la ryano-
sente au niveau des fibroblastes, ce qui permet d’éviter une biopsie
dine (RYR1), plusieurs gènes codant des protéines sarcomériques
musculaire. La dernière étape est l’identification de mutations
(alpha-1-actine, ACTA1 ; nébuline, NEB ; myosines, MYH7, MYH2,
pathogènes dans le gène d’intérêt [53] .
MYH1 ; tropomyosine 2 et 3, TPM2, TPM3, etc.) (Fig. 1) (Tableau 3).
Des travaux ont montré que les frontières entre MC et
Les caractéristiques cliniques ont une bonne valeur d’orientation :
DMC sont moins bien délimitées qu’on ne le pensait : dans
• atteinte proximale légère, isolée, de transmission dominante,
certaines MC, la formule histologique varie avec le temps (mul-
en faveur d’une myopathie à central core ;
ticore → central core) ou évolue vers un aspect dystrophique du
• ophtalmoplégie avec ptosis évoquant une myopathie centro-
muscle semblable à celui d’une DMC (références princeps concer-
nucléaire ;
nant l’identification des différents gènes dans les MC et DMC [1] ).
• dysmorphie faciale avec visage allongé, orientant vers une myo-
pathie à bâtonnets.
Le cadre des myopathies congénitales est particulièrement Arthrogrypose multiple
complexe. Une myopathie congénitale, définie sur des caractères
histologiques, peut être due à des mutations affectant plusieurs Si les MC et DMC s’accompagnent souvent de rétractions arti-
gènes : ainsi, une myopathie à bâtonnets est associée à des muta- culaires multiples à la naissance, réalisant une arthrogrypose
tions de neuf gènes [1] , une myopathie centronucléaire de six multiple, d’autres affections appartiennent à ce groupe (certains
gènes [51] (Tableau 3). Par ailleurs, un même gène peut être impli- syndromes myasthéniques congénitaux, des myosinopathies, voir
qué dans des myopathies de formule histologique différente, infra). Dans de nombreux cas d’arthrogrypose, non dues à des
ainsi le gène ACTA1, codant l’alpha-1-actine, est associé à une MC/DMC, le tableau est peu évolutif, voire stable, après la nais-
myopathie à bâtonnets, une myopathie avec cap ou avec une sance ; il en est ainsi dans le syndrome d’Escobar en rapport
disproportion congénitale des fibres. Enfin, si pour la plupart avec des mutations de la sous-unité fœtale (gamma) du récep-
des gènes le mode de transmission est unique (autosomique teur de l’acétylcholine ou de la rapsyne. Les principales causes
récessif, dominant, de novo), un même gène peut être asso- d’arthrogrypose dues à une anomalie d’une molécule appartenant
cié à plusieurs modes de transmission : les gènes RYR1, ACTA1, au muscle ou à la jonction neuromusculaire, d’origine musculaire
TPM3 sont impliqués dans des myopathies de transmission soit et neuromusculaire, sont présentées dans le Tableau 5, mais de

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Tableau 3.
Myopathies congénitales.
Myopathie à bâtonnets (Nemaline myopathy) ; biopsie : amas de bâtonnets
Gènes : TPM3, 1q21.23, alpha-tropomyosine (AD, légère, AR sévère) ; ACTA1, 1q42.1, alpha-1-actine (AD, légère et sévère, AR, sévère) ; TPM2, 9q13,
bêta-tropomyosine (AD, légère) ; NEB,2q22, nébuline (AR, sévère et légère) ; TNNT1, 19q13, troponine T1 (AR, sévère, population Amish) ; CFL2, 14q12,
Cofiline 2 (AR) ; KBTBD13 15q22.31, Kelch repeat and BTB domain-containing protein 13 (AD), KHLHL40, Kelch-like family member 40 (AR), KHLHL41, Kelch-like
family member 41 (AR)
Central core ; biopsie : zones claires de désorganisation sarcomérique tout au long de la fibre
Gène : RYR1, 19q13.1, récepteur de la ryanodine (AD, AR, de novo ; formes modérées, formes néonatales sévères, akinésie fœtale) ; variante allélique :
l’hyperthermie maligne
Bâtonnets avec cores ; biopsie : cores et bâtonnets
Gènes : NEB, 2q22, nébuline (AR, sévère et légère), RYR1, 19q13.1, récepteur de la ryanodine (AD, AR), KBTBD13, 15q22.31, Kelch repeat and BTB
domain-containing protein 13 (AD), ACTA1, 1q42.1, ␣1-actine (AD, légère et sévère, AR, sévère), CFL2, 14q12, Cofiline 2 (AR)
Multiminicore ; biopsie : désorganisation sarcomérique segmentaire
Gènes : RYR1, 19q13.1, récepteur de la ryanodine (AR, formes légères, sévères, avec ophtalmoplégie) ; SEPN1, 1p36, sélénoprotéine (AR, spor, formes
anténatales, sévères, avec ophtalmoplégie, rigid spine), variante allélique : rigid spine, disproportion congénitale des fibres ; TTN, 2q31, titine (AR, sévère,
cardiomyopathie dilatée ; variante allélique : LGMD2J, myopathie tibiale de Udd)
Centronucléaire ; biopsie : centralisations nucléaires, travées cytoplasmiques en rayon de roue
Gènes : DNM2, 19.p13.2, dynamine 2 (AD, âge de début et sévérité variable, fréquemment ptosis et ophtalmoplégie) ; BINI, amphiphysine 2 (AR, début
précoce avec ophtalmoplégie ou tardif avec ou sans ophtalmoplégie, rare forme AD) ; RYR1 récepteur de la ryanodine (de novo, AD) ;
MTM1,Xq28, myotubularine (spor, assez légères, aspect en colerette des myocytes) ; TTN, 2q31, titine SPEG, 2q35, SPEG complex (AR, myopathie et
cardiomyopathie dilatée)
Myotubulaire ; biopsie : myotubes (petites fibres à gros noyaux)
Gène : MTM1, Xq28, myotubularine (XR, souvent létale chez le garçon, légère chez la femme)
Disproportion congénitale des fibres ; biopsie : fibres 1 de plus petite taille que les fibres 2
Gènes : TPM3, 1q21.2, tropomyosine 3 (AD), TPM2, 9q13, ␤-tropomyosine (AD, légère), ACTA1, 1q42.1, ␣1-actine (AD, sévère) ; SEPN1, 1p36,
sélénoprotéine (AR) ; RYR1, 19q13.1, récepteur de la ryanodine (AR) ; MYH7, 14q12, myosin heavy chain 7 (AD) ; liée au locus Xp22.-1.q22.1 (sévère)
Myopathie avec surcharge en myosine ou myopathie à corps hyalin (myosin storage myopathy, hyaline body myopathy) ; biopsie : accumulation polaire de
matériel hyalin, constitué de myosine lente
Gène : MYH7, 14q12, myosine lente (AD), sévérité moyenne, parfois associée à une cardiomyopathie hypertrophique
Cap disease ; biopsie : surcharge polaire dense au trichrome, marquée par les techniques oxydatives, TPM2, 9q13, ␤-tropomyosine (AD) ; TPM3, 1q21.2,
tropomyosine 3 (AD) ; ACTA1, 1q42.1, alpha-1-actine
Myopathie avec excès de filaments fins ; biopsie : surcharge en actine
Gène : ACTA1, 1q42.1, alpha-1-actine (AR, sévère, cardiomyopathie possible)
Myopathie à corps réducteurs ; biopsie : inclusions, marquage avec la ménadione
Gène : FHL1, Xq26-q27.2 (XR, précoce et sévère, tardive et bénigne, déficit scapulopéronier)
Myopathie congénitale avec cardiomyopathie fatale
Gènes : TTN, 2q31, titine (AR) ; MYBPC3, 11p11.2, myosin binding protein C (AR)
Autres myopathies exceptionnelles identifiées sur les caractéristiques histologiques :
- zebra body myopathy, gène : ACTA1, 1q42.1, alpha-1-actine (spor)
- sarcotubular myopathy, gène : TRIM32, AR
- fingerprint, gène inconnu (spor ou AR)
- trilaminar, gène inconnu (spor)
- myopathy with hexagonally cross linked tubular arrays, gène inconnu (AD et spor)

AD : autosomique dominant ; AR : autosomique récessif ; XR : récessif lié à l’X.

nombreux cas restent non identifiés. Dans ces cas, l’enquête la myopathie de Nonaka qu’il faut confirmer par l’étude du
repose sur l’étude anatomopathologique du fœtus, comportant gène GNE [1] . Si la myopathie est dominante et tardive, une myopa-
une analyse du tissu musculaire, du nerf et la corne antérieure, thie myofibrillaire est la première piste (Tableau 6). Les principales
l’étude de l’ADN fœtal et familial (parents, fratrie). caractéristiques concernant les myopathies distales sont présen-
tées dans le Tableau 7.

 Myopathies distales
Les myopathies distales sont caractérisées par une atteinte  Myopathies métaboliques
élective de la musculature distale, épargnant la face et
l’oculomotricité. Ce groupe est hétérogène tant sur le plan cli- Les myopathies métaboliques sont des affections génétiques
nique que génétique. La démarche diagnostique repose sur le dues à un dysfonctionnement d’une des voies suivantes : glyco-
mode de transmission, l’âge de survenue (de la petite enfance génolyse, glycolyse, oxydation des graisses, chaîne respiratoire
à un âge adulte tardif), la distribution de l’atteinte (atteinte mitochondriale. En cas d’intolérance à l’effort court avec myal-
préférentielle de la loge postérieure ou antérieure ou les deux gies (perte en puissance musculaire, essoufflement) avec ou sans
loges jambières, atteinte des mains), le taux de CPK, l’histologie rhabdomyolyse, débutant dans l’enfance ou l’adolescence, une
musculaire et enfin la caractérisation moléculaire [54] . La myo- glycogénose est évoquée et, par ordre de fréquence, la myopathie
pathie de Miyoshi, due à un déficit primaire en dysferline, de de McArdle. Pour cette affection, la présence d’un second souffle
transmission récessive, est la plus fréquente des myopathies dis- (qui se caractérise par une amélioration des capacités d’effort
tales, débutant chez le jeune adulte par une atteinte jambière musculaire lorsque le patient reprend progressivement l’effort
postérieure. Le taux de CPK est élevé et la dysferline complètement après un bref arrêt ou un ralentissement), l’absence d’élévation
absente sur le muscle, ce qui permet de poser le diagnostic. des lactates à l’effort ont valeur d’orientation, le diagnostic étant
Devant un tableau identique mais avec une dysferline normale, confirmé à la biopsie musculaire (surcharge en glycogène et déficit
il faut rechercher des mutations du gène de l’anoctamine 5. en phosphorylase). L’étude moléculaire permet de s’affranchir de
Si l’atteinte jambière concerne la loge antérieure avec respect la biopsie, certaines mutations étant particulièrement fréquentes,
du quadriceps, la biopsie révélant des vacuoles bordées, c’est en particulier R49X. Les autres déficits sont présentés dans le

10 EMC - Neurologie
Génétique et maladies musculaires  17-001-A-90

Tableau 4.
Dystrophies musculaires congénitales (DMC).
DMC due à un déficit primaire en laminine ␣2, MDC1A ; biopsie : déficit complet ou partiel mérosine, muscle, peau
Gène LAMA2, 6q2 (AR) ; formes sévères et plus légères (déficit partiel), IRM cérébrale : démyélinisation, neuropathie démyélinisante, pas de retard
intellectuel, mais épilepsie possible
DMC en rapport avec un déficit de la glycosylation de l’␣-dystroglycane, biopsie musculaire : déficit complet ou partiel en alpha-dystroglycane,
transmission autosomique récessive
Avec atteinte sévère du système nerveux central
Fukuyama : gène FKTN, principalement au Japon, encéphalopathie sévère, atteinte oculaire, épilepsie, lissencéphalie, pachygyrie, hypomyélinisation, kyste
et hypoplasie du cervelet, cardiopathie
Muscle eye brain syndrome, POMGnTNT1 ; FKRP ; POMT2 ; LARGE ; ISPD, TMEM5, surtout en Finlande, myopie, glaucome, hypoplasie rétinienne, épilepsie,
hypoplasie du cervelet, du corps calleux, hydrocéphalie
Walker-Warburg : gènes POMT1 ; POMT2 ; POMGnTNT1 ; LARGE ; FKTN ; FKRP ; GTDC2 ; GMPPB ; B3GNT1 ; TMEM5, ISPD, tableau très sévère, épilepsie,
lissencéphalie, agyrie, hydrocéphalie, absence de myélinisation, hypoplasie pontocérébelleuse, dysgénésie oculaire
Avec atteinte musculaire au premier plan
MDC1C ; FKRP, sévère, au premier plan pseudohypertrophique Duchenne-like, début naissance/premiers mois, sévère, pas ou peu d’atteinte cérébrale,
parfois léger retard
MDC1D : gène LARGE, retard mental profond, anomalies structurales discrètes à l’IRM, cardiomyopathie
Nombreux cas de DMC, avec déficit en ␣-dystroglycane avec ou sans atteinte du système nerveux central sans mutation connue
Dystrophie musculaire avec rigidité rachidienne (rigid spine muscular dystrophy)
Gène SEPN1, 1p36, sélénoprotéine (AR) ; hypotonie néonatale, faiblesse de la colonne cervicodorsale, évoluant vers une rétraction : scoliose, atteinte
respiratoire. Autres gènes impliqués : GAA, alphaglucosidase, surcharge glycogénique musculaire, FHL1, four and a half LIM, biopsie : corps réducteurs
DMC en rapport avec une anomalie du collagène VI (Ullrich)
Gènes COL6A1, COL6A2, COL6A3 (AR, AD, de novo) ; début néonatal, voire anténatal, le plus souvent marche non acquise, hyperlaxité distale et
rétractions proximales précoces (congénitales) et évolutives, torticolis, cyphoscoliose, luxation congénitale de hanche, hyperkératose. Pas d’atteinte
cardiaque ni intellectuelle. Déficit en collagène VI sur le muscle et fibroblastes
DMC en rapport avec une anomalie du collagène XII. De description récente, expression clinique proche de celle associée à COLVI. Gène à étudier si
COL6A1, COL6A2, COL6A3 éliminés
DMC avec déficit en intégrine ␣-7, ITGA7 (AR) ; déficit en intégrine sur le muscle, légère
DMC par mutation du gène de la lamine, LMNA. Atteinte axiale, nuque tombante, formes sévères sans acquisitions motrices

IRM : imagerie par résonance magnétique ; B3GNT1 : bêta-1,3-N-acétylglucosaminyltransférase 1 ; FCMD : fukutin ; FKRP : fukutin-related protein ; ISPD : isoprenoid syn-
thase domain-containing protein ; GMPPB : GDP-mannose pyrophosphorylase B ; GTDC2 : glycosyltransferase-like domain-containing protein 2 ; LARGE : like-glycosyl transferase ;
POMGTNT1 : protein-O-mannose beta 1,2-N-acetyl-glucosaminyl ; POMT1 : protein-O-manosyl-transferase 1 ; POMT2 : protein-O-manosyl-transferase 2 ; TMEM5 : transmembrane
protein 5.

Tableau 5. qui orientent vers une pathologie de la bêtaoxydation (Tableau 9)


Arthrogrypose multiple et affections neuromusculaires. ou de la chaîne respiratoire mitochondriale. Le diagnostic est
Dystrophies musculaires congénitales et myopathies congénitales porté sur l’étude du profil des acyl-carnitines, la chromatographie
(Tableaux 3, 4) des acides organiques et la biopsie musculaire révélant une sur-
charge lipidique et/ou une surcharge mitochondriale. Si aucun
Syndromes myasthéniques déficit enzymatique n’est identifié, il faut penser à une dys-
- auto-immuns (anticorps anti-RACh fœtaux) trophie pseudométabolique, variante allélique d’une dystrophie
- congénitaux : gènes codant les molécules suivantes : rapsyne ; musculaire qui s’exprime non pas par un déficit amyotrophiant
sous-unité delta du RACh, Dok 7, ColQ, ChAT progressif mais par une intolérance à l’effort, avec parfois des
Syndrome d’Escobar : pterygium multiple ; gènes codant la sous-unité
épisodes de rhabdomyolyses. C’est la mise en évidence du défi-
gamma du RACh, la rapsyne, la ␤-tropomyosine
cit protéique par immunomarquage et western blot qui établira
Arthrogrypose distale autosomique dominante : le diagnostic, confirmé par la recherche de mutations. Les défi-
- mutations du gène MYH3 (chaîne lourde de la myosine cits à l’origine de ces formes pseudométaboliques concernent la
embryonnaire), impliqué dans le syndrome de Freeman-Sheldon et de dystrophine, les sarcoglycanes, les enzymes de glycosylation de
Sheldon-Hall (micrognathie, hypertélorisme)
l’alpha-dystroglycane, la dysferline, la calpaïne. Dans d’autres cas,
- mutations du gène MYH8 (chaîne lourde de la myosine périnatale,
la myopathie métabolique s’exprime par une atteinte motrice défi-
syndrome trismus-pseudocamptodactylie)
citaire isolée ou au premier plan : déficit en maltase, en enzyme
- mutations du gène TPM2 (bêtatropomyosine)
- mutations du gène TNNI2 (troponine I)
branchant ou débranchant, déficit en triglycéride lipase. Pour
- mutations du gène TNNT3 (troponine T) les principales caractéristiques des myopathies métaboliques, se
Arthrogrypose distale autosomique récessive : reporter aux Tableaux 8 et 9 et aux revues générales (voir aussi
- mutations du gène ECEL1 codant l’endothelin-converting enzyme-like 1 glycogénoses [55] et lipidoses [56] ).
- mutations du gène SYNE1 codant pour la nesprine 1 Les affections mitochondriales, les plus fréquentes des maladies
héréditaires métaboliques, sont secondaires à un dysfonctionne-
ment de la chaîne respiratoire, voie finale du catabolisme de tous
les substrats énergétiques, assurant la production d’adénosine
Tableau 8. Tous sont de transmission autosomique récessive sauf triphosphate (ATP) par la phosphorylation oxydative. La mito-
le déficit en phosphoglycérate kinase et certains cas de déficit en chondrie possède son propre génome, composé de molécules
phosphorylase kinase, liés à l’X [1] . La survenue de rhabdomyo- d’ADN circulaire, double brin, de petite taille (16 569 paires de
lyse à l’effort prolongé et au jeûne, alors que l’effort court est base) dont le nombre de copies par cellule varie de quelques cen-
normalement supporté, est évocatrice d’une anomalie du méta- taines pour les leucocytes à plus de 100 000 dans l’ovocyte. L’ADN
bolisme des lipides, déficit en CPTII et en acyl-déshydrogénase mitochondrial (ADNmt) code une minorité (13/90) des protéines
à chaînes très longues, tous deux de transmission autosomique de la chaîne respiratoire, 22 ARN de transfert et deux ARN riboso-
récessive, diagnostiqués sur l’étude du profil de l’acyl-carnitine maux. L’origine de l’ADNmt est uniquement maternelle, l’apport
dans le sang, le dosage enzymatique et la recherche de muta- mitochondrial provenant uniquement de l’ovule. La plupart des
tions. Les mutations du gène de la Lipin1 représentent une cause 263 mutations décrites en 2013 affectant l’ADNmt sont hétéro-
majeure de rhabdomyolyse du jeune enfant. À l’intolérance à plasmiques, n’intéressant qu’une fraction des copies, variables
l’effort peuvent s’ajouter une faiblesse musculaire permanente selon les tissus et d’un individu à l’autre, y compris d’une même
et/ou des manifestations métaboliques systémiques (encéphalo- famille, ce qui rend compte du spectre phénotypique variable
pathie, hépatopathie, syndrome de Reye, acidose métabolique) d’un sujet à l’autre tant pour la sévérité que pour la distribution

EMC - Neurologie 11
17-001-A-90  Génétique et maladies musculaires

Tableau 6.
Myopathies myofibrillaires et myopathies vacuolaires.
Myopathies myofibrillaires
Définies par des anomalies de structure : surcharge granulaire, structures hyalines, profonde désorganisation de structure avec fibres effacées, vacuoles
bordées, accumulation de desmine, de myotiline, d’␣-B-cristalline, de la protéine précurseur de la protéine ␤-amyloïde
Transmission habituellement autosomique dominante, formes de novo
Environ 50 % identifiés sur le plan moléculaire
Huit gènes connus codant les protéines suivantes : desmine, myotiline, alpha-B-crystalline, zasp, filamine C, Bag 3, FHL1, titine
Phénotype clinique varié : myopathie distale, syndrome scapulopéronier, déficit des ceintures, déficit diffus, cardiomyopathie avec troubles
conductifs/rythmiques (desminopathie, alpha-B-cristallinopathie), cataracte (alpha-B-cristallinopathie), atteinte des cordes vocales (myotilinopathie)
- début avant 40 ans, atteinte distale et cardiomyopathie avec troubles de conduction/rythme : desminopathie, mutations gène DES, 2q35, nombreuses
mutations, la plupart faux sens ; variante allélique : syndrome scapulopéronier de Stark-Kaeser ; alpha-B-crystallinopathie, beaucoup plus rare, cataracte,
gène CRYAB, 11q22
- début après 40 ans, myopathie distale : zaspopathie, gène ZASP, les plus fréquentes avec les myotilinopathies, 10q22-q23.2, mutations faux sens
A165V, A147T ; variante allélique : myopathie distale de Markesbery-Griggs ; myotilinopathie, gène MYOT, 5q31, mutations faux sens ; variantes alléliques :
myopathie à corps sphéroïdes, LGMD1A
- début après 35 ans, atteinte proximale : filaminopathie C, gène FNLC, rares, 7q32, mutation W210X. Variante distale
- début infantile, sévère : BCL2-Associated Athanogen 3 (BAG3, 10q25-q26), une famille, sévère, mutation Pro209L
- affections musculaires s’accompagnant inconstamment d’anomalies myofibrillaires à la biopsie : myopathies liées au gène FHL1, XR, Xq27.2, phénotype
variable (Émery-Dreifuss-like, myopathie scapulopéronière), présence caractéristique mais inconstante de corps réducteurs à la biopsie, myopathie
d’Edström, liée au gène de la titine, 2q31, AD, atteinte diaphragmatique sévère de l’adolescence à l’âge adulte. Biopsie, corps cytoplasmiques nombreux
Myopathies vacuolaires à inclusions
Myopathie due à des mutations du gène GNE, glucosamine (UDP-N-acétyl)-2 épimérase, AR (Tableau 7)
Myopathie due à des mutations du gène VCP, valosin containing protein, 9p13-p12, AD, proximale, proximodistale, FSK-like, distale ; début < 35 ans,
association à une maladie de Paget, démence fronto-temporo-basale ; > 10 mutations faux sens, souvent exon 5. Variante : affection motoneuronale
Myopathie oculopharyngée : AD, ptosis, dysphagie, début après 40 ans, mutations du gène PAPBN1, poly(A) binding protein nuclear 1, 14q11.2-q13,
expansion de triplets GCG>7
Myopathie oculopharyngodistale, AR ou AD, atteinte oculaire et distale, gène(s) inconnus
Myopathie proximale avec ophtalmoplégie et rétractions congénitales, AD, rétractions à la naissance, résolutives, ophtalmoplégie première décennie,
déficit proximal léger, mutations du gène MYH2, myosin heavy chain 2, 17p13.1 (Tableau 11)
Autres entités de gène inconnu : avec atteinte quadricipitale, avec atteinte bulbaire
Autres myopathies vacuolaires
Glycogénoses (Tableau 8)
XMEA (X-linked vacuolar myopathy with excessive autophagy), XR, début enfance, adolescence, atteinte proximale, vacuoles autophagiques, dépôts
membranaires du complexe d’attaque membranaire ; Xq28, mutations gène VMA21, substitution d’un nucléotide intronique
Myopathie de Danon, XR, enfance à la seconde décennie, cardiopathie hypertrophique, atteinte distale, retard mental, déficit LAMP, lysosomal-associated
membrane protein 2, sur la biopsie musculaire, mutations du gène LAMP2, Xq24, frameshift, non sens, insertion

AD : autosomique dominante ; AR : autosomique récessive ; FSK : facio-scapulo-humérale ; XR : récessive liée à l’X.

Tableau 7.
Myopathies distales.
Transmission autosomique récessive
Miyoshi : la plus fréquente, début 15–30 ans, début loge postérieure de jambe, CPK × 10-50, biopsie : dystrophique, déficit complet en dysferline ; formes
légères et sévères, formes proximodistales ; gène DYSF, très nombreuses mutations privées
Myopathie distale liée au gène ANO5 : mêmes caractéristiques cliniques (mais sévérité moindre) et histologiques que la myopathie de Miyoshi mais
dysferline normale
Nonaka : début 15–30 ans, loge antéroexterne de jambe, respect des quadriceps, CPK × 1-5, biopsie : vacuoles bordées, formes sévères et plus rarement
légères ; gène GNE, glucosamine (UDP-N-acetyl)-2-épimerase/N-acétyl-mannosamine kinase ; mutations fondatrices : au Japon V572L et D176V,
homozygote ou hétérozygote, juifs iraniens Met712Th
Nébulinopathie : début précoce ou tardif, bénigne, loge antéroexterne jambe, extenseurs des doigts, fléchisseurs cou ; gène NEB, nébuline ; homozygote faux
sens
Téléthoninopathie : proximodistale, début deuxième décennie, déficit en téléthonine sur la biopsie, gène TCAP, titin-cap
Transmission autosomique dominante
Welander : uniquement en Suède, début tardif, début aux mains ; gène TIAI, cytotoxic granule-associated rna-binding protein
Titinopathie (dystrophie musculaire tibiale de Udd) : début tardif, après 35 ans, loge antéroexterne, fréquente dans la population finlandaise, bénigne ;
gène TTN, titine ; mutations situées dans le dernier exon Mex6, dans la forme finlandaise
Myopathies myofibrillaires : zaspopathie (ZASP), myotilinopathie (MYOT), desminopathie (DES), alpha-B crystallinopathie (CRYAB) (Tableau 6)
Myopathie de Laing, début infantile, bénigne, déficit extenseurs gros orteil ; gène MYH7, myosine lente
Myopathie par mutation du gène KLHL9, Kelch-Like 9 : une famille allemande, début 8 à 16 ans, loge antérieure de jambe, bénigne
Myopathie distale avec atteinte des cordes vocales et du pharynx : début 35–55 ans avec atteinte des cordes vocales ; gène MATR3, même mutation dans
famille américaine et bulgare : S85C
Forme distale de myopathie VCP (valosin containing protein) : début 30–40 ans, loge antérieure, association à une maladie de Paget et/ou une démence
frontotemporale ; gène VCP
Forme distale de cavéolinopathie : début autour de 30 ans, déficit en cavéoline sur la biopsie, gène CAV3, cavéoline 3
Myopathie distale liée au chromosome 19p13.3 : 2 familles italiennes, début de 20 à 50 ans

CPK : créatine phosphokinase.

des organes affectés, toutes deux corrélées à la proportion l’homéostasie (transport, assemblage, synthèse des cofacteurs).
d’ADNmt mutée. L’implication du génome nucléaire dans le fonc- Les gènes nucléaires codent des molécules assurant la réplica-
tionnement de la chaîne respiratoire est majeure pour la synthèse tion, la réparation, l’expression, la transcription et la traduction
de plus des trois quarts des protéines de la chaîne respiratoire, de l’ADNmt. Enfin, la fusion et la fission mitochondriale sont
mais également de molécules intervenant dans la biogenèse et également contrôlées par le génome nucléaire. Plus de 230 gènes

12 EMC - Neurologie
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Tableau 8.
Glycogénoses.

Nom de la myopathie Symptôme Biopsie musculaire Arguments diagnostiques Gène/mutations


Type 0 Fatigabilité musculaire Absence de glycogène Déplétion en glycogène à la GYS I
Déficit en glycogène synthase Cardiomyopathie hypertrophique dans le muscle biopsie musculaire Mutations stop homozygotes
(AR) Mort subite
Type II Forme infantile : Surcharge en glycogène Déficit enzymatique GAA
Déficit en maltase acide cardiomyopathie, hypotonie lysosomal massive leucocytes/fibroblastes/muscle Variées
Maladie de pompe (AR) faiblesse musculaire sévère, forme infantile ; complet dans la forme Nulles chez l’enfant
insuffisance respiratoire, létale discrète adulte infantile, partiel chez l’adulte IVS1-13T>G adulte
avant 1 an
Forme adulte : faiblesse des
ceintures, axiale et muscles
respiratoires
Type III Petite enfance et enfance : Surcharge franche en Déficit enzymatique AGL, non sens, petites
Déficit en enzyme hépatopathie, hypoglycémie glycogène leucocytes/érythrocytes/ délétions ou insertions
débranchant Modification phénotype à l’âge fibroblastes
Cori-Forbes (AR) adulte : intolérance effort,
faiblesse distale > proximale,
cardiomyopathie
Type IV Néonatale : akinésie fœtale Surcharge en Déficit enzymatique GBE1
Déficit en enzyme branchant Petite enfance : hypotonie, amylopectine Érythrocytes Une quinzaine de mutations
Andersen (AR) cardiomyopathie, hépatopathie non sens, délétions induisant
sévère une terminaison prematurée
Enfance : myopathie,
cardiomyopathie
Àge adulte : myopathie/atteinte
motoneuronale, démence
Type V Intolérance effort court Surcharge en glycogène Déficit en phosphorylase PYGM
Déficit en phosphorylase Second souffle sous sarcolemmique (histochimie sur biopsie) > 60 mutations, la plus
McArdle AR Rhabdomyolyses fréquente : R50X
Type VII Intolérance effort court Surcharge en glycogène Déficit en PFKM
Déficit en Rhabdomyolyses sous sarcolemmique, phosphofructokinase Une vingtaine de
phosphofructokinase Anémie hémolytique surcharge en (histochimie sur biopsie) mutations faux sens,
Tarui AR Myopathie fixée chez l’adulte amylopectine Déficit enzymatique épissage, délétions
érythrocytes/muscle
Type VIII Intolérance effort court (proche Surcharge en glycogène Réaction histochimique sur la Sous-unité ␣
Déficit en phosphorylase b du McArdle, A.rec ou lié à l’X) sous sarcolemmique biopsie XR non sens, faux sens,
kinase (AR/XR) Autres formes dues à d’autres Déficit enzymatique muscle épissage sous-unité ␤, AR
gènes : hépatique liée à l’X,
cardiomyopathie
Type IX Intolérance effort Accumulation en Déficit enzymatique PGK1 > 20 mutations
Déficit en phosphoglycérate Parfois anémie hémolytique glycogène très Érythrocytes/leucocytes/
kinase (XR) Retard mental inconstante fibroblastes
Type X Intolérance à l’effort Agrégats tubulaires Déficit enzymatique (muscle) PGAM
Déficit en phosphoglycérate inconstants 4 mutations faux sens
mutase (AR)
Type XI Intolérance à l’effort Biopsie normale Déficit enzymatique LDHA, mutations non sens,
Déficit en lactate Rhabdomyolyse muscle délétions frame shift
déshydrogénase (AR)
Type XII Intolérance à l’effort Biopsie normale Déficit enzymatique ALDOA, mutation faux sens
Déficit en en aldolase (AR) Rhabdomyolyse Muscle et érythrocytes
Type XIII Intolérance à l’effort Biopsie normale Déficit enzymatique muscle ENO3, 2 mutations faux sens
Déficit en ␤-énolase (AR)
Type XIV Intolérance à l’effort Surcharge en glycogène Déficit enzymatique PGM, mutations faux sens,
Déficit en sous sarcolemmique muscle épissage
phosphoglucomutase (AR)
Type XV Déficit progressif ceintures Déplétion du muscle en Western blot : glycogénine GYG1, mutations faux sens,
Déficit en glycogénine (AR) glycogène ou surcharge non glycosylée muscle non sens, épissage
en amylopectine
Myopathie à polyglucosan, Cardiomyopathie sévère Surcharge en Biopsie musculaire enzyme RBCK1, mutations faux sens
anomalie d’une Myopathie amylopectine, muscle branchant normal ou tronquantes
ubiquitine-ligase (AR) et cœur

AR : autosomique récessive ; XR : récessive liée à l’X.

nucléaires ont été identifiés mais la plupart sont encore inconnus des mutations de l’ADN nucléaire (autosomique dominante ou
puisque environ 1700 molécules sont associées à la mitochon- récessive, rarement liée à l’X). L’expression des affections mito-
drie [57, 58] . Ces données expliquent la diversité des modes de chondriales est très variée :
transmission des affections mitochondriales : hérédité maternelle • début allant de la période néonatale à l’âge adulte ;
(mère seule transmettrice, à tous ses enfants), correspondant à • symptômes isolés ou le plus souvent combinés, affectant
des mutations de l’ADN mitochondrial, ou mendélienne due à n’importe quel organe, muscle, cœur, système nerveux central

EMC - Neurologie 13
17-001-A-90  Génétique et maladies musculaires

Tableau 9.
Lipidoses.
Nom de la myopathie Symptômes Biopsie musculaire Arguments diagnostiques Gène/mutations
Déficit primaire en carnitine Faiblesse proximale Lipidose massive Carnitine musculaire et OCTN2, mutations faux
(AR) Cardiomyopathie plasmatique basse. Déficit sens
majeur du transport de la
carnitine sur fibroblastes,
lymphocytes
Surcharge multisystémique en Début néonatal, ichtyose, Lipidose massive Vacuoles lipidiques dans les ABHD5, mutations :
triglycérides. Forme néonatale faiblesse proximale ou distale, leucocytes : corps de Jordan insertions, délétions,
avec ichtyose : Chanarin (AR) retard mental, hépatomégalie, épissage, ponctuelles
surdité cardiomyopathie
Surcharge multisystémique en Enfant ou adulte Lipidose massive Vacuoles lipidiques dans les ATGL, mutations faux sens,
triglycérides. Forme enfant ou Faiblesse proximale/distale, retard leucocytes : corps de Jordan tronquantes
adulte (AR) mental possible, hépatomégalie,
surdité, cardiomyopathie
Déficit en carnitine palmitoyl Formes néonatales et infantiles Lipidose inconstante Déficit enzymatique CPTII
transférase II (CPTII) (AR) sévères et légère lymphocytes ou fibroblastes Une vingtaine de
Forme adulte jeune : épisodes de Augmentation des mutations, Ser113Leu,
rhabdomyolyse, effort long, acyl-carnitines à longues 60 %, Pro50His, 10 %
jeûne, fièvre chaînes (C16 , C18:1 , C18 )
Déficit en acyl-CoA Forme infantile sévère avec Lipidose inconstante Déficit activité enzymatique ACADVL, mutations faux
déshydrogénase à chaîne très encéphalopathie, cardiopathie et légère lymphocytes ou fibroblastes sens, épissage, stop
longue (VLCAD) (AR) Forme adolescent : adulte limitée Augmentation des
au muscle (CPTII-like) acyl-carnitines à longues
Épisodes de rhabdomyolyse chaînes (C14.1 )
Cardiomyopathie Acidurie dicarboxylique
Déficit en multiple acyl-CoA Formes sévères néonatales Lipidose marquée Taux bas de carnitine ETFDH/ETFB/ETFA
déshydrogénase (MADD) (AR) infantiles Déficit en coenzyme plasmatique, augmentation
Formes plus légères, adulte Q10 des acyl-carnitines de toute
Faiblesse proximale et axiale longueur, acidurie
Rhabdomyolyse (rare) dicarboxylique
Encéphalopathie, sensibilité à la
riboflavine
Déficit en enzyme Petite enfance avec Lipidose Augmentation des 3-hydroxy- HADHA/HADHB
trifonctionnel (MTP). encéphalopathie métabolique, acyl-carnitines à longue
Acyl-déshydrogénase à chaîne hépatomégalie, cardiopathie chaîne, acidurie
longue (LCHAD) (AR) Enfance avec rhabdomyolyse dicarboxylique
effort, rétinite, neuropathie
Déficit en acyl-CoA Petite enfance Lipidose Augmentation de le ACADM, mutation
déhydrogénase à chaîne Encéphalopathie métabolique, l’octanoyl-carnitine prévalente p.Lys304Glu
moyenne (MCAD) (AR) faiblesse musculaire et épisodes de Acidurie dicarboxylique
rhabdomyolyse, sévère Déficit enzymatique
Déficit en acyl-CoA Néonatal, petite enfance Lipidose Augmentation acide ACADS, mutations
déshydrogénase à chaîne Hypotonie, crises comitiales, éthylmalonique urine prévalentes p.Gly209Ser ou
courte (SCAD) (AR) retard de développement Déficit enzymatique p.Arg 171 Trp
musculaire
Déficit en P-phosphatidic acid Enfance Lipidose inconstante Carnitine et profil des LPIN1 > 20 mutations, stop,
phosphatase (AR) Épisodes de rhabdomyolyse, acyl-carnitines normaux délétions
exercice, fièvre Diagnostic : mutations

ABHD5 : abhydrolase domain-containing 5 ; ACADM : acyl-coenzyme A déshydrogénase, medium chain ; ACADS : acyl-coenzyme A déshydrogénase, short chain ; ACADVL : acyl-
coenzyme A déshydrogénase, very long chain ; ATGL : adipose triglycéride lipase ; CPTII : carnitine palmitoyl transférase II ; ETFA/ETFB : electron-transfer flavoprotein alpha/beta
polypeptide ; ETFDH : electron-transfer flavoprotein deshydrogenase ; HADHA/HADHB : hydroxyacyl-coA dehydrogénase/3-Kétoacyl-CoA Thiolase/Énoyl-CoA Hydratase, ␣/␤
subunit ; LPIN1 : lipin 1 ; OCTN2 : organic cation transporter N2.

et périphérique, voies sensorielles (vue et audition), appa- d’Alpers chez l’enfant, une encéphalomyopathie avec des épisodes
reil digestif, rein, cellules sanguines, réalisant une atteinte d’allure ischémiques et élévation des lactates, correspondant au
plurisystémique ; une composante métabolique est évocatrice MELAS [mitochondrial encephalomyopathy, lactic acidosis, and stroke-
(intolérance à l’effort, encéphalopathie, acidose lactique) ; like episodes], une épilepsie myoclonique avec ataxie et myopathie
• sévérité très variable, y compris intrafamiliale, mais beaucoup avec surcharge mitochondriale, renvoyant au MERRF [myoclonic
plus marquée dans les formes pédiatriques du fait de l’atteinte epilepsy ragged red fibers], un dysfonctionnement majeur de la
neurologique centrale prépondérante (retard mental, encépha- motricité digestive signant un MNGIE [mitochondrial neurogas-
lopathie) ; trointestinal encephalomyopathy], une neuropathie ataxiante avec
• mode de transmission mendélien ou mitochondrial [58] . ophtalmoplégie, orientant vers un SANDO [sensory ataxic neurop-
La démarche diagnostique est orientée par la formule clinique thy, dysarthria and neuropathy, ophthalmoplegia], une association
qui est souvent évocatrice. La myopathie oculaire est la mani- diabète–surdité d’origine maternelle.
festation la plus fréquente de mitochondriopathie, à partir de Les autres éléments d’orientation sont l’imagerie cérébrale
l’adolescence et à l’âge adulte, soit isolée (ptosis ± paralysie des (lésions des noyaux gris/tronc cérébral du syndrome de Leigh,
muscles oculaires), soit associée à une atteinte systémique (surdité, calcifications des noyaux gris, pseudo-infarctus), l’élévation des
rétinite pigmentaire, trouble de conduction cardiaque, ataxie céré- lactates dans le sang et, en cas d’atteinte neurologique centrale,
belleuse) qui, si elle est complète avant l’âge de 20 ans, orientera dans le liquide cérébrospinal, et en intracérébral (pic de lac-
vers le syndrome de Kearns-Sayre. D’autres associations syndro- tates recherché à l’IRM), et la biopsie musculaire qui peut révéler
miques sont caractéristiques telles qu’un syndrome de Leigh ou l’accumulation mitochondriale, disséquant les myocytes (fibres

14 EMC - Neurologie
Génétique et maladies musculaires  17-001-A-90

Tableau 10. • la biopsie est d’interprétation délicate, une mitochondriopathie


Principales catégories des mutations de l’acide désoxyribonucléique mito- primaire authentique ne s’accompagnant pas toujours d’une
chondrial (ADNmt) a . accumulation mitochondriale, en particulier chez l’enfant ;
Mutations, délétion, déplétion Site primaire de la mutation • l’élévation de l’acide lactique est souvent absente ;
• un même syndrome peut résulter de nombreux gènes apparte-
Mutation ponctuelles : Génome mitochondrial ; nant soit au génome mitochondrial, soit nucléaire (par exemple
- hétéroplasmiques++ (par transmission maternelle le syndrome de Leigh) (Fig. 2) ;
exemple MELAS A3243G ARN t • la transmission pour un même gène peut être soit dominante,
leucine, MERRF ARN t lysine soit récessive (par exemple les gènes POLG, ANT1) ;
A8344G)
• de nombreux gènes nucléaires sont encore inconnus.
- homoplasmiques (par exemple
Enfin, à côté des mitochondriopathies primaires, génétiques, il
LEBER G11778A [ND4])
existe d’autres causes secondaires : vieillissement, myosites, toxi-
Délétion unique (par exemple Génome mitochondrial ; cité médicamenteuse (antirétroviraux utilisés contre le syndrome
ophtalmoplégie plus, sporadique d’immunodéficience acquise).
Kearns-Sayre, Pearson)
Le conseil génétique est simple dans deux cas : s’il y a muta-
Délétions multiples Génome nucléaire ; autosomique tion ponctuelle de l’ADNmt, il n’y a aucun risque de transmission
(ophtalmoplégie plus, SANDO*) dominant et autosomique récessif paternelle ; s’il y a délétion/déplétion unique de grande taille, le
Déplétion (réduction du nombre Génome nucléaire ; autosomique risque est faible, évalué à un cas sur 28 dans une étude [60] . S’il
de copies ADNmt) + délétions dominant et autosomique récessif s’agit d’une hérédité nucléaire avec un gène identifié, les règles
multiples (par exemple MNGIE) habituelles de diagnostic prénatal sont applicables. Dans le cas de
mutations ponctuelles de l’ADNmt chez la femme, le conseil est
MELAS : mitochondrial encephalomyopathy, lactic acidosis, and stroke-like episodes ;
MERRF : myoclonic epilepsy ragged red fibers ; SANDO : sensory ataxic neuropathy ; beaucoup plus difficile car, du fait de l’hétéroplasmie, la fraction
dysarthria and ophthalmoparesis ; MNGIE : mitochondrial neurogastrointestinal ence- mutée varie au cours de la grossesse, puis en postnatal, d’un sujet
phalomyopathy. à l’autre, d’un tissu à l’autre. La répétition à différents moments
a
Sur 743 patients français suspects de mitochondriopathie, exclus pour les délé- de la grossesse des analyses de l’ADNmt muté dans différents
tions et mutations MELAS (mitochondrial encephalomyopathy, lactic acidosis, and
stroke-like episodes), MERRF et NARP (neuropathy, ataxia, and retinitis pigmentosa) : tissus (trophoblastes, liquide amniotique, sang de la mère) est
mutations ponctuelles délétères chez 7,4 % des patients, deux tiers hétéroplas- possible mais complexe, aléatoire et périlleuse du fait du risque
miques, 67 % avant 16 ans, 24 % avant un an ; mutations « putatives » chez d’avortement, rendant le pronostic très difficile à établir. Le diag-
22,4 % des patients, très variées, souvent nouvelles, acide ribonucléique par nostic préimplantatoire est une voie intéressante qui commence
transfert chez l’adulte, gènes des complexes protéiques (complexe I++) avant
un an [59] .
à être testée [61] . La stratégie de transfert du noyau provenant de la
patiente atteinte dans un ovocyte de donneur est une autre pos-
sibilité permettant de contourner les mutations de l’ADNmt [58] .

rouges déchiquetées avec le trichrome de Gomori) ou en périphé-


rie (rimmed red fibers) et/ou un déficit en cytochrome oxydase,  Hyperthermie maligne (HM)
révélé en histochimie. Sur la biopsie musculaire et dans cer- L’HM se manifeste par la survenue, lors d’une anesthésie géné-
tains cas sur fibroblastes, plusieurs techniques complémentaires rale utilisant l’halothane ou la succinylcholine, d’une nécrose
sont réalisables : l’étude de l’ADN mitochondrial (voir infra), musculaire très sévère avec hyperpyrexie, arythmie cardiaque et
l’analyse enzymologique de la chaîne respiratoire et l’étude par acidose. L’évolution est souvent létale. Le principal gène impli-
polarographie de la respiration mitochondriale, plus rarement qué est celui de la ryanodine (20 % des HM), soit dans le cadre
pratiquée car nécessitant un tissu frais. La caractérisation défini- d’une myopathie à central core, soit sans aucune manifesta-
tive repose sur la mise en évidence d’une mutation de l’ADNmt tion musculaire autre que l’HM [62] . Le test pharmacologique de
ou nucléaire. L’étude moléculaire, guidée par les paramètres vus contracture effectué sur biopsie musculaire permet de dépister
plus haut, débute en général par l’étude de l’ADNmt, dont les les patients sujets à l’HM. Les mutations du gène RYR1 impli-
étapes les plus simples sont la recherche des mutations ponctuelles quées dans l’HM (une trentaine) sont de transmission dominante
les plus fréquentes (nt-3243A>G, MELAS ; nt-8344A>G, MERRF ; et siègent majoritairement dans le domaine MH1 dans la partie
nt-8993T>G, NARP [neuropathy, ataxia, and retinitis pigmentosa] ; si N-terminale, mais d’autres mutations se situent dans la région
neuropathie optique, nt11778G>A, Leber) et de délétions uniques centrale MH2 et une minorité dans la région MH3, transmembra-
ou multiples par PCR et Southern blot. Une délétion unique et une naire. La plupart sont de type faux sens. Une mutation faux sens
mutation ponctuelle de l’ADNmt renvoient à une affection pri- située dans le gène codant la sous-unité alpha-1 du canal calcium
mitive de l’ADNmt respectivement sporadique et de transmission dihydropyridine sensible, différente des trois mutations respon-
maternelle. Comme cela est illustré dans le Tableau 10, les délé- sables de la paralysie périodique hypokaliémique, a été identifiée
tions multiples et la déplétion, parfois combinées, sont d’origine dans un cas d’HM [63] . Une mutation faux sens hétérozygote du
nucléaire, de transmission mendélienne (autosomique récessive, gène STAC3, codant une molécule intervenant dans le couplage
dominante, voire de novo), liées à un gène nucléaire contrôlant contraction–excitation, a été identifiée dans un groupe ethnique
la réplication ou la réparation de l’ADNmt (exemple : gène de la multiracial de Caroline du Nord de patients présentant une HM
polymérase gamma, POLG). La négativité d’une première enquête dans un contexte de myopathie congénitale [64] . D’autres loci sont
effectuée sur l’ADNmt n’est pas suffisante pour l’innocenter car associés à l’HM [1] .
des mutations nombreuses et variées sont dépistées à tout âge,
comme l’a montré une étude récente recourant à des outils
d’analyse moléculaire performants tels que le séquençage direct,  Canalopathies génétiques :
la méthode Surveyor de dépistage des mésappariements ou des
puces de reséquençage [59] . La recherche de mutations du génome paralysies périodiques (PP),
nucléaire s’impose si l’ADNmt n’est pas affecté et elle est orientée paramyotonie et myotonie
par le phénotype clinicoradiologique. La stratégie diagnostique
est adaptée en fonction du phénotype. Ainsi, la biopsie musculaire congénitales, et autres syndromes
et la recherche de délétions de l’ADN mitochondrial à partir
du muscle sont prioritaires en cas de myopathie oculaire, la
d’hyperexcitabilité
recherche dans le sang de mutation de l’ADN mitochondrial, de Les paralysies périodiques se manifestent cliniquement comme
type MELAS, en cas d’épisodes stroke-like ou de diabète–surdité des épisodes stéréotypés de perte de tonus musculaire, plus ou
d’origine maternelle et de mutation MERRF en cas d’épilepsie moins prolongés (de quelques minutes à quelques jours), de
myoclonique. rythmicité variable, pouvant s’accompagner de troubles de
Bien souvent, la caractérisation définitive d’une mitochondrio- la kaliémie durant l’épisode avec kaliémie normale entre
pathie reste difficile pour les raisons suivantes : les accès (formes hypokaliémiques, normokaliémiques et

EMC - Neurologie 15
17-001-A-90  Génétique et maladies musculaires

Paralysies périodiques (PP) PP primitive hypokaliémique Cav 1.1 1 R528H R1239H


de type 1 (CACNA1S)
+ + + +
+
+
12345 6 12345 6 12345 6 12345 6
+ + + +
+ + + +
+ + + +

NH2
COOH
Syndrome d'Andersen-Tawil Kir 2.1 2 H5
(KCNJ2) C154F/Y

M1 M2
R218Q
T75M G300D
D71H/A T305P
R67W T309I
C54F R312H
PP primitive hypokaliémique Nav 1.4 R669H R1448C/H/G/P
3 R672H/G/S R1132Q
de type 2 (SCN4A) R1135H
R575Q/G/W 1448

+ 1369 1436
PP normo/ + 270 1434
+ 265 265
hyperkaliémique 1 2 3 4 263 6 440 1 2 3 4 715 6 12345 6
V1293I 1 3 1455 1589
+ + + 1293 1456 M1592V
+ 444 + + 1166 1293
Myotonies non dystrophiques Paramyotonie congénitale + 445 + + 1297 + 1462 1598
699 1149 1160
(MND) 452 689 693 804
1151 1158 1298 1481 COOH
Myotonies du 692 1152 1156 1301 1313 1476
canal sodium (incluant NH2 1306 1704
1702
fluctuans et permanens) V445M T704M G1306A/V/E T1313M Del 1700-1703
Myotonies congénitales CLC-1 4 338 433
de Thomsen (dominante) 553
(CLCN1) 317 426 499
551 554
ou Becker (récessive) 496
355 494 550 556
167 282
313 421 M 493 548
277 285 I L 470
137 J 473 N O P Q
B C 230 273 310 485
H 309 413 543
132 K 483 534
189 290 306 536 539 566
190 E F 268 291 302 394 480
193 215 G 301 392
D 577
105 202
R Recessive
70 Dominant
861 629
632 Semi-dominant
855
43 COOH 665 Chloride binding
NH2 847 669 regions

Figure 3. Principales mutations impliquées dans les canalopathies musculaires. 1. Les deux principales mutations du gène CACNL1A3 (codant le canal
calcium Cav1.1), R528H et R1239H, sont à l’origine d’une paralysie périodique hypokaliémique ; 2. pour le canal potassium Kir2.1, codé par le gène KCNJ2,
une douzaine de mutations faux sens ont été rapportées ; 3. pour le canal sodium, Nav1.4, codé par SCN4A, les mutations sont plus nombreuses, toutes
faux sens ; le phénotype dépend de la localisation ; ainsi, la mutation T704M est associée à une paralysie hyper- ou normokaliémique, les mutations R669H,
R672H/G/S à une paralysie hypokaliémique, les mutations T1313M et R1448C/H/P sont pourvoyeuses de paramyotonie congénitale, les mutations V445M,
G1306A/V/E induisent une myotonie du canal sodium ; 4. les mutations du canal chlore, codé par le gène CLCN1, sont à l’origine d’une myotonie congénitale.
Elles sont très nombreuses, le plus souvent impliquées dans une forme récessive, rarement dans une forme dominante. Elles sont de tous types : faux sens,
stop, épissage.

hyperkaliémiques) [65, 66] . Elles sont confirmées en électromyogra- Les myotonies non dystrophiques (MND) se manifestent clini-
phie par le test d’effort long décrit par Fournier [67] qui met en quement comme des épisodes de raideur ou de blocage musculaire
évidence un trouble de l’excitabilité membranaire avec une perte récurrents accompagnés de salves myotoniques à l’EMG. En cas de
d’amplitude des réponses motrices supérieure à 40 % dans un raideur survenant au démarrage du mouvement, cédant à la répé-
délai de 15 minutes à une heure après l’effort. Le séquençage ciblé tition (phénomène d’échauffement ou warm-up) et touchant les
des gènes du canal calcium musculaire voltage-dépendant Cav 1.1 membres inférieurs en épargnant la face, il s’agit le plus souvent
(CACNA1S, exons 4, 11, 21 et 30), du canal sodium musculaire de myotonie congénitale (MC dominante, type de Thomsen, ou
voltage-dépendant Nav 1.4 (SCN4A) et du canal potassium récessive, type de Becker) liée à une dysfonction du canal chlore
rectifiant entrant Kir2.1 (KCNJ2) permet d’identifier l’anomalie musculaire CLC-1 et à des mutations de tous types du gène CLCN1
génétique responsable dans une majorité de cas (Fig. 3). Le (Fig. 3). Une hypertrophie musculaire est fréquemment observée,
séquençage de ces gènes permet d’établir définitivement le type mais pas de signes d’involution musculaire ni d’atteinte cardiaque
de paralysie périodique : PP hypokaliémique, liée dans 70 % au ou plurisystémique, ce qui différencie les MND des dystrophies
gène CACNA1S et 10 % au gène SCN4A (mutations faux sens) ; myotoniques (voir supra).
PP normo- ou hyperkaliémique (autres mutations faux sens de En cas de raideur déclenchée ou nettement aggravée par le
Nav1.4 affectant en particulier l’inactivation lente du canal) ; froid, touchant le visage (paupières, bouche) et les mains, pas ou
syndrome d’Andersen-Tawil, dû à des mutations faux sens de peu améliorée par la répétition du mouvement (myotonie para-
Kir 2.1 et associant une PP avec des perturbations variables de la doxale), il s’agit en général de paramyotonie congénitale (PC,
kaliémie, une dysmorphie faciale et des extrémités et des troubles dominante) ou de myotonie du canal sodium (sodium channel
du rythme cardiaque. Les mutations de paralysie périodiques myotonia, SCM, qui peut cependant se rapprocher cliniquement
ont un effet dominant, d’où l’existence possible d’antécédents des MC). PC et SCM sont toujours liées à des mutations faux sens
familiaux, mais la non-pénétrance ou l’occurrence de novo ne du canal sodium Nav 1.4 (gène SCN4A) qui affectent l’inactivation
sont pas rares, d’où de nombreux cas apparemment sporadiques. rapide du canal. Un test électromyographique d’effort bref répété,
Par ailleurs, un certain nombre de cas de PP restent sans étiologie réalisé à température ambiante et au froid [68] , permet de distin-
retrouvée dans l’état actuel de nos connaissances. guer les différents types de MND (type 1 : PC ; type 2 : MC ; type 3 :

16 EMC - Neurologie
Génétique et maladies musculaires  17-001-A-90

compatible avec MC ou SCM). Dans les MND, le séquençage


des gènes CLCN1 et SCN4A est positif dans la quasi-totalité des
 Syndromes myasthéniques
cas. S’il est négatif, en cas de présence de signes musculaires aty- congénitaux (SMC)
piques (douleur ou amyotrophie), ou d’atteintes d’autres organes
(cataracte, diabète, troubles de conduction cardiaque), il faut Les syndromes myasthéniques congénitaux constituent un
rechercher la maladie de Steinert (DM1) et le PROMM (DM2). Ces groupe hétérogène d’affections génétiques responsables d’un
deux pathologies constituent les deux seules autres causes de myo- dysfonctionnement de la transmission neuromusculaire qui se
tonie (voir supra). En cas de raideur musculaire contrastant avec manifeste par une faiblesse musculaire accentuée par l’effort,
une absence d’activité électrique à l’EMG, on évoque une maladie débutant le plus souvent dans la période néonatale et la petite
de Brody due à des mutations récessives du gène codant SERCA2 enfance. Environ 300 cas ont été diagnostiqués en France. Vingt
qui assure le repompage du calcium du cytoplasme vers le réticu- gènes ont été identifiés dont les deux derniers rapportés en 2014,
lum sarcoplasmique après la contraction muculaire. S’il s’agit de PREPL et SYT2, codant des molécules présynaptiques, PREPL et
raideur musculaire avec activité électrique anormale traduisant synaptotagmine 2, mais dans 40 à 50 % des cas le gène n’est pas
une hyperexcitabilité nerveuse périphérique (neuromyotonie), il identifié [71, 72] .
faut évoquer certaines formes d’ataxie épisodique de type 1 (muta-
tions dominantes ou de novo du gène KCNA1), du syndrome de
Schwartz-Jampel (mutations récessives du gène HSPG2, codant le
perlécan), ou d’un syndrome auto-immun (syndrome d’Isaac).
Tableau 11.
 Autres affections musculaires Myosinopathies héréditaires.

Dans cette dernière section figurent de très nombreuses affec- Gène MYH2 (chaîne lourde de la myosine IIA) : myopathie dominante
tions musculaires qui n’ont pas été décrites dans les chapitres avec rétractions congénitales, ophtalmoplégie et vacuoles bordées
précédents. Pour certaines, il s’agit de formes cliniques parti- Gène MYH3 (myosine embryonnaire) : arthrogrypose distale
culières. Beaucoup d’entre elles appartiennent à de nouveaux autosomique dominante (Tableau 5)
ensembles identifiés ces dernières années sur des bases cli- Gène MYH7 (chaîne lourde de la myosine ␤-cardiaque) : cardiopathie
familiale hypertrophique/dilatée, myopathie distale précoce de Laing,
niques, morphologiques et moléculaires. Les principales données
myosin storage myopathy, hyaline body myopathy
concernant les myopathies myofibrillaires et les myopathies
Gène MYH8 (chaîne lourde de la myosine périnatale) : trismus et
vacuolaires [69, 70] sont présentées dans le Tableau 6 et les patho-
pseudocamptodactylie
logies génétiques de la myosine dans le Tableau 11.

Syndrome myasténique congénital (SMC)

Première étape : évoquer un


SMC

Il s’agit d’un syndrome Origine congénitale : Ne pas méconnaître les pièges :


myasthénique : - début précoce (souvent - début tardif, absence d’histoire
- atteinte oculobulbaire néonatal, voire fœtal) familiale
- variabilité court et long termes - histoire familiale - présentation myopathique
- bloc neuromusculaire (couples - absence d’anticorps (faiblesse > fatigue, amyotrophie,
nerf et muscles proximaux) anti-RACh, anti-MuSK scoliose, rétractions)
- réponse aux - aspect particulier EMG : - absence de réponse aux
anticholinestérasiques réponse répétitive anticholinestérasiques, biopsie
musculaire trompeuse

Deuxième étape : identifier le type précis de SMC

Réponse répétitive + transmission AD syndrome


du canal lent à l’EMG + transmission AR déficit
en acétylcholinestérase (COLQ)
Contexte ethnique : population gitane, maghrébine,
ibérique mutations fondatrices sous-unité ε du RACh
Atteinte prééminente de ceintures : DOK7, COLQ, GFPT1,
DAPGT1, ALG2, ALG14
Arthrogrypose : RAPSN, canal rapide, sous-unité δ du RACh
Absence de réponse aux anticholestérasiques : canal lent,
DOK7, COLQ

En définitive : génétique moléculaire

Figure 4. Arbre décisionnel. Démarche diagnostique dans les syndromes myasthéniques congénitaux. EMG : électromyogramme ; AD : autosomique
dominant ; AR : autosomique récessif.

EMC - Neurologie 17
17-001-A-90  Génétique et maladies musculaires

Parmi les SMC caractérisés, environ 85 % sont dus à des gènes sur le plan phénotypique peut être due à plusieurs gènes, un même
codant des molécules situées dans la région postsynaptique, dont gène peut être associé à des myopathies de présentation très dif-
trois particulièrement impliquées : férente et peut être transmis sur un mode autosomique dominant
• le récepteur de l’acétylcholine (RACh), canal ionique, composé ou récessif. Le recours à de nouvelles méthodes de détection des
de cinq sous-unités (2-alpha, bêta, delta, epsilon) codées par mutations sur grande échelle est facilité par des outils de plus
des gènes différents, qui peut être affecté soit dans sa cinétique en plus performants (puces d’identification thématique, ciblées
d’ouverture (ralentie : canal lent du fait de mutations principa- sur l’ensemble de gènes d’un groupe de pathologies, séquençage
lement de la sous-unité alpha ; accélérée : canal rapide), soit plus d’exomes) permettant d’accélérer l’identification des pathologies.
souvent en termes quantitatifs, perte en RACh principalement Cependant, l’interprétation des résultats de l’étude simultanée de
due à des mutations du gène de la sous-unité epsilon ; nombreux gènes est délicate : s’agit-il d’un simple variant ou d’une
• Dok7 (downstream of kinase), activateur de MuSK ; mutation pathogène ? La réponse requiert plus que jamais une
• la rapsyne. collaboration entre généticiens et cliniciens, ces derniers jouant
Ces trois molécules s’intègrent dans un complexe multipro- un rôle essentiel pour le recueil des informations concernant le
téique impliqué dans la synthèse, l’agrégation et l’ancrage du patient et sa famille (dont les membres doivent être examinés et
RACh. prélevés) et la validation des résultats de l’enquête de génétique
Dix pour cent des SMC sont synaptiques : trois gènes sont moléculaire.
identifiés dont le gène codant la queue collagénique de L’explosion des connaissances dans le domaine des myopathies
l’acétylcholinestérase (COLQ), le plus fréquemment impliqué. génétiques a ouvert des perspectives thérapeutiques promet-
Cinq pour cent sont présynaptiques, avec trois gènes identi- teuses, en particulier pour les dystrophies musculaires, s’articulant
fiés, celui de la choline-acétyltransférase (CHAT), très majoritaire, autour de plusieurs axes : thérapie spécifique des mutations,
PREPL et SYT2 exceptionnels. Des gènes codant des enzymes de remplacement des gènes défaillants, régulation par expres-
glycosylation du RACh (GFPT1, DAPGT1, ALG2, ALG14) et dont le sion de protéines alternatives, modulation indirecte des voies
site dans synapse neuromusculaire n’est pas connu sont à l’origine conduisant au processus dystrophique [74] . Pour la dystrophie de
de SMC affectant les ceintures, avec souvent des agrégats tubu- Duchenne, l’expression musculaire de la dystrophine a été obte-
laires à la biopsie. La transmission des SMC est toujours récessive, nue chez l’homme par injection intramusculaire et systémique
sauf pour le syndrome du canal lent et le SMC présynaptique d’oligonucléotides antisens permettant le saut de l’exon 51 [75, 76] .
lié au gène de la synaptotagmine 2, de transmission autosomique La translecture des codons-stop dont l’intérêt thérapeutique a
dominante. Le diagnostic repose : déjà été démontré dans un essai de phase 2 dans la fibrose cys-
• sur la formule clinique : syndrome myasthénique associant des tique [77] et in vitro dans deux modèles de dystrophies musculaires
symptômes oculaires (ptosis, ophtalmoparésie), bulbaires, une congénitales (Ullrich et déficit primaire en mérosine) [78, 79] est en
faiblesse/fatigue des membres, tous symptômes évoluant par cours d’évaluation dans la DMD [80] . Le remplacement du gène
poussées, aggravés par la fatigue, améliorés par les anticho- pathologique a été réalisé chez l’homme par voie intramuscu-
linéstérasiques. En faveur de l’origine congénitale, on retient laire : minigène de dystrophine inclus dans un plasmide [81] , gène
un début dans la petite enfance, souvent néonatal, une his- de l’alpha-sarcoglycane et du gamma-sarcoglycane associé à un
toire familiale, et, éventuellement, une note myopathique avec adénovirus [82, 83] . La délivrance par voie systémique du gène cou-
scoliose, atrophie, rétractions ; plé à l’adénovirus n’est pas encore réalisable. La surexpression
• sur l’EMG révélant un décrément et un dédoublement du de l’utrophine, potentiellement capable de suppléer au déficit
potentiel moteur après stimulation unique dans le cas du syn- en dystrophine, est en cours de développement préclinique.
drome du canal lent et du déficit en acétylcholinéstérase ; Dans le modèle murin de la dystrophie myotonique de Stei-
• sur l’absence d’anticorps spécifiques de myasthénie (anti-RACh nert, l’injection d’oligonucléotides antisens réduit l’accumulation
et anti-MuSK). pathologique d’ARN messager intranucléaire et le piégeage de la
La recherche du gène responsable est orientée par le mode de protéine muscle-blind, ce qui permet la correction des anomalies
transmission (si dominant → canal lent), le contexte ethnique d’épissage, en particulier du canal chlore [84] . Si ces thérapies sont
(mutations fondatrices du gène de la sous-unité epsilon du RACh prometteuses pour l’avenir, il faut rappeler que les grands progrès
dans les populations maghrébine, gitane, ibérique), la topogra- de la prise en charge orthopédique, respiratoire (ventilation) et
phie du déficit (atteinte élective des ceintures pour les SMC liés aux cardiaque (contrôle de l’insuffisance cardiaque, greffe cardiaque,
gènes DOK7, COLQ et des enzymes de glycosylation), la réponse pacemaker, défibrillateur) ont transformé le pronostic des myo-
aux anticholinestérasiques, l’EMG en cas de dédoublement du pathies les plus sévères, allongeant considérablement la durée de
potentiel moteur (Fig. 4). vie.
Le diagnostic de SMC est souvent difficile du fait de l’âge de Ces remarquables avancées dans l’expertise diagnostique et le
survenue (nouveau-né dont l’hypotonie peut être attribuée à de développement de thérapeutiques innovantes ont été rendus pos-
très nombreuses causes, adolescent ou jeune adulte pour lequel sibles par la mise en place d’une collaboration internationale, avec
on évoque plutôt une forme acquise de myasthénie), du carac- la création de groupes médicoscientifiques et associatifs tels que
tère sporadique, de l’inefficacité des anticholinestérasiques (dans Treat NMD à l’échelon européen. En dépit des remarquables pro-
le syndrome du canal lent, le déficit en acetylcholinestérase et le grès enregistrés dans les dernières années, de nombreux problèmes
SMC par mutation de DOK7), de la présentation très myopathique restent posés : validité des modèles expérimentaux pour les essais
(faiblesse sans fluctuation, atrophie musculaire et scoliose) orien- thérapeutiques chez l’homme, effets à long terme des nouveaux
tant vers une myopathie congénitale, ce d’autant que la biopsie traitements, gestion des informations génétiques (faut-il pous-
musculaire est trompeuse avec une prédominance des fibres de ser l’enquête mutationnelle chez un patient asymptomatique ? Le
type I, des anomalies de structure [73] . L’identification du gène est diagnostic prénatal est-il légitime dans des pathologies bénignes
essentielle pour guider le traitement. Ainsi, les SMC associés aux et d’expression tardive ?). Un dialogue approfondi entre le patient
mutations des gènes DOK7 ou COLQ ne répondent qu’aux bêta-2 et l’équipe qui le prend en charge, réunissant clinicien, généti-
adrénergiques, et le conseil génétique qui peut conduire à étudier cien, psychologue, est indispensable pour tenter de résoudre ces
également le conjoint asymptomatique à la recherche d’un allèle difficiles questions.
muté, en cas de mutations fondatrices.

Déclaration d’intérêts : l’auteur déclare ne pas avoir de liens d’intérêts en rela-


 Conclusions et perspectives tion avec cet article.

Les travaux menés depuis plus d’une vingtaine d’années ont


confirmé l’apport de la génétique moléculaire pour l’identification Remerciements : au docteur D. Sternberg pour son importante contribution au
des myopathies génétiques. Ils ont aussi mis en lumière un niveau chapitre sur les canalopathies, au docteur N. Romero, au docteur A. Ferreiro pour
de complexité particulièrement élevé : une affection bien définie les photos d’histologie et à Mme A.-M. Maronne pour le secrétariat.

18 EMC - Neurologie
Génétique et maladies musculaires  17-001-A-90

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161–71. Washington neuromuscular center : www.neuromuscular.wustl.edu.

B. Eymard (anne-marie.maronne@psl.aphp.fr).
Centre de références des maladies neuromusculaires Paris-Est, Institut de myologie, Service de neurologie 2, Hôpital de La Pitié-Salpêtrière, CHU-Est, 47-83,
boulevard de l’Hôpital, 75651 Paris, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Eymard B. Génétique et maladies musculaires. EMC - Neurologie 2015;12(2):1-20 [Article 17-001-A-90].

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20 EMC - Neurologie
¶ 17-001-X-20

Canaux ioniques dépendants du voltage


et maladies neuromusculaires
F. Bourdain, B. Fontaine

Les canaux ioniques voltage-dépendants sont des protéines transmembranaires qui confèrent aux cellules
musculaires et nerveuses la propriété d’excitabilité. De nombreuses maladies sont associées à des
dysfonctionnements génétiques ou acquis de ces canaux. La nosologie actuelle évolue vers une refonte de
la classification à partir du génotype des patients et de la physiopathologie de ces maladies. Le premier
modèle de canalopathie en neurologie fut musculaire. Les paralysies périodiques dyskaliémiques,
plusieurs syndromes myotoniques non dystrophiques, l’hyperthermie maligne et certaines myopathies
sont des entités génétiques bien décrites dont la prise en charge actuelle s’articule autour de réseaux
spécialisés. Des affections neuronales ont également été identifiées. La neuromyotonie, les ataxies
épisodiques, un nombre croissant de syndromes épileptiques et la migraine hémiplégique familiale font
partie de ce groupe. Enfin, il existe, dans de très nombreuses affections neurologiques, en particulier auto-
immunes et neurodégénératives, un rôle physiopathologique de certains canaux ioniques qui pourraient
à l’avenir devenir des cibles thérapeutiques. Les maladies des canaux représentent en outre un modèle
d’étude inédit du fonctionnement normal et pathologique du système nerveux et musculaire, comme en
témoignent les abondantes publications actuelles sur le sujet.
© 2005 Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Canalopathie ; Myotonie ; Paramyotonie ; Neuromyotonie ; Paralysie périodique ; Épilepsie ;


Ataxie ; Hyperthermie maligne ; Migraine

Plan Ce rôle des canaux ioniques voltage-dépendants musculaires


et neuronaux est fondamental au fonctionnement normal de la
cellule, et l’on a longtemps considéré que l’existence d’une
¶ Introduction 1
mutation entraînant un retentissement fonctionnel n’était pas
¶ Canaux ioniques dépendants du voltage. Structure et fonction 3 compatible avec la vie. L’avènement de la génétique, combinée
¶ Canalopathies génétiques 4 à la physiologie, a cependant démontré depuis quelques années
Canalopathies musculaires 4 le lien entre certaines maladies ou certains symptômes neuro-
Canalopathies neuronales 9 musculaires et des anomalies structurelles et fonctionnelles des
Quelques « candidats » à une canalopathie 14 canaux ioniques (Tableau 1).
¶ Dysfonctionnement acquis des canaux neuronaux 15 La complexité des canalopathies résulte de la grande diversité
Jonction neuromusculaire 15 des canaux, du caractère dynamique de leur expression et de la
Neuropathies périphériques 15 difficulté à établir un lien de causalité simple entre des modifi-
Neuropathies centrales 16 cations morphologiques ou électrophysiologiques et des mala-
dies. De nombreux tissus ou organes peuvent être touchés par
¶ Conclusion 16
des maladies génétiques responsables d’une canalopathie :
muscle, cerveau, cœur, néphron, oreille interne, cellules
exocrines... Une liste non exhaustive est présentée dans le
Tableau 2. D’une façon générale, les situations devant faire
■ Introduction évoquer une canalopathie en neurologie sont :
• la survenue de manifestations musculaires ou neuronales
L’excitabilité des cellules musculaires striées et des neurones épisodiques ;
est assurée par des modifications de polarisation de la mem- • le déclenchement par des conditions telles que l’activité
brane cellulaire secondaires à un stimulus. Les variations du physique, des modifications du régime alimentaire ou des
potentiel de membrane sont la résultante de mouvements modifications climatiques ;
ioniques, qui dépendent d’un gradient électrochimique. La • l’existence de troubles objectifs cliniques (myotonie, myoky-
diffusion passive des ions s’effectue au travers de canaux dont mies) et électrophysiologiques (cardiaques/électrocardio-
la perméabilité est sélective. Leur ouverture est assurée par une gramme, musculaires striés/électromyogramme, ou neuro-
variation du potentiel de membrane (canaux voltage- naux/électroencéphalogramme) de l’excitabilité cellulaire ;
dépendants ou sensibles au voltage) ou à la fixation d’un ligand • et la réponse à des médicaments bloquant les canaux sodium
sur le versant externe de la membrane cellulaire. (tels que la carbamazépine) ou à l’acétazolamide.

Neurologie 1
Tableau 1.
2

17-001-X-20 ¶ Canaux ioniques dépendants du voltage et maladies neuromusculaires


Maladies génétiques des canaux ioniques en neurologie.
Canal Sodium voltage Potassium voltage Chlore voltage- Calcium Récepteur Récepteur GABA-A Récepteur
-dépendant -dépendant dépendant nicotinique de de la glycine
Récepteurs des Récepteur de la
l’acétylcholine
dihydropyridines ryanodine
Muscle strié Sous-unité a1 Syndrome d’Andersen Myotonie Type L, sous-unité a1 –Hyperthermie Certains syndromes
squelettique –Paralysie périodique KCNJ2–17q congénitale : Paralysie périodique maligne (et myasthéniques
hyperkaliémique ou –Thomsen (AD) hypokaliémique type 1 susceptibilité) congénitaux :
normokaliémique –Becker (AR) CACNL1A3–1q32 –Central core disease –syndrome du canal
–Paramyotonie RYR1–19q13.2 lent
CLCN1 ou
congénitale CLC1–7q35 Type L –syndrome du canal
–Myotonie aggravée par le rapide
Hyperthermie maligne
potassium
CACNA1S–1q32
–Paralysie périodique
hypokaliémique type 2
–Syndrome myasthénique
congénital
SCN4A–17q23

Neurones Neuromyotonie
périphériques congénitale
KCNA1–12p13

Neurones Sous-unité a1 : Type P/Q, sous-unité a1 : Épilepsie nocturne Sous-unité c2 Hyperekplexie


centraux – syndrome GEFS+ type 2 –ataxie épisodique type 2 familiale du lobe Syndrome GEFS+ familiale
(AE2) frontal GABRG2–5q34 GLRA1–5q32
– épilepsie myoclonique
sévère de l’enfant –migraine hémiplégique CHRN4A–20q13.2
familiale type 1 CHRNB–1q21.3
SCN1A–2q24
Sous-unité a1 –ataxie spinocérébelleuse Sous-unité a1
Ataxie épisodique type 6 Épilepsie
type 1 (AE1) ± –coma postintervallaire myoclonique
Sous-unité a2 : épilepsie partielle après traumatisme crânien juvénile AD
syndrome KCNA –12p13 bénin GABRA1–5q34
GEFS+ type 3 CACNL1A–19p13
SCN2A–2q24 Épilepsies néonatales
bénignes familiales Type L
types 1 et 2
Héméralopie congénitale
KCNQ2–20q13.3 (EBN1) type 2 (CSNB 2)
KCNQ3–8q24 (EBN2) CACNF1–Xp11.23

Sous-unité b1 :
syndrome
GEFS+ type 1
SCN1B–19q13.1
Neurologie
Canaux ioniques dépendants du voltage et maladies neuromusculaires ¶ 17-001-X-20

Tableau 2.
Canalopathies génétiques et canaux ioniques dépendants du voltage.
Canal sodium Canal potassium Canal chlore Canal calcium
Muscle strié –Paralysie périodique –Paralysie périodique Myotonies congénitales de –Paralysie périodique
squelettique hyperkaliémique hyperkaliémique Thomsen et Becker hypokaliémique
–Paramyotonie congénitale –Paralysie périodique –Hyperthermie maligne (et
–Myotonie aggravée par le hypokaliémique susceptibilité)
potassium –Syndrome d’Andersen/LQT 7 –Central core disease
–Paralysie périodique
hypokaliémique
Oreille interne Surdité congénitale dominante
Syndrome de Jervell et Lange-
Cœur –LQT 3 Nielsen (surdité + LQT 1 ou 5)
–Fibrillation ventriculaire –LQT 1,2,5
idiopathique –Fibrillation ventriculaire
idiopathique
Cerveau Syndrome GEFS+ –Épilepsies familiales –Ataxie épisodique de type 2
néonatales bénignes types 1 & 2 –Migraine hémiplégique
–Ataxie épisodique de type 1 familiale
–Ataxie spinocérébelleuse 6
–Coma postintervallaire après
traumatisme crânien
Néphron –Syndrome de Bartter
–Néphrolithiase récessive liée
à l’X
Nerf périphérique Neuromyotonie

Glandes Mucoviscidose
exocrines
LQT = syndrome du QT long congénital.

Dépolarisation Figure 1. États physiologiques des canaux ioni-


ques voltage-dépendants.

Repolarisation

Potentiel de
repos
Ions

Membrane
plasmique

Fermé Activé Inactivé Fermé

■ Canaux ioniques dépendants Les canaux ioniques voltage-dépendants peuvent se trouver


en trois états physiologiques : état fermé, état activé (ouvert) et,
du voltage. Structure et fonction pour certains d’entre eux, état inactivé (Fig. 1).
Les canaux sodium voltage-dépendants jouent un rôle essen-
Apparus très tôt lors de l’évolution des espèces, il y a environ
1,4 milliard d’années, les canaux ioniques confèrent aux tiel dans l’initiation et la propagation du potentiel d’action
membranes cellulaires la propriété d’excitabilité. Avec l’appari- membranaire. Les canaux potassium assurent une fonction
tion des métazoaires (organismes pluricellulaires) il y a environ d’accélération de la repolarisation membranaire. Les canaux
700 millions d’années, les canaux ioniques ont permis l’établis- chlore contribuent au maintien du potentiel de repos ainsi qu’à
sement de communications intercellulaires. Les canaux ioniques la repolarisation membranaire succédant au potentiel d’action.
dépendants du voltage sont des protéines multimériques En ce qui concerne le muscle, le lien entre les potentiels
insérées dans la membrane cellulaire et contenant un pore dont d’action et la contraction mécanique est assuré par un complexe
la perméabilité ionique est sélective. La sous-unité principale est protéique comprenant un canal calcium sensible au voltage
en général dénommée a. [1] Plusieurs zones fonctionnelles sont (récepteur des dihydropyridines) et le canal calcium récepteur
classiquement distinguées : de la ryanodine, qui permet le relargage du calcium intracellu-
• une région « filtre » située sur le versant extramembranaire, laire et ainsi le raccourcissement des fibres musculaires. Les
dont le rôle est la sélection de l’ion capable de traverser le principales étapes de la contraction musculaire sont détaillées
pore ; dans l’encadré ci-après ; les protagonistes sont représentés sur la
• une région « porte » située sur le versant intramembranaire, Figure 2.
dont les changements de conformation déterminent l’ouver- Les modifications du fonctionnement des canaux ioniques
ture et la fermeture du pore ; perturbent la formation et la conduction des potentiels d’action
• une région « détecteur » du champ électrique membra- membranaires et modifient le cycle d’excitabilité cellulaire
naire [2]. normal. L’origine du dysfonctionnement canalaire peut être

Neurologie 3
17-001-X-20 ¶ Canaux ioniques dépendants du voltage et maladies neuromusculaires

Nerf moteur « auto-immun » (neuromyotonie, syndrome de Guillain-Barré,


sclérose en plaques...) seront brièvement abordées en fin de
Canal sodium
chapitre.
Canal potassium
Acétylcholine
■ Canalopathies génétiques
Canal chlore
Canalopathies musculaires
Récepteur de Leurs manifestations cliniques principales comprennent la
l'acétylcholine Réticulum myotonie (correspondant à une hyperexcitabilité de la mem-
sarcoplasmique brane musculaire) et la paralysie périodique (secondaire à une
Canal calcium sensible inexcitabilité épisodique de la membrane musculaire).
aux dihydropyridines Calcium
Récepteur Définitions. Classifications
de la ryanodine
La myotonie est caractérisée par une lenteur à la décontraction
Sarcomères musculaire, qui est retardée, en rapport avec un état d’hyperex-
citabilité membranaire de la fibre musculaire. Elle est générale-
ment améliorée par l’exercice musculaire. Lorsqu’elle est
aggravée par l’effort, elle est dénommée myotonie paradoxale
ou paramyotonie. La myotonie peut survenir à l’occasion d’un
Figure 2. Jonction musculaire et canaux ioniques.
mouvement (myotonie dynamique) ou lors de la percussion
d’une masse musculaire, qui produit alors une indentation
persistante du muscle (myotonie mécanique). Les paralysies avec
dyskaliémie sont un ensemble de pathologies d’étiologies
“ Mise au point différentes, caractérisées par des accès spontanément régressifs
d’hypotonie et de faiblesse musculaire invalidante, associés à
des modifications de la kaliémie.
Physiologie de la contraction musculaire La classification historique reposait sur les descriptions
1) Libération dans la fente synaptique d’acétylcholine, qui cliniques (phénotypes). L’évolution récente des méthodes
se fixe sur son récepteur (canal ionique dont l’ouverture d’étude a conduit à adopter une classification reposant sur le
est régulée par la liaison d’un ligand). type de canal muté (Tableau 1). La corrélation génotype-
Dépolarisation localisée de la plaque motrice. phénotype est cependant très imparfaite. [3]
Activation des canaux sodium et potassium dépendants Spécificité phénotypique des affections du canal
du voltage (ouverture puis fermeture séquentielles) :
sodium
formation et conduction du potentiel d’action.
2) Propagation du potentiel d’action au système tubulaire Les affections du canal sodium ont pour point commun une
transverse invaginé dans la fibre musculaire. grande variabilité d’expression clinique, tant dans l’intensité des
symptômes que dans la distribution topographique des groupes
Activation d’un canal calcium (récepteur des
musculaires concernés. Elles sont toutes liées à des mutations de
dihydropyridines). la sous-unité a du canal sodium (SCN4A) (Fig. 3), dont le gène
Activation du récepteur de la ryanodine du réticulum est situé sur le chromosome 17.
sarcoplasmique.
Libération du calcium sarcoplasmique. Description
Raccourcissement des sarcomères et contraction
Paralysie périodique hyperkaliémique
musculaire.
3) Retour au repos après dépolarisation membranaire et C’est en 1951 que des accès de paralysie ont été associés à
maintien du potentiel de repos pour lequel intervient un une hyperkaliémie. [4,5] La principale manifestation de l’hyperPP
est la survenue d’accès de paralysie, survenant dès la première
canal chlore.
décennie. Les facteurs déclenchants habituels sont un court
repos après un exercice physique intense ou en fin de journée,
l’exposition au froid et le jeûne glucidique. Le début est souvent
génétique ou acquis. Les canalopathies génétiques constituent annoncé par des paresthésies péribuccales et distales aux quatre
un modèle de compréhension de la physiologie neuronale et membres. Des troubles sensoriels sont parfois signalés : odeur de
musculaire, en dehors de toute lésion structurelle. Les canalo- moisi, goût acide, etc. Un léger exercice musculaire ou l’inges-
pathies acquises, généralement causées par un mécanisme tion de glucides peuvent faire disparaître les paresthésies et

I II III IV Figure 3. Sous-unité a du canal sodium mus-


R1448C/S/H/P culaire (SCN4A) et mutations identifiées.
L1433R
V1293I V1589M

1 2 3 4 6 1 2 3 4 5 6 1 2 3 4 5 6 1 2 4 5 6
5 3

+ G1456E
NH3
L266V S804F G1306A/V/E V1458F
V445M COO-
I1160V
I693T F1473S
T1313M

4 Neurologie
Canaux ioniques dépendants du voltage et maladies neuromusculaires ¶ 17-001-X-20

éviter l’installation de la paralysie. Dans le cas contraire, après en inhalation. Le traitement préventif de l’accès vise à augmen-
quelques minutes à une demi-heure, un déficit moteur ascen- ter la kaliurèse : acétazolamide, chlorothiazide, diclofénamide,
dant s’installe aux quatre membres, progressant vers les ceintu- bendrofluméthiazide.
res et pouvant s’étendre aux muscles cervicofaciaux. Une La paralysie périodique normokaliémique (normoPP) a jadis été
paralysie faciale, une ophtalmoplégie extrinsèque et une individualisée mais est longtemps restée d’authenticité discutée.
paralysie oropharyngée sont possibles mais peu fréquentes. Les Elle est actuellement regroupée avec l’hyperPP car les accès de
muscles respiratoires, notamment le diaphragme, sont rarement paralysie sont parfois déclenchés par l’ingestion de potassium.
concernés. L’examen clinique réalisé à ce stade montre une Une particularité sémiologique de la normoPP est la possibilité
paralysie flasque, avec abolition des réflexes ostéotendineux, de crises prolongées, pendant près de 1 semaine. Pendant les
sans anomalie sensitive. Le plus souvent, l’accès se limite à un accès, la natriurèse augmente cependant que la kaliurèse
état de faiblesse généralisée avec sensation de malaise général diminue. Le sodium améliore la faiblesse, alors que le glucose
intense, crampes, spasmes, agitation et irritabilité. Il dure 10 à est sans effet. Une substitution thréonine-méthionine a été mise
60 minutes, et s’amende spontanément. Au cours des accès, la en évidence sur le gène SCN4A. [6]
kaliémie est élevée, entre 6 et 7 mmol l–1, par transfert du
potassium intracellulaire vers le secteur plasmatique, notam- Paramyotonie congénitale
ment dans les veines drainant les muscles paralysés ; la kaliurie Décrite par Eulenburg, [7] la paramyotonie congénitale (PC)
est également élevée. L’électrocardiogramme (ECG) montre des est définie par une myotonie paradoxale ou paramyotonie, c’est-
ondes T amples et pointues. L’électromyogramme (EMG) peut à-dire une myotonie s’exagérant à l’effort, et par sa sensibilité
mettre en évidence des averses myotoniques en détection, le au froid. [8] Elle prédomine au niveau chéiro-facio-ligual, et peut
muscle étant inexcitable lors de la stimulation. L’accès de être mise en évidence en demandant au patient de fermer
paralysie peut être déclenché par une charge en potassium plusieurs fois les yeux (aspect d’« yeux de Chinois », également
(encadré) et réduit par une injection intraveineuse de calcium. noté lors de l’exposition au froid). À l’occasion d’une saccade
Une charge en glucose, avec ou sans insuline, avant le test de rapide vers le bas, la myotonie palpébrale provoque un décou-
charge en potassium, réduit considérablement ou prévient vrement de la sclère ; cela constitue le classique lid-lag sign.
l’accès. En période intercritique, l’examen clinique montre Lorsque la symptomatologie est complète, le sourire se fige,
fréquemment, mais non constamment, une myotonie des l’ouverture des paupières est difficile, la langue devient dure, les
éminences thénars, des paupières, de la langue et de la face. Des muscles du menton marquent leur empreinte, une dysarthrie et
myalgies peuvent persister. Une hypertrophie des mollets est une dysphagie peuvent survenir, et la main adopte une position
possible. L’EMG objective le plus souvent des décharges myoto- caractéristique : abduction du pouce et de l’annulaire, flexion
niques favorisées par les salidiurétiques. La biopsie musculaire des 2e, 3e et 4e métacarpophalangiennes. Les accès sont électi-
montre des lésions modérées : variation de calibre des fibres et vement déclenchés par l’exposition au froid (air, eau), par
centralisations nucléaires ; cellules-cibles, vacuoles sous- exemple à l’occasion d’une baignade en rivière. Lorsque l’accès
sarcolemmiques riches en glycogène ou agrégats tubulaires ont est provoqué par l’ingestion d’aliments froids, les manifestations
également été décrits. En ultrastructure, des dilatations du pharyngées sont au premier plan (« dysphagie à la glace »). Des
réticulum sarcoplasmique et du glycogène sont visibles dans les myalgies peuvent s’associer aux manifestations myotoniques. La
régions des bandes I. myotonie peut être si intense qu’elle amène à évoquer un
syndrome de Schwartz-Jampel (ou myotonie chondrodystrophi-
que, associant à la myotonie un blépharospasme ou un blépha-
rophimosis, un faciès dysmorphique et amimique, une raideur
articulaire et des anomalies squelettiques). [9] Le test de charge
“ Conduite à tenir en potassium est alors contre-indiqué, exposant au risque de
myotonie diaphragmatique et d’arrêt respiratoire. La survenue
d’une myotonie diaphragmatique est aussi possible à l’occasion
Hyperkaliémie provoquée (test de charge en d’explorations fonctionnelles respiratoires ou d’une intubation.
potassium) Elle est parfois au premier plan, la plainte fonctionnelle étant
• Ingestion en 3 minutes de 0,05 g kg–1 de chlorure de alors une dyspnée. En général, les symptômes myotoniques
potassium en solution (3 g pour un adulte de 60 kg). durent de quelques minutes à 1 heure et cèdent au réchauffe-
• Éventuellement, en l’absence de réponse au bout d’une ment. Au décours, une période de fatigue musculaire généralisée
est possible, éventuellement à l’origine d’une parésie, voire
demi-heure, ingestion de 8 g de chlorure de potassium
d’une paralysie flasque, dont la durée peut atteindre plusieurs
(0,1 à 0,15 g kg–1). jours. Trois types de symptômes sont distingués : accès généra-
• Surveillance : testing moteur + ECG + ionogramme lisé de paralysie flasque, paralysie régressive des muscles où
sang/30 minutes pendant 4 heures. siégeait la myotonie au froid, déficit localisé provoqué par le
• Le test est positif en cas d’aggravation franche de la froid ou l’exercice physique en climat chaud. L’examen inter-
myotonie ou de l’apparition d’une paralysie (en général critique montre une myotonie dynamique ou mécanique. Les
entre la 90e et la 180e minute). principaux territoires sont les paupières, la bouche, la langue,
NB: la réalisation préalable d’un ECG est obligatoire : ne les loges péronières et les mains. Cette myotonie s’exagère à
réaliser le test que si l’ECG est normal. l’exercice. L’application d’un glaçon sur les paupières ou la
langue peut provoquer un phénomène myotonique local
pendant plusieurs heures. Lorsque le membre supérieur est
plongé dans l’eau à 15 °C durant 30 minutes, la myotonie
apparaît, parfois accompagnée d’une paralysie (encadré).
Dans l’enfance, les accès sont brefs, résolutifs en 10 à Typiquement, il n’existe pas de dystrophie musculaire.
20 minutes, et se reproduisent volontiers plusieurs fois dans une Pendant les accès, le taux sérique de créatine-kinase (CK) et
même journée. À la puberté, les accès deviennent plus brefs et éventuellement de potassium est élevé. Il est fréquent qu’une
plus sévères. La gravité est maximale entre 15 et 35 ans. La charge en potassium déclenche un accès. L’EMG pratiqué entre
fréquence des épisodes paralytiques est maximale entre 15 et les accès montre des averses myotoniques diffuses, sans particu-
25 ans, et s’atténue après l’âge de 30 à 40 ans. Dans les formes larité, prédominant aux groupes musculaires proximaux des
évoluées, c’est-à-dire après 40 ans, une atteinte myopathique est membres. La biopsie musculaire est peu spécifique, montrant
possible, avec un déficit et une amyotrophie prédominant aux une inégalité de taille des fibres, des vacuoles, des centralisa-
ceintures et aux muscles abdominaux. Les thérapeutiques de tions nucléaires, une faible différentiation des types de fibres,
l’accès sont diverses : boisson sucrée, en évitant les jus de fruits rarement des zones de dégénérescence et de régénérescence.
riches en potassium, perfusion de glucose et injection d’insu- La PC débute dans l’enfance, voire dès la naissance, sans
line, gluconate de calcium, adrénaline, tolbutamide, salbutamol amélioration avec l’âge. L’évolution des accès est souvent

Neurologie 5
17-001-X-20 ¶ Canaux ioniques dépendants du voltage et maladies neuromusculaires

Tableau 3.
Comparaison des principales caractéristiques classiques de la paramyotonie congénitale et de la paralysie périodique hyperkaliémique.
Paramyotonie congénitale Paralysie périodique hyperkaliémique
Caractéristiques de la myotonie Paradoxale/déclenchée par le froid/chéirofaciale Parfois absente
Accès paralytiques Faible intensité Forte intensité
Myopathie Absente Fréquente
Sensibilité au potassium + + (parfois hyperkaliémie)
Évolution Fluctuations Amélioration après 30 ans
Effet des médicaments Sensibilité aux bloquants du canal sodium Sensibilité à l’acétazolamide et aux b-adrénergiques

mouvement, mais après quelques minutes d’exercice. Une


contraction musculaire unique peut alors provoquer l’apparition
“ Conduite à tenir d’une myotonie marquée et douloureuse. La sensibilité de la
myotonie à l’ingestion de potassium est nette, mais il n’y a pas
d’épisodes de paralysie. L’examen intercritique ne montre pas
Test au froid d’anomalie trophique musculaire. L’évolution est marquée par
• Plonger le membre supérieur pendant 30 minutes dans des épisodes intermittents de raideur myotonique diffuse,
de l’eau à 15 °C (mélange d’eau et de glace dont la parfois très intenses. L’acétazolamide est généralement très
température est mesurée). efficace.
• Le test est positif en cas d’apparition d’une myotonie Il existe un phénotype de myotonie avec crampes douloureu-
et/ou d’un déficit moteur. ses, allélique de l’hyperPP ; elle est actuellement assimilée à une
NB. Ce test est contre-indiqué en cas d’anomalie ECG ou variante phénotypique de MAP. Une forme avec raideur perma-
de myotonie sévère. nente et myotonie électrique continue, dite myotonie perma-
nente (ou myotonia permanens), est en relation avec des
mutations du canal sodium, et également rapprochée de la
MAP. [12] Une myotonie congénitale sensible à l’acétazolamide
dissociée. Avec le temps, des périodes prolongées de paralysie mais non influencée par le potassium (ou myotonie du canal
indépendante du froid, dites paralysies périodiques pseudomyo- sodium) a également été décrite ; [13] elle correspond aussi à une
toniques, deviennent possibles. La grossesse et tout stress en forme de MAP.
général peuvent aggraver les symptômes. Même dans les formes Paralysie périodique hypokaliémique
anciennes et sévères, l’apparition de signes myopathiques
intercritiques est rare. Elle a été rapportée pour la première fois Si le syndrome de paralysie périodique a été décrit en
dans les années 1990. [10] Une hypertrophie musculaire est en 1885, [14] le lien avec l’hypokaliémie n’a été fait qu’en 1934. [15]
revanche rapportée chez certains sujets. La paramyotonie est La paralysie périodique hypokaliémique (hypoPP) est la plus
sensible à la tocaïnide, mais le traitement repose sur l’associa- fréquente des paralysies périodiques, avec une prévalence de
tion d’acétazolamide et de méxilétine, efficaces (éventuellement 1/100 000. Il existe une forme acquise liée à la thyrotoxicose.
en association) dans plus de 90 % des cas. Elle touche le plus particulièrement les sujets asiatiques et
prédomine chez l’homme. La forme génétique est une affection
« Complexe adynamie-paramyotonie » (Tableau 3) autosomique dominante à forte pénétrance, se manifestant par
Les études d’expression des mutations in vitro ont montré des épisodes de paralysie durant quelques heures (typiquement
deux types d’anomalie en présence d’une mutation du canal 3 à 4) à quelques jours. Elle débute le plus souvent au cours de
sodium : d’une part l’activation (donc l’ouverture du canal) est la seconde décennie. Les accès surviennent volontiers la nuit ou
plus précoce, et d’autre part l’inactivation (donc la fermeture du au réveil, et sont rarement précédés de prodromes à type de
canal) est retardée et incomplète. Il en résulte un excès d’exci- fatigue, nausées, paresthésies des membres, hypersudation ou
tabilité de la membrane musculaire, dont le degré explique les soif. La notion classique selon laquelle il n’y a pas de myalgies
deux phénotypes : une hyperexcitabilité modérée implique une est en réalité fausse. [16] Au cours d’un accès, les muscles sont
probabilité accrue d’ouverture des canaux sodium et donc des hypotoniques et les réflexes sont abolis. Les patients peuvent
décharges myotoniques ; une dépolarisation plus prononcée ressentir des symptômes sensitifs subjectifs, mais les tests de
provoque une ouverture de l’ensemble des canaux sodium et sensibilité au lit du patient restent normaux. La distribution du
donc un accès de paralysie. La myotonie est donc logiquement déficit musculaire est symétrique. La marche est généralement
améliorée par les substances bloquant les canaux sodium entravée et une tétraparésie est possible. Un effort modéré d’un
(méxilétine, carbamazépine, diphénylhydantoïne). membre parétique peut accélérer sa récupération motrice. La
récupération, parfois précédée d’une crise sudorale ou polyuri-
Myotonie aggravée par le potassium que, débute par les derniers muscles atteints. Les accès sont
Confondue jusqu’à très récemment avec la myotonie congé- associés à une hypokaliémie, souvent inférieure à 2 mmol l–1,
nitale autosomique dominante de Thomsen, la myotonie alors que la kaliémie intercritique est normale. Ils sont moins
aggravée par le potassium (MAP) ou sensible à l’acétazolamide, fréquents et en moyenne plus prolongés que les accès de
ou myotonia fluctuans, s’en individualise essentiellement par la l’hyperPP, mais les variations interindividuelles ne permettent
variabilité de la myotonie et du degré de raideur musculaire au pas d’utiliser cette notion générale pour le diagnostic différen-
fil des heures ou des jours, selon un horaire identique chez les tiel. Comme dans l’hyperPP, les muscles respiratoires, oculomo-
membres d’une même famille, et par la sensibilité à la surcharge teurs, bulbaires et le cœur sont épargnés. Les facteurs
en potassium. [11] Elle se distingue des pathologies décrites déclenchants sont avant tout l’ingestion d’hydrates de carbone
ci-dessus par (1) une moindre sensibilité au froid de la myotonie et le repos après exercice physique ; l’ingestion d’alcool, une
que dans la PC, (2) une plus grande constance des manifesta- émotion et même une exposition au froid, une infection ou une
tions myotoniques que dans l’hyperPP, et (3) l’absence de grossesse sont plus rarement en cause. Le test de provocation
faiblesse musculaire. Elle est aggravée par le test de charge en par hypokaliémie provoquée (encadré) reproduit les accès, mais
potassium, qui permet d’en porter le diagnostic positif. Elle est est actuellement quasiment abandonné en raison des risques
transmise sur un mode autosomique dominant à forte péné- encourus par le patient. S’il est pratiqué, une surveillance en
trance, et sa fréquence est nettement moindre que celle de la milieu réanimatoire est systématiquement nécessaire. Avec l’âge,
PC. Une caractéristique particulière est la myotonie « retardée les accès se raréfient et laissent place à une faiblesse musculaire
postexercice » : la myotonie n’apparaît pas immédiatement au permanente parfois prononcée. Il n’y a jamais de myotonie. La

6 Neurologie
Canaux ioniques dépendants du voltage et maladies neuromusculaires ¶ 17-001-X-20

Figure 4. Canal chlore musculaire (CLCN1),


D4
responsable de la myotonie congénitale.
extracellulaire

D1 D2 D3 D5 D6 D7 D8 D9 D10 D11D12

intracellulaire

NH2

D13

COOH

biopsie montre alors une myopathie vacuolaire. En microscopie cas restant. Le gène KCNE3, codant pour un canal potassium, a
électronique, les vacuoles correspondent à des dilatations du été suspecté, [19] mais une étude récente a remis en cause cette
réticulum sarcoplasmique. L’acétazolamide permet de réduire la hypothèse. [20] Dans tous les cas, le mécanisme de l’hypokalié-
fréquence des accès pour la grande majorité des patients, mais mie reste mal élucidé. L’une des hypothèses est l’activation de
peut provoquer une aggravation chez certains. [17] L’éviction des la pompe Na/K membranaire par l’insuline, provoquant un
facteurs de provocation, donc l’éducation des patients, un transfert du potassium depuis le milieu extracellulaire jusqu’au
régime hyposodé hypoglucosé et la prise quotidienne de 2 à 7 g milieu intracellulaire.
de chlorure de potassium contribuent au traitement. Certains
auteurs recommandent la spironolactone et le triamtérène. [17, Myotonie congénitale
18] En début d’accès, la prise de 2 à 10 g de chlorure de
La myotonie congénitale se caractérise par une myotonie
potassium peut permettre d’enrayer la paralysie.
dont le caractère particulier est l’amélioration par l’effort
(phénomène d’échauffement). La myotonie peut être spontanée,
facilement mise en évidence par une poignée de main ou n’être
présente que sous la forme d’une indentation des masses
“ Conduite à tenir musculaires après percussion. Elle est plus facilement mise en
évidence aux membres qu’à la face, qui peut être respectée. Elle
peut s’accompagner d’une hypertrophie des masses musculaires,
Hypokaliémie provoquée (test de charge en conférant au patient un aspect athlétique. Cette hypertrophie
glucose) pourrait être le résultat d’un effet positif de l’activité musculaire
Le test est effectué en réanimation sous scope, après ECG : sur la trophicité du muscle. Il existe aussi, juste après le début
• ingestion d’une solution acqueuse contenant 1,5 à de l’effort, un épisode de faiblesse musculaire durant quelques
2 g kg–1 de glucose ; secondes qui cède à la répétition de l’effort. La plainte princi-
• surveillance : testing moteur + ECG + ionogramme pale des patients est une raideur musculaire qui entrave les
sanguin/30 minutes pendant 3 heures, puis aux 4e et 5e activités quotidiennes, provoque des chutes et des difficultés à
heures ; l’exercice physique. L’EMG montre des décharges myotoniques.
• en l’absence de réponse : La biopsie musculaire est normale.
C charge en glucose par perfusion (3 g kg –1 sur La myotonie congénitale, que son mode de transmission soit
1 heure) ; dominant (maladie de Thomsen, décrite dans la propre famille
C en l’absence d’accès au bout de 30 minutes après de l’auteur [21]) ou récessif (maladie de Becker [22]), est liée à des
l’arrêt de la perfusion, injection d’insuline IV mutations alléliques du gène CLCN1, codant pour le canal
(0,1 UI kg–1). chlore musculaire (Fig. 4) et situé sur le chromosome 7.
Plusieurs dizaines de mutations de nature variable (faux-sens,
NB : surveillance au lit du patient.
codon-stop, délétion, insertion) ont été mises en évidence. Les
Le test est positif en cas d’apparition d’une paralysie. La
formes dominantes résultent généralement d’une substitution
négativité du test n’exclut pas le diagnostic...
de nucléotide, aboutissant à une anomalie de la cinétique du
canal chlore, alors que les formes récessives aboutissent à une
troncation par déplacement du cadre de lecture ou formation
d’un codon-stop. Dans tous les cas, il en résulte un effet « perte
Au sein d’une famille, les accès atteignent plus sévèrement les de fonction » du canal chlore et un état d’hyperexcitabilité de
hommes que les femmes. Deux gènes ont été mis en cause dans
la membrane musculaire, ce qui augmente la probabilité
l’hypoPP. L’un est SCN4A, dont les mutations causales sont ici
d’ouverture des canaux sodium dont les décharges répétées se
différentes de celles qui sont à l’origine de l’hyperPP, de la
traduisent par la survenue d’une myotonie. Compte tenu du
paramyotonie et de la MAP. Les tableaux d’hypoPP associés à
SCN4A, soit environ 10 % des cas (hypoPP type 2), s’accompa- grand nombre de mutations connues et du fait que peu d’entre
gnent souvent de myalgies et sont aggravés par l’actézolamide elles sont communes aux familles étudiées, la recherche de ces
qui est alors contre-indiqué. Les études in vitro ont mis en mutations ne peut être proposée comme un test diagnostique
évidence une réduction du courant sodique et une diminution de routine. Les médicaments diminuant l’excitabilité de la
des potentiels d’action réalisant un effet « perte de fonction » membrane (carbamazépine, diphénylhydantoïne, mexilétine)
qui peut expliquer les accès de paralysie. L’autre gène, par blocage des canaux sodiques sont efficaces sur les signes et
CACNL1A3, impliqué dans environ 70 % des cas (hypoPP type symptômes.
1), est un canal calcique de type L situé sur le chromosome 1, Il est parfois difficile de déterminer avec certitude le mode de
et code pour la sous-unité a1S du récepteur musculaire des transmission des myotonies congénitales, ce qui complique le
dihydropyridines. Aucun gène n’a été identifié pour les 20 % de conseil génétique. Il existe en effet des familles où le mode de

Neurologie 7
17-001-X-20 ¶ Canaux ioniques dépendants du voltage et maladies neuromusculaires

transmission est compatible à la fois avec une hérédité domi- « Central core disease »
nante et avec une hérédité récessive. Pour expliquer ce phéno-
Le central core disease (CCD) est une myopathie congénitale
mène, deux hypothèses peuvent être avancées : la présence
autosomique dominante, à pénétrance incomplète, générale-
d’hétérozygotes symptomatiques avec un mode de transmission
ment non progressive. Elle peut être révélée par une hypotonie
récessif ou une pénétrance incomplète et une expressivité
néonatale. Plus tard, elle se manifeste par une hypotonie et une
variable avec un mode de transmission dominant... faiblesse musculaire proximale prédominant à la ceinture
Hyperthermie maligne pelvienne apparaissant chez le nourrisson ou l’enfant, une
hyporéflexie ostéotendineuse, des anomalies cardiaques et
Affection autosomique dominante, l’hyperthermie maligne squelettiques et une susceptibilité à l’hyperthermie maligne.
(HM) est caractérisée par la survenue d’une hyperthermie Une intolérance à l’effort avec crampes est fréquente. Un déficit
majeure, précédée de prodromes dysautonomiques – tachya- moteur du tronc peut provoquer une cyphoscoliose. Un ptosis
rythmie cardiaque, instabilité tensionnelle, tachypnée, fièvre, est possible. Environ un tiers des sujets ont un examen
frissons – et le plus souvent d’une rigidité musculaire. Les accès normal. [28]
d’HM surviennent volontiers lors d’une intervention chirurgi- L’imagerie par résonance magnétique (IRM) des cuisses peut
cale. Ils sont déclenchés par les dérivés gazeux halogénés révéler un hypersignal des masses musculaires. [29] En histologie,
(halothane), associés ou non à des produits curarisants (succi- la microscopie optique montre des fibres musculaires de taille
nylcholine). L’hypertonie peut être majorée par une prémédica- inégale, avec une atrophie des fibres de type 2. Les internalisa-
tion atropinique. L’hypertonie musculaire reste modérée tions nucléaires sont nombreuses. La microscopie électronique
initialement et prédomine sur les masséters, responsables d’un permet d’affirmer le diagnostic, mettant en évidence l’absence
trismus qui peut conduire, à tort, à augmenter les doses typique d’empreinte oxydative au centre des fibres musculaires.
d’anesthésiques. À ce stade, l’interruption de l’anesthésie peut De nombreuses mutations faux-sens ont été mises en évi-
permettre d’éviter l’hyperthermie maligne. Dans un délai dence sur le gène RYR1, [30] cela dans plus de 50 % des familles
généralement bref, mais pouvant aller chez certains sujets avec CCD ± hyperthermie maligne. Ce gène, situé sur le chro-
jusqu’à quelques heures après l’induction anesthésique, une mosome 19q, code pour un canal calcium du réticulum sarco-
augmentation brutale de la température centrale survient, au plasmique musculaire squelettique.
rythme d’un à deux degrés toutes les 5 à 7 minutes. Une
hypertonie musculaire fasciculante sévère avec signes d’irritation Susceptibilité à l’hyperthermie maligne
pyramidale apparaît dans deux tiers des cas : trismus incoercible, La susceptibilité à l’hyperthermie maligne (SHM) est une
hyperextension des membres, hyperréflexie et signe de Babinski. manifestation mal définie sur le plan nosologique. Des épisodes
La température, qui peut dépasser 41 °C, et la survenue d’une d’HM déclenchés par l’administration d’anesthésiques halogénés
intense rigidité sont elles-mêmes des indicateurs pronostiques et de curares ont été rapportés dans le cadre de nombreuses
péjoratifs pour la survie du patient. [23] Des signes en rapport pathologies musculaires : dystrophies musculaires, myotonie
avec une acidose métabolique (polypnée, collapsus, insuffisance congénitale, [31] dystrophie myotonique de Steinert, paralysies
cardiaque globale et troubles du rythme), ainsi qu’une colora- périodiques, mitochondriopathies, syndrome de King-
tion des urines sont possibles. Au plan biologique, il existe une Denborough, [23] etc. Hormis le cas du CCD, lié à une canalo-
acidose lactique hyperkaliémique, une élévation des enzymes pathie calcium directement impliquée dans un
musculaires (> 50 à 100 fois la normale) et une myoglobinurie. dysfonctionnement de la contraction musculaire, la physiopa-
Des troubles métaboliques sont parfois notés : hyponatrémie, thologie de cette susceptibilité reste sujette à controverse.
hypocalcémie, hypo- ou hyperglycémie. Les complications L’implication du récepteur des dihydropyridines a été
incluent arythmie cardiaque, hypoxie, rhabdomyolyse éven- décrite. [24] Le lien avec une myopathie dénommée « multimini-
tuellement associée à une insuffisance rénale aiguë par nécrose core disease » a récemment été suggéré. [32] Dans une étude
tubulaire, et coagulation intravasculaire disséminée. En portant sur une dizaine de patients souffrant de myotonie
l’absence de traitement, l’accès provoque le décès du patient congénitale avec SHM, [31] les tests de provocation in vitro
dans 70 % des cas. étaient inconstamment positifs. Une coïncidence, par l’associa-
En cas de survenue d’un accès d’hyperthermie maligne, tion de deux maladies génétiques transmises indépendamment
l’anesthésie doit être immédiatement interrompue, et les l’une de l’autre, a été évoquée.
troubles hémodynamiques et métaboliques doivent faire l’objet Syndrome d’Andersen
d’un traitement spécifique. Le refroidissement du patient est
associé à l’administration précoce de dantrolène (inhibiteur de Il s’agit d’une affection autosomique dominante à pénétrance
la libération du calcium par le réticulum sarcoplasmique) par incomplète et expressivité variable, liée à des mutations du gène
voie intraveineuse. Dans ces conditions, l’épisode est résolutif KCNJ2 qui code pour le canal potassium Kir2.1. [33] C’est au
début des années 1960 que des troubles du rythme cardiaque
chez neuf patients sur dix. Au décours, une contracture muscu-
inauguraux et indépendants des variations de la kaliémie ont
laire persiste pendant quelques jours ; des myalgies et un myo-
été rapportés chez des sujets souffrant de paralysie périodi-
œdème sont habituellement présents durant plusieurs semaines.
que. [34] Quelques années plus tard, Andersen isolait un syn-
À long terme, une fatigabilité, des crampes et une amyotrophie
drome caractérisé par la triade paralysie périodique - arythmie
séquellaires sont possibles.
ventriculaire - dysmorphie faciale. [35] Grâce à la contribution de
L’HM a d’abord été associée à des mutations du gène RYR1, la génétique, il est actuellement établi que le phénotype
situé sur le chromosome 19q. Ce gène est impliqué chez clinique peut se résumer à un allongement asymptomatique du
environ 50 % des familles souffrant d’HM. Le gène CACNL1A3 QT (LQT7 ou syndrome du QT long congénital 7).
ou CACNA1S, codant pour la sous-unité a1 du récepteur des La paralysie périodique peut survenir spontanément ou bien
dihydropyridines, et localisé sur le chromosome 1q, a également être déclenchée par le repos après exercice ou l’ingestion
été impliqué dans une famille. [24] D’autres locus ont ultérieu- d’alcool. [36] Une faiblesse musculaire proximale et intercritique
rement été identifiés, dont les chromosomes 7q21-q22 (locus du évoluant progressivement est souvent notée. [37] Il n’y a pas de
gène CACNL2A codant pour la sous-unité a2-d du canal calcium myotonie clinique ou électrique. La dysmorphie comprend tout
voltage-dépendant), 17 et 3. Les mutations aboutissent à un ou partie des éléments suivants : implantation basse des oreilles,
défaut d’inactivation du canal calcium musculaire, provoquant nez et cou larges, hypertélorisme, hypoplasie mandibulaire ou
un emballement du métabolisme énergétique cellulaire. Le test prognathisme, palais ogival, clinodactylie, syndactylie des 2e et
de contracture à l’halothane et à la caféine, pratiqué in vitro sur 3e orteils, petite taille, scoliose. Les troubles du rythme ventri-
du tissu musculaire biopsique dans le cadre d’un protocole culaires sont variés : allongement de l’intervalle QT (80 % des
défini, [25] décèle une susceptibilité à la contraction musculaire cas), [37] extrasystoles, tachycardie soutenue... Des morts subites
prolongée [23, 26] avec une sensibilité de 99 % et une spécificité ont été rapportées. L’étude histologique musculaire révèle une
de 93,6 %. [27] myopathie modérée avec agrégats tubulaires. [36, 37]

8 Neurologie
Canaux ioniques dépendants du voltage et maladies neuromusculaires ¶ 17-001-X-20

La prise en charge thérapeutique doit tenir compte de la dystrophie musculaire oriente vers une maladie des canaux
double atteinte musculaire squelettique et cardiaque, car musculaires, une neuromyotonie ou un syndrome de Schwartz-
certains antiarythmiques aggravent la faiblesse musculaire, alors Jampel. Exceptionnellement, un syndrome myotonique acquis
que les diurétiques (acétazolamide, thiazidiques) exposent au peut être d’origine toxique, quelques cas ayant par exemple été
risque de complications cardiaques par hypokaliémie. L’effet des rapportés lors d’une neuromyopathie à la colchicine. [39, 40] Les
antiarythmiques est le plus souvent modeste sur le plan dystrophies myotoniques ont une formule clinique neurologi-
cardiaque. Pour les mêmes raisons, les tests de provocation ne que et multisystémique évocatrice. Devant une myotonie
doivent pas être pratiqués chez les patients souffrant d’un familiale non dystrophique, l’analyse clinique, la réalisation de
syndrome d’Andersen. tests de provocation et éventuellement d’une épreuve thérapeu-
tique permettent d’orienter le diagnostic (Tableau 5), qui
Évaluation diagnostique des canalopathies aboutira à un génotypage dans la majorité des cas.
musculaires
Les signes et symptômes rencontrés dans le cadre des cana- Canalopathies neuronales
lopathies musculaires ne sont ni constants, ni spécifiques. Un
certain nombre de situations cliniques sont susceptibles de Système nerveux périphérique
mettre le clinicien en difficulté. La seule maladie génétique des canaux limitée aux nerfs
périphériques connue à ce jour est une forme rare et héréditaire
Paralysies dyskaliémiques de neuromyotonie. Un tableau de neuromyotonie permanente,
Leur mode de transmission autosomique dominant rend sans épisodes d’ataxie paroxystique, avec mutation du gène
relativement aisé le diagnostic de paralysie périodique généti- KCNA1, a en effet été décrit il y a quelques années. [41] Les
que ; des cas sporadiques sont cependant possibles et nécessitent paramètres cliniques et électrophysiologiques ne permettent pas
une démarche diagnostique complète et rigoureuse. De même, de distinguer cette forme génétique des autres causes, en
les causes de dyskaliémie secondaire sont souvent évidentes, particulier de la neuromyotonie auto-immune (cf. infra).
mais la paralysie périodique peut parfois constituer leur mode
de révélation. D’une façon générale, toute paralysie périodique, Système nerveux central
avec ou sans éléments évocateurs d’un syndrome d’Andersen,
Maladies du canal calcium de type P/Q
doit faire pratiquer un électrocardiogramme.
L’une des difficultés principales réside dans l’interprétation de Les mutations du canal calcium neuronal Cav2.1 sont res-
la kaliémie percritique. Il existe en effet des variations dynami- ponsables de trois affections neurologiques de transmission
ques de la kaliémie au cours d’un épisode paralytique. Par autosomique dominante : la migraine hémiplégique familiale
exemple, lors d’un accès d’hyperPP, l’hyperkaliémie est fré- (MHF), l’ataxie épisodique de type 2 (AE2) et l’ataxie spinocéré-
quemment suivie d’une normokaliémie puis d’une hypokalié- belleuse de type 6 (SCA6). Ces trois affections sont alléliques,
mie modérée. Un diagnostic d’hypoPP peut donc être porté à car elles sont causées par des mutations différentes du même
tort si le dosage est effectué en fin d’accès. En effet, au cours gène (CACNA1A ou CACNL1A4) situé sur le chromosome 19 et
d’un accès, la dyskaliémie relève d’une anomalie de transfert codant pour la sous-unité a1 du canal calcium neuronal de type
ionique entre le secteur intracellulaire et le secteur extracellu- P/Q – fortement exprimé dans les cellules de Purkinje du
laire, et des phénomènes de compensation sont mis en jeu. Le cervelet. Elles ont en commun une symptomatologie paroxysti-
stock total de potassium n’est globalement pas modifié, même que et une variabilité clinique nette. En revanche, le type de
si le métabolisme rénal tente de réguler la concentration mutation est distinct pour chacune de ces entités : mutations
sanguine en potassium. Sur le plan thérapeutique, la correction faux-sens pour la MHF, troncations pour l’AE2 et expansions de
d’une hypokaliémie ou d’une hyperkaliémie, par ailleurs bien triplets CAG pour la SCA6. Cependant, des phénotypes mixtes
tolérée à de rares exceptions près, exposerait au risque de ont été rapportés ; par exemple, certaines troncations semblent
rebond inverse en fin d’accès. Les traitements visant à corriger la causer des AE2 avec épisodes d’ataxie et d’hémiplégie [42] dont
dyskaliémie doivent donc être proscrits, sauf en cas d’intolérance l’explication est variable selon les auteurs. [43] Certaines
cardiaque. situations, telles qu’une ataxie épisodique, peuvent poser des
Le plus souvent, le patient consulte en période intercritique, problèmes de diagnostic différentiel (Tableau 6).
et la recherche anamnestique associée à l’examen clinique
permet d’orienter les explorations. Une augmentation modérée
des CK n’a pas de valeur d’orientation. L’électromyogramme
prend toute sa valeur lorsqu’il met en évidence des décharges
myotoniques infracliniques, qui orientent vers une maladie du “ Point important
canal sodium (Fig. 5).
Diagnostic différentiel des ataxies épisodiques
Syndromes myotoniques
(d’après Vahedi K. Hereditary paroxysmal ataxias: clinical
Le diagnostic différentiel d’un syndrome myotonique est and genetic aspects. The Neurologist 1997;3:194-200) :
généralement plus aisé, car la liste des affections s’accompa- • sclérose en plaques : aggravations paroxystiques et
gnant de myotonie est restreinte. L’identification de la myoto- poussées ;
nie n’est pas difficile : une dystonie, un syndrome de l’homme
• migraine avec aura basilaire ;
raide (stiff-man syndrome), une « rippling muscle disease » (voir
infra) ou un syndrome de Brody (enraidissement à l’effort • accidents ischémiques transitoires vertébrobasilaires ;
débutant dès l’enfance, non progressif mais permanent, secon- • crises épileptiques partielles complexes ;
daire à un trouble de la recapture du calcium et lié au gène • troubles métaboliques : déficits en pyruvate
ATP2A1 codant pour la protéine SERCA1 [38]) sont rapidement décarboxylase et pyruvate déshydrogénase, amino-
distingués par l’anamnèse et un bref examen clinique. En acidurie ;
revanche, la myotonie peut être infraclinique et n’être décelée • dyskinésies paroxystiques kinésigéniques.
que lors d’une exploration électrophysiologique avec manœu-
vres de facilitation.
La présence ou non d’une dystrophie musculaire est détermi-
nante pour l’orientation diagnostique (Tableau 4). Schémati- D’autres phénotypes, tels que le coma après traumatisme
quement, l’association d’une myotonie à une dystrophie crânien léger chez l’homme ou une épilepsie-absence chez
musculaire fait avant tout évoquer la maladie de Steinert (DM1), l’animal, sont associés à des mutations du canal calcium
puis la myopathie myotonique proximale (PROMM ou DM2) et neuronal de type P/Q.
certaines myopathies rares (myopathie myotubulaire ou centro- Migraine hémiplégique familiale. La MHF est une variété
nucléaire, déficit en maltase acide, lipidoses...) ; l’absence de rare de migraine avec aura qui présente la particularité d’être

Neurologie 9
17-001-X-20 ¶ Canaux ioniques dépendants du voltage et maladies neuromusculaires

Neuropathie
héréditaire Signes d'accompagnement Porphyrie
Accès rythmés
thermosensible Paralysie périodique digestifs, psychiques, aiguë
par la fièvre
(exceptionnelle) urines porto intermittente

Manifestations fonctionnelles
anorganiques Arbre généalogique
Drop attacks
myasthénie, hypothyroïdie
Dystrophie musculaire progressive
Sporadique Fistule AV
syringomyélie

Familiale (autosomique dominante)


Topographie des accès Membres inférieurs IRM
Examen clinique Signes pyramidaux médullaire
Paralysie périodique génétique

(crise
Accès isolés Étiologie
subintrante) Bilan général Rein, tube digestif ...
Déficit moteur permanent
Positif «pseudomyopathique»

Facteurs
déclenchants
Tester Froid, jeûne, repos
la réversibilité après exercice

Aucun
Négatif Exercice, hydrates
de carbone
Paralysie
Myogène EMG Salves
Mitochondriopathie périodique
Myopathie myotoniques
hyperkaliémique
vacuolaire
Paralysie
périodique Normal
hypokaliémique

> 5 mmol/l
Dosage de la kaliémie
< 2 mmol/l
TSH pendant un accès
(après ECG)

Basedow 2 à 5 mmol/l Hyperkaliémie


positive
Hypokaliémie
positive

Tests de provocation

Anormale Négatifs

Biopsie musculaire

Négative

Génétique
canaux Na et Ca

Figure 5. Arbre décisionnel. Orientation diagnostique devant une paralysie périodique. IRM : imagerie par résonance magnétique ; AV : auriculoventricu-
laire ; EMG : électromyogramme ; TSH : thyroid stimulating hormone ; ECG : électrocardiogramme.

monogénique, avec une transmission autosomique dominante. moteur puis trouble du langage (70-80 %). Cette marche
Elle est définie d’après les critères de l’International Headache migraineuse semble correspondre à la progression dorsoventrale
Society par la survenue d’un déficit moteur au cours de l’aura, de l’anomalie de l’excitabilité neuronale sur le cortex cérébral.
et par la présence d’un cas familial chez au moins un apparenté D’autres symptômes peuvent survenir au cours de l’aura :
au premier degré. [44, 45] troubles de l’équilibre, dysarthrie, diplopie, vertiges, acouphè-
La maladie se manifeste par des crises de migraine avec aura nes, baisse d’acuité auditive, drop-attack, somnolence (20 %),
motrice. Le déficit moteur est d’intensité variable, pouvant aller confusion ou perte de connaissance. [46] Environ un tiers des
d’une simple parésie avec impression de lourdeur d’un membre patients ont des crises affectant toujours le même hémicorps. À
à une hémiplégie flasque. Il est quasi constamment associé à l’inverse, des troubles sensitivomoteurs bilatéraux simultanés ou
d’autres signes déficitaires, se succédant dans un ordre stéréo- successifs lors de la progression de l’aura surviennent dans 25 %
typé : troubles visuels (70-80 %), troubles sensitifs (97 %), déficit des cas. [46, 47] L’aura est souvent longue, durant en moyenne 1

10 Neurologie
Canaux ioniques dépendants du voltage et maladies neuromusculaires ¶ 17-001-X-20

Tableau 4.
Classification des syndromes myotoniques.
Entité clinique Anomalie génétique
Syndromes myotoniques non dystrophiques :
–myotonies congénitales (maladies de Thomsen et Becker) Mutations du canal Cl–
–paramyotonie congénitale (maladie d’Eulenburg) Mutations du canal Na+
–myotonie aggravée par le potassium Mutations du canal Na+
–neuromyotonie (syndrome d’Isaac) Anticorps anticanal K+
–syndrome de Schwartz-Jampel Mutations du perlecan
Syndromes myotoniques dystrophiques :
–dystrophie musculaire de Steinert Expansion de triplets CTG (gène DMPK)
–proximal myotonic myopathy (PROMM) Expansion de quadruplets CCTG (gène ZNF9)

Tableau 5.
Diagnostic différentiel d’un syndrome myotonique familial non dystrophique.
Entité Signes cliniques Tests diagnostiques Traitement
Froid Potassium
Maladie de Thomsen Myotonie – – M, C, P
Maladie de Becker Myotonie ± déficit moteur ± hypertrophie – – M, C, P
musculaire
Paramyotonie congénitale Myotonie paradoxale, faiblesse motrice, + ± A, M
prédominance au visage
Myotonie aggravée par le potassium Myotonie, absence de faiblesse motrice ± + A, M
A : acétazolamide ; C : carbamazépine ; M : mexilétine ; P : phénytoïne.

Tableau 6.
Les ataxies épisodiques de types 1 et 2.
Ataxie épisodique de type 1 Ataxie épisodique de type 2
Localisation chromosomique 12p 19p
Gène KCNA1 CACNL1A4 ou CACNA1A
Épisodes Brefs Vertiges
Myokymies Nystagmus
Céphalées
Facteurs déclenchants Mouvements brusques, sursaut Alcool, café
Examen intercritique Myokymies Nystagmus
Ataxie cérébelleuse
NB. Un test thérapeutique à l’acétazolamide ne permet pas le diagnostic différentiel.

à 2 heures, et pouvant varier de 10 minutes à plusieurs jours... crises de migraine avec aura non hémiplégiques, et 34 % des
La céphalée s’installe généralement après la disparition de crises sans aura. [46, 48, 50, 51, 54-56] Enfin, les signes et symptômes
l’aura, mais les deux phases peuvent se chevaucher. Elle dure en de la crise, leur déroulement chronologique, leur durée et leur
moyenne 24 heures, les extrêmes allant de quelques heures à intensité sont grandement variables chez un même patient ou
quelques jours. Elle est bilatérale ou unilatérale, et homolatérale au sein d’une même famille, signant une variabilité phénotypi-
ou controlatérale au déficit moteur. Son intensité est variable, et que élevée. [47] Deux tiers des patients identifient un ou
elle s’accompagne des signes classiquement observés au cours de plusieurs facteurs déclenchants : stress, traumatisme crânien
la forme commune de migraine avec aura : nausées, vomisse- bénin, plus rarement aliments, stimulation visuelle ou auditive,
ments, pâleur, phonophotophobie. Près de 10 % des patients facteurs climatiques et cycles menstruels. L’injection de fortes
n’ont jamais de céphalée, ce qui pose de difficiles problèmes doses de produit de contraste, pratiquée par exemple à l’occa-
diagnostiques devant un déficit neurologique récidivant et isolé. sion d’une angiographie (cérébrale ou non), est susceptible de
La recherche du caractère familial peut permettre d’évoquer le déclencher un accès sévère avec coma fébrile, et doit, de ce fait,
diagnostic et d’éviter ainsi de nombreuses explorations. Environ être formellement proscrite.
40 % des sujets présentent au cours de leur vie au moins un Dans 5 à 25 % des familles, l’examen intercritique décèle des
épisode atypique. [48-51] Il peut s’agir d’une crise avec aura signes cérébelleux permanents, dont l’évolution est indépen-
inhabituellement prolongée, hyperthermie, raideur de nuque, dante de celle de la MHF : [48, 54, 56-58] nystagmus (57 %)
troubles végétatifs et/ou de la conscience, allant de l’obnubila- précédant une ataxie statique et cinétique (44 %) avec dysarth-
tion au coma avec défaillance respiratoire. Chez certains rie (11 %). L’ataxie reste modérée à long terme, ne mettant pas
patients, des manifestations épileptiques sont alors présentes : en péril l’autonomie. Il s’agit de familles où la pénétrance des
crise généralisée, clonies hémicorporelles ou état de mal signes cérébelleux est inférieure à celle de la MHF. Les signes
partiel. [52] Des cas de tableaux confuso-hallucinatoires ou cérébelleux peuvent atteindre 80 % des membres porteurs de
délirants d’allure psychotique ont même été rapportés. [53] mutation dans une famille donnée, y compris des sujets non
L’aura n’est présente que dans 70 % des cas d’accès atypique. migraineux. D’autres troubles ont été rapportés ponctuelle-
Dans 50 % des cas, ces épisodes surviennent avant l’âge de ment : tremblement d’attitude, troubles cognitifs et retard
20 ans et sont inauguraux. Ils régressent en quelques jours sans mental, cataracte. La mutation la plus courante est la
séquelles (> 95 %), des troubles moins sévères pouvant parfois T666M. [57] Le torticolis paroxystique bénin de l’enfant, dysto-
persister plusieurs mois : troubles du langage, troubles mnési- nie épisodique spontanément résolutive dans les premières
ques et attentionnels... Environ 10 % des patients décrivent des années de vie, pourrait être associé à la MHF. [59]

Neurologie 11
17-001-X-20 ¶ Canaux ioniques dépendants du voltage et maladies neuromusculaires

La maladie débute en moyenne vers 12 ans, avec des extrê- de myokymies. Une asthénie peut persister en fin de crise, et un
mes allant de la petite enfance à plus de 70 ans. La fréquence bref sommeil permet parfois de résoudre l’épisode. De nom-
des accès est également variable, en moyenne de 3 à 4 par an, breux patients (environ 50 %) décrivent des céphalées migrai-
certains sujets souffrant de crises hebdomadaires, voire quoti- neuses lors des accès. La fréquence des manifestations
diennes alors que d’autres n’auront que quelques accès au cours épisodiques est variable. Chez certains patients, elle a tendance
de la vie. La période d’activité maximum de la maladie se situe à décroître avec le temps. Les facteurs déclenchant sont le stress,
entre 5 et 25 ans, et un même sujet peut souffrir d’une période l’exercice physique, la fatigue, l’alcool, le café, et parfois même
de crises très rapprochées suivie d’un intervalle libre de plusieurs la fièvre ou un climat chaud, [65] mais ni le mouvement ni le
années. [47] sursaut.
Lors des accès sévères, une hyperlymphocytose du liquide Après plusieurs années d’évolution, une ataxie cérébelleuse et
cérébrospinal (LCS) est possible, allant de quelques-uns à un nystagmus horizontal permanent dans le regard latéral
plusieurs centaines d’éléments ; la protéinorachie et la glycorra- s’installent de façon progressive. Quelques patients ont une
chie sont normales. L’EEG montre des ondes lentes prédomi- dysarthie et un syndrome cérébelleux invalidant. Une atrophie
nant à l’hémisphère controlatéral au déficit, parfois des cérébelleuse à prédominance vermienne antérieure est alors
anomalies pointues ou dysrythmiques, pendant plusieurs heures visible à l’IRM. L’une des difficultés diagnostiques résulte du fait
à quelques jours. Le scanner ou l’IRM cérébrale sont le plus que des accès préalables n’ont pas toujours été identifiés à ce
souvent normaux, mais un œdème hémisphérique de l’hémis- stade...
phère controlatéral au déficit est possible. [48] L’imagerie Une forme vestibulocérébelleuse a été individualisée en
intercritique est normale en cas de MHF pure. Chez les patients 1963 par Farmer et Mustian. [66] Les signes vestibulaires (verti-
avec ataxie, une atrophie cérébelleuse aux dépens du vermis ges, nausées, oscillopsie) et la diplopie sont au premier plan,
antérieur est parfois visible. [58, 60] Quelques données d’écho- alors que la dysmétrie et la dysarthrie sont discrets, voire
doppler transcrânien et d’angiographie ont été publiées, absents. D’autres symptômes sont possibles tels qu’acouphène
plaidant en faveur d’une vasoconstriction diffuse percritique bilatéral et nystagmus palpébral. Les facteurs déclenchants
dans l’hémisphère symptomatique. incluent la stimulation optocinétique et les mouvements
Le traitement des crises se limite aux médicaments sympto- brusques de la tête. Entre les accès, il est fréquent d’observer la
matiques habituels de la migraine commune. L’effet des vaso- présence d’un nystagmus, de troubles de la poursuite oculomo-
constricteurs (dérivés de l’ergot de seigle et triptans) est mal trice et d’une ataxie des membres et du tronc ; un nystagmus
connu, ce qui conduit à les déconseiller. Un traitement de fond palpébral, une diplopie, une skew-deviation, une surdité et un
est rarement indiqué. Peu de données sont disponibles, et les tremblement du chef ont été rapportés. Enfin, un cas
médicaments vasoconstricteurs tels que les b-bloquants doivent d’AE2 associée à une épilepsie (crises tonicocloniques, absences)
ici encore être évités. L’acétazolamide peut aussi être proposé, et et à un syndrome cérébelleux progressif a été attribué à une
s’est déjà révélé efficace chez quelques sujets. [61] mutation du gène CACNL1A4, [67] l’association AE2-épilepsie
Le mode de transmission est autosomique dominant. La ayant été rapportée par ailleurs. [68]
pénétrance est incomplète, ce qui explique la possibilité de sauts L’acétazolamide permet de réduire efficacement le nombre
de génération. [52] Il existe une hétérogénéité génétique, puisque d’attaques chez un grand nombre de patients, avec un délai
si 50 % des familles sont porteuses d’une mutation sur le d’action de quelques jours. La dose usuelle est de 125 à 250 mg
chromosome 19 (gène CACNL1A4, MHF type 1), un second deux à trois fois par jour. Le valproate de sodium et la flunari-
gène situé sur le chromosome 1 (gène ATP1A2 codant pour une zine peuvent être efficaces. Les antihistaminiques sont parfois
pompe Na/K, MHF type 2) [62] est impliqué dans 20 % des utiles dans la forme vestibulocérébelleuse. En fin, la
familles, et au moins un troisième gène non identifié est associé 4-aminopyridine (bloquant le canal potassium) a été utilisée
aux 30 % restants. La corrélation génotype-phénotype est très avec succès. [69]
incomplète, bien que la pénétrance soit plus faible dans les L’examen clinique permet habituellement une distinction
familles liées au chromosome 1, et que des signes cérébelleux aisée avec l’AE1 (Tableau 6).
permanents soient présents presque exclusivement [63] dans les Ataxie spinocérébelleuse de type 6. Comme les autres
familles liées au chromosome 19 (environ 50 % de ces familles ataxies spinocérébelleuses (SCA), qui entrent dans le cadre
sont concernées). Toutes les MHF avec ataxie sont liées au gène général des ataxies cérébelleuses autosomiques dominantes, elle
CACNL1A4, alors que ce n’est le cas que de 25 à 30 % des MHF est caractérisée par un syndrome cérébelleux essentiellement
pures. statique, modéré et progressif, débutant généralement vers la 4e
Le diagnostic positif de la maladie repose sur l’anamnèse et ou 5e décennie. Les symptômes associent une ataxie statique et
l’examen clinique. En raison de la pénétrance incomplète, cinétique, une dysarthrie, des troubles proprioceptifs légers
l’enquête familiale doit s’étendre aux apparentés de premier et (arthrokinésie, pallesthésie), et des troubles oculomoteurs
second degré, sans oublier que des cas sporadiques sont possi- associant diversement une dysmétrie sans ralentissement des
bles (néomutation, fausse paternité, pénétrance incomplète). Le saccades, une poursuite saccadique, une parésie de l’élévation
recours à la génétique reste difficile en raison de la très grande oculaire et un nystagmus en particulier « down-beat » (le
taille du gène et de la sensibilité incomplète des techniques nystagmus optocinétique étant, quant à lui, diminué ou
actuelles de détection des mutations. Il peut être utile dans le aboli). [70, 71] Une hypertonie pyramidale, des mouvements
cadre diagnostique d’un tableau clinique dominé par des accès choréoathétosiques et une neuropathie périphérique sont
sévères ou des signes cérébelleux permanents. Il n’est en rarement présents. Il n’y a ni trouble cognitif, ni myoclonies. La
revanche pas justifié dans le cadre d’un diagnostic présympto- progression est lente, sur 20 à 30 ans. Une dysphagie (éventuel-
matique ou anténatal. lement associée à d’autres anomalies de l’étage bulbaire) est
Ataxie épisodique héréditaire de type 2. L’AE2 débute le possible à un stade avancé. Une assistance à la marche est
plus souvent à l’adolescence ou chez l’adulte jeune, avec des nécessaire au bout de plusieurs années, le handicap étant
extrêmes allant de 1 à plus de 30 ans. Les mutations (plus d’une rarement sévère avant 10 ans d’évolution. Le recours à un
vingtaine actuellement) du gène CACNL1A4 sont des tronca- fauteuil roulant n’est pas fréquent. [71] De nombreux patients
tions, entraînant un décalage du cadre de lecture et une signalent des troubles épisodiques tels que des signes vestibulai-
anomalie de l’épissage aboutissant à une protéine incomplète. res, des paroxysmes ataxiques ou des migraines. [70, 71] L’image-
La pénétrance de la maladie semble élevée, proche de 90 %. Il rie montre une nette atrophie cérébelleuse prédominant au
existe une grande variabilité intra- et interfamiliale. D’autres vermis supérieur. Le tronc cérébral est normal ou modérément
gènes sont aussi impliqués. [64] atrophique. L’histologie révèle une perte en cellules de Purkinje,
Les épisodes durent de 15 minutes à quelques heures, voire cellules de la couche des grains, et neurones du noyau dentelé
plusieurs jours. Une ataxie cérébelleuse avec dysarthrie est au et de l’olive inférieure.
premier plan, associée à des sensations vertigineuses, des L’anomalie génétique est une expansion de triplets CAG
nausées et un nystagmus. D’autres symptômes sont parfois (transcrits en polyglutamine) dans la portion 3’ du gène
rapportés : diplopie, oscillopsie, sueurs, confusion. Il n’existe pas CACNL1A4 : [72] les sujets sains en possèdent 4 à 16 copies, alors

12 Neurologie
Canaux ioniques dépendants du voltage et maladies neuromusculaires ¶ 17-001-X-20

sévères consistent en une épilepsie myoclonique astatique. La


FS + et absences maladie peut disparaître à la puberté. Le développement
psychomoteur, l’examen neurologique intercritique, l’examen
du LCS et l’imagerie cérébrale sont normaux. Le traitement
FS + repose sur les antiépileptiques classiques.
FS + et crises Quatre gènes sont actuellement identifiés. Trois codent pour
myocloniques des sous-unités (respectivement a1, a2 et b) du canal sodium
voltage-dépendant neuronal : gènes SCN1A (GEFS+ type 2) situé
sur le chromosome 2q, [80, 81] SCN2A (GEFS+ type 3) également
FS + et crises situé sur le chromosome 2q, [82] et SCN1B (GEFS+ type 1) situé
atoniques sur le chromosome 19q. [83] Les mutations semblent altérer le
fonctionnement du canal sodium, qui est par ailleurs la cible
directe de médicaments tels que la carbamazépine, la diphényl-
Épilepsie hydantoïne ou la lamotrigine. Le quatrième gène code pour la
myoclonique sous-unité c2 du récepteur GABA-A (gène GABRG2, situé sur le
astatique chromosome 5q [84, 85]). Le GABA est, quant à lui, potentialisé
FS par le phénobarbital, la tiagabine et la gabapentine. Les modi-
fications fonctionnelles des canaux sodium semblent moins
Figure 6. Spectre phénotypique du generalized epilepsy with febrile prononcées que celles décrites pour les maladies musculaires
seizures-plus (GEFS+) d’après Scheffer [81]. (gène SCN4A), indiquant une grande sensibilité du fonctionne-
ment neuronal aux altérations de la cinétique canalaire. La
fréquence combinée des mutations des deux premiers gènes
que les sujets atteints en ont 21 à 27. Il s’agit donc comme identifiés, SCN1B et SCN1A, n’était que de 17 % sur 53 familles
plusieurs autres SCA d’une maladie à polyglutamine, dont le GEFS+ dans une étude internationale publiée en 2001. [85] Cela
diagnostic par biologie moléculaire est devenu routinier. Le laisse supposer que d’autres gènes seront impliqués dans ce
nombre de triplets CAG est inversement proportionnel à l’âge syndrome, dont la physiopathologie est sans doute plus com-
de début. La situation nosologique de cette affection, c’est-à- plexe que le dysfonctionnement d’un unique canal
membranaire.
dire la part respective du dysfonctionnement canalaire et de la
Épilepsies néonatales bénignes familiales. De transmission
polyglutamine, reste à déterminer précisément.
autosomique dominante, elles sont caractérisées par des accès
Coma postintervallaire après traumatisme crânien léger.
brefs de convulsions généralisées, apparaissant typiquement dès
Un traumatisme crânien léger peut être à l’origine d’un coma de
la première semaine de vie et spontanément résolutives au bout
survenue retardée chez certains enfants et adolescents. L’évolu-
de quelques mois. La sémiologie inclut des mouvements
tion est habituellement favorable, bien que des décès par toniques, des anomalies oculaires (regard fixe, clignement des
engagement cérébral aient été rapportés. La constatation d’un paupières ou déviation du regard), des automatismes et une
œdème cérébral cytotoxique sévère, la transmission autosomi- tachypnée. L’examen intercritique est normal, ainsi que le
que dominante et la présence d’apparentés souffrant d’accès de développement psychomoteur.
migraine hémiplégique familiale ont permis le rapprochement Deux gènes codant pour des sous-unités de canaux potassi-
avec le canal CACNL1A4. [73] Une dépopulation des cellules de ques ont été incriminés : KCNQ2 [86] et KCNQ3, [87] respective-
Purkinje, proche de celle observée dans la SCA6, bien que ment pour les deux sous-types d’épilepsie néonatale bénigne
moins prononcée, a été décrite à l’autopsie d’une patiente, ne EBN1 et EBN2. Les mutations ont un effet « perte de fonction »
souffrant ni de MHF ni d’ataxie. [73] et provoquent un état d’hyperexcitabilité membranaire. Le gène
Épilepsies familiales SCN2A a également été impliqué. [88]
Autres épilepsies. Les canaux ioniques de la membrane
La première épilepsie historiquement rattachée à un dysfonc- neuronale ont été impliqués dans diverses autres formes
tionnement canalaire fut l’épilepsie nocturne autosomique d’épilepsie : KCNA1 dans une épilepsie partielle (clonique ou
dominante du lobe frontal, qui est liée à des mutations du tonique) myokymique sans ataxie épisodique ; [41] SCN2A dans
récepteur nicotinique de l’acétylcholine. Elle se manifeste par la une épilepsie fébrile ou non fébrile ; [82, 89] GABRA1 avec
survenue de crises brèves au cours du sommeil léger. Les gènes l’épilepsie myoclonique juvénile autosomique dominante ; [90]
en cause sont CHRNA4, localisé sur le chromosome 20q et SCN1A dans l’épilepsie myoclonique sévère de l’enfant [91] qui
codant pour la sous-unité a4 du récepteur nicotinique neuronal comporte un retard développemental et une pharmacorésis-
de l’acétylcholine ; et CHRNB2, situé sur le chromosome 1q et tance... La liste de ces gènes est vraisemblablement destinée à
codant pour la sous-unité b2 du même récepteur. [74, 75] s’allonger dans un avenir proche.
Par la suite, de nombreux canaux voltage-dépendants ont été
incriminés dans des syndromes épileptiques familiaux. Héméralopie congénitale de type 2
Syndrome GEFS+. Décrit en 1997, [76] le syndrome L’héméralopie congénitale est une affection autosomique
GEFS+ (generalized epilepsy with febrile seizures-plus) est une récessive impliquant la rétine, tissu d’origine neurectodermique,
épilepsie familiale de transmission autosomique dominante et responsable d’une cécité scotopique associée à une baisse
caractérisée par : d’acuité visuelle permanente. Une myopie, un nystagmus et un
• des convulsions fébriles généralisées tonicocloniques, plus strabisme sont aussi présents. Dans le type 2, l’activité fonction-
rarement partielles toniques (FS) ; nelle des cônes et des bâtonnets est anormale mais partielle-
• persistant après l’âge de 6 ans ou associées à des convulsions ment préservée. Le gène impliqué, CACNF1, code pour un canal
non fébriles (+) ; calcium de type L spécifique de la rétine.
• et une épilepsie généralisée de survenue ultérieure (GE).
La maladie débute typiquement durant la petite enfance, Système nerveux périphérique et central
mais des cas asymptomatiques jusqu’à l’âge adulte ont été La seule canalopathie neuronale génétique à la fois centrale
décrits. La pénétrance est de 60 à 80 % selon les auteurs. [77, 78] et périphérique est l’ataxie épisodique héréditaire de type 1.
L’expressivité est variable, certains patients porteurs de mutation Décrite en 1975, [92] l’AE1 est une affection de transmission
identifiée n’ayant qu’une épilepsie de type FS, [77] voire une autosomique dominante à forte pénétrance dont le gène
épilepsie partielle, par exemple temporale. [79] La majorité des KCNA1, situé sur le chromosome 12p, [93] code pour le canal
patients souffrent d’une épilepsie FS+ isolée ou associée à des potassique Kv1.1, fortement exprimé dans le cervelet. Les
absences. Environ un tiers des patients souffrent d’autres types mutations sont de type faux-sens, et distinctes d’une famille à
de crises non fébriles, telles que des crises toniques, myocloni- l’autre. Une troncation a été rapportée pour la première fois en
ques, tonicocloniques ou atoniques (Fig. 6). Les cas les plus 2000. [41]

Neurologie 13
17-001-X-20 ¶ Canaux ioniques dépendants du voltage et maladies neuromusculaires

Les épisodes débutent dès l’enfance, en règle générale plus tôt • d’autres symptômes paroxystiques tels que des postures
que dans l’AE2, parfois dès l’âge de 1 an. Ils sont souvent très dystoniques, des mouvements choréoathétosiques, des accès
brefs (quelques secondes à quelques minutes). Ils se caractérisent toniques, un nystagmus et des troubles dysautonomiques ;
par la survenue brusque d’un syndrome cérébelleux avec • un déclin cognitif et neurologique progressif. [99] Son mode
instabilité, ataxie des membres et dysarthrie, et de myokymies. de transmission est autosomique dominant, et un lien avec le
Des sensations vertigineuses, des nausées, une diplopie, une gène ATP1A2 responsable de la MHF de type 2 a été récem-
vision trouble, des postures dystoniques associées à une brady- ment suggéré [100].
kinésie et/ou à un tremblement postural du chef et des mem-
bres supérieurs d’intensité variable sont possibles. Une sensation
Choréoathétose paroxystique kinésigénique
prodromique de paresthésies, de raideur diffuse ou de tremble- et choréoathétose paroxystique dystonique
ment propagé le long du corps est parfois perçue par les Il s’agit d’entités mal définies, car de nombreuses variantes et
patients. Les symptômes et signes de l’accès s’installent souvent formes frontières ont été ponctuellement rapportées dans la
en une dizaine de secondes puis décroissent progressive- littérature. Les mouvements décrits comme choréoathétosiques
ment. [94] Un syndrome vestibulaire franc, comportant des sont en fait parfois difficiles à caractériser précisément, ce qui a
vertiges vrais et un nystagmus, n’est jamais décrit (y compris en conduit certains auteurs à les englober sous le terme moins
période intercritique). [94] De rares patients ont des accès précis mais moins restrictif de « dyskinésies paroxystiques
particulièrement longs, durant plusieurs heures, et résolutifs kinésigéniques ». Par ailleurs, certaines choréoathétoses
avec le sommeil ou l’application d’eau froide sur les mains et le paroxystiques kinésigéniques (CPK) secondaires ont été signalées
visage. [94, 95] La fréquence des accès est hautement variable, (notamment dans le cadre d’une hypoparathyroïdie primaire
allant de plusieurs par jour à moins d’un par mois. Après la idiopathique).
deuxième décennie de vie où leur fréquence est maximale, les Le tableau habituel de CPK est caractérisé par des accès
accès ont tendance à se raréfier [95] et peuvent disparaître. Des fréquents et brefs de mouvements choréiques provoqués par les
facteurs déclenchants sont parfois identifiés : sursaut, mouve- mouvements brusques, le sursaut, le stress ou l’hyperventilation,
parfois au décours d’un repos. [101, 102] Des postures dystoniques
ments brusques, effort physique, stress, fatigue, fièvre, faim...
sont souvent associées. La maladie est familiale ou sporadique,
Les mouvements axiaux après une période de repos sont
souvent associée à d’autres troubles neurologiques. Elle débute
fréquemment en cause. [94] Une stimulation vestibulaire calori-
durant l’enfance ou à l’adolescence et a tendance à s’atténuer
que peut provoquer un accès. En revanche, les tentatives de
avec l’âge. Les accès durent quelques secondes à 5 minutes, et
provocation des accès par des mouvements imprimés par un
dépassent rarement les 2 minutes. Ils peuvent se répéter
examinateur sont généralement inefficaces. La prise de nourri- plusieurs dizaines de fois par jour ou ne survenir que quelques
ture améliore les signes et symptômes chez certains sujets. fois par année. Des prodromes à type de faiblesse ou paresthé-
L’examen intercritique peut révéler des myokymies périorbi- sies sont fréquents. L’examen neurologique intercritique et les
taires et des muscles des membres. Il ne s’agit parfois que de explorations biologiques sont normaux. Des études en single
minimes mouvements latéraux des doigts. Chez d’autres photon emission computed tomography (SPECT) ont pu montrer
patients, une franche raideur des mains et des pieds est pré- des anomalies du métabolisme des noyaux gris centraux au
sente. Le reste de l’examen neurologique est normal. La sensi- déclenchement des accès. Un locus a été identifié en 16p11.2.
bilité de l’examen clinique pour la recherche des myokymies Les anticonvulsivants (carbamazépine, lamotrigine, lévetiracé-
n’est pas complète, le recours à l’électrophysiologie étant parfois tam [103]) à faibles doses sont parfois efficaces, malgré l’absence
nécessaire. L’électromyogramme est toujours pathologique, y d’anomalies électroencéphalographiques. [102]
compris entre les accès, montrant une activité spontanée, La choréoathétose paroxystique dystonique (CPD) est une
périodique ou rythmique, d’unités motrices musculaires au pathologie familiale rare plutôt masculine, plus précoce (petite
repos. L’origine des myokymies sur les troncs nerveux est enfance), où surviennent des épisodes de contractures muscu-
multifocale. Une perte axonale a été observée à la biopsie de laires dystoniques généralisées sans trouble de la conscience.
nerf sural. [92] L’imagerie cérébrale et l’EEG sont normaux Des mouvements choréiques ou balliques peuvent être associés.
pendant et entre les épisodes symptomatiques. Une autopsie a La durée des accès varie des quelques minutes à quelques
été pratiquée, ne montrant aucune anomalie histologique heures, et leur fréquence est moindre que dans la CPK. Les
cérébrale. [95] L’acétazolamide n’est qu’inconstamment efficace facteurs déclenchants sont le café, le thé, l’alcool, la fatigue, le
et peut accentuer les myokymies. Chez les patients dont l’état stress et l’anxiété, les températures extrêmes. Un locus a été
est amélioré par l’acétazolamide, l’effet est le plus souvent identifié sur le chromosome 2q dans une famille britanni-
partiel et transitoire. Les antiépileptiques (carbamazépine, que. [104] Le clonazépam est efficace dans la majorité des cas
diphénylhydantoïne) et la flunarizine peuvent contribuer à rapportés, [101, 105] mais l’acétazolamide ou l’halopéridol
restreindre les accès. Certains patients ne répondent à aucun semblent également contrôler certains sujets. [102]
traitement et recherchent l’éviction des facteurs de provocation Certains patients appartiennent à d’authentiques familles
des accès. d’ataxie épisodique héréditaire, et pourraient être porteurs
d’anomalies génétiques situées sur un autre locus. Dans une
Certaines descriptions ont fait état d’accès inhabituellement
famille, souffrant par exemple d’accès de vertiges et d’ataxie
longs, qui peuvent, à tort, faire évoquer une AE2. Des variations
cinétique, un membre avait des crises de choréoathétose et de
phénotypiques incluant l’association à une épilepsie par-
dystonie kinésigéniques non améliorées par l’acétazolamide. [106]
tielle, [41, 96] des rétractions tendineuses de l’enfant, des troubles
Chez un patient souffrant à la fois d’accès d’ataxie kinésigéni-
posturaux durant l’enfance et plus récemment un déficit moteur que avec myokymies diffuses et de CPK, une mutation du gène
distal des membres inférieurs [97] ont été rapportés. Certaines KCNA1 a été identifiée. [107] Dans une autre famille avec un
mutations de KCNA1 ne semblent à l’inverse associées qu’à des tableau de SCA autosomique dominante, un patient souffrait
myokymies sans ataxie épisodique, [41, 98] faisant évoquer une d’accès de mouvements athétoïdes des mains avec dysmétrie et
neuromyotonie (cf. supra). dysarthrie, durant 2 minutes à 4 heures, transitoirement
contrôlés par acétazolamide et sensibles au clonazépam. Les
Quelques « candidats » à une canalopathie facteurs déclenchants étaient la fatigue, les températures
extrêmes, l’anxiété et l’alcool. L’ataxie progressive apparue
Hémiplégie alternante quelques années plus tard s’exacerbait lors des accès ; un frère
semblait également avoir présenté quelques accès. [101] Chez ces
Cette affection de l’enfant est caractérisée par : sujets, l’examen intercritique était normal ou pouvait montrer
• des épisodes répétés d’hémiplégie de durée et sévérité varia- une dysfonction vestibulaire avec nystagmus. Une famille
bles, siégeant de façon alternante sur un hémicorps ou sur les souffrant de choréoathétose paroxystique non kinésigénique
deux simultanément ; avec myokymies intercritiques, de transmission autosomique
• un début avant l’âge de 18 mois ; dominante, a été décrite. [107] Deux familles de choréoathétose

14 Neurologie
Canaux ioniques dépendants du voltage et maladies neuromusculaires ¶ 17-001-X-20

paroxystique non kinésigénique ont été associées respective- Jonction neuromusculaire


ment à un locus sur le chromosome 1p et sur le chromosome
2q. [108-110] Myasthénie auto-immune
Le syndrome ICCA (infantile convulsions and choreoatheto-
Si la cible principale des désordres auto-immuns de la
sis) est un trouble transmis sur le mode autosomique dominant,
myasthénie sont les récepteurs de l’acétylcholine situés sur la
regroupant des convulsions infantiles et des mouvements
plaque motrice, des anticorps circulants dirigés contre le
choréoathétosiques paroxystiques. Les convulsions bénignes
récepteur de la ryanodine sont identifiés chez 50 % des patients
infantiles sont une entité hétérogène dont plusieurs locus ont
ayant un thymome (soit 7 à 8 % des cas de myasthénie). [116]
par ailleurs été identifiés. Elles ne surviennent que chez le
La présence de ces derniers anticorps pourrait accroître la
nourrisson, et ont un pronostic favorable dès l’enfance. Dans les
sévérité de la maladie. [117]
familles infantile convulsions and choreoathetosis (ICCA), elles sont
associées à des dyskinésies brèves (moins de 5 minutes) pendant Syndrome de Lambert-Eaton
l’enfance ou l’adolescence, avec une tendance à la rémission à
l’âge adulte. Certains membres de ces familles n’ont qu’une Le syndrome de Lambert-Eaton associe une faiblesse muscu-
seule des deux manifestations. Un locus est identifié sur le laire proximale, une hypo- ou aréflexie ostéotendineuse et une
chromosome 16, [112] et il pourrait s’agir d’une forme allélique dysautonomie. Il existe un syndrome de la jonction neuromus-
de CPK. La carbamazépine s’est révélée efficace sur les épisodes culaire présynaptique, confirmé par les études électrophysiolo-
de mouvements anormaux. giques et histologiques. Une étiologie auto-immune a été
D’une façon générale, la nature épisodique des dyskinésies logiquement suspectée devant une association à certaines
paroxystiques et leur association possible avec des phénotypes néoplasies ou maladies auto-immunes, une réponse aux traite-
épileptiques, migraineux ou ataxiques épisodiques sont des ments immunomodulateurs, et la possibilité de transfert passif
arguments forts en faveur d’une canalopathie. [111] à l’animal. [118] Des anticorps anticanaux calciques membranai-
res de type P/Q, canaux impliqués dans l’exocytose présynapti-
Tremblement cortical familial que d’acétylcholine, sont détectés dans le sérum de 95 % des
Le tremblement cortical familial est une affection autosomi- patients ; des anticorps dirigés contre les canaux calciques de
que dominante, caractérisée par la survenue très progressive à type N sont présents dans la moitié des cas. La 3,4-
l’âge adulte d’un tremblement d’attitude et d’action, irrégulier, diaminopyridine, dont le site d’action est le canal potassium
siégeant aux membres distaux. Le tableau clinique évoque un membranaire, améliore la symptomatologie des patients. [119]
tremblement essentiel, mais les b-bloquants sont inefficaces. Ce
tremblement est en réalité constitué de secousses myocloniques Neuropathies périphériques
involontaires dont le générateur est cortical, comme en attestent
les enregistrements électrophysiologiques. Une accentuation des La physiopathologie des neuropathies périphériques est
secousses myocloniques peut être déclenchée par la fatigue, la classiquement et souvent arbitrairement scindée en atteinte
caféine, les vibrations, le jeûne glucidique et des stimulationss axonale et démyélinisation. La description de nombreux
sonores ou visuelles intenses et contrastées (Bourdain F, Apartis troubles du système nerveux périphérique avec intégrité du
E, Trocello JM, Vidal JS, Masnou P, Vercueil L et al. Clinical complexe axoglial a conduit à examiner l’hypothèse d’un
analysis in cortical tremor allows differential diagnosis with dysfonctionnement des canaux membranaires, notamment
essential tremor. Mov Disord, in press). Une épilepsie généralisée sodium et potassium, des nerfs périphériques. L’exemple de
est associée dans 50 % des cas. Les antiépileptiques ont un effet l’effet des toxines (tétrodotoxine, saxitoxine, ciguatoxine pour le
symptomatique sur l’ensemble des manifestations. Plusieurs canal sodium) a permis de démontrer qu’un ralentissement de
locus sont isolés, mais en l’absence de gène identifié, une la conduction nerveuse n’était pas toujours synonyme de
canalopathie, bien que probable, n’est pas formellement démyélinisation. [120]
prouvée.
Neuromyotonie
« Rippling muscle disease » La neuromyotonie, décrite par Schultze en 1895, est une
Cette affection, littéralement « maladie des muscles qui affection du motoneurone périphérique caractérisée par :
ondulent », est diagnostiquée cliniquement par la présence de • des myokymies ;
vagues d’ondulations musculaires provoquées par l’étirement ou • des crampes survenant notamment à l’effort (en rapport avec
la pression, et d’un myo-œdème provoqué par la percussion. une myotonie dynamique sans myotonie mécanique) ;
Peu invalidante, elle s’accompagne généralement d’une sensa- • une rigidité musculaire persistant au repos et prédominant
tion désagréable de raideur musculaire cédant à l’effort et sur les segments distaux des membres ;
réapparaissant au repos. Des myalgies peuvent être signalées • parfois une faiblesse musculaire.
lorsque l’exercice physique a été intense. L’EMG est normal, en Une hypersudation et une élévation du taux sérique de CK y
particulier, il n’y a pas de décharges myotoniques. Les agents sont associées. L’électromyographie met en évidence la présence
stabilisants de membrane ont une efficacité inconstante et au repos de décharges spontanées et répétitives de potentiels
souvent transitoire. d’unité motrice, qui peuvent prendre la forme de bouffées
Outre les formes auto-immunes, sporadiques et de début myokymiques, de salves neuromyotoniques ou d’une activité
tardif, des formes familiales de transmission autosomique électrique quasiment continue. [121] Ces décharges disparaissent
dominante débutant chez l’adolescent ou l’adulte jeune ont été après curarisation. Des anticorps anticanaux potassiques voltage-
décrites. [113, 114] Certaines sont des cavéolinopathies, sans dépendants sont présents dans le sérum des patients. [122] Ces
rapport avec une canalopathie. [115] D’autres semblent liées au anticorps, en bloquant l’activité des canaux situés dans les
chromosome 1q. [115] Un défaut de régulation de la libération régions des nœuds de Ranvier, conduiraient à un état d’hyper-
du calcium contenu dans le réticulum sarcoplasmique est excitabilité des motoneurones. Outre l’immunomodulation, la
suspecté, et pourrait, dans certaines familles, relever d’un thérapeutique repose sur l’utilisation d’agents bloquant les
dysfonctionnement canalaire. canaux sodiques voltage-dépendants (carbamazépine, diphényl-
hydantoïne, mexilétine).

■ Dysfonctionnement acquis Chorée fibrillaire de Morvan


des canaux neuronaux La « chorée fibrillaire », décrite par Morvan en 1890, [123]
associait chez un patient des myokymies, des myalgies, une
Le nombre d’affections neurologiques impliquant des canaux hypersudation, une perte de poids et des troubles du sommeil
ioniques dépendants du voltage est croissant. Il n’est pas avec hallucinations. Ce tableau aigu et sévère provoqua la mort
possible d’en donner ici une liste exhaustive, et nous nous du sujet en 5 semaines. Les éléments compatibles avec le
limiterons à quelques exemples. diagnostic de neuromyotonie comportent une raideur, avec ou

Neurologie 15
17-001-X-20 ¶ Canaux ioniques dépendants du voltage et maladies neuromusculaires

sans crampes, une myotonie, des fasciculations et myokymies. mode d’entrée unique dans la physiologie et la physiopatholo-
L’altération de l’état général, les troubles dysautonomiques et gie en neurologie. L’objectif pharmacologique de la prise en
l’atteinte du système nerveux central n’entrent pas dans la charge de ces patients est la modulation de l’activité des canaux
neuromyotonie, mais la cause de la maladie pourrait les mutés ou l’interruption des dysfonctionnements électrochimi-
expliquer (syndrome paranéoplasique avec encéphalite limbique ques qu’ils provoquent. Ces dysfonctionnements font actuelle-
associée par exemple, comme le suggère la mise en évidence ment l’objet de nombreuses études des courants membranaires
d’anticorps anticanaux potassiques [124, 125]). dans des systèmes d’expression in vitro et sur des modèles
animaux.
Neuropathies multifocales inflammatoires Les maladies des canaux restant rares, la constitution de
Il s’agit des neuropathies motrices multifocales avec blocs de réseaux de soin permettra la progression des connaissances et la
conduction, du syndrome de Guillain-Barré et de la polyradicu- réunion d’un nombre suffisant de sujets pour la réalisation
lonévrite chronique. Si les blocs de conduction présents dans d’essais thérapeutiques.
ces affections auto-immunes sont classiquement attribués à des .

démyélinisations focales, certains blocs semblent fonctionnels et


en rapport avec une perturbation (réversible) des canaux sodium ■ Références
membranaires voltage-dépendants. [126, 127] Chez les patients
souffrant de polyradiculonévrite aiguë ou chronique, des [1] Kullmann DM. The neuronal channelopathies. Brain 2002;125(Pt6):
facteurs inhibant les canaux sodium présents dans le sérum et 1177-95.
le liquide cérébrospinal [128] pourraient constituer des cibles [2] Cesaro P, Keravel Y, Ollat H, Peschanski M, Sindou M. Les canaux
thérapeutiques. ioniques membranaires. In: Cesaro P, Keravel Y, Ollat H, Peschanski M,
Sindou M, editors. Neuroanatomie fonctionnelle - De la cellule aux
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à l’origine de douleurs et de paresthésies. Les névromes sont le Paris: Faculté de Médecine Lariboisière Saint-Louis, 2001.
lieu d’une expression anormale de certains canaux ioniques [4] Tyler F, Stephen F, Gunn F, Perkoff G. Studies in disorders of muscle
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Neuropathies centrales [5] Gamstorp I, Hauge M, Helweg-Larsen HF, Mjones H, Sagild U.
Adynamia episodica hereditaria; a disease clinically resembling fami-
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during paralytic attacks. Am J Med 1957;23:385-90.
Dans l’encéphalomyélite expérimentale auto-immune, modèle [6] Chinnery PF, Walls TJ, Hanna MG, Bates D, Fawcett PR.
d’étude de la sclérose en plaques (SEP), les axones démyélinisés Normokalemic periodic paralysis revisited: does it exist? Ann Neurol
surexpriment certains canaux sodium membranaires de façon 2002;52:251-2.
diffuse. Par le jeu de mouvements ioniques, cette surexpression [7] Eulenburg A. Über eine familiäre, durch 6 Generationen verfolgbare
pourrait contribuer aux lésions axonales qui déterminent le Form Congenitaler Paramyonie. Zentralbl Neurol 1886;5:265-72.
handicap progressif des patients dans la sclérose en plaques. [131, [8] Riggs J, Griggs R. Diagnosis and treatment of the periodic paralyses.
132] Les échanges ioniques sont plus généralement perturbés sur
Neuropharmacology 1979;4:123-8.
les axones démyélinisés. La 4-aminopyridine et la 3,4- [9] Nicole S, Davoine CS, Topaloglu H, Cattolico L, Barral D, Beighton P,
diaminopyridine, dont la propriété est de bloquer les canaux et al. Perlecan, the major proteoglycan of basement membranes, is
potassiques, semblent améliorer la fatigue et le déficit muscu- altered in patients with Schwartz-Jampel syndrome
laire de patients souffrant de SEP. [133, 134] Cet effet bénéfique ne (chondrodystrophic myotonia). Nat Genet 2000;26:480-3.
serait toutefois pas lié à une restauration de la conduction de [10] Plassart E, Reboul J, Rime CS, Recan D, Millasseau P, Eymard B, et al.
l’influx nerveux sur les axones démyélinisés mais à une poten- Mutations in the muscle sodium channel gene (SCN4A) in 13 French
tiation des synapses centrales et périphériques. [133, 135] Les families with hyperkaelemic periodic paralysis and paramyotonia
canaux calcium voltage-dépendants de type L ont été impliqués congenita: phenotype to genotype correlations and demonstration of
dans l’encéphalomyélite expérimentale auto-immune et pour- the predominance of two mutations. Eur J Hum Genet 1994;2:110-24.
raient devenir une cible thérapeutique dans la sclérose en [11] Ricker K, Moxley 3rd RT, Heine R, Lehmann-Horn F. Myotonia
plaques. [136] fluctuans. A third type of muscle sodium channel disease. Arch Neurol
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Autres exemples [12] Lehmann-Horn F, Rudel R. Hereditary nondystrophic myotonias and
periodic paralyses. Curr Opin Neurol 1995;8:402-10.
Les canaux ioniques font actuellement l’objet de nombreuses [13] Ptacek LJ, Tawil R, Griggs RC, Storvick D, Leppert M. Linkage of
recherches dans le traitement des douleurs chroniques. [137] Par atypical myotonia congenita to a sodium channel locus. Neurology
exemple, des anomalies d’expression des canaux sodium et 1992;42:431-3.
potassium voltage-dépendants de la corne médullaire posté- [14] Westphal C. Über einen merkqurdigen fall von periodischer lahmung
rieure après axotomie expérimentale pourraient contribuer à aller vier extremitaten mit gleichzeitigem erloschen der elektrischen
l’hyperexcitabilité neuronale associée aux douleurs neuropathi- erregbarkeit warhend der lahmung. Klin Wochenschr 1885;22:489-91.
ques. Dans la migraine et l’algie vasculaire de la face, l’efficacité [15] BiemontA, DanielsA. Familial periodic paralysis and its transition into
des traitements de fond antagonistes des canaux calciques de spinal muscular atrophy. Brain 1934:57.
type L (flunarizine, vérapamil) est encore mal élucidée. Dans [16] Sternberg D, Maisonobe T, Jurkat-Rott K, Nicole S, Launay E,
l’alcoolisme chronique, outre un effet sur de nombreux canaux Chauveau D, et al. Hypokalaemic periodic paralysis type 2 caused by
ioniques ligand-dépendants, une implication des canaux mutations at codon 672 in the muscle sodium channel gene SCN4A.
calcium voltage-dépendants de type L a été proposée... [138] Brain 2001;124:1091-9.
[17] Torres CF, Griggs RC, Moxley RT, Bender AN. Hypokalemic periodic
paralysis exacerbated by acetazolamide. Neurology 1981;31:1423-8.
■ Conclusion [18] Ptacek L. The familial periodic paralyses and nondystrophic
myotonias. Am J Med 1998;105:58-70.
Les canalopathies sont des maladies passionnantes, d’un haut [19] Abbott GW, Butler MH, Bendahhou S, Dalakas MC, Ptacek LJ,
intérêt scientifique, dont le champ d’étend rapidement. Les Goldstein SA. MiRP2 forms potassium channels in skeletal muscle
progrès récents permettent d’envisager l’utilisation de la biologie with Kv3.4 and is associated with periodic paralysis. Cell 2001;104:
moléculaire à des fins diagnostiques cliniques, et en vue du 217-31.
conseil génétique. La possibilité d’établir un lien entre une [20] Sternberg D, Tabti N, Fournier E, Hainque B, Fontaine B. Lack of asso-
mutation moléculaire et le dysfonctionnement d’un tissu entier, ciation of the potassium channel-associated peptide MiRP2-R83H
la plupart du temps en l’absence de lésion constituée, est un variant with periodic paralysis. Neurology 2003;61:857-9.

16 Neurologie
Canaux ioniques dépendants du voltage et maladies neuromusculaires ¶ 17-001-X-20

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18 Neurologie
Canaux ioniques dépendants du voltage et maladies neuromusculaires ¶ 17-001-X-20

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F. Bourdain, Neurologue (f.bourdain@hopital-foch.org).


Hôpital Foch, 40 rue Worth, BP 36, 92151 Suresnes cedex, France.
B. Fontaine, Professeur de neurologie.
Fédération de neurologie, Groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière, 47-83, boulevard de l’Hôpital, 75651 Paris cedex 13, France.
Les deux auteurs sont membres du réseau français de recherche sur les maladies musculaires des canaux ioniques et apparentées (RESOCANAUX).

Toute référence à cet article doit porter la mention : Bourdain F., Fontaine B. Canaux ioniques dépendants du voltage et maladies neuromusculaires. EMC
(Elsevier SAS, Paris), Neurologie, 17-001-X-20, 2005.

Disponibles sur www.emc-consulte.com


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décisionnels supplémentaires Animations légaux au patient supplémentaires évaluations

Neurologie 19
II - Physiologie
 17-002-D-10

Fonctions motrices
B. Bioulac, P. Burbaud, J.-R. Cazalets, C. Gross, T. Michelet

Le chapitre « Fonctions motrices » traite de l’ensemble des structures, réseaux et voies qui interviennent
dans le contrôle et la régulation du mouvement et/ou de la locomotion. Ainsi sont impliqués les grands
secteurs à compétence motrice : cortex, sous-cortex, cervelet et moelle épinière. La distinction entre motri-
cité centrale et motricité périphérique conduit à inclure la physiologie de l’appareil neuromusculaire. En
respectant, au plan des structures et de l’organisation hodologique, une hiérarchie jacksonienne ascen-
dante, de la moelle épinière au cortex, on s’attache à faire émerger une vision dynamique tant de la
physiologie neuronale unitaire que de celle des réseaux et circuits cortico-sous-corticaux. L’accent est mis
sur des points saillants tels : les générateurs de la locomotion au niveau spinal, la kinesthésie, le codage des
messages à compétence motrice dans les territoires corticaux primaires (cortex moteur et somesthésique)
et associatifs (cortex prémoteur et aire motrice supplémentaire, cortex préfrontal et cortex pariétal posté-
rieur), l’intervention des réseaux formés au sein des noyaux gris centraux dans le contrôle du mouvement,
le rôle de la « circuiterie » cérébelleuse dans l’apprentissage moteur.
© 2013 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots-clés : Programmation motrice ; Régulation centrale du mouvement volontaire ; Cortex ; Sous-cortex ;


Cervelet ; Moelle

Plan ■ Ganglions de la base 18


Rappel anatomique 18
■ Introduction 1 Modèles animaux de pathologie humaine 20
Bases fonctionnelles : physiologie et physiopathologie 20
■ Origine et nature des mouvements 2
■ Cervelet 22
■ Système effecteur du mouvement 2 Anatomie fonctionnelle 22
Le muscle et son appareil de contrôle 2 Microphysiologie 23
Réflexes spinaux 3
Fonctions motrices de la moelle épinière 3
Genèse spinale de la locomotion 4
■ Organisation du mouvement et planification de l’action 5
■ Cortex moteur 6  Introduction
Motricité pyramidale et motricité extrapyramidale 7

Les « fonctions motrices » renvoient à l’ensemble des structures,
Kinesthésie 10
réseaux et voies qui interviennent dans le contrôle et la régulation
Récepteurs et messages 10
du mouvement et/ou de la locomotion.
■ Thalamus 11 Dès lors sont impliqués cortex, sous-cortex, cervelet et moelle
■ Cortex somesthésique 12 épinière. De surcroît, si l’on opère la distinction entre motricité
■ Cortex pariétal postérieur 13 centrale et motricité périphérique, il est naturel d’inclure la phy-
siologie de l’appareil neuromusculaire.
■ Déafférentation, activité corticale et programmes moteurs 14
Chaque grand chapitre de l’EMC de neurologie fait un large rap-
■ Aires frontales à fonction prémotrice 14 pel de physiologie qui lie une structure et sa fonction (exemple :
Cortex prémoteur 14 cortex moteur, noyaux gris centraux, cervelet, moelle, etc.).
Cortex prémoteur latéral (aire 6 latérale) 14 En outre, cette démarche se retrouve souvent pour l’étude des
Aire motrice supplémentaire 14 pathologies motrices précises (mouvements anormaux, maladie
■ Cortex préfrontaux associatifs et planification de l’action 15 de Parkinson, dyskinésies, maladie de Huntington, dystonies,
Cortex préfrontal dorsolatéral 16 etc.).
Cortex cingulaire antérieur 17 Tout au long de l’ouvrage existe une cohérence entre anatomie
Cortex orbitofrontal 17 fonctionnelle, physiologie, physiopathologie, clinique et théra-
peutique. Il serait redondant, voire impossible, dans le chapitre

EMC - Neurologie 1
Volume 10 > n◦ 2 > avril 2013
http://dx.doi.org/10.1016/S0246-0378(12)58101-7
17-002-D-10  Fonctions motrices

introductif « Fonctions motrices », de traiter de façon exhaustive volonté. On retrouve ici les deux grands types de motricité décrits
chacun des niveaux du névraxe impliqués dans la motricité. Ainsi, par M. Hines : globale ou holocinétique, finalisée ou téléociné-
tout en respectant, au plan des structures, des amas neuronaux tique [3] .
et de l’organisation hodologique, une hiérarchie naturellement
jacksonienne, nous avons pris le parti d’insister sur des concepts
d’actualité. Ces derniers favorisent, au-delà de la seule anatomie
fonctionnelle, une vision dynamique de la physiologie neuronale  Système effecteur
ou de réseaux. du mouvement
Il sera plus particulièrement mis l’accent sur des points clés
tels que les générateurs de la locomotion au niveau spinal, la Le muscle et son appareil de contrôle
kinesthésie, le codage des messages à compétence motrice parti-
culièrement dans les territoires corticaux primaires et associatifs, Le mode de locomotion est prioritairement déterminé par
l’intervention des réseaux formés au sein des noyaux gris cen- l’architecture squelettique sur laquelle les muscles vont exercer
traux dans le contrôle du mouvement, le rôle de la « circuiterie » leurs forces par le biais des insertions tendineuses.
cérébelleuse dans l’apprentissage moteur. Le muscle est l’organe chargé d’effectuer le transfert entre une
activité nerveuse (électrique et chimique) et une énergie méca-
nique capable d’assurer le déplacement des différents segments
 Origine et nature corporels. Cela est possible du fait de l’existence, dans les cellules
musculaires, de structures spécialisées résultant de l’association de
des mouvements protéines contractiles. L’unité fonctionnelle de longueur d’une
fibre musculaire squelettique est le sarcomère dont la taille est
On distingue, selon l’origine ou « primum movens », deux types d’environ 3 ␮m. Au sein d’un sarcomère, les protéines contractiles
de mouvements. Le mouvement passif correspond à un déplace- (actines et myosines) vont glisser les unes par rapport aux autres
ment induit par l’observateur ou une force externe, le mouvement grâce à l’établissement périodique de liaisons qui surviennent en
actif trouve son origine dans la mise en jeu de secteurs à compé- présence de calcium provoquant des variations de longueur infé-
tence motrice du système nerveux central [1] . Un classement des rieures à 3 mm. L’association en série de milliers de sarcomères va
mouvements actifs sur des bases hiérarchiques, relevant de la phy- permettre un déplacement de plusieurs centimètres.
logenèse et de l’ontogenèse, conduit à la distinction suivante : Les fibres musculaires squelettiques se distinguent en fonction
• les mouvements réflexes sont des réponses ou réactions motrices de leurs propriétés contractiles et métaboliques qui détermineront
à des stimuli sensoriels précis. Ils sont stéréotypés et repro- leur vitesse et leur force de contraction ainsi que leur fatiga-
ductibles. Ils sont, au plan neural, sous-tendus par des circuits bilité. On considère trois classes principales de fibres dont la
nerveux « robustes » et génétiquement déterminés. La cli- proportion de chacune d’entre elles dans un muscle détermine
nique en identifie plusieurs : réflexe ostéotendineux, réflexe de l’aptitude à effectuer des mouvements rapides, mais brefs ou
défense en flexion, réflexes cutanés abdominaux, réflexe palpé- plus lents, mais soutenus. Les muscles « rouges » sont surtout
bral, etc. ; constitués de fibres à contraction lente (type I) et sont préféren-
• les mouvements automatiques correspondent à des séquences tiellement impliqués dans des activités posturales. Leur activité
motrices d’agencement complexe. Ils sont générés par repose sur un métabolisme aérobie qui permet une mobilisation
des réseaux nerveux innés ou édifiés par l’apprentissage. permanente des ressources en glucose et oxygène sanguin pour
L’apprentissage peut, d’ailleurs, révéler et enrichir un ensemble régénérer l’adénosine triphosphate (ATP). Les muscles « blancs »
neuronal précablé au plan génétique. Ainsi l’activité rythmique sont composés de fibres à contraction rapide (type II) et sont impli-
respiratoire se déclenche à la naissance, mais des activités qués dans des mouvements phasiques. Les contractions produites
comme la marche ou la natation, chez l’homme, nécessitent ont une cinétique plus rapide, les tensions sont plus importantes.
un apprentissage ; Les fibres à contraction rapide sont subdivisées en deux catégo-
• les mouvements volontaires ou intentionnels impliquent une pla- ries reflétant les processus métaboliques mis en œuvre et leur
nification de l’action avec motivation, intention et décision. résistance à la fatigue.
Ils sont soit déclenchés par un stimulus (ou indice) externe La commande motrice centrale est transmise aux effecteurs
(externally driven), tel l’arrêt d’un automobiliste à un feu rouge, musculaires via les motoneurones qui constituent la « voie
soit spontanés ou auto-initiés (internally driven). Ces derniers commune finale ». On distingue trois types de motoneurones :
relèvent d’un processus de commande purement central [2] . les motoneurones ␣ qui innervent les fibres musculaires striées,
Les mouvements intentionnels revêtent, eux-mêmes, plusieurs les motoneurones ␥ qui innervent les fuseaux neuromusculaires,
formes, on en distingue ainsi trois classes : organes sensoriels intramusculaires, chargés de détecter les chan-
◦ le mouvement impulsionnel ou balistique. Le message central de gements liés au mouvement et enfin les motoneurones ␤ qui
commande contient l’ensemble des paramètres d’exécution. innervent simultanément les fibres musculaires et les fuseaux
Il n’y a pas de rétrocontrôle périphérique. Le coup-de-poing neuromusculaires. On appelle unité motrice un motoneurone ␣
ou le coup de pied en sont des exemples, et les fibres musculaires qu’il innerve. Au niveau de la moelle
◦ le mouvement rapide avec freinage associe deux composantes : épinière ou du tronc cérébral, les corps cellulaires des motoneu-
une première rapide de type balistique, tel un déplacement rones innervant un muscle sont regroupés en noyaux moteurs.
de la main vers une cible, et une seconde avec un freinage L’augmentation de l’activité motrice se fait soit au travers
terminal où interviennent les afférences sensorielles (vision, d’une augmentation de la fréquence de décharge d’un motoneu-
proprioception). Le rétrocontrôle périphérique contribue à rone, soit par un recrutement d’unités motrices silencieuses qui
l’ajustement terminal, deviennent actives. La mise en jeu de la machinerie intracellu-
◦ le mouvement lent et de poursuite (ramp displacement) implique laire aboutissant à la contraction du muscle est effectuée via le
une interaction constante entre commande, exécution et potentiel d’action des motoneurones qui l’innervent, entraînant
réafférences sensorielles. Il est utilisé pour la poursuite d’une la libération d’acétylcholine et la dépolarisation des fibres muscu-
cible visuelle par le regard (visual tracking) ou l’exploration laires.
manuelle d’un objet via le tact et la proprioception. Les motoneurones peuvent être activés par les afférences senso-
Dans l’élaboration d’un mouvement volontaire finalisé, il y rielles, des interneurones spinaux ou directement par les centres
a, le plus souvent, une intrication des différents types d’activité supérieurs (par exemple la voie corticospinale). Dans la plupart des
motrice : réflexe, automatique et intentionnelle. La plus large part cas, la réalisation d’un acte moteur implique une activation faisant
est involontaire ou semi-volontaire. Dans un mouvement de sai- appel à ces différentes modalités. Pour des raisons de commodité,
sie fine avec les doigts, tonus, posture, activité cinétique du bras on ne peut que présenter l’ensemble des procédures séquentielle-
et de l’avant-bras sont sous-tendus par des fonctions réflexes ou ment, mais il est essentiel de considérer que tous les mécanismes
de programmation automatique. Seule la manipulation digitale que nous décrivons sont en réalité mis en œuvre de manière syner-
et sa précision sont sous le contrôle direct de l’intention et de la gique et parallèle.

2 EMC - Neurologie
Fonctions motrices  17-002-D-10

Réflexes spinaux
a b
Réflexe nociceptif de flexion
1
La réalisation correcte d’un mouvement nécessite que le sys-
tème nerveux central soit renseigné sur les objectifs à atteindre
(visualiser une cible par exemple) et également sur l’état du sys-
tème au cours de son exécution afin de pouvoir effectuer des 8
ajustements précis. Au niveau spinal sont prioritairement traitées
des informations en provenance des muscles, des articulations 2
et de la peau. Le terme réflexe désigne à la fois une stéréoty- 3
pie de contractions musculaires coordonnées et une régulation
4 5
« en ligne » du mouvement. On peut citer les réflexes cutanés
qui sont mis en œuvre en réponse à des stimuli nociceptifs [4] . 5 4
On observe ainsi une flexion coordonnée de toutes les articu-
lations qui entraîne le retrait du membre et persiste après une 6 6
transection de la moelle épinière. Au travers de voies polysy- 7 7
naptiques, l’information cutanée provoque une activation des
motoneurones fléchisseurs et une inhibition concomitante des
motoneurones extenseurs. Le réflexe de flexion peut être accom-
pagné d’un réflexe d’extension croisé qui provoque l’extension Figure 1. Schéma des voies réflexes proprioceptives dans la moelle
du membre controlatéral assurant ainsi une action motrice coor- épinière. En a, les voies mises en jeu par les fuseaux neuromusculaires
donnée de l’ensemble du corps. Une des caractéristiques de ce (action réflexe des fibres afférentes Ia). Une articulation est commandée
réflexe de retrait que nous venons d’évoquer est la globalité de par des muscles fléchisseurs et extenseurs activés par leurs motoneurones
la réaction observée en relation évidente avec l’aspect protecteur respectifs (␣fle et ␣ext). Les afférences du fuseau neuromusculaire (trait
que cela représente pour l’organisme en réponse à une stimulation épais) vont activer : monosynaptiquement le motoneurone du muscle
nociceptive. Les réflexes étudiés sur des animaux décérébrés sont étiré (connexion homonyme) ; l’interneurone inhibiteur Ia qui inhibe les
d’amplitude plus élevés et stéréotypés, car les voies descendantes motoneurones du muscle antagoniste. La voie corticospinale peut mobi-
du cortex cérébral et autres centres supérieurs ont la capacité de liser directement l’interneurone inhibiteur Ia, ce qui permet aux centres
les moduler continuellement. Ainsi, la rigidité liée à une hyper- supérieurs de coordonner au travers d’une seule commande les muscles
extension, observée chez des animaux décérébrés, est due à une antagonistes d’une même articulation. En b, les voies mises en jeu par
suppression du contrôle des structures du tronc cérébral qui elles- les organes tendineux de Golgi (action réflexe des fibres afférente Ib).
mêmes exercent un effet facilitateur sur les circuits impliqués dans L’activation des organes tendineux de Golgi produit une inhibition disy-
le réflexe d’étirement des muscles extenseurs. naptique des motoneurones homonymes via l’interneurone inhibiteur Ib.
1. Voie corticospinale ; 2. fléchisseur alpha ; 3. extenseur alpha ; 4. fléchis-
seur Ia ; 5. fléchisseur Ib ; 6. extenseur Ib ; 7. extenseur Ib ; 8. autres voies
Appareil proprioceptif ascendantes.
Le codage du mouvement fait appel à des structures spéciali-
sées : le fuseau neuromusculaire et l’organe tendineux de Golgi. Fonctions motrices de la moelle épinière
Les fuseaux neuromusculaires, constitués de fibres musculaires,
sont des structures placées en parallèle dans le muscle. On en La moelle épinière fait partie intégrante du système nerveux
distingue deux types : les fibres à sac et les fibres à chaîne. Leur central ; elle est, à ce titre, à la fois un centre de relais pour les
déformation entraîne un codage des changements de longueur commandes en provenance des centres supérieurs et également
du muscle. L’organe tendineux de Golgi est situé à la jonction des un centre d’intégration des informations sensorielles. Il est ainsi
fibres musculaires et du tendon. La déformation des terminaisons parfois difficile de dissocier ce qui relève de mécanismes essentiel-
libres lors de la contraction entraîne un codage spécifique de la lement spinaux de ce qui relève d’influences supraspinales.
tension du muscle et une mesure précise de la force totale. Les activités motrices ne sont pas toutes de même type et ne
La voie réflexe probablement la plus étudiée est le réflexe font pas nécessairement appel aux mêmes mécanismes neuro-
d’étirement (également dénommé réflexe myotatique ou ostéoten- naux. Par exemple, un mouvement de pointage lent et précis fera
dineux). Le muscle se contracte en réponse à son propre étirement appel à des processus très différents de ceux mis en œuvre lors
et cette contraction s’accompagne d’un relâchement du muscle d’une activité stéréotypée telle que la locomotion. L’utilisation
antagoniste (panneau gauche) (Fig. 1). Les fibres Ia qui véhi- de différents modèles animaux a permis de montrer que le sys-
culent l’information du fuseau neuromusculaire se connectent tème nerveux central possède en lui-même la capacité endogène
de manière excitatrice directe (connexion monosynaptique) aux d’organiser, temporellement et spatialement, une activité adap-
motoneurones ␣ du muscle considéré et aux motoneurones ␣ des tée au monde extérieur. Ce concept fondamental, à la base de la
muscles homologues. Ces afférences Ia inhibent via une voie plupart des recherches actuelles sur la programmation motrice, sous-
disynaptique (interneurone inhibiteur Ia) les motoneurones des entend qu’un comportement préexiste en l’absence même de sa
muscles antagonistes. Ces mécanismes d’inhibition réciproque réalisation.
sont également à l’œuvre lors de mouvements volontaires : Outre la production de synergies de bases qui permettent
lorsqu’un muscle se contracte, l’antagoniste se relâche assurant une activation spatiotemporelle pertinente des différents groupes
ainsi des mouvements fluides et précis. Le cortex moteur peut musculaires, la moelle épinière est le relais de nombreuses
ainsi assurer la gestion du mouvement via un contrôle direct sur influences descendantes qui permettent la coordination de ces
les motoneurones et simultanément via des collatérales sur les réseaux neuronaux. Ainsi une action de pointage nécessite des
interneurones inhibiteurs Ia (panneau gauche) (Fig. 1). Cela per- ajustements posturaux qui, s’ils ne sont pas en relation directe
met aux centres supérieurs de cordonner directement l’action de avec le mouvement du bras lui-même, permettent cependant un
muscles antagonistes au niveau d’une articulation. déroulement optimum de cette action. En outre, il faut garder pré-
Les organes tendineux de Golgi, via les afférences Ib, vont exci- sent à l’esprit que les mêmes effecteurs musculaires peuvent être
ter l’interneurone inhibiteur Ib qui inhibe les motoneurones du impliqués dans des activités de nature différente. Les membres
muscle contracté (panneau droit de la Figure 1). Cette « inhibition supérieurs, chez les quadrupèdes, participent au déplacement lors
autogénique » s’oppose à une tension excessive du muscle et four- de la locomotion, mais sont également impliqués dans des actions
nit des informations précises sur son état de contraction. En de prise de nourriture ou d’atteinte de cible. Actuellement, deux
outre, l’activité de l’interneurone Ib est fortement modulée par grands systèmes neuronaux intrinsèques ont été plus particulière-
les centres supérieurs, mais également de manière disynaptique ment analysés dans la moelle épinière : le système propriospinal
par les afférences cutanées et articulaires. C3-C4 et les réseaux locomoteurs lombaires.

EMC - Neurologie 3
17-002-D-10  Fonctions motrices

L2g L3g L4g L5g


L1g
T13g L6g

rv2d
CPG
rv2g

Motoneurone
extenseur

Motoneurone
Excitation glutamatergique Motoneurone extenseur fléchisseur
Motoneurone fléchisseur 10 mV
Inhibition glycinergique 2s
A B
Figure 2. Réseau locomoteur chez le rat.
A. Le générateur central de rythme (CPG) situé entre les segments thoraciques 13 (T13) et lombaires 2 (L2) envoie une double commande monosynaptique
excitatrice (ronds gris) et inhibitrice (triangles gris) sur les motoneurones des segments plus caudaux. L’activité de locomotion fictive est induite par la
perfusion d’un mélange d’acide aminé excitateur et de sérotonine sur les segments L1-L2.
B. Activité enregistrée sur les racines ventrales en réponse à l’application de substances neuroactives (d’après [7] ). Deux motoneurones (M) antagonistes sont
enregistrés intracellulairement. rv2d, rv2 g : racine ventrale 2 droite et gauche.

Genèse spinale de la locomotion locomotrice, et notamment sur le réglage de la vitesse de locomo-


tion (et donc de déclencher ou d’arrêter la locomotion).
Deux théories contradictoires ont été formulées au début du Si les expériences de déafférentation, de paralysie ou même
XXe siècle pour expliquer l’origine nerveuse des activités motrices d’isolement ont permis d’identifier l’origine centrale des patrons
rythmiques. La première postule l’existence dans le système ner- locomoteurs, il n’en demeure pas moins qu’elles ne révèlent pas
veux de centres responsables de la coordination et de l’activation la nature des composants du réseau lui-même.
des muscles impliqués dans le mouvement (théorie « centraliste »). Des études sur les interneurones impliqués dans la locomotion
La deuxième hypothèse met en avant le rôle prééminent que ont permis de caractériser des interneurones dits de dernier ordre,
jouent les afférences sensorielles dans le déclenchement d’un qui établissent une connexion monosynaptique avec les moto-
mouvement qui résulterait alors d’un simple enchaînement de neurones. Actuellement, quatre types d’interneurones de dernier
boucles réflexes opposées (théorie « périphéraliste »). ordre ont pu être identifiés fonctionnellement. Les quatre types
Un générateur de rythme est, en neurobiologie, une structure d’interneurones intègrent, en plus des messages sensoriels, des
nerveuse capable de produire et d’organiser, de manière auto- informations en provenance des centres supérieurs [6] et sont actifs
nome, une activité qui se répète à intervalles réguliers, et cela pendant la locomotion.
en l’absence de toute autre influence rythmique (sensorielle ou Depuis quelques années, l’utilisation de préparations réduites
autre). Dans cette perspective, le générateur de rythme peut être de système nerveux central isolé in vitro chez les vertébrés et plus
constitué par une seule cellule (neurone oscillant ou pacemaker) particulièrement chez le rat nouveau-né, a permis de « disséquer »
ou un ensemble de neurones formant un réseau. À la notion de au niveau cellulaire la structure des réseaux nerveux spinaux
générateur de rythme, on peut associer celle de « générateur cen- qui sous-tendent la locomotion et caractériser leur fonctionne-
tral de patrons moteurs » (CPG). Dans ce dernier cas, l’activité ment [7] . Il a été montré chez le rat que les segments thoraciques
nerveuse produite est complexe et résulte de la mise en jeu de bas et lombaires hauts (T13-L2) contiennent les éléments cru-
groupes de neurones différents (agonistes et antagonistes), actifs ciaux pour la genèse de l’activité locomotrice [8] . En outre, les
selon un schéma temporel clairement établi. différents composants de la commande synaptique locomotrice
Il a été montré chez le chat que le programme central est loin ont été identifiés [9] (Fig. 2). Elle consiste en une alternance de
de se limiter à la seule contraction alternée des masses muscu- phases dépolarisantes et hyperpolarisantes corrélées à la période
laires flexogènes et extensogènes (notion d’hémicentre flexogène locomotrice. Durant un cycle d’activité locomotrice, les motoneu-
et extensogène). Lors de la locomotion, des dizaines de muscles rones reçoivent une double commande inhibitrice au travers du
sont activés simultanément avec un certain degré d’individualité. neurotransmetteur glycine. Dans ce cas, l’activité d’un muscle est
Au sein de chaque cycle de pas, chaque muscle possède un créneau inhibée lors de l’activation de son antagoniste ipsilatéral, mais
temporel bien déterminé dans le cycle locomoteur. Le maintien aussi pendant la mise en jeu de son agoniste controlatéral. Cette
d’un bon contrôle de la position du corps et de l’équilibre nécessite partie inhibitrice est suivie d’une phase excitatrice. Les influences
une activation temporelle et spatiale adéquate de tous ces muscles excitatrices reçues par les motoneurones durant la locomotion
et il a été montré que l’on peut conserver, chez l’animal décéré- fictive sont glutamatergiques (Fig. 2).
bré ou spinalisé et curarisé, un patron locomoteur aussi complexe Si de nombreuses données accréditent l’existence de CPG chez
que celui enregistré chez l’animal intact [5] . De plus, il a été mis différents mammifères, ces informations sont plus lacunaires chez
en évidence que la moelle épinière n’avait besoin que d’une exci- l’homme, bien que, depuis une quinzaine d’années, des informa-
tation tonique pour produire de la locomotion. Plusieurs zones tions convergentes de plus en plus nombreuses tendent à montrer
capables de déclencher une activité locomotrice spinale dont la que ces réseaux locomoteurs lombaires de type CPG existent
région locomotrice mésencéphalique (MLR) ont été identifiées. Les aussi (pour revue voir [10] ). Les données les plus convaincantes
centres mésencéphaliques, en « nourrissant » de manière tonique proviennent de patients qui présentent des traumatismes de la
les centres lombaires, n’ont pas à leur fournir d’instructions por- moelle, des paraplégiques présentant des sections complètes de la
teuses de caractéristiques temporelles définies. moelle épinière ; l’application d’une stimulation électrique, met-
L’existence de ces CPG implique une double action des voies tant en jeu les afférences du réflexe fléchisseur (flexor reflex afferents
descendantes : elles agissent soit directement sur les motoneu- [FRA]), induit un réflexe de fléchissement retardé similaire à celui
rones, soit indirectement à travers le réseau. L’action directe sur les que l’on observe chez le chat aigu spinal traité à la L-dopa [11] . Les
motoneurones permet aux influences supraspinales de contrôler caractéristiques de cette réponse peuvent être brièvement résu-
directement des muscles individuels ou des groupes de muscles mées. À la fois chez le chat et chez l’homme, l’apparition d’une
fonctionnellement corrélés, alors que l’action indirecte sur les décharge à longue latence des fléchisseurs est accompagnée d’une
réseaux permet d’agir globalement sur l’organisation de l’activité inhibition présynaptique des afférences Ia.

4 EMC - Neurologie
Fonctions motrices  17-002-D-10

T12 4

T12 6

2s
A B
Figure 3.
1 A. Diagramme expérimental. Le sujet examiné est allongé sur le dos L’électrode
de stimulation épidurale est au-dessus de la moelle épinière (cartouche). Des
2 électrodes d’enregistrement électromyographique de surface sont placées sur
les différents muscles.
B, C. Enregistrements électromyographiques de surface (d’après [14] ). La stimula-
3 tion en T10 (C) induit un patron moteur rythmique irrégulier synchronisé entre
les différents muscles alors que la stimulation en L2 (D), avec des paramètres
identiques, déclenche un rythme moteur beaucoup plus régulier avec des rela-
4 tions temporelles entre les différentes unités qui sont celles observées durant une
activité de locomotion. 1. Quadriceps ; 2. adducteur ; 3. ischiojambiers ; 4. tibialis
anterior ; 5. triceps surae ; 6. knee flexion/extension movement.
5
6

2s
C

La décharge tardive des fléchisseurs est accompagnée d’une primitive » serait la manifestation de réseaux locomoteurs spi-
inhibition de la décharge tardive controlatérale des fléchisseurs. naux innés qui évolueraient ensuite vers une forme plus mature
Cette réponse tardive chez le chat spinal aigu n’apparaît qu’en lors de l’acquisition de la marche [15] . Il existe ainsi un faisceau
présence de L-dopa et s’accompagne d’une dépression du réflexe d’observations qui raffermissent de plus en plus l’hypothèse qu’il
de flexion précoce. Ces observations révèlent des similarités pro- existe chez l’homme des réseaux locomoteurs spinaux capables
fondes dans la circuiterie spinale de base entre l’homme et le de rendre compte de la genèse endogène d’un patron locomo-
modèle animal [10] . Des patients avec une transection totale ou teur complexe. Il n’en demeure pas moins qu’à l’heure actuelle
partielle au niveau cervical peuvent produire des mouvements sauf dans de très rares cas, contrairement à ce que l’on peut obte-
rythmiques du tronc et des membres, déclenchés et modulés nir chez l’animal, on n’a pas trouvé une méthode susceptible
par la stimulation des afférences du réflexe fléchisseur [11, 12] . de « réveiller » ces réseaux spinaux lorsqu’ils sont sous-lésionnels
Chez un patient présentant une lésion partielle de la moelle chez des paraplégiques [16] . Cela peut être lié à une prééminence
épinière, Calancie et al. [13] ont également observé des mouve- des processus supraspinaux chez les primates ou alternativement
ments persistants et coordonnés des membres inférieurs selon un au fait que l’on n’ait pas encore identifié les processus pharmaco-
patron moteur spatiotemporel (fréquence 0,3 Hz) présentant des logiques susceptibles d’activer le réseau locomoteur.
similarités étroites avec une activité locomotrice normale. Ces
observations suggèrent que la moelle épinière, déconnectée des
centres supérieurs, peut générer des activités rythmiques coordon-
nées.
Très récemment, les capacités locomotrices de patients présen-
 Organisation du mouvement
tant une section complète ont été testées par des stimulations et planification de l’action
épidurales de la moelle épinière à différents niveaux de T10 à
S1. Les électrodes quadripolaires insérées dans l’espace épidural Si la mise en jeu d’un mouvement réflexe ou automatique fait
(Fig. 3) permettent d’appliquer des trains de stimulation de 25 à appel à un montage relativement simple, la réalisation d’un mou-
50 Hz d’intensité variable. En réponse à une stimulation tonique, vement intentionnel est très sophistiquée. Aboutissement d’une
dénuée d’information temporelle spécifique, on peut enregistrer série d’étapes computationnelles, il s’appuie sur des structures ner-
des activités électromyographiques comparables à celles observées veuses insérées dans des réseaux ou circuits. Ainsi parle-t-on de
durant une locomotion normale ainsi que des mouvements des planification de l’action. Celle-ci peut se représenter par le schéma
membres inférieurs stéréotypes. Cette stimulation n’est effective de la Figure 4.
que lorsqu’elle est délivrée au niveau du segment lombaire L2 [14] . Il est important de noter que si certaines fonctions incluses
Un certain nombre d’autres arguments indirects contribuent dans cette « concaténation » renvoient à des structures primaires
à accréditer l’existence de CPG chez l’homme. On peut citer la sensorimotrices (cortex moteur, cortex somesthésique), d’autres
présence de mouvements périodiques des jambes observés durant relèvent de processus cognitivo-comportementaux (cortex pré-
le sommeil. L’origine spinale de ces activités est étayée par le moteur, cortex préfrontal et cortex pariétal) (Fig. 5). De surcroît,
fait qu’on les observe également chez des sujets présentant une cet ensemble fonctionne, essentiellement, sur le mode de « boucle
section totale de la moelle épinière. De la même façon, la pré- fermée ». Les afférences sensorielles somesthésiques informent en
sence chez les nouveau-nés de mouvements de « marche réflexe retour tant les aires primaires qu’associatives.

EMC - Neurologie 5
17-002-D-10  Fonctions motrices

Mémoires Structure centrale Commande


de commande motrice

Indices internes
Rétrocontrôle Copie
Initiation Structure perceptive
périphérique efférente
Attention Intention Programmation motrice Décision

Capteurs Cible effectrice


Indices externes

Exécution Figure 6. Rétrocontrôle périphérique et copie efférente. Le message


moteur quitte la structure centrale de commande pour atteindre la
Motivation Succès cible effectrice. La réalisation du mouvement active des capteurs qui en
Erreur « retour » informent les structures perceptives et motrices (rétrocontrôle
périphérique ou feedback). Mais le centre de la structure perceptive est
Attente informé « en anticipation » du mouvement par une copie du message
Espoir moteur (copie efférente, décharge parallèle ou corollaire ou feedforward).
Le centre de la structure perceptive est un lieu de comparaison entre ce
Figure 4. Schéma de la planification de l’action. qui est envoyé (ou attendu) et ce qui est accompli. Véritable « détecteur
d’erreurs » il agit sur la structure centrale de la commande pour apporter
la correction. La structure perceptive correspond pour partie aux cellules
kinesthésiques dites « neurones d’idée » dans la « théorie motrice de la
Le choix du ou des programmes est intimement lié au
perception » de W. James (d’après Von Holst et Mittelstaedt, cité par A.
« travail central » accompli par les structures associatives (cor-
Berthoz) [20] .
tex préfrontal, cortex cingulaire antérieur, cortex pariétal
postérieur) dans un contexte motivationnel. Ce dernier fait
intervenir le système dopaminergique mésencéphalique (sys-
tèmes méso-cortico-limbique et nigrostriatal) qui transite, via
l’hypothalamus latéral, par le faisceau médian du télencéphale  Cortex moteur
(FMT) [17–19] . Le programme choisi correspond à une classe géné-
rale de réponses motrices adaptées au but motivé. Le lien entre circonvolution frontale ascendante et cortex
Dans la sélection des programmes, le rôle des « réafférences » est moteur se confond avec l’histoire de la neurologie et de
majeur. Ces dernières ont une double origine : celles provenant de la neurophysiologie. Les anatomocliniciens rapportent, selon
la périphérie (rétrocontrôle ou feedback) et celles issues de la copie la nature lésionnelle : destruction ou irritation du cortex
de l’efférence motrice (décharge corollaire ou parallèle ou feed- moteur, des tableaux symptomatiques caricaturaux survenant
forward [20, 21] ). La comparaison entre ces deux sortes de messages dans l’hémicorps controlatéral. À la destruction correspond
autorise, ou non, une correction entre ce qui est attendu (copie l’hémiplégie, à l’irritation l’épilepsie motrice focale. Mais ce sont les
efférente) et obtenu (rétrocontrôle périphérique). Cette opération expériences d’ablation et de stimulation chez le singe qui pré-
correctrice règle le gain, modifie, adapte le programme en cours cisent de façon plus fine les caractéristiques fonctionnelles de ce
(Fig. 6). territoire prérolandique qui devient l’aire 4 dans la classification
Les copies d’efférences motrices informent les structures de Brodman et MI dans celle de Von Economo [23, 24] .
cortico-sous-corticales (cortex pariétal, ganglions de la base, cer- Le cortex moteur est un isocortex constitué de deux couches
velet, etc.) en anticipation de l’exécution d’un geste (Fig. 7). Elles de neurones pyramidaux glutamatergiques, une superficielle conno-
contribuent à ce que le sujet « s’autoattribue » un mouvement. tée III avec des axones courts, une profonde connotée V dite des
L’interruption de ces signaux centraux instaure un état patholo- grandes cellules pyramidales de Betz avec des axones très longs.
gique où le patient a le sentiment qu’un autre fait le mouvement Ces derniers contribuent à la formation de la voie corticospinale
à sa place. Ce trouble s’observe dans le « délire d’influence » de ou voie pyramidale (Fig. 5). Une microcircuiterie corticale incluant
certains schizophrènes [22] . des interneurones acide γ-aminobutyrique (GABA)ergiques contrôle

3 1 2 3 1 2

6 4 5 6 4
8 8 5
7
9 7a 7
9

40 24 33 23 31
7b 39
10 46 19 10 19
44 32
43
41 30 18
47 52 42
45 18
22 11 25
37 17
11 17
38 21 34 18
28 37
38 35 19
36
20 A 20 27 29 26 B
Figure 5. Aires corticales primaires et associatives impliquées dans la planification de l’action (A, B). La numérotation correspond à la classification de
Brodman. Cortex moteur : aire 4 (MI ) ; cortex somesthésique : aires 3, 1, 2 (SI ) ; cortex prémoteur : aire 6 (face latérale), aire motrice supplémentaire : aire
6 (face mésiale) ; aire frontale oculocéphalogyre : aire 8. Secteur préfrontal : cortex dorsolatéral préfrontal : aire 46, 45, 9 et 10, cortex orbitofrontal 47, 25,
11 et 10. L’aire 10, inscrite dans les pointillés, est commune à ces deux territoires. Cortex cingulaire antérieur : aire 24 c, 32 (face mésiale). Secteur pariétal :
cortex pariétal postérieur : aires 5 et 7 (7a et 7b) élargies aux aires 39 et 40 (d’après [91] ).

6 EMC - Neurologie
Fonctions motrices  17-002-D-10

Planification et Exécution
programmation Cortex pariétal
de l'action postérieur

Cortex Cortex
MI SI
préfrontal prémoteur

Thalamus Thalamus
Thalamus ventral latéral ventro-postéro-latéral
Néocervelet
Noyaux
rouges -
Paléocervelet
Ganglions noyaux
de la base vestibulaires

Moelle
Boucle
A8, A9, A10 interne
Muscles
Boucle de
rétrocontrôle
Tonus périphérique
Posture
Mouvement

Figure 7. Schéma de l’organisation centrale du mouvement. Deux ensembles structuraux interconnectés assument la planification et la programmation,
d’une part, et l’exécution, d’autre part. Les structures de planification (commande) et de programmation incluent le cortex préfrontal (CPF) élargi et le cortex
pariétal postérieur (réseau pariétofrontal). Les cortex prémoteurs (aires prémotrices et motrice supplémentaire) jouent un rôle dans la programmation et
le transfert des messages vers le cortex moteur (MI ) et le versant exécutoire. Les secteurs préfrontaux et prémoteurs sont régulés, via le thalamus, par le
néocervelet et les ganglions de la base (GB). De surcroît, les systèmes dopaminergiques mésencéphaliques (A8, A9, A10) modulent les GB et les secteurs du
CPF (voies oranges). MI (aire 4) envoie les messages moteurs vers la moelle (motoneurones) et les muscles. L’exécution de ceux-ci génère « en retour » des
informations (boucle de rétrocontrôle périphérique) qui gagnent le paléocervelet et le cortex somesthésique (SI : aires 3, 1, 2). La boucle transcorticale « se
ferme » sur MI . MI informe « en anticipation » par des « copies d’efférences » (flèche en pointillés) SI et GB. Le paléocervelet, informé par une boucle interne
de la situation spinale, contribue à la gestion et la correction des programmes en modulant MI via le thalamus. Surtout, il agit par le noyau rouge et les
noyaux vestibulaires sur l’excitabilité des motoneurones ␣ et ␥ (régulation centrale du tonus et de la posture).

l’activité des cellules pyramidales. Un hypofonctionnement géné- cylindrique, comme l’ensemble neuronal contrôlant un même
tique ou acquis de ces interneurones favorise l’épileptogenèse. mouvement controlatéral [27] . De surcroît, les colonies corticales
Depuis les travaux de Ward chez le macaque et de Penfield, reçoivent des informations somesthésiques précises des segments
chez l’homme, on connaît la carte somatotopique de M1 [25] . Cette ou des articulations dont elles gouvernent les mouvements. Il
organisation des cellules pyramidales forme l’homunculus (Fig. 8). existe un « couplage serré » entre les neurones pyramidaux et les
Le versant dorsomédian est à l’origine des fibres corticospinales champs récepteurs périphériques (Fig. 8).
impliquées dans la motricité du membre inférieur (ou postérieur), Un neurone pyramidal peut faire synapse avec plusieurs popula-
elles se terminent au niveau du plexus lombaire. Le versant dorso- tions de motoneurones synergiques. Enfin, Humphrey et Tanji ont
latéral, dans son segment supérieur, est à l’origine des fibres liées induit, par stimulation, des contractions musculaires de muscles
à la motricité du membre supérieur (ou antérieur) se terminant antagonistes, processus apte à fixer une articulation [28] .
dans le plexus cervical. Le segment inférieur donne naissance aux La voie corticospinale pyramidale a fait longtemps l’objet de
fibres liées à la motricité cervicofaciale et s’articule dans le tronc controverses. Classiquement, pour les anatomistes et les clini-
cérébral, avec les noyaux moteurs des nerfs crâniens appropriés ciens, elle est dite deutoneuronale avec une synapse dans la corne
soit par le faisceau géniculé pour les nerfs : V, VII, IX, X, XI, XII, antérieure de la moelle épinière. Le deutoneurone est le moto-
soit, par la voie oculocéphalique (pes lemniscus), pour les nerfs III, neurone ␣. Son organisation hodologique fait appel à un faisceau
IV, VI et XI médullaire. croisé (75 % des fibres) qui décusse au niveau des pyramides bul-
La représentation somatotopique, en termes de « quantité neu- baires et à un faisceau direct (25 % des fibres) qui croise au niveau
ronale », est proportionnelle à l’importance fonctionnelle du du métamère où il pénètre dans la corne antérieure. Il existe
territoire somatique. La quantité de neurones corticaux qui repré- quelques fibres strictement homolatérales [29] .
sente, chez l’homme, la main ou la région buccofaciale est très Les travaux de neuroanatomie (dégénérescence, marquages
supérieure à celle dévolue, par exemple, à l’épaule, au coude ou au anté- et rétrogrades, électroanatomie) révèlent qu’un pourcen-
pied. Alternativement, chez le singe, la représentation des mains tage relativement faible de fibres pyramidales s’articule de façon
et des pieds sur le simiusculus est nettement moins disparate. La monosynaptique avec les motoneurones ␣ de la zone IX de Rexed.
capacité de manipulation avec les pieds, chez le primate non Ce pourcentage est de l’ordre de 3 à 5 % chez l’homme et les
humain, est en cohérence avec ces données d’anatomie fonction- singes hominiens. Il n’est plus que de 0,5 % chez le macaque.
nelle. Ainsi, la plupart des axones pyramidaux s’articulent avec des inter-
Les expériences de stimulation du cortex moteur ont apporté neurones spinaux ou des neurones propriospinaux. Leur action
des notions successives sur l’organisation de la voie corticospi- s’exerce sur des circuits réflexes ou précablés de la moelle.
nale. Chang est un des premiers à proposer une théorie : celle
du « clavier cortical ». Au sein de l’homunculus ou du simiusculus
moteur, chaque muscle est représenté par un ensemble neuronal Motricité pyramidale et motricité
précis. Dès que les méthodes de stimulation sont mieux maî- extrapyramidale
trisées, la représentation en termes de « muscles » est remplacée
par une organisation en termes de « mouvements ». Grâce à la Les données anatomiques, physiologiques et cliniques ont
microstimulation intracorticale, Phillips définit « la colonie », de contribué à différencier, voire à opposer, ces deux concepts.
forme parallélépipédique [26] , et Asanuma la « colonne », de forme La lésion du cortex moteur chez l’homme entraîne un tableau

EMC - Neurologie 7
17-002-D-10  Fonctions motrices

5 6 7 8 9

10
4 11
3 12
13 3 4 5 10 15
12
2 14 13
1

15
16
17
18
19
20
21

22
Pouce
23
Extension
24
Flexion
25 Adduction
1 mm Abduction
A B
1 Figure 8. Organisation fonctionnelle du cortex moteur. 1. Orteils ; 2. cheville ; 3. genou ; 4. hanche ;
5. tronc ; 6. épaule ; 7. coude ; 8. poignet ; 9. main ; 10. auriculaire ; 11. annulaire ; 12. majeur ; 13.
index ; 14. pouce ; 15. cou ; 16. sourcil ; 17. paupière et œil ; 18. face ; 19. lèvres ; 20. joue ; 21. langue ;
22. déglutition ; 23. mastication ; 24. salivation ; 25. vocalisation.
2 A. Somatotopie de l’aire motrice chez l’homme (d’après Penfield [25] ). L’homunculus est représenté sur
une coupe schématique transversale de l’aire 4.
B. Microstimulation et enregistrement unitaire du cortex moteur chez le singe (d’après Rosen et Asa-
numa [27] ). Lors d’une pénétration d’électrode (traits verticaux) la stimulation produit des effets moteurs
précis observés au niveau du pouce (symboles). Les neurones pyramidaux enregistrés le long de ce même
trajet (points) possèdent des champs récepteurs circonscrits (figurines) sur le doigt.
C. Représentation multiple du même mouvement dans l’aire de l’épaule (d’après [24] ). Les « colonies » (1)
C représentent la zone des cellules pyramidales contrôlant le même mouvement élémentaire. La « colonne »
(2) correspond à l’unité anatomofonctionnelle verticale du cortex.

caractéristique avec hémiplégie controlatérale, flaccidité, signe de Dans les années 1960, Evarts enregistre l’activité des neurones
Babinski, dépression des réflexes cutanés. Dans un second temps pyramidaux au cours d’un mouvement précis (flexion/extension
s’instaure une spasticité avec des réflexes vifs. Les mouvements du poignet) chez le singe [21, 23] . Il ressort de ces investigations
qui réapparaissent sont, en général, des synergies en flexion ou un certain nombre de principes fonctionnels. Les neurones de
en extension et touchent l’ensemble d’un membre. La motilité l’aire 4 modifient leur activité de 100 à 150 ms avant le début du
fine des extrémités et surtout de la main ne récupère pas. mouvement (DM). Leurs patrons de décharge présentent une
La section des pyramides chez le singe n’abolit pas organisation réciproque, ils sont activés dans un sens et inhibés
complètement les mouvements distaux si ce n’est l’opposition dans l’autre. Par la suite, on montre que le codage des paramètres
pouce-index. Des données partiellement comparables sont cinématiques et cinétiques (amplitude, durée, vitesse, accéléra-
rapportées chez l’homme (section accidentelle des pyramides tion, etc.) est inscrit dans la bouffée d’activité qui précède le
bulbaires), mais la lésion n’est jamais aussi pure qu’en situation DM (Fig. 9A). Les neurones pyramidaux de l’aire 4 codent davan-
expérimentale chez le primate subhumain [29] . Ces données tage la force que la direction. Plusieurs expériences [31] révèlent
ont conduit M. Hines à distinguer : idiocinèse et holocinèse [3] . La que lors de l’exécution d’un mouvement contre une résistance
première ou motricité idiocinétique (ou téléocinétique) est liée au périphérique, la fréquence de décharge neuronale augmente en
système pyramidal « stricto sensu » (deutoneuronal) apparaissant fonction de la charge appliquée sur le manipulandum (phéno-
tard dans la phylogenèse. Elle est dévolue aux tâches motrices mène dit de « compensation de charge ») (Fig. 9B). Mieux que la
volontaires fines et distales. Elle intervient dans l’apprentissage force, les cellules pyramidales contrôleraient la « raideur », c’est-à-
et lors de l’exécution des mouvements à haut degré de finalité dire le rapport entre la force exercée et le déplacement résultant
(téléocinèse). La seconde, ou motricité holocinétique, est liée au d’une articulation donnée.
système incluant les voies extrapyramidales. Kuypers en précise Au-delà de la capacité codante qu’exercent les neurones de
l’hodologie [30] : l’aire 4 sur les muscles impliqués dans un mouvement précis,
• les voies médianes responsables de la motricité proximale et il semble plus pertinent de retenir le concept de contrôle de
de soutien avec les voies vestibulospinales, réticulospinales et « synergie motrice ». Cette synergie revêt une vraie spécificité
tectospinales et une partie de la voie pyramidale (plurisynap- fonctionnelle. Tel neurone est actif pour une saisie manuelle de
tique) ; précision (precision grip) et demeure silencieux pour une préhen-
• les voies latérales pour la motricité distale avec la voie rubros- sion privilégiant la force (power grip).
pinale (partie parvocellulaire) et une fraction de la voie Aux précédentes caractéristiques : mouvements plus que
pyramidale. La motricité holocinétique renvoie à des mou- muscles, synergie mieux que mouvement, adaptation de la syner-
vements globaux et semi-volontaires. Elle implique, dans gie au contexte, il faut ajouter le codage vectoriel de la direction
l’exécution d’un mouvement volontaire, les séquences du pro- du mouvement par une population neuronale. Georgopoulos [32] ,
gramme qui se déroule de façon automatique (Fig. 7). pour élucider ce problème, entraîne des singes à déplacer un

8 EMC - Neurologie
Fonctions motrices  17-002-D-10

30°

A
1
2 B 4 4 C
500 ms 500 ms

n = 13
Neurone

Neurone Force
Force 1.0N
1.0N
500 ms
D E
Figure 9.
A, B. Enregistrement d’un neurone pyramidal de l’aire 4 chez le singe au cours d’un mouvement de l’avant-bras autour du coude (d’après Bioulac [31] ).
Partie supérieure : activité du neurone (raster display) ; chaque ligne horizontale correspond à l’activité neuronale pendant un mouvement ; chaque trait
vertical correspond à un potentiel d’action. Partie moyenne : histogramme de fréquence de décharge du neurone (largeur de classe : 20 ms). Partie inférieure :
mécanogramme : tracé correspondant à la moyenne des mouvements effectués. La ligne verticale superposée sur les trois parties indique le moment où
commence le déplacement. Noter que ce neurone augmente son activité avant le début de la flexion (2), en revanche, il est inhibé avant le début de
l’extension (1) (organisation réciproque).
C à E. Activité d’un neurone de l’aire 4 en relation avec la force du mouvement (d’après [94] ). Tâche effectuée (C) : pression du pouce et de l’index sur une
capsule de force. 3. Électrode électromyographique ; 4. capteur de force. Réponse unitaire (D) d’une cellule pyramidale pendant la tâche et variation de la
force exercée. Chaque potentiel d’action est représenté par un point (raster display) (E). Les essais successifs sont présentés sur la même figure et soulignent
la constance des changements d’activité. 1. On : microstimulation appliquée.

levier vers une cible lumineuse dont la position varie autour privilégiée du neurone et direction vers la cible, l’activité neu-
d’un cercle (Fig. 10). Les neurones de l’aire 4 déchargent de façon ronale est maximale. Il s’agit d’une forme « d’accord » (tuning).
plus intense lorsque le mouvement est effectué dans une direc- Alternativement, si direction privilégiée et direction vers la cible
tion particulière. Il teste huit directions. Il conclut que chaque sont à l’opposé, la décharge est minimale. Quand les deux
cellule modifie son activité pour une direction privilégiée. Il défi- axes ne sont pas parallèles, la réponse est fonction de leur
nit un vecteur de direction. S’il y a concordance entre direction écart.

EMC - Neurologie 9
17-002-D-10  Fonctions motrices

Figure 10. Activité neuronale du cortex moteur


et orientation du mouvement (d’après [32] ). Ce
neurone de l’aire 4, comme le montrent les ras-
1 2
ter displays, présente une augmentation d’activité
90° pour les directions orientées de 225◦ à 360◦ . Sa
direction privilégiée (vecteur) est de 270◦ . Ce vec-
teur privilégié unitaire sert à définir le vecteur de
180° 0° population. 1. Présentation de stimulus ; 2. début
du mouvement.

270°

En outre, si les neurones possèdent un vecteur de direction pri-


vilégié, ils modifient leur activité pour des mouvements variant 1 4
5
de plus ou moins 45◦ par rapport à la direction préférentielle. Il est
donc plus pertinent de déterminer, pour chacune des huit direc-
tions, un « vecteur de population » en « combinant » le vecteur
de direction de chaque neurone. Cette compétence originale des
neurones ou des populations neuronales de l’aire 4 contribue à
l’anticipation d’un mouvement en réponse à un signal qui évolue
dans l’espace et le temps. 6 7
Dans cette situation expérimentale, le singe est obligé de redé-
2
finir, chaque fois, la direction de son geste vers la cible. Cette
fonction est assurée dans l’aire 4 par la population ou carte neu-
ronale qui change son vecteur selon la nouvelle orientation et ce,
en anticipation du mouvement à venir. Il s’agit d’une « rotation
mentale » qui prédit la réorganisation du geste [22] . Ces observa-
tions extirpent le cortex moteur de la « simple ornière exécutoire »
et l’installent dans un statut plus cognitif qui intervient dans la
planification spatiale des trajectoires. 8

 Kinesthésie 3

Récepteurs et messages
Dans son livre Le Sens du mouvement, Berthoz estime qu’il s’agit
là d’un cinquième sens et qu’il faut l’ajouter au toucher, à la
vision, à l’audition, au goût et à l’olfaction. Le terme de kinesthésie
existe, pourtant, depuis longtemps [20] . De ␬␫␯␩␴␫ς : mouvement et
␣␫␴␪␩␴␫ς : sensation, il est utilisé par les cliniciens et fondu dans
la sensibilité proprioceptive. C’est une conception trop restrictive. Figure 11. Récepteurs (ou capteurs) sensoriels impliqués dans la
La kinesthésie renseigne notre système nerveux central, de façon kinesthésie (d’après Berthoz) [20] . 1. Récepteurs visuels ; 2. récepteurs mus-
consciente et/ou inconsciente, via un ensemble de récepteurs culaires ; 3. récepteurs musculoarticulaires ; 4. récepteurs vestibulaires ;
ou capteurs, sur l’activité cinétique produite par nos membres, 5. canaux semi-circulaires ; 6. otolithes ; 7. cochlée ; 8. récepteurs cutanés.
notre extrémité céphalique et notre tronc. À cette analyse per-
ceptive des mouvements de notre corps, il faut ajouter celle qui
concerne la détection du mouvement propre du corps induite par
un déplacement visuel. On dénomme cette illusion « vection », Les récepteurs de la proprioception sont les fuseaux neuro-
elle fait appel à la « fonction proprioceptive de la vision ». La musculaires placés en parallèle des fibres musculaires striées
Figure 11, empruntée à Berthoz, résume la nature des capteurs sen- squelettiques. La mise en jeu, par étirement, de ces fuseaux est,
soriels impliqués dans la genèse de la kinesthésie. Cette fonction nous l’avons vu, à l’origine du réflexe myotatique, mais, par la
concerne l’ensemble des mouvements qu’ils soient volontaires, voie lemniscale, ils contribuent à la perception consciente du
automatiques ou réflexes. De plus, les capteurs détectent autant mouvement. Leur stimulation, par un diapason ou un vibra-
les mouvements actifs que passifs. teur, active les neurones de l’aire 3a et fait émerger un percept
Deux grandes catégories de récepteurs contribuent à (ou illusion de mouvement) avec une double composante, un
l’information du système nerveux central sur les mouvements du changement de position du membre et une vitesse de déplace-
corps. Les récepteurs somesthésiques de la proprioception — et à ment. Mieux encore, la volonté ou l’intention induit l’activation
moindre degré ceux du tact — mesurent les mouvements relatifs des motoneurones ␥ qui innervent et étirent les fuseaux. Il
des segments corporels entre eux. Les récepteurs du système s’ensuit un percept identique et une simulation du mouvement.
vestibulaire autorisent la perception centrale de mouvements Ce mécanisme d’anticipation permet, en modulant les propriétés
complexes, véritables programmes finalisés comme : locomotion, dynamiques des fuseaux, de mieux adapter le mouvement à son
marche, saut, course, nage, vol, etc., ils traitent les mouvements contexte. Les récepteurs de Golgi situés dans les tendons, en série
absolus de la tête et du corps dans l’espace. Ces capteurs mesurent avec les muscles, mesurent la force ou mieux son augmentation
les forces d’inertie [20] . brusque (dérivée). Les messages conduits par les fibres Ib exercent,

10 EMC - Neurologie
Fonctions motrices  17-002-D-10

via un interneurone, une inhibition des motoneurones ␣. Ce cir-


cuit, base du réflexe myotatique inverse (Lloyd et Laporte), est un 1
possible système de protection contre une tension anormale. Les 9
récepteurs du tact sensibles à la pression (récepteurs de Paccini et
Meissner) participent à la perception globale des forces. Enfin, les
récepteurs articulaires localisés dans les articulations renseignent 2
10
les centres sur la position spatiale tant statique que dynamique 3 11
des segments de membres (stéréognosie). 4
Les récepteurs vestibulaires fonctionnent tous comme des accé- 12
léromètres. Ils mesurent la dérivée seconde (d2 ) du déplacement, 13
5
qu’il s’agisse de l’accélération positive ou de la décélération (frei-
6
nage ou accélération négative).
Les trois canaux semi-circulaires sont sensibles au déplacement 7 14
angulaire survenant dans un des plans définis par les trois coor- 8 15
données spatiales. Le canal horizontal (ou latéral) est sensible à 16
l’accélération angulaire détectée dans le plan horizontal, le canal
postérieur à celle survenant dans le plan frontal (ou transversal)
et le canal supérieur (ou antérieur) à celle survenant dans le plan
sagittal. 17
Les organes otolithiques (utricule et saccule) sont des capteurs qui
mesurent l’accélération linéaire : l’utricule détecte l’accélération
horizontale et le saccule celle survenant dans le plan vertical. De
plus, ces récepteurs, surtout le saccule, en mesurant la force de gra-
vité dans le plan vertical, déterminent l’inclinaison statique de la 18
tête (inclinomètre). L’information provenant du système vestibu- 19
20
laire gagne, via le nerf vestibulaire (VIII), les noyaux vestibulaires 21
du tronc et contribue à la mise en jeu de réflexes favorisant la
stabilisation de la posture et celle du regard. Figure 12. Organisation anatomofonctionnelle du thalamus
La stabilisation posturale s’opère via la voie vestibulospinale et (d’après [33] ). Les subdivisions du complexe ventrobasal nécessitent
les précisions suivantes : le noyau ventral latéral est formé des noyaux
ses interactions avec les motoneurones ␥ et ␣. À cette stabilisa-
ventralis lateralis oralis afférenté par le globus pallidus (GPi) et ven-
tion d’origine vestibulaire s’ajoute le contingent d’informations
tralis lateralis caudalis afférenté par le cervelet. La partie antérieure
provenant des récepteurs fusoriaux situés dans les muscles du cou
du noyau ventropostérolatéral doit être distinguée en noyau ventralis
qui afférentent les noyaux vestibulaires, mais aussi le noyau rouge
postero-lateralis. C’est un noyau moteur afférenté par le cervelet et qui
(partie magnocellulaire) et certains noyaux réticulaires.
correspond, chez l’homme, au noyau ventral intermédiaire (VIM). Le
La stabilisation du regard s’appuie sur des réflexes d’origine ves-
noyau X, relais cérébelleux, est situé de façon plus interne que le VIM.
tibulaire, en particulier le réflexe vestibulo-oculaire. Ce dernier se
1. Noyaux antérieurs ; 2. noyau dorsolatéral (aires pariétales) ; 3. noyau
caractérise par le fait que l’œil fait un mouvement en sens opposé
ventral antérieur ; 4. noyau latéral postérieur ; 5. noyau ventral latéral ;
à celui de la tête. Cette opération évite le « glissement » des images
6. afférences du GPi et de la substance noire p.r. ; 7. noyau ventral
sur la rétine. Un autre réflexe dit optocinétique amène la tête à suivre
postérolatéral vers le cortex somesthésique ; 8. afférences cérébelleuses ;
la direction de la saccade oculaire. Il trouve ses bases neuronales
9. noyau dorsomédian (aires préfrontales olfaction) ; 10. noyaux intrala-
dans le système optique accessoire.
minaires ; 11. lames (cloisons) internes et externes (système laminaire) ;
Une part, enfin, des messages vestibulaires rejoint, via la ban-
12. commissure interthalamique (adhesio) ; 13. noyau ventromédian
delette longitudinale postérieure et le thalamus, le cortex dit
(aires préfrontales) ; 14. noyau ventral postéromédian ; 15. afférences
« vestibulaire » (CIVP) situé dans le cortex pariétal postérieur
somesthésiques céphaliques ; 16. afférences somesthésiques somatiques ;
(aires 5 et 7). Ce secteur neuronal assure la perception consciente
17. pulvinar ; 18. afférences rétiniennes puis voies vers le cortex visuel
des mouvements de la tête et du corps dans l’espace.
(17, 18) ; 19. noyau géniculé latéral (corps genouillé latéral) ; 20. noyau
La vision du mouvement est l’autre élément fort de la kinesthé-
géniculé médian (corps genouillé médian) ; 21. afférences auditives puis
sie [20] . Celle-ci implique la détection visuelle des formes et objets
voies vers le cortex auditif primaire (41, 22).
mobiles, la perception de la poursuite oculaire et la perception du
mouvement propre (vection).
La détection visuelle des objets mobiles relève de la voie optique
principale (rétine, corps genouillé latéral, cortex visuel). Dans ces
différents secteurs existent des neurones sensibles au mouvement au sujet, soit du sujet par rapport à l’environnement. Dans la
et à sa direction (cellules ganglionnaires, couche magnocellulaire simple détection du mouvement d’un objet, la rétine code le glis-
et aire V3 ). Les informations visuelles gagnent ensuite les neurones sement rétinien, mais dans cette situation, l’image se déforme
de V5 (ou MT) qui codent davantage que des déplacements selon et constitue le « flux optique » [20] . Dans le même temps, les
de simples coordonnées cartésiennes. récepteurs vestibulaires détectent les accélérations de la tête.
Ils sont, en effet, aptes à détecter une vitesse de déplacement du Les deux types de messages visuels et vestibulaires fusionnent
stimulus [33] . Une lésion spécifique de l’aire V3 , et a fortiori de V5 , au niveau du cervelet [34] . Ce dernier, via une voie cérébello-
entraîne une akinétopsie. Le sujet ne perçoit plus le mouvement des ponto-motoneuronale oculaire, produit les corrections posturales
objets. L’étage cortical suivant, l’aire médiotemporale supérieure appropriées (réflexe optocinétique). Mais l’information céré-
(MTS), possède des neurones à influences plurimodales : visuelles, belleuse ainsi traitée (fusion des coordonnées rétiniennes et
proprioceptives et vestibulaires. Ils projettent sur le cortex pariétal vestibulaires) gagne, via le thalamus, le cortex pariétal (CIVP).
postérieur (aires 5 et 7). À ce niveau est mis en jeu le déplacement mental du « schéma
La poursuite oculaire d’un objet en mouvement (visual tracking) corporel » dans l’environnement.
implique la présence de la fovea et apparaît tardivement dans la
phylogenèse. Les voies afférentes sont celles de la voie optique
principale jusqu’au cortex pariétal (aires 7a et 7b). Ce système
détecte des mouvements assez lents (0,1 à 1 Hz).  Thalamus
La perception du mouvement propre (ou vection) s’opère grâce
au système optique accessoire. Cette fonction, longtemps mécon- Le thalamus, véritable plaque tournante, distribue les infor-
nue, sous-tend l’émergence de la perception du « mouvement mations sensorimotrices entre moelle, tronc cérébral, cervelet,
propre du corps » induite par le déplacement visuel. Le déplace- ganglions de la base (GB) et aires corticales à fonctions motrices
ment « inducteur » provient soit de l’environnement par rapport (Fig. 12).

EMC - Neurologie 11
17-002-D-10  Fonctions motrices

Le thalamus « moteur » est formé par le complexe ventro-


basal où existe une ségrégation des messages afférents. Ceux AMS
provenant des structures de sortie des GB : globus pallidus inter-
(-)
nalis (GPi) et substance noire pars reticulata (SNr) rejoignent
la partie rostrale (ventroantérieure [VA], ventralis lateralis oralis
1 2
[VLo]), ceux issus du cervelet la partie caudale (ventralis lateralis
caudalis [VLc], ventralis postero-lateralis [VPLo] ou ventral inter-
médiaire [VIM]). Les projections thalamocorticales atteignent
essentiellement les aires prémotrices (AMS), mais aussi le cor-
tex primaire (MI ). Le noyau X, relais cérébelleux, afférente l’aire
pré-AMS.
Le thalamus « sensitif » est constitué du noyau ventral posté- 5
rieur (VP) avec deux secteurs : ventro-postéro-latéral (VPL) (ou 3
VPLc) : afférences somesthésiques des membres et du tronc, 4
ventro-postéro-médial (VPM) : afférences faciales et céphaliques.
Les afférences vestibulaires font relais dans le VPLc. La voie tha-
lamocorticale projette sur SI et aussi sur les aires 5 et 7 du cortex
pariétal postérieur.
Le thalamus « visuel » est formé par les corps genouillés latéraux
(CGL) (voie optique principale) et le pulvinar. Les informations γ
visuelles, après avoir fait relais dans ces noyaux, gagnent les aires
visuelles corticales. Certains messages d’origine vestibulaire font α
relais dans les CGL et également dans les corps genouillés médians Figure 13. Boucle transcorticale. Ce schéma représente à la fois la
(CGM) (thalamus auditif). boucle myotatique et la boucle transcorticale. AMS : aire motrice sup-
Plusieurs noyaux thalamiques « associatifs » participent au plémentaire. 1. 3a : aire somesthésique ; 2. cortex moteur ; 3. muscle strié
transit des informations sensorimotrices. Plus particulière- squelettique ; 4. fuseau neuromusculaire ; 5. Ia fibre afférente.
ment, les noyaux dorsolatéraux vers les aires pariétales et les
noyaux dorso- et ventromédians vers le cortex préfrontal. Les
noyaux antérieurs sont directement connectés au cingulum
antérieur. Après déafférentation du membre entraîné, par rhizotomie dor-
Le thalamus « aspécifique », grâce au noyau réticulaire (NRT) sale, on n’observe aucune variation d’activité des neurones de
du système laminaire, intervient dans la physiologie et la phy- l’aire somesthésique pendant le mouvement [31] .
siopathologie de l’éveil cortical nécessaire au comportement Le patron de décharge de la cellule postcentrale possède une
moteur. Les neurones du NRT ont des vertus « pacemaker ». « organisation réciproque », activation dans le sens de l’extension
Ils peuvent engendrer des bouffées de potentiels d’action à un et inhibition dans celui de la flexion. Les remarques sur cette
rythme de 1 ou 2 Hz. En outre, il existe un circuit formé par les « organisation réciproque » sont superposables à celles faites pour
neurones pyramidaux glutamatergiques du cortex, les neurones les patrons de décharge cellulaire de l’aire 4. De plus, les cellules
GABAergiques du NRT et des neurones gluatamatergiques tha- du cortex somesthésique sont parfaitement « renseignées » tant
lamocorticaux (somatosensoriels). Lors d’une « déafférentation sur la position que sur les différents paramètres du mouvement
sensorielle » (endormissement), les neurones thalamiques se syn- (amplitude, vitesse). Il existe des corrélations entre la fréquence
chronisent au rythme du NRT, il en résulte les spindles à de décharge de ce neurone de l’aire 2 (neurone lié à l’articulation
l’électroencéphalogramme (EEG) [35] . Cependant, en situation du coude) et respectivement :
pathologique, ces triades génèrent des pointes-ondes à 1 Hz et, au • la position de l’articulation (fléchie ou étendue) ;
plan clinique, une suspension de l’action en plein éveil ou « petit • l’amplitude du mouvement effectué.
mal ». Cette boucle de rétrocontrôle contribue à la fois à renseigner le
cortex somesthésique sur le mouvement en cours et à en réguler
les paramètres par rapport au message initial du cortex moteur.
Mais l’aire SI reçoit également des informations provenant des
 Cortex somesthésique fuseaux neuromusculaires. Les messages issus des récepteurs intra-
fusoriaux primaires et secondaires atteignent l’aire 4 via l’aire 3a
Le sens des positions (stéréognosie) et celui du mouvement de SI . Il se forme une boucle transcorticale sur laquelle repose
(kinesthésie), dans leur émergence à la conscience, impliquent l’organisation du réflexe dit « transcortical ». Ce dernier reçoit
l’intervention du cortex somesthésique ou postcentral (aires 3, 1, parfois la dénomination de réflexe myotatique projeté au cortex
2 ou SI) (Fig. 5). Cet isocortex granulaire pariétal est largement (ou functionnal stretch reflex). L’application d’un étirement à un
afférenté sur les sensations somatiques controlatérales par les muscle au cours du mouvement ou du maintien d’une posture
principales voies ascendantes : voie lemniscale et faisceaux néospi- permet d’enregistrer dans l’activité musculaire trois réponses M1 ,
nothalamiques. Les informations rejoignent ensuite le thalamus M2 , M3 (Fig. 13). M1 correspond au réflexe myotatique, M2 au
sensitif (VPL et VPM), elles empruntent enfin la voie thalamo- réflexe transcortical et M3 est une réponse de correction volon-
corticale pour atteindre SI . Les neurones postcentraux codent de taire. Si, en situation normale, M2 reste faible, cette réponse est
façon très précise les messages véhiculant les sensibilités super- modulée et amplifiée en fonction de la préparation motrice du
ficielle et profonde. L’analyse de l’activité neuronale, en liaison sujet ou des consignes qu’on lui donne. Ainsi chez des sportifs
avec les champs récepteurs périphériques, révèle combien le pou- de haut niveau, comme les haltérophiles, la réponse de M2 qui
voir de replication de ces neurones est grand. Dans la focalisation précède M3 est d’une très grande amplitude. Tout se passe comme
de l’information, l’inhibition latérale joue un rôle majeur. Les si la correction volontaire s’opérait sur un système sensorimoteur
neurones des aires 1 et surtout 2 sont très impliqués dans la repré- déjà en tension. Le contrôle de ce gain serait assuré par le cortex
sentation tant statique que dynamique des articulations (joint prémoteur et l’aire motrice supplémentaire [29] . Le dysfonctionne-
neurons) [23] . ment de cette boucle est suggéré dans la genèse de « l’épilepsie
Quelle est l’activité des neurones postcentraux au cours de réflexe ».
l’exécution motrice ? Chez le singe, un grand nombre de cellules En clinique humaine, la lésion de SI entraîne un tableau
de S1 modifie la fréquence de décharge au cours du mouvement. d’extinction sensitive de l’hémicorps contrôlatéral. Ce syn-
Ces modifications d’activité surviennent essentiellement après le drome pariétal s’accompagne d’un trouble grave de l’exécution
début du mouvement (40 à 60 ms après le DM). motrice (manipulation, marche) du fait de l’absence d’analyse
Ces changements d’activité traduisent l’influence de la boucle des messages provenant de la boucle de rétrocontrôle
de rétrocontrôle périphérique (feedback) sur le cortex postcentral. périphérique.

12 EMC - Neurologie
Fonctions motrices  17-002-D-10

l’animal voit un objet saisissable (graspable) ou l’attrape. Ces


Cgs
neurones se rencontrent à la fois dans l’aire intrapariétale anté-
F3 F1 rieure (AIP) et dans l’aire prémotrice ventrale (F5). Ce circuit AIP-F5
(aire 4)
F6 contribue à transformer les propriétés intrinsèques d’un objet en
mouvements manuels appropriés. Les « neurones miroirs » modi-
IPs
5 fient leur fréquence de décharge à la fois quand l’expérimentateur
MIP
F7 (aire 4) (ou un autre singe) attrape un objet et aussi quand le singe fait
F2
F1 SI VIP LIP lui-même ce geste. Décrits par Rizzolatti dès 1990, ces neurones
ASs CS sont situés dans le sillon temporal supérieur (STS) de l’aire 7b (PF)
AIP 7a
Ps 46 F4 et F5 [38, 39] . Le circuit STS-7b-F5 sous-tend la représentation interne
d’actions ou « préperceptions ». Celles-ci, organisées en répertoire,
F5 7b
AIs verraient l’une d’elles exaltée par le geste de l’expérimentateur ou
SII d’un tiers. Ce réseau jouerait un rôle à la fois dans l’imitation et
Ls la reconnaissance d’une action, accomplie par l’autre. Cet espace
Insula neural contribuerait à faire émerger la notion d’altérité, mieux
encore, celle d’empathie, c’est-à-dire se mettre soi-même à la place
STs
de quelqu’un [40, 41] .
En clinique humaine, la lésion du cortex pariétal postérieur
gauche entraîne une apraxie motrice. Le sujet, ni paralysé, ni
akinétique, devient incapable d’exécuter, mimer ou imiter des
tâches routinières (couper du pain, signer, etc.). L’émergence de
Figure 14. Vues latérale et mésiale du cortex cérébral chez le singe ce tableau repose sur un dysfonctionnement des ensembles neu-
(d’après [41] ). F1 : cortex moteur primaire (aire 4) ; F2 : cortex prémoteur ronaux « canoniques et miroirs ». Cette situation se retrouve pour
dorsal ; F3 : aire motrice supplémentaire proper ; F4-F5 : cortex prémo- des lésions de F5. De façon plus spéculative, une altération de la
teur ventral ; F6 : aire motrice présupplémentaire ; F7 : aire oculomotrice mise en place des neurones-miroirs lors de l’ontogenèse et de la
supplémentaire ; AIP : aire intrapariétale antérieure ; VIP : aire pariétale construction d’une cohérence de soi par rapport au monde est un
ventrale : VIP : cortex vestibulaire pariéto-insulaire ; LIP : aire intraparié- facteur potentiel dans la genèse de l’autisme ou de la schizophré-
tale latérale ; MIP : aire intrapariétale médiale ; CS : sillon central ; ASs : nie [20] .
sillon arqué supérieur ; SI : cortex somatosensoriel primaire ; SII : cortex La partie inférieure du cortex pariétal postérieur (aires 5 et 7)
somatosensoriel secondaire ; STs : sillon temporal supérieur ; Ais : sillon dit « cortex vestibulaire » pariéto-insulaire (CVPI ou VIP) reçoit
arqué inférieur ; Cgs : sillon cingulaire ; Ps : sillon principal ; IPs : sillon d’importantes influences vestibulaires (Fig. 14). Cette aire a été
intrapariétal. identifiée chez l’homme et le singe. Ses neurones contribuent
au codage des mouvements de la tête dans l’espace, à partir
d’informations multisensorielles vestibulaires, visuelles et pro-
 Cortex pariétal postérieur prioceptives. Leur activité est sensible à des rotations angulaires
et aux mouvements visuels dans la direction opposée à celle de
la tête. Ils participent au fait que lorsque la tête tourne vers
Le cortex pariétal postérieur (CPP) est un des grands cortex asso- la droite, le monde visuel tourne vers la gauche. Particulière-
ciatifs du cerveau des mammifères et surtout des primates non ment, les neurones de l’aire 7, après détection des mouvements
humains et de l’homme où il englobe les aires 5, 7 élargies à 39 et de la tête ou des yeux, collaborent conjointement avec les aires
40 (Fig. 5, 14). Les anatomocliniciens et les neuropsychologues visuelles associatives (MT et MTS) et le champ oculofrontal
situent dans cette zone, membre du carrefour pariéto-temporo- (COF) à l’élaboration des mouvements de poursuite oculaire.
occipital, deux secteurs clés chez le droitier. À gauche, il s’agit de Leurs réflexes concomitants, au niveau du tronc cérébral, sont
l’aire des praxies dont la lésion entraîne une incapacité à exécu- le réflexe vestibulo-oculaire et le réflexe optocinétique. Les deux
ter une tâche jusque-là parfaitement maîtrisée (apraxie). À droite, mécanismes, d’ailleurs, partagent la même voie finale commune
cette zone est le siège de l’édification du schéma corporel, son motrice, à savoir les motoneurones oculaires et ceux des muscles
atteinte provoque un tableau avec négligence tant de l’hémicorps nucaux.
gauche que de l’espace extrapersonnel correspondant (hémiaso- Le cortex pariétal postérieur appartient au système dit « dorsal »
matognosie ou anosodiaphorie d’Anton-Babinski). dévolu au traitement des informations visuelles pour la localisa-
Dans les années 1970, Mountcastle, grâce à l’enregistrement tion des objets dans l’espace extrapersonnel [42] . Plus précisément,
unitaire des aires pariétales 5 (PE et PEm) et 7 (PG et PF) chez le certains de ces neurones (aires 7a et b) interviennent à des fins
singe, établit l’existence d’un appareil neuronal de commande pour de localisation des objets et de leur mouvement dès lors qu’ils
la manipulation et la projection dans l’espace extrapersonnel [36] . La représentent un élément d’intérêt (attention) et/ou de motivation
plupart des neurones répondent à des informations propriocep- (récompense) et qu’il suscite une action. Le système « dorsal » dit
tives de « façon tardive » par rapport au DM. Ces réponses sont encore du « où » (where) comprend les réseaux neuronaux impli-
souvent plurimodales : somesthésiques, vestibulaires, visuelles et qués dans la détection de la cible. Certains neurones ont des
auditives. D’autres, cependant, se comportent comme des neu- champs récepteurs restreints en relation avec la vision fovéale et
rones dits de commande. Ils modifient leur activité de façon très précise, d’autres, plus nombreux, ont de larges champs récepteurs
anticipatoire au DM et ce, jusqu’à 300 et 400 ms avant celui-ci. excluant la fovea, mais susceptibles de détecter l’excentricité d’un
Ces neurones « précoces » sont toujours enregistrables après la stimulus ou d’une cible qui rentre dans le champ de l’espace extra-
déafférentation du membre entraîné [23, 31] . En outre, les neurones personnel (visual tracking). Les deux types d’informations sont
précoces de l’aire 5 sont aptes à coder une trajectoire préférentielle. déterminants dans la planification de l’action.
Hautement connectés à l’aire 5, les neurones de l’aire prémotrice On ne peut dissocier le système dorsal du « où » (where) de celui
expriment en parallèle cette propriété. À la différence des neu- ventral du « quoi » (what) [42] . Ce dernier possède dans son réseau
rones de l’aire 4, le codage vectoriel, dans le réseau pariétoprémoteur, les mêmes aires visuelles initiales (V1 , V2 , V3 , V4 ), mais rejoint
survient de façon indépendante aux forces mises en jeu. la région inférotemporale. Les neurones de cette région sont doués
Il s’agit d’un processus de commande purement central [1] . En de compétence de reconnaissance (traits, conjonction de traits,
définitive, ce réseau, situé en amont de l’aire 4, possède les proprié- formes, volumes, main, visage). Ils sont dits « gnosiques ». Ces
tés gnosiques et praxiques pour élaborer et stocker un programme modalités perceptives sophistiquées (« ou et quoi ») font partie
dédié à l’action du corps dans l’espace extrapersonnel [37] . intégrante de l’action en devenir [41] .
L’analyse du réseau pariétofrontal (aires 5, 7 et F5) chez le singe Une observation récente renforce le rôle des neurones post-
conduit à distinguer deux catégories neuronales « d’accès » (rea- centraux, situés dans le sillon intrapariétal postérieur (aires 5 et
ching) pendant l’exécution d’un mouvement dirigé vers un but 7) dans l’exploration active du monde extérieur. Iriki a montré
précis. Les « neurones canoniques » modifient leur activité quand que les champs récepteurs de la main, selon que celle-ci manipule

EMC - Neurologie 13
17-002-D-10  Fonctions motrices

seule ou avec un objet qui prolonge son espace d’action, subissent Cortex prémoteur latéral (aire 6 latérale)
une extension [43] . Ainsi un champ récepteur de la main qui uti-
lise un petit râteau pour atteindre une récompense va s’étendre Anatomie
jusqu’à l’extrémité de l’outil. Ce phénomène relève du fait que On distingue en son sein deux régions distinctes : une région
ces neurones sont activés à la fois par le contact avec la main et dorsale qui correspond aux régions dites F2 et F7 et une région
par la vision de la main et surtout de celle-ci tenant l’outil. Ils sont ventrale qui correspond aux régions F4 et F5 (Fig. 14). Des injec-
capables d’associer ou de faire la synthèse de ces informations plu- tions de traceurs rétrogrades au niveau de la moelle cervicale chez
rimodales, et de modifier le schéma corporel. Cette plasticité du le singe donnent un marquage rétrograde de neurones au niveau
schéma corporel explique pourquoi un chirurgien agit avec un de la région de la main de F2, F4 et F5 [38] . De la même façon, des
instrument comme si celui-ci était sa propre main, un pilote ou marquages au niveau de la moelle lombaire permettent de retrou-
un conducteur comme si les roues de l’avion ou de l’automobile ver des neurones marqués au niveau de la région de la jambe de
étaient un prolongement de son propre corps. Cette sensibilité F2. Il existe donc une certaine somatotopie au sein de ces régions
dite « haptique », « de retour à l’effort », exprime la plasticité du possédant des projections médullaires. F7, qualifiée souvent d’aire
schéma corporel et renforce encore le concept de l’impossible oculomotrice supplémentaire (supplementary eye field), n’a pas de
disjonction entre perception et action [20, 22] . projections vers la moelle ou le cortex moteur primaire, mais vers
le tronc cérébral et les autres régions prémotrices [44] .

 Déafférentation, activité Données cliniques


corticale et programmes moteurs Des lésions isolées de cette région sont rarement observées en
clinique humaine. Elles donnent un tableau d’apraxie idéomotrice.
Chez le singe entraîné à effectuer un mouvement du La caractéristique essentielle de ce syndrome est que les sujets
membre supérieur (flexion ou extension), la déafférentation, par deviennent incapables d’associer de façon correcte une instruc-
rhizotomie dorsale de C1 à T6 , instaure un tableau très caractéris- tion et une réponse motrice alors qu’ils ne présentent pas de déficit
tique [23, 31] . Le membre déafférenté est hypotonique, résultat de la moteur stricto sensu, ni de trouble de la compréhension. La sélec-
section de la boucle du réflexe myotatique. Il est spontanément tion des mouvements en fonction du contexte est alors altérée.
sous-utilisé. Des résultats similaires ont été rapportés chez le singe avec des
L’animal ne voit pas son membre déafférenté, mais dès qu’on le lésions strictement limitées à l’aire 6 latérale [45] .
sollicite pour exécuter la tâche apprise, il l’effectue et ce, quelques
heures après la rhizotomie. Ignorant la position du membre, il Aire motrice supplémentaire
commet de nombreuses erreurs sur la direction à suivre. Ce phé-
nomène régresse, mais seulement au bout de plusieurs mois. Anatomie
Cette région qui correspond à la partie mésiale de l’aire 6 a été
considérée initialement comme homogène [25] (Fig. 5, 14). Des
 Aires frontales à fonction données récentes à la fois anatomiques, cytoarchitectoniques et
fonctionnelles suggèrent qu’il existe en son sein au moins deux
prémotrice régions distinctes : F3 ou aire motrice supplémentaire proper (AMSp
ou 6aα) située en avant de la région de la jambe du cortex moteur
Cortex prémoteur primaire et une région plus antérieure dite F6 ou aire présupplémen-
taire (pré-AMS ou 6aß) dont la limite postérieure correspond à la
Les cortex prémoteurs représentent un ensemble de régions
projection corticale de la commissure antérieure [44, 46] .
corticales qui se situent en avant du cortex moteur primaire
L’AMSp reçoit des afférences de la région dite « sensorielle sup-
(Fig. 5, 14). Ils vont jouer un rôle important dans la planification
plémentaire » du cortex pariétal (PECi). On trouve au sein de
de l’action, en intégrant des informations sensorielles nécessaires
celle-ci une représentation somatotopique complète du corps. Elle
à la réalisation du geste et en contrôlant l’activité des neurones
reçoit également des projections du cortex somesthésique pri-
du cortex moteur primaire.
maire (SI , aires 3, 1 et 2), de l’aire 5 du cortex pariétal (PE). Elle
La réalisation d’un mouvement harmonieux nécessite la coor-
représente surtout le site de projection principal des structures de
dination de nombreux muscles dont la contraction obéit à une
sortie des ganglions de la base au travers du thalamus moteur. Les
programmation spatiotemporelle précise. Les cortex prémoteurs
projections de l’AMSp se font vers le cortex moteur primaire et la
vont être impliqués dans la coordination et l’enchaînement dans
moelle épinière (surtout cervicale).
le temps des séquences de cocontractions musculaires syner-
Les connexions de pré-AMS sont très différentes. Leurs deux
giques nécessaires à la réalisation de l’acte moteur en fonction
afférences principales sont représentées par l’aire 46 du cortex pré-
du contexte motivationnel et environnemental.
frontal dorsolatéral, le cortex cingulaire rostral et le lobule pariétal
Plusieurs régions corticales interviennent dans cette fonc-
inférieur (aire 7) [47] . Il n’existe pas de projections directes de pré-
tion, chacune d’entre elles réalisant un traitement parallèle
AMS vers le cortex moteur ou la moelle épinière et celles vers
de l’information. On distingue deux types principaux de cor-
l’AMSp semblent modestes. Elles reçoivent leurs afférences thala-
tex prémoteurs situés respectivement en région dorsolatérale
miques essentiellement du noyau X qui est un relais cérébelleux.
(aire 6 latérale) et médiane (aire 6 médiane ou aire motrice supplé-
mentaire). Ils sont eux-mêmes subdivisés en plusieurs aires ayant
des spécificités fonctionnelles et des connexions anatomiques Clinique
propres. Un élément important qui détermine le fonctionnement Des lésions du cortex frontal mésial peuvent s’observer chez
des régions prémotrices est leur connexion au lobe pariétal. Il l’homme au cours de processus expansifs (méningiomes, astro-
existe, en effet, des projections précises entre chaque région du cytomes) de la faux du cerveau, ou lors d’accidents vasculaires
cortex pariétal et chaque région du cortex prémoteur [38] . Ces touchant le territoire de l’artère cérébrale antérieure. Ces lésions
circuits pariétofrontaux représentent autant de modules de traite- sont cependant souvent étendues, englobant d’autres régions
ment de l’information au sein desquels s’élaborent les schèmes adjacentes (cortex cingulaire antérieur, cortex préfrontal), ce qui
moteurs fondamentaux ou représentations centrales de l’activité rend difficile l’établissement de corrélations anatomocliniques. La
gestuelle (coordination visuomotrice, préhension, manipulation, lésion bilatérale de l’aire motrice supplémentaire chez l’homme
planification séquentielle). En outre, l’activité au sein de ces cortex entraîne une perte de l’expression verbale spontanée et une dimi-
prémoteurs va être modulée par d’autres cortex associatifs pré- nution de l’activité motrice pouvant aboutir à un tableau de
frontaux situés plus en amont dans les processus de décision. mutisme akinétique [40] . Les troubles moteurs se traduisent par
Ceux-ci prennent en charge les aspects motivationnels (cortex des difficultés dans l’exécution des mouvements séquentiels, en
orbitofrontal et cingulaire) et computationnels (cortex préfrontal l’absence d’informations sensorielles. Chez le singe, des lésions
dorsolatéral) du comportement. pures de l’AMS n’entraînent pas de changement drastique de la

14 EMC - Neurologie
Fonctions motrices  17-002-D-10

R P T R T P P R T T R P

P R T T R P P T R R P T

T P R R T P
P T R T P R

1s 1s
A B
Figure 15. Codage des éléments d’une séquence motrice par les neurones de l’aire motrice supplémentaire proper. La séquence consiste en l’enchaînement
des trois mouvements d’un manipulandum : pousser (P), retirer (R), tourner (T).
A. Ce premier neurone est activé avant que le singe n’effectue le mouvement de retirer le joystick (R) quel que soit l’ordre de ce mouvement au sein de la
séquence.
B. Ce second neurone modifie spécifiquement son activité lors de l’enchaînement des mouvements R et P quel que soit le type de séquence (d’après [59] ).

précision des gestes, mais les animaux présentent initialement un D’autres auteurs ont avancé le rôle possible de l’AMSp dans les
tableau d’akinésie [48] . Après la phase aiguë apparaît une altération ajustements posturaux qui précèdent le mouvement volontaire [51]
de la coordination bimanuelle et de l’exécution des mouvements ou dans la coordination des mouvements bimanuels [48] .
séquentiels.
A contrario, certaines crises partielles motrices touchant cette Aire motrice présupplémentaire
région se traduisent par des crises dites contraversives qui, classi-
La microstimulation de cette région (aire F6 ou 6aß) ne donne
quement, s’accompagnent d’une séquence de mouvements lents
que peu de réponses motrices et nécessite des intensités de courant
comprenant une élévation du membre supérieur controlatéral,
élevées. On trouve rarement des champs récepteurs somesthé-
une rotation de la tête et une vocalisation [25] . Il existe des
siques dans pré-AMS, mais les neurones peuvent répondre à des
variantes, telles les crises adversives.
stimulations visuelles. Les neurones de pré-AMS sont particu-
lièrement activés lorsque l’animal effectue des mouvements de
Aire motrice supplémentaire proper préhension sous contrôle visuel [38, 44] . Ils interviennent aussi dans
la programmation temporelle d’une séquence motrice et lorsque
La microstimulation de l’AMSp chez le singe donne des l’animal doit changer de séquence [49, 50] .
réponses souvent polyarticulaires pour des intensités de stimu- On rencontre dans F6 des neurones dits de « saisie potentielle »
lations plus élevées qu’au niveau du cortex moteur primaire (graspable). Ceux-ci sont activés (ou inhibés) pour la présenta-
(plus de 20 ␮A) avec des réponses proximales fréquentes [47, 49] . Les tion d’un objet susceptible d’être attrapé même si le singe reste
neurones de l’AMSp répondent à la mobilisation passive des arti- immobile. Ils ont les caractéristiques des neurones des circuits
culations, mais peu d’entre eux ont des afférences visuelles [50] . pariétofrontaux. Ce secteur neuronal, carrefour d’entrées pro-
Le plus souvent, les neurones de l’AMSp modifient leur acti- venant des aires 46 et 24c, procéderait à la « bascule » d’une
vité lors des mouvements volontaires, aussi bien proximaux que représentation de mouvement potentiel vers celle d’un mou-
distaux [50] . Le rôle de l’AMSp dans la planification des activi- vement réel dès lors que contingences externes et facteurs
tés motrices séquentielles avait été suspecté sur les données de motivationnels créent le contexte approprié.
l’imagerie fonctionnelle, mais le grand mérite de l’école japo- On peut en conclure que pré-AMS joue un rôle critique dans la
naise est d’avoir montré comment les neurones de cette région planification et l’adaptation des activités motrices séquentielles à
codent les différents éléments d’une séquence motrice [50] . Si cer- partir des informations sensorielles que le sujet reçoit de son envi-
tains neurones sont activés par un type de mouvement particulier, ronnement. Cela est tout particulièrement vrai lorsque la situation
tout comme dans le cortex moteur primaire, d’autres vont être exige une réponse rapide de sa part.
activés lors de l’enchaînement de deux mouvements spécifiques,
quel que soit leur ordre dans la séquence (Fig. 15). D’autres neu-
rones encore vont modifier leur activité lors de l’exécution d’une
séquence motrice donnée (Fig. 16).
 Cortex préfrontaux associatifs
Ces éléments suggèrent que l’AMSp a une fonction de contrôle et planification de l’action
pour l’exécution des mouvements séquentiels. Les données
recueillies chez les primates subhumains ont été largement confir- La planification des comportements repose sur une ana-
mées par celles de l’imagerie fonctionnelle chez l’homme [44] . lyse cognitive des informations aboutissant à des réponses

EMC - Neurologie 15
17-002-D-10  Fonctions motrices

P R T T R P P R T T R P

P T R R P T P T R R P T

T P R R T P
T P R R T P

1s 1s
A B
Figure 16. Codage des éléments d’une séquence motrice par les neurones de l’aire motrice présupplémentaire (AMS). La séquence consiste en
l’enchaînement des trois mouvements d’un manipulandum : pousser (P), retirer (R), tourner (T).
A. Ce neurone est activé lors du troisième mouvement de la séquence, quel que soit son type. Il y a donc ici un codage de l’ordre (1, 2 ou 3) du mouvement
au sein de la séquence.
B. Ce neurone augmente son activité uniquement au début d’une séquence de type R-T-P et reste silencieux lors de l’exécution des autres types de séquence
(d’après [59] ).

comportementales adaptées aux conditions de l’environnement. sance des propriétés cognitives fondamentales qui sous-tendent
Néanmoins, toute activité finalisée présuppose un état motiva- les fonctions du cortex préfrontal a été obtenue grâce aux études
tionnel suffisant ainsi qu’une capacité pour le sujet à focaliser son d’électrophysiologie chez le primate non humain. Les premières
attention sur certains aspects du traitement de l’information. Ces d’entre elles ont surtout porté sur la mémoire à court terme
deux éléments fondamentaux, motivation et attention, sont inti- dite « mémoire de travail ». Elles montrent que lorsqu’un délai
mement liés et représentent la base même de l’intentionnalité est introduit entre un stimulus visuel et une réponse, de nom-
de l’action qui sous-tend tout processus décisionnel. Plusieurs breux neurones du CPFDL présentent une activité soutenue [53, 54] .
régions associatives du cortex préfrontal (CPF), organisées en Goldman-Rakic [54] rapporte comment les neurones de l’aire 46
boucles fonctionnelles avec les structures sous-corticales et for- déclenchent, dans une tâche avec délai, une cascade événemen-
tement modulées par l’activité des neurones dopaminergiques tielle via la boucle qui inclut le COLPF produit des saccades
mésencéphaliques, vont être impliquées dans la régulation de ces oculaires très finalisées.
phénomènes. Ce type d’activité est fondamental pour de nombreuses activi-
Leur connaissance chez l’homme repose avant tout sur les tés cognitives. Ces données ont été par la suite confirmées chez
techniques d’imagerie fonctionnelle (imagerie par résonance l’homme grâce aux techniques d’imagerie fonctionnelle.
magnétique fonctionnelle [IRMf], tomographie par émissions de Néanmoins, les comportements complexes ne reposent pas que
positons scanner [TEP-scan], magnétoencéphalographie [MEG]) sur une mémorisation. Les informations doivent être sélection-
et donne une visualisation globale du fonctionnement cérébral en nées et intégrées avec d’autres messages pertinents. Une autre
situation comportementale. Elles ont permis de décrire, de façon fonction essentielle du CPFDL est de permettre la focalisation
plus ou moins exhaustive, les réseaux impliqués dans telle ou telle volontaire de l’attention sur certains stimuli, pensées ou actes [55] .
fonction cognitive, sans autoriser, cependant, l’exploitation des Ce processus de sélection est indispensable, car les capacités de tra-
mécanismes neuronaux qui sous-tendent ces fonctions [40] . Trois vail des fonctions cognitives sont limitées. La possibilité d’ignorer
régions corticales sont plus spécifiquement impliquées dans la des distracteurs et de sélectionner une information pertinente
planification motrice et comportementale au sens large (Fig. 5). est donc un processus critique dans la planification de l’action.
Pour bénéficier des expériences passées, nous devons être capables
de sélectionner des connaissances acquises. Même les actions les
plus simples obéissent à de multiples contraintes. Par exemple,
Cortex préfrontal dorsolatéral lorsque l’on cherche un objet, on se souvient de sa forme, de
Le cortex préfrontal dorsolatéral (CPFDL), qui englobe les l’endroit où il pourrait être, de sa dernière utilisation. De nom-
aires 9, 46, 45 et une partie de l’aire 10, est le siège des plus breux neurones du CPF modifient ainsi leur activité lorsque le
hautes fonctions cognitives chez l’homme (Fig. 5). Sa lésion per- singe doit se rappeler à la fois de la forme et de la localisa-
turbe l’analyse, le traitement séquentiel, le maintien conscient tion spatiale d’un objet. Les études de neuro-imagerie montrent
d’informations pertinentes et l’élaboration de plans d’actions que le CPFDL joue un rôle important dans l’intégration de mul-
adaptées aux contraintes de l’environnement [52] . De telles fonc- tiples sources d’informations et dans les processus de prise de
tions sont assurées au travers des nombreuses afférences que le décision [55] . La complexité du comportement chez les primates
CPFDL reçoit des autres cortex associatifs. Une meilleure connais- est également liée au fait que ces derniers peuvent se fixer de

16 EMC - Neurologie
Fonctions motrices  17-002-D-10

nouveaux buts et de nouvelles manières d’y parvenir. Le rôle exé-


cutif du CPFDL résulte de l’acquisition et de la représentation de 35
Signal dʼerreur
règles qui guident les comportements finalisés. Établir des règles
consiste à faire l’association arbitraire entre des informations de

Potentiels d'action/seconde
nature différente. Il s’agit de construire « un modèle interne »,
par exemple, nous apprenons que feu rouge signifie « stop ». Les
études électrophysiologiques réalisées chez le singe révèlent que
l’activité des neurones du CPFDL reflète de telles associations. Récompense
Enfin, certains auteurs ont suggéré que ces derniers pourraient
représenter le contexte de l’action [55] . Il s’agit là d’informations à
caractère multimodal qui doivent englober les différents aspects
en rapport avec les instructions, les aspects motivationnels et les
conséquences prévisibles de l’action.

Cortex cingulaire antérieur


0
Les connexions anatomiques du cortex cingulaire antérieur (CCA,
CCAr, aire 24 c) avec le cortex préfrontal dorsolatéral (CPFDL) sont 500 ms A
étroites et leur coactivation au cours de nombreuses tâches cog-
nitives suggère à la fois une dualité fonctionnelle et une synergie 35 Contrôles
Contrôle visuel
d’action de ces deux régions (Fig. 5). On admet habituellement
que le CPFDL traite et maintient on-line l’information nécessaire

Potentiels d'action/seconde
au choix d’une réponse alors que le CCA facilite et contrôle la réa-
lisation de l’action. Le CCA reçoit également des afférences des
noyaux limbiques du thalamus et du tronc cérébral, ce qui en
fait naturellement un lieu d’intégration pour les aspects émotion- Récompense
nels et motivationnels du comportement. Il envoie à son tour des hors tâche
projections vers les cortex prémoteurs, moteurs et la moelle épi-
nière [44] . Il est ainsi susceptible de jouer un rôle direct dans la mise
en jeu des comportements. Cette région corticale occupe ainsi
une position stratégique lui permettant d’intégrer des informa-
tions d’ordre émotionnel dans le cadre des processus décisionnels
et de jouer en retour un rôle majeur dans la planification de
l’action [56] . Néanmoins, la fonction exacte du CCA et les méca-
nismes cellulaires qui la sous-tendent restent mal connus. Dans 0
les années 1990, les études d’imagerie fonctionnelle ont montré
que le cortex cingulaire était impliqué dans de nombreux aspects 500 ms B
de la cognition, tout particulièrement lorsqu’il s’agit de gérer une Figure 17. Activité liée à l’obtention de la récompense dans le cortex
situation de choix entre des informations de nature contradic- cingulaire antérieur (cortex cingulaire antérieur, aire motrice cingulaire
toire [56, 57] . Plusieurs études électroencéphalographiques révèlent [CMAr], 24c) (d’après [61] ). Le singe effectue une tâche de prise de déci-
que l’on peut enregistrer à son niveau une onde négative (ERN) sion sur un écran tactile. Les essais sont alignés par rapport à l’obtention
lorsque le sujet fournit une réponse erronée en situation expé- de la récompense ou du signal d’erreur (écran noir).
rimentale [57] . Ces observations ont permis d’avancer l’idée que A. Neurone de CMAr présentant une augmentation d’activité modérée
le CCA jouerait un rôle dans les processus de détection d’erreurs et, lorsque le singe reçoit la récompense après un essai correctement effectué
par voie de conséquence, dans leur correction. Alternativement, (trait noir). Lorsque le singe fait une erreur dans l’exécution du mouve-
certains auteurs postulent que le CCA fait partie intégrante d’un ment, la modification d’activité pour le signal d’erreur est environ deux
circuit impliqué dans la régulation des processus attentionnels fois plus importante (trait rouge).
qui gouvernent à la fois le traitement des informations cognitives B. Le même neurone de CMAr ne modifiant pas son activité lors de
et émotionnelles [58] . Les données de l’expérimentation chez le l’obtention de la récompense ou de la présentation de stimuli contrôles
primate subhumain ont permis de démontrer le lien entre pro- (semblables au signal d’erreur) en dehors du contexte de la tâche com-
cessus de récompense, donc de motivation, et la planification portementale [84] .
de l’action [49, 59] . Ainsi, l’annonce de la quantité de récompense
attendue modifie l’activité des neurones du cortex cingulaire anté-
rieur en même temps que le comportement de l’animal [59, 60] . De
cortex préfrontal dorsolatéral qui représente le site de projection
plus, les neurones des mêmes régions répondent différemment
préfrontal du cortex pariétal associatif [45] . Le COF semble impli-
lorsque les essais sont réussis et ratés dans des tâches cogni-
qué dans des situations au cours desquelles le sujet doit adapter
tives complexes (Fig. 17) [61] . Ce dernier élément nous renvoie
son comportement pour obtenir un renforcement positif [63] . Cela
au rôle du CCA dans les processus de détection et de gestion des
suggère que cette région intervient dans la gestion des aspects
erreurs [56] . Un dysfonctionnement du CCA est ainsi suspecté dans
émotionnels de la prise de décision. En effet, des patients qui
différentes pathologies qui s’accompagnent à la fois d’un syn-
souffrent de lésions orbitaires présentent de grandes difficultés
drome hyperkinétique, de désordres affectifs et cognitifs comme
à prendre des décisions, car ils deviennent incapables d’anticiper
le trouble obsessionnel compulsif (TOC) et les tics [62] .
les conséquences de leur action [63] .
Ces déficits sont particulièrement nets dans les comportements
Cortex orbitofrontal sociaux. Ces patients ont également tendance à courir des risques
inconsidérés que leur stratégie soit correcte ou non. Des lésions
Le cortex orbitofrontal (COF) représente la partie la plus anté- de l’aire 12 chez le primate altèrent l’apprentissage quelle que
rieure du cortex préfrontal (Fig. 5). Il regroupe des aires rostrales soit la nature du contexte sensoriel dans lequel il se déroule [45] .
localisées au niveau de la convexité corticale (aires 10 et 47/12) Ces animaux expriment également une indifférence émotion-
ainsi que des aires situées en région ventromédiale (aires 11, 12, nelle vis-à-vis de leur environnement et des tendances à la
13, 14). Le COF reçoit des afférences multiples en provenance persévération. Les résultats électrophysiologiques obtenus chez
des cortex associatifs temporaux, mais également de l’amygdale. le primate indiquent que les neurones du COF sont impliqués
Passingham propose que l’on considère le COF comme l’aire pré- dans le traitement d’informations lorsque celles-ci sont asso-
frontale correspondant au lobe temporal, par analogie avec le ciées à des processus de renforcement. Ces cellules deviennent

EMC - Neurologie 17
17-002-D-10  Fonctions motrices

particulièrement actives lorsque le sujet est placé dans une situa-


tion dans laquelle il espère recevoir une récompense [64] . Le COF
joue aussi un rôle important dans le contrôle motivationnel du
comportement. De plus, il a pu être montré que lorsque l’animal
ne reçoit pas une récompense attendue, l’activité des neurones du
COF se trouve modifiée. Ce secteur cortical participe, avec le CCA,
au processus de détection des erreurs.

 Ganglions de la base
Les ganglions de la base (GB), appelés aussi noyaux gris centraux, 1
forment un ensemble de structures sous-corticales, au sein du
diencéphale. Ils s’inscrivent, par opposition au système pyramidal
(téléocinèse) dans le système extrapyramidal lié à la motricité semi-
volontaire ou automatique (holocinèse), mais leur rôle demeure
2 4
longtemps mal connu « Aussi sombre que le fond de ma cave »
telle est la métaphore due à Kinnier-Wilson pour qualifier la fonc-
tion des GB en 1920. Quelques pionniers, tel Delmas-Marsalet
(1928), tentèrent de décrypter le rôle du noyau caudé dans la loco-
motion chez le chien. Le véritable champ d’investigation sur la 5
physiologie et la physiopathologie des GB s’ouvre avec la décou-
verte en 1960 de la dégénérescence dopaminergique nigrale et
6
l’effondrement subséquent de la dopamine (DA) striatale chez 3
des patients parkinsoniens [65] . La thérapie substitutive par la L-
dopa est une révolution. Les GB sont, désormais, impliqués dans 7
la régulation du mouvement volontaire (Fig. 7). 8

Rappel anatomique
Figure 18. Organisation anatomofonctionnelle des ganglions de la
La motricité volontaire est, essentiellement, un phénomène base sur une vue frontale. Les flèches blanches représentent les voies
d’origine corticale. Elle fait intervenir l’aire motrice primaire, l’aire activatrices, les noires les voies inhibitrices, et celles en pointillés, la voie
prémotrice, l’aire motrice supplémentaire et les cortex associa- dopaminergique nigrostriatale. 1. Putamen ; 2. globus pallidus externe ;
tifs préfrontaux et pariétaux. Chez les mammifères supérieurs, 3. cortex ; 4. thalamus ; 5. noyau sous-thalamique ; 6. substance noire
l’aire motrice primaire (MI ) se projette directement sur les moto- compacte ; 7. globus pallidus interne ; 8. substance noire réticulée.
neurones médullaires par l’intermédiaire de la voie pyramidale
pour l’exécution des programmes moteurs. L’activité de ces aires
corticales est régulée par un ensemble de boucles cortico-sous- motrice. Une faible population correspond à des interneurones
cortico-corticales où interviennent les ganglions de la base puis cholinergiques. Ces derniers sont constamment actifs (tonically
les noyaux moteurs du thalamus. active neurons – TAN). Ils expriment une « pause » (inhibition)
Les GB forment un ensemble avec deux entrées, deux sorties et pour des signaux liés à la récompense lors d’un apprentissage.
deux noyaux intermédiaires. Les deux entrées sont le striatum, et Les TAN sont innervés par des terminaisons dopaminergiques
le noyau sous-thalamique (NST), également nommé corps de Luys. nigrales [19, 68] .
Le striatum reçoit des afférences de la quasi-totalité des aires corti- La dégénérescence des neurones GABAergiques du striatum est
cales, le NST du cortex moteur et du cortex frontal. Ces afférences le stigmate neuropathologique de la chorée de Huntington.
coïncident avec des collatérales des axones des neurones corti-
caux pyramidaux et conduisent des copies efférentes (décharges Noyau sous-thalamique
corollaires). Les deux sorties correspondent à la partie interne du
pallidum ou GPi et la partie réticulaire de la substance noire (SNr). Le noyau sous-thalamique (NST) reçoit des afférences gluta-
Ces noyaux sont GABAergiques inhibiteurs et se projettent sur matergiques en provenance du cortex moteur primaire (MI , aire
le thalamus moteur et le tronc cérébral en particulier le noyau 4), du cortex moteur supplémentaire (AMS, aire 6) et du cor-
pédonculopontin ; les deux noyaux intermédiaires sont la partie tex prémoteur (aire 6). Le NST reçoit, de plus, des afférences
externe du pallidum (GPe) et la pars compacta de la substance noire GABAergiques en provenance du GPe [69] et des afférences glu-
(SNc) (Fig. 18). tamatergiques issues du noyau parafasciculaire du thalamus. Il
existe des afférences dopaminergiques sur le NST (voie nigrosub-
thalamique) [70] .
Striatum
Le NST envoie des efférences glutamatergiques sur le GPi, le GPe
Chez le primate, le néostriatum est formé, sur le plan anato- et la SNr [69] . Les populations neuronales se projetant sur le GPe et
mique, par le putamen et le noyau caudé. La plupart des secteurs GPi, d’une part, et la SNr, d’autre part, sont topographiquement
corticaux envoient des projections glutamatergiques sur le stria- dissociées.
tum, voie d’entrée principale des GB. Il possède une organisation Les neurones subthalamiques déchargent spontanément de
histologique originale dite en « mosaïque » avec deux comparti- façon tonique, mais « basculent » vers un mode de décharge
ments, des îlots neuronaux ou striosomes et un espace plus pauvre phasique pendant le mouvement [71] . Leur activité s’accroît anor-
en cellules : la matrice. malement en « bouffées » dans la maladie de Parkinson (MP).
Quatre-vingt-quinze pour cent de la population de neurones La lésion du NST chez l’homme provoque un hémiballisme
striataux sont constitués par des neurones du type medium spiny contralatéral.
GABAergiques [66] . Parmi ceux-ci, certains colocalisent GABA, sub-
stance P et dynorphine et forment avec leurs axones la voie Globus pallidus interne et substance noire
striatopallidale directe (GPi et SNr), d’autres, colocalisant GABA
et enképhaline, projettent sur le GPe et constituent le premier
réticulée
maillon de la voie striatopallidale indirecte. Enfin, le striatum envoie Le globus pallidus interne (GPi) et la substance noire réticulaire
des projections vers la SNc [67] . (pars réticulata, SNr) sont des structures très proches sur le plan
Spontanément, ces neurones sont silencieux, ils augmentent phylogénique. Il s’agit, en fait, d’une même structure (paléos-
brièvement leur fréquence de décharge lors de l’exécution triatum) divisée en deux par la capsule interne au cours du

18 EMC - Neurologie
Fonctions motrices  17-002-D-10

développement. Ces structures sont constituées de neurones qui


reçoivent leurs afférences du striatum, du NST et du GPe. Les
neurones du GPi sont GABAergiques et se projettent sur la partie
n = 44
antérieure des noyaux moteurs thalamiques ventrolatéral (VL) et
ventroantérieur (VA) et le tronc cérébral. Les noyaux thalamiques
se projettent « en retour » sur les aires corticales 4 et 6.
Les neurones de GPi présentent une organisation somatoto- – 1,5 – 1,0 – 0,5 0 0,5 – 0,5 0 0,5
pique avec la face représentée dans la partie ventrale et les
L R
membres inférieurs dans la partie dorsale, alors que ceux de la
SNr sont plus impliqués dans des mouvements oculomoteurs et A
ceux de l’axe du corps. Les neurones de GPi déchargent de façon
tonique à 60-80 Hz chez le singe au repos. L’activité des neurones n = 23
du GPi est modifiée de façon similaire par des mouvements actifs
ou passifs des membres controlatéraux. Environ 70 % des neu-
rones répondant au mouvement augmentent leur fréquence et – 1,5 – 1,0 – 0,5 0 0,5 – 0,5 0 0,5
30 % la diminuent. Leur décharge survient après le début de la
contraction EMG et, a fortiori, celui du DM. D R
Les neurones de la SNr sont aussi GABAergiques. Ils se pro- B
jettent sur les mêmes noyaux thalamiques « cibles » (VA et VL)
n = 19 10
que le GPi, mais sur des territoires différents. Les axones des

imp/s
5
neurones du thalamus moteur constituent la voie thalamocor-
0
ticale qui atteint les aires corticales 4 et 6. La SNr envoie aussi – 0,5 0 0,5 1,0 1,5 – 0,5 0 0,5 s
des collatérales sur le colliculus supérieur et le noyau parafas-
ciculaire du thalamus. L’enregistrement des neurones de la SNr I D R
révèle qu’ils participent au contrôle des mouvements oculaires C
(saccades). Ils déchargent très nettement avant le début des sac- Figure 19. Réponses des neurones dopaminergiques et prédiction de
cades et expriment des réponses « contingentes » à la mémoire la récompense. Les résultats présentés correspondent à des histogrammes
spatiale au sein du champ visuel [72] . de populations de neurones dopaminergiques (n).
A. Le singe est immobile (L), la récompense (R) « non prédite » produit
Globus pallidus externe une augmentation nette d’activité. La présentation isolée de Lumière (L)
est sans effet sur l’activité neuronale.
Le globus pallidus externe (GPe) reçoit la majorité de ses afférences
B. Tâche 1 l’animal répond à un signal prédictif (D) qui déclenche la
de noyaux des GB (striatum et NST) et se projette sur des noyaux
récompense (R). Les neurones augmentent leurs fréquences de décharge
des GB (STN et GPi). Le GPe reçoit des afférences GABAergiques
par rapport à D, mais demeurent silencieux pour R.
inhibitrices du striatum et glutamatergiques activatrices en pro-
C. Tâche 2, une instruction (I) précède D, l’augmentation d’activité est
venance du NST. Les projections du GPe sont GABAergiques et
« transférée » par rapport à I, les neurones restent silencieux pour D et R
donc inhibitrices sur le NST, le GPe et la SNr. Les neurones du GPe
(d’après [76] ).
possèdent des caractéristiques électrophysiologiques semblables
à celles du GPi avec un patron d’activité tonique et des pauses
caractéristiques. La fréquence moyenne de décharge est un peu
projetant vers le GPi, la SNr et la SNc, alors que les D2 seraient
plus faible chez le primate. Ils répondent au mouvement après le
localisés exclusivement sur les neurones projetant vers le GPe et
DM.
sur les interneurones cholinergiques [74] . Classiquement, l’action
de la DA au niveau striatal est activatrice sur les neurones stria-
Substance noire compacte et aire taux qui se projettent sur le GPi, la SNr et la SNc et inhibitrice
tegmentoventrale sur les neurones striataux qui se projettent sur le GPe. Ces don-
nées sont cependant contestées par certains auteurs pour qui les
La substance noire compacte (pars compacta, SNc) est consti-
récepteurs D1 et D2 sont colocalisés en grande partie sur les deux
tuée de neurones dopaminergiques de grande taille. Elle forme
populations striatales [75] .
la zone A9 dans la classification des amas dopaminergiques
Les neurones de la SNc ont une fréquence de décharge faible
du mésencéphale. C’est l’origine de la voie nigrostriatale qui
(1-5 Hz). Ils ne répondent pas au mouvement en tant que tel (para-
innerve puissamment les différents secteurs néostriataux : puta-
mètres cinétiques), mais sont sensibles à des stimuli à connotation
men (motricité), noyau caudé dorsolatéral (association), noyau
motivationnelle (récompense, punition). Pour Schultz, l’activité des
caudé ventral (émotion). La zone A10 ou aire tegmentoventrale
neurones à DA exprime une valeur prédictive de la récompense [76] .
(ATV) projette sur le noyau accumbens et le cortex préfrontal (voie
En absence de stimulus préalable, ces neurones répondent par une
méso-cortico-limbique). Celle-ci afférente les différents secteurs
décharge phasique de courte latence au moment de l’obtention
du CPF et le striatum ventral (noyau accumbens). Enfin, la zone A8
d’une récompense. Si, maintenant, l’animal doit exécuter un
correspond à l’aire rétrorubrique. Les axones des neurones dopa-
mouvement en réponse à un signal « CS », prédictif de la récom-
minergiques forment le faisceau médian du télencéphale (FMT)
pense, l’activité neuronale ne s’accroît plus au moment de la
qui transite par l’hypothalamus latéral « carrefour majeur » dans
récompense, mais pour ce signal « CS ». Si la récompense associée à
la genèse motivationnelle [18, 19] .
« CS » est omise, les neurones vont alors présenter une diminution
La SNc reçoit des afférences GABAergiques inhibitrices en
de leur activité. Les neurones dopaminergiques, en attribuant à un
provenance du striatum [73] , des afférences glutamatergiques
signal une valeur gratifiante, mais étant presque toujours insen-
excitatrices en provenance du NST, du cortex et du noyau
sibles aux stimuli aversifs, constituent un appareil anticipatoire
pédonculopontin, des afférences cholinergiques excitatrices en
de la récompense et un substrat pour la motivation (Fig. 19).
provenance de ce dernier et enfin des afférences sérotoninergiques
issues du raphé dorsal. La SNc se projette massivement en retour
sur le striatum et plus faiblement sur le NST et le GPi [67] .
L’action de la dopamine (DA) sur les neurones postsynap-
tiques striataux dépend du type de récepteur. Il existe deux
grandes familles de récepteurs dopaminergiques : le type D1 dont
“ Point important
l’effet est activateur et le type D2, dont l’effet est inhibiteur. Ces
deux familles se subdivisent d’ailleurs en plusieurs sous-types. La dégénérescence des neurones dopaminergiques (A9)
Au niveau postsynaptique, dans le striatum, il est proposé que est le « primun movens » de la maladie de Parkinson.
les récepteurs D1 soient localisés exclusivement sur les neurones

EMC - Neurologie 19
17-002-D-10  Fonctions motrices

Modèles animaux de pathologie humaine des neurones GABAergiques striataux cibles des agents thérapeu-
tiques. On obtient une telle situation chez le singe ou la souris en
Hypoactivité motrice détruisant à la fois les neurones à DA par le MPTP et les cellules
Maladie de Parkinson striatales par l’acide 3-nitropropionique (3-NP) [83] .
Avec l’avènement de la théorie dopaminergique de la MP, les
investigations expérimentales se sont focalisées sur le fonctionne-
Hyperactivité motrice
ment de la voie dopaminergique nigrostriatale [65] . Elles s’appuient Dyskinésies L-dopa induites
naturellement sur la réalisation de modèles animaux de la MP. Complications quasi inéluctables du traitement antiparkin-
Il est, en effet, possible de provoquer un dysfonctionnement sonien classique, elles se traduisent par des hyperkinésies
transitoire de la transmission dopaminergique à l’aide d’agents choréoathétosiques. Leur induction exige un traitement au long
pharmacologiques comme les neuroleptiques qui sont des anta- cours de L-dopa chez le modèle de MP progressif. La genèse de
gonistes des récepteurs dopaminergiques (halopéridol), ou de ces troubles renvoie à une hypersensibilité des récepteurs dopa-
détruire la voie nigrostriée à l’aide de neurotoxines sélectives des minergiques, D1 et D2 et surtout D3 [84] avec participation des
neurones dopaminergiques [77, 78] . neuropeptides colocalisés dans les neurones GABAergiques stria-
La 6-hydroxydopamine (6-OHDA) est une toxine spécifique des taux. Les dyskinésies induites par les neuroleptiques reposent, pour
neurones catécholaminergiques provoquant une lésion irréver- partie, sur des mécanismes analogues [77, 82] .
sible, mais qui doit être injectée directement dans les structures
cérébrales de façon stéréotaxique. Les injections bilatérales dans Dystonies
la substance noire (pars compacta) où le striatum induisent un Les dystonies correspondent à des phénomènes de cocontrac-
tableau sévère chez le modèle du rat avec : akinésie, aphagie tions, de torsion et de postures anormales. Des modèles, tant
et adipsie avec survie aléatoire. Les injections unilatérales pro- pharmacologiques que lésionnels, existent chez le singe. Les cibles
voquent un comportement rotatoire dans le sens opposé à la sont le putamen dorsolatéral, le GPi, la SNr et les noyaux moteurs
lésion. Ce modèle a permis d’étudier le rôle de la voie nigrostriatale du thalamus [85] .
dans la locomotion et la posture et, partant, l’activité antiparkin-
sonienne de nouveaux composés. Sa limite réside dans un type de Bases fonctionnelles : physiologie
motricité très éloignée de celle de l’homme.
En 1982, de jeunes toxicomanes californiens ont déve- et physiopathologie
loppé un syndrome sévère de type parkinsonien après usage
Les GB ne sont pas des structures de commande. Par leur
d’une héroïne de synthèse contaminée par un analogue de
organisation « enchaînée », ils forment des boucles parallèles
la mépéridine, le 1-méthyl-4-phényl-1,2,3,6-tétrahydropyridine
de régulation dédiées à la planification et à l’exécution du
(MPTP) [79] . L’administration de MPTP chez l’animal (primate non
mouvement volontaire. Tant les données expérimentales que la
humain, souris, etc.) provoque l’apparition de troubles moteurs
modélisation mettent en exergue un mode opératoire lié à la sélec-
de type parkinsonien [80] . Si le modèle primate présente les prin-
tivité et au gain des messages traités (Fig. 20).
cipales caractéristiques de la MP [77, 81, 82] , d’autres modèles ont
La boucle motrice contrôle l’essentiel des mouvements exécutés
été néanmoins développés, tel celui de la souris qui autorise les
par les membres (atteinte, saisie). Elle inclut les secteurs corticaux
investigations biochimiques sur l’action neurotoxique du MPTP.
(AMS, cortex prémoteurs) où sont produits les programmes ou
Celle-ci est d’autant plus nocive que l’espèce est élevée dans la
séquences. Ces secteurs sont en prise directe avec MI et la voie
phylogenèse. L’homme serait le plus sensible puis le primate sub-
pyramidale, mais ils possèdent, aussi, des articulations corticospi-
humain. À dégénérescence nigrale comparable, la dose, chez la nales monosynaptiques.
souris, est proportionnellement 30 fois supérieure à celle utilisée La boucle oculomotrice avec l’aire frontale oculocéphalogyre
chez le singe. (AOC, frontal eye field) correspond, pour partie, à la précédente,
La symptomatologie du singe traité au MPTP mime très forte- mais pour le contrôle des mouvements oculaires (poursuite, fixa-
ment le tableau parkinsonien exprimé par l’homme (bradykinésie, tion) hormis les saccades. La sortie exécutrice est formée par la
rigidité, troubles de la posture). Le tremblement de repos (3 à 5 Hz), voie de l’oculocéphalogyrie (pes lemniscus profond).
autre trait majeur, est inconstant. Sur un total de 50 macaques trai- Les autres boucles participent au contrôle des messages à valeurs
tés au MPTP, on rapporte un seul cas de tremblement de repos. Ce cognitive et/ou émotionnelle générés, lors de la planification de
dernier est régulièrement observé chez le singe vert africain (Cerco- l’action, par les secteurs associatifs ou limbiques du cortex préfron-
pithecus aethiops) [78] . Les autres espèces présentent essentiellement tal. Il en est ainsi pour l’attention et la mémoire de travail pour
un tremblement de posture. la boucle dorsolatérale, la prédiction de récompense et la détec-
Les données anatomiques et moléculaires, électrophysiolo- tion d’erreurs pour la boucle cingulaire antérieure, la gestion des
giques et comportementales recueillies sur ce modèle, repré- émotions dans la prise de décision pour la boucle orbitofrontale
sentent les éléments fondateurs de la circuiterie cortico-sous- (Fig. 20).
corticale et de son rôle régulateur dans le mouvement. De plus, Dans la planification, les informations « haut situées », trai-
cette approche, via une pléiade d’études pharmacologiques, a tées par ces boucles, orientent et connotent les programmes dont
contribué à mieux définir les effets d’agents réputés antipar- l’ultime destinée est le « carrefour commun » des boucles motrice
kinsoniens (L-dopa, agonistes dopaminergiques, inhibiteur de et oculomotrice. Cependant, dans le cas des saccades oculaires,
la mono-oxydase B [IMAO B], antagonistes glutamatergiques). le CPFDL est apte à agir comme « générateur indirect ». Cela fait
Mieux encore, la situation du singe MPTP a rendu possible la appel à la connectivité fonctionnelle entre striatum, SNpr (ou
conceptualisation de nouvelles stratégies chirurgicales : pallidoto- GPi), colliculus supérieur et noyau dorso- (ou ventro-) médian
mie, subthalamotomie et surtout stimulation à haute fréquence du thalamus. Les neurones pyramidaux glutamatergiques de la
du NST et aussi du GPi [77, 81] . couche V activent les cellules striatales (medium spiny) lesquelles,
Plus récemment, la nécessité de réaliser un modèle de MP par la voie directe et via le GABA, induisent une inhibition de
s’installant, comme chez le patient, de manière progressive s’est l’activité tonique des neurones nigraux GABAergiques de la pars
faite jour. Grâce à un traitement approprié au MPTP s’instaure réticulata [86] . Cette inhibition a comme corollaire la levée des effets
graduellement une phase présymptomatique où interviennent suppressifs (désinhibition), des neurones de la SNpr sur les neu-
des mécanismes compensateurs puis une phase symptomatique. rones du colliculus supérieur, produisant ainsi une saccade, et sur
Cette dernière a débouché sur l’étude des dyskinésies L-dopa le noyau dorsomédian ou ventromédian qui projette « en retour »
induites [82] . sur le CPF [54] .
La mise en jeu de ces boucles dans la planification de l’action
Dégénérescence striatonigrique implique, non seulement un renforcement des messages cogni-
Un faible pourcentage (5 %) de parkinsoniens sont réfractaires à tivoémotionnels par les systèmes dopaminergiques striataux et
tout traitement pharmacologique. Dans ce cas s’associe une double corticaux, mais aussi l’émergence d’un comportement moteur
dégénérescence, celle des neurones dopaminergiques et surtout celle adapté.

20 EMC - Neurologie
Fonctions motrices  17-002-D-10

Boucle Boucle Boucle Boucle Boucle


motrice oculomotrice dorsolatérale orbitofrontale limbique
préfrontale

Cortex
Aire motrice Aire Cortex Cortex Cortex
supplémentaire oculocéphalogyre dorsolatéral orbitofrontal cingulaire
préfrontal antérieur

Striatum Putamen Noyau Noyau Noyau Striatum


caudé caudé caudé ventral Cortex

Globus Globus Globus Globus Pallidum Striatum


pallidus pallidus pallidus pallidus ventral
Pallidum

interne interne interne interne (limbique)


s. noire

ventrolatéral dorsomédian dorsomédian dorsomédian 1


Substance
Substance Substance Substance Substance noire réticulée Globus pallidus
noire réticulée noire réticulée noire réticulée noire réticulée rostrodorsale interne
caudolatérale ventrolatérale rostrolatérale rostromédiane

Thalamus
Thalamus

Noyau Noyau ventral Noyau ventral Noyau ventral Noyau


ventrolateralis antérieur antérieur antérieur dorsomédian
oralis Noyau Noyau Noyau
dorsomédian dorsomédian dorsomédian Cortex
frontal
A B
Figure 20. Boucles cortico-sous-corticales. Bases fonctionnelles des ganglions de
Cortex cingulaire antérieur Cortex Cortex prémoteurs la base.
associatifs et moteur
A. Organisation des cinq boucles parallèles : motrice, oculomotrice, dorsolatérale
Cortex orbitofrontal
préfrontale, orbitofrontale et cingulaire antérieure. Les différents secteurs corticaux
et le néostriatum (Put et cd) sont innervés par les terminaisons des neurones dopa-
minergiques mésencéphaliques (A8, A9, A10) (d’après [92] ).
B. Convergence de l’information dans les boucles cortico-sous-cortico-corticales.
Thalamus Modèle de « l’opérateur/arbitre » (actor-critic). La convergence des afférences qui
Matrix s’opère entre cortex-striatum-globus pallidus interne-thalamus-cortex renforcée par
Amygdale
Striosome le système dopaminergique nigrostriatal et méso-cortico-limbique crée un « module
TAN
fonctionnel » support d’un nouvel apprentissage (d’après [93] ). 1. Substance noire
SNc compacte, aire tegmentoventrale.
Tronc C. Relations entre les boucles (d’après [68] ). Rôle des interneurones toniquement
cérébral actifs (TAN). Le renforcement modulaire survenant dans les boucles associatives et
Striatum Moelle limbique nécessite, in fine, une « bascule » du programme ou de la séquence apprise
épinière
vers la boucle motrice. Les TAN situés à la jonction du striatum limbique (striosome)
afférenté par l’amygdale et du striatum associatif et sensorimoteur (matrix) auto-
GPi/SNr riseraient ce « passage » (gating). Les TAN sont à la fois afférentés par les secteurs
préfrontaux, par les terminaisons dopaminergiques mésencéphaliques et par le tha-
lamus. GPi : globus pallidus interne ; SNr : substance noire pars reticulata ; SNc :
C substance noire pars compacta.

Deux éléments, un théorique et un physiologique sont sus- renforcement ou non du ou des modules convergents engagés
ceptibles d’éclairer ce fonctionnement parallèle « bouclé et dans l’élaboration du processus cognitif. Ce système dit « arbitre »
concatené ». Le théorique s’appuie sur un approfondissement du (critic) facilite le fonctionnement de tel ou tel module. En d’autres
concept de Mink. Il s’agit du modèle couplant un « opérateur et un termes, il introduit le facteur motivationnel dans une stratégie
arbitre » (actor-critic) [76] . Il met en exergue l’organisation conver- cognitive. L’information ainsi traitée regagne, via les noyaux tha-
gente entre le cortex, le striatum et le GPi, voie de sortie des GB. lamiques associatifs et limbiques, le cortex préfrontal et peut faire
Un neurone striatal reçoit des afférences de dix neurones corticaux l’objet de renforcements successifs (apprentissage) [76] .
soit jusqu’à 10 000 entrées synaptiques. En outre, un neurone du Mais les aires préfrontales possèdent une innervation propre
GPi reçoit des informations provenant de 100 neurones striataux. dopaminergique, via la voie méso-cortico-limbique, issue de l’aire
Ainsi se forment des « modules de convergence ». Un module de tégmentoventrale (ATV : A10 ). La DA exerce un effet direct sur les
convergence se comporte comme un « opérateur » (actor) et contri- neurones corticaux de ces secteurs [18, 19, 76] .
bue à élaborer un processus cognitivocomportemental lié à une L’élément physiologique concerne l’organisation striatale et le
fonction sous-tendue par le CPF (Fig. 20B). rôle des interneurones cholinergiques toniquement actifs (TAN).
La « traversée » du striatum met en contact le module avec le L’analyse fine du néostriatum amène à préciser les rôles respectifs
système dopaminergique nigrostriatal. Un neurone striatal entre des îlots cellulaires des striosomes et de la matrix (matrisomes) [68] .
en contact avec 10 000 terminaisons corticales et 1 000 varicosités Les premiers sont essentiellement reliés aux structures limbiques
synaptiques à DA. Le système dopaminergique hautement relié à à compétence émotionnelle tels le CCA, le COF et l’amygdale.
la motivation et à la prédiction de récompense participe, d’une Alternativement, les matrisomes sont connectés aux secteurs asso-
part, à la sélection des programmes moteurs et, d’autre part, au ciatifs (CPFDL) et moteurs (AMS, AOC).

EMC - Neurologie 21
17-002-D-10  Fonctions motrices

Les TAN, localisés dans une « zone frontière », jouent un rôle Alternativement, l’hyperactivité dopaminergique trouve des
majeur et ce, en synergie avec les neurones nigraux à DA, dans la concomitants comportementaux tels les tics du syndrome de
planification et l’édification d’un apprentissage et de la « mémoire Gilles de la Tourette et le trouble obsessionnel compulsif (TOC) [62] .
procédurale ». Ces interneurones réagissent par une inhibition Dans le premier cas, des stéréotypies et des tics impressionnants
brève (pause) à un signal annonçant une récompense lors d’un s’associent à des bruits bizarres (aboiements et coprolalie). Il
comportement d’apprentissage. Dès lors que le comportement existe une hyperactivité anormale du putamen. Celle-ci génère des
est acquis et entre dans le cadre « d’une habitude ou d’une automatismes qui ne sont pas bloqués du fait d’un hypofonction-
habileté », les TAN deviennent indifférentes au signal motivant nement des cortex dorsolatéral préfrontal et cingulaire antérieur.
initial. La « pause » des TAN suspend l’activation d’un module Dans le cas du TOC, il y a dysfonction grave des boucles orbi-
striatal précis et, par conséquent, diminue son effet sur le GPi. tofrontale et limbique. L’hyperactivité initiale concerne la tête
Cette pause des TAN contribue à faciliter (gating) la mise en du noyau caudé et le noyau accumbens. Il s’installe un senti-
jeu du programme moteur approprié par la boucle motrice. ment obsédant d’erreur dans l’action accomplie et la nécessité
Cette sélection se fait en inhibant, dès le niveau GPi-thalamus impérieuse de recommencer pour la corriger et ce, sans succès.
moteur, les secteurs « non convenables » et en renforçant in fine la Il s’ensuit des répétitions et persévérations compulsives (rituels).
« fraction thalamocorticale » (AMS) en cohérence avec l’acte désiré Peut-on postuler, dans ce cas, une incapacité des TAN à cesser
(Fig. 20C) [68] . de faire des « pauses » et, partant, à contribuer au maintien d’un
Le dysfonctionnement du système dopaminergique nigrostria- besoin d’agir itératif et insatisfait ? [68]
tal a des conséquences physiopathologiques immédiates sur la Dans le syndrome alliant hyperactivité et déficit de l’attention
boucle motrice. chez l’enfant (THADA), on invoque un dysfonctionnement
En situation de dépression dopaminergique (MP), dopaminergique des boucles CDLPF et CCA. Les amphétamines
l’hypostimulation des récepteurs D2 libère les neurones GABAer- (Ritaline® ) corrigent, pour partie, ces troubles [19] .
giques striataux qui, via la voie striato-GPe, surinhibent les
neurones du GPe. In fine, la dépression de la voie GABAergique
GPe-NST désinhibe les neurones glutamatergiques subthala-
miques. Il s’ensuit une suractivation des neurones GABAergiques
 Cervelet
du GPi et, partant, une surinhibition du thalamus moteur. Dès Le cervelet occupe la plus grande partie de la fosse postérieure, il
lors, la voie thalamocorticale ne facilite plus l’édification des est situé en parallèle sur les grandes voies sensorielles et motrices.
programmes moteurs par les aires prémotrices et motrices. Le Son atteinte ne provoque ni trouble de la sensibilité, ni paralysie,
processus akinétique trouve, pour partie, sa source dans ce dys- mais instaure un ensemble de signes qui attestent de perturba-
fonctionnement. L’hypertonie relève d’une même origine, mais tions importantes dans le maintien de l’équilibre, dans celui du
les messages anormaux, à partir du GPi ou de la SNr, gagnent le tonus, de la posture et dans l’exécution et la coordination des
noyau pédonculopontin et les voies réticulospinales. mouvements.
Les effets de la stimulation à haute fréquence (SHF) du NST dans
la MP confortent cette hypothèse [77] . L’hyperactivité anormale,
en « bouffées » des neurones subthalamiques induite par la levée Anatomie fonctionnelle
du frein GABAergique de la voie GPe-NST est bloquée par la SHF
équivalent, pour partie, à une lésion réversible du noyau [77] . Il en Structure cérébelleuse
résulte un nouvel état dans le réseau NST-GPi- thalamus-cortex Le cervelet est constitué de deux parties, l’une superficielle,
qui mime la normalité et au plan clinique : akinésie hypertonie et l’écorce cérébelleuse, l’autre profonde, les noyaux cérébelleux, qui
parfois tremblement disparaissent [87] . forment l’étage de sortie de l’organe.
Le tremblement parkinsonien correspond à une activité ryth- Le cortex cérébelleux présente deux types de subdivisions, l’une
mique anormale de 3 à 5 Hz. Celle-ci survient au repos et est transversale, l’autre longitudinale.
suspendue par l’action, elle disparaît pendant le sommeil. Son La clinique humaine renvoie essentiellement à la subdivision
induction, chez le singe, sans recours au MPTP, nécessite une longitudinale et la nature des symptômes est inféodée à la région
lésion mésencéphalique incluant le pédoncule cérébelleux supé- touchée. En cas de lésion du lobe flocculonodulaire s’installent
rieur et la région rétrorubrique [88] . Cette zone correspond à l’aire des troubles de l’équilibre et un nystagmus, pour la région ver-
dopaminergique A8 . Le résultat, in fine, est la libération d’un pace- mienne, des troubles moteurs touchant les mouvements de la
maker au sein du thalamus moteur. La SHF du noyau thalamique tête et du tronc ainsi qu’une hypotonie et des troubles posturaux,
moteur ventral intermédiaire (VIM) chez l’homme supprime le pour la région intermédiaire des troubles de la locomotion. Enfin,
tremblement, mais est inefficace sur l’akinésie [77] . l’atteinte des hémisphères néocérébelleux, très développés chez le
Dans le cas d’un emballement du système dopaminergique, primate et l’homme, engendre une ataxie ou incoordination spa-
le dysfonctionnement se traduit par une hyperactivité anormale tiotemporelle de l’activité cinétique volontaire avec hypermétrie,
du thalamus moteur et, in fine, par l’expression clinique de pro- adiadococinésie, dyschronométrie et asynergie.
grammes moteurs anarchiques et involontaires (chorée, athétose, On distingue, ainsi, de façon globale, des lésions plus médianes
hémiballisme, dyskinésies). Le cas des dyskinésies induites par touchant l’équilibre, la marche et le tonus (syndrome vermien
la L-dopa dans la MP est particulièrement intéressant. En effet, ou statique) et les altérations plus latérales s’exprimant surtout
la déplétion dopaminergique entraîne une hypersensibilité de par une ataxie (syndrome hémisphérique ou cinétique). Les syn-
dénervation des récepteurs dopaminergiques striataux (up regula- dromes cérébelleux sont ipsilatéraux à la lésion. Les symptômes
tion). Celle-ci, après quelques années de traitement, s’exprime par n’apparaissent que pour des lésions étendues avec atteinte des
des mouvements « choréiformes » très invalidants (Fig. 7). La DA, noyaux profonds. Pour de petites lésions, le reste du système
issue de la L-dopa, après avoir, dans un premier temps, compensé moteur joue un rôle de suppléance.
le manque et contrecarré l’akinésie, devient, en raison d’un chan-
gement d’activité des récepteurs, facteur d’hyperkinésies.
Le dysfonctionnement du système dopaminergique méso-
Afférences
cortico-limbique appliqué à ce modèle aide à comprendre La voie cortico-ponto-cérébelleuse de Turk-Meynert est issue
certaines pathologies à connotation mentale [19] . Ainsi, l’akinésie des cortex prémoteur, moteur et pariétal. Après un relais dans
parkinsonienne ne peut se résumer à un simple trouble de les noyaux du pont, les fibres croisent la ligne médiane (fais-
l’exécution motrice. Elle possède, dans sa genèse, un versant cog- ceaux pontocérébelleux) pour atteindre l’hémisphère cérébelleux
nitivomotivationnel où intervient l’altération de processus comme opposé par le pédoncule cérébelleux moyen (projections au noyau
l’attention, l’intention, la prédiction de la récompense dont pro- dentelé et au cortex). Ces projections participent à la régulation
cède l’initiation du mouvement et qui impliquent les boucles des mouvements distaux des membres et à la programmation du
des CDLPF et CCA [89] (Fig. 4). Une telle inhibition de l’action se mouvement.
retrouve dans la dépression ou dans des états catatoniques obser- Les afférences du tronc cérébral proviennent de l’olive infé-
vés dans la schizophrénie. rieure, des noyaux vestibulaires et de la formation réticulée.

22 EMC - Neurologie
Fonctions motrices  17-002-D-10

Les afférences d’origine périphérique parviennent au cervelet lules de Purkinje, disposées dans le plan sagittal. D’après Llinas,
par l’intermédiaire de plusieurs faisceaux. Les plus importants la rangée de cellules de Purkinje qui reçoit les fibres grimpantes
sont les faisceaux spinocérébelleux dorsal et ventral (dits de Fles- d’une zone olivaire donnée a tendance à décharger en phase,
chig et Gowers) pour les membres inférieurs et le tronc, et les sous l’effet des oscillations synchrones des cellules olivaires de
faisceaux cunéocérébelleux et spinocérébelleux rostral pour les cette zone [34] . Ce mécanisme représente une base de temps qui
membres supérieurs et le tronc. interviendrait pour organiser la séquence temporelle des com-
mandes motrices dans une action finalisée.
Efférences Les unités fonctionnelles olivaires déterminent la série des
zones sagittales qui subdivisent le vermis et les hémisphères. Les
Les efférences du cortex cérébelleux se font vers les trois noyaux
zones sagittales sont elles-mêmes subdivisées en unités fonction-
situés dans la profondeur du cervelet : les noyaux dentelé, inter-
nelles élémentaires du cortex cérébelleux appelées « microzones »
posé et fastigial, qui possèdent leurs propres projections soit
Ces dernières seraient l’équivalent des « colonnes » corticales.
ascendantes vers le diencéphale et les aires corticales à fonction
Le cervelet, via les efférences qui s’organisent à partir des
motrice (voie dentato-rubro-thalamo-corticale), soit descendantes
noyaux cérébelleux (noyaux interposé et fastigial), modulent
via plusieurs noyaux du tronc cérébral « têtes de pont » des voies
l’activité des noyaux « têtes de pont » des voies extrapyrami-
extrapyramidales (faisceaux rubro-, olivo-, vestibulo- et réticulos-
dales. L’effet net de ces influences cérébellospinales est une action
pinaux).
tonique facilitatrice qui s’exerce essentiellement sur les motoneu-
rones ␥. Après cérébellectomie chez le singe ou lésion cérébelleuse
Microphysiologie chez l’homme s’instaure une dépression motrice avec hypotonie.
Il y a une récupération assez rapide, mais il perdure un syndrome
L’élément de base est la cellule de Purkinje, caractérisée par ses cérébelleux avec retard à l’initiation du mouvement, retard au
dendrites en « espalier » qui s’arborisent dans le seul plan sagittal, freinage avec dysmétrie et hypermétrie, exagération des réflexes
et par son axone qui se termine au niveau des noyaux cérébelleux. posturaux.
Outre la cellule de Purkinje existe un ensemble de cellules inhi- Le paléo- et surtout le néocervelet contribuent, via le jeu des
bitrices à axone court, les cellules étoilées externes, les cellules à fibres grimpantes sur les cellules de Purkinje, à établir une base
corbeille et les cellules de Golgi, qui viennent réguler l’effet des de temps pour l’organisation temporelle du mouvement (déclen-
afférences sur l’étage cortical. Comme l’a démontré Ito, la synapse chement, agencement et durée des séquences motrices). Dans
entre la cellule de Purkinje et les neurones des noyaux cérébelleux cette fonction, les fibres grimpantes et les oscillations rythmiques
est de nature inhibitrice, le transmetteur principal étant l’acide olivaires jouent un rôle important, notamment dans le déclenche-
gamma aminobutyrique (GABA) [90] . Malgré cet effet inhibiteur, ment du mouvement. Les troubles dyschronométriques, souvent
l’activité spontanée des noyaux cérébelleux est élevée (de l’ordre décrits chez le cérébelleux, proviendraient du déficit de cette fonc-
de 50 potentiels d’action par seconde) du fait des influx excitateurs tion.
issus des autres systèmes afférents. Selon le « modèle tensoriel » de Pellionisz et Llinas [34] , le cervelet
Les afférences cérébelleuses s’organisent en deux principaux intervient dans les transformations des coordonnées cartésiennes
systèmes qui conduisent les messages d’origine périphérique ou propres à l’espace en coordonnées angulaires caractéristiques de
centrale au cortex et aux noyaux cérébelleux : le système des fibres la commande motrice. La dysmétrie résulterait du déficit de ces
moussues et le système des fibres grimpantes. transformations. Le cervelet participe à l’organisation des syner-
Les fibres moussues proviennent des voies spinocérébelleuses et gies musculaires, « l’asynergie » cérébelleuse en est le corrélat
cortico-ponto-cérébelleuses. Chaque fibre se termine sur plus d’un clinique.
lobule et se divise à l’intérieur de chaque lobule. Les messages Les cellules de Purkinje et les neurones nucléaires modifient
qu’elle transmet vont diverger. La divergence s’accroît, encore, du leur activité jusqu’à 160 ms avant le début du mouvement (DM)
fait que chaque terminaison s’articule sur les dendrites de plu- donc « en amont » de l’activation neuronale de l’aire 4 [21] . Dans
sieurs cellules granulaires qui, par leurs axones (fibres parallèles), cette conception, le néocervelet joue un rôle de « chef d’orchestre »
entrent en contact avec plus de 80 cellules de Purkinje. Cepen- (conductor) dans le contrôle de la préparation, l’initiation et
dant, chaque fibre parallèle n’établit en général qu’un seul contact l’exécution des tâches visuoguidées ou déclenchées par un signal
synaptique avec l’arbre dendritique inversé. L’activation des fibres téléceptif (son, lumière). Le cervelet intermédiaire, quant à lui,
parallèles engendre une décharge de fréquence élevée dans les cel- est activé lors de l’initiation de mouvements à départ pro-
lules de Purkinje faites de potentiels d’action dits simples (simple prioceptif ou lors de l’exécution des mouvements. Le caractère
spikes). somatotopique des activités est nettement moins prononcé que
Les fibres grimpantes trouvent leur origine au niveau de l’olive pour le cortex moteur, surtout pour le noyau dentelé. Cette
bulbaire. Celle-ci est structurée en unités fonctionnelles fondées observation s’explique par le fait que les noyaux cérébelleux
sur plusieurs éléments : contrôlent le plus souvent des synergies musculaires ou des classes
• le message afférent qui présente une organisation topo- d’actes moteurs (mouvement de préhension, mouvement de
graphique précise. Il est souvent complexe du fait de la pointage).
convergence de plusieurs informations sur le même groupe de
cellules olivaires ;
• la liaison entre les cellules olivaires par des synapses élec-
triques (ou jonctions) formant ainsi des unités fonctionnelles.
La taille d’une unité fonctionnelle est modifiable sous l’effet
“ Point important
d’afférences inhibitrices provenant des noyaux cérébelleux qui
empêchent la jonction de fonctionner. Les cellules olivaires Glossaire
reliées par ces jonctions présentent des oscillations membra- • Cortex moteur primaire (aire 4, F1)
naires synchrones d’une fréquence comprise entre 1 et 12 Hz. La • Cortex prémoteur latéral, partie dorsale (aire 6, F2, F7)
décharge des cellules olivaires survient en phase avec les oscil- • Cortex prémoteur latéral, partie ventrale (aire 6, F4, F5)
lations membranaires. Cette activité rythmique est à la base du • Aire motrice supplémentaire proper (AMSp, F3, 6a␣)
« tremblement physiologique ». Elle est révélée et amplifiée par • Aire motrice présupplémentaire (pré-AMS, F6, 6aß)
une substance : l’harmaline [88] ; • Aire frontale oculocéphalogyre (aire 8)
• les contacts synaptiques massifs de la fibre olivocérébelleuse sur
• Cortex somesthésique primaire (aires 3, 1 et 2)
l’arbre dendritique d’une cellule de Purkinje expliquent que la
décharge de la cellule olivaire est suivie d’une « activation mas- • Cortex pariétal, lobule supérieur (aire 5 ou PE et PEm)
sive et répétitive » de la cellule de Purkinje, formant les complex • Cortex pariétal lobule inférieur (aire 7 ou PG et PF)
spikes. Ces potentiels liés à l’activation d’une fibre grimpante • Fundus du cortex intrapariétal (VIP)
surviennent spontanément à une fréquence de l’ordre de 1 Hz.
Une unité fonctionnelle olivaire projette sur une rangée de cel-

EMC - Neurologie 23
17-002-D-10  Fonctions motrices

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B. Bioulac, Professeur des Universités, praticien hospitalier (bernard.bioulac@u-bordeaux2.fr).


P. Burbaud, Professeur des Universités, praticien hospitalier.
J.-R. Cazalets, Directeur de recherches CNRS.
UMR 5293, Institut des maladies neurodégénératives, Université de Bordeaux Ségalen, 146, rue Léo-Saignat, 33076 Bordeaux cedex, France.
UMR 5293, CNRS, Institut des maladies neurodégénératives, 33000 Bordeaux, France.
Service d’explorations fonctionnelles du système nerveux, CHU de Bordeaux, 33000 Bordeaux, France.
C. Gross, Maître de conférences, praticien hospitalier.
UMR 5287, CNRS, Institut de neurosciences cognitives et intégratives d’Aquitaine, 33000 Bordeaux, France.
T. Michelet, Maître de conférences.
UMR 5293, Institut des maladies neurodégénératives, Université de Bordeaux Ségalen, 146, rue Léo-Saignat, 33076 Bordeaux cedex, France.
UMR 5293, CNRS, Institut des maladies neurodégénératives, 33000 Bordeaux, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Bioulac B, Burbaud P, Cazalets JR, Gross C, Michelet T. Fonctions motrices. EMC - Neurologie 2013;10(2):1-
25 [Article 17-002-D-10].

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EMC - Neurologie 25
¶ 17-003-E-10

Intolérance musculaire à l’effort


E. Salort-Campana, J. Pouget

L’intolérance musculaire à l’effort se traduit par des myalgies et des crampes à l’exercice, une fatigabilité
et un déficit moteur à l’effort ou la claudication intermittente musculaire, une myoglobinurie et un
gonflement musculaire témoins d’une rhabdomyolyse, éventuellement un syndrome de loge. Ces
symptômes peuvent être déclenchés par des efforts d’intensité et de qualité variables. La démarche
diagnostique est avant tout guidée par un interrogatoire et un examen clinique rigoureux. Les examens
complémentaires recherchent de façon préférentielle une cause métabolique. La biopsie musculaire est
souvent l’examen clé permettant de poser le diagnostic alors que les enzymes musculaires, l’ENMG et
l’imagerie musculaire peuvent être normaux. Les explorations métaboliques comprenant l’épreuve
d’effort de l’avant-bras, l’épreuve d’effort sur bicyclette ergométrique et la spectroscopie RMN du
phosphore 31 permettent de guider les recherches. L’intolérance à l’effort survient lors d’un
dysfonctionnement d’une des voies de dégradation des différents substrats énergétiques cellulaires. Les
causes de l’intolérance à l’effort sont essentiellement liées à des mutations génétiques des gènes des
enzymes et des protéines participant à ces différentes étapes. Parmi les glycogénoses, la maladie de
McArdle ou déficit en myophosphorylase est la cause la plus fréquente d’intolérance à l’effort. Les troubles
du métabolisme lipidique sont dominés par le déficit en CPT2. Les mitochondriopathies liées à des
mutations de l’ADN nucléaire ou mitochondrial peuvent être responsables d’une intolérance à l’effort
isolée ou associée à une atteinte multisystémique. Les dystrophies musculaires à présentation
pseudométabolique constituent le principal diagnostic différentiel des myopathies métaboliques.
D’autres syndromes, comme le déficit en AMP-déaminase sont de spécificité discutable.
© 2010 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Intolérance à l’effort ; Rhabdomyolyse ; Myopathies métaboliques ; Maladies mitochondriales ;


Glycogénoses ; Myopathies lipidiques

Plan ■ Introduction
L’intolérance à l’effort est un motif fréquent de consultation
¶ Introduction 1
en pathologie musculaire. Elle consiste en la présence de
¶ Rappel du fonctionnement énergétique musculaire 1 symptômes d’intensité variable : myalgies et crampes à l’exer-
Substrats du métabolisme musculaire 2 cice, perte de puissance musculaire (fatigabilité), myoglobinurie
Métabolisme glucidique 2 d’effort témoin de la rhabdomyolyse. Par définition, on exclut
Métabolisme lipidique 2 les atteintes viscérales (insuffisance cardiaque ou respiratoire,
Métabolisme mitochondrial 3 anémie) et de l’appareil locomoteur, les autres claudications non
¶ Sémiologie clinique 3
liées à une affection primitivement musculaire. Il est habituel-
lement facile de reconnaître les claudications vasculaires
¶ Explorations paracliniques 3 (artérielle ou veineuse) ou neurologiques (radiculaire ou
Explorations musculaires usuelles 3 médullaire) ainsi que la fatigabilité non douloureuse de la
Explorations métaboliques 3 myasthénie. Un interrogatoire bien mené permet d’identifier
¶ Étiologies de l’intolérance à l’effort 4 une inadaptation à l’effort ou un mauvais entraînement (sportif
Glycogénoses non lysosomales 4 en reprise de compétition, état postinfectieux).
Déficit du métabolisme lipidique 6
Cytopathies mitochondriales 6 ■ Rappel du fonctionnement
Dystrophies pseudométaboliques 7
Déficit en myoadénylate déaminase 8 énergétique musculaire
Hyperthermie à l’effort 8 La source immédiate d’énergie pour la contraction et la
Déconditionnement à l’effort 8 relaxation musculaire provient de l’hydrolyse de l’adénosine
triphosphate (ATP) qui est peu stocké dans l’organisme. La
synthèse de l’ATP dépend de quatre processus métaboliques :
• la phosphorylation oxydative ;
• la glycolyse anaérobie ;

Neurologie 1
17-003-E-10 ¶ Intolérance musculaire à l’effort

• la conversion de la phosphocréatine (PCr) en ATP par la


Phosphorylase b kinase (type VIII)
réaction de la créatine kinase (CK) ;
• la conversion de deux molécules d’acide adénosine diphos- Glycogène
phorique (ADP) en une molécule d’ATP et une molécule
d’adénosine monophosphate (AMP) catalysée par l’adénylate Phosphorylase a Phosphorylase b (McArdle, type V)
kinase et couplée à la conversion de l’AMP en inosine
monophosphate (IMP) par l’adénylate déaminase.
Quantitativement, la phosphorylation oxydative est de loin la Dextrine-limite
source la plus importante d’énergie. La glycolyse anaérobie joue
Enzyme débranchante (Cori-Forbes, type III)
un rôle relativement mineur, limité aux conditions de contrac-
tion isométrique soutenue, alors que le flux sanguin et l’apport
d’oxygène sont très réduits. La glycolyse aérobie est une impor- Glucose-I-phosphate
tante source d’énergie, en particulier lors d’exercices dynami-
ques, tels que la marche ou la course.

Substrats du métabolisme musculaire Glucose-6-phosphate

Le muscle utilise différents « combustibles » selon le type, la Phosphogluco-hexo-isomérase


durée et l’intensité de l’effort exigé. L’alimentation et l’entraî-
nement physique jouent également un rôle important. Ces
Fructose-6-phosphate
combustibles tels que les hydrates de carbone, les acides gras et
les cétones sont dégradés dans les mitochondries musculaires. Phosphofructokinase (Tarui, type VII)
Le glycogène intracellulaire, dérivant du glucose sanguin, est
l’hydrate de carbone le plus utilisé. Les acides gras plasmatiques
constituent le combustible lipidique majoritaire, provenant du Fructose-I-6-phosphate
tissu adipeux, avec une petite proportion des stocks lipidiques
intracellulaires [1].
Au repos, le muscle est quasi totalement dépendant de
l’oxydation des acides gras [2]. Lors d’un exercice intense (proche Glycéraldéhyde 3-P
de la consommation maximale d’oxygène en exercice dynami-
que ou force maximale développée en exercice isométrique),
l’énergie provient de la glycolyse anaérobie. Pour un effort sous-
maximal, en aérobie, le substrat énergétique dépend de l’inten- 3-P glycérolphosphate
sité et de la durée de l’effort développé. Pour une faible
intensité, le glycogène est utilisé initialement, remplacé ensuite Phosphoglycérate kinase (type IX)
par le glucose sanguin, puis, avec la prolongation de l’effort, par
les acides gras libres. À plus haute intensité, l’oxydation du
3-phosphoglycérate
glycogène est prévalente et la fatigue survient lorsqu’il n’est plus
disponible. Théoriquement, chez un sujet de masse grasse Phosphoglucomutase (type X)
normale, les acides gras sont de disponibilité illimitée. Un
exercice dynamique d’intensité modérée peut donc être pour-
2-phosphoglycérate
suivi plusieurs heures. Pendant l’exercice aérobie, l’accumulation
de pyruvate et de lactate dans le sang périphérique est Énolase
minimale.

Phosphoénolpyruvate
Métabolisme glucidique
Le métabolisme anaérobie consiste en la dégradation du
glycogène et du glucose conduisant à la production de pyruvate
(glycogénolyse et glycolyse anaérobie). Il permet une réponse au Pyruvate
fur et à mesure des réponses énergétiques. La dégradation du
glycogène aboutit à la formation de glucose-6-phosphate. La
Figure 1 représente les étapes élémentaires de la dégradation du
glycogène et du glucose. Chaque molécule de glucose est Acide lactique
transformée en deux molécules de pyruvate, produisant ainsi
deux molécules d’ATP. Puis, en métabolisme anaérobie, l’enzyme
lacticodéshydrogénase convertit le pyruvate en lactate. Figure 1. Étapes élémentaires de la glycolyse anaérobie.
Lorsque la cellule dispose de suffisamment d’oxygène, la voie
aérobie est mise en route [2] . Elle est conditionnée par le
fonctionnement des mitochondries qui assurent la respiration
cellulaire couplée à la phosphorylation de l’ADP en ATP La carnitine-palmityl-transférase de type 1 (CPT1), située dans la
(phosphorylation oxydative). Le pyruvate produit dans le cytosol membrane externe de la mitochondrie, accroche l’acide gras à
entre dans la mitochondrie grâce à la pyruvate déshydrogénase la carnitine sous forme d’acylcarnitine à longue chaîne (Fig. 2).
qui permet la production d’acétyl-CoA. La traversée de la membrane interne mitochondriale des
acylcarnitine à longue chaîne se fait en échange de carnitine
libre sous la dépendance d’une translocase carnitine-acyl-
Métabolisme lipidique carnitine (CACT). La carnitine-palmityl-transférase de type 2
La b-oxydation mitochondriale est un processus de dégradation (CPT2) restitue, par un processus inverse de décrochage, la
des acides gras nécessitant une cascade enzymatique et contri- carnitine. Dans la mitochondrie se produit le cycle de la
buant à la formation d’énergie [3]. Schématiquement, les acides b-oxydation qui réduit la longueur des chaînes d’acides gras de
gras plasmatiques libérés dans le cytosol sont activés par des deux atomes de carbone en produisant deux molécules
acyl-CoA synthétases. À l’inverse des acides gras à chaînes d’acétyl-CoA.
courte et moyenne, les acides gras à chaîne longue (AGTLC) Les acides aminés subissent également un métabolisme
ne peuvent traverser directement la membrane mitochondriale. complexe conduisant à la formation d’acétyl-CoA.

2 Neurologie
Intolérance musculaire à l’effort ¶ 17-003-E-10

L’intolérance à l’effort survient lors d’un dysfonctionnement


d’une des étapes des voies de dégradation des différents subs-
Glycolyse
trats énergétiques cellulaires. Dans la majorité des cas, les
maladies perturbant ces voies métaboliques sont liées à des
mutations génétiques des gènes des enzymes et protéines
Acides gras
participant à ces différentes étapes. Dans les glycogénoses, avec
Pyruvate
des blocs enzymatiques se situant dans la voie métabolique de
dégradation du glycogène puis du glucose, il n’est plus possible
de produire les deux moles d’ATP par mole de glucose, ni l’acide
CPTI Carnitine
ADP ATP Acyl-carnitine à longue chaîne lactique qui se forme normalement à partir du pyruvate en cas
CACT CPTII
d’anaérobiose prolongée. Les efforts puissants et intenses où le
glycogène est le substrat énergétique essentiel, entraînent, chez
ATP ADP les patients atteints de ces glycogénoses, des symptômes

Membrane externe
Membrane interne
Acyl-CoA à longue chaîne douloureux dans les muscles concernés. Lors des troubles du
Acétyl-CoA métabolisme lipidique, les symptômes douloureux sont provo-
qués par des exercices d’intensité modérée et de durée prolon-
Cycle
gée alors que les exercices brefs et intenses sont bien réalisés.
de Krebs β-oxydation
Dans les cytopathies mitochondriales, l’intolérance à l’effort
peut être isolée ou associée à une symptomatologie
Phosphorylation oxydative polymorphe.
ADP ATP
I II
CoQ III Cyt C IV V
■ Sémiologie clinique
Les symptômes de l’intolérance à l’effort peuvent être
déclenchés par des efforts d’intensité, de type et de durée
Mitochondrie variables : bref et intense, ou peu intense et prolongé par
Figure 2. Représentation schématique du métabolisme mitochondrial. exemple [5]. Ils sont, en général, proportionnels à l’effort fourni.
Les complexes de la chaîne respiratoire codés uniquement par l’acide Au minimum, les myalgies, sensations d’endolorissement
désoxyribonucléique (ADN) nucléaire sont unis, ceux contenant des diffusées à l’ensemble de la musculature ou localisées, persistant
sous-unités codées par l’ADN nucléaire et mitochondrial sont hachurés. après l’effort, sont isolées. Si la symptomatologie est plus
CACT : translocase carnitine-acylcarnitine ; CPTI : carnitine-palmityl- intense, elles peuvent s’accompagner de sensation de crampes,
transferase I ; CPTII : carnitine-palmityl-transferase II ; ADP : adénosine contractures douloureuses involontaires des muscles, prédomi-
diphosphate ; ATP : adénosine triphosphate ; CoQ : coenzyme Q ; Cyt C : nant dans les membres inférieurs, laissant un endolorissement
cytochrome C. musculaire prolongé. Au maximum, l’intolérance à l’exercice
peut s’accompagner de courbatures très intenses et prolongées
ou d’épisodes de rhabdomyolyse. On définit la rhabdomyolyse
comme la survenue de douleurs musculaires intenses, de
Métabolisme mitochondrial gonflement musculaire, d’une impotence fonctionnelle des
membres et d’une coloration rouge foncé (couleur « Coca cola »)
L’acétyl-CoA est le produit de dégradation commun du des urines traduisant une myoglobinurie. La rhabdomyolyse se
métabolisme intramitochondrial (Fig. 2). Il est ensuite trans- traduit sur le plan biologique par une élévation très importante
formé en corps cétoniques ou alimente le cycle de Krebs. Par des enzymes musculaires, les CK avec des taux se situant entre
son union avec l’oxalo-acétate, il forme du citrate permettant la 10 000 et 100 000 unités internationales (UI)/l. Ces épisodes
production d’équivalents réduits (NADH+ H+, FADH2) dans des nécessitent une prise en charge médicale urgente du fait du
réactions de décarboxylations produisant du CO2. Les équiva- risque élevé d’insuffisance rénale aiguë par nécrose tubulaire.
lents réduits produits dans le cycle de Krebs et dans le cycle de
la b-oxydation sont oxydés au long du passage à travers les
différents complexes de la chaîne respiratoire mitochondriale, ■ Explorations paracliniques
enchâssés dans la membrane mitochondriale interne. Leur choix est guidé par un interrogatoire et un examen
La chaîne respiratoire mitochondriale est organisée en cinq clinique minutieux.
complexes principaux. Le complexe I ou NADH coenzyme
Q-réductase, composé de plus de 40 polypeptides dont sept sont Explorations musculaires usuelles
codés par l’acide désoxyribonucléique mitochondrial (ADNmt)
et 36 par l’ADN nucléaire (ADNn), transfère les électrons du Le bilan initial comprend initialement un dosage des CK au
NADH au coenzyme Q [4]. Le complexe II, composé de quatre repos, un électroneuromyogramme (ENMG) et une imagerie
polypeptides exclusivement codés par l’ADN nucléaire, transfère musculaire. Ces examens peuvent être normaux.
les électrons du FADH au coenzyme Q. Le complexe III ou La biopsie musculaire est un des examens clés du diagnostic.
coenzyme Q cytochrome C-réductase est composé de 11 sous- On recherche la présence de dépôts de glycogène pour les
unités distinctes, dont deux protéines de haut poids molécu- déficits en enzymes glycolytiques, de fibres rouges déchiquetées
laire, l’apoprotéine du cytochrome b codée par l’ADNmt et (ragged red fibers, RRF) en cas de mitochondriopathie, des
l’apoprotéine du cytochrome c1, codée par l’ADNn. Il permet mitochondries anormales en microscopie électronique (Fig. 3,
4). On réalise des dosages enzymatiques musculaires, une étude
l’oxydation du coenzyme Q. Le complexe IV ou cytochrome
de la chaîne respiratoire mitochondriale.
oxydase IV est le composant terminal de la chaîne respiratoire.
Il est composé de 13 polypeptides distincts, les trois plus grosses
sous-unités étant codées par l’ADNmt. L’énergie générée par les Explorations métaboliques
réactions de la chaîne respiratoire est utilisée pour pomper des Le diagnostic des myopathies métaboliques est aidé par la
protons de la matrice mitochondriale vers l’espace existant entre réalisation d’investigations métaboliques « in vivo » mettant en
les membranes internes et externes de la mitochondrie. Cela évidence le dysfonctionnement du métabolisme énergétique
crée un gradient de protons électrochimique à travers la musculaire. Trois types d’épreuves peuvent être réalisés.
membrane interne mitochondriale. Le cinquième complexe, le
complexe V ou ATP synthase convertit l’énergie du gradient de Épreuve d’effort de l’avant-bras
protons en ATP, lors d’un processus nommé « couplage On demande au patient de réaliser des exercices de contrac-
oxydation-phosphorylation ». tion dynamique ou statique au niveau de l’avant-bras en

Neurologie 3
17-003-E-10 ¶ Intolérance musculaire à l’effort

Figure 3. Biopsie musculaire typique de maladie de McArdle (avec l’aimable autorisation du professeur J.-F. Pellissier).
A. Coloration par acide périodique de Schiff. Surcharge en glycogène.
B. Absence de coloration chez un patient atteint de maladie de McArdle à l’analyse histoenzymatique de la phosphorylase.
C. Activité de la phosphorylase musculaire chez un témoin.

maladies mitochondriales [13]. Ce test nécessite des conditions


strictes de standardisation pour être interprétable.

Épreuve d’effort par spectroscopie par résonance


magnétique nucléaire du phosphore
Cette technique, bien tolérée, donne des informations sur la
composition biochimique du muscle de façon non invasive. Elle
mesure les concentrations en métabolites phosphorylés à haut
potentiel énergétique ainsi que le pH intracellulaire directement
dans le muscle et enregistre leur évolution lors de l’exercice
musculaire [14] . Placé dans un champ magnétique et après
excitation à une radiofréquence adéquate, le noyau du phos-
phore restitue l’énergie reçue sous forme d’un signal décomposé
en spectres après traitement informatique. On distingue six
signaux d’intensité variable correspondant aux atomes de
phosphore des sucres phosphates (phosphomonoesters – PME),
au phosphate inorganique (Pi), à la phosphocréatine (PCr), et
aux groupements phosphate en position a, b, et c de l’ATP. Le
signal des PME reflète essentiellement les concentrations en
glucose-6-phosphate, l’AMP et l’IMP. La valeur du pH intracel-
lulaire peut être déterminée à partir de la fréquence du signal
du Pi. Elle permet ainsi d’observer le métabolisme énergétique
« in vivo » avec une technique à la fois qualitative (identifica-
Figure 4. Biopsie musculaire d’une mitochondriopathie (avec l’aima- tion des métabolites) et quantitative (mesure des concentra-
ble autorisation du professeur J.-F. Pellissier). tions). Cet examen permet de dépister les anomalies de la
A. Trichrome de Gomori révélant des fibres ragged-red par accumulations glycogénolyse ou de la glycolyse avec une grande sensibilité,
sous-sarcolemmiques de mitochondries anormales. grâce à l’analyse du pH intracellulaire [15-17]. Il évalue aussi le
B. Double coloration cytochrome oxydase. Succinate déshydrogénase : dysfonctionnement mitochondrial par le temps de resynthèse
fibres COX négatives. de la PCr, et le temps de retour au niveau initial de l’ADP [18].
Ceux-ci sont liés directement à la production d’ATP par les
mitochondries et mesurent la phosphorylation oxydative
mitochondriale [19]. Cet examen ne peut être effectué que dans
pratiquant, à la suite de l’effort, des dosages veineux de un service spécialisé.
lactacidémie. Classiquement, on mettait en place un garrot
artériel afin de réaliser l’épreuve en condition anaérobie, mais
cela est actuellement évité en raison des risques de rhabdomyo-
lyse induite par l’ischémie et de syndrome de loge [6, 7]. Des
■ Étiologies de l’intolérance
auteurs ont proposé une standardisation de cette épreuve à l’effort
d’effort, sans ischémie [8, 9] . Ce test semble sensible pour
dépister les glycogénoses, montrant une absence d’élévation de Glycogénoses non lysosomales
la lactacidémie après un effort bref et intense. Il a des résultats
inconstants dans les maladies mitochondriales. Un test d’effort Maladie de McArdle
de l’avant-bras mesurant la désaturation veineuse en oxygène
lors de l’effort pourrait être intéressant pour détecter La maladie de McArdle est liée à un déficit en myophospho-
celles-ci [10]. rylase ou phosphorylase musculaire (glycogénose de type V).
Elle est de transmission autosomique récessive. C’est la glycogé-
nose causant le plus fréquemment une intolérance à l’effort [2].
Épreuve d’effort sur bicyclette ergométrique
L’intolérance à l’effort se manifeste habituellement par
L’exercice est réalisé jusqu’à atteinte de la fréquence cardia- périodes. Dans l’enfance ou l’adolescence, on observe initiale-
que maximale théorique, permettant une meilleure analyse de ment une fatigabilité musculaire excessive et une myoglobinurie
l’effort, notamment chez les sportifs. Une analyse cardiorespira- intermittente. Secondairement, elle se traduit cliniquement par
toire est effectuée parallèlement aux recueils des paramètres des myalgies à l’effort et des contractures, entraînant des
biochimiques sur prélèvements sanguins [11, 12] . Ce test est crampes si l’exercice est prolongé. Ces troubles apparaissent
contre-indiqué en cas d’antécédents de rhabdomyolyse ou pour un effort court et intense (course, port de charges lourdes)
d’atteintes cardiaques. Il est particulièrement intéressant pour ou moins intense, mais plus soutenu (monter une côte, faire de
mettre en évidence les défauts du métabolisme oxydatif lors des la bicyclette) [20], obligeant le patient à l’arrêt. Si l’effort est

4 Neurologie
Intolérance musculaire à l’effort ¶ 17-003-E-10

poursuivi malgré la douleur, une myoglobinurie peut survenir, l’adénosine monophosphate et l’inosine monophosphate [26, 34].
parfois compliquée d’une insuffisance rénale aiguë [21, 22]. Les La présence de vacuoles positives au PAS est inconstante (70 %).
patients rapportent fréquemment qu’ils peuvent reprendre Le diagnostic de confirmation est fait par le dosage enzymatique
l’effort avec une meilleure endurance s’ils se sont reposés musculaire. Les bases moléculaires restent partiellement non
brièvement après l’apparition des premières douleurs musculai- élucidées. Certains patients ont des mutations du gène PHKA1,
res. Cela est appelé phénomène de « second souffle » [23] , siégeant sur le bras long proximal du chromosome X, codant
traduisant le relais métabolique pris par le métabolisme oxydatif pour l’isoenzyme musculaire A, expliquant ainsi la prédomi-
et la dégradation des lipides [24] . La rhabdomyolyse et la nance masculine [35]. L’existence de femmes présentant cette
myoglobinurie postexercice concernent environ 50 % des myopathie plaide en faveur de l’existence d’autres sous-unités
patients, la moitié d’entre eux développant une insuffisance spécifiques du muscle, possiblement sous la forme d’épissages
rénale aiguë [3]. L’examen clinique est le plus souvent normal au alternatifs de la sous-unité b, avec une hérédité autosomique
repos. Un déficit proximal peut être observé chez un tiers des récessive [3].
patients après plusieurs dizaines d’années d’évolution [3, 25]. Le
test du brassard est très évocateur. On gonfle un brassard à Déficit en phosphofructokinase
tension sur le bras du patient pour créer une ischémie et on lui Le déficit en phosphofructokinase (maladie de Tarui, glycogé-
demande d’effectuer des mouvements d’ouverture et de ferme- nose de type VII) est le moins rare des déficits de la glycolyse.
ture du poing. Typiquement, le patient ne peut pas poursuivre Le tableau clinique est similaire au McArdle, mais c’est une
son effort au-delà d’une trentaine de secondes, en raison d’une cause beaucoup plus rare de myoglobinurie [36]. L’intolérance à
contracture douloureuse à l’avant-bras à l’effort. l’effort apparaît, dès la petite enfance, majorée dans les exercices
Ce diagnostic doit être fortement évoqué devant le caractère isométriques ou dynamiques intenses et aggravée par la prise
stéréotypé de l’intolérance à l’effort, les épisodes de rhabdo- d’hydrates de carbone. Un phénomène de second souffle peut
myolyse et sur l’élévation fréquente des CK. parfois être observé. Des nausées et des vomissements peuvent
L’ENMG est souvent normal entre les épisodes de myoglobi- accompagner les manifestations d’intolérance à l’effort. L’asso-
nurie. Chez certains patients, on peut noter des activités ciation possible à une anémie hémolytique doit faire rechercher
spontanées anormales à type de potentiels de fibrillations et de des antécédents d’ictère, une élévation du nombre des réticulo-
décharges pseudomyotoniques. Les tests d’effort confirment le cytes et du taux de bilirubine. Cet élément peut aider à le
blocage de la glycogénolyse devant une absence d’élévation de distinguer de la maladie de McArdle. Des tableaux de déficits
la lactacidémie lors de la préhension forcée ou sur bicyclette musculaires permanents de début tardif ont été rapportés [3, 37,
ergométrique alors que l’ammoniémie augmente parallèle- 38]. Les épreuves d’effort montrent une absence d’élévation de
ment [26]. Ces anomalies sont également observées dans d’autres la lactacidémie. La spectroscopie RMN P31 met en évidence un
glycogénoses. L’étude du métabolisme musculaire par spectros- pic reflétant une accumulation de sucres phosphatés, caractéris-
copie RMN du P31 montre toujours une alcalose en fin d’exer- tique d’un blocage de la glycogénolyse basse, le distinguant de
cice et une chute anormale du rapport PCr sur Pi [14, 27]. La la maladie de McArdle [27] . La biopsie musculaire met en
biopsie musculaire montre des accumulations de matériel PAS évidence des masses sous-sarcolemmiques et des inclusions
(periodic acid schiff coloration) positif dans les espaces sous- hyalines PAS positives [5]. Le déficit enzymatique est complet
sarcolemmiques et de façon moindre dans le secteur intermyo- dans le muscle et partiel dans les globules rouges [3].
fibrillaire traduisant une surcharge en glycogène, avec rarement La transmission est autosomique récessive. Le gène codant
des images de myopathie vacuolaire [5] (Fig. 3). On note une pour la sous-unité musculaire (PFKM), historiquement lié au
absence de coloration à l’analyse histoenzymatique pour la chromosome 1 par hybridation [39], est localisé sur le chromo-
myophosphorylase. Les dosages biochimiques révèlent un some 12 [40]. Près de 20 mutations ont été décrites [41].
déficit partiel de l’activité myophosphorylase.
La maladie de McArdle est transmise sur un mode autosomi- Déficit en phosphoglycérate mutase (PGAM)
que récessif, bien qu’une transmission d’apparence autosomique Le déficit en phosphoglycérate mutase (glycogénose de type
dominante ait été décrite dans certaines familles [28]. Le gène de X), de transmission autosomique récessive, entraîne un tableau
la myophosphorylase (PYGM) est localisé sur le chromosome clinique proche de celui de la maladie de McArdle [3]. Le taux
11q13. Plus de 65 mutations ont été identifiées à ce jour, de CK est élevé. La lactacidémie ne s’élève pas à l’effort. La
démontrant une grande hétérogénéité génétique, sans corréla- présence d’agrégats tubulaires à la biopsie musculaire a été
tion génotype-phénotype [25, 29, 30]. rapportée chez plusieurs patients [42].
Sur le plan thérapeutique, la revue Cochrane [31] ne retient
pas de régime ou de traitement faisant la preuve de son Déficit en phosphoglycérate kinase (PGK)
efficacité. De petites doses de créatine pourraient apporter un
léger bénéfice alors que de hautes doses pourraient causer des Le déficit en phosphoglycérate kinase, de transmission liée à
myalgies. La prise de glucose avant l’effort améliore la tolérance l’X se manifeste le plus souvent chez les jeunes garçons par une
de l’exercice immédiat, mais n’a pas d’influence pour des efforts anémie hémolytique sévère et une atteinte du système nerveux
soutenus ou imprévus et peut être la cause d’un gain pondéral. central [43]. Plus rarement, il s’exprime par un tableau d’intolé-
Un régime riche en hydrates de carbone semble améliorer la rance à l’effort avec crampes et myoglobinurie [44-46]. Le taux de
tolérance à l’effort et prévenir les épisodes de rhabdomyolyse CK est élevé de façon inconstante. La lactacidémie ne s’élève
induits par l’exercice [32]. pas à l’effort.

Déficit en phosphorylase b kinase Déficit en enzyme débranchante


(glycogénose de type VIII) (type III, Cori-Forbes)
La phosphorylase b kinase est une enzyme importante de la Le déficit en enzyme débranchante [3] est typiquement une
glycogénolyse. La myophosphorylase existe à 95 % sous une maladie bénigne de l’enfant caractérisée par une atteinte
forme inactive, la phosphorylase b. La phosphorylase b kinase hépatique prédominante qui a tendance à disparaître progressi-
active la myophosphorylase par fixation d’ATP à la phospho- vement à la puberté. Une atteinte myopathique, avec intolé-
rylase b. Le déficit en phosphorylase b kinase (PHK) est une rance à l’effort, peut se déclarer à l’âge adulte, après régression
glycogénose rare. Elle est associée à quatre syndromes princi- des signes hépatiques ou chez des patients n’ayant eu aucune
paux se distinguant par le mode de transmission et les tissus histoire d’hépatopathie dans l’enfance. La survenue d’une
impliqués [3]. La forme myopathique a une symptomatologie myoglobinurie est très rare.
proche de celle de la maladie de McArdle. Le début se situe dans
l’enfance ou l’adolescence pour la majorité des patients, avec
Déficit en β-énolase, en lactate déshydrogénase,
une nette prédominance masculine [33]. Une élévation de la en phosphohexoisomérase
lactacidémie à l’effort n’est notée que dans 50 % des cas du fait Ces derniers cas sont très rares et de phénotype similaire au
de la possibilité d’une activation directe de la phosphorylase par McArdle.

Neurologie 5
17-003-E-10 ¶ Intolérance musculaire à l’effort

Déficit du métabolisme lipidique Déficits de la β-oxydation


Les déficits de la b-oxydation constituent une cause excep-
Déficit en carnitine palmityl-transferase tionnelle de rhabdomyolyse chez l’adulte.
Le système carnitine-palmityl-transférase (CPT) est composé Déficit en Acyl-CoA déshydrogénase à chaîne très longue
de deux acyltransférases distinctes : CPT1, située sur le versant
interne de la membrane externe de la mitochondrie, et CPT2, La présentation clinique du déficit en Acyl-CoA déshydrogé-
nase à chaîne très longue (VLCAD), dans sa forme adulte, est
située sur le versant interne de la membrane externe de la
sensiblement identique au déficit en CPT2, caractérisée par une
mitochondrie (Fig. 2). La CPT1 permet l’entrée dans la mito-
atteinte du muscle squelettique isolée avec rhabdomyolyse et
chondrie des acides gras à longue chaîne après couplage à la
myoglobinurie déclenchées par l’effort et le jeûne [3, 57] .
carnitine. Après le passage transmembranaire assuré par la
Cependant, les myalgies semblent plus sévères et les épisodes
translocase, l’acide gras est transféré par la CPTII. Les déficits en
plus nombreux. Cette forme est nettement moins fréquente que
CPT1 et CPT2 ont fait l’objet de revues [47]. L’atteinte muscu-
les formes à début infantile et fait l’objet de publications de cas
laire est exceptionnelle dans les déficits en CPT1, qui ne sont
isolés [58-63]. L’âge de début varie entre 7 et 40 ans, mais il est
donc pas développés dans ce cadre [48].
plus tardif que dans les formes avec décompensation métaboli-
Le déficit en CPT2 est le trouble du métabolisme lipidique le
que aiguë [61]. Aucune atteinte cardiaque n’est notée chez ces
plus fréquent, une des plus fréquentes maladies héréditaires de
patients et il n’y a pas de déficit musculaire entre les crises, à
l’oxydation des acides gras mitochondriales [49] et est la
l’exception d’un cas [57].
deuxième cause de rhabdomyolyse d’origine métabolique chez
Le diagnostic de déficit en VLCAD est difficile. Comme dans
l’adulte, après la maladie de McArdle [36]. La forme myopathi-
le déficit en CPT2, la biopsie musculaire peut être peu contri-
que, appelée « déficit en CPT2 de type 1 », initialement décrite
butive pour le diagnostic, montrant des altérations morpholo-
par Di Mauro et Melli-Di Mauro en 1973, s’exprime par des
giques aspécifiques ou la présence de gouttelettes lipidiques
myolyses à répétition. Les deux autres formes, hépato-cardio-
prédominant dans les fibres de type I [3]. L’immunohistochimie
musculaire infantile, dite de type 2, et néonatale de type 3,
pourrait être une méthode efficace et spécifique pour détecter
d’évolution très sévère, ne sont pas traitées dans ce cadre.
un déficit en VLCAD [64]. Le diagnostic repose sur l’étude de la
Le diagnostic est posé, en règle, entre 15 et 30 ans. Dans chromatographie des acides organiques dans les urines, l’étude
environ 10 % des cas, les manifestations peuvent survenir avant par spectroscopie de masse du profil des acylcarnitines sur
l’âge de 6 ans [36] . Dans la présentation habituelle, à l’âge échantillon sanguin, l’étude de l’oxydation des acides gras sur
adulte, il existe une nette prédominance masculine avec un fibroblastes, muscle ou lymphocytes.
ratio de 5,5 pour 1 alors que cette tendance est inversée pour La nécessité d’évoquer un déficit en VLCAD devant toute
les formes à début infantile [50]. La clinique est dominée par des myoglobinurie débutant à l’âge adulte est bien illustrée par
épisodes de myoglobinurie, parfois graves, favorisés par l’exer- l’identification de ce déficit enzymatique chez deux soldats bien
cice prolongé, s’associant à des myalgies et à une faiblesse entraînés ayant présenté une rhabdomyolyse massive lors d’un
musculaire. Il n’y a pas d’intolérance à l’effort court ou de entraînement [62].
phénomène de second souffle alertant le patient d’interrompre La prise de glucose intraveineux ou d’acides gras à chaîne
son effort, comme dans les atteintes de la glycolyse. Chez un moyenne par voie orale n’a pas démontré d’efficacité particu-
petit nombre de patients, les infections et la fièvre peuvent être lière dans une étude de deux cas [65]. Un bénéfice de la prise de
les facteurs favorisants principaux [50]. Le jeûne est un facteur dantrolène sodium a été rapporté chez un patient [63].
aggravant, ainsi que le froid et le stress, conditions dans
lesquelles le métabolisme lipidique assure l’apport énergétique Déficit en enzyme trifonctionnelle
musculaire [47, 51]. L’évolution est habituellement favorable [3]. Alors que, dans de nombreux cas, la présentation clinique est
Dans 25 % des cas, une insuffisance rénale, par nécrose tubu- très sévère, entraînant une forte mortalité, un déficit en enzyme
laire aiguë, peut être observée mais n’a été fatale que dans un trifonctionnelle mitochondriale peut induire des myolyses
seul cas documenté. Deux cas, révélés par une détresse respira- isolées d’effort chez l’adolescent et l’adulte simulant le déficit en
toire durant un épisode infectieux, ont été rapportés, portant CPTII, à la simple différence que les patients sont atteints d’une
l’attention sur cette possible complication [52]. Les CK sont le polyneuropathie [66, 67]. La neuropathie est axonale et à prédo-
plus souvent normales en dehors des épisodes de myolyse. Les minance sensitive [67]. Un régime pauvre en graisses et riche en
lactates s’élèvent normalement à l’effort. L’analyse par spectros- hydrates de carbone a réduit, chez un patient, le nombre
copie RMN du P31 est habituellement normale. La biopsie d’épisodes de myoglobinurie [66].
musculaire peut montrer une surcharge lipidique, mais de façon
inconstante. Sa normalité n’élimine donc pas ce diagnostic. Ce
diagnostic doit donc systématiquement être envisagé devant des Cytopathies mitochondriales
éléments cliniques évocateurs. Le diagnostic est confirmé sur un Les symptômes de l’intolérance à l’effort à type de fatigabilité
dosage enzymatique dans le muscle, les fibroblastes ou les douloureuse avec essoufflement sont fréquents dans les maladies
lymphocytes. mitochondriales, mais souvent au second plan par rapport à
La transmission est autosomique récessive, affectant plus d’autres signes cliniques associés : ptôsis, ophtalmoplégie,
l’homme que la femme. De nombreuses mutations ont été atteinte cardiaque, diabète, surdité, neuropathie, ataxie cérébel-
rapportées dans des études familiales et des revues, montrant leuse, myopathie, épilepsie, accidents vasculaires cérébraux. Un
une relativement bonne corrélation entre le génotype, le déficit tableau pur ou prédominant d’intolérance à l’effort est rare. La
métabolique et l’atteinte clinique [47, 53] . Seize nouvelles rhabdomyolyse est exceptionnelle. Comme toutes les autres
mutations ont été rapportées dans une cohorte d’adultes affections mitochondriales, les myopathies mitochondriales
présentant un déficit en CPT2, mais aussi chez deux enfants responsables d’une intolérance à l’effort peuvent être divisées en
asymptomatiques lors d’une recherche systématique large [54]. deux groupes : celles liées à des mutations de l’ADNmt et celles
Chez 22 patients adultes de phénotype modéré présentant un liées à des mutations de l’ADNn.
déficit en CPT2, la mutation p.S113L a été détectée avec une
fréquence allélique de 67,5 % [52], confortant les résultats d’une Myopathies mitochondriales liées à des mutations
précédente méta-analyse estimant la fréquence de l’allèle S113L de l’acide désoxyribonucléique mitochondrial
à 65 % [55]. La mutation pF383Y serait prédominante au Japon,
car elle a été détectée chez six patients sur sept porteurs d’un Mutations dans les gènes codant pour des protéines [68]
déficit en CPT2 [56]. Un régime riche en hydrate de carbone, Ces mutations altèrent l’activité du complexe de la chaîne
l’utilisation d’huiles riches en acides gras à chaîne longue sont respiratoire dont la sous-unité est mutée.
recommandés. Il est impératif d’éviter les conditions déclen- Déficit en complexe I. Des tableaux d’intolérance à l’effort
chantes : le jeûne, l’exercice prolongé ou les cures isolés ont été décrits chez des patients présentant des mutations
d’amaigrissement [47]. des gènes de la sous-unité 4 du complexe I (ND4) [69] et de la

6 Neurologie
Intolérance musculaire à l’effort ¶ 17-003-E-10

sous-unité 1 du complexe I (ND1) [70, 71]. Une mutation dans mutations autosomiques récessives du gène ETFDH (electron-
ND2, un des gènes codant pour le complexe I, a été rapportée transferring flavoprotein-deshydrogenase) ont été décrites chez tous
chez une femme entraînant un tableau d’intolérance à l’exercice les patients, suggérant que le déficit en ETFDH entraîne un
sévère avec des myalgies ayant débuté vers l’âge de 10 ans, avec déficit secondaire en CoQ10. Un apport de CoQ10 et de
un ptôsis discret noté à l’examen clinique [72]. riboflavine a permis une amélioration substantielle chez tous les
Déficit en complexe III. Le cytochrome b est la seule sous- patients.
unité du complexe III codée par l’ADNmt. Plus de 15 mutations
du gène du cytochrome b ont été rapportées, toutes Mutations dans des gènes codant pour des protéines
différentes [73-80]. Elles semblent être des causes relativement ancillaires
fréquentes de myopathies isolées chez des patients sporadiques. Aucune des mutations connues dans les gènes codant pour
La majorité des patients identifiés présente un tableau commun les protéines ancillaires n’est responsable à ce jour d’un tableau
d’intolérance à l’effort sévère et progressive, associé, de façon d’intolérance à l’effort isolée, bien que le muscle soit fréquem-
variable, à une acidose lactique et à une myoglobinurie. L’âge ment affecté dans ces atteintes plurisystémiques.
de début est variable, mais beaucoup de patients se plaignent de
fatigue et de crampes depuis l’enfance. Dans la plupart des cas, Diagnostic des myopathies mitochondriales
un déficit biochimique isolé en complexe III est mis en évi-
La production exagérée de lactates, secondaire à la défaillance
dence, plus rarement en association à un déficit en complexe
du métabolisme oxydatif, est la donnée biologique majeure,
I [78].
mais elle est rarement notée au repos. Elle est plus aisément
Déficit en complexe IV (COX). Les mutations des gènes
objectivée lors de l’épreuve d’effort sur bicyclette ergométrique.
COX mitochondriaux sont une cause importante d’intolérance
La spectroscopie RMN du P31 permet de dépister un dysfonc-
à l’effort et de myoglobinurie. Des mutations ont été rapportées
tionnement mitochondrial devant une réduction de la PCr,
chez de jeunes adultes avec une intolérance à l’effort prolongé,
reflet de la production défaillante d’ATP de manière incons-
des myalgies induites par l’effort, et parfois des épisodes de
tante [14, 19]. C’est la biopsie musculaire qui permet, dans la
myoglobinurie [77, 81]. Tous étaient des cas sporadiques avec des
majorité des cas, d’affirmer le diagnostic en montrant des fibres
mutations hétéroplasmiques confinées au muscle squelettique et
déchiquetées, riches en mitochondries (RRF) et d’un déficit en
affectant COX I [82, 83], COX II [84] et COX III [77, 81, 85].
mosaïque de la cytochrome c oxydase (fibres COX négatives)
Mutations dans les acides ribonucléiques de transfert (Fig. 4). L’étude enzymologique de la chaîne respiratoire sur un
fragment de tissu musculaire congelé dans l’azote liquide peut
Les mutations affectant l’acide ribonucléique de transfert
permettre de déterminer l’anomalie moléculaire en cause.
(ARNt) résultent en des déficits combinés des complexes I, III,
Sur le plan thérapeutique, des produits ayant pour but
IV, affectent de façon variable l’ATP synthase, mais épargnent le
d’améliorer le fonctionnement de la chaîne respiratoire sont
complexe II. Bien que ces mutations soient le plus souvent
prescrits : coenzyme Q, riboflavine, ascorbate, ménadione. En
associées à des tableaux bien définis tels le MERRF (myoclonic
dehors du déficit primaire en coenzyme Q10, l’effet de ces
epilepsy with ragged red fibers) et le MELAS (mitochondrial
traitements est modeste, voire inexistant.
encephalomyopathy, lactic acidosis, and stroke-like episodes), il existe
une grande hétérogénéité clinique et génétique. Un tableau
d’intolérance à l’effort a été rapporté avec des mutations Dystrophies pseudométaboliques
ponctuelles des gènes ARNt (Tyr) [72], du gène MTTK (ARNt- Les dystrophies pseudométaboliques constituent le principal
Lys [86, 87]
) et du gène MTTE (ARNtGlu) [88]. diagnostic différentiel des myopathies métaboliques. Certaines
dystrophies musculaires peuvent avoir comme symptomatologie
Myopathies mitochondriales liées à des mutations inaugurale des douleurs et une fatigabilité musculaire déclen-
de l’acide désoxyribonucléique nucléaire chées par l’effort, cédant à l’arrêt, pouvant s’associer à des
Certaines maladies mitochondriales sont dues à des muta- épisodes de rhabdomyolyse et de myoglobinurie. La première
tions de gènes nucléaires codant pour une multitude de protéi- description a été faite chez des patients porteurs de dystrophi-
nes de structure ou de maintenance. Les mutations de l’ADNn nopathies [94]. Le déficit en dystrophine entraînerait un défaut
affectant la chaîne respiratoire mitochondriale peuvent être de stabilité mécanique. L’effort entraînant un stress mécanique
classées en trois grands groupes : les mutations dans des gènes répété et intense sur les fibres musculaires pourrait donc se
codant pour la chaîne respiratoire mitochondriale elle-même manifester par une rhabdomyolyse et des épisodes de myoglo-
(complexe I et II, coenzyme Q10 – CoQ10), les mutations dans binurie chez des patients déficients en dystrophine. Ces symp-
des gènes codant pour des protéines ancillaires nécessaires à tômes peuvent demeurer isolés, indépendants de toute autre
l’assemblage et le fonctionnement correct de la chaîne respira- manifestation [95-97]. Depuis, ce mode de présentation a été
toire et les mutations dans des gènes régulant la quantité et la décrit dans les calpaïnopathies [98], les sarcoglycanopathies [99-
101], les dysferlinopathies [102], les myopathies liées aux muta-
qualité de l’ADNmt, pouvant entraîner des délétions multiples
de l’ADNmt et/ou des déplétions en ADNmt [68]. tions du gène FKRP [103]. Récemment, un cas de cavéolinopathie
se manifestant par des accès récurrents de myoglobinurie a été
Mutations dans les sous-unités des chaînes respiratoires rapporté [104].
Le déficit primaire en CoQ10 est rare et marqué par une Certains éléments peuvent orienter vers une dystrophie
grande hétérogénéité clinique. On rapporte quatre grands musculaire plutôt que vers une myopathie métabolique devant
phénotypes : une intolérance à l’effort : une hypertrophie des mollets
• une forme encéphalomyopathique, avec une intolérance à évoquant une dystrophinopathie ou une sarcoglycanopathie,
l’effort, des accès de myoglobinurie, une ataxie, un retard une élévation des CK très importante au repos (CK supérieures
mental et des crises comitiales [89, 90] ; à 1 000 UI/l) ou des signes d’involution adipeuse sélective à
• une atteinte multisystémique infantile associant une l’imagerie musculaire dans des muscles indemnes cliniquement.
encéphalopathie, une cardiomyopathie, une atrophie optique, La biopsie musculaire permet de confirmer le processus dystro-
une ataxie et un syndrome néphrotique ; phique devant l’association de lésions de nécrose et de régéné-
• une ataxie cérébelleuse familiale ; ration et d’une involution fibroadipeuse. L’immunomarquage
• un syndrome de Leigh. et/ou le western blot des protéines membranaires peut permet-
Plus récemment, un phénotype d’atteinte musculaire isolée a tre d’identifier la protéine déficiente et d’orienter les recherches
été décrit [91, 92]. génétiques.
Une série récente rapporte sept patients présentant un tableau La myotonie ne peut pas être considérée comme un symp-
d’intolérance à l’effort, de déficit myopathique, d’asthénie, et tôme d’intolérance à l’effort. Cependant, la dystrophie myoto-
d’hyperCKémie [93]. L’histologie montrait des signes de sur- nique de type 2 ou PROMM s’accompagne fréquemment de
charge lipidique et des anomalies mitochondriales. Le CoQ10 douleur et d’intolérance à l’exercice. L’anamnèse, le caractère
était significativement réduit dans le muscle des patients. Des proximal des troubles, la présence de décharges myotoniques à

Neurologie 7
17-003-E-10 ¶ Intolérance musculaire à l’effort

l’ENMG font évoquer le diagnostic [105]. La confirmation repose [4] Sue CM, Schon EA. Mitochondrial respiratory chain diseases and
sur la biologie moléculaire du gène ZNF9, mettant en évidence mutations in nuclear DNA: a promising start? Brain Pathol 2000;10:
des répétitions CCTG [105]. 442-50.
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Déficit en myoadénylate déaminase [6] Meinck HM, Goebel HH, Rumpf KW, Kaiser H, Neumann P. The
L’AMP-déaminase ou myadénylate déaminase est une forearm ischaemic work test--hazardous to McArdle patients? J Neurol
enzyme, présente uniquement dans le muscle strié, catalysant la Neurosurg Psychiatry 1982;45:1144-6.
conversion d’AMP en IMP et ammoniaque. En 1978, Fishbein et [7] Lindner A, Reichert N, Eichhorn M, Zierz S. Acute compartment syn-
al. ont mis en lien un déficit en AMP-déaminase avec un drome after forearm ischemic work test in a patient with McArdle’s
syndrome d’intolérance à l’effort, accompagné de myalgies, de disease. Neurology 2001;56:1779-80.
crampes et parfois d’arthralgies, la considérant comme une [8] Hogrel JY, Laforêt P, Ben Yaou R, Chevrot M, Eymard B, Lombès A. A
nouvelle maladie musculaire [106]. L’absence d’augmentation de non-ischemic forearm exercise test for the screening of patients with
l’ammoniémie parallèlement à l’élévation normale de la lacta- exercise intolerance. Neurology 2001;56:1733-8.
[9] Kazemi-Esfarjani P, Skomorowska E, Jensen TD, Haller RG, Vissing J.
cidémie à l’effort peut refléter un déficit en myoadénylate
A nonischemic forearm exercise test for McArdle disease. Ann Neurol
déaminase. La responsabilité de ce déficit enzymatique dans la
2002;52:153-9.
genèse de symptômes musculaires est très controversée depuis la [10] Jensen TD, Kazemi-Esfarjani P, Skomorowska E, Vissing J. A forearm
publication d’une étude montrant que 2 % de sujets contrôles exercise screening test for mitochondrial myopathy. Neurology 2002;
présentaient des mutations à l’état homozygote du gène 58:1533-8.
AMPD-1, codant pour cette enzyme [107]. La physiopathologie [11] Elliot DL, Buist NR, Goldberg L, Kennaway NG, Powell BR,
demeure inconnue, le rôle fonctionnel de l’enzyme n’étant pas Kuehl KS. Metabolic myopathies: evaluation by graded exercise
clairement précisé. testing. Medicine 1989;68:163-72.
[12] Chaussain M, Camus F, Defoligny C, Eymard B, Fardeau M. Exercise
Hyperthermie à l’effort intolerance in patients with McArdle’s disease or mitochondrial
myopathies. Eur J Med 1992;1:457-63.
L’hyperthermie d’effort ou coup de chaleur d’exercice [13] Taivassalo T, Jensen TD, Kennaway N, DiMauro S, Vissing J,
entraîne une hyperthermie, une rhabdomyolyse et un syndrome Haller RG. The spectrum of exercise tolerance in mitochondrial
neurologique avec troubles de la conscience, coma et convul- myopathies: a study of 40 patients. Brain 2003;126(Pt2):413-23.
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l’article EMC correspondant [108]. invasive investigation of muscle function using 31P magnetic
resonance spectroscopy and 1H MR imaging. Rev Neurol 2006;162:
467-84.
Déconditionnement à l’effort [15] Argov Z, Bank WJ, Maris J, Chance B. Muscle energy metabolism in
Il s’agit d’un motif de consultation très fréquent en patholo- McArdle’s syndrome by in vivo phosphorus magnetic resonance
gie musculaire. L’intolérance à l’effort peut être observée chez spectroscopy. Neurology 1987;37:1720-4.
des sujets sportifs, ayant interrompu ou diminué fortement leur [16] Argov Z, Bank WJ, Maris J, Leigh JS Jr, Chance B. Muscle energy
activité physique, le plus souvent après la quarantaine. À la metabolism in human phosphofructokinase deficiency as recorded by
reprise des activités physiques surviennent des douleurs muscu- 31P nuclear magnetic resonance spectroscopy. Ann Neurol 1987;22:
46-51.
laires et une fatigabilité jugée anormales par le sujet au vu de
[17] Bendahan D, Confort-Gouny S, Kozak-Ribbens G, Cozzone PJ. 31-P
ses capacités antérieures. C’est le plus souvent l’interrogatoire
NMR characterization of the metabolic anomalies associated with the
qui va permettre de distinguer cette cause d’intolérance à l’effort lack of glycogen phosphorylase activity in human forearm muscle.
d’une myopathie métabolique. Biochem Biophys Res Commun 1992;185:16-21.
[18] Bendahan D, Desnuelle C, Vanuxem D, Confort-Gouny S, Figarella-
Branger D, Pellissier JF, et al. 31P NMR spectroscopy and ergometer
exercise test as evidence for muscle oxidative performance
“ Points essentiels improvement with coenzyme Q in mitochondrial myopathies.
Neurology 1992;42:1203-8.
[19] Laforêt P, Wary C, Duteil S, de Kerviler E, Carlier PG, Lombès A, et al.
• Si les douleurs musculaires à l’effort sont un motif Exploration of exercise intolerance by 31P NMR spectroscopy of calf
fréquent de consultation neurologique, l’intolérance muscles coupled with MRI and ergometry. Rev Neurol 2003;159:
musculaire à l’effort vraie, isolée, est plus rare. 56-67.
[20] Bartram C, Edwards RH, Beynon RJ. McArdle’s disease-muscle
• Une démarche diagnostique rigoureuse doit précéder la glycogen phosphorylase deficiency. Biochim Biophys Acta 1995;1272:
réalisation des examens. Dans ce contexte, les CK, l’ENMG 1-3.
et l’imagerie musculaire usuelles peuvent être normaux. [21] Bank WJ, DiMauro S, Rowland LP. Renal failure in McArdle’s disease.
• Les résultats des examens du métabolisme musculaire N Engl J Med 1972;287:1102.
« in vivo » peuvent permettre d’orienter les recherches sur [22] Grünfeld JP, Ganeval D, Chanard J, Fardeau M, Dreyfus JC. Acute
la biopsie musculaire qui est souvent l’examen clé du renal failure in McArdle’s disease. Report of two cases. N Engl J Med
1972;286:1237-41.
diagnostic.
[23] Pearson CM, Rimer DG, Mommaerts WF. A metabolic myopathy due
• Une démarche pluridisciplinaire entre neurologues, to absence of muscle phosphorylase. Am J Med 1961;30:502-17.
anatomopathologistes, biochimistes et généticiens est [24] Pernow BB, Havel RJ, Jennings DB. The second wind phenomenon in
nécessaire pour avancer dans ce diagnostic souvent McArdle’s syndrome. Acta Med Scand 1967;472:294-307 [suppl].
difficile. [25] Martín MA, Rubio JC, Buchbinder J, Fernández-Hojas R, del Hoyo P,
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8 Neurologie
Intolérance musculaire à l’effort ¶ 17-003-E-10

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Isolated mitochondrial myopathy associated with muscle coenzyme EMC (Elsevier Masson SAS, Paris), Neurologie, 17-171-A-10, 2005,
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E. Salort-Campana (emmanuelle.salort-campana@ap-hm.fr).
J. Pouget.
Centre de référence des maladies neuromusculaires et de la SLA, Service du professeur Pouget, Hôpital la Timone, 264, rue Saint-Pierre, 13385 Marseille
cedex 05, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Salort-Campana E., Pouget J. Intolérance musculaire à l’effort. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris),
Neurologie, 17-003-E-10, 2010.

Disponibles sur www.em-consulte.com


Arbres Iconographies Vidéos / Documents Information Informations Auto- Cas
décisionnels supplémentaires Animations légaux au patient supplémentaires évaluations clinique

10 Neurologie
 17-003-J-10

Système nerveux autonome


J. Serratrice, A. Verschueren, G. Serratrice

Cette mise au point envisage successivement : l’organisation anatomique et fonctionnelle des systèmes
sympathique et parasympathique ; les principales méthodes d’exploration : cardiovasculaire, sudorale,
pupillaire surtout ; les manifestations cliniques : dysautonomies aiguës, dysautonomies chroniques primi-
tives et secondaires ; le traitement.
© 2013 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots-clés : Système nerveux autonome ; Pandysautonomie aiguë ; Hypotension orthostatique ;


Syndrome de Riley-Day

Plan action est interrompue, les organes survivent et continuent à fonc-


tionner mais leur activité n’est plus organisée dans l’homéostasie
■ Introduction 1 et dans la réaction aux agressions.
La notion traditionnelle d’une organisation bivalente du SNA
■ Organisation anatomique et fonctionnelle 1 en un double système efférent, sympathique libérant de la nora-
Organisation anatomique des voies sympathiques et drénaline, parasympathique libérant de l’acétylcholine, si elle
parasympathiques 1 conserve sa valeur, est actuellement trop élémentaire. La réa-
Organisation fonctionnelle 3 lité d’afférences dans le SNA est désormais établie. Mais surtout
■ Explorations 5 le fonctionnement complexe de ce système ne se limite plus à
Explorations cardiovasculaires 5 l’antagonisme noradrénaline–acétylcholine. Il est le résultat de
Fonction sudorale 6 l’intervention de nombreux neurotransmetteurs « non adréner-
Pupille 7 giques, non cholinergiques » qui président à une modulation fine
Dosages biochimiques et hormonaux 7 du fonctionnement des organes.
Tests pharmacologiques 7 Les activités du SNA s’étendent à l’ensemble de l’organisme. Il
Scintigraphie au I-123 méta-odobenzylguanidine (MIBG) 7 va de soi que, dans le cadre de ce traité, seuls sont indiqués ici
Évaluation électrophysiologique de l’activité sympathique 7 les aspects qui trouvent une application dans la pratique neuro-
■ Manifestations cliniques 8 logique. Même avec cette limitation, la sémiologie est complexe
Dysautonomies aiguës et subaiguës 8 et ubiquitaire [1–4] .
Dysautonomies chroniques 9
Participation du système nerveux autonome en pathologie
neurologique 12  Organisation anatomique
Syndromes vasomoteurs 14
Dyshidroses 15
et fonctionnelle
Atteintes focales du système nerveux autonome 15
De répartition topographique originale et d’action fonc-
■ Traitement 16 tionnelle complexe dominée par les systèmes cholinergique
Traitement de l’hypotension orthostatique 16 et adrénergique, le SNA exerce des effets sur l’ensemble de
Hypertension 16 l’organisme [5] .
Troubles gastro-intestinaux 16
Troubles urinaires 16
Troubles érectiles 16 Organisation anatomique des voies
Hyperhidrose 17 sympathiques et parasympathiques
Une des caractéristiques du SNA, système essentiellement invo-
lontaire et automatique dont on a pu dire qu’il débarrassait l’esprit
de préoccupations essentielles qui l’auraient occupé en perma-
 Introduction nence, est de siéger en dehors du système nerveux central, au
voisinage des structures qu’il innerve. L’organisation se fait en
Distribué à la plupart des organes du corps et créant une deux neurones, et non plus en un seul neurone périphérique,
« sympathie » entre eux, le système nerveux autonome (SNA) a contrôlés par une régulation centrale. Le SNA est divisé en deux
un rôle de modulation et de régulation de la vie « végétative » formations réparties en hauteur dans deux secteurs différents
inconsciente. Alors que les organes et en particulier les viscères de la moelle épinière : le système sympathique essentiellement
ont chacun leur « autonomie », le SNA adapte leur fonctionne- dorsolombaire, le système parasympathique essentiellement cra-
ment harmonieux tout en respectant leur indépendance. Si son niosacré.

EMC - Neurologie 1
Volume 10 > n◦ 1 > janvier 2013
http://dx.doi.org/10.1016/S0246-0378(12)60767-2
17-003-J-10  Système nerveux autonome

Système sympathique L’innervation sympathique est beaucoup plus développée pour


Il naît dans la corne latérale de la moelle ou tractus interme- les extrémités : mains et pieds. Elle prédomine dans certains nerfs,
diolateralis, du huitième segment cervical au deuxième segment par exemple le médian par rapport au radial pour le membre supé-
lombaire. Chaque segment contient environ 5000 neurones. rieur.
L’organisation est segmentaire de D1 à L2.
On sépare le neurone préganglionnaire « connecteur » du neu- Système parasympathique
rone postganglionnaire « effecteur ». Il naît dans les noyaux du tronc cérébral et dans la moelle sacrée.
Noyaux du tronc cérébral (III, VII, IV, X)

“ Point fort Les noyaux oculomoteurs accessoires sont antéromédian et


dorsal. Ce dernier est le noyau d’Edinger-Westphall. L’axone pré-
ganglionnaire suit le trajet du III et fait synapse dans le ganglion
ciliaire situé dans l’orbite. Le neurone postganglionnaire innerve
Organisation du système sympathique le muscle ciliaire et le sphincter pupillaire.
Naissance : tractus intermediolateralis (corne latérale de la Le noyau salivaire supérieur donne naissance à deux types
moelle de C8 à L2) d’axones : un axone préganglionnaire suit le trajet du VII puis
Neurone préganglionnaire : né dans le centre médullaire, du grand nerf pétreux superficiel et fait synapse dans le gan-
passe dans les racines antérieures dans le rameau commu- glion sphénopalatin ; le neurone postganglionnaire va à la glande
niquant blanc myélinisé, va dans le ganglion sympathique lacrymale et à la muqueuse nasale. D’autres fibres suivant le VII
Neurone postganglionnaire : né du ganglion, court trajet empruntent la corde du tympan puis le nerf lingual et vont faire
Axone postganglionnaire amyélinique (rameau communi- synapse dans le ganglion sous-maxillaire. Le neurone postgan-
glionnaire se distribue aux glandes sous-maxillaire et sublinguale.
quant gris) :
Le noyau salivaire inférieur donne naissance à un axone prégan-
• distribué aux viscères et aux organes :
glionnaire qui emprunte le trajet du IX et, par l’intermédiaire du
– céphalique, petit nerf pétreux superficiel, gagne le ganglion otique. Le neurone
– membres supérieurs (par le ganglion stellaire), postganglionnaire se distribue à la glande parotide.
– plexus cardiaque, thoracique, abdominal, Le noyau dorsal du X donne naissance à un axone préganglion-
– plexus hypogastrique, splanchnique ; naire qui, suivant le nerf vague, se termine dans des ganglions
• distribué également aux extrémités. situés dans la paroi des divers viscères abdominothoraciques. Le
neurone postganglionnaire, court, innerve les muscles lisses et
les glandes du tube digestif (pharynx, œsophage, tractus gastro-
intestinal jusqu’à la moitié du côlon) et des divers viscères (cœur,
pancréas, foie, vessie, uretère, reins).
Neurone préganglionnaire
Ce neurone dit « connecteur » se projette du centre médullaire Parasympathique sacré (S2, S3, S4)
sur un ganglion sympathique périphérique, proximal. Le neurone préganglionnaire naît dans les cornes latérales des
L’axone emprunte la racine antérieure puis s’en sépare en for- deuxième, troisième et quatrième segments sacrés et, après un
mant le rameau communicant blanc donc myélinisé. Il se termine long trajet, fait synapse dans un ganglion proche de la paroi des
à une hauteur variable, dans un ganglion sympathique. Le plus viscères. Ainsi le neurone postganglionnaire court se termine dans
souvent, la fibre, de petit diamètre et de faible vitesse de conduc- le ganglion proche de la paroi des divers viscères : moitié inférieure
tion, se termine dans un ganglion paravertébral, soit seule, soit du côlon, vessie, autres organes pelviens. Il contribue surtout à la
avec plusieurs axones préganglionnaires. Parfois, il traverse plu- vidange de ces organes et à l’érection.
sieurs ganglions paravertébraux et forme à leur intérieur une La séparation entre neurones moteurs et parasympathiques
vingtaine de synapses avec des fibres postganglionnaires. Par- est souvent malaisée dans la région sacrée en raison de trajets
fois enfin, il se termine dans un des ganglions prévertébraux communs dans l’innervation du sphincter externe volontaire et
(le ganglion cœliaque et les ganglions mésentériques supérieur des muscles lisses de la vessie. Le noyau d’Onufrowicz, dit « noyau
et inférieur). Une exception est la terminaison directe dans la d’Onuf », est un groupe compact de petits neurones de la moelle
glande médullosurrénale qui, équivalent d’un neurone postgan- sacrée. Jadis considéré comme faisant partie du SNA, on admet
glionnaire, sécrète directement de la noradrénaline dans le sang. actuellement qu’il est surtout moteur, destiné à l’innervation du
sphincter vésical externe et du sphincter anal. Son intégrité dans
Neurone postganglionnaire
la sclérose latérale amyotrophique n’a jamais été expliquée.
Il est dit « effecteur », naît du ganglion et se termine dans le
viscère innervé.
L’axone postganglionnaire, amyélinique, forme le rameau
communicant gris qui regagne la racine antérieure et se dis-
tribue à la périphérie. Cette distribution complexe se fait aux
dermatomes, correspondant donc à la peau (vaisseaux, glandes
“ Point fort
sudorales, muscles pilomoteurs) et aux ganglions sympathiques.
L’extrémité céphalique reçoit les fibres postganglionnaires qui Organisation du système parasympathique
suivent les artères carotides interne et externe innervant les vais- Naissance : dans les noyaux du tronc cérébral et dans la
seaux, les muscles lisses, les glandes lacrymales, sudorales et moelle sacrée : trajets longs
salivaires, assurant la dilatation pupillaire et la contraction du Noyaux du tronc cérébral III, VII, IV, X
muscle de Müller. Oculomoteurs accessoires : Edinger-Westphall innervent le
Le membre supérieur reçoit les neurones postganglionnaires muscle ciliaire et le sphincter pupillaire
des segments dorsaux supérieurs par l’intermédiaire du ganglion Noyau salivaire supérieur innerve la glande lacrymale et la
stellaire. muqueuse nasale
Les plexus cardiaque et thoracique reçoivent leur innervation
Glandes sous-maxillaires et sublinguales
des segments dorsaux supérieurs, les plexus abdominaux des seg-
ments dorsaux inférieurs.
Noyau dorsal du X : tube digestif, viscères abdominotho-
Les fibres postganglionnaires des ganglions prévertébraux raciques
forment les plexus hypogastrique, splanchnique, mésentérique Parasympathique sacré S2–S4 : neurone postganglion-
qui innervent les vaisseaux, les glandes et les muscles lisses des naire court terminé dans les viscères (côlon inférieur,
viscères abdominaux pelviens. Quant au plexus lombosacré, il vessie, érection)
n’innerve pas de viscères mais seulement les membres inférieurs.

2 EMC - Neurologie
Système nerveux autonome  17-003-J-10

Terminaisons nerveuses autonomes Tableau 1.


Comparaison des effets physiologiques des systèmes sympathique et
Le SNA se ramifie en petites branches dont la systématisation est parasympathique.
très différente de celle du système cérébrospinal, qu’il s’agisse de la
jonction neuromusculaire ou des synapses axo-axonales. Les élé- Effets Système Système
ments caractéristiques sont des varicosités, renflements, remplis sympathique parasympathique
de vésicules riches en neurotransmetteurs et de mitochondries. Peau, muscles Vasoconstriction, Aucun
Les varicosités sont réparties à des intervalles de 5 à 10 ␮m le long (vaisseaux, glandes sudation,
de l’axone. Elles ne sont pas statiques mais sont susceptibles de sudoripares, muscles piloérection
se déplacer le long de l’axone grâce au flux axoplasmique. Elles piloérecteurs)
forment ainsi une sorte de plexus variqueux proche des fibres lisses Iris Mydriase Myosis
qui ne reçoivent pas d’innervation individuelle. La distance entre
varicosité et muscle lisse est très variable selon le tissu considéré Glandes lacrymales Peu d’effets Sécrétion
et la densité d’innervation, allant de 20 à 2000 nm. Les termi- Glandes salivaires Salive peu Salive abondante, fluide
naisons amyéliniques n’innervent pas individuellement chaque abondante,
cellule musculaire lisse mais se distribuent à des faisceaux de visqueuse
fibres par une innervation tantôt directe, tantôt indirecte, par un
Cœur Tachycardie Bradycardie
mécanisme de contact transmembranaire de proche en proche.
Ce contact s’effectue entre des fibres dont les membranes plas- Bronches Bronchodilatation Bronchoconstriction
miques s’accolent dans des zones de jonction de faible résistance
Tube digestif Inhibition du Augmentation du
(gap junctions), de taille variable, formant soit un simple point,
péristaltisme et des péristaltisme et des
soit un accolement allant jusqu’à 1 ␮m de diamètre. sécrétions sécrétions
L’influx électrique entraîne une libération de neurotransmet-
teurs par les varicosités, ce qui provoque une modification du Contraction des Relâchement des
potentiel membranaire postjonctionnel, excitateur en cas de sphincters sphincters
dépolarisation, inhibiteur en cas d’hyperpolarisation. Lorsque le Vessie Relâchement de la Contraction de la paroi
potentiel excitateur atteint un certain seuil, il se propage directe- paroi
ment ou par diffusion grâce aux zones de contact membranaire Contraction des Relâchement des
ou gap junctions créant une contraction mécanique. S’il est inhi- sphincters sphincters
biteur, il provoque directement une relaxation ou s’oppose à la
Sexuel Éjaculation Érection
décharge d’un potentiel d’action.

Régularisation nerveuse centrale


terminaison nerveuse dépendent d’une innervation à la fois sym-
Le SNA subit la régulation de nombreuses formations cen- pathique et parasympathique, l’acétylcholine inhibant la réponse
trales (substance réticulée, système limbique, cortex cérébral entre sympathique, par l’intermédiaire des récepteurs muscariniques
autres) d’effets multiples et complexes. L’hypothalamus est sans préjonctionnels, la noradrénaline inhibant à son tour la libération
doute le plus haut niveau d’intégration et de modulation de la d’acétylcholine.
fonction autonome, sous le contrôle du cortex, en particulier
des aires olfactives, de l’hippocampe, de l’amygdale, du cor-
Neurotransmission cholinergique
tex cingulaire. L’ensemble de ces formations préside en effet à
la régulation de l’expression émotionnelle, de la vie affective, L’acétylcholine est le neurotransmetteur de toutes les fibres
du comportement instinctif. Une place particulière revient au préganglionnaires (sympathiques et parasympathiques), des
cortex cingulaire dans les processus autonomes lors de ses acti- fibres postganglionnaires parasympathiques (et accessoirement de
vités cognitives. Dans ce cas, le cortex cingulaire dorsal est à quelques fibres sympathiques).
l’origine de réponses autonomes notamment cardiovasculaires.
La stimulation locale chez l’animal provoque des modifications Synthèse
cardiaques, tensionnelles et électrodermiques. Des études en La synthèse d’acétylcholine se fait dans le corps cellulaire (et
imagerie fonctionnelle [6] couplées à des enregistrements électro- alors transporté par un flux axoplasmique) ou dans les termi-
cardiographiques sont entreprises chez des sujets soumis à des naisons nerveuses. L’acétylcholine est donc stockée dans des
exercices à la fois cognitifs (séquences de consonnes) et moteurs vésicules. Elle est libérée au repos par de faibles dépolarisations
(fermeture du poignet lors de la présentation de mots). Un lieu (libération « quantique » responsable des potentiels miniatures).
visuel apparaît entre l’activité du cortex cingulaire antérieur et la Lors de l’influx nerveux, elle est libérée massivement.
régulation cardiaque sympathique chez les sujets normaux mais
pas en cas de lésion de cette zone (malgré des réponses cogni- Récepteurs
tives conservées). Ces résultats sont en faveur du rôle du cortex L’acétylcholine exerce deux types d’effets : muscarinique et
cingulaire antérieur sur le SNA. L’hypothalamus est également nicotinique, par l’intermédiaire de deux récepteurs différents.
concerné dans le maintien de l’homéostasie et dans l’ensemble L’effet muscarinique exercé sur les fibres postganglionnaires
des fonctions végétatives. Il serait hors du propos de cet article parasympathiques (et sur quelques rares fibres sympathiques) se
d’en envisager les modalités. traduit par une excitation des fibres musculaires lisses. L’effet
est bloqué par l’atropine, parasympathicolytique. Les récepteurs
se répartissent en plusieurs sous-groupes. Ils sont couplés à
Organisation fonctionnelle (Tableau 1) l’adénylate cyclase.
L’effet nicotinique s’exerce sur la synapse ganglionnaire et sur
Les effets antagonistes naguère attribués aux systèmes sym- la jonction neuromusculaire. Les curares, actifs sur cette dernière,
pathique et parasympathique apparaissent aujourd’hui schéma- le sont peu sur le ganglion autonome. En revanche, la nicotine,
tiques. Les deux systèmes harmonisent leur action pour aboutir à d’action bloquante sur le ganglion à forte dose, a peu d’effets sur
une modulation fine de l’activité autonome. Par exemple pour les la jonction neuromusculaire.
nerfs sympathiques, la noradrénaline et l’acétylcholine sont libé-
rées l’une et l’autre in vitro dans certaines conditions. De même, in
vivo, le système sympathique est capable de libérer soit de la nora-
Neurotransmission adrénergique
drénaline, soit de l’acétylcholine. Dès la naissance, une certaine Elle concerne la synapse périphérique du second neurone sym-
population de neurones exprime à la fois ces deux neurotrans- pathique, de type noradrénergique. Elle concerne également les
metteurs. Une spécialisation ne se fait qu’ultérieurement, certains cellules chromaffines de la médullosurrénale qui libèrent de
neurones restant toutefois bivalents. Certaines varicosités à la l’adrénaline.

EMC - Neurologie 3
17-003-J-10  Système nerveux autonome

Synthèse La sérotonine (SHT) est présente dans les cellules chromaf-


Le métabolisme des catécholamines se déroule principale- fines de la muqueuse digestive et dans les plexus intramuraux de
ment dans les varicosités et les terminaisons synaptiques. La l’intestin.
synthèse se fait aux dépens de la tyrosine grâce à la tyrosine- L’histamine a une action liée à l’innervation cholinergique de
hydroxylase. Le stockage est fait dans des vésicules de 500 Å de l’estomac.
diamètre. La libération de noradrénaline dans l’espace synaptique Les purines par l’intermédiaire de la libération d’adénosine tri-
est calcium-dépendante. Elle s’effectue par exocytose dès l’arrivée phosphate (ATP) dans le tractus gastro-intestinal sont à l’origine
d’un potentiel d’action. d’hyperpolarisation membranaire et de relaxation. Plusieurs types
de purinorécepteurs et de sous-classes sont décrits.
Récepteurs Les neurones peptidergiques sont visibles en microscopie
Les adrénorécepteurs sont la cible des neurotransmetteurs issus électronique dans le plexus entérique. Les techniques histochi-
du système sympathique : l’adrénaline et la noradrénaline. Les miques identifient de nombreux peptides « à leur intérieur »
récepteurs sont pré- ou postjonctionnels. Les adrénorécepteurs outre l’acétylcholine et la noradrenaline adrenocorticotropic hor-
préjonctionnels ou présynaptiques sont localisés dans la mem- mone (ACTH), l’angiotensine, la cholécystokinine, la dynorphine,
brane des vésicules stockant la noradrénaline. Leur stimulation l’enképhaline, la bombésine, la somatostatine, le vasoactive intesti-
ou leur blocage module la libération de celle-ci. Les adrénorécep- nal peptide (VIP), la substance P, la neurokinine, le neuropeptide Y,
teurs postjonctionnels ou postsynaptiques sont localisés dans les peptide lié au gène de la calcitonine.
effecteurs. Ils sont la cible des neurotransmetteurs et de divers La synthèse des neuropeptides est différente de celle des
agents pharmacodynamiques. Les adrénorécepteurs sont répartis neurotransmetteurs qui sont synthétisés ou incorporés dans
en sous-groupes. la terminaison nerveuse. Ils se séparent de grandes molécules
Les alpha-adrénorécepteurs sont surtout présents dans les vais- « précurseurs » synthétisées dans le corps cellulaire. Puis ils sont
seaux, dans le système nerveux central et dans divers organes : transportés le long de la fibre nerveuse jusque dans la zone où
cœur, rein. Leur stimulation entraîne une vasoconstriction, leur ils sont libérés. Leur action est moins rapide que celle des neuro-
blocage une vasodilatation. Il existe des sous-groupes alpha 1 transmetteurs. Ils ont plutôt un effet modulateur à long terme.
et alpha 2. La stimulation des adrénorécepteurs présynaptiques Enfin le SNA produit un facteur de croissance parmi les fibres
alpha 2 favorise la libération de noradrénaline alors que celle des nerveuses (nerve growth factor [NGF]) libéré par le muscle lisse.
alpha 1, pratiquement absents dans la région présynaptique, n’a
pas cet effet. Les antagonistes des alpharécepteurs sont notam- Interaction et neuromodulation
ment représentés par la prazosine particulièrement utilisée dans des neurotransmetteurs du système nerveux
le traitement de l’hypertension artérielle.
Les bêta-adrénorécepteurs sont présents dans de nombreux
autonome
vaisseaux, dans le système nerveux central et dans divers Une même terminaison nerveuse comporte plusieurs neuro-
organes : cœur, bronches, intestin. La stimulation des bêta- transmetteurs qui coexistent, qu’il s’agisse de noradrénaline,
adrénorécepteurs postsynaptiques provoque des effets variés d’acétylcholine, de peptides ou de purines. Leur proportion
surtout de stimulation cardiaque. Ils sont couplés à l’adénylate relative varie selon les tissus, l’âge, l’espèce. Des associations
cyclase. Leur structure moléculaire a été déterminée comme préférentielles de neurotransmetteurs existeraient à l’intérieur
un modèle à sept hélices. Les bêta-adrénorécepteurs présynap- de la même vésicule, encore que coexistence immunohistochi-
tiques sont essentiellement bêta 2. Leur stimulation augmente mique ne signifie pas obligatoirement cotransmission. Il s’agit,
la libération de noradrénaline par les vésicules. Elle entraîne selon les cas, de cotransmission directe sur un même effecteur
une relaxation bronchique et intestinale, une vasodilatation. Ces ou de neuromodulation. Une substance neuromodulatrice est
récepteurs sont largement présents dans le système nerveux mais une substance ayant une action sur les autres neurotransmet-
leur rôle est mal établi. teurs avec lesquels elle est stockée en modifiant leur effet pré- ou
postjonctionnel.
La situation et l’organisation des effecteurs du SNA sont ainsi à

“ Point fort l’origine de mécanismes complexes du contrôle nerveux. Il s’agit


selon les cas : d’auto-inhibition (après son action postjonction-
nelle le neurotransmetteur inhibe sa libération), d’information
croisée (modulation préjonctionnelle), de synergie postjonc-
Transmission autonome tionnelle, d’action opposée, rare, de prolongation de la durée
L’acétylcholine est synthétisée dans les corps cellulaires et d’action, d’effet trophique par l’intermédiaire de la transcription
exerce deux types d’effet : génique.
• par les récepteurs muscariniques ;
• par les récepteurs nicotiniques. Neurotransmission sympathique
La transmission noradrénergique (catécholamine) La cotransmission de noradrénaline et d’ATP est prouvée
concerne le second neurone sympathique. dans diverses espèces. Les nerfs adrénergiques libèrent de l’ATP
dans divers tissus. Noradrénaline et ATP interviennent de façon
complémentaire. Une stimulation brève (une seconde) à basse
fréquence favorise la production d’ATP, une stimulation lente
(30 secondes ou plus) celle de noradrénaline. Enfin, le neuropep-
tide Y est relâché lors d’une stimulation intermittente à haute
Complexité de la neurotransmission dans le SNA fréquence. La contraction du muscle lisse se produirait en deux
La notion d’une neurotransmission ni cholinergique ni adr- phases, l’une rapide dépendant de l’ATP, la seconde de dépola-
énergique est progressivement apparue. risation lente aboutissant à une contraction tonique dépendant
L’antagonisme traditionnel entre transmission sympathique, de la noradrénaline. Le stockage de noradrénaline et d’ATP se
adrénergique et transmission parasympathique adrénergique a ferait tantôt dans les mêmes vésicules, tantôt dans des vésicules
peu à peu été complété par la découverte d’une multiplicité différentes. Le neuropeptide Y agirait parallèlement mais avec un
de neurotransmetteurs intervenant dans le SNA et assurant un faible effet direct sur l’effecteur. Il serait surtout un neuromodula-
fonctionnement nuancé et modulé. L’idée simple d’un effet réci- teur, d’action d’une part préjonctionnelle réduisant la libération
proque de contraction de la noradrénaline et de relaxation de d’ATP et de noradrénaline, d’autre part postjonctionnelle aug-
l’acétylcholine a été remise en cause lors de certaines expérimen- mentant leur effet. L’importance relative de cette action pré- ou
tations, par exemple celle obtenant une relaxation gastrique par postjonctionnelle du neuropeptide Y dépendrait de la largeur
stimulation du nerf vague, malgré un blocage à la fois adréner- de la zone jonctionnelle. Enfin, le neuropeptide Y aurait un rôle
gique et cholinergique. Ainsi est née la notion de transmission vasoconstricteur direct, certains plexus périvasculaires étant spé-
« non adrénergique non cholinergique ». cialement riches en cette substance. Cela explique son rôle dans

4 EMC - Neurologie
Système nerveux autonome  17-003-J-10

l’hypertension artérielle ou dans des ischémies vasospastiques sympathectomies ou de l’administration de guanéthidine et


suivant certaines hémorragies méningées. Son taux augmente de substances sympathicolytiques. Aucune preuve définitive de
dans le liquide céphalorachidien après vasospasme cérébral. l’intervention du sympathique dans la douleur n’ayant été appor-
tée, il s’agit donc d’une implication possible, mais non établie.
Neurotransmission parasympathique
C’est essentiellement au cours d’atteintes nerveuses périphé-
Le neuropeptide le plus important est le VIP. Il est stocké riques : algoneurodystrophie ou causalgie, que la participation
avec l’acétylcholine dans des vésicules séparées de la termi- du système sympathique dans les phénomènes douloureux est
naison nerveuse et libéré après stimulation. L’acétylcholine est soupçonnée. Dans ces cas, les relations entre axones sympathiques
libérée après stimulation à basse fréquence tandis que le VIP postganglionnaires et afférences sensitives se conçoivent selon des
est libéré après stimulation à haute fréquence. Son action hypothèses différentes :
neuromodulatrice est à la fois préjonctionnelle favorisant la libé- • libération chimique de noradrénaline stimulant les afférences
ration d’acétylcholine et postjonctionnelle favorisant son action. sensitives par un effet alpha-adrénergique ;
Inversement l’acétylcholine aurait une action inhibitrice sur la • transmission éphaptique de contact entre axones sympathiques
libération préjonctionnelle du VIP. et fibres sensitives ;
Les fibres du parasympathique crânien innervant les vaisseaux • modifications focales dues à la libération de noradrénaline vaso-
cérébraux sont particulièrement riches en VIP notamment dans constrictive pré- et postcapillaire, à la libération de peptides
le ganglion sphénopalatin, dans la partie antérieure du poly- vasoactifs (substance P) par les terminaisons sensitives, à l’effet
gone artériel de Willis. L’action est vasodilatatrice, de même que local des mastocytes relâchant de l’histamine, à l’influence de
celle d’un peptide contenant histidine et méthionine dérivant la température et de l’état métabolique. Ainsi se créent une
du même précurseur que le VIP et de répartition identique. Les vasodilatation et une extravasation stimulant les fibres de petit
petites artères seraient particulièrement sensibles à l’effet vasodila- diamètre. Ces modifications du micromilieu sont amplifiées
tateur de ces deux substances. Le VIP aurait également une action par une hypersensibilité des vaisseaux qui réagissent de façon
spécifique sur l’érection pénienne en dilatant les corps caverneux. excessive aux conditions thermiques et à la catécholamine ;
Enfin, les ganglions parasympathiques crâniens et le ganglion • libération de prostaglandines dans la région présynaptique
ciliaire contiendraient du neuropeptide Y et de la stomatostatine. due à une action présynaptique de la noradrénaline, cette
hypothèse ne reposant toutefois que sur des arguments phar-
Propriétés fonctionnelles annexes du système macologiques.
nerveux autonome Aucun de ces mécanismes n’est privilégié et il est vraisem-
blable que le système sympathique influence les afférences
Neurotransmission sensitivomotrice et vasodilatation
sensitives par des voies multiples. En outre, les décharges anor-
antidromique
males envoient des informations erronées à la moelle épinière à
La vasodilatation antidromique est anciennement connue et l’origine de réflexes anormaux dans les neurones spinaux sympa-
répond au concept de réflexe d’axone. L’influx traverse par voie thiques innervant les tissus périphériques. Cela crée une sorte de
antidromique les afférences sensitives et provoque une libération sensibilisation centrale à l’origine de réactions pathologiques sen-
de neurotransmetteurs, ce qui entraîne une vasodilatation focale. sitives et autonomes. Dès lors, des stimuli normalement indolores
Cette transmission sensitivomotrice fait essentiellement inter- entraînent des réactions douloureuses dépendant d’une innerva-
venir la substance P, le peptide lié au gène de la calcitonine et l’ATP. tion sympathique normale.
L’origine sensitive des deux premiers a été largement démontrée Le terme de « douleur entretenue par le sympathique » (sym-
par l’utilisation d’une neurotoxine : la capsaïcine. Un traitement pathetically maintained pain) correspond à une hyperalgésie
continu par cette substance entraîne un effet de dégénérescence avec allodynie consécutive à un traumatisme local et amélio-
des afférences de petit diamètre et une déplétion de ces neuro- rée par infiltration sympathique (donc différente des douleurs
peptides qui normalement coexistent dans de grandes vésicules « indépendantes » du sympathique non calmées par des infiltra-
granuleuses, avec cependant quelques variations. Ainsi dans le tions sympathiques).
ganglion de Gasser, les grandes vésicules ne contiennent pas de Ce type de douleur serait lié à l’activité des afférences cau-
substance P et sont résistantes à la capsaïcine. La substance P est sant une activité tonique dans des neurones à grand éventail
contenue dans de petites vésicules qui sont sensitives à la capsaï- dynamique (wide dynamic range) antérieurement sensibilisés. Il
cine. De surcroît, le peptide lié au gène de la calcitonine aurait, n’est toutefois pas prouvé chez l’homme que ces neurones inter-
en plus de son rôle de neurotransmetteur, un effet réduisant la viennent dans la médiation de la douleur.
dégradation de substance P.
Composante afférente du système nerveux autonome
et sensibilité viscérale  Explorations
L’intervention d’une composante afférente est principalement
prouvée dans le domaine de la sensibilité viscérale. Les neurones L’étude du SNA fait appel à des techniques délicates par-
afférents sont en grand nombre, près de 80 % des fibres, dans le fois invasives [7] . De surcroît, certains organes sont difficilement
nerf vague, que les physiologistes tendent à considérer comme explorables et la mise en évidence d’une dysautonomie latente
un nerf essentiellement sensitif, fait de fibres amyéliniques. Les urogénitale ou digestive reste souvent du domaine de la spécialité
études de fibres isolées et de microélectrodes montrent la présence correspondante. À l’opposé les systèmes pupillaires, sudoromo-
de récepteurs sensibles (mécano-, chémo- et thermorécepteurs) teurs et cardiovasculaires sont plus aisément étudiés en neurologie
dont le rôle serait non seulement de transmettre la douleur mais (Tableau 2).
aussi des messages concernant la coordination de la motricité vis-
cérale, l’homéostasie, le comportement alimentaire, la régulation
glycémique.
Explorations cardiovasculaires
Intervention du système nerveux autonome Réponses cardiovasculaires à l’orthostatisme
dans la transmission douloureuse L’hypotension orthostatique est définie par la chute de la pres-
Le système sympathique, voie efférente, ne transmet pas, à l’état sion artérielle (PA) systolique de plus de 20 mmHg lors du passage
physiologique, de message douloureux. Le terme « sympathalgie », en station debout sans tachycardie réactionnelle. Cette défini-
souvent utilisé, est donc abusif. Cependant, dans certaines condi- tion inclut également la chute de la PA diastolique d’au moins
tions pathologiques, des réactions adaptatives se produisent à 10 mmHg dans les trois minutes qui suivent l’orthostatisme. Les
l’intérieur ou par l’intermédiaire du système sympathique. De traitements pouvant interférer avec ces mesures doivent être arrê-
plus, des arguments indirects sont en faveur de son rôle au tés la veille. L’enregistrement de la PA se fait de façon non invasive
cours d’états douloureux : coexistence de manifestations cliniques avec un sphygmomanomètre standard ou avec des machines
vasomotrices notamment distales, effets — cependant incons- semi-automatiques utilisant une méthode oscillométrique pour
tants — antalgiques d’infiltrations locales du sympathique, de mesurer les PA systolique et diastolique ainsi que la fréquence

EMC - Neurologie 5
17-003-J-10  Système nerveux autonome

Tableau 2. enregistré en précordial, la série des intervalles R–R est calcu-


Explorations du système nerveux autonome. lée automatiquement. Des calculs simples peuvent donner la
Explorations cardiovasculaires moyenne de variance.
Au repos, cette méthode calcule la différence entre les valeurs
Tests physiologiques Recherche d’hypotension orthostatique, Tilt maximales et minimales.
Test Au cours de l’épreuve de Valsalva, le rapport entre l’intervalle
Manœuvre de Vasalva R–R le plus long et le plus court pendant la manœuvre est cal-
Mesure des intervalles R–R culé. La réactivité à ce test dit « rapport de Valsalva » est surtout
Stimulation du sinus carotidien d’origine parasympathique.
Test de préhension soutenue, test au froid,
Au cours de l’orthostatisme, la fréquence cardiaque augmente
calcul mental
de façon maximale vers le 15e battement puis suit une bradycardie
Dosages biochimiques Dosage de noradrénaline plasmatique maximale vers le 30e battement après la mise en station debout. Le
couché/debout ; catécholamines urinaires, rapport 30/15 de l’intervalle R–R le plus long au 30e battement sur
activité rénine plasmatique, aldostérone le R–R le plus court au 15e battement doit être supérieur à 1 chez
Tests Tests à la noradrénaline, isoprénaline, le sujet normal. Lors de la respiration profonde (cinq secondes
pharmacologiques tyramine, édrophonium, atropine d’inspiration/cinq secondes d’expiration), une arythmie sinusale
d’origine respiratoire est physiologique, elle dépend de l’activité
Explorations Test à la clonidine (stimulation de la GH) vagale et elle diminue lors de la stimulation des récepteurs pulmo-
endocriniennes naires par étirement. On peut calculer le rapport R–R en expiration
Explorations de la Test de thermorégulation sudorale sur R–R en inspiration. La valeur moyenne est établie à partir de
fonction QSART trois cycles respiratoires. La variation du pouls doit être supérieure
sudoromotrice Réponse cutanée sympathique à 15 battements par minute et le rapport expiration/inspiration
est supérieur à 1, 2 chez le sujet normal. L’absence de variations
Explorations Tests pharmacologiques
témoigne d’une atteinte du système parasympathique.
pupillaires Pupillométrie

GH : growth hormone ; QSART : Quantitative Sudomotor Axon Reflex Test. Stimulation du sinus carotidien
Un monitoring continu de la fréquence cardiaque, de l’ECG et
cardiaque. Des méthodes plus sophistiquées mesurant la PA
de la tension artérielle est souhaitable lors du massage du sinus
digitale (Finapres® ) donnent une mesure à chaque battement
carotidien. Normalement, des modifications minimes de la fré-
cardiaque. Les mesures de base sont enregistrées chez le sujet
quence cardiaque et de la tension artérielle surviennent. En cas
après dix minutes au moins de décubitus. Les changements pos-
d’hypersensibilité du sinus carotidien, une bradycardie sévère et
turaux sont faits simplement en faisant asseoir puis se lever le
une hypotension apparaissent.
patient. Au mieux, une table de Tilt Test peut être utilisée chez les
C’est une cause reconnue de malaise avec ou sans perte de
patients neurologiques avec troubles moteurs ou ayant une hypo-
connaissance du sujet âgé [10] . Une dénervation du sinus caroti-
tension importante. Les mesures de PA sont faites alors toutes les
dien uni- ou bilatérale peut alors se discuter.
deux minutes sur une période de dix minutes.
L’enregistrement ambulatoire sur 24 heures de la PA et de la
fréquence cardiaque peut être très utile. Chez le sujet normal, la
Autres explorations
PA est plus élevée le jour que la nuit où elle diminue pendant le D’autres stimuli augmentent la PA en stimulant le réseau effé-
sommeil, puis s’élève de nouveau au réveil. Cette diminution cir- rent sympathique de différentes façons.
cadienne n’apparaît pas dans les troubles dysautonomiques. La PA
Test de préhension soutenue (Handgrip Test)
augmente au contraire en position couchée dans les hypotensions
orthostatiques idiopathiques avec de grandes variations tension- La contraction isométrique soutenue d’un groupe musculaire
nelles au cours de la journée, et traduit les chutes tensionnelles entraîne une augmentation de la tension artérielle de plus de
lors des changements posturaux [8, 9] . 15 mmHg et du pouls. La mise en évidence se fait par préhension
d’un manomètre avec une force égale à 30 % de la force volontaire
Manœuvre de Valsalva maximale pendant trois minutes. Ce test explore les fibres de petit
calibre de la voie efférente sympathique de l’arc réflexe.
Sa réalisation nécessite l’enregistrement continu de la PA et
de la fréquence cardiaque. Elle consiste à maintenir une pres- Test au froid (Cold Pressor Test)
sion de 40 mmHg dans une colonne de mercure au cours d’une Le test au froid en appliquant de la glace sur le cou ou le front
expiration forcée. Le sujet, confortablement assis, souffle dans ou en plongeant une main dans de l’eau très froide entraîne une
un embout relié à un manomètre et maintient la pression pen- hypertension avec tachycardie ainsi que des signes de vasocons-
dant 15 secondes. Quatre phases de modifications de la PA et de triction cutanée. La TA systolique augmente normalement de plus
la fréquence cardiaque se succèdent : de 20 mmHg. La réponse s’effectue par la voie des fibres afférentes
• phase 1 : il y a une augmentation de la pression intrathoracique thermoalgiques et des fibres efférentes sympathiques vasocons-
transmise à l’aorte, ce qui élève la PA avec une bradycardie ; trictrices mais elle est difficilement quantifiable.
• phase 2 : le retour veineux diminue avec une baisse de la PA et Calcul mental
une hyperactivité sympathique cardiaque causant une tachy-
Le calcul mental, un stimulus douloureux ou un bruit intense
cardie ;
induisent une augmentation de l’activité sympathique cutanée
• phase 3 : à l’arrêt de la manœuvre, la PA chute et la fréquence
avec diminution du flux sanguin dans les extrémités, une tachy-
cardiaque augmente ;
cardie et une hypertension artérielle. Ces réponses sont absentes
• phase 4 : on note un rebond hypertensif avec bradycardie. Une
en cas de dysautonomie mais peuvent l’être également chez des
dysautonomie se caractérise par une chute progressive de la
sujets normaux, rendant ce test peu fiable.
PA moyenne supérieure à 50 % de la normale au cours de la
phase II, une absence de rebond en phase IV et une fréquence
cardiaque moindre en phase II qu’en phase IV. Fonction sudorale
Étude de la variabilité de la fréquence cardiaque Test quantitatif du réflexe d’axone sudoromoteur
par la mesure des intervalles R–R ou Quantitative Sudomotor Axon Reflex Test
Cette méthode évalue en pratique les réflexes cardiovasculaires
(QSART)
et n’est interprétable que chez un patient en rythme sinusal. La stimulation des terminaisons sympathiques postganglion-
La variation de la fréquence cardiaque est mesurée au cours naires entraîne un stimulus antidromique qui, par un mécanisme
de différentes manœuvres. L’électrocardiogramme (ECG) est de réflexe d’axone, va entraîner la libération d’acétylcholine dans

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Système nerveux autonome  17-003-J-10

une autre terminaison nerveuse postganglionnaire. Sur la jonc- Système rénine–angiotensine–aldostérone


tion neuroglandulaire, l’acétylcholine se fixe sur les récepteurs La mise en orthostatisme active le système rénine–angiotensine
muscariniques de la cellule glandulaire et provoque l’excrétion et augmente l’activité rénine plasmatique chez le sujet normal.
sudorale. Dans ce test QSART, la stimulation se fait localement par Chez les patients ayant une PAF, la réponse de l’activité rénine
ionophorèse d’acétylcholine et entraîne, après quelques secondes, plasmatique peut être exagérée avec des taux très élevés après
une sudation sur une zone limitée de quelques centimètres. Cette dix minutes d’orthostatisme de même pour les taux d’aldostérone
évaporation de sueur peut être quantifiée par un sudoromètre. Ce plasmatique.
test évalue donc uniquement les fibres sympathiques choliner-
giques postganglionnaires. Les enregistrements se font aux pieds,
aux jambes, à la cuisse et à l’avant-bras. Chez le sujet normal, il Tests pharmacologiques
n’y a pas de différence entre les deux côtés. De réalisation et d’interprétation difficiles, ils permettent
L’anomalie habituelle en pathologie du SNA est une diminution d’évaluer le degré de sensibilité des différents récepteurs et
du volume de sueur excrété. Dans les neuropathies longueur- l’intégrité fonctionnelle du SNA. Les substances agissant sur le sys-
dépendantes, les anomalies sont maximales dans les zones distales tème nerveux sympathique comme l’adrénaline, l’isoprénaline,
des membres inférieurs. Dans les lésions nerveuses préganglion- la tyramine, la clonidine sont utilisées avec des effets varia-
naires aiguës avec anhydrose, identifiée ou non par les tests de bles. L’injection intraveineuse de noradrénaline entraîne une
thermorégulation sudorale, le QSART est normal. À plus long augmentation exagérée de la pression artérielle et une hypersen-
terme, des anomalies quantitatives peuvent apparaître [8] . sibilité accrue chez les patients avec atrophie multisystématisée
ou avec une hypotension orthostatique idiopathique. Le test à
Test de thermorégulation sudorale la clonidine, en utilisant son action stimulante sur la libéra-
Le stimulus consiste ici à augmenter la température centrale tion d’hormone de croissance, peut permettre de distinguer une
en augmentant la température cutanée. La réponse sympa- atrophie multisystématisée d’une hypotension orthostatique idio-
thique efférente est médiée par les centres préganglionnaires pathique [11] .
incluant l’hypothalamus, la voie bulbospinale jusqu’au neurone
sudoromoteur postganglionnaire. Ces techniques colorimétriques Scintigraphie au I-123
nécessitent l’emploi de poudre ou de bandelettes changeant de
couleur lorsqu’elles sont humectées par la sueur. Les indicateurs méta-odobenzylguanidine (MIBG)
colorimétriques doivent être non irritants et non toxiques ; les D’autres méthodes non invasives d’évaluation de l’innervation
substances les plus employées sont la quinizarine, l’alizarine, sont proposées utilisant le MIBG. Le MIBG est un analogue de la
l’iodine et le bleu cobalt. La seule application d’une chaleur rayon- noradrénaline qui est capté par les terminaisons nerveuses sym-
nante sur le tronc élève la température de un degré, ce qui est pathiques et peut être mesuré par scintigraphie. Cette technique
suffisant pour produire une sudation du corps entier qui tra- évalue l’innervation sympathique cardiaque dans la maladie de
duit l’intégrité du système sympathique préganglionnaire. Chez le Parkinson ou dans les neuropathies autonomes diabétiques [12] .
sujet normal, on observe quelques zones d’anhidrose très limitées.
En cas d’atteinte du SNA, ces aires sont plus étendues et dépendent
du territoire lésé. Évaluation électrophysiologique de l’activité
sympathique
Pupille Enregistrement intraneural de l’activité
L’œil est richement innervé par des fibres sympathiques et sympathique
parasympathiques et la longueur de ces voies explique leurs nom- L’enregistrement des décharges des fibres sympathiques peut
breuses atteintes. La méthode d’exploration la plus simple est être réalisé chez l’homme conscient à l’aide d’une microélectrode
l’instillation locale de collyres agissant sur les fibres sympathiques de tungstène insérée dans un nerf. Les nerfs médian, ou radial,
ou parasympathiques, cela après avoir éliminé une lésion oculaire péronier ou tibial sont utilisés, mais des petits nerfs cutanés du
sous-jacente (glaucome à angle fermé en particulier). bras ou de la jambe peuvent l’être également. Deux types d’activité
La pupillométrie est une autre approche non traumatique. survenant en bouffée sont individualisés : celle du nerf sympa-
Grâce à des capteurs infrarouges, on mesure dans l’obscurité thique musculaire ayant un rôle dans l’homéostasie de la tension
les modifications du diamètre pupillaire après stimulation lumi- artérielle et celle des nerfs sympathiques cutanés dont la princi-
neuse d’intensité et de durée variables. La constriction pupillaire pale fonction est la thermorégulation. Cette technique reste du
reflétant l’activité parasympathique est suivie d’une dilatation domaine de la recherche.
d’origine essentiellement sympathique. Plusieurs paramètres sont
étudiés, un des plus significatifs étant la latence pupillaire. Réponse cutanée sympathique
Un potentiel électrique peut être enregistré à partir d’électrodes
Dosages biochimiques et hormonaux placées sur la face dorsale et palmaire d’une main ou d’un pied
après un stimulus augmentant l’activité sympathique choliner-
Catécholamines et métabolites gique des glandes sudorales. Ces stimuli douloureux, sonores
La noradrénaline est un neurotransmetteur majeur des termi- ou électriques, en causant une production de sueur, modifient
naisons nerveuses sympathiques. l’impédance cutanée et entraînent une réponse appelée réponse
Des stimuli comme la mise en orthostatisme activent le sys- cutanée sympathique (RCS). Cette méthode a montré son utilité
tème sympathoneural et augmentent les taux plasmatiques de dans l’évaluation des neuropathies périphériques [13] . La sensi-
noradrénaline. Dans les atteintes du système nerveux sympa- bilité et la spécificité de cette méthode est discutable surtout
thique, il n’y a pas d’augmentation des taux de noradrénaline si l’on tient compte des valeurs de latence et d’amplitude des
en réponse à la mise en orthostatisme par comparaison des taux réponses qui sont variables. Ce biais peut être évité si l’on consi-
en position couchée et après dix minutes debout. Le taux de base dère uniquement la présence ou l’absence de réponse cutanée
lui-même peut donner des indications étiologiques. Par exemple sympathique. Avec cette approche, les RCS sont obtenues de
dans l’hypotension orthostatique idiopathique (ou pure autono- façon reproductible chez les sujets normaux et chez les patients
mic failure [PAF]), les taux de base en noradrénaline sont souvent avec déficit en dopamine bêta-hydroxylase dont la fonction
bas alors qu’ils sont quasi normaux dans les atrophies multisysté- cholinergique est préservée. Elles sont absentes chez les patients
matisées. Les taux de noradrénaline et d’adrénaline sont très bas avec une PAF ou une dysautonomie cholinergique pure [14] . Dans
ou indétectables dans les déficits en dopamine bêta-hydroxylase, les troubles du SNA d’origine centrale comme les atrophies mul-
alors que les taux de dopamine sont, dans ce cas, élevés. Le diag- tisystémiques de type parkinsonien ou cérébelleux, ce test n’est
nostic est confirmé par l’absence de la dopamine bêta-hydroxylase pas discriminatoire avec la maladie de Parkinson idiopathique,
dans le plasma [8] . en particulier au début de la maladie [15] .

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17-003-J-10  Système nerveux autonome

 Manifestations cliniques Les échanges plasmatiques, les immunoglobulines par voie vei-
neuse utilisées précocement sont la thérapeutique de choix. La
Les manifestations fonctionnelles sont très polymorphes en 9-alpha-fludrocortisone corrige l’hypotension orthostatique.
raison de la distribution ubiquitaire du SNA. Leur description Le diagnostic se pose avec certains cas de neuropathies
détaillée est donnée dans les paragraphes correspondants. amyloïdes primaires ou avec certaines dysautonomies paranéo-
Il en est de même pour l’examen clinique explorant les diverses plasiques.
cibles propres à son altération. Dysautonomies aiguës partielles
Deux groupes principaux de sémiologie et d’évolutions diffé- • Dysautonomie cholinergique pure : la forme cholinergique
rentes sont à séparer selon que l’évolution est aiguë ou subaiguë. pure, dissociée sans atteinte sympathique, est plus fréquente
chez l’enfant. Le début est aigu avec parfois exagération
Dysautonomies aiguës et subaiguës transitoire de la salivation et de la sécrétion lacrymale, dimi-
nution du tonus vésical, perte de l’érection, de la constriction
Pandysautonomie aiguë pure (acute autoimmune pupillaire à la lumière, diminution de la motilité gastro-
autonomic neuropathy) ou syndrome de Young intestinale. Les signes négatifs sont : absence d’hypotension
et Adams [16–19] orthostatique, liquide céphalorachidien normal. L’évolution est
souvent chronique avec une récupération incomplète. L’effet
La sémiologie est très caractéristique avec cependant une gravité des corticostéroïdes est très limité. Le diagnostic se pose avec
variable selon les cas. le botulisme, l’intoxication à la belladone ainsi qu’avec le
Le début se fait en une ou quelques semaines chez un adulte syndrome de Gougerot-Sjögren et certains cas d’obstruction
ou un enfant précédé d’un épisode fébrile ou viral. Une vision intestinale.
trouble est souvent le premier symptôme. Les signes de dys- • Hypotension orthostatique sympathicotonique : une autre
fonction sympathique sont : hypotension orthostatique, perte forme partielle acquise proche du syndrome tachycardique
de sudation, absence de dilatation pupillaire dans l’obscurité, postural est l’hypotension orthostatique sympathicotonique
absence d’éjaculation, perte de piloérection. Les signes de dys- de Polinski. Cette forme est caractérisée, à l’inverse de
fonction parasympathique sont : absence de sécrétions lacrymale, l’hypotension orthostatique habituelle, par une tachycar-
salivaire, nasale, oropharyngée, absence de constriction pupillaire die survenant en position debout en même temps que
à la lumière, diminution d’acidité et de motilité gastro-intestinale l’hypotension, ce qui indique une innervation autonome car-
faisant parfois disparaître un ulcère gastrique, atonie vésicale, diaque normale. Les réflexes vasomoteurs de la paume et le
perte de l’érection. Les fonctions motrices et sensitives sont nor- taux de norépinéphrine sont normaux, ce qui oriente vers une
males. La régression se fait en quelques semaines, mais la guérison atteinte des neurones sympathiques lombaires et thoraciques
demande plusieurs mois. inférieurs [20] . Ces formes surviennent après un épisode viral,
La protéinorachie est parfois augmentée. L’électromyogramme après une perte de poids chez des alcooliques ou des dénutris,
est normal. ou après radiothérapie.
La biopsie nerveuse montre une réduction de diamètre des fibres • Syndrome dysautonomique primaire avec corps de Lewy,
amyéliniques et des petites fibres myélinisées, une augmentation lésion du tractus intermediolateralis et du noyau dorsal
des axones amyéliniques de petit diamètre due à la régénération. du X.
L’étude du nerf in vitro a également montré l’absence de potentiels
de fibres C. Cependant, la biopsie d’un nerf sensitif est le plus sou- Neuropathie autonome paranéoplasique
vent normale. La lésion est supposée surtout postganglionnaire. Cette forme aiguë ou subaiguë est souvent liée à un cancer
bronchique à petites cellules. Elle se présente sous deux formes :
• une neuropathie autonome subaiguë ;

“ Point fort • une paralysie gastrique ou une pseudo-obstruction intestinale


grave. Dans ces cas, l’estomac ne se vide pas, une anorexie
totale se développe pendant des semaines. Les radiographies
La pandysautonomie aiguë, syndrome de Young montrent une stase digestive complète. L’érythromycine par
voie veineuse a un effet partiel sur la motilité.
et Adams
L’anticorps anti-Hu est le plus souvent rencontré. D’autres
Après un épisode fébrile : vision trouble anticorps peuvent être également présents (collapsin-response
Dysfonction sympathique : hypotension orthostatique, mediator protein 5 antibody [CRMP-5] ; purkinje cell antibody
perte de sudation, absence de dilatation pupillaire, [PCA–2] ; antineuronal nuclear antibody 2 [ANNA-2] ; antirécepteurs
d’éjaculation, de piloérection d’acétylcholine ganglionnaires). L’anticorps anti-HU (anti-ANNA-
Dysfonction parasympathique : perte de sécretions lacry- 1) est révélateur d’un cancer bronchique à petites cellules dans
male, salivaire, nasale, oropharyngée ; de constriction 80 % des cas.
pupillaire à la lumière ; atonie vésicale ; absence d’érection D’autres associations sont possibles (myasthénie, thymomes).
Origine auto-immune
Échange plasmatique, immunoglobuline Dysautonomie du syndrome de Guillain-Barré
Dans deux tiers des cas, une participation du SNA, parfois
très sévère, apparaît sous forme de troubles cardiovasculaires
et gastro-intestinaux portant à la fois sur le sympathique et le
On admet la nature auto-immune de la maladie, proche parasympathique : hypotension, avec tachycardie mais, parfois
de celle du syndrome de Guillain-Barré ou des dysautonomies bradycardie, arrêt cardiaque, fluctuation de la tension artérielle
paranéoplasiques avec anticorps anti-Hu. Des lésions myéloradi- sont fréquentes de même que des troubles de la motilité gastroin-
culaires et encéphaliques inflammatoires sont parfois signalées. testinale. Ces troubles peuvent être une cause de décès lors de la
L’origine auto-immune est d’autant plus probable que le début est ventilation artificielle. Sinon ils régressent lors de la régression des
aigu, les antécédents viraux fréquents, l’évolution monophasique, signes moteurs.
l’atteinte du SNA sélective. Mais surtout dans 50 % des cas, les anti-
corps antirécepteurs nicotiniques ganglionnaires d’acétylcholine
sont très élevés et leur élévation est en corrélation avec la gravité
Porphyries aiguës
clinique [31] . Ces anticorps ne sont pas spécifiques de la pandysau- Les porphyries hépatiques sont des maladies de transmis-
tonomie aiguë pure, ils peuvent également être retrouvés à des sion autosomique dominante liées à une anomalie de synthèse
taux plus faibles dans les formes chroniques de pandysautono- de l’hème. La porphyrie aiguë intermittente et la porphyrie
mie, les dysautonomies paranéoplasiques et dans le syndrome de variegata sont à l’origine d’accès associant typiquement dou-
tachycardie postural [30] . leurs abdominales, dysesthésies sans troubles sensitifs objectifs,

8 EMC - Neurologie
Système nerveux autonome  17-003-J-10

déficit moteur avec aréflexie et survenue rapide d’une amyo- Parfois, une douleur angineuse ou des signes de claudication
trophie, crises convulsives et troubles psychiatriques (anxiété, de la queue de cheval sont ressentis. Curieusement, l’ECG est
insomnie, confusion, hallucinations, etc.). normal. La récupération est complète après la syncope. Il ne se
Les signes neurovégétatifs sont fréquents : anomalies gastro- produit, contrairement aux syncopes vagales, ni hypersudation
intestinales (nausées, vomissements, constipation, voire diar- ni bradycardie. La chaleur, les repas, sont des facteurs favorisants.
rhée), cardiovasculaires à type de tachycardie, d’hypotension ou L’évolution est progressive pendant plusieurs années, avant de
d’hypertension artérielle labile et de troubles de la sudation. La devenir invalidante.
tachycardie survient quelques jours après les manifestations diges- Les terminaisons sympathiques contiennent peu de catéchola-
tives ou psychiatriques et peut précéder de quelques semaines le mines. La fluorescence de celles-ci est réduite. Les catécholamines
début de la neuropathie. Elle régresse progressivement, parallèle- plasmatiques sont également abaissées. L’absence de modifica-
ment à l’amélioration du déficit moteur. tions de la norépinéphrine et de la rénine plasmatique après
L’hypertension artérielle est fréquente au cours des accès dis- perfusion d’isoprotérénol témoignerait d’une hypersensibilité des
paraissant après les poussées. Des cas d’hypotension artérielle récepteurs bêta-adrénergiques. Le taux de vasopressine augmente
sont également rapportés. Le mécanisme demeure obscur : désaf- après Tilt Test. La microneurographie et l’histopathologie objec-
férentation des barorécepteurs aortiques et carotidiens, anomalies tivent l’atteinte du système sympathique.
des nerfs glossopharyngiens et vagues (confirmées par des études Ces éléments caractérisent l’hypotension orthostatique pure.
autopsiques), de leurs noyaux ou des voies centrales. La relation Cependant, des signes d’atteinte du SNA coexistent fréquem-
entre les anomalies de l’arc baroréflexe et la toxicité éventuelle de ment : hypohydrose à l’origine d’hyperthermie, impuissance
l’acide delta-aminolévulinique (delta-minolevulinic acid [ALA]) ou sexuelle, constipation ou diarrhée.
du porphobilinogène (PBG) reste à prouver ; l’augmentation des
taux de catécholamines au cours des accès serait, au moins partiel- Atrophie multisystémique (multisystem atrophy)
lement, due à une inhibition par l’ALA et le PBG de la recapture Ce terme, nosologiquement imprécis, regroupe un ensemble de
des catécholamines par les plaquettes. signes (extrapyramidaux, pyramidaux, cérébelleux, autonomes)
Au cours des accès, les anomalies des tests d’exploration car- plus ou moins combinés et sous-tendus par une dépopulation
diovasculaires du SNA sont fréquentes ; le rapport 30/15 et le neuronale et une gliose étendue à de multiples formations, notam-
Handgrip Test sont les épreuves les plus fréquemment perturbées. ment extrapyramidales, cérébelleuses, autonomes. D’anciennes
Chez les patients en rémission, les anomalies autonomes sont dénominations correspondaient à des tableaux cliniques plus
rares et portent essentiellement sur le rapport 30/15 et le rapport ou moins définis : atrophie olivo-ponto-cérébelleuse, syndrome
de Valsalva. de Shy et Drager (où l’hypotension orthostatique précédait une
sémiologie extrapyramidale et cérébelleuse), dégénérescence stria-
Botulisme tonigrique, maladie de Parkinson « PLUS ».
Quelques heures après ingestion d’aliment contaminé par Clos- Actuellement on distingue les atrophies multisystémiques en
tridium botulinium s’installent les troubles visuels et la faiblesse deux types MSA-PetMSA-C : type Parkinson, type cérébelleux,
musculaire caractéristique du botulisme. L’atteinte du SNA est selon la prédominance des signes.
essentiellement cholinergique : anhidrose, sécheresse oculaire et Par opposition à celle de la maladie de Parkinson, la dys-
buccale, constipation avec iléus paralytique, rétention d’urines. autonomie est ici plus précoce, plus sévère et plus rapidement
L’hypotension orthostatique et les anomalies cardiovagales sont progressive. Divers caractères sont évocateurs : précocité des
fréquentes. anomalies urinaires à type d’incontinence et de l’impuissance
sexuelle, hypotension orthostatique souvent sévère, discrets
Atteintes aiguës et subaiguës du système nerveux signes pyramidaux ou cérébelleux, prédominance de la rigidité et
autonome d’origine toxique de l’akinésie sur le tremblement, non-réponse à la dopathérapie
et complications respiratoires avec parfois stridor laryngé noc-
Parmi les causes médicamenteuses sont à signaler :
turne et apnée du sommeil. Une perte neuronale est présente dans
• le cisplatine parfois à l’origine d’hypotension orthostatique et
le tractus intermediolateralis. L’activité sympathique est préser-
d’iléus paralytique ;
vée, ce que prouvent la microneurographie et l’histopathologie,
• la vincristine avec hypotension orthostatique, constipation,
au contraire de ce qui s’observe dans l’hypotension orthosta-
rétention d’urines ;
tique pure. Les neuromédiateurs sont diminués dans le liquide
• l’amiodarone parfois ;
céphalorachidien, il existe une réponse anormale de la vasopres-
• le maléate de perhexiline ;
sine à l’hypotension (en effet, le taux de vasopressine après Tilt
• les toxiques industriels sont également en cause :
Test n’augmente pas, témoignant d’une altération des barorécep-
◦ métaux lourds : thallium (hypertension, tachycardie), arsenic
teurs, d’une réponse anormale à l’hypoglycémie et des anomalies
(troubles sudoromoteurs), mercure (acrodynie, hyperhi-
électromyographiques du sphincter urétral). La sémiologie neuro-
drose, tachycardie),
logique associée est, selon le cas, plutôt celle d’une dégénérescence
◦ hexacarbone avec troubles cardiovasculaires, anhidrose,
olivopontocérébelleuse ou celle d’une dégénérescence striatoni-
◦ acrylamide : troubles sudoromoteurs.
grique. Avant l’apparition des signes neurologiques, la présence
tolérée d’une hypotension orthostatique fait parfois longtemps
Dysautonomies chroniques méconnaître le diagnostic d’atrophie multisystémique.
Anatomiquement, les lésions du SNA sont d’une part celles
Dysautonomies pures
de l’hypotension orthostatique (dégénérescence des neurones
Hypotension orthostatique idiopathique ou atteinte sympathiques préganglionnaires du tractus intermediolateralis
autonome progressive ou atteinte autonome primaire thoracolombaire), d’autre part des altérations des noyaux para-
(primary autonomic failure [PAF]) sympathiques sacrés. Des lésions supraspinales (noyau dorsal
Cette forme dite « syndrome de Bradbury-Eggleston » corres- du X, hypothalamus, substance réticulée) sont parfois prédo-
pond à une dégénérescence des neurones préganglionnaires minantes. Il n’est pas déterminé si les lésions du tractus
sympathiques dans le tractus intermediolateralis thoracolombaire intermediolateralis sont primitives ou secondaires à une dégéné-
avec dénervation des muscles lisses et des glandes, respectant rescence trans-synaptique sympathique supraspinale.
le reste du système nerveux. Elle survient chez l’adulte jeune. Bien qu’il s’agisse d’une entité différente, les fonctions du SNA,
La vasoconstriction réflexe, qui normalement active le sympa- sympathique et parasympathique, sont anormales au cours des
thique à partir des barorécepteurs du sinus carotidien et de la paralysies supranucléaires progressives.
crosse aortique, ne se produit plus lors du passage en station
debout, ce qui est à l’origine de malaises d’expression variable [21] : Déficit en dopamine bêta-hydroxylase
troubles visuels, sensations vertigineuses, pertes de connaissance Cette forme est rapportée à une anomalie du chromosome 9.
avec chutes survenant chez un adulte. Il est fréquent que la perte Elle débute dans l’enfance et se traduit par des épisodes
de connaissance soit précédée d’une douleur cervicoscapulaire. d’hypotension orthostatique et des épisodes hypoglycémiques

EMC - Neurologie 9
17-003-J-10  Système nerveux autonome

récidivants. Une insuffisance surrénalienne est à l’origine d’un Sémiologie. La sémiologie est complexe, dominée par
défaut de synthèse noradrénergique. Un ptosis s’associe à une l’atteinte du SNA. Le tableau est présent dès la naissance chez
hypotonie musculaire. Un traitement par L-DOPS (L-thréo-3,4- un nourrisson de sexe indifférent. Les difficultés de succion et de
dihydroxyphénylsérine) améliore l’hypotension. déglutition sont suivies de fausses routes, de vomissements. Un
retard de croissance en résulte. Des infections pulmonaires à répé-
Syndrome de tachycardie orthostatique ou postural tition sont causées par une pneumonie de déglutition. Des accès
orthostatic tachycardia syndrome fébriles inexpliqués sont fréquents.
Le syndrome de tachycardie orthostatique [22] est une sorte L’absence de sécrétion lacrymale est confirmée par le test de
d’intolérance posturale survenant entre 15 et 50 ans plutôt dans Schirmer. Une hypoesthésie cornéenne est fréquente avec des
le sexe féminin. Le début, parfois aigu ou subaigu après une ulcérations cornéennes d’origine neurotrophique. Les enfants
infection virale, rapproche dans une certaine mesure ce syn- dorment souvent avec leurs paupières partiellement ouvertes et
drome de la pandysautonomie aiguë mais l’évolution en est la portion inférieure de la cornée est exposée à la déshydratation.
chronique. La sémiologie autonome associe sécheresse oculaire et Une myopie est fréquente. Du point de vue pharmacologique, la
buccale, nausées et vomissements, cyanose périphérique. Les tests métacholine est susceptible de produire des larmes (ce qui indique
d’orthostatisme montrent une tachycardie importante. Les tests une glande lacrymale intacte) et entraîne un myosis alors qu’une
sudoromoteurs sont en faveur d’une origine postganglionnaire. Le pupille normale ne réagit pas. Cette hypersensibilité provient
Valsalva montre une atteinte de la vasoconstriction baroréflexe. d’une dénervation parasympathique dans le ganglion sphénopa-
Le taux de norépinéphrine plasmatique, normal au repos, s’élève latin. Cependant, la persistance d’un myosis avec les inhibiteurs
en orthostatisme. de la cholinestérase montre la présence d’acétylcholine, ce qui
indique une dénervation incomplète. L’adrénaline n’entraîne pas
Neuropathies à petites fibres
de dilatation pupillaire comme au cours des dénervations sympa-
Les neuropathies distales « à petites fibres » idiopathiques thiques.
comportent une atteinte du SNA : troubles vasomoteurs avec alter- Des macules cutanées du tronc et des extrémités, de 2 à 5 cm
nance de pâleur et de rougeur, cyanose, troubles de la sudation. de diamètre, souvent déclenchées par l’émotion, s’associent par-
La densité des petites fibres épidermiques est diminuée. fois à un érythème généralisé à l’exercice ou postprandial et à
une hypersudation erratique. La triple réponse à l’histamine est
Neuropathies héréditaires sensitives et autonomes absente par perte de réflexes d’axone.
Ce titre recouvre des formes hétérogènes pour lesquelles Une voie nasonnée et une dysarthrie sont habituelles. Le
l’atteinte du SNA est plus ou moins intriquée avec l’atteinte des seuil de l’olfaction est très élevé. Le goût est altéré, ce qui est
nerfs sensitifs. La classification de ces formes est très discutée. Une en relation avec une réduction du nombre des papilles fun-
des plus souvent citées est celle d’Ohta et Dyck en cinq types giformes et de leur concentration sur la pointe de la langue,
de neuropathies héréditaires sensitives et autonomes (HSAN) : elle-même lisse et pâle, ce qui est un des éléments importants
type I correspondant à l’acropathie ulcéromutilante dominante du diagnostic. Il est vraisemblable que ces anomalies sont la
ou maladie de Thévenard, type II à la neuropathie sensitive congé- conséquence distale d’une atteinte des neurones du ganglion
nitale précoce et récessive, type III à la dysautonomie familiale, géniculé.
type IV à l’analgésie congénitale avec anhidrose, type V à l’atteinte Une hypotension orthostatique sans modification du pouls est
élective des fibres myélinisées de petit calibre. Sans entrer dans la habituelle avec syncopes, parfois entrecoupées d’épisodes hyper-
critique de cette classification, on doit indiquer que l’atteinte du tensifs. La noradrénaline entraîne une élévation exagérée de la PA
SNA n’est au premier plan que dans quelques variétés. en relation avec la dénervation sympathique et aussi une tachy-
cardie. La bradycardie est abolie par l’atropine, ce qui indique
Dysautonomie familiale ou syndrome de Riley-Day qu’elle provient d’une activité parasympathique. La diminution
Le syndrome de Riley-Day est une maladie familiale en relation de la dopamine bêta-hydroxylase (qui catalyse la conversion
avec une altération du SNA périphérique éventuellement sensitif de dopamine en norépinéphrine) explique l’augmentation de
et moteur. La participation du système nerveux central est absente l’excrétion de l’acide homovanillique métabolite de la dopamine,
ou modérée. Cette forme correspond au type III des neuropathies une réduction de l’excrétion de l’acide vanylmandélique, produit
sensitives et autonomes de la classification de Dyck. de dégradation de la norépinéphrine. Une haute concentration
La maladie est transmise sur le mode autosomique récessif, de catécholamines est présente dans les glandes surrénales. En
la localisation génétique est établie : chromosome 9, locali- revanche, la réponse à l’insuline est normale.
sation 9q 31, le taux de consanguinité est élevé. La race La réponse à l’hypercapnie et à l’hypoxie est diminuée. Ces
juive ashkénaze est particulièrement exposée (un cas sur anomalies d’origine sympathique sont à l’origine d’accidents :
10 000 naissances) alors que les juifs séfarades émigrés en Afrique asphyxie lors de plongée, syncopes ou convulsions lors d’un tra-
du Nord ou au Moyen-Orient sont épargnés. Cela suppose jet aérien, hypotension et arrêt cardiaque lors d’une anesthésie
une mutation tardive après l’expulsion des juifs d’Espagne vers générale.
l’Europe de l’Est au XVe siècle. Cependant, de rares cas non juifs Les atteintes gastro-intestinales sont importantes : difficulté
sont connus. d’alimentation chez le nourrisson avec hypersalivation, vomis-
sements dans les premières années, érosions de l’œsophage
inférieur, distension abdominale, constipation et diarrhée. Un
“ Point fort reflux gastro-œsophagien est fréquent, à l’origine d’hématémèses
et de méléna. Une dysfonction cricopharyngée et œsopha-
gienne est prouvée par manométrie et radiocinématographie.
Syndrome de Riley-Day Un méga-œsophage, un pylorospasme, des ulcères gastriques, un
• Dysautonomie familiale de transmission autosomique mégacôlon sont signalés. Cette dysfonction est en relation avec
récessive, liée au chromosome 9q31 une incoordination du contrôle musculaire.
• Fréquente chez les juifs ashkénazes Une atteinte rénale est fréquente. Sa gravité augmente avec
• À la naissance difficulté de succion et déglutition, retard l’âge. On observe surtout une glomérulosclérose et des anomalies
de croissance, accès fébriles de la membrane basale des capillaires avec une atrophie tubu-
• Absence de sécrétion lacrymale, ulcérations cornéennes laire. L’innervation vasculaire rénale est déficiente. Une énurésie
est fréquente. Bien que la maturation sexuelle soit retardée, les
• Érythèmes à l’exercice, hypersudation
caractères sexuels primaires et secondaires sont habituellement
• Voix nasonnée, syncopes, hypotension orthostatique normaux. La grossesse est possible.
• Troubles gastro-intestinaux, anomalies rénales Des altérations squelettiques sont fréquentes notamment une
• Anomalies squelettiques scoliose chez les filles. Les fractures sont fréquentes ainsi que par-
• Neuropathie périphérique fois des ostéoarthropathies nerveuses dues à l’insensibilité à la
douleur.

10 EMC - Neurologie
Système nerveux autonome  17-003-J-10

La marche est anormale et enraidie. Le polygone de sustentation L’origine génétique serait une mutation du gène de la sérine
est élargi. L’acte de se tourner est effectué maladroitement. Un palmitoyl transférase intervenant dans la synthèse des sphingoli-
signe de Romberg est commun. pides D localisée sur le chromosome 9q22. Quelques formes sont
Une neuropathie périphérique est fréquente. Les réflexes liées au chromosome 3q, ce qui indique une certaine hétérogé-
rotuliens sont diminués ou absents. La sensibilité thermique néité génétique.
douloureuse et vibratoire est très altérée avec une variabilité La forme précoce d’hérédité récessive ou type II, neuropathie
d’expression. Les études longitudinales montrent une progression sensitive congénitale, comporte peu d’altérations du SNA (si ce
dans les altérations sensitives avec l’âge. L’insensibilité à la douleur n’est une discrète anhidrose distale et quelques épisodes fébriles
se manifeste cependant dès la naissance. ou encore tardivement une impuissance et des troubles sphinc-
Le quotient intellectuel est parfois abaissé mais le retard intel- tériens urinaires) non plus que le type V limité à des troubles
lectuel est en fait souvent absent. trophiques distaux.
L’hypersensibilité aux agents cholinergiques de beaucoup En revanche, l’analgésie congénitale avec anhidrose, HSAN
d’organes est interprétée comme la preuve d’une dénervation type IV, ou type de Swanson, comporte une sémiologie autonome
parasympathique et d’une insuffisance en acétylcholine. Beau- importante. La transmission est de type autosomique récessif.
coup des manifestations précédentes sont d’ailleurs corrigées par La sémiologie se regroupe autour de trois éléments : une analgé-
les agents cholinergiques, mais leur action est plus pharmacolo- sie congénitale avec troubles trophiques cutanés et articulaires,
gique que thérapeutique. une anhidrose et des altérations anatomiques des voies noci-
Évolution. La gravité des symptômes varie selon les cas ceptives. L’anhidrose est l’élément le plus original qui explique
et selon l’âge. Certains patients meurent pendant la première en particulier la sémiologie initiale. Dès la petite enfance sur-
année, habituellement d’une pneumonie de déglutition. Les viennent des épisodes d’hyperthermie souvent très élevée sans
autres atteignent l’âge adulte. Peu sont capables de suivre une cause apparente, parfois accompagnés de convulsions, parfois de
scolarité, d’avoir un travail et de se marier. rougeur cutanée avec une importante intolérance à la chaleur.
À la naissance, le symptôme le plus important est une difficulté Dès la première année, l’absence de sudation sur l’ensemble du
à la succion, à la déglutition et à la respiration. L’enfant naît avec corps est remarquée par les parents. Les divers tests thermiques de
une hypotonie et une hypothermie. L’absence de larmes dans les sudation sont négatifs. La pilocarpine ne provoque pas de suda-
premiers mois est un signe important. tion. Cependant, les glandes sudorales sont histologiquement
À l’âge scolaire, l’enfant est petit. Il a une voix nasonnée et une normales. Parfois elles sont intensivement colorées par le periodic
démarche maladroite. La face paraît pincée, la bouche est trans- acid Schiff (PAS). La microscopie électronique montre leur absence
versale. L’insensibilité à la douleur est fréquente mais inconstante, d’innervation. L’analgésie est identique dans son expression et
distribuée par zones avec fractures indolores. Une scoliose tardive dans ses conséquences à celle des autres analgésies congénitales :
est souvent importante. La tolérance à l’exercice est diminuée. accidents cutanés et osseux strictement indolores. La biopsie ner-
Des vertiges aux changements de position sont souvent cause de veuse montre une raréfaction considérable des fibres amyéliniques
handicap. et l’absence de fibres myélinisées de petit calibre. À l’autopsie, le
Anatomie pathologique. L’atteinte sensitive prédomine : SNA est normal mais le tractus de Lissauer est absent. On doit
atrophie des ganglions postérieurs dont 50 % des neurones ont noter la négativité du test à la naloxone (antagoniste morphinique
disparu, atrophie des racines postérieures et diminution des qui, dans l’indifférence congénitale à la douleur sans doute due
axones de petit calibre, réduction des tractus de Lissauer. La biop- à une hyperfonction tonique du système endomorphinique, fait
sie du nerf saphène interne montre une diminution des axones réapparaître la sensation douloureuse).
myélinisés de petit calibre et une disparition des axones amyéli- L’origine génétique est une mutation du gène NTRK1 codant
niques. Les fibres contenant de la catécholamine ont disparu. Le pour le récepteur neurotrophique type 1 de la tyrosine kinase.
système sympathique est altéré. Le ganglion cervical supérieur est
de petite taille. La concentration des neurones est réduite de façon Neuropathies amyloïdes avec altération du système nerveux
considérable, seuls persistant environ 10 % des neurones. Il existe autonome
également une réduction d’environ 50 % des neurones du tractus Il s’agit surtout du type portugais lié à une anomalie de la trans-
intermediolateralis. thyrétine (TTR).
Les neurones du système nerveux parasympathique sont Le gène muté est le gène de la TTR, situé sur le bras long du
plus difficiles à quantifier. Toutefois, une réduction considéra- chromosome 18 (18q11.2-q12.1). Cette neuropathie amyloïde de
ble des neurones est visible dans le ganglion sphénopalatin. loin la plus fréquente a été décrite par Corino Andrade au Portu-
Elle est moindre dans le ganglion ciliaire. Les terminai- gal. Elle débute aux membres inférieurs au cours de la deuxième
sons nerveuses cholinergiques des vaisseaux sanguins sont ou troisième décennie, quelquefois plus tardivement, plus sou-
absentes. vent chez l’homme, par des paresthésies douloureuses. S’installe
On décrit enfin une absence sélective des motoneurones gamma par la suite progressivement un tableau de neuropathie à petites
de la région lombaire qui interviennent dans les mouvements fibres, débutant aux membres inférieurs, associant un déficit sen-
rapides des muscles lisses. sitif prédominant sur les sensibilités thermique et douloureuse
En revanche, aucune altération du système nerveux central et secondairement des maux perforants plantaires avec arthropa-
n’est décrite, si ce n’est une atrophie protubérantielle, une dépo- thies nerveuses, ainsi que des manifestations dysautonomiques
pulation de la substance réticulée ou des noyaux de certains nerfs notamment digestives (diarrhée) et génitosphinctériennes. La
crâniens (X et XI). biopsie nerveuse affirme le diagnostic en montrant les dépôts
Génétique. La localisation a été établie sur le chromo- amyloïdes colorés par le rouge Congo et les biréfringents en
some 9q31. Plusieurs gènes ont été caractérisés notamment le gène lumière polarisée. Le déficit moteur et l’amyotrophie apparaissent
IKBKAP avec plusieurs mutations et épissage de l’exon 20 de l’acide dans un second temps avec steppage puis déficit quadridistal.
ribonucléique (ARN) messager. Après quelques années d’évolution, le patient est grabataire. Un
signe d’Argyll-Robertson est fréquent. L’aggravation est rapide-
Autres neuropathies héréditaires sensitives et autonomes ment progressive et le sujet est généralement grabataire en moins
La maladie de Thévenard ou type I des HSAN est marquée de cinq ans, d’une part en raison du déficit moteur mais aussi
par d’importants troubles sensitivotrophiques avec hypoesthésie en raison de l’intensité de la dysautonomie, en particulier de
thermodouloureuse, accompagnant l’acropathie ulcéromutilante. l’hypotension orthostatique. La majorité des sujets atteints sont
La dysautonomie est faite d’hypersudation ou d’anhidrose sans hétérozygotes. La pénétrance est réduite (environ 85 %). Plusieurs
troubles génitosphinctériens, ce qui différencie cette forme des modifications des acides aminés entrant dans la constitution de
neuropathies amyloïdes d’hérédité dominante. Sur la biopsie la TTR sont possibles mais la substitution la plus fréquente est
nerveuse, les fibres myélinisées de petit calibre et les fibres celle de valine en méthionine-30, présente chez les Portugais, mais
amyéliniques sont très raréfiées. L’enregistrement des potentiels aussi dans des cas suédois, français, japonais et anglais. Les possibi-
sensitifs in vitro montre de même l’atteinte des fibres A-delta lités du diagnostic par biologie moléculaire ont permis de montrer
et C. l’origine génétique de cas de neuropathie amyloïde de début tardif

EMC - Neurologie 11
17-003-J-10  Système nerveux autonome

et apparemment sporadiques. Une mutation de sérine en tyrosine- est de pronostic défavorable, mais le décès ou les complications
30 a été signalée dans une famille de l’Illinois d’origine allemande. évolutives ne sont pas toujours secondaires à ces anomalies et
Bien qu’identique à la neuropathie portugaise, cette forme est iso- semblent le plus souvent liés aux atteintes associées en particulier
lée par certains. Le traitement médical des neuropathies amyloïdes rénales.
est décevant : corticoïdes, échanges plasmatiques. La transplan-
tation hépatique représente un espoir thérapeutique même s’il
s’agit d’un traitement invasif car la neuropathie amyloïde est une Participation du système nerveux autonome
maladie très sévère.
Accessoirement la forme dite « finlandaise » comporte un degré en pathologie neurologique
modéré d’atteinte autonome mais le signe prédominant est une
Affections encéphaliques
dystrophie cornéenne. La mutation porte sur le gène de la gelso-
line sur le chromosome 9. Maladie de Parkinson
La dysautonomie est fréquente, spontanée et surtout thé-
rapeutique. Elle était connue depuis la description princeps
Neuropathie diabétique autonome dans laquelle étaient signalés hypersalivation, hypersudation et
Une neuropathie autonome est fréquente au cours du diabète troubles sphinctériens.
dans les diverses formes de neuropathies diabétiques souvent La dysautonomie est parfois présente d’emblée avant tout trai-
latentes, protéiformes avec des déterminations multiples [23] . Mal- tement de la maladie et quels que soient l’âge, le sexe et la durée
gré certaines données contradictoires, sa survenue au cours d’un d’évolution. Elle serait plus fréquente dans les formes akinétohy-
diabète est un facteur de pronostic défavorable avec une survie à pertoniques.
cinq ans de 45 % en cas de dysautonomie contre 80 % si le SNA est En dehors des troubles de la déglutition liés à l’akinésie, les
normal. Les moyens thérapeutiques sont réduits mais un dépis- explorations spécialisées constatent une incoordination pharyn-
tage précoce évite des associations médicamenteuses nuisibles gée, une stase valléculaire et une diminution du péristaltisme
(produits interférant sur le SNA) et fait prendre des précautions œsophagien. L’hypersalivation témoigne plutôt d’une stase
lors des anesthésies générales (augmentation des complications salivaire due aux difficultés de déglutition que d’une hyperproduc-
anesthésiques par mauvaise réponse à l’hypoxie liée à la dénerva- tion salivaire. Les troubles de la déglutition pourraient expliquer
tion des chémorécepteurs). la survenue de pneumopathies et certaines morts subites. Une
L’atteinte digestive est souvent silencieuse (diminution du lenteur de la vidange gastrique, une constipation et une perte
péristaltisme, évacuation ralentie, gastroparésie, etc.) ou pauci- de poids d’origine peut-être hypothalamique sont également fré-
symptomatique (dysphagie, nausées, brûlures). La diarrhée, plus quentes.
rare que la constipation, serait favorisée par les infections et une Une dysurie, facteur de rétention chronique, peut survenir pré-
atonie intestinale. cocement, en relation avec une hypoactivité du détrusor. Plus
Les troubles urinaires (neurovessie) sont responsables d’une fréquente est la pollakiurie nocturne avec impériosités miction-
perte de sensation puis d’une diminution de la capacité de vidange nelles liées à une hypertonie du détrusor. L’intrication des deux
vésicale. symptômes est possible. Une dysurie en corrélation avec les
Une impuissance sexuelle avec perte de l’érection est fréquente déficits axiaux non dopaminosensibles serait de pronostic défa-
chez l’homme (près de 50 % des cas) mais le mécanisme n’est vorable. L’incontinence urinaire (mictions impérieuses, fuites par
pas univoque, la participation vasculaire et psychologique étant regorgement) est majorée, surtout la nuit, par l’akinésie. Les ano-
à considérer. Dans le cadre d’une dysautonomie, elle s’installe malies vésicales surviennent dans près de la moitié des cas de
progressivement en quelques mois et est souvent associée à une maladie de Parkinson mais sont plus fréquentes si on pratique
neurovessie. Des troubles de l’éjaculation sont fréquents égale- des études urodynamiques systématiques.
ment, avec éjaculation rétrograde. Les troubles de l’érection et de l’éjaculation sont plutôt liés à
Des anomalies de la sudation postprandiales avec anhidrose des l’akinésie qu’à une réelle dysautonomie.
membres inférieurs et hyperhidrose des membres supérieurs ou Les troubles de la sudation sont présents dans 100 % des cas.
faciale, surtout postprandiale, sont un signe évocateur du diabète. L’hypersudation est plus fréquente que l’anhidrose. Elle prédo-
La pupille est anormale dans près d’un quart des cas. mine à la face et au cou, parfois sur l’hémicorps le plus atteint.
Le déficit sympathique paraît le signe le plus précoce (en L’activité musculaire sympathique mesurée par microneurogra-
relation avec la longueur de son trajet qui le rend plus vul- phie [24] est diminuée avec l’âge chez les parkinsoniens et aussi
nérable que le parasympathique). Le réflexe à la lumière et avec la durée de la maladie.
l’hippus pupillaire sont diminués. La réponse mydriatique lors Après arrêt brusque de la dopathérapie, des troubles proches du
de l’instillation de phénylépiphrine est augmentée. Un ptosis par syndrome malin des neuroleptiques avec hyperthermie, sueurs,
atteinte de l’innervation sympathique du muscle de Müller est polypnée, tachycardie, élévation de la créatine kinase sérique sont
possible. parfois suivis de décès. En période off, des épisodes de sueurs et de
La neuropathie autonome cardiaque est la manifestation tachycardie surviennent également. Une acrocyanose, une sébor-
dysautonomique la plus étudiée. Les tests d’exploration para- rhée, une hypersécrétion nasale, des troubles de la pilomotricité
sympathiques et sympathiques cardiovasculaires ont d’ailleurs sont également fréquents. Parfois des troubles vasomoteurs des
été mis au point et ont été expérimentés par des diabétologues. extrémités se constituent en algoneurodystrophie, dans certains
Les manifestations sont variées : tachycardie, hypotension ortho- cas révélatrice de la maladie de Parkinson, notamment s’il s’agit
statique surtout postprandiale, infarctus du myocarde indolore d’un syndrome épaule-main.
(cinq à sept fois plus fréquent chez le diabétique) révélé par une La dysautonomie cardiovasculaire est plus souvent découverte
défaillance cardiaque ou un ECG systématique, des troubles du lors de la prise systématique de la PA que révélée par des mani-
rythme cardiaque, des œdèmes des membres inférieurs (levée du festations cliniques. Les chutes liées à l’akinésie doivent être
tonus sympathique vasoconstricteur), des accidents survenant au distinguées des manifestations syncopales. La responsabilité des
cours d’une anesthésie générale (surtout s’il y a un épisode infec- traitements est fréquente avec, au premier plan, la dopathérapie,
tieux respiratoire les jours précédents). La mort subite serait plus mais aussi les traitements à visée cardiovasculaire (vasodilata-
fréquente chez le diabétique, secondaire à un infarctus du myo- teurs, diurétiques, bêtabloquants et autres antihypertenseurs) et
carde, à un trouble du rythme ou à une défaillance respiratoire. La les antidépresseurs tricycliques. La survenue d’une hypotension
neuropathie autonome cardiaque est souvent latente, nécessitant orthostatique est proportionnelle aux lésions anatomiques qui
la pratique de tests complémentaires. La dysfonction sympa- associent perte cellulaire et présence de corps de Lewy dans
thique suit la dysfonction parasympathique. On recommande les ganglions sympathiques. Une diminution de la densité des
d’effectuer trois tests parasympathiques (respiration profonde, fibres du grand nerf splanchnique est visible à l’autopsie. Il existe
Valsalva, 30/15) et deux tests sympathiques (recherche d’une même des anticorps circulants, antiganglions sympathiques, dont
hypotension orthostatique, Handgrip). Au moins un test serait le taux n’est cependant pas en corrélation avec la sévérité de
anormal dans trois quarts des cas. Une dysautonomie cardiaque l’hypotension. Quant à l’hypertension artérielle, elle est plus rare

12 EMC - Neurologie
Système nerveux autonome  17-003-J-10

que dans une population témoin. La PA de base est surtout élevée Sclérose en plaques
en phase off. La réponse pressive au stress et au calcul mental est Les troubles génitosphinctériens sont fréquents au cours de la
souvent altérée, de même que la manœuvre de Valsalva. sclérose en plaques et surtout connus pour la fonction vésicale.
Au cours de la maladie à corps de Lewy, l’hypotension ortho- Des anomalies de la sudation sont également rapportées chez près
statique est importante, souvent inaugurale à l’origine de chutes, de 40 % des patients et seraient en corrélation avec l’impuissance.
de syncopes, de troubles de la conscience. Une hypersialhorrhée Les altérations des fonctions cardiovasculaires et pupillaires sont
et une constipation sont fréquentes. rarement mentionnées. Seule une hypotension orthostatique
serait présente chez 7 % des patients. De rares défaillances car-
Autres affections encéphaliques diorespiratoires sont décrites dans les formes aiguës malignes ou
Dans la maladie d’Alzheimer où existe une atteinte des voies évoluées.
cholinergiques cérébrales, les tests cardiovasculaires révèlent une
hyperactivité sympathique et une diminution de l’activité para- Syringomyélie
sympathique. Les taux d’acétylcholinestérase plasmatique sont La participation du SNA est importante : hyposudation ou
élevés et ceux d’acétylcholine dans les globules rouges sont abais- hypersudation distale avec main succulente, œdème précédant
sés. des troubles trophiques, panaris de Morvan (panaris analgésique).
Au cours des accidents vasculaires ou des tumeurs cérébrales, Un SCBH est également fréquent ainsi qu’une hypotension ortho-
selon le territoire touché sont rapportés des hypotensions ortho- statique.
statiques, des troubles thermiques d’origine hypothalamique, un
syndrome de Claude Bernard-Horner (SCBH), en particulier au Atteintes du nerf périphérique [25, 26]
cours du syndrome de Wallenberg ou de syndromes thalamiques. Maladie de Fabry
Au cours du syndrome d’apnée du sommeil, de multiples ano- La maladie de Fabry est une sphingolipidose de transmission
malies de la fréquence ou de la conduction cardiaque nocturne récessive liée à l’X (Xq21-22) causée par des dépôts multitissulaires
sont décrites. Il existe une grande variabilité du rythme cardiaque de lipides (céramide et exoside) secondaires à l’absence d’une
liée aux épisodes apnéiques qu’il faut différencier de la simple enzyme lysosomale : l’alphagalactosidase A.
arythmie physiologique respiratoire. Lors des apnées, une brady- Le SNA n’a pas été étudié systématiquement. L’atteinte des
cardie vagale, secondaire à la stimulation des chémorécepteurs fibres de petit diamètre est prédominante. Associée aux « crises
carotidiens par l’hypoxie, précède une tachycardie liée à la levée de Fabry », accès hyperalgiques de paresthésies et de sensation
de l’hypertonie vagale et peut-être aussi à une action sympa- de brûlures, l’anhidrose distale et proximale accentuée avec l’âge
thique. Le rôle du système parasympathique semble également est fréquente de même qu’une xérostomie et une xérophtalmie.
important dans la survenue de blocs sino-auriculaires ou auricu- Les épreuves des collyres et les tests d’exploration cardiovasculaire
loventriculaires paroxystiques, parfois responsables d’asystolie et, sont peu modifiés, l’intervalle R–R est très court à l’ECG. Les résul-
à un moindre degré, dans les troubles de la conduction ou dans les tats cependant sont en faveur d’une dysautonomie avec atteinte
troubles du rythme supraventriculaire. L’élévation du tonus sym- sympathique (diminution de la réaction cutanée à l’histamine)
pathique en fin d’apnée et une hypoxie sévère rendent compte et parasympathique (réponse pupillaire anormale à la pilocar-
de troubles du rythme ventriculaire. Des anomalies des tests car- pine dans la moitié des cas, baisse de la sécrétion de salive
diovasculaires prédominent sur la respiration profonde et ne sont (« test au chewing-gum ») et de larmes (épreuves de Schirmer). Les
vraisemblablement pas primitives. Elles disparaissent après tra- anomalies gastro-intestinales (crampes, nausées, diarrhée) sont
chéotomie ou ventilation nocturne. objectivées après transit baryté : diminution du péristaltisme,
Chez les schizophrènes, la latence de constriction pupillaire est perte des haustrations, spasmes focalisés.
raccourcie, et cette latence est d’autant plus courte que le risque de Sur le plan cutané, outre la réponse anormale à l’histamine, on
rechute est plus important. La réponse adrénergique des patients note une diminution de la réponse cutanée au grattage et l’absence
avec attaques de panique est augmentée alors qu’existe un hypo- de réaction de plissement cutané après immersion des mains cinq
fonctionnement cholinergique. minutes dans de l’eau chaude.
Le mécanisme lésionnel est double : dépôts lipidiques dans les
Atteintes de la moelle épinière tissus eux-mêmes (surtout glandulaires) ; atteinte des fibres ner-
veuses de petit diamètre par les mêmes dépôts lipidiques.
Traumatismes médullaires
À l’autopsie, des dépôts lipidiques sont visibles dans les cellules
Les atteintes du SNA sont fréquentes. Lors des sections hautes
sympathiques préganglionnaires du tractus intermediolateralis,
au-dessus de D6, une hypotension artérielle est due à la suppres-
dans les cellules parasympathiques sacrées, ainsi que dans le
sion du contrôle cérébral sur le tractus intermediolateralis. Cette
noyau d’Onuf.
hypotension s’améliore souvent en quelques mois mais entraîne
des difficultés de rééducation pour verticaliser le patient. Il existe Maladie de Charcot-Marie
une diminution d’activité des fibres sympathiques vasomotrices. La participation du SNA est fréquente au cours de la
Les taux de noradrénaline sont bas chez les quadriplégiques et maladie de Charcot-Marie. Elle prédomine sur les extrémités
l’activité sympathique cutanée est diminuée. La réponse pres- inférieures : anhidrose ou hypersudation, modifications vasomo-
sive à l’injection de noradrénaline est augmentée. Au cours de trices, exceptionnellement association d’ostéoarthropathies ou
la manœuvre de Valsalva ou après un stress, des anomalies de la d’algoneurodystrophies. Le plus souvent, il s’agit de modifications
réponse de la PA sont présentes. Une hypertension artérielle est mineures sans gravité. Les anomalies colorimétriques de la suda-
rencontrée dans 60 % des cas de lésions cervicales et dans 20 % des tion sont connues de longue date. Une aréflexie pupillaire est assez
cas de lésions dorsales. Les poussées d’hypertension artérielle sur- fréquente. En revanche les tests cardiovasculaires sont normaux.
viennent lors des activités réflexes musculaires, de la contraction
vésicale ou d’une stimulation au-dessous du niveau lésionnel où Adréno-leuco-myélo-neuropathie
surviennent parfois une hypersudation et une piloérection. Des Les manifestations, plus liées à l’insuffisance adrénocorticale
épisodes de bradycardie pouvant conduire à un arrêt cardiaque qu’à celle du SNA, sont surtout marquées par une hypotension en
par stimulation vagale excessive non contrebalancée par le sympa- position couchée comme en position debout.
thique sont constatés lors d’aspirations trachéales et peuvent être Neuromyotonie auto-immune
prévenus par une oxygénation correcte et des atropiniques. Des La participation du SNA se traduit essentiellement par une
anomalies du contrôle thermique par interruption des voies sudo- hyperhidrose diffuse particulièrement marquée dans la forme de
romotrices sont aussi connues. Les troubles les plus fréquents sont Morvan comportant des manifestations centrales associées.
les anomalies génitosphinctériennes : priapisme dans les jours
suivant le traumatisme, impuissance (par atteinte du parasym- Neuropathies métaboliques
pathique sacré) ou troubles de l’éjaculation (parfois épargnée et Une dysautonomie clinique est fréquente au cours de
survenant comme réflexe spinal), troubles urinaires nécessitant l’insuffisance rénale chronique associant hyposudation, dysfonc-
une vidange par pression abdominale. tion vésicale, gastroparésie, diarrhée nocturne, impuissance ou

EMC - Neurologie 13
17-003-J-10  Système nerveux autonome

sensation vertigineuse survenant à l’orthostatisme. Les explora- lesquelles un facteur psychique est souvent associé. D’autres
tions (tests sympathiques et parasympathiques cardiovasculaires) causes diverses sont : zona, maladie de Parkinson, neuropathie
montrent l’absence de relation entre la survenue d’une neuropa- périphérique et polyradiculonévrites, atteintes du plexus brachial
thie autonome et d’une neuropathie périphérique. Par ailleurs, et du canal carpien, coronarites, médicaments (phénobarbital,
l’atteinte parasympathique est plus précoce que l’atteinte sympa- isoniazide). La thérapeutique utilise des sympathicolytiques (pra-
thique. Les anomalies sont d’autant plus fréquentes que le sujet zosine), la calcitonine, la corticothérapie, des blocs sympathiques
est âgé. parfois surtout avec guanéthidine. Au stade dystrophique, les tri-
cycliques et la rééducation sont indiqués. Peu d’études contrôlées
Neuropathies alcooliques
ont été entreprises.
Les tests de dysautonomie sont perturbés dans 70 % des cas ;
le test le plus sensible pour détecter des anomalies infracliniques Causalgie
cardiaques est l’étude des variations de la fréquence cardiaque lors Elle survient après blessure partielle, souvent par projectile,
de la respiration profonde. Des anomalies des tests sudoromo- d’un tronc nerveux riche en fibres sympathiques surtout médian
teurs sont mises en évidence par réponse sympathique cutanée des et sciatique poplité interne. La douleur, intense, à type de brû-
extrémités dues à des lésions axonales. La dysautonomie pourrait lure, s’accompagne d’allodynie et d’hyperpathie. Les troubles
disparaître après une abstinence prolongée. trophiques sont majeurs : cyanose, œdème, lésions cutanées chro-
niques.
Dysautonomie et infection par le virus Le mécanisme des dystrophies sympathiques réflexes n’est pas
de l’immunodéficience humaine (VIH) prouvé. Il est interprété en fonction des hypothèses concer-
Une dysautonomie s’observe au cours de l’infection par le nant les relations entre douleur et sympathique. Les axones
VIH, surtout au stade de syndrome d’immunodéfience humaine postganglionnaires noradrénergiques créent une stimulation des
acquise (sida) avec hypotension orthostatique sévère parfois res- afférences sensitives par les mécanismes indiqués précédemment
ponsable de syncopes parfois graves, voire fatales. Le traitement (effet chimique direct, transmission éphaptique, modifications
par zidovudine fait parfois disparaître l’hypotension mais est par- du microenvironnement, libération de prostaglandines). Cela
fois à l’origine de la dysautonomie. entraîne une sensibilisation locale des fibres sensitives de petit
Des anomalies des tests parasympathiques cardiovasculaires diamètre, provoquant une modification du contrôle spinal et
sont plus fréquentes chez les patients avec des signes cliniques supraspinal dont la conséquence est une décharge anormale dans
ou électrophysiologiques de neuropathie périphérique. Outre les les voies sympathiques. La régulation des vaisseaux sanguins sous
anomalies cardiovasculaires, les troubles du transit (diarrhée), de l’effet de la noradrénaline se modifie. Ainsi se crée un véritable
la sudation (anhidrose, hyperhidrose), une impuissance ou des cercle vicieux qui peut être, mais inconstamment, interrompu
urgences mictionnelles d’origine multifactorielle sont décrites. Le par diverses méthodes de blocage du sympathique : infiltrations,
neurotropisme du VIH peut expliquer la dysautonomie : le méca- sympathectomie et surtout injection intraveineuse après garrot
nisme direct ou indirect et le rôle des infections opportunistes de guanéthidine (10 à 30 mg). Il est à noter que l’injection est par-
restent à déterminer. fois douloureuse en raison de la libération de noradrénaline. Une
Des anomalies du SNA sont connues au cours de maladies hypotension orthostatique, des céphalées, un ptosis, une faiblesse
diverses : musculaire, des réactions cutanées allergiques, une impuissance
• divers syndromes avec hypotension orthostatique, troubles sexuelle suivent parfois la perfusion.
génitosphinctériens et anomalies des tests sympathiques ;
• connectivites : troubles de la sudation dans la polyarthrite rhu- Érythromélalgie ou érythermalgie
matoïde ou du lupus érythémateux ;
• maladie de Chagas avec mégacôlon, mégaœsophage et hypo- Due à une vasodilatation artériolocapillaire active, la douleur
tension orthostatique ; brûlante s’accompagne d’élévation de la température cutanée
• lèpre, dystrophie myotonique de Steinert. et évolue par accès de quelques minutes, de quelques heures
ou de quelques jours, principalement en période estivale. La
rougeur est inconstante, ce qui fait parfois méconnaître une ori-
Syndromes vasomoteurs gine organique. La douleur est température-dépendante, calmée
par le froid, l’élévation du membre, l’aspirine. Une étiolo-
Mal connus, ils s’expriment par un dérèglement du SNA portant gie est à rechercher systématiquement, en particulier chez
sur la face ou les extrémités. des sujets âgés, avec atteinte unilatérale, asymétrique. Les
causes les plus fréquentes sont les affections myéloprolifératives
Dystrophies sympathiques réflexes (polyglobulie, hyperplaquettose, leucémie myéloïde chronique)
Ce groupe, complexe, comporte plusieurs variétés, se situant précédées parfois pendant plusieurs années par l’érythromélalgie.
entre deux extrêmes. Dans ces cas, les lésions vasculaires faites de gonflement de
l’endothélium et d’épaississement de l’intima s’accompagnent
Algoneurodystrophie de thrombi plaquettaires. Les plaquettes libéreraient un facteur
Elle est fréquente, de mécanisme mal connu relevant selon de croissance à l’origine de l’épaississement de l’intima et de
certains d’une fermeture de la métartériole et d’un spasme l’occlusion vasculaire. D’autres causes sont l’insuffisance vei-
veineux [27] . Elle évolue en plusieurs phases. La première, neuse, les connectivites, certains médicaments (bromocriptine,
pseudo-inflammatoire, comporte des douleurs avec hyperesthésie nifédipine). Les formes primaires, parfois familiales, surviennent
cutanée, gonflement, œdème, rougeur de la peau, augmentation chez des jeunes, sont bilatérales et symétriques, épargnent
de la vascularisation. La localisation est variable, aux extrémi- souvent les orteils, sont très douloureuses et peu sensibles à
tés, parfois bipolaire (syndrome épaule-main), parfois en miroir, l’aspirine. L’origine serait un dysfonctionnement des terminai-
parfois polytopique. Dans un second stade, dystrophique, la sons nerveuses autonomes dont la densité en acétylcholine et en
douleur est permanente. La peau est froide et indurée, la vas- catécholamines est diminuée.
cularisation est réduite. Une ostéoporose mouchetée est visible
ainsi qu’une hyperfixation focale par scintigraphie au technétium. Acrodynie
Enfin, dans un stade atrophique, la douleur s’étend aux régions
Elle est liée à une inhibition de la libération de catécholamine
proximales. Les troubles trophiques sont irréversibles : atrophie
sous l’effet du mercure, naguère utilisé chez des enfants, et est
cutanée, fibrose avec fascia épaissi, contractures, ostéoporose.
devenue exceptionnelle.
Dans beaucoup de cas, aucun facteur étiologique n’est décelé.
Seules les formes post-traumatiques sont fréquentes, jadis dénom-
mées ostéoporose post-traumatique dite « de Südeck-Leriche »,
Livedo reticularis (ou racemosa, ou annularis)
névrite ascendante, syndrome extensoprogressif. Le syndrome Il est dû à un spasme des artérioles perpendiculaires du derme
physiopathique de Babinski-Froment correspond à des formes provoquant une hypoxie des plexus veineux cutanés, à l’origine
avec troubles trophiques majeurs de l’extrémité supérieure dans d’un réseau cyanotique entourant une zone de peau normale. Les

14 EMC - Neurologie
Système nerveux autonome  17-003-J-10

formes idiopathiques surviennent surtout l’hiver, chez la femme, périphériques (avec atteinte des petites fibres, d’origine arseni-
entre 20 et 60 ans. D’autres formes s’intègrent dans un syndrome. cale, polyneuropathie-organomégalie-endocrinopathie-immuno-
Le syndrome de Sneddon, parfois de transmission autosomique globuline monoclonale et lésions cutanées [POEMS syndrome]). Un
dominante, comporte des occlusions vasculaires cérébrales tran- cas particulier est l’hyperhidrose d’origine gustative, principale-
sitoires. Il s’associe parfois à un lupus érythémateux disséminé ment le syndrome du nerf auriculotemporal de Frey. Après un
et à des anticorps antiphospholipides. Le livedo est également traumatisme ou une intervention parotidienne, les fibres para-
un signe d’embolies multiples de cholestérol. On décrit enfin sympathiques destinées à la parotide migrent, par une erreur de
une vasculite livédoïde idiopathique avec ulcération des membres trajet, dans la voie des fibres sympathiques postganglionnaires
inférieurs, dépôts d’immunoglobulines et de complément dans les innervant les glandes sudorales préauriculaires. Une sensation
vaisseaux. gustative déclenche une sudation prétragienne. Une hypersu-
dation gustative survient également sur la face et le membre
Céphalées vasculaires
supérieur après sympathectomie, surtout bilatérale, ou au cours
La participation du SNA au cours de la crise de migraine est du syndrome de Pancoast-Tobias, de certains cas de diabète ou de
soupçonnée sur : zona.
• des arguments cliniques : la pâleur de la face, l’instabilité car-
diovasculaire ; Hyperhidroses diffuses
• des arguments biologiques : les anomalies pharmacologiques de
la réactivité pupillaire, l’augmentation de la noradrénaline et de Elles sont parfois épisodiques (hyperhidrose de l’épilepsie
la dopamine bêta-hydroxylase pendant la crise ; diencéphalique de Penfield, hyperhidrose épisodique avec hypo-
• des arguments thérapeutiques : l’effet des bêtabloquants. thermie de l’agénésie calleuse). Elles sont parfois secondaires à une
L’hypothèse d’un déséquilibre fonctionnel du locus cœruleus maladie générale, hyperthyroïdie, tuberculose, et sont attribuées à
a été soutenue. une dysrégulation hypothalamique. Des causes médicamenteuses
Au cours des algies vasculaires de la face, l’accès s’accompagne (tricycliques, naproxène) sont connues.
de signes d’hyperactivité sympathique : larmoiement, rhinorrhée,
rougeur de l’hémiface, hyperhidrose. Entre les accès, la suda- Anhidroses
tion frontale est parfois réduite. Un SCBH est parfois présent par Elles surviennent surtout au cours de neuropathies auto-
atteinte des fibres postganglionnaires dans le plexus péricaroti- nomes héréditaires précédemment signalées. Low décrit une
dien. Il est également possible qu’interviennent une hyperactivité anhidrose idiopathique chronique par lésions autonomes pré- et
parasympathique dans le grand nerf pétreux superficiel ou une postganglionnaires. Dans les lésions du système nerveux central,
libération de substances vasoactives dans les terminaisons ner- l’anhidrose s’observe au cours des atrophies multisystémiques,
veuses trigéminales. de la maladie de Parkinson (avec hyperhidrose compensatrice du
visage), de scléroses en plaques évoluées, de certaines tétraplégies.
Rougissement (blushing) Après thalamotomie, une hémianhidrose s’associe à un SCBH.
C’est un érythème transitoire de la face et parfois des
membres supérieurs dû à une vasodilatation cutanée. Si l’on Atteintes focales du système nerveux
excepte les origines émotionnelles adrénergiques ou névrotiques
(éreuthophobie) ou liées à des facteurs vasoactifs (tumeurs du sys- autonome
tème amine precursor uptake decarboxylation [APUD], carcinoïdes, Ajoutées au syndrome auriculotemporal de Frey sont à citer les
phéochromocytomes), certains cas ressortissent à une cause neu- pathologies suivantes.
rologique. Le syndrome d’Arlequin est fait d’épisodes de rougeur
hémifaciale à début brusque. Lorsqu’il est dû à une atteinte Syndrome de Claude-Bernard-Horner
du premier neurone (tractus intermediolateralis de C7 à T6), il
s’accompagne d’un SCBH et d’une perte de sudation. Lorsqu’il est La lésion de la voie sympathique oculopupillaire qui caractérise
dû à une atteinte du deuxième neurone préganglionnaire faisant le SCBH explique la triade sémiologique : myosis par paralysie de
synapse dans le ganglion cervical supérieur, il s’accompagnerait dilatateurs de la pupille (majoré par l’action tonique du parasym-
d’une rougeur lors des sensations gustatives et d’une sudation pathique) ; énophtalmie par vasoconstriction et aussi paralysie de
sans doute due à un bourgeonnement des fibres préganglionnaires la lame musculaire lisse de l’orbite ; rétrécissement de la fente
secondaires à une occlusion de l’artère radiculaire antérieure palpébrale par paralysie du muscle lisse de Müller, majoré par
en T3, ou à un neurinome de T3. Dans les lésions du troisième l’énophtalmie. Le myosis sympathique n’est pas corrigé par la
neurone, postganglionnaire cheminant avec la carotide, existent cocaïne alors que la noradrénaline entraîne une dilatation pupil-
un SCBH et une anhidrose de l’hémiface. Certaines névral- laire. Dans les formes précoces, l’iris est dépigmenté.
gies trigéminales s’accompagnent de rougeur unilatérale de la L’origine d’un SCBH se trouve dans les divers trajets de la voie
face. oculopupillaire :
La mastocytose entraîne des accès de rougissement à l’effort • centre supérieur diencéphalique de Karplus et Kreidl expliquant
ou à l’émotion avec vertiges, palpitations, dyspnée, diarrhée. La l’origine thalamique de certains SCBH ;
méthylhistamine est élevée dans les urines. Aspirine et antago- • centres bulboprotubérantiels lésés en cas de syndrome de Wal-
nistes H1 et H2 doivent être prescrits. lenberg ou de syringobulbie ;
• centre ciliospinal de Budge situé dans les deux premiers seg-
ments médullaires dorsaux, atteint en cas de traumatisme
Dyshidroses spinal, de syringomyélie.
Les fibres préganglionnaires passent par les rameaux
La régulation des glandes eccrines dépend de fibres sym-
communicants blancs et se terminent dans le ganglion cer-
pathiques postganglionnaires sous le contrôle d’un noyau
vical supérieur, après avoir traversé le ganglion stellaire et la
préoptique de l’hypothalamus.
chaîne sympathique cervicale. Lors de son atteinte, des troubles
vasomoteurs de l’hémiface avec érythème et sudation réalisent,
Hyperhidroses focales s’ils sont intermittents, un syndrome d’Arlequin. Les atteintes
Elles sont parfois essentielles, le plus souvent palmoplantaires préganglionnaires portent sur les rameaux communicants et le
ou axillaires liées à une hyperactivité sympathique d’origine plexus brachial (séquelles de traumatisme obstétrical, paralysies
émotionnelle. Parfois l’hyperhidrose est circonscrite, parfois elle radiculaires inférieures C7-D1 de type Dejerine-Klumpke), ou
apparaît paradoxalement au froid. Les causes neurologiques sur le tronc sympathique (syndrome de Pancoast-Tobias par
sont diverses : cérébrales (hyperhidrose hétérolatérale d’accidents cancer de l’apex pulmonaire avec paralysie sympathique du
vasculaires cortico-sous-corticaux pour lesquels l’opercule rolan- membre supérieur, syndrome phrénicopupillaire de Sergent avec
dique jouerait un rôle) ; médullaires (paraplégies trauma- paralysie diaphragmatique des anévrismes aortiques, tumeurs
tiques au-dessus de T6, parfois syringomyélie) ; neuropathies thyroïdiennes, adénopathies cervicales, traumatismes).

EMC - Neurologie 15
17-003-J-10  Système nerveux autonome

Les fibres postganglionnaires issues du ganglion cervical supé- rapides, en particulier le matin, l’alitement prolongé, la cha-
rieur s’accolent à l’artère carotide interne, ce qui explique le SCBH leur, l’ingestion d’alcool ou de repas riches en glucides. En
des thromboses carotidiennes ou des anévrismes. Elles pénètrent revanche, certaines mesures simples peuvent limiter les risques
la loge caverneuse au contact du trijumeau, rendant compte du d’hypotension : augmenter la prise d’eau journalière avec un
syndrome (paratrigéminal) de Raeder d’origine parfois anévris- régime salé ; dormir dans un lit surélevant la tête (10 cm),
male mais aussi infectieuse. Enfin, elles empruntent la branche ce qui stimule le système rénine–aldostérone et diminue les
ophtalmique du nerf trijumeau puis le nerf nasal pour former les pertes hydriques et de sel ; les manœuvres d’accroupissement,
nerfs ciliaires longs. Les algies vasculaires de la face avec SCBH la position assise tronc fléchi, la compression abdominale dimi-
sont sans doute en relation avec une vasodilatation de cette zone. nuent l’hypotension orthostatique. La contention des membres
Enfin, un certain nombre de SCBH sont idiopathiques, par- inférieurs, les ceintures abdominales, les vêtements antigravité
fois familiaux et alors de transmission autosomique dominante, diminuent la stase veineuse et limitent l’hypotension orthosta-
parfois congénitaux avec dyschromie de l’iris car la voie noradr- tique.
énergique est indispensable à la synthèse de la mélanine. Dans les hypotensions orthostatiques modérées ou sévères les
médicaments sont souvent nécessaires en association avec ces
mesures non pharmacologiques. La fludrocortisone à la dose de
50 ou 100 ␮g le soir peut être utilisée en première intention.
“ Point fort En seconde ligne, les sympathomimétiques comme la phény-
léphrine peuvent être prescrits. La midodrine est utilisée dans
l’hypotension orthostatique sévère des maladies neurologiques
Syndrome de Claude-Bernard-Horner dégénératives à une posologie de 2,5 à 10 mg trois fois par jour
Lésion de la voie sympathique oculopupillaire avec une dose plus élevée le matin et en évitant la prise après
Triade : myosis enophtalmie, rétrécissement de la fente 18 heures pour éviter l’hypertension artérielle nocturne. La dihy-
palpébrale droergotamine agit surtout par vasoconstriction sur le réseau
Variété topographique veineux, son action est limitée et de fortes doses sont souvent
Central : origine thalamique nécessaires.
Bulboprotubérantiel : syndrome de Wallenberg, syringo- Les médicaments utilisés dans le traitement de l’hypotension
bulbie orthostatique et leurs effets sont analysés dans le Tableau 3.
Si ces traitements associant fludrocortisone et sympathicomi-
Médullaire (centre ciliospinal)
métiques sont inefficaces, la desmopressine peut être utile. Cette
Préganglionnaire (ganglion stellaire, plexus brachial), syn- hormone antidiurétique a un effet vasopresseur minime, elle est
drome de Pancoast-Tobias utilisée en spray nasal ou en comprimés le soir pour diminuer
Postganglionnaire (thrombose carotidienne, anévrisme) la diurèse. Elle peut être active chez les patients avec atrophie
multisystémique dont la dysurie est particulièrement gênante la
nuit. D’autres médicaments permettent de réduire l’hypotension
Syndrome d’Adie orthostatique en diminuant la vasodilatation (indométacine, pro-
Une dégénérescence des fibres parasympathiques postganglion- panolol), en augmentant la masse globulaire (érythropoïétine) en
naires dans le ganglion ciliaire est à l’origine de l’absence de prévenant l’hypotension postprandiale (caféine, octréotide) [28] .
contraction pupillaire ou pupillotonie. La maladie est bénigne, de Dans les pandysautonomies aiguës pures, les médicaments
découverte fortuite, parfois d’installation brutale entraînant une augmentant la neurotransmission cholinergiques, comme la pyri-
vision trouble. dostigmine et les autres inhibiteurs de l’acétylcholinestérase
La pupille tonique est fixe, dilatée, ovale, totalement aréflexique peuvent avoir un effet bénéfique en améliorant l’hypotension
à la lumière (au maximum réagissant à un éclairement violent), orthostatique sans augmenter la tension artérielle en position cou-
se contractant très lentement à la convergence (light-near dis- chée. Ces traitements apparaissent intéressants également dans les
sociation). Parfois surviennent quelques variations spontanées. syndromes de tachycardie orthostatique posturale [32] .
L’anomalie est unilatérale dans trois quarts des cas, d’autres fois
bilatérale. Une constriction à la lumière survient parfois après cinq Hypertension
à dix minutes. La pilocarpine entraîne une contraction intense
L’hypertension causée par une augmentation de l’activité sym-
due à une hypersensibilité de dénervation.
pathique peut être traitée par la clonidine, la réserpine ou le
Une aréflexie tendineuse est présente sept fois sur dix, géné-
propranolol.
ralisée ou asymétrique, avec altération du réflexe H. L’association
d’aréflexie pupillaire et tendineuse faisait jadis qualifier le syn-
drome de « pseudotabès ».
Troubles gastro-intestinaux
Survenant le plus souvent chez une femme jeune, l’étiologie est Dans les gastroparésies, le métoclopramide, la dompéridone ou
inconnue. On invoque un processus viral ou dysimmun et, dans l’érythromycine sont utilisés.
quelques cas, une étiologie zostérienne ou traumatique. Les cas Les troubles de la motilité intestinale d’origine dysimmune
familiaux sont exceptionnels. peuvent être traités par la pyridostigmine [29, 30] .
Les lésions portent essentiellement sur le ganglion ciliaire. La La diarrhée d’une dysautonomie peut être traitée par antidiar-
dégénérescence s’étend aux ganglions et aux cordons postérieurs. rhéiques opiacés. Ils doivent être utilisés avec précaution, car
la diarrhée peut en effet être causée par une pullulation bacté-
rienne. Un traitement par antibiotique à spectre large doit alors
 Traitement être envisagé avant de poursuivre ces traitements ralentisseurs du
transit. Dans les neuropathies autonomes diabétique ou amyloïde,
Le traitement symptomatique est ici de première importance du l’octréoïde, analogue de la somatostatine, est parfois efficace.
fait du retentissement fonctionnel des troubles dysautonomiques,
le traitement de la cause elle-même étant souvent limité ou sans Troubles urinaires
retentissement sur ces symptômes dysautonomiques.
Les traitements agissant sur la contractilité du détrusor (anti-
cholinergique) ou les traitements alphabloquants peuvent être
Traitement de l’hypotension orthostatique utiles.

La prise en charge non pharmacologique ne doit pas être Troubles érectiles


négligée chez les patients porteurs d’hypotension orthostatique.
L’attention de ceux-ci doit être attirée sur les facteurs qui Le sildéfanil peut être indiqué avec cependant un risque
font baisser la pression artérielle : les changements posturaux d’hypotension artérielle en cas d’hypotension orthostatique.

16 EMC - Neurologie
Système nerveux autonome  17-003-J-10

Tableau 3.
Médicaments utilisés dans le traitement de l’hypotension orthostatique et leurs effets (d’après [8] ).
Site d’action Médicaments Action prédominante
Volume plasmatique : expansion Fludrocortisone Effet minéralocorticoïde, augmente le volume plasmatique
Sensibilisation des a-adrénorécepteurs
Rénal : diminution de la diurèse Desmopressine Sur le tubule rénal
Vaisseaux : vasoconstriction (récepteurs Éphédrine Action indirecte sympathomimétique
adrénergiques)
Résistance des vaisseaux Midodrine ; phényléphrine ; méthylphénidate Action directe sympathomimétique
Tyramine Libération de noradrénaline
Clonidine Agoniste des récepteurs a2 adrénergiques postsynaptiques
Yohimbine Antagoniste des récepteurs a2 adrénergiques présynaptiques
DL-DOPS et L-DOPS Prodrogue de la noradrénaline
Capacitance des vaisseaux Dihydroergotamine Action directe sur les récepteurs a adrénergiques
Vaisseaux : vasoconstriction (récepteurs Glypressine Analogue de la vasopressine
non adrénergiques)
Vaisseaux : prévention de la Propanolol Bêta 2-bloquant
vasodilatation
Indométacine Inhibition de la synthèse des prostaglandines
Métoclopramide Blocage des récepteurs dopaminergiques
Vaisseaux : prévention de l’hypotension Caféine
postprandiale
Octréotide Inhibition de la libération de peptides vasodilatateurs
pancréatiques/intestinaux
Cœur : stimulation Pindolol, xamotérol Action sympathomimétique intrinsèque
Masse globulaire : augmentation Érythropoïétine Stimulation de l’érythropoïèse

DL-DOPS : dihydroxyphénylsérine ; L-DOPS : L-thréo-3,4-dihydroxyphénylsérine

Hyperhidrose [8] Mathias CJ, Bannister R. Autonomic failure: a textbook of clinical


disorders of the autonomic nervous system. Oxford: Oxford University
La prise en charge dépend de la zone anatomique concer- Press; 2002.
née, de la gêne fonctionnelle et émotionnelle secondaire. [9] Mathias CJ. Autonomic diseases: clinical features and laboratory eva-
Dans les hyperhidroses palmoplantaires, les antiperspirants luation. J Neurol Neurosurg Psychiatry 2003;74(Suppl. III):31–41.
locaux à base de glutaraldéhyde sont utilisés. Des petites doses [10] McIntosh SJ, Lawson J, Kenny RA. Clinical characteristics of vaso-
d’anticholinergiques par voie orale ou la clonidine (25–50 ␮g trois depressor, cardioinhibitory and mixed carotid sinus syndrome in the
fois par jour) peuvent être bénéfiques si la composante émotion- elderly. Am J Med 1993;95:203–8.
nelle est importante. Des injections de toxine botulique sont [11] Kimber JR, Watson L, Mathias CJ. Distinction of idiopathic
parfois prescrites dans les hyperhidroses axillaires, palmaires ou Parkinson’s disease from multiple system atrophy by stimula-
de la face. tion of growth hormone release with clonidine. Lancet 1997;349:
Dans les hyperhidroses sévères ou diffuses, il est possible de 1877–81.
faire une sympathectomie endoscopique transthoracique avec [12] Courbon F, Brefel-Courbon C, Thalamas C, Alibelli MJ, Berry I, Mon-
exérèse des ganglions sympathiques prévertébraux de D2 à D4 (ou tastruc JL, et al. Cardiac MIBG scintigraphy is a sensitive tool for
de D1–D2 dans les hyperhidroses faciales). detecting cardiac sympathetic denervation in Parkinson’s disease. Mov
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EMC - Neurologie 17
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nome. Acquisitions récentes. Paris: Expansion scientifique française; Autonomic ganglia: target and novel therapeutic tool. Neurology
1991, 235p. 2008;70:1926–32.

J. Serratrice.
A. Verschueren.
G. Serratrice (georgesserratrice@mail.ap-hm.fr).
Service de neurologie et des maladies neuromusculaires (Pr Pouget), CHU Timone, rue Saint-Pierre, 13005 Marseille, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Serratrice J, Verschueren A, Serratrice G. Système nerveux autonome. EMC - Neurologie 2013;10(1):1-18
[Article 17-003-J-10].

Disponibles sur www.em-consulte.com


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décisionnels supplémentaires Animations légaux au patient supplémentaires évaluations clinique

18 EMC - Neurologie
 17-003-M-10

Olfaction et gustation
J. Serratrice, G. Serratrice

Olfaction et gustation partagent un certain nombre de caractères communs avec, cependant, des dif-
férences. Sens chimiques, ils agissent en synergie. Ils ont en commun l’analyse de molécules stimulant
des récepteurs, un processus de transduction sensorielle. Une dépolarisation membranaire se transmet
aux voies nerveuses puis au cortex. Les deux systèmes possèdent des capacités intégratives étendues
et des fonctions multiples dans la reproduction, l’émotion, le comportement social, la préservation de
l’espèce. L’organisation du système olfactif, système de détection à distance, comprend des récepteurs
(neurones olfactifs en perpétuel renouvellement grâce à des cellules souches), le bulbe olfactif siège de
microcircuits régulateurs (avec un glomérule dans lequel s’articulent les dendrites des cellules mitrales), le
tractus olfactif (pédoncules et bandelettes olfactives) et les projections centrales avec des aires primaires
(surtout le cortex prépiriforme). Divers processus physiopathologiques dérèglent ce système. Le nombre
de pseudogènes olfactifs est beaucoup plus important chez I’homme que chez I’animal. L’organisation du
système gustatif, système de détection au contact, comporte des récepteurs (bourgeons gustatifs situés
dans les papilles gustatives). Un processus de transduction transforme le message chimique en potentiels
d’action nerveuse avec divers processus selon la composante (salé, sucré, acide, amer). La transmission
nerveuse se fait par des fibres myéliniques suivant les nerfs facial, glossopharyngien et pneumogastrique
et aboutissant au noyau gustatif. Après un relais thalamique, la terminaison se fait dans le cortex oper-
culaire et dans le cortex orbitofrontal. Les troubles du goût sont causés par un dérèglement des diverses
composantes de ce système. C’est au cerveau que revient la tâche de transformer ces sensations en
représentation mentale et de leur adjoindre une dimension affective.
© 2013 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots-clés : Olfaction ; Gustation ; Récepteurs ; Bulbe olfactif ; Tractus olfactif ; Noyau gustatif

Plan  Introduction
■ Introduction 1 L’olfaction et la gustation, sens négligés [1] , sont cependant au
■ Olfaction 2 premier plan dans la vie personnelle et sociale de l’être humain.
Récepteurs 2 Sens primaires de l’homme et de l’animal, parmi les plus anciens
Bulbe olfactif 3 du point de vue de l’évolution, ils identifient l’environnement,
Glomérule 4 les aliments, les prédateurs, les dangers chimiques.
Cellules périglomérulaires inhibitrices 4 Une étude parallèle de ces deux systèmes sensoriels est justi-
Cellules mitrales 4 fiée car ils sont complémentaires et partagent un certain nombre
Tractus olfactif 4 de caractères communs, avec toutefois des différences fonction-
Projections centrales 5 nelles importantes. Ils agissent, en synergie, dans l’appréciation
Physiopathologie 5 des substances odorifères et gustatives et dans la perception de

l’arôme et de la saveur des substances ingérées, ce contrôle de
Gustation 7
l’alimentation aboutissant à l’acceptation ou au refus du produit.
Récepteurs 7
Cette synergie est évidente, et il est banal de remarquer qu’une
Transduction 7
perte de l’odorat s’accompagne d’une perte du goût, encore que les
Transmission nerveuse 8
composantes élémentaires de ce dernier (sucré, salé, acide, amer)
Noyau gustatif 9
soient conservées. Mais la saveur des substances ingérées disparaît.
Relais thalamique 9
Olfaction et gustation ont donc des caractères généraux
Physiopathologie 10
communs [2] .

EMC - Neurologie 1
Volume 10 > n◦ 1 > janvier 2013
http://dx.doi.org/10.1016/S0246-0378(12)60762-3
17-003-M-10  Olfaction et gustation

Sens chimiques, ils ont pour rôle d’analyser des molécules sti- le cortex limbique. L’organisation du système olfactif obéit à
mulant des récepteurs spécialisés, olfactifs dans la cavité nasale, un mécanisme élaboré, d’activation, de transduction, de codage,
gustatifs dans la cavité buccopharyngée avec une composante transmettant le stimulus représenté par la molécule olfactive des
mixte puisque, lors de la déglutition, des molécules d’origine aires spécialisées du cortex cérébral dont le fonctionnement est
alimentaire stimulent les cavités nasales, exprimant une saveur encore mal déterminé [5] .
particulière aux divers aliments. Un processus de transduction L’olfaction est une sensibilité moléculaire due au contact des
sensorielle, dont la finalité est la transformation du message chi- molécules odorantes dissoutes dans le mucus avec la muqueuse
mique en activité électrique, est commun aux deux sens avec des sensorielle. Cent mille à 400 000 substances sont génératrices
variations. Les molécules de l’odorat et du goût se fixent sur des d’odeurs. L’homme distingue entre 100 et 4000 odeurs classées
récepteurs appartenant, surtout pour l’olfaction, à la famille de en six groupes : odeurs de fleurs, de fruits, d’épices, de résines,
récepteurs transmembranaires à sept domaines. de brûlé, de putride. Les arômes volatils sont transportés dans
Ces récepteurs sont codés par 3 % de nos gènes déclenchant la région dorsale postérieure de la cavité nasale. Les molécules
un signal électrique. Ces récepteurs olfactifs et certains récepteurs odorantes diffusent dans le mucus ou sont prises en charge par
gustatifs sont couplés à une protéine G (respectivement nommée des protéines de transport (odorant binding protein [OBP]). Ces
golf et gust) activant une adénylate cyclase qui forme de l’acide molécules, prodigieusement variables et composées, sont le fait
adénosine monophosphorique (AMP) cyclique (AMPc) se fixant d’arrangements chimiques multiples, venus de l’environnement,
sur les canaux membranaires, cationiques pour l’olfaction, potas- à distance, avec une connotation hédonique, plaisante ou déplai-
siques pour la gustation. Une régulation se fait grâce au Ca2+ pour sante. Pour être actives, elles doivent être volatiles, solubles. Leur
l’olfaction. Elle est inconnue pour la gustation. origine est végétale (innombrables) ou animales ou encore sou-
Puis une dépolarisation membranaire se produit. Elle est trans- vent synthétiques (utilisées en parfumerie par distillation) [6] .
mise aux filets nerveux innervant les récepteurs. Les récepteurs L’odeur est le résultat d’une composante de substances sus-
eux-mêmes sont l’objet d’un renouvellement permanent à partir ceptibles d’activer de nombreux récepteurs, chaque composant
de cellules basales, neuronales pour l’olfaction, non neuronales activant un récepteur et un seul. Les informations seront trans-
pour la gustation. La durée de vie des neurones olfactifs se limite mises par voie nerveuse au bulbe olfactif et au néocortex, lieu de
à quelques mois. La richesse perceptive est considérable. Mal- perception [7] .
gré le nombre restreint d’odeurs et de saveurs fondamentales,
l’être humain est en mesure de distinguer plusieurs milliers de
molécules stimulantes odorifères ou gustatives avec des capacités
discriminatives très étendues. “ Point fort
“ Point fort Caractères propres à l’olfaction
Sensibilité au contact des molécules odorantes (plusieurs
centaines de mille) dissoutes dans le mucus.
Synergies olfaction–gustation Organisation élaborée à partir des récepteurs olfactifs
• Messages chimiques transformés en activité électrique (neurones olfactifs, cellules basales, cellules de soutien)
• Analyse de molécules stimulant les récepteurs donnant naissance à des axones, regroupés dans le nerf
• Transduction sensorielle : dépolarisation membranaire puis dans le bulbe olfactif, enfin dans le glomérule où ils
transmise au cortex convergent dans les cellules mitrales volumineuses (conte-
• Perception et intégration de l’arôme et de la saveur nant des neurotransmetteurs).
• Discrimination de plusieurs milliers de substances gus- Les axones des cellules mitrales traversent pédoncules et
tatives ou odorifères stries olfactives pour gagner le cortex cérébral (aire pri-
maire prépiriforme puis aire secondaire).

L’aspect cognitif de l’olfaction et de la gustation est également


à considérer [3] . Les signaux émis par les récepteurs sont trans-
mis aux cellules centrales qui intègrent des sensations complexes, Récepteurs
les unes qualitatives (identification de l’odeur et de la saveur), L’épithélium olfactif, codé par des gènes, est situé dans une
d’autres quantitatives (intensité de la sensation), d’autres affec- zone limitée et peu accessible de la partie supérieure du cornet
tives et instinctuelles (caractère agréable, neutre ou désagréable supérieur de la cavité nasale, contre le septum nasal. Cette zone
de la sensation). Des processus d’amplification et de codage pré- mesure 2,5 cm, et contient 50 millions de récepteurs primaires
cèdent la discrimination [4] . Chaque stimulus a une représentation chez l’homme ; elle est 10 à 40 fois plus étendue chez le chien. II
spatiale différente, dans le bulbe olfactif ou dans le noyau gustatif. est possible d’enregistrer par électrode un potentiel négatif lent,
Le système nerveux traite les informations olfactives ou gustatives électro-olfactogramme, après stimulation par des molécules odori-
issues de l’environnement, en corrélation avec des informations fères, parfois dites « odotopes ». L’odorant doit posséder certaines
internes liées à la faim, la soif, la satiété, la sexualité et aussi propriétés moléculaires, solubilité, pression de vapeur, capacité
la mémoire associative. Les deux systèmes, olfactif et gustatif, d’être dissous, poids moléculaire inférieur à 294. Cela permet de
possèdent ainsi des capacités intégratives étendues tenant notam- distinguer une faible concentration de très nombreux compo-
ment à leur organisation en systèmes parallèles distribués. Ils sants.
doivent répondre à la satisfaction de besoins essentiels à la vie, L’épithélium olfactif est également accessible par voie rétrona-
en particulier nutritifs, la composante hédonique portant sur les sale à l’occasion de la déglutition, à l’origine de l’arôme plutôt que
odeurs, les parfums, les substances ingérées jouant un rôle de de la saveur. Trois types de cellules constituent cet épithélium.
contrôle instinctif.
Neurones olfactifs ou cellules olfactives
 Olfaction de Schultze
Ce sont des cellules sensorielles à fonction de neurorécepteur
C’est la fonction par laquelle les odeurs sont perçues, autrement avec de nombreux types de chémorécepteurs [8] assurant récep-
dit conditionnant l’exercice actif du sens de l’odorat. tion, transduction et transmission.
Cette fonction est essentiellement dévolue au rhinencéphale Ces cellules olfactives, neurones dont le rô1e est primordial,
proprement dit, c’est-à-dire à un système appartenant au rhinen- sont en grand nombre, environ six millions chez l’homme. En
céphale au même titre que l’hippocampe, l’amygdale, le septum, forme de neurone bipolaire, elles comportent trois parties :

2 EMC - Neurologie
Olfaction et gustation  17-003-M-10

• un corps cellulaire arrondi occupé par un noyau ; les canaux ioniques en ouverture). D’autres facteurs de régula-
• un pôle distal fait d’une dendrite dirigée vers la cavité nasale. tion proviennent, les uns d’enzymes de la muqueuse altérant la
Cette dendrite est renflée à son extrémité formant un cône fixation des molécules odorantes aux récepteurs, d’autres d’une
olfactif comportant des corpuscules donnant chacun naissance protéine (OBP) solubilisée dans le mucus nasal qui se fixe aux
à un cil. De chaque dendrite naissent dix à 30 cils, baignant molécules odorantes [15] . Il s’agit de protéines odorantes (OBP) se
dans le mucus de la muqueuse olfactive et animés de mouve- liant aux odorants dans la couche muqueuse ou agissant comme
ments désordonnés. Chaque cil comprend un appareil ciliaire une sorte de filtre. Les lipocaïnes sont des transporteurs de molé-
fait d’une paire de tubules centraux et de neuf paires de tubules cules hydrophobes notamment dans les structures nasales. Des
périphériques ; anticorps se lient aux molécules odorantes [16] . Enfin la stimula-
• un pôle central fait d’un axone amyélinique, de petit dia- tion prolongée des récepteurs aboutit à leur désensibilisation sous
mètre, qui traverse la membrane basale. Cet axone se réunit l’effet de diverses kinases.
aux axones des autres neurones olfactifs au passage de la lame Les gènes des récepteurs [17] correspondent à une famille
criblée de l’ethmoïde, formant des faisceaux qui se myélinisent multigénique codant pour les protéines transmembranaires de
en s’entourant d’une gaine de Schwann en gagnant le bulbe l’épithélium olfactif. On admet 350 gènes pour les récepteurs odo-
olfactif. rants humains contre 560 pseudogènes. Le chromosome 11 serait
Le système olfactif régit beaucoup de fonctions intégra- le plus riche en gènes codant pour les récepteurs olfactifs [18] . Les
tives : émotion, reproduction, comportements sociaux. À coté récepteurs couplés aux protéines G existent depuis l’ère précam-
de l’organe voméronasal spécialisé dans les phéromones, brienne, il y 800 millions d’années [19] .
l’épithélium olfactif reconnaît plus de 1000 substances volatiles
odorantes et est richement connecté au bulbe olfactif. Chez Cellules souches ou cellules basales
l’homme, 50 % des 500 gènes des récepteurs odorants sont des
Ce sont de petites cellules, situées à la base des neurones olfactifs
pseudogènes, au contraire du rat, qui ne comporte que 20 % de
récepteurs, dont la fonction, unique pour les cellules nerveuses,
pseudogènes pour 1000 gènes.
est d’assurer une régénération permanente des récepteurs dont la
L’épithélium nasal est capable de détecter un nombre consi-
vie moyenne est limitée à environ 50 jours.
dérable de molécules odorantes. La transduction débute dans les
Ce turnover qui persiste pendant la vie est ainsi fourni par
isocils du neuroépithélium. Les neurones se projettent sur un petit
des cellules sensorielles immatures se transformant en neu-
nombre de glomérules olfactifs. Puis la projection se fera sur le
rones olfactifs fonctionnels. Cette caractéristique exceptionnelle
cortex piriforme.
explique notamment une importante capacité de régénération
L’épithélium olfactif comporte donc des neurones bipolaires
après lésions de la muqueuse, aboutissant à une récupération par-
sensoriels à vie courte (30 à 60 jours). Les dendrites du pôle apical
faite de la fonction.
contiennent de nombreux cils avec des récepteurs des molécules
odorantes contenues dans le mucus. Les récepteurs se mêlent à
de nombreux composés volatils. II y a entre 1000 et 1300 gènes Cellules de soutien
de récepteurs chez le rat, ce qui représente la plus grande famille Situées entre les neurones olfactifs, elles ont d’abord un rôle
de gènes destinés à la reconnaissance d’une dizaine de milliers sécrétoire, sécrétant le mucus recouvrant la muqueuse olfactive
d’odeurs, la découverte de 1000 gènes différents codant pour le traversée par les molécules odorantes. Elles contiennent des mito-
même nombre de récepteurs, chacun des récepteurs exprimant chondries, un appareil de Golgi, des vésicules cytoplasmiques,
uniquement un gène déclenchant un signal électrique vers le cer- assurant la phagocytose lors de la régénération des neurones. Un
veau [9] . Chaque récepteur comporte une chaîne d’aminoacides second rôle est fonctionnel, permettant par contact des trans-
qui crée une poche où s’attache la substance odorante. Beaucoup ferts de signaux d’un récepteur à l’autre, en plus d’un échange
d’odeurs comportent plusieurs molécules odorantes qui activent de molécules.
plusieurs récepteurs formant une sorte de mosaïque. Dans le bulbe Ainsi apparaît l’organisation fonctionnelle propre à
olfactif, il y a deux fois plus de glomérules que de types de récep- l’épithélium olfactif, système original par lequel des molé-
teurs. Chaque type de récepteur (olfactory receptor [OR]) converge cules odorifères se fixent sur les récepteurs métabotropiques
sur le même glomérule et chaque glomérule contacte une cel- des cils des neurones olfactifs en renouvellement permanent,
lule mitrale. La structure des neurorécepteurs, situés sur les cils, entraînant, de par l’ouverture très brève de canaux cationiques,
est de type métabotropique. Ils sont donc formés d’une unité une dépolarisation membranaire destinée à être transmise au
polypeptide qui comporte sept domaines hydrophobes, organi- système nerveux central.
sés en hélices alpha-transmembranaires. Ces sept domaines sont
réunis par six boucles : trois intracellulaires, trois extracellulaires.
Les récepteurs olfactifs diffèrent cependant des autres récepteurs Bulbe olfactif
métabotropiques par une grande variabilité structurale due sans
doute à la multiplicité des odotopes. Les axones, nés des pôles proximaux des neurones olfactifs, se
Le nombre de récepteurs actifs dépend de la concentration regroupent avec ceux des cellules voisines pour former des filets
et de la solubilité des molécules [10] . Leur affinité et leur sélec- olfactifs traversant les orifices de la lame criblée de l’ethmoïde,
tivité sont cependant faibles car, plutôt que de reconnaître les puis se regroupant en faisceaux myélinisés pour former le nerf
caractères chimiques des molécules, les récepteurs reconnaîtraient olfactif, premier nerf crânien, et se terminer dans le bulbe olfactif.
leur configuration moléculaire. De plus, il existe une chimio- Le bulbe olfactif est une masse de substance grise, ovoïde
topie relative des récepteurs, certaines molécules activant plus et aplatie, située entre la lame criblée et la face orbitaire du
particulièrement certains récepteurs. Les récepteurs sont cou- lobe frontal, de structure laminaire concentrique (avec plusieurs
plés à une protéine G de type Gs (stimulante) mais spécifique, couches : fibreuse, glomérulaire, cellules mitrales, couches des
appelée golf (olfactive) [11] dont la sous-unité alpha active une adé- grains). Évagination du télencéphale, il est donc le premier relais
nylate cyclase spécifique, cascade de transduction de l’AMP [12] . du système olfactif, seul système sensoriel ne comportant pas de
L’adénylate cyclase [13] catalyse la formation d’AMPc à partir de relais thalamique. À son intérieur se constituent des microcircuits
l’acide adénosine triphosphorique (ATP). L’AMPc se fixe sur les régulateurs et une intégration des signaux afférents, spécialement
canaux cationiques perméables aux ions Na+ et Ca2+ qu’elle main- dans les glomérules. La projection corticale du bulbe olfactif est
tient en ouverture. Cette transduction se fait avec une extrême ipsilatérale.
brièveté [14] , le pic d’AMP durant seulement 50 à 100 ms. L’entrée Les formations glomérulaires sont spécifiques, les neurones
des cations dans les cils crée une dépolarisation membranaire pro- exprimant un récepteur odorant se projetant sur seulement
portionnelle à la concentration des molécules propagée aux fibres deux glomérules. Le bulbe olfactif contribue à l’apprentissage et
olfactives et libérant des neurotransmetteurs. au maintien de la trace mnésique au-delà de la fonction de relais.
Ce processus cesse aussitôt sous l’effet d’un rétrocontrôle inhi- Ceci est montré par l’expérimentation animale (interruption de la
biteur du Ca2+ (qui, formant un complexe Ca2+ –calmoduline se gestation de la souris par exposition à l’odeur d’un mâle étranger,
fixant sur les sous-unités alpha, empêche l’AMPc de maintenir attirance du jeune rat pour l’odeur maternelle).

EMC - Neurologie 3
17-003-M-10  Olfaction et gustation

Les cellules granulaires, qui modulent l’activité des cellules d’une part de cellules granuleuses (d’action modulatrice grâce à
mitrales, sont la cible essentielle de la trace des messages dans des synapses inhibitrices GABA-ergiques ou enképhalinergiques),
l’apprentissage olfactif. Le bulbe olfactif est le siège d’une neuro- d’autre part d’interneurones ayant des effets désinhibiteurs jouant
genèse permanente avec migration. Le bulbe olfactif forme une sans doute un rôle dans la mémoire olfactive, lié à un processus
cartographie des odeurs, principalement dans les glomérules, lieu plastique.
de convergence de dizaines de milliers d’axones. Puis la décharge Après stimulation, les cellules mitrales répondent par trois états :
neuronale vient stimuler les cellules mitrales. absence de réponse, inhibition totale à toute concentration
L’activation des récepteurs entraîne une cascade d’événements d’odeur, excitation après un seuil suivie par une inhibition à plus
intracellulaires avec influx de sodium et de calcium entraînant forte concentration.
une réponse électrique dans les cils puis transmis par l’axone à Les cellules mitrales sont connectées à un même glomérule
travers la lame criblée au bulbe olfactif, premier relais. par une dendrite avec des interactions importantes modulant les
Les axones amyéliniques forment des fascicules dans le nerf influx. D’autres dendrites secondaires courant horizontalement,
olfactif qui transmet le signal électrique au bulbe avec une trans- ont une réponse électrique correspondant aux mêmes molécules
mission éphaptique synchronisant les potentiels d’action des odorantes, ce qui a été confirmé par hybridation in situ et muta-
fibres voisines. Les axones terminaux exprimant le même récep- tion génétique. Cependant l’association récepteur–glomérate ne
teur odorant se terminent par des arborisations dans un glomérule signifie pas « une odeur = un glomérule », car la même molécule
spécifique formant une carte symétrique des odeurs. peut activer plusieurs récepteurs.
La convergence entre neurones sensoriels et bulbe est de 1000/1. La chimiotopie relative des récepteurs (avec une répartition en
Ainsi le neurone venu du bulbe va réunir la réponse d’un très bandes parallèles dans les fosses nasales) est transmise au bulbe
grand nombre de neurones convergents, ce qui augmente le olfactif dans lequel les champs de réception moléculaire sont foca-
signal par un mécanisme activité-dépendant. Les fibres termi- lisés. En effet lors d’une stimulation par une molécule odorante
nales dans les glomérules sont glutamatergiques, maintenant une donnée, le bulbe comporte une mosaïque de petites zones (après
décharge continue. Un glomérule peut répondre à de multiples marquage au 2-désoxyglucose) entourée de zones silencieuses.
odeurs et une odeur peut activer de multiples glomérules. Ainsi Cette topographie varie selon les molécules utilisées.
l’identité de l’odeur est la combinaison d’actions glomérulaires. Une représentation spatiale se ferait dans les glomérules pour
Une neuromodulation inhibitrice avec libération d’acide gamma- une odeur donnée avec une réponse spécifique. Une haute
aminobutyrique (GABA) provient des cellules périglomérulaires concentration d’odeurs recrute d’autres glomérules. Certains glo-
permettant une synchronisation [20] . mérules diminuent leur activité lors d’une seconde respiration
ce qui montre une certaine adaptation et une adaptation dyna-
mique.
Glomérule Ainsi les odeurs entraînent une activation et une synchro-
Les axones olfactifs s’articulent avec les dendrites princi- nisation des glomérules distribuées dans le bulbe olfactif en
pales des cellules dites « mitrales » (en forme de mitre d’évêque) coordination avec le comportement et la mémoire. Ceci est
(environ 75 000) situées plus profondément pour former les glo- rythmé par la respiration avec des oscillations diverses des réseaux
mérules, 2000 environ chez le mammifère. Dans le glomérule se d’activation de la conductance voltage-dépendant. Cela créera
produit un phénomène de convergence répartissant la sensibi- une image olfactive dans le cortex en modulant la réponse cor-
lité, car environ un millier d’axones afférents s’articulent avec ticale identifiant les activités présentes dans le bulbe olfactif,
une cellule mitrale. Les neurones expriment un même récepteur détection et discrimination des odeurs.
se projetant sur seulement deux glomérules parmi 2000. Cette À ce codage spatial, synchronisant des populations neuro-
convergence s’explique, soit par un processus rétrograde (les cel- nales répondant spécifiquement au stimulus odorant, s’ajoute un
lules mitrales attirent les axones en émettant des signaux), soit codage temporel. Dans le bulbe olfactif se succèdent des phases
plutôt antérograde par chémoaffinité. De plus, par un phéno- excitatrices et inhibitrices à l’échelon cellulaire et globalement
mène de divergence, un même axone peut se projeter sur un grand une activité oscillatoire de tout le bulbe, quel que soit le stimulus,
nombre de glomérules. mettant en jeu un ensemble dynamique des neurones synchro-
C’est au sein du glomérule, de forme sphérique, que se produit nisés. L’odeur est donc représentée par l’activité électrique d’une
la transmission du signal. Des afférences venues de l’hippocampe assemblée cellulaire et non par des neurones individuels.
et du septum contiennent du luteinizing hormone-releasing hormone Enfin, des phénomènes de neuroplasticité sont à l’origine d’une
(LH-RH). De même, des fibres cholinergiques sont issues de la ban- mémoire olfactive résultant d’un apprentissage associatif sous-
delette diagonale de Broca, et des fibres sérotoninergiques sont tendu par un renforcement des transmissions synaptiques.
issues du raphé mésencéphalique. Des cellules gliales engainantes La trace mnésique serait le fait d’activation des cellules mitrales
guident les axones sensoriels, créant une réinnervation perma- se projetant sur l’hypothalamus, et de phénomènes de consolida-
nente du bulbe olfactif. tion plastique dendrodendritique entre cellules mitrales et cellules
granuleuses notamment dans l’apprentissage olfactif.
Une hyperactivité noradrénergique s’exerce sur les cellules gra-
Cellules périglomérulaires inhibitrices nuleuses et réduit leur effet inhibiteur sur les cellules mitrales.
Cela favorise une potentialisation à long terme.
Les cellules périglomérulaires, dont les prolongements sont Inversement le phénomène d’habituation serait le fait d’une
disposés horizontalement connectent les glomérules entre eux, rétro-inhibition renforcée. Une exposition chronique aux odeurs
formant avec eux la couche plexiforme externe. Leur corps cel- entraîne d’ailleurs des modifications morphologiques des cellules
lulaire est sphérique en forme de grain et de petite taille. Ils mitrales.
contiennent principalement du GABA et de l’enképhaline, et,
pour certains d’entre eux, de la dopamine. Ils ont essentiellement
une fonction d’interneurones inhibiteurs locaux, ayant notam- Tractus olfactif
ment pour effet d’augmenter la sensibilité du codage de l’odeur
(en réduisant le nombre d’odotopes ou en filtrant les signaux Les axones des cellules mitrales traversent successivement le
non signifiants). Cette inhibition disparaît lors de l’inhalation, pédoncule olfactif et les bandelettes olfactives.
en particulier venue des cellules granuleuses.
Pédoncule olfactif
Cellules mitrales II forme une étroite bande de substance blanche reposant sur le
sillon olfactif à la face inférieure du lobe frontal et s’élargissant
Les cellules mitrales, cellules relais, volumineuses, très nom- en arrière pour former le trigone olfactif. II est donc parcouru
breuses, 50 000 environ, et accessoirement les cellules en par les axones myélinisés des cellules mitrales. À sa partie posté-
« touffe », contiennent des neurotransmetteurs (glutamate). Elles rieure se situe le noyau olfactif antérieur, petit groupe de neurones
siègent dans la couche plexiforme interne où elles sont entourées dont les axones traversent la commissure blanche antérieure pour

4 EMC - Neurologie
Olfaction et gustation  17-003-M-10

gagner le bulbe olfactif hétérolatéral où se fera une synapse avec respiratoire. Puis l’olfaction est définitivement liée à la sphère
les noyaux olfactifs du cortex (piriforme, périamygdalien, portion affective. Le système voméronasal projette sur l’hypothalamus et
de l’amygdale et de l’hippocampe) sans relais direct avec le bulbe l’amygdale. Le cortex piriforme et entorhinal est le siège de la
olfactif dans le thalamus. représentation consciente des odeurs, et les projections se font sur
le cortex orbitofrontal avec une spécialisation particulière pour
Bandelettes olfactives ou stries olfactives l’hémisphère droit et aussi à l’hippocampe. L’olfaction est aussi
bien liée au système limbique.
Les fibres se divisent en deux faisceaux circonscrivant l’espace
La sélection des odeurs est variable selon la substance et sa
perforé antérieur et le tubercule olfactif, limité chez l’homme à
concentration ou encore l’origine animale (par exemple, chez une
quelques îlots cellulaires.
belette, le mâle détecte la femelle à 3 km). La détection diminue
Les bandelettes médianes se dirigent en dedans. Elles gagnent
lors de la menstruation et avec l’âge. L’identification verbale des
les noyaux du septum et l’hypothalamus. Ces projections rendent
odeurs est souvent difficile et l’imagerie mentale impossible sauf
compte de l’effet des stimulations olfactives sur le système auto-
en cas d’hallucinations.
nome ainsi que sur les modifications comportementales, par
Le comportement est organisé vers le plaisir ou l’aversion, et
exemple de retrait à l’occasion d’une odeur désagréable.
les odeurs ont une valeur, soit agréable, positive, soit désagréable,
Les bandelettes latérales se dirigent d’abord en dehors vers la
négative, qui dépendrait la première de l’hémisphère gauche, la
vallée sylvienne puis se recourbent à angle aigu et se dirigent vers
seconde de l’hémisphère droit, la résonance magnétique fonction-
l’uncus de l’hippocampe (constituant avec le lobe prépiriforme
nelle montrant des corrélations diverses et contradictoires.
du lobe temporal la circonvolution olfactive latérale) et le cortex
La stimulation de la narine droite ou gauche donne des résul-
périamygdalien.
tats différents : pour la narine gauche, il y a une dénomination
Au total le tractus olfactif a peu de fonctions intégratives. Au
plus rapide des odeurs compte tenu d’une projection corticale
maximum, quelques fibres collatérales se portent sur le noyau
ipsilatérale.
olfactif antérieur et accessoirement sur le tubercule olfactif dont
Finalement la perception olfactive est un tout qui n’est pas la
les projections vont à l’hypothalamus.
simple juxtaposition des parties, mais résulte de l’interaction de
ces parties.
Projections centrales La perception olfactive est mesurée par des olfactomètres
enregistrant divers paramètres après stimulation olfactive, en par-
Aires primaires de réception olfactive ticulier un seuil olfactif qui s’élève lors de la menstruation et chez
le sujet âgé, et l’identification des odeurs, soit d’une odeur seule,
Elles comprennent :
soit d’un mélange d’odeurs. Enfin, la représentation mentale des
• le cortex prépiriforme, ou gyrus ambiens, le plus important,
odeurs est pratiquement absente, sauf lors de certaines hallucina-
paléocortex faisant partie du cortex parahippocampique recou-
tions.
vrant l’amygdale [21] . Les axones des cellules mitrales et des
L’organe voméronasal et le nerf trijumeau : l’organe vomé-
cellules touffues se terminent dans la couche superficielle du
ronasal, au contact du vomer, distinct de l’épithélium olfactif,
cortex et s’articulent aux dendrites des cellules pyramidales,
détecte les phéromones, molécules émises par les sécrétions sur-
formant un circuit inhibiteur et excitateur à réseaux mul-
tout digestives et génitales (« nez sexuel ») qui jouent un rôle
tiples. Le cortex prépiriforme envoie des projections au cortex
dans la régulation neuroendocrinienne et sociale. La projection
orbitofrontal postérolatéral qui se projette lui-même à des
se fait essentiellement sur l’hypothalamus et l’amygdale, par
régions frontales plus antérieures et plus médianes. Ces projec-
l’intermédiaire du bulbe olfactif accessoire.
tions du cortex prépiriforme sont soit directes, soit indirectes
Enfin le nerf trijumeau innerve la cavité nasale, la rendant sen-
par l’intermédiaire du noyau dorsomédian du thalamus ou
sible aux irritants et aussi à la température.
de l’amygdale. L’amygdale olfactive elle-même se projette sur
Les théories de l’olfaction tentent de rattacher la qualité de
l’hypothalamus, l’hippocampe, le cortex orbitofrontal. La par-
l’odorat à la structure moléculaire. La théorie stérique [22] sup-
ticipation frontale est ainsi notable et l’inhalation de substances
pose des récepteurs spécifiques pour certains odorants. La théorie
odorifères modifie le trace électroencéphalographique de la
vibratoire [23] suggère une résonance infrarouge mesurant la vibra-
région frontale ;
tion des molécules associées à l’odeur, théorie reprise par Turin [24]
• le cortex périamygdalien ou gyrus semilunaire est moins impor-
avec une haute activité de la nicotinamide adénine dinucléotide
tant, il est fait de paléocortex.
phosphate (NADPH)–diaphorase dans les neurones olfactifs [25] .
Les processus combinés d’interprétation des différentes
Aire secondaire odeurs [26] sont complexes. Le système olfactif utiliserait un alpha-
Elle est constituée du cortex entorhinal ou aire 28, partie anté- bet des récepteurs permettant leur combinaison (comme dans la
rieure de la circonvolution hippocampique rattachée au cortex musique ou le langage ou dans un computer) créant un nombre
parahippocampique. Elle est faite de périarchicortex. Elle reçoit infini de combinaisons génétiques aboutissant au cortex cogni-
des fibres venues des aires olfactives primaires. tif (processus conscient) et au système limbique (composante
Au total, les projections centrales du système olfactif sont de émotionnelle). Un influx de calcium génère un signal avec
deux types [21] : les premières, néocorticales, assurent la perception trois conséquences :
consciente de l’odeur ; les secondes, limbiques, sont le support • des récepteurs isolés reconnaissent des odorants multiples ;
de la composante affective agréable ou désagréable. Curieuse- • un odorant isolé est reconnu par des récepteurs multiples ;
ment, la représentation corticale de l’olfaction est relativement • des odorants différents sont reconnus par des combinaisons très
peu étendue, et c’est surtout dans le neurone olfactif et dans le complexes de récepteurs.
bulbe olfactif que se déroule l’analyse des signaux odorants, avec Ce schéma correspond à coder l’identité d’odeurs multiples.
cependant une extrême richesse perceptive, capable de distinguer
plusieurs milliers de molécules odorantes.
La plasticité du système olfactif dépend en plus de l’épithélium Physiopathologie
(dépendant des cellules basales) avec une durée de vie de 60 jours
environ, de la zone périventriculaire ainsi que le gyrus dentatus Les dérèglements pathologiques de l’olfaction sont de trois
de l’hippocampe riche en neurones précurseurs migrant tangen- types : anosmies et hyposmies, hyperosmies, parosmies et hallu-
tiellement vers le bulbe olfactif avec expression des molécules cinations olfactives.
d’adhésion (neural cell adhesion molecule [NCAM]). La migration Les anosmies ou perte de l’odorat sont les plus fréquentes.
est à la fois tangentielle et radiale. Elles sont souvent méconnues si elles sont unilatérales, au
Le bulbe olfactif serait le siège d’un stockage mnésique transi- cours de tumeurs par exemple, ou ipsilatérales, aux manifes-
toire. tations de conversion hystérique. Le plus souvent bilatérales,
Le système olfactif est le premier canal sensoriel actif elles s’accompagnent d’agueusie, ou plus exactement de perte de
chez le nouveau-né, opérationnel avec le premier mouvement saveur, les patients restant capables de discriminer les composants

EMC - Neurologie 5
17-003-M-10  Olfaction et gustation

élémentaires de la gustation. De plus, il existe des anosmies phy- cérébrales antérieures est parfois à l’origine d’une anosmie unila-
siologiques. On admet que 10 % des individus ne sentent pas térale méconnue à rechercher avec des tests d’identification, soit
l’acide cyanhydrique et 2 % l’acide isovalérique. Des facteurs géné- simples (inhalation d’anéthol, de coumarine, de thymol, d’acide
tiques encore inconnus sont certainement en cause. cyanhydrique par exemple — l’ammoniaque stimulant le nerf tri-
Un essai de classification physiopathologique des troubles de jumeau étant à éviter), soit élaborés (olfactomètres insufflant
l’olfaction sépare les cinq catégories suivantes. des gaz odorants, potentiels évoqués de l’enfant avec anosmie
s’accompagnant de liquorrhée positionnelle).

“ Point fort Atteintes centrales


Les hallucinations olfactives sont les plus caractéristiques. II
s’agit surtout de crises épileptiques temporales dites « crises unci-
Les troubles de l’olfaction nées », accompagnées d’une sensation brève de mauvaise odeur,
• Défaut d’accès des molécules odorantes aux récepteurs : de puanteur, d’odeur de pourriture, de soufre, de chloroforme.
rhinites, parosmies Une perte de discrimination des odeurs est parfois associée.
• Altération des récepteurs : congénital, syndrome de Kall- Diverses maladies du système nerveux, maladie de Parkin-
son [27, 28] , sclérose en plaques, s’accompagnent d’hyposmie.
man De même une perte d’olfaction est un symptôme fréquent au
• Lésions du bulbe et du tractus olfactif : hypoplasie cours de la maladie d’Alzheimer ou de certains cas de démence
congénitale, traumatisme, fractures de la lame criblée, sénile.
méningiome, anévrisme Une perte de discrimination olfactive, malgré un odorat en
• Atteintes centrales, hallucinations épileptiques, hypo- apparence normal, est mise en évidence au cours du syn-
smie (Parkinson, Alzheimer) drome de Korsakoff en utilisant des tests de dénomination et
• Origines psychiatriques : simulations, hystérie, dysosmie d’identification des odeurs. Le mécanisme relève de lésions du tha-
lamus médian et de ses connexions avec le cortex orbitofrontal.
Des phénomènes analogues surviennent après amygdalectomie
ou résection du lobe temporal.
Au cours de certains accès migraineux s’observent deux types
Défaut d’accès des molécules odorantes d’anomalies : soit une hyperosmie précédant et accompagnant
aux récepteurs l’accès, soit un équivalent dysosmique avec perturbation des sen-
sations olfactives.
Ce sont les mécanismes les plus fréquents d’anosmie ou Enfin une origine hormonale est parfois évoquée : hyperosmie
d’hyposmie : atteintes rhinologiques, infectieuses (rhinites, sinu- de la maladie d’Addison, de l’hyperthyroïdie, du cycle menstruel
sites, grippe), tumorales, atrophiques (rhinites atrophiques et surtout aversion vis-à-vis des odeurs quelles qu’elles soient au
lépreuses, radiques).
cours de la grossesse. À ce propos, il existerait une différenciation
Dans ce cadre entrent certaines parosmies dues à des infections
de l’olfaction selon le sexe. La reconnaissance de l’odeur d’acétone
nasopharyngées à l’origine d’odeurs désagréables (empyème des
est largement supérieure chez la femme. II en est de même avec
sinus, ozène).
l’Exaltolide® .
Altération des récepteurs Origine psychiatrique
Elles sont à l’origine d’anosmies congénitales ou acquises.
Une origine psychiatrique s’observe dans diverses circonstances
L’absence congénitale de cils par défaut du gène Kal s’observe
et selon certaines modalités.
au cours du syndrome de Kallman, associant une anosmie congé-
Des hallucinations olfactives sont fréquentes, accompagnées
nitale et un hypogonadisme. On en rapproche la perte de pigment
d’illusions, chez les schizophrènes et surtout au cours des psy-
olfactif de l’albinisme.
choses hallucinatoires chroniques, le patient expliquant qu’une
Parmi les lésions acquises sont à signaler la rhinite allergique
personne étrangère « lui envoie des odeurs » souvent à distance.
(la biopsie de la muqueuse olfactive montre une altération des
Au cours de certains états dépressifs, le sujet s’accuse inversement
cils et non des cellules) et le cas particulier de la méningoencé-
de répandre lui-même des odeurs désagréables et cette idée déli-
phalite amibienne au cours de laquelle une invasion locale de
rante le conduit à éviter tout contact social ou à procéder à des
la muqueuse se propagerait progressivement au cortex olfactif.
soins d’hygiène permanents.
Les tumeurs, rares, sont représentées par les esthésioneuroépithé-
Une hyperosmie plus ou moins transitoire accompagne certains
liomes.
états névrotiques.
L’anosmie hystérique s’accompagne souvent d’une anesthésie
Lésions du bulbe et du tractus olfactifs totale de la muqueuse pituitaire.
Ce sont des causes fréquentes d’anosmie, rarement congéni- La stimulation est une cause fréquente d’anosmie, à l’origine
tales, surtout acquises. de difficultés médicolégales. Deux éléments caractérisent de tels
Une hypoplasie du nerf olfactif est une composante du cas : l’absence habituelle d’agueusie et la dissociation des réponses
syndrome d’Edwards ou trisomie 18, en association avec des mal- aux tests combinés, par exemple de pyridine et d’ammoniaque (ce
formations complexes des viscères et du système nerveux central. dernier produit stimulant le trijumeau provoque normalement un
On en rapproche l’absence de bulbe olfactif, dans certains cas de mouvement de retrait du sujet).
trisomie 21 associé à une agénésie calleuse ou cérébelleuse. Des parosmies, véritables perversions de l’odorat, corres-
Les traumatismes sont directs ou indirects. Les fractures de la pondent à des illusions olfactives, survenant souvent chez des
lame criblée, sectionnant les filets olfactifs, sont à l’origine d’une sujets sages, parfois dépressifs. La dysosmie peut devenir cacos-
anosmie mais parfois d’un syndrome tardif de méningites puru- mie en présence de tout aliment. L’illusion d’une odeur traînante
lentes à répétition avec rhinorrhée cérébrospinale. Au cours des désagréable persiste parfois pendant plusieurs heures.
traumatismes fermés, souvent occipitaux, une anosmie est fré- La phantosmie est la résurgence de cette odeur à l’occasion d’un
quente, souvent régressive, parfois durable. stimulus olfactif différent qui fait reproduire cette illusion.
Diverses lésions expansives sont également en cause. Le ménin- Les mécanismes de l’olfaction sont complexes et encore mal
giome du sillon olfactif est le plus caractéristique, avec parfois élucidés. Fonction pour une part peu développée chez l’homme,
une atrophie optique et un œdème papillaire réalisant le syn- par comparaison avec nombre d’animaux, sa finalité est évidente.
drome de Foster-Kennedy. Les sarcomes de l’étage antérieur, les Source d’agrément ou de déplaisir, elle est également un indi-
adénomes hypophysaires, les gliomes olfactifs sont plus rares. cateur social d’attraction ou de répulsion. Elle touche à la fois
Une compression osseuse pagétique ou myélomatose est parfois aux capacités les plus primitives et les plus élaborées du système
signalée. L’anévrisme des artères communicantes antérieures ou nerveux.

6 EMC - Neurologie
Olfaction et gustation  17-003-M-10

 Gustation Les cellules basales, en petit nombre, arrondies, sont les cel-
lules souches assurant un renouvellement permanent des cellules
La gustation est différente de l’olfaction avec un système de sombres dont la vie est courte (5 à 10 jours) en raison de l’agression
permanente de la muqueuse buccale. Le cycle cellulaire de ce
détection évitant les substances nocives. À côté de préférences
renouvellement est donc cellule basale, cellule sombre, cellule
innées (le suc du lait maternel par exemple) l’instinct gustatif s’est
claire. Chaque bourgeon gustatif contient 50 à 125 cellules gus-
considérablement modifié avec l’expérience de chacun.
tatives qui se renouvellent tous les dix jours.
Aux goûts classiques s’ajoute le goût savoureux du glutamate
Les cellules gustatives sont entourées de fibrilles nerveuses,
(umami) et la combinaison des divers goûts de base. La variété
intragemmales s’arborisant dans le bourgeon, périgemmales
des saveurs est illimitée.
autour de lui et intergemmales entre les bourgeons.
Malgré l’importance, chez l’homme, de cette composante sen-
Enfin des jonctions réunissent les diverses cellules. Les unes,
sorielle, la gustation physiologique est mal connue. Cela tient à
apicales, sont des desmosomes, jonctions serrées répartissant les
des raisons diverses. À la notion, ancienne mais toujours valable, stimuli dans les villosités. Les autres, latérales, sont des jonctions
de quatre saveurs élémentaires (salé, sucré, amer, acide) s’ajoute communicantes assurant le transfert des signaux métaboliques et
à l’évidence la multiplication des sensations gustatives élaborées, des potentiels de récepteur. Ainsi est réalisée une synchronisation
fonction d’une part de configurations moléculaires particulières de réponses.
des stimuli, d’autre part d’un codage effectué par le système Les cellules sensorielles sont atteintes par les stimuli gustatifs,
gustatif périphérique. Les difficultés d’enregistrement d’activité hydrophiles, non volatils, dissous pendant la mastication dans la
des cellules gustatives sont une deuxième raison. Elles ne sont salive qui les diffuse.
appliquées que chez l’animal. II en est de même pour les enregis- Les bourgeons du goût sont répartis dans les papilles gustatives,
trements des noyaux gustatifs centraux qui sont souvent effectués chacune contenant plusieurs centaines de bourgeons.
après anesthésie, ce qui modifie considérablement les sensations
dans des circonstances éloignées des conditions physiologiques.
De même est-il probable que les diverses saveurs n’aient pas la
Papilles gustatives
même signification selon les espèces ? Le rôle même du cortex Elles sont de plusieurs types : fungiformes, foliées, caliciformes
gustatif est sujet à hypothèses. et accessoirement filiformes ou hémisphériques. Cependant leur
Non seulement centre de codage, il pourrait également jouer un composition cellulaire diffère peu. Seules leur topographie et leur
rôle dans le choix des aliments et le comportement alimentaire. innervation diffèrent.
Des facteurs génétiques manifestes président enfin à Les papilles fungiformes ont une forme pédiculée. Chacune
l’organisation du système gustatif, expliquant les variations contient une à plusieurs centaines de bourgeons. Elles occupent la
individuelles du goût. Les variations génétiques du gène du goût pointe et les deux tiers antérieurs des faces latérales de la langue.
interviennent sur les récepteurs gustatifs « taste receptor 1 » (T1R). Elles sont innervées par le nerf lingual, branche du nerf facial.
Ces variations sont associées à des différences de sensations Les papilles foliées sont en forme de plis dont les faces latérales
olfactives, en particulier amères. contiennent des centaines de bourgeons. Elles siègent sur le tiers
postérieur des faces latérales de la langue. Elles sont innervées,
comme les suivantes, par le nerf glossopharyngien.
Récepteurs Les papilles caliciformes, volumineuses, forment une sorte de
tronc de cône à petite base inférieure, inséré dans un calice
Les récepteurs gustatifs [29, 30] font partie des récepteurs cou- dont il est séparé par un vallum. De très nombreux bourgeons
plés aux protéines G [31] , les gustducines, récepteurs de surface débouchent dans les faces latérales, ce qui assure un nettoyage
envoyant un message au cerveau. du vallum et un renouvellement des sensations gustatives. Les
Le système périphérique comporte des bourgeons gustatifs, eux- papilles caliciformes occupent le V lingual et le tiers postérieur de
mêmes situés dans des papilles linguales. la langue. Comme les papilles foliées, elles sont innervées par le
nerf glossopharyngien.
Bourgeons gustatifs La circulation sanguine papillaire est assurée par un système
organisé en anse avec artériole, veinule et capillaire étoilé. La
Au nombre de 5000 à 20 000, ce sont les récepteurs périphé-
veinule se jette dans un gros sinus veineux sous-dermique. La
riques de la perception gustative. Ils siègent dans l’épithélium. Ils
mastication entrave la circulation de retour, ce qui provoque
affectent grossièrement la forme d’un tonneau dont les douves
une turgescence des papilles, facilitant l’apport de molécules
sont représentées par les cellules gustatives, étroites et disposées
sapides.
verticalement. Un orifice apical, le pore du bourgeon, rempli de
Ainsi les papilles linguales sont le support de la sensibilité
mucus riche en glycoprotéines et en phospholipides, s’ouvre sur
gustative. S’ajoutent à elles les organes sensoriels répartis dans
la muqueuse, tandis qu’un pore basal laisse pénétrer les filets ner-
la cavité oropharyngée : bouche, voile du palais, face supérieure
veux innervant les récepteurs.
de l’épiglotte, paroi postérieure du pharynx, orifice supérieur de
Les cellules sont de plusieurs types et plusieurs classifications
l’œsophage. L’innervation de ces dernières zones dépend du nerf
ont été proposées.
pneumogastrique. Les bourgeons annexes contribuent largement
Les plus importantes en nombre sont les cellules sombres, consi-
à la gustation et jouent un rôle sensoriel important.
dérées habituellement comme les récepteurs, les fibres nerveuses
prenant contact avec leur noyau qui est dépourvu de nucléole.
La partie apicale de la cellule sombre est le siège d’effilements de Transduction
la membrane en villosités (les « cheveux du goût ») qui se dirigent
dans l’intérieur du pore. Des granulations denses sont visibles au Elle transforme le message chimique en potentiel d’action
pôle apical. L’appareil de Golgi et le réticulum endoplasmique nerveux. Les stimulants sont spécifiques, ils ne sont ni olfac-
sont bien développés. Les mitochondries sont abondantes de tifs, ni tactiles. Ils sont classés, de longue date, en quatre types
même que des microfilaments. Ainsi à la fonction de neuroré- de base, avec des variations infinies. La perception de ces
cepteur s’ajoute un rôle sécrétoire et trophique. quatre composantes obéit à une répartition topographique cepen-
Les cellules claires diffèrent par quelques critères morpholo- dant modulée par des variations quantitatives : sucré à la pointe
giques (noyau plus volumineux possédant un nuclide, peu de de la langue, salé et acide sur les bords latéraux, amer en arrière
villosités, richesse en mitochondries). Elles résultent de la diffé- du V lingual.
renciation des cellules sombres. La perception de la sensation obéit à diverses conditions. Les
La durée de vie d’une cellule est d’environ deux semaines. principales tiennent à une quantité suffisante de molécules, à
Lorsque la cellule est activée par une substance chimique, son leur qualité et surtout à leur solubilité « corpora non agunt nisi
potentiel membranaire se modifie. La dépolarisation génère des soluta ». Les stimuli dissous et diffusés dans la salive pendant la
potentiels d’action, ouvrant les canaux calciques et libérant des mastication doivent atteindre la partie apicale de la membrane
neurotransmetteurs. de la cellule sensorielle. Des conditions accessoires dépendent

EMC - Neurologie 7
17-003-M-10  Olfaction et gustation

de la composition de la salive (variant avec son débit, lui-même Un transport paracellulaire des ions est également vraisem-
réglé par le système autonome), des mouvements des muscles blable, car un certain nombre de réponses ne sont pas inhibées par
de la langue favorisant la diffusion des substances sapides, de l’amiloride et ne sont pas modifiées par les variations de potentiel,
la stimulation d’une surface suffisamment grande, du sexe (une donc indépendantes des canaux sodium sensibles à l’amiloride.
plus grande sensibilité au sucre chez la femme s’opposant à une
plus grande sensibilité au sel chez l’homme), de l’âge (déjà fonc- Sucré
tionnelle in utero dès le quatrième mois, la gustation nécessite
ultérieurement un apprentissage parallèle à la maturation du sys- Les récepteurs impliqués dans les phénomènes de chémorécep-
tème nerveux et s’affinant avec l’âge). tion des sucres ont un rôle important non seulement dans le goût,
mais aussi dans l’homéostasie du glucose et dans le métabolisme
énergétique. On doit séparer :
• les récepteurs chémosensibles des sucres comportant les sous-
“ Point fort unités T1R2 et T1R3 dont l’action s’exerce non seulement dans
le goût sucré mais également dans les sucres de l’organisme
avec une chémosensibilité à l’extérieur du système gustatif,
Des récepteurs périphériques complexes notamment dans les cellules chémosensorielles de l’intestin [35]
(5 à 20 000) avec régulation d’incrétines, du pancréas [36] avec sécrétion
Les bourgeons gustatifs ont un pôle apical rempli de mucus d’insuline et aussi du rein, du foie, des glandes endocrines de
et un pôle basal pénétré par les filets nerveux. certaines régions cérébrales ;
Les bourgeons sont répartis dans divers types de papilles • les récepteurs chémosensibles « umami » (saveur particu-
lière d’algues dont le composant essentiel est le glutamate)
gustatives richement irriguées.
comportant les sous-unités T1R1 et T1R3. Il s’agit d’une cin-
Une transduction assure la transformation du message chi- quième saveur, goût savoureux de certaines viandes, de certains
mique en potentiel d’action nerveux. bouillons ;
La dépolarisation apicale intervient pour les goûts salé, • quant aux sucrants inverses ou antisucrants, ils sont représentés
acide et amer, par effet ionique. par certains herbicides ou des fibrates de première génération
Les sucres comportent des chémorécepteurs T1R2 et T1R3 ayant un effet inhibiteur des récepteurs T1N3 par l’ion zinc ou
s’étendant au-delà du système gustatif, notamment au le lactisole [37] dont l’effet se produit également à l’étage lingual,
niveau des cellules gustatives intestinales, pancréatiques, intestinal, pancréatique.
et autres (métabolisme glucidique).
D’autres récepteurs chémosensibles « umami », dont le Acide
composant est le glutamate, sont à l’origine d’une La perception acide ne serait pas en corrélation avec le pH.
« cinquième saveur », goût savoureux. Les protons des acides organiques, d’une part, bloqueraient les
Le rôle du nerf trijumeau est important dans diverses per- canaux potassiques voltage-dépendants, présents sur la partie api-
ceptions (bulles, tanin, froid, brûlure). cale des cellules, d’autre part, seraient capables d’emprunter une
voie paracellulaire.

Amer
Le goût est un sens chimique [32] . Les molécules sapides inter-
agissent avec la membrane apicale des cellules des bourgeons du Ces molécules ont des structures très diverses (cations inor-
goût, ce qui modifie la perméabilité des canaux ioniques mem- ganiques, petits peptides, quinine, alcaloïdes) souvent toxiques.
branaires et crée une dépolarisation membranaire à l’origine d’un Ainsi apparaît une certaine finalité, le goût amer étant d’abord
potentiel de récepteur propagé à la membrane basale, libérant des un signal d’alarme, et, du fait de la situation des bourgeons
neurotransmetteurs destinés à la fibre nerveuse. Cependant les sensibles, contribuant à l’arrêt d’absorption de la substance
mécanismes de transduction sont extrêmement divers au cours amère. Compte tenu de la variabilité des structures, il semble
de la gustation. Ils varient entre, et même à l’intérieur, de chaque que leur transduction serait assurée par des récepteurs de types
sensation gustative élémentaire. Ils sont parfois représentés simul- divers surtout T2R. La gustducine [38, 39] aurait un effet facili-
tanément dans une même cellule, interagissent l’un sur l’autre et tant sur la réponse d’aversion à l’amer comme indiqué plus
ne fonctionnent pas indépendamment. loin. Existent des variations importantes selon le sujet et selon
les peuples, de la sensation d’amer dépendant de facteurs
génétiques. L’olfaction rétronasale joue un grand rôle dans le
Salé goût par la perception de l’arôme, substance volatile libérée en
La distinction traditionnelle entre les quatre sensations, salé, arrière du voile lors de la mastication et stimulant les neurones
sucré, acide, amer, conserve sa valeur. Toutefois, elle doit être olfactifs. En plus des quatre saveurs élémentaires, des saveurs
complétée par la notion de cinquième sensation, la saveur, par multiples sont provoquées par divers acides aminés : amère
l’analyse de mécanismes très différents, ioniques, récepteurs gus- (arginine), sucrée (glycine), salée particulièrement savoureuse
tatifs, intervention de l’olfaction. (glutamate).
Le goût salé et la perception acide dépendent d’un mécanisme Ces quelques goûts de base n’ont rien à voir avec les innom-
ionique propre. brables molécules odorigènes, ce qui fait du goût un sens
La sensation salée est induite par des cations monovalents, rudimentaire. Toutefois les innombrables saveurs des aliments
essentiellement le sodium entraînant une dépolarisation apicale s’expliquent en particulier par la participation de l’odorat — et
(également le lithium et le potassium). La perception salée la plus aussi de la proprioception.
pure est induite par le chlorure de sodium, essentiellement le sel
de table.
Une interaction directe avec les canaux ioniques apicaux est Transmission nerveuse
le principal mécanisme. Les ions Na+ entrent dans les canaux
voltage-dépendants. Ce phénomène est bloqué par l’amiloride [33] .
Potentiel de récepteur
Inversement le béryllium qui ouvre les canaux sodium sensibles Le potentiel de récepteur des cellules gustatives est un potentiel
à l’amiloride augmente la perception salée. La qualité gustative dépolarisant lent, fonction de la durée de la stimulation et de
est également influencée par les anions [34] . Le NaCl, chlorure de la concentration des molécules solubles. Les interactions latérales
sodium, donne une perception de salé beaucoup plus pure que les entre les cellules sensorielles modulent ce potentiel avec des influx
autres sels (gluconate, acétate) de sodium. Cela rend compte de de courte et de longue latence.
la large gamme de sensations salées qui s’étend bien au-delà de la Ce potentiel de récepteur déclenche un potentiel d’action qui
saveur élémentaire. active les canaux ioniques libérant des neurotransmetteurs.

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Olfaction et gustation  17-003-M-10

Terminaisons nerveuses
Ce sont des fibres myéliniques, axones gustatifs primaires for-
mant un plexus dense à la base des bourgeons et se terminant en
“ Point fort
nombreuses ramifications.
Leur répartition obéit à la fois à un processus de convergence La transmission nerveuse se fait grâce à un
(plusieurs bourgeons récepteurs convergeant sur une seule fibre) processus de convergence par l’intermédiaire
et de divergence (un seul bourgeon étant innervé par plusieurs de divers nerfs (glossopharyngien, facial,
fibres) avec cependant des variations selon les espèces. pneumogastrique) avec des codages spécifiques
La neurotransmission entre les bourgeons et fibres nerveuses à chaque nerf.
est mal connue. Malgré la présence d’acétylcholine, une trans- Les fibres gustatives se projettent sur le noyau solitaire
mission cholinergique n’a pas été confirmée, en l’absence
de Nageotte (organisation somatochémotopique) où se
de choline-acétyltransférase. Diverses substances sont présentes
dans les fibres nerveuses (glutamate, GABA) mais pas dans les produit un effet de filtrage.
récepteurs. D’autres sont présentes dans les deux (substance Enfin sont atteints le cortex gustatif, les cortex operculaire
P, somatostatine, neuropeptide Y), mais leur rôle n’est pas et orbitofrontal.
déterminé. Le plaisir gustatif a deux composantes : l’une hédonique,
l’autre proche de l’appétit.
Voies gustatives périphériques
Elles se situent dans plusieurs nerfs crâniens.
Le nerf facial assure l’innervation des deux tiers antérieurs de la Noyau gustatif
langue, donc surtout des papilles fungiformes ainsi que le voile.
Les fibres empruntent le nerf lingual branche du trijumeau, la Le noyau gustatif de Nageotte ou noyau solitaire, situé à la partie
corde du tympan rejoignant le nerf facial et le corps cellulaire qui dorsolatérale du bulbe, est l’unique zone de projection des fibres
siège dans le ganglion géniculé. gustatives.
Le nerf glossopharyngien assure l’innervation des papilles La distribution des fibres est systématisée, avec un faible chevau-
foliées et caliciformes du tiers postérieur de la langue. Le corps chement des territoires, de haut en bas, facial et glossopharyngien.
cellulaire se situe dans le ganglion pétreux inférieur. Le glosso- En plus de cette organisation somatotopique existe une systémati-
pharyngien innerve également le voile du palais. sation chémotopique avec en haut les neurones les plus sensibles
Le nerf pneumogastrique innerve les bourgeons du goût situés au sucre et au sel, au milieu les neurones sensibles à l’acide, en bas
sur la paroi postérieure du pharynx, et l’épiglotte. Le corps cellu- ceux qui sont sensibles à l’amer.
laire se trouve dans le ganglion plexiforme. Divers types de neurones gustatifs sont décrits mais varient
Aucune fibre gustative n’est véhiculée directement par le nerf selon les classifications. Le noyau solitaire reçoit également des
trijumeau. Toutefois, ce dernier est important dans la perception afférences somatiques buccales du nerf trijumeau. Le réflexe
de certaines substances. Les bulles de boissons gazeuses dépendent gustofacial est présent dès les premiers moments de la vie,
de la somesthésie tactile thermique et douloureuse. Les tanins qui déclenchant une mimique chez le nouveau-né, différente selon
sont des astringents resserrent les tissus de la langue. La sensation le stimulus. Par la suite il se module et se limite à un pro-
de fraîcheur est également perçue par le V, la menthe stimulant cessus relationnel, devenant conduite de communication avec
les récepteurs TRPM8 détecteurs du froid. De même le camphre autrui.
possède plus d’arôme que la menthe et augmente la sensation de Des afférences centrales proviennent de l’hypothalamus, de
froid. La sensation de brûlure, par exemple due aux piments est l’amygdale, du noyau de la strie terminale, des cortex insulaire
transmise par la capsaïcine agissant sur les récepteurs de chaud et préfrontal. Elles exerceraient entre autres un effet de filtrage sur
TRPV1 créant une sensation de brûlure, de même que les thiocya- les influx gustatifs.
nates (moutarde) ou les sulfides (oignons). Au total, le goût d’un Ainsi ce noyau assure un premier traitement et une première
aliment froid diffère de celui d’un aliment chaud. Enfin, la tex- intégration des influx d’origines périphérique et centrale.
ture des aliments (tendreté, élasticité, croquant) est perçue grâce Les fibres gustatives convergeant vers le noyau solitaire
à des micromouvements alvéolodentaires stimulant les détecteurs comprennent des fibres innervant des sous-populations des
de pression. bourgeons du goût dont les profils de réponse diffèrent. Un pour-
centage important de neurones ont une réponse multimodale à
la fois gustative et somesthésique. On sépare des sous-groupes de
Codage par les voies périphériques neurones gustatifs, de sélectivité variable. Ils pourraient posséder
II a été essentiellement étudié chez le rongeur. des propriétés membranaires différentes entraînant des réponses
Quel que soit le stimulus, l’activité des fibres est fonction de la diverses à la dépolarisation.
concentration, le codage quantitatif de l’intensité étant de type Les neurones gustatifs du noyau solitaire sont activés par sti-
temporel. mulation de l’hypothalamus latéral. Enfin ce noyau contracte des
La réponse se fait aux quatre stimulations de base mais pour rapports étroits avec les noyaux salivaires (supérieur et inférieur).
chaque fibre un stimulus spécifique, identique à celui des cellules
qu’elle innerve, est caractéristique.
Pour le nerf facial, dans la corde du tympan, la moitié des Relais thalamique
fibres sont sensibles aux sels de sodium. D’autres sont sen- Le relais thalamique se fait dans la zone parvocellulaire du
sibles aux sucres ou aux acides. En revanche, dans le grand nerf noyau ventral postérieur médian du thalamus, en dedans de la
pétreux superficiel, la sensibilité aux sucres est la plus impor- projection des fibres trigéminothalamiques venues de la cavité
tante. buccale. Ce noyau thalamique reçoit les influx convergents de
Le nerf glossopharyngien est moins sensible dans l’ensemble. diverses sous-populations de bourgeons du goût. Les champs
Les fibres sont surtout stimulées par l’acide et par l’amer. récepteurs thalamiques sont étendus et bilatéraux. Des effets cen-
Ainsi les fonctions des fibres du nerf facial et du nerf glossopha- traux afférents, surtout inhibiteurs mais aussi excitateurs, se font
ryngien diffèrent. Les premières transmettent la discrimination sur le noyau gustatif thalamique.
des qualités appétitives, sucrées ou salées. Les secondes trans-
mettent les influx à qualité répulsive. On peut voir là une
organisation finaliste, la partie antérieure de la bouche atti- Cortex gustatif
rant les aliments sapides, la partie postérieure s’opposant, par Sa signification est mal connue [40] . La voie principale gagne
fermeture, voire par rejet, à l’absorption de substances désa- le lobe pariétal. D’autres voies vont vers le tronc cérébral ou le
gréables. système limbique. Plutôt qu’une aire gustative, il pourrait s’agir

EMC - Neurologie 9
17-003-M-10  Olfaction et gustation

d’une zone à fonction plus élaborée intervenant dans la régulation L’exemple des atteintes congénitales est le syndrome de
du comportement alimentaire, compte tenu du chevauchement Riley-Day, dysautonomie familiale, au cours duquel les papilles
avec des zones somesthésiques chéiro-buccolinguales et de la linguales sont absentes ou très réduites en nombre.
coexistence de neurones activés par des stimuli liés à la prise La sécheresse de la langue est à l’origine d’hypo- ou d’agueusies
alimentaire. souvent fort gênantes, au cours notamment du syndrome de
L’imagerie par résonance magnétique des projections gustatives Gougerot-Sjögren, de la pandysautonomie aiguë.
chez l’homme montre des activations corticales diverses : insula, Les drogues les plus diverses entraînent agueusies ou dysgueu-
cortex operculaire, opercule rolandique, opercule temporal. sies : pénicillamine dans le traitement de la maladie de Wilson ou
de la polyarthrite rhumatoïde, procarbazine, chlorambucil, vin-
Cortex operculaire cristine, vinblastine, griséofulvine, amitriptyline, antithyroïdiens,
colestyramine.
Les neurones gustatifs du cortex operculaire ont une faible acti- Les tumeurs malignes de l’oropharynx entraînent parfois une
vité électrique spontanée. Ils sont surtout stimulés par les sucres élévation du seuil du goût amer ou encore une agueusie. La
et aussi par le chlorure de sodium. Cette stimulation augmente radiothérapie est à l’origine d’agueusies temporaires. La grippe,
l’amplitude des potentiels et le nombre de neurones activés. Leur également, entraîne dysgueusies et agueusies transitoires, sans
sélectivité serait plus grande que celle des neurones du noyau doute par congestion nasale.
solitaire. Enfin alors que l’olfaction diminue avec l’âge, la gustation reste
Le cortex operculaire assure un codage des stimuli gus- habituellement intacte.
tatifs qui se répartissent en quatre groupes, superposables
aux quatre saveurs de base (sucré, salé, acide, amer). En Lésions des voies nerveuses
revanche, le mélange de saveurs a un effet suppresseur
sur les neurones corticaux, proportionnel à sa complexité, Des causes compressives diverses sont en cause. L’éventualité la
du fait d’interactions inhibitrices. En plus du codage des plus caractéristique est la paralysie faciale a frigore entraînant une
saveurs, cette portion de cortex pourrait être impliquée dans agueusie unilatérale, souvent non perçue par le patient.
l’intégration des divers influx sensoriels utiles au choix des ali- C’est dans ces cas qu’une exploration plus précise du goût est
ments. justifiée par tests simples (rondelles sapides de papier buvard,
Le cortex operculaire envoie des projections sur le cortex orbi- éponges imbibées de substances gustatives) ou plus élaborés (élec-
tofrontal en arrière du cortex olfactif prépiriforme. trogustométrie). On en rapproche d’autres causes de lésions du
nerf facial.
Cortex orbitofrontal
Atteintes centrales
Les neurones gustatifs orbitofrontaux ont également une acti-
Des lésions pariétales ou thalamiques unilatérales sont à
vité électrique spontanée faible. Ils répondent pour la plupart aux
l’origine d’agueusies controlatérales. La migraine cause également
stimulations sucrées. Leur sélectivité est faible.
des dysgueusies.
Le cortex orbitofrontal contient également des neurones
Les hallucinations gustatives épileptiques sont moins fré-
olfactifs. La combinaison de ces derniers aux neurones gus-
quentes que les hallucinations olfactives. Elles s’observent surtout
tatifs est à l’origine de la perception de saveurs (flavour de
au cours de foyers frontopariétaux. Les auras gustatives des épilep-
la nomenclature anglo-américaine). Leurs stimuli préférés sont
sies temporales, surtout droites, s’accompagnent souvent d’auras
habituellement concordants : goût de sucré et sensibilité aux
olfactives.
odeurs de fruits, par exemple, également activantes. De plus, les
La stimulation neurochirurgicale de certaines zones (pariéto-
réponses des neurones olfactifs subissent une modulation de la
frontale, operculaire, amygdalienne, hippocampique) entraîne
part des stimuli gustatifs [41] . Enfin, le sentiment de satiété sup-
une sensation du goût désagréable chez un sujet non endormi.
prime les réponses des neurones du cortex orbitofrontal, alors
qu’il n’a aucun effet sur les neurones operculaires ou sur les
neurones du noyau solitaire. C’est dans ce sens que le cor- Origine psychique
tex orbitofrontal pourrait contrôler le comportement alimen- À certains états névrotiques s’associent divers troubles du goût
taire. dont l’origine psychique est incertaine.
L’intégration des composantes du goût est un effet multisenso- L’hypergueusie et l’aversion alimentaire seraient en corrélation
riel venant de plusieurs aires cérébrales (par exemple la perception avec une exagération de la sensibilité à l’amer d’origine génétique.
sucrée, l’odeur, la texture de certains fruits), elles s’enregistrent De même certaines aversions marquées de l’enfant, considérées
enfin dans la mémoire. comme des caprices, sont le fait de sensibilités gustatives indivi-
Le patrimoine génétique commence à être connu [42] . Il est duelles, propres au sujet, génétiquement déterminées.
important, dû au gène codant pour les récepteurs. Un exemple L’hypogueusie idiopathique, associée à une dysgueusie,
est l’attirance pour le gras étudié chez le rat. L’inactivation du s’accompagne de cacogueusie. Toute nourriture est insupportable.
gène CD36 entraîne la perte d’attirance pour la nourriture grasse. Le sujet perd du poids, devient anxieux et déprimé.
De même semble exister chez certaines populations une insensi- Certains de ces états sont considérés comme psychiques.
bilité génétique à l’amer sous l’effet d’une molécule odorante la D’autres ont été améliorés par l’administration de sulfate de zinc.
phénylthiocarbamide.
Le plaisir gustatif [43, 44] comporterait deux composantes, la pre-
mière hédonique « liking » : aimer ce qu’on mange ; la seconde
« wanting » : désir, vouloir proche de l’appétit, point de départ de
libération de dopamine dans le noyau accumbens.
“ Point fort
Les troubles du goût
Physiopathologie Ils sont liés :
• à des atteintes des récepteurs, parfois congénitales
Les troubles du goût entrent dans trois catégories : (Riley-Day) surtout acquises (Gougerot-Sjögren), drogues
• agueusie et hypogueusie ; diverses, tumeurs malignes, congestion nasale ;
• hypergueusie, rare ; • à des atteintes des voies nerveuses : compression, para-
• dysgueusie et hallucinations gustatives. lysie faciale a frigore ;
• à des lésions centrales, hallucinations épileptiques,
Atteintes des récepteurs dégoût par atteinte amygdalienne ou insulaire ;
Ce sont les plus fréquentes, causées par des légions locales très • à une origine psychique : aversion, hypogueusie.
diverses, rarement congénitales, le plus souvent acquises.

10 EMC - Neurologie
Olfaction et gustation  17-003-M-10

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J. Serratrice.
G. Serratrice (georges.serratrice@dbmail.com).
CHU de la Timone, 1 rue de l’Armée-d’Afrique, 13005 Marseille, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Serratrice J, Serratrice G. Olfaction et gustation. EMC - Neurologie 2013;10(1):1-11 [Article 17-003-M-10].

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EMC - Neurologie 11
III - Sémiologie Générale
¶ 17-005-D-10

Locomotion : physiologie, méthodes


d’analyse et classification des principaux
troubles
J.-P. Azulay, S. Cantiniaux, F. Vacherot, M. Vaugoyeau, C. Assaiante

Depuis son acquisition au cours du développement jusqu’à la sénescence, les troubles de la marche, ainsi
que ceux de l’équilibre et de la posture, sont des motifs de consultation fréquents en médecine, et tout
spécialement auprès du neurologue, du rhumatologue et du médecin rééducateur. L’approche de ces
troubles repose essentiellement sur une analyse clinique systématique associée à un examen
neurologique global. La classification proposée dans cet article dans un but très pratique de diagnostic
repose sur le déficit cardinal du trouble : équilibre, déficit moteur, trouble hyper- ou hypokinétique, ce qui
nécessite de connaître les principaux fondements physiopathologiques de la locomotion. Certains
troubles étiquetés complexes intègrent plusieurs dysfonctions dont une dimension cognitive.
L’identification du trouble spécifique de la marche peut dans certains cas déboucher sur une conduite
thérapeutique adaptée : rééducation fonctionnelle, traitement chimique (levodopa), chirurgical
(dérivation ventriculopéritonéale). Les innovations dans ce domaine sont nombreuses ; il faut en
particulier souligner la place que prend la stimulation cérébrale profonde qui donne déjà dans les cibles
classiques des résultats dans de nombreux domaines de la pathologie du mouvement (pallidum interne et
dystonie, noyau sous-thalamique et maladie de Parkinson), mais qui connaît un développement propre
aux troubles posturolocomoteurs avec le ciblage du noyau pédonculopontin en relation directe avec les
études les plus récentes en neurosciences chez l’animal et chez l’homme sur les centres locomoteurs.
© 2009 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Locomotion ; Analyse du mouvement ; Posture ; Troubles de la marche

Plan clinique est capital pour bien typer ces troubles et ainsi
conduire une démarche diagnostique. La classification des
¶ Introduction 1
troubles de la marche est complexe ; nous simplifions ici la
classification de référence qui est celle de Nutt et al. [1] pour la
¶ Généralités sur la marche 1 rendre plus adaptée à la pratique clinique.
Définition 1 Nous excluons de cet article le domaine des troubles de
Cycle locomoteur 2
l’acquisition de la marche, ainsi que les troubles apparaissant
Paramètres de marche 2
dans l’enfance.
Centres locomoteurs 2
¶ Exploration d’un trouble de la marche 3
Examen clinique d’un trouble de la marche et de l’équilibre
Explorations complémentaires
3
4
■ Généralités sur la marche
Méthodes instrumentales 4
¶ Classification des troubles de la marche 5 Définition
Douleur 5 La marche, production motrice très automatisée, échappe
Ataxie 5 largement au contrôle conscient. La marche est constituée d’une
Troubles moteurs déficitaires 5 activité alternée des membres inférieurs, succession de doubles
Troubles moteurs hyperkinétiques 6 appuis et d’appuis unilatéraux. Sur une activité rythmique et
Troubles moteurs hypokinétiques 6 cyclique de fond viennent se greffer les modulations nécessaires
Troubles psychogènes 7 à l’adaptation à l’environnement, aux caractéristiques de la
¶ Principes du traitement 8 personne et à sa volonté. Ainsi, la marche peut être considérée
à la fois comme :
¶ Conclusion 8
• un mouvement en rampe, nécessitant un recrutement pro-
gressif d’unités motrices ;
• un mouvement topocinétique, orienté vers un but ;
■ Introduction • un mouvement morphocinétique, résultat d’un modèle
Les troubles de la marche et de l’équilibre sont une plainte interne dont la réalisation implique des changements fonc-
fréquente en neurologie. Cette plainte peut même exister en tionnels rapides de réseaux de neurones ;
dehors de toute maladie identifiable, en particulier dans le cadre • un mouvement à composantes éréismatiques, c’est-à-dire
du vieillissement physiologique (marche à petits pas, chutes), à faisant intervenir un support nécessitant une coordination
l’origine d’un véritable problème de santé publique. L’examen avec la posture.

Neurologie 1
17-005-D-10 ¶ Locomotion : physiologie, méthodes d’analyse et classification des principaux troubles

Centres locomoteurs
Jambe
Jambe De nombreux résultats expérimentaux étayent l’hypothèse de
gauche
droite l’existence d’un générateur central de patron au sein de la
moelle épinière, centre capable de générer de façon autonome
un patron coordonné d’activation des motoneurones évoquant
la locomotion. En effet, l’expérimentation animale par lésion
étagée a infirmé l’origine périphérique et suprasegmentaire de la
locomotion, et montré que le siège de l’activité rythmique se
Coup du talon gauche Coup du talon droit Coup du talon gauche situe au niveau spinal, mais que son déclenchement dépend de
Orteils droits en l'air Orteils gauches en l'air projections suprasegmentaires monoaminergiques [4]. Grillner et
Zangger [5] considèrent trois principaux éléments dans la
locomotion :
Double Simple Double Simple • les générateurs centraux de patrons, unités fonctionnelles
appui appui appui appui capables de produire une activité rythmique de base à
l’origine du cycle locomoteur ;
• les structures suprasegmentaires contrôlant l’activité spinale et
Appui Oscillation
gauche
relayant les stimuli déclencheurs internes ou externes qui ont
gauche
pour but d’initier le programme locomoteur ;
Appui Oscillation Appui droit • les boucles de régulation d’origine proprioceptive, cutanée,
droit droite vestibulaire ou visuelle adaptant le patron de base aux
conditions rencontrées.
Un cycle (une foulée) Il est admis que le siège de l’activité locomotrice se situe dans
des réseaux d’interneurones spinaux capables de générer une
Figure 1. Cycle de la marche. activité rythmique à l’origine du patron locomoteur. En effet,
lors de la suppression des afférences sensorielles après section
des racines dorsales de la moelle épinière, un patron rythmique
Cycle locomoteur continue d’être exprimé [2, 6], même après spinalisation [7]. De
Le cycle locomoteur (Fig. 1) peut être défini par l’ensemble même, un blocage chimique de la plaque motrice n’empêche
des évènements articulaires, musculaires et biomécaniques qui pas la genèse d’un tel patron d’activité spinale [8].
se produisent entre deux appuis successifs au sol. Il comprend À un niveau supérieur, la locomotion est déclenchée chez
deux phases, la phase de transfert ou balancement pendant tous les vertébrés, des plus primitifs aux plus évolués, par une
laquelle le membre se déplace au-dessus du sol et la phase de commande descendante provenant des « régions locomotrices »
support ou d’appui lorsque le membre est au contact avec le localisées dans le tronc cérébral. Deux types de contrôles
sol [2, 3] dont les durées représentent respectivement 40 % et descendants peuvent s’exercer sur les centres locomoteurs.
60 % du cycle, la durée de la phase de double appui étant Les actions phasiques dépendent des grandes voies issues du
environ de 10 %. tronc cérébral et du cortex : voies rubrospinale, réticulospinale,
Le cycle de marche est constitué de deux phases : vestibulospinale et pyramidale. Elles permettent d’initialiser la
• une phase d’appui comprenant une période de double appui marche, de raccourcir ou de prolonger la phase en cours, ou de
antérieur de réception, suivie d’un temps d’appui unilatéral, déclencher un changement de phase. Elles permettent aussi
pied à plat ; d’ajuster la commande musculaire aux contraintes internes ou
• une phase oscillante, elle-même débutant par un double externes [9].
appui postérieur d’élan suivi de la phase oscillante propre- Les actions modulatrices ont une action globale sur l’excita-
ment dite. bilité du centre locomoteur ; elles proviennent de trois aires
locomotrices supraspinales interconnectées et identifiées par
Paramètres de marche Grillner en 1981 [10] :
• l’aire locomotrice subthalamique, dont la stimulation déclen-
Pas cherait des séquences locomotrices et dont l’exclusion chez
C’est l’intervalle séparant deux appuis au sol du même pied. l’animal décérébré entraînerait la perte de l’activité locomo-
En pratique, on le définit plutôt par deux contacts des talons trice spontanée ;
successifs du même pied. Le demi-pas ou enjambée est l’inter- • l’aire locomotrice mésencéphalique, dont la stimulation à
valle séparant le contact du talon d’un pied et celui de l’autre intensité croissante chez le chat décérébré fait apparaître la
pied. marche, puis le trot puis le galop [11, 12]. Cette région inclut
des aires cérébrales correspondant au noyau pédonculopontin
Longueur du pas
(NPP) et au noyau cunéiforme [12-15] ;
C’est la distance séparant les deux talons lors du double • la région locomotrice du pont mise en évidence par Shick et
appui. Orlovsky en 1976 qui transmettrait à la moelle l’excitation
Largeur du pas provenant des aires locomotrices mésencéphaliques et
subthalamiques [16].
C’est la distance séparant le talon de la ligne de marche : sa
Le NPP est actuellement reconnu comme faisant partie
valeur moyenne est de cinq à six centimètres.
intégrante de la région locomotrice mésencéphalique. Il s’agit
Phase d’appui en fait d’un groupement cellulaire limité en dedans par le
Elle représente 60 % du cycle complet. Cette phase débute et pédoncule cérébelleux supérieur, sur la partie antérolatérale par
se termine par un temps de double appui représentant chacun le lemnisque médian et en arrière par le noyau cunéiforme [17,
18]. On lui reconnaît une pars compacta de petite taille mais
de 10 % à 15 % du cycle complet.
composée de neurones de grande taille, et une pars dissipatus
Phase d’oscillation beaucoup plus volumineuse mais constituée de petits neurones.
C’est la période où un seul des deux pieds est en contact avec Il peut également être divisé en fonction de ses caractéristiques
le sol. Cette phase représente 40 % du cycle complet. cytochimiques puisqu’il contient un contingent de neurones
cholinergiques et un contingent de neurones non cholinergi-
Cadence ques (acide gamma-aminobutyrique [GABA], glutamate).
C’est le nombre de pas effectués par minute. Le NPP est connecté à de nombreuses structures cérébrales
(Fig. 2). Des afférences essentiellement GABAergiques provenant
Vitesse de marche du pallidum interne et de la substance noire pars reticulata ont
Distance parcourue par unité de temps, c’est aussi le produit été mises en évidence chez le primate humain et non
de la longueur moyenne du pas par la cadence. humain [19-21]. Des afférences glutamatergiques provenant du

2 Neurologie
Locomotion : physiologie, méthodes d’analyse et classification des principaux troubles ¶ 17-005-D-10

Cortex cérébral Afférences visuelles,


Téléencéphale auditives, vestibulaires,
et somesthésiques
tronc cérébral et propriceptives
GPI Thalamus
Afférences

Efférences
Putamen Afférences cutanées
NST
NC Moelle
épinière
SNc
SNr NPP Afférences
propriceptives
Tronc Décharges
cérébral antidromiques
Moelle épinière
GCP F E Décharges
Figure 2. Schéma récapitulatif des principales afférences et efférences Interneurones orthodromiques
du noyau pédonculopontin (NPP).
NST : noyau sous-thalamique ; SNr : substance noire pars reticulata ; GPI : IN IN
Ia
globus pallidum interne ; SNc : substance noire pars compacta ;
NC : noyau caudé.
Motoneurones F E II Muscles
Ib
noyau sous-thalamique (NST) ont été observées chez le rat [22].
Enfin, des afférences provenant de la moelle épinière cervicale
et lombaire ont été mises en évidence chez le rat et le chat [23,
24]. Des études chez l’animal ont permis de montrer que le NPP

envoyait des projections ascendantes cholinergiques et non Modulation présynaptique


cholinergiques vers le thalamus [25, 26] et les ganglions de la Sélection interneuronale
base, en particulier le NST et la substance noire pars Rythmogenèse
Propriétés membranaires liées à la tâche
compacta [27-29] . Un contingent moins dense à destination
pallidale et pédonculostriatale a également été identifié [26], de
même que des projections vers le colliculus supérieur et les Figure 3. Organisation segmentaire de la locomotion. Interactions
structures limbiques [30, 31]. Enfin, des projections descendantes sensorimotrices : les entrées sensitives d’origine diverse se projettent sur la
vers le tronc cérébral et la moelle épinière ont été mises en moelle épinière ou le tronc cérébral et sont généralement soumises à un
évidence chez le non-primate. contrôle présynaptique inhibiteur (en jaune) à leur entrée (ce qui peut
La stimulation électrique de la région locomotrice mésen- même induire un courant antidromique). Les entrées afférentes font
céphalique peut par définition conduire à une activité locomo- synapse avec des neurones de second ordre eux-mêmes sous contrôle de
trice, mais la partie cholinergique du NPP semble être le site façon rythmique pour que certaines voies soient ouvertes ou fermées à
optimal [11, 14, 32, 33]. Différentes populations neuronales possé- différentes phases du cycle ou de façon qu’un même stimulus puisse
dant une activité rythmique en relation avec la locomotion ont produire un effet inhibiteur ou stimulateur également selon la phase
pu être enregistrées dans le NPP de chat décérébré [34]. Bien que (interneurones en rose). Ceci est réalisé soit par des messages générés par
leur rôle précis reste à définir, il semble que les neurones des interneurones impliqués directement dans la genèse de pattern
glutamatergiques du NPP soient impliqués dans l’initiation de locomoteurs ou par des interneurones dont l’excitabilité est modulée
mouvements programmés alors que les neurones toniques cycliquement par le générateur central de pattern (GCP) (neurones situés
possiblement cholinergiques pourraient jouer un rôle dans la dans la zone ombrée). Les propriétés membranaires des motoneurones et
maintenance de l’activité locomotrice. des interneurones actifs dans la locomotion peuvent changer également
Les premiers cas de stimulation du NPP chez le patient le gain des stimuli sensoriels. F : flexion ; E : extension ; IN : inter-
parkinsonien ont récemment été décrits dans la littérature et neurones.
suggèrent que le NPP pourrait être une cible intéressante dans
la prise en charge des troubles locomoteurs et posturaux. Cette organisation hiérarchisée permet aux centres supraspi-
Mazzone et al. [35] rapportent le cas de deux patients opérés naux de se libérer d’un certain nombre de tâches dans le contrôle
avec succès selon une technique similaire à celle utilisée pour locomoteur comme la coordination intersegmentaire. Celle-ci est
l’implantation d’électrodes dans le NST. La stimulation à haute donc déléguée au niveau médullaire où les réseaux neuronaux
fréquence (80 Hz) s’est avérée sans effet sur la symptomatologie présentent des capacités d’auto-organisation à l’origine des
des patients mais la stimulation à basse fréquence (10 Hz) a patrons d’activation coordonnés constituant le mouvement
permis une amélioration du score UPDRS III [35]. Plaha et Gill locomoteur. Le contrôle suprasegmentaire peut moduler cette
ont également décrit l’amélioration de la marche et de l’insta- activité, de même que les informations sensorielles.
bilité posturale après stimulation bilatérale à basse fréquence du Les afférences sensorielles intervenant dans le contrôle de la
NPP chez deux patients parkinsoniens évalués sur le score marche sont plurimodales : somatiques (proprioceptives,
UPDRS II et III [36]. Enfin, Stefani et al. en 2007 [37] ont rapporté cutanées), céphaliques (vestibulaires, visuelles, auditives) (Fig. 3).
les effets d’une stimulation bilatérale conjointe du NST et du Elles exercent une action modulatrice sur l’activité spinale afin
NPP chez le patient parkinsonien dans la prise en charge des d’adapter au mieux la locomotion aux conditions rencontrées.
troubles de la marche et dans l’amélioration des signes de la La modulation s’effectue surtout sur les paramètres de fréquence
maladie. Chez six patients parkinsoniens en condition de « off et d’amplitude des décharges musculaires [39, 40].
dopa », la stimulation bilatérale seule des NST était à long terme
plus efficace, mais la stimulation bilatérale seule des NPP
améliorait particulièrement la marche et la posture [38].
■ Exploration d’un trouble
Les ganglions de la base sont des structures largement de la marche
impliquées dans le contrôle moteur, en particulier dans la
réalisation de mouvements automatiques, stéréotypés ou Examen clinique d’un trouble de la marche
autogénérés par le truchement de l’aire motrice supplémentaire. et de l’équilibre
Il paraît donc évident que les ganglions de la base interviennent
au premier chef dans le contrôle de la locomotion. La quasi- Interrogatoire
constance des troubles de la marche dans les syndromes Comme dans toute démarche clinique, il s’agit d’un temps
parkinsoniens en est un argument majeur [29]. essentiel : la date de début des troubles, leur mode

Neurologie 3
17-005-D-10 ¶ Locomotion : physiologie, méthodes d’analyse et classification des principaux troubles

Tête
Épaule

Hanche

1 semaine 10 mois

Pied
2 640 ms 1 560 ms
Figure 4. Différents modes de représentation d’une analyse de la marche de l’enfant.

d’installation, le type de la plainte principale (douleur et sa vitesse de marche doivent être évalués de façon subjective ou
relation avec l’effort, faiblesse, instabilité [à bien différencier quantifiée au cours d’une épreuve standardisée (durée et
d’un vertige]), petits pas, raideur, manifestations associées nombre de pas lors d’un lever de chaise suivi d’une marche sur
neurologiques et non neurologiques (psychologiques en 7 mètres par exemple). L’absence de ballant d’un membre
particulier) sont à faire préciser. Le regard d’un tiers est parfois supérieur doit être recherchée. Le demi-tour ou le passage d’une
nécessaire, certains troubles étant mieux perçus par l’entou- porte ou d’un obstacle peuvent permettent de mettre en
rage que par le patient (ralentissement, perte du ballant d’un évidence un freezing (piétinement sur place). On peut également
bras). rapidement évaluer le rôle d’indices visuels en demandant aux
La sévérité du trouble doit être évaluée dans la vie quoti- patients de prendre des repères au sol ou le rôle des facteurs
dienne : chutes ou « presque-chutes » (le near fall-no fall des attentionnels au moyen d’une double tâche (calcul mental).
auteurs anglo-saxons qui est une étape importante de la prise en Dans certains cas où l’ataxie est peu importante, l’équilibre
charge précédant en général la survenue de chutes vraies), leurs statique mesuré à l’épreuve de Romberg peut être normal alors
conséquences (traumatismes, fractures, hospitalisations), sorties que l’équilibre dynamique mesuré lors d’une marche funambu-
non accompagnées du domicile avec ou sans prise de transports lesque, plus sensible, est très perturbé.
en commun, sorties accompagnées, absence de sorties du Examen neurologique
domicile, capacité à monter (force) ou descendre un escalier
(équilibre), autonomie pour les activités (ménage, cuisine) et les Temps essentiel et orienté selon le contexte clinique, il
gestes de la vie quotidienne (habillage et toilette en particulier), recherche en particulier un déficit moteur, un syndrome
utilisation d’une canne, d’un fauteuil roulant ou d’un déambu- pyramidal, extrapyramidal ou cérébelleux, des troubles de la
lateur. La liste complète des médicaments pris par le patient sensibilité profonde, des troubles cognitifs.
doit être également connue.
Examen
Explorations complémentaires
L’examen en lui-même comporte, outre l’examen neurologi- Elles sont demandées selon le contexte clinique : imagerie de
que général, un examen spécifique de l’équilibre, de la posture la moelle épinière ou du cerveau, électromyogramme (EMG),
et de la marche. Cet examen se fait le malade ayant les pieds examen audiovestibulaire. Une analyse quantifiée des troubles
nus, dans un espace suffisant, bien éclairé. de la posture (posturographie) ou de la marche est réalisable
dans certains centres, et permet au mieux de définir et de
Posture dans sa composante d’équilibre quantifier les déficits.
L’épreuve de Romberg est l’examen de référence : le patient Quelquefois des tests thérapeutiques peuvent être utiles : il
est debout les talons joints et les pieds légèrement écartés à 45°. s’agit surtout d’un test de soustraction de liquide céphalorachi-
Les bras peuvent être ballants ou tendus à la recherche d’une dien dans les suspicions d’hydrocéphalie à pression normale, ou
déviation latéralisée. L’examen se fait yeux ouverts puis fermés d’un test à la levodopa dans certains troubles de la marche
afin d’évaluer la contribution visuelle toujours plus importante hypokinétiques ou dystoniques.
en cas de déficit d’une autre entrée sensorielle, en particulier
proprioceptive. Une instabilité révélée à cette épreuve fait parler Méthodes instrumentales (Fig. 4)
d’ataxie qui peut être de trois origines : proprioceptive, vestibu-
laire ou cérébelleuse. Les limites d’un simple examen clinique sont évidentes :
purement subjectif, il ne permet pas d’apprécier de façon
Réflexes posturaux quantifiée les divers paramètres de la marche ; en particulier, les
On teste ici essentiellement les capacités du sujet à maintenir mouvements à grande vitesse lui échappent. Pour ces raisons,
l’équilibre après une rétropulsion brusque de l’examinateur des méthodes précises d’analyse de la marche ont été proposées.
placé derrière le patient prévenu de la poussée pour évaluer les Actuellement, l’analyse quantifiée de la marche repose sur les
réflexes d’anticipation. Ces réflexes sont altérés en cas de lésion enregistrements synchronisés de la cinématique, de la dynami-
des noyaux gris centraux ou des régions frontales. que et de l’électromyographie.
Posture dans sa composante d’orientation L’analyse cinématique de la marche a bénéficié de l’avancée
technologique et actuellement diverses techniques sont dispo-
Un trouble de la position du tronc et/ou de l’axe cervi-
nibles sur le marché : systèmes de caméra avec vidéocassettes ;
cocéphalique doit être recherché soit dans le plan sagit-
systèmes optiques et optoélectroniques.
tal (flexion ou extension du tronc, de la nuque [antecolis,
Durant les années 1970 se développèrent des techniques
rétrocolis, camptocormie]), soit dans le plan frontal (pisa
optoélectroniques d’analyse de la marche et du mouvement,
syndrome). Son origine dystonique ou déficitaire doit être
informatisées, et donc précises et rapides [41-43]. Les systèmes
évaluée mais parfois sans possibilité de trancher.
cinématiques actuels enregistrent avec précision, fiabilité et
Marche reproductibilité les positions successives dans l’espace d’un
Plusieurs temps doivent être examinés : l’initiation, la marche certain nombre de marqueurs réfléchissants placés sur des
stabilisée et le demi-tour. La longueur du pas, sa largeur, la points précis de l’anatomie du sujet. Ces marqueurs sont dits

4 Neurologie
Locomotion : physiologie, méthodes d’analyse et classification des principaux troubles ¶ 17-005-D-10

actifs ou passifs suivant qu’ils sont ou non identifiés à l’aide mécanisme d’évitement de la douleur (boiterie) ou d’une
d’un fil électrique portant cette information. Ces systèmes véritable limitation (claudication intermittente). Certaines
permettent un traitement des images dans les trois dimensions douleurs sont très spécifiques (myalgies d’effort et phénomène
de l’espace et le calcul de l’ensemble des paramètres spatiotem- de second souffle d’une maladie de Mac Ardle [glycogénose
porels de la locomotion (longueur et durée du pas, de l’enjam- musculaire]).
bée, vitesse et cadence, largeur du pas, durée de la phase
oscillante et de la phase de double appui, analyse des flexions Ataxie
et extensions, etc.). Ils permettent également l’analyse des
mouvements de tous les segments qui auront été préalablement Cérébelleuse
définis dans le modèle et par exemple des stratégies de stabili- On distingue cliniquement le syndrome cérébelleux statique
sation segmentaire au cours de la locomotion [44]. en relation avec une lésion du vermis et le syndrome cérébel-
D’autres méthodes plus analytiques reposent sur des systèmes leux cinétique secondaire à une lésion des hémisphères. L’ataxie
à transduction mécanoélectrique : le système de Bessou (loco- est multidirectionnelle à l’épreuve de Romberg, sans anomalie
mètre), les goniomètres, les accéléromètres, les inclinomètres. des réflexes posturaux, non majorée à l’occlusion des yeux. La
Ces systèmes ont l’avantage d’être moins encombrants que les marche est classiquement ébrieuse, le polygone est élargi, la
systèmes optoélectroniques, mais chacun d’entre eux ne fournit marche funambulesque précocement altérée. Les chutes sont
qu’une information partielle. On peut également évaluer la relativement rares compte tenu de l’instabilité observée à
pression plantaire au cours de la marche qui exprime indirecte- l’examen. Les principales étiologies de ce groupe sont l’alcoo-
ment la force exercée au sol par le pied ou l’EMG de surface qui lisme, la sclérose en plaques, un accident vasculaire cérébral,
permet la détermination de la séquence d’activation des une ataxie cérébelleuse héréditaire autosomique récessive à
différents muscles impliqués dans la locomotion. début précoce le plus souvent (ataxie de Friedreich, déficit en
vitamine E) ou autosomique dominante à début plus tardif
■ Classification des troubles après 30 ans (mutations SCA), une tumeur, un syndrome
paranéoplasique (syndrome des anticorps anti-Yo chez la femme
de la marche le plus souvent lié à un cancer de l’ovaire), la maladie de
Creutzfeldt-Jakob.
Plusieurs classifications ont été proposées ; la plus utilisée
actuellement est celle de Nutt et al. [1, 45-47], mais complexe et Vestibulaire
peu opérationnelle en pratique clinique, elle s’est surtout Généralement de survenue aiguë, le syndrome vestibulaire
attachée à classifier les nombreux troubles de la marche périphérique est bruyant, se manifestant sous la forme d’un
d’origine frontale. Nous proposons ici de classer les troubles de vertige rotatoire accompagné de vomissements et de signes
la marche et de l’équilibre à partir du déficit fonctionnel végétatifs. Les anomalies de la marche et de l’équilibre sont
cardinal tel qu’il a pu être défini au terme de l’enquête clinique latéralisées du côté de la saccade lente du nystagmus vers le côté
que nous venons de décrire. Cela n’implique pas que ce trouble malade. Cette déviation est beaucoup moins systématique dans
est isolé, mais qu’il est le mécanisme central contre lequel lutter les vertiges centraux où le syndrome vestibulaire est dit dyshar-
en particulier au plan thérapeutique. monieux par opposition avec le syndrome vestibulaire
périphérique.
Proprioceptive
“ Point fort L’atteinte des voies proprioceptives périphériques (fibres
sensitives myélinisées de grand diamètre, ganglion rachidien
postérieur) ou central (cordons postérieurs de la moelle et relais)
Classification des troubles de la marche et de
provoque un déficit de la sensibilité profonde (vibrations, sens
l’équilibre de position et de mouvement) responsable d’une ataxie et
• Douleur parfois d’un tremblement. L’épreuve de Romberg est très
• Ataxie perturbée, aggravée nettement à la fermeture des yeux. Les
C cérébelleuse réflexes de posture sont normaux, le polygone est élargi. La
C vestibulaire marche est talonnante, l’appui au sol est mal contrôlé et le
C proprioceptive contact parfois violent.
• Troubles moteurs : déficit moteur La maladie de Biermer, le syndrome paranéoplasique avec
anticorps anti-Hu essentiellement satellite d’un cancer anapla-
C central
sique à petites cellules du poumon, le tabes dorsalis, les
C périphérique neuropathies inflammatoires (immunoglobulinémie M mono-
• Troubles moteurs : mouvements anormaux clonale, polyradiculonévrites) sont les grandes étiologies de
C dystonie groupe.
C chorée
C tremblement : tremblement essentiel ; tremblement Troubles moteurs déficitaires
orthostatique
Central
• Troubles moteurs hypokinétiques
C syndromes parkinsoniens Le déficit s’associe le plus souvent à une spasticité après un
certain temps d’évolution, et il faut faire la part clinique entre
C freezing isolé ce qui revient à l’hypertonie et ce qui revient à la faiblesse. Les
C hydrocéphalie à pression normale syndromes les plus fréquents sont les séquelles d’accident
C états lacunaires vasculaire cérébral, essentiellement sous la forme d’une hémi-
C troubles complexes d’origine sous-cortico-frontale parésie ou d’une hémiplégie à l’origine d’un fauchage, le
• Troubles psychogènes membre supérieur homolatéral étant fixé en adduction [48, 49].
C marche précautionneuse Les paraparésies avec spasticité donnent des marches très
C phobie de la marche enraidies qualifiées parfois de marche en ciseaux. Elles sont
C marches somatoformes et simulations secondaires à des affections de la moelle épinière : sclérose en
plaques, myélite, compression tumorale ou mécanique, et
maladie de Strümpell-Lorrain (paraparésie spastique héréditaire)
en sont les grandes causes. Une claudication intermittente mais
Douleur plus déficitaire que douloureuse peut se voir, des troubles
La douleur est souvent le mécanisme mis en avant par les sensitifs et sphinctériens peuvent être présents dans certaines
malades pour expliquer une gêne à la marche. Il s’agit d’une étiologies, une ataxie proprioceptive pouvant alors s’intriquer au
démarche non spécifique où le trouble observé relève d’un déficit moteur.

Neurologie 5
17-005-D-10 ¶ Locomotion : physiologie, méthodes d’analyse et classification des principaux troubles

Périphérique constamment une prédominance sur un hémicorps et une très


Il s’agit soit de neuropathie périphérique où le déficit touche bonne dopasensibilité. Le patient arrive à normaliser sa marche
et prédomine souvent sur les extrémités (steppage), soit d’affec- avec un effort de volonté. La cadence du pas est augmentée
tions musculaires dont la topographie déficitaire est souvent pour compenser la perte de longueur d’enjambée. Il n’y a pas
symétrique et à prédominance proximale, donnant une démar- ou peu de troubles posturaux. Dans les formes plus tardives, la
che dandinante se combinant parfois à un déficit axial donnant longueur de l’enjambée est plus basse et seulement partielle-
une attitude dite en « roi de comédie ». Des chutes par dérobe- ment corrigeable par la volonté ou par indiçage externe visuel
ment sont possibles. (bandes au sol). Des signes peu sensibles à la levodopa apparais-
sent comme le freezing qui est un piétinement sur place appa-
raissant au début au démarrage, à la traversée d’un passage
Troubles moteurs hyperkinétiques étroit ou lors d’un demi-tour, puis pouvant survenir à tout
Dystonie moment lors de la locomotion et provoquer des chutes en
avant. Une perte progressive des réflexes posturaux s’associe le
Il s’agit du type de mouvement anormal donnant le plus de plus souvent, entraînant des chutes dans ce cas plutôt vers
troubles de la marche, et dans un certain nombre de cas le l’arrière.
trouble moteur se révèle par un trouble de la marche isolée. Les
dystonies des membres inférieurs peuvent être unilatérales ou Autres syndromes
bilatérales. Les aspects cliniques sont très variables selon les L’atrophie multisystématisée [59, 60], dans sa forme parkinso-
formes : pseudosteppage ; marche dite en héron avec élévation nienne ou dans sa forme cérébelleuse, et la paralysie supranu-
des genoux ; marche pseudospastique ; marche de dromadaire cléaire progressive [61] comportent des troubles posturaux et
par flexion-extension alternative du tronc. Un test de dopasen- locomoteurs plus précoces et plus sévères que ceux de la
sibilité doit être réalisé. Les principales étiologies sont les maladie de Parkinson, avec en particulier des chutes en début
dystonies généralisées héréditaires (mutation DYT1), les dysto- d’évolution, donnée clinique devant remettre en cause le
nies dopasensibles, la maladie de Parkinson surtout à début diagnostic de maladie de Parkinson idiopathique.
précoce d’origine génétique (mutations Parkine), les anoxies Freezing isolé [62]
néonatales.
Certains patients peuvent présenter durant de nombreuses
Chorée années un freezing sans autres manifestations motrices et en
Il s’agit ici des troubles observés dans la chorée de Hunting- particulier locomotrices, et qui partage les mêmes caractéristi-
ton [50, 51] et des dyskinésies induites par la levodopa chez les ques que celui observé dans les syndromes parkinsoniens. Cette
parkinsoniens. Dans la maladie de Huntington, les troubles de manifestation peut rester isolée, s’associer à un freezing de la
la marche et de l’équilibre sont complexes : atteinte sévère des parole ou évoluer vers une maladie neurodégénérative, en
réflexes posturaux, syndrome akinétique, mouvements choréo- particulier une paralysie supranucléaire progressive.
dystoniques axiaux et des membres. La marche est souvent Hydrocéphalie à pression normale [63-65]
perdue en cours d’évolution, et les chutes sont fréquentes et
parfois très traumatisantes, d’autant que le patient autant par De gravité variable, une hydrocéphalie à pression normale
anosognosie que par impulsivité prend peu de précautions. peut causer soit une marche à petits pas (hypokinétique), soit
un trouble plus complexe. Cette affection, qui est liée à un
Tremblement trouble de la résorption du liquide cérébrospinal, s’exprime
Tremblement essentiel cliniquement par l’association de troubles de la marche, d’une
démence frontale et d’un comportement d’urination. Les
Peu symptomatique, un discret trouble de l’équilibre proche réflexes posturaux sont très perturbés, la marche est lente, à
de ce qui est mis en évidence dans les syndrome cérébelleux a petits pas, la cadence contrairement à la maladie de Parkin-
été trouvé dans le tremblement essentiel par des études son [66] est effondrée, le ballant est conservé. Il existe un
posturographiques. élargissement du polygone de sustentation et un freezing dans
Tremblement orthostatique [52] 20 à 30 % des cas. On peut également noter une aimantation à
Il s’agit d’un tremblement de fréquence élevée (de 14 à la marche distincte d’un freezing : le patient avance en faisant
18 Hz) touchant surtout les membres inférieurs et non perçu glisser ses pieds qui restent collés au sol comme s’il patinait. Ce
par le patient qui se plaint d’une sensation d’instabilité ou de trouble est considéré parfois comme un trouble praxique de la
dérobement en position debout immobile, la marche n’étant marche à l’origine d’une perte de la capacité à générer un pas
pas touchée. Il est révélé par un EMG des membres inférieurs normal et peut aboutir à une perte complète de la marche, le
qui doit être réalisé en position debout immobile pour révéler patient restant debout immobile, incapable d’avancer. Le
l’activité EMG caractéristique. diagnostic est fait à l’imagerie par résonance magnétique
(Fig. 5) ; la dérivation ventriculopéritonéale permet le plus
souvent une bonne récupération.
Troubles moteurs hypokinétiques
Il s’agit du trouble le plus fréquent de la marche, qui pourrait États lacunaires
représenter un tiers de l’ensemble des troubles de la marche. Il Responsables le plus souvent d’un trouble complexe, les états
se définit par une diminution de la longueur d’enjambée qui est lacunaires peuvent induire un trouble de la marche relativement
le déficit primaire à l’origine de la perte de vitesse. La cadence isolé, essentiellement de type hypokinétique, avec ou sans
du pas, quant à elle, peut être normale, augmentée et jouer un freezing, le ballant des bras restant conservé (lower body parkin-
rôle compensateur, ou diminuée. On retient dans ce groupe les sonism) [67]. L’existence d’un tremblement postural, la prédomi-
formes où l’hypokinésie est l’élément cardinal, parfois associée nance des manifestations cliniques aux membres inférieurs, les
à d’autres manifestations mais qui restent au second plan. On facteurs de risque vasculaire, les données de l’imagerie par
distingue un autre groupe d’origine multiple et complexe où la résonance magnétique cérébrale confirment le diagnostic.
réduction de la longueur d’enjambée n’est qu’un des éléments
sémiologiques du trouble moteur. Troubles complexes d’origine sous-corticofrontale
Syndromes parkinsoniens Plusieurs étiologies peuvent donner ces troubles complexes
[53-58]
d’origine sous-corticofrontale : hydrocéphalie à pression nor-
Maladie de Parkinson male, syndromes dégénératifs, états lacunaires sont le plus
Il s’agit du modèle le plus pur, du moins en début d’évolu- fréquemment en cause. Plusieurs sous-types ont été distingués
tion, de trouble hypokinétique de la marche et celui qui a été par Nutt et al. [1] puis Thompson [47], qui, selon la prédomi-
le mieux étudié. De nombreuses études quantifiées ont permis nance de l’instabilité posturale ou du trouble locomoteur,
d’en définir les principales caractéristiques. On peut différencier rangeaient également dans cette catégorie le freezing isolé et la
deux grandes périodes. Dans la forme de début, la marche est marche précautionneuse que nous avons placés dans d’autres
ralentie par réduction de la longueur d’enjambée, il existe sous-groupes.

6 Neurologie
Locomotion : physiologie, méthodes d’analyse et classification des principaux troubles ¶ 17-005-D-10

Figure 5. Imagerie par résonance magnétique cérébrale. Hydrocéphalie à pression normale.

L’analyse de ce type de troubles comprend les données de certaines situations particulièrement anxiogènes sont évitées
l’examen neurologique à la recherche des manifestations (foule, transports en commun). Ce trouble résulte de la sensa-
cliniques plus particulièrement fréquentes dans ce contexte : tion éprouvée par le sujet, justifiée ou non, d’une instabilité.
présence d’une paralysie oculomotrice, d’une démence, de
signes frontaux, pyramidaux, d’un syndrome pseudobulbaire. Phobie de la marche
Sur le plan locomoteur, le tableau peut associer une ataxie, des
Il s’agit de l’étape ultérieure, déclenchée le plus souvent par
anomalies sévères des réflexes posturaux à l’origine d’une
la survenue de chutes. Le sujet peut être porteur d’une affection
instabilité parfois majeure, une marche hypokinétique accom-
neurologique responsable d’une instabilité ou être indemne de
pagnée ou non d’un freezing, d’une apraxie à la marche. Les
toute affection neurologique. Le tableau se présente comme une
facteurs attentionnels peuvent jouer un rôle important, en
peur panique de marcher : si le patient est poussé à faire
particulier dans la survenue des chutes.
quelques pas, il s’agrippe à l’examinateur ou à des meubles, aux
murs, au prix de postures hasardeuses à haut risque de chutes.
Troubles psychogènes Toute tentative de lâcher le sujet s’accompagne de réactions
Les troubles du mouvement psychogènes sont relativement anxieuses majeures. Une rééducation intensive est le seul
fréquents et les troubles de la marche peuvent représenter traitement parfois efficace alors que les psychotropes ont peu
jusqu’à 10 % des patients entrant dans cette catégorie [68]. On d’effet.
peut considérer trois grands types de troubles psychogènes de la
marche. Troubles somatoformes et simulations
Cette terminologie peu satisfaisante qualifie un ensemble de
Marche précautionneuse manifestations psychogènes où des prototypes de marche
Il s’agit d’une marche ralentie, prudente, sans déficit majeur, pathologiques sont reproduits parfois de façon caricaturale
marquée par la recherche d’appuis et le besoin d’une réassu- (marche hémiplégique, marche ataxique). Un certain nombre
rance ou d’une présence. Elle se voit chez les sujets âgés et plus d’incohérences à l’examen clinique permettent en général le
fréquemment chez la femme. L’autonomie est respectée, seules diagnostic.

Neurologie 7
17-005-D-10 ¶ Locomotion : physiologie, méthodes d’analyse et classification des principaux troubles

■ Principes du traitement contre la sarcopénie du sujet âgé par exemple. La médecine


physique peut également rendre de l’autonomie aux patients
La prise en charge thérapeutique des troubles de la marche grâce à des appareillages ou au port de chaussures orthopédi-
est très variable et dépend largement de la nature des troubles. ques comme par exemple dans les neuropathies héréditaires de
Il peut s’agir d’un traitement médicamenteux et, dans ce cas, Charcot-Marie-Tooth. Des gestes locaux (chirurgie d’allonge-
l’exemple le plus significatif est le traitement dopaminergique ment des tendons, correction d’un pied bot, injection de toxine
de la marche parkinsonienne. Le traitement de substitution botulique) permettent également parfois d’obtenir des gains
dopaminergique est efficace sur la longueur d’enjambée et en fonctionnels non négligeables dans la vie quotidienne du
conséquence augmente la vitesse de marche. Certaines anoma- patient et par exemple de retarder le passage au fauteuil roulant
lies sont en revanche potentiellement doparésistantes comme le qui en dernier recours reste parfois, et la hantise du malade, et
freezing le plus souvent (les pieds restent gelés sur place) ou le seul moyen de préserver une certaine autonomie.
l’instabilité posturale. La stimulation des noyaux sous-
thalamiques est efficace sur les anomalies dopasensibles et
n’améliore pas, voire aggrave dans certains cas, les troubles
■ Conclusion
locomoteurs non dopasensibles, ce qui a conduit à proposer L’approche diagnostique des troubles de la marche et de
d’autres cibles comme le NPP (cf. supra). On peut donner l’équilibre est essentiellement clinique, comportant l’analyse
comme autre exemple le rôle des antispastiques dans les spécifique de ces troubles ainsi que les données de l’examen
paraparésies spastiques ou le traitement immunomodulateur neurologique général qui doit être orienté selon le contexte et
d’une neuropathie inflammatoire qui peut également améliorer le trouble posturolocomoteur observé (Fig. 6). Les mécanismes
la marche et l’équilibre. Dans de nombreux cas, nous ne sont parfois intriqués et il peut être difficile d’établir la
disposons pas de traitements suffisants et il est nécessaire responsabilité de chacun, mais un trouble prédominant doit
d’avoir recours à la médecine physique : séances de rééducation être identifié pour la conduite diagnostique et la prise en charge
axées sur la marche et l’équilibre, qui doivent tenir compte des thérapeutique du patient. Il faut également se rappeler qu’un
spécificités de chaque trouble (rôle des indices visuels dans la trouble de la marche et de l’équilibre peut être le mode d’entrée
maladie de Parkinson, rôle des facteurs attentionnels chez le dans une affection neurologique dont l’expression symptomati-
sujet âgé détérioré, peur panique des phobiques et besoin de que se complètera, ou rester isolé, en particulier chez les gens
réassurance). La rééducation de la marche est parfois la seule âgés où ce trouble est compliqué de chutes fréquentes, respon-
issue comme dans le syndrome post-chute. Le renforcement sables de perte d’autonomie, voire de décès. Il s’agit dans ce
musculaire doit également être pris en compte pour lutter contexte le plus souvent d’une origine polyfactorielle où le rôle

Sciatique Niveau sensitif


Douleur Canal lombaire étroit + Réflexes rotuliens vifs Myélopathie
= boiterie Ostéoarticulaire + Signe de Babinski

Distaux
Troubles sensitifs + Réflexes rotuliens Neuropathie
diminués

Hémiplégie Accident vasculaire


Troubles Déficit
Fauchage cérébral
de la marche moteur
Sclérose en plaques

Atteinte proximale
Pas de troubles sensitifs Dandinante, « roi de Myopathie
comédie »

Akinésie, rigidité, tremblement Syndrome parkinsonien


Courbé en avant, fléchi - maladie de Parkinson
Demi-tour décomposé - neuroleptiques
Lenteur
Akinésie, aimantation Marche frontale
± troubles de la miction Hydrocéphalie à pression normale
± troubles cognitifs État lacunaire

Pas de Ataxie proprioceptive


déficit Marche talonnante - atteinte médullaire
Pallesthésie - neuropathie
- vitamine B12

Syndrome cérébelleux
Élargissement du polygone
Vitesse normale - tumeur
de sustentation
- syndrome paranéoplasique
Pseudo-ébrieuse
- atrophie multisystématisée

Syndrome vestibulaire
Nystagmus
- maladie de Ménière
Vertige vrai
- tumeur de la fosse postérieure

Figure 6. Arbre décisionnel. Approche diagnostique des troubles de la marche et de l’équilibre.

8 Neurologie
Locomotion : physiologie, méthodes d’analyse et classification des principaux troubles ¶ 17-005-D-10

des entrées sensorielles (vue), des troubles attentionnels et des [28] Edley SM, Graybiel AM. The afferent and efferent connections of the
médicaments sont majeurs. Comme dans tous les troubles feline nucleus tegmenti pedunculopontinus, pars compacta. J Comp
moteurs, la composante psychologique ne doit pas être Neurol 1983;217:187-215.
sous-évaluée. [29] Woolf NJ, Butcher LL. Cholinergic systems in the rat brain: III. Pro-
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Neurologie 9
17-005-D-10 ¶ Locomotion : physiologie, méthodes d’analyse et classification des principaux troubles

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J.-P. Azulay, Professeur des Universités-praticien hospitalier (jean-philippe.azulay@ap-hm.fr).


S. Cantiniaux, Assistant-chef de clinique.
Service de neurologie et pathologie du mouvement, Hôpital de la Timone, 264, rue Saint-Pierre, 13005 Marseille, France.
Groupe DPA, UMR6149, Pôle 3C, CNRS-Université Saint-Charles, 13311 Marseille cedex 20, France.
F. Vacherot, Étudiant en thèse.
M. Vaugoyeau, Ingénieur de recherche CNRS.
C. Assaiante, Directeur de recherche CNRS.
Groupe DPA, UMR6149, Pôle 3C, CNRS-Université Saint-Charles, 13311 Marseille cedex 20, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Azulay J.-P., Cantiniaux S., Vacherot F., Vaugoyeau M., Assaiante C. Locomotion : physiologie, méthodes
d’analyse et classification des principaux troubles. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris), Neurologie, 17-005-D-10, 2009.

Disponibles sur www.em-consulte.com


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10 Neurologie
Encyclopédie Médico-Chirurgicale 17-007-B-10 (2004)
17-007-B-10

Mouvements anormaux
(dystonie, athétose, chorée, ballisme)
F. Vingerhoets
H. Russmann
A. Carruzzo
Résumé. – Les mouvements anormaux sont actuellement subdivisés en syndromes akinétiques et en
P. Combremont
syndromes hyperkinétiques. Parmi ces derniers, la dystonie, l’athétose, la chorée et le ballisme ont, comme
J. Ghika
point commun, le dysfonctionnement des circuits des noyaux gris centraux qui provoque leur survenue. La
dernière décennie a été marquée par l’avènement d’une meilleure définition de ces circuits et le
développement de la biologie moléculaire qui, tous deux, ont amené à une meilleure compréhension de ces
mouvements involontaires tant d’un point de vue physiopathologique qu’étiologique. Ainsi, l’approche
courante des mouvements anormaux fait appel, en plus de leur reconnaissance sémiologique, à une
connaissance de l’important diagnostic différentiel qui les sous-tend afin de diriger les examens paracliniques
et d’engager un traitement adéquat. La panoplie thérapeutique s’étend avec l’apparition de traitements
potentiellement neuroprotecteurs, neuroreconstructeurs et des traitements symptomatiques médicamenteux,
par injection de toxine botulique et neurochirurgicaux telle la stimulation cérébrale profonde.
© 2003 Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Mots-clés : Dystonie ; Chorée ; Hémiballisme ; Maladies neurodégénératives ; Neurogénétique ; Noyaux gris


centraux

Introduction Elles sont favorisées par l’action, la posture et le stress et peuvent


être vaincues par un « geste antagoniste » qui consiste volontiers en
Les mouvements anormaux sont actuellement divisés en deux un simple attouchement de la région participant à la dystonie : par
grands groupes, l’un comprenant les syndromes akinétiques et les exemple, la dystonie cervicale disparaît lorsque le patient se touche
parkinsonismes, caractérisés par la pauvreté et la lenteur des le menton. Les dystonies peuvent apparaître exclusivement lors du
mouvements et l’autre comprenant l’ensemble des syndromes maintien d’une posture (dystonie posturale) ou pendant une action
hyperkinétiques, caractérisés par un excès de mouvement ou des (dystonie d’action) et sont alors volontiers accompagnées d’une
mouvements involontaires. Le premier groupe est traité dans « diffusion » de l’activité musculaire, caractérisée par le recrutement
d’autres chapitres de cette encyclopédie et ne sera pas abordé ici, le de groupes musculaires ne participant pas normalement au
second est aussi en partie traité par ailleurs tels les tremblements, mouvement. Ce recrutement peut s’étendre au membre atteint ou à
les myoclonies, les tics et certaines dyskinésies médicamenteuses. son homologue. Enfin, lors de la mobilisation passive, le tonus peut
Nous allons nous limiter ici à présenter les mouvements anormaux être augmenté de façon similaire au parkinsonisme et on peut voir
dont les mécanismes d’apparition sont suspectés inclure une apparaître une anomalie des réflexes consistant en la contraction du
anomalie au niveau des circuits moteurs des ganglions de la base. Il muscle raccourci en réponse à l’étirement de son antagoniste :
s’agit des dystonies, de l’athétose, des chorées et du ballisme. En réflexes des raccourcisseurs.
effet, ces mouvements anormaux, initialement décrits comme des Les dystonies peuvent être subdivisées selon :
entités distinctes, sont fréquemment associés et méritent à ce titre – leur topographie :
d’être traités ensemble.
– focale : atteignant une seule région corporelle, telle la main, les
paupières ;
Définitions cliniques et sémiologie – segmentaire : atteignant des régions corporelles adjacentes
cervicale et brachiale ;
La dystonie est caractérisée par des contractions musculaires,
– multifocale : atteignant des régions corporelles séparées ;
soutenues et durables, de groupes musculaires agonistes et
antagonistes, engendrant des mouvements répétitifs (mouvements – généralisée : atteignant généralement les deux membres
dystoniques) ou des postures anormales (postures dystoniques). Ces inférieurs et une autre région corporelle ;
contractions peuvent être brèves (secondes : spasme, dystonie – hémidystonie : n’atteignant qu’un hémicorps ;
myoclonique), prolongées (minutes : mouvements dystoniques,
dystonie phasique), ou soutenues (heures : posture dystonique, – l’âge d’apparition :
dystonie tonique). Elles disparaissent pendant le sommeil, mais – enfance, adolescence : débutant volontiers à une jambe ou à un
peuvent amener à des déformations ostéoarticulaires persistantes. bras et se généralisant par la suite ;
– adulte : débutant plus volontiers dans la région craniocervicale
et restant focale ou segmentaire) ;
F. Vingerhoets – l’étiologie (primaire ou secondaire). [13]
Adresse e-mail: francois.vingerhoets@chuv.hospvd.ch
H. Russmann, A. Carruzzo, P. Combremont, J. Ghika
L’athétose qui littéralement signifie une « impossibilité de maintenir
Service de neurologie du Pr Bogousslavsky, CHU-Vaudois,1011 Lausanne, Suisse. une position stable » est caractérisée par des mouvements lents,
17-007-B-10 Mouvements anormaux (dystonie, athétose, chorée, ballisme) Neurologie

sinueux, continus, reptiformes, irréguliers, essentiellement prolongée du muscle quadriceps qui est due à la superposition d’un
appendiculaires à prédominance distale (comme des mouvements mouvement choréique sur le mouvement réflexe (phénomène de
des tentacules de poulpe), volontiers augmentés par l’activation Weill).
d’une autre partie du corps, le stress ou les stimulis sensoriels, Le ballisme (du grec « jeter ») est un mouvement involontaire d’un
disparaissant durant le sommeil. Ils s’exacerbent lors d’activités membre, brusque, violent, explosif, imprévisible et très ample, en
intellectuelles, avec les émotions et les stimulations sensitives. flexion, extension ou torsion, volontiers déclenché par une action et
Parfois très lente et entraînant une posture anormale, l’athétose se augmenté par le stress, prédominant à la racine des membres,
rapproche des dystonies. Parfois plus rapide, on peut la considérer réalisant souvent un geste de « lanceur de javelot ». Il est similaire à
avec la chorée dans un continuum avec, à une extrémité, les la chorée hormis l’amplitude et une relative stéréotypie qui contraste
mouvements les plus lents qui représentent l’athétose et, à l’autre avec l’anarchie fantaisiste de cette dernière. Néanmoins il est malaisé
extrémité, les plus rapides représentant la chorée ; les mouvements de séparer complètement ces deux mouvements car le ballisme
intermédiaires étant définis sous le terme de choréoathétose. Les évolue souvent vers la chorée et les patients présentant des chorées
mouvements peuvent être interrompus par des spasmes non importantes présentent volontiers des mouvements balliques.
douloureux, typiquement de brève durée, mais qui peuvent devenir Lorsqu’un seul membre est atteint, on parle de monoballisme et
permanents, conduisant à des déformations. En dehors des spasmes, d’hémiballisme lors de la participation d’un hémicorps, situation la
le tonus est diminué. Lors des mouvements volontaires, on observe plus fréquente, qui signe classiquement une atteinte aiguë du noyau
une contraction anormale des muscles antagonistes et une extension sous-thalamique (corps de Luys) et plus généralement une atteinte
de la contraction musculaire à des groupes qui ne participent du circuit des ganglions de la base controlatérale.
habituellement pas au mouvement donné. C’est par cet aspect que
l’athétose est fort semblable à la dystonie, à laquelle elle est intégrée
dans le monde anglo-saxon. Cela peut conduire le patient à exécuter Physiopathologie des mouvements
un mouvement inverse à celui qu’il souhaitait faire, décrit sous le anormaux
terme « d’oppositionnisme », et à des difficultés pour des séquences
de mouvements alternes mimant une bradycinésie. L’athétose Le rôle des ganglions de la base dans les mouvements anormaux est
survient consécutivement à un dysfonctionnement des noyaux gris largement suggéré par la survenue de ces derniers lors de maladies
centraux et également d’autres relais du système extrapyramidal. engendrant un dysfonctionnement ou une lésion électifs d’une partie
On peut également observer des mouvements athétosiques lors de des noyaux gris centraux. Néanmoins, il a été relevé, à plusieurs
lésions qui touchent les voies sensitives proprioceptives depuis les reprises, que la destruction de ces noyaux, notamment lors de
nerfs périphériques jusqu’au cortex. Dans ces cas associés à un lésions vasculaires, n’amenait que rarement des dyskinésies
déficit sensitif, on parle plutôt de pseudoathétose même si cette spécifiques. Une avance importante dans la compréhension de ces
distinction n’a pas de fondement physiopathologique certain. [32] phénomènes a été amenée par la notion d’une organisation des
La chorée (provenant du grec « danse ») est caractérisée par des noyaux gris centraux à l’intérieur de circuits parallèles et en partie
mouvements involontaires liés à la contraction de plusieurs muscles, redondants. Ainsi, une interruption soudaine et complète de partie
brusques, explosant littéralement, brefs, rapides, imprévisibles et de ces circuits serait moins délétère sur le fonctionnement général
d’amplitude variable. Ils présentent une grande variabilité de du système (grâce à la redondance) qu’un dysfonctionnement, même
distribution, de fréquence et d’intensité, ce qui leur donne un partiel, amenant une perturbation active des circuits impliqués.
caractère arythmique désordonné et aléatoire. Ils se propagent
volontiers d’une partie du corps à une autre selon une séquence ORGANISATION DES CIRCUITS DES GANGLIONS
proximodistale ou distaloproximale. Le mouvement choréique est DE LA BASE
dénué de finalité, il ne peut être retenu volontairement que durant
Selon une approche extrêmement simplifiée de l’organisation des
quelques secondes, mais il s’incorpore et se camoufle volontiers dans
ganglions de la base, ces derniers sont organisés dans des circuits
un geste destiné à lui donner un sens (paracinésie), par exemple, se
parallèles restant structurellement et fonctionnellement séparés. [5]
gratter le nez ou l’oreille, ou encore se passer la main dans les
On distingue cinq circuits : un circuit moteur qui inclut les aires
cheveux. La face est le siège de grimaces bizarres qui modifient la
sensitivomotrices précentrales, un circuit oculomoteur passant par
physionomie. Le cou présente des mouvements variés évoquant le le cortex frontal et l’aire frontale des yeux (« frontal eye field »), deux
mouvement des oiseaux aux aguets. Aux membres supérieurs, il circuits « préfrontaux » passant respectivement par le cortex
s’agit de mouvements de flexion/extension des doigts, prédominant dorsolatéral préfrontal et orbitofrontal latéral et finalement un circuit
sur les pouces, de mouvements de pronation/supination des avant- limbique reliant le cortex cingulaire et orbitofrontal médial. Tous ces
bras, de projection d’un bras en avant, d’élévation et d’abaissement circuits sont organisés de façon similaire avec une projection
de l’épaule. Ces mouvements interfèrent alors fréquemment avec glutamatergique entrant dans le striatum (noyaux caudés, putamen
tous les mouvements volontaires de la vie quotidienne et deviennent et accumbens), et une sortie acide gamma-aminobutyrique
progressivement invalidants. Aux membres inférieurs, les (GABA)ergique au niveau du pallidum interne (et de la substance
mouvements involontaires sont habituellement moins intenses mais noire réticulée) (GPi/SNr) projetant sur le thalamus, d’où le circuit
ils peuvent gêner la marche qui est sautillante, irrégulière avec des se boucle en direction du cortex. Entre le striatum et le GPi/SNr, le
oscillations latérales, évoquant les mouvements d’un danseur (danse circuit se dédouble en une voie directe, excitatrice, ne comprenant
de St-Guy). Lorsqu’ils sont discrets et de faible amplitude les qu’un relais GABAergique dont les neurones expriment aussi la
mouvements choréiques sont parfois difficiles à distinguer des substance P ; et une voie indirecte, inhibitrice, dont un premier relais
myoclonies, bien qu’ils soient plus lents. La fatigue, l’attention, et le GABAergique (avec des neurones exprimant l’enképhaline et la
stress les favorisent et le maintien forcé d’une posture permet de les dynorphine) projette vers le pallidum externe (GPe), puis, toujours
démasquer. L’impersistance motrice (impossibilité de maintenir une à l’aide de synapses GABAergiques, soit directement, soit par
contraction musculaire constante) se manifeste par de petits l’intermédiaire du noyau sous-thalamique, et de ses projections
mouvements incessants des doigts lorsque le patient serre la main glutamatergiques, vers le GPi/SNr. L’analyse de la boucle motrice
de l’examinateur (« signe du trayeur »), et peut rendre le patient permet de comprendre la genèse des mouvements anormaux. [23]
maladroit (les objets lui échappent). Le maintien de la protrusion (Fig. 1). On voit que l’équilibre du système tient dans la balance qui
linguale est difficile. Le patient est généralement anosognosique de résulte des effets opposés des voies directe et indirecte. Les voies
ces anomalies. L’hypotonie est habituellement très nette, expliquant nigrostriées dopaminergiques agissent à ce niveau en facilitant la
l’amplitude des mouvements choréiques. Les réflexes voie directe (récepteurs D1) et en inhibant la voie indirecte
ostéotendineux sont généralement amples et pendulaires. Après la (récepteurs D2). Schématiquement, il est postulé que le rôle de la
percussion du tendon rotulien, on peut observer une contraction voie directe est de favoriser l’apparition du mouvement et celui de

2
Neurologie Mouvements anormaux (dystonie, athétose, chorée, ballisme) 17-007-B-10

symptômes oculomoteurs et l’atteinte cognitive de type frontal, son


or Chorée interaction avec le circuit moteur induirait la chorée et la
Cortex Cortex bradycinésie, et une seconde interaction avec le circuit limbique les
+ – D2 Striatum D1+ +
+
+ – D2 Striatum D1 + +
+ symptômes affectifs et psychiatriques. [53] Il est suggéré par exemple
que la chorée et la bradycinésie dans le début de la maladie de
– –
Huntington résultent de la dysfonction des connections entre le
– –
GPe Thalamus GPe Thalamus striatum associatif et le circuit moteur, connexions qui normalement
servent au bon déroulement des séquences d’un mouvement en
SNc SNc
déterminant le début et la fin de chaque partie de séquence (voie
– – – –
+ +
+
indirecte ouverte) et en supprimant les mouvements inappropriés
STh + STh GPi/SNr
GPi/SNr
de programmes moteurs parallèles (boucle indirecte de la voie
associative ouverte). La bradycinésie serait également due à
Moelle NPP Moelle NPP
l’interruption de la boucle fermée indirecte du circuit moteur qui
permet de supprimer l’activité motrice indésirable lors de
mouvements isolés.
e oe
L’explication de la dystonie par ce modèle est encore plus obscure.
Cortex Cortex
En l’absence de modèle animal adéquat, les mécanismes sont surtout
+ +
+ – D2 Striatum D1 + + + – D2 Striatum D1 + + déduits de l’observation clinique et paraclinique, y compris des
enregistrements peropératoires lors d’interventions
– –
– –
neurochirugicales. Dans la dystonie, il semble y avoir une certaine
GPe GPe
Thalamus Thalamus
hyperactivité des neurones issus du striatum tant vers la voie directe
SNc SNc que vers la voie indirecte, permettant d’expliquer une diminution
– – – –
de l’activité des neurones observée dans les deux parties du
+ +
+ + pallidum (GPe et GPi), amenant à la désorganisation du mouvement
STh GPi/SNr STh GPi/SNr
due à la perte du contrôle sélectif des GPi et SNr sur le thalamus
Moelle Moelle
(Fig. 1).
NPP NPP
Force est de constater que ce modèle est extrêmement simplifié et
Figure 1 Représentation schématique des circuits des ganglions de la base et de qu’il a déjà largement démontré ses limites, notamment dans l’étude
leurs modifications dans le cadre des mouvements anormaux. En trait plein les connec- de la maladie de Parkinson, où les modèles animaux et les
tions excitatrices, en trait-pointillé les connections inhibitrices. En trait gras les interventions neurochirurgicales ont permis de mettre en évidence
connections pathologiquement hyperactives, en trait fin les connections pathologique- des lacunes manifestes. L’étude plus approfondie des interactions à
ment hypoactives. GPi/SNr : pallidum interne/substance noire réticulée ; GPe : palli- l’intérieur de ces circuits, ainsi que des relations que ces derniers
dum externe ; NPP : noyaux pédiculopontins.
entretiennent avec le cortex, le thalamus, et les noyaux du tronc
cérébral et de la moelle épinière, par l’intermédiaire des noyaux de
la voie indirecte, d’amener à une suppression du mouvement. Ainsi, la région pédunculopontine, permettra probablement d’approcher
des altérations à différents niveaux d’un même circuit pourraient plus précisément la compréhension des mécanismes sous-tendant
conduire à des symptômes variant de l’hypocinésie à l’hypercinésie. non seulement les mouvements anormaux mais aussi les
De plus, par la ségrégation qui existe en de nombreuses boucles modifications neurocomportementales qui les accompagnent
parallèles, une synchronisation adéquate des deux boucles permet généralement.
la sélectivité du mouvement en activant certains muscles (voie
directe) dans l’objectif d’un acte moteur déterminé, alors que les
voies indirectes inhibent les synergies indésirables. ÉTUDES DES MOUVEMENTS ANORMAUX
PAR L’ÉLECTROPHYSIOLOGIE ET L’IMAGERIE
Selon ce modèle, l’hémiballisme, secondaire à la disparition du
noyau sous-thalamique, est expliqué par la disparition de l’aspect
inhibiteur et sélectif de la voie indirecte, conduisant à la libération ¶ Maladie de Huntington
de l’hypercinésie incontrôlée caractéristique de ce type de L’étude des potentiels évoqués somesthésiques dans la maladie de
mouvement anormal (Fig. 1). Huntington permet d’observer une diminution d’amplitude de la
Dans la chorée, l’atteinte prédomine au niveau du striatum. Ici, le réponse corticale précoce, alors que la latence des potentiels évoqués
modèle implique une certaine spécificité de l’atteinte sur les reste normale. Cette réduction de l’amplitude des potentiels évoqués
neurones de la voie indirecte. Or, il semble que ce soient surtout les somethésiques se trouve chez les porteurs du gène asymptomatiques
neurones contenant des enképhalines qui dégénèrent en premier ainsi que chez les patients présentant la variante de Westphal et n’est
dans la maladie de Huntington, les autres étant relativement pas retrouvée dans d’autres types de chorée. [ 3 5 ] L’examen
protégés. Cela permettrait d’expliquer les symptômes moteurs de tomographique par émission de positrons (TEP) au 18F-
l’atteinte striatale : la chorée. La perte des projections GABAergiques fluorodéoxyglucose (FDG) montre une corrélation entre la réduction
sur le GPe [87] conduit à une hyperactivité de ce dernier qui provoque de consommation de glucose du noyau caudé (caractéristique de
une inhibition du noyau sous-thalamique. Cela permettrait donc de l’évolution de la maladie) et le degré des anomalies des potentiels
retrouver un mécanisme similaire à celui de l’hémiballisme, mais évoqués somesthésiques [60] et le degré de l’atteinte clinique.
survenant de façon plus progressive (Fig. 1). Cependant, dans la Contrairement au modèle prédisant une prédominance de la
phase initiale de la maladie de Huntington, le processus dégénératif dégénérescence de la voie indirecte, la TEP met en évidence une
touche essentiellement le noyau caudé, qui représente le striatum diminution parallèle des neurones striataux D1 et D2 indépendante
associatif et non moteur (putamen). Ce dernier n’est pratiquement du phénotype de la chorée. [109] Enfin, dans les modèles animaux de
pas encore atteint au moment où les mouvements choréiques la maladie de Huntington, l’injection d’acide quinolique, qui
apparaissent. Dans ce modèle basé sur la ségrégation des circuits, provoque une dégénérescence striatale sélective, s’accompagne
une boucle ne devrait pas avoir d’influence sur une boucle parallèle. d’une diminution d’amplitude des potentiels évoqués
Pour expliquer comment l’atteinte d’une seule boucle (le striatum somesthésiques. L’ensemble de ces informations suggère la présence
associatif) pourrait avoir des répercussions sur le plan moteur, d’un traitement anormal de l’information sensitive au niveau du
cognitif et émotionnel, une certaine interconnexion de ces boucles a cortex sensitivomoteur, non pas comme une conséquence de la
été récemment proposée. Dans ce modèle, la dysfonction du chorée mais comme une des caractéristiques sous-tendant la maladie
striatum associatif (noyau caudé) provoquerait directement les de Huntington elle-même. Un mécanisme possible pour expliquer

3
17-007-B-10 Mouvements anormaux (dystonie, athétose, chorée, ballisme) Neurologie

ces anomalies passe par l’hyperactivité du noyau réticulaire du caractéristique électromyographique de la dystonie est la co-
thalamus consécutive à l’inhibition des projections nigro- et contraction des agonistes et des antagonistes apparaissant
pallidothalamiques. généralement aux mouvements et, plus exceptionnellement dans les
Les réflexes « long-loop » sont composés d’une réponse de courte cas avancés, aussi au repos. De plus, les phases de contraction di-
latence de probable origine spinale (M1) et d’une seconde réponse ou triphasiques caractéristiques du mouvement normal peuvent être
tardive (M2) possiblement supraspinale. Noth et al. ont été les prolongées et se superposer, amenant un ralentissement du
premiers à montrer l’absence de M2 dans le premier interosseux mouvement volontaire. Enfin, l’engagement de groupes musculaires
dorsal chez des patients atteints de chorée de Huntington. La même différents de ceux nécessaires à l’activité effectuée (over-flow) vient
anomalie peut être détectée chez une grande partie des porteurs du encore ralentir la possibilité de passer d’un mouvement à un autre
gène asymptomatiques. Il s’agit ici aussi d’une caractéristique de la dans une activité complexe. [7]
maladie de Huntington, ces anomalies n’étant pas retrouvées dans Alors que les réflexes tendineux sont cliniquement normaux
la chorée de Sydenham, la chorée gravidique ou dans des chorées électrophysiologiquement, on met en évidence une activité des
secondaires aux intoxications. muscles normalement non engagés dans la boucle réflexe et une
Le réflexe de clignement (« blink reflex »), évoqué par une stimulation réduction de l’inhibition réciproque des muscles antagonistes,
électrique du nerf sus-orbitaire, est composé d’une première réponse suggérant une modification du contrôle central sur les réflexes
(R1) ipsilatérale et probablement oligosynaptique originaire du pont spinaux. La diminution de l’inhibition réciproque existe aussi dans
et d’une réponse tardive (R2) bilatérale et polysynaptique. La latence les membres sains chez des patients présentant des dystonies
et l’amplitude de R1 sont normales dans la maladie de Huntington, segmentaires ou d’action, suggérant la présence d’une perturbation
alors que la latence de R2 est prolongée ipsilatéralement. neurophysiologique structurelle pré-symptomatique. [24] Concernant
L’amplitude de R2 est généralement diminuée, mais aussi, les réflexes de clignements, alors que la composante R1 est normale,
occasionnellement, augmentée. L’habituation de R2 est augmentée la composante R2 est agrandie et prolongée et sa phase de
et corrèle globalement avec la sévérité de la chorée faciale. récupération est prolongée. Ces anomalies peuvent se retrouver dans
Il n’y a pas un type particulier d’activité électromyographique qui le cadre de dystonie cervicale ou généralisée n’affectant pas la région
permette de définir de façon adéquate la maladie de Huntington. périorbitaire, suggérant à nouveau une perturbation
On trouve des bouffées de potentiels d’action de durée variable, neurophysiologique subclinique. Il faut noter encore une diminution
souvent prolongée. L’activité motrice passe d’un muscle à l’autre de de la suppression normale de l’activité du sterno-cléido-mastoïdien
façon anarchique. L’inhibition réciproque agoniste-antagoniste n’est par la stimulation supraorbitaire ainsi que l’augmentation de la
souvent pas respectée. Cette cocontraction de muscles antagonistes phase d’inhibition du réflexe massétérin dans les dystonies
explique la difficulté qu’éprouvent ces patients à effectuer des crâniennes. L’ensemble de ces observations suggère donc une
mouvements simultanés ou séquencés, similairement à ce qui est anomalie du contrôle supraspinal des réflexes tant du tronc cérébral
reporté dans les dystonies. Cette cocontraction agoniste-antagoniste que de la moelle épinière. Au vu de la localisation des lésions
n’existe pas dans la chorée de Sydenham où les bouffées sont isolées électives responsables de la dystonie (majoritairement dans les
dans l’un ou l’autre muscle. [ 2 ] Par instants, l’activité ganglions de la base), un contrôle de ces réflexes soit par
électromyographique d’une chorée ressemble à celle d’autres l’intermédiaire des boucles thalamocorticales, soit directement par
dyskinésies arythmiques comme la myoclonie (où les bouffées sont des projections descendant des ganglions de la base via les noyaux
généralement plus brèves n’intéressant qu’un groupe musclaire) ou pédiculopontins est suspecté. Enfin, ces anomalies sont aussi
la dystonie (plus soutenue est engageant par définition des agonistes présentes dans des régions non affectées par la dystonie, leur
et des antagonistes), et c’est surtout le changement continu d’activité suggérant un rôle plutôt favorisant que causal.
d’un muscle à un autre et d’un type de mouvement à un autre dans Du point de vue électroencéphalographique, les « Bereitschafts-
le même muscle qui est une caractéristique typique de la chorée. [70] potential » qui reflètent l’activité bilatérale des aires motrices
Dans la maladie de Huntington, après une stimulation magnétique supplémentaires et primaires sont réduites chez les patients
transcrânienne, on observe une période silencieuse qui est due à présentant une dystonie, suggérant que la préparation du
l’activation d’une population de neurones inhibiteurs se projetant mouvement est perturbée chez ces patients. Le seuil de stimulation
sur les cellules pyramidales du cortex moteur. Au contraire de la électrique cortical et le temps de conduction central sont normaux.
maladie de Parkinson, cette période est anormalement longue dans En revanche, lors de la stimulation magnétique, la taille et la
la maladie de Huntington et augmente avec la sévérité de la localisation ainsi que le gain de la stimulation corticale semblent
chorée. [106] modifiées, suggérant ici aussi une diminution de l’inhibition
Sur le plan oculomoteur, les saccades sont classiquement atteintes corticale. [7]
dans la maladie de Huntington, certains patients se révélant même Une participation du système sensoriel est suggérée par
incapables d’initier des saccades sans l’aide d’un clignement ou d’un l’amélioration de la dystonie par les gestes antagonistes et par la
mouvement de la tête. La latence est plus prolongée pour les modification de la dystonie lors de stimuli vibratoires. Dans le même
saccades volontaires que pour les saccades réflexes. De plus, les sens, des anesthésies locales, notamment au point moteur, réduisant
saccades réflexes vers un objet apparu soudainement dans le champ les afférences proprioceptives, améliorent les dystonies d’action,
visuel ne peuvent être supprimées. Ces deux anomalies pourraient suggérant que ces afférences participent au déclenchement de la
refléter la dysfonction du noyau caudé via la SNr, ces deux dystonie. [54] Enfin, la dystonie peut être précédée de sensations
structures étant impliquées dans la genèse des saccades volontaires anormales ou accompagnées de discrets troubles sensitifs. [33]
et l’inhibition du collicule supérieur, structure importante pour le Les expérimentations animales ont démontré que l’organisation
déclenchement des saccades réflexes. Un ralentissement des somatosensorielle corticale se modifie lors de gestes répétés
saccades, parfois également observé, pourrait refléter une pathologie demandant une certaine adresse. Les champs de réception corticaux
des cellules «burst » du tronc cérébral ou un déficit d’activation de sont augmentés amenant un recouvrement entre eux avec, par
la part de centres supranucléaires tels que la zone frontale du regard exemple, une perte de la différenciation entre les doigts. On peut
(frontal eye field). [63] spéculer qu’un phénomène similaire survienne dans l’organisation
motrice et favorise la dystonie. Cette hypothèse est supportée par
¶ Dystonie l’apparition des dystonies d’action dans le cadre de mouvements
La plupart des lésions responsables d’une dystonie se situent dans entraînés et répétitifs. [17]
les ganglions de la base ou le thalamus. Des lésions des ganglions L’imagerie fonctionnelle a mis en évidence plusieurs fois une
de la base (36 %), particulièrement des noyaux lenticulaires diminution de l’activité du GPi chez les patients présentant une
(putamen et pallidum), se présentent avec des dystonies, de même dystonie. Ce noyau étant essentiellement inhibiteur du mouvement,
que 30 % des lésions thalamiques, particulièrement postérieures. La cela suggère une certaine désinhibition aboutissant à la dystonie.

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Neurologie Mouvements anormaux (dystonie, athétose, chorée, ballisme) 17-007-B-10

Tableau 1. – Dystonies génétiquement déterminées.


Transmission Locus Gène Caractéristiques cliniques

DYT 1 AD 9q34 Torsin A Début en général dans un membre, généra-


lisation progressive
DYT 2 AR Inconnu Inconnu Début précoce, progression vers dystonie
segmentaire ou généralisée
DYT 3 XR Xq 13.1 Inconnu Généralisée avec un parkinsonisme dans
50 % des cas
DYT 4 AD inconnu Inconnu Dysphonie chuchotante
DYT 5 a AD 14q22.1-q22.2 GTP cyclohydrolase I Dystonie avec un parkinsonisme, fluctua-
tions diurnes, réponse à la lévodopa
DYT 5 b AR 11p15.5 Thyrosine-hydroxylase
DYT 6 AD 8p21-8p22 Récepteurs a- et b-adrénergiques Segmentaire, début dans l’adolescence
DYT 7 AD 18p Laminine Adulte, focale : crampe de l’écrivain, blépha-
rospasme
DYT 8 AD 2q33-q25 Échangeur des anions SLC4A3 Paroxysmes de dystonie et choréoathétose
précédées par le stress, la fatigue, l’OH, le
chocolat
DYT 9 AD 1p21-p13.3 Canal potassique KCNA3 Paroxysmes de dystonie avec paresthésies,
diplopie, paraplégie spastique
DYT 10 AD 16q11.2-q12.1 Inconnu Paroxysmes favorisés par les mouvements
brusques
DYT 11 AD 11q23, Récepteur D2 Dystonie myoclonique, répondant à l’alcool
7q21 Sarcoglycan e
DYT 12 AD 19q13 Inconnu Dystonie généralisée avec parkinsonisme de
début aigu ou subaigu
DYT 13 AD 1p3613-3632 CvHsp, heat-shock protéine Dystonie segmentaire

OH : gamma hydroxybutyrate.

Les études métaboliques au FDG-PET ont suggéré une ¶ Athétose


augmentation du métabolisme putaminal associée à un
hypométabolisme thalamique, interprétée comme une activité L’électromyographie montre, au repos ou plutôt lors de la tentative
de repos, des décharges de potentiels d’unités motrices dans les
striatopallidale directe augmentée amenant à une activité pallidale
groupes musculaires agonistes et antagonistes de façon simultanée.
diminuée en direction du thalamus. De façon intéressante, ces
Cette double activation rend compte de la lenteur des mouvements.
anomalies du métabolisme ont été mises en évidence dans le cadre
Au cours des spasmes, l’intensité de l’activité musculaire augmente
de dystonies DYT1 de façon similaire chez les patients présentant
considérablement en intensité (de façon semblable à ce qui est
des dystonies et chez les porteurs sains suggérant qu’il s’agisse là
observé dans la dystonie). Lors de l’allongement passif d’un muscle,
d’une anomalie de l’organisation métabolique précédant et
on observe une disparition de l’activité musculaire alors qu’elle se
favorisant l’apparition de la dystonie. [27]
renforce nettement lors d’un raccourcissement passif (exagération
Dans les études d’activation, on met en évidence une certaine de la réaction de raccourcissement).
hyperactivation du cortex moteur préfrontal, de même, que la partie On a observé que l’athétose n’apparaît pas en cas de lésion des
antérieure de l’aire motrice supplémentaire, l’aire cingulaire ganglions de la base et des voies corticospinales. Cela pourrait
antérieure et l’aire 8 de Brodmann, le cortex préfrontal dorsolatéral expliquer le délai souvent observé entre l’établissement de lésion et
ipsilatéral et les noyaux lenticulaires des deux côtés. En revanche, il l’apparition clinique de mouvements athétosiques chez les enfants
y a une hypoactivation de la partie caudale de l’aire motrice puisque le tractus corticospinal n’est pas fonctionnel avant la
supplémentaire, du cortex sensorimoteur bilatéral, des parties première année de vie.
postérieures cingulaires et mésiales. Les anomalies se trouvent dans
les dystonies primaires alors que dans les dystonies secondaires, on
met en évidence des anomalies déjà au repos, notamment dans la Mouvements anormaux génétiquement
partie ventroantérieure et postérieure du thalamus, le gyrus
angulaire ipsilatéral et les cortex orbitofrontaux avec une déterminés
augmentation dans les noyaux lenticulaires controlatéraux,
l’hippocampe et l’insula. Lors de l’activation, les mêmes aires Classiquement, les dystonies étaient classées selon des critères
corticales que dans la dystonie primaire ont un métabolisme sémiologiques. Avec l’avènement de la biologie moléculaire, cette
augmenté, mais on trouve une nette hyperactivation au lieu d’une classification a dû être revue. En effet, on recense actuellement
hypoactivation du cortex sensorimoteur. [19] Ces résultats sont 13 formes de dystonies génétiquement déterminées dont les
d’interprétation controversée, notamment lorsqu’on les compare au caractéristiques phénotypiques ne permettent pas, à elles seules, le
« Bereitschaftspotential » qui est diminué alors que l’on met en diagnostic, car à la diversité génétique sous-tendant des phénotypes
évidence une hyperactivation préfrontale à l’imagerie, de même la similaires s’ajoute une diversité phénotypique amenant, pour les
relative hypoactivation du cortex sensorimoteur des dystonies mêmes mutations, à des tableaux cliniques variables à l’intérieur
primaires, alors que l’on observe une augmentation de mouvements même des familles concernées. Les critères principaux de ces
anormaux, est paradoxale. dystonies sont résumés dans le Tableau 1.

Lors de la récolte des activités neuronales lors du traitement


neurochirurgical de la dystonie, on note, au repos, une diminution DYT 1 : DYSTONIE GÉNÉRALISÉE AUTOSOMALE
de l’activité des neurones du GPi, ce qui confirme les études DOMINANTE À DÉBUT PRÉCOCE
d’activation, mais qui reste paradoxal lorsque l’on sait que la Cliniquement, il s’agit d’une dystonie débutant dans l’enfance (âge
dystonie est améliorée par une lésion du GPi ou une stimulation moyen : 12 ans), commençant dans un membre, avec généralisation
inhibitrice à ce niveau. Deuxièmement, suivant les modèles progressive sur 3-5 ans [14] et des postures axiales anormales, bien
d’organisation des ganglions de la base, l’hypoactivité pallidale qu’une minorité de patients puisse présenter une forme focale non
devrait amener une hyperactivité thalamique, or l’activité évolutive. En général, la sévérité des symptômes est inversement
enregistrée dans le Vop est diminuée. [116] corrélée à la date d’apparition des premiers d’entre eux. [14]

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17-007-B-10 Mouvements anormaux (dystonie, athétose, chorée, ballisme) Neurologie

L’incidence est d’environ deux cas par million et la prévalence DYT 6 : DYSTONIE DE TORSION SEGMENTAIRE
estimée à 34 par million. La transmission est autosomique DE L’ADULTE
dominante, avec une pénétrance réduite à 30-40 %. Seulement 30 % La clinique fut décrite chez deux familles mennonites avec une
des porteurs du gène vont développer le phénotype le plus sévère dystonie se manifestant entre l’âge de 5 et 35 ans au niveau d’un
de la dystonie généralisée. La mutation sous forme d’une délétion bras, de la nuque ou de la langue. Lors de la progression s’installe
glycoaminoglycane (GAG), se trouve sur le long bras du une atteinte au niveau d’un bras et d’une jambe dans la plupart des
chromosome 9 [57, 84] dans une région codant pour une protéine cas mais des généralisations restent rares (trois patients sur 16). [6]
appelée Torsin A, connue pour se lier à l’adénosine triphosphate
(ATP) et jouer un rôle dans l’association/dissociation et le modelling
des complexes des protéines. [12] Cette protéine, retrouvée dans de DYT 7 : DYSTONIE DE TORSION FOCALE DE L’ADULTE
multiples tissus du corps humain, prédomine, dans le cerveau, dans La clinique consiste en une dystonie cervicale chez six patients,
la substance noire compacte, les ganglions de la base, le locus (associée à une crampe de l’écrivain dans un cas), une dysphonie
coeruleus, le cervelet et l’hippocampe. In vitro, l’expression spasmodique ou un blépharospasme. L’âge moyen des premiers
morphologique des neurones exprimant la Torsin A mutée est altérée symptômes est de 43 ans. Cette dystonie reste focale. Le gène code
avec des corps d’inclusion contenant de la protéine mutée. [44] pour un polypeptide responsable de l’activation du Laminin,
donneur de résidus carbohydriques impliqués dans le
DYT 2 : DYSTONIE GÉNÉRALISÉE AUTOSOMALE développement des neurites et pour un polypeptide stimulant
RÉCESSIVE l’adénylatcyclase hypophysaire. [56]
Cliniquement il s’agit d’une forme débutant à l’enfance ou à
l’adolescence (âge moyen : 15 ans) avec une dystonie au niveau du
pied et des troubles d’équilibre, mais des dystonies DYT 8 : DYSTONIQUE PAROXYSTIQUE,
oromandibulaires ou cervicales ont été également décrites chez des NON KINÉSIGÉNIQUE (CDP)
familles gitanes chez lesquelles une consanguinité existait. Une En 1940, Mount et Reback ont rapporté la première famille
forme autosomique récessive du gène de DYT 1 n’est pas exclue, présentant une choréoathétose paroxystique. Les attaques sont
mais n’a pas encore été prouvée. typiquement déclenchées par l’ingestion d’alcool, de café, de thé ou
d’autres boissons (Coca-Colat dans la littérature américaine) ;
DYT 3 : DYSTONIE LIÉE À L’X, « DE LUBAG », rarement, un facteur hormonal joue un rôle (menstruations). Il est
ASSOCIÉE À UN PARKINSONISME impératif pour le diagnostic que les attaques ne soient pas
Cliniquement, il s’agit d’une forme présente aux Philippines (île de déclenchées par un mouvement volontaire. Le stress et l’excitation
Panay) débutant chez l’adulte par une dystonie focale évoluant vers prolongent la durée des attaques, mais parfois l’ingestion de liquides
une dystonie segmentaire mandibulolinguale (22 % des cas) ou ou l’exercice pourraient diminuer les symptômes. Dans une même
généralisée (78 % des cas), et associée à un parkinsonisme dans 36 % famille, la fréquence des attaques peut varier de plusieurs par jour à
des cas. La pénétrance est complète à la fin de la cinquantaine. [75] quelques-unes par année. L’attaque est fréquemment précédée d’une
aura sensitive sous forme de fourmillements dans les jambes, de
DYT 4 : FORME NON DYT 1
sensation de faiblesse généralisée ou d’un syndrome migraineux. La
phénoménologie motrice est variable : on observe soit une chorée
Il s’agit de dystonie autosomique dominante dont la mutation ne se avec des éléments d’athétose et de ballisme, soit une posture
trouve pas sur les locus DYT 1, DYT 6 ou DYT 7. [75] Sa particularité dystonique. Souvent, la dystonie est initialement focale, puis elle se
clinique est la dysphonie chuchotante associée aux différentes propage à l’hémicorps. La durée de l’attaque est plus longue que
formes de dystonie focale et généralisée. Une association à des pour la choréo-athétose paroxystique kinésigénique (10 minutes à
symptômes psychiatriques et une maladie de Wilson (sans la 12 heures). La maladie est liée à une anomalie du chromosome 2q.
mutation) ont été décrites. Le gène n’est pas encore connu, mais un gène de cette région codant
un canal chlore/bicarbonate (SLC4A3) est considéré comme un
DYT 5 : DYSTONIE DOPASENSIBLE, FLUCTUANTE, candidat potentiel. La pathophysiologie de cette affection n’est pas
ASSOCIÉE À UN PARKINSONISME encore comprise, bien que certains facteurs (amélioration par le
Cliniquement, il s’agit de l’association de dystonie et de sommeil, réponse à la lévodopa, variation du taux de dopamine
parkinsonisme dopa-sensibles avec des fluctuations diurnes et une dans le liquide céphalorachidien) aient pu suggérer une anomalie
amélioration des symptômes par le repos. [96] Les premiers du métabolisme de la dopamine. Sur le plan du traitement, on a
symptômes apparaissent généralement pendant l’enfance au niveau rapporté un bénéfice de l’administration de neuroleptiques
des membres inférieurs avec des troubles à la marche et s’étendent (halopéridol) et d’antiépileptiques (valproate, phénytoïne) et de
sur environ 5 ans aux quatre membres et à la musculature axiale. [96] benzodiazépines (clonazépam, oxazépam, chlorazépate, clobazam).
L’âge avançant, le parkinsonisme prédomine. Dans la forme L’effet de l’atropine est anecdotique. [52]
autosomique dominante de la maladie de Segawa (DYT5a), la
mutation est localisée sur le gène de la guanosine triphosphate
(GTP) cyclohydrolase I (GCHI) [81] : enzyme limitante de la DYT 9 : CHORÉOATHÉTOSE DYSTONIQUE
biosynthèse de tétrahydrobioptérine, elle-même cofacteur important PAROXYSTIQUE AVEC ATAXIE ÉPISODIQUE
ET SPASTICITÉ
de la tyrosine-hydroxylase responsable de la conversion de la
phénylalanine vers de la dopa. Cette insuffisance de l’activité de la La choréoathétose/spasticité est une variante associant d’autres
GCHI amène à une déplétion en dopamine. La pénétrance, signes (ataxie, paresthésies périorales, diplopie, céphalées et
d’environ 30 %, est plus marquée chez les femmes. Une forme myoclonies) au tableau classique de dystonie paroxystique non
autosomale récessive de la maladie de Segawa, secondaire à une kinésigénique (DYT8). L’âge du début varie de 2 à 15 ans. Les
mutation ponctuelle sur l’exon 11 du gène de la tyrosinehydroxylase facteurs déclenchants sont l’exercice physique, le stress, la
(TH) résultant en un échange de gln par lys à la position 381, a été deprivation de sommeil, les variations de température et la
décrite chez une famille caucasienne. Une mutation missense dans consommation d’alcool. La phénoménologie des mouvements
l’exon 6 du gène de la TH (substitution de l’arginine par l’histidine associe une chorée à des postures dystoniques prolongées (jusqu’à
à la position 233) a été démontrée chez trois patients de trois familles 20 minutes), apparaissant entre deux fois par jour et deux fois par
hollandaises non apparentées, sans notion de consanguinité. Ici, la année. Au contraire des autres dyskinésies paroxystiques, certains
dystonie dopa-sensible s’installe lors des premiers mois de vie après malades présentent une paraparésie persistante entre les crises. La
une grossesse normale et s’associe à une rigidité, une hypocinésie et maladie est liée au chromosome 1p dans une région codant pour
un retard psychomoteur, sans fluctuations. des canaux potassiques.

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Neurologie Mouvements anormaux (dystonie, athétose, chorée, ballisme) 17-007-B-10

DYT 10 : CHORÉOATHÉTOSE PAROXYSTIQUE DYT 11 : DYSTONIE MYOCLONIQUE RÉPONDANT


KINÉSIGÉNIQUE (CKP) À L’ALCOOL
Cette entité est caractérisée par l’apparition soudaine de Le tableau clinique est très variable mais avec des myoclonies au
mouvements involontaires de brève durée (quelques secondes à niveau de la musculature proximale des épaules, des bras, de la
quelques minutes) lors de mouvements volontaires brusques. Plus nuque, du tronc, rarement au niveau du visage et des jambes. Elles
rarement une activité volontaire continue peut déclencher les apparaissent pendant les deux premières décennies de vie et sont
attaques. [46] Cette symptomatologie débute dans l’enfance et associées à une dystonie discrète atteignant surtout la nuque et les
l’adolescence. Beaucoup de patients mentionnent une sensation membres supérieurs sous forme d’un torticolis/rétrocolis, d’une
d’aura dans le membre qui est le siège des phénomènes moteurs. La crampe d’écrivain ou d’un tremblement des doigts. Les myoclonies
fréquence des attaques peut atteindre jusqu’à cent fois par jour. Les sont aggravées par l’action, surtout l’écriture, le stress et la fatigue,
mouvements anormaux peuvent concerner les membres, la face, la un soulagement est décrit lors de la marche ou de la lecture
nuque et le tronc. La phénoménologie est variable : les descriptions concentrée. La consommation d’alcool amène une amélioration
initiales mentionnaient des mouvements choréoathétosiques, mais « dramatique » dans la plupart des cas. Le clonazépam et le
des postures dystoniques ou un ballisme sont aussi observés. Des valproate diminuent ces symptômes. L’évolution est peu progressive
symptômes de distribution hémicorporelle sont fréquents, le côté avec une espérance de vie normale. Les patients présentent souvent
alternant d’une crise à l’autre. Parfois, les patients éprouvent des anomalies psychiatriques sous forme d’attaques de panique ainsi
transitoirement de la difficulté à s’exprimer, mais il n’y a jamais de que des comportements obsessionnels-compulsifs. L’EEG et les
perte de connaissance. Une grande série [46] a montré une nette potentiels évoqués sensitifs sont normaux.
prédominance pour le sexe masculin ; 27 % des cas étaient familiaux. Il s’agit d’un syndrome génétiquement et phénotypiquement
On a identifié le chromosome 16p11.2q12.1, mais le type de canal hétérogène avec plusieurs localisations chromosomiques et des
responsable est pour l’instant inconnu. La réponse à divers mutations connues jusqu’à présent ainsi que des variations
traitements antiépileptiques est généralement excellente marquées concernant l’expression interindividuelle des myoclonies,
(phénytoïne, barbiturates, primidone), [61] ce que certains auteurs de la dystonie et du trémor. La mutation du gène du sarcoglycan-e
considèrent comme un argument en faveur d’un mécanisme fut établie sur le bras long du chromosome 7 et est considérée
physiopathologique comitial, bien qu’une distinction de l’épilepsie comme la mutation la plus fréquente. Le sarcoglycane-e est un des
de réflexe ait été établie. Le bénéfice du chlordiazépoxide est cinq composants transmembranaires du complexe dystrophine-
anecdotique. glycoprotéine liant le cytosquelette à la matrix extracellulaire. Alors
que les mutations des sarcoglycanes a-, b-, c-, d-, s’expriment
¶ Épilepsie idiopathique et dyskinésies paroxystiques principalement dans le muscle, induisant les dystrophies
(ICCA) musculaires, l’atteinte du sarcoglycan-e est supposée être
responsable pour des changements discrets de l’architecture
Il s’agit d’une entité autosomale dominante avec une prédominance neuronale à l’origine des mouvements anormaux ou des
pour les garçons. Les individus présentent dans la petite enfance perturbations psychiatriques. La transmission est autosomique
des convulsions fébriles qui se résolvent spontanément. Dans dominante, mais de rares cas sporadiques étaient rapportés. Un
l’enfance ou l’adolescence surviennent ensuite des mouvements deuxième locus a été établi récemment sur le chromosome 11
anormaux paroxystiques similaires aux dyskinésies paroxystiques (11q23), une région codant pour le récepteur D2 et présentant une
kinésigéniques. L’électroencéphalogragmme (EEG) est normal mutation missense avec substitution de Val par de Ile. La
pendant les mouvements anormaux. Le fait que le même gène transmission est autosomique dominante, la pénétrance
puisse produire une diminution du seuil épileptique à un stade du incomplète. [115]
développement, puis des mouvements anormaux à un autre est
conceptuellement intéressant ; cela suggère, comme dans l’ataxie
DYT 12 : DYSTONIE-PARKINSONISME D’INSTALLATION
épisodique de type 1, qu’une channelopathie peut avoir des RAPIDE
expressions phénotypiques différentes. La maladie est liée au
Le tableau clinique se développe de façon inhabituellement rapide,
chromosome 16. Le phénotype est variable, peut-être en raison d’une
sur 1 heure, ou subaiguë sur plusieurs jours à semaines avec une
variabilité allélique. Les relations entre DYT10 et cette entité sont
dystonie associée à un parkinsonisme entre l’âge de 15 et 45 ans. Par
encore discutées, les loci étant proches et les deux phénotypes ayant
la suite, la progression est discrète ou absente. L’absence de
des similarités. Les antiépileptiques conduisent à une bonne
dégénérescence des terminaisons nerveuses dopaminergiques à
amélioration, même à des doses modestes. La carbamazépine et la
l’imagerie suggère un déficit fonctionnel plutôt qu’une perte
phénytoïne semblent plus efficaces que le valproate. [47]
neuronale. L’examen de liquide céphalorachidien (LCR) démontre
une diminution d’acide homovanillinique, mais l’amélioration après
¶ Dyskinésie paroxystique hypnagogique
le traitement par de la lévodopa reste modeste. [11]
Les patients présentent des attaques nocturnes de mouvements
involontaires associant des postures dystoniques à des mouvements DYT 13 : DYSTONIE CRANIOCERVICALE
balliques. Ces attaques durent typiquement moins de 1 minute, sont ET DES MEMBRES SUPÉRIEURS
initées par un cri et peuvent survenir plusieurs fois par nuit. L’EEG La clinique est caractérisée par une dystonie à prédominance
reste normal, mais il y a de plus en plus d’évidence qu’il s’agisse là craniocervicale et au niveau des membres supérieurs, l’âge
de crises frontales mésiales indétectables par un EEG de surface. d’apparition est très variable et la progression discrète. La
L’entité d’épilepsie nocturne frontale autosomale dominante transmission est autosomique dominante avec une pénétrance
(ADNFLE) est probablement la même affection. La réponse à la d’environ 58 % dans une famille italienne ayant 11 membres atteints.
carbamazépine est généralement excellente. [64] Le gène reste inconnu. [110]
Notons encore la présence de descriptions cliniques telle la dystonie
paroxystique induite par l’exercice, forme intermédiaire se SYNDROME DE MOHR-TRANEBJAERG :
différenciant de la DYT9 par des attaques plus courtes et sans XQ21.3-XQ22 : SURDITÉ ET DYSTONIE
facteurs précipitants et de la DYT 10 parce qu’il n’y a pas Le tableau clinique consiste en une dystonie généralisée chez les
d’induction par des mouvements brusques mais plutôt par des hommes et des tableaux de dystonie focale (crampe de l’écrivain,
exercices prolongés (marche, course), avec une symptomatologie se torticolis) associés à un tremblement de la tête chez les femmes. La
manifestant au niveau des membres inférieurs ou d’un hémicorps, [9] surdité ne se manifeste que chez les hommes. Il s’agit d’une
et de durée variable (10 minutes et 2 heures) dont il est encore trop mutation localisée sur le bras court du chromosome X. La
tôt pour déterminer s’il s’agit de variations phénotypiques de transmission est récessive concernant la surdité et dominante
mutation connues ou d’autres mutations. concernant les troubles moteurs. [104]

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17-007-B-10 Mouvements anormaux (dystonie, athétose, chorée, ballisme) Neurologie

SYNDROME DE DÉLÉTION PARTIELLE DE 18 Q perte de la capacité à exécuter des séquences motrices complexes)
Il s’agit d’un syndrome neurologique associé à un retard de est probablement due à l’atteinte des circuits frontostriataux.
développement et des endocrinopathies. Les signes cliniques Les troubles du comportement se manifestent sur plusieurs tableaux.
consistent en un retard mental, des crises épileptiques, un Trente à 50 % des patients présentent une dépression au cours de la
nystagmus, des troubles de coordination, un tremblement et une maladie, qui se manifeste par une anhédonie, des troubles de la
chorée. [36] concentration, une diminution de la libido et une hypersomnie.
George Huntington avait déjà noté dans sa description de la maladie
un taux de suicide élevé chez ses patients. Le suicide n’est pas
CHORÉE DE HUNTINGTON simplement la conséquence de la dépression : le degré de handicap,
George Huntington avait juste 21 ans en 1872 lorsqu’il rédigea son la nosognosie résiduelle et la qualité du tissu psychosocial jouent
essai « Sur la chorée », décrivant plusieurs familles de Long Island également un rôle. Les individus à risque de la maladie présentent
et identifiant les caractéristiques marquantes : hérédité, survenue à également un risque de suicide supérieur à la moyenne. Dix pour
l’âge adulte de mouvements anormaux et d’une démence. La cent des malades développent une psychose à un moment ou à un
prévalence de la maladie est très variable entre différentes régions, autre de l’évolution. Un repli social marqué peut être la conséquence
(par exemple, Finlande : 0,5/100 000 ; Royaume-Uni : 10/100 000). de la dépression, mais également le signe d’un trouble de la pensée.
Elle dépend probablement de l’immigration des porteurs et de la Les autres symptômes psychotiques fréquemment observés sont des
difficulté à recenser les malades. La connaissance du gène, idées paranoïdes et des hallucinations visuelles ou auditives. George
permettant le diagnostic préclinique a permis de démontrer, chez Huntington avait rapporté une hypersexualité chez certains patients,
les porteurs présymptomatiques, des anomalies motrices subtiles mais une hyposexualité semble plus fréquente. Rarement, les
(soft signs) telles que : malades présentent des paraphilies. Il est possible que certains
comportements obsessionnels (par exemple nettoyage rituel des
– au niveau lingual, une difficulté à effectuer des claquements mains) soient la conséquence de l’atteinte des circuits frontostriés.
rapides et à maintenir une protrusion prolongée ; Enfin, des symptômes sensitifs douloureux ont été rapportés,
– une légère dysdiadochocinésie ; souvent contemporains à l’état dépressif.
– des troubles oculomoteurs avec une diminution de la vélocité des La forme juvénile de la chorée de Huntington commence par
saccades, une difficulté d’inhiber des saccades réflexes, et une définition avant l’âge de 20 ans. Elle est parfois dénommée chorée
perturbation du nystagmus optocinétique ; de Westphal. L’incidence de cette forme est de l’ordre de 5 à 10 %
des cas de chorée de Huntington. La forme juvénile a le plus
– de discrets mouvements anormaux (dystonie, mouvements souvent une transmission paternelle. [40] Cela reflète les phénomènes
choréiques) survenant sur un fond d’hypotonie musculaire. [55] d’anticipation et d’instabilité plus grande du gène de la maladie de
Ces derniers peuvent aisément être confondus avec des Huntington au cours de la spermatogenèse qui sont décrits plus bas.
manifestations de nervosité ou d’impatience motrice ou des tics et Ces observations générales sur le nombre de répétitions de
sont plus marqués distalement (quelques mouvements des doigts et trinucléotides CAG et l’âge de début de la symptomatologie ont
de la langue) puis ont tendance à s’étendre vers les ceintures. À ce toutefois de nombreuses exceptions.
stade, les phases d’agitation peuvent survenir mais le délire est rare.
La présentation clinique de ces formes juvéniles est marquée par
Dans la plupart des cas, le diagnostic est facilité par l’existence d’une
une rigidité et une bradycinésie qui sont nettement au premier plan.
histoire familiale, parfois difficile à obtenir (protection familiale,
On trouve également souvent des signes cérébelleux et
filiation illégitime et inconnue, décès précoce du parent porteur,
corticospinaux alors que la chorée est plutôt modérée par rapport
resté asymptomatique). À la période d’état, les mouvements
aux cas à début plus tardif. Toutefois, les premiers symptômes sont
choréiques s’étendent, deviennent plus lents, amenant des
le plus souvent comportementaux et cognitifs et créent des
confusions avec l’athétose. Des mouvements dystoniques peuvent
difficultés scolaires. Enfin, jusqu’à 30 % des patients présentent des
se développer, de même que de la rigidité. L’ensemble de ces
crises épileptiques. On considère souvent que la progression est plus
troubles résulte en postures anormales avec le tronc en extension.
rapide dans les formes juvéniles de la maladie de Huntington. [76]
La tête est fréquemment en antéflexion avec le menton reposant sur
le sternum. Les anomalies oculomotrices s’accentuent et leur La majorité des syndromes parkinsoniens observés chez l’adulte
aggravation reflète bien la diminution des capacités fonctionnelles. sont d’origine iatrogène (neuroleptiques), mais de rares cas de
Les troubles psychiques se complètent de démence qui n’engendre maladie de Huntington à manifestation tardive se présentant par un
cependant guère de désorientation spatiotemporelle. Une dysarthrie syndrome parkinsonien répondant à un traitement de lévodopa ont
importante se développe tandis que la dysphagie intervient avec une été rapportés. [88] Cela correspond à une phase atrophique terminale
perte de poids parfois majeure. Le patient devient progressivement du striatum.
incapable de vivre indépendamment. Il faut entre 10 et 20 ans depuis À la pathologie, l’atrophie du striatum (noyau caudé et putamen)
les premiers signes pour atteindre progressivement le stade terminal. est la caractéristique pathologique de la maladie de Huntington.
Le déclin est d’abord linéaire et puis semblerait se stabiliser dans les Outre la réduction de volume, on trouve une gliose réactionnelle.
stades terminaux. Le décès survient habituellement par pneumonie La perte de neurones néostriés débute dans la partie médiale du
ou troubles cardiovasculaires, favorisés par l’état cachectique. noyau caudé, le putamen dorsal puis la queue du noyau caudé. Le
D’autres signes cliniques peuvent s’associer au tableau. Des noyau accumbens est épargné jusque dans la phase tardive de la
myoclonies d’action ont été rapportées et 3 % des patients présentent maladie. On distingue quatre stades de la maladie : le stade
des crises épileptiques. Environ un tiers des patients développent 0 correspond à un diagnostic posé sur une base clinique sans
une hyperréflexie et, occasionnellement, un signe de Babinski. Des anomalie notable du striatum, le stade 1 à des anomalies du striatum
troubles végétatifs comprennent : une hyperhydrose des mains et détectables au microscope seulement, les stades 2 et 3 à un degré
des pieds, une acrocyanose, une hypotension orthostatique et la d’atrophie modéré à marqué et finalement le stade 4 à une atrophie
perte du contrôle sphinctérien (20 %). On note aussi un retard de la cérébrale diffuse avec perte neuronale du striatum de près de 95 %.
ménarche. Les neurones à épines (« spiny ») sont plus sensibles au processus
Parallèlement au développement de la symptomatologie motrice, les dégénératif que les autres types de neurones, mais ces derniers sont
patients présentent dès le début des déficits cognitifs et des troubles également vulnérables puisqu’ils disparaissent aussi dans le dernier
du comportement. La démence de la maladie de Huntington a été stade de la maladie. Dans 80 % des cas, on note à l’autopsie
qualifiée de « sous-corticale » en raison de la prédominance de la également une atrophie de la corticale, généralement proportionnelle
bradyphrénie et de l’absence de déficits corticaux (aphasie, agnosie, à l’atrophie du striatum.
apraxie). Des déficits cognitifs mineurs peuvent précéder les autres La maladie de Huntington est transmise sur un mode autosomal
symptômes de la maladie. La dysfonction exécutive (c’est-à-dire la dominant. En 1983, le gène a été localisé sur le chromosome 4p16.3

8
Neurologie Mouvements anormaux (dystonie, athétose, chorée, ballisme) 17-007-B-10

et il a été séquencé dix ans plus tard. [107] Il s’agit d’un gène de défaut du métabolisme énergétique de la cellule peut, par ailleurs,
180 kb, comptant 67 exons dont l’expression est ubiquitaire et dont prédisposer les neurones à un dommage toxique en favorisant
le produit est une protéine d’environ 340 kDa nommée la l’activation des récepteurs N-méthyl-D-aspartate (NMDA) par le
huntingtine. Il s’agit d’une maladie à triplets. Le gène compte un glutamate. Enfin, la huntingtine mutante interfère avec des
nombre variable de trinucléotides (CAG) au niveau de son premier mécanismes de régulation de la transcription, soit par une
exon. Dans la maladie de Huntington, ce nombre est de interaction avec des facteurs de transcription soit par un effet direct
40 répétitions ou plus alors que dans la population normale, il est sur les promoteurs d’autres gènes. [120] On voit ainsi que la
inférieur à 35 (en moyenne 15). Les sujets porteurs de 36 à 39 triplets découverte de la mutation, si elle n’a, 10 ans plus tard, amené
peuvent développer un phénotype de maladie de Huntington aucune nouvelle thérapie efficace, a ouvert un champ de recherche
(pénétrance incomplète). [90] La région des triplets est instable et impressionnant dont les implications se répercutent sur la
sujette à des mutations qui conduisent parfois à une diminution du compréhension de l’ensemble des maladies neurodégénératives.
nombre de triplets mais le plus souvent à une augmentation.
L’instabilité est proportionnelle au nombre de triplets. Ainsi, la La découverte du gène de la maladie de Huntington, outre les
fréquence des mutations est de 11 % pour 30 triplets et de plus de possibilités diagnostiques et de recherche sus-mentionnées, a ouvert
90 % pour 38 triplets. [90] Plusieurs observations suggèrent que les la voie au dépistage et au conseil génétique de cette maladie qui
mutations de la région instable surviennent pendant la méiose : le n’apparaît essentiellement qu’à l’âge adulte et dont les symptômes
nombre de triplets est identique parmi des jumeaux homozygotes, ne sont que tardivement invalidants, ce qui pose quelques
et le nombre de triplets ne se modifie pas dans les lignées cellulaires problèmes éthiques. Bien qu’entre 40 et 80 % des individus à risque
à nombre élevé de mitoses, comme les cellules hématopoïétiques. de développer la maladie déclarent souhaiter la pratique d’un test
Cette instabilité méiotique est plus marquée au cours de la génétique, moins de 20 % des porteurs potentiels ont été testés. Il
spermatogenèse qu’au cours de l’ovogenèse. En effet, les ovocytes est probable que les individus désireux d’être testés ne sont pas
porteurs d’allèles de très longue taille sont probablement éliminés représentatifs de l’ensemble des sujets susceptibles de développer la
avant l’ovulation. Ainsi, on observe une expansion des triplets au maladie : ce sont des personnes avec un niveau d’éducation
cours des générations successives, notamment dans les lignées supérieur à la moyenne et plus volontiers des femmes. Le besoin de
paternelles, ce qui permet d’expliquer l’apparition à un âge de plus planifier l’avenir et d’informer leurs enfants représente un facteur
en plus précoce des symptômes (phénomène d’anticipation) car le incitatif, mais l’atteinte d’autres membres de la famille et le
nombre de triplets est inversement proportionnel à l’âge développement précoce de symptômes de la maladie chez les
d’apparition des premiers symptômes de la maladie de Huntington. parents semblent également jouer un rôle. Selon les directives de la
La maladie n’est pas due à une inactivation du gène, car ce dernier fondation mondiale de neurologie, [48] le test ne devrait pas être
est transcrit de la même façon que le gène sain et on a observé une proposé d’emblée à des sujets présentant des troubles psychiatriques
personne présentant une destruction du gène par translocation sans sévères sans avis ou traitement psychiatrique. Le patient devrait être
aucun signe de la maladie de Huntington. De plus, les homozygotes informé des conséquences pour lui-même et sa famille d’un résultat
(avec deux copies du gène défectueux) et les hétérozygotes positif et il devrait y avoir un intervalle de 1 mois entre l’information
présentent une maladie phénotypiquement identique. Ces sur le test et sa pratique. Le test prénatal ne devrait pas être proposé
observations suggèrent un mécanisme de « gain de toxicité » de si les parents désirent de toute manière poursuivre la grossesse : le
l’ARNm ou de la huntingtine qui, avec le temps, endommage test n’aurait aucune conséquence immédiate, et peut modifier
sélectivement le striatum. [4] l’avenir d’un enfant sans que ce dernier ne puisse s’y opposer.
Plusieurs mécanismes pathogéniques sont évoqués. L’expansion
CAG code pour un segment polyglutamine, favorisant l’agrégation
CHORÉE HÉRÉDITAIRE BÉNIGNE
de la huntingtine en une structure fibrillaire semblable à celle de
l’amyloïde de la maladie d’Alzheimer. [94] On a retrouvé des corps Il s’agit d’une forme de chorée non progressive, à début précoce,
d’inclusions composés du fragment « N-terminal » de la protéine décrite pour la première fois en 1967. D’un point de vue clinique,
mutante dans les noyaux neuronaux au niveau cortical et striatal. l’âge de début des symptômes très précoce (moins de 10 ans),
Dans ces corps d’inclusion, les fragments de huntingtine sont l’absence d’évolution et la pureté de la chorée sont des éléments qui
associés à l’ubiquitine, ce qui suggère une possible résistance à la distinguent la chorée héréditaire bénigne de la maladie de
protéolyse. Toutefois, la distribution de ces agrégats ne correspond Huntington. Les mouvements involontaires, qui touchent
pas à celle des lésions neuronales dans le striatum notamment. [59] typiquement la partie distale des membres, la face et le tronc,
Ainsi, on ignore si ces inclusions ont une fonction toxique liée à la persistent au cours de la vie adulte sans entraîner de handicap
huntingtine mutante ou s’ils sont simplement le marqueur d’un significatif. Ils atteignent une intensité maximale dans la deuxième
processus pathogénétique plus vaste. Plusieurs travaux sur des décennie, et chez certains diminuent par la suite. En règle générale,
modèles animaux et in vitro de la maladie de Huntington montrent il n’y a pas d’atteinte cognitive ni d’autres signes neurologiques. Des
une activation des différentes caspases, par exemple par exceptions ont été rapportées avec des patients présentant des signes
l’intermédiaire d’une interaction avec la protéine cytoplasmique corticospinaux, cérébelleux et même une détérioration intellectuelle,
appelée Hip-1 activant la procaspase-8. Ainsi, le fragment de voire des formes progressives. Certains de ces cas « exceptionnels »
huntingtine serait transloqué du cytoplasme dans le noyau, peut- pourraient ne pas être de véritables chorées héréditaires bénignes
être pour y activer un programme de « suicide cellulaire » puisque des familles décrites avant la découverte du gène IT15 se
conduisant à l’apoptose ou à une mort cellulaire programmée. Cette sont avérées être des maladies de Huntington. [67]
hypothèse est confortée par des expériences dans lesquelles la mort
neuronale est dissociée des agrégats intranucléaires et où l’inhibition Le mode de transmission est autosomal dominant. Le gène de la
de la caspase-1 a retardé l’apparition des inclusions et prolongé la chorée héréditaire bénigne se trouve sur le chromosome 14 mais n’a
survie de souris (modèle animal). Alternativement, la protéine pas été précisément identifié. [22] Plusieurs gènes sont candidats dont
mutante pourrait conduire à un défaut de production d’énergie au le glial maturation factor-beta (GMFB), le GTP cyclohydrolase I et le
niveau de la mitochondrie, comme il est suggéré par des taux élevés SMN-interacting protein-1, impliqués dans le développement ou le
de lactate dans le cerveau de patients atteints de la maladie de maintien du système nerveux central. Les examens d’imagerie (CT
Huntington et par l’exposition accidentelle à l’acide et imagerie par résonance magnétique [IRM]) ne révèlent pas
3-nitroproprionique (toxine mitochondriale qui inhibe la « chaîne de d’anomalies, en particulier pas d’atrophie des noyaux caudés et les
transport des électrons ») de patients développant une examens d’imagerie fonctionnelle montrent des résultats variables
symptomatologie similaire à la maladie de Huntington. [66] Les en ce qui concerne le métabolisme des noyaux caudés. On ne peut
primates exposés à cette toxine présentent un phénotype clinique et proposer qu’un traitement symptomatique de la chorée. Un cas
une pathologie striatale comparable à la maladie de Huntington. Ce anecdotique a montré une réponse aux stéroïdes.

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17-007-B-10 Mouvements anormaux (dystonie, athétose, chorée, ballisme) Neurologie

CHORÉES SÉNILES lobes pariétaux, capsule interne et cervelet. L’apparition de chorée


Il s’agit d’une entité dont l’existence est discutée. On la définit et de ballisme dans le cadre d’une lésion (vasculaire ou d’autre
habituellement comme une chorée généralisée et symétrique origine) du NST est souvent considérée comme un des meilleurs
d’apparition et d’évolution progressive, touchant des sujets d’âge exemples de corrélation entre une lésion cérébrale et l’apparition
« avancé », en l’absence de syndrome démentiel et d’atteinte d’un mouvement anormal. Cette association correspondrait à la
familiale. Ces deux derniers critères ne permettent pas d’exclure une disparition de l’effet inhibiteur du NST, voire plus largement la
maladie de Huntington puisque les cas à début tardif n’ont que peu perturbation des circuits moteurs des ganglions de la base, lors
ou pas de déficits cognitifs et une atteinte familiale peut rester d’atteintes touchant ces derniers. En revanche, il est plus difficile
indécelable. [77] Il en va de même pour les chorées secondaires qui d’expliquer le mécanisme d’apparition de mouvements anormaux
ne sont souvent pas systématiquement exclues par les auteurs qui dans les atteintes d’autres localisations. Il existe probablement
décrivent des cas de chorée sénile. [99] Enfin, il faut noter la présence, plusieurs facteurs responsables de ces anomalies (Tableau 2).
chez la personne âgée, de dyskinésies bucco-linguo-faciales
En effet, la majorité des lésions atteignant ces régions n’entraînent
idiopathiques, [118] dont le diagnostic ne peut être retenu que par
aucun mouvement anormal et lorsque ceux-ci surviennent, ils sont
exclusion (notamment d’origines médicamenteuses) et qui peuvent
généralement d’installation tardive, [72, 82] une installation aiguë
aussi être favorisées par l’ablation de la dentition ou la présence de
prothèses dentaires mal adaptées (dyskinésie des édentés). Ainsi, restant exceptionnelle. En revanche, des apparitions plus aiguës ont
chez les chorées isolées d’apparition tardive, d’origine indéterminée été décrites en présence de lésions tumorales ou de malformations
et sans anamnèse familiale, 50 % se révèlent être une maladie de artérioveineuses (MAV). [72] Néanmoins, dans ces situations et par
Huntington, et plus de 80 % des cas restants ont une cause définition, un processus lésionnel préexistait à la découverte de la
secondaire identifiable. [117] À ce jour, il n’existe que quatre lésion, souvent recherchée, à l’occasion de l’apparition du
descriptions anatomopathologiques de patients présentant une mouvement anormal. Ainsi, l’observation générale d’un délai
chorée sénile clinique. Pour un seul de ces cas, un test génétique a nécessaire à l’installation des dystonies secondaire reste de règle.
permis d’exclure une maladie de Huntington, et le noyau caudé était Cette apparition tardive des mouvements après l’AVC suggère une
préservé. réorganisation pathologique des boucles de rétrocontrôle comme
En conclusion, les rares descriptions bien documentées de cas de cause potentielle de mouvements hypercinétiques. La perte de la
chorée sénile ne permettent pas de retenir de façon indubitable proprioception peut jouer un rôle très important, raison pour
l’existence d’une entité clinique à part entière. laquelle certains auteurs parlent de pseudochoréoathétose
lorsqu’elle est présente. Des phénomènes de diaschisis peuvent
expliquer qu’une lésion située à distance des noyaux gris puisse tout
de même influencer ces derniers ; enfin, des structures qui se situent
Mouvements anormaux secondaires en périphérie d’un infarctus, dans la pénombre, peuvent apparaître
à des atteintes focales normales morphologiquement à l’IRM bien que touchées mais dans
un moindre degré, comme peuvent le montrer des méthodes
d’imagerie fonctionnelle.
ATTEINTES FOCALES RESPONSABLES DE DYSTONIES
Il faut aussi citer l’apparition de chorée chez 1 à 2 % des enfants
Une dystonie peut être secondaire à des lésions cérébrales d’origine
ayant subi une intervention avec circulation extracorporelle, décrite
différente (vasculaire, infectieuse, inflammatoire, tumorale). Il s’agit
sous le terme de « postpump chorea ». Celle-ci peut être irréversible
essentiellement de lésions atteignant les ganglions de la base, le plus
et sa survenue est imprévisible. Enfin, citons l’association avec la
fréquemment le putamen. [72, 82]
polycythémie dont le mécanisme est probablement une atteinte
vasculaire liée à une hyperviscosité secondaire à l’excès
¶ Atteintes vasculaires
d’érythrocytes. La chorée peut débuter de façon insidieuse ou aiguë.
Des lésions vasculaires (ischémique, hémorrhagique, dans le cadre Elle peut être initialement unilatérale mais elle tend habituellement
d’artérite) peuvent engendrer une hémidystonie ou une dystonie à évoluer vers une forme généralisée.
focale à début tardif. De telles lésions ont été objectivées dans les
noyaux lenticulaires, le noyau caudé, le thalamus, la capsule interne ¶ Mouvements anormaux et lésions expansives
D et aussi dans des lésions combinées au niveau capsulolenticulaire,
des ganglions de la base et du tronc cérébral. Enfin, plus Une origine tumorale à des mouvements anormaux est reportée soit
exceptionnellement, des lésions pariétales ont été relevées. [72, 82] dans le cadre d’un processus expansif se développant aux dépens
L’apparition de chorée dans le cadre d’accident vasculaire cérébral des noyaux gris centraux notamment, soit dans le cadre d’un
(AVC) est très rare et inconstante (moins de 1 %). [91] Les localisations syndrome paranéoplasique. Les tumeurs invasives n’ont pas
lésionnelles sont variées et proches de celles responsables des nécessairement une localisation qui correspond aux structures
dystonies : noyaux sous-thalamiques (NST), striatum, thalamus, impliquées dans la genèse des mouvements anormaux. On peut

Tableau 2. – Mouvements anormaux d’origine cérébrovasculaire.


Étiologie Localisation des lésions Début Distribution

a) Ischémique Noyau lenticulaire, noyau caudé, thalamus, Tardif Focale, hémidystonie, choréoathétose
capsulaire, et combinées
Aigu
b) Ischémique sur artérite
– M. de Behçet Paroxystique Focale
– Lupus érythémateux Thalamus Tardif Hémidystonie, focale
– Syndrome d’antiphospholipides Ggl. de la base, sous-corticale, pariétale Tardif Focale, hémidystonie
– Artérite post-zostérienne Tardif Hémidystonie
– Nécrose bilatérale du striatum Noyau lenticulaire, noyau caudé Tardif Hémidystonie
c) Migraine Tardif Hémidystonie
Moya-Moya Choréoathétose
d) Hémorrhagique Thalamus postérolatéral, noyau caudé Subaigu , tardif Hémidystonie, choréoathétose
e) Malformation artérioveineuse Tête du caudé, lenticulaire Aigu Torticolis, hémidystonie myoclonique, choréoathétose
Angiome caverneux Tête du caudé Subaigu Hémichoréoathétose

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Neurologie Mouvements anormaux (dystonie, athétose, chorée, ballisme) 17-007-B-10

¶ Mouvements anormaux dans le cadre de la sclérose


Tableau 3. – Lésions focales du système nerveux responsables de mou-
vements anormaux en plaques

Post-traumatique Lésions infectieuses


L’apparition de mouvements anormaux dans le cadre de la sclérose
en plaques (SEP) est relativement rare mais reconnue sous forme de
Traumatisme crânien a) Encéphalite aiguë choréoathétose, [68] de dystonies focales, segmentaires, unilatérales et
Périphériques b) Encéphalite japonaise
paroxystiques. Ces dernières, bien connues, se présentent sous forme
Brûlures c) Atteinte VIH
Lésions expansives d) Toxoplasmose cérébrale
de spasmes toniques, de 1 à 2 minutes. Elles surviennent plusieurs
Astrocytome Sclérose en plaques fois par jour, sont parfois précédées d’une aura sensitive, souvent
Lymphome Myélinolyse centropontique douloureuses et accompagnées de manifestations végétatives. Elles
Gliome Syringomyélie, ectopie cérébelleuse répondent généralement bien aux anticonvulsivants alors que l’EEG
Méningiome Pachygyrie n’apporte aucun argument critique.
Kyste sous-arachnoïdien High G-force
Métastase Corps étranger cervical
Kyste hydatique périventriculaire Dysostose spondylocostale
¶ Myélinolyse centropontique
Hématome sous-dural La destruction de myéline au niveau de la base du pont mais
VIH : virus de l’immunodéficience humaine. également des régions extrapontines, souvent secondaire à une
hyponatrémie corrigée de façon rapide, a été décrite à l’origine de
dysphonie et dystonies, cervicale, oromandibulaire et des membres
toutefois citer un exemple de lésion métastatique au niveau du supérieurs, pouvant être accompagnées de parkinsonisme. [97]
noyau sous-thalamique qui explique bien la genèse d’une chorée
relativement pure. [34] ¶ Dystonies dans le cadre d’infections du système
Depuis 1988, date de publication du premier cas de chorée nerveux central
paranéoplasique lié à une tumeur pulmonaire, des tumeurs
d’origine rénale et des hémopathies malignes ont aussi été Une encéphalite peut être à l’origine de lésions bilatérales des
décrites. [ 3 ] Ces formes répondent mal aux traitements noyaux gris [43] et est alors suivie assez fréquemment de séquelles
symptomatiques de la chorée tels que neuroleptiques, dystoniques. Dans cette situation, la dystonie évolue souvent de pair
benzodiazépines, antiépileptiques, agents dépléteurs de la dopamine avec un syndrome parkinsonien, des dyskinésies bucco-linguo-
et stéroïdes. En revanche, une réponse est observée en relation avec faciales et des crises oculogyres. Une telle association est donc très
le traitement de la tumeur causale. [21] suggestive d’une origine encéphalitique à la dystonie. Le tableau
clinique survenant dans le cadre d’une encéphalite du virus de
Dans le cadre des processus expansifs, il faut encore mentionner
l’immunodéficience humaine (VIH) consiste en une dystonie
l’association avec des hématomes sous-duraux et, de façon
généralisée axiale et appendiculaire, prédominant au niveau des
exceptionnelle, un hématome épidural et une hémorragie sous-
membres inférieurs. Le scanner cérébral révèle des hyperdensités
arachnoïdienne (Tableau 3).
symétriques au niveau des deux putamen. [1] L’encéphalite japonaise
aiguë peut causer une dystonie d’installation aiguë focale ou
¶ Dystonies post-traumatiques généralisée sévère associée à un ralentissement moteur, un
tremblement et une choréoathétose. L’imagerie montre ici aussi des
Atteintes centrales lésions bilatérales dans les ganglions de la base ou le thalamus
La dystonie s’installe après un délai de quelques mois à quelques éventuellement dans le cadre d’une atteinte multifocale plus étendue
années. Il s’agit généralement des suites d’un traumatisme dans les cas sévères. Dans ce cadre, il faut aussi mentionner les
craniocérébral avec coma et déficit moteur, touchant principalement lésions toxoplasmiques et les atteintes para-infectieuses, auto-
des enfants ou de jeunes adultes. La distribution de la dystonie est immunes secondaires à des infections telle l’artérite herpétique. [15]
le plus souvent hémicorporelle ou d’un membre supérieur mais des
dystonies bilatérales ou des dystonies cervicales ont également été ¶ Chorées dans le cadre d’infections du système
décrites, de même que l’association avec un tremblement d’action. [8, nerveux central
49, 58, 72]
L’imagerie révèle des lésions du caudé ou du putamen
Il existe une pléthore de rapports qui décrivent une association entre
controlatéral chez 7/8 patients avec une hémidystonie.
une cause infectieuse et une chorée, ne rapportant souvent qu’un
cas. Les chorées liées au syndrome de l’immunodéficience acquise
Atteintes périphériques
(sida) ne sont pas rares et devraient être évoquées systématiquement
Il s’agit de dystonies focales apparaissant après un traumatisme lors de l’apparition du mouvement anormal chez un jeune patient
périphérique (fracture d’un doigt, blessure d’une main, entorse du sans hérédopathie connue pour une chorée héréditaire. On retrouve
pied). Une dystonie cervicale peut survenir après un coup du lapin des cas qui sont attribués soit au virus VIH lui-même, dans le cadre
ou une dystonie oromandibulaire après traumatisme ou une d’une encéphalite subaiguë, soit aux agents opportunistes en
chirurgie du visage, de la bouche, de la mâchoire. Le traumatisme particulier la toxoplasmose, la leucoencéphalopathie progressive
initial doit avoir été assez sévère pour que les symptômes aient multifocale et la cryptococcose. [85] Dans les causes virales, on
persisté au moins 15 jours ou avoir requis une consultation. Par retrouve les virus avec tropisme particulier pour le système nerveux
définition, la dystonie apparaît moins de 1 an après le traumatisme central, notamment les virus du groupe herpès (herpes simplex,
et atteint la région corporelle traumatisée. Par opposition avec les varicella-zoster, Epstein-Barr) mais aussi les virus de la grippe (un
dystonies focales idiopathiques, on note volontiers ici des postures cas), de la rougeole, les ECHO-virus et le virus des oreillons. Un
fixées éventuellement avec des contractures amenant une limitation seul cas de complication postvaccinale (variole) est rapporté. Parmi
de l’excursion du mouvement passif et l’absence de geste les causes bactériennes, on relève des cas d’infections à spirochètes
antagoniste. De telles dystonies peuvent apparaître dans le cadre (syphilis, Lyme), à mycoplasme, les endocardites bactériennes et la
d’algoneurodystrophies. La distinction d’une entité séparée pour légionnellose. Enfin, il convient de citer un cas de maladie de
cette association est sujette à débat, mais l’amélioration, Creutzfeldt-Jakob. [98] Ainsi, lorsqu’un contexte infectieux est
malheureusement transitoire et inconstante, de la dystonie par bloc suspecté cliniquement en raison d’un état fébrile, d’un tableau
sympathique, est un argument pour une telle distinction. d’encéphalite ou d’encéphalopathie septique ou d’un syndrome
Généralement, la dystonie apparaît dans les premiers stades de inflammatoire paraclinique, on cherche à mettre en évidence l’agent
l’atteinte végétative, qu’elle peut même précéder. Habituellement, infectieux et des éventuelles lésions cérébrales focales par les
ces dystonies sont résistantes aux traitements médicamenteux et examens appropriés (cultures et sérologies sanguines et du liquide
deviennent volontiers très invalidantes. céphalorachidien, CT scan ou IRM cérébrales).

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17-007-B-10 Mouvements anormaux (dystonie, athétose, chorée, ballisme) Neurologie

Les mécanismes en cause dans les origines infectieuses peuvent être Atteintes cérébrales diffuses
de plusieurs ordres : mécanismes immuns (notamment formation
d’auto-anticorps par des phénomènes de réactions croisées,
responsables de dystonie
formation de complexes immuns), lésions par des toxines
bactériennes ou encore invasion directe du parenchyme cérébral. ANOXIE/HYPOXIE : ASPHYXIE PÉRINATALE,
ARRÊT CARDIORESPIRATOIRE
¶ Chorée de Sydenham Les noyaux gris centraux sont des structures fortement sensibles à
l’hypoxie qui peut survenir soit dans le cadre d’un arrêt
C’est sans doute l’exemple le plus connu des chorées para-
cardiorespiratoire soit suite à une intoxication, par exemple au
infectieuses. Elle a été décrite par Thomas Sydenham en 1686. Elle
monoxyde de carbone. De telles atteintes engendrent volontiers des
est, de nos jours, essentiellement présente dans les pays en voie de
nécroses au niveau des pallidum, associées à d’autres lésions,
développement où elle peut être endémique, mais il existe dans les
notamment hippocampiques. L’atteinte motrice en résultant peut
pays industrialisés des épidémies liées à des souches bactériennes revêtir deux aspects principaux : un parkinsonisme et/ou une
de streptocoque ß-hémolytique A très virulentes (forme dystonie. La dystonie peut apparaître des semaines voire des mois
mucoïde). [112] Elle touche essentiellement une population jeune après l’atteinte. [10] Il en est de même de l’hypoxie périnatale qui peut
(moins de 16 ans : 90 %), atteignant deux fois plus souvent les ne laisser aucune séquelle pendant des années et se révéler de façon
femmes que les hommes. Elle accompagne environ 20 % des cas de progressive de nombreuses années plus tard. [82, 95] Lorsque la
rhumatisme articulaire aigu (RAA) dont elle est un des cinq critères dystonie débute précocement, à l’âge de 6 mois ou plus, elle prend
diagnostiques majeurs. Elle est isolée dans les trois quarts des cas, volontiers la forme d’une athétose, il s’y associe souvent un
sans symptôme cardiaque, articulaire ou cutané associé et sans que syndrome pseudobulbaire avec des rires et pleurs spasmodiques,
l’on puisse mettre en évidence une notion d’infection à streptocoque une dysarthrie et une dysphagie. On retrouve des lésions dans le
A, probablement en raison du long délai entre l’exposition à l’agent thalamus, le putamen, le noyau caudé et la région sous-corticale
infectieux et le début des symptômes neurologiques (plusieurs dont l’apparence macroscopique est semblable à du marbre : « état
mois). Le diagnostic est avant tout clinique. Le type de marbré ». Ce type de lésion ne se retrouve pas si l’anoxie cérébrale
manifestations associées à la chorée (cardite, arthrite, lésions survient après la fin de la myélinisation. Plus tard, la sémiologie
cutanées), la sévérité et la durée des symptômes dépendent de la évoque une dystonie progressivement généralisée. Dans cette
souche bactérienne et de susceptibilités individuelles telles que les seconde situation, avec des délais d’apparition comprenant des
alloantigènes lymphocytaires B non human leucocyte antigen (HLA). années, voire des décennies, un bilan étiologique approfondi est
Les signes cardinaux de la chorée de Sydenham sont l’apparition mérité avant de conclure à une telle relation avec une anoxie
subaiguë d’une chorée relativement pure qui peut être unilatérale périnatale qui souvent est peu documentée et laisse peu de traces
(30 % des cas), accompagnée d’asthénie, d’une labilité émotionnelle radiologiques
et de troubles du comportement se rapprochant souvent de troubles
obsessionnels compulsifs et occasionnellement des troubles ICTÈRE NUCLÉAIRE
psychotiques. [74] Ces derniers symptômes peuvent précéder
l’apparition des mouvements anormaux. Les symptômes régressent L’ictère nucléaire résulte d’une incompatibilité fœtomaternelle de
en 3 à 6 mois mais peuvent durer jusqu’à 4 ans ou régresser groupe sanguin ABO ou Rhésus et est devenu rare de nos jours,
incomplètement. Des récidives peuvent survenir, habituellement grâce à la détection précoce de ce risque d’incompatibilité et aux
dans les deux ans. traitements périnataux. En cas de survenue, le taux de décès ou
d’invalidité sévère est élevé avec retard mental, surdité, hypotonie,
Le laboratoire peut mettre en évidence des paramètres incapacité à marcher. Une minorité d’enfants atteints survit avec un
inflammatoires tels qu’une élévation de la vitesse de sédimentation développement mental pratiquement normal. C’est parmi eux que
et une protéine C réactive. Le frottis de gorge ne permet d’isoler que l’on observe à proprement parler un syndrome athétosique (le plus
très rarement (< 5 %) un streptocoque A. Les anticorps souvent associé à une dystonie, des myoclonies et à une rigidité). [16]
antistreptolysine (ASLO) sont positifs dans environ 75 % des cas Cette symptomatologie débute après un intervalle de 1 à 2 ans après
alors que le titre de l’anti-DNAse est élevé dans plus de 90 % des la naissance. Certaines patientes peuvent présenter une chorée
cas. L’EEG est le plus souvent anormal mais non spécifique, gravidique ou sur contraceptifs. Une surdité et des troubles
démontrant un ralentissement prédominant dans les régions oculomoteurs (touchant la verticalité) sont habituellement associés
occipitales. L’imagerie par résonance magnétique peut montrer des aux mouvements anormaux. À l’examen pathologique, on trouve,
hyperintensités en T2 au niveau du pallidum, des noyaux caudés et chez ces patients, une perte neuronale et une gliose au niveau des
du putamen, alors que la TEP et le single photon emission tomography noyaux sous-thalamiques, des pallidum, des thalamus, des noyaux
(SPECT) mettent en évidence des anomalies compatibles avec une oculomoteurs et cochléaires. Un déficit en glucuronyltransférase
inflammation (respectivement une augmentation du métabolisme et (syndrome de Crigler-Najjar), l’enzyme responsable de la
du débit sanguin), à l’opposé de ce que l’on observe dans une glucuronoconjugaison de la bilirubine, peut produire un tableau
affection dégénérative. [65] similaire.
Le mécanisme est probablement auto-immun avec la présence
d’anticorps contre la protéine M du streptocoque A qui ont une CHORÉES LIÉES À DES PATHOLOGIES
réaction croisée avec les neurones, la présence d’autoanticorps AUTO-IMMUNITAIRES
dirigés contre le cytoplasme des neurones caudés et sous- Depuis le déclin de la chorée de Sydenham, le lupus érythémateux
thalamiques mais aussi la présence de titres élevés d’anticorps disséminé (LED) est devenu une des causes fréquentes de chorée
anticardiolipines dans certains cas. [29] Le traitement est en premier acquise (présente dans 2 % des LED). Volontiers associée à un
lieu une antibiothérapie par pénicilline intramusculaire ou syndrome d’anticorps antiphospholipides secondaire, la chorée est
intraveineuse. On peut envisager une corticothérapie, des probablement due à des lésions, au niveau du striatum, soit
immunoglobulines ou des plasmaphérèses pour les formes cliniques inflammatoires, soit ischémiques dans le cadre d’une vasculite.
les plus avancées. [ 1 0 3 ] La chlorpromazine est le traitement Comme pour la chorée de Sydenham, l’imagerie par PET et SPECT
symptomatique de premier choix. L’usage des neuroleptiques montre un pattern compatible avec une inflammation. [41] Dans 25 %
atypiques n’est pas aussi bien documenté, mais ils constituent une des cas, la chorée est la première manifestation du LED. Les patients
alternative envisageable. Enfin, des réponses satisfaisantes sont peuvent avoir d’autres symptômes liés à des manifestations
décrites avec des antiépileptiques (carbamazépine, valproate de neurologiques du lupus érythémateux telles que des troubles
sodium). neuropsychiatriques, des crises épileptiques, des lésions vasculaires

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Neurologie Mouvements anormaux (dystonie, athétose, chorée, ballisme) 17-007-B-10

Tableau 4. – Maladies systémiques responsables de mouvements anormaux.


Métabolique Maladies infectieuses et prions

Hypoglycémie Polyomyélite (encéphalitique)


Hyperglycémie Scarlatine
Hyponatrémie, hypernatrémie Endocardite bactérienne
Hypocalcémie Fièvre typhoïde
Hypomagnésémie Maladie du légionnaire
Insuffisance hépatique Lyme
Insuffisance rénale Neurosyphillis
Shunt portocave pour cirrhose Encéphalite japonaise
Endocrine Encéphalite à Mycoplasma pneumoniae
Hyperthyroïdie Encéphalite de von Economo
Hypoparathyroïdie Méningoencéphalite virale, influenza oreillons, varicelle, rougeole)
Pseudohypoparathyroïdie Méningite tuberculeuse
Hyperparathyroïdie Méningite à cryptocoques
Chorea gravidarum Postvaccinal
Maladie d’Addison Mononucléose infectieuse
Diabète Méningoencéphalite herpétique
Mastocytose Maladie de Creutzfeldt-Jakob
Nutritive Maladie de Creutzfeldt-Jakob, nouvelle variante
Béribéri (déficit en thiamine) Panencéphalite sclérosante subaiguë
Déficit en thiamine postdialyse Cysticercose
Encéphalopathie de Wernicke Infection à VIH
Pellagra (déficit en niacine) Toxoplasmose
Déficit en vitamine B12 (enfant) Maladie des griffes du chat
Auto-immunes Paranéoplasique
Lupus érythémateux systémique Lymphome non hodgkindien
Sclérodermie Cancer rénal
Syndrome antiphospholipide primaire Encéphalite paranéoplasique striatale
Polyarthrite rhumatoïde Thymome
Maladie de Behçet Carcinome de l’estomac
Syndrome de Henoch-Schönlein Carcinome rénal
Périartérite noueuse Carcinome à petites cellules du poumon
Maladie de Horton Leucémie lymphoblastique aiguë
Syndrome de Churg et Strauss Syndrome myéloprolifératif transitionnel
Glomérulonéphrite Autres maladies systémiques
Artérite due à l’herpes zoster Porphyrie aiguë intermittente
Para-infectieuses Polycythemia vera
Chorée de Sydenham Sarcoïdose
Pertussis Anémie falciforme
Varicelle Syndrome de Raymond
Diphtérie Migraine
Epstein-Barr Ictère hémolytique
Oreillons Chorée après circulation extracorporelle
Tétanos Électrocution
Hypotension artérielle

ou une atteinte périphérique. La chorée est parfois focale, mais le antiphospholipides. [83] Ce type d’association rend l’hypothèse d’un
plus souvent généralisée ou hémicorporelle. Les examens mécanisme dysimmunitaire probable. Néanmoins, environ 40 % des
paracliniques permettent de poser le diagnostic de la connectivite chorées gravidiques n’ont aucun antécédent choréique. La chorée
avec, à l’imagerie, des lésions dont l’origine est probablement gravidique survient le plus souvent pendant la première moitié de
vasculaire. Un bilan de dépistage est donc recommandé pour tous la grossesse, chez les primipares. Elle régresse après l’accouchement.
les cas de chorée pour lesquels il n’existe pas de notion familiale de Dans une forme sévère avec décès de la patiente, l’autopsie a montré
chorée héréditaire car un traitement spécifique immunomodulateur des lésions structurelles au niveau des noyaux gris centraux. Un
est requis. Avec une immunosuppression adéquate, l’amélioration traitement neuroleptique est habituellement efficace mais dans des
des symptômes survient en quelques semaines. Un traitement formes graves, la question d’une interruption de grossesse peut se
symptomatique peut être introduit dans un second temps en cas de poser. Il existe un risque de récidive lors des grossesses suivantes
persistance prolongée de la chorée ou si ces manifestations sont ou lors de la prise de contraceptifs oraux, principalement ceux
d’emblée très sévères. contenant des œstrogènes. [31]
Les autres maladies auto-immunes dans lesquelles une chorée peut
survenir sont le syndrome antiphospholipide primaire, la sarcoïdose, CAUSES SYSTÉMIQUES DE MOUVEMENTS ANORMAUX
la panartérite noueuse, la maladie de Behçet, le syndrome de Churg Des changements hormonaux dans le métabolisme de base ou dans
et Strauss, l’angéite isolée du système nerveux et la thyroïdite de le tonus catécholaminergique de même que des troubles
Hashimoto. Dans cette dernière, il n’est pas nécessaire d’avoir un électrolytiques ou de la glycémie peuvent affecter les structures
déséquilibre endocrinien. cérébrales au métabolisme le plus élevé telles que les noyaux gris
centraux (Tableau 4).
CHORÉE GRAVIDIQUE
On a observé de longue date l’apparition d’une chorée au cours des DYSTHYROÏDIE
grossesses chez les femmes ayant des antécédents de chorée de L’association entre une dysthyroïdie et l’apparition de mouvements
Sydenham. L’incidence de cette dernière ayant considérablement choréoathétosiques a déjà été notée au XIXe siècle par Gowers. Les
diminué, ce tableau est donc devenu plus rare. Actuellement, on mouvements anormaux se présentent puis disparaissent
observe, dans certains cas, une association à d’autres pathologies conjointement au déséquilibre hormonal. La chorée affecte plus
telles que le lupus érythémateux ou un syndrome d’anticorps volontiers les extrémités, parfois de façon unilatérale. Les

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17-007-B-10 Mouvements anormaux (dystonie, athétose, chorée, ballisme) Neurologie

mouvements sont habituellement continus bien que des formes comme une atteinte au niveau des membres supérieurs avec une
paroxystiques aient été décrites. On ne note habituellement pas de déviation cubitale, une flexion métacarpophalangienne, des
lésion à l’imagerie, y compris à l’IRM. La réponse des mouvements extensions interphalangiennes proximale et distale. Rarement, des
aux médicaments antidopaminergiques et la présence d’une dystonies focales ou segmentaires de la face (blépharospasme,
concentration anormalement basse des métabolites de la dopamine syndrome de Meige), une crampe de l’écrivain, un torticolis ou une
dans le LCR suggère une hypersensibilité des récepteurs hémidystonie sont observés. La mutation est située sur le long bras
dopaminergiques ou une altération du turn-over de la dopamine du chromosome 6 (25.2-27), codant pour une protéine, la parkin, qui
comme mécanismes étiologiques. fonctionne comme ubiquitine-ligase E3 dans le circuit catabolique
protéique lié à l’ubiquitine. La particularité neuropathologique
consiste en une dépigmentation et une perte neuronales, une gliose
HYPOCALCÉMIE et de la mélanine extraneuronale au niveau des segments
L’hypocalcémie est une cause rare de chorée. Les patients peuvent intermédiaire et ventrolatéral de la substance noire, pars compacta,
présenter des mouvements asymétriques, habituellement et une perte neuronale au niveau du locus ceruleus sans corps de
paroxystiques et rarement kinésigéniques. Les mouvements Lewy. [105]
anormaux disparaissent après correction du trouble électrolytique et
il n’y a probablement pas de lien avec des calcifications des noyaux ¶ Paralysie supranucléaire progressive
gris qui sont souvent observées à l’imagerie cérébrale. Une
hypothèse étiopathogénique est une augmentation de l’excitabilité La paralysie supranucléaire progressive est caractérisée par un
membranaire par l’hypocalcémie. syndrome parkinsonien akinéto-rigide, une paralysie du regard
verticale supranucléaire, une dysphagie et dysarthrie, ainsi que des
troubles cognitifs. La dystonie axiale avec hyperextension de la
TROUBLES DE LA GLYCÉMIE nuque accompagne une dystonie faciale, une difficulté à l’ouverture
Des variations extrêmes de la glycémie vers le haut ou le bas des yeux due à un blépharospasme associé à une apraxie à
conduisent souvent à une altération de l’état de conscience mais l’ouverture des yeux.
l’apparition de mouvements anormaux est plus rare. Une chorée
généralisée ou une hémichorée peut s’observer dans l’hyperglycémie ¶ Atrophie multisystémique
hyperosmolaire non cétosique. Elle disparaît après correction des L’atrophie multisystémique est caractérisée par l’association d’un
troubles métaboliques. L’imagerie est normale. Deux mécanismes parkinsonisme à une atteinte végétative et à un syndrome
physiopathologiques possibles seraient l’utilisation du GABA cérébelleux. Selon la prédominance de l’une de ces
comme source d’énergie par les neurones en l’absence de corps symptomatologies, elle est aussi connue sous les noms de
cétoniques ou la présence de micro-infarctus non visibles à dégénérescence striatonigrale (syndrome parkinsonien akinétorigide
l’imagerie au niveau des noyaux gris. On a toutefois retrouvé des devenant doparésistant), de syndrome de Shy-Drager (atteinte
hypersignaux CT et T1 à l’IRM des noyaux caudés et des putamens végétative centrale), et d’atrophie olivo-ponto-cérébelleuse
avec, au long terme, un hyposignal T2 et un hypométabolisme au sporadique. La dystonie se présente d’habitude sous forme d’un
SPECT dans ces mêmes régions alors même que les symptômes antérocollis [86] ainsi qu’une dystonie des muscles frontaux. Elle peut
avaient régressé. Ces anomalies pourraient représenter des s’étendre à la région pharyngo-laryngée et amener, notamment lors
hémorragies ou des foyers de démyélinisation. L’hypoglycémie peut du sommeil, à des spasmes laryngés potentiellement fatals.
conduire à l’apparition de mouvements choréiformes qui ne durent
que lors de l’épisode sauf en cas d’hypoglycémies répétées où l’on
¶ Dégénérescence corticobasale
peut observer une chorée permanente.
Des épisodes de chorée liés à une hyponatrémie, une hypernatrémie La dégénérescence corticobasale est caractérisée par un syndrome
ou une hypomagnésémie ont été rapportés dans le passé mais il n’y parkinsonien fortement asymétrique, une dysfonction corticale
a pas de littérature récente sur ce sujet. Enfin, des déficits en focale, se manifestant surtout par une apraxie du membre atteint
vitamine B1, B6 et B12 sont rapportés. avec une dystonie pouvant s’associer à des myoclonies. La dystonie
s’installe d’habitude au niveau du bras atteint (92 %), réalisant une
posture en adduction dans l’épaule et flexion du coude avec une
Maladies hérédodégénératives main en griffe. Chez 28 % des patients, il y a une dystonie dans la
jambe et chez 4 % des patients dans les quatre membres. [111]

SYNDROMES PARKINSONIENS ¶ Hemiatrophie-hémiparkinsonisme


La plupart des patients souffrant d’un syndrome parkinsonien Ce tableau clinique se complète dans la trentaine par l’apparition
peuvent présenter une participation dystonique. d’un parkinsonisme, très lentement progressif et généralement
dopasensible quasi unilatéral sur un hémicorps atrophique
¶ Maladie de Parkinson accompagné d’une atrophie cérébrale controlatérale d’origine
périnatale. Une dystonie est fréquemment associée.
Dans le cadre de la maladie de Parkinson, on peut voir apparaître
une dystonie. Les facteurs des risques pour une telle association
sont : le jeune âge, le sexe féminin, une longue durée de maladie. Il ¶ Maladie de Hallervorden-Spatz
est vrai cependant que, dans la plupart des cas, la dystonie est liée Il s’agit d’une entité d’apparition sporadique ou d’hérédité
au traitement antiparkinsonien et particulièrement à l’utilisation de autosomique récessive débutant dans l’enfance, caractérisée par une
la lévodopa. La dystonie se présente alors sous forme d’une dystonie dystonie généralisée et une rigidité commençant au niveau des
de phase OFF, souvent matinale ou dans le cadre des dyskinésies membres inférieurs avec déformation des pieds, associée à une
biphasiques ou alors, au pic de la dose, au niveau focal ou atteinte tétrapyramidale et à une détérioration mentale associée à
segmentaire. En dehors de tout traitement, une dystonie au niveau une rétinite pigmentaire et à une dégénération tapétorétinienne. Les
des pieds peut être un des premiers signes de la maladie de premiers symptômes apparaissent sous forme des troubles de
Parkinson juvénile ou de début précoce. l’équilibre et de la posture. La dystonie peut apparaître dès le début,
Cette association doit faire rechercher la forme autosomique mais survient plus souvent progressivement. Elle est habituellement
récessive de parkinsonisme génétiquement déterminé (PARK 2). La généralisée mais peut être segmentaire ou focale. [26] Une forme
dystonie se présente sous forme d’un pied en varus équin et d’un adulte est exceptionnelle. Le diagnostic se pose à l’imagerie cérébrale
hallux striatal pouvant être renforcé par l’action (kinésigénique), ou où l’IRM en T2 permet de voir au niveau pallidal une hyperintensité

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Neurologie Mouvements anormaux (dystonie, athétose, chorée, ballisme) 17-007-B-10

Tableau 5. – Maladies dégénératives responsables de dystonie.


Maladies Distribution dystonique Signes cliniques Imagerie

Maladie de Parkinson Focale, segmentaire, axiale Syndrome akinétorigide, trémor Normal


Paralysie supranucléaire progressive Axiale, hyperextension de la nuque Paralysie du regard, akinétorigide Atrophie mésencéphalique, tectale
Atrophie multisystémique Axiale, antérocollis, torticolis, Syndrome akinétorigide, végétatif, Atrophie olivo-ponto-cérébelleuse, atrophie
dystonie frontale cérébelleux putaminale en T2
Dégénérescence corticobasale Segmentaire, « limb-dystonia » Apraxie, myoclonie, main étrangère Atrophie cérébrale asymétrique
Dégénérescence thalamique
(noyau centromédian)
Gilles de la Tourette Tic dystonique, focale Action stéréotypée, répétitive Normale
Hémiparkinsonisme-hémiatrophie Ipsilatérale à l’hémiatrophie Hémiatrophie, hémiparkinsonisme Asymétrie cérébrale controlatérale,
Dégénérescence pallidale progressive Focale ou généralisée Syndrome akinétorigide Atrophie pallidale
Maladie de Hallervorden-Spatz Multifocale, généralisée Syndrome corticospinal, démence Hypo-intensité pallidale en T2 (signe des
yeux de tigre)
Maladie de Huntington Généralisée Chorée , démence Atrophie corticale et du caudé
Maladie de Machado-Joseph Multifocale, généralisée Ataxie, amyotrophie, parkinsonisme Atrophie cérébelleuse
Atrophie dentato-rubro-pallido-luysienne Généralisée Ataxie, démence, myoclonies Altératon du signal : tronc cérébral, cervelet
Neuroacanthocytose Orolinguale, généralisée Chorée, amyotrophie, épilepsie Atrophie des caudés
Maladie de Fahr Généralisée, hémidystonie Syndrome parkinsonien, syndrome Calcifications des ganglions de la base
corticospinal, ataxie, démence
Ataxia téléangiectasie Généralisée Ataxie, neuropathie Atrophie cérébelleuse
Inclusions intraneuronales Focale généralisée Syndrome corticospinal, ataxie, démence
Syndrome de Rett Focale : crurale, crises oculogyres Autisme, stéréotypie, épilepsie Atrophie cérébrale

centrale entourée d’une hypo-intensité (image « d’œil de tigre »). En – une atrophie pallidoluysienne et deux formes étendues avec
l’absence de traitement causal, l’évolution est fatale en une dizaine atteinte de la substance noire, du striatum ou du noyau dentelé ;
d’années. – ou avec atteinte du thalamus, du système pyramidal ou de la
Le tableau neuropathologique atteint le globus pallidus et la partie moelle.
réticulée de la substance noire et consiste en une discoloration brun
Cliniquement, on observe une dystonie focale ou généralisée
rouille due à l’accumulation de granules pigmentaires contenant du
associée à un syndrome akinétorigide mais un cas avec une dystonie
fer associés à des corps sphéroïdes (accumulation de glycoprotéines,
généralisée associé à une dysarthrie et une parésie du regard
de lipides et de mitochondries) et à un gonflement axonal diffus
supranucléaire a été décrit. [119]
dans les structures cérébrales atteintes : particulièrement la
substance noire, le pallidum et le noyau sous-thalamique [102]
(Tableau 5). NEUROACANTHOCYTOSE
¶ Maladie de Machado-Joseph La neuroacanthocytose est une maladie héréditaire, dont le tableau
Cette atrophie spinocérébelleuse autosomique dominante (SCA3) est clinique débute dans la 4e décennie et consiste en des mouvements
due à une répétition anormale du triplet CAG qui se trouve sur le choréiques, des troubles psychiatriques et une détérioration
bras long du chromosome 14q. L’examen pathologique révèle une neuropsychologique pouvant amener à une démence. Cette maladie
dégénérescence spinocérébelleuse avec une perte neuronale au mime donc la chorée de Huntington et mérite d’être recherchée
niveau du noyau dentelé et de la substance noire. Trois différents quand la génétique ne confirme pas ce dernier diagnostic. Deux
phénotypes existent avec : caractéristiques cliniques font évoquer cette maladie :
– type I : début précoce et signes essentiellement – la prédominance des dyskinésies au niveau oromandibulaire et
pyramidaux-extrapyramidaux ; notamment la présence d’une dystonie orolinguale d’action
– type II, le plus fréquent : début à l’âge adulte moyen, propulsant le bolus alimentaire hors de la bouche et pouvant amener
manifestations cérébelleuses et pyramidales ; à une automutilation [92] ;
– type III : début tardif avec des signes cérébelleux et une – la présence d’une polyneuropathie. Une dysphagie, une
amyotrophie distale. dysarthrie, des vocalisations involontaires, une chorée
La dystonie apparaît chez des sujets jeunes et concerne les membres appendiculaire et un parkinsonisme souvent associé à une dystonie
ou la face dans la plupart des cas, elle est rarement généralisée généralisée. Les autres signes cliniques sont la détérioration
contrairement aux cas d’hérédité homozygotes avec manifestation cognitive (70 % des cas), des crises épileptiques (50 % des cas) ainsi
de la dystonie pendant l’enfance. qu’une polyneuropathie axonale motrice avec amyotrophie distale
et pes cavus. [42]
¶ Atrophie dentato-rubro-pallido-luysienne Le diagnostic repose sur la mise en évidence d’un nombre élevé
Il s’agit d’une maladie autosomique dominante entrant dans le d’acanthocytes (plus de 3 %) sur un frottis de sang périphérique sans
diagnostic différentiel des chorées, la dystonie faisant rarement anomalies des lipoprotéines, dans un contexte clinique approprié.
partie du tableau. Elle est répartie en deux entités cliniques, l’une Le CT et l’IRM du cerveau mettent parfois en évidence des
débutant après 20 ans, associe ataxie, choréoathétose et démence et anomalies de signal aspécifiques et une atrophie dans le striatum. [42]
l’autre, de début juvénile avant 20 ans, ajoute à ce tableau une Le traitement est uniquement symptomatique.
épilepsie myoclonique progressive. La mutation est localisée sur le Le mode de transmission reste peu clair : un mode autosomique
chromosome 12p13.31, avec une expansion du trinucléotide CAG. [78] récessif est suspecté en raison de consanguinité connue dans
La pathologie démontre une dégénérescence des efférents quelques cas familiaux, mais un mode autosomique dominant peut
cérébelleuse et du système pallidoluysien avec une perte neuronale aussi être évoqué en présence de deux générations successives
au niveau du noyau dentelé, du noyau rouge, du globus pallidum atteintes. La mutation est localisée sur le chromosome 9. On suspecte
et du noyau sous-thalamique. qu’une anomalie de la membrane soit responsable des altérations de
la fluidité membranaire et du défaut de configurations des protéines
DÉGÉNÉRESCENCE PALLIDALE PROGRESSIVE
membranaires. À l’examen neuropathologique, le putamen et le
Il s’agit d’une maladie qui, selon l’examen pathologique, est répartie noyau caudé et le globus pallidus sont les régions les plus atteintes
en quatre groupes différents : par une atrophie cérébrale et une gliose, la perte neuronale affectant
– une atrophie pallidale pure ; surtout les neurones de petite taille.

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17-007-B-10 Mouvements anormaux (dystonie, athétose, chorée, ballisme) Neurologie

MALADIE DE FAHR Alors que les myoclonies sont plutôt suggestives du syndrome de
Les calcifications pallidales sont retrouvées chez environ 1 % des CT MERRF, les dystonies et, dans une moindre mesure, la
cérébraux, de façon plus marquée chez la personne âgée, sans que choréoathétose évoque l’atteinte des noyaux gris centraux présents
cela soit accompagné de symptomatologie particulière. Néanmoins, dans les maladies de Leber et de Leigh.
il existe des calcifications plus importantes, au niveau striato-pallido-
dentelé, soit associées à une dysfonction des parathyroïdes ou ¶ Maladie de Leber
d’origine idiopathique d’hérédité autosomique dominante (cinq
familles décrites), soit plus rarement récessives ou liées à l’X, enfin, Une mutation au niveau de l’acide désoxyribonucléique (ADN)
sporadiques. C’est dans cette dernière situation que le terme de mitochondriale responsable d’un déficit du complexe I de la chaîne
Maladie de Fahr devrait être utilisé. Dans une revue de 99 patients, respiratoire est à l’origine de l’association de la neuropathie optique
67 étaient symptomatiques, dont 55 % présentaient des mouvements héréditaire de Leber associée à une dystonie, généralisée ou focale,
anormaux avec un parkinsonisme chez 57 %, une chorée chez 13 %, secondaire aux lésions généralement bilatérales des ganglions de la
un tremblement chez 8 %, une dystonie chez 8 %, une athétose chez base. L’âge de début varie entre 1 et 9 ans. Le tableau clinique peut
5 % et des dyskinésies orofaciales chez 3 %. Les symptômes débutent être compliqué par d’autres mouvements anormaux et l’atteinte
généralement entre 30 et 50 ans. Les autres manifestations d’autres systèmes neurologiques.
neurologiques sont des troubles cognitifs, des signes cérébelleux, des
troubles phasiques, des signes corticospinaux, des troubles de ¶ Maladie de Leigh
l’équilibre, des troubles sensitifs, des douleurs et des manifestations Il s’agit soit d’une maladie transmise par la mère (génome
psychiatriques. La dystonie est focale ou segmentaire au niveau mitochondrial concernant le complexe V) soit d’une maladie
crânien [113] ou des membres. [62] Une association aux troubles autosomale récessive (atteinte au niveau du complexe IV). Elle est
cognitifs, avec hallucinations visuelles, myoclonies fut décrite avec caractérisée par un développement normal pendant les premières
des calcifications pallidales bilatérales. années de vie suivi d’une atteinte diffuse avec une ataxie, une
neuropathie optique, une atteinte extrapyramidale. La dystonie est
ATAXIE TÉLANGIECTASIE le mouvement anormal le plus fréquent associé à cette maladie. Elle
L’ataxie télangiectasie est une maladie transmise sur un mode se présente initialement de façon multifocale avec tendance à la
autosomal récessif dont le gène est localisé sur le chromosome généralisation en association avec d’autres mouvements anormaux
11q22.3. Les symptômes débutent dans l’enfance, avec, sur le plan comme la chorée, le parkinsonisme et les myoclonies. L’imagerie
neurologique, une ataxie sévère qui conduit à une perte d’autonomie révèle des nécroses bilatérales des ganglions de la base. L’examen
progressive en quelques années. Une dystonie généralisée et des pathologique démontre une atrophie olivo-ponto-cérébelleuse
mouvements choréoathétosiques sont également fréquents, mais associée aux altérations dégénératives des ganglions de la base.
suivent l’ataxie. Des troubles oculomoteurs typiques, sous forme Une dystonie familiale axiale et appendiculaire associée à des
d’une apraxie du regard, s’associent au tableau qui se complique syndromes parkinsoniens et cérébelleux avec une neuropathie
parfois de polyneuropathie et de retard mental. [73] Par ailleurs, on optique dans plusieurs cas et des anomalies du signal au niveau
observe des télangiectasies oculaires, auriculaires et sur les faces de striatopallidal à l’IRM a été décrite. [18] L’âge de début est entre la
flexion des articulations et de la nuque. Ces télangiectasies deuxième et la cinquième décennie. L’examen de LCR démontre une
diminuent ou disparaissent en cours d’évolution, rendant le augmentation de lactate chez deux patients, la biopsie musculaire
diagnostic de plus en plus difficile. Un taux abaissé est normale comme l’examen de l’ADN. Un déficit de complexes I,
d’immunoglobulines A (IgA) conduit à de fréquentes complications III, IV de la chaîne respiratoire a été démontré par l’histochimie,
infectieuses, en particulier respiratoires. De plus, on note une suggérant une origine mitochondriale.
tendance accrue à développer des néoplasies, typiquement des
lymphomes ou des leucémies. Ces dernières complications sont
généralement la cause de décès. L’examen neuropathologique
montre une perte neuronale au niveau du cortex cérébelleux et des
Association aux maladies
noyaux pigmentés du tronc cérébral, y compris la substance noire et métaboliques héréditaires
le locus coeruleus, ainsi que d’occasionnels corps de Lewy. [89]

MALADIE DE WILSON
MALADIES À INCLUSIONS NEURONALES
Le tableau clinique est caractérisé par un retard du développement Il s’agit d’une maladie autosomale récessive dont le gène se trouve
associé à une dystonie, à un parkinsonisme et parfois à une chorée, sur le chromosome 13, amenant une anomalie du métabolisme du
qui se manifestent entre 3 et 30 fois par an. [ 3 7 ] L’examen cuivre avec une production réduite de la céruloplasmine et une
pathologique révèle des inclusions intraneuronales éosinophiles diminution du transport du cuivre biliaire avec pour conséquence
prédominant dans les ganglions de la base mais aussi dans les une augmentation du cuivre libre dans le sang et une accumulation
motoneurones, le système autonome et le plexus mésentérique. La dans les tissus. La mutation est localisée sur le chromosome 13.
biopsie rectale permet le diagnostic. Cliniquement, il s’agit de patients avec une maladie hépatique ou
neurologique ou une combinaison des deux, les manifestations
initiales pouvant être une anémie hémolytique, une atteinte
CREUTZFELDT-JAKOB ET AUTRES MALADIES À PRIONS
cardiaque ou une ostéoarthropathie. L’atteinte neurologique, qui se
Bien que ne faisant pas partie des symptômes majeurs des maladies manifeste avant l’âge de 12 ans, est rare. La première manifestation
à prions (démence, myoclonies, atteinte cérébelleuse), les dystonies neurologique de la maladie de Wilson touche souvent le système
représentent un des multiples signes cliniques de l’atteinte cérébrale extrapyramidal avec un tremblement de repos ou d’action (wing-
multifocale caractéristique de ces maladies inexorablement létales, beating tremor), un syndrome parkinsonien, une dystonie et, plus
diagnostiquées grâce à l’EEG (tracé périodique), l’étude du LCR rarement, des mouvements choréiques. S’y ajoute une atteinte
(présence de la protéine 14-3-3 d’origine neuronale) et IRM bulbaire avec dysarthrie et des crises épileptiques. La dystonie est
(hyperintensités corticales, des noyaux gris, et du thalamus à l’IRM fréquente, mais apparaît rarement isolée. [93] On observe une
de diffusion). dystonie multifocale, segmentaire ou généralisée ou une dystonie
au niveau des pieds secondaire à l’atteinte multifocale au niveau du
MALADIES MITOCHONDRIALES putamen (la plus fréquente), du pallidum, du thalamus, au niveau
Les maladies mitochondriales représentent une collection hétérogène frontal et dans les hémisphères cérébelleux. [101] Les examens
de maladies affectant le métabolisme énergétique cellulaire. Elles complémentaires révèlent un taux sanguin en cuivre et une cuprurie
sont classiquement d’hérédité nucléaire ou d’origine maternelle. élevés, une céruloplasmine abaissée et des signes de dysfonctions

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Neurologie Mouvements anormaux (dystonie, athétose, chorée, ballisme) 17-007-B-10

Tableau 6. – Maladies métaboliques héréditaires.


Indices cliniques Diagnostic Chromosome

Maladie de Wilson Anneau de Kayser-Fleischer Céruloplasmine ↓, Cuivre urine + sang↑. 13


Cuivre hépatique↑
Acidémie glutarique Encéphalopathie, dystonie généralisée Acide glutarique : urines ou liquide 19q13.2
céphalorachidien
Acidémie méthylmalonique Dysarthrie, dysphagie, tétraparésie Acide méthylmalonique urinaire, 6p21
hyperintensité pallidale
Acidémie propionique Hyperdensité lenticulaire
Déficit en ornithine-carbamyltransférase Retard de développement, ataxia, Hyperammonémie,déficit génétique Xp21.1
dégénérescence graisseuse, dégoût protéique dans le cycle de l’urée
Homocystinurie Luxation du cristallin, arachnodactylie, stigmates Disulfides dans les urines. 21q22.3
marfanoïdes, complications thromboemboliques Défaut de la cystathion-bêta synthétase
(ou de tétrahydrobioptérine)
Cystinose Polydipsie, polyurie, déshydratation, acidose, Cystine intracellulaire
photophobie, rachitisme
Maladie de Hartnup Trouble de la personnalité, pellagre, Aminoacidurie (acides aminés neutres) 5p15
ataxie cérébelleuse
Tyrosinose
Phénylcétonurie Retard mental, odeur de souris, Déficit de l’hydroxylase de phénylalanine 12q24.1
trouble de l’équilibre, eczéma, épilepsie
Leucodystrophie métachromatique Neuropathie Arylsulfatase A 22
Lipofuscinose-céroïde Épilepsie, démence Biopsie conjonctivale Hétérogène
M. de Krabbe (Leucodystrophie globoïde) Hyperexcitabilité, épilepsie, ↑tonus amaurose, Cérébrosides galactoïdes 14q31
M. de Niemann-Pick (C,D) Paralysie oculomotrice, sea-blue histiocytes Culture de fibroblastes 11p15.4-p15.1
Gangliosidose GM1, M. de Tay-Sachs GM2, Tache rouge cerise (GM1+2), tétraspasticité, Hexosaminidase (GM2), b-galactosidase (GM1) 15 (GM 2), 3p21.33
retard mental neuropathie, (GM2)
M. de Sandhoff : déficit en hexosaminidase B Similaire à GM1 + 2 Hexosaminidase 5q13
M. de Gaucher Épilepsie, sea-blue-histiocytes b-glucosidase 1q21
Galactosémie Vomissements, ictère, trémor, ataxie, Malfonction de galactose-1-phosphat- 9p13
hypotonie, cataracte uridyltransférase dans les érythrocytes
Muccopolysacharidose Syndrome de Morquio B Malformation squelettiques, retard mental, Galactosidase-bêta 1, glycolipides 3p21.33
hépatosplénomégalie, troubles cardiaques dans les lysosomes
Syndrome de Lesch-Nyhan Automutilations, retard mental, spasticité HGPRT, Acide urique↑ X
Maladie de Leigh Hypotonie, ataxie, signes corticospinaux, Lésions symétriques des ganglions Mitochondrial
atrophie optique, dystonie, dysphagie, dysarthrie de la base et du tronc cérébral
Syndrome de Kearns-Shy Ophtalmoparésie, ptose palpébrale, Ragged red fibers à la biopsie musculaire Mitochondrial
myopathie mitochondriale, rétinite pigmentaire
Syndrome de Sturge-Weber Naevus flammeus de la face, Phacomatose Pas d’évidence d’hérédité
angiome des méninges
Sclérose tubéreuse de Bourneville Hamartomes, épilepsie, difficultés Phacomatose, taches blanches visibles 9q34 (TSC1), 16p13(TSC2)
d’apprentissage, troubles du comportement à la lampe de Wood
Syndrome de Fotopoulos Amyotrophie spinale scapulaire, chorée
Syndrome de Laurence-Moon-Biedl-Bardet Polydactylie, obésité, atteinte rénale et oculaire Hétérogénéité

spécifiques des organes touchés (atteinte hépatique, squelettique, diète pauvre en lysine associée à de la riboflavine et de la carnitine
ophtalmologique, endocrinienne, cutanée, hématologique). D’un (fortement déplétée), prévient la progression.
point de vue neurologique, l’imagerie par CT et IRM montre des
lésions non spécifiques sous forme d’hyperintensités en pondération HOMOCYSTINURIE
T2 dans les noyaux gris centraux le plus souvent, mais aussi dans le Reconnu comme facteur de risque pour l’artériosclérose et les
thalamus, le tronc cérébral. On décrit parfois des anomalies maladies vaso-occlusives artérielles et veineuses, il s’agit d’une
spécifiques comme le « signe du panda » ou le « signe du claustrum atteinte des gènes impliqués dans le métabolisme de
hyperdense » qui ne sont toutefois pas retrouvés de façon l’homocystéine : de la cystathionine ß-synthétase (autosomique
systématique. [45] Le traitement vise à réduire les apports en cuivre récessive) ou de la méthylène-tétra-hydrofolatréductase amenant des
par un régime diététique et un traitement inhibiteur de l’absorption taux élevés de méthionine et d’homocystine sérique ainsi qu’une
intestinale tel le sulfate de zinc. Par ailleurs, on augmente excrétion urinaire excessive d’homocystine. Le tableau clinique
l’élimination du cuivre avec l’administration d’un chélateur, la comporte une ectopie du cristallin, des malformations oculaires et
pénicillamine. Ce traitement est à maintenir à vie. Il est du squelette, un retard mental et des occlusions précoces des
malheureusement souvent compliqué d’effets secondaires. En cas vaisseaux cérébraux, des anomalies dentaires, des troubles du
d’atteinte hépatique aiguë ou lors d’une évolution chronique vers comportement, de l’ostéoporose. Les mécanismes amenant la
une insuffisance hépatique, la greffe de foie est la seule option dystonie sont des atteintes cérébrovasculaires ou des complications
(Tableau 6). métaboliques, dont l’altération des taurines, au niveau des ganglions
de la base. La neurotoxicité est favorisée par la stimulation des
récepteurs glutamiques par l’acide homocystéinique.
ACIDÉMIE GLUTARIQUE TYPE 1
C’est une maladie autosomique récessive due à un déficit de GANGLIOSIDOSES GM1
l’enzyme glutaryl-CoA- déshydrogénase qui induit un défaut du Dans la forme adulte d’évolution très variable, la symptomatologie
métabolisme de la lysine et du tryptophane avec accumulation commence volontiers par des troubles de la marche et de la parole
d’acide glutarique (excrété dans les urines des patients), amenant (bégaiement, dystonie). La dystonie s’étend de façon faciale et axiale
une diminution importante du GABA dans le caudé et le putamen. puis s’accompagne de tremblements et de parkinsonisme. Les signes
Cliniquement, les enfants atteints ont un retard de développement de la forme infantile (squelettique, démence, tache rouge au fond
et présentent une dystonie et des mouvements choréiques d’œil) manquent généralement. L’IRM met en évidence une atrophie
progressifs, volontiers paroxystiques, déclenchés par l’action. On cérébrale et des hyperintensités putaminales. Le diagnostic est posé
note aussi une hypotonie à réflexes augmentés avec signe de sur la mesure de l’activité de la ß-galactosidase des fibroblastes ou
Babinski. Le diagnostic se pose sur la culture de fibroblaste. Une des leucocytes.

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17-007-B-10 Mouvements anormaux (dystonie, athétose, chorée, ballisme) Neurologie

GANGLIOSIDOSE GM2 (TAY-SACHS)


Tableau 7. – Médicaments responsables de mouvements anormaux.
La gangliosidose GM2 dans sa forme juvénile se traduit par
l’association assez rapidement progressive d’une ataxie cérébelleuse, Médicaments Dyskinésie aiguë Dyskinésie tardive Choréoathétose
d’un syndrome pyramidal, d’une neuropathie, d’une épilepsie, d’un 1. Dopaminergiques
déclin intellectuel. La dystonie est inconstante (25 %). Elle est plus a) Lévodopa X X X
fréquente dans la forme tardive où elle prédomine à la face et aux b) Agonistes X
membres supérieurs. Dans cette forme, l’évolution est plus lente, c) Anticholinergiques X
d) Inhibiteurs de la MAO X X
associe une atteinte du motoneurone inférieur. Le diagnostic repose e) Sympathomimétiques
sur le dosage de l’hexosaminidase A et B. Plusieurs mutations sont – Métamphétamine/amphétamine X
identifiées sur le gène des unités A et B de l’hexosaminidase. – Pemoline X X
– Cocaïne X X
– Méthylphénidate X X
– Ergotamine X
MALADIE DE GAUCHER TYPE 3
2. Antagonistes dopaminergiques
La maladie de Gaucher type 3 associe une paralysie oculomotrice a) Neuroleptiques classiques X X
de type supranucléaire, une épilepsie myoclonique, une ataxie, une – Phénothiazines X
– Butyrophénones
dystonie, un déclin intellectuel et une splénomégalie. L’IRM ne – Benzamide X X
montre pas d’atrophie ou de leucodystrophie. Plusieurs mutations b) Neuroleptiques atypiques
ont été identifiées sur le gène de la glucocérébrosidase ; les – Clozapine X
mutations responsables de l’atteinte neurologique sont différentes d) Dépléteurs de catéchola- X
mine (tétrabénazine, réser-
de celles qui sont détectées dans les autres formes. Un traitement pine)
substitutif (Cérédaset) permet d’améliorer en partie les signes 3. Antidépresseurs
neurologiques. a) Lithium X X
b) Tricycliques : amoxapine X X
c) Inhibiteurs de la recapture de sérotonine
– Sertraline X
NIEMANN-PICK TYPE C/LIPIDOSE DYSTONIQUE – Fluoxétine X
La maladie de Niemann-Pick type C, autosomique récessive avec – Fluvoxamine X
– Paroxétine X
défaut d’estérification du cholestérol, associe une atteinte d) Libérateur de sérotonine : X
oculomotrice de type supranucléaire à une dysarthrie, une épilepsie, m-CPP
une ataxie et un syndrome dystonique qui peut être sévère. Ce 4. Antihistaminiques
dernier prédomine dans la forme adulte, une organomégalie est a) Thiéthylpérazine X
b) Prochlorpérazine X
souvent présente. Le diagnostic repose sur la symptomatologie c) Cyclizine X
clinique, la découverte de «sea-blue » hystiocytes à la ponction de d) Ranitidine X X
moelle et sur la culture de fibroblastes avec étude de l’incorporation e) Cyproheptadine X
du cholestérol. 5. Anxiolytiques
a) Buspirone X
b) Fluspirilène X
c) Bromazépam X
SYNDROME DE LESH-NYAHN 6. Benzodiazépines
Il s’agit d’une maladie transmise sur un mode récessif lié au Triazolam X
Clonazépam X
chromosome X. Elle est caractérisée par un déficit de l’enzyme Midazolam X X
hypoxanthine-guanine-phospho-ribosyl-transférase. D’un point de 7. Opioïdes
vue clinique, on trouve, chez les garçons, un retard de Méthadone X
développement mental, une dystonie, une choréoathétose et des Fentanyl X X
8. Anesthésiques
automutilations. Il y a un déficit dopaminergique dans le striatum
Propofol X X
sans atteinte de la substance noire. Sevrage de diazépam-penthotal X
9. Antiépileptiques
Phénytoïne X X
Tiagabine X
Origines médicamenteuses et toxiques Gabapentine X
Carbamazépine X X X
Phénobarbital X
MOUVEMENTS ANORMAUX D’ORIGINE Valproate X
MÉDICAMENTEUSE 10. Anticalciques
Thioridazine X
De nombreux médicaments sont responsables de mouvements Cinnarizine X
anormaux parmi lesquels la chorée et les dystonies (Tableau 7). Ces Flunarizine X
Vérapamil X X
mouvements anormaux surviennent essentiellement lors ou après 11. Antiarrythmiques
l’exposition à des substances agissant sur le système Cibenzoline X
dopaminergique. Les médicaments les plus connus sont Digoxine X
évidemment les neuroleptiques mais d’autres substances ont une 12. Antiviraux
Valaciclovir X
action sur ce système telles notamment certains anticalciques,
Famciclovir X
certains antihistaminiques et certains antiépileptiques. Les deux Aciclovir X
manifestations les plus fréquentes concernant les mouvements 13. Autres
traités dans ce chapitre sont les dystonies aiguës et les dyskinésies Immunosuppresseur : cyclosporine X
tardives. Immunomodulateur : interféron X
Antiprotozoïque : pentamidine X
Antiphlogistique : sulphasalazine X
¶ Dystonie aiguë Alcool X
Caféine X
Cette symptomatologie apparaît généralement peu de temps (dans Contraceptifs X
les heures, et jusque dans la première semaine) après l’introduction Œstrogènes topiques x
du médicament responsable. Cette introduction doit donc être
activement recherchée dans l’anamnèse. Les mouvements se bucco-linguo-faciale, accompagnés éventuellement d’une
présentent sous forme de spasmes de distribution volontiers axiale, participation oculogyre. Cette symptomatologie aiguë et fluctuante

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Neurologie Mouvements anormaux (dystonie, athétose, chorée, ballisme) 17-007-B-10

peut être très impressionnante (par exemple l’opisthotonos) et, extrêmement invalidants prédominant aux membres inférieurs. Les
s’accompagnant parfois de troubles psychiatriques, peut être facteurs prédictifs les plus importants dans l’apparition de ces
confondue avec une conversion hystérique. Elle est plus fréquente mouvements sont l’âge au début de la maladie de Parkinson (ces
chez les hommes que les femmes et avant 30 ans, et une complications survenant plus fréquemment chez les patients jeunes),
prédisposition familiale est rapportée. La symptomatologie disparaît la durée de la maladie, et la durée et la dose cumulée de lévodopa
sans exception avec l’arrêt de la médication incriminée. Entre- prescrite. Les mécanismes physiopathologiques qui provoquent les
temps, un traitement à l’aide d’anticholinergiques est très efficace, dyskinésies sont inconnus. Il existe trois stratégies thérapeutiques.
mais parfois l’ajout de benzodiazépines est nécessaire. La première est une stratégie préventive qui vise à retarder et à
diminuer l’exposition à la L-dopa par un traitement d’agonistes
¶ Dyskinésie tardive dopaminergiques soit unique au cours de la phase initiale de la
L’élimination de l’agent causal ne permet pas toujours une maladie, soit en association. La deuxième est de stabiliser autant
résolution de ces complications iatrogènes ; c’est le cas en particulier que possible les taux plasmatiques de lévodopa (forme retard et
pour le syndrome tardif des neuroleptiques. La chorée se retrouve inhibiteur de la cathécol-O-méthyl-transférase). Enfin, la troisième
très fréquemment dans les différents mouvements qui surviennent est de bloquer l’expression des dyskinésies, stratégie
dans le cadre de ce syndrome. Dans ce contexte, elle prend un aspect antidyskinétique par des neuroleptiques atypiques, l’amantadine,
clinique répétitif et prédictible caractéristique qui la différencie d’une voire des inhibiteurs de la recapture de la sérotonine. Lorsque ces
chorée d’une autre origine. [100] Les mouvements anormaux approches ne permettent plus d’éviter une invalidité du patient
prédominent volontiers dans la région bucco-linguo-faciale, avec fluctuant, des interventions neurochirurgicales et particulièrement
participation respiratoire, axiale et aux membres inférieurs. Parfois, la stimulation cérébrale profonde du noyau sous-thalamique, sont
ces mouvements sont masqués par le parkinsonisme secondaire au indiquées.
traitement et n’apparaissent que lors d’une réduction de posologie
ou d’une tentative d’arrêt (habituellement dans les deux semaines MOUVEMENTS ANORMAUX D’ORIGINE TOXIQUE
suivant la diminution de posologie). Par définition, une durée
minimum de traitement de 3 mois est nécessaire pour invoquer un Plusieurs expositions toxiques peuvent amener la survenue de
syndrome tardif. La survenue du syndrome tardif, touchant jusqu’à mouvements anormaux. Les mécanismes invoqués sont
plus de 25 % des patients traités chroniquement par les essentiellement de trois ordres : une action pharmacologique sur le
neuroleptiques, est favorisée par l’âge, une encéphalopathie sous- système dopaminergique, une accumulation de toxiques aux
jacente, une histoire familiale positive et la dose totale de niveaux des noyaux gris centraux, des lésions directes de ces
neuroleptique administrée. Ainsi, on ne saurait souligner noyaux.
suffisamment que la prévention est une des mesures les plus
efficaces dans l’abord des dyskinésies tardives. Il s’agit de limiter, ¶ Cocaïne
autant que faire se peut, l’emploi des neuroleptiques à des Le premier mécanisme est exemplifié par la cocaïne, bloque le
indications strictes en réévaluant régulièrement le besoin de recaptage de la dopamine ce qui en potentialise l’effet. Une
poursuivre leur prescription. On se rappellera aussi que certains choréoathétose prédomine au niveau des extrémités et épargne
neuroleptiques sont utilisés en gastroentérologie, tel le relativement le tronc et la tête ou la dystonie prédomine faciale et
métoclopramide, qui peut, lui aussi, induire une dyskinésie tardive. axiale. Elle apparaît dans les 24 heures qui suivent la prise et peut
Si un traitement au long cours est indiqué, des neuroleptiques récidiver en cas de nouvelle exposition. Des dystonies au sevrage
atypiques, de type olanzapine, clozapine ou quetiapine sont ont aussi été décrites de même que l’association à d’autres
préférables. Après la survenue d’un syndrome tardif, on tentera si mouvements tels des tics et des tremblements. Les mouvements
possible l’arrêt du neuroleptique incriminé et, si cela n’est pas peuvent s’accompagner d’idéation obsessive-compulsive et
possible, son remplacement par un neuroleptique atypique, d’agitation. L’évolution est spontanément favorable à l’arrêt de
notamment la clozapine, favorable par son affinité particulière pour l’exposition, mais la période aiguë peut nécessiter l’utilisation de
les recepteurs D4 (le risque de survenue d’agranulocytose nécessite neuroleptique, d’anticholinergique et de benzodiazépine.
des contrôles sanguins réguliers qui en limitent l’emploi). Lorsque L’utilisation des premiers sera prudente, certains cas de syndrome
les dyskinésies sont importantes, l’usage d’agents dépléteurs de la malin ayant été décrits avec la cocaïne. La cocaïne et les
dopamine tels que la tétrabénazine ou la réserpine est efficace. Leurs amphétamines peuvent aussi provoquer une vasculite comme
effets secondaires incluent notamment une sédation, une mécanisme pathogénique et la persistance durant plusieurs années
hypotension, une dépression et l’apparition d’un parkinsonisme de dyskinésies apparues après exposition chronique à ces drogues a
médicamenteux pour la tétrabénazine. La posologie n’est augmentée été décrite.
que progressivement et il faut compter au moins 4 semaines avant
que ces traitements soient efficaces. Si la sévérité de la condition ¶ Intoxication au manganèse
l’exige, on peut transitoirement prescrire d’autres agents comme le
clonazépam, le baclofène ou le valproate de sodium. L’accumulation du manganèse se situe au niveau pallidal où les
lésions prédominent. Les manifestations initiales sont décrites sous
¶ Mouvements anormaux induits par la lévodopa forme des crampes musculaires, une raideur s’aggravant aux
mouvements répétés, ainsi qu’un ralentissement moteur suivi 1-2
Les dyskinésies induites par la lévodopa ne surviennent que chez
mois plus tard par des signes de dystonie qui peuvent être focaux
les parkinsoniens (bien qu’on ait pu reproduire des dyskinésies par
ou généralisés en association avec le parkinsonisme. La
la prescription de doses de L-dopa supérieures à 5 g chez des sujets
caractéristique clinique est une démarche de « coq », sur la partie
sains). Ces dyskinésies peuvent être classées en trois grands
antérieure du pied, due à la contraction de la loge postérieure de la
groupes : les dykinésies de pic de dose, les dystonies de fin de dose
jambe. L’IRM démontre des altérations du signal au niveau du
et les dyskinésies carrées. Les premières comportent des
pallidum, putamen, noyau caudé et mésencéphale. Il faut noter ici
mouvements choréiformes, volontiers dsitribués à la face et aux
la présence d’hypersignal dans les mêmes noyaux ainsi que d’une
membres supérieurs, apparaissant lors du pic plasmatique de la
hypermagnésémie dans le cadre de l’insuffisance hépatique, laissant
lévodopa. Les dystonies de fin de dose apparaissent lors du
suspecter un rôle de ce métal dans la survenue du parkinsonisme
phénomène d’épuisement de l’efficacité de la lévodopa et engagent
parfois rencontré chez les malades souffrant d’une telle insuffisance.
volontiers la musculature axiale et les membres inférieurs avec
l’apparition d’une hyperextension spontanée du gros orteil réalisant
¶ Intoxication au cyanure
un pseudo-signe de Babinski (hallux striatal). Les dyskinésies carrées
apparaissent lors de l’élévation et de l’abaissement du taux L’intoxication au cyanure, par l’inhibition du cytochrome oxydase,
plasmatique de lévodopa, sous forme de mouvements balliques est généralement létale. Lors de survie, des lésions sévères du caudé

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17-007-B-10 Mouvements anormaux (dystonie, athétose, chorée, ballisme) Neurologie

Tableau 8. – Toxiques responsables de mouvements anormaux. Tableau 9. – Caractéristiques cliniques différenciant la vraie dysto-
nie de la dystonie psychogène et de la pseudodystonie d’origine
Substance Dystonie Choréoathétose organique. [30]
Manganèse X X
Dystonie
Cuivre X Dystonie Pseudodystonie
psychogénique
Mercure X
Thallium X Bénéfice socioéconomique ± +++ ±
Sels d’or X Symptômes atypiques (faiblesse, ± +++ ±
Monoxyde de carbone X X plaintes sensorielles, somatisation
Méthanol X multiple)
Disulfirame X Aggravation par l’activité motrice +++ - -
Acide 3-nitropropionique Aggravation par le stress ++ +++ ±
Cyanite X Dystonie fixe + +++ +++
Ergotamine X Amélioration par des gestes anta- +++ - -
Betterave sucrière X gonistes
Kava X Distractibilité - +++ -
Organophosphorés X Amélioration par relaxation +++ - -
Toluène X Fluctuation + +++ ±
Pétrole X

Tableau 10. – Pseudodystonie d’origine organique [51]


et du putamen ont été décrites. L’imagerie montre des lésions
– Subluxation atlantoaxiale
lenticulaires et cérébelleuses, ainsi qu’une atrophie corticale. [38] Le
– Syringomyélie
tableau clinique consiste en l’apparition progressive d’un syndrome – Malformation d’Arnold-Chiari
parkinsonien et dystonique avec une apraxie à l’ouverture des yeux, – Paralysie du noyau trochléaire
une dystonie oro-laryngo-linguale, un parkinsonisme et une – Torticolis vestibulaire
dystonie généralisée asymétrique. Un délai de plusieurs mois peut – Lésion expansive dans la fosse postérieure
s’écouler entre l’intoxication aiguë et l’apparition de la dystonie et – Lésion expansive dans le tissu mou de la nuque
celle-ci continue à progresser par la suite. Ce délai et cette – Torticolis congénital postural
– Syndrome de Klippel-Feil
progression sont communs à la plupart des intoxications amenant – Syndrome d’Isaac
des lésions structurelles des noyaux gris centraux (Tableau 8). Les – Syndrome de Sandiffer
mécanismes amenant à cette apparition retardée et à cette – Syndrome de Satyoshi
progression ne sont pas connus. – Syndrome de l’homme raide (Stiff man)
– Hernie ventrale

Investigations des mouvements


faut rechercher dans l’anamnèse les antécédents (familiaux, toxiques,
anormaux médicamenteux, infectieux etc.) et, au status, les signes
neurologiques ou généraux des maladies s’accompagnant de
DYSTONIE dystonies.
Un des premiers pas dans le diagnostic des dystonies est de Dans le cadre de dystonie s’accompagnant de polyneuropathie, on
s’assurer de la présence de ces dernières. En effet, un grand nombre évoque : la leucodystrophie métachromatique, la
de pathologies organiques peuvent mimer une dystonie (Tableau 9), neuroacanthocytose, la maladie de Machado-Joseph (SCA III),
soit par des phénomènes d’adaptation (atteinte trochléaire l’ataxie de Friedreich, l’ataxie télangiectasie, les encéphalopathies
compensée par une inclinaison de la tête), soit par réflexes (tumeur mitochondriales, les gangliosidoses ou un syndrome
de la fosse postérieure) ou pour des raisons mécaniques (rétraction paranéoplasique. L’association à un parkinsonisme fait rechercher
musculaire, fracture, anomalie de la jonction). Il convient donc de activement dans l’anamnèse l’anoxie, l’exposition aux
les garder en mémoire et de les rechercher activement lors d’une neuroleptiques ou à des toxiques tels le monoxyde de carbone (CO),
« dystonie atypique » (Tableau 10) d’apparition récente. le méthanol, le disulfide de carbone et le manganèse. Le diagnostic
Parallèlement, des postures ou mouvements psychogènes peuvent différentiel de tel dystonie-parkinsonisme évoque sinon : des
en imposer pour une dystonie. Cet abord est d’autant plus difficile maladies métaboliques et notamment la maladie de Wilson (mais
que l’organicité des dystonies a été longtemps méconnue, à tel point aussi les mitochondriopathies et la gangliosidose GM1) ; les
qu’encore actuellement, une origine psychogène à une vraie maladies dégénératives telles que la dégénérescence corticobasale
dystonie est probablement plus fréquemment évoquée que l’inverse. (très asymétrique), la paralysie supranucléaire progressive (et son
Certains critères cliniques doivent faire suspecter une telle origine atteinte axiale), l’atrophie multisystémique (sa dysphonie et son
qui mérite d’être reconnue car elle demande un abord antécollis), la maladie de Parkinson (notamment dans sa forme
pluridisciplinaire, impliquant une participation psychiatrique, qui d’apparition précoce) ; certaines hérédopathies : maladie de
sinon risquerait d’être négligée. Huntington (chez l’enfant ou dans les formes avancées), DYT 3, 5 et
Bien qu’en majorité les dystonies soient primaires ou génétiquement 12, SCA 3, Hallervorden-Spatz, neuroacanthocytose et
déterminées, les dystonies secondaires méritent d’être recherchées dégénérescence pallidale.
car la découverte de l’étiologie sous-jacente a des implications À la recherche de dystonies secondaires, on ne saurait trop insister
thérapeutiques, pronostiques et assécurologiques. Certaines sur l’examen neuro-ophtalmologique qui permet de mettre en
caractéristiques cliniques des dystonies doivent faire rechercher une évidence : les anomalies cornéennes (Wilson, GM1, homocystinurie),
cause sous-jacente. Ainsi, la présence d’hémidystonie est, dans la cristalliniennes (Wilson, galactosémie, hypoparathyroidie),
grande majorité des cas (80-90 %), la signature d’une pathologie rétiniennes (gangliosidoses, lipidoses, Hallervorden-Spatz,
focale controlatérale, ce qui indique le recours à l’imagerie mitochondriopathies, céroïde lipofuscinose, homocystinurie),
cérébrale. [20] De même, une dystonie prédominant nettement dans optique (leucodystrophies, SEP, mitochondriopathie, Hallervorden-
la région bulbaire, généralisée ou débutant aux membres inférieurs Spatz, Pelizaeus-Merzbacher, déficit en triose-phosphate isomérase),
chez l’adulte, ou dans la région craniocervicale chez le jeune, et oculomotrices (mitochondriopathie, spino cerebellar ataxia [SCA],
prédominant au repos, rapidement fixée, ou persistante dans le paralysie supranucléaire progressive [PSP], SEP, chorée de
sommeil, doivent faire rechercher une cause sous-jacente. Enfin il Hungtington (HD), ataxie télangiectasie, dégénéresence

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Neurologie Mouvements anormaux (dystonie, athétose, chorée, ballisme) 17-007-B-10

corticobasale, atteinte ischémique, gangliosidose, maladie de qui ne peuvent être atteintes rapidement en raison des effets
Creutzfeldt-Jakob, dégénérescence pallidale, maladie de Whipple). secondaires importants de cette classe de médicaments. Il est donc
Les examens paracliniques sont guidés par la clinique et l’âge du essentiel d’informer efficacement le patient afin de le motiver à
patient. Chez des patients de plus de 50 ans présentant une dystonie accepter l’apparition primaire de ces derniers pendant plusieurs
focale non évolutive et sans atypie, on peut raisonnablement se semaines avant de pouvoir espérer une amélioration de sa
passer d’examen complémentaire, en gardant ceux-ci en réserve si symptomatologie de base. Pour le trihexyphénidyle, par exemple,
l’évolution devait amener une progression ou des atypies. Chez les on augmente de 2 mg/j tous les 15 jours pour amener, à terme, à
patients plus jeunes, une recherche de maladie de Wilson, un des doses pouvant aller jusqu’à 30 mg, voire 60 mg/j. Les effets
examen du sang comprenant une formule complète, une vitesse de secondaires centraux principaux sont les troubles mnésiques, la
sédimentation ou CRP, une biochimie (y compris calcium, confusion et des hallucinations. Les effets secondaires périphériques,
phosphates et l’acide urique) et la recherche d’autoanticorps, est bouche sèche, trouble de l’accommodation, peuvent être diminués
effectuée de même qu’une IRM cérébrale. Les autres examens sont avec la pyridostigmine ou des gouttes oculaires de pilocarpine.
effectués dans un second temps selon la suspicion clinique. En cas de résistance aux deux premiers médicaments, l’introduction
de baclofène (agoniste GABAergique) est indiquée. Ce médicament
apporte une amélioration dans environ 20 % des situations, mais
CHORÉE nécessite aussi d’être utilisé à hautes doses. En raison
L’évaluation d’une chorée est sensiblement différente selon que essentiellement de la somnolence induite, les doses dont augmentées
l’apparition est aiguë ou plus chronique. Dans le premier cas, on de 10-25 mg/j toutes les semaines jusqu’à 75-100 mg. [39] Lorsque les
écartera les causes médicamenteuses et toxiques (tests urinaires à la effets secondaires périphériques sont trop importants, une tentative
recherche de drogue), infectieuse (VIH, antistreptolysine), vasculaire de traitement intrathécal est indiqué. [79] La réponse est d’autant plus
(IRM en angiographie IRM), métabolique (biochimie sanguine de favorable que la dystonie prédomine sur les membres inférieurs et
routine, formule sanguine complète), immunitaire (vitesse de le tronc, elle est moindre pour une distribution craniocervicale. Au
sédimentation [VS], profil auto-immun) endocrinienne (thyroïde, vu de la variabilité de la réponse dans cette indication, des tests
parathyroïde, test de grossesse). Une néoplasie occulte peut aussi d’injection intrathécale de baclofène par ponction lombaire, voire un
être recherchée dans un second temps. test d’infusion grâce à une pompe externe, sont à conseiller avant
Lorsque la chorée est d’apparition plus chronique, il convient en l’implantation d’un système définitif.
premier lieu d’effectuer les recherches génétiques de la maladie de Les benzodiazépines, qui sont aussi actives par l’intermédiaire du
Huntington et de l’atrophie dentato-rubro-pallido-luysienne, système GABAergique, sont d’une efficacité moindre que les
d’écarter une maladie de Wilson (cuprémie, cuprurie, précédents et sont volontiers utilisées en association notamment lors
céruloplasmine, examen à la lampe à fente), et une de la présence d’une composante myoclonique ou de spasmes
neuroacanthocytose. Un bilan plus extensif dépend de la suspicion importants. [39] Les effets secondaires principaux sont la fatigue, les
clinique. troubles de la concentration, des modifications de personnalité, voire
des psychoses (réaction paradoxale). Étonnamment, de hautes doses
peuvent être supportées par les patients souffrant de dystonie. On
HÉMIBALLISME se méfie néanmoins de l’habituation et surtout, du risque important
La présence d’un hémiballisme doit faire rechercher activement une de sevrage, prévenu par un arrêt progressif lorsque cette classe de
lésion focale vasculaire, infectieuse ou inflammatoire. Une IRM médicament est abandonnée.
cérébrale, un examen du liquide céphalorachidien avec recherche de Les antagonistes dopaminergiques peuvent apporter une
bande oligoclonale et un bilan à la recherche de maladie auto- amélioration de la dystonie, mais, en raison du risque non
immune sont généralement indiqués. négligeable de développement de dyskinésies tardives, ce sont des
médicaments de dernier ressort, généralement utilisés en association.
En présence d’aggravation sévère et brutale de la symptomatologie
Traitement des mouvements anormaux dyskinétique, les neuroleptiques peuvent être utilisés. [71] Les
neuroleptiques atypiques et, particulièrement, la clozapine, semblent
présenter un moindre risque de développement de phénomène
Pour l’ensemble des mouvements anormaux, le premier pas en tardif, quoique l’apparition récente de ces médicaments ne permette
direction d’un traitement est sans doute le diagnostic et notamment pas, pour l’instant de conclure sur ce point. Les dépléteurs
la recherche des causes traitables de mouvements anormaux dopaminergiques présynaptiques, et notamment la tétrabénazine et
secondaires. En l’absence de tels traitements spécifiques, on doit la réserpine, sont reconnus depuis plus longtemps sur ce point. Ici
s’adresser aux traitements symptomatiques qui dépendent aussi l’introduction est progressive en débutant la tétrabénazine à
essentiellement du type de mouvement anormal présenté. 12,5 mg/j et en augmentant d’autant chaque semaine jusqu’à une
dose inférieure à 75 mg/j, on prévient l’apparition du parkinsonisme
DYSTONIE GÉNÉRALISÉE et de l’état dépressif qui sont les deux principaux effets secondaires
de ce traitement. Dans le cadre de dystonie sévère, une association
En présence de dystonie généralisée, le premier traitement à tenter neuroleptique-tétrabénazine-anticholinergique (le « cocktail de
est la lévodopa en raison de la possibilité diagnostique d’une Marsden ») est essayée, [71] amenant, par les deux premiers, un
dystonie dopa-sensible. Cette forme répondant à de petites doses de blocage dopaminergique pré- et postsynaptique agissant
lévodopa, on introduit le traitement prudemment par paliers de 50- essentiellement sur la partie phasique et dyskinétique, et par le
100 mg/j chaque semaine jusqu’au moins 300 mg/j maintenu pour troisième, un effet antidystonique et antiparkinsonien.
6 semaines avant d’écarter cette possibilité. Dans un second temps,
Enfin, des injections de toxine botulique peuvent présenter un
on augmente plus avant ce traitement (jusqu’à 1 000 mg/j), en raison
traitement d’appoint appréciable lors de prédominance focale de la
de la rare description d’autre forme de dystonie généralisée
dystonie, particulièrement invalidante ou douloureuse. Ces
répondant à ce traitement. [80, 96]
focalisations sont traitées comme des dystonies focales en prenant
La seconde classe de médicaments ayant prouvé une efficacité sont bien garde à ne pas dépasser les doses maximales de toxine.
les anticholinergiques, qui peuvent amener une certaine
amélioration dans 40 à 50 % des cas. L’expérience montre néanmoins
que cette amélioration est souvent limitée. [71] Un des facteurs DYSTONIES FOCALES
prédictifs de bonne réponse aux anticholinergiques est la durée des Contrairement aux dystonies généralisées, les dystonies focales se
symptômes avant l’introduction du médicament. Les traitent principalement par des injections de toxine botulique, non
anticholinergiques présentent généralement un effet à doses élevées, sans avoir, au préalable, effectué un test à la lévodopa à basse

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17-007-B-10 Mouvements anormaux (dystonie, athétose, chorée, ballisme) Neurologie

posologie afin d’avoir écarté la possibilité d’une dystonie dopa- contrairement à ce qui est observé dans l’approche des tremblements
sensible. D’autres approches médicamenteuses, similaires à celles et de la maladie de Parkinson, où les résultats favorables de la
employées dans la dystonie généralisée, ne sont indiquées qu’en cas neurostimulation profonde sont de plus en plus reconnus, ces
de résistance aux injections de toxine botulique, les effets secondaires traitements sont d’efficacité plus incertaine dans les dystonies. Des
généraux des médicaments aux doses nécessaires à traiter la résultats prometteurs ont été rapportés dans les dystonies primaires,
dystonie dépassant largement le bénéfice acquis focalement. notamment de type DYT1. En revanche dans les dystonies
Il existe sept sérotypes de toxine botulique (intitulée de A à G) et secondaires, bien que quelques effets miraculeux aient été
c’est essentiellement la toxine botulique type A qui est utilisée rencontrés, les résultats semblent plus modérés. [114] Ainsi, ces
actuellement depuis de nombreuses années. Cinq à 10 % des patients techniques restent encore du domaine de la recherche et sont
développent une résistance à cette toxine, et méritent donc d’être réservées à des centres permettant des approches pluridisciplinaires.
traités par d’autres sérotypes, par exemple les types B et F ont été Pour mention, des techniques de dénervation et de myotomie ont
étudiés. La toxine botulique est une protéine produite par la bactérie été pratiquées à plusieurs niveaux dans les dystonies focales dans le
Clostridium botuli. Cette protéine s’attache puis est internalisée dans passé. L’avènement de la toxine botulique a largement supplanté
les terminaisons nerveuses cholinergiques où elle interagit avec la ces techniques actuellement.
protéine SNAP-25, empêchant la libération d’acétylcholine et
amenant une paralysie flasque. Avec la régénérescence de la
terminaison nerveuse, l’effet de la toxine s’estompe en quelques ATHÉTOSE
mois et les injections doivent donc être répétées, en général tous les Les traitements pharmacologiques sont relativement peu efficaces.
2-6 mois, lorsque la symptomatologie réapparaît, ce délai Les médicaments utilisés sont les mêmes que pour la dystonie
augmentant avec la répétition du traitement. En Europe, il existe généralisée. Il s’agit de neuroleptiques, tétrabénazine,
deux préparations de toxine botulique A, Botoxt et Dysportt, et une benzodiazépines et du baclofène. Des approches non
de type B, Neurobloct. L’équivalence entre ces préparations n’a pas pharmacologiques, des techniques de relaxation et le bio-feedback
été strictement étudiée, 1 unité de la première équivalant environ à peuvent parfois donner des résultats. La chirurgie lésionnelle
3-5 unités de la seconde. La relation avec les autres sérotypes est (thalamotomie) a été utilisée avec des résultats positifs.
encore plus floue, le changement de préparation de toxine mérite
ainsi une adaptation du traitement.
Le traitement consiste à injecter de la toxine botulique dans les CHORÉE
muscles responsables du mouvement ou de la posture anormale, Pour l’essentiel le traitement des mouvements choréiques fait appel
dans le but de diminuer la dystonie sans amener de parésie trop aux antagonistes dopaminergiques. En raison de leurs effets
importante. [69] Ainsi le traitement doit être adapté à la toxine secondaires, ils doivent être utilisés avec discernement, le but de ces
utilisée, à la sensibilité du patient, au muscle injecté, et à la fonction traitements purement symptomatiques n’étant pas de faire
à préserver. La dose injectée est d’autant plus élevée que le muscle disparaître complètement le mouvement anormal mais bien de le
est d’importance, que l’effet doit être rapidement obtenu, que le diminuer à un niveau non invalidant. L’efficacité des neuroleptiques,
nombre de muscles à traiter est faible, que la dystonie est sévère, et comme celle de l’halopéridol, est bien documentée. Les alternatives
que le patient est corpulent. Elle est moindre lorsque la fonction du sont les neuroleptiques atypiques, telle la clozapine qui permet
muscle est importante, que le traitement est chronique et s’il y a eu d’éviter l’apparition de dyskinésies tardives. [28] Les dépléteurs
préalablement une atteinte axonale. Après reconstitution, grâce à catécholaminergiques [50] réserpine et tétrabénazine ne provoquent
une solution normosaline, la toxine est injectée grâce à une électrode pas non plus ce type d’effet secondaire, mais peuvent exacerber une
creuse reliée à l’EMG, permettant une localisation précise des dépression sous-jacente ou un parkinsonisme. Enfin des
muscles à injecter. Les effets secondaires sont essentiellement dus à anxiolytiques ou des antidépresseurs peuvent diminuer
la diffusion de la toxine aux muscles adjacents, amenant des parésies indirectement la chorée en stabilisant l’état anxiodépressif
non voulues, notamment dans les régions périorbitaire (diplopie) et fréquemment associé. Dans le choix du traitement, on évalue le
cervicale (dysphagie). L’efficacité du traitement est plus facilement besoin de rapidité d’efficacité et la durée potentielle en plus des
obtenue dans les dystonies toniques ou uni-/pauci directionnelles effets secondaires ainsi que la présence de comorbidités
(blépharospasme, dystonie cervicale tonique) ; elle est plus incertaine psychiatriques, neurologiques, hématologiques et familiales.
dans les dystonies phasiques et touchant des mouvements plus
complexes (par exemple dans la crampe de l’écrivain), où le choix
des muscles et des doses peut-être est fort complexe. [108] L’effet BALLISME
apparaît après 72 heures et est maximum après les deux premières
L’hémiballisme est une hyperkinésie généralement explosive,
semaines.
épuisante et dangereuse pour le patient qui peut aisément se blesser,
s’épuiser, voire présenter une défaillance cardiaque. À ce titre, la
TRAITEMENTS CHIRURGICAUX DE LA DYSTONIE diminution de l’hyperkinésie peut être considérée comme une
Lorsque les divers traitements sus-mentionnés se sont révélés urgence, pouvant même nécessiter une sédation. Par ailleurs,
inefficaces ou insuffisants, des approches chirurgicales sont à l’évolution naturelle est spontanément favorable dans les semaines
envisager. La mise en place de pompes à baclofène a été mentionnée à mois suivant l’installation de l’hémiballisme. Pour ces deux
ci-dessus. Plusieurs approches neurochirugicales ont été explorées, raisons, le traitement de choix est l’emploi de neuroleptiques à dose
faisant appel soit à la destruction (thalamotomies, pallidotomies) soit rapidement croissante et par voie éventuellement parentérale tel
à la stimulation électrique de noyaux thalamiques ou pallidaux. [114] l’halopéridol. [25] Le but est d’interrompre rapidement le mouvement
En raison de l’importance des effets secondaires des techniques anormal même au prix d’un certain parkinsonisme. Dans un second
lésionnelles bilatérales, l’essentiel des approches récentes fait appel temps, on titre le neuroleptique vers le bas en permettant la
à la seconde technique consistant à implanter dans les noyaux résurgence de discrets mouvements anormaux volontiers
cérébraux profonds des électrodes les stimulant à haute fréquence choréiques. Dans les semaines suivantes, le sevrage progressif des
grâce à des générateurs d’impulsions réglables, situés généralement neuroleptiques est institué. Au cas où la persistance du ballisme le
dans la région sous-claviculaire et auxquels ces électrodes sont nécessite, le remplacement des neuroleptiques classiques par la
reliées. Il est postulé que cette stimulation à haute fréquence inhibe tétrabénazine ou par des neuroleptiques atypiques telle la clozapine
les noyaux traités. Force est de constater qu’à l’heure actuelle, est entrepris.

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Neurologie Mouvements anormaux (dystonie, athétose, chorée, ballisme) 17-007-B-10

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23
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24
¶ 17-007-D-10

Dysphonie spasmodique
P. Klap, M. Cohen, A. Perrin, M. Parmentier

La dysphonie spasmodique est un trouble rare de la fonction vocale, caractérisé par des spasmes des
muscles des cordes vocales, dans le cadre d’une dystonie focale laryngée. Elle se traduit le plus souvent
par une voix éraillée, forcée, hachée et ponctuée d’arrêts vocaux ou par une voix soufflée, murmurée,
difficilement audible. La dysphonie spasmodique peut être isolée ou associée à d’autres dystonies focales
comme le blépharospasme, la dystonie oromandibulaire, le torticolis spasmodique, la crampe de
l’écrivain... Un petit pourcentage de patients atteints de dysphonie spasmodique sont porteurs de gêne
prédisposant à la dystonie. Le diagnostic de dysphonie spasmodique repose sur l’analyse acoustique de la
voix, l’examen du larynx par vidéofibroscopie et par stroboscopie, ainsi que par l’électromyographie des
muscles du larynx. Parmi les nombreux traitements proposés, la toxine botulique est le plus efficace, bien
qu’il s’agisse d’un traitement symptomatique. Les traitements médicamenteux et la rééducation
orthophonique n’ont pas fait la preuve de leur efficacité. Plusieurs procédés chirurgicaux sont
actuellement expérimentés mais aucun d’entre eux n’a été à ce jour validé.
© 2010 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Dysphonie spasmodique ; Dystonie ; Vidéofibroscopie du larynx ; Électromyographie ;


Toxine botulique ; Dénervation et réinnervation du nerf récurrent ;
Thyroplastie de médialisation et de latéralisation

Plan ■ Introduction
¶ Introduction 1 La dysphonie spasmodique est un trouble rare de la fonction
vocale, caractérisé par des spasmes des muscles du larynx ; ces
¶ Historique 1 spasmes sont provoqués par leur mise en activité et perturbent
¶ Définition et classification de la dystonie 2 ou empêchent le débit régulier de la voix. Les cordes vocales
¶ Différents tableaux cliniques de la dystonie du larynx 3 sont normales au repos, mais au moment de leur mise en
Dysphonie spasmodique en adduction 3 fonction, les muscles se contractent de façon inappropriée,
provoquant des spasmes et des mouvements anormaux qui
Dysphonie spasmodique en abduction 3
aboutissent à une dysphonie typique. Ces spasmes peuvent
Formes compensées 3
s’accompagner de difficultés respiratoires, en inspiration ou en
Dystonie laryngée dyspnéisante 3
expiration, et parfois de tremblements vocaux. Cette pathologie
¶ Examens complémentaires 3 a suscité un vif intérêt au cours des deux dernières décennies,
Vidéofibroscopie du larynx 4 du fait des grands progrès qui ont été réalisés dans son étude
Vidéostroboscopie du larynx 5 étiologique, son évaluation et les différentes solutions thérapeu-
Bilan phoniatrique 5 tiques actuellement proposées.
Électromyographie des muscles du larynx 5 La dysphonie spasmodique est une dystonie focale du larynx
¶ Diagnostic différentiel 6
et donc une maladie neurologique chronique due à un dysfonc-
tionnement du système nerveux central [1-3].
Dysphonie psychogène 6
Dysphonie hypertonique ou hyperkinétique 6
Dysphonie d’origine cérébelleuse
Maladie de Parkinson
6
6
■ Historique
Paralysie des cordes vocales 6 En 1871, Traube [4] utilise le terme de « dysphonie spastique »
¶ Traitement 7 pour décrire un patient présentant une raucité de la voix,
Toxine botulique 7 d’origine nerveuse. Pendant de nombreuses années, plusieurs
Traitement médicamenteux 9 auteurs ont considéré cette pathologie comme probablement
Rééducation orthophonique 9 d’origine psychiatrique. Ainsi Bloch [5] et Fahn [6] évoquaient, en
Traitements chirurgicaux 9 1965 et 1988, une origine psychogénique ; en effet, près de
50 % des patients relatent un choc émotionnel avant la surve-
¶ Conclusion 9
nue de l’affection. Le profil psychologique des patients atteints
de dysphonie spasmodique est marqué par un caractère volon-
taire, la combativité et le refus de l’échec qui poussent le sujet
à déployer une énergie considérable vis-à-vis des problèmes qu’il

Neurologie 1
17-007-D-10 ¶ Dysphonie spasmodique

rencontre dans sa vie. Ce sont des gens hyperactifs, surmenés et s’étendra à de multiples parties corporelles. L’expression
souvent autoritaires ; pour ces auteurs, la dysphonie spasmodi- clinique de la dystonie permet de cataloguer les atteintes
que traduirait alors un conflit interne, l’inhibition d’une dystoniques en quatre formes appelées focales, segmentaires,
agression intense et la peur de l’expression verbale. Pour multifocales et généralisées.
Aronson [7] , il existe chez ces patients un perfectionnisme • Les dystonies focales ne concernent qu’une région corporelle
marqué, avec une intolérance particulière aux erreurs des autres comme les paupières (blépharospasme), l’appareil mandica-
et aux leurs, une tendance à réprimer leurs sentiments et les teur (dystonie oromandibulaire), le larynx (dysphonie spas-
manifestations, verbales ou non, de ceux-ci. modique), les muscles du cou (torticolis spasmodique), les
Ainsi, lorsque la dysphonie était cliniquement isolée, sa muscles du membre supérieur (crampe de l’écrivain)...
nature neurologique, voire même organique, était controversée • Dans les dystonies segmentaires, deux ou plusieurs régions
en raison de la normalité de l’examen standard du larynx et de contiguës sont atteintes au niveau de la région céphalique,
l’absence de substratum neuropathologique. comme le syndrome de Meige qui associe un blépharospasme
Mais en 1968, Aronson [8] mène une étude comparative à et une dystonie oromandibulaire, au niveau cervical, ou au
partir d’interrogatoires à orientation psychiatrique et n’établit niveau axial avec une atteinte des muscles du cou et du
aucune différence entre la population normale et celle affectée tronc.
par la dysphonie spasmodique. Il distingue ainsi les patients • Dans les dystonies multifocales, deux ou plusieurs régions
atteints de dysphonie d’origine psychogène et ceux atteints de non contiguës sont atteintes.
dysphonie spasmodique, qu’il identifie comme une maladie • Les dystonies généralisées présentent une atteinte des deux
organique. membres inférieurs et au moins une autre région du corps.
Cependant, Meige [9], dès 1929, avait noté « l’existence de Les étiologies de la dystonie sont divisées en deux grandes
troubles convulsifs de la parole, où les muscles respirateurs et catégories ; idiopathique (ou primaire) et symptomatique (ou
phonateurs se contractent inopportunément, tantôt sous forme secondaire).
tonique, tantôt sous forme clonique de la même façon que les • Dans les dystonies primaires, qui sont les formes les plus
muscles du cou dans le torticolis spasmodique ». Meige émet fréquentes, la dystonie est le seul signe clinique ; elles se
l’hypothèse que cette dysphonie partage la même physiopatho- distinguent des dystonies secondaires par l’absence de cause
logie que le blépharospasme et le torticolis spasmodique, à retrouvée. En effet, aucune anomalie n’est détectée, tant lors
laquelle ils peuvent être associés, et prendraient leur origine des examens de laboratoire (immunologie, biochimie, héma-
dans un dysfonctionnement des noyaux gris centraux. tologie) qu’à l’électroencéphalogramme, au scanner, à l’ima-
En 1982, Marsden et Sheehy [10] associent la dysphonie gerie magnétique ou à l’examen anatomopathologique
spasmodique au blépharospasme et à la dystonie oromandibu- cérébral. De même, l’anamnèse ne retrouve aucune informa-
laire qui constituent le syndrome de Meige. Puis en 1984, tion suggérant une cause acquise ou environnementale de
Blitzer [11] constate que les caractéristiques de la dysphonie dystonie (par exemple l’exposition aux neuroleptiques ou des
spasmodique sont semblables à la dysphonie retrouvée chez des antécédents d’anoxie néonatale) [17]. Les dystonies primaires
patients présentant une dystonie généralisée et focale. Schae- sont supposées d’origine génétique, essentiellement en raison
fer [12] démontre, en 1985, grâce à l’électromyographie, que la de leur agrégation dans certaines familles et de l’identification
dysphonie spasmodique est un désordre de contrôle moteur de de gènes spécifiques. Ozelius [18] rapporte au moins 13 gènes
la voix dû à une dystonie. À l’heure actuelle, il est unanime- impliqués dans différentes formes de dystonie héréditaire. Le
ment reconnu que la dysphonie spasmodique est une dystonie premier gène identifié était le DYTI localisé sur le chromo-
focale. some 9q34. Chaque phénotype présente des caractéristiques
cliniques spécifiques. Ainsi, la dystonie primaire de type
■ Définition et classification DYT1 débute précocement au niveau segmentaire et se diffuse
au niveau du tronc atteignant rarement les muscles craniofa-
de la dystonie ciaux [17]. La dystonie de type DYT6 est caractérisée par un
début précoce et une atteinte qui prédomine majoritairement
La dystonie est une affection du système nerveux central qui dans les régions crânienne et cervicale avec une atteinte
est cliniquement définie par la survenue de contractions moins importante au niveau segmentaire [18]. La dystonie de
musculaires involontaires, à caractère prolongé, soutenu, type DYT13 est également caractérisée par une atteinte
imprimant un mouvement de torsion ou une prise de posture prédominant au niveau cervical, céphalique et des membres
anormale [13]. Elle est caractérisée par un excès de mouvements. supérieurs avec un début précoce semblable à celui de la
La prévalence des dystonies s’élève à 27 pour 100 000 soit dystonie de type DYT6 mais avec une atteinte moins impor-
24 000 cas en France ; 90 % d’entre elles présentent une tante au niveau du larynx et des membres inférieurs. Cepen-
symptomatologie focale [14]. La dysphonie spasmodique est la dant, malgré l’avancée de nos connaissances, essentiellement
forme la plus rare car elle ne représente que 9 % des dystonies grâce à l’identification de gènes spécifiques, la base étiologi-
focales. que des dystonies primaires demeure largement inconnue, en
La dystonie peut affecter n’importe quel muscle volontaire et particulier pour les formes de dystonie primaire focale ou
peut apparaître à tout âge. segmentaire débutant à l’âge adulte. Ainsi, les dystonies
La base physiopathologique des dystonies est encore mal primaires de l’adulte restent en général focales ou diffusent
connue. Les données actuelles indiquent le rôle de troubles des uniquement à une région contiguë. Dans une méta-analyse
afférences somatosensorielles et de l’intégration somatosenso- des études publiées à ce jour, O’Riordan [19] a étudié le rôle
rielle, entraînant une organisation déficiente de l’action de l’âge comme le seul facteur permettant de déterminer le
motrice [15]. Les dystonies focales, surtout les dystonies de la phénotype de la dystonie primaire. Il rapporte que l’âge
face et du cou, altèrent les actes moteurs les plus fréquents, moyen de début pour une dysphonie spasmodique, calculé
automatiques et inconscients, tels que le clignement, la mimi- sur un total de 13 études, est de 43 ans ; il est de 55 ans en
que, la voix, la parole, l’inclinaison ou la rotation de la tête. On moyenne pour les dystonies oromandibulaires ou le blépha-
observe des troubles moteurs complexes caractérisés par des rospasme selon 21 autres études répertoriées.
dysfonctionnements à de multiples niveaux comprenant la • Dans les formes secondaires, la dystonie est un symptôme qui
moelle épinière, le tronc cérébral, les noyaux gris centraux et le peut s’accompagner d’autres signes de déficits neurologiques.
cortex moteur, ainsi qu’une plasticité cérébrale anormale. On retrouve, au niveau cérébral, des lésions des noyaux gris
Marsden [16] a décrit trois approches fondamentales dans la centraux (putamen essentiellement [20]). Les dystonies secon-
classification des dystonies selon une phénoménologie clinique ; daires constituent un groupe important et diversifié de
âge de début, régions corporelles concernées et étiologie. Il pathologies secondaires à de multiples causes comme des
insiste sur le fait que l’âge de début constitue le facteur lésions cérébrales acquises (traumatisme crânien, accident
pronostique le plus important ; plus le début est précoce, plus vasculaire cérébral, tumeur, anoxie cérébrale...) ou toxiques
la symptomatologie risque d’être sévère avec une dystonie qui (exposition à des neuroleptiques...). En outre, il existe des

2 Neurologie
Dysphonie spasmodique ¶ 17-007-D-10

formes secondaires liées à une maladie de Parkinson ou à des sujet âgé. Plus rarement, les formes les plus sévères de dyspho-
maladies hérédodégénératives comme la maladie de Wilson et nie spasmodique en adduction peuvent aboutir à une quasi-
la maladie de Huntington. aphonie par sidération de la musculature laryngée. Cette
aphonie peut alors facilement être mise sur le compte d’une
dysphonie psychogène et conduire à un diagnostic erroné.

“ Point fort Dysphonie spasmodique en abduction


Elle résulte d’une atteinte dystonique des muscles abducteurs
La dysphonie spasmodique est une dystonie focale ; elle ou dilatateurs du larynx, appelés cricoaryténoïdiens postérieurs,
peut être isolée ou associée à d’autres dystonies qui maintiennent la glotte en ouverture excessive, perturbant
craniocervicales. ainsi la mobilisation des cordes vocales. Cette forme clinique est
plus rare (seulement 8 % des patients) et moins caractéristique.
Elle est de ce fait souvent considérée à tort comme une forme
d’hystérie de conversion ; un bilan vidéofibroscopique et
■ Différents tableaux cliniques électrophysiologique du larynx rétablit le diagnostic. Dans cette
forme clinique, la voix est chuchotée, murmurée, à peine
de la dystonie du larynx audible, baptisée whispering voice par les Anglo-Saxons ; il existe
La dysphonie spasmodique est un trouble rare de la fonction là aussi des perturbations de la dynamique respiratoire, source
vocale, caractérisé par des spasmes des muscles du larynx qui de fatigue et de forçage vocale. À l’interrogatoire, on retrouve
perturbent ou empêchent l’émission et le débit harmonieux et très souvent des épisodes d’aphonie à répétition spontanément
régulier de la voix. La maladie apparaît en moyenne vers l’âge résolutifs.
de 40 ans avec une nette prédominance féminine et un ratio de
trois à huit femmes pour un homme, selon les études [1]. Formes compensées
La dysphonie spasmodique survient le plus souvent de façon
progressive mais parfois brutalement à la suite d’un traumatisme Elles surviennent généralement après plusieurs mois ou
physique ou psychique, telles la perte d’un être cher, une années d’évolution et on distingue en fonction de l’atteinte
séparation affective douloureuse ou des difficultés profession- prédominante des dysphonies spasmodiques en adduction avec
nelles. Ce mode de début a longtemps servi d’argument pour une compensation en abduction ou l’inverse. Ce sont des
étayer l’hypothèse erronée de l’origine psychologique de la formes mixtes dont l’expression varie selon que l’atteinte
maladie. Le plus souvent isolée, la dysphonie spasmodique peut prédomine sur les muscles adducteurs ou abducteurs. Quelle que
être associée à d’autres dystonies focales et apparaître au cours soit la forme clinique, la dysphonie spasmodique est éminem-
de l’évolution d’une dystonie craniocervicale [10]. Elle peut ainsi ment variable d’un sujet à l’autre et chez le même sujet au
être associée à un blépharospasme, un torticolis spasmodique, cours de la journée. Comme dans toute dystonie, les symptômes
une dystonie oromandibulaire ou une crampe de l’écrivain. se majorent en fin de journée, avec la fatigue et en période de
L’interrogatoire recherche des antécédents personnels et tension émotionnelle.
familiaux de dystonie, ainsi que la notion d’imprégnation
médicamenteuse (en particulier par des neuroleptiques). La Dystonie laryngée dyspnéisante
dysphonie spasmodique atteint fréquemment mais non exclu-
sivement des professionnels de la communication : enseignants, C’est une pathologie rare au cours de laquelle les spasmes des
avocats, magistrats, journalistes, commerciaux, médecins, etc. muscles adducteurs du larynx deviennent permanents, affectant
On distingue quatre formes cliniques de dystonies du larynx ainsi la mobilité des cordes vocales essentiellement au repos, en
qui correspondent à la prédominance de l’atteinte de la muscu- dehors de toute phonation. Il en résulte une diminution
lature laryngée. significative de l’espace glottique qui est alors responsable d’un
stridor et de pauses respiratoires dues aux mouvements anor-
maux des cordes vocales et des aryténoïdes. La phonation est en
Dysphonie spasmodique en adduction général préservée. L’évolution de cette forme particulière de
Elle traduit l’atteinte des muscles adducteurs du larynx, dystonie du larynx peut mettre en jeu le pronostic vital avec la
appelés thyroaryténoïdiens, avec une fermeture excessive de la survenue de crises d’asphyxie aiguës. L’élément déterminant
glotte au moment de la phonation. Cette forme clinique est la pour la prise en charge de ces patients dépend du diagnostic
plus fréquente car elle touche 85 % des patients présentant une différentiel qui peut s’avérer difficile en l’absence de bilan
dysphonie spasmodique. Classiquement, la voix est hachée, vidéofibroscopique et électromyographique des muscles du
forcée, éraillée et ponctuée d’arrêts vocaux. Le patient présente larynx. En effet, la dystonie laryngée dyspnéisante est parfois
une sensation de fatigue et de forçage vocal, notamment en fin confondue avec un asthme résistant au traitement symptoma-
de journée et lors de conversation téléphonique. On perçoit tique ou avec le syndrome de Gerhardt qui est dû à une
aisément, à l’examen acoustique, des difficultés d’attaque du paralysie des muscles dilatateurs de la glotte [21].
son et des désonorisations intermittentes, sur un rythme
irrégulier et lent ; les Anglo-Saxons qualifient cette dysphonie de
breaking voice. Le patient dépense une énergie considérable pour
parler, ce d’autant qu’il lutte contre des spasmes respiratoires en
inspiration ou en expiration, responsables d’une mauvaise
coordination pneumophonique. En général, le patient peut
“ Point fort
chanter et note que sa voix s’améliore lorsqu’il est en colère ou Les formes cliniques de la dysphonie spasmodique
lorsqu’il crie. La consommation d’alcool peut aussi être bénéfi- reflètent la prédominance de l’atteinte des muscles du
que pour la voix. Le plus souvent, le patient atteint de dyspho-
larynx ; la forme la plus fréquente est la dysphonie
nie spasmodique privilégie les phrases courtes et limite parfois
de façon inconsciente sa communication orale. Dans certains spasmodique en adduction.
cas, et notamment chez le sujet âgé, ces troubles vocaux
peuvent être aggravés par un tremblement de la voix qui majore
les difficultés phonatoires ; ces patients peuvent alors présenter
un tremblement associé, le plus souvent du chef et du cou, et ■ Examens complémentaires
parfois des mains. Dans ce cas, il faut toujours rechercher un
éventuel spasme associé, car il génère une fatigue vocale et Ils permettent d’évaluer la voix du patient et participent à
perturbe, de façon prédominante, la communication orale du la démarche diagnostique. Les méthodes d’investigations

Neurologie 3
17-007-D-10 ¶ Dysphonie spasmodique

Figure 1. Fibroscopie du larynx avec endos-


cope flexible (cliché du docteur Crevier-
Buchman). Le tube flexible relié à une optique
et une caméra est inséré par une narine (avec
ou sans anesthésie locale). 1. Aryténoïdes ;
2. pli vocal ; 3. bande ventriculaire ; 4. pied
de l’épiglotte.

2 3

laryngologiques et électrophysiologiques étudient les diffé-


rents muscles impliqués dans la dystonie du larynx afin de
mieux appréhender leur traitement. Ces explorations spécia-
lisées sont précédées de l’examen de la cavité buccale afin
d’éliminer d’éventuels troubles de la mobilité mandibulaire,
labiale, linguale, vélaire ou oropharyngée. Les mouvements
anormaux de ces organes peuvent en effet être à l’origine
d’un trouble de l’articulation ou dysarthrie qui doit être
différenciée de la dysphonie.
90°
Vidéofibroscopie du larynx
La laryngoscopie indirecte est un des éléments déterminants
du diagnostic puisqu’elle va le plus souvent mettre en évidence
les mouvements anormaux du larynx. Cet examen est réalisé au
cabinet de l’oto-rhino-laryngologiste (ORL), à l’aide de fibros-
cope souple (Fig. 1) ou rigide (Fig. 2), avec ou sans anesthésie
locale. Le fibroscope introduit dans la fosse nasale ou dans la
cavité buccale du patient est relié, grâce à une caméra, à un
écran qui visualise le larynx et le pharynx (Fig. 2). Il objective
un larynx morphologiquement normal éliminant ainsi toute
lésion tumorale ou inflammatoire des cordes vocales. L’examen
du larynx peut être normal au repos ou mettre en évidence des
mouvements anormaux d’adduction ou d’abduction des aryté-
noïdes, appelés « danse des aryténoïdes » [22], qui s’associent
parfois à des tremblements. La réalisation de la fibroscopie peut
être difficile du fait des dystonies associées intéressant la région 70° A
cervicale et le pharynx ; les contractions involontaires des
muscles constricteurs du pharynx avec une bascule postérieure
de la base de langue peuvent limiter l’accès du fibroscope au
larynx. Il ne faut pas hésiter à prolonger la durée de cet examen
du fait de la grande variabilité des mouvements laryngés d’un
moment à l’autre. La dysphonie spasmodique en adduction se
caractérise à la phonation par des mouvements saccadés et
forcés d’accolement des cordes vocales, avec souvent des
contractions étendues au vestibule laryngé et à la base de
langue. On note parfois une mise en tension pathologique des
bandes ventriculaires ; ce sont des replis muqueux, appelés aussi
fausses cordes vocales, qui sont situés au-dessus du plan
glottique. L’hyperactivité des bandes ventriculaires peut être
telle qu’elle masque le plan glottique et rend impossible
l’examen des cordes vocales. Dans la dysphonie en abduction,
la phonation est perturbée par un très net défaut d’accolement
Figure 2.
des cordes vocales, notamment à la partie postérieure de la
A. Fibroscopie du larynx avec endoscope rigide.
glotte, responsable d’une fuite glottique. On parle alors d’aspect
B. Vue du larynx en fibroscopie rigide (cliché du docteur
en « sablier » de l’espace glottique. Dans certains cas, le patient
Crevier-Buchman).
compense son handicap par un forçage important au niveau des
muscles adducteurs ; il obtient alors une fermeture glottique
satisfaisante, mais au prix d’efforts épuisants. En début de satisfaisant mais très vite, en fin de phonation, on note une
phonation, l’accolement des cordes vocales peut paraître incapacité de mobiliser correctement les cordes vocales.

4 Neurologie
Dysphonie spasmodique ¶ 17-007-D-10

Vidéostroboscopie du larynx données de l’examen en tenant compte de l’anamnèse et de la


clinique. L’étude électrophysiologique est l’élément essentiel du
L’étude de la vibration des cordes vocales, dont la fréquence diagnostic de la dysphonie spasmodique, notamment dans les
est élevée, nécessite le recours à des artifices de visualisation formes atypiques. Cet examen permet de confirmer l’atteinte
comme la stroboscopie. En effet, un stroboscope permet l’étude dystonique du larynx et d’identifier les différentes formes
des phases d’un mouvement au moyen d’une source lumineuse cliniques de cette maladie.
périodique. La vidéostroboscopie permet ainsi de visualiser les
troubles de la mobilité du larynx et notamment la disparition Technique d’électromyographie du larynx
des mouvements ondulatoires de la muqueuse cordale qui
caractérise la dystonie laryngée. Il s’agit d’une électromyographie laryngée de détection
exclusive sans stimulation électrique. L’appareil d’enregistre-
ment est relié à trois types d’électrodes : une électrode de liaison
Bilan phoniatrique équipotentielle qui se présente sous la forme d’un bracelet placé
La voix peut être évaluée par l’oreille humaine, c’est l’analyse au niveau du poignet du patient, une électrode de référence qui
perceptive, ou par des méthodes de traitement informatique du est une électrode de surface placée au niveau du lobe de l’oreille
signal acoustique. Ces techniques ne permettent pas de faire le et une électrode active dont le type dépend de la voie d’abord
diagnostic de dysphonie spasmodique, mais objectivent le utilisée. En effet, l’examen peut être réalisé par voie transorale,
dysfonctionnement phonatoire. qui permet le positionnement de l’électrode sous contrôle de la
vue au cours d’une laryngoscopie directe [25, 26] ou indirecte [27,
28] et par voie transcutanée au travers de la membrane
Analyse perceptive de la voix
cricothyroïdienne [29].
Elle est réalisée à partir d’un enregistrement sonore et son Dans le service ORL de la Fondation Adolphe de Rothschild
évaluation est, en pratique clinique, obtenue grâce à une échelle est réalisée l’électromyographie laryngée par voie transcutanée
simple, appelée GRBAS ; cette échelle d’évaluation est basée sur à l’aide d’aiguilles concentriques bipolaires creuses téflonnées
cinq paramètres ; G (grade, soit la sévérité globale de la dyspho- qui permettent l’enregistrement du muscle au contact de
nie), R (roughness, soit la raucité de la voix), B (breathness, soit l’extrémité, seule conductrice, et une éventuelle injection au
une voix soufflée), A (asthenia, soit asthénie vocale, manque de même endroit [30]. Le réglage des filtres autorise une bande
puissance vocale) et S (strainedness, soit un serrage vocal, voix passante de 10 Hz à 20 kHz. La valeur des filtres modifie la
forcée) [23]. On détermine ainsi : forme et l’amplitude du signal. La vitesse de balayage est de
• le temps maximal de phonation d’une voyelle tenue ; celui-ci 100 ms par division, soit 1 s en plein écran, et l’amplitude est
est constamment diminué dans la dysphonie spasmodique ; de 0,1 mV par division.
• l’intensité vocale grâce à un sonomètre : elle est variable, L’examen est réalisé sans anesthésie locale ou générale, en
augmentée dans certaines dysphonies spasmodiques en ambulatoire, chez un patient conscient capable de phonation
adduction, diminuée dans les dysphonies en abduction, mais ou d’inspiration profonde à la demande. Le patient est placé en
parfois normale. décubitus dorsal, la tête en légère extension de façon à pouvoir
palper aisément les cartilages thyroïde et cricoïde.
Analyse acoustique objective de la voix L’électromyographie du larynx est considérée comme un
examen invasif, mais il est très bien toléré et ne présente
Elle repose sur l’analyse informatisée du signal sonore vocal.
aucune contre-indication absolue. Quelques précautions doivent
Grâce aux méthodes mathématiques de traitement du signal, on
toutefois être prises dans certaines circonstances. Les rares
peut décomposer le son en ses composantes fréquentielles ; la
patients pusillanimes peuvent bénéficier d’une prescription
fréquence fondamentale, les harmoniques et les formants.
d’anxiolytique d’action rapide, mais en évitant les anxiolytiques
L’analyse informatique de la voix est réalisée avec différents
myorelaxants. Les patients traités par des anticoagulants
types de voiscopes [24]. Ce sont des appareils qui, à partir de
peuvent présenter des hématomes sous-cutanés sans consé-
l’enregistrement électroglottographique numérisé, permettent
quence respiratoire ou phonatoire. En cas d’une immobilité
l’analyse de la répartition fréquentielle dans la voix lors de la
laryngée en adduction, les conditions de sécurité imposent
lecture d’un texte standard. L’analyse d’une dysphonie spasmo-
l’accès rapide à du matériel d’intubation, voire de trachéotomie ;
dique peut être impossible s’il n’existe aucun cycle de vibration
l’examen est alors pratiqué dans un environnement médicalisé
normal ; on ne recueille alors aucun échantillon. Mais l’examen
(établissement hospitalier public ou privé). Cependant, en
est le plus souvent possible et révèle alors :
20 ans de pratique, nous n’avons jamais été confrontés aux
• une conservation de la fréquence fondamentale modale ;
complications colligées dans la littérature [31] , à savoir le
• des anomalies de la distribution des fréquences fondamenta-
laryngospasme, l’œdème et les hémorragies laryngées.
les de la voix et une dispersion des fréquences dans les
graves, des histogrammes élargis et irréguliers, une diminu-
tion très marquée des échantillons du deuxième ordre par Électromyographie normale du larynx
rapport au premier ; Les muscles thyroaryténoïdiens ou muscles vocaux permet-
• des anomalies des courbes d’électrolaryngographie et le plus tent l’accolement des cordes vocales au moment de la phona-
souvent, un signal microphonique recueilli de mauvaise tion, grâce à leur action adductrice. A contrario, les muscles
qualité, des courbes d’électrolaryngographie irrégulières, cricoaryténoïdiens postérieurs écartent l’une de l’autre les cordes
surtout en amplitude ou dans le temps. On note en général vocales et dilatent la glotte pendant la phase respiratoire, grâce
un raccourcissement du cycle vibratoire, le plus souvent aux à leur action abductrice.
dépens de la phase d’ouverture. Les muscles laryngés sont des muscles squelettiques qui sont
composés principalement de trois types de fibres. Les fibres de
Électromyographie des muscles du larynx type I sont très résistantes mais se contractent lentement. Les
fibres de type IIa se contractent rapidement mais sont égale-
L’électromyographie laryngée est un moyen d’exploration des ment résistantes. Les fibres de type IIb se contractent très vite
troubles de la mobilité du larynx à visée diagnostique, topogra- mais, en revanche, se fatiguent vite. Les muscles laryngés
phique, pronostique et thérapeutique. Son utilisation en contiennent plus de fibres de type IIa que les autres muscles.
pratique clinique reste limitée à quelques équipes, car elle Les muscles laryngés en général semblent avoir une répartition
impose la collaboration d’un ORL et d’un neurologue électro- des fibres qui permet à la fois une contraction rapide et une
physiologiste. En effet, l’étude des muscles du larynx nécessite bonne résistance à la fatigue. Les muscles thyroaryténoïdiens et
des connaissances anatomiques et physiologiques spécifiques ; cricothyroïdiens sont particulièrement spécialisés dans la
l’ORL a donc pour rôle de placer l’aiguille dans un muscle .
contraction rapide [32]. Les unités motrices sont constituées de
déterminé, l’électrophysiologiste assure la manipulation de 20 à 30 fibres musculaires comme les muscles oculaires extrin-
l’appareil d’électromyographie, et ils interprètent ensemble les sèques ou les muscles de la mimique.

Neurologie 5
17-007-D-10 ¶ Dysphonie spasmodique

Les caractéristiques des potentiels d’action normaux sont : Dysphonie spasmodique en abduction
• une amplitude entre 100 et 300 µV ; Dans cette forme rare de dysphonie spasmodique, les anoma-
• une durée de 3 à 6 ms [33]. lies électromyographiques sont détectées au niveau des muscles
L’interprétation des tracés nécessite l’analyse de trois paramè- cricoaryténoïdiens postérieurs. Ce muscle est le siège d’une
tres ; le recrutement, la morphologie des potentiels d’unité activité de repos le plus souvent de type continu, pouvant se
motrice et la présence ou non d’une activité spontanée. renforcer paradoxalement à la phonation par une cocontraction
Chez un sujet normal, l’enregistrement des muscles laryngés anormale du muscle agoniste et antagoniste. Lors de la mise en
retrouve une activité de repos quasi nulle, dans la mesure où le action, l’activité peut être augmentée en amplitude et en durée
patient est parfaitement relaxé. Au moment de la contraction mais les modifications sont moins fréquentes que pour le
volontaire, obtenue par la phonation pour le muscle thyroa- muscle thyroaryténoïdien.
ryténoïdien et une inspiration brève pour le muscle cricoaryté-
noïdien postérieur, l’activité électrique est riche, continue sans
variation et d’amplitude inférieure à 300 µV. La discrimination ■ Diagnostic différentiel
est assurée par une simultanéité de l’effort de contraction et de
Le diagnostic de dysphonie spasmodique est relativement aisé
l’activité électromyographique. Une activité paradoxale doit
dans sa forme typique en adduction, mais il n’est pas rare que
faire douter de la bonne position de l’aiguille dans le muscle
l’on soit confronté à des patients présentant une dysphonie
recherché. Ainsi, une augmentation d’activité du muscle
atypique avec de grandes variabilités temporelles, dans un
thyroaryténoïdien pendant l’inspiration indique une erreur de
contexte psychologique particulier, pouvant mettre en doute la
positionnement de l’aiguille. Il en est de même pour le repérage
nature organique et dystonique de la dysphonie. Le diagnostic
du muscle cricoaryténoïdien postérieur qui ne doit pas avoir
peut aussi être difficile à établir lorsque le patient a développé
d’activité pendant la phonation. Par ailleurs, une activité
un certain nombre de mécanismes de compensations
permanente qui disparaît au moment de la déglutition indique
phonatoires.
une erreur de positionnement de l’aiguille dans le muscle
cricopharyngien.
Le repérage musculaire est bien évidemment obtenu à l’aide Dysphonie psychogène
du tracé électromyographique, mais aussi grâce au son émis par Une dysphonie atypique, par exemple sous forme d’aphonie,
l’appareil d’enregistrement. Ainsi, un positionnement correct de peut être interprétée comme un symptôme de conversion
l’électrode se caractérise par un son crépitant et aigu. Lorsque hystérique. Il s’agit d’une manifestation corporelle constituée
la tonalité est plus sourde et moins distincte, il faut reposition- par l’atteinte de la fonction phonatoire exprimant symbolique-
ner l’aiguille, car elle très certainement située à distance du ment un conflit psychique inconscient. Un bilan psychiatrique
muscle recherché. Enfin, seule une exploration bilatérale et permet d’étayer le diagnostic, mais il ne faut pas hésiter à le
comparative des muscles agonistes et antagonistes (adducteurs compléter par un bilan vidéofibroscopique et électromyographi-
et abducteurs) du larynx permet une analyse fonctionnelle que du larynx.
complète et exhaustive.
Dysphonie hypertonique ou hyperkinétique
Aspect électromyographique de la dystonie Elle traduit un banal comportement de forçage vocal avec
du larynx serrage des bandes ventriculaires (fausses cordes vocales) ; la
La dysphonie spasmodique se traduit, sur le plan électro- confusion est possible si l’on s’en tient à l’analyse strictement
myographique, par des activités anormales au repos ou à la acoustique et superficielle de la voix, car l’examen fibroscopique
contraction, caractéristiques de la dystonie. Les anomalies des cordes vocales montre une activité excessive des bandes
électromyographiques diffèrent selon la forme clinique de la ventriculaires qui masquent le plan cordal. Mais parfois, la
dysphonie spasmodique. dysphonie spasmodique s’accompagne d’un serrage réactionnel
des bandes ventriculaires, notamment pour compenser une
Dysphonie spasmodique en adduction dysphonie spasmodique en adduction ou en abduction. L’élec-
Dans cette forme clinique, on retrouve au niveau des muscles tromyographie du larynx élimine une atteinte dystonique et
thyroaryténoïdiens plusieurs aspects électromyographiques l’évolution le plus souvent favorable de la dysphonie hyperto-
pathologiques. En effet, les anomalies électriques peuvent se nique, après une rééducation orthophonique de brève durée,
manifester, au repos ou seulement à la phonation, sous forme permet de confirmer le diagnostic.
d’activité continue ou discontinue en bouffée.
• L’activité continue de repos est semblable à l’activité phona- Dysphonie d’origine cérébelleuse
toire, s’en différenciant le plus souvent par une amplitude Le contexte clinique est très différent et lorsque la dysphonie
plus faible et un recrutement moins riche, mais peut parfois est d’origine cérébelleuse, la voix présente un caractère irrégu-
se confondre avec elle, notamment dans les formes dyspnéi- lier, éraillé, parfois serré, associé à un tremblement vocal de
ques. À la phonation, on observe souvent une disparition de grande amplitude. La voix paraît monotone ou au contraire
l’activité de repos de type continu, avec un court silence produit des accentuations excessives, des « éclats » inadaptés au
électrique (0,2 à 0,4 ms) avant que n’apparaisse l’activité de contexte de la parole.
contraction.
• L’activité discontinue de repos s’organise en bouffées, soit Maladie de Parkinson
brèves (100 ms), régulières, à la fréquence de quatre à cinq
La dysphonie parkinsonienne se caractérise par une voix
par seconde, soit de plus longue durée et de répartition alors
monotone et faible. Le timbre de la voix est voilé, plus ou
plus anarchique.
moins éraillé parfois associé à une instabilité pouvant être
Les anomalies électromyographiques des muscles thyroaryté-
audible sous forme d’un tremblement. L’attaque est réduite,
noïdiens peuvent être décelées uniquement à la phonation.
l’intensité de la voix est uniformément faible et le trouble de la
Dans ce cas, le début de l’activité phonatoire est parfois excessif
voix est qualifié d’hypophonie. La fibroscopie du larynx met en
en richesse et en amplitude, pouvant dans les cas extrêmes
évidence une hypotonie et une lenteur à la mobilisation des
bloquer l’émission du son qui ne devient audible que lorsque
cordes vocales. Cependant, la dystonie peut s’intégrer dans la
cette activité décroît légèrement. La fin de la contraction peut
maladie de Parkinson soit comme signe inaugural de la maladie,
être marquée par un renforcement de l’amplitude et de la
soit comme une complication de la dopathérapie.
richesse du tracé. L’activité phonatoire peut s’organiser en
plateau ou en bouffée, réalisant alors la forme tremblante des
.
dysphonies, cette forme étant souvent suspectée dès l’examen Paralysie des cordes vocales
laryngoscopique. Ces différentes activités pathologiques peuvent Certaines dystonies du larynx provoquent une immobilité des
s’associer. cordes vocales en position paramédiane et posent le problème

6 Neurologie
Dysphonie spasmodique ¶ 17-007-D-10

du diagnostic différentiel de la paralysie des cordes vocales. Ce Technique d’injection


diagnostic est d’autant plus difficile que ces deux pathologies
présentent un même aspect à l’examen vidéofibroscopique du Elles sont nombreuses et variées ; au vue de la littérature, il
larynx. Seule l’électromyographie du larynx permet d’authenti- apparaît que les injections peuvent être pratiquées par voie
fier la dystonie des muscles adducteurs du larynx (muscles percutanée ou transorale, à l’aide d’un endoscope flexible ou
thyroaryténoïdiens) et d’éliminer une atteinte neurogène rigide, avec ou sans anesthésie, de façon uni- ou bilatérale.
périphérique [34]. Quelle que soit la voie d’abord, l’injection de toxine botulique
est strictement intramusculaire. Pour notre part, nous réalisons
les injections de toxine botulique par voie percutanée, en
intramusculaire strict, sous contrôle électromyographique. Le

“ Point fort
patient est pris en charge en ambulatoire car il n’est pas
anesthésié ; il est couché en décubitus dorsal et peut répondre
aux ordres. Nous utilisons des seringues à tuberculine de 1 ml,
Le principal diagnostic différentiel est la dysphonie graduées de 0,1 ml en 0,1 ml et munies d’une aiguille de
psychogène qui risque de méconnaître une dysphonie détection creuse qui permet un repérage électromyographique
spasmodique. précis du muscle à traiter. Nous diluons 2,5 ml de chlorure de
sodium à 0,9 % dans un flacon de 500 unités de Dysport® et
1,5 ml de chlorure de sodium à 0,9 % dans un flacon de
100 unités de Botox ® . Nous obtenons ainsi un rapport de
1 unité de toxine américaine (Botox®) égale à 3 unités de toxine
■ Traitement anglaise (Dysport®). Avec ces dilutions, 0,1 ml de solution
De nombreux traitements ont été proposés, au cours des contient 20 unités de toxine Dysport® et 6,6 unités de toxine
décennies précédentes, qu’il s’agisse de traitement médicamen- Botox®.
teux, d’orthophonie ou de chirurgie ; mais actuellement, il est L’aiguille de détection creuse à usage unique permet de façon
unanimement reconnu, depuis la publication en 1990 d’un quasi simultanée l’enregistrement électromyographique et
consensus du National Institute of Health, que la toxine l’injection du produit. On s’assure ainsi du bon positionnement
botulique est le traitement de référence de la dysphonie de l’électrode grâce à la contraction sélective du muscle ; celle-ci
spasmodique [35]. est obtenue par une phonation pour détecter le muscle thyroa-
ryténoïdien (le patient prononce la voyelle « é »), et par une
inspiration courte et intense pour le muscle crycoaryténoïdien
Toxine botulique postérieur (on demande au patient de « sniffer »). Le recrute-
Les premières publications de Brin [36] et Miller [37] en 1987, ment électrique est alors franc, sans ambiguïté et se détecte plus
puis de Blitzer [38] en 1988 ont conclu à l’amélioration specta- facilement au son du haut-parleur que sur l’image de l’écran. Le
culaire des patients atteints de dysphonie spasmodique en tracé électromyographique obtenu est riche avec une hyperac-
adduction par la toxine botulique. Ludlow, en 1990, confirma tivité et des renforcements en bouffées, caractéristique de la
ces résultats dans un essai en double aveugle qui comparait les dysphonie spasmodique. Ce contrôle est particulièrement
effets de la toxine botulique versus placebo avec une efficacité important lors des réinjections pour déterminer la portion
significativement supérieure de la toxine botulique [39]. musculaire la plus tonique. L’activité disparaît souvent dès le
début de l’injection et ne doit pas être interprétée comme un
Propriétés pharmacologiques de la toxine déplacement intempestif de l’aiguille. On demande au patient
botulique de ne pas déglutir pendant l’examen pour éviter le déplacement
La toxine botulique est la plus puissante des neurotoxines de l’aiguille. Le repérage électromyographique est suffisamment
connues à l’heure actuelle. Elle agit en inhibant la libération fiable pour que nous nous abstenions du contrôle fibroscopique
d’acétylcholine au niveau de la jonction neuromusculaire, ce que nous préconisions au début de notre pratique.
qui entraîne un blocage de l’influx nerveux, une paralysie et
une atrophie musculaire. Son action au niveau présynaptique Protocole thérapeutique
comprend trois étapes. Tout d’abord, une étape de reconnais-
Il varie en fonction des muscles atteints par la dystonie.
sance du récepteur à la surface des cellules nerveuses cibles
• Dans les dysphonies spasmodiques en adduction, avec ou
cholinergiques, puis une étape d’internalisation dans une
sans tremblement, nous injectons la toxine botulique dans les
vésicule d’endocytose et enfin une action intracellulaire qui
muscles thyroaryténoïdiens, par voie percutanée à travers la
conduit à l’inhibition de la libération de l’acétylcholine. En
membrane cricothyroïdienne (Fig. 3A). Nous positionnons
postsynaptique, la dénervation chimique induite par la toxine
botulique conduit à une réexpression des récepteurs à l’acétyl- l’aiguille au bord supérieur du cartilage cricoïde et, après avoir
choline qui sont alors en contact avec les terminaisons nerveu- transpercé la membrane cricothyroïdienne, nous lui impri-
ses néoformées [40]. mons un mouvement d’ascension de 45° vers le haut, puis un
La toxine botulique est indiquée chaque fois qu’une contrac- mouvement de latéralisation externe, de chaque côté de la
tion musculaire anormale doit être levée. Elle a été utilisée la ligne médiane, de 30° en dehors, afin de pénétrer dans
première fois en 1980 par Scott [41] pour traiter le strabisme de chacun des muscles thyroaryténoïdiens (Fig. 3B). L’injection,
l’enfant, puis ses indications se sont étendues à de nombreuses réalisée en un seul point, est bilatérale avec une dose de
pathologies comme le blépharospasme [42], le spasme hémifa- 20 unités de toxine Dysport® ou 6,6 unités de toxine Botox®,
cial [43], le torticolis spasmodique [44], la crampe de l’écrivain [45], en moyenne, dans chaque muscle thyroaryténoïdien.
les atteintes spastiques post-accident vasculaire cérébral ou post- • Dans les dysphonies spasmodiques en abduction, nous
traumatique... La toxine botulique a essentiellement un effet injectons la toxine botulique dans les muscles cricoaryténoï-
symptomatique et transitoire, ce qui implique de renouveler le diens postérieurs. Nous positionnons l’aiguille en arrière de la
traitement tous les 4 à 6 mois. Cette nécessité de répéter les lame thyroïdienne, sur le chaton cricoïdien, en provoquant
injections est bien acceptée par la plupart des patients qui y une légère rotation du larynx du côté controlatéral à l’aide de
sont contraints, car le traitement leur donne dans la majorité la main libre (Fig. 3C). L’injection, réalisée en un seul point
des cas une grande satisfaction. En pratique courante, on utilise musculaire, est uni- ou bilatérale, selon l’intensité de la
la toxine botulique A (Botox®, Dysport®) ; on pourrait disposer dysphonie, avec une dose moyenne de 40 à 60 unités Dys-
de la toxine botulique B, qui est indiquée dans les cas de port® ou 12 à 18 unités Botox® par muscle. Actuellement,
résistance à la toxine botulique A, mais aucun cas de résistance nous réalisons des injections bilatérales, car le risque théori-
par immunisation antitoxine n’a été décrit jusqu’à présent dans que de dyspnée inspiratoire postinjection est faible lorsqu’on
le traitement de la dysphonie spasmodique. respecte les dosages mentionnés.

Neurologie 7
17-007-D-10 ¶ Dysphonie spasmodique

B C
Figure 3.
A. Traitement d’une dysphonie spasmodique en adduction par toxine botulique.
B. Positionnement de l’aiguille dans le muscle thyroaryténoïdien.
C. Positionnement de l’aiguille dans le muscle cricoaryténoïdien postérieur.

Effets secondaires grâce à une échelle exprimée en pourcentage ; nous notons


d’une part la durée et l’intensité des effets secondaires, et
L’action de l’injection se manifeste généralement entre le
d’autre part la durée d’efficacité du traitement.
8e et le 10e jour. Dans plus de la moitié des cas vont apparaître
• L’examen acoustique et l’analyse informatique de la voix. On
des effets secondaires qui sont toujours locaux, transitoires et
dont la durée n’excède pas 2 à 3 semaines ; ils se limitent à une note un retour aux constantes physiologiques vocales avec
hypophonie et à des troubles mineurs de la déglutition, essen- disparition des arrêts vocaux et des spasmes respiratoires. Les
tiellement avec les liquides. Nous conseillons de limiter les sensations de forçage vocal et de striction cervicale disparais-
fausses routes en buvant de petites quantités de liquide, tête sent. Le patient retrouve une coordination pneumophonique
penchée en avant. De façon tout à fait exceptionnelle, nous satisfaisante. L’amélioration de la voix est objectivée par la
avons proposé une surveillance simple en milieu hospitalier, mesure des paramètres acoustiques et l’analyse informatique
lorsque ces effets secondaires étaient mal tolérés, notamment recueillie avec un voiscope. Le temps maximal de phonation
chez des patients particulièrement anxieux. Cependant, aucune d’une voyelle tenue redevient normal ainsi que l’intensité
mesure thérapeutique n’a été nécessaire dans notre série de vocale mesurée au sonomètre. Ces analyses confirment
patient qui a débuté en 1990 [46]. Mais l’apparition de troubles l’amélioration obtenue avec une redistribution des histo-
majeurs de la déglutition aurait induit l’arrêt de l’alimentation grammes de fréquence et une normalisation de la courbe
orale et la mise en place d’une sonde nasogastrique, le temps d’électrolaryngographie, témoin d’un accolement physiologi-
que les effets secondaires s’estompent. De même, la survenue que des cordes vocales.
d’une dyspnée aiguë, notamment après injection des muscles • La vidéofibroscopie avec disparition des spasmes et des
cricoaryténoïdiens postérieurs, imposerait une intubation mouvements anormaux du larynx.
laryngotrachéale, voire une trachéotomie en cas de dyspnée
prolongée. Au cours des injections suivantes, les doses de toxine Échecs du traitement de la dysphonie
botulique sont diminuées, lorsque les effets secondaires précé- spasmodique par la toxine botulique
dents auront été importants en intensité et en durée. Nous
n’avons jamais observé d’effets systémiques ni d’immunisation Ils nécessitent parfois d’augmenter les doses ; il faut cepen-
antitoxine, car les doses injectées, dans ces indications, sont peu dant respecter des seuils supérieurs, au risque d’être confronté à
importantes. de graves effets secondaires. On n’excède donc pas les doses de
40 unités Dysport ® ou 12 unités Botox ® dans un muscle
Durée d’action de la toxine botulique thyroaryténoïdien et de 80 unités Dysport® ou 25 unités Botox®
Elle est en moyenne de 4 à 6 mois, ce qui nécessite deux à dans un muscle cricoaryténoïdien postérieur. Au-delà de ces
trois injections annuelles. Les doses de toxine botulique et le limites, nous proposons d’autres solutions thérapeutiques. Pour
rythme des injections varient souvent d’un patient à l’autre. Le les dysphonies spasmodiques en adduction, nous injectons de la
praticien adapte la quantité de produit à injecter en fonction de toxine botulique, sous anesthésie générale, dans les bandes
son efficacité, de sa durée d’action et de l’importance des effets ventriculaires ; ce sont des replis muqueux situés au-dessus des
secondaires des injections antérieures. En outre, l’électromyo- cordes vocales qui peuvent être le siège d’un phénomène de
graphie, en évaluant l’intensité de l’activité musculaire, permet compensation à type d’hyperactivité. Les échecs du traitement
de déterminer au mieux les doses à injecter. des dysphonies spasmodiques en abduction nécessitent, quant
à eux, des solutions chirurgicales ; on réalise alors une injection
Résultats de graisse autogène dans les cordes vocales pour augmenter leur
Ils sont spectaculaires, avec récupération d’une voix normale volume et ainsi faciliter leur affrontement au moment de la
dans 66,7 % à 100 % des cas, selon les différents articles de la phonation. On peut aussi proposer une thyroplastie que nous
littérature. Dans notre série de patients, nous obtenons 91 % de détaillons ultérieurement et qui assure une médialisation de
résultats satisfaisants suite au traitement des dysphonies l’hémilarynx opéré. Ces interventions sont pratiquées sous
spasmodiques en adduction et 73 % de bons résultats lorsque anesthésie générale, par voie endoscopique pour le premier
les patients sont traités pour une dysphonie spasmodique en procédé chirurgical, et par voie externe pour le second.
abduction. La plupart des auteurs [1, 47, 48] s’accordent pour faire Les avantages du traitement par la toxine botulique sont
état d’un pourcentage de bons résultats nettement supérieur nombreux ; il s’agit d’une thérapeutique moins invasive que la
dans le groupe des dysphonies spasmodiques en adduction. Cela chirurgie, sans lésion définitive des structures laryngées et
résulte de la plus grande difficulté de repérage du muscle nerveuses ; de plus, le caractère transitoire de son action permet
cricoaryténoïdien postérieur dans les formes en abduction. Nous d’adapter le dosage.
évaluons l’efficacité du traitement au moyen de plusieurs Les inconvénients de ce traitement sont : la nécessité de
critères. renouveler les injections, le caractère imprévisible de la relation
• En premier lieu, l’autoévaluation du patient et de son entre la dose injectée et la réponse clinique et les effets
entourage. Le patient quantifie son degré d’amélioration secondaires qui sont souvent associés aux effets thérapeutiques.

8 Neurologie
Dysphonie spasmodique ¶ 17-007-D-10

La multiplicité des procédés chirurgicaux proposés témoigne

“ Point fort
des difficultés rencontrées pour obtenir des résultats stables et
de la déception des chirurgiens qui ont conçu les différentes
techniques. L’instabilité des résultats chirurgicaux est probable-
La toxine botulique est le traitement de référence avec des ment due à l’origine centrale de la dystonie qui s’accompagne
résultats spectaculaires puisque les patients récupèrent d’un phénomène de repousses axonales, quel que soit le geste
réalisé en périphérie.
une voix normale dans plus de 90 % des cas.
Cependant, plusieurs autres techniques chirurgicales sont
actuellement testées pour traiter la dysphonie spasmodique ;
mais elles sont encore considérées comme expérimentales. Elles
incluent la dénervation et la réinnervation du nerf récurrent, la
Traitement médicamenteux thyroplastie de latéralisation type II, et la myoplastie du
cricoaryténoïdien postérieur avec médialisation par thyroplastie.
Aucune étude n’a démontré l’efficacité des médicaments sur
En 1999, Berke [61] a, le premier, décrit une technique de
les symptômes de la dystonie et il n’existe aucun traitement
dénervation sélective bilatérale du nerf laryngé récurrent, suivie
curatif de la dysphonie spasmodique. Plusieurs médicaments tels
d’une réinnervation avec une anse cervicale par microchirurgie.
que les bêtabloquants (propranolol), les anticholinergiques
Dans une étude rétrospective réalisée en 2006, à propos de
(Artane®) ou les benzodiazépines (diazépam) ont été testés, mais
136 patients suivis pendant 49 mois, Berke [62] note une
leurs effets, lorsqu’ils existent, sont transitoires et des phénomè-
amélioration de la voix chez 50 % de patients, 26 % ayant
nes d’accoutumance ou les effets secondaires en réduisent
conservé une voix hachée et 30 % une voix soufflée. Les
l’intérêt. Actuellement, peu de cliniciens prescrivent ces
avantages de cette technique sont, en cas de succès, la perma-
médicaments qui servent le plus souvent d’adjuvants aux autres
nence des effets thérapeutiques avec un maintien du tonus
thérapeutiques.
vocal, les inconvénients étant la difficulté technique de cette
chirurgie, la récidive des symptômes et le manque de reproduc-
Rééducation orthophonique tivité de la technique.
La thyroplastie de latéralisation, appelée thyroplastie de type
La rééducation orthophonique représente une autre approche II, a été proposée en 2001 par Isshiki [63] pour traiter la dyspho-
thérapeutique de la dysphonie spasmodique, mais là aussi nie spasmodique. Le principe de cette chirurgie est de décroître
aucune étude n’atteste de son efficacité. Certains praticiens la les forces adductrices en changeant l’anatomie du larynx ; ceci
proposent comme traitement adjuvant à la toxine botulique grâce à une incision du cartilage thyroïde dont les ailes sont
pour en prolonger les effets symptomatiques. Pour Lehuche [49], maintenues éloignées l’une de l’autre par l’interposition d’un
en 1990, la rééducation vocale, associée à la relaxation et à la fragment de cartilage, de silicone ou de titane [64]. Chan publia
reconstruction de l’imaginaire corporel, permet d’obtenir une en 2006 [65] une étude prospective portant sur 13 patients
quasi-guérison dans 50 % des cas, à condition que le traitement opérés selon la méthode décrite par Isshiki. Les résultats se
soit d’une durée de 2 ans au minimum, voire plus. Cependant, révélèrent décevants avec neuf patients en situation d’échecs et
il semble que le bénéfice soit rarement maintenu à long terme. deux patients qui durent être réopérés. On impute les échecs au
fait que l’hyperactivité des muscles adducteurs finit par mobili-
ser les ailes thyroïdiennes qui retrouvent leur position initiale,
Traitements chirurgicaux le dysfonctionnement neuromusculaire n’étant pas résolu par
Ils se sont révélés décevants et non dénués d’effets cette chirurgie.
secondaires. Shaw a proposé, en 2003 [66] , de traiter par myoplastie
La première technique chirurgicale proposée pour le traite- cricoaryténoïdienne postérieure avec thyroplastie de médialisa-
ment de la dysphonie spasmodique fut la section du nerf tion des patients atteints de dysphonie spasmodique en abduc-
récurrent, décrite par Dedo [50] en 1976. Les résultats immédiats tion. Il s’agissait de trois patients qui ne répondaient pas au
furent spectaculaires, mais malheureusement, une étude rétros- traitement par la toxine botulique. Cette technique chirurgicale
pective de 300 patients, réalisée par l’auteur en 1991 [51], a mis a pour but de désinsérer les muscles cricoaryténoïdiens posté-
en évidence une récidive de la dysphonie dans 50 % des cas, 6 rieurs de leur attache aryténoïdienne et de réaliser dans le
à 24 mois après la section du nerf récurrent. Aronson et De même temps une thyroplastie de médialisation. Les résultats ont
Santo ont de même suivi 33 patients opérés d’une section du été satisfaisants mais le faible nombre de patients ne permet pas
nerf récurrent et ont noté un échec à 3 ans dans 70 % des de valider objectivement cette technique chirurgicale. Toutefois,
cas [52]. Depuis la publication de ces études, la section du nerf elle est indiquée en cas d’échec de la toxine botulique chez des
récurrent a été massivement abandonnée au profit du traite- patients présentant une dysphonie spasmodique en abduction.
ment par injection de toxine botulique.
D’autres techniques chirurgicales ont été proposées mais de
manière anecdotique ; la section élective de la branche du
■ Conclusion
muscle thyroaryténoïdien par voie externe selon Iwamura [53], la Durant ces dernières décennies, d’importants progrès ont été
section de la branche adductrice du nerf récurrent de Carpen- réalisés dans la connaissance de la physiopathologie de la
tier [54], la vaporisation de la corde vocale au laser CO2 par dysphonie spasmodique. L’origine dystonique de cette maladie
Dedo [55], la section endoscopique du muscle thyroaryténoïdien ne fait plus de doute et comme toute dystonie focale, la
par Takayama [56], la simple stimulation électrique de Fried- dysphonie spasmodique a pour origine un dysfonctionnement
man [57] et les techniques de latéralisation de la corde vocale des noyaux gris centraux. Actuellement, le diagnostic de la
type King [58]. Parallèlement, Frèche a proposé, en 1983 [59], une dysphonie spasmodique repose essentiellement sur l’examen
intervention moins destructrice qui évite un abord par voie acoustique et informatique de la voix, la vidéofibroscopie du
externe : la stéréotaxie laryngée. Elle détruit les branches larynx et l’électromyographie des muscles du larynx. L’identifi-
motrices du nerf récurrent par voie endoscopique à la pointe cation récente des gènes de la dystonie permet de tenter
coagulante après repérage par électrostimulation. Il en résulte d’établir l’hétérogénéité clinique et génétique des dysphonies
une paralysie de la corde vocale comme dans l’intervention de spasmodiques, et ce afin de déterminer une correspondance
Dedo. Cette intervention permet une sédation de la symptoma- entre les phénotypes et les gènes impliqués. Dans l’attente d’un
tologie dans 65 % des cas. Remacle [60] pratique cette coagula- traitement étiologique, la plupart des auteurs s’accordent pour
tion au laser CO 2 avec une efficacité à 2 ans chez quatre considérer qu’actuellement, la toxine botulique est le traitement
patients sur sept. Il note qu’il est difficile de savoir si l’efficacité de référence de la dysphonie spasmodique ; il s’agit d’un
est due à une réelle destruction sélective des branches termina- traitement purement symptomatique, dont les effets sont
les du nerf récurrent ou plutôt à une fibrose du muscle thyroa- limités dans le temps, mais qui a transformé le pronostic
ryténoïdien autour du point de coagulation. fonctionnel des patients. Parallèlement, plusieurs techniques

Neurologie 9
17-007-D-10 ¶ Dysphonie spasmodique

chirurgicales ont été développées afin d’obtenir une cessation [29] Hiroto I, Hirano M, Tomita H. Electromyographic investigation of
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10 Neurologie
Dysphonie spasmodique ¶ 17-007-D-10

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Rhinol Laryngol 1999;108:227-31. 2003;112:303-6.

P. Klap, Chef de service (pklap@fo-rothschild.fr).


M. Cohen, Chef de service adjointe.
Service d’oto-rhino-laryngologie et de chirurgie cervicofaciale, Fondation Adolphe de Rothschild, 25, rue Manin, 75019 Paris, France.
A. Perrin, Assistant.
Service de neurologie (docteur O. Gout), Fondation Adolphe de Rothschild, 25, rue Manin, 75019 Paris, France.
M. Parmentier, Assistante.
Service d’oto-rhino-laryngologie et de chirurgie cervicofaciale, Fondation Adolphe de Rothschild, 25, rue Manin, 75019 Paris, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Klap P., Cohen M., Perrin A., Parmentier M. Dysphonie spasmodique. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris),
Neurologie, 17-007-D-10, 2010.

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décisionnels supplémentaires Animations légaux au patient supplémentaires évaluations clinique

Neurologie 11
 17-008-A-10

Mouvements anormaux secondaires


(dystonies, myoclonies, tremblements,
dyskinésies)
F. Viallet, L. Vercueil, D. Gayraud, B. Bonnefoi, L. Renie

Les mouvements anormaux secondaires (dystonies, myoclonies, tremblements, dyskinésies) représentent


un ensemble composite, non seulement au plan séméiologique, mais aussi par la grande diversité de
leurs étiologies, dont la caractéristique commune est de résulter le plus souvent de dysfonctionnements
au sein des circuits moteurs des ganglions de la base. La démarche diagnostique générale, devant un
mouvement anormal secondaire, privilégie l’observation clinique, enrichie par des enregistrements vidéo.
Cette étape est le préalable indispensable à l’enquête étiologique, dont l’exhaustivité est le meilleur
garant de l’identification d’une pathologie causale (hypoxie-ischémie, sclérose en plaques, infections,
auto-immunité, troubles métaboliques, intoxications, effets indésirables de médicaments). La prise en
charge thérapeutique des mouvements anormaux secondaires, souvent très spécialisée et multidiscipli-
naire, s’appuie d’abord sur l’évaluation de leur retentissement fonctionnel à l’aide d’échelles cliniques
adaptées, complétées si nécessaire par l’analyse vidéo et par certaines données neurophysiologiques. Les
traitements sont multiples, les médicaments classiques ou plus récents étant de plus en plus souvent
associés, en fonction de la nature, de la topographie et du contexte étiologique des mouvements anor-
maux secondaires, avec la toxine botulique, la neurochirurgie fonctionnelle et les mesures de médecine
physique et de réadaptation.
© 2012 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Mouvements anormaux secondaires ; Dystonies ; Myoclonies ; Tremblements ; Dyskinésies ;


Évaluation clinique et vidéo

Plan ■ Prise en charge thérapeutique des mouvements


anormaux secondaires 11
■ Introduction 1 Évaluation des mouvements anormaux secondaires 11
Apports de l’électrophysiologie 12
■ Pathologie et physiopathologie des mouvements Traitements médicamenteux 12
anormaux secondaires 2 Place de la neurochirurgie fonctionnelle 13
Principaux syndromes topographiques des mouvements Place de la rééducation-réadaptation fonctionnelle 14
anormaux secondaires 2
Physiopathologie des mouvements anormaux secondaires 4
■ Démarche diagnostique générale devant les
mouvements anormaux secondaires 6
Observation clinique 6  Introduction
Enquête étiologique 6
■ Étiologies des mouvements anormaux secondaires 7 Au cours des 20 dernières années, le développement des
Hypoxie-ischémie 7 neurosciences a largement contribué à l’individualisation, parmi
Sclérose en plaques 9 les sur-spécialisations de la neurologie, d’un domaine spécifique
Infections 9 aux pathologies du mouvement se consacrant à la prise en charge,
Auto-immunité 9 d’une part, de la maladie de Parkinson et des syndromes parkinso-
Troubles métaboliques 10 niens et, d’autre part, d’un ensemble hétérogène regroupé sous le
Intoxications 10 vocable de « mouvements anormaux » : en témoignent la mise en
Médicaments 10 place et l’audience croissante de la Movement Disorders Society
au plan international, rapidement relayée dans la francophonie
par le Club des mouvements anormaux.

EMC - Neurologie 1
Volume 9 > n◦ 2 > avril 2012
http://dx.doi.org/10.1016/S0246-0378(12)57571-8
17-008-A-10  Mouvements anormaux secondaires (dystonies, myoclonies, tremblements, dyskinésies)

S’agissant des mouvements anormaux (hors parkinsonisme), Tableau 1.


le contenu des manifestations pathologiques englobées dans ce Principales pathologies responsables de mouvements anormaux secon-
cadre conceptuel reste encore insuffisamment défini, la classi- daires (d’après [2–5] ).
fication de la Fédération mondiale de neurologie, qui date de Pathologie cérébrale acquise
1981 [1] , n’ayant pas été réactualisée à notre connaissance. D’un
Globale Encéphalopathie anoxo-ischémie périnatale
point de vue pragmatique, il a été proposé de limiter le cadre
des mouvements anormaux aux phénomènes cliniques dont les Anoxo-ischémie de l’enfant et de l’adulte
mécanismes d’apparition sont suspectés de comporter des dys- Traumatisme crânien grave et suites de coma
fonctionnements au niveau des circuits moteurs impliquant les Encéphalites diffuses
ganglions de la base [2] . Le terme d’hyperkinésie avait été privilé-
Focale/multifocale Accidents vasculaires cérébraux
gié dans une version précédente de cette revue didactique [3] pour
signifier l’exagération du mouvement, en étant adossé au terme Tumeurs cérébrales
de dyskinésie pour englober l’ensemble pléiomorphe des pertur- Séquelles de traumatisme crânien, hématomes
bations du mouvement : tremblements, tics, myoclonies, chorées, Encéphalites focales
ballisme, athétose, acathisie. Sclérose en plaques
La pratique actuelle a toutefois quelque peu modifié ce pay-
Myélinolyse centropontine
sage des mouvements anormaux, d’une part en y réintégrant au
premier plan le terme de dystonies, et d’autre part en favorisant Pathologie Lupus érythémateux, syndrome primaire des
l’usage des termes les plus généraux tels que : myoclonies, trem- auto-immune antiphospholipides
blements et dyskinésies. Cette tendance exprime probablement Autres vasculites cérébrales
mieux le caractère souvent composite des mouvements anormaux Encéphalopathie de Hashimoto
et traduit l’influence du pragmatisme anglo-saxon. Les autres
Syndromes paranéoplasiques
termes classiques et utiles (tics, chorées, ballisme, athétose, acathi-
sie), dont la connotation physiopathologique et/ou étiologique Pathologie métabolique
est pourtant plus précise, semblent paradoxalement souffrir de Trouble endocrinien Hyperglycémie sans cétose, hypoglycémie
leur plus grande spécificité.
Dysthyroïdie
Dans le cadre de cet article, les mouvements anormaux secon-
daires seront considérés, de façon restrictive, comme le résultat Hypocalcémie
de facteurs « environnementaux », en prenant pour modèle une Trouble Hyponatrémie, hypernatrémie
classification récente des dystonies [4] . Un tel choix exclut, d’une hydroélectrolytique Insuffisance rénale
part les mouvements anormaux génétiquement déterminés (les-
Insuffisance hépatique
quels regroupent les entités classées sous la rubrique DYTn et les
chorées héréditaires), et d’autre part les mouvements anormaux Pathologie toxique Monoxyde de carbone
observés dans le contexte de maladies hérédo dégénératives et de Métaux
maladies métaboliques héréditaires (dont les mécanismes physio-
Pathologie Dopaminergiques : L-dopa, agonistes de la
pathologiques et les causes génétiques sont maintenant identifiés
médicamenteuse dopamine
pour la plupart) : le lecteur en trouvera un descriptif détaillé dans
le chapitre de ce traité sur les mouvements anormaux [2] , complété Antagonistes de la dopamine : neuroleptiques
par une revue récente [5] . Autres : sympathomimétiques, antidépresseurs,
Les catégories principales de mouvements anormaux secon- antihistaminiques, benzodiazépines,
daires proposées dans le Tableau 1 représentent une synthèse antiépileptiques, anticalciques, contraceptifs
extraite à partir de plusieurs revues de référence [2–4, 6] . Un fac- oraux
teur étiologique, non inclus au sein de cette liste en raison de
son rôle encore très discuté dans la genèse de certaines dys-
tonies focales (notamment « crampes de l’écrivain » et autres confirmé un certain nombre de corrélations ou d’associations per-
mouvements anormaux spécifiques de tâches), est représenté mettant de mieux connaître la physiopathologie des mouvements
par le concept « environnemental » de surutilisation (overuse), anormaux. Un deuxième flot d’informations est venu du déve-
dont le mécanisme physiopathologique putatif [7] est à mettre loppement de la neurochirurgie fonctionnelle, qui a également
en balance avec la notion plutôt génétique « d’endophé- contribué à conforter ces relations. À partir de ces associations, et
notype ». en s’adossant au travail de modélisation du système des ganglions
de la base mis en place à la fin des années 1980 [10] , il est devenu
possible de préciser certains aspects physiopathologiques et de
 Pathologie et physiopathologie souligner les points de résistance à la modélisation. En parallèle,
l’imagerie cérébrale fonctionnelle, s’intéressant aux formes idio-
des mouvements anormaux pathiques des mouvements anormaux, est venue compléter ces
connaissances.
secondaires
Les formes secondaires des affections neurologiques (lorsque le Principaux syndromes topographiques
caractère « secondaire » est lié à l’intervention d’un facteur exo-
gène traumatique, vasculaire, infectieux ou toxique et non la des mouvements anormaux secondaires
conséquence d’une affection neurodégénérative primitive) sont Le syndrome dyskinétique du noyau
la source d’informations physiopathologiques précieuses. Selon
le principe de la méthode anatomoclinique et avec la contri-
sous-thalamique
bution des outils neuroradiologiques, la physiopathologie du Une lésion du noyau sous-thalamique (NST) est à l’origine de
mouvement normal a beaucoup appris des mouvements anor- mouvements anormaux controlatéraux, de nature choréique ou
maux secondaires. Il est possible, aujourd’hui, de dessiner les ballique. La distinction clinique entre chorée et ballisme repose
contours des syndromes topographiques de la pathologie du mou- sur l’intensité et la distribution topographique des mouvements
vement et d’en tirer des enseignements plus généraux concernant involontaires : lorsqu’ils intéressent la musculature proximale et
l’organisation des ganglions de la base et leur rôle dans le contrôle qu’ils consistent en des projections de grande amplitude, on
du mouvement. Entre le milieu des années 1980, au moment parle de ballisme, tandis que des mouvements distaux, rapides,
où la scanographie est implantée largement [8] , et le milieu des peu amples, fragmentaires, sont qualifiés de choréiques. Il a été
années 1990, avec la diffusion de la remnographie [9] , la confron- relevé, dès les années 1950, que cette distinction était proba-
tation plus accessible de la clinique avec l’image lésionnelle a blement artificielle, chorée et ballisme constituant deux pôles

2 EMC - Neurologie
Mouvements anormaux secondaires (dystonies, myoclonies, tremblements, dyskinésies)  17-008-A-10

A B

C
Figure 1. Enregistrement par électromyogramme (A) de bouffées prolongées d’activation musculaire (tibialis anterior) à l’origine de mouvements anormaux
involontaires du membre inférieur gauche. Il s’agit de mouvements brefs, successifs, anarchiques, réalisant un syndrome choréoballique (C) secondaire à une
lésion d’origine vasculaire identifiée sur l’imagerie par résonance magnétique (B) en séquence T2 coronale (flèche).

d’un continuum clinique, et le terme de choréoballisme a été études, se basant sur des données scanographiques ou remno-
utilisé particulièrement dans la littérature anglophone. Sur le graphiques, ont confirmé l’implication de lésions putaminales
plan pathologique, il s’agit probablement du syndrome le plus dans la survenue d’hémidystonies ou de dystonies prédomi-
robuste, basé sur des études réalisées chez le primate et des obser- nant au membre supérieur controlatéral [8, 15, 16] . Les dystonies
vations clinico-neuro-pathologiques chez l’homme reproduites putaminales ont tendance à être fixées, s’associant à une hyper-
avec les images remnographiques (Fig. 1), la stimulation céré- tonie marquée. Elles sont rarement mobiles et comportent des
brale profonde du NST dans la maladie de Parkinson venant le composantes posturale et d’action, interférant avec le mouvement
confirmer de façon magistrale. Enfin, les dyskinésies induites par volontaire.
la L-dopa chez le malade parkinsonien peuvent reproduire une Une lésion isolée du noyau caudé a également été rendue
phénoménologie très proche du syndrome lésionnel du NST. À responsable de mouvements anormaux, mais de façon plus excep-
partir des travaux anatomiques réalisés chez le singe par Carpen- tionnelle.
ter dès 1955, il avait été établi qu’une destruction d’au minimum
20 % du noyau induisait la survenue controlatérale de mouve-
ments anormaux involontaires. Dans ce cadre expérimental, il a Syndrome akinétocompulsif bipallidal
également été possible d’établir un parallèle entre l’étendue de la À la suite des observations réalisées au cours des pallidotomies
lésion et l’intensité des mouvements pathologiques, de la cho- au début des années 1990 dans la maladie de Parkinson, et sur
rée distale à l’hémiballisme. Plus récemment, ces résultats ont été la base du modèle de fonctionnement des ganglions de la base
reproduits en utilisant la stimulation du NST chez des singes nor- développé à la fin des années 1980 [10] , le pallidum interne (glo-
maux [11] . Ce même spectre clinique a été observé au cours de bus pallidus internus [Gpi]) a incarné un paradoxe sur lequel sont
l’augmentation de l’intensité de la stimulation du NST au des- venues achopper les tentatives d’interprétation physiopatholo-
sus du seuil de l’efficacité antiparkinsonienne, avec apparition gique des mouvements anormaux [17] . En effet, l’efficacité de la
progressive de mouvements choréiques jusqu’aux mouvements pallidotomie sur les dyskinésies dopa-induites ne paraissait pas
balliques de grande amplitude [12] . compatible avec un modèle attribuant au pallidum interne (cible
Le syndrome dyskinétique du NST s’accompagne fréquemment principale de la pallidotomie) un rôle de voie de sortie inhibi-
d’une symptomatologie psychique, à la fois émotionnelle et cog- trice sur les projections thalamocorticales, de sorte qu’une levée
nitive. Une exaltation de l’humeur, avec parfois un état maniaque de cette inhibition aurait dû provoquer (et non pas supprimer) les
ou un rire irrépressible (accordé à la sensation interne de joie), dyskinésies. Il est probable que cette conception trop globaliste
a été observée à la suite de lésions aiguës du NST ou lors de la ne peut être adaptée au mode de fonctionnement des ganglions
manipulation de sa stimulation à haute fréquence chez le malade de la base [18] . De fait, les lésions acquises pallidales, souvent
parkinsonien [13] . bilatérales et secondaires à des pathologies hypoxo-ischémiques,
sont rarement à l’origine de mouvements anormaux [19] . Les
manifestations cliniques les plus fréquemment rapportées sont
Syndrome dystonique putaminal l’akinésie « pure » (sans hypertonie plastique, les patients étant
Dans une méta-analyse [9] , 63 % des patients ayant présenté plus souvent hypotoniques), la perte d’auto-activation psychique
une lésion isolée putaminale développaient secondairement une ou l’aboulie [9, 20] , ainsi que l’émergence de comportements stéréo-
dystonie controlatérale. Toutefois, il existe peut-être un biais de typés, soit moteurs (stéréotypies, tics) soit idéatoires (obsessions,
sélection dans les centres très spécialisés dans les mouvements compulsions). Bien que des manifestations dystoniques aient été
anormaux, puisqu’une étude ultérieure portant sur des patients ponctuellement rapportées, elles semblent relever le plus sou-
consécutifs ayant présenté un accident ischémique limité au vent de la phase initiale de l’évolution, au contraire des dystonies
putamen ou au pallidum, n’a retrouvé aucun mouvement anor- striatales, qui sont quasi-systématiquement postintervallaires. Il
mal précoce ou tardif [14] . Mais, dans cette étude où une lésion est délicat de donner à la triade symptomatique akinésie pure,
putaminale pure se révélait plus souvent à l’origine d’une hémi- perte de l’auto-activation psychique et manifestations stéréoty-
parésie que de mouvements anormaux, l’évaluation des limites pées d’allure compulsive, un sens univoque, attribuable à un
de la lésion par scanographie ne permettait pas d’exclure une syndrome pallidal. Il serait en particulier intéressant de pou-
atteinte associée de la capsule interne. En définitive, d’autres voir distinguer cette symptomatologie de celle relevant d’une

EMC - Neurologie 3
17-008-A-10  Mouvements anormaux secondaires (dystonies, myoclonies, tremblements, dyskinésies)

dysfonction préfrontale. D’autre part, il convient de rappeler que au 1-méthyl 4-phényl 1,2,3,6-tétrahydropyridine (MPTP) induit
le pallidum est une structure composée de deux parties, interne une dystonie controlatérale initiale précédant l’apparition du syn-
et externe, dont les contributions au fonctionnement des gan- drome parkinsonien chez le singe. Il semble donc assez solidement
glions de la base sont probablement spécifiques. Il devrait être établi qu’une perturbation aiguë de la transmission dopaminer-
possible de distinguer, au sein du syndrome pallidal, ce qui relève gique striatale, voire une lésion directe du striatum (d’origine
de l’atteinte du Gpi, de ce qui est attribuable à sa partie externe. ischémique ou traumatique), peut être responsable de dystonie
Les activités stéréotypées, compulsives, semblent davantage en secondaire. Un autre site sensible est le groupe postéroventro-
rapport avec les lésions de la partie externe du globus pallidus, latéral thalamique, incluant probablement le VLa, le VLp et le
comme des études récentes menées chez le primate semblent le VPL.
démontrer [21] .
Chorée et ballisme secondaire
Syndromes du tronc cérébral La chorée est rencontrée au cours de nombreuses affections
Les mouvements anormaux consécutifs aux lésions du tronc hérédodégénératives [2] , mais les chorées secondaires sont plus
cérébral ne sont pas rares. Leur présentation peut être très rares [26] . Les chorées secondaires ont été essentiellement rappor-
diverse. La plupart suivent des lésions du triangle olivo-dentato- tées à des lésions striatales ou du NST. De façon expérimentale,
rubral et présentent des caractéristiques communes : il s’agit d’un la chorée peut être produite par l’inactivation du NST ou par
tremblement lent, de repos, intéressant la musculature axiale la désinhibition du pallidum externe, ou en administrant des
ou para-axiale, dont le tremblement du voile du palais est un agents dopaminergiques à des primates rendus parkinsoniens par
exemple. Les musculatures faciale et cervicale, et parfois celle de la le MPTP. Un continuum de la chorée au ballisme a été suggéré,
racine des membres supérieurs, peuvent être intéressées. Des dys- dès les premières études neuroradiologiques, qui démontraient
tonies crâniennes ont également été décrites après des lésions de la la même origine sous-corticale, mais également sur la base du
partie haute du tronc cérébral, en particulier le blépharospasme. même continuum observé chez les patients parkinsoniens trai-
À la partie basse du tronc cérébral, des lésions ont été rappor- tés par la stimulation du NST qui peut induire des mouvements
tées à l’origine de myoclonies réticulaires ou d’une hyperekplexie anormaux de sévérité croissante [12] . Les chorées d’origine stria-
(sursaut pathologique) secondaire. tale sont plus rares, mais la maladie de Huntington, au cours de
laquelle l’atteinte anatomique principale intéresse les neurones
Syndromes thalamiques moteurs moyens épineux colocalisant l’enképhaline et l’acide gamma-
aminobutyrique (GABA), souligne le rôle joué par la voie indirecte
Une lésion intéressant le groupe nucléaire postérieur, ventral striato-pallido-subthalamique dans la survenue des mouvements
et latéral peut être à l’origine de mouvements anormaux relative- choréiques. Une réduction de l’activité du pallidum interne (Gpi)
ment variés : dystonie myoclonique, « tremblement de Holmes » a été démontrée à la fois chez des singes dyskinétiques, ou au
et astérixis unilatéral principalement [22] . Les noyaux relais concer- cours de l’hémiballisme lors d’enregistrements peropératoires réa-
nés sont : le noyau ventro-postéro-latéral (VPL), le noyau ventral lisés chez l’homme [27] . Une réduction simple de l’activité du
latéral dans son segment postérieur (VLp, Vim) ou antérieur (VLa), Gpi n’est toutefois pas suffisante pour expliquer la survenue des
qui reçoivent respectivement des projections lemniscales, cérébel- mouvements choréoballiques, puisque la lésion pallidale chez le
leuses et pallidales. primate n’induit pas de mouvements anormaux, et que la pal-
lidotomie, portant essentiellement sur le Gpi, est un traitement
Mouvements anormaux secondaires aux lésions chirurgical efficace des dyskinésies dopa-induites chez le sujet
corticales ou spinales parkinsonien ou de l’hémiballisme [27] . Les aspects pathologiques,
Les mouvements observés après lésions corticales ou spinales en bouffées brèves séparées de silences électriques, de l’activité
sont plus rares. Un trouble de l’équilibre excitation-inhibition pallidale paraissent jouer un rôle majeur. En effet, l’activité
corticale, par exemple secondaire à un trouble métabolique ou oscillatoire thalamocorticale, tenue sous l’influence de cette sor-
toxique, peut être principalement rendu responsable des myoclo- tie pallidale, peut donc connaître une alternance d’inhibition
nies corticales réflexes. Secondairement à des lésions pariétales, et de désinhibition responsable de la sélection aléatoire de
des pseudo-mouvements anormaux ont été décrits, essentielle- schémas moteurs pathologiques. Il est ainsi possible que, sous
ment des pseudo-dystonies ou une pseudo-athétose. Le signe de la des dehors anarchiques, la chorée et le ballisme correspondent
main étrangère n’est habituellement pas classé au sein des mou- à des patrons d’activités relativement reproductibles chez un
vements anormaux, bien qu’il s’agisse d’une main parfois animée patient [18] .
de mouvements plus ou moins coordonnés, parfois visant un
but précis, et dans laquelle le sujet ne reconnaît pas sa volonté Tremblements secondaires
agissante. Les lésions spinales sont rarement à l’origine de myo- Les tremblements secondaires ont été rapportés à la pré-
clonies focales, rythmiques, continues (« myoclonies spinales ») sence de lésions intéressant le thalamus, le tronc cérébral et le
ou de myoclonies de propagation lente, dites propriospinales [23] . cervelet [28] . Comme la dystonie secondaire, les tremblements sur-
viennent après un délai (quelques semaines à plusieurs années),
Physiopathologie des mouvements anormaux impliquant des phénomènes de plasticité ou de dégénérescence
secondaire, cette dernière particulièrement évidente au sein du
secondaires triangle dentato-rubro-olivaire où l’apparition d’un tremblement
s’accompagne d’une atrophie cérébelleuse ou d’une hypertrophie
Les mouvements anormaux secondaires sont rarement impu-
olivaire secondaire. Les tremblements cérébelleux font suite à
tables à une seule lésion ; en conséquence, leur physiopathologie
des lésions des noyaux cérébelleux, mais aussi à des lésions au
ne peut être qu’exceptionnellement univoque. Malgré cette
niveau thalamique intéressant les noyaux de projection (VLp). Le
réserve, leur étude contribue à éclairer la connaissance plus
« tremblement de Holmes », anciennement appelé tremblement
générale de la physiopathologie des mouvements anormaux
rubral, est également observé après des lésions thalamique, sous-
(Tableau 2), en venant compléter les apports de l’imagerie fonc-
thalamique ou du noyau rouge, voire du mésencéphale. Un rôle
tionnelle et des enregistrements neurophysiologiques peropéra-
semble être tenu par l’atteinte des voies cérébello- et rubrothala-
toires.
miques, mais également par l’atteinte des voies dopaminergiques
provenant du mésencéphale, expliquant la fréquente composante
Dystonie secondaire de repos, et la possibilité d’une réponse (partielle le plus sou-
La dystonie est une complication fréquente des lésions céré- vent) à la L-dopa, en particulier lorsque s’y associent des postures
brales profondes, en particulier après traumatisme [24] ou accident dystoniques [29] . Il est possible que, sous l’effet de la dénervation
vasculaire cérébral [25] ; elle est également une manifestation aiguë dopaminergique, l’exagération de l’influence pallidale inhibitrice
souvent spectaculaire chez certains patients traités par antago- exercée sur les relais thalamiques des contributions cérébelleuses
nistes dopaminergiques. Dans les modèles animaux, l’exposition ou rubrales, soit impliquée dans la genèse d’activités rythmiques

4 EMC - Neurologie
Mouvements anormaux secondaires (dystonies, myoclonies, tremblements, dyskinésies)  17-008-A-10

Tableau 2.
Syndromes cliniques topographiques.
Syndrome du noyau Syndrome Syndrome pallidal Syndrome Syndrome du Syndromes
sous-thalamique putaminal thalamique tronc cérébral corticaux
moteur
Dystonie secondaire Mouvements Dystonie fixée, Dystonie à la phase Dystonie Dystonie Pseudodystonie
choréodystoniques distale aiguë, mais rare à la myoclonique cervicale et et
phase constituée distale lésions de la pseudoathétose
Participation de la fosse cérébrale d’origine
dystonie à la postérieure corticale
dysarthrie ? Blépharospasme pariétale
et lésion du
tronc cérébral
Chorée et ballisme Mouvements Rare Rare Exceptionnel Absent Absent
secondaires choréoballiques
Tremblement secondaire Absent Rare, postural Possible, de repos ou Possible Fréquent, de A été rapporté
postural repos et de suite à des
posture, lent lésions pariétales
dans le
syndrome du
noyau rouge
De repos dans les
lésions mésencé-
phaliques
Tics secondaires Absents Rares Possibles, associés au Absents Absents Absents
trouble obsessif et
compulsif
Myoclonies secondaires Absentes Absentes Absentes Possibles, Myoclonies Myoclonies
associées à des réticulaires corticales
postures Sursaut réflexes (lésions
dystoniques pathologique néoplasiques
secondaires)

locales. D’un autre côté, il a été postulé l’existence de cellules amplitude, d’un astérixis orthostatique ou d’une chorée, dis-
« pace-maker » dans le tronc cérébral expliquant l’apparition de paraissent après rétablissement d’une vascularisation cérébrale
tremblements de la face à faible fréquence (anciennement myo- satisfaisante [30] .
rythmies) dont le tremblement du voile du palais est le modèle
du genre. Ces tremblements peuvent intéresser tous les muscles Myoclonies secondaires
du visage, les muscles cervicaux, voire les régions proximales
Les myoclonies secondaires sont fréquentes, leur origine étant
des membres. De façon intéressante, lorsque ces tremblements
le plus souvent toxique ou métabolique, et leur physiopatho-
épargnent le voile du palais, ils s’associent à une atrophie de
logie est relative à une modulation de phénomènes inhibiteurs
l’olive bulbaire et non à une hypertrophie. De sorte qu’une inter-
ou excitateurs intra-corticaux. Les myoclonies secondaires à des
ruption du triangle dentato-rubro-olivaire ou de ses connections
lésions acquises sont plus rares et dominées par deux patho-
thalamiques, en fonction du site de la lésion, peut être à l’origine
logies : les myoclonies posthypoxiques (syndrome de Lance et
soit d’un « tremblement de Holmes », soit de tremblements lents
Adams) et l’astérixis unilatéral. Ce dernier correspond à des
axiaux (« myorythmies »), soit encore d’un tremblement cérébel-
myoclonies « négatives », interférant avec la posture et l’action,
leux suivant, après un délai, des lésions du noyau dentelé. Dans le
mais indétectables lors du relâchement musculaire. Les lésions
cas des lésions mésencéphaliques ou de la région sous-thalamique,
les plus fréquemment responsables d’astérixis unilatéral sont des
il est possible qu’une lésion, dont les contours intéressent la
lésions vasculaires ischémiques thalamiques, intéressant le groupe
région péri-rubrale dopaminergique ou ses voies de projections,
ventral, postérieur et latéral [31, 32] , mais également des lésions céré-
soit davantage susceptible d’induire une composante de repos
belleuses ou du tronc cérébral [31] . Une interruption transitoire du
dopasensible.
tonus postural a été proposée à l’origine du mouvement anor-
Le tremblement tardif présente les caractères d’un tremblement
mal, mais la physiopathologie de l’astérixis unilatéral reste encore
parkinsonien avec la particularité d’une symétrie inhabituelle.
mal connue et discutée [33] . La physiopathologie des myoclonies
Le rôle des ganglions de la base dans la survenue de ces
post-hypoxiques est complexe, avec un mécanisme probablement
tremblements reste peu étudié, alors que l’existence même du
mixte, cortical et réticulaire, lié au caractère diffus des lésions
tremblement parkinsonien est difficilement conciliable avec les
séquellaires [23] .
modèles en cours, qui concentrent leur pertinence sur les états
bradykinétique ou dyskinétique. Pour être complet, l’exagération
du tremblement physiologique, notamment d’origine toxique Tics secondaires
(drogues bêtamimétiques, caféine), bien que, sauf exception, La survenue de tics, de syndrome de Gilles de la Tourette ou
moins invalidante, appartient logiquement au registre des de stéréotypies d’origine secondaire est exceptionnelle. De plus,
tremblements secondaires. En revanche, la situation nosogra- il est parfois difficile de distinguer ces mouvements anormaux de
phique et physiopathologique du limb shaking reste débattue : manifestations motrices comportementales relevant par exemple
il s’agit d’une pathologie liée à l’orthostatisme, chez des de l’existence d’un syndrome frontal, comme les persévérations,
sujets présentant une occlusion carotidienne unilatérale (sté- ou de troubles obsessionnels compulsifs après lésion bilatérale
nose, Moya-Moya), représentée par la survenue de mouvements des ganglions de la base [20] . C’est toutefois une lésion pallidale
paroxystiques, intéressant exclusivement les membres, d’une bilatérale consécutive à une intoxication par le monoxyde de car-
durée variable mais généralement brève, cédant au décubitus, bone qui a été identifiée à l’origine de tics moteurs multiples dans
et ne s’accompagnant d’aucune modification électroencéphalo- une observation récente [34] . Deux enfants ayant présenté des acci-
graphique (EEG) contemporaine pouvant faire évoquer une crise dents vasculaires intéressant les ganglions de la base à droite ont
partielle motrice. Ces mouvements anormaux intermittents, dont développé secondairement une hémidystonie associée à la surve-
il est difficile de savoir s’il s’agit d’un tremblement de grande nue de tics moteurs [35] .

EMC - Neurologie 5
17-008-A-10  Mouvements anormaux secondaires (dystonies, myoclonies, tremblements, dyskinésies)

délétère qu’un alphabet illisible, expliquant par exemple qu’une


lésion pallidale puisse supprimer les dyskinésies dopa-induites et
Striatum non pas provoquer des mouvements anormaux comme le modèle
précédent pouvait le faire redouter [17] .

GPi
 Démarche diagnostique générale
devant les mouvements anormaux
NST
Thalamus secondaires
À l’exception notable des lésions focales/multifocales (de causes
vasculaires, tumorales, traumatiques, infectieuses ou inflam-
Inhibition des activités motrices parasites matoires telles que la sclérose en plaques), responsables de
mouvements anormaux bien définis et souvent caractéristiques
d’une localisation anatomique (voir chapitre Physiopathologie),
les mouvements anormaux secondaires résultent de proces-
Schéma moteur souhaité sus pathologiques diffus au sein des ganglions de la base
pouvant s’étendre au tronc cérébral. En conséquence, les mouve-
Figure 2. Modélisation du fonctionnement des ganglions de la base. ments anormaux secondaires sont souvent composites, associant
Il existe une opposition entre la sélection des schémas moteurs adaptés en proportions variables dystonie et myoclonie, dystonie et
et l’inhibition des mouvements « parasites ». Le noyau sous-thalamique tremblement, dystonie et dyskinésies diverses (choréiques, cho-
(NST) a une action double, renforçant l’influence inhibitrice du globus réoballiques, choréoathétosiques).
pallidus internus (GPi) sur le mouvement volontaire (bradykinésie) et sur
les mouvements involontaires (d’après [18] ).
Observation clinique
Lésion acquise et plasticité cérébrale L’observation clinique de l’ensemble de la phénoménologie
est une étape primordiale comportant l’analyse, non seule-
La symptomatologie neurologique dépend de l’âge de survenue
ment de la répartition topographique (et donc de l’organisation
des lésions cérébrales acquises, qu’il s’agisse de leur expres-
somatotopique), mais aussi des facteurs déclenchants et/ou
sion clinique mais aussi de la durée de l’intervalle libre entre
activateurs (repos, posture maintenue, mouvement, tâche spé-
la constitution de la lésion elle-même et le début des mou-
cifique). Cette étape incontournable est complétée idéalement
vements anormaux secondaires. Cette notion d’intervalle libre
par l’enregistrement vidéo, au cours duquel la plus grande atten-
représente également un argument en faveur d’une réorganisation
tion devra être portée à la standardisation, autant que faire
secondaire des circuits neuronaux, témoignant d’une plasticité
se peut, de certains facteurs d’activation tels que le contexte
adaptative mais délétère. Il est possible de distinguer deux types
psychologique (influençant le niveau de stress), le comptage à
de plasticité à l’œuvre dans la constitution des mouvements
rebours ou le dialogue avec le patient [38] . D’une manière géné-
anormaux secondaires : une plasticité cérébrale individuelle, res-
rale, dans le cadre de protocoles d’études, la relecture de la
ponsable de l’intervalle séparant la survenue de la lésion et
vidéo effectuée selon des procédures standardisées devrait per-
l’apparition des mouvements anormaux, et une plasticité onto-
mettre une évaluation plus objective reposant sur une description
génique dépendante du stade du développement cérébral. Ainsi,
reproductible [39] : les échelles d’évaluation actuellement vali-
une lésion putaminale est d’autant plus responsable de dysto-
nie secondaire qu’elle survient chez un sujet plus jeune [36] . La dées seront commentées dans le chapitre « Évaluation et traite-
plasticité ontogénique peut s’illustrer dans l’expression du déficit ment ».
dopaminergique. Ainsi, la dysfonction dopaminergique, observée
dans des affections génétiques comme les mutations des gènes de
la guanosine triphosphate (GTP) cyclohydrolase ou de la Parkine,
Enquête étiologique
s’exprime de façon différente en fonction de l’âge de révélation : L’enquête étiologique représente l’étape suivante qui comporte
dystonie dopasensible chez l’enfant, syndrome parkinsonien chez l’inventaire anamnestique décrivant l’âge de début et le mode
l’adulte jeune. Ce profil ontogénique peut s’observer de façon évolutif des mouvements anormaux et recherchant des évè-
expérimentale puisqu’après l’administration de MPTP chez le nements pathologiques (anoxie globale ou épisode vasculaire
singe, le syndrome dystonique aigu initial cède la place ensuite cérébral, traumatisme, exposition à un toxique ou à un médi-
aux signes parkinsoniens. cament) en relation possible avec l’apparition des mouvements
anormaux, tenant compte de la difficulté que peut créer un
Mouvements anormaux secondaires « intervalle libre » particulièrement fréquent et de durée lar-
gement variable dans cette pathologie. En complément, la
et rythmogénèse au sein des ganglions de la base recherche d’une histoire familiale de mouvements anormaux et,
À la modélisation largement diffusée de type « boîte et flèches » le cas échéant, de leur mode de transmission héréditaire sera
du fonctionnement des ganglions de la base s’est substituée systématique.
récemment une vision basée sur les activités rythmiques et leur Privilégiant parmi les mouvements anormaux le cadre particu-
contribution à la sélection des synchronisations thalamocorti- lièrement fréquent et composite des dystonies, il a été récemment
cales. Selon cette hypothèse, les activités motrices, cognitives et proposé des critères cliniques contribuant à différencier les dys-
limbiques sont sous-tendues par des synchronisations corticales tonies secondaires et les dystonies primaires [40, 41] . Les critères
dans la bande gamma (rythme de Piper au-delà de 30 Hz, voire à en faveur de dystonie secondaire sont : l’atteinte faciocervicale
60 Hz) diffusant à courte distance (au sein d’un même cortex) et à inaugurale chez l’enfant ou, à l’inverse, le début aux membres
longue distance (transcorticale). Les ganglions de la base auraient inférieurs chez l’adulte, une répartition topographique dimidiée
un rôle dans le formatage des synchroniseurs thalamiques, en (hémidystonie), une expression prédominante au repos avec pré-
sélectionnant des schémas pré-appris via leur voie de sortie pal- valence de postures fixées, et une altération précoce de la parole.
lidale gabaergique (Fig. 2) exprimant la synthèse des activités À l’inverse, les critères peu suggestifs de dystonie secondaire (et
striatales et de celles du complexe NST-pallidum externe [37] . Dès donc plus évocateurs de dystonie primaire) sont : l’association
lors, les rythmes contenus dans les signaux émanant des gan- d’un tremblement (ou de myoclonies) avec la dystonie, la notion
glions de la base constitueraient une sorte d’alphabet lisible dans de « geste antagoniste » et d’épisodes de rémission spontanée avec
le thalamus. Il est probable qu’un alphabet dénaturé soit plus éventuellement des fluctuations diurnes (Tableau 3).

6 EMC - Neurologie
Mouvements anormaux secondaires (dystonies, myoclonies, tremblements, dyskinésies)  17-008-A-10

Tableau 3.
Fréquences respectives des marqueurs cliniques de différenciation : dystonies secondaires versus dystonies primaires (d’après [40] ).
Critère clinique Dystonies secondaires (51 cas) Dystonies primaires (132 cas) p
Dystonie myoclonique 12 % 33 % 0,001
Tremblement dystonique 24 % 60 % 0,000
Geste antagoniste 4% 42 % 0,000
Rémission spontanée 4% 26 % 0,001
Fluctuations diurnes 24 % 52 % 0,001
Traumatisme périphérique 2% 19 % 0,003
Dystonie au repos (fixée) 80 % 42 % 0,000
Mouvements athétosiques 33 % 4% 0,000

Tableau 4. façon non exceptionnelle, une étiologie donnée peut produire des
Pseudodystonies d’origine organique (d’après [2, 4 ] ). mouvements anormaux variés, souvent composites en fonction
Tumeurs locales Fosse postérieure, tissus mous de la topographie et des mécanismes lésionnels.
cervicaux
Atteintes du référentiel Paralysie du nerf pathétique, Hypoxie-ischémie
postural torticolis vestibulaire
Les ganglions de la base et certaines structures du tronc
Anomalies congénitales Torticolis postural, syndrome de cérébral se révèlent particulièrement vulnérables à une hypoper-
Klippel-Feil fusion cérébrale globale avec hypoxie cellulaire et dysfonction
Malformations de la ligne Syringomyélie, Arnold-Chiari mitochondriale résultant du stress oxydatif [47] . Les lésions consé-
médiane cutives sont souvent qualifiées d’encéphalopathie « statique »
en référence à l’évènement hypoxique initial et au caractère
Atteintes orthopédiques Subluxation atlas/axis, maladies non progressif du mécanisme lésionnel [48] . Des lésions focales
osseuses ou multifocales peuvent aussi être observées par mécanisme
Syndrome d’Isaacs Neuropathie avec activités thromboembolique [6] , soit directement au niveau de l’artère
musculaires continues choroïdienne antérieure pour le pallidum ou des artères lenticu-
lostriées pour la partie antérieure du noyau caudé et le putamen,
Syndrome de la personne (Stiff-person) soit indirectement par ischémie interterritoriale (ou jonction-
raide
nelle) : d’autres étiologies sont susceptibles de produire une
Syndrome de Sandifer (Pseudotorticolis par reflux hypoxie-ischémie focale (malformation vasculaire, polyglobulie)
gastro-œsophagien chez l’enfant) ou une atteinte localisée par des mécanismes divers (hémorragie,
tumeur, hématome sous-dural, traumatisme). L’intervalle libre,
Syndrome de Satoyoshi (Spasmes musculaires progressifs fréquemment observé entre l’évènement hypoxique et le début
avec alopécie et diarrhée)
des mouvements anormaux, correspond au délai nécessaire aux
processus de réorganisation liés à la neuroplasticité fonctionnelle
L’analyse clinique doit être complétée par la recherche de mar- et structurelle : celle-ci concerne la neurotransmission avec une
queurs spécifiques, soit lésionnels par l’imagerie (scanographie et atteinte plus spécifiquement glutamatergique [47] sous le contrôle
surtout remnographie), soit fonctionnels par la biologie (biologie de l’activité dopaminergique [49] avec altération des neurones de
moléculaire, recherche d’un trouble du métabolisme). transmission gabaergiques et épargne relative des interneurones
Au terme de cette démarche diagnostique générale, un cer- cholinergiques [50] .
tain nombre de mouvements anormaux peuvent rester d’étiologie
indéterminée. Une étape additionnelle consiste à évaluer les hypo- Anoxo-ischémie périnatale
thèses de mouvements anormaux psychogènes et de pseudo
Cette étiologie se caractérise par des délais particulièrement
mouvements anormaux. Le diagnostic de mouvements anor-
longs pour l’apparition des mouvements anormaux : la méta-
maux psychogènes doit, autant que possible, s’appuyer sur des
analyse de 37 cas, à partir de trois séries rapportées dans la
arguments « positifs » tels que la notion d’un bénéfice socio-
littérature [48, 51, 52] retrouve une latence moyenne de plus de
économique, la présence de signes atypiques (déficit moteur,
25 ans [6] , avec des extrêmes entre 6 et 58 ans ; le mouvement anor-
somatisation multiple), l’influence excessive du contexte psy-
mal débute le plus souvent avec une présentation focale, plus
chologique et le caractère fixé des postures parfois atténué par
rarement segmentaire, et peut fréquemment évoluer de façon
les épreuves dites de distraction [2, 42, 43] . Les pseudomouvements
extensive vers une atteinte hémicorporelle ou généralisée : il
anormaux relèvent d’étiologies organiques autres qu’un dysfonc-
s’agit en règle d’une dystonie associée dans 30 % des cas à un
tionnement des ganglions de la base et des structures reliées (à
tremblement et plus rarement à des myoclonies, les dyskinésies
l’exemple des pseudo dystonies, illustré sur le Tableau 4) : dans
choréiformes restant exceptionnelles [6] . Même si la lésion caracté-
cette liste, le syndrome de Satoyoshi, décrit en 1978 [44] , reste de
ristique est représentée par l’état marbré du striatum, privilégiant
mécanisme inconnu même si sa sensibilité aux stéroïdes [45] et
les anomalies de myélinisation, la réorganisation tissulaire relève
la découverte récente d’anticorps anti-glutamic acid decarboxylase
de mécanismes multiples et complexes non encore clairement
(GAD) suggèrent une origine auto-immune [46] .
élucidés [52] .

Chirurgie cardiaque (« post-pump chorea »)


 Étiologies des mouvements La chirurgie cardiaque sous circulation extracorporelle (CEC)
anormaux secondaires peut être rarement compliquée (fréquence entre 1 % et 2 %)
de mouvements anormaux choréiformes avec déviations ocu-
Parmi les étiologies des mouvements anormaux secondaires laires et hypotonie chez les jeunes enfants entre les âges de 6
(Tableau 5), les plus fréquentes sont l’hypoxie ischémie d’une part semaines et 9 ans [53] : le risque est augmenté avec la profon-
et les médicaments d’autre part. Les étiologies infectieuses auto- deur de l’hypothermie et la durée de la CEC avec la notion
immunes et métaboliques sont plutôt moins fréquentes [6] . De d’arrêt circulatoire même bref ; l’intervalle libre est de moins

EMC - Neurologie 7
17-008-A-10  Mouvements anormaux secondaires (dystonies, myoclonies, tremblements, dyskinésies)

Tableau 5. des hémorragies sous-arachnoïdiennes avec spasme artériel [6, 52] .


Facteurs étiologiques des mouvements anormaux secondaires Chez l’enfant, l’intervalle libre est en moyenne de 1 à 2 ans
(d’après [2–5] ). avant la survenue de mouvements anormaux, le plus sou-
Hypoxie-ischémie vent sous la forme de dystonie d’évolution parfois généralisée,
rarement associée à un tremblement, les lésions prédominant
Globale Anoxo-ischémie périnatale
dans le putamen [36, 52] , tandis que, chez l’adulte, l’intervalle
Chirurgie cardiaque du jeune enfant (post-pump) libre un peu plus bref (en moyenne de 3 à 16 mois) précède
Anoxo-ischémie de l’enfant et de l’adulte un syndrome akinétorigide, rarement associé à une dystonie
Myoclonies postanoxiques peu évolutive avec des lésions prédominant dans le pallidum
interne.
Focale/multifocale Accidents vasculaires cérébraux
Tumeurs cérébrales, hématomes sous-duraux
Myoclonies postanoxiques
Malformations vasculaires
Elles représentent une manifestation rare, mais non exception-
Polyglobulies
nelle, consécutive à une hypoxie cérébrale aiguë chez l’adulte
Traumatismes cérébraux (entre 15 et 60 ans) : depuis la description inaugurale par Lance
Sclérose en plaques et Adams en 1963, plus d’une centaine de cas ont été rap-
portés, permettant d’en décrire le profil clinique [3, 54] . C’est au
Infections Encéphalites : bactériennes, virales, fongiques, décours immédiat d’un coma anoxique de 4 à 5 jours en moyenne
parasitaires, prions
qu’apparaît un syndrome myoclonique arythmique, provoqué
« Chorée de Sydenham » par l’activité musculaire et accentué par le stress, avec han-
Auto- Lupus érythémateux, syndrome primaire des dicap sévère dans la vie quotidienne : il peut s’y associer des
immunité antiphospholipides crises d’épilepsie généralisées dans 30 % des cas avec dysarthrie
Autres vasculites cérébrales
dans 34 % des cas et troubles de la marche avec chutes (dues à
des myoclonies « négatives » avec perte du tonus postural) dans
Encéphalopathie de Hashimoto
70 % des cas. Le mécanisme physiopathologique des myoclonies
Syndromes paranéoplasiques postanoxiques reste mal connu : l’hypothèse d’une atteinte des
Facteurs métaboliques noyaux réticulaires du tronc cérébral et du thalamus est sou-
tenue sur des critères électrophysiologiques [55] ; les données de
Endocriniens Hyperglycémie sans cétose, hypoglycémie
modèles expérimentaux chez le rongeur [56] et les rares études
Hyperthyroïdie neuropathologiques [57] suggèrent le rôle de dysfonctionnements
Hypocalcémie affectant le thalamus, les noyaux réticulaires du tronc céré-
Hyponatrémie, hypernatrémie bral et les noyaux du raphé (hypothèse sérotoninergique) et le
Électrolytiques
cervelet.
Insuffisance rénale, insuffisance hépatique
Myélinolyse centropontine
Accidents ischémiques cérébraux
Intoxications Monoxyde de carbone
Les mouvements anormaux sont en fait très rares au décours des
Métaux : manganèse, cuivre, mercure, bismuth, accidents ischémiques cérébraux notamment dans les infarctus
aluminium limités du territoire lenticulocaudé [3, 14] : lorsqu’ils sont observés,
Autres : cyanure, méthanol, bromure de méthyle, il s’agit de syndromes dystoniques hémicorporels se révélant après
acide 3-nitroproprionique un intervalle libre de récupération du déficit moteur [2, 9, 16] ; tou-
Médicaments Dopaminergiques : L-dopa, agonistes de la dopamine tefois, quelques observations d’infarctus striatal avec dyskinésies
balliques ou choréiformes ont été rapportées [58] . C’est plutôt au
Antagonistes de la dopamine : phénothiazines,
butyrophénones, benzamides
décours des infarctus thalamiques que sont décrits des mouve-
ments anormaux précoces de type dyskinétiques et d’évolution
Sympathomimétiques : amphétamine, cocaïne,
régressive [59] . Il faut également mentionner les myoclonies vélo-
méthylphénidate, ergotamine
palatines observées au décours de lésions ischémiques du tronc
Antidépresseurs : lithium, tricycliques, inhibiteurs de cérébral, selon la description classique de Rondot et Ben Hamida
recapture sérotonine en 1968.
Antihistaminiques
Benzodiazépines Autres atteintes locorégionales
Antiépileptiques : phénytoine, phénobarbital,
Les lésions tumorales sont rarement la cause de mouvements
carbamazépine
anormaux, les quelques observations rapportées correspondant
Anticalciques à des métastases touchant la région sous-thalamique et se
Contraceptifs oraux révélant par un hémiballisme [60] : il en est de même pour
Autres : disulfirame, cimétidine les hématomes intracérébraux [61] . Les hématomes sous-duraux
peuvent exceptionnellement se révéler par un syndrome choréi-
forme [62] , tandis que des mouvements anormaux hémicorporels
peuvent démasquer une malformation vasculaire des noyaux
de 12 jours après l’intervention cardiaque et le syndrome dys- gris [8] .
kinétique est souvent plus discret et réversible chez les enfants Les traumatismes craniocérébraux peuvent être responsables de
de moins de 1 an. Le mécanisme supposé serait un trouble syndromes dystoniques d’apparition différée, après récupération
de l’autorégulation du débit cérébral tenant compte d’une vul- du déficit moteur, de distribution le plus souvent hémicorporelle,
nérabilité particulière entre les âges de 3 et 9 ans avec des la lésion étant putaminocaudée controlatérale [8, 9, 24, 63] ; des syn-
lésions prédominant dans le pallidum externe, la contribution dromes myocloniques, ainsi que des tremblements composites (de
de l’hypoxie préexistante liée à la pathologie cardiaque restant à repos, de posture et d’action), récemment baptisés « tremblement
préciser [6] . de Holmes » [64] , sont observés au décours de la récupération du
déficit moteur post lésionnel correspondant à une lésion intéres-
sant la région du noyau rouge avec dysfonctionnement de la voie
Anoxo-ischémie chez l’enfant et l’adulte dentato-rubro-thalamique [28] . Il faut mentionner le rôle possible
Chez l’enfant et l’adulte, les épisodes d’hypoxie cérébrale de traumatismes périphériques dans la genèse de mouvements
aiguë peuvent être consécutifs à des états de mal asthmatiques, anormaux, en règle sur le segment corporel traumatisé : le terme
des accidents d’anesthésie, des traumatismes crâniens fermés ou de « dystrophie sympathique réflexe » (reflex sympathetic dystrophy

8 EMC - Neurologie
Mouvements anormaux secondaires (dystonies, myoclonies, tremblements, dyskinésies)  17-008-A-10

Tableau 6. Infections
Mouvements anormaux au cours de la sclérose en plaques (SEP)
(d’après [67, 69] ). Encéphalites infectieuses
Type de Physiopathologie Imputabilité à Les mouvements anormaux de type dystonique ou choréobal-
mouvement la SEP lique apparaissent habituellement au cours de la phase aiguë de
anormal l’infection et sont transitoires, le mécanisme étant plutôt une
Tremblement Lésions cérébelleuses Oui ischémie focale secondaire à une vasculite qu’une lésion neuro-
cérébelleux nale directe [6] .
Tremblement Lésions Oui Parmi les infections bactériennes, en dehors du streptocoque de
de Holmes mésencéphaliques et/ou groupe A responsable de la chorée de Sydenham (vide infra), des
thalamiques dyskinésies choréiformes ont été rapportées au cours d’infections
Tremblement Lésions du tronc Oui à Mycoplasma pneumoniae, à Legionella pneumophila, à Borrelia
vélopalatin cérébral burgdorferi, à Mycobacterium tuberculosis ou à Tropheryma whippeli,
Dyskinésie Lésions voies motrices Oui même si la maladie de Whipple est plus classiquement évoquée
paroxystique (capsulaire interne, devant des myoclonies oculomasticatoires [3, 6] .
médullaire) Les infections virales, spécialement chez l’enfant, peuvent pro-
Chorée ballisme Lésions striatales ou Oui duire aussi des dyskinésies [6] , notamment les virus du groupe
sous-thalamiques herpès (herpès simplex et varicelle-zona), ainsi que le virus
Dystonie Association fortuite Non du sida (virus de l’immunodéficience humaine [VIH]), soit de
façon directe au cours de l’encéphalite subaiguë du VIH [71] , soit
par le biais d’infections opportunistes parasitaires ou fongiques
(toxoplasmose, cryptocoque). Une place particulière reste pour
[RSD]) a été proposé pour qualifier des postures dystoniques plutôt
les secousses myocloniques intermittentes caractéristiques de la
fixées avec douleur continue (causalgie, allodynie, hyperpathie) et
panencéphalite sclérosante subaiguë et pour les myoclonies de
troubles vasomoteurs [63] .
la maladie de Creutzfeldt-Jakob, qui peut aussi occasionner des
dyskinésies choréiformes [3] .
Polyglobulie
Il s’agit d’un syndrome choréiforme apparaissant de façon inter- Chorée de Sydenham
mittente, parfois asymétrique au début, avec une fréquence de Elle représente le modèle classique du mouvement anormal
1 % à 2 % chez les patients atteints de polyglobulie primitive, le secondaire à l’infection par streptocoque du groupe A, deve-
plus souvent chez les femmes après l’âge de 50 ans [65] . Le méca- nue rare dans les pays industrialisés mais encore endémique
nisme invoqué est une démyélinisation périveineuse en rapport dans certaines régions du monde [72] . Elle apparaît avec une fré-
avec des microthromboses liées au ralentissement de l’écoulement quence de 20 % au cours du rhumatisme articulaire aigu, entre
sanguin au sein des ganglions de la base [3, 6] . Ce syndrome a les âges de 3 et 17 ans avec une nette prédominance fémi-
été exceptionnellement rapporté au cours d’une polyglobulie nine (sex-ratio de 2 :1) : le syndrome choréique, le plus souvent
secondaire [66] . généralisé avec un début unilatéral dans 30 % des cas, peut
rester prévalent, s’accompagnant de troubles psychocomporte-
mentaux [73] ; il régresse en 6 mois dans 75 % des cas, les formes
Sclérose en plaques persistantes et/ou récidivantes étant plus rares [2, 6] . Le méca-
Au cours de la sclérose en plaques (SEP), une grande nisme est probablement auto-immun par autoanticorps dirigés
variété de mouvements anormaux, notamment des tremble- contre la protéine M du streptocoque de type 6 responsables
ments (Tableau 6), peut être observée à des stades différents de de dysfonction au sein des ganglions de la base par antigé-
l’évolution de la maladie [67, 68] . nicité croisée [74] avec hypermétabolisme striatal en imagerie
Les tremblements de la SEP sont de trois types [64] : fonctionnelle [6] : l’hypothèse d’auto-immunité a été renforcée
• le tremblement cérébelleux se définit par son caractère inten- par la mise en évidence d’anticorps antiganglions de la base [75] ,
tionnel pur ou prédominant avec une composante posturale rapprochant ainsi la chorée de Sydenham, dans le cadre des
sans composante de repos et une fréquence inférieure à 5 Hz ; manifestations neuropsychiatriques auto-immunes associées aux
• le « tremblement de Holmes » associe composantes de repos et infections streptococciques de l’enfant (Pediatric Autoimmune
intentionnelle avec un rythme souvent irrégulier et la présence Neuropsychiatric Disorders Associated with Streptococcal infec-
fréquente d’une composante posturale avec une fréquence tions [PANDAS]) [76] , du syndrome de Gilles de la Tourette [77] ;
inférieure à 4,5 Hz traduisant un dysfonctionnement mixte ces mêmes anticorps ont été aussi retrouvés chez l’adulte avec
dopaminergique et cérébellothalamique [28] ; dystonie atypique et tics [78] .
• le tremblement (ou myoclonie rythmique) vélopalatin est en La leucoencéphalopathie multifocale progressive, infection à
rapport avec des lésions focales affectant le triangle dentato- virus JC, peut également comporter des manifestations motrices
rubro-olivaire. sous la forme d’un syndrome parkinsonien associé à une note
La prévalence de ces tremblements reste encore mal précisée, dystonique [79] .
entre 0,3 % pour l’ensemble des SEP [67] et 58 % dans un groupe de
SEP évoluées avec handicap sévère [69] . Auto-immunité
En dehors des tremblements, d’autres mouvements anormaux
sont observés au cours de la SEP, mais la relation de cause à Vasculites auto-immunes
effet entre une ou plusieurs lésions et le mouvement anormal est
Des mouvements anormaux à type de dystonie et de chorée
parfois difficile à établir [70] . Initialement décrites par Matthews
peuvent apparaître au cours des vasculites auto-immunes systé-
en 1958, les dyskinésies paroxystiques, encore appelées spasmes
miques avec auto-anticorps circulants. Les mécanismes lésionnels
toniques, sont les plus caractéristiques avec plus d’une centaine
supposés sont soit une ischémie par microthromboses, soit une
d’observations rapportées [68] : la séméiologie consiste en des épi-
atteinte neuronale directe par réaction antigénique croisée, dépôts
sodes brefs (moins d’1 minute) mais répétés (plus de dix par
de complexes immuns et effets délétères de cytokines pro-
jour) de postures dystoniques variées affectant tout ou partie
inflammatoires [6] .
d’un hémicorps avec un élément douloureux lié à la contrac-
ture ; ces épisodes peuvent être déclenchés par un mouvement
volontaire, un stimulus inattendu ou l’hyperpnée ; le mécanisme
Lupus érythémateux
classiquement proposé est une activation éphaptique diffusant Le lupus érythémateux disséminé (LED) est devenu une étio-
transversalement à des niveaux variables des voies motrices (bras logie fréquente de chorée secondaire, présente jusqu’à 4 % des
postérieur de la capsule interne, moelle épinière). LED [2, 80] . Le syndrome choréique peut être prévalent dans 25 %

EMC - Neurologie 9
17-008-A-10  Mouvements anormaux secondaires (dystonies, myoclonies, tremblements, dyskinésies)

des cas, la plupart des patients étant d’âge inférieur à 30 ans [81] : Parmi les intoxications par les métaux, le manganèse est carac-
l’atteinte est plus souvent généralisée ou hémicorporelle avec une térisé par la survenue progressive d’un syndrome dystonique
évolution régressive, des récidives survenant dans 25 % des cas. Le axial avec « démarche de coq », atteinte faciale et ralentisse-
rôle pathogène des anticorps antiphospholipides s’exprime par ment psychomoteur avec tremblement postural au décours d’une
des microthromboses et par des effets cytotoxiques directs [6, 81] . exposition professionnelle chronique [2, 6] . L’atteinte prédomine
En l’absence de syndrome lupique, le syndrome primaire des anti- au niveau pallidonigral par des mécanismes multiples : dys-
phospholipides doit être suspecté, avec une large prédominance fonction mitochondriale, toxicité neuronale directe [6] . Il faut
féminine et un début brutal des dyskinésies, parfois au cours d’une en rapprocher les rares observations d’hypermanganésémies au
grossesse ou après l’introduction d’une contraception orale [2, 81] décours de cirrhoses hépatiques. L’intoxication par le cuivre
posant la question de rechutes d’une chorée « auto-immune » est l’apanage de la maladie de Wilson dont le mécanisme
et/ou du rôle d’anticorps « anti-ganglions de la base » [82] . repose sur un déficit d’élimination biliaire (dysfonction du gène
D’autres vasculites du système nerveux central (périartérite de l’adénosine triphosphatase [ATPase] 7B) conduisant à une
noueuse, maladie de Behçet, syndrome de Churg et Strauss) accumulation du cuivre, notamment intrastriatale, avec des
peuvent rarement se compliquer d’un syndrome choréique [6] . Il mouvements anormaux de tous types, particulièrement dysto-
en est de même pour la maladie coeliaque avec un cas de dystonie niques. Les rares intoxications mercurielles se manifestent par
réversible en rapport avec une lésion ischémique striatale [83] . une encéphalopathie progressive avec tremblement ou syndrome
myoclonique [3] . L’encéphalopathie bismuthique, observée dans
Encéphalopathie de Hashimoto les années 1970 par intoxication chronique orale aux sels de
bismuth et comportant un syndrome myoclonique sévère, a
L’encéphalopathie de Hashimoto comporte quelquefois des
maintenant disparu [3] ; il en est de même pour l’aluminium, rendu
myoclonies avec syndrome choréiforme d’évolution parfois
responsable de l’encéphalopathie des dialysés avec myoclonies
régressive, le mécanisme supposé faisant intervenir une toxicité
diffuses et sensibles aux stimuli dont l’incidence a été fortement
directe des auto-anticorps antithyroïdiens [84] .
réduite par les mesures prophylactiques de contrôle de l’eau de
Les mouvements anormaux restent exceptionnels dans le cadre
dialyse [3] .
des syndromes paranéoplasiques [85] , sauf le cas particulier du syn-
D’autres intoxications sont susceptibles de provoquer des
drome opsoclonus-myoclonus [86] .
mouvements anormaux secondaires. Le cyanure, après la phase
aiguë de coma, entraîne des postures dystoniques avec atteinte
Troubles métaboliques faciale et syndrome parkinsonien qui apparaissent après un
intervalle libre, le mécanisme étant un dysfonctionnement
Les ganglions de la base, région cérébrale à forte activité métabo- pallido-putaminal [2, 6] . Des manifestations comparables sont
lique, se révèlent particulièrement vulnérables aux perturbations observées après intoxication par le méthanol, qui ajoute une
de l’homéostasie énergétique et hydroélectrolytique [5] , ces ano- atteinte des nerfs optiques [6] , tandis que l’intoxication par le
malies étant le plus souvent rapidement réversibles. bromure de méthyle (exposition professionnelle) est plutôt carac-
L’hyperglycémie sans cétose (avec hyperosmolarité) a été térisée par un syndrome myoclonique sévère [3] , proche du « Lance
incriminée dans la survenue de syndrome choréique généra- et Adams ». Enfin, l’acide 3-nitroproprionique, qui est un inhi-
lisé ou d’hémichorée-hémiballisme d’évolution réversible après biteur irréversible du complexe II de la chaîne respiratoire
correction du trouble métabolique [87] : l’imagerie cérébrale pré- mitochondriale, a été incriminé dans la genèse de dystonies
coce a permis de mettre en évidence des modifications de d’apparition retardée chez des enfants ayant absorbé de la
signal au niveau du striatum [88] . L’hypoglycémie sévère peut canne à sucre avariée [92] , ce qui a conduit au développement
aussi être compliquée de mouvements anormaux avec postures récent de modèles expérimentaux de dystonie secondaire chez le
dystoniques, tout comme les états de déshydratation sévère primate [93] .
avec hypernatrémie ou les hyponatrémies [6] : dans ce dernier
contexte, la notion d’une myélinolyse centropontine a été consi-
dérée en faveur d’un mécanisme de démyélinisation striatale Médicaments
d’évolution parfois réversible pour rendre compte de mouvements
anormaux d’apparition différée [89] . Outre le classique flapping Des mouvements anormaux secondaires sont couramment
tremor d’évolution réversible correspondant plutôt à des myo- observés avec les médicaments dopaminergiques (notamment
clonies négatives (ou astérixis), l’insuffisance hépatique peut la L-dopa) et les antiparkinsoniens en général aux doses
s’accompagner d’un syndrome akinétorigide progressif par accu- thérapeutiques, en raison de la dénervation dopaminergique sous-
mulation de manganèse dans les noyaux gris avec hypersignal jacente au cours de la maladie de Parkinson et de la plupart
remnographique en mode T1 [2] . des syndromes parkinsoniens ; les neuroleptiques (antagonistes
L’association d’une thyréotoxicose avec choréoathétose et/ou dopaminergiques) sont également responsables de mouvements
postures dystoniques a été décrite par Gowers en 1893. On note anormaux aux doses thérapeutiques mais en l’absence de déner-
une prédominance chez la femme jeune et l’évolution est réver- vation dopaminergique. D’autres classes pharmacologiques ont
sible avec la correction de l’équilibre hormonal. Le mécanisme été plus rarement incriminées, parfois aux doses thérapeu-
supposé reste une hypersensibilité des récepteurs dopaminer- tiques mais plus souvent en cas de surdosage [3] . D’une manière
giques [6] . générale, les mécanismes impliquent, à des degrés divers et
L’hypocalcémie est une cause rare de mouvements anormaux selon des modalités variables, un dysfonctionnement dopaminer-
de type dystonie paroxystique ; il existe souvent des calcifications gique.
striatopallidales dans le contexte de l’hypoparathyroidie [6] .
Médicaments dopaminergiques (L-dopa
et agonistes de la dopamine)
Intoxications
Considérant leur utilisation quasi-exclusive chez les patients
Les manifestations neurologiques d’intoxications par certains parkinsoniens (avec dénervation dopaminergique sous-jacente),
gaz et métaux lourds ont été attribuées à l’hypoxie cellulaire la fréquence des dyskinésies est de près de 90 % après plusieurs
par dysfonction mitochondriale ou à la formation de radicaux années d’évolution traitée [3, 94] . Les études de pharmacocinétique-
libres [6] . pharmacodynamique de la L-dopa ont précisé la relation
L’intoxication oxycarbonée se caractérise par l’apparition, après chronologique avec les prises montrant, en raison des phéno-
un intervalle libre de quelques semaines suivant l’épisode initial mènes de neuroplasticité touchant notamment les récepteurs
de coma, de postures dystoniques avec syndrome parkinsonien glutamatergiques au sein des ganglions de la base [95, 96] , un
attribué à une atteinte du pallidum interne dont l’évolution séquençage des dyskinésies selon leur typologie, soit en début
est souvent régressive en moins d’un an [90] : plus rarement, un et fin de dose le type dystonique puis ballique par stimulation
syndrome choréique a été rapporté [91] dont le mécanisme reste dopaminergique insuffisante, soit en milieu de dose le type choréi-
discuté [3] . forme par stimulation dopaminergique « excessive » [97] ; de plus,

10 EMC - Neurologie
Mouvements anormaux secondaires (dystonies, myoclonies, tremblements, dyskinésies)  17-008-A-10

l’évolution de la maladie tend à rendre chronologiquement super- l’imputabilité et le mécanisme restant parfois difficiles à éclaircir
posables l’effet antiparkinsonien de la L-dopa et les dyskinésies en raison d’associations fréquentes à des neuroleptiques.
dopa-induites [98] . Les antihistaminiques (phéniramine, cyproheptadine) ont été
incriminés dans la survenue de dyskinésies faciales avec dystonies
oculogyres et mouvements choréiformes [3] .
Antagonistes dopaminergiques Dans le groupe des antiépileptiques, c’est surtout la phénytoine
S’agissant pour l’essentiel des neuroleptiques, on oppose les qui se voit attribuer des dyskinésies bucco-faciales avec mouve-
mouvements anormaux précoces d’apparition aiguë liée chro- ments choréiques et dystonies des membres, le plus souvent dans
nologiquement à la prise médicamenteuse et les mouvements un contexte de surdosage et/ou de polythérapies chez des épi-
anormaux tardifs de survenue plus insidieuse et durable au leptiques sévères avec lésions cérébrales préexistantes [103, 104] , le
cours de traitements chroniques et/ou après leur arrêt [2, 3, 99] . Tous mécanisme faisant intervenir un dysfonctionnement dopaminer-
les médicaments de la classe des neuroleptiques (phénothia- gique [6] .
zines, butyrophénones, benzamides substituées et neuroleptiques Les dyskinésies sous contraceptifs oraux ont été décrites par
dits atypiques) sont susceptibles de provoquer des mouvements Fernando en 1966 : leur début est brutal, de type choréiforme,
anormaux, ce qui justifie de bien en peser les indications chez la femme jeune avec une évolution réversible à l’arrêt du
thérapeutiques et d’utiliser des posologies et des durées de trai- traitement [105] , le mécanisme comportant une possible réaction
tement minimales. Deux exceptions relatives sont à mentionner, auto-immune avec anticorps antiganglions de la base [82] .
s’agissant de la domperidone (du fait de son franchissement De façon plus anecdotique, il faut signaler des dystonies avec
minime de la barrière hémato-encéphalique) comme antiémé- syndrome akinétorigide consécutives à un surdosage en disul-
tique et de la clozapine (du fait de l’absence de dyskinésies firame avec nécrose pallidale [106] . De même, chez des patients
rapportées) comme antipsychotique. asthmatiques, la théophylline a pu induire des troubles de la
Les mouvements anormaux précoces sont plutôt de nature dys- parole à type de pseudobégaiement par des myoclonies locali-
tonique, sous la forme de spasmes toniques au niveau facial, sées du tractus vocal [107] , tandis que des myoclonies plus diffuses
avec déviations oculogyres, pouvant s’étendre à l’axe rachidien ont été observées chez des patients parkinsoniens âgés traités par
(torticolis, opisthotonos) et associant parfois des troubles du l’amantadine [108] .
comportement ; ils sont plus fréquents chez les sujets jeunes avec
prédominance masculine et parfois prédisposition familiale, et ils
sont spontanément réversibles à l’arrêt du traitement neurolep-  Prise en charge thérapeutique
tique avec ou sans « correcteur » anticholinergique [2] .
Les dyskinésies tardives sont extrêmement polymorphes [99, 100] , des mouvements anormaux
et peuvent être regroupées en trois sous-ensembles qui coexistent
parfois chez un même patient : les dyskinésies choréiformes,
secondaires
les plus communes, prédominent au niveau bucco-linguo-facial Au cours de ces dernières années, le renouveau de la neurochi-
(revêtant souvent l’aspect de stéréotypies) avec extension pos- rurgie fonctionnelle, et plus particulièrement le développement
sible au larynx et au diaphragme (retentissant sur la parole, la des indications de la stimulation cérébrale profonde, a significati-
respiration et la déglutition) et parfois à la partie proximale des vement modifié la prise en charge thérapeutique des mouvements
membres ; les dystonies sont plus rares avec postures en torsion au anormaux en général, non seulement des dystonies généralisées
niveau du cou, du tronc et des membres avec des spasmes toniques idiopathiques de l’enfant [109] mais aussi, et de plus en plus, des
souvent douloureux ; l’acathisie consiste en des mouvements mouvements anormaux secondaires. Dans un tel contexte, la pra-
« compulsifs » de croisement des jambes et/ou de piétinement sur tique de l’évaluation clinique s’est progressivement imposée avec
place. La fréquence est estimée entre 20 % et 25 % des patients l’utilisation d’échelles semi-quantitatives, plus spécifiquement
sous traitement chronique par les neuroleptiques [99] . Parmi les pour les dystonies [39, 110, 111] , complétées par des enregistrements
facteurs de risque de dyskinésies tardives, l’âge élevé et le sexe électrophysiologiques [3] , notamment pour les myoclonies [55] et
féminin sont bien établis, alors que la longue durée et la posologie les tremblements [112] .
élevée du traitement neuroleptique ne sont que fortement sus- La prise en charge thérapeutique proprement dite repose sur
pectés. La question essentielle, dans la démarche diagnostique, de la combinaison des traitements étiologiques lorsqu’ils sont pos-
l’imputabilité d’un traitement neuroleptique, justifie une enquête sibles et des traitements symptomatiques qui se révèlent un
anamnestique la plus précise possible à la recherche notamment complément de plus en plus souvent utile, voire nécessaire, pour
de l’utilisation, dans des indications non psychiatriques, de benza- atténuer la gêne fonctionnelle liée aux mouvements anormaux.
mides substituées ou de spécialités contenant un produit à action Les premiers sont par nature en adéquation avec la pathologie
neuroleptique. Des critères diagnostiques ont été proposés [101] , causale, s’agissant : des thérapeutiques anti-infectieuses (antibio-
comportant une durée d’exposition d’au moins 3 mois au neuro- tiques, antiviraux, antifongiques, antiparasitaires) spécifiques du
leptique, une expression clinique significative et l’absence d’autre processus infectieux responsable ; des corticoïdes ou des immuno-
pathologie pouvant expliquer les dyskinésies. L’évolution des dys- suppresseurs pour les pathologies faisant intervenir un mécanisme
kinésies tardives peut être réversible après plusieurs semaines ou auto-immun ; de la correction de troubles métaboliques ou de
mois suivant l’arrêt des neuroleptiques : toutefois, l’irréversibilité, déséquilibres endocriniens ; de l’identification du toxique ou
retenue après un délai de 6 mois, est observée dans plus de 50 % du médicament responsables et de leur retrait en fonction du
des cas [99] . contexte. Dans ce chapitre, seuls les traitements symptoma-
tiques des mouvements anormaux secondaires seront décrits :
Autres médicaments ils comportent des modalités médicamenteuses diverses dont les
indications, pour des raisons notamment physiopathologiques,
Parmi les sympathomimétiques, la cocaïne [102] , par son action dépendent de la typologie du mouvement anormal (dystonie,
bloquant le site de recapture de la dopamine (ce qui en potentia- myoclonie, tremblement, dyskinésie) ; en complément, la place
lise l’activité), a été rapportée comme facteur d’exacerbation de de la toxine botulique, et/ou de la neurochirurgie fonctionnelle,
mouvements anormaux préexistants (tics et dystonies) ; plus rare- associées aux techniques de rééducation et de réadaptation, prend
ment, des syndromes choréiformes à prédominance axiale ont été une importance croissante.
décrits, débutant de novo sur un mode aigu [6] . Des manifestations
comparables ont été signalées avec les amphétamines, le méthyl-
phénidate et les ergotamines [3] , justifiant, en raison du risque Évaluation des mouvements anormaux
de vasculite avec ischémie, de rechercher systématiquement à secondaires
l’imagerie cérébrale une lésion des ganglions de la base [6] .
Les antidépresseurs (lithium, tricycliques et inhibiteurs de Évaluer cliniquement un mouvement anormal est une tâche
recapture de la sérotonine) peuvent occasionner des mouve- difficile, mais utile à de nombreux égards, apportant notam-
ments anormaux, plus souvent myocloniques que dystoniques, ment un instantané du symptôme et de son retentissement

EMC - Neurologie 11
17-008-A-10  Mouvements anormaux secondaires (dystonies, myoclonies, tremblements, dyskinésies)

fonctionnel, ce qui établit des points de repère permettant, Tableau 7.


par la suite, d’évaluer l’efficacité des thérapeutiques ou de Échelle de Burke Fahn Marsden (BFM) (d’après [106] ).
mesurer une progression. Une quantification (plus souvent une Région Facteur de Facteur de Facteur de Total
« semi-quantification », basée sur des échelles ordonnées) des déclenche- sévérité pondération
mouvements anormaux facilite également les études théra- ment (score : (score : 0 à 4)
peutiques sur des populations de patients en permettant une 0 à 4)
homogénéisation par groupes de sévérité. Une première approche
Yeux X 0,5 /8
de cette quantification peut être réalisée dès l’interrogatoire,
en relevant en particulier l’invalidité entraînée par les mouve- Bouche X 0,5 /8
ments anormaux dans les gestes du quotidien, comme la prise
Parole/déglutition X 1 /16
de boisson (tenue du verre à deux mains, utilisation d’une
paille), la manipulation des couverts (couper la viande) et d’autres Cou X 0,5 /8
tâches bimanuelles (laçage, boutonnage), ou encore l’écriture. Membre supérieur X 1 /16
Le suivi médical sera alors attentif à évaluer le retentissement droit
des mesures thérapeutiques sur ces activités cibles, comprises
comme une estimation de l’évolution de la qualité de vie (pour Membre supérieur X 1 /8
gauche
laquelle des échelles existent aussi). Dans ce contexte, les mou-
vements anormaux présentent de nombreux caractères qui les Tronc X 1 /16
rendent réfractaires à tout effort d’objectivation : variabilité et Membre inférieur X 1 /16
fluctuation dans leur expression, facteurs déclenchants, possi- droit
bilité d’inhibition volontaire, exagération par les émotions ou
l’activité mentale. Pourtant, à partir des années 1980, accom- Membre inférieur X 1 /16
pagnant le développement et la diffusion de l’outil vidéo, de gauche
nombreuses échelles ont été proposées visant à quantifier le Total /120
trouble du mouvement. Le recours à la documentation vidéo a
constitué un progrès majeur, à double titre, d’une part en permet-
tant un meilleur partage des informations et un consensus sur
l’utilisation de la terminologie, et d’autre part en illustrant l’état
instantané d’une affection chez un patient de façon plus holis-
tique (et plus exhaustive) que les notes descriptives contenues taines échelles s’intéressent davantage à un groupe étiologique de
dans le dossier. Un document vidéo doit alors suivre un proto- mouvements anormaux, à l’exemple des échelles de dyskinésies
cole standardisé, permettant l’exploration de différentes atteintes tardives [114] .
topographiques et l’étude des circonstances précises d’apparition
(repos, repos et activation, posture et action, parfois action spéci-
fique). Les échelles sont appliquées au mieux lors du visionnage Apports de l’électrophysiologie
du document vidéo, en dehors de l’enregistrement lui-même, car L’évaluation par les outils neurophysiologiques pourrait poten-
l’attention de l’observateur mieux dirigée vers les différentes topo- tiellement pallier le déficit d’objectivité des échelles cliniques [115] .
graphies peut détecter des activations du mouvement anormal « à Il convient toutefois de remarquer qu’aujourd’hui encore, les
distance » et n’est pas absorbée par les contraintes du recueil de explorations neurophysiologiques ne présentent qu’un intérêt
l’enregistrement. Les échelles de cotation comportent un score de très variable, en fonction de la nature des mouvements anor-
sévérité, soit qualitatif ordonné, (habituellement de 0, absent, à 4, maux. Dans les myoclonies, l’analyse par « rétromoyennage »
extrême), soit semi-quantitatif, évaluant par exemple l’amplitude de l’activité EEG précédant l’activation musculaire permet d’en
du mouvement anormal (rapporté par exemple à l’amplitude établir l’origine corticale conduisant ainsi à une démarche diag-
maximale du mouvement normal et exprimé en pourcentage de nostique et thérapeutique adaptée, tandis que le diagnostic de
celle-ci). La pondération du score de sévérité se fait par un facteur myoclonie propriospinale, secondaire à des atteintes médullaires
de déclenchement (survenue du mouvement anormal au repos, inflammatoires ou lésionnelles, repose sur l’analyse polymyo-
lors de la posture, de l’action ou d’un mouvement à distance, graphique de la propagation lente de l’activation musculaire
ou uniquement lors des actions spécifiques), ou par une évalua- aux myotomes adjacents [23] . L’analyse EEG-électromyogramme
tion du taux de présence du mouvement anormal au cours du (EMG) d’un tremblement irrégulier rapide permet de porter le
temps. Le retentissement fonctionnel du mouvement anormal sur diagnostic de tremblement cortical, tandis qu’un tremblement
les actes de la vie quotidienne, tels que la parole, l’alimentation, orthostatique n’est parfois mis en évidence que sur le seul
la fonction de préhension manuelle, en particulier l’écriture et aspect EMG. L’analyse EMG des dystonies met en évidence la
le dessin (la réalisation de spirale par exemple), ou la manipula- cocontraction agoniste antagoniste et l’augmentation de la durée
tion du verre d’eau, peut être intégré à une échelle indépendante des activations musculaires ; bien que l’intérêt pour le diagnos-
évaluant le handicap ou faire partie de l’échelle quantifiant le tic de dystonie soit modeste, cet examen peut représenter en
mouvement anormal lui-même [110] . Peu d’études ont validé de revanche un outil permettant d’identifier les pseudo-dystonies ou
façon rigoureuse l’utilisation des échelles cliniques, en termes les dystonies psychogènes [116] .
de cohérence interne, de reproductibilité intra- et interobserva-
teur, devant faire face en particulier à l’absence de gold standard
reflétant une mesure réellement objective. Le profil d’utilisation Traitements médicamenteux
d’une échelle est une donnée à prendre en compte, un compro-
mis devant être trouvé entre la facilité d’utilisation de l’échelle Pour les dystonies étendues et/ou complexes (segmentaires,
(permettant sa large diffusion) et sa reproductibilité et sa perti- multifocales, hémicorporelles, généralisées), il reste logique de
nence clinique. Dans la dystonie généralisée, le développement considérer les traitements par voie générale, la toxine botulique
d’une échelle émanant d’un groupe d’expert et visant à se substi- en injection locale étant devenue le traitement de première inten-
tuer à l’échelle classique de Burke, Fahn et Marsden (Tableau 7), tion pour la plupart des dystonies focales. Les anticholinergiques
se heurte à la complexité de sa mise en œuvre, obstacle relatif sont le traitement de première ligne pour les dystonies secon-
à sa diffusion [39] . Il existe un grand nombre d’échelles spéci- daires, d’autant plus que le patient est jeune et que la dystonie
fiques d’un mouvement anormal, comme en témoigne la grande est d’installation récente, avec un résultat symptomatique partiel
variété d’échelles de dystonies focales [111] . Un certain consensus, dans 40 % à 50 % des cas [2, 117] . En raison des effets secondaires
plus ou moins tacite, conduit à en préférer certaines, qui sont de (sécheresse buccale par hyposialie, troubles de l’accommoda-
plus en plus utilisées dans les études thérapeutiques. Des échelles tion visuelle, constipation, troubles mnésiques et confusion-
consensuelles concernant les tremblements [113] , les myoclonies, hallucinations), il est recommandé d’informer les patients (pour
les tics, les mouvements choréiques font défaut, tandis que cer- favoriser l’observance) et de monter très progressivement la

12 EMC - Neurologie
Mouvements anormaux secondaires (dystonies, myoclonies, tremblements, dyskinésies)  17-008-A-10

posologie (paliers de 2 mg/jour tous les 15 jours) pour arriver à Place de la toxine botulique [2, 117]
une dose quotidienne suffisante pour être efficace jusqu’à 30 mg,
La toxine botulique, produite par la bactérie Clostridium botuli,
voire 60 mg/jour [2] . Le baclofène et les benzodiazépines, par effet
est une protéine qui agit en bloquant au niveau présynaptique la
agoniste gabaergique, peuvent être des traitements de deuxième
libération d’acétylcholine. Son effet s’établit après 72 heures envi-
ligne, avec une efficacité plus limitée en raison de leurs effets
ron et s’atténue après 3 à 6 mois en raison de la dégénérescence
indésirables de type sédatif. Toutefois, l’utilisation possible, à des
des terminaisons nerveuses, ce qui nécessite la répétition des injec-
doses beaucoup plus faibles, du baclofène par voie intrathécale
tions. Dans le cadre des mouvements anormaux secondaires, ce
peut représenter une alternative pour des dystonies sévères et
sont surtout les dystonies, d’autant plus qu’elles sont focales et
résistantes. Les antagonistes dopaminergiques restent des outils
répondent à un mécanisme simple, qui représentent l’indication
potentiels en troisième ligne : tenant compte du risque de dys-
privilégiée. Quatre préparations de toxine botulique sont dispo-
kinésies tardives, les indications doivent être bien pesées et il
nibles en France, soit de type A (Botox® , Dysport® , Xeomin® )
est préférable d’utiliser la clozapine (sous surveillance hémato-
soit de type B (Neurobloc® ), le type A étant le plus utilisé du
logique régulière et à faible posologie en raison de l’effet sédatif)
fait de l’existence d’effets secondaires plus fréquents avec le type
ou la tétrabénazine, dont l’action de type réserpinique à nette
B (dysphagie, xérostomie) pour un ratio d’efficacité similaire. Le
prédominance présynaptique (déplétion dopaminergique vési-
traitement consiste à injecter le ou les muscles responsables de la
culaire) explique l’absence d’induction de dyskinésies tardives :
posture dystonique, la dose étant adaptée selon le type musculaire.
là encore, la montée posologique sera progressive (paliers de
Un contrôle électromyographique du site d’injection est souvent
12,5 mg toutes les semaines) avec recherche de la dose minimale
utile (particulièrement pour les muscles du larynx) et la dose mini-
efficace en raison d’effets indésirables à type de parkinsonisme
male efficace est privilégiée pour limiter les effets indésirables à
et d’état dépressif [2, 118] ; s’agissant d’un médicament orphelin
type de déficit musculaire résultant de la diffusion de la toxine.
jusqu’en 2006, la tétrabénazine était prescrite selon la procédure
De nouvelles techniques de repérage se développent en dehors de
d’autorisation temporaire d’utilisation (ATU avec réserve hospita-
l’EMG et en particulier l’échographie pour améliorer la précision
lière) : depuis 2006, elle est disponible en pharmacie d’officine
des injections de toxine botulique.
(Xenazine® ) avec prescription réservée aux neurologues dans
l’indication « hémiballisme et mouvements anormaux de la mala-
die de Huntington ». Place de la neurochirurgie fonctionnelle
Les myoclonies secondaires sont de façon logique sensibles
aux anticonvulsivants [3] . S’agissant des myoclonies d’origine L’essor remarquable de la neurochirurgie fonctionnelle au cours
corticale, les traitements de choix seront les benzodiazépines (clo- des 15 dernières années est principalement lié aux succès théra-
nazépam) ou le valproate. Les myoclonies réticulaires réflexes, et peutiques obtenus successivement dans le tremblement essentiel,
notamment celles du syndrome de Lance et Adams, répondent puis dans la maladie de Parkinson idiopathique, et plus récem-
aussi au 5-hydroxytryptophane et au piracétam, avec un intérêt ment, dans la dystonie généralisée primaire. Dans ces indications,
particulier pour la polythérapie dans ce type d’indication. les techniques de stimulation cérébrale profonde, respectivement
Les tremblements secondaires restent une cible thérapeutique thalamique, sous-thalamique et pallidale interne, constituent
habituelle pour les anticholinergiques et secondairement pour la aujourd’hui un recours thérapeutique majeur dans des patholo-
primidone (pour laquelle il convient aussi de recommander une gies souvent difficiles à contrôler de façon satisfaisante avec les
progression posologique prudente). Il existe deux indications traitements médicaux. À la différence de ces pathologies bien cir-
particulières : l’une est le « tremblement de Holmes » dont la conscrites, les mouvements anormaux secondaires composent un
réponse à la L-dopa mérite d’être recherchée [28] et l’autre est cadre beaucoup plus hétérogène, et il est probablement plus dif-
l’efficacité (controversée) de l’isoniazide sur les tremblements de ficile d’y conduire des évaluations rigoureuses. En effet, la grande
la SEP [70] . Il faut également noter l’intérêt soulevé par l’utilisation variété des lésions responsables (deux accidents vasculaires céré-
de nouveaux antiépileptiques tels que le topiramate dans certains braux, aussi limités soient-ils, ne se recouvrent jamais tout à
types de mouvements anormaux comme les myoclonies ou les fait), ainsi que la diversité des manifestations cliniques, sont des
tremblements [119] . obstacles inévitables à l’évaluation de la chirurgie dans ces patho-
Au caractère plus hétérogène des dyskinésies répondent des logies, rendant compte de la rareté des travaux publiés se référant
indications diversifiées. S’agissant des dyskinésies des dopami- essentiellement à des cas isolés ou à de petites séries. Le recours
nergiques, le traitement antiparkinsonien devant être maintenu à ce type de traitement demeure donc aujourd’hui expérimental,
dans la plupart des cas, il faudra procéder à des aménagements et le bénéfice escompté doit porter sur des symptômes cibles bien
de ce traitement en fonction du mécanisme des dyskinésies [94] : identifiés, visant en particulier à retentir de façon significative sur
les dyskinésies choréiformes de milieu de dose justifient soit l’altération fonctionnelle.
une réduction de posologie quotidienne soit un fractionnement Parmi les tremblements symptomatiques, le tremblement de
des prises soit encore le retrait d’un antiparkinsonien en cas la sclérose en plaques a fait l’objet d’essais de traitement par la
de polythérapie ; les dyskinésies de début et de fin de dose chirurgie stéréotaxique, lésionnelle [69] ou par stimulation tha-
et les dystonies des périodes off nécessitent à l’inverse une lamique [121] , avec une cible qui paraît sensiblement différente
augmentation de posologie ou l’ajout d’un antiparkinsonien ; de celle requise dans le traitement du tremblement essentiel.
l’amantadine possède un effet antidyskinétique reconnu depuis Les résultats obtenus dans ces études montrent une réponse
quelques années par son action antagoniste glutamatergique [94] et significative à trois mois, avec une tendance à la réappari-
la clozapine a également montré son efficacité sur les dyskinésies tion du tremblement à 12 mois, portant essentiellement sur
dopa-induites dans une étude récente [120] . Pour les mouvements la composante posturale du tremblement [69] . La sélection des
anormaux précoces des neuroleptiques, les anticholinergiques, patients est particulièrement difficile, notamment en excluant les
si un traitement symptomatique est nécessaire, sont le médica- sujets pour lesquels la participation d’un déficit moteur ou d’une
ment de choix d’autant plus qu’il s’agit d’un sujet jeune. Les ataxie à l’invalidité entraînée par le tremblement est suspectée [70] .
dyskinésies tardives des neuroleptiques nécessitent d’abord le Une observation isolée d’hémiballisme traité par pallidoto-
retrait du médicament suspecté (si cela n’a pas été déjà le cas) mie controlatérale a été rapportée avec une bonne réponse
et la prescription soit de tétrabénazine avec progression poso- clinique [27] : il s’agissait d’une complication rare de la chirurgie
logique prudente [2, 118] , soit de la clozapine en recherchant la lésionnelle du noyau sous-thalamique (pratiquée par certaines
dose minimale efficace. Les dyskinésies d’étiologies lésionnelles équipes dans le traitement de la maladie de Parkinson idiopa-
(vasculaires infectieuses, auto-immunes, métaboliques) peuvent thique).
justifier, s’agissant de syndromes choréiques ou balliques inva- L’efficacité remarquable de la chirurgie pallidale (stimulation
lidants, la prescription transitoire de neuroleptiques à titre pallidale interne) dans le traitement des dystonies généralisées
symptomatique. Enfin, les dyskinésies paroxystiques de la SEP idiopathiques [109] a suscité des travaux dans les dystonies secon-
répondent habituellement soit aux anticonvulsivants (carbama- daires. Ainsi, la dystonie post-anoxique a fait l’objet de rapports
zépine notamment), soit aux anticholinergiques ou à l’acétazola- ponctuels : un effet modeste (sinon nul) a été relevé après stimu-
mide [70] . lation pallidale. Dans les cas d’hémidystonies d’origine vasculaire

EMC - Neurologie 13
17-008-A-10  Mouvements anormaux secondaires (dystonies, myoclonies, tremblements, dyskinésies)

ou post-traumatique, la stimulation thalamique ou pallidale [122] [14] Russmann H, Vingerhoets F, Ghika J, Maeder P, Bogousslavsky J.
a été rapportée comme efficace, tandis qu’une autre observation Acute infarction limited to the putamen and globus pallidus; clinical,
associée à la présence d’une lésion focale intéressant la portion etiologic and topographic features. Arch Neurol 2003;60:351–5.
externe du pallidum à l’origine d’une hémidystonie myoclonique [15] Burton K, Farrel K, Li D, Calne DB. Lesions of the putamen and
était contrôlée de façon très satisfaisante par l’action synergique dystonia: computed tomography and magnetic resonance imaging.
de stimulations thalamique et pallidale [123] . Une étude rétrospec- Neurology 1984;34:962–5.
tive comparant l’efficacité des procédures chirurgicales pallidales [16] Demierre B, Rondot P. Dystonia caused by putamino-capsulo-caudate
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[17] Marsden CD, Obeso JA. The functions of the basal ganglia and
maires et secondaires a montré une réponse bien meilleure dans
the paradox of stereotaxic surgery in Parkinson’s disease. Brain
la dystonie primaire [124] , ce qui confirmait les données d’une
1994;117:877–9.
méta-analyse précédente [125] . Les dystonies tardives, d’après les [18] Mink JW. The basal ganglia and involuntary movements. Impaired
résultats d’une étude multicentrique française, semblent consti- inhibition of competing motor patterns. Arch Neurol 2003;60:1365–8.
tuer en revanche une excellente indication pour la stimulation [19] Pollak P, Vercueil L. Pour un syndrome bipallidal. A propos du syn-
pallidale [126] . Les données actuelles suggèrent que la présence drome parkinsonien par lésion bipallidale. Mouvements 2001;8:14–9.
d’anomalies sur la remnographie cérébrale, surtout si elles sont [20] Laplane D, Levasseur M, Pillon B, Dubois B, Baulac M, Mazoyer B,
diffuses ou multifocales (et à un moindre degré si elles sont et al. Obsessive-compulsive and other behavioral changes with bilate-
limitées en taille, uniques et respectant la portion interne du pal- ral basal ganglia lesions. A neuropsychological, magnetic resonance
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EMC - Neurologie 15
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F. Viallet, Praticien hospitalier, habilitation à diriger les recherches (fviallet@ch-aix.fr).


Service de neurologie, Centre hospitalier du Pays d’Aix, avenue des Tamaris, 13616 Aix-en-Provence cedex 1, France.
L. Vercueil, Praticien hospitalier.
Service de neurophysiologie clinique, Centre hospitalier régional universitaire de Grenoble, BP 217, 38047 Grenoble cedex 9, France.
D. Gayraud, Praticien hospitalier.
B. Bonnefoi, Praticien hospitalier, docteur ès sciences.
L. Renie, Praticien hospitalier.
Service de neurologie, Centre hospitalier du Pays d’Aix, avenue des Tamaris, 13616 Aix-en-Provence cedex 1, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Viallet F, Vercueil L, Gayraud D, Bonnefoi B, Renie L. Mouvements anormaux secondaires (dystonies,
myoclonies, tremblements, dyskinésies). EMC Neurologie 2012;9(2):1-16 [Article 17-008-A-10].

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16 EMC - Neurologie
 17-009-A-10

Myoclonies
M. Borg

Les myoclonies sont de brèves secousses musculaires qui peuvent être causées par une brusque contrac-
tion musculaire (myoclonus positif) ou par l’interruption de l’activité musculaire (myoclonie négative).
Les myoclonies peuvent être physiologiques ou causées par une grande variété de troubles héréditaires ou
acquis. Les myoclonies correspondent à l’électromyogramme à une cocontraction des muscles agonistes
et antagonistes pour les myoclonies positives ou à une période de silence pour les myoclonies négatives.
Les études électrophysiologiques sont indispensables à la compréhension de l’origine d’une myoclonie ;
elle peut être corticale, thalamocorticale, du tronc cérébral ou médullaire. Le mode de survenue d’une
myoclonie et son rythme sont des éléments utiles à la recherche du diagnostic. Les myoclonies peuvent
être associées à une dystonie, comme dans le syndrome myoclonie-dystonie héréditaire, elles peuvent
être associées à un syndrome parkinsonien, où elles ne sont pas rares. Les myoclonies en association avec
l’épilepsie se voient dans les épilepsies symptomatiques ou idiopathiques, avec une mention particulière
pour le nouveau concept de tremblement cortical. Les myoclonies s’observent dans les démences, parti-
culièrement dans la démence à corps de Lewy et la maladie d’Alzheimer. Le piracétam, le valproate et le
clonazépam représentent les produits les plus utiles pour traiter les myoclonies.
© 2012 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Myoclonie ; Myoclonie corticale ; Asterixis ; Épilepsie ; Dystonie

Plan ■ Étiologies 10
Myoclonies et dystonie 10
■ Définition 1 Myoclonies et syndromes parkinsoniens 11
Myoclonies et démences 12
■ Historique 2
Myoclonies et ataxie 13
■ Diagnostic différentiel 2 Myoclonies et épilepsies 13
■ Myoclonies physiologiques 2 Myoclonies et encéphalopathies 16
■ Exploration électrophysiologique 2 Myoclonies d’origine toxique ou médicamenteuse 17
Exploration électromyographique 2 Causes infectieuses et postinfectieuses 17
Enregistrement polygraphique associé électroencéphalogramme Divers 17
et électromyogramme 2 ■ Traitement 18
Potentiels évoqués cérébraux et réflexes de longue latence 3 Produits 18
Magnétoencéphalographie et stimulation magnétique Indications 18
transcrânienne 3
■ Classification clinique 3
D’après leur distribution dans l’espace 3
D’après leur distribution dans le temps 3  Définition
Suivant leur circonstance de survenue 3

La myoclonie est définie comme un mouvement musculaire
Classification neurophysiologique et anatomique 3
involontaire, brusque, bref, résultant soit d’une secousse
Myoclonies corticales positives 3
musculaire (myoclonie positive), soit de l’inhibition brutale de
Myoclonies négatives 4
la contraction musculaire (myoclonie négative) [1] . Vercueil et
Myoclonies sous-corticales 7
Krieger [2] proposent une définition différente, dans une pure
Myoclonies du tronc cérébral 7
tradition dejerinienne : « La myoclonie est un mouvement invo-
Myoclonies médullaires 9
lontaire bref, soudain, réalisant un déplacement unique suivi d’un
Myoclonies périphériques 10
retour à la position initiale. Ce déplacement articulaire peut être

EMC - Neurologie 1
Volume 9 > n◦ 3 > juillet 2012
http://dx.doi.org/10.1016/S0246-0378(12)57572-X
17-009-A-10  Myoclonies

provoqué par une contraction musculaire (myoclonie positive) ou notion du geste antagoniste peuvent aider à la distinction cli-
par l’inhibition d’une activité musculaire (myoclonie négative) ». nique. À l’EMG, le spasme dystonique a une durée de plus de
Pour répondre au besoin d’un outil international de cotation 500 ms qui l’oppose aux caractéristiques des myoclonies.
des myoclonies, le Myoclonus Study Group, réuni en 1998, a Des secousses musculaires involontaires de survenue noc-
approuvé une version finale de l’échelle à utiliser : Unified Myo- turne, nocturnal myoclonus, periodic limb movements in sleep, sont
clonus Rating Scale (UMRS) [3] . d’observation fréquente et peuvent accompagner le syndrome
d’impatience des membres inférieurs. Leur mode d’activation et
leur durée ne permettent pas de les qualifier de myoclonies.
 Historique [1, 2]

Friedreich, en 1881, a utilisé en premier le terme de  Myoclonies physiologiques [2, 4]

« paramyoklonus multiplex ». Il s’agit de la combinaison et de la


contraction de « klonus » pour décrire la secousse clonique et de Le hoquet est une myoclonie touchant certains muscles abdo-
« myo » pour muscle. Il est probable que Dubini, en 1846, a décrit minodiaphragmatiques, répondant à un stimulus, le plus souvent
sous le terme de « chorée électrique », un tableau d’encéphalite d’origine digestive. Il existe lors du sommeil des myoclonies hyp-
associée à des myoclonies. Dans la littérature française, le terme nagogiques (sleep startles), survenant lors de l’endormissement,
de myoclonie est consacré par l’usage, pour l’opposer aux termes touchant les muscles des membres inférieurs plus particulière-
de « clonie », et de « clonus », utilisés pour d’autres situations ment. Les myoclonies fragmentaires associées au sommeil, intéressent
cliniques de mécanisme distinct. Adams et Foley, en 1949, intro- presque exclusivement les muscles de la face et des mains, sur-
duisent le terme d’« asterixis » pour décrire des inhibitions de venant dans la période rapid eye movement (REM) et non-REM,
la contraction musculaire. Shahani et Young, en 1976, pro- et peuvent durer plusieurs minutes à plusieurs heures. Les myo-
posent plutôt celui de « myoclonie négative ». Gibbs (1935) et clonies du sommeil du nouveau-né, sont des secousses rythmiques
Jasper (1938), puis Gastaut et Remond (1952) et Gastaut (1968) et synchrones touchant les quatre membres avec une prédomi-
définissent la séméiologie électroencéphalographique des myo- nance distale, elles surviennent durant la période sommeil et
clonies et leur relation avec divers syndromes myocloniques. disparaissent lors de l’éveil. Plus rarement, il existe des myoclonies
En 1967, Halliday propose une classification des myoclonies lors de la veille, souvent mêlées de fasciculations et de tremble-
basée sur leur caractère électrophysiologique, en trois catégories ment d’attitude, généralement au cours d’un effort musculaire ou
majeures : pyramidales, extrapyramidales et segmentaires. Hal- de l’épisode de repos qui le suit et pour certaines postures des
lett (1985), en se basant sur les données électrophysiologiques membres. Le sursaut diurne représente une secousse généralisée
recueillies au niveau cortical, divise les myoclonies en deux brusque prédominant sur la moitié supérieure du corps, suite à
catégories : épileptiques (la myoclonie représente un « fragment une réaction de surprise.
d’épilepsie » entraînant une participation directe ou indirecte du
cortex), et non-épileptiques (sans participation corticale). Shiba-
saki, en 1996, fait une distinction en fonction du générateur
supposé à l’origine des myoclonies ; cortical, sous-cortical et  Exploration
spinal. électrophysiologique [5]

Exploration électromyographique
 Diagnostic différentiel [1, 2]
La myoclonie se caractérise par une activité de début et fin
brusque, touchant simultanément muscles agonistes et anta-
Le tic moteur simple peut donner l’apparence d’une myoclonie
gonistes. La durée n’est plus considérée comme un critère
par son caractère bref et élémentaire. Mais son aspect stéréotypé,
diagnostique. L’aspect EMG de la myoclonie négative correspond
son intrication possible à d’autres manifestations motrices et/ou
à un silence EMG qui tend à survenir de façon synchrone dans
vocales, le « besoin » d’accomplir l’acte moteur, son contrôle, du
les muscles agonistes et antagonistes, mais sans le même degré.
moins temporairement par la volonté, sont autant d’éléments
Une myoclonie rythmique peut être confondue avec un tremble-
utiles au diagnostic.
ment, mais elle présente une configuration en onde carrée avec des
Certaines grosses fasciculations peuvent entraîner un dépla-
pauses entre chaque contraction et sans rythme alternant entre
cement musculaire limité. Son intégration au reste du tableau
agonistes et antagonistes.
clinique, l’existence de fasciculations plus classiques et la présence
d’un tracé neurogène à l’électromyogramme (EMG), permettent
la distinction.
Les mouvements choréiques peuvent parfois donner l’impression
Enregistrement polygraphique associé
de myoclonies par leur côté brusque. Mais, dans la chorée, le mou- électroencéphalogramme
vement anormal est un flux continu se distribuant au hasard, et électromyogramme
tendant à diffuser et à s’intégrer dans la réalisation du geste, lui
donnant parfois un aspect dystonique par sa durée. Cependant, Le Jerk-locked back averaging permet une étude plus précise
certaines myoclonies multifocales d’action, touchant la partie de la relation spatiotemporelle entre myoclonie et activité élec-
proximale des membres et se répétant lors de la réalisation du troencéphalographique (EEG). Le début d’une décharge EMG de
geste, peuvent en imposer pour un état choréique. la myoclonie est employé pour servir de déclenchement à un
Les myokimies, se présentent sous forme de mouvements conti- moyennage rétrograde de l’activité EEG enregistrée. Dans le silent
nus de frémissement ou d’ondulation vermiculaire de la peau period-locked back averaging la période de silence EMG, témoin de
recouvrant le muscle, sans provoquer de déplacement et moins l’asterixis, va servir de déclenchement à un moyennage rétro-
brèves que les myoclonies. Elles peuvent concerner de petits grade de l’activité EEG précédant la survenue de la myoclonie
muscles, entraînant alors un déplacement perceptible répété qui, négative. Le signal numérisé est analysé en fonction du spectre
lorsqu’elles sont amples et rythmiques, posent un problème de de fréquence, ce qui permet pour chaque électrode d’apprécier
diagnostic avec une myoclonie. l’amplitude du signal en fonction de la bande passante de la
Le tremblement représente un mouvement oscillatoire régulier et fréquence considérée [6] Les valeurs numériques sont représen-
rythmique autour d’un axe articulaire et l’EMG permet aisément tées sur une image cartographique. La technique de modélisation
de distinguer l’alternance régulière agoniste-antagoniste, d’autant dipolaire rend compte de façon optimale de l’activité cérébrale,
plus que certaines myoclonies rythmiques peuvent simuler un représentée sous forme d’un ou plusieurs dipôles-équivalents,
tremblement. qui reportés sur une imagerie par résonance magnétique (IRM),
Les spasmes dystoniques peuvent prêter à confusion, mais le donnent un aspect tridimensionnel de reconnaissance de la
caractère stéréotypé, la présence d’une posture anormale, la source.

2 EMC - Neurologie
Myoclonies  17-009-A-10

Potentiels évoqués cérébraux et réflexes d’oscillation qui vont durer quelques secondes pour s’effacer
ensuite (certains cas de myoclonies oscillatoires sont considérés
de longue latence comme une forme de tremblement d’action [7] ).
L’étude des potentiels évoqués corticaux en réponse à des sti-
muli appropriés est utile pour démontrer la participation du cortex Suivant leur circonstance de survenue
dans les voies réflexes. Le traitement informatisé du signal per-
met une meilleure étude. Dans l’étude des réflexes de longue Les myoclonies spontanées sont celles qui surviennent sans
latence, le nerf est stimulé par voie cutanée et l’on recueille l’intervention d’un facteur régulièrement déclenchant, au repos.
l’activité musculaire induite. L’onde C est étudiée après l’onde Les myoclonies provoquées sont celles qui surviennent principale-
M et F, mais avant la fin de la période de silence, sa latence ment, sinon exclusivement, sous l’effet de facteurs déclenchants :
est de 40 à 58 ms pour la main. Ce réflexe n’est pas observé • lors de l’activité musculaire (myoclonies d’action) : la réalisation
habituellement, il est intéressant d’étudier en même temps les d’un geste volontaire (myoclonies d’action proprement dites), le
potentiels évoqués somesthésiques (PES), mais aussi d’enregistrer maintien d’une attitude (myoclonie d’attitude ou de posture), dans
la réponse motrice controlatérale. La stimulation cutanée, cou- l’intention d’un geste destiné à atteindre une cible (myoclonies
plée aux divers enregistrements cérébraux, permet d’étudier d’intention). À ce titre, on peut considérer la myoclonie négative
l’arc réflexe impliqué dans le déclenchement d’une myoclonie comme une forme de myoclonie d’action ;
induite, en particulier les circuits transcorticaux à point de départ • en réponse à une stimulation (myoclonies réflexes ou stimu-
proprioceptif. losensibles) : stimulation lumineuse intermittente (myoclonies
photosensibles ou photo-induites), stimulation auditive, stimula-
tion somesthésique, extéroceptive ou proprioceptive.
Magnétoencéphalographie et stimulation
magnétique transcrânienne
La magnétoencéphalographie (MEG) est une technique de
 Classification
mesure des champs magnétiques induits par l’activité électrique neurophysiologique et anatomique
des neurones du cerveau ; elle n’est pas influencée par la traver-
sée des milieux extracérébraux. Lui est appliquée la technique Shibasaki [5] , en 2000, a proposé une classification compre-
de moyennage rétrograde basée sur une myoclonie et des trai- nant les myoclonies corticales (spontanées, réflexes, épilepsie
tements informatisés du signal. La détection des myoclonies est partielle continue), les myoclonies sous-corticales (essentielles,
ainsi améliorée et des informations essentielles sur la propagation périodiques, dystoniques, du voile du palais, sursaut) et les myo-
spatiotemporelle des activités cérébrales liées à une myoclonie clonies spinales. La classification de Fahn [1] , en 2002, considère
sont obtenues. De la même façon, la MEG peut mieux étudier les myoclonies corticales, de façon identique, les myoclonies tha-
les activités cérébrales déclenchées suite à un stimulus péri- lamiques, les myoclonies du tronc cérébral (réticulaire, sursaut,
phérique qui induit une myoclonie. La stimulation magnétique du voile du palais, oculaire), les myoclonies spinales. Ce qui suit
transcrânienne (SMT) est une technique intéressante pour étu- n’est pas une classification, mais l’exposé de ce qui est admis sur
dier les modifications de l’excitabilité du cortex moteur chez les le plan neurophysiologique et anatomique.
patients présentant des myoclonies. Elle permet d’appréhender
les capacités d’hyperexcitabilité corticale motrice et les capa-
cités des contrôles inhibiteurs intracorticaux, responsables de Myoclonies corticales positives [5, 8, 9]
myoclonies.
Clinique
Elles sont, sur le plan topographique :
 Classification clinique [1, 2] • soit souvent focales et limitées, concernent principalement les
muscles des parties les plus distales des membres et les muscles
D’après leur distribution dans l’espace de la face, parfois touchant les deux membres inférieurs gênant
la position debout et la marche ;
Les myoclonies focales, intéressent un petit muscle ou simul- • soit généralisées, touchant de façon bilatérale et simultanée
tanément plusieurs muscles, souvent au niveau des extrémités les muscles concernés et responsables de secousses musculaires
distales ou de la face. Les myoclonies segmentaires intéressent simul- plus importantes ;
tanément plusieurs muscles, touchant deux ou plusieurs régions • soit, multifocales, affectant plusieurs parties du corps de façon
contiguës du corps et responsables de déplacements musculaires. bilatérale, mais non synchrone.
Les myoclonies multifocales, intéressent de nombreuses régions du Elles sont, sur le plan de la distribution dans le temps :
corps, le plus souvent non contiguës. Les myoclonies généralisées • soit souvent intermittentes et irrégulières ;
peuvent intéresser le corps dans tout son ensemble (myoclonies • soit répétitives de façon plus ou moins rapides et/ou ryth-
massives), pouvant entraîner même la chute, alors que les myo- miques.
clonies axiales représentent un aspect particulier de myoclonies Sur le plan des circonstances de survenue, elles sont habituelle-
généralisées, touchant le cou, le tronc, la partie proximale des ment absentes au repos complet. Souvent la myoclonie corticale
membres. Elles peuvent être bilatérales (symétriques ou asymé- fait suite à un stimulus ; on parle de myoclonie corticale réflexe. Les
triques) ou unilatérales. stimuli déclenchants sont principalement sensitifs et propriocep-
tifs (contact, percussion d’un tendon) ; une forme particulière est
représentée par les myoclonies corticales réflexes photosensibles [10] ,
D’après leur distribution dans le temps déclenchées par un flash lumineux. Les myoclonies corticales
réflexes sont souvent déclenchées ou exagérées par la posture,
Les myoclonies intermittentes surviennent à intervalles de temps
le mouvement volontaire de la portion correspondante ou par
longs et irréguliers. Les myoclonies permanentes ou répétées sont
l’attention et l’émotion.
celles qui se répètent à bref intervalle pendant une certaine
période de temps, les myoclonies périodiques font partie de
ce groupe. Suivant la concordance de survenue des secousses
Électrophysiologie [5, 8, 9]
myocloniques à travers le corps, on peut parler de myoclonies Il se produit des décharges EMG brèves de 10 à 30 ms (infé-
synchrones ou asynchrones. Suivant que l’intervalle de temps qui rieures à 50 ms), touchant agonistes-antagonistes ; l’activation des
sépare les myoclonies permanentes, est régulier ou irrégulier, muscles se fait selon une séquence utilisant les voies à conduction
on peut parler de myoclonies rythmiques ou arythmiques. Une rapide. Il y a amplification des PES (potentiels évoqués géants ;
variété particulière est représentée par les myoclonies oscilla- 20-50 ␮V). Les composantes tardives, P25 et N35, localisées dans
toires ; myoclonies rythmiques, paroxystiques donnant un aspect les régions centrales controlatérales au stimulus, sont amplifiées.

EMC - Neurologie 3
17-009-A-10  Myoclonies

l’autre côté, survenant 10 ms après la réponse C ipsilatérale, est


Synchronisation possible, liée à un PES géant recueilli sur le cerveau ipsilatéral à
la stimulation du nerf périphérique, traduisant une conduction
EEG moyenné transcallosale.

F4 Physiopathologie et nosologie [5, 8, 9]


C4 Ces caractéristiques traduisent l’hyperexcitabilité ou la désin-
hibition du cortex sensorimoteur. De plus, le dysfonctionnement
des interneurones inhibiteurs corticaux libère les influences
P4 facilitatrices interhémisphériques qui, chez les sujets normaux,
sont masquées par de puissants phénomènes inhibiteurs [9] . La
F3 myoclonie corticale ainsi générée est propagée par les voies cor-
ticospinales à conduction rapide. Uesaka [13] identifie trois types
C3 de myoclonies corticales ; deux d’entre elles dépendent du cor-
tex sensitif et sont à la fois spontanées et réflexes ; le troisième
P3 type est représenté par les myoclonies corticales motrices, géné-
rées par des décharges spontanées dans le cortex moteur. L’origine
neurophysiologique corticale génératrice d’une myoclonie ne pré-
juge pas du siège de la pathologie. Le cortex est anormal dans
EMG rectifié certaines pathologies, alors que dans d’autres il est indemne,
moyenné mais soumis à des influences anormales le rendant hyperex-
citable. Tijssen [14] , dans une étude neuropathologique, montre
l’absence de toute altération histologique corticale, confirmant
100 ms Latence : 22 ms que l’hyperexcitabilité du cortex sensorimoteur peut être le fruit
des effets d’une pathologie distante dans le cervelet. Des phé-
Figure 1. Myoclonie corticale épileptique au cours d’une épilepsie nomènes de désinhibition par les voies afférentes corticales
myoclonique juvénile. Pointe-onde à l’électroencéphalogramme (EEG), modulant l’excitabilité du cortex sensorimoteur primaire sont
avec la pointe corticale qui précède la myoclonie de 22 ms. EMG : supposés [2] . Il existe un débat pour savoir s’il faut distinguer
électromyogramme. myoclonie corticale et myoclonie épileptique. D’une façon radi-
cale, pour certains, dès qu’une myoclonie est en relation avec
une activité électrophysiologique corticale identifiable, celle-ci
Le complexe P30-N30, dont l’origine est située sur la partie posté-
est de nature épileptique, « fragment d’épilepsie », et il n’y a pas
rieure du sillon central, est également amplifié. Il existe également
de distinction entre les termes de myoclonie corticale et épilep-
une réponse évoquée somesthésique bilatérale pour une stimula-
tique. Pour d’autres, les deux termes sont indépendants. Celui
tion unilatérale. La stimulation sensitive par train, chez certains
de « myoclonie corticale » est témoin d’une constatation et d’un
patients, peut déterminer un deuxième PES (PES2) après le PES1,
concept électrophysiologique, se réfère au lieu de production
arrivant moins de 100 ms après. Lors de la MEG, N20 m et P30 m
finale de la myoclonie au sein du système nerveux central et ne
sont amplifiés et plutôt situés sur la berge postérieure du sillon
préjuge en rien de son intégration dans un mécanisme physiopa-
central (aire 3b de Brodmann). En plus, les composantes P25 m et
thologique, en particulier épileptique ; ce terme est plus en usage
N35 m peuvent être enregistrés et P25 m est l’onde la plus précoce
dans le milieu des neurophysiologistes. Le terme de « myoclonie
qui présente le phénomène d’amplification. L’étude du dipôle-
épileptique » traduit plus l’intégration de ce mouvement anormal,
équivalent couplé à l’IRM montre que le générateur de P25 m est
produit par le cortex, au sein d’un contexte physiopathologique
le plus souvent au niveau du gyrus précentral que postcentral [11] .
et étiologique épileptique ; dans le milieu épileptologique, la
Pour Ugawa [9] , les PES amplifiés traduisent une exagération des
myoclonie est considérée comme épileptique si elle est combi-
réponses, générées principalement au niveau du cortex moteur
née avec une pointe-onde [15] qui, à sa façon, traduit une nature
et, pour une part, au niveau du cortex sensitif. La SMT du cortex
physiopathologique épileptique. Pour Obeso [10] , il existe vraisem-
moteur déclenche une réponse motrice controlatérale de courte
blablement une continuité entre myoclonie corticale et épilepsie,
latence de même que, parfois, une réponse tardive ipsilatérale,
insistant sur le continuum entre les myoclonies corticales réflexes,
témoin de l’hyperexcitabilité corticale. Les myoclonies sont pré-
suite à une variété de stimulation, les myoclonies corticales
cédées d’un évènement EEG fixe dans le temps, le plus souvent mis
d’action, en réponse à un mouvement volontaire, les myoclonies
en évidence par la technique de moyennage rétrograde (Fig. 1) :
corticales spontanées, qui surviennent sans aucune activation,
onde biphasique (positive-négative), une pointe négative ou posi-
parfois pendant des périodes de temps prolongées, constituant
tive. Elle est d’une durée brève de 15 à 40 ms, focale, de la région
alors une épilepsie partielle continue (EPC), et les épilepsies motrices
centrale controlatérale, et précède (moins de 50 ms) la secousse
focales, dans lesquelles les myoclonies diffusent et s’étendent
myoclonique, de 10 à 30 ms pour les membres supérieurs et 25 à
selon un mode jacksonien, pouvant parfois aboutir à une généra-
40 ms pour les membres inférieurs. Dans les myoclonies multifo-
lisation secondaire (Tableau 1).
cales, l’EEG indique des décharges de pointe multifocales, que le
moyennage rétrograde montre reliées pour chacune d’elles avec
une myoclonie focale différente. Les études par MEG montrent Myoclonies négatives [16–18]
que les pointes précédant les myoclonies corticales prennent nais-
sance dans les aires motrices précentrales mais, dans certains cas, Autant les myoclonies positives sont visibles spontanément,
leur origine est dans le cortex post-central sensitif. Avant chaque autant les myoclonies négatives sont sous-estimées et méconnues,
potentiel EEG prémyoclonique surviennent des potentiels oscilla- car elles demandent à être recherchées. Adams et Foley, en 1949,
toires rythmiques allant en se construisant graduellement, d’une décrivent des mouvements involontaires dans l’encéphalopathie
fréquence de 16-20 Hz ; il s’agit d’une exagération anormale des hépatique, ressemblant à un tremblement, flapping tremor, et cor-
rythmes intrinsèques propres du cortex moteur [12] . La réponse C respondant à une inhibition temporaire de l’activité musculaire à
peut être facilement retrouvée, par EMG, sur un muscle au repos, l’EMG ; plus tard, ces auteurs préfèrent le terme d’« asterixis » pour
activité survenant dans les muscles de la main, 40-45 ms après sti- désigner cet événement clinique. En 1976, Shahani et Young uti-
mulation du nerf médian au poignet. La réponse C survient à peu lisent le terme de negative myoclonus et, en 1986, ils caractérisent
près 20 ms après P25 et recueil d’un PES géant récolté sur le cer- l’asterixis comme un type de myoclonie négative. En 1990, Tassi-
veau controlatéral à la stimulation électrique du nerf. Les données nari utilise le terme de « myoclonie négative épileptique » (epileptic
suggèrent que le potentiel prémyoclonique de l’EEG est généré negative myoclonus) en substitution à sa propre formule, proposée
par des mécanismes similaires à ceux qui déterminent l’aspect de quelques années auparavant et passée inaperçue : related epileptic
PES géant [5] . Une réponse C recueillie dans les mêmes muscles de silent period. Shibasaki, en 1994, établit l’origine corticale réflexe

4 EMC - Neurologie
Myoclonies  17-009-A-10

Tableau 1. temporaire de l’activité musculaire, résultant d’une brusque


Causes des myoclonies corticales positives (d’après [5] ). rupture du tonus de posture, sans mise en évidence d’un phé-
Épilepsies myocloniques progressives
nomène myoclonique qui la précède et reliée dans le temps à
un événement paroxystique EEG.
Épilepsies idiopathiques avec myoclonies
À l’opposé, Shibasaki [16] , propose une classification séparant,
Épilepsie bénigne avec pointes centrotemporales d’une part, les myoclonies négatives épileptiques, au sens large du
Épilepsie partielle bénigne atypique terme, générées à partir du cortex, et particulièrement observées
Syndrome de Lennox-Gastaut dans des affections épileptiques et l’asterixis, unilatéral ou bila-
Syndrome de Doose
téral, d’autre part, témoin d’une expression clinique particulière
des myoclonies négatives qui, le plus souvent, n’est pas d’origine
Myoclonies du syndrome de Down (LOMEDS)
corticale.
Encéphalopathie postanoxique
Épilepsie partielle continue Asterixis [16, 19]
Maladies dégénératives des ganglions de la base (Parkinson, Huntington, L’asterixis est plus le fait d’une description clinique, alors que
dégénérescence corticobasale, atrophies multisystématisées)
le terme de myoclonie négative fait beaucoup plus référence à
Maladie d’Alzheimer une donnée neurophysiologique. Dans l’asterixis, l’interruption
Démence à corps de Lewy de la contraction musculaire apparaît après un temps de maintien
Maladies à prions d’attitude et provoque la chute du membre tendu. L’asterixis peut
Démence frontotemporale
être focal ou toucher plusieurs muscles adjacents simultanément,
mais il est habituellement multifocal, pouvant se répéter pendant
Ataxies myocloniques progressives
plusieurs secondes. Il est très souvent arythmique, mais un aspect
Encéphalites virales avec ou sans participation médullaire pseudorythmique (5-11 Hz) est possible, le faisant ressembler à un
Myoclonies photosensibles tremblement postural. C’est dans ces formes rythmiques, donnant
Myoclonus idiopathique réflexe l’aspect d’un tremblement postural, que l’on utilise le terme de
Tremblement cortical avec ou sans épilepsie associée
metabolic tremor, de flapping tremor ou encore de « miniasterixis ».
L’asterixis est souvent aperçu en association avec un trouble de
Encéphalopathies métaboliques
la conscience, mais cette caractéristique est loin d’être absolue.
Angiopathie amyloïde cérébrale L’aspect EMG de l’asterixis correspond à un « silence » d’une durée
Maladie cœliaque de 50 à 200 ms dans les muscles des membres ; parfois des périodes
Syndrome de Rett de 300 à 500 ms peuvent être observées. Le silence EMG tend à
Syndrome d’Angelman
survenir de façon synchrone dans les muscles agonistes et anta-
gonistes d’un même membre, mais sans la même amplitude. En
Encéphalopathies toxiques
1989, Ugawa montre qu’il existe deux types d’asterixis à l’EMG
Lésion corticale focale et dysplasie corticale (Fig. 2) :
• dans le type I, la période de silence EMG fait immédiatement
suite à une activité musculaire de base soutenue ;
de certaines myoclonies négatives. En 1995, Obeso19 a proposé • dans le type II, une longue période de silence EMG fait immé-
une distinction des myoclonies négatives en quatre catégories diatement suite à une brève décharge EMG, elle-même précédée
cliniques différentes : par une courte période de silence EMG, l’accéléromètre ne
• la myoclonie négative physiologique, détectable chez des per- détectant une modification qu’après la longue période de
sonnes qui tombent de sommeil ou après effort physique silence et non lors de la brève décharge EMG.
soutenu, ou pouvant être induite par la peur ou par une sti- Dans l’asterixis de type I, il n’y a aucune activité EEG qui lui
mulation inattendue, s’exprimant au niveau du cou et/ou des soit relié, en faveur d’un défaut de participation corticale. En
membres supérieurs ; revanche, dans les asterixis de type II, une activité EEG dans la
• l’asterixis, caractérisé cliniquement par une perte de tonus région corticale controlatérale centrale précède la myoclonie posi-
musculaire volontaire des bras, de survenue arythmique, uni- tive, réalisée probablement à partir du cortex moteur, ayant valeur
latéral ou bilatéral et asynchrone entre les deux bras, donnant de myoclonie d’action sans expression clinique. Ces résultats sont
un aspect semblable à un tremblement ; similaires avec ceux des myoclonies corticales et suggèrent que
• l’atonie posturale (postural lapses), qui consiste en des inter- certains asterixis sont produits par une période de silence faisant
ruptions brusques du tonus musculaire des muscles de suite à une myoclonie corticale d’action infraclinique.
posture antigravifiques (membres inférieurs, tronc, cou), durant
200-500 ms, pouvant se répéter pendant plusieurs secondes, Asterixis dans les encéphalopathies
habituellement faisant suite à une décharge de potentiel myo- L’asterixis est à expression bilatérale et observé dans les
clonique, responsable de gêne pour tenir debout et marcher, encéphalopathies hépatiques et métaboliques, où une ori-
donnant, dans les cas les plus caractéristiques, une démarche gine sous-corticale est supposée [16] . Timmermann [20] , dans
« sautillante » ; le miniasterixis par encéphalopathie hépatique, montre des
• les myoclonies négatives épileptiques, décrites chez des patients éléments électrophysiologiques en faveur d’une perturbation
épileptiques, définies par Tassinari comme une inhibition du couplage oscillatoire thalamocortical moteur, responsable

Figure 2. Encéphalopathie stu-


poreuse au valproate.
Extenseurs A. Asterixis de type I.
Extenseurs
du poignet B. Asterixis de type II, chez la même
du poignet
patiente.

Fléchisseurs Fléchisseurs
du poignet du poignet

100 ms A 100 ms B

EMC - Neurologie 5
17-009-A-10  Myoclonies

d’une transmission pathologique par le cortex moteur. Dans


l’encéphalopathie urémique l’asterixis se mêle à des myoclonies
positives, et certains asterixis sont de nature corticale. Certains
antiépileptiques, comme le valproate, et la carbamazépine sont EEG moyenné
connus pour exagérer les myoclonies négatives ou déterminer
un asterixis en cas d’encéphalopathie, comme celle induite par
le valproate, où l’origine corticale de certains asterixis a pu être C4
démontrée par Aguglia [21] .

Asterixis unilatéral
Un asterixis unilatéral typique peut se voir avec différentes
lésions cérébrales. L’asterixis est sur un membre sans déficit
moteur ou avec au maximum une hémiparésie ou une négligence
motrice. Les lésions anatomiques concernent fréquemment le tha-
lamus [22] , puis les lésions du lobe pariétal, moins fréquemment
la capsule interne et le cortex frontal médial, mais également
le tronc cérébral ou le cervelet. Des troubles de la propriocepti- EMG moyenné
vité sont souvent associés et doivent participer à l’expression de
l’asterixis [22] . Tatu [22] observe que dans les cas d’asterixis unila-
téral par lésions thalamiques, il existe des asterixis de type I de
façon isolée, mais des asterixis de type II sont également enregis-
trés en association avec le type I, sans anomalies EEG. Une lésion
> <
focale cérébrale peut être responsable d’un asterixis bilatéral, avec 100 ms Latence : 34 ms
ou sans prédominance unilatérale ; ainsi, dans les accidents isché-
miques cérébraux les lésions impliquées se retrouvent dans le Figure 3. Myoclonie corticale négative. Présence d’une myoclonie posi-
tronc cérébral, le plus souvent dans sa partie rostrale. tive infraclinique, suivie d’une période de silence. La pointe corticale
négative arrive 34 ms avant la myoclonie positive. EEG : électroencépha-
logramme ; EMG : électromyogramme.
Myoclonie négative épileptique
Les myoclonies négatives épileptiques sont principalement uni-
latérales, mais elles peuvent être à expression bilatérale. Il s’agit de Brodmann [26] , d’autres proposent un générateur cortical post-
d’un évènement moteur souvent méconnu, s’exprimant par une central [24, 25] , alors que Tassinari [17] , implique une double origine,
chute d’objet, par une instabilité soudaine, un hochement de corticale centropariétale et frontale motrice supplémentaire.
tête, une chute, voire un aspect de négligence motrice d’un
bras lorsque le trouble est répétitif [17] . Chez certains, les myo- Atonie posturale ou défaillance de la statique
clonies négatives épileptiques prennent un caractère permanent (« postural lapses »)
et représentent une forme d’épilepsie partielle continue [6, 23, 24] .
Dans certains cas, elle peut être considérée comme une expres-
Les causes de myoclonies négatives épileptiques sont variables,
sion clinique particulière d’une myoclonie corticale négative.
mais elles sont principalement observées dans l’épilepsie bénigne
Observée dans le contexte d’affections épileptiques, elle est consi-
de l’enfant avec pointes centrotemporales (à paroxysme rolan-
dérée comme une forme clinique particulière de myoclonie
dique) [25] et dans les épilepsies myocloniques progressives. Dans
négative de nature épileptique [16] . On la rencontre particu-
la conception restrictive de Tassinari [17] , la myoclonie néga-
lièrement dans les épilepsies myocloniques progressives, dans
tive épileptique ne s’accompagne pas de modification de l’EMG
certaines encéphalopathies épileptiques, dans « l’épilepsie par-
avant la période de silence car, dans ce cas, pourrait se poser
la question d’une période d’inhibition faisant suite à une myo- tielle bénigne atypique ». À l’EMG les périodes de silence
clonie d’action infraclinique. Pour d’autres [6, 16] , les myoclonies musculaire de 200-500 ms, font suite à une brusque bouffée
négatives épileptiques peuvent couvrir plusieurs phénomènes et d’activité musculaire. Le moyennage rétrograde montre à l’EEG
résulter, suivant les cas, de mécanismes d’inhibition primaire ou une petite onde abrupte au niveau frontal précédant la bouffée
secondaire, déclenchés par une activité paroxystique au niveau musculaire EMG, suivie à l’EEG par une onde lente de localisa-
cortical. Dans ces cas, leur dénomination de nature épileptique est tion centrale, précédant la période de silence de l’EMG [16] . Pour
plus en rapport avec le contexte étiologique épileptique qu’avec Obeso [19] , à l’instar de l’asterixis, d’autres cas sont par contre de
nature sous-corticale, d’autant plus que ce type de symptôme peut
son type de présentation électrophysiologique [6, 16] . À l’EMG,
être visible dans des pathologies sans participation corticale et
il existe une longue période de silence de 100-200 ms, pou-
épileptique, ces atonies posturales, seraient, en fait, une forme
vant aller jusqu’à 400 ms. À l’EEG, il existe une activé cérébrale clinique particulière de l’asterixis d’origine sous-corticale.
paroxystique précédant la phase de myoclonie négative de 20 à
40 ms. Pour Tassinari [17] , les myoclonies négatives épileptiques se
subdivisent en :
Myoclonies corticales négatives : aspect réflexe [16]
• formes idiopathiques, avec myoclonies négatives principalement Les myoclonies négatives peuvent être corticales dans leur pro-
unilatérales ou bilatérales, parfois associées à des crises par- duction, avec des présentations cliniques et physiopathologiques
tielles motrices, dont l’aspect syndromique a une similarité particulières ; asterixis d’origine corticale, myoclonie négative épi-
avec l’« épilepsie bénigne avec pointes centrotemporales », et leptique, certains cas d’atonie posturale. Chez des patients avec
bonne évolution ; dans d’autres cas, l’aspect évoque celui des myoclonies corticales, les myoclonies positives et négatives
de l’« épilepsie partielle bénigne atypique de l’enfant ». Dans sont observées, ou indépendamment, ou en se combinant. Dans
certains cas, les myoclonies négatives épileptiques peuvent certains cas la myoclonie, sur un même membre, peut être positive
représenter l’unique élément des crises épileptiques ; au repos, et négative lors de la posture. Dans la myoclonie corti-
• formes cryptogéniques, où les myoclonies négatives unilatérales cale négative complexe, la période de silence EMG est précédée par
ou hémicorporelles s’associent parfois à des absences ou des une augmentation abrupte de l’activité EMG, il s’agit alors d’une
crises partielles complexes ; il existe des perturbations neuro- myoclonie corticale positive, sans expression clinique, précédant
psychologiques et parfois du langage ; la myoclonie corticale négative (Fig. 3). L’opposant à la myoclo-
• formes symptomatiques, dans un contexte d’encéphalopathie nie corticale négative pure, dépourvue de ce type d’association [16] ,
épileptique d’origine diverse. cette dernière est retrouvée dans la myoclonie négative épilep-
La localisation génératrice des myoclonies négatives épilep- tique suivant la conception de Tassinari. Dans certains cas, la
tiques fait encore l’objet de discussion. Certains proposent une myoclonie corticale négative est liée à l’onde lente d’une pointe-
origine frontale au niveau prémoteur correspondant à l’aire 6 onde ; dans d’autres cas, elle est liée à la composante positive

6 EMC - Neurologie
Myoclonies  17-009-A-10

Tableau 2. entrées dans le cortex moteur, résultat d’une activité épileptique


Causes de myoclonie négative. spontanée survenant soit des aires prémotrices soit du cortex
Encéphalopathies métaboliques post-central, ou résultat d’une hyperexcitabilité du cortex sen-
sitif, peut activer le système moteur inhibiteur qui est en état
Encéphalopathie statique
d’hyperactivité, et supprimer ainsi, les décharges dans le tractus
Encéphalopathie septique corticospinal [16] .
Traitements anticonvulsivants
Produit de contraste, en particulier le métrizamide
Myoclonies sous-corticales
Syndrome démence-myoclonie des hémodialysés
Delirium tremens Comme pour les myoclonies corticales, les myoclonies sous-
corticales peuvent survenir spontanément ou faire suite à une
Embolie graisseuse
variété de stimulation périphérique. Au contraire des myoclo-
Troubles hydro-ioniques nies corticales elles sont le plus souvent généralisées, rarement
Lithium, sédatifs, tranquillisants, anesthésiques elles prennent un aspect focal. Il existe un certain nombre de
Syndromes de malabsorption-stéatorrhée myoclonies pour lequel une origine sous-corticale est supposée
Salycilés (syndrome myoclonie-dystonie), cependant le point de départ de
la génération des décharges, est moins bien connu et à l’heure
Insuffisance cardiaque
actuelle il n’existe pas de caractéristiques neurophysiologiques
Syndrome d’hyperviscosité sanguine-polycythémie consensuelles des myoclonies sous-corticales. Le thalamus semble
Encéphalopathie par la Dopa ou les agonistes dopaminergiques jouer un rôle important dans la genèse de certaines myoclonies
Syndrome de Lance-Adams sous-corticales.
Atrophies multisystèmes Quelques situations sont à retenir cependant :
• les « myoclonies généralisées épileptiques », dans l’épilepsie
Maladie de Creutzfeldt-Jakob
idiopathique, sont des myoclonies thalamocorticales. D’après
Syndrome de Lennox-Gastaut les études animales, la substance réticulaire thalamique génère
Syndrome de Doose le phénomène rythmique d’une boucle thalamocorticale en
Syndrome de West état d’hyperexcitabilité. Cette situation entraîne au niveau du
Syndrome de Fejerman cortex des pointes généralisées, qui prédominent au niveau
du cortex moteur. Les pointes, à travers les mêmes voies des-
Épilepsie avec absences myocloniques
cendantes que pour le myoclonies corticales, produisent les
Épilepsies myocloniques progressives myoclonies généralisées [15] . Les décharges corticales générali-
Épilepsie bénigne avec pointes centrotemporales sées précèdent les myoclonies massives avec une courte latence.
Épilepsie partielle bénigne atypique C’est ce même mécanisme qui est également retenu pour le
minipolymyoclonus d’origine centrale de Wilkins [27] ;
Tremblement cortical avec ou sans épilepsie
• soit les décharges prennent leur origine dans certaines struc-
Psychogène tures sous-corticales, avec une diffusion descendante vers les
structures motrices d’aval (responsable des myoclonies), mais
aussi diffusion ascendante possible vers des structures corticales
(non à l’origine de myoclonies). Cette situation est rencontrée
d’une polypointe-onde [15] . De même, les myoclonies corticales dans certaines « myoclonies périodiques ». Les PES et réflexe C
négatives peuvent être réflexes (myoclonie corticale négative réflexe), sont normaux. S’il existe à l’EEG des décharges paroxystiques
la stimulation du nerf périphérique sur un membre maintenant diffuses, elles ne sont pas dans une relation de temps fixe par
une position active, déclenche une période de silence de l’activité rapport à la décharge EMG de la myoclonie ou avec un délai
musculaire. Il existe une amplification des composantes corticales long.
précoces au niveau des PES. Les myoclonies corticales négatives
sont étroitement liées à la survenue d’un PES géant, tout comme
les myoclonies corticales positives. La période de silence dure Myoclonies du tronc cérébral
plus de 50 ms (100 à 400 ms) et démarre, en moyenne, entre
64 à 94 ms après la stimulation. La période de silence peut-être
Myoclonies réticulaires réflexes [28, 29]
précédée par un bref rehaussement de l’activité musculaire, cor- Il s’agit de myoclonies présentes au repos, où elles arrivent
respondant à un réflexe C. Dans 80 % des cas, la période de au hasard à une moyenne de 5 à 10/minute, précipitées sur-
silence est interrompue par une brève décharge musculaire de tout par une variété de stimuli sensoriels (myoclonie réflexe) et
20 à 40 ms, survenant environ 200 ms après la stimulation (la de facteurs peu habituels qui peuvent également les déclencher :
seconde réponse C). Cette seconde réponse C est précédée d’un une réaction de surprise, des mouvements oculaires, une pulsa-
second PES géant, même plus grand que le premier. La myoclonie tion carotidienne, carotid brainstem reflex myoclonus. Elles sont
négative peut-être également enregistrée dans le membre opposé exagérées par la réalisation d’un mouvement passif ou d’un mou-
non stimulé, lorsqu’un PES géant est également enregistré dans vement volontaire (myoclonies d’intention). Elles sont diminuées
l’hémisphère ipsilatéral à la stimulation. Le phénomène de la sus- pendant un sommeil léger et sont absentes durant un sommeil
pension de l’activité musculaire induite par un stimulus, ne peut profond. Les secousses sont habituellement généralisées avec une
être expliqué sur la base de la récupération retardée de l’excitabilité prédominance proximale plus que distale (myoclonies axiales)
du cortex sensori-moteur après une forte excitation. Dans le cas et touchent plus les fléchisseurs que les extenseurs. Parfois elles
de la présence de deux réponses C, la myoclonie négative est se limitent à un membre, voire plus rarement à une partie de
considérée comme liée à une excitabilité diminuée du cortex membre.
sensorimoteur ou à une récupération retardée de ce cortex sensori- Les décharges EMG sont de courtes durées, inférieures à
moteur après la stimulation périphérique, mais la brève décharge 50 ms, synchrones entre agonistes et antagonistes. L’activation
musculaire (myoclonie positive de la deuxième réponse C) sur- des muscles concernés part de la région basse du tronc cérébral
venant en plein milieu de la période de silence, est reliée à une pour stimuler de façon ascendante les muscles innervés par le
exagération transitoire de l’excitabilité du cortex sensorimoteur tronc cérébral ; d’un autre côté, le processus myoclonique a une
(Tableau 2). diffusion descendante vers la moelle. Les premiers muscles concer-
Les myoclonies corticales négatives peuvent également être nés sont le sterno-cleïdo-mastoïdien (SCM) et le trapèze, suivis de
déclenchées par une stimulation lumineuse, photic cortical reflex l’orbiculaire des lèvres et du masséter. Au niveau de l’EEG, il peut
negative myoclonus. Les myoclonies corticales négatives traduisent exister des pointes généralisées associées avec les myoclonies, qui
une tendance anormalement exagérée des processus inhibiteurs témoignent de la diffusion de la décharge en amont vers les struc-
des aires corticales primaires motrices. L’arrivée excessive des tures corticales ; mais l’étude par moyennage rétrograde précise

EMC - Neurologie 7
17-009-A-10  Myoclonies

Tableau 3. Tableau 4.
Causes des myoclonies réticulaires réflexes. Causes du sursaut pathologique (d’après [30] ).
Encéphalopathies métaboliques Hyperekplexia héréditaire
Syndrome des dialysés Hyperekplexia sporadique
idiopathique
Troubles hydro-ioniques
Stiff-man syndrome
Encéphalopathies toxiques Bismuth Myoclonies réticulaires réflexes
Méthylbromide Épilepsie sursaut
Toxiques à base de métaux lourds Syndrome de Gilles de la
Encéphalopathies iatrogènes Dopa et agonistes dopaminergiques Tourette
Antidépresseurs (tricycliques) Atrophie multisystémique
Neuroleptiques Jumping frenchmen of Maine,
Latah syndrome, myriachi
Antiépileptiques
Déficit en hexoaminidase A
Lithium
Drogues (amphétamines,
Encéphalopathies de cause Encéphalopathie postanoxique cocaïne)
physique Coup de chaleur
Psychogène
Encéphalopathies de cause
Processus lésionnels Encéphalopathie statique périnatale,
infectieuse, avec ou sans
avec ou sans spasmes toniques
participation médullaire
épileptiques
Stiff-man syndrome
Encéphalopathie postanoxique
Lésions du tronc cérébral
Encéphalopathie post-traumatique
Rhombencéphalopathie de la
sarcoïdose
Encéphalomyélite virale
qu’elles ne sont pas couplées de façon fixe dans le temps avec les
Encéphalomyélite avec rigidité
myoclonies et ne sont pas à l’origine des secousses. Les PES sont
normaux, en revanche, le réflexe C est exagéré. Sclérose en plaques
L’origine se fait à partir de la formation réticulaire bulbaire au Syndrome paranéoplasique
niveau du nucleus reticularis gigantocellularis. Les divers calculs Infarctus/hématome/abcès du tronc
montrent que la vitesse de conduction descendante le long de la cérébral
moelle est rapide, indiquant l’intervention de voies bulbospinales Malformation d’Arnold-Chiari
à conduction rapide (Tableau 3).

Sursaut et hyperekplexia [30, 31] juste après celle du SCM pour un stimulus au niveau de la face.
Sursaut physiologique Les premières myoclonies enregistrées pour les muscles du cou
surviennent avec une latence de moins de 20 ms pour une stimu-
La réaction normale de sursaut, forme particulière de myoclo-
lation au niveau de la face, alors qu’elle est de près de 100 ms pour
nie physiologique, est caractérisée par une contraction musculaire
un stimulus auditif (mais parfois aussi chez certains patients avec
brusque, brève et rapide, à la suite d’un stimulus soudain et inat-
stimulus facial). La durée des secousses est habituellement supé-
tendu, tel un bruit. Le pattern typique de cette réaction consiste
rieure à 75-100 ms. Peu de secondes après la réaction de sursaut,
en une composante précoce de clignement palpébral, suivie d’une
il est possible d’enregistrer une activité EMG soutenue et tonique
flexion ; de la tête en avant, des membres supérieurs, du tronc, des
correspondant aux spasmes toniques en rigidité observés clinique-
muscles abdominaux, rarement flexion des genoux. La contrac-
ment. Les potentiels évoqués sont normaux, mais des PES géants
tion de chaque groupe musculaire arrive avec une latence fixe
ont été observés. La réponse C est normale. L’EEG est habituel-
par rapport au stimulus, témoin de la diffusion du potentiel
lement normal, mais il a été rapporté des cas avec des décharges
de façon descendante dans la moelle. Il existe un phénomène
« épileptiformes » durant les attaques et des crises épileptiques ont
d’habituation rapide et net avec la répétition du stimulus, pour
été décrites. Le point de départ se situe dans la partie basse du
toutes les composantes de ce réflexe, à l’exception du clignement
tronc cérébral, particulièrement au niveau du nucleus reticularis
palpébral qui peut parfois persister.
pontis caudalis, pour diffuser de façon ascendante vers le tronc
Hyperekplexia (réaction de sursaut pathologique) [32] cérébral et de façon descendante dans la moelle, où la vitesse de
propagation descendante est lente, par des voies bulbospinales à
C’est une exagération anormale de la réaction de sursaut, dont
conduction lente. Les formes familiales, liées principalement à des
la présentation clinique est très proche des myoclonies réticulaires
mutations du gène GLRA1 de la sous-unité alpha-1 du récepteur
réflexes. La diffusion clinique est importante car les membres infé-
de la glycine sensible à la strychnine, intéressent les nourris-
rieurs sont fréquemment concernés et peuvent déterminer des
sons. D’autres mutations ont été décrites et sur différents gènes
ébauches de chutes. Le déclenchement est obtenu pour un seuil
(GLRB, GPHN, ARHGF9 et SLC6A5) [33] . Les formes sporadiques,
de stimulation abaissé. Il n’y a pas d’habituation et la réaction
idiopathiques ou symptomatiques touchent l’adulte. Dans ce
au complet persiste et se répète, malgré la répétition du stimulus.
cadre, une pathologie du tronc cérébral est généralement présente
Les stimuli somesthésiques sont efficaces, surtout s’ils sont appli-
(Tableau 4).
qués au niveau de la face. Chez certains patients il est possible
Dans le cadre de l’épilepsie-sursaut, le sursaut peut lui-même
d’observer parfois des attaques de spasmes musculaires générali-
être physiologique ou pathologique, c’est-à-dire exagéré et inépui-
sés pouvant durer plusieurs secondes, suivant de peu de secondes
sable, témoin des formes de transition entre hyperekplexia et
la brève réaction de sursaut déclenchée par un stimulus inattendu.
épilepsie-sursaut [32] .
Le déclenchement par stimulation permet d’observer à l’EMG
d’une part, le réflexe physiologique de clignement palpébral à
proprement parler et, d’autre part, l’apparition de secousses des
Myoclonies du voile [34]
muscles du cou (SCM-trapèze), puis des muscles de la face, et Connues sous le nom de « myoclonus oculopalatal »,
des membres supérieurs. D’après Brown [30] , l’enregistrement de « nystagmus du voile », « myorythmie du tronc cérébral »,
l’activité EMG de l’orbicularis oculi est obtenu en premier en cas « myoclonie segmentaire branchiale ». Suite à une suggestion
de déclenchement par un stimulus sonore, alors qu’elle survient de Marsden, en 1990, elles sont dorénavant classées dans les

8 EMC - Neurologie
Myoclonies  17-009-A-10

tremblements palatal tremor mais, paradoxalement, la dénomina- Tableau 5.


tion de « myoclonie » persiste, ainsi que sa présence dans toutes Causes des myoclonies médullaires (d’après [4] ).
les classifications et ouvrages sur les myoclonies. Sur le plan Causes infectieuses Zona
clinique, il existe une association de symptômes :
Myélite ou encéphalomyélite
• l’hyperkinésie du voile du palais. Il s’agit d’un mouvement
uni- ou bilatéral du voile du palais, habituellement ryth- Syndrome post-vaccinal
mique, d’une durée autour de 400 ms à une fréquence de 1 Phase aiguë non spécifique d’une
à 3 Hz, persistant quelque peu pendant le sommeil dans les atteinte virale
formes symptomatiques. Des rémissions peuvent exister dans Poliomyélite
les formes essentielles ; Virus de l’immunodéficience
• le clic auriculaire. Entendu par le patient et l’examinateur, il humaine (VIH)
est dû à une contraction du muscle tenseur du voile du palais,
Neurosyphilis
beaucoup moins fréquent dans les formes symptomatiques ;
• l’oscillopsie. Il peut exister un nystagmus pendulaire gênant la Causes physiques et chimiques Traumatisme médullaire
vision du patient, absent dans les formes essentielles ; Lésion chirurgicale
• tremblement ou myoclonies rythmiques des extrémités. Choc électrique
Quelques patients avec une forme symptomatique présentent
Après anesthésie rachidienne
un tremblement de la tête, la face ou des extrémités, présent
au repos et s’amplifiant avec le mouvement. Dans certains Hernie discale
cas, le tremblement est synchrone au tremblement du voile Produit de contraste intrathécal
du palais, ce qui pourrait aller dans le sens d’un même géné- Maladies démyélinisantes ou
rateur. Mais, le plus souvent, l’hyperkinésie de la tête ou des inflammatoires de la moelle
membres est à un rythme différent de celui du voile du palais,
dont l’installation peut même précéder celle de l’hyperkinésie Causes vasculaires Ischémie médullaire
du voile du palais et prend l’aspect d’un tremblement d’Holmes. Malformation artérioveineuse
Ces mouvements anormaux peuvent être bilatéraux, parfois Causes tumorales ou
unilatéraux, voire sans association avec l’hyperkinésie du voile paranéoplasiques
du palais. Ce sont ces mouvements qui étaient désignés sous
Causes dégénératives Méningomyélocèle
les noms de « myoclonies squelettiques » (skeletal myorythmia).
Pour certains auteurs, ceci est un argument entre une dis- Syringomyélie
tinction de générateur pour les deux types de mouvement Atrophies spinales primitives
anormaux ; Sclérose latérale amyotrophique
• autres symptômes rythmiques. Rarement le larynx est (SLA) et maladies du motoneurone
concerné ; la participation des muscles du pharynx est plus fré-
Idiopathique
quente, la langue peut être impliquée et peut prendre parfois un
aspect isolé. Dans les formes symptomatiques, des signes de dys- Psychogène
fonctionnement cérébelleux ipsilatéral peuvent être associés,
d’emblée ou tardivement (sporadic progressive ataxia and palatal
tremor).
Les formes symptomatiques sont représentées par des lésions
dans les structures du tronc cérébral. Les formes essentielles ne
montrent aucune lésion, et fréquemment un hypersignal est vu à
l’IRM dans la région de l’olive bulbaire et une augmentation de la
taille de ce noyau dans les formes symptomatiques. Quadriceps

Myoclonies médullaires [35] (Tableau 5)

Myoclonies spinales segmentaires


Les secousses musculaires peuvent se limiter à un métamère Ischiojambier
ou à plusieurs métamères médullaires, surtout s’il s’agit de ceux
innervant les muscles abdominaux ou ceux des membres infé-
rieurs. Les myoclonies surviennent au niveau ou au-dessous
du niveau lésionnel médullaire. Les myoclonies sont sponta- 500 ms
nées, répétitives et rythmiques le plus souvent. Les secousses
Figure 4. Myoclonies spinales segmentaires rythmiques au cours d’un
musculaires sont unilatérales, mais il n’est pas rare qu’elles
tableau d’épidurite métastatique dorsal.
soient bilatérales ; elles sont alors symétriques et synchrones
entre les muscles homologues, mais des formes asynchrones ont
été observées. De façon occasionnelle les secousses musculaires
Myoclonies propriospinales [35, 36]
peuvent être accentuées par certaines postures ou par le mou-
vement. Elles peuvent être aggravées par l’émotion, la fatigue, Il s’agit de myoclonies touchant les muscles concernés par
la concentration mentale, elles persistent fréquemment pen- plusieurs métamères médullaires. À partir de là, l’activité myo-
dant le sommeil. Chez certains patients, les myoclonies peuvent clonique diffuse dans la moelle vers le haut et vers le bas, en
être également déclenchées par un stimulus sensitif voire un empruntant une voie spinospinale appelée quelquefois proprios-
bruit. Des signes neurologiques accompagnent les myoclonies, pinale. Les secousses déclenchent des flexions brutales du tronc,
mais il n’est pas rare de retrouver peu ou aucun signe neuro- des hanches et souvent des genoux et du cou. Elles sont répétées,
logique d’accompagnement. L’activité EMG est représentée par irrégulières, symétriques. Elles sont spontanées, mais aggravées
des décharges de 75 à 500 ms, mais le plus souvent supérieures par l’action. Les myoclonies prédominent sur les muscles flé-
à 100 ms, avec une fréquence qui tourne autour de 1-3 Hz, avec chisseurs et plus particulièrement sur les muscles abdominaux.
des écarts de 0,5 à 8 Hz (Fig. 4). L’activité rythmique réagit peu aux Elles sont plus marquées quand le patient est couché. Souvent
influences proprioceptives, mais la contraction musculaire volon- elles peuvent survenir pendant le sommeil, parfois même de
taire suspend cette activité rythmique. Les PES et la réponse C sont manière sélective dans cette situation et responsables d’insomnie
normaux. sévère ; elles peuvent être parfois stimulosensibles, même de façon

EMC - Neurologie 9
17-009-A-10  Myoclonies

exclusive. Les muscles de la face ne montrent aucune myoclonie. et unanimement reconnue pour désigner un syndrome (DYT11)
Les muscles respiratoires ne semblent pas être concernés et les avec hérédité autosomique dominante, caractérisé, en plus de la
mouvements respiratoires ne semblent pas influencer ces myoclo- dystonie, par une prépondérance de brèves secousses myoclo-
nies. L’activité myoclonique semble diffuser simultanément vers niques, réunissant toutes les situations connues auparavant sous
le haut (mais ne diffuse pas vers le tronc cérébral) et le bas de la les noms de (familial) essential myoclonus, myoclonic-dystonia, here-
moelle, à partir d’une zone médullaire restreinte. Les myoclonies ditary dystonia with lightning jerks responsive to alcohol. L’ensemble
surviennent à un rythme de 1 à 7 Hz. Les décharges durent entre de ces situations cliniques est réuni par la présence de mutations
40 ms et 4 s. Il existe une cocontraction entre muscles agonistes et au niveau d’un gène majeur, ε-sarcoglycan, mais qui n’est présente
antagonistes. La conduction à travers la moelle est estimée se faire que dans 40 % des cas. À la suite d’une publication de Schrag
à une vitesse lente de 5 à 6,5 m/s, traduisant la participation des en 2000, Cassim [44] note que certains patients rapportés comme
longues voies polysynaptiques intraspinales. Dans les cas réflexes, ayant une « chorée héréditaire bénigne » sont en réalité des cas de
la percussion de l’abdomen ou du cou déclenche la myoclonie syndrome myoclonus-dystonie héréditaire avec mutation positive
entre 35 et plus de 100 ms après. Il n’y a pas d’activité EEG corrélée car, au sein de ce dernier syndrome, il existe des variants phé-
avec les myoclonies, ni de modifications des PES et de la réponse notypiques différents. Toutefois, de façon distincte du syndrome
C. Ces myoclonies se voient suite à des lésions spinales de nature myoclonus-dystonie héréditaire, il existe bien une entité « chorée
diverse, plus particulièrement traumatique, mais il a été rapporté héréditaire bénigne », affection autosomique dominante dont le
des cas apparemment idiopathiques, voire psychogéniques dont gène se trouve sur le chromosome 14q (TITF-1) et dont la pré-
la fréquence serait importante pour certains [37] . sentation clinique initialement de type choréique dans l’enfance,
peut donner l’impression d’un phénotype clinique de type myo-
clonique à l’âge adulte.
Myoclonies périphériques [38] Le MD est une affection débutant très souvent dans l’enfance
ou l’adolescence, mais un début tardif est possible. Touchant
Il existe peu d’informations sur les aspects électrocliniques des
autant les femmes que les hommes, de transmission autosomique
myoclonies par atteinte neurogène périphérique, d’autant plus
dominante, mais avec une pénétrance variable et une expres-
qu’elles sont très rares et, pour certains, il n’est pas clair si ce
sion clinique variable. Le début se fait par des myoclonies ou
sont des myoclonies ou des formes de fasciculations ou de myoki-
par des dystonies et affecte principalement la moitié supérieure
mies [38] . Dans la plupart des cas, il existe un phénomène lésionnel
du corps. Les symptômes s’installent et évoluent sur plusieurs
au niveau des racines nerveuses, d’un plexus, d’un tronc ner-
années, puis ne progressent plus. Le symptôme de base est repré-
veux ou d’une branche d’un nerf [39, 40] . Certains rangent dans
senté par des secousses myocloniques, très brèves, « en éclair »,
ce domaine le spasme hémifacial, alors que d’autres estiment
dont la durée est d’environ 100 ms et sans anomalies EEG, ni des
qu’il s’agit d’une forme de myokimies, et non de myoclonies.
PES ni du réflexe C. Elles peuvent exister au repos, sont favori-
La place du painful legs and moving toes, dans cette catégorie de
sées ou aggravées par l’action avec la possibilité d’un phénomène
myoclonies, est également débattue. Les myoclonies dites péri-
d’overflow. Elles sont volontiers précipitées ou aggravées par les
phériques font suite au facteur causal avec un certain retard. Par
stimulations sensorielles, aggravées par le stress, la caféine. Les
ailleurs, des éléments douloureux dans le même territoire sont
myoclonies sont essentiellement focales ou multifocales, irrégu-
souvent associés et précèdent souvent l’apparition des myoclo-
lières, plus rarement oscillatoires ou généralisées. Elles intéressent
nies. Les myoclonies sont de type focal et rarement segmentaire.
principalement la musculature axiale (cou et tronc), mais aussi les
Elles sont habituellement spontanées et peuvent parfois persister
membres supérieurs, où la musculature proximale est plus affec-
dans le sommeil. Elles ont un caractère rythmique ou semi-
tée que la partie distale, suivie des muscles bulbaires et facial et à
rythmique. Elles sont favorisées par le mouvement actif ou passif.
un moindre degré les membres inférieurs [42] . Chez les patients
Ce sont des myoclonies qui peuvent être abolies transitoirement
avec un début précoce, il y a possibilité de prédominance des
par le massage de la région concernée et une anesthésie du nerf
troubles sur les membres inférieurs avec gêne de la marche [45] .
concerné peut momentanément les abolir. Il existe fréquemment
Des mouvements dystoniques soutenus sont observés chez deux
des troubles sensitifs (voire neurovégétatifs) dans le même terri-
tiers des patients [42] , mais la dystonie peut être insignifiante, voire
toire. Les décharges EMG sont de 100 à 400 ms, avec une fréquence
inexistante [43] . La dystonie se manifeste principalement par une
variant entre à 0,5 et 5 Hz.
crampe des écrivains et/ou une dystonie cervicale ; une dystonie
du membre inférieur est occasionnellement observée, en particu-
lier chez les plus jeunes. Habituellement la dystonie des extrémités
 Étiologies a la présentation d’une dystonie d’action peu invalidante. Il est
très rare que la dystonie soit la seule manifestation, et alors elle
Myoclonies et dystonie s’exprime par une crampe des écrivains habituellement. Les élé-
ments dystoniques se rencontrent avec la même topographie que
Syndrome myoclonie-dystonie héréditaire [41, 42] les myoclonies ou avec une distribution différente. Un tremble-
Les « myoclonies essentielles familiales bénignes », initialement ment postural peut se voir [43] et noté dans 16 % des cas [42] , il
décrites par Lindemulder (1933), dont les critères avaient été touche alors les mains ou la tête. Le problème de différents phé-
établis par Mahloudji et Pikielny (1967), voient le caractère héré- notypes cliniques propre à une maladie ressort très bien dans le
ditaire vite confirmé, et les cas sporadiques reconnus comme travail d’Asmus [46] sur les jerky dystonia in children et les hyperkinetic
exceptionnel. En 1983, Obeso rapporte des cas non familiaux de dystonia children chez des enfants très jeunes présentant un tableau
dystonie avec des myoclonies d’action, qu’il dénomme myoclonic- de dystonie avec trouble de la marche et secousses myocloniques.
dystonia. Quinn et Marsden (1984), à partir de patients avec Certains de ces enfants correspondent au syndrome myoclonus-
myoclonic-dystonia, issus de plusieurs familles, insistent sur le dystonie héréditaire avec mutation positive, un enfant est une
caractère familial, l’extrême sensibilité à l’alcool des myoclonies, chorée héréditaire bénigne avec mutation du gène TITF-1, un
mais également de la dystonie, et préfèrent utiliser le terme de groupe est identique au syndrome myoclonus-dystonie hérédi-
inherited myoclonic-dystonia responsive to alcohol. Quinn, en 1988, taire mais avec mutation négative et un dernier groupe avec
suggère que les myoclonies essentielles familiales et les dysto- dystonie et poly-mini-myoclonus des membres supérieurs et des
nies myocloniques avec sensibilité à l’alcool sont deux variantes pectoraux, qui lui paraît représenter une entité nouvelle à déter-
d’une même maladie au spectre clinique large, et souligne que miner sur le plan génétique.
la confirmation ne pourra venir que de l’analyse génétique. L’amélioration, parfois spectaculaire, des myoclonies, comme
En 1999, Nygaard retrouve dans une même famille un locus de la dystonie, sous l’influence de l’alcool est observée dans
sur le chromosome 7 (7q21), confirmé rapidement par d’autres plusieurs familles, mais il existe une hétérogénéité de réponse
équipes [43] . Tandis qu’en 2001 Zimprich met en évidence des d’une famille à l’autre et à travers les membres au sein d’une
mutations sur le gène pour l’␧-sarcoglycan (SGCE). Pour éviter même famille. Bien que l’absence d’autre anomalie neurolo-
des problèmes de discussion terminologique, la formule Inherited gique soit classique, cette notion devra être remise en question.
Myoclonus-Dystonia (MD), proposée par Gasser en 1998, est utilisée Chez certains membres avec DYT11, il existe un problème de

10 EMC - Neurologie
Myoclonies  17-009-A-10

Tableau 6. lésion controlatérale du thalamus surtout, mais aussi du putamen.


Caractéristiques cliniques du syndrome myoclonie-dystonie (d’après [45] ). De façon plus générale, un tableau de dystonie avec myoclo-
Brèves secousses myocloniques « en éclair », comme principale nie peut se rencontrer dans la maladie de Wilson ou comme
caractéristique clinique manifestation secondaire d’anoxie cérébrale néonatale. D’autres
situations miment le phénotype MD ; au cours d’un déficit en
Dystonie focale ou segmentaire, subtile ou marquée, qui peut être
vitamine E et lors de certaines dystonies Dopa-sensibles.
rarement le seul signe
Hérédité autosomique dominante avec pénétrance incomplète et
d’expression variable (suppression du phénotype pour les transmissions Myoclonies et syndromes parkinsoniens
maternelles ou pseudo-sporadique)
Début habituel dans la première ou seconde décennie Maladie de Parkinson
Exclusion de troubles neurologiques, cependant possibilité d’épilepsie, Myoclonies non reliées au traitement [51, 52]
d’instabilité et de troubles cognitifs mineurs Caviness [53] , chez des patients répondant aux critères de mala-
Possibilité de troubles de la personnalité et de désordres psychiatriques die de Parkinson, dont certains avec confirmation anatomique,
Pas d’anomalies de l’imagerie cérébrale montre l’existence d’un type particulier de myoclonies corticales,
Électroencéphalogramme (EEG) et potentiels évoqués normaux small amplitude cortical myoclonus, qu’il estime retrouver chez
environ 5 % des patients. Ces myoclonies sont présentes à tous
Évolution clinique habituellement bénigne, sans progression des
les stades évolutifs de la maladie et indépendantes d’un traite-
symptômes, sans retentissement sur le profil de vie, mais avec
ment [51, 53] . Très rarement présentes au repos, elles apparaissent
conséquences sociales
lors de la posture et de l’action. Ce sont des myoclonies peu
fréquentes, de petite amplitude, sporadiques, bilatérales non syn-
chrones et parfois prédominant sur un côté. Elles touchent les
stabilité posturale avec une note parkinsonienne, non sensible à membres supérieurs avec une prédominance distale. Elles sur-
la Dopa [41] . D’autres anomalies ont été rapportées dans certaines viennent irrégulièrement, mais parfois peuvent se succéder plus
familles, qu’il s’agisse d’épilepsie [47] , d’un certain degré de per- ou moins régulièrement avec un rythme autour de 1 à 6 Hz, don-
turbations cognitives [48] ou surtout psychiatriques. Ces dernières nant l’impression d’un tremblement irrégulier de posture. Elles
englobent la dépression, l’anxiété, les troubles obsessionnels com- n’ont pas de caractère réflexe. Sur le plan électrophysiologique les
pulsifs (TOC), les troubles de personnalité, les addictions et décharges sont brèves (moins de 50 ms), il existe une décharge
de rares psychoses [42] . Il semble que le degré de troubles psy- prémyoclonique à l’EEG, focale et de courte latence, en regard de
chiatriques soit corrélé à l’importance des troubles moteurs [48] . la région sensitive du cortex sensorimoteur. Les PES ne présentent
L’étude de Saunders-Pullman [49] permet de suggérer que les TOC pas d’anomalies particulières, il n’y a pas non plus d’exagération
paraissent être parmi les manifestations primitives de la mala- des longues boucles réflexes.
die ; au contraire, l’abus d’alcool et de benzodiazépines semblent
plus être secondaire à l’importance et au besoin de contrôler les Myoclonies induites par le traitement [51, 52]
symptômes moteurs. Les myoclonies nocturnes sont assez fréquentes et ont été
La transmission apparaît autosomique dominante avec une rapportées très tôt, représentées par des secousses brusques des
pénétrance réduite. À ce jour, on compte environ 15 mutations membres, habituellement bilatérales et symétriques, touchant les
différentes du gène SGCE faisant l’objet de publications et plu- bras et les jambes. Les myoclonies sont observées durant le som-
sieurs autres figurant dans des résumés [42] . L’étude des familles meil, parfois présentes également au réveil et pendant les périodes
montre une différence marquée de la pénétrance, suivant que de somnolence, mais rarement durant la période d’activité. Ces
l’allèle de la maladie est transmis par le père ou la mère. Si l’allèle myoclonies ont pour effet d’interrompre le sommeil des patients.
est transmis par la mère, la pénétrance est faible (5-10 %), alors Une réduction de la dose de Dopa aboutit à une diminution
que si l’allèle est transmis par le père, la pénétrance est élevée de la fréquence et de la sévérité des myoclonies nocturnes. On
(approchant 90 %) [42] . Ce schéma suggestif du phénomène de peut observer rarement chez certains parkinsoniens, des myoclo-
l’empreinte parentale explique la pénétrance réduite dans cette nies, soit pendant la période des dyskinésies de milieu de dose
maladie et les aspects pseudosporadiques. Dans un petit nombre en période « on », avec des myoclonies multifocales spontanées
de cas, le phénomène de l’empreinte parentale n’est pas véri- ou déclenchées par l’action, soit survenant dans un contexte de
fié [42] . Dans des cas au phénotype typique de MD, il n’a pas été dyskinésies de début de dose. Des myoclonies multifocales des
retrouvé de mutation de SGCE. En 1999, Klein a rapporté un chan- extrémités et de la région orofaciale sont rapportées chez des
gement sur le gène du récepteur D2 (DRD2) sur le chromosome patients sous amantadine, disparaissant après retrait du traite-
11q23, dans une seule famille, qui n’a pas été confirmé par diverses ment. Les agonistes dopaminergiques peuvent également donner
équipes. Plus tard, en 2000, Klein met en évidence des anoma- des myoclonies. Plus habituelle est une forme de myoclonies
lies sur le gène SGCE également pour cette même famille, laissant d’origine « toxique », se présentant avec un aspect de myoclonies
penser que DRD2 n’a peut-être pas de signification fonctionnelle multifocales souvent associées à un asterixis, observées plus fré-
chez cette famille [42] . Il a été décrit une coségrégation entre SGCE quemment dans un contexte d’effets secondaires psychiatriques,
venant du père, et une anomalie touchant le gène de la dystonie avec ou sans état confusionnel, et fréquente chez un patient au
de torsion à début précoce (TOR1A), venant de la mère, chez des contexte démentiel sous-jacent.
enfants ayant un phénotype de MD, mais le rôle de l’anomalie
transmise par la mère est incertain [42] . Un nouveau locus a été
Atrophies multisystémiques (AMS) [52, 54]
découvert par Grimes en 2002, dans la région du chromosome
18p11, dans une même famille canadienne avec MD au phéno- On retrouve une variété diversifiée de myoclonies :
type typique et sans mutation SGCE ; ce qui pose des questions • dans l’AMS, le tremblement est volontiers plus irrégulier, postu-
quant à l’intégration de ces cas dans la MD, à moins de considérer ral et d’action, il est qualifié de « tremblement myoclonique ».
que là encore on est confronté à un syndrome avec une hétérogé- Il s’agit de myoclonies de petite amplitude des mains, d’un
néité génétique, d’autant plus que certains cas publiés récemment ou de plusieurs doigts, irrégulières et arythmiques, plus volon-
ne montrent pas de lien avec SGCE [50] (Tableau 6). tiers enregistrées au maintien d’attitude ou à la phase initiale
d’un mouvement. Retrouvé jusqu’à 82 % des cas de Sala-
Myoclonies et dystonies dans d’autres zar [54] , elles sont plus particulièrement rencontrées dans le
type parkinsonien. Salazar, qui rapproche ces myoclonies du
situations [42] minipolymyoclonus, retrouve des décharges EMG de moins de
Des myoclonies peuvent s’observer dans des dystonies primi- 100 ms de durée, une exagération de la réponse C, mais des
tives familiales ou non, y compris dans celles liées à DYT1. En PES normaux et un moyennage rétrograde qui ne démontre
dehors de ces cas de nature primitive, la présence d’une dysto- pas l’origine corticale de ce type de minipolymyoclonus ;
nie myoclonique unilatérale ou focale, doit faire rechercher une • des myoclonies négatives sont également mises en évidence [54] ;

EMC - Neurologie 11
17-009-A-10  Myoclonies

• les myoclonies réflexes sont très fréquentes dans les formes de myoclonies corticales réflexes multifocales, ou généralisées et
cérébelleuses, sous forme de secousses brèves, quelquefois de myoclonies photo-induites. Les myoclonies sont extrêmement
multiples, de flexion ou extension des doigts en réponse à rares dans la PSP.
un stimulus unique sensitif. Elles peuvent être déclenchées
par le contact ou la mobilisation passive des doigts, plus
particulièrement si le membre est maintenu tendu [54] . La pré- Myoclonies et démences
sence de PES géants associés à un réflexe de longue latence Maladie d’Alzheimer
(réponse C) sont autant d’arguments en faveur d’une origine
corticale des myoclonies et témoignent également de leur Les myoclonies sont observées dans les phases tardives des
caractère réflexe, même si l’EEG avec moyennage rétrograde formes sporadiques et concernent jusqu’à 50 % des cas [51] . Elles
ne met pas toujours en évidence d’activité EEG prémyo- sont associées à un niveau sévère d’atteinte cognitive ainsi qu’à
clonique [54] . L’hyperexcitabilité corticale pourrait résulter des une évolution rapide avec décès précoce. Elles sont importantes
lésions cérébelleuses, source d’une désinhibition des voies tha- et présentes précocement dans les formes héréditaires, où elles
lamocorticales ; peuvent s’accompagner d’épilepsie [57] . Il s’agit de myoclonies
• des myoclonies réflexes photosensibles ont été décrites et distales ou segmentaires, focales ou multifocales, isolées ou répé-
retrouvées dans 54 % des cas ; tées ; elles tendent à être spontanées et visibles au repos, parfois
• à l’opposé, Clouston [52] rapporte des myoclonies prenant ori- réflexes, souvent exagérées par le mouvement. Les décharges
gine dans le tronc cérébral d’après l’auteur, ce sont des EMG sont le plus souvent inférieures à 100 ms [51] . Un poten-
myoclonies des mains et de la face, à la fois spontanées et tiel EEG abrupt négatif ou positif, focal controlatéral, précède la
déclenchées par des stimuli sensitifs, en période éveillée comme bouffée EMG d’environ 10 à 40 ms, confirmant l’origine corti-
pendant le sommeil où les myoclonies sont généralisées, il n’y a cale [57] . Elles s’associent à des signes d’hyperexcitabilité corticale,
pas de PES géant et ni d’activité EEG qui précède les myoclonies ; comme une exagération des réflexes de longue latence et une aug-
• des phénomènes de réaction de sursaut exagéré ont été décrit, et mentation d’amplitude des PES [57] . Dans d’autres cas, des ondes
déclenchés par le son, la lumière et les stimuli somesthésiques. négatives corticales étalées précédant la myoclonie de 50 à 180 ms,
avec PES normal, et réponse C variable, suggèrent une origine
sous-corticale [57] . Dans certains cas, les myoclonies distales et
Dégénérescence corticobasale (DCB) [51, 52] bilatérales prennent un aspect rythmique à 5-10 Hz, s’exprimant
Les myoclonies sont observées dans 55 % des cas cliniques. Il mieux lors de la posture, à localisation distale et témoin du mini-
s’agit d’un tremblement irrégulier, qui se transforme en myoclonie polymyoclonus de Wilkins [27] . On retrouve alors une onde lente
au fur et à mesure que la maladie se développe [51, 55] . négative généralisée à l’EEG, bilatérale, synchrone, à prédomi-
Il est possible d’observer des myoclonies focales au repos, nance frontocentrale et à fréquence élevée, précédant la décharge
apparemment spontanées, irrégulières et pratiquement continues, myoclonique de 40-60 ms. Des myoclonies généralisées sont éga-
aggravées par la tentative de mouvement, et qui fréquemment lement observées.
se surimposent sur un membre avec une posture rigide et dys-
tonique. La durée des décharges musculaires liées à ce type de Démence à corps de Lewy [51, 52, 58]
myoclonie, est assez longue, de 600 à 1 500 ms. Si une relaxation
Dans les études avec confirmation anatomique, on retrouve des
totale est possible, les myoclonies tendent à disparaître. Typique-
myoclonies dans 15 % à 18,5 % des cas. Les myoclonies, sur le plan
ment elles sont observées au niveau des doigts et des mains, mais
clinique, sont identiques mais plus sévères à celles observées dans
il est également possible de les observer au niveau des orteils et
la maladie de Parkinson, avec des myoclonies bilatérales à pré-
des pieds. Les myoclonies spontanées tendent à se répéter à un
dominance distale des membres supérieurs. Les myoclonies sont
intervalle de 70-90 ms, ressemblant à un tremblement, mais des
parfois observées pendant le repos, plus que dans la maladie de
myoclonies répétées en série, déclenchées par le mouvement sont
Parkinson. Les myoclonies apparaissent aussi à l’action de façon
également présentes [51, 55] .
multifocale, de manière similaire à ce que l’on observe dans la
On peut observer des myoclonies focales réflexes induites par
maladie de Parkinson. L’enregistrement électrophysiologique ne
une stimulation cutanée ou en tapant sur un tendon, avec à l’EMG
des décharges brèves de 25 à 50 ms survenant par bouffées de deux montre pas non plus de différence. À l’EMG, les potentiels sont
à quatre décharges à 60-80 ms d’intervalle ; parfois des salves de inférieurs à 50 ms. Il y a présence d’une onde EEG prémyoclonique
décharges groupées peuvent prendre l’apparence d’un tremble- triphasique focale, postérieure au sillon central, dans la région
ment à 2 Hz [51] . L’agrandissement des PES, typique des myoclonies pariétale, précédant la myoclonie entre 20 et 30 ms, témoignant
de myoclonies corticales. Les PES ne sont pas modifiés et il n’y
corticales, est rare [51, 55] . À l’EEG, les myoclonies ne sont pas liées
a pas d’exagération des réflexes de longue latence. Des myoclo-
dans le temps avec un potentiel prémyoclonique lors du moyen-
nies réflexes ont été rapportées, surtout des membres supérieurs,
nage rétrograde [55] . Pour Thompson [55] , la latence de la réponse
chez des patients avec suspicion de démence à corps de Lewy. Pour
réflexe C est en moyenne un peu plus basse que pour les autres
Caviness [51, 58] , les myoclonies semblent exister à travers le spectre
myoclonies réflexes typiques. Par ailleurs, dans la DCB la SMT
des affections avec corps de Lewy (maladie de Parkinson, démence
permet de déclencher des bouffées myocloniques suggérant une
à corps de Lewy et maladies à corps de Lewy héréditaire), avec une
augmentation de l’excitabilité corticale [55] . Mima [11] , grâce à la
expression clinique et électrophysiologique identique, qui ne sont
MEG, confirme l’origine corticale de ces myoclonies. Il existerait
pas à mettre en relation avec le dysfonctionnement des ganglions
donc, dans la DCB, un déséquilibre entre le cortex pariétal, tout
de la base, mais avec la présence de perturbations histologiques au
particulièrement affecté par le processus dégénératif et le cortex
niveau cortical et plus précisément par la présence et l’importance
moteur qui est relativement préservé et dont l’hyperexcitabilité
des corps de Lewy à ce niveau. La présence de myoclonies corti-
serait à l’origine des myoclonies réflexes.
cales dans la maladie de Parkinson pourrait peut-être constituer
Si certaines myoclonies ont des aspects identiques à ceux des
un facteur prédictif d’apparition d’une démence, comme dans un
myoclonies corticales typiques [51] , à l’inverse, pour Grosse [56] , on
cas autopsique de Caviness.
ne peut exclure sur la base de données électrophysiologiques que
certaines myoclonies peuvent être le témoin d’une participation
sous-corticale uniquement. Maladie de Creutzfeldt-Jakob [51]
Les myoclonies représentent le mouvement anormal le plus
Maladie de Huntington et paralysie communément observé dans cette maladie ; ainsi Maltête [59] les
signale dans 82 % à 100 % des cas. Les myoclonies tendent à
supranucléaire progressive se développer tôt chez les patients avec méthionine/méthionine
Les myoclonies sont rares dans la maladie de Huntington mais, ou méthionine/valine sur le codon 129 du gène de la protéine
si elles sont présentes, elles ont alors, un côté impressionnant [51] . prion [59] . Dans les études neuropathologiques de cas rapportés
Elles se voient dans les formes à début jeune et akinétorigide, sou- comme cliniquement suspects de maladie de Creutzfeldt-
vent avec des crises épileptiques. Il s’agit de myoclonies d’action, Jakob [60] , devant une démence avec myoclonies d’évolution

12 EMC - Neurologie
Myoclonies  17-009-A-10

rapide, c’est l’association avec des signes neurologiques à ten- estime que dans 70 % des cas d’AMP, les myoclonies sont de
dance focale qui évoque le plus la possibilité de maladie de nature corticale. La cause la plus fréquente en est la maladie
Creutzfeldt-Jakob. cœliaque, les maladies mitochondriales, en particulier la myoclo-
Les myoclonies surviennent généralement à un stade avancé nic epilepsy with ragged-red fibers (MERRF), mais les dégénérescences
de l’affection. Binelli [61] , dans une large série, souligne la remar- spinocérébelleuses, certaines familles d’atrophie dentato-rubro-
quable variété des myoclonies observées, ainsi que les différents pallido-luysienne (DRPLA) avec le phénotype myoclonie-épilepsie
générateurs en cause. Des myoclonies généralisées, rythmiques peuvent être rencontrées. L’encéphalopathie postanoxique, en
(myoclonies périodiques qui surviennent de façon continue avec addition avec les formes tardives des encéphalopathies métabo-
une périodicité de 0,6 à 1,2 s) ou non, des myoclonies focales, liques héréditaires, sont également des causes habituelles. L’action
segmentaires ou multifocales, peuvent apparaître au cours de myoclonus-renal failure syndrome est une forme de myoclonie pro-
l’évolution de la maladie. Sporadiques et spontanées au début, gressive de nature corticale, associée à une ataxie et à une épilepsie
elles peuvent rester limitées et discrètes. Elles peuvent même fréquemment. Une insuffisance rénale sévère y est associée [65] .
être unilatérales, s’associant à des troubles dystoniques et/ou Des situations de transition existent entre AMP et EMP. Malgré
apraxiques du même côté, pouvant mimer au début une dégé- des recherches intensives, il est estimé que jusqu’à près de 40 %
nérescence corticobasale [62] . Mais, le plus souvent, dans la suite d’AMP de l’adulte demeurent sans diagnostic [57] .
de l’évolution elles s’étendent souvent à l’ensemble de la muscu-
lature, y compris la face, alors que s’ajoutent de grandes décharges Syndrome opsoclonus-myoclonus (SOM) [66]
myocloniques, très souvent facilitées ou provoquées par les mou-
vements, l’attitude et par les divers stimuli extéroceptifs. Les Le symptôme opsoclonus a quelques synonymes : saccadoma-
relations entre les décharges périodiques EEG et les myoclonies nia, dancing eyes, tandis que le syndrome opsoclonus-myoclonus
sont variables ; fréquemment les myoclonies rythmiques sont est aussi appelé syndrome de Kinsbourne et dancing eyes and
associées avec les décharges périodiques [5] . Habituellement, les dancing feet. L’opsoclonus est un mouvement oculaire conjugué
deux événements surviennent de façon apparemment synchrone incessant des yeux fait de saccades imprévisibles, arythmiques,
sans qu’il y ait une relation de temps entre eux. Mais dans d’autres dans toutes les directions du regard, entraînant une sorte
cas ou en cours d’évolution, les myoclonies rythmiques ou les d’agitation bondissante synchrone des globes oculaires et qui est
décharges périodiques EEG surviennent indépendamment ou iso- amplifiée par les tentatives de fixation du regard. Le mouvement
lément. Les décharges périodiques sont largement distribuées et persiste à la fermeture des yeux et inconstamment durant le som-
prédominent controlatéralement, avec un potentiel négatif pré- meil. Le myoclonus est le plus caractéristique et le plus fréquent
cédant la myoclonie de 60 à 85 ms, qui suggère une origine des signes associés. Ce sont des myoclonies d’action déclenchées
sous-corticale [5, 57] . Les myoclonies généralisées, typiquement en par la contraction d’un muscle ou d’un groupe de muscles et
réponse à un bruit important, correspondent à une réaction de persistant durant la contraction volontaire. Elles touchent les
sursaut exagéré. Des myoclonies négatives ont également été rap- membres et les muscles axiaux. Leur intensité peut être telle
portées et seraient de deux types [63] : des myoclonies négatives que l’appréciation de l’ataxie est parfois impossible. L’évolution
réflexes de type cortical et des myoclonies négatives spontanées est marquée par une récupération assez souvent totale dans les
associées aux décharges périodiques à l’EEG, dont l’origine est formes idiopathiques en quelques semaines à quelques mois. Dans
incertaine et qui peuvent être parfois unilatérales. Des myoclo- les cas symptomatiques, l’évolution est variable en fonction de
nies corticales réflexes tendent à apparaître en fin d’évolution la cause. Chez le petit enfant, le syndrome peut être idiopa-
alors que les activités périodiques à l’EEG tendent à disparaître thique, infectieux ou paranéoplasique, associé à une tumeur, le
et que l’activité de fond devient plus lente [5] . Des myoclonies plus souvent un neuroblastome thoracique. Chez l’adulte, le SOM
photosensibles peuvent également être observées [57] . Les PES et la idiopathique représente plus de la moitié des cas. Une affection
réponse C ont des présentations variables. Pour Binelli [61] , la pré- aiguë, non forcément manifeste et fébrile, précède le plus souvent
sence de PES amples est significativement corrélée avec la présence l’installation des symptômes. Le bilan neurologique et général est
de myoclonie, ainsi que l’hypersignal touchant le cortex. habituellement normal. La deuxième cause de SOM de l’adulte
L’épilepsie est rare, faisant alors son apparition aux phases tar- est paranéoplasique, l’âge de survenue est souvent supérieur à
dives de la maladie, de type partielle ou généralisée, résistante 40 ans, les cancers incriminés sont variés. D’autres pathologies
aux antiépileptiques, exceptionnellement prenant l’aspect d’une diverses associées à un opsoclonus et au SOM ont été décrites. Les
épilepsie partielle continue [59] . enregistrements EMG couplés au moyennage rétrograde de l’EEG
plaident pour une cause sous-corticale des myoclonies, probable-
ment réticulaire, mais ceci n’est pas encore assez clair [28] .
Myoclonies et ataxie
Ataxie myoclonique progressive et syndrome Myoclonies et épilepsies [67]
de Ramsay-Hunt [64]
Épilepsies idiopathiques
En 1921, Ramsay-Hunt décrivait un tableau d’évolution
lente, réunissant myoclonies, ataxie cérébelleuse et épilepsie, la Épilepsie myoclonique juvénile (EMJ)
« dyssynergie cérébellomyoclonique ». Les études menées à par- C’est un syndrome épileptique fréquent de l’adolescent et de
tir de 1987, à Montréal, par Berkovic et Andermann, amènent l’adulte jeune. Sont observées des secousses myocloniques, spon-
les auteurs à douter de l’existence de ce syndrome. La réunion tanées, bilatérales, globalement symétriques, mais qui peuvent
de Marseille, qui eut lieu en 1989, résout le problème en pro- être également asymétriques, Elles sont isolées ou répétitives,
posant que des myoclonies d’action survenant sur une affection impliquant préférentiellement les membres supérieurs et la face,
neurologique lentement progressive sans étiologie, reçoivent le parfois responsables de chutes lorsqu’elles diffusent aux membres
nom d’ataxie myoclonique progressive (AMP) si l’ataxie est au inférieurs. Elles peuvent être importantes, donnant l’impression
premier plan, et le terme d’épilepsie myoclonique progressive de concerner tout le corps ; à l’opposé, elles sont de petite
(EMP) si l’épilepsie est au-devant de la scène. Beaucoup de cas amplitude, donnant une apparence de myoclonies focales ou
sont sporadiques, mais des formes familiales sont décrites. Les multifocales, répétées, touchant les doigts et ressemblant à des
AMP se caractérisent [7] , outre les myoclonies, par la présence éléments choréiques ou fasciculaires [68] . C’est à ses dernières que
d’une ataxie cérébelleuse progressive, le fait que l’épilepsie y est le nom de « minipolymyoclonus » a été donné par Wilkins [27] .
rare et la démence généralement absente. Les myoclonies sont Quelques patients présentent des myoclonies de réalisation plus
multifocales, segmentaires ou occasionnellement généralisées. lente et avec un relâchement plus graduel, pouvant donner
Elles sont arythmiques, accentuées ou induites par le mouve- l’impression d’un mouvement normal [68] . Les myoclonies sur-
ment. Dans certains cas, les myoclonies ont une nature réflexe viennent en pleine conscience, peu après le réveil, et interfèrent
et sont déclenchées par des stimuli auditifs ou visuels. Certaines nettement avec les activités matinales [67] . Panzica [69] met en évi-
myoclonies sont corrélées avec des décharges de polypointes- dence la présence de décharges de polypointes-ondes généralisées
ondes isolées ou en bouffées bilatérales et symétriques. Obeso [7] à prédominance frontale, bilatérales, précédant les myoclonies

EMC - Neurologie 13
17-009-A-10  Myoclonies

de 10 ms à moins de 50 ms, suggérant une origine corticale. Des études électrophysiologiques montrent une origine corticale des
crises généralisées tonicocloniques, précédées typiquement par les myoclonies avec des PES géants, une réponse C exagérée et un
myoclonies massives bilatérales, sont fréquemment associées aux EEG qui peut montrer des décharges de polypointe-ondes. Les
myoclonies matinales (crise clonico-tonico-clonique). Une photo- études génétiques pour la BAFME montrent une liaison au niveau
sensibilité est fréquente, de même que l’activation par les tâches du chromosome 8q23.3-q24.1 ; les données révèlent que d’autres
neuropsychologiques. Des formes de transition avec d’autres syn- phénotypes, comme la FAME, font partie de la même maladie.
dromes de l’épilepsie idiopathique, sont assez fréquentes. L’autosomal dominant cortical myoclonus and epilepsy (ADCME) with
complex partial and generaliszed seizures a été rapporté par Guerrini
Épilepsies myocloniques du nourrisson [67, 70] en 2001 [74] . L’aspect est identique aux cas précédents, mais cer-
L’épilepsie myoclonique bénigne du nourrisson est un syndrome tains patients présentent de plus des crises partielles complexes et
assez rare, caractérisée par de brèves bouffées de myoclonies géné- un léger retard mental. Les études génétiques montrent une liai-
ralisées survenant pendant la première ou seconde année de la son au niveau du centromère du chromosome 2 (2p11.1-q12.2).
vie chez des enfants normaux, entraînant des hochements de Labauge [75] , retrouve l’absence de liaison au chromosome 8 dans
tête ou des trébuchement à la marche avec ou sans chute. Des une famille de FAME. De Falco [76] et Striano [77] rapportent des
décharges de pointes-ondes précèdent les secousses. Le traite- familles de BAFME avec une liaison au chromosome 2 et non
ment est efficace et l’évolution est favorable. Pour certains [71] , il au chromosome 8. En revanche, Van Rootselaar [78] rapporte une
faut en rapprocher l’épilepsie myoclonique réflexe de l’enfant décrite famille hollandaise présentant un tableau de tremblement corti-
par Ricci, où les mêmes formes de myoclonies sont déclenchées cal avec épilepsie, dont les études génétiques n’ont pas montré de
par un bruit inattendu ou par une stimulation tactile, parfois liaison avec les deux loci déjà connus. L’étude histologique d’un
se mêlant au tableau précédent et où l’évolution est identique. des cas montre des anomalies au niveau du cervelet. Il est possible
L’épilepsie myoclonique sévère du nourrisson (Syndrome de Dravet), que ces affections existent à travers le monde, avec des conditions
survient en dehors d’un contexte fébrile, débute par des crises génétiques variées, à l’expression phénotypique plus ou moins
cloniques ou tonicocloniques, unilatérales à bascule ou géné- proche, dont la gravité et l’expression clinique peuvent varier sui-
ralisées, de longue durée. Des crises partielles et des absences vant des facteurs encore inconnus. Il faut noter l’existence de
atypiques apparaissent plus tardivement. Le syndrome myoclo- tremblement cortical secondaire à des lésions cérébrales locali-
nique est rarement au premier plan [15] . Les myoclonies peuvent sées [72] .
être induites par le mouvement ou la lumière. Les myoclonies
généralisées sont habituellement corrélées avec des décharges de Épilepsies généralisées ou partielles,
pointes-ondes généralisées. Des myoclonies focales peuvent ne cryptogéniques ou symptomatiques [67, 70]
pas avoir de correspondance à l’EEG [15] . Il n’existe pas de PES
géant ni d’anomalie du réflexe C [15] . L’évolution est défavorable Syndrome de West
avec l’apparition de signes neurologiques. Il s’agit de la survenue chez un nourrisson d’une triade
spasmes infantiles, arrêt du développement psychomoteur et hyp-
Épilepsie-absence de l’enfant [67] sarythmie. Les spasmes sont le plus souvent répétés en salves,
Il existe fréquemment des myoclonies peu amples des pau- fréquemment à l’endormissement ou au réveil. Ils peuvent être en
pières, des sourcils, au cours des absences typiques de l’épilepsie- flexion, intéressant le cou, les membres et le tronc. D’autres types
absence de l’enfant. D’autres formes cliniques d’absence ont pu de crises, partielles ou généralisées, surviennent en association. Il
être décrites, différentes de la précédente : existe des formes symptomatiques et des formes cryptogéniques.
• l’épilepsie-absence de l’enfance avec myoclonies palpébrales Certains des spasmes enregistrés sont trop longs pour être des
décrite par Jeavons. Il s’agit de mouvements des paupières à très myoclonies épileptiques et sont certainement de nature sous-
haute fréquence, déclenchés par la fermeture des yeux, associés corticale. Cependant, il est possible d’observer aussi plus rarement
avec une activité de pointes répétitives autour de 10 Hz, dont des myoclonies spontanées en dehors des spasmes et des hoche-
l’appartenance au cadre des myoclonies est discutable [15] . Les ments de tête qui peuvent représenter des myoclonies positives et
patients présentent une photosensibilité et des crises tonicoclo- négatives, respectivement.
niques dans l’adolescence ; Syndrome de Lennox-Gastaut
• l’épilepsie-absence avec myoclonies périorales décrite par
C’est une forme sévère d’épilepsie infantile. Des myoclonies
Panayiotopoulos. C’est un syndrome d’individualisation
focales des doigts et des mains (minipolymyoclonus), segmen-
récente, caractérisé par des myoclonies rythmiques des muscles
taires ou axiales peuvent s’associer aux trois types principaux de
périoraux, entraînant des secousses du segment facial inférieur
crises, rendant parfois difficile le diagnostic d’avec le syndrome de
synchrones de décharges de pointes-ondes.
Doose. Certaines chutes peuvent être secondaires à des myoclo-
Épilepsies myocloniques familiales nies négatives [70] . Mais les myoclonies ne sont présentes que dans
15 % des cas et ne représentent jamais un symptôme de premier
Parmi les épilepsies généralisées idiopathiques, il existe des
plan [15] . Des épisodes d’état de mal avec des myoclonies multifo-
syndromes rares et méconnus, rapportés sous des noms divers,
cales continues des mains et des régions périorales sont décrits. Les
et dont l’appartenance à une entité syndromique épileptique
myoclonies sont générées au niveau du cortex frontal et diffusent
autonome est discutable : benign adult familial myoclonic epi-
aux autres aires corticales [79] .
lepsy (BAFME), familial cortical tremor and epileps (FCTE), familial
adult myoclonic epilepsy (FAME). Il faut également rapprocher Épilepsie avec crises myoclonoastatiques (syndrome
de ces formes cliniques, le cortical tremor décrit par Ikeda [72] , de Doose) [67]
observé chez des patients jeunes et caractérisé par des mouve- Il touche les jeunes garçons plus particulièrement. Les crises
ments trémulants des doigts et/ou des mains, lors de la posture sont caractérisées par des myoclonies corticales négatives et myo-
et de l’action, ayant les caractéristiques d’un myoclonus corti- clonoastatiques, responsables de chutes et de blessures par postural
cal, et dans lequel la présence de crises épileptiques associées lapses. Des absences avec composante clonique ou tonique et
est rare [72] , de survenue sporadique ou familiale [73] . Toutes ces des crises tonicocloniques les accompagnent. Les crises purement
affections se caractérisent par une hérédité autosomique domi- toniques sont rares permettant de le différencier d’un syndrome
nante, un myoclonus distal avec un tremblement myoclonique de Lennox-Gastaut. L’évolution et le pronostic sont variables. De
des mains et parfois des pieds, confondu avec un tremblement nombreuses similitudes pathogéniques existent entre le syndrome
essentiel [72] . Il existe également en association des myoclonies de Doose et les épilepsie généralisées idiopathiques [79] .
corticales négatives [72] , des myoclonies généralisées parfois, et de
rares crises généralisées tonicocloniques, les troubles épileptiques Épilepsie bénigne de l’enfant à pointes centrotemporales
pouvant apparaître tardivement. Le début chez l’adulte, une évo- (BECTS) [67]
lution progressive lente, l’absence de signes neurologiques et de L’« épilepsie à paroxysme rolandique » touche les jeunes enfants
détérioration intellectuelle, avec une bonne réponse au traite- plus particulièrement. Les crises concernent la face et les muscles
ment antiépileptique, terminent de caractériser ces affections. Les de la région oropharyngée, auxquelles peuvent s’associer des crises

14 EMC - Neurologie
Myoclonies  17-009-A-10

Tableau 7.
Génétique des épilepsies myocloniques progressives (EMP) (d’après [83] ).
Maladie Hérédité Chromosome Gène Protéine
CL enfant AR 11p15 TPP1 Tripeptidyl
CL juvénile AR 6p CLN3
CL Kufs AR/AD
CL enfant (Finnois) AR 13q21-q32 CLN5
CL variant enfant AR 15q21-23 CLN6
DRPLA AD 12p13.31 DRPLA Atrophin 1
Sialidose type 1 AR 6p21.3 NEU1 Sialidase 1
Sialidose type 2 AR 20 NEU1 Sialidase 1
MERRF Maternelle mtDNA MTTK tRNALys
Lafora AR 6q24 EMP2A Laforine
6p22 NHLRC1
Unverricht-Lundborg AR 21q22.3 CSTB Cystatine B

AR : autosomique récessif ; AD : autosomique dominant ; R : récessif ; CL : céroïde-lipofuschinoses ; DRPLA : dentatorubral and pallidoluysian atrophy ; mtDNA : acide
désoxyribonucléique mitochondrial.

convulsives. Cependant, des myoclonies négatives épileptiques hyperglycémie hyperosmolaire [2] . Dans une proportion d’EPC
unilatérales ou bilatérales ont été décrites chez ces enfants ; de par ischémie ou tumeur, la lésion est localisée au niveau cortico-
même il a été rapporté des myoclonies de la région périorale sous-cortical [7] . Des crises partielles motrices sont fréquemment
et palpébrale lors de la période interictale. La carbamazépine la associées dans le même territoire, à des myoclonies focales ou
lamotrigine ou l’oxcarbazépine peuvent induire ou aggraver des segmentaires permanentes rebelles au traitement, pouvant per-
myoclonies positives ou négatives épileptiques chez ce type de sister des jours, des semaines, des mois. L’EEG conventionnel
patient. montre des anomalies focales, le plus souvent discrètes des
régions centrales, mais mieux détectées et étudiées en moyen-
Épilepsie avec absences myocloniques nage rétrograde. Les études en MEG montrent que la source est
Elle se caractérise par une répétition d’absences pluriquoti- fréquemment au niveau du gyrus précentral ;
diennes avec des myoclonies marquées, touchant préférentiel- • le syndrome de Kojewnikow type 2 (SK2) [15] est en fait une
lement les muscles axiaux, donnant un mouvement rythmique affection neurologique autonome d’évolution progressive et
des épaules, de la tête et des bras, responsable de vacillements. Il sévère : l’encéphalite de Rasmussen, affection chronique auto-
existe une combinaison de myoclonies positives et de myoclonies immune de l’enfance. Les myoclonies sont continues, focales
négatives [15] . Les myoclonies corticales négatives sont reliées à la ou diffuses, facilement induites par l’action et pouvant persis-
composante négative des polypointes corticales et non à l’onde ter durant le sommeil. Il existe également, d’autres types de
lente qui suit les pointes [15] . Les crises peuvent être rebelles au crises partielles en association. Les PES sont géants et les études
traitement et l’évolution est variable. électrophysiologiques montrent que les myoclonies sont géné-
rées en profondeur du sillon rolandique. L’imagerie cérébrale
Épilepsie partielle bénigne atypique [80]
montre une atrophie cérébrale progressive strictement unilaté-
Elle a été décrite par Aicardi et Chevrié. Il existe des crises rale.
partielles nocturnes au début. Des crises pluriquotidiennes avec
myoclonies corticales négatives et/ou positives, focales ou axiales,
souvent groupées en salves, responsables de chutes par atonie pos- Épilepsies myocloniques progressives (EMP) [2, 15, 67]
turale (postural lapses), s’ajoutent à la symptomatologie initiale. Il
n’existe pas de crises toniques. L’EEG de sommeil rappelle celui La maladie de Lafora, la maladie d’Unverritch-Lundborg,
du « syndrome des pointes-ondes continues du sommeil lent ». la MERRF, les céroïde-lipofuschinoses (CL) dans leurs diverses
L’évolution est généralement favorable. formes, les sialidoses, la maladie de Gaucher entrent dans ce
cadre. La plupart sont de nature génétique et liée à la présence
Épilepsie myoclonique à début tardif dans le syndrome d’anomalie protéique [83] (Tableau 7).
de Down Les EMP sont caractérisés cliniquement par une tétrade symp-
Des crises myocloniques peuvent exister dans un syndrome de tomatique comportant : des myoclonies focales ou segmentaires,
Down, lors de la petite enfance. Mais une autre forme d’épilepsie arythmiques, asynchrones, asymétriques, associées à des myo-
avec myoclonies survient tardivement dans ce contexte [81] , le late- clonies massives bilatérales ; une épilepsie à crise tonicoclonique
onset myoclonic epilepsy in Down’s syndrome (LOMEDS). Elle est ou clonico-tonico-clonique ; une détérioration intellectuelle pro-
caractérisée par l’arrivée progressive, de survenue tardive après gressive ; y est associé un syndrome neurologique avec presque
30 ans, de myoclonies et de crises tonicocloniques généralisées. toujours des signes cérébelleux et extrapyramidaux [67] . Les myo-
À l’EEG, il existe des polypointes-ondes généralisées, parfois cor- clonies observées dans le cadre des EMP ont une origine corticale
rélées aux secousses myocloniques. démontrée.
La maladie de Lafora est une affection autosomique récessive
qui débute autour de la puberté, mais des formes d’apparition
Épilepsies partielles continues (EPC) plus tardive existent [84] . Au début, il s’agit d’un syndrome myo-
Il s’agit d’une activité myoclonique spontanée, continue, ryth- clonique peu intense, qui peut donner le change avec une
mique ou irrégulière, localisée à un groupe musculaire, pouvant EMJ. Les myoclonies sont focales et symétriques ou générali-
persister pendant de longues périodes [67] . Deux formes sont indi- sées et de petite amplitude. Elles surviennent au repos et sont
vidualisées : exagérées par l’action ou par la stimulation lumineuse. Les
• le syndrome de Kojewnikow type 1 (SK1) intéresse aussi bien myoclonies disparaissent au sommeil. Puis le syndrome myoclo-
l’enfant que l’adulte. Il est secondaire à une lésion épilepto- nique s’aggrave, devenant invalidant, et des trains de myoclonies
gène du cortex rolandique moteur [82] , parfois en relation avec massives peuvent survenir avec une préservation relative de
un trouble métabolique, en particulier une encéphalopathie la conscience pouvant mimer des crises tonicocloniques. Les

EMC - Neurologie 15
17-009-A-10  Myoclonies

myoclonies sont de type cortical positif, mais des myoclonies épi- néonatale » [80] , cette épilepsie associe différents types de crises :
leptiques négatives peuvent s’associer [6, 85] . À côté des myoclonies crises focales, myoclonies massives, myoclonies fragmentaires
corticales, une origine sous-corticale de certaines myoclonies ne se répétant sans aucune organisation. Les crises généralisées
peut être éliminée. Des crises partielles occipitales sont fréquentes surviennent secondairement. L’EEG montre des activités de sup-
en début d’évolution, s’associant à d’autres types de crises épi- pression burst. Certaines myoclonies ne sont pas associées avec
leptiques plus tard, tandis qu’apparaît un syndrome démentiel, des modifications à l’EEG et ne sont pas considérées comme de
conduisant au décès en quelques années. nature épileptique. Le pronostic est grave. Certains rapprochent ce
La maladie d’Unverritch-Lundborg, forme unifiée du tableau de l’encéphalopathie épileptique infantile précoce décrite
« myoclonus balte » et du « myoclonus méditerranéen », est par Ohtahara, dans laquelle les crises myocloniques sont rares,
une affection autosomique récessive qui débute chez l’adolescent ces deux affections constituant le groupe des encéphalopathies
ou chez l’enfant d’âge scolaire [67] . L’expression de la maladie épileptiques avec suppression burst.
est variable d’un malade à l’autre, caractérisée par un syndrome
myoclonique progressivement invalidant, associé à des crises
tonicocloniques, à une détérioration intellectuelle légère et à Myoclonies et encéphalopathies
des signes cérébelleux et extrapyramidaux. Les manifestations
initiales sont représentées par des myoclonies, habituellement Encéphalopathie postanoxique
matinales, présentes chez au moins la moitié des patients, de Il faut séparer :
nature réflexe [86] , induites par le bruit, la lumière ou lors de • la période précoce, pendant la période de réanimation dans la
la percussion des réflexes. Les myoclonies sont irrégulières et phase de coma [68] , où on peut observer des petites secousses
asynchrones et interfèrent avec la marche, la parole et la déglu- multifocales de petite amplitude, de la face, des yeux, des mains
tition [80] . Il s’agit de myoclonies corticales positives, souvent et des doigts, associées parfois avec des crises épileptiques,
associées à des myoclonies négatives épileptiques. La stimulation considéré comme une forme d’état de mal. On peut encore
lumineuse intermittente provoque des anomalies EEG et des observer un tableau différent et de plus mauvais pronostic,
crises myocloniques. fait de myoclonies soudaines en flexion, du tronc, quelquefois
Aux crises épileptiques et aux myoclonies du MERRF s’associent de la tête et des extrémités, pouvant être parfois déclenchées
une myopathie et des troubles neurologiques. Ces myoclonies par un stimulus et associées quelquefois à des crises tonicoclo-
intéressent le mouvement, et présentent un caractère réflexe mar- niques, avec à l’EEG des pointes ou des polypointes pendant
qué, notamment lors des stimulations sensitives. Des PES géants les secousses, et des burst suppression dans l’intervalle. Un tel
sont présents, ainsi que des anomalies EEG avec pointes-ondes tableau serait secondaire à une forme de myoclonie réticulaire
généralisées associées à une photosensibilité [2] . réflexe [28] ;
• pendant la période séquellaire, les myoclonies constituent ce
Syndrome d’Angelman [15] que l’on appelle le syndrome de Lance-Adams. Les myoclo-
nies sont de nature diverse et toutes les combinaisons sont
Il s’agit d’une affection génétique caractérisée par un retard possibles [89] . Il existe des myoclonies de nature corticale, des
mental sévère avec absence de langage et crises épileptiques chez myoclonies d’origine sous-corticocorticales, des myoclonies
l’enfant. Il existe des absences myocloniques et des états de mal réticulaires réflexes et des réactions de sursaut exagérées [6] Il est
myoclonique s’exprimant par des myoclonies d’action générali- possible d’observer des myoclonies positives comme des myo-
sées à 2-3 Hz, pouvant durer des heures ou des jours. En 1996, clonies négatives [89] . Les myoclonies sont focales, multifocales,
Guerrini rapporte des cas où il existe des myoclonies quasi conti- segmentaires ou généralisées. Les myoclonies sont soit sponta-
nues et rythmiques touchant la face et surtout les mains, leur nées, soit réflexes, et le plus souvent induites par l’intention
donnant un aspect trémulant, accompagnées par une activité EEG du mouvement ou par l’action ; le geste normal est ainsi inter-
rythmique à 5-10 Hz, où chaque myoclonie est précédée par un rompu à la fois par les secousses myocloniques et par des pauses
potentiel EEG prémyoclonique de 5 à 19 ms, témoignant de leur qui aboutissent à une fragmentation anarchique de celui-ci. Des
origine corticale. Cependant pas de réponse C ni de PES géant. chutes soudaines surviennent, tout à fait identiques à celles de
la drop attack, témoins de myoclonies négatives de type postural
État de mal myoclonique [67] lapses, et non le témoin d’une myoclonie positive [90] , mais elles
C’est une situation rare avec des situations hétérogènes. Il peuvent être précédées par de petites secousses myocloniques
se rencontre dans l’épilepsie généralisée idiopathique de façon positives. Parfois, la marche reste possible, entrecoupée de myo-
exceptionnelle. Parfois visible dans l’épilepsie généralisée secon- clonies moins gênantes, mais donnant un aspect de démarche
daire, il reste discutable. Une forme est observée dans un contexte sautillante [89] . Des signes d’encéphalopathie statique associée
d’encéphalopathie et son origine sous-corticale est envisageable, sont fréquents. Le tracé EEG de fond est normal, avec présence
aussi son appellation d’« état de mal » est-elle abusive. Des de bouffées de pointes et polypointes généralisées, accrus par
secousses myocloniques de la face, des paupières ou des mains le mouvement et d’autres stimuli, pouvant persister durant le
sont parfois observées dans des états de mal-absence ou des états sommeil REM [15] .
de mal partiel complexe et ne doivent pas être prises en compte
pour leur donner le qualificatif d’état de mal « myoclonique ». Encéphalopathies systémiques [2]
Au cours des encéphalopathies métaboliques et de cause physique,
Divers des myoclonies sont fréquemment présentes, souvent sous forme
Dans l’« épilepsie induite par le langage » [87] , il s’agit de crises d’asterixis et de myoclonies corticales positives, et habituelle-
épileptiques induites par la parole, l’écriture, la lecture. Ces acti- ment corrélées à l’évolution du syndrome confusionnel associé.
vités déterminent des crises généralisées ou, chez d’autres, des Dans l’encéphalopathie myoclonique de Hashimoto liée à une
secousses du visage et de la mâchoire, source d’une sorte de bégaie- thyroïdite, il existe un état subaigu avec confusion, myoclonies
ment et correspondant à des myoclonies des muscles de la face. et quelques fois des crises partielles complexes. Les myoclonies
Dans les « crises infantiles bénignes familiales/non familiales » [88] , sont fréquentes dans les pathologies infectieuses, en particulier
il s’agit de crises partielles apparaissant dans la première année au cours des encéphalites virales, y compris secondaires au virus
de la vie d’un enfant au développement normal. Une histoire de l’immunodéficience humaine (VIH) [91] . Les myoclonies de la
familiale de crises identiques est fréquente. Des secousses myo- panencéphalite sclérosante subaiguë sont essentiellement décrites
cloniques durant quelques dizaines de secondes unilatérales ou chez des enfants [2, 92] . Il s’agit de myoclonies généralisées répétées
d’une partie du corps apparaissent en association. La durée de (myoclonies périodiques), habituellement toutes les 6 secondes
ces affections épileptiques est courte et le pronostic est favorable. (de 3 à 20 s), lentes en flexion, du tronc et de la partie proxi-
Pour certains, sa séparation de l’« épilepsie avec crises partielles male des membres (hung-up myoclonus), pouvant parfois entraîner
bénignes de l’enfance » est controversée. Décrite par Aicardi et la chute, parfois de distribution asymétrique, évoluant vers des
Goutières en 1978 sous le nom d’« encéphalopathie myoclonique prises de postures prolongées, proches de spasmes dystoniques

16 EMC - Neurologie
Myoclonies  17-009-A-10

du fait de leur durée autour de 500 ms. Les décharges musculaires Les insecticides organophosphorés donnent exceptionnelle-
surviennent et apparaissent avant, pendant ou après l’activité ment des myoclonies.
EEG périodique corrélée ; rarement les secousses myocloniques Des myoclonies peuvent être visibles lors du sevrage en alcool.
arrivent en l’absence de décharges périodiques [92] . Le tableau de Elles peuvent être isolées, mais parfois elles traduisent, en associa-
dégénérescence hépatocérébrale acquise de Victor traduit les consé- tion avec des tremblements, l’entré dans une situation témoin des
quences neurologiques d’une cirrhose chronique avec troubles prémices d’un delirium tremens et s’accompagnent d’asterixis, de
cognitifs, mouvements anormaux, ataxie, asterixis [93] . sudations, d’agitation, voire de crises épileptiques [93] .

Myoclonies d’origine toxique Causes infectieuses et postinfectieuses [95]


ou médicamenteuse Des myoclonies sont fréquentes dans les processus infectieux
D’origine médicamenteuse [94] et postinfectieux du système nerveux central, y compris dans les
infections liées à l’HIV, et en particulier dans l’encéphalite due au
L’étomidate peut être responsable de mouvements involon- virus West Nile.
taires qui peuvent être de nature myoclonique dans 74 % des Des myoclonies sont assez souvent observées dans la maladie
cas. de Whipple, touchant les membres et/ou la face. Des myoclonies
Le chlorambucil peut produire des myoclonies multifocales, faciotronculaires associées avec une démence et des paralysies
quelquefois avec des crises épileptiques, confusion, hallucinations oculomotrices sont de mauvais pronostic. Ces myoclonies sont
et ataxie. Les myoclonies sont un aspect rare des mouvements différentes des myorythmies oculomasticatoires, également pré-
anormaux tardifs induits par les neuroleptiques, elles apparaissent sentes dans cette affection.
lors de l’action, associées avec d’autres symptômes du syndrome Des myoclonies peuvent également être observées dans la leu-
tardif. Des myoclonies peuvent faire partie du tableau clinique du coencéphalopathie multifocale progressive.
syndrome malin lié aux neuroleptiques. Dans le tétanos, la rigidité générale et l’opisthotonos peuvent
Une intoxication aiguë au lithium produit un ensemble de s’accompagner de spasmes, qui représentent des myoclonies sen-
troubles neurologiques avec myoclonies spontanées, généralisées sibles aux stimuli, pour lesquelles une origine corticale a pu être
et stimulosensibles. démontrée dans certains cas.
La carbamazépine peut rarement induire ou aggraver des myo- Des myoclonies peuvent également accompagner une encépha-
clonies positives ou négatives épileptique, même avec un taux lomyélite aiguë disséminée.
plasmatique dans les limites de la normale ; ce phénomène serait Bien que l’encéphalite léthargique de Von Economo n’ait qu’un
plus fréquent dans l’épilepsie bénigne de l’enfant avec pointe intérêt historique, de rares cas sont encore signalés. Une des
centrotemporale [25] . Cependant, des myoclonies non épileptiques formes cliniques [52] , connue sous le nom de forme hyperkiné-
ont été décrites chez des épileptiques, après introduction de la tique ou myoclonique (encephalitis algomyoclonica), comporte des
carbamazépine et disparaissant à l’arrêt du produit. myoclonies à la fois focales et généralisées, rythmiques parfois,
Une situation similaire a été décrite également avec la lamotri- touchant face, cou, épaules, diaphragme, abdomen et membres.
gine et la gabapentine.
Le valproate a été signalé également pour déclencher des myo-
clonies négatives, lors de l’encéphalopathie stuporeuse [21] . Les Divers
myoclonies sont considérées comme un effet secondaire fréquent
d’un traitement par les antidépresseurs cycliques, elles sont rarement Dans le syndrome de l’homme raide [96] , il existe dans 60 % des cas
invalidantes, habituellement dose-dépendantes et disparaissent à un réflexe de sursaut exagéré. Des myoclonies sont parfois visibles.
l’arrêt du traitement. Il existe une exagération pathologique des réflexes cutanéomus-
La fluoxétine peut donner des myoclonies spontanées ou sti- culaires, déclenchant une brève myoclonie suivie d’une activité
mulosensibles. Les myoclonies sont fréquentes et observées dans musculaire tonique.
58 % des cas de syndrome sérotoninergique. Dans la forme jerking stiff-man syndrome, il existe de fréquentes
Les antibiotiques comme la pénicilline, carbenicilline, ticar- myoclonies généralisées à prédominance axiale évoquant des
cilline et les céphalosporines peuvent produire rarement des myoclonies réticulaires réflexes, des spasmes toniques peuvent
myoclonies. faire suite à ces myoclonies et entraîner une chute. Pour cer-
Les myoclonies induites par les opioïdes répondent à la tains auteurs, cette entité représente, en fait, une variante
naloxone ou aux benzodiazépines. Le sevrage aux opioïdes déter- « myoclonique » de l’encéphalomyélite progressive avec rigidité
mine des troubles divers qui peuvent comporter des tremblements et myoclonies, témoin d’un syndrome paranéoplasique ou d’une
et rarement des myoclonies, qui peuvent être stimulosensibles. affection auto-immune.
De nombreux produits de contraste solubles peuvent créer des Les enfants peuvent présenter, lors d’épisodes de fièvre, un état
myoclonies segmentaires, généralement limitées aux jambes, sou- de confusion avec delirium ; dans 18 % des cas il existe des myoclo-
vent rythmiques et stimulosensibles. Ces myoclonies se résolvent nies, febrile myoclonus, généralisées, parfois focales, pouvant durer
spontanément en quelques heures ou après benzodiazépines. plusieurs minutes, qui ne semblent pas d’origine épileptique.
Des myoclonies sont observées dans les syndromes paranéo-
plasiques avec participation encéphalique et/ou médullaire, y
D’origine toxique [94] compris dans l’encéphalopathie à anticorps anti-NMDA [97] .
Dans l’insuffisance rénale chronique, l’intoxication chronique Les myoclonies bénignes infantiles non épileptique, ou syn-
à l’aluminium détermine un tableau général progressif et un drome de Fejerman, représentées par des myoclonies, des spasmes
tableau neurologique d’installation insidieuse avec démence, avec des contractions toniques brèves, des frémissements, voire
troubles du comportement ; des myoclonies positives et/ou néga- des myoclonies négatives sous forme d’atonie, en dehors de phé-
tives peuvent survenir. nomènes épileptiques, surviennent chez un nourrisson et tendent
Une exposition aiguë au méthylbromide produit après une à s’améliorer spontanément [98] .
phase latente de quelques heures des troubles neurologiques avec Les myoclonies orthostatiques surviennent sur les jambes,
myoclonies. lorsque celles ci sont en position debout. Les patients présentent
Des myoclonies surviennent chez 2 % à 3 % des cas d’atteinte une détérioration de la marche. Ces myoclonies peuvent être
neurologique par l’huile frelatée. isolées ou associées avec d’autres conditions, en particulier neu-
On retrouve également des myoclonies et des tremblements rodégénératives [99] .
après une exposition chronique au toluène. Il faut signaler le géniospasme, ou hereditary chin tremor, dont
Les renifleurs d’essence peuvent présenter une encéphalo- Destée [100] montre sur des études électrophysiologiques qu’il s’agit
pathie comprenant des hallucinations visuelles, ataxie, et des en fait de myoclonies localisées et non d’un tremblement.
secousses myocloniques habituellement généralisées, augmentées Les myoclonies psychogènes [30] peuvent être focales, mais le
par l’action et provoquées par des stimuli extérieurs. plus souvent segmentaires et généralisées. Elles sont facilitées par

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17-009-A-10  Myoclonies

le stress et l’anxiété, peuvent être déclenchées par un stimulus et l’utilise à des doses de 600 à 2 000 mg/jour avec la carbidopa (100 à
améliorées ou disparaissant lors de manœuvres de distraction ou 200 mg/jour). Un double effet du 5-HTP est connu, aussi bien dans
par placebo. les modèles animaux de myoclonies que chez l’homme, pouvant
Les myoclonies négatives psychogènes montrent, avec le améliorer ou déterminer des myoclonies. Il existe une tolérance
moyennage rétrograde, un potentiel croissant lentement, sur- progressive au 5-HTP qui se développe lentement. Les fortes doses
venant avant la myoclonie négative, démontrant l’aspect de ce produit sont en relation avec l’absence de modification du
« volontaire » de la myoclonie [15] . récepteurs au 5-HTP au niveau du tronc cérébral, site putatif de
La réaction de sursaut exagérée de nature psychogène montre l’effet antimyoclonique du 5-HTP5-hydroxytryptophane109] .
l’existence d’une habituation, de l’influence de la distraction ; les La toxine botulique est proposée dans le traitement de myoclo-
latences d’apparition des secousses sont plus longues et très varia- nies focales ou segmentaires, dans le traitement des myoclonies
bles. Enfin, le pattern de recrutement des muscles est variable et du voile.
se fait souvent par des muscles du bras en premier (biceps en La stimulation cérébrale profonde du noyau ventral intermé-
particulier), et non par le SCM [31] . diaire (VIM) au niveau thalamique a été rapportée comme moyen
de traitement efficace du syndrome myoclonie-dytonie hérédi-
taire [110] . La stimulation pallidale a été réalisée dans cette même
 Traitement indication, avec succès [111] .

Produits [37]
Diverses études contrôlées ont montré l’intérêt du piracétam Indications [37]
dans les myoclonies, plus particulièrement d’origine corticale [101] .
L’étude multicentrique, en ouvert, menée au Japon sur le piracé- Les myoclonies corticales sont sensibles au piracétam. On utilise
tam [102] , a montré qu’il a un effet bénéfique sur les myoclonies, également le valproate, en particulier si les myoclonies s’associent
en particulier d’origine corticale, que ce soit en monothérapie ou à un contexte épileptique, en association avec le piracétam, ce qui
en polythérapie. L’effet suppresseur s’est maintenu pendant les permet de diminuer la dose de valproate nécessaire. Le clonazé-
18 mois à 2 ans de l’étude. Les diverses études montrent qu’il n’y pam est également utilisé en cas d’absence d’effet suffisant. Le
pas d’interaction avec les antiépileptiques. Les effets secondaires piracétam ou la Dopa peuvent être utilisés dans les myoclonies
sont mineurs (irritabilité, insomnie, nausées) ou inexistants. corticales photo-induites. Sur les myoclonies négatives épilep-
Diverses études dans l’EMP, en ouvert [102, 103] , et l’étude multi- tiques l’intérêt de l’éthosuximide a été montré. La lamotrigine est
centrique contrôlée de Koskiniemi [104] confirment l’amélioration efficace dans certains cas d’EMP, dans le syndrome de Doose [15] ,
significative sur les myoclonies. Le mécanisme d’action de cette mais elle peut aggraver les myoclonies chez certains patients [105] .
substance n’est pas encore compris. Les doses utilisées vont de 9 g Obeso [7] s’accorde à dire que, vu son excellente tolérance et son
à 24 g/jour ; parfois il est utile d’aller jusqu’à 40-50 g/jour [105] . efficacité sur les myoclonies corticales, le piracétam doit être uti-
Le valproate est capable d’augmenter l’activité gabaergique [106] . lisé en première intention et attendre sa réponse après avoir
Le valproate diminue de plus de 50 % la fréquence des myo- atteint des posologies optimales, avant d’entrevoir l’utilisation
clonies chez 80 % des patients avec une histoire de syndrome des autres produits. C’est également l’unique produit qui a reçu
épileptique avec myoclonies [15] . Le valproate est utilisé dans les en France, l’AMM pour les « myoclonies d’origine corticale ». Le
épilepsies avec myoclonies et dans les myoclonies corticales. Les lévétiracétam, qui est dérivé du piracétam, bien qu’ayant peu de
effets secondaires peuvent limiter son intérêt. On l’utilise entre niveau de preuve, est utilisé en traitement de première intention,
250 à 4 000 mg/jour. en particulier aux États-Unis [37] .
Le clonazépam est une benzodiazépine qui accroît la fonc- Il semble que les myoclonies réticulaires soient plus sensibles au
tion gabaergique en augmentant la fréquence d’ouverture du clonazépam et au 5-HTP, mais ce dernier a du mal à être utilisé à
complexe récepteur GABAA [106] . Le clonazépam est, parmi les long terme [28, 37] . Le clonazépam semble avoir un effet plus net sur
benzodiazépines, le plus puissant sur les myoclonies [107] . Les ben- les myoclonies réticulaires que sur les myoclonies corticales [28] .
zodiazépines sont peu efficaces sur les myoclonies des épilepsies Les antiépileptiques ne semblent pas efficaces sur les myoclonies
myocloniques progressives, mais plus actives sur les myoclonies d’origine sous-corticale [37] .
réflexes et les myoclonies de l’épilepsie idiopathique [15] . Le clona- Le piracétam peut avoir un effet positif sur la réaction de sursaut
zépam est utilisé également pour ses propriétés antiépileptiques, exagéré [112, 113] , mais on utilise fréquemment le clonazépam [37] .
mais il n’y a pas eu d’étude contrôle sur les myoclonies [107] . Par- Dans les myoclonies posthypoxiques, dans une période
fois, la dose active doit être nécessairement augmentée, du fait d’agitation en phase post-comateuse, le clonazépam, par son côté
d’un échappement. Les doses habituelles se situent entre 4 et sédatif, peut être apprécié. S’il existe une prédominance de myo-
15 mg/jour. clonie réticulaire, le clonazépam et le 5-HTP seront préférés. Pour
Le progabide, le tiagabine ont une efficacité limitée sur Van Zanducke [107] , le piracétam à forte dose est maintenant le pro-
les myoclonies. Au contraire, la vigabatrine apparaît capable duit à utiliser en premier, vu son efficacité au moins égale et son
d’induire des myoclonies, autant chez l’animal que chez l’être excellente tolérance, d’autant plus, qu’habituellement, les myo-
humain [105] . L’effet spectaculaire de l’éthosuximide sur les myo- clonies d’origine corticale dominent le tableau. Le lévétiracétam
clonies négatives épileptiques, sur les myoclonies avec décharges peut être utilisé, mais il est difficile de dire, à l’heure actuelle, si son
centrotemporales a été montré [108] . Phénytoïne et carbamazé- utilisation dans les myoclonies posthypoxiques, est supérieure.
pine ont très peu d’intérêt, d’autant plus que ces produits L’introduction de piracétam permet de diminuer le valproate, sou-
peuvent induire ou aggraver des myoclonies. La lamotrigine n’a vent utilisé [89] .
pas d’efficacité sur les myoclonies [80] . Les barbituriques pour- Les myoclonies du syndrome myoclonie-dystonie peuvent
raient avoir un intérêt, mais les effets secondaires en limitent répondre aux anticholinergiques [114] . Le clonazépam est classi-
l’utilisation. Le lévétiracétam a été rapporté pour améliorer des quement utilisé. L’acide gamma-hydroxybutyrique, pris pour le
myoclonies posthypoxiques, postencéphalitiques et des myoclo- sevrage à l’alcool, a été utilisé avec succès. La toxine botulique est
nies épileptiques négatives. Mais une étude en ouvert sur le très intéressante sur les aires musculaires où se combinent dysto-
lévétiracétam avec des doses allant de 500 à 2 000 mg/jour, semble nie et myoclonie. La neurochirurgie fonctionnelle est également
suggérer une efficacité inconstante, même dans les cas de myoclo- utilisée avec en particulier la stimulation cérébrale profonde [37] .
nies d’origine corticale. Dans le SOM [59, 37] , l’amélioration peut être spontanée, en parti-
Le 5-hydroxytryptophane (5-HTP) est utilisé du fait de per- culier dans les formes virales. L’utilisation des immunoglobulines
turbation sérotoninergiques dans les myoclonies. Il n’est utilisé intraveineuses à forte dose ou la méthylprednisone à forte dose
que dans les situations difficiles, car ses effets secondaires en en perfusion se montrent efficaces. D’autres substances à effet
limitent l’emploi : anorexie, nausée, vomissements, diarrhée, exci- symptomatique peuvent être utilisées : valproate, clonazépam. Le
tation mentale [107] . Les effets secondaires psychiatriques du 5-HTP traitement d’une tumeur peut également avoir un effet en cas de
incluent euphorie, hypomanie, dépression, irritabilité [109] . On syndrome paranéoplasique.

18 EMC - Neurologie
Myoclonies  17-009-A-10

Dans les myoclonies médullaires et périphériques, le clonazé- [24] Noachtar S, Holthausen H, Luders HO. Epileptic negative myoclonus.
pam représente le produit de choix [37] , mais plus efficace dans les Subdural EEG recordings indicate a postcentral generator. Neurology
myoclonies spinales que dans les myoclonies propriospinales. En 1997;49:1534–7.
cas d’échec, il a été proposé la tétrabénazine, le trihexyphénidyl, [25] Parmeggiani L, Seri S, Bonanni P, Guerrini R. Electrophysiological
la carbamazépine [114] et le zonisamide pour les myoclonies pro- characterization of spontaneous and carbamazepine-induced epileptic
priospinales [37] . La toxine botulique est utilisée dans ce contexte. negative myoclonus in benign childhood epilepsy with centro-temporal
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M. Borg, Praticien hospitalier (borg.m@chu-nice.fr).


Unité des pathologies du mouvement, Service de neurologie, Hôpital Pasteur, 30, avenue de la Voie-Romaine, 06002 Nice cedex 1, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Borg M. Myoclonies. EMC - Neurologie 2012;9(3):1-21 [Article 17-009-A-10].

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EMC - Neurologie 21
¶ 17-009-A-15

Syndrome des jambes sans repos


et mouvements périodiques des jambes
au cours du sommeil
J. Haba-Rubio, R. Heinzer, M. Tafti, J. Krieger

Dans cet article, nous présentons les caractéristiques cliniques, l’épidémiologie, le diagnostic différentiel et
le traitement du syndrome des jambes sans repos ou syndrome d’impatiences musculaires de l’éveil
(SIME) et du syndrome de mouvements périodiques des jambes au cours du sommeil (MPJS), deux entités
différentes, mais souvent associées. Ces deux syndromes comptent parmi les causes les plus fréquentes de
perturbation du sommeil. On considère la prévalence du SIME entre 7 % et 11 % de la population
générale adulte, et du SIME « cliniquement significatif » (au moins deux fois par semaine et de degré
modéré ou sévère) à environ 2 % de la population. Il est caractérisé par des sensations désagréables,
siégeant habituellement dans les jambes, parfois dans les bras, qui surviennent de façon préférentielle le
soir au repos. Ces paresthésies ou dysesthésies s’accompagnent d’un besoin irrésistible de bouger avec un
soulagement partiel et temporaire durant l’activité. Environ 80 % des patients qui souffrent de SIME ont
des MPJS. Mais les MPJS peuvent survenir de façon indépendante, sans SIME. Les MPJS se manifestent par
des mouvements répétés et fortement stéréotypés des membres au cours du sommeil. Il s’agit
généralement de l’extension du gros orteil et de la flexion du pied, avec parfois une flexion du genou et de
la hanche. Les MPJS s’associent fréquemment à des signes électroencéphalographiques d’éveil et ils
peuvent être responsables d’une fragmentation du sommeil. Lors du diagnostic du SIME et des MPJS, il est
important d’établir s’il s’agit d’une forme primaire ou secondaire. Cinq conditions sont classiquement
décrites comme responsables des formes secondaires : les carences ferriques, l’insuffisance rénale, la
grossesse, des polyneuropathies et certains médicaments. Les agents dopaminergiques constituent le
traitement de première intention du SIME et des MPJS.
© 2012 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Syndrome d’impatiences musculaires de l’éveil ; Syndrome des jambes sans repos ;
Mouvements périodiques des jambes ; Sommeil ; Insomnie ; Agonistes dopaminergiques

Plan ¶ Facteurs favorisants et conditions médicales associées 11


Déficit en fer 11
¶ Introduction 1 Insuffisance rénale 12
¶ Historique 2 Grossesse 12
Polyneuropathies 12
¶ Épidémiologie 2
Médicaments 12
Syndrome d’impatiences musculaires de l’éveil 2
Mouvements périodiques des jambes au cours du sommeil 3 ¶ Prise en charge thérapeutique 12
Traitement des causes 13
¶ Clinique et critères diagnostiques 3
Traitements non pharmacologiques 13
Syndrome d’impatiences musculaires de l’éveil 3
Traitements pharmacologiques 13
Mouvements périodiques des jambes au cours du sommeil 5
Cas particuliers 16
¶ Diagnostic différentiel 7
Syndrome d’impatiences musculaires de l’éveil 7 ¶ Conclusion 17
Mouvements périodiques des jambes au cours du sommeil 7
¶ Physiopathogénie 8
¶ Génétique 9
Syndrome d’impatiences musculaires de l’éveil : une maladie ■ Introduction
génétiquement hétérogène 9
Le chemin vers « genome-wide association study » 10 Le syndrome des jambes sans repos (SJSR) ou syndrome
Différentes évaluations phénotypiques et résultats différents d’impatiences musculaires de l’éveil (SIME) et les mouvements
dans deux « genome-wide association study » 10 périodiques des jambes au cours du sommeil (MPJS) sont deux
« Genome-wide association study » dans le syndrome d’impatiences entités cliniques différentes. Le SIME est un trouble sensorimo-
musculaires de l’éveil et les mouvements périodiques des jambes teur, caractérisé par le besoin impérieux de bouger les jambes,
au cours du sommeil. Qu’avons-nous appris ? 11 souvent accompagné de sensations désagréables, des manifesta-
Retour à des gènes majeurs 11 tions qui surviennent préférentiellement le soir, au repos, et qui
sont calmées par le mouvement. Son diagnostic repose sur la

Neurologie 1
17-009-A-15 ¶ Syndrome des jambes sans repos et mouvements périodiques des jambes au cours du sommeil

Tableau 1.
Syndrome d’impatiences musculaires de l’éveil (SIME) et mouvements
■ Historique
périodiques des jambes au cours du sommeil (MPJS). La première description du SIME est probablement celle de Sir
SIME MPJS Willis (1621-1675). Publiée initialement en latin en 1672 [10],
puis en anglais [11], elle constitue l’une des plus anciennes
Symptômes subjectifs Phénomènes moteurs
observations de l’histoire de la médecine du sommeil : « Whe-
Diagnostic clinique (critères IRLSS) Diagnostic polysomnographique refore to some, when being a bed they betake themselves to sleep,
(laboratoire de sommeil, critères
presently in the arms and leggs leapings and contractions to the
AASM)
tendons, and so great a restlessness and tossing of their members
80 % des patients ont des MPJS 30 % des patients ont un SIME ansue, that the diseased are no more able to sleep, than if they were
AASM : American Academy of Sleep Medecine ; IRLSS : International Restless Legs in a place of the greatest torture. » Il préconisait déjà le traitement
Syndrome Study Group. de l’affection par des opiacés (laudanum). Boissier de Sauvages
de Lacroix (1706-1767), médecin et botaniste de la Faculté de
médecine de Montpellier, en parlera sous le terme d’« inquié-
présence de critères cliniques « obligatoires ». On sait qu’environ tude des pieds » dans son œuvre Nosologie méthodique [12], puis
80 % des patients qui souffrent de SIME ont également des Wittmaack, en 1861, lui consacre une page dans sa monogra-
mouvements périodiques du sommeil, et cette association est phie Pathologie und Therapie des Sensibilitäts-Neurosen, sous le
source de confusion, car les manifestations motrices sont terme anxietas tibiarum [13] . Gilles de la Tourette fait une
description très précise de la composante sensitive du SIME
souvent confondues avec les sensations anormales qui consti-
dans son ouvrage Les États neurasténiques, publié en 1898 [14]. Ce
tuent le SIME : le SIME désigne une sensation anormale, perçue
n’est pourtant qu’en 1945, suite à la monographie publiée sur
par le patient, alors que les MPJS désignent des mouvements
le sujet par Ekbom, que la maladie deviendra une entité
anormaux, observables (enregistrables), et d’ailleurs souvent non
différenciée, nommée restless legs syndrome [15]. Dans son travail,
perçus par le patient (Tableau 1). Il est probable que le terme de il distingue deux formes : l’une essentiellement paresthésiante
jambes sans repos, traduction de l’anglais restless legs syndrome (asthenia crurum paraesthetica) et l’autre, moins fréquente,
(RLS), autre appellation du SIME, entretienne cette confusion. dominée par les douleurs des jambes (asthenia crurum dolorosa),
Les MPJS peuvent aussi être observés de façon indépendante, en une distinction qui ne semble plus justifiée aujourd’hui. Ekbom
l’absence de symptômes de SIME, mais leur association fré- décrit, parmi d’autres caractéristiques de la maladie, l’aspect
quente chez le même patient et des mécanismes physiopatho- héréditaire, la prévalence élevée de l’affection dans la popula-
logiques vraisemblablement très proches font qu’ils sont traités tion générale, le rôle de la grossesse, le lien avec les carences en
ici ensemble. fer. Dès lors, ce syndrome est connu sous l’éponyme de « syn-
Bien que le nombre de publications consacrées au SIME ait drome d’Ekbom », « SIME » ou « SJSR ».
considérablement augmenté ces dernières années, et qu’il suscite Les MPJS étaient autrefois connus sous le nom de myoclonies
un regain d’intérêt de la part de la communauté scientifique, il nocturnes ou maladie de Symonds. Putnam Symonds avait
existe toujours un débat dans la communauté médicale pour introduit le terme de nocturnal myoclonus en 1951 pour décrire
savoir s’il est sous-diagnostiqué ou surdiagnostiqué [1]. Une des mouvements « cloniques » involontaires survenant la
possible explication tient au fait que le diagnostic du SIME nuit [16]. La description initiale portait sur cinq patients, l’un
repose sur des critères subjectifs, qui peuvent être exprimés d’entre eux avec une histoire de SIME familial. Il considéra ces
différemment par les patients et interprétés de façon variable mouvements comme une variante épileptique, ce que réfutera
par les médecins. Oswald en 1959 [17]. D’ailleurs, il ne s’agit pas de myoclonies,
Cette controverse touche aussi les MPJS. Si leur existence ne par définition beaucoup plus brèves. Ce sont Lugaresi et al. qui
peut pas être niée, car il s’agit d’un phénomène moteur enre- précisèrent la nature périodique de ces mouvements et leur
gistrable, « objectif », leur signification clinique est toujours association au SIME. Ils démontrèrent que pratiquement tous les
patients affectés d’un SIME avaient des MPJS, et ils proposèrent
débattue. Pour certains, la présence de MPJS durant le sommeil,
qu’à côté du SIME tel que décrit par Ekbom, il existait une
entraîne per se, en l’absence de manifestations de SIME, des
entité nosologique qui lui est reliée [18], et que Coleman et al.
perturbations du sommeil. Et les répercussions cliniques des
vont appeler « mouvements périodiques du sommeil » en
MPJS iraient au-delà de la plainte de sommeil non récupéra- 1980 [19]. Ainsi, sur la base de la plus large étude publiée jusqu’à
teur [2]. En effet, l’activation électroencéphalographique (EEG) et présent, portant sur 133 patients atteints de SIME, 80,2 %
autonomique associée aux MPJS, avec tachycardie suivie de avaient des MPJS la première nuit d’enregistrement polysomno-
bradycardie [3] et élévation de la pression systolique [4], pourrait graphique (seuil diagnostique placé à cinq mouvements par
être, à long terme, un facteur de risque cardiovasculaire. Mais, heure de sommeil) et 7,6 % supplémentaires la deuxième
en revanche, l’influence des MPJS sur la perception subjective nuit [20]. Malgré cette forte association, tous les patients atteints
du sommeil [5] est très faible [6] , et les MPJS peuvent être de SIME ne présentent pas de MPJS et, à l’inverse, on peut
enregistrés chez des sujets sans plaintes de sommeil [7] , en trouver des MPJS de façon isolée, sans évidence clinique de
particulier chez les personnes âgées [8]. Pour ces raisons, certains SIME : lorsqu’on s’adresse à des patients identifiés pour être
auteurs considèrent les MPJS comme une découverte polysom- porteurs de MPJS, seuls 30 % ont un SIME.
nographique, sans répercussion clinique sur la qualité du
sommeil [9].
■ Épidémiologie
Syndrome d’impatiences musculaires
“ Point fort de l’éveil
Pour le SIME, les premières études épidémiologiques rappor-
Le SIME et les MPJS taient une prévalence très variable, oscillant entre 2-5 % [21, 22]
• Le SIME et les MPJS sont deux entités différentes, mais et 29 % [23] de la population générale adulte. La mise en place
souvent associées. de critères diagnostiques, à partir de 1995, a permis une
• Elles partagent des mécanismes physiopathogéniques meilleure standardisation des enquêtes épidémiologiques et, dès
communs. lors, une estimation plus précise de la prévalence du SIME dans
• Plus de 80 % des patients avec un SIME ont des MPJS. la population générale. Globalement, dans les études plus
• Environ 30 % des sujets avec des MPJS ont un SIME. récentes, la prévalence du SIME se situe entre 7 % et 11 % dans
les pays occidentaux [24-28]. Cette prévalence augmente avec

2 Neurologie
Syndrome des jambes sans repos et mouvements périodiques des jambes au cours du sommeil ¶ 17-009-A-15

l’âge et les femmes sont plus atteintes que les hommes. L’étude Mouvements périodiques des jambes
INSTANT, une enquête nationale réalisée en France auprès de
10 263 adultes (âgés de plus de 18 ans) représentatifs de la
au cours du sommeil
population française [29], a confirmé les données de la littérature Les enregistrements effectués en population générale, chez
internationale. Dans cette étude, la prévalence annuelle du des sujets ne présentant pas de plainte de sommeil, montrent
SIME a été de 8,5 %, l’âge moyen des sujets atteints était de une prévalence des MPJS de 6 % [39]. Il n’y a pas de grandes
48 ans, mais l’âge moyen de début des symptômes se situait à différences homme/femme, mais une forte corrélation positive
35 ans. La prévalence augmentait avec l’âge jusqu’à 64 ans, avec l’âge. Cette corrélation avec l’âge a été retrouvée dans
pour décroître par la suite. Les femmes étaient plus touchées d’autres études : 45 % des sujets de plus de 65 ans ont un index
que les hommes, avec des prévalences respectives de 10,8 % et de MPJS supérieur ou égal à 5/h de sommeil [8].
de 5,8 %. Parmi les patients, 16,8 % avaient des symptômes Des enregistrements effectués chez des patients adressés au
sévères et 4,4 % avaient des symptômes très sévères. Une laboratoire du sommeil avec une plainte d’insomnie ou de
histoire familiale positive était retrouvée chez 41 % des sujets. somnolence diurne ont montré une haute prévalence de MPJS,
Seulement 5,3 % des sujets ont reçu un diagnostic de SIME, et jusqu’à 13 % [19, 40], toujours avec une prévalence plus élevée
3,4 % étaient traités par un médicament efficace contre le SIME. chez les sujets âgés [40]. Et chez les sujets âgés avec plaintes de
Il a été suggéré que ces études de population générale avaient mauvais sommeil ou dépression, jusqu’à 86 % avaient un index
tendance à surévaluer la prévalence du SIME [30]. D’une part, supérieur à 5/h, mais sans corrélation aux variables étudiés
dans la plupart des cas, elles n’ont pas pris en compte la sévérité concernant la qualité de sommeil [41].
du SIME, considérant ensemble les SIME légers survenant Si les MPJS sont très fréquents chez les sujets âgés, la présence
sporadiquement et sans répercussion sur la qualité de vie ou le de MPJS est beaucoup plus rare chez les enfants et les adoles-
sommeil, et les SIME très sévères, quotidiens, avec un impact cents : 5,6 % des enfants enregistrés dans un laboratoire de
majeur sur le sommeil et la qualité de vie des patients. D’autre sommeil ont un index de MPJS supérieur à 5/h de sommeil,
part, les études fondées sur des questionnaires ne prennent pas mais souvent associé à un trouble respiratoire au cours du
toujours en compte la présence d’autres affections pouvant sommeil, et seulement 1,2 % non associé à d’autres comorbidi-
« mimer » un SIME, tels que les crampes, les problèmes vascu- tés. Cette prévalence augmentait à 7,1 % chez des enfants ayant
laires locaux, l’inconfort positionnel, ou les « dyskinésies reçu le diagnostic de trouble d’activité et déficit d’attention
quiescegéniques nocturnes » (voir ci-dessous) [31]. En tenant (TADA) [42]. Une étude retrouvait aussi, dans une population
compte de ces facteurs, la prévalence du SIME « cliniquement d’enfants adressés au laboratoire pour évaluation de trouble du
significatif » (au moins deux fois par semaine et de degré sommeil, jusqu’à 23 % des MPJS, là encore, avec une forte
modéré ou sévère) serait de 2 % de la population générale association avec la présence d’un trouble respiratoire au cours
adulte en Europe et États-Unis [25, 32]. du sommeil ou un TADA. Les MPJS sans autre pathologie
Les études épidémiologiques suggèrent une variabilité ethni- associée étaient rares (0,7 %) [43].
que, les Caucasiens étant plus touchés que les populations
asiatiques, indiennes, sud-américaines et méditerranéennes, avec
des prévalences qui vont de 0,1 % à Singapour [33] à 3,1 % en
Turquie [34]. Ces variations peuvent être dues à des interactions
complexes entre une susceptibilité génétique et des facteurs
“ Points forts
environnementaux.
Chez les enfants, le SIME ne semble pas rare. Une large étude • Le diagnostic des MPJS est un diagnostic poly-
en population générale a retrouvé une prévalence de 1,9 % chez somnographique.
l’enfant de 8 à 11 ans et de 2 % chez l’adolescent de 12 à • Les MPJS sont des mouvements répétés et stéréotypés
17 ans, sans différences entre les sexes. Les cas sévères étaient des membres au cours du sommeil.
estimés à 0,5 % chez l’enfant et à 1 % chez l’adolescent, les • Un mouvement est un MPJS si sa durée est comprise
troubles du sommeil et les douleurs de croissance étaient plus entre 0,5-10 secondes, fait partie d’une série d’au moins
fréquents chez l’enfant et adolescents atteints d’un SIME [35]. quatre mouvements consécutifs séparés de
Une autre étude transversale, portant sur 866 enfants entre 5-90 secondes.
2-14 ans, avait trouvé une possible prévalence de 17 % de • Un seuil de plus de 15 MPJS/h de sommeil est considéré
SIME [36], et une étude plus récente utilisant les critères dia- comme significatif.
gnostiques spécifiques retrouvait le diagnostic de SIME chez
• La prévalence des MPJS en population générale est
5,9 % des enfants (< 18 ans) vus dans un programme évaluant
des troubles de sommeil chez l’enfant [37]. Un quart des enfants estimée à 6 %. Celle-ci est beaucoup plus élevée chez les
et la moitié des adolescents atteints rapportent des symptômes sujets âgés.
modérés à sévères [38]. • La signification clinique des MPJS est incertaine. Ils ne
seront traités que s’ils sont source d’inconfort pour le
patient ou le conjoint ou après avoir exclu d’autres
pathologies primaires du sommeil pouvant expliquer les

“ Points forts
plaintes du patient.

• Le diagnostic du SIME est clinique.


• Il s’agit d’un trouble sensorimoteur, caractérisé par des ■ Clinique et critères diagnostiques
sensations désagréables dans les jambes, qui surviennent
préférentiellement le soir, au repos, et qui sont soulagées Syndrome d’impatiences musculaires
par le mouvement. de l’éveil
• La prévalence estimée du SIME se situe entre 7 % et Le diagnostic du SIME est purement clinique. Il se fonde sur
11 % de la population générale adulte. Un SIME la présence des quatre critères minimaux, établis initialement en
« cliniquement significatif » est retrouvé chez 2 %. 1995 par l’International Restless Legs Syndrome Study Group
• Le traitement symptomatique de première ligne est (IRLSSG) [44], puis révisés en 2002 par ce même groupe auprès
constitué par les agonistes dopaminergiques. Les du National Institute of Health (NIH) [45]. À ces critères mini-
antiépileptiques, les opiacés et certaines benzodiazépines .
maux obligatoires pour poser le diagnostic s’ajoutent trois
sont aussi efficaces. critères supplémentaires et trois caractéristiques cliniques
additionnelles (Tableau 2).

Neurologie 3
17-009-A-15 ¶ Syndrome des jambes sans repos et mouvements périodiques des jambes au cours du sommeil

Tableau 2. Tableau 3.
Critères diagnostiques du syndrome d’impatiences musculaires de l’éveil Échelle de sévérité de l’International Restless Legs Syndrome Study Group
(SIME). (IRLSSG).
Critères essentiels Besoin impérieux de bouger les jambes, Faites évaluer les symptômes par le patient pour les dix questions
souvent accompagné ou causé par des ci-dessous.
sensations inconfortables et désagréables Le patient, et non l’examinateur, doit faire l’évaluation, mais
dans les jambes l’examinateur doit être présent et disponible pour répondre
Le besoin impérieux de bouger ou les aux questions du patient.
sensations désagréables débutent ou L’examinateur doit noter les réponses du patient sur le formulaire.
s’aggravent durant les périodes de repos
Au cours de la dernière semaine :
ou d’inactivité
1 D’une manière générale, comment évaluez-vous la gêne due
Le besoin impérieux de bouger ou les
aux impatiences dans vos jambes ou dans vos bras ?
sensations désagréables sont soulagés
0 = aucune, 1 = légère, 2 = modérée, 3 = sévère, 4 = très sévère
partiellement ou totalement par le
mouvement
2 D’une manière générale, comment évaluez-vous votre besoin
Le besoin impérieux de bouger ou les de bouger à cause des impatiences ?
sensations désagréables s’aggravent le soir
0 = aucun, 1 = léger, 2 = modéré, 3 = sévère, 4 = très sévère
ou la nuit, ou ne surviennent que le soir
ou la nuit 3 D’une manière générale, les sensations désagréables
dans vos jambes ou vos bras dues aux impatiences ont-elles été
Critères cliniques Antécédents familiaux de SIME
soulagées par le fait de bouger ?
supplémentaires Réponse positive au traitement
0 = pas d’impatiences des membres, question sans objet, 1 =
dopaminergique
soulagement complet ou presque complet, 2 = soulagement modéré,
Présence de mouvements périodiques des 3 = soulagement léger, 4 = aucun soulagement
membres (à l’éveil ou pendant le sommeil)
4 Quelle a été l’importance des troubles du sommeil dus
Caractéristiques cliniques Évolution clinique naturelle : aux impatiences ?
additionnelles – l’évolution clinique de la maladie varie 0 = aucune, 1 = légère, 2 = modérée, 3 = sévère, 4 = très sévère
considérablement d’un sujet à l’autre.
Le SIME peut survenir à n’importe quel 5 Quelle a été l’importance de la fatigue ou la somnolence ressentie
âge. L’évolution est en général progressive. pendant la journée ?
Chez certains patients, le SIME peut être 0 = absente, 1 = légère, 2 = modérée, 3 = sévère, 4 = très sévère
intermittent et des rémissions pendant
plusieurs années peuvent être observées 6 Dans l’ensemble, quelle est la sévérité de vos impatiences ?
– on retrouve des troubles du sommeil 0 = aucune, 1 = légère, 2 = modérée, 3 = sévère, 4 = très sévère
(insomnie, sommeil non récupérateur,
fatigue, etc.) 7 Avec quelle fréquence avez-vous eu des symptômes
– le bilan clinique/examen physique d’impatiences ?
est généralement normal 0 = jamais, 1 = légère (1 jour/semaine ou moins), 2 = modérée
(2 ou 3 jours/semaine), 3 = sévère (4 ou 5 jours/semaine), 4 = très
sévère (6 à 7 jours/semaine)

Deux manifestations semblent les plus spécifiques, à savoir : 8 Lorsque vous avez eu des impatiences dans les jambes,
des paresthésies/dysesthésies, qui surviennent de façon préfé- quelle a été, en moyenne, leur durée ?
rentielle le soir au repos, et leur soulagement par divers 0 = aucune, 1 = légère (moins de 1 heure/jour), 2 = modérée
mouvements des jambes, en particulier la marche. Le patient (1 à 3 heures/jour), 3 = sévère (3 à 8 heures/jour), 4 = très sévère
peut avoir des grandes difficultés à exprimer exactement ce qu’il (8 heures/jour ou plus)
ressent et utiliser alors des métaphores. Les symptômes sensitifs
9 D’une manière générale, quel a été l’impact des symptômes
. peuvent être décrits de façon très variée : sensations de brûlure, d’impatiences sur votre capacité à accomplir vos activités
de picotements, de fourmillement, etc., le plus constant étant quotidiennes (par exemple, mener de façon satisfaisante votre
un irrésistible besoin de bouger [45, 46]. vie à la maison, avec votre famille, vos activités avec les autres,
Si la symptomatologie prédomine au niveau des jambes, dans votre vie scolaire ou professionnelle) ?
50 % des cas, on note également des impatiences au niveau des 0 = aucun, 1 = léger, 2 = modéré, 3 = sévère, 4 = très sévère
membres supérieurs [47]. Les symptômes sont habituellement
bilatéraux, mais chez 42 % des patients, on note une latéralisa- 10 Quelle a été l’importance de vos troubles de l’humeur (par
tion de l’intensité des symptômes [20]. La fatigue peut jouer un exemple : colère, déprime, tristesse, anxiété ou irritabilité)
dus aux impatiences ?
rôle de facilitation. Du fait de la prédominance vespérale des
symptômes, les patients présentent des difficultés d’endormisse- 0 = aucune, 1 = légère, 2 = modérée, 3 = sévère 4 = très sévère
ment, avec des réveils fréquents au cours de la nuit, durant Le score total (somme des scores pour chaque item) donne
lesquels ils doivent quitter le lit pour marcher et soulager ainsi une indication de la sévérité :
les paresthésies/dysesthésies, provoquant une véritable insom- 1-10 : légère
nie, qui peut être sévère et résistante aux traitements habituels.
11-20 : modérée
Il faut cependant noter que le trouble du sommeil n’est pas
21-30 : sévère
toujours en rapport avec la perception d’impatiences par le
patient. 31-40 : très sévère
L’évaluation de la sévérité des symptômes est très importante,
notamment à l’heure de décider la nécessité de la mise en route
d’un traitement symptomatique, et pour évaluer la réponse dans la semaine précédente. Chaque question est cotée de 0 à
thérapeutique. Ainsi, on dispose de différentes échelles pour 4 par le patient lui-même, avec un score total de 0 à 40.
quantifier la sévérité du SIME [48-50] et le retentissement sur la En outre, on peut évaluer les répercussions sur la qualité du
qualité de vie [51-54]. L’échelle la plus utilisée est l’échelle de sommeil par enregistrement polysomnographique, qui permet
sévérité du SIME de l’IRLSSG (Tableau 3) [50] . Elle contient aussi de calculer un index de MPJ par heure de sommeil. Le test
10 questions sur l’intensité, la fréquence et l’impact du SIME d’immobilisation suggérée a été développé pour reproduire les

4 Neurologie
Syndrome des jambes sans repos et mouvements périodiques des jambes au cours du sommeil ¶ 17-009-A-15

Tableau 4. symptômes sévères, et souvent associée à des troubles psychia-


Formes cliniques du syndrome d’impatiences musculaires de l’éveil triques (dépression, anxiété). La présence de mouvements au
(SIME) de l’adulte (selon l’âge de début). repos, habituellement décrits comme brusques, à prédominance
Forme à début précoce Forme à début tardif
nocturne, mais sans les manifestations sensitives typiques du
SIME, définissent une entité clinique appelée « dyskinésies
Début des symptômes avant 45 ans Début des symptômes après 45 ans quiescegéniques nocturnes », caractérisée aussi par une moins
Plus souvent forme idiopathique Souvent forme secondaire (associée bonne réponse aux traitements par agents dopaminergiques et
à polyneuropathie) leur fréquente association à d’autres maladies neurologiques
Rôle mineur des réserves Rôle important des réserves (polyneuropathie, canal cervical étroit) [31].
ferriques/métabolisme du fer ferriques/métabolisme du fer
dans la physiopathogénie dans la physiopathogénie Forme clinique de l’enfant
Forte composante familiale Formes sporadiques
Le SIME reste mal connu chez l’enfant, et il est probablement
Symptômes souvent modérés Symptômes plus sévères sous-diagnostiqué [59], car, dans beaucoup d’études rétrospecti-
Évolution insidieuse Évolution rapide ves, les patients font débuter leurs symptômes très tôt, souvent
avant l’âge de 10 ans [20, 60]. Sur le plan clinique, le SIME chez
l’enfant se présente avec les mêmes symptômes que chez
manifestations du SIME [55]. Pendant le test, réalisé le soir avant l’adulte, mais l’enfant évoque les manifestations sensitives avec
le coucher (quand les manifestations du SIME sont le plus ses propres mots, en rapport avec son âge. La description qu’en
intenses), le patient doit rester semi-assis au lit (45°), avec les donne l’enfant les fait parfois interpréter à tort comme des
jambes étendues, pendant 1 heure. On enregistre, à l’aide d’un douleurs de croissance. Le SIME peut se manifester par une
électromyogramme (EMG) sur les muscles tibiaux, les mouve- agitation vespérale et peut être responsable de troubles du
ments involontaires ou les mouvements que le sujet est obligé sommeil sévères, avec souvent une opposition au coucher. La
de faire pour soulager les sensations désagréables. Un index recherche d’une histoire familiale de SIME doit être systémati-
supérieur à 40 semble pouvoir discriminer les patients avec que. Pour des enfants âgés de plus de 13 ans, les critères utilisés
SIME des patients contrôles. Il semble que la polysomnographie .
sont ceux de l’adulte [45]. Des critères de SIME certain (pour des
et le test d’immobilisation suggérée soient plus sensibles pour le enfants âgés de 2 à 12 ans) ou probable/possible (pour des
diagnostic du SIME quand ils sont combinés, avec une valeur enfants âgés de 0 à 18 ans) ont été proposés [45].
prédictive positive supérieure à 80 % [55]. Il semble exister une association fréquente entre SIME chez
Comme signalé plus haut, le diagnostic du SIME est un l’enfant avec TADA : jusqu’à 44 % d’enfants ayant un TADA ont
diagnostic clinique. Les examens complémentaires sont utiles des symptômes compatibles avec un SIME et, chez les enfants
pour le diagnostic étiologique et différentiel ou dans des cas présentant un SIME, jusqu’à 26 % présentent des symptômes en
douteux. Vu la fréquente association avec les carences en fer, un faveur d’un TADA [61]. Une échelle de sévérité spécifique pour
bilan ferrique (fer, ferritine, transferrine, coefficient de satura- enfants a été récemment développée, mais elle n’est pas encore
tion de la transferrine) semble néanmoins nécessaire pour tous validée [62].
les patients. On considère comme anormale une ferritinémie
inférieure à 50 µg/ml ou un coefficient de saturation de la Forme clinique de la personne âgée présentant
transferrine supérieur à 20 %. Un EMG est demandé selon les des troubles cognitifs
manifestations cliniques (douleurs, brûlures, hypo-/aréflexie). Il En raison de la difficulté qui peut exister cher les patients
peut se révéler normal en cas de polyneuropathie des petites .
âgés présentant des troubles cognitifs pour verbaliser les
fibres. La réalisation d’une polysomnographie est réservée aux manifestations sensitives du SIME, des critères diagnostiques ont
cas atypiques, en cas de doute sur d’autres pathologies du été proposés spécifiquement pour ce groupe de patients.
sommeil associés ou de non-réponse aux traitements.

Formes cliniques du syndrome d’impatiences Mouvements périodiques des jambes


musculaires de l’éveil de l’adulte au cours du sommeil
Les SIME peuvent être classifiées en formes familiales (pré- Les MPJS se manifestent par des mouvements répétés et
sence de parents proches des patients qui ont aussi un SIME) et .
stéréotypés des membres au cours du sommeil. Il s’agit généra-
en formes sporadiques [56]. L’idée est que, dans certaines formes, lement de l’extension du gros orteil et de la flexion du pied,
le déterminisme génétique est plus marqué que dans d’autres. avec parfois une flexion du genou et de la hanche.
Un des problèmes principaux de ce type de classification est Des analyses vidéo et électromyographiques ont permis de
qu’il dépend en grande mesure de la taille des familles étudiées, rapprocher ces mouvements du signe de Babinski [63] ou du
avec plus de chances de trouver des membres atteints dans les réflexe de flexion spinal [64]. Le diagnostic se fait lors d’un
grandes familles. enregistrement polysomnographique à l’aide d’un EMG (élec-
On peut classifier les patients atteints de SIME selon le trodes de surface sur les muscles jambiers antérieurs), qui met
caractère primaire (ou idiopathique) ou le caractère secondaire en évidence l’activation du muscle, soutenue ou en bouffées.
(associée à une autre pathologie ou circonstance connue pour Des mouvements périodiques peuvent aussi se produire aux
provoquer ou aggraver le SIME [cf. plus bas « Facteurs favori- membres supérieurs, mais ils ne sont pas aussi fréquents que
sants et conditions médicales associées »]). dans les membres inférieurs [65].
Une classification intéressante est celle qui se fonde sur l’âge La première méthode de quantification des MPJS a été
de début des symptômes. Deux phénotypes peuvent ainsi être proposée par Coleman [66] . Depuis lors, il y a eu plusieurs
différentiés (Tableau 4) [57] : révisions pour la cotation des MPJS [65, 67, 68]. Les nouveaux
• forme précoce : début des symptômes avant 45 ans, souvent critères pour le score des MPJS sont ceux proposés par l’Ameri-
idiopathique, avec une forte composante familiale et une can Academy of Sleep Medecine (AASM) en 2007 [69]. Selon
évolution plus insidieuse ; cette méthode, seuls les mouvements ayant une durée de 0,5-
• forme tardive : début des symptômes après 45 ans, souvent .
10 secondes et survenant par séries d’au moins quatre mouve-
secondaire (par exemple polyneuropathie), où le fer est ments consécutifs, séparés par des intervalles de 5-90 secondes,
supposé jouer un rôle physiopathogénique majeur. Les sont pris en compte (Fig. 1, 2).
symptômes sont habituellement plus sévères, et l’évolution On calcule ainsi un index de mouvements périodiques, en
est plus rapide que dans les formes à début précoce. divisant le nombre total de mouvements par le temps total de
Une forme de SIME résistante aux agents dopaminergiques et sommeil. Un seuil arbitraire de 5/h de sommeil a été classique-
sans MPJS a aussi été décrite [58]. Elle pourrait correspondre aux ment considéré comme la limite entre normal et pathologique.
12 % des patients réunissant les quatre critères obligatoires pour Mais, selon ce seuil, entre 30 % et 86 % des sujets âgés de plus
le diagnostic. Il s’agit d’une forme à début précoce, avec des de 60 ans devraient être considérés comme « anormaux ». Dans

Neurologie 5
17-009-A-15 ¶ Syndrome des jambes sans repos et mouvements périodiques des jambes au cours du sommeil

“ Point important
Critères de score des mouvements périodiques des
jambes au cours du sommeil (MPJS)
A. Les critères suivants définissent un mouvement de
jambe (MJ) :
• durée minimale : 0,5 seconde ;
• durée maximale : 10 secondes ;
• amplitude minimale : augmentation de l’amplitude du
signal EMG de 8 µv par rapport à l’activité EMG de repos ;
• le début du MJ est marqué par le moment où il existe
une augmentation d’au moins 8 µv par rapport à l’activité
EMG de repos ;
• la fin du MJ est définie comme le début d’une période
Figure 1. Enregistrement polysomnographique montrant la présence durant au moins 0,5 seconde pendant lequel l’activité
d’une activité motrice périodique au niveau de la jambe droite (EMG3), EMG ne dépasse pas de 2 µv l’activité EMG de repos.
accompagnée de microéveils (visibles sur les dérivations élec- B. Les critères suivants définissent une série de
troencéphalographiques [EEG] : 01-A2 et C3-A2), correspondant à des mouvements périodiques des jambes (MPJ) :
mouvements périodiques des jambes au cours du sommeil (MPJS). • le nombre minimal de mouvements consécutifs pour
définir une série de MPJ est quatre MJ ;
• l’intervalle minimal entre deux MJ (défini comme le
temps entre le début de deux MJ consécutifs) pour que
Durée ≥ 0,5/≤ 10 s
ceux-ci soient considérés comme périodiques est de
Intervalle ≥ 5/≤ 90 s 5 secondes ;
• l’intervalle maximal entre deux MJ (défini comme le
temps entre le début de deux MJ consécutifs) pour que
1
2 ceux-ci soient considérés comme périodiques est de
3 90 secondes ;
0 µV • les MJ qui surviennent dans deux jambes, s’ils sont
séparés par moins de 5 secondes (entre début du
mouvement d’une jambe et début de mouvement de
l’autre jambe), sont comptés comme un seul mouvement.

le sommeil profond (stades 3 et 4) leur nombre décroît et la


durée moyenne de l’intervalle entre les mouvements s’accroît
Série d’au moins 4 MJ consécutifs légèrement. Les mouvements périodiques peuvent aussi survenir
Figure 2. Critères de score d’un mouvement périodique des jambes pendant les périodes d’éveil calme, avant l’endormissement ou
(MPJ). MJ : mouvement de jambe. 1. Amplitude de début ≥ 8 µv au-dessus intranuit. On peut ainsi aussi calculer un index de mouvements
de la ligne de base ; 2. amplitude de fin ≤ 2 µv au-dessus de la ligne .
périodiques pendant l’éveil. Les MPJ pendant l’éveil semble-
de base ; 3. ligne de base ≤ 10 µv. raient en outre avoir une plus grande spécificité et sensibilité
pour le diagnostic du SIME que les MPJ pendant le sommeil [74].
Les MPJS peuvent se rencontrer chez des sujets asymptoma-
tiques, mais le plus souvent s’associent à une grande variété de
la classification internationale des troubles du sommeil (Inter- maladies neurologiques, psychiatriques, de troubles du sommeil
national Classification of Sleep Disorders – ICSD) établie par ou en rapport avec la prise de médicaments. En particulier, les
l’AASM, plus de cinq MPJS par heure de sommeil chez l’enfant MPJS se trouvent présents chez plus de 85 % de sujets présen-
et plus de 15 chez l’adulte sont considérés comme pathologi- tant un SIME [20, 75]. La présence de mouvements périodiques
ques, s’il existe une plainte de dysomnie nocturne ou de fatigue des jambes fait partie des critères cliniques supplémentaires
ou de somnolence diurne [70]. Il existe une importante variabi- pour le diagnostic de SIME, et leur présence peut être recher-
lité intrasujets d’une nuit à une autre [71], en particulier chez les chée en cas de doute diagnostique.
sujets atteints d’un SIME [72], ce qui rend le diagnostic encore La signification clinique des MPJS « per se », non associés à
plus difficile : une seule nuit d’enregistrement permet-elle de d’autres maladies, reste controversée. Traditionnellement, il était
confirmer ou d’éliminer le diagnostic ? supposé que c’étaient les mouvements qui étaient responsables
des microéveils, mais cette relation est probablement plus
Il faut être particulièrement attentif aux mouvements des
complexe et, comme signalé plus haut, souvent, les microéveils
jambes qui sont la conséquence de l’éveil qui marque la fin
précèdent l’activation motrice. Ainsi dans une étude, on a pu
d’un événement respiratoire (apnée/hypopnée/limitation de démontrer que dans 49 % des MPJS, le microéveil survient
débit inspiratoire) et qui peuvent prendre un aspect « périodi- avant l’activation motrice, dans 31 % simultanément et dans
que », mais qui ne doivent pas être considérés comme MPJS. Les 23 % le MPJS précède le microéveil [73]. Montplaisir et al. ont
MPJS s’associent fréquemment à des signes EEG d’éveil, ce qui démontré la persistance d’éveils répétitifs (complexes K-alpha)
permet également de calculer des index de MPJS avec ou sans après suppression des MPJS par un traitement pharmacologique,
éveil, par heure de sommeil. L’analyse de la relation temporelle et la persistance de microéveils « périodiques » sans MPJS chez
entre ces deux phénomènes montre que les éveils peuvent des patients présentant un syndrome de mouvements périodi-
précéder ou suivre le mouvement [73] . Les critères de score ques des jambes [76, 77], ce qui soulève la question de savoir si
actuels prennent en compte le fait que les microéveils peuvent les MPJS sont responsables des éveils et de la fragmentation du
précéder les MPJS [68]. Les MPJS sont plus nombreux pendant la sommeil ou si éveils et MPJS ne sont que les expressions
première partie de la nuit et au cours du sommeil léger (stades différentes d’un mécanisme physiopathogénique unique [78]. On
1 et 2) et diminuent fortement en sommeil paradoxal. Pendant pourrait voir les MPJS comme un marqueur d’instabilité et de

6 Neurologie
Syndrome des jambes sans repos et mouvements périodiques des jambes au cours du sommeil ¶ 17-009-A-15

fragmentation du sommeil, intégrant une sorte de complexe


MPJS-microéveil, expression d’un générateur central
■ Diagnostic différentiel
commun [77].
L’influence des MPJS sur la perception subjective du som-
Syndrome d’impatiences musculaires
meil [5] ou sur l’index de qualité du sommeil de Pittsburgh est de l’éveil
très faible [6], et les MPJS peuvent être enregistrés chez des sujets En dehors des symptômes propres aux maladies associées, il
sans plaintes de sommeil [7], en particulier chez les personnes faut distinguer les dysesthésies et paresthésies liées au SIME de
âgées [8]. Chez des patients présentant un SIME, la présence de celles dues à une polyneuropathie, des douleurs articulaires,
MPJS n’est pas corrélée à la sévérité des symptômes [79]. Les musculaires ou liées à une artérite ou à une insuffisance
mouvements périodiques des jambes ne sont pas plus prévalents veineuse et de l’inconfort du painful legs and moving toes
chez des sujets insomniaques ou hypersomniaques [80], et la (syndrome des jambes douloureuses et mouvements des orteils).
validité du syndrome de mouvements périodiques des jambes
comme une entité nosologique à part entière est ainsi mise en
doute. Finalement, nous n’avons pas la preuve que traiter les
MPJS améliore le sommeil nocturne ou les plaintes diurnes.
Globalement, les MPJS sembleraient associés plutôt à une “ Point important
fatigue diurne et une impression de sommeil non récupérateur
plus qu’à une véritable somnolence diurne excessive [81]. Diagnostic différentiel du SIME
Mais de plus, des études récentes ont démontré que les MPJS • Inconfort positionnel
induisent des changements de l’activité spectrale EEG [82], même • Polyneuropathies, radiculopathies
en l’absence de micro-éveils « visibles », ainsi que des change- • Crampes musculaires nocturnes
ments de la fréquence cardiaque [82, 83] et de la pression • Douleurs articulaires
artérielle [4]. Les MPJS pourraient constituer un facteur de risque • Artériopathie (claudication intermittente), insuffisance
cardiovasculaire, et il semblerait qu’il existe une relation entre veineuse
l’index de MPJS et le risque d’hypertension artérielle (HTA) (en • Akathisie (neuroleptiques)
particulier pour des index supérieurs à 50 MPJS/h de sommeil), • Syndrome des jambes douloureuses et mouvements
et que les MPJS soient plus fréquents chez les patients des orteils (painful leg and moving toes)
hypertendus [84]. • Akathisie hypotensive
L’ICSD différencie les MPJS isolés, trouvés lors d’un enregis- • Érythromélalgie
trement polysomnographique chez un sujet asymptomatique, • Syndromes douloureux chroniques et diffus (par
de ceux associés à une plainte de dysomnie nocturne ou de
exemple : fibromyalgie)
fatigue diurne, sans une autre cause [85]. Dans le cas où la seule
• Anxiété, maladies psychiatriques, trouble d’activité et
anomalie polysomnographique retrouvée pour expliquer les
déficit d’attention
plaintes du patient est la présence MPJS, on parle de syndrome
de mouvements périodiques des jambes au cours du sommeil.
On peut donc différentier les MPJS en :
• MPJS associés à des maladies impliquant un dysfonctionne- Les éléments cliniques différenciateurs sont la composante
ment du système dopaminergique (SIME, narcolepsie, maladie circadienne des symptômes sensorimoteurs dans le SIME (qui
de Parkinson, trouble du comportement en sommeil para- prédominent le soir et la nuit) et le soulagement (au moins
doxal). Les MPJS seraient un « épiphénomène », marqueur partiel) par le mouvement (ce qui n’est pas le cas pour les
biologique du dysfonctionnement dopaminergique. On peut douleurs articulaires ou vasculaires). Dans l’akathisie, liée à la
intégrer dans ce groupe les MPJS retrouvés chez des sujets prise de neuroleptiques, les paresthésies sont rarement au
âgés asymptomatiques (l’âge étant associé à un déclin de premier plan, et il n’y a pas de composante circadienne ni
l’activité dopaminergique) et les MPJS en rapport avec la prise d’amélioration par la marche ou le mouvement. L’érythromélal-
de médicaments (ayant une action antagoniste dopaminergi- gie se manifeste par des douleurs importantes, récurrentes,
que) ; bilatérales et symétriques s’accompagnant de chaleur, de
rougeur et de gonflement au niveau des pieds et beaucoup
• MPJS non associés à d’autres maladies, mais qui pourraient
moins fréquemment des mains. Sa forme primaire familiale est
être liés à une plainte de mauvais sommeil (insomnie ou
une affection autosomique dominante, due à des mutations
fatigue/somnolence diurne) et qui définissent le syndrome de d’un canal sodique voltage-dépendant [90] . Dans l’akathisie
mouvements périodiques des jambes. hypotensive, des manifestations sous forme de fatigue, étour-
dissements, sensations vertigineuses surviennent uniquement en
position assise et sont améliorées par les mouvements. Il s’agit
Mouvements périodiques des jambes
de manifestations liées à une hypotension, traduisant un
au cours du sommeil chez l’enfant dysfonctionnement autonomique [91].
Comme signalé plus haut, les MPJS chez l’enfant semblent
surtout associés à d’autres maladies, en particulier aux troubles Mouvements périodiques des jambes
respiratoires au cours du sommeil [42], au TADA [86] et à d’autres au cours du sommeil
troubles neuropsychiatriques [87] . Les MPJS semblent plus
fréquents chez les enfants caucasiens que chez les enfants Pour différencier les MPJS des autres mouvements anormaux
afro-américains [88]. au cours du sommeil, il faut souvent avoir recours à la poly-
somnographie. Les MPJS doivent se distinguer des secousses
hypnagogiques ou sursauts d’endormissement, ainsi que des
Mouvements périodiques des jambes au cours activités phasiques du sommeil paradoxal et d’autres mouve-
du sommeil chez la personne âgée ments anormaux pouvant survenir pendant le sommeil : lors
des crises d’épilepsie morphéiques, en relation avec un trouble
La prévalence des mouvements périodiques des jambes du comportement en sommeil paradoxal, ou d’autres myoclo-
augmente avec l’âge. Chez la personne âgée, des MPJS sont nies au cours du sommeil qui n’ont pas le caractère périodique
souvent observés en l’absence de plaintes concernant le som- des MPJS.
meil [8, 39, 89], mais la prévalence des MPJS est encore plus élevée Les MPJS sont un phénomène fréquent chez des patients
(jusqu’à 80 %) chez des sujets âgés présentant des plaintes de présentant un trouble respiratoire au cours du sommeil, tel
sommeil [41]. qu’un syndrome d’apnées du sommeil (SAS) [92, 93]. Ils peuvent

Neurologie 7
17-009-A-15 ¶ Syndrome des jambes sans repos et mouvements périodiques des jambes au cours du sommeil

“ Point important
Diagnostic différentiel des MPJS
• MPJS : extension du gros orteil, flexion du pied, parfois flexion du genou et de la hanche. Durée entre 0,5 et 10 secondes. Leur
principale caractéristique réside dans leur périodicité (entre 5 et 90 secondes). Ils sont plus nombreux pendant la première partie de
la nuit.
• Mouvements volitifs : mouvements volontaires, qui peuvent être répétitifs et stéréotypés.
• Sursauts d’endormissement (myoclonies hypniques) : surviennent uniquement pendant la phase de transition veille-sommeil. Il s’agit
de mouvements corporels brusques, impliquant les extrémités des deux côtés de façon synchrone, de courte durée (< 1 seconde), le
plus souvent uniques, en tout cas non périodiques. Ils correspondent à une intensification de phénomènes physiologiques et peuvent
être considérés, sauf dans des cas sévères, comme quasi physiologiques.
• Myoclonies fragmentaires : brèves contractions musculaires (twitchlike jerks de moins de 150 ms), le plus souvent visibles sur les
mains et le visage, non symétriques, non synchrones. Elles prédominent en sommeil paradoxal.
• Syndrome des jambes douloureuses et mouvements des orteils (painful legs and moving toes) : douleurs sévères d’un ou des deux pieds
(souvent sensation de brûlure), associées à des mouvements involontaires des orteils. Ces mouvements sont irréguliers, non en
rapport avec le cycle veille-sommeil. Les dysesthésies ne sont pas soulagées par la marche ou le massage.
• Crampes nocturnes : contractions soutenues (durée plus longue que les MPJS) et douloureuses des muscles des jambes (le plus
souvent le gastrocnémien [jumeaux] et le soléaire), précipitées par la contraction de ces muscles au cours d’un étirement. Elles sont
soulagées par la dorsiflexion du pied.
• Myoclonies propriospinales : contractions musculaires brusques, non périodiques, avec un pattern de propagation rostrocaudal, qui
surviennent pendant la transition veille-sommeil (et plus rarement lors de la transition sommeil-veille), pouvant provoquer une
insomnie sévère.
• Tremblements hypnagogiques : mouvements de flexion-extension des pieds ou des orteils (bouffée d’EMG entre 300 et 700 ms) qui
surviennent en courtes salves (d’une durée entre 10-15 s), lors de la transition veille-sommeil, pouvant persister en stade 1 ou 2. Étant
donné sa prévalence et l’absence de perturbation du sommeil, ils peuvent être considérés comme quasi physiologiques.
• Syndrome d’hyperplexie : syndrome survenant chez le jeune enfant, dans lequel des sursauts sont déclenchés par des stimulations
dans tous les stades de vigilance (veille ou sommeil).
• Épilepsie frontale nocturne (dystonie paroxystique nocturne) : crises d’épilepsie partielles. Attaques de 15 secondes à 2 minutes,
pluriquotidiennes, en sommeil lent, très stéréotypées chez un individu donné. Habituellement, les crises sont précédées d’un éveil
EEG et de modifications végétatives, puis le patient ouvre brusquement les yeux puis des phénomènes moteurs complexes
apparaissent : postures et mouvements dystoniques, mouvements choréiques ou balliques, parfois vocalisations. Les anomalies EEG
(tant critiques qu’intercritiques) peuvent manquer.
• Activation musculaire alternée des jambes. Mouvements en alternance des jambes, d’une durée entre 0,1 et 0,5 s, qui surviennent
à une fréquence d’entre 0,5 et 3 Hz, et qui se produisent pendant le sommeil, et plus souvent, pendant les phases d’éveil calme.

apparaître en association étroite avec les événements respiratoi- qu’ils seraient le résultat d’une désinhibition des pacemakers du
res, ou de façon indépendante. Une activation musculaire peut système nerveux central, probablement provoquée par des
accompagner le microéveil qui marque la fin d’un événement influences multiples.
respiratoire, et ces types de mouvements ne doivent pas être Des arguments d’imagerie fonctionnelle (cf. infra) et surtout
scorés comme MPJS, selon les critères de scorage actuels [69]. Il pharmacologiques [98-100] suggèrent un dysfonctionnement du
faut tenir compte du fait que certaines anomalies respiratoires système dopaminergique, modulé lui-même par le système
peuvent être très subtiles et difficiles à identifier, comme dans opioïde endogène [101, 102] , et probablement par d’autres
le cas du syndrome de résistance des voies aériennes supérieu- neurotransmetteurs. Les arguments pharmacologiques reposent
res. Chez des patients présentant des anomalies respiratoires au sur l’efficacité des traitements dopaminergiques sur les symptô-
cours du sommeil et un nombre élevé de MPJS, le trouble mes liés aux impatiences et sur la diminution des MPJS. Ils sont
respiratoire doit être traité initialement avant de pouvoir devenus le traitement de choix dans ces deux affections. À
attribuer une quelconque symptomatologie aux MPJS. Le l’inverse, l’administration d’antagonistes dopaminergiques peut
traitement d’un syndrome d’apnées du sommeil par la pression déclencher ou aggraver les symptômes. Cette hypothèse dopa-
positive continue peut résulter en un changement dans le minergique permet également d’expliquer la fréquence de ces
nombre de MPJS [94]. Il a été démontré que les MPJS peuvent deux affections chez les patients parkinsoniens, narcoleptiques
augmenter à la suite du traitement, en particulier dans les cas et chez les patients présentant un trouble du comportement en
sévères (« démasquer » des MPJS) et qu’ils ont tendance à sommeil paradoxal.
diminuer dans les cas légers à modérés (probablement en raison Le rôle du fer dans la physiopathogénie du SIME a été
de la disparition des MPJS associés à des événements respiratoi- suggéré il y a plus de 50 ans [103, 104]. Ainsi, l’anémie ferriprive
res plus discrets) [95] . Les MPJS ont été incriminés dans la est une condition souvent associée au SIME, dont les symptô-
somnolence résiduelle qui peut persister après un traitement mes régressent une fois les réserves ferriques rétablies. Earley et
efficace du SAS [96], mais nous ne disposons pas de preuves qui al. ont pu démontrer une ferritinorrachie diminuée chez des
démontrent que les MPJS peuvent être responsables d’une patients souffrant d’un SIME, comparés à un groupe contrôle,
somnolence résiduelle [93, 97]. malgré une ferritinémie équivalente [105], ce qui a été confirmé
par des études ultérieures [106, 107]. Le problème pourrait se situer
alors au niveau du transport du fer à travers la barrière héma-
■ Physiopathogénie toméningée. Les études d’imagerie cérébrale par résonance
magnétique nucléaire (RMN) témoignent aussi d’une diminu-
La physiopathogénie du SIME et des MPJS reste largement tion de la concentration intracérébrale de fer, au niveau de la
inconnue, malgré les importants progrès qui ont été réalisés ces substance noire et, à un moindre degré, au niveau du putamen,
dernières années. Nos connaissances actuelles portent à croire en particulier chez des patients présentant un SIME à début

8 Neurologie
Syndrome des jambes sans repos et mouvements périodiques des jambes au cours du sommeil ¶ 17-009-A-15

précoce (avant 45 ans) même avec des taux de ferritine plasma- Finalement, la présence de MPJS chez des patients présentant
tique dans les limites de la normale [108, 109]. Des études par une section médullaire [126], suggère qu’au moins une partie du
échographie transcrânienne ont aussi montré, chez des patients générateur de ces mouvements se situe au niveau médullaire,
présentant un SIME, une hypoéchogénicité au niveau de la des études électrophysiologiques démontrant, en outre, une
substance noire, compatible avec un déficit de fer dans cette hyperexcitabilité des réflexes médullaires chez des patients
région [110-112]. présentant un SIME et des MPJS [64] . L’analogie entre les
Les études anatomopathologiques ont pu confirmer des mouvements de triple retrait observés en cas de section médul-
anomalies du métabolisme du fer intracérébral [113, 114]. Ces laire et les mouvements périodiques des MPJS, d’une part, et la
études ont montré une diminution de la concentration de fer survenue des MPJS au cours du sommeil chez ces patients,
et de la ferritine H au niveau de la substance noire, une d’autre part, suggèrent que leur mécanisme implique la levée
diminution de la concentration du récepteur de la transferrine d’inhibitions suprasegmentaires, à la faveur du sommeil. Il est
au niveau des cellules à neuromélanine, mais une augmentation possible que la voie diencéphalospinale A11 qui projette sur la
de la concentration de transferrine dans ces mêmes cellules, le corne postérieure et les colonnes intermédiolatérales joue un
tout traduisant probablement un dysfonctionnement dans la rôle important dans le SIME et les MPJS. Le pattern de recrute-
régulation des récepteurs de la transferrine au niveau cérébral, ment inconstant et non synchrone d’autres muscles (soit de la
conduisant à un déficit intracellulaire de fer. musculature axiale, soit des membres supérieurs) serait aussi en
L’implication d’une carence martiale n’est pas en contradic- faveur d’une hyperexcitabilité anormale tout au long de la
tion avec l’hypothèse dopaminergique, puisque le fer intervient moelle, avec des générateurs indépendants à différents
comme cofacteur de la tyrosine hydroxylase, dans la synthèse niveaux [127]. Il a été suggéré que la dopamine médullaire serait
de la dopamine. En outre, le récepteur D2 est une protéine même plus importante que la dopamine nigrostriée dans la
contenant du fer. physiopathologie de ces affections [128].
Une concentration élevée d’hypocrétine (ou orexine) a été
démontrée dans le liquide céphalorachidien (LCR) de patients
souffrant d’un SIME, élévation plus marquée chez les patients ■ Génétique
présentant un début précoce de la symptomatologie, mais la
signification clinique de cette découverte n’est pas encore Le SIME est familial dans plus de 60 % des cas avec un mode
éclaircie [115] . En raison du rôle de l’hypocrétine dans le de transmission autosomique dominant. Cependant, aucune
maintien de l’éveil, elle pourrait expliquer un trouble du mutation pathogénique n’a été trouvée à ce jour. Les travaux
sommeil, et notamment une difficulté d’endormissement récents se sont essentiellement intéressés aux associations avec
indépendamment des symptômes de SIME ou de MPJS. des variantes génétiques communes (genome-wide association
En revanche, la localisation précise du dysfonctionnement à study ou GWAS), dans l’espoir de mieux comprendre les bases
l’origine du SIME et des MPJS reste inconnue. Les études par génétiques de cette condition.
tomographie par émission de positons (TEP) ont donné des
résultats souvent discordants. Deux études ont démontré une Syndrome d’impatiences musculaires
petite réduction de la captation de F-DOPA dans le noyau caudé de l’éveil : une maladie génétiquement
et dans le putamen [116, 117], ainsi qu’une diminution de la
liaison de C-raclopride aux récepteurs D2 dans ces deux noyaux
hétérogène
de la base [116]. Mais d’autres études n’ont pas retrouvé d’ano- Au moins 50 % à 60 % des patients atteints de SIME ont une
malies de la voie nigrostriée (comme celle de Trenkwalder et al. histoire familiale de SIME indiquant une importante ségrégation
utilisant le fluorodéoxyglucose (FDG) et la F-DOPA TEP) [118]. familiale [20, 129]. Les études de jumeaux indiquent aussi une
Finalement, une étude par TEP plus récente a même retrouvé forte héritabilité avec une concordance de 61 % entre les
une augmentation de la fixation de C-raclopride au niveau jumeaux monozygotes [130]. Les formes familiales ont un âge de
striatal et une augmentation de la fixation du [11C] FLB (un début de la maladie plus jeune que les cas sporadiques [57, 129].
radioligand avec une haute affinité pour les récepteurs D2/D3, Étant donné la forte prévalence, des familles multiplexes sont
permettant des mesures dans des régions où la concentration de facilement retrouvées dans la population générale, permettant
ces récepteurs est très faible) au niveau du thalamus et du cortex ainsi les études de liaison génétique. Plusieurs régions génomi-
cingulaire (régions impliquées dans l’intégration des stimuli ques ont ainsi été identifiées, contenant des gènes causaux dans
sensoriels). Cela pourrait témoigner d’une augmentation l’étiologie du SIME. Toutefois, ces études ont été fondées sur des
réactionnelle de la densité des récepteurs secondaires à un hypothèses de transmission différentes en fonction de la
déficit dopaminergique. Les études par tomographie d’émission ségrégation de la condition dans les différentes familles. La
monophotonique (ou single photon emission computed tomography première étude de liaison génétique dans une famille franco-
– SPECT) ont donné aussi des résultats parfois contradictoires. canadienne (québécoise) a identifié un locus sur le chromosome
Certains ont montré une réduction de la fixation au récepteur 12q (nommé RLS1) [131], en utilisant un modèle autosomique
dopaminergique postsynaptique, en utilisant l’iodobenzamide récessif avec une fréquence allélique élevée, suggérant un effet
(IBZM) comme marqueur, dans le striatum [74, 119] ainsi qu’une fondateur (présence d’une mutation chez les premiers Français
réduction de la perfusion dans le noyau caudé accompagné émigrant au Canada). L’analyse haplotypique indique que
d’une augmentation de la perfusion dans la région cingulaire RLS1 est localisé dans une région d’environ 14,7 cm. Ce locus
antérieure et dans le thalamus (hexaméthyl-propylénéamine a été exclu dans deux grandes familles tyroliennes, aussi bien
oxime [HMPAO]-SPECT) [120]. Mais ces résultats n’ont pas été sous un modèle récessif que dominant [132], mais confirmé dans
reproduits ailleurs [121, 122]. D’autres études n’ont pas montré une autre famille canadienne, toujours sous un modèle réces-
des différences de fixation au transporteur présynaptique de la sif [133]. Winkelmann et al. [134] ont étudié 12 familles bavaroises
dopamine, mesuré par iodone-123-IPT [121, 123] ou par beta-CIT et ont retrouvé une liaison génétique avec RLS1 (avec un test de
SPECT [74, 124]. Il faut tenir compte du fait que toutes ces études déséquilibre de transmission), indiquant que RLS1 est un locus
(par TEP ou SPECT) ont été effectuées sur des effectifs de majeur dans plusieurs familles indépendantes. Plus récemment,
patients faibles et en utilisant des méthodologies différentes, ce RLS1 a été exploré dans une étude de cas-contrôle par génoty-
qui rend leur comparaison difficile. Peut-être la conclusion page de single nucléotide polymorphism (SNP) de 366 gènes [135].
globale est que dans le SIME/MPJS existe un dysfonctionnement Cette étude a montré une association significative entre SIME
dopaminergique, mais sans évidence pour une perte neuronale (RLS1) et des variantes génétiques du gène de la NO synthétase
sélective ou une lésion anatomique. (NOS1).
Les études par RMN fonctionnelle ont permis de montrer une Toutes les autres études de liaison génétique dans des familles
activation du cervelet et du thalamus controlatérale lors des européennes et nord-américaines ont été basées sur un modèle
symptômes sensitifs reliés au SIME, et une activation addition- de transmission dominant. Ainsi, des locus ont été localisés sur
nelle du noyau rouge et des régions du tronc cérébral proches 14q (RLS2) [136], 9p (RLS3) [137], et 2q et 20p (RLS4, RLS5) [138,
de la formation réticulée lors des MPJ [125]. 139]. De plus, RLS1, RLS2 et RLS3 ont pu être répliqués de façon

Neurologie 9
17-009-A-15 ¶ Syndrome des jambes sans repos et mouvements périodiques des jambes au cours du sommeil

Tableau 5.
Génétique du syndrome d’impatiences musculaires de l’éveil (SIME) : principaux loci de susceptibilité dans les formes familiales de SIME.
Locus Population Mode de Marqueurs Taille de la région LOD score(b) Replication
transmission(a) génétiques candidate
12q12-22 (RLS1) 1 grande famille canadienne AR D12S1044, D12S78 14,71 cM 3,59 Confirmé [10, 11]

française

14q13-21 (RLS2) 1 grande famille italienne AD D14S70, D14S1068 9,1 cM (12,8 Mb) 3,23 Confirmé [142]

9q24-p22 (RLS3) 15 familles nord-américaines AD D9S1779, D9S162 19,36 Mb 3,91 Confirmé [143]

2q33 (RLS4) 1 population du sud de Tyrol AD D2S311, D2S2208 8,2 cM 4,1

20p13 (RLS5) 1 grande famille canadienne AD Autour de D20S849 16 cM (5,2 Mb) 3,86
française

19p13 1 grande famille italienne AD rs754292, rs273265 1,59 Mb 2,61 Confirmé (159 trios
d’origine européenne)

16p12.1 1 grande famille canadienne AD 16p_m30, 16p_m11, 1,18 Mb 3,5


française 16p_m31, D16S3068
(a)
AR : autosomal-récessif ; AD : autosomal-dominant. (b) LOD scores basé sur l’analyse multipoint sauf pour RLS2 et RLS4 (analyse bi-point).

indépendante. Plus récemment, deux autres locus ont été effectuée dans une autre population mixte américaine et
localisés sur 19p et 16p [140, 141], indiquant clairement une islandaise. Winkelmann et al. ont étudié 401 cas familiaux de
importante hétérogénéité génétique (Tableau 5). À ce jour, à SIME et 1 644 sujets contrôles [144]. Le SNP rs2300478 (dans le
part NOS1, l’analyse des gènes candidats dans ces régions gène MEIS1 du chromosome 2p) et 27 autres SNP ont été
chromosomiques n’a pas identifié de gène majeur. sélectionnés pour réplication dans deux populations indépen-
dantes. En utilisant, 903 cas familiaux et sporadiques et
Le chemin vers « genome-wide association 891 contrôles d’origine allemande et 255 cas et 287 contrôles
d’origine québécoise, trois régions génomiques ont montré une
study » association significative. La taille des effets de ces associations
Toutes les tentatives d’identification de mutations ou de (mesuré en odds ratio) varie entre 1,51 et 1,71. Aucune de ces
variantes génétiques avec une contribution majeure dans le régions, du chromosome 20 (MEIS1), 6p (BTBD9) et 15q
risque de la maladie ont échoué à ce jour. Comme indiqué (LXCOR1), ne coïncide avec les locus identifiés dans les familles
ci-dessus, les études de liaisons génétiques ont pu identifier par liaison génétique, même si la majorité des patients inclus
plusieurs locus qui, en principe, contiennent des gènes mutés, était des cas familiaux. Les variantes génétiques identifiées se
mais leur succès a été très limité par le manque d’une analyse trouvent dans les introns, suggérant une implication dans
détaillée des régions identifiées. Étant donné un manque de l’expression ou épissage alternatif des gènes. Les régions des
puissance et de résolution, d’une part, et l’hétérogénéité chromosomes 2p et 15q contiennent les gènes MEIS1 et
génétique (différents gènes dans différentes familles), d’autre MAP2K5/lXCOR1. MEIS1 a été trouvé impliqué dans un réseau
part, la faible performance de cette stratégie dans sa forme transcriptionnel, dans la spécification de l’identité et la connec-
classique (voir ci-dessous), n’est pas étonnante. En outre, les tivité des motoneurones spinaux [145], tandis que MAP2K5/
approches dites de gène candidat n’ont pas permis d’identifier lXCOR1 pourrait jouer un rôle, par l’intermédiaire de l’activité
des effets substantiels et en particulier souffrent de manque de transcriptionnelle sur LBX1, dans le développement des réseaux
réplication dans des populations indépendantes. La limitation sensoriels de la moelle épinière qui transmettent la douleur et
majeure des études classiques d’association par gène candidat le toucher [146].
est la faible taille des échantillons et leur incapacité à inclure un Stefansson et al. ont conduit une étude GWAS, mais ils ont
nombre important de gènes. De plus, le ou les gènes candidats utilisé une approche différente dans la sélection des mala-
peuvent être sélectionnés par erreur, car leur choix est norma- des [147] . Pour minimiser l’hétérogénéité phénotypique des
lement fondé sur des a priori au sujet des voies biologiques patients avec un SIME, seuls les patients qui présentaient des
impliquées dans la physiopathologie d’une condition. MPJS ont été inclus. En étudiant seulement 306 patients et
Le progrès récent dans la technologie de génotypage a permis 15 634 sujets contrôles, ils ont découvert un variant (rs3923809)
d’explorer en détail l’architecture génétique des maladies dans le gène BTBD9 avec un odds ratio de 1,8. Dans deux
complexes. L’utilisation de puces à ADN permet aujourd’hui de cohortes indépendantes (123 patients et 1 233 contrôles
déterminer des millions de polymorphismes chez des milliers islandais et 188 patients et 662 contrôles américains),
d’individus dans un temps record. Ces puces ne contiennent, en rs3923809 a été répliqué. Ces patients n’ont pas les mêmes
général, que des polymorphismes assez fréquents dans la critères phénotypiques d’inclusion que l’étude de base. Les
population générale (fréquence supérieure à 1-5 %). Le principe analyses détaillées ont indiqué l’absence d’association entre
de GWAS est fondé sur le fait qu’une condition commune (de BTBD9 et SIME sans MPJS. De plus, les patients avec MPJS
fréquence relative supérieure à 5 % dans la population générale) montraient une plus forte association, indépendamment du fait
est associée à des variantes génétiques de fréquences similaires. d’être ou ne pas être atteints de SIME, indiquant une association
Le SIME et les MPJS étant assez fréquents, ils constituent de primaire avec les MPJS. Cela a été confirmé par le fait que les
bons candidats pour cette analyse. Toutefois, comme résumé patients homozygotes pour ce SNP montraient un index de
ci-dessus, plus de la moitié des cas sont de type familial et fort MPJS plus élevé.
probablement dus à des variantes fonctionnelles plutôt rares.
Des critères diagnostiques différents d’inclusion entre les deux
études ont donné des résultats assez différents, même si BTBD9
Différentes évaluations phénotypiques a été retrouvé dans les deux. Cela peut expliquer pourquoi
et résultats différents dans deux « genome- MEIS1 et MAP2K5/lXCOR1 n’ont pas été identifiés dans la
deuxième étude. La taille faible de la population de malades
wide association study » étudiés (seulement 306) peut avoir aussi contribué à ce résultat.
Une des premières études GWAS a été conduite dans une Les études GWAS nécessitent une population importante,
population mixte allemande et québécoise. Une deuxième a été permettant ainsi une analyse détaillée des phénotypes comme

10 Neurologie
Syndrome des jambes sans repos et mouvements périodiques des jambes au cours du sommeil ¶ 17-009-A-15

la présence ou l’absence de MPJS et donc une association plus pour les maladies complexes et hétérogènes [151]. Le problème
précise entre phénotype et génotype. des effets mineurs des polymorphismes identifiés par GWAS a
Cependant, l’association avec MEIS1 a été répliquée dans été largement discuté récemment [151-153]. Il est évident que des
deux autres études indépendantes [148, 149]. De plus, une étude variantes génétiques rares avec un effet majeur, voire causal,
de follow-up chez les patients allemands et québécois s’est sont impliquées, même si elles ne sont retrouvées que dans un
concentrée sur la région 9p23-24 (RLS3) [137]. Dans cette étude, petit nombre de patients. De toute évidence, et en plus de
3 720 SNP dans une région de 31 Mb ont été réanalysés pour l’hétérogénéité génétique, il est fort probable que les causes
association. Huit SNP ont été choisis pour réplication chez génétiques soient différentes entre les cas familiaux et sporadi-
1 835 patients et 2 319 contrôles. Deux SNP indépendants dans ques. Toutefois, l’identification de mutations causales (dans les
la région régulatrice (5’) d’une forme d’épissage de PTPRD ont formes familiales) signalerait une voie moléculaire qui pourrait
montré une forte association avec un odds ratio de 1,44 pour aussi bien être impliquée dans un plus grand nombre de cas
rs4626664 et de 1,31 pour rs1975197. Des observations récentes (familiaux et sporadiques). De plus, étant donné qu’environ
chez des souris KO pour PTPRD suggèrent un rôle important 60 % des cas sont de type familial, l’identification des variantes
dans la formation axonale des motoneurones pendant le fréquentes avec un effet modeste dans les populations mélan-
développement embryonnaire [150]. geant les cas familiaux et sporadiques n’apportera pas plus
d’information qu’une mutation causale dans quelques familles.
« Genome-wide association study » Une attention particulière doit être consacrée à l’identification
dans le syndrome d’impatiences musculaires et à la caractérisation clinique et génétique des cas familiaux. La
cartographie par liaison génétique peut être ensuite complétée
de l’éveil et les mouvements périodiques par le séquençage systématique des locus identifiés pour
des jambes au cours du sommeil. découvrir la mutation causale. Les progrès récents dans les
Qu’avons-nous appris ? techniques de séquençage à haut débit (de l’exome ou du
génome entier) offrent des possibilités nouvelles dans l’identifi-
Les études GWAS ont apporté des informations importantes cation des variantes génétiques rares avec un effet causal ou
pour comprendre la pathophysiologie du SIME et des MPJS. majeur. D’autres techniques consistant à identifier les réarran-
L’identification des gènes impliqués dans le développement gements génomiques (délétion-duplication), de novo ou hérita-
normal du système sensorimoteur, en particulier au niveau de bles, peuvent aussi apporter des informations précieuses aussi
la moelle épinière, est très importante et suggère une maladie bien dans les cas familiaux que dans les cas sporadiques.
développementale. Toutefois, les données fonctionnelles sont
nécessaires pour confirmer une telle hypothèse.
Du point de vue génétique, ces études GWAS n’ont pas
permis un progrès majeur dans l’identification d’éléments
■ Facteurs favorisants
génétiques causaux. Toutes les associations trouvées ont un effet et conditions médicales associées
modeste (odds ratio entre 1,3 et 1,8), n’indiquant pas une
augmentation importante du risque relatif. Les polymorphismes La majorité des cas de SIME/MPJS sont primaires ou idiopa-
fréquents trouvés sont loin d’expliquer l’héritabilité importante thiques (et, dans ces cas, ils peuvent être familiaux ou idiopa-
de cette maladie. À ce stade, une augmentation importante de thiques). Cinq conditions sont classiquement décrites comme
la taille des populations étudiées ne permet que l’identification responsables des formes secondaires de SIME et des MPJS
de facteurs d’importance plus faible (odds ratio entre 1,1 et 1,3). (Fig. 3).
Si des polymorphismes fréquents devaient expliquer l’étiologie
du SIME et des MPJS, un nombre considérable de ces variantes Déficit en fer
génétiques doit être identifié pour expliquer l’héritabilité de
La carence en fer, avec ou sans anémie, est l’une des princi-
60 % de la maladie.
pales causes de SIME et MPJS secondaires. Le rôle du fer dans la
physiopathogénie du SIME a été suggéré il y a plus de 50 ans
Retour à des gènes majeurs par Ekbom qui notait une prévalence du SIME de 24 % chez les
La découverte des gènes causant la maladie (voire des varian- patients anémiques [21] . Les situations compromettant la
tes génétiques d’effet majeur), est un but difficile à atteindre disponibilité du fer systémique (dons de sang à répétition,

Plainte de sommeil
Paresthésies/dysesthésies des jambes

Critères essentiels du SIME (± critères cliniques


supplémentaires ± caractéristiques
cliniques associées)

Médicaments
Examen
(neuroleptiques, Ferritinémie Histoire familiale +
clinique/neurologique
antidépresseurs, etc.)

Anormal Normal < 50 µg/ml > 50 µg/ml

SIME secondaire SIME idiopathique

Figure 3. Arbre décisionnel. Diagnostic du syndrome d’impatiences musculaires de l’éveil (SIME).

Neurologie 11
17-009-A-15 ¶ Syndrome des jambes sans repos et mouvements périodiques des jambes au cours du sommeil

gastrectomie, ménorragie) entraînent une majoration du risque Tableau 6.


de SIME et MPJS [154] et les patients souffrant d’un SIME, qui Médicaments associés au développement ou à l’aggravation d’un
développent une carence martiale, montrent une exacerbation syndrome des impatiences musculaires au réveil (SIME) ou des
de leurs symptômes [155, 156]. La sévérité des symptômes semble mouvements périodiques des jambes au cours du sommeil (MPJS).
corrélée inversement au taux de ferritine [155, 157]. L’administra- Neuroleptiques :
tion de fer est recommandée quand le taux de ferritine est
- classiques (antagonistes des récepteurs D2)
inférieur à 50 µg/l (voire 100 µg/l pour certains auteurs, voir
ci-dessous). - atypiques : rispéridone, olanzapine

Antidépresseurs :
Insuffisance rénale - tétra-/tricycliques
La fréquence du SIME et des MPJS semble très élevée chez les - inhibiteurs de la recapture de la sérotonine (fluoxétine, sertraline,
patients avec une insuffisance rénale : de 6,6 % [158] à 84 % [159] paroxétine, escitalopram, citalopram)
des patients sous hémodialyse, selon les séries. La présence d’un - autres : venlafaxine, miansérine, mirtazapine, duloxétine
SIME est un facteur de mauvais pronostic dans l’évolution de
ces patients, avec une mortalité accrue dans les deux à cinq Antisécrétoires antagonistes des récepteurs H2 (cimétidine, ranitidine)
ans [160]. La transplantion rénale est suivie généralement d’une Antiémétiques antagonistes de la dopamine (métoclopramide)
amélioration substantielle, voire d’une disparition des symptô- Antihistaminiques sédatifs (diphenhydramine)
mes dans les 3 semaines [161]. Un rôle majeur du fer (qui est Xanthines
dialysé) a été évoqué dans la physiopathologie du SIME et des Lithium
MPJS dans l’insuffisance rénale.
Interféron alpha
Zonisamide (antiépileptique qui, à des doses élevées, peut inhiber
Grossesse la dopamine)
La prévalence du SIME pendant la grossesse varie de 26 % à Analgésiques non opioïdes (qui peuvent contenir de la caféine)
30 % des cas, avec 7 % développant des formes sévères, et avec
un pic pendant le troisième trimestre [162-164]. Dans la grande
majorité des cas, les symptômes disparaissent dans les quatre remarquer la fréquente association de ces deux affections avec
semaines qui suivent l’accouchement [165]. Néanmoins, le fait les maladies comportant un dysfonctionnement du système
d’avoir développé un SIME « transitoire » pendant la grossesse dopaminergique, comme la maladie de Parkinson idiopathique,
est un facteur de risque pour développer par la suite un SIME l’atrophie multisystématisée, la dystonie sensible à la L-Dopa et
« chronique » [166]. autres. Il faut signaler qu’un SIME ou des MPJS ne sont pas
associés à un risque augmenté de développer ces maladies [176].
Polyneuropathies
La présence d’une polyneuropathie est considérée classique- ■ Prise en charge thérapeutique
ment comme un facteur de risque pour développer un
SIME. Mais le rôle des polyneuropathies dans la survenue d’un Les médicaments reconnus pour leur efficacité sur le SIME
SIME reste controversé, car les symptômes des deux maladies possèdent pour la plupart des propriétés thérapeutiques pour les
peuvent être similaires, avec des prévalences de SIME chez des MPJS, ce qui supporte l’hypothèse d’une association étroite
patients atteints de polyneuropathie très variables d’une étude à entre les deux affections. Il faut néanmoins signaler que les
une autre [167-169]. De la même façon, la présence d’une neuropa- recommandations pour le traitement des MPJS dérivent dans
thie chez un patient diagnostiqué d’un SIME « idiopathique » a leur majorité d’études réalisées chez des patients présentant des
été retrouvée aussi de façon variable, entre 2,7 % [24] et 36 % [170, MPJS associés à un SIME.
171] des patients. Il s’agirait essentiellement de neuropathies Une fois établi le diagnostic d’une des deux affections, il est
périphériques à petites fibres infracliniques [172, 173]. important d’informer le patient des caractéristiques de la
maladie, ainsi que de son évolution chronique, avec soit des
périodes d’exacerbation et d’amélioration des symptômes, qui
Médicaments vont probablement requérir des adaptations thérapeutiques, soit
Des nombreux médicaments peuvent déclencher ou aggraver des périodes d’exacerbation qui peuvent être en rapport avec
un SIME et des MPJS (Tableau 6). C’est le cas des médicaments des facteurs tels que la prise de certains médicaments, la fatigue
ayant un effet antagoniste de la dopamine, comme certains ou le stress. Il faut également l’informer sur la nature organique
antiémétiques ou les neuroleptiques (à l’exception peut-être de du trouble, car il s’est probablement vu souvent attribuer ses
l’aripiprazole [Abilify®] qui combine une activité d’agoniste symptômes à la « nervosité » ou à l’anxiété.
partiel sur les récepteurs dopaminergiques D2 et sérotoninergi- Avant d’entreprendre n’importe quelle mesure thérapeutique,
ques 5HT1a et une activité antagoniste sur les récepteurs il est nécessaire de réaliser une évaluation initiale de la sévérité
sérotoninergiques 5HT2a). L’expérience clinique (car les don- des symptômes. L’évaluation du SIME doit se faire avec des
nées de la littérature sont contradictoires) suggère que la plupart échelles telles que l’échelle de sévérité du SIME de l’IRLSSG, afin
des antidépresseurs, y compris les nouveaux antidépresseurs de d’établir l’indication d’un traitement pharmacologique (réservé
deuxième génération, peuvent aussi induire un SIME [174] . aux cas modérés et sévères) et pour mieux évaluer la réponse
L’antidépresseur qui semble avoir le moins d’effet sur le SIME thérapeutique. La présence de mouvements périodiques des
est le bupropion (Zyban®), qui agit par inhibition sélective de jambes doit être objectivée idéalement par un enregistrement
la recapture neuronale des catécholamines, mais n’influence que polysomnographique. Cet enregistrement permet de calculer un
très peu la recapture de la sérotonine, qui peut même réduire le index de MPJ (pendant l’éveil, pendant le sommeil, avec ou sans
nombre de mouvements périodiques des jambes au cours du microéveils associés) et de déterminer les répercussions sur le
sommeil [175]. D’autres substances pouvant aggraver le SIME sommeil. Des méthodes de dépistage simplifiées (polygraphie
sont les xanthines et les antihistaminiques, dont certains se ambulatoire avec enregistrement des muscles jambiers, actimétrie
trouvent dans la composition d’antiallergiques ou de médica- au niveau de la cheville [177]) se sont développées pour pouvoir
.
ments contre le rhume ou le mal des transports. enregistrer plus facilement les patients sur plusieurs nuits.
Le SIME et les MPJS ont été retrouvés associés à un grand Globalement, la décision d’instaurer un traitement doit être
nombre de maladies. dictée par les répercussions cliniques du SIME et des MPJS, tant
Ces associations n’ont pas toujours fait l’objet d’études sur l’état de veille que sur le sommeil. Cela est particulièrement
systématiques. Compte tenu de la prévalence élevée de quelques vrai pour les MPJS, dont le traitement doit être envisagé seule-
maladies, la spécificité de ces observations reste incertaine, ment après avoir exclu formellement tout autre trouble primaire
pouvant traduire des associations fortuites. Il faut toutefois du sommeil pouvant expliquer les plaintes de somnolence

12 Neurologie
Syndrome des jambes sans repos et mouvements périodiques des jambes au cours du sommeil ¶ 17-009-A-15

diurne excessive ou d’insomnie. Ainsi, par exemple, il ne paraît Tableau 7.


pas justifié de traiter les MPJS découverts lors d’une polysomno- Diagnostic différentiel des phénomènes de rebond et augmentation liés
graphie chez un patient apnéique ou même chez un patient au traitement par agents dopaminergiques du syndrome d’impatiences
présentant une insomnie secondaire à une pathologie psychia- musculaires de l’éveil (SIME) et des mouvements périodiques des jambes
trique ou une insomnie psychophysiologique, sauf s’il existe un au cours du sommeil (MPJS).
SIME associé ou si les secousses musculaires sont perçues par le Rebond Augmentation
patient ou gênent son partenaire. À l’heure actuelle, l’impact du
Au petit matin En soirée ou la nuit
traitement des MPJS comme facteur protecteur d’un éventuel
risque cardiovasculaire n’est pas connu. Apparition retardée des symptômes Avance de l’apparition des
symptômes
Suivie d’une période sans symptômes Suivie d’une évolution atypique
Traitement des causes des symptômes
En rapport avec la demi-vie En rapport avec la dose
La première étape dans la démarche thérapeutique sera du médicament totale/sévérité de la maladie
d’identifier et de traiter d’éventuelles causes susceptibles de
Pas de manifestations additionnelles Nouvelles manifestations
déclencher ou d’aggraver le SIME. L’administration de fer oral
(localisation différente, etc.)
est recommandée quand le taux de ferritine est inférieur à
50 µg/l ou quand le coefficient de saturation de la transferrine
est inférieur à 20 %. En effet, un taux de ferritine inférieur à
45-50 µg/l est associé à la sévérité des symptômes et à une massages. Bien qu’il n’y ait pas non plus d’études systématiques,
diminution du temps total de sommeil [156] et sa correction est généralement, les patients signalent une aggravation des
suivie d’une amélioration de la symptomatologie [178] . Un symptômes suite à une privation de sommeil, ou avec le café et
schéma possible est la prescription de fer sous forme de sulfate d’autres xanthines (peut-être aussi le chocolat), la nicotine ou
ferreux (Tardyféron ® 80 mg : 256,3 mg de sulfate ferreux après un repas lourd le soir.
exprimé en fer, un comprimé par jour ; Fero-Grad Vitamine C
500® : 105 mg de sulfate ferreux exprimé en fer, un ou deux
comprimés par jour ; la vitamine C augmente l’absorption du Traitements pharmacologiques
fer, mais il faut éviter la prise le soir qui peut induire une La décision d’instaurer un traitement pharmacologique doit
insomnie). L’administration orale de fer peut provoquer nau- être évaluée au cas par cas. Du fait de leur sévérité modérée ou
sées, constipation, diarrhée. Idéalement, le fer doit être pris à de leur apparition sporadique, de nombreux patients présentant
jeun pour une meilleure absorption digestive, mais si le patient un SIME ou les patients asymptomatiques présentant des MPJS
présente des troubles digestifs, le traitement doit être pris au n’ont pas besoin de traitement médicamenteux. Dans tous les
cours du repas. La ferritinémie sera contrôlée après 3 mois de cas, le traitement pharmacologique doit être limité aux patients
traitement, puis tous les 3-6 mois, jusqu’à obtenir des valeurs de qui réunissent des critères diagnostiques spécifiques. Ces
ferritine supérieures à 50 µg/l (voire au-delà de 100 µg/l) et un patients doivent avoir un suivi régulier pour déterminer
coefficient de saturation de la transferrine supérieur à 20 %. Les l’efficacité du traitement et l’éventuelle survenue d’effets
suppléments en fer peuvent alors être arrêtés, mais il faut secondaires. Il faut aussi souligner que lors d’études contrôlées
maintenir la surveillance biologique, en particulier en cas de (avec un suivi rapproché des patients), l’amélioration des
réapparition ou d’aggravation des symptômes. Il semblerait que plaintes subjectives reliées au SIME sous placebo survient chez
l’administration intraveineuse de fer (injection unique de 30-50 % des patients. Cela suggère qu’une prise en charge non
1 000 mg) puisse conduire à une rémission totale de la symp- médicamenteuse pourrait soulager un bon nombre de ces
tomatologie, même chez des patients dont la ferritinémie est patients. En revanche, il n’y a pas d’effet placebo sur les MPJS.
dans les limites de la normale [179]. Afin d’éviter la survenue de S’agissant d’affections chroniques mais fluctuantes dans le
réactions allergiques potentiellement sévères, on commence par temps, il peut être recommandé aux patients de réaliser des
administrer 25 mg en intraveineuse lente, avec une surveillance fenêtres thérapeutiques, en procédant à une réduction progres-
pendant 1 heure. S’il n’y a pas de réactions indésirables, le reste sive des doses, pour s’assurer qu’ils ne sont pas dans une
sera administré à raison de 3 à 5 mg/min. Il peut être nécessaire période a- ou paucisymptomatique qui pourrait permettre un
d’ajouter un traitement symptomatique en attendant d’obtenir sevrage (au moins temporaire).
le taux de ferritine souhaité, ce qui peut prendre du temps. Le Quatre classes thérapeutiques sont au centre du traitement
rôle de la supplémentation en fer chez des patients qui n’ont pharmacologique symptomatique du SIME et des MPJS : les
pas de carence franche reste incertain. Il faut aussi signaler que agents dopaminergiques, les antiépileptiques, les opioïdes et les
tous les patients avec des taux de ferritine bas ne répondent pas benzodiazépines.
à la restauration des réserves ferriques. Enfin, il faut rappeler
que la constatation d’une carence martiale, et a fortiori d’une Agents dopaminergiques
anémie ferriprive, impose un bilan étiologique.
Différentes études contrôlées ont permis d’établir clairement
Les médicaments qui peuvent aggraver ou induire un SIME
que la plupart des patients présentant un SIME et des MPJS
doivent être identifiés et, si possible, arrêtés (Tableau 7). En
répondent aux agents dopaminergiques. Sur la base de l’expé-
particulier les médicaments ayant un effet antagoniste de la
rience clinique, plus de 90 % des patients répondent, totale-
dopamine (la plupart des neuroleptiques) et les antidépresseurs
ment ou partiellement, à ces médicaments, bien que cette
(à l’exception du bupropion [Zyban®]).
réponse ne se maintienne pas nécessairement à long terme. Ils
améliorent les manifestations sensitives et la composante
Traitements non pharmacologiques motrice, en général avec des posologies beaucoup plus faibles
que celles utilisées dans la maladie de Parkinson. D’ailleurs, une
Bien que nous ne disposions pas d’études formelles de bonne réponse thérapeutique à ces agents fait partie des critères
l’efficacité des traitements non pharmacologiques, les patients supplémentaires dans le diagnostic du SIME.
atteints d’un SIME/MPJS doivent être encouragés à maintenir Les caractéristiques physiopathologiques propres de la
une bonne hygiène de sommeil, avec des heures de coucher et maladie de Parkinson, ou d’autres maladies pour lesquelles ces
de lever régulières. L’activité physique doit être progressivement médicaments sont utilisés, prédisposent à la survenue d’effets
réduite au cours de la soirée, certains patients signalant qu’une secondaires qui ne vont pas apparaître dans le traitement du
activité intellectuelle modérée le soir (lecture, puzzles) peut SIME/MPJS, tels que les complications motrices tardives (type
améliorer les symptômes. Ils rapportent aussi souvent une dyskinésies), ce qui reflète probablement l’intégrité du système
amélioration avec l’exercice régulier et modéré (excessif, surtout striatonigrique dans ces affections. Une attention particulière,
le soir, il peut aggraver le SIME), des bains chauds ou des puisqu’on s’adresse à des patients présentant des troubles du

Neurologie 13
17-009-A-15 ¶ Syndrome des jambes sans repos et mouvements périodiques des jambes au cours du sommeil

Le phénomène d’augmentation du SIME est le résultat d’une

“ Point important
aggravation paradoxale iatrogène de la maladie sous l’effet du
traitement. Il est sans doute plus difficile à gérer. Il peut se
manifester par :
Stratégie thérapeutique : un algorithme pour la • l’apparition des symptômes plus précocement dans la jour-
prise en charge du syndrome d’impatiences née ;
musculaires de l’éveil (SIME) • une latence d’apparition des symptômes plus courte dès que
• Exclure les formes secondaires et améliorer la maladie le patient est au repos ;
sous-jacente si possible (par exemple, carence en fer). • une augmentation globale de l’intensité des symptômes ;
• Instaurer une bonne hygiène de sommeil, éliminer les • une durée d’effet du traitement plus courte ;
médicaments pouvant aggraver le SIME. • une extension des symptômes vers des parties du corps non
• Limiter le traitement pharmacologique aux patients atteintes précédemment (par exemple membres supérieurs,
avec des critères diagnostiques précis et des symptômes tronc) [183].
cliniquement significatifs. Dans les cas les plus sévères, les patients peuvent finir par
• Considérer l’âge, les maladies concomitantes. ressentir des impatiences dans l’ensemble du corps, même
• Évaluer précisément la sévérité des symptômes pour pendant le mouvement (pas seulement au repos), une sympto-
juger ultérieurement de l’efficacité du traitement. matologie proche de celle de l’akathisie induite par les neuro-
• Patients avec des symptômes légers : L-Dopa leptiques. Ce phénomène reflète finalement une augmentation
(Sinemet®, Modopar®) : globale de la sévérité des symptômes en rapport avec un
C possibilité de prise discontinue (entre 50 et 400 mg) traitement dopaminergique ; il n’a pas été rapporté avec d’autres
si symptômes intermittents ; familles thérapeutiques, à l’exception de quelques cas rapportés
avec le tramadol [184]. La possibilité de développer un phéno-
C si symptômes diurnes : 50 à 100 mg 1 h avant le
mène d’augmentation a été associée à la sévérité du SIME, le
début présumé des symptômes (par exemple avant
caractère familial, une ferritinémie basse, ainsi que le type, la
un voyage ou avant dialyse).
posologie et la durée du traitement. Il survient particulièrement
• Patients avec SIME modéré à sévère, ou ayant
fréquemment avec la L-Dopa (probablement du fait de sa courte
développé des symptômes d’augmentation sous L-Dopa : demi-vie), mais a été décrit également avec d’autres agents
agonistes dopaminergiques (une prise unique le soir ou dopaminergiques. D’un point de vue clinique, il est important
deux prises par jour) : de différencier le rebond de l’augmentation, car l’accroissement
C pramipexole (Sifrol®) : 0,09-0,54 mg/j ; de la posologie pour traiter le premier peut conduire à une
C ropinirole (Adartrel®) : 0,25-2 mg/j. aggravation du deuxième (Tableau 7). Ainsi, lorsque le phéno-
• Manifestations douloureuses : gabapentine : mène d’augmentation se développe, l’augmentation de la
300-2 400 mg/j, prégabaline (Lyrica® : 75-300 mg/j). posologie conduit à une aggravation des symptômes, tandis que
• Si pas de réponse : opioïdes : l’arrêt permet de revenir au niveau initial des symptômes.
C oxycodone (Oxycontin®) : 5-20 mg/j ; L’augmentation doit également être différenciée de la perte
C tramadol : 50-150 mg/j. d’efficacité du traitement (tolérance) et de l’évolution naturelle
de la maladie, dont les symptômes progressent habituellement
lentement, ou dans les cas d’une aggravation rapide, celle-ci est
sommeil, doit être portée au risque d’induire une somnolence le plus souvent transitoire et en rapport avec une cause claire-
diurne excessive, car une tendance à la somnolence est souvent ment identifiable (médicament, alcool, café, privation de
rapportée avec les agents dopaminergiques. Il faut signaler que sommeil). La physiopathologie de ce phénomène est encore
celle-ci est beaucoup plus fréquente chez les patients parkinso- largement inconnue. L’hypothèse la plus répandue suggère que
niens (estimée à plus de 50 % [180]) que chez les patients traités
l’augmentation reflète la stimulation intense et pulsatile du
pour SIME (globalement 20-30 % des patients traités dans les
système dopaminergique, et probablement une hyperstimula-
études rapportent une somnolence) et que le traitement dopa-
tion des récepteurs D1 par rapport aux récepteurs D2 et D3 au
minergique aurait plutôt tendance à réduire la somnolence chez
ces patients [181]. Les agents dopaminergiques ont aussi été niveau spinal [185].
impliqués dans la survenue d’accès de somnolence brusques L-Dopa
chez des patients parkinsoniens (chez 3,8 % des patients, et sans
aucun prodrome annonciateur chez 0,7 %). Ce type d’accès de Depuis le premier rapport d’Akpinar en 1982 [98], de nom-
somnolence n’a pas été décrit chez des patients ayant un SIME, breuses études contrôlées ont confirmé l’efficacité de la
à l’exception d’un cas isolé recevant une polythérapie [182]. On L-Dopa, associée à un inhibiteur de la dopa-décarboxylase
peut donc conclure que dans la maladie de Parkinson idiopa- (carbidopa [Sinemet®]- ou bensérazide [Modopar®]) [186, 187]. La
thique, la tendance à la somnolence est plus importante, et dose quotidienne habituelle varie entre 50 et 250 mg, en prise
qu’elle semble liée, au moins en partie, à la pathologie en elle- unique, 30 minutes à 1 heure avant l’heure du coucher (hors
même. Il faut également considérer que les doses de médica- autorisation de mise sur le marché [AMM]). On commence par
ments utilisées sont beaucoup plus importantes que celles 50 mg de L-Dopa, la dose pouvant être augmentée par la suite
habituellement prescrites pour le traitement du SIME. jusqu’à l’obtention de l’effet optimal ou la dose maximale de
En revanche, d’autres phénomènes, comme le rebond et 400 mg. En général, la L-Dopa, aux posologies habituellement
l’augmentation, méritent une surveillance particulière chez des utilisées, est bien tolérée. Les effets secondaires le plus souvent
patients atteints d’un SIME ou des MPJS et traités par des agents
rapportés étant des troubles digestifs (nausées, vomissements),
dopaminergiques. Le rebond fait référence à la réapparition des
des céphalées et une sécheresse buccale. Toutes les études ont
symptômes à la fin de la période d’efficacité du médicament
démontré une amélioration des symptômes et de la qualité du
(effet de fin de dose) qui, dans le cas particulier du SIME, va se
manifester en milieu de nuit ou au petit matin. Ce phénomène sommeil (spécialement durant la première partie de la nuit).
est classiquement décrit avec des médicaments à courte demi- Certaines ont pu mettre en évidence un raccourcissement de
vie. À ce rebond fait suite une période asymptomatique de la latence d’endormissement et une réduction des mouve-
durée variable, jusqu’à la réapparition des symptômes le soir ou ments périodiques des jambes au cours du sommeil. Mais, en
la nuit. Si le phénomène de rebond réveille le patient au milieu raison des caractéristiques pharmacodynamiques de la L-Dopa,
de nuit, une nouvelle prise de médicament peut être nécessaire. ses effets durent à peine 4 à 6 heures, et donc son efficacité
L’alternative consiste à utiliser des médicaments à demi-vie plus diminue en deuxième partie de nuit, avec un risque de
longue. rebond.

14 Neurologie
Syndrome des jambes sans repos et mouvements périodiques des jambes au cours du sommeil ¶ 17-009-A-15

Agonistes dopaminergiques

“ Point important Les agonistes dopaminergiques constituent actuellement le


traitement de choix du SIME et des MPJS, en particulier si un
traitement quotidien est nécessaire ou si la symptomatologie est
Comment gérer l’augmentation ?
sévère [186, 187]. L’avantage par rapport à la L-Dopa est leur plus
Le phénomène d’augmentation peut constituer le
longue demi-vie (qui évite les phénomènes de rebond et la prise
principal problème du traitement à long terme par des répétée pendant la nuit) et la moindre fréquence de complica-
agents dopaminergiques, et sa prise en charge est un tions à long terme de type augmentation. Pratiquement tous les
véritable défi, encore peu codifié. Voici quelques principes agonistes actuellement présents sur le marché ont été testés, en
généraux : particulier chez les patients atteints de SIME. Les effets secon-
• maintenir le traitement à la plus faible dose possible ; daires les plus fréquemment rapportés sont de type digestif
• corriger les facteurs qui peuvent favoriser (nausées, vomissements), ou congestion nasale, douleurs
l’augmentation : carence martiale, coprescription thoraciques, sudations des extrémités et insomnie. Pour dimi-
d’antagonistes dopaminergiques ou d’antidépresseurs ; nuer la fréquence d’apparition des effets secondaires, il est
• si l’augmentation survient avec des faibles doses de fortement recommandé de commencer avec une très faible dose
L-Dopa (< 200 mg/j), la posologie peut être diminuée ou et de procéder à une titration par paliers très progressifs. Une
partagée en plusieurs prises (avec une prise plus tôt en prophylaxie des effets secondaires avec dompéridone (20 mg
soirée) ; trois fois par jour) peut être indiquée, au moins jusqu’à ce
• si l’augmentation survient avec des doses plus élevées qu’une dose stable soit atteinte (les autres antinauséeux sont à
de L-Dopa, celle-ci doit être remplacée par un agoniste éviter en raison de leur structure neuroleptique susceptible
dopaminergique ; d’aggraver le SIME/MPJS). Une fois la dose efficace trouvée pour
• dans certains cas sévères ou à des doses importantes de un patient, celle-ci reste généralement stable pendant des
L-Dopa, on aura recours à l’utilisation concomitante longues périodes, mais peut augmenter avec l’évolution du
pendant une courte durée d’opioïdes ou de gabapentine, syndrome. Il faut néanmoins se souvenir de l’évolution sponta-
pour faciliter la transition ; née fluctuante de la maladie avec des possibles améliorations,
• si l’augmentation survient avec un traitement par voire rémissions plus ou moins prolongées. Le risque d’effets
secondaires graves avec les dérivés de l’ergot (fibrose rétropéri-
agonistes dopaminergiques, la posologie de celui-ci sera
tonéale, pleuropulmonaire, cardiaque), requiert la plus grande
diminuée ou partagée en plusieurs prises (avec une prise
prudence lors de l’utilisation de ces composés et son utilisation
plus tôt en soirée) ;
est donc fortement déconseillée dans le SIME et dans les MPJS.
• si ces mesures s’avèrent inefficaces, il faut ajouter un
Deux agonistes dopaminergiques disposent de l’AMM en
traitement non dopaminergique (antiépileptique,
France pour le traitement symptomatique du SIME idiopathique
opioïde, clonazépam). Le changement pour un autre modéré à sévère (score supérieur à 10 à l’échelle de sévérité
traitement dopaminergique n’a pas été évalué, mais la IRLSSG) : le ropinirole (Adartrel®) et le pramipexole (Sifrol®).
prudence conseille de l’éviter. La notice légale des deux médicaments prévient du risque de
somnolence et des accès de sommeil d’apparition soudaine,
observés chez les patients atteints de la maladie de Parkinson.
Les patients doivent être informés de ce risque et de la nécessité
Une alternative consiste à utiliser la L-Dopa à libération
de prendre des précautions en cas d’utilisation d’un véhicule ou
prolongée. Mais en monothérapie, ce n’est probablement pas
de machines, bien que, comme signalé plus haut, ce phénomène
suffisamment efficace, car le pic de concentration plasmatique
n’est pas atteint avant l’endormissement. En général, il est donc semble très exceptionnel chez des patients traités pour un SIME.
conseillé de combiner une forme standard et une forme à Comme décrit pour la maladie de Parkinson, il y a un risque de
libération prolongée. Il a d’ailleurs été démontré que cette développement de comportements compulsifs (achats compul-
association est plus efficace que la L-Dopa standard seule, en sifs, jeu pathologique, prise alimentaire compulsive, hypersexua-
particulier pour les symptômes qui surviennent dans la lité, activités répétitives), pouvant aller jusqu’à 17 % des sujets
deuxième partie de la nuit. traités [189, 190]. Certains patients peuvent rapporter des phéno-
Deux problèmes limitent l’intérêt de l’utilisation de la L-Dopa mènes de sevrage lors de l’arrêt du traitement, se traduisant par
en première intention pour le traitement chronique du SIME ou une aggravation des symptômes, qui peut être relativement
des MPJS : le rebond (rapporté dans 20 % à 35 % des SIME sévère les premières 48 heures après l’arrêt du traitement. Par la
traités par L-Dopa) et l’augmentation (rapportée dans jusqu’à suite, les symptômes reviennent progressivement, entre 4 et
50 % à 85 % des cas traités par L-Dopa, selon les séries, parfois 7 jours, à leur intensité initiale. En règle générale, plus long a été
déjà après quelques semaines d’utilisation, et le plus souvent le traitement et plus élevées les doses, plus intenses sont les
avec des doses élevées, raison pour laquelle la posologie doit symptômes de sevrage. L’agence du médicament recommande
être maintenue la plus faible possible, et ne pas dépasser que le traitement dopaminergique soit instauré initialement par
400 mg/j). Il existe, aussi la possibilité d’une aggravation un neurologue ou un spécialiste du sommeil.
transitoire des symptômes à l’arrêt de la L-Dopa (sevrage). Le pramipexole est un agoniste D2 et D3, avec une demi-vie
Pour ces raisons, actuellement, l’indication principale de la de 8-12 h, non dérivé de l’ergot, éliminé essentiellement par le
L-Dopa dans le traitement du SIME est son utilisation occasion- rein. La dose initiale recommandée est de 0,09 mg (un demi-
nelle [188]. Ainsi, si le patient rapporte des symptômes de façon
comprimé de Sifrol ® dosé à 0,18 mg de la forme base), à
sporadique (par exemple, pas toutes les nuits), ou si le patient
prendre une fois par jour 2 à 3 heures avant le coucher. Si cette
ressent des manifestations pendant la journée (par exemple s’il
dose s’avère insuffisante, elle peut être augmentée tous les 4 à
doit rester assis pendant une réunion prolongée ou un voyage
en avion), la L-Dopa peut être administrée de façon disconti- 7 jours, jusqu’à la dose maximale de 0,54 mg/j (1 comprimé
nue, à la demande. On peut ainsi proposer une prise de L-Dopa dosé à 0,54 mg de la forme base). Le ropinirole est un agoniste
avant l’apparition présumée des symptômes, éventuellement D2-D3, avec une demi-vie d’environ 6 h, non dérivé de l’ergot,
sous forme soluble pour un effet plus rapide (Modopar ® à élimination hépatique. Dans les essais cliniques, la dose
dispersible), car elle agit dans l’heure qui suit la prise (en moyenne utilisée a été de 2 mg une fois par jour. La dose
général après 15 à 20 minutes quand elle est prise à jeun). Les initiale recommandée est de 0,25 mg (1 comprimé d’Adartrel®
phénomènes d’augmentation n’apparaissent pas avec cette dosé à 0,25 mg), une fois par jour pendant 2 jours. Si cette dose
utilisation « à la demande ». La L-Dopa n’a pas d’effet sédatif et est bien tolérée, elle sera augmentée à 0,5 mg/j jusqu’à la fin de
peut être prise avant une sortie en soirée. la première semaine, puis, si nécessaire, à 1 mg/j la deuxième

Neurologie 15
17-009-A-15 ¶ Syndrome des jambes sans repos et mouvements périodiques des jambes au cours du sommeil

semaine. La dose peut ensuite être augmentée de 0,5 mg par Benzodiazépines


semaine sur les deux semaines suivantes, jusqu’à atteindre une
Certaines benzodiazépines ont été étudiées dans le traitement
dose de 2 mg/j. Des posologies supérieures entraînent habituel-
du SIME et les MPJS. Leur efficacité pourrait être en rapport avec
lement l’apparition d’effets indésirables, mais la posologie peut
un effet d’induction du sommeil plus qu’un effet direct sur le
être portée pour certains patients jusqu’à 4 mg/j. SIME. La plus étudiée est le clonazépam (Rivotril®) qui, à doses
Il n’y a pas, à l’heure actuelle, d’études comparatives directes de 0,5 à 2 mg/j le soir, est efficace contre les symptômes
entre les deux agonistes, une méta-analyse récente semble associés au SIME, diminue le nombre de MPJS et améliore les
favoriser le pramipexole en termes d’efficacité et de tolé- paramètres sommeil [199]. Le triazolam améliore l’efficacité du
rance [191]. Un patient dont les symptômes ne sont plus bien sommeil chez ces patients et diminue les éveils associés aux
contrôlés avec un agoniste dopaminergique peut bénéficier d’un MPJS, sans pour autant diminuer le nombre de ceux-ci [200]. Les
traitement par un autre agoniste. problèmes des benzodiazépines sont ceux liés au risque de
Les formes à libération prolongée (orales : ropinirole [Requip tolérance et d’accoutumance, et d’aggravation d’un syndrome
LP ® ], pramipexole [Sifrol LP ® ] ou transcutanée : rotigotine d’apnées obstructives du sommeil ainsi que les effets résiduels
[Neupro®]) peuvent être intéressantes pour des patients qui au réveil (somnolence, etc.). Une tolérance peut se développer,
présentent des symptômes tôt dans l’après-midi ou pour obligeant à augmenter les doses. Pour ces raisons, les benzodia-
minimiser le risque d’augmentation (à condition de ne pas zépines ne doivent être considérées que comme des médica-
augmenter les effets secondaires pendant la journée). ments de deuxième intention, ou d’appoint. Ces molécules
peuvent en effet être envisagées, en bithérapie, chez des patients
qui répondent aux agents dopaminergiques, mais qui présentent
Antiépileptiques
des difficultés d’endormissement. Dans ces cas, on peut aussi
Plusieurs antiépileptiques ont été testés, en particulier dans le avoir recours aux agonistes gabaergiques non benzodiazépini-
traitement du SIME. Aucun de ces médicaments n’a l’AMM en ques (zolpidem, zopiclone, zaleplon), qui entraînent moins
France pour cette indication. Ils peuvent constituer un traite- d’effets secondaires [201].
ment intéressant, en particulier dans les formes « douloureuses »
ou quand les symptômes surviennent tôt dans la journée. Autres traitements
Parmi les différents antiépileptiques, un des plus utilisés est Des évaluations subjectives suggèrent un effet bénéfique de la
la gabapentine (Neurontin ® ), pour son profil d’efficacité clonidine dans le SIME, mais sans effet sur le MPJS [202] .
(améliore les symptômes du SIME, réduit le nombre de MPJS et Quelques rapports suggèrent un effet bénéfique de l’acide
améliore le sommeil), à des posologies allant de 300 à folique et du magnésium sur les symptômes du SIME [203]. Bien
2 400 mg/j (le plus souvent entre 1 400 et 1 850 mg/j), surtout que les inhibiteurs de la recapture de la sérotonine puissent
dans des cas avec des manifestations douloureuses ou associées provoquer ou aggraver un SIME, il a été décrit des améliorations
à une polyneuropathie [192]. Moins étudié, mais pharmacologi- des impatiences [204]. La mélatonine pourrait également être
quement très proche, la prégabaline (Lyrica ® ) semble aussi efficace dans le traitement des MPJS [205].
efficace [193].
La carbamazépine (Tégrétol®), à des posologies entre 200 et Cas particuliers
600 mg/j, est efficace chez deux tiers des patients sur les
symptômes du SIME, mais pas sur les MPJS [194]. L’acide valproï- Insuffisance rénale
que (Dépakine ® ) s’est montré aussi efficace chez certains Nous ne disposons que de peu d’études dans cette popula-
patients présentant un SIME et des MPJS [195] , ainsi que le tion, où la fréquence du SIME et des MPJS semble très élevée.
lévétiracépam (Keppra®) [196]. Le topiramate (Epitomax®) a été La dialyse par elle-même ne semble pas altérer l’évolution du
également étudié, avec un effet sur les symptômes du SIME à SIME chez ces patients. Un traitement par érythropoïétine peut
une posologie quotidienne moyenne de 42,1 ± 18,7 mg, mais améliorer les symptômes, qui disparaissent habituellement
son effet sur les MPJS n’a pas été évalué [197]. quelques jours après transplantation. En revanche, le SIME
réapparaît habituellement si le patient doit être à nouveau
Opiacés dialysé en cas de rejet ; l’intensité des symptômes semble
corrélée à la détérioration de la fonction rénale. Un rôle majeur
Les effets thérapeutiques des opiacés sur les symptômes du du fer a été évoqué dans la physiopathologie du SIME en
SIME se retrouvent déjà dans la description princeps de Willis général, et en particulier dans l’insuffisance rénale. Dans ce
(1672), qui traita un cas sévère de SIME avec du laudanum [10]. sens, il faut assurer une supplémentation en fer adéquate. Une
Ils sont plus efficaces sur le SIME que sur les MPJS. Ils sont étude contre placebo a démontré l’efficacité, mais transitoire, du
actuellement utilisés seulement comme médicaments de fer intraveineux sur le SIME chez les patients présentant une
deuxième intention, en particulier pour des cas résistants aux insuffisance rénale [206]. Parmi les traitements symptomatiques,
agonistes dopaminergiques ou pour des patients ayant déve- le ropinirole aurait l’avantage d’être éliminé essentiellement par
loppé une augmentation. Ces médicaments ne disposent pas de voie hépatique, et donc sa pharmacocinétique serait peu altérée
l’AMM en France pour cette indication. Relativement peu chez ces patients. La L-Dopa, le pramipexole, la gabapentine,
d’opiacés ont été étudiés de manière adéquate. Ainsi l’oxyco- l’acide valproïque et la carbamazépine ont aussi été utilisés chez
done (Oxycontin® 5 mg, deux ou trois fois par jour) semble un nombre limité de patients.
plus efficace que le propoxyphène (300 mg/j en une prise
unique le soir) [101]. Le tramadol (50-150 mg/j), dans une étude Grossesse
ouverte chez 12 patients atteints de SIME, a une efficacité qui Chez les femmes enceintes, par principe, tout traitement
se maintient pendant au moins 2 ans, avec peu d’effets secon- pharmacologique doit être évité. En cas de développement d’un
daires [198]. D’autres puissants opioïdes oraux à longue durée SIME au cours de la grossesse, les patientes doivent être
d’action (dihydrocodéine, méthadone) peuvent être envisagés informées que les symptômes disparaissent ou en tout cas
dans des cas particulièrement sévères. Leurs effets secondaires de s’améliorent considérablement après l’accouchement. Des
classe comportent une fréquente constipation, une somnolence mesures conservatrices (éviter la fatigue, les privations de
et le risque de dépendance. La complication majeure semble sommeil, la caféine) doivent être instaurées. Un traitement par
être le développement d’apnées centrales, et cette possibilité supplément de fer est recommandé, mais il n’y a pas d’études
doit être surveillée dans le traitement à long terme. À condition contrôlées.
d’exclure les patients ayant des antécédents d’addiction aux
narcotiques, le risque d’addiction semble faible. La tolérance Enfant
semble rare, et beaucoup de patients gardent les mêmes doses Il est de plus en plus évident que le SIME et les MPJS peuvent
pendant des années. apparaître pendant l’enfance, avec une expression qui peut

16 Neurologie
Syndrome des jambes sans repos et mouvements périodiques des jambes au cours du sommeil ¶ 17-009-A-15

ressembler à un syndrome d’hyperactivité avec troubles de la [6] Inoue Y, Nanba K, Honda Y, Takahashi Y, Arai H. Subjective sleep
concentration : impossibilité de rester en place le soir ou la nuit, quality and suggested immobilization test in restless leg syndrome and
sommeil raccourci et de mauvaise qualité, fatigue, irritabilité et periodic limb movement disorder. Psychiatry Clin Neurosci 2002;56:
hyperactivité pendant la journée. L’expérience actuelle dans le 293-4.
traitement de ces affections chez l’enfant est limitée, et l’appro- [7] Pennestri MH, Whittom S, Adam B, Petit D, Carrier J, Montplaisir J.
che médicamenteuse ne doit être envisagée que si le diagnostic PLMS and PLMW in healthy subjects as a function of age: prevalence
est bien établi, et si d’autres mesures (hygiène de sommeil, and interval distribution. Sleep 2006;29:1183-7.
éviter les boissons caféinées, etc.) et la correction d’une [8] Ancoli-Israel S, Kripke DF, Klauber MR, Mason WJ, Fell R, Kaplan O.
éventuelle carence en fer n’améliorent pas la symptomatologie Periodic limb movements in sleep in community-dwelling elderly.
de façon suffisante, en gardant à l’esprit la possibilité d’effets Sleep 1991;14:496-500.
secondaires des agonistes dopaminergiques sur un cerveau [9] Mahowald MW. Periodic limb movements are NOT associated with
encore en maturation [207]. disturbed sleep. Con J Clin Sleep Med 2007;3:15-7.
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Troubles de l’humeur [11] Willis T. The London Practice of Physick: Or the Whole Practical Part
of Physick Contained in the Works of Dr. Willis. London: Bassett
Plusieurs études ont retrouvé un risque élevé de SIME chez Crooke; 1685.
des sujets déprimés, bien que le sens de la relation ne soit pas [12] Boissier de Sauvages de Lacroix F. Nosologie Methodique. Paris:
évident, et les interactions entre les deux pathologies sans doute Hérissant le fils; 1771.
complexes [208] . Il est important de considérer, sur le plan [13] Wittmaak T. Lehrbuch der Nervenkrankheiten. Leipzig: E. Schäfer;
thérapeutique, que les antidépresseurs peuvent induire ou 1861.
aggraver un SIME et induire l’apparition de MPJS. Comme [14] Gilles de la Tourette G. Les états neurasthéniques. Paris: Baillèrre JB et
signalé plus haut, le bupropion (Zyban®) peut être une alterna- fils; 1898.
tive thérapeutique intéressante pour traiter la dépression chez [15] Ekbom KA. Restless legs. A clinical study of a hitherto overlooked
un patient qui présente un SIME. Si le traitement antidépresseur disease in the legs characterized by peculiar paresthesia (“anxietas
ne peut être interrompu ou changé, le SIME peut et doit être tibiarum”), pain and weakness and occurring in two main forms,
traité comme un SIME primaire (en privilégiant les agonistes asthenia crurum paraesthetica and asthenia crurum dolorosa. A short
dopaminergiques qui semblent avoir un intérêt dans la dépres- review of paresthesia in general. Acta Med Scand [suppl] 1945;158:
sion résistante, le clonazépam s’il existe une composante 1-23.
anxieuse ou les antiépileptiques si la dépression est associée à [16] Symonds CP. Nocturnal myoclonus. J Neurol Neurosurg Psychiatry
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Le SIME et les MPJS sont deux entités avec une prévalence [19] Coleman RM, Pollak CP, Weitzman ED. Periodic movements in sleep
élevée dans la population générale et comptent parmi les causes (nocturnal myoclonus): relation to sleep disorders. Ann Neurol 1980;
les plus fréquentes de perturbation du sommeil. Cependant, ils 8:416-21.
sont diagnostiqués souvent avec retard. Nous disposons actuel- [20] Montplaisir J, Boucher S, Poirier G, Lavigne G, Lapierre O,
lement des critères diagnostiques précis pour chacune de ces Lesperance P. Clinical, polysomnographic, and genetic characteristics
deux affections. Même si leur physiopathologie reste largement of restless legs syndrome: a study of 133 patients diagnosed with new
inconnue, il y a suffisamment d’arguments pour penser qu’il standard criteria. Mov Disord 1997;12:61-5.
existe un dysfonctionnement du système dopaminergique, et [21] Ekbom KA. Restless legs syndrome. Neurology 1960;10:868-73.
que le fer joue un rôle important dans leur genèse. Il existe des [22] Strang RR. The symptom of restless legs. Med J Aust 1967;1:1211-3.
traitements symptomatiques efficaces. Les agonistes dopaminer- [23] Oboler SK, Prochazka AV, Meyer TJ. Leg symptoms in outpatient
giques sont considérés comme les traitements de première ligne veterans. West J Med 1991;155:256-9.
pour les patients présentant un SIME modéré à sévère. Les [24] Hogl B, Kiechl S, Willeit J, Saletu M, Frauscher B, Seppi K, et al.
antiépileptiques, les opiacés et certaines benzodiazépines sont Restless legs syndrome: a community-based study of prevalence,
également efficaces. Ces traitements sont aussi actifs sur les severity, and risk factors. Neurology 2005;64:1920-4.
MPJS, mais ne doivent être envisagés qu’après d’avoir exclu [25] Allen RP, Walters AS, Montplaisir J, Hening W, Myers A, Bell TJ, et al.
formellement tout autre trouble primaire du sommeil pouvant Restless legs syndrome prevalence and impact: REST general popula-
expliquer les plaintes du patient. Le phénomène d’augmenta- tion study. Arch Intern Med 2005;165:1286-92.
tion constitue le principal problème du traitement à long terme [26] Bjorvatn B, Leissner L, Ulfberg J. Prevalence, severity and risk factors
par des agents dopaminergiques, et sa prise en charge n’est pas of restless legs syndrome in the general adult population in two
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Cet article a fait l’objet d’une prépublication en ligne : l’année du copyright
[28] Allen RP, Stillman P, Myers AJ. Physician-diagnosed restless legs syn-
peut donc être antérieure à celle de la mise à jour à laquelle il est intégré.
drome in a large sample of primary medical care patients in western
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Centre d’investigation et de recherche sur le sommeil (CIRS), Centre hospitalier universitaire Vaudois/Université de Lausanne, rue du Bugnon 46, 1011
Lausanne, Suisse.
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Centre d’investigation et de recherche sur le sommeil (CIRS), Centre hospitalier universitaire Vaudois/Université de Lausanne, rue du Bugnon 46, 1011
Lausanne, Suisse.
Centre intégratif de génomique (CIG), Génopode, Université de Lausanne, 1015 Lausanne, Suisse.
J. Krieger.
Faculté de médecine, Université Louis Pasteur, 67091 Strasbourg cedex, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Haba-Rubio J., Heinzer R., Tafti M., Krieger J. Syndrome des jambes sans repos et mouvements périodiques
des jambes au cours du sommeil. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris), Neurologie, 17-009-A-15, 2012.

Disponibles sur www.em-consulte.com


Arbres Iconographies Vidéos / Documents Information Informations Auto- Cas
décisionnels supplémentaires Animations légaux au patient supplémentaires évaluations clinique

Neurologie 21
 17-010-A-10

Tremblements
E. Apartis, C.-P. Jedynak

La classification des tremblements adoptée est clinique, enrichie de l’expérience acquise par les auteurs à
l’aide de l’électromyographie polygraphique de surface. Nous précisons le qualificatif d’action qui recouvre
deux sens : celui d’activité musculaire, auquel cas, tous les tremblements qui ne sont pas de repos sont
d’action, et celui qui signifie mouvement ; le terme d’action s’applique alors aux tremblements proximaux
de grande amplitude. L’analyse de la localisation segmentaire du tremblement au membre supérieur est
nécessaire. Les tremblements de localisation distale sont rapides et s’observent généralement dans la
posture maintenue, ceux de la racine sont amples, lents et se manifestent dans le mouvement et le geste
intentionnel. Il est parfois difficile de faire le tri entre les tremblements d’action et les oscillations céré-
belleuses d’ajustement sur une cible, qui augmentent avec la vitesse du mouvement. Le tremblement
cérébelleux peut être difficile ou impossible à distinguer du tremblement de Holmes. Au sein de chaque
catégorie clinique – tremblements de repos, posturaux et d’action – les étiologies sont abordées. Le trem-
blement parkinsonien est opposé au tremblement essentiel. Certaines entités sont développées comme le
tremblement d’utilisation instrumentale, le tremblement cortical et le tremblement orthostatique. À pro-
pos du tremblement psychogène, nous montrons le rôle de l’enregistrement électromyographique pour
recueillir les éléments objectifs de diagnostic positif et obtenir un document transmissible, qui devrait
permettre de prendre des décisions thérapeutiques fermes et partagées. Nous abordons la physiopatho-
logie des tremblements physiologique, parkinsonien, essentiel et celui de Holmes. L’historique des cibles
stéréotaxiques accompagne le cheminement des idées physiopathologiques.
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Mots-clés : Myoclonies ; Tremblement essentiel ; Parkinson ; Tremblement dystonique ;


Stimulation cérébrale profonde

Plan tracé électroencéphalographique conventionnel n’est pas obtenu.


Il va débattre entre les oscillations périodiques régulières du trem-
■ Introduction 1 blement et les secousses brèves des myoclonies répétitives, tout
en gardant à l’esprit les conventions liées à la localisation. Ainsi,
■ Sémiologie des tremblements 2 une activité périodique est appelée tremblement ou prend une
Paramètres descriptifs 2 autre dénomination : la main tremble, la voix tremble tandis que
Classification des tremblements 3 les oscillations oculaires sont nystagmiques et les activités pério-
■ Physiopathologie des tremblements 11 diques du voile du palais, du tronc, de l’abdomen, du diaphragme
Anatomie et physiologie 11 sont qualifiées de myocloniques. La fréquence intervient aussi. En
Physiopathologie 13 deçà de 3 Hz, devant un mouvement répétitif lent comme dans
le ballisme, on ne parle pas de tremblement. Au-delà de 12 Hz,
l’aspect clinique n’appartient plus au tremblement − en cas de
tremblement orthostatique à 16 Hz, la plainte n’est pas celle de
 Introduction trembler. Enfin quand l’amplitude du tremblement est grande, il
est ou était d’usage, dans la terminologie francophone, de parler
Selon Déjerine [1] , « Les tremblements sont caractérisés par des d’hyperkinésie.
oscillations rythmiques involontaires que décrit tout ou partie du La distinction entre tremblement et myoclonies répétitives peut
corps autour de sa position d’équilibre. » cliniquement ne pas être simple. L’électrophysiologie tranche.
Précisons : un sujet consulte, se plaignant de trembler. Selon ce Quand les secousses musculaires sont très brèves, lorsqu’elles
que le médecin observe, il va analyser les caractéristiques du trem- se répètent selon des intervalles irréguliers, quand les acti-
blement, tout en écartant ce qui n’en est pas un : un frisson, dont vités musculaires sont synchrones sur un couple musculaire
la physiopathologie n’est pas centrale, mais musculaire, une trépi- agoniste–antagoniste, le qualificatif de myoclonies leur est donné.
dation épileptoïde qui appartient à la pathologie pyramidale, une Dans le texte qui suit, nous emploierons le mot rythme pour se
épilepsie partielle continue qui peut poser problème quand un conformer à l’usage courant, dans son sens de période.

EMC - Neurologie 1
Volume 10 > n◦ 4 > octobre 2013
http://dx.doi.org/10.1016/S0246-0378(13)60763-0
17-010-A-10  Tremblements

Repos

Coussin

Posture
1 2

1
2

Action

1
Cible

3 Intention

Figure 1. Analyse séméiologique du tremblement du membre supérieur. L’enregistrement permet d’analyser le tremblement dans trois segments distaux :
à l’avant-bras (1), mettant en jeu le poignet, moyen au bras (2), mettant en jeu le coude et proximal (3) dans la ceinture scapulaire, mettant en jeu l’épaule.
Le tremblement est évalué au repos, pendant les manœuvres d’activation psychique (calcul mental, énumération verbale) puis dans le maintien de différentes
postures, dans le mouvement lent non dirigé et dirigé vers une cible (épreuve doigt–nez). Les épreuves d’écriture ou de graphisme (frise, barres d’échelle,
spirale) et le test des verres complètent l’examen.

 Sémiologie des tremblements conséquence de l’activité périodique des muscles qui s’y insèrent.
Le tremblement de la tête répond à une activité rythmique des
Paramètres descriptifs muscles cervicaux.
Aux membres, une étude systématique, segment par segment
Le clinicien détermine la nature d’un tremblement au terme (Fig. 1), permet de localiser la prédominance du tremblement, son
de l’analyse de ses caractères élémentaires : siège, amplitude, caractère distal ou proximal et plus précisément au membre supé-
fréquence, régularité, conditions de survenue, d’exacerbation rieur, le tremblement peut intéresser les interosseux, les muscles
ou d’accalmie, troubles neurologiques associés. Au mieux, cette de l’avant-bras, ceux du bras et les rotateurs de l’épaule.
analyse clinique est complétée par l’étude électromyographique Le siège, à lui seul, donne une orientation diagnostique : le
des muscles intéressés au moyen d’électrodes de surface et par tremblement de la mâchoire est parkinsonien le plus souvent, le
l’enregistrement du déplacement par l’accélérométrie. La vidéo, tremblement physiologique exagéré est distal, le tremblement de
selon un protocole déterminé est un outil d’observation et de la sclérose en plaques (SEP) intéresse généralement les rotateurs
communication permettant une évaluation objective. de l’épaule. Certains tremblements d’origine lésionnelle restent
localisés à un segment, à un membre, ou à tout un hémicorps.

Localisation Amplitude
Le tremblement intéresse un segment mobile du corps, un L’amplitude se mesure à l’importance du déplacement de
membre, la tête, la mâchoire. Le déplacement observé est la l’extrémité du membre. L’accélérométrie en donne une bonne

2 EMC - Neurologie
Tremblements  17-010-A-10

appréciation. Un tremblement distal reste d’amplitude faible. Un


tremblement de la racine entraîne des oscillations amples. Au-delà Repos Posture Action
d’un certain niveau d’amplitude, un seuil qualitatif est franchi ;
on parle d’hyperkinésie lorsque, dans le maintien d’une attitude,
les oscillations s’amplifient progressivement jusqu’à contraindre Parkinsonien
le patient à interrompre sa tentative, lorsque, dans l’action, les
oscillations empêchent l’accomplissement de l’acte. Parkinsonien mixte

Fréquence Physiologique exagéré


La fréquence d’un tremblement se mesure à l’accéléromètre et médicamenteux
en cycle par seconde ou hertz (Hz). Elle résulte de l’interférence
entre la fréquence induite par l’activité neuronale et la fréquence Tremblement essentiel
de résonance du membre auquel elle s’applique. Chez le même
malade, la fréquence du tremblement s’accélère de 1 Hz environ Tremblement lésionnel du tronc cérébral
avec le degré de contraction du muscle. Attribuer à un tremble-
ment une étiologie en fonction de la seule fréquence, c’est faire
abstraction de paramètres mécaniques élémentaires. La fréquence Tremblement psychogène
fournit cependant une orientation : un tremblement de repos à
3 Hz évoque le diagnostic de myoclonies squelettiques ou de trem- Dysmétrie cérébelleuse
blement cérébelleux, un tremblement de 4 à 6 Hz oriente vers la
maladie de Parkinson ou vers une forme sévère de tremblement Figure 2. Orientation étiologique selon le mode de survenue du
essentiel. Au-delà de 8 Hz, on pense à un tremblement essentiel tremblement.
peu évolué ou à un tremblement physiologique exagéré. La fré-
quence du tremblement orthostatique est de 15 à 16 Hz. Ce qu’on appelle généralement tremblement d’action est un
Dans le tremblement essentiel, la fréquence varie avec la loca- tremblement postural − épreuve du bretteur − associé à un trem-
lisation du tremblement et son évolution [2] . blement cinétique − épreuve doigt–nez − qui concerne la racine
du membre, les muscles du bras et ceux de l’épaule. Il augmente
Localisation, amplitude et fréquence et prend un caractère intentionnel dans un effort de précision
Ces trois paramètres sont interdépendants. Les tremblements comme pointer ou manipuler précisément un objet petit et léger
proximaux, amples et lents, s’opposent aux tremblements dis- comme une cuillère par exemple.
taux, fins et rapides. Chez un même malade, un tremblement Qualifier un tremblement de cérébelleux, c’est privilégier
bilatéral est plus lent du côté où il est le plus ample et du côté l’ajustement du geste sur la cible, de nature cérébelleuse sur les
où la maladie dégénérative s’est manifestée en premier. Dans le oscillations propres au tremblement. C’est difficile ou impossible
tremblement essentiel, on observe une corrélation inverse entre quand le tremblement est mixte, dans le cas par exemple du trem-
la fréquence et l’amplitude. blement de la SEP. La caractéristique clinique principale du facteur
cérébelleux est l’augmentation de l’amplitude des oscillations
Régularité de la rythmicité avec la vitesse d’exécution du mouvement et avec l’ajout d’un
poids [5] . L’épreuve de Stewart et Holmes, indépendante du mouve-
Aucun tremblement ne reproduit une oscillation parfaitement ment volontaire montre, en cas de déficit cérébelleux, l’existence
sinusoïdale. La périodicité des tremblements parkinsoniens est le d’un frein antagoniste retardé.
plus souvent régulière. Celle du tremblement physiologique exa- Au-delà de ces considérations, on garde une répartition en trem-
géré et du tremblement essentiel à son stade initial est irrégulière blement de repos, postural et d’action. Le tremblement de Holmes
et se régularise quand son amplitude augmente. Le tremblement qui ressort de la conférence de Kiel [3] est un tremblement de
de la dystonie présente souvent des bouffées d’amplitude et de grande amplitude, de fréquence lente, présent dans la posture,
durée variables se répétant selon des intervalles variables. majoré dans le mouvement et l’intention, comportant plus ou
moins une composante cérébelleuse.
Classification des tremblements (Fig. 2)
Tremblement de repos
La classification des tremblements pose à la fois des problèmes Le tremblement de repos caractérise le tremblement de la mala-
de sémiologie et des problèmes de vocabulaire. Selon un abord cli- die de Parkinson et des autres syndromes parkinsoniens.
nique rapide, il est usuel et souvent consensuel [3] de distinguer le
tremblement de repos, constaté chez un sujet immobile, le trem- Tremblement de la maladie de Parkinson
blement d’attitude ou postural observé chez un sujet à qui on Dans la grande majorité des cas, le tremblement se manifeste au
demande de tendre le membre supérieur devant lui et le tremble- repos. Le tremblement apparaît lorsque les muscles sont relâchés ;
ment d’action ou cinétique quand il est constaté lors de l’épreuve il s’efface ou son amplitude décroît avec la contraction musculaire.
« doigt–nez » avec une composante intentionnelle dans l’effort de La traduction électromyographique du repos est la période de
précision et une composante cérébelleuse lorsqu’une dysmétrie silence qui sépare les bouffées d’activité.
se manifeste. On parle alors de tremblement de Holmes [4] ou de C’est un tremblement d’éveil et d’émotion. Il est absent
tremblement cérébelleux. pendant le sommeil. Inconstant, il peut n’apparaître qu’après plu-
Rien n’est aussi simple. sieurs secondes de latence, si l’émotion est suscitée, ou lors d’un
Le tremblement de repos intéresse des muscles relâchés, hors calcul mental. La marche, bras ballants, peut démasquer un trem-
de tout mouvement, chez un sujet en état d’éveil, déclenché ou blement discret de la main.
magnifié par une stimulation émotive − le téléphone sonne − ou Son siège est le plus souvent distal, prédominant habituelle-
lors de la réalisation d’un calcul mental. Dans le territoire qui ment au membre supérieur. Sa distribution est hémicorporelle ; il
tremble, la main ou le pied par exemple, le mouvement volontaire débute à un membre, gagne l’autre membre au bout de quelques
dans cette même localisation le supprime ou l’atténue. Ainsi par mois ou années, tout en prédominant toujours là où il a débuté.
exemple, des sujets parkinsoniens tremblent aussi dans le mouve- Axial, il touche la mâchoire, la langue, mais une telle localisation
ment, mais moins que dans le relâchement. évoque plutôt le parkinsonisme des neuroleptiques.
Le tremblement postural est aussi un tremblement présent La variation d’amplitude en fuseaux est caractéristique. Les
dans le mouvement. Dans cette condition, il augmente encore oscillations s’amplifient progressivement en 5 à 10 secondes,
d’amplitude. Ainsi, un patient dont les doigts tremblent, main atteignent un paroxysme pour s’atténuer ensuite jusqu’à
tendue, tremble plus encore quand il écrit de cette main, quand reprendre. Entre les fuseaux, le tremblement peut cesser. Les accal-
il signe un chèque. mies sont brèves ou longues, et la L. dopa les prolonge.

EMC - Neurologie 3
17-010-A-10  Tremblements

Suppression
efficace
Oui

Suppression sans
Clozapine
effet à long terme
En regardant la Prise de
télévision neuroleptiques Sujet âgé
L. dopa
Akinésie
Rigidité
Maladie de Agonistes
Parkinson dopaminergiques
Non
Sujet jeune IRM
Bilan cuprique

Suppression
Iatrogénie
si possible

En portant une Traitement


Hyperthyroïdie Propranolol
tasse de café endocrinien

Le sujet
Tremblement
tremble Tremblement bilatéral essentiel Primidone et autres
sans signes associés
anticonvulsivants
Évolution au long cours
Notion familiale Tremblement
Beaucoup en essentiel sévère Stimulation cérébrale
portant un verre à la profonde
bouche Lésions du
Signes neurologiques
tronc cérébral
associés
IRM, SEP
Primidone
Augmente quand
le sujet fixe le
De temps à autre membre qui tremble Psychothérapie
EMG
dans des
Polygraphie
circonstances
S’atténue ou confirmation Procédés plus
variables
s’interrompt au ou moins magiques
calcul mental

Figure 3. Arbre décisionnel. Modèle de démarche diagnostique et thérapeutique. IRM : imagerie par résonance magnétique ; SEP : sclérose en plaques ;
EMG : électromyographie.

La fréquence, enregistrée en accélérométrie, est remarquable- cette forme que l’on observe souvent un tremblement mixte,
ment fixe chez un même patient, la moyenne est de 5,7 Hz et de repos, postural et d’action. À ce propos, remarquons ce que
les extrêmes de 4,8 à 7,7 Hz, donc dans une gamme étroite. Elle l’enregistrement nous enseigne : dans la position du serment bras
s’accélère de 1 à 1,5 Hz dans l’attitude et l’action, quand le trem- tendu, les muscles extenseurs maintiennent la posture et les flé-
blement persiste dans ces conditions. chisseurs sont détendus. Un tremblement localisé à leur niveau
Le tremblement est atténué ou supprimé par la L. dopa, précur- est un tremblement de repos.
seur de la dopamine centrale, par les anticholinergiques et par les Quand le tremblement est ample, de repos, d’attitude et
agonistes dopaminergiques. Quand le tremblement est sévère et d’action et survient en l’absence du tableau akinétorigide habi-
domine la symptomatologie, une imprégnation par la L. dopa de tuel, la distinction, par la clinique seule, d’avec un tremblement
plusieurs semaines est nécessaire, pour en obtenir l’atténuation. essentiel peut être délicate (Tableau 1). Le DATScan est un examen
Les périodes d’accalmie se prolongent, mais l’amplitude peut res- de très haute sensibilité [9] . Il met en évidence un défaut nigrostrié
ter importante par intermittence. de recapture de la dopamine présynaptique par imagerie SPECT
Le tremblement accompagne les fluctuations motrices des (single photon emission computed tomography).
formes évoluées de la maladie, selon les horaires de prises médica- Le traitement du tremblement de la maladie de Parkinson se
menteuses. Présent en période de blocage dites « off », il s’amplifie confond avec celui de la maladie. Il repose sur la L. dopa, les
et peut prendre un caractère myoclonique pendant les quelques agonistes dopaminergiques et sur l’implantation d’électrodes de
minutes du passage en période « on ». Sa réapparition annonce stimulation cérébrale profonde à haute fréquence au niveau du
une nouvelle période de blocage. noyau sous-thalamique (STN) [10] .
Le tremblement de repos unilatéral est une expression carac-
téristique de la maladie de Parkinson idiopathique. Les sujets
porteurs des lésions de dépopulation neuronale de la pars com- Tremblement parkinsonien pharmaco-induit
pacta du locus niger, accompagnées de corps de Lewy, ont toujours Le tremblement est présent dans plus de la moitié des cas de
présenté sur un suivi à long terme, à un moment ou à un autre de parkinsonisme induit. Son siège axial et la prédominance à la
leur maladie, un tremblement de repos [6] . mâchoire sont caractéristiques. Généralement, le tableau clinique
Le tremblement de la tête appartient habituellement à la se distingue de la véritable maladie de Parkinson par l’inconstante
symptomatologie du tremblement essentiel, ou de la dystonie. association d’une akathisie et de dyskinésies. L’asymétrie du trem-
Toutefois, il peut se rencontrer dans la maladie de Parkinson [7] . blement fait évoquer une dénervation sous-jacente, montrée dans
La forme de la maladie dans laquelle le tremblement prédo- un tiers des cas de parkinsonisme médicamenteux dans une étude
mine est moins sévère que la forme akinétorigide [8] . C’est dans de la capture de la F. dopa par le striatum [11] .

4 EMC - Neurologie
Tremblements  17-010-A-10

Tableau 1. évidentes et les cas douteux de sorte que nous adoptons, selon le
Éléments d’orientation diagnostique entre le tremblement essentiel et le groupe de recherche [14] , des critères de distinction entre les formes
tremblement parkinsonien. définies probables et possibles.
Maladie de Parkinson Tremblement essentiel Définitions.
Tremblement essentiel défini. C’est un tremblement postural des
Évolution relativement brève Évolution très lente membres supérieurs, bilatéral et grossièrement symétrique (tou-
(3–5 ans) jours un peu plus ample du côté où il s’est initialement installé),
Micrographie Écriture tremblée dont l’amplitude augmente dans l’action. Il est associé à un
Prédominant au repos, même Prédominant dans l’attitude/action tremblement de la tête et de la voix, hors de tout effet pharma-
s’il peut être constaté dans cologique, en l’absence de tremblement physiologique exagéré et
l’attitude/action en l’absence de symptômes cérébelleux, de signes parkinsoniens
Distribution hémicorporelle : le Distribution bilatérale aux membres et de dystonie.
tremblement du membre supérieurs, parfois asymétrique Il est présent depuis cinq ans au moins (sauf chez l’enfant),
supérieur gagne le membre évolue progressivement (même quand un évènement est invoqué,
inférieur homolatéral avant de traumatisme, anesthésie, etc.) et très lentement.
se bilatéraliser La normalité de l’examen IRM (imagerie par résonance magné-
Touche le menton, la mâchoire Tremblement du cou et de la voix tique) encéphalique doit être exigée pour affirmer le tremblement
et la langue, rarement le cou, essentiel chez les sujets jeunes.
respecte la voix Tremblement essentiel probable. Tremblement isolé de la tête et
de la voix, ou tremblement isolé des membres supérieurs dans les
Sporadique Familial dans la majorité des cas
mêmes conditions d’exclusion que ci-dessus.
Effet atténuateur de la L. dopa Effet atténuateur de l’alcool et du Tremblement essentiel possible. Tremblement de localisation
propanolol
inhabituelle, à la face, au tronc, aux membres inférieurs, dans les
mêmes conditions d’exclusion que ci-dessus. Entrent aussi dans
cette catégorie de possible les tremblements des deux catégories
L’incidence augmente avec l’âge, le sexe féminin, les fortes doses précédentes connus depuis peu, les cas où un élément pharmaco-
et la prolongation du traitement [12] . Le tremblement induit per- logique ou métabolique vient interférer avec le diagnostic, les cas
siste au-delà de l’arrêt de la prise médicamenteuse, parfois pendant où un élément parkinsonien ou dystonique fait douter. Quand
des mois et années avec un pronostic tardif favorable en dehors un tel tremblement appartient à un ensemble de tremblement
de cas de résurgences à l’occasion d’une reprise, même brève, du familial de transmission dominante, il passe dans la catégorie
traitement. probable.
Les substances en cause sont les neuroleptiques dans leur Selon la nature des travaux scientifiques, des définitions plus
usage antipsychotique. L’apparition d’un tel syndrome devrait ou moins étroites sont adoptées. Rigoureuses et consensuelles [3]
conduire, si l’état mental du malade le permet, à la baisse poso- quand des études génétiques sont entreprises, elles sont plus
logique ou à l’arrêt du neuroleptique. Devant la nécessité de ouvertes en pharmacologie et dans les études de prévalence, selon
maintenir un traitement antipsychotique, l’usage de la cloza- les méthodologies employées. Les critères d’inclusions sont diffé-
pine serait un moindre mal. Les anticholinergiques classiques rents dans une enquête porte à porte ou en anatomopathologie.
« correcteurs » des neuroleptiques, ont des effets indésirables sur Prévalence. Le tremblement essentiel est le plus fréquent des
les fonctions psychiques elles-mêmes. Gardons une vigilance vis- mouvements involontaires. Les chiffres de prévalence méritent
à-vis des neuroleptiques cachés, ceux dont la prescription se d’être appréciés selon la méthode utilisée, le niveau sociocultu-
justifierait pour des troubles du sommeil, des nausées ou des ver- rel et la médicalisation très diversement répartie des populations.
tiges par exemple. Il semble pareillement répandu de par le monde. Hommes et
femmes sont pareillement touchés. Les chiffres vont de 0,9 à 4,6 %
Autres tremblements de repos
de la population avec une prévalence qui augmente considérable-
Les syndromes parkinsoniens dégénératifs autres que la mala- ment entre 50 et 70 ans [15] . Par la discrétion du tableau clinique,
die de Parkinson (paralysie supranucléaire progressive, atrophie le diagnostic est difficile à établir chez l’enfant ; de ce fait, nous
multisystématisée) composent le plus souvent un tableau akinéto- ne disposons d’aucun chiffre de prévalence.
rigide ; le tremblement, de type parkinsonien lorsqu’il est présent, Génétique. Reconnaître le caractère familial de la maladie
atypique et symétrique, reste à l’arrière-plan de la sémiologie. dépend de la manière d’interroger le sujet. « Y a-t-il d’autres cas
La maladie de Wilson, nous le verrons plus loin, peut se mani- de tremblements dans votre entourage familial ? » Ce mode de
fester initialement par un tremblement de repos. questionnement conduit souvent à mettre de côté les sujets âgés
Parmi les ataxies cérébelleuses, la forme SCA3 peut qui tremblent, tant ce fait est dans la banalité. En construisant un
s’accompagner de tremblements de repos des membres ou arbre généalogique et s’informant pour chacun de l’existence d’un
de tremblement orthostatique, lent et dopa-sensible [13] . tremblement tout en éliminant les cas de maladie de Parkinson
reconnue, on obtient la notion du caractère familial dans plus de
Tremblement postural et d’action 50 % des cas, selon une transmission verticale, d’une génération
Postural ou d’attitude, il s’observe dans le maintien actif d’une à la suivante, non lié au sexe. Par une étude de liaisons au sein de
attitude fixée et disparaît dans le relâchement musculaire complet. quelques grandes familles, trois loci ont été identifiés : ETM1 dans
Il persiste dans l’action et entraîne une gêne fonctionnelle pour les familles islandaises, en 3q13 à proximité de l’un des gênes du
boire, manger, écrire. En réalité, ce n’est ni l’attitude ni l’action récepteur D3, ETM2 en 2p24 et ETM3 en 6p26 dans des familles
qui conditionnent sa survenue, mais un degré de contraction américaines [16] , mais cela reste limité à des familles particulières.
musculaire en deçà duquel il ne se produit pas et au-delà duquel Récemment, une étude d’association a révélé qu’un variant dans le
il s’efface. Une contraction maximale peut le masquer. gène lingo1 augmenterait le risque de développer un tremblement
Le symptôme − tremblement postural ou d’attitude − relève de essentiel [17] . On peut attendre des avancées avec les nouvelles
causes différentes : tremblement physiologique exagéré, tremble- méthodes de séquençage d’exomes. Toutefois, les résultats obte-
ment associé aux neuropathies, forme clinique du tremblement nus aujourd’hui (2013) ne concernent qu’un nombre limité de
parkinsonien, tremblement associé à la dystonie, et d’abord, en familles.
raison de sa forte prévalence, tremblement essentiel. Comment expliquer cette difficile identification ? L’expressivité
est variable, telle que des porteurs asymptomatiques ne sont pas
Tremblement essentiel identifiés. Le diagnostic est incertain dans les formes discrètes
Exclusivement clinique, une définition rigoureuse devrait per- et la maladie se présente sous des aspects hétérogènes pas tou-
mettre de le déterminer sans ambiguïtés et d’exclure les autres jours authentifiés. Le tremblement essentiel semble complexe,
tremblements, dont le tremblement parkinsonien isolé et celui peut être dépendant d’une combinaison de mutations portant sur
de la maladie dystonique. Un gradient existe entre les formes plusieurs gênes. Des facteurs environnementaux interviennent

EMC - Neurologie 5
17-010-A-10  Tremblements

sans doute pour expliquer que, chez les jumeaux monozygotes, sont différentes selon les écoles et les pays. L’un des obstacles
la concordance n’est qu’imparfaite. Cela mène à rechercher des à l’établissement de ces règles est l’application de celles-ci aux
facteurs environnementaux et toxiques, comme par exemple diverses formes de tremblement essentiel.
des taux sanguins élevés d’harmane dont les résultats restent à Molécules en présence. Parmi les ␤-bloquants. Le propranolol
contrôler. inhibe l’effet trémorigène de l’adrénaline circulante en bloquant
Sémiologie. L’histogramme des âges de début suit une distri- les ␤-adrénorécepteurs des fibres musculaires extrafusoriales [20]
bution bimodale : une période dans l’enfance où le sujet tremble et des fuseaux neuromusculaires. La majorité des auteurs consi-
un peu, une accalmie entre 20 et 50 ans, puis une réaggrava- dère que l’action au niveau du système nerveux central n’est pas
tion [18] . Le tremblement s’installe plus généralement au cours de prédominante.
la cinquième ou sixième décennie. Toutefois, a posteriori, il n’est Il existe une bonne corrélation entre le taux plasmatique de
pas rare d’apprendre que le tremblement se manifestait très tôt, à propranolol et son efficacité. Les doses habituellement utilisées
l’âge et au moment de l’acquisition de l’écriture. vont de 60 à 240 mg/j en trois prises. Elles doivent être aug-
L’évolution habituelle se fait avec l’âge dans le sens d’une mentées progressivement et arrêtées aussi progressivement si cela
augmentation très lente de l’amplitude et parallèlement, d’une s’avère nécessaire pour limiter les effets de sevrage, qui peuvent,
extension spatiale. Cette aggravation pourrait ne pas être linéaire ; par exemple, réactiver un angor. L’arrêt de l’augmentation est
des patients nous signalent des périodes d’accalmie. Faute de en général lié non à la satisfaction suffisante du patient, mais
bonne évaluation et d’études à très long cours, rien ne peut être aux effets secondaires et en particulier à la bradycardie, à
affirmé. l’hypotension et à l’impuissance. Bien toléré chez les sujets
La localisation préférentielle est aux membres supérieurs. Le jeunes, sa prescription est difficile, voire dangereuse quand l’âge
tremblement gagne rapidement l’autre côté, touche les doigts avance.
et les mains, puis s’il s’aggrave, atteint les bras puis les muscles La primidone [21] est également efficace chez une partie des
rotateurs des épaules. À cette extension du territoire répond un patients atteints de tremblement essentiel. Certains résultats spec-
ralentissement de la fréquence, de 10 Hz au niveau des doigts, à taculaires ont été observés, en particulier dans des tremblements
5 ou 4 Hz à l’épaule. L’atteinte de la racine entraîne un handicap de grande amplitude [22] . L’initiation du traitement est délicate,
sévère, parasitant les gestes les plus courants. La sévérité est liée à nécessitant que l’on fractionne les comprimés selon une ascen-
la localisation. Le tremblement est modéré tant qu’il reste distal, sion posologique très progressive. Les effets secondaires sont avant
sévère quand il gagne la racine. tout la somnolence, parfois des vertiges, des nausées. Il semble
Tremblement de la tête et de la voix. Le tremblement que ces effets secondaires soient liés à la primidone elle-même et
du chef est le plus souvent la conséquence de mouvements non à son métabolite, le phénobarbital, alors qu’il est difficile de
de flexion−extension du cou, il peut aussi être déterminé par distinguer les effets respectifs de l’un et de l’autre dans l’action
un mouvement alternatif de rotation. Associé au tremblement sur le tremblement. Les effets secondaires sont supérieurs à ceux
des membres supérieurs, il peut, plus rarement, exister seul qui surviennent quand la primidone est utilisée comme anticomi-
ou précéder de quelques années celui des membres supérieurs. tial, peut-être du fait d’un métabolisme ralenti de la substance en
L’association du tremblement de la voix au tremblement de la l’absence d’induction enzymatique hépatique chez des patients
tête est habituelle, de sorte que l’on pourrait décrire une forme qui n’ont pas pris auparavant d’autres anticomitiaux. La pres-
clinique de tremblement essentiel axial si on y ajoute le trem- cription préalable de phénobarbital mieux toléré pourrait donc
blement du tronc et l’instabilité à la marche [19] . Cette forme réduire ces effets secondaires.
semble plus fréquente chez les femmes. Le tremblement peut éga- Le phénobarbital [23] était de prescription courante, particu-
lement intéresser les muscles péribuccaux, les joues, et les muscles lièrement en France, sous la forme d’une association avec le
de la phonation, responsables d’un tremblement de la voix. Les fébarbamate et le difébarbamate (Atrium® ) pour traiter le trem-
conséquences du tremblement essentiel sur la voix risquent d’être blement essentiel et celui de l’intoxication éthylique. L’effet sur
sous-estimées. Maintenir le son « eh » de manière prolongée fait le tremblement est indubitable, mais difficilement dissociable de
partie de l’examen clinique d’évaluation de tout cas de trem- la sédation. Une accoutumance apparaît au bout de quelques
blement essentiel. Au-delà d’un simple chevrotement, on assiste semaines, menant à l’escalade posologique. Une étude compa-
à une élocution saccadée et à des blocages que l’examen fibro- rant les effets respectifs du phénobarbital et de la primidone a
scopique rapporte au tremblement de l’ensemble des muscles conclu à l’avantage de cette dernière [24] . Toutefois, la posologie
intéressés. du phénobarbital est faible et sa tolérance meilleure.
Au cours du nycthémère, l’amplitude du tremblement essen- Parmi les nombreuses molécules ayant fait l’objet d’études : até-
tiel s’exacerbe le matin au réveil. Il augmente aux émotions et nolol, sotalol, alprazolam, gabapentine, retenons le topiramate
particulièrement au décours d’un effort physique. Il s’atténue par- pour lequel les études randomisées montrent un effet favorable
fois remarquablement après l’absorption d’une boisson alcoolisée. partiel [25] contrebalancé par une anorexie, un amaigrissement et
Cet effet favorable pendant un temps limité est-il un moyen de un risque de lithiase urinaire.
cacher le tremblement pendant cette période ? Facilite-t-il une ten- Selon l’âge et les stades évolutifs, on distingue :
dance à une consommation abusive ? Gardons à l’esprit que les • le tremblement intermittent. Aucun traitement n’est donc néces-
sujets porteurs d’un tremblement essentiel sont parfois accusés saire, sauf dans une situation d’exception telle qu’un examen
abusivement d’éthylisme. oral, une visite d’embauche : une posologie ascendante de pro-
Formes sévères. Les formes sévères le sont par la très grande pranolol deux jours avant et le jour même, précédée d’un essai
l’amplitude des oscillations qui intéressent la racine des membres aux mêmes doses pendant une période de repos en vacances par
supérieurs. Le tremblement prend un caractère intentionnel, exemple pour tester la tolérance. Faut-il cacher le tremblement
venant parasiter les gestes quotidiens, ceux qui demandent préci- lors d’une visite d’embauche ? Une option possible est de dire
sion et dextérité. Dans cette forme sévère, le tremblement peut « oui j’ai un tremblement, il est connu et traité et ne m’empêche
survenir au repos lors de l’émotion. Le rattachement de cette pas de faire mon travail aussi bien ou mieux qu’un autre » ;
forme au tremblement essentiel est admis aujourd’hui, d’autant • le tremblement continu et modéré. Selon la gêne fonctionnelle
qu’il existe un contexte familial, mais on retrouve encore des et la tolérance, le propranolol peut être utile aux conditions
traces d’une maladie autonome dans le vocabulaire francophone suivantes : prévenir de son effet symptomatique, prévenir des
de dyskinésie ou d’hyperkinésie idiopathique. effets secondaires. Le propranolol est le seul traitement que les
Traitement. Rappelons que le traitement est symptomatique. patients gardent au très long cours. Faut-il chez un sujet jeune
Traiter tôt ou tard, ou ne pas prescrire, cela n’a pas aujourd’hui de envisager un traitement à vie ? Sa prescription résulte d’une
conséquences sur l’avenir de la maladie. confrontation entre les avantages et les inconvénients dont fait
Bien des obstacles subsistent à l’établissement de règles. Les partie la simple servitude de prendre des comprimés chaque
études contre témoins portent sur un nombre limité de cas et ne jour ;
concernent que les molécules récentes. Il reste difficile de mesu- • le tremblement est modéré, mais handicapant. La prescription
rer objectivement l’amplitude d’un tremblement variable selon les d’un anticonvulsivant se justifie. Ce terme est utilisé à dessein
horaires, les efforts et les émotions. Les habitudes thérapeutiques pour rappeler qu’un traitement au très long cours ne peut être

6 EMC - Neurologie
Tremblements  17-010-A-10

interrompu que progressivement. Le prescripteur est seul res- Tableau 2.


ponsable des conséquences d’une prescription des nouvelles Tremblements iatrogènes.
molécules hors d’une autorisation de mise sur le marché ; Médicament Type de tremblement
• le tremblement sévère et très handicapant. À ce stade, la pharmaco- iatrogène
logie est inefficace. Le handicap porte sur les gestes du quotidien
tels que boire et manger. Sauf contre-indications, la place est à Neuroleptiques atypiques P
la chirurgie ou à la radiothérapie ciblée. Tétrabénazine P
Chirurgie et radiothérapie ciblée. Les méthodes modernes de sti- Réserpine P
mulation cérébrale profonde à fréquence élevée [10] se substituent Métoclopramide P
aux thalamotomies. Elles ont des inconvénients : des interven-
Antidépresseurs tricycliques PH
tions chirurgicales longues et délicates, la présence d’un matériel
étranger méningé et encéphalique, la nécessité d’effectuer des Antidépresseurs PH
réglages de voltage et de fréquence à distance de l’opération, sérotoninergiques (IRS)
la nécessité de changer la pile du boîtier de stimulation, Bases xanthiques, caféine PH
l’atténuation de l’efficacité au long terme par des phénomènes Bronchodilatateurs ␤2- PH
probables de résistance électrique, mais les avantages l’emportent : stimulants
absence de lésion, réversibilité de la stimulation, possibilité de Adrénaline PH
moduler les paramètres de stimulation en fonction des effets, et
Dopamine PH
possibilité de réaliser des implantations bilatérales en un ou deux
temps. Antiestrogènes (tamoxifène) PH
La radiochirurgie cérébrale par gamma knife réalise une thalamo- Progestérone PH, P
tomie en radiothérapie externe ciblée. L’effet apparaît retardé de (médroxyprogestéronactate)
6 à12 mois. Le résultat dépend de l’excellence de la détermination Glucocorticoïdes PH
de la cible radiochirurgicale [26] . La méthode semble s’adresser aux Hormones thyroïdiennes PH
contre-indications de la stimulation cérébrale profonde, du fait de Valproate PH, P
l’âge avancé des sujets − traitement anticoagulant par exemple –.
Perhexiline PH, P
Les séries publiées sont courtes et sans grand recul en raison du
nombre très limité de centres ouverts à cette méthode. Amiodarone PH
Indications particulières. Les injections de toxine botulique Mexilétine, procaïnamide PH
visent les formes localisées de tremblement en agissant sur la Lithium PH, P, M
conduction neuromusculaire localement, aux dépens d’un affai- Cytostatiques M
blissement moteur transitoire dans le territoire ciblé. L’indication
Immunosuppresseurs M
est le tremblement de la tête [27] . Son effet sur le tremblement de la
(ciclosporine A)
voix se fait souvent au prix d’un risque heureusement réversible
d’hypophonie. Sevrage d’alcool, de cocaïne PH
En somme, le tremblement essentiel donne parfois une image P : tremblement de type parkinsonien ; PH : exagération du tremblement phy-
publique erronée de faiblesse psychologique. La gêne fonction- siologique ; M : tremblement à caractère myoclonique ; IRS : inhibiteurs de
nelle et les conséquences psychologiques s’ajoutent et sont recapture de la sérotonine.
des éléments qui vont contre une notion encore répandue de
bénignité. Bien des lacunes subsistent dans la connaissance
de l’évolution au très long cours, dans l’évaluation du han- Les intoxications par les métaux lourds, le bismuth, le mercure,
dicap fonctionnel et psychologique, et en pharmacologie : pas le bromure de méthyle provoquent des myoclonies et, en phase
d’études comparées récentes, pas d’études à long terme ni d’études d’amélioration, un tremblement irrégulier des membres supé-
d’observance. rieurs. C’est aussi un tremblement irrégulier, myoclonique que
l’on observe lors des traitements par la ciclosporine. Le lithium
Tremblement essentiel et maladie de Parkinson (Tableau 1) au début du traitement et lors des posologies élevées fait trembler.
La maladie de Parkinson et le tremblement essentiel sont deux Le lithium est par ailleurs susceptible de renforcer un tremblement
maladies de grande prévalence touchant l’une comme l’autre les parkinsonien.
sujets âgés. La question du diagnostic différentiel entre ces deux Sous valproate de sodium, le tremblement révèle généralement
maladies se pose dans les situations suivantes : un surdosage.
• dans les rares formes de maladie de Parkinson où le tremble- L’alcoolisme chronique est un facteur de tremblement, surtout
ment est ample, présent aussi dans la posture et le mouvement, à l’occasion d’un sevrage à court terme. Un tremblement dif-
sans akinésie, ni raideur ; fus, ample, irrégulier − on dit trémulation − accompagné d’une
• devant un tremblement essentiel dont le tremblement est pré- dysarthrie annonce le delirium. S’effaçant avec la reprise de
sent au repos. l’intoxication, il peut devenir un des facteurs de renforcement
Il n’est pas exceptionnel, chez un sujet suivi à très long terme de l’addiction.
pour un tremblement essentiel, de voir apparaître des signes L’hyperthyroïdie peut être en cause, mais il est rare que le trem-
évocateurs d’une maladie de Parkinson, comme si les deux mala- blement soit le symptôme révélateur qui amène à consulter. Il
dies se superposaient [28] . De nombreuses publications polémiques s’agit d’un tremblement postural des extrémités, favorablement
concernent ce sujet dont les ambiguïtés sont levées par la visua- sensible − comme les autres symptômes de l’hyperthyroïdie − au
lisation du transporteur de la dopamine en SPECT. Le DATscan propranolol.
affirme l’existence d’un déficit dopaminergique nigrostrié, donc Citons enfin la crise d’angoisse dont le tremblement est l’un des
appuie l’indication d’une substitution dopaminergique sans pour signes, et les émotions, mais nous quittons ici le domaine de la
autant éliminer la coexistence d’un tremblement essentiel. pathologie pour la physiologie.

Tremblement iatrogène et tremblement des désordres Tremblement et dystonie, tremblement d’utilisation


endocriniens et métaboliques (Tableau 2) instrumentale répétitive (Tableau 3)
Certains tremblements s’apparentent au tremblement adréner- L’association phénoménologique de contractions musculaires
gique et résultent de l’exagération du tremblement physiologique. involontaires et d’un tremblement est la règle depuis les obser-
Ils sont provoqués par la caféine et les bases xanthiques, les vations princeps. La maladie dystonique, dans ses variantes
analeptiques cardiovasculaires, le salbutamol, les antidépresseurs génétiques, se présente sous la forme de contractions musculaires
inhibiteurs de la recapture de la sérotonine et tricycliques, les cor- dystoniques, de bouffées d’activité musculaire irrégulièrement
ticoïdes. L’exhaustivité est impossible tant sont nombreuses les espacées et de tremblement. Des tremblements s’observent dans
substances qui font trembler. de grandes familles de dystonies. L’étude polygraphique du

EMC - Neurologie 7
17-010-A-10  Tremblements

Tableau 3.
Éléments d’orientation diagnostique entre le tremblement essentiel et le tremblement dystonique.
Tremblement essentiel Tremblement de la maladie dystonique
Âge de début Enfance, adolescence Âge de début très variable, souvent à mi-vie
ou vers 55/60 ans
Signes associés Symptôme tremblement isolé Note dystonique fréquente
Mouvement Un tremblement accompagnant l’activité musculaire, Un tremblement accompagnant l’activité musculaire,
anormal régulier en fréquence et en amplitude irrégulier « myoclonique »
Territoire Étendu, touchant préférentiellement les deux mains de Localisé, un membre, un doigt, quelques muscles
manière souvent un peu asymétrique, le cou cervicaux, le larynx. Un tremblement du cou sans
(tremblement de la tête) et la voix tremblement de la voix est a priori de nature dystonique
Notion familiale Très fréquemment retrouvée, si l’on prend en compte les Rare
personnes âgées
Évolutivité Très lente, extension du territoire, des mains vers la Stabilité après une phase d’installation
racine des membres supérieurs
Augmentation de l’amplitude et ralentissement de la
fréquence
Facteurs favorisants Pas de facteur favorisant autre que génétique Rôle pathogène évident des activités excessivement
ou pathogènes répétitives

tremblement dystonique [29] montre qu’il s’agit d’un tremblement affaiblissement musculaire réversible. La modification et la varia-
d’attitude et d’action caractérisé par son irrégularité, son siège seg- bilité de la tenue instrumentale est recommandée au prix d’un
mentaire et l’absence d’évolutivité. La localisation de l’activité apprentissage en physiothérapie.
rythmique sur un groupe musculaire fonctionnel, comme par
Tremblement et neuropathies périphériques
exemple sur un couple musculaire rotateur du cou, est caracté-
ristique d’une forme tremblante de torticolis spasmodique. Un tremblement peut accompagner une neuropathie périphé-
Le tracé polygraphique peut faire apparaître une activité pério- rique sensitivomotrice axonale, ou plus souvent démyélinisante.
dique cliniquement non décelée. C’est un tremblement d’attitude pouvant comporter une
L’idée fréquemment soutenue de l’association de deux mala- composante d’action, qui touche les deux membres supérieurs
dies – dystonie idiopathique et tremblement essentiel – se heurte de façon parfois asymétrique. La présentation clinique du
aux particularités cliniques et électromyographiques ci-dessus et tremblement neuropathique peut être très proche de celle du
à l’absence de croisement entre tremblement essentiel familial et tremblement essentiel. Sa gamme de fréquence est large, comprise
dystonie idiopathique [30] . Le tremblement est l’un des aspects cli- entre 4 et 11 Hz. Il n’existe pas de corrélation entre la sévérité du
niques de la dystonie et peut résumer la maladie. Ici encore, la tremblement et le degré de déficit proprioceptif ou moteur [35] .
distinction entre tremblement et myoclonies est malaisée. Chez Le tremblement est un signe fréquent (40 %) dans les neuro-
le même patient, au même moment dans le même muscle, les pathies héréditaires sensorimotrices ; un tremblement est présent
deux aspects, s’ils doivent être distingués, sont parfois enregistrés. dans plus de 90 % des cas de neuropathie démyélinisante associée
Dans les dystonies secondaires (encéphalopathies néonatales, à une paraprotéinémie, essentiellement à immunoglobulines M
post-traumatiques, vasculaires) les mêmes aspects s’observent, (IgM). Il est fréquent dans les polyradiculonévrites chroniques
combinant à des degrés divers dystonie, tremblement et myoclo- et les neuropathies motrices multifocales avec bloc de conduc-
nies. tion [36] . Il peut aussi s’observer dans une polyradiculonévrite
Le tremblement dystonique peut se manifester de manière iso- aiguë, en particulier en phase de récupération motrice. Des trem-
lée, en l’absence de tout phénomène dystonique. Le diagnostic blements ont été rapportés dans d’autres causes de neuropathie
clinique différentiel avec le tremblement essentiel est nuancé. incluant diabète, alcoolisme chronique, insuffisance rénale ou
Le caractère principal qui distingue le tremblement dystonique amylose.
est sa localisation limitée. Le tremblement du cou touchant les Le traitement du tremblement neuropathique repose sur celui
muscles rotateurs peut précéder de quelques années la survenue de la neuropathie sous-jacente. Toutefois, un effet bénéfique
d’un torticolis spasmodique ou succéder à un torticolis traité par a pu être observé avec du propranolol, de la gabapentine, du
des injections de toxine botulique. Le tremblement de la voix, de clonazépam ou de la primidone. Quelques patients atteints de
nature dystonique, pourrait se distinguer du tremblement essen- tremblement liés à une maladie de Charcot-Marie-Tooth [37] ou à
tiel par sa localisation limitée aux muscles phonatoires. Par le une paraprotéinémie à IgM [38] ont vu leur état s’améliorer par la
caractère limité à quelques muscles, le tremblement cervical et stimulation cérébrale profonde.
le tremblement de la voix sont des indications aux injections de
toxine botulique [31] . Tremblement d’action, tremblement de Holmes
Le tremblement d’utilisation instrumentale répétitive [32] Nous appelons tremblement d’action un tremblement de
concerne la pratique d’un instrument, d’un outil, d’une raquette, grande amplitude qui, bien que présent dans le maintien d’une
d’un stylo. L’instrument, au sens large, impose une tenue uni- position, s’intensifie à l’occasion du mouvement volontaire,
voque pour des gestes extrêmement répétés. C’est une manière de d’autant qu’il nécessite un effort d’attention, de visée et de préci-
regrouper sous une physiopathologie commune les tremblements sion.
dits de fonction, ceux des musiciens, et l’entité tremblement Différentes dénominations lui sont attribuées selon des
de l’écriture [33, 34] . Dystonie, dystonie et tremblement, et trem- considérations physiopathologiques (tremblement cérébelleux,
blement dystonique isolé se rencontrent. Même si l’activité rubral), selon l’étiologie (SEP) ou en référence à la description
extrêmement répétitive est souvent en cause, son interruption initiale, tel le syndrome de Benedikt.
ne lève pas le problème. Ainsi est-il possible de porter le diag- Les tremblements d’action associés à un déficit cérébelleux
nostic de manière rétrospective devant un tremblement très répondent à des lésions des pédoncules cérébelleux et du tronc
localisé alors même que l’activité causale a été depuis longtemps cérébral. Outre l’origine lésionnelle, ce type de tremblement est
abandonnée. caractérisé par sa survenue retardée, plusieurs mois ou années
Le traitement pharmacologique n’est guère efficace. Les injec- après la lésion initiale. Après une période d’installation, il garde
tions de toxine botulique nécessitent la détermination parfaite une localisation fixe, à un membre ou à un hémicorps. Son siège
des multiples muscles intéressés et se fait aux dépens d’un est volontiers proximal, à l’épaule, mais il intéresse parfois le

8 EMC - Neurologie
Tremblements  17-010-A-10

membre inférieur. Sa fréquence est lente, de 3 à 5 Hz. Ce tremble- par le « front carré » de ce déplacement, par l’intervalle franc
ment d’action, sévère, peut même survenir au repos, à l’occasion entre chaque contraction musculaire, par le synchronisme de
d’une émotion. Il relève de causes diverses, d’hématomes, de ces contractions dans le couple musculaire agoniste–antagoniste.
cavernomes, de tuberculomes, de toxoplasmose et d’autres abcès, Ces critères devraient permettre de distinguer les myoclonies
ou de tumeurs du tronc cérébral. Trois étiologies dominent : la rythmiques d’un tremblement. Souvent, le partage est net. Les
SEP, les séquelles post-traumatiques et les accidents vasculaires myoclonies sont identifiées de manière certaine en électromyo-
sous-thalamiques. graphie lorsque les secousses musculaires sont brèves, de l’ordre
de 20 à 60 ms (syndrome de Lance et Adams, épilepsie myoclo-
Tremblement de la sclérose en plaques nique). Lorsque les contractions musculaires brusques ont une
Déjerine écrit : « Le tremblement classique de cette affection est durée plus longue (jusqu’à 500 ms), la distinction peut devenir
le tremblement intentionnel. Parfois précoce, plus souvent tardif, délicate. Les définitions respectives des myoclonies et du tremble-
il ne se montre que dans les mouvements un peu tendus, et est ment ne démarquent pas la frontière. Cependant, la classification
proportionnel à l’étendue du mouvement, l’émotion l’exagère. dans l’une ou de l’autre catégorie déclenche une enquête étiolo-
Veut-il boire, le malade saisit brusquement le verre, les oscilla- gique et des prescriptions parfois différentes.
tions d’abord lentes et peu étendues vont en augmentant jusqu’à
atteindre 30 ou 40 cm, en même temps, la tête et le tronc oscillent
d’arrière en avant à la rencontre du verre, etc. » [1] . Myoclonies du voile ou squelettiques
La prévalence du tremblement dans la SEP serait de 30 % [39] Les myoclonies squelettiques témoignent de ces difficultés de
en sachant toutefois que la distinction est rarement faite entre définition. Cette activité rythmique régulière, lente, de repos, à
tremblement et syndrome cérébelleux au sens large. Sa localisa- 3 ou 4 Hz de fréquence, est appelée myoclonique selon l’usage
tion au membre supérieur est prédominante (90 %) ; la tête et ou myorythmique. Or, la lésion qui en est responsable siège sur la
le tronc sont aussi touchés (30 %) et, plus rarement, le membre voie dento-olivaire, substratum physiopathologique fondamental
inférieur. Survenant généralement chez des malades déjà porteurs des tremblements centraux.
de séquelles neurologiques fixées et invalidantes, il s’accompagne Les myoclonies du voile et squelettiques sont ainsi nommées
d’atteintes neurologiques multiples. À l’opposé des autres signes dans la littérature francophone, mais on retrouve le même phé-
nomène sous le nom de « palatal tremor » ou de myorythmies.
de la maladie, une fois installé, il ne régresse pas. À distance des
Outre des myoclonies du voile symptomatiques, en rapport
poussées, la stimulation thalamique (noyau ventral intermédiaire
avec des lésions intrinsèques du tronc cérébral qui peuvent
[VIM]), dont le résultat est conditionné par la sévérité du déficit
s’accompagner de secousses oculaires, existent des tremblements
cérébelleux, peut apporter un bénéfice important et persistant [40] .
du voile et du larynx variables en intensité et inconstants qui
Tremblement post-traumatique seraient, pour certains, de nature psychogène.
Le tremblement post-traumatique a été étudié par l’un de nous
chez 14 traumatisés [41] . Dans 13 cas, il succédait à un traumatisme Tremblement cortical
grave suivi d’un coma de plusieurs semaines ou mois, laissant Le tremblement cortical, décrit initialement par Ikeda [43] , est
des séquelles neurologiques caractéristiques de lésions du tronc un autre exemple remarquable de cette difficulté de classifica-
cérébral. Un délai de quelques semaines à quatre ans séparait tion. Il s’agit d’un tremblement d’attitude bilatéral distal et fin des
le traumatisme de l’installation du tremblement, qui évoluait membres supérieurs qui ressemble au tremblement essentiel par sa
ensuite en trois phases : une période d’installation de quelques sémiologie et son caractère familial. Sa résistance aux ␤-bloquants
mois à un an, une amélioration spontanée puis une stabilisation. ainsi que l’association de crises d’épilepsie chez le sujet atteint ou
Associé, sauf dans un cas, à des déficits neurologiques pyrami- dans sa famille doivent faire évoquer le diagnostic. Les explora-
daux, cérébelleux, oculomoteurs et articulatoires, le tremblement tions neurophysiologiques l’authentifient en démontrant qu’il est
unilatéral ne siégeait pas obligatoirement du côté de l’hémiplégie constitué de myoclonies rythmiques très brèves (20–60 ms) dont
initiale ou des signes pyramidaux et cérébelleux prédominants. le générateur est cortical. Il répond favorablement aux traitements
Sa survenue peut être encore plus tardive. Un tel tremblement se antiépileptiques tels que le valproate de sodium, le clonazépam et
rencontre chez l’adolescent et l’adulte jeune, victimes de trauma- la primidone. L’entité de tremblement myoclonique cortical fami-
tismes routiers. Très voisin dans sa sémiologie de celui de la SEP, lial est désormais attribuée aux formes familiales de tremblement
le tremblement post-traumatique s’en distingue par la coexistence cortical avec épilepsie [44] .
d’une note dystonique plus ou moins prononcée.
Accidents vasculaires sous-thalamiques Tremblement du syndrome de Kennedy
Les hématomes du tronc cérébral sont généralement des saigne- Le tremblement postural fait partie de la sémiologie du syn-
ments de cavernomes situés dans la partie haute du tronc, mais drome de Kennedy [45] . Présent dans environ 80 % des cas, celui-ci
une localisation protubérantielle pure est possible. est principalement localisé aux mains, où il mime un tremble-
Les accidents ischémiques pourvoyeurs de tremblements hyper- ment essentiel avec une fréquence de 7 à 9 Hz, mais se démarque
kinétiques intéressent le pédoncule cérébelleux supérieur et le par une localisation mentonnière bien particulière.
noyau rouge au point de les qualifier de rubraux. Un débord
thalamique paramédian est possible du fait d’une vascularisation Tremblement et prémutation de l’X fragile
commune. L’indication est à la primidone. Quand le locus niger
Le syndrome FXTAS (fragile X-associated tremor ataxia syndrome)
est inclus dans la lésion, un traitement par la L. dopa peut apporter
est une affection neurodégénérative, récemment décrite chez des
un soulagement partiel [42] .
porteurs de la prémutation de l’X-fragile, qui est caractérisée par
l’association d’un tremblement d’action et d’une ataxie cérébel-
Aspects sémiologiques et nosologiques leuse, survenant le plus souvent chez un homme de plus de 50 ans.
particuliers Le tremblement peut être de type cérébelleux − fréquence lente
Nous regroupons ici plusieurs cadres nosologiques qui ne de 3 Hz, peut ressembler à un tremblement essentiel − postural
s’intègrent pas à l’évidence dans la classification précédente à 6 à 7 Hz, ou être de type parkinsonien [46] . Les éléments qui
et/ou méritent, par l’aspect sémiologique ou l’invalidité qu’ils doivent faire évoquer le diagnostic devant un tremblement sont
entraînent, une description autonome. l’association d’une ataxie cérébelleuse, une détérioration cogni-
tive de type dysexécutif, un antécédent de retard mental dans la
Tremblement ou myoclonies ? famille, un syndrome parkinsonien, des hypersignaux des pédon-
La définition clinique de la myoclonie se réfère à la brusquerie cules cérébelleux moyens ou du splénium du corps calleux et une
et à la brièveté de la secousse musculaire et au caractère non pério- neuropathie sensitive axonale. Le diagnostic génétique repose sur
dique de sa répétition. Selon Marsden, lorsque les myoclonies la mise en évidence de la prémutation de 67 à 200 répétitions
se répètent de façon rythmique, elles se distinguent du tremble- de trinucléotides CGG (cytosine−guanine−guanine) dans le gène
ment par l’aspect non sinusoïdal du déplacement du membre, fragile-X mental retardation 1 (FMR1).

EMC - Neurologie 9
17-010-A-10  Tremblements

Tremblement et maladie de Wilson Le siège est habituellement frontal et le volume tumoral impor-
La forme neurologique de la maladie de Wilson peut s’exprimer tant. L’ablation chirurgicale fait cesser le tremblement. Un effet
par divers types de tremblements : partiel de la dopa-thérapie [51] est compatible avec une étiolo-
• tremblement de repos, distal et lent, voisin de celui de la mala- gie tumorale. La compression des noyaux gris centraux explique
die de Parkinson ; probablement ces tremblements, qui sont à distinguer des enva-
• tremblement d’attitude et d’action, parfois ample, plus ou hissements tumoraux de la substance noire, réalisant un tableau
moins associé à des éléments cérébelleux. de maladie de Parkinson unilatérale, comme nous l’avons observé
Il s’accompagne d’autres manifestations neurologiques de la dans un cas de pinéalome envahissant.
maladie comme la dystonie faciale et pharyngolaryngée. Le
diagnostic repose sur la précocité d’installation des désordres Tremblement chez l’enfant
neurologiques, la présence d’un anneau de Kayser-Fleischer, Le tremblement de repos est rare chez l’enfant, il est souvent
l’effondrement du taux sanguin de céruléoplasmine, la cuprémie pharmaco-induit (neuroleptiques). Ce peut être un tremblement
basse. Tout tremblement, quelle que soit son allure clinique, ins- de Holmes lié à des lésions du tronc cérébral ou un tremblement
tallé précocement doit conduire à la recherche systématique des révélant une hydrocéphalie ou une tumeur des noyaux gris cen-
stigmates graves et curables de l’accumulation cuprique hépatique traux. Un tremblement bilatéral d’attitude et d’action peut être
et cérébrale. un tremblement essentiel, un tremblement physiologique exa-
géré ou un tremblement médicamenteux lié le plus souvent à la
Tremblement orthostatique prise de valproate, d’inhibiteurs de la recapture de la sérotonine
Décrit par Heilman en 1984 [47] , le tremblement orthosta- ou d’amitriptyline.
tique concerne les membres inférieurs et le tronc. Il survient Le syndrome myoclonus-dystonia [52] met au second plan la dys-
quelques secondes après la mise en position debout et s’efface tonie, tandis que les myoclonies des mains peuvent s’interpréter
à la marche, dans la position assise ou couchée. Il apparaît après comme un tremblement si elles sont répétitives.
40 ans et s’aggrave progressivement. Il touche préférentiellement Le diagnostic de tremblement essentiel chez l’enfant est diffi-
les femmes. Il n’existe pas de formes familiales. Les patients se cile. Il peut être confondu avec un tremblement cortical familial.
plaignent d’une instabilité en position debout et d’une impossi- Un recul de plusieurs années ne peut être exigé chez l’enfant,
bilité à rester sur place, mais ressentent rarement le tremblement. mais l’élimination de toute autre cause est indispensable. Il
Le handicap peut être important. Il concerne toutes les activités faut éliminer la maladie de Wilson et obtenir une IRM nor-
de la vie quotidienne pour lesquelles la station debout immobile male. Le tremblement psychogène est possible chez l’enfant [53] ,
est requise, telles que faire la queue dans les magasins, cuisi- répondant aux mêmes critères diagnostiques cliniques et polygra-
ner, utiliser les transports en commun. Lors de l’examen en phiques que chez l’adulte. Une intervention rapide peut l’effacer
orthostatisme, la raideur musculaire du tronc et des membres infé- vite.
rieurs s’accompagne de vibrations perceptibles à la palpation et
l’auscultation musculaires, tandis que le tremblement est rare- Tremblement psychogène
ment visible du fait de sa fréquence très rapide comprise entre Parmi l’ensemble des mouvements anormaux psychogènes, le
14 et 16 Hz et qui doit être affirmée par un enregistrement poly- tremblement est le plus fréquent.
graphique musculaire. L’énonciation du diagnostic est partie intégrante du traite-
Les β-bloquants sont inopérants. Le clonazépam est le traite- ment et dépend donc de l’orientation thérapeutique qui est prise.
ment de première intention. Son effet peut devenir insuffisant Donner un tel diagnostic demande de la part de l’examinateur
au cours de l’évolution. Primidone, phénobarbital, gabapentine, une conviction forte et partagée par les médecins impliqués,
voire L. dopa pourraient alors être utiles d’après quelques obser- s’appuyant sur des éléments convergents de diagnostic positif. Les
vations. données de la polygraphie fournissent le moyen de transmettre
L’examen neurologique est normal dans le tremblement ortho- des documents objectifs. Quelle place faut-il donner aux exa-
statique. mens complémentaires qui éliminent une hypothèse organique ?
Toutefois, l’association d’un syndrome parkinsonien à un trem- Ils présentent l’intérêt de renforcer ou d’infirmer le diagnostic.
blement orthostatique, caractérisé par sa fréquence rapide, doit Leur signification est à apprécier avec recul. On connaît par
être recherchée. Elle est possible dans la maladie de Parkinson exemple la forte sensibilité et la spécificité d’une étude comme
idiopathique [48] ou dans la paralysie supranucléaire progressive. À le DATScan [9] . La négativité de cette épreuve, si elle exclut prati-
l’inverse, on peut aussi observer, dans la maladie de Parkinson, lors quement l’existence d’un déficit dopaminergique, n’apporte pas
de l’orthostatisme, un tremblement de fréquence lente (4–6 Hz) d’argument positif. Le contexte psychologique ou psychiatrique
qui correspond à celle du tremblement parkinsonien [49] . Ce der- dans lequel le symptôme tremblement se manifeste est important
nier répond favorablement à la L. dopa. Enfin, un tremblement pour énoncer et mettre en place une stratégie thérapeutique, mais
axial et orthostatique lent, dopa-sensible, peut s’observer dans cer- n’aide pas au diagnostic ou le dévie. Dans la plupart des cas, un
taines ataxies spinocérébelleuses (SCA), comme la SCA3 [13] et la tremblement psychogène se manifeste chez des personnes dont
SCA2. le profil psychologique n’entre pas dans un cadre pathologique
Le tremblement orthostatique doit être distingué des myoclo- déterminé.
nies orthostatiques. Toutes les myoclonies multifocales ou diffuses Notre démarche diagnostique se fait en trois temps :
peuvent s’exprimer aux membres inférieurs en position debout. • recueillir par le dialogue et par l’examen clinique des éléments
Dans certains cas, l’expression pendant l’orthostatisme est au incongrus ou bizarres qui évoquent le caractère psychogène,
premier plan, avec peu ou pas de myoclonies dans la posture comme un début soudain, une évolution comportant des
ou l’action. Les myoclonies orthostatiques peuvent ainsi mimer périodes d’interruption. Ce sont des éléments à rapprocher de
un tremblement orthostatique. Néanmoins, la gêne fonction- la constatation d’un tremblement présent à la fois au repos et
nelle à type de secousses ou instabilité persiste fréquemment à la dans le mouvement, d’une localisation variable d’un membre
marche. Le diagnostic différentiel avec un tremblement orthosta- à l’autre ou toute incongruité non compatible avec des trem-
tique repose alors sur la polygraphie musculaire. On enregistre des blements connus et qui orientent vers la recherche de signes
myoclonies irrégulières (20–70 ms), qui peuvent être corticales. positifs ;
Les causes regroupent diverses affections neurodégénératives (Alz- • les épreuves cliniques recueillent des signes positifs quand le
heimer, atrophie multisystématisée, démence à corps de Lewy, tremblement s’interrompt pendant le calcul mental [54] ou pen-
maladie de Parkinson idiopathique). Elles pourraient aussi sur- dant l’exécution d’un geste complexe du côté indemne. Nous
venir au cours du vieillissement normal [50] . remarquons souvent la mauvaise réalisation du geste demandé
quand le tremblement persiste du côté où il siège habituelle-
Tremblement, tumeur et hydrocéphalie ment ;
Un tremblement unilatéral d’un membre, de repos ou d’attitude • l’enregistrement du tremblement met en évidence des éléments
peut révéler la présence d’une tumeur intracrânienne controlaté- atypiques comme des interruptions très brèves du tremblement
rale : méningiome, kyste hydatique, gliome kystique, métastase. pendant l’exécution d’une tâche complexe, des variations de

10 EMC - Neurologie
Tremblements  17-010-A-10

fréquence de 2 Hz et plus, sur le même segment de membre, une faiblesse des membres inférieurs. Le retentissement du trem-
ainsi qu’un entraînement du tremblement par un mouvement blement d’attitude et d’action dépend aussi des occupations et
volontaire rythmique [55] . L’effet délétère du tremblement sur la des professions. Imaginons les conséquences d’un tremblement,
capacité à réaliser des tâches motrices controlatérales peut être même fin, chez un artiste peintre, chez un horloger, chez un chi-
évalué en mesurant le temps de réaction [56] . rurgien.
La conduite thérapeutique n’est pas codifiée d’autant qu’elle Tous les tremblements, même discrets, qu’ils provoquent ou
est dépendante de chaque individu et du contexte (revendica- non une gêne fonctionnelle, ont un retentissement psycholo-
tion ? problèmes professionnels ou familiaux, etc.). Un diagnostic gique qui varie selon chaque individu. Dans l’esprit de beaucoup,
confirmé donne la possibilité de dire au patient que le tremble- le tremblement véhicule des images dévalorisantes, de fragilité ou
ment peut cesser et parfois d’une manière soudaine et inattendue. de peur, d’éthylisme ou de sénilité. En fait, les conséquences psy-
On peut s’appuyer sur les données indubitables de l’examen élec- chologiques du tremblement dépendent de l’idée que se fait le
tromyographique pour tendre les perches afin que le patient fasse malade de ce que les autres pensent de lui. Il ressent son tremble-
de lui-même une démarche psychothérapique. Les méthodes non ment en fonction de l’image de lui qu’il discerne dans le regard
scientifiques, plus ou moins magiques qui montrent au patient des autres. Convaincre le patient et son entourage que la présence
qu’une réversibilité est possible ne sont pas à écarter systéma- d’un tremblement n’implique pas le déclin, c’est déjà apporter un
tiquement, surtout chez l’enfant. La démarche diagnostique est soulagement considérable.
illustrée dans la Figure 3.

Évaluation, retentissement fonctionnel,


psychologique et social  Physiopathologie
L’amplitude du tremblement se mesure selon des échelles des tremblements
adaptées telles l’échelle de Fahn, Tolosa et Marin [57] , pour le trem-
blement essentiel et celle du score UPDRS (Unified Parkinson’s Anatomie et physiologie
Disease Rating Scale) [58] pour le tremblement parkinsonien. Le
dessin de la spirale (Fig. 4) est devenu une épreuve de routine
Anatomophysiologie élémentaire
pour évaluer le tremblement d’action. Encore faut-il préciser le La cellule nerveuse est un « oscillateur ». Le tremblement résulte
côté dominant, la main levée ou en appui, le dessin guidé ou libre. de la transmission musculaire et ostéoarticulaire de l’activité ryth-
L’accélérométrie donne une mesure très exacte de la fréquence mique d’un groupe neuronal. Ce rythme est inhérent à la nature
corrélée à l’amplitude. La vidéo donne un document transmis- même du système nerveux.
sible qui peut être évalué par un tiers examinateur, à la condition Le neurone fonctionne selon un mode périodique : chaque
que sa réalisation réponde à un protocole fixé. impulsion est suivie d’une période réfractaire, la transmission
Le tremblement de repos de la maladie de Parkinson d’un signal nerveux comporte la succession d’impulsions et de
n’entraînerait guère de handicap fonctionnel s’il était isolé, silences. Cette propriété repose sur la structure de la mem-
sans akinésie ni raideur associées. L’altération de l’écriture, sou- brane cellulaire et, plus précisément, sur la perméabilisation de
vent attribuée par les malades au tremblement, relève plutôt de la membrane aux ions sodium. Chez l’aplysie, une microélec-
l’akinésie, comme la micrographie en témoigne. Inversement, trode intracellulaire, implantée dans un neurone, enregistre des
les tremblements d’attitude et d’action entravent la fonction impulsions électriques dont les rafales se répètent toutes les 5 ou
d’autant qu’ils sont plus amples. La localisation du tremblement 10 secondes. Même si le neurone est désafférenté, le phénomène
joue un rôle : le tremblement de la voix gêne l’expression orale rythmique est spontanément observé. Par ses constituants mem-
et le chant. Le tremblement orthostatique rend insupportables les branaires, la cellule nerveuse fonctionne comme un oscillateur.
files d’attente. La vie quotidienne est perturbée quand le tremble- L’activité électrique de réseaux neuronaux en culture peut être
ment des membres supérieurs entrave les gestes élémentaires de la suivie par des réseaux de « puces » électroniques analogues à celles
toilette, du rasage, du maquillage, l’écriture (Fig. 5), l’alimentation utilisées dans les circuits d’ordinateur : les impulsions électriques
et plus encore le geste de boire à la cuillère et au verre. Les de ces réseaux neuronaux sont rythmiques [59] .
grandes hyperkinésies de la SEP, par exemple, provoquent des Dans l’organisme vivant, des électrodes implantées dans les
secousses musculaires qui empêchent d’utiliser une canne ou un structures profondes du système nerveux animal recueillent des
autre appui chez des malades qui ont un trouble de l’équilibre ou rythmes, comme chez l’homme, au cours des interventions sté-
réotaxiques.
À l’idée qu’un tremblement pathologique résulte de la
transmission d’une activité rythmique centrale anormale doit
Figure 4. Dessin de spirale dans vraisemblablement être substituée l’hypothèse d’une transmis-
un tremblement essentiel. Le sujet sion anormale, d’une absence de filtration, d’un défaut de
doit partir du point a pour désynchronisation ou de la sommation interférentielle et additive
rejoindre le point b. Ici, le tremble- d’activités rythmiques physiologiques.
ment survient préférentiellement En électromyographie, un tremblement se traduit par la répéti-
dans certaines parties du qua- tion rythmique de bouffées d’activité musculaire, séparées dans
drant (est et ouest), pour certains le tremblement de repos par des périodes de silence, ou, dans
b
angles de flexion ou d’extension les tremblements d’attitude et d’action, par une contraction
du poignet. musculaire de faible intensité à laquelle se superposent des bouf-
fées périodiques. L’activité rythmique d’un seul muscle, contre
l’effet de pesanteur, suffit à la production d’un tremblement. Tou-
a tefois, l’oscillation rythmique distale résulte habituellement de la
sommation des rythmes dans les différents muscles intéressés et de

A B
Figure 5. Exemple d’écriture tremblée dans un tremblement pur de l’écriture. Remarquer le tracé des lettres très finement et régulièrement dentelé (A). Le
dessin de la frise (B), qui réalise une action s’approchant de la fonction d’écriture, peut être utile pour visualiser l’activité rythmique propre au tremblement.
De tels graphismes pourraient aussi être observés dans un tremblement essentiel.

EMC - Neurologie 11
17-010-A-10  Tremblements

la superposition dans un couple musculaire agoniste−antagoniste


de bouffées alternantes, synchrones ou décalées, selon les étiolo-
gies.
En effet, les tremblements sont sous la dépendance de facteurs
mécaniques et de diverses structures nerveuses périphériques et
centrales.

Facteurs mécaniques Normal

FFT
Les rythmes neuromusculaires s’exercent sur un membre aux
propriétés mécaniques données : poids, longueur, compliance, fré-
quence de résonance. Celle-ci est de 9 Hz pour le poignet, de Déafférenté
2 Hz pour l’épaule. L’accord entre cette fréquence et le rythme
neuromusculaire entraîne un tremblement de grande amplitude
tandis qu’un écart de fréquence important l’amortit [60] . À lui seul,
le poids peut freiner un tremblement et le port de bracelets lourds
a été préconisé à titre thérapeutique [61] .
8 Hz
A
Facteurs proprioceptifs Fréquence

La novocaïnisation d’un seul muscle inducteur [62] peut atté-


nuer ou interrompre le tremblement de tout un membre. D’autres
tremblements se déclenchent ou s’arrêtent en fonction du dépla-
cement articulaire ou du raccourcissement d’un muscle. Marsden
a montré [63] , à propos du tremblement physiologique, que celui-ci Normal
était atténué chez des sujets présentant un tabès, des neuropa-
thies sévères et, dans un cas, de section des racines cervicales

FFT
postérieures. De plus, dans les territoires dénervés, chez ces
patients, l’augmentation d’amplitude induite par une injection
d’adrénaline était moindre que dans les territoires préservés
(Fig. 6). Déafférenté

Boucle fusoriale
Les exemples de désafférentation et d’interruption de la
boucle réflexe montrent le rôle modulateur et non inducteur
du réflexe d’étirement dans la genèse des tremblements. Lors de 8 Hz
l’enregistrement direct des afférences fusoriales [64] , une différence
Fréquence
B
évidente apparaît entre le clonus, où l’étirement induit directe- [99]
ment la décharge répétitive et le tremblement physiologique dont Figure 6. Expérience de Marsden (d’après ). Cette expérience
l’exagération à la fatigue est simplement facilitée par le système. montre l’importance des voies afférentes dans le tremblement physiolo-
gique. Elle est réalisée chez un sujet ayant subi une section unilatérale des
racines dorsales (C5-T1). À l’état basal (A), du côté déafférenté, le tremble-
Cervelet ment est moins ample. L’adrénaline augmente le tremblement à 8 Hz du
Un ramollissement cérébelleux unilatéral supprime homo- côté normal et le modifie peu du côté désafférenté. Cela montre le rôle des
latéralement un tremblement essentiel [65] . Les études à la récepteurs adrénergiques dans le tremblement physiologique exagéré, au
tomographie par émission de positons scanner (TEP-scan) niveau de l’arc réflexe. Les ␤-bloquants, prescrits dans le tremblement
montrent une augmentation du débit sanguin cérébelleux chez les physiologique exagéré et dans le tremblement essentiel agissent à ce
sujets souffrant d’un tel tremblement. Cela témoigne d’une acti- niveau. En diminuant la sensibilité des adrénorécepteurs périphériques
vité synaptique exagérée qui est présente même quand le patient situés sur les afférences sensitives, ils permettent de diminuer l’amplitude
est au repos [66] . du tremblement. FFT : fast Fourier transformation.
L’hypermétrie cérébelleuse vient souvent se superposer aux A. Basal.
tremblements d’attitude et d’action, dont sont responsables les B. Infusion d’adrénaline (10 mg/min par voie intraveineuse).
lésions du tronc cérébral. Les lésions sont souvent multiples,
comme dans la SEP, mais elles siègent le plus souvent au niveau in vitro, elle hyperpolarise les cellules olivaires et amplifie
du pédoncule cérébelleux supérieur, conformément aux notions les phénomènes de rebond qui conditionnent la rythmicité.
tirées de l’expérimentation animale [67] .
Thalamus
Olive inférieure
On retrouve au niveau thalamique des cellules ayant des pro-
Des activités périodiques sont recueillies par des électrodes priétés voisines de celles de l’olive inférieure, susceptibles de
intracellulaires implantées dans l’olive bulbaire sur des prépa- répondre par une activité périodique à une stimulation simple.
rations in vitro de tronc cérébral de cobaye. Les mouvements Les formations thalamiques les plus diverses sont le siège de
membranaires calciques induisent une rythmicité de 5 à 10 Hz, rythmes spontanés, à la fréquence de 10 Hz, constatés in vitro
quasi sinusoïdale [68] qu’une stimulation unique peut déclencher. chez le cobaye. Les cellules thalamiques présentent deux phases
Les activités périodiques sont transmises aux cellules de Pur- distinctes :
kinje du cortex cérébelleux et reviennent à l’olive inférieure par • dépolarisées, elles transmettent les informations ;
la voie dento-olivaire. Le couplage électrotonique des neurones • hyperpolarisées, elles oscillent et inhibent la transmission [72] .
de l’olive inférieure par les synapses électriques joue un rôle Cette propriété évoque une fonction d’interrupteur ou de filtre.
essentiel dans la synchronisation de leur comportement oscilla-
toire d’ensemble [69] . Le rôle pacemaker de l’olive et des canaux
calciques se voit confirmé par des travaux récents [70] .
Pallidum
Le tremblement provoqué expérimentalement par En cas de dénervation dopaminergique, des rythmes rapides à
l’harmaline [71] résulte de l’activation des cellules de Purkinje 12 Hz seraient transformés en rythme lent (5 à 6 Hz) au niveau
par les fibres ascendantes issues de l’olive bulbaire. Appliquée thalamique et favoriseraient le tremblement parkinsonien [73] .

12 EMC - Neurologie
Tremblements  17-010-A-10

Cortex dento-olivaire. À l’inverse, une lésion isolée de cette boucle ou


La résection [74] ou la stimulation [75] du cortex peuvent inter- du noyau dentelé n’induit de tremblement que si l’on administre
rompre un tremblement. Le tremblement essentiel peut être à l’animal l’alpha-méthyl-tyrosine ou des neuroleptiques [81, 82]
transitoirement modulé par la stimulation magnétique corticale qui bloquent la dopamine. Lequel tremblement est alors corrigé
répétitive inhibitrice [76] et de manière plus prolongée par la stimu- par la L. dopa et l’apomorphine. À l’appui de cette hypothèse,
lation électrique corticale implantée [77] . Il existe une cohérence les études au TEP-scan chez les sujets parkinsoniens trembleurs
temporelle entre l’activité corticale détectée par électroencé- montrent une hyperactivité cérébelleuse médiane qui s’efface
phalographie [78] ou magnétoencéphalographie [79] et l’activité quand le tremblement est contrôlé par la stimulation chronique
musculaire dans le tremblement parkinsonien et le tremble- du thalamus [83] . De plus, l’inhibition exercée par le cervelet
ment essentiel. Cette cohérence est observée au niveau des aires via la voie cérébello-thalamo-corticale (CTC) − mesurable par les
prémotrice et sensorimotrice controlatérales au membre touché méthodes de stimulation magnétique transcrânienne − est dimi-
par le tremblement et pourrait refléter en partie la commande nuée dans la maladie de Parkinson suggérant une anomalie sur
motrice, mais aussi son feed-back sensitif. Des boucles cortico- les voies de sortie cérébelleuses. Ce défaut d’inhibition est cor-
sous-corticales incluant le thalamus et le cervelet sont mises en jeu rigé par la stimulation thalamique. La connectivité fonctionnelle
au cours des tremblements. À l’exception du tremblement corti- entre les noyaux gris centraux et la voie CTC est augmentée
cal qui correspond à des myoclonies réflexes rythmiques, le cortex au niveau du cortex moteur chez les parkinsoniens qui ont
n’est pas le générateur du tremblement. Il relaye des impulsions un tremblement de repos comparativement aux parkinsoniens
rythmiques d’origine sous-corticale vers la sortie corticospinale et ayant une forme non tremblante de la maladie. L’initiation d’un
joue probablement aussi un rôle d’amplificateur. épisode de tremblement est corrélée à des variations d’activité
pallidale, tandis que l’amplitude du tremblement est corrélée
à l’activité dans le circuit CTC. Le point d’interférence cor-
Physiopathologie tical moteur entre les deux circuits (cérébelleux et ganglion
de la base) pourrait permettre, sous l’effet d’une fluctuation
Tremblement physiologique transitoire de l’activité pallidale liée à la dénervation dopami-
Trembler de peur ou d’émotion est la manifestation visible, sous nergique, de déclencher une activité oscillatoire pathologique
un afflux adrénergique, du tremblement physiologique. C’est un dans le circuit CTC, conduisant à l’émergence du tremble-
tremblement d’attitude et d’action, fin, distal, irrégulier, qui bat à ment de repos. C’est dans le circuit CTC que le tremblement
la fréquence moyenne de 9 Hz. Sa physiologie est complexe, met- serait amplifié [84] .
tant en jeu les propriétés mécaniques des membres, la tendance à
la synchronisation des motoneurones de la corne antérieure de la
moelle, la boucle fusoriale, des facteurs centraux, particulièrement Tremblement essentiel. Maladie
visuels, et des facteurs pharmacologiques : l’injection d’adrénaline neurodégénérative du cervelet ou désordre
augmente l’amplitude du tremblement physiologique. Cet effet GABA-ergique
est inhibé localement par l’injection intra-artérielle d’une sub-
Jusqu’à récemment, les études post-mortem de très rares cas
stance qui bloque les récepteurs ␤-adrénergiques [20] et qui agirait
de tremblement essentiel ne détectaient pas d’anomalies. À par-
sur les fibres musculaires fusoriales. Ce tremblement devient
tir d’éléments cliniques, tels que le tremblement d’intention des
pathologique lorsqu’il s’exagère sous des influences métaboliques
formes sévères ou la difficulté éprouvée de bien réaliser l’épreuve
ou médicamenteuses. Entre un tremblement physiologique exa-
de marche en tandem, les auteurs, s’appuyant sur des données
géré par l’émotion et une forme débutante de tremblement
accélérométriques [85] et sur l’augmentation du flux circulatoire
essentiel la distinction est difficile, d’autant plus que la fréquence
au TEP [66] considéraient qu’un déficit cérébelleux participait à la
d’un tremblement essentiel débutant chez le sujet jeune peut être
physiopathologie du trouble. Rappelons aussi que la cible élec-
rapide dans la gamme de celle du tremblement physiologique
tive des thalamotomies stéréotaxiques visant ces tremblements
exagéré.
est le noyau thalamique VIM, relais où se regroupent les fibres
du pédoncule cérébelleux supérieur issues des noyaux cérébel-
Tremblement parkinsonien leux dentelé et interposé, et que des signes de déficit cérébelleux
Le traitement par L. dopa, qui se transforme en dopamine, et en étaient la conséquence immédiate tandis que le tremblement
l’utilisation des agonistes dopaminergiques, corrigent l’akinésie, s’effaçait. Avec les études anatomiques, cette polémique n’est
la raideur comme le tremblement. Il serait donc la conséquence pas levée. L’étude multicentrique de 2007 [86] portant sur 33 cas
directe de la raréfaction neuronale de la substance noire et du défi- comparés à 21 contrôles distingue deux formes anatomopatholo-
cit dopaminergique. Des objections tempèrent cette affirmation et giques de tremblement essentiel. La première, regroupant 76 %
font supposer que d’autres mécanismes sont en jeu. Vingt à 30 % des cas, met en évidence des anomalies structurales du cortex
des sujets parkinsoniens, qui ont un sévère déficit en dopamine cérébelleux, comportant une réduction du nombre de cellules de
du striatum, sont akinétiques et rigides, mais ne tremblent pas. Purkinje, des hétérotopies et des images en torpilles de gonflement
La physiopathologie du tremblement parkinsonien est éclai- dendritique. Ces constatations font du tremblement essentiel une
rée par les observations faites chez les sujets intoxiqués par le maladie neurodégénérative. D’autres séries ne retrouvent pas cette
1-méthyl-4-phényl-1, 2, 3, 6-tétrahydropyridine (MPTP). Cette perte neuronale [87] .
substance, synthétisée par erreur, est une neurotoxine puissante Qu’en est-il de l’hypothèse gabaergique ? La TEP au 11C-
dont l’injection ou l’inhalation détruisent isolément les neurones flumazénil permet de calculer le volume de distribution du
dopaminergiques et provoquent des syndromes parkinsoniens complexe acide gamma-aminobutyrique (GABA). Le tremblement
sévères. Au décours d’une telle intoxication, quatre malades seule- essentiel est associé à une réduction de la fonction GABAergique
ment sur sept ont présenté un tremblement [80] . dans les régions impliquées dans la genèse du tremblement, soit
Un taux de dopamine abaissé de plus de 70 à 80 % dans le le noyau dentelé du cervelet, le noyau ventrolatéral (VL) du thala-
striatum serait nécessaire à la manifestation symptomatique de mus, et dans le cortex prémoteur [88] . Cela rejoint la notion d’une
la maladie. L’importance de l’akinésie est corrélée au déficit de réduction des récepteurs GABA au niveau du noyau dentelé du
la dopamine et de son métabolite, l’acide homovanilique (HVA) cervelet, qui est corrélée à la durée de la maladie.
dans les noyaux gris centraux. Cependant, entre les sujets qui La question du caractère primitif ou secondaire des modifi-
tremblent beaucoup et ceux qui tremblent peu, les taux de dopa- cations structurales et des récepteurs GABA reste débattue. Les
mine et de HVA ne sont pas significativement différents. lésions neuropathologiques et la dysfonction cérébelleuses pour-
La dénervation dopaminergique est une condition nécessaire, raient aussi être secondaires à l’hyperactivité oscillatoire du
mais, semble-t-il, insuffisante à la production du tremblement réseau cérébello-thalamo-cortical et/ou des afférences provenant
parkinsonien. de l’olive inférieure, via les fibres grimpantes, par un méca-
Donc, une lésion complémentaire apparaît nécessaire. Il pour- nisme glutamatergique excitotoxique s’exerçant sur cellules de
rait s’agir des voies cérébéllothalamiques et/ou de la boucle Purkinje.

EMC - Neurologie 13
17-010-A-10  Tremblements

1 Figure 8. Facteurs méca-


niques, réflexes et centraux du
1 tremblement. 1. Voie corticos-
2 pinale ; 2. motoneurone alpha ;
c1
3. afférence fusoriale ; 4. afférence
b
proprioceptive ; 5. compliance du
membre ; 6. poids du membre.
3

d 4
2
a
c2 3

5 4
5

6
Figure 7. Localisation des lésions dans le tremblement de Holmes.
Cette figure inspirée par Kudo, Goto, Nishikawa et al. [100] montre qu’un
même tremblement peut répondre à diverses localisations lésionnelles.
La lésion a est responsable d’un tremblement homolatéral. La lésion b,
controlatérale à la lésion a, provoque le même tremblement comme les Avec le tremblement de Holmes, ce qui reste
lésions c1 + c2. La lésion d, unique, est la source d’un tremblement bila- du tremblement cérébelleux
téral. Une telle figure s’applique particulièrement aux tremblements de Nous avons observé des sujets présentant des tremblements
la sclérose en plaques. 1. Relais thalamique (noyau ventral intermédiaire axiaux de la tête ou de l’ensemble du corps en position debout,
[VIM]) ; 2. brachium conjonctivum ; 3. noyau rouge ; 4. noyau dentelé ; parmi des patients présentant une atrophie cérébelleuse d’origine
5. olive inférieure. diverse, héréditaire ou toxique ressemblant à la description
d’Albanese [90] . La fréquence est de 3 Hz comme dans les myoclo-
nies vélopalatines et squelettiques.

Tremblements de Holmes [89] Myoclonies vélopalatines et squelettiques


Tandis que Benedikt décrivait en 1889 un syndrome asso- Guillain et Mollaret ont donné leur nom à la voie dento-
ciant un tremblement et une paralysie croisée du nerf moteur rubro-olivaire, dont l’interruption entraîne une dégénérescence
oculaire commun, un tableau voisin de ce qu’on appellerait de l’olive bulbaire, atrophique ou hypertrophique [91] . Les auteurs
une hyperkinésie volitionnelle était rapporté, qu’il y ait ou ont participé à la description de la voie dento-olivaire qui, du
non atteinte de la troisième paire crânienne. La sémiologie cervelet, emprunte le pédoncule cérébelleux inférieur, croise la
motrice est imputée à la lésion rubrale, une thèse confortée par ligne médiane, contourne en arrière le noyau rouge, parcourt le
une observation de lésion vasculaire très élective de ce noyau. faisceau central de la calotte et se distribue somatotopiquement
Cependant, les lésions de la région rubrale s’accompagnent à l’olive inférieure. L’hypertrophie olivaire est désormais directe-
d’une dégénérescence double, cérébelleuse et de l’olive bulbaire ment observable en IRM.
et le délai d’apparition du tremblement d’action peut corres-
pondre au processus dégénératif, tandis que la lésion rubrale est Tremblement orthostatique primaire
immédiate.
Le tremblement orthostatique, qui concerne en premier lieu les
Un tremblement massif, intentionnel, voisin de celui de la SEP,
muscles des membres inférieurs et du tronc impliqués dans le fait
a été rapporté par Verger et Desqueyroux en 1910 avec une lésion
d’être debout, est aussi enregistré dans d’autres muscles, y compris
strictement protubérantielle retrouvée à l’autopsie.
les muscles crâniens dans leur contraction isométrique, selon la
L’observation de référence de Chiray, Foix et Nicolesco, qui date
fréquence caractéristique de 14 à 18 Hz. Contrairement aux trem-
de 1923, concerne un cas de tremblement d’attitude et d’action,
blements parkinsonien et essentiel, le tremblement orthostatique
secondaire à un accident vasculaire sous-thalamique impliquant
est lié à la mise en jeu d’un oscillateur central unique commun
le noyau rouge. Le ramollissement a entraîné une atrophie de tout
pour toutes les parties du corps, ainsi que le démontrent les études
le système pédonculaire supérieur s’étendant jusqu’au noyau den-
de cohérence temporelle entre les différents territoires musculaires
telé et une dégénérescence du faisceau central de la calotte jusqu’à
des quatre membres. Cet oscillateur central est probablement loca-
l’olive bulbaire.
lisé dans le tronc cérébral, incluant les centres régulateurs de la
Les lésions du tronc cérébral peuvent aussi intéresser la pars
station debout et du tonus [92] .
compacta du locus niger et la voie nigrostriée. Les documents de
résonance magnétique et les traceurs métaboliques se substituent
en bien ou en mal à la méthode anatomoclinique. Ils montrent Pérégrination des cibles chirurgicales (Fig. 8)
par exemple le rôle de cette voie dopaminergique dans certains L’historique des cibles stéréotaxiques, une combinaison indis-
tremblements d’action. sociable de raisonnements scientifiques et de circonstances
La localisation lésionnelle est responsable des divers aspects inattendues, conforte ou met en question les idées physiopa-
cliniques (Fig. 7). Depuis la conférence de consensus de Kiel, thologiques. Cooper [93] doit ligaturer une artère choroïdienne
l’ensemble de ces tremblements est regroupé dans la catégorie des antérieure et observe un effet particulièrement favorable sur le
tremblements de Holmes. tremblement qu’il souhaitait traiter chirurgicalement. Mais ce

14 EMC - Neurologie
Tremblements  17-010-A-10

Figure 9. Physiopathologie du tremblement,


localisation des cibles de la chirurgie.
Cortex 1. Cible thalamique VIM (noyau ventral intermé-
diaire) ;
2. cible sous-thalamique postérieure (zona incerta
postérieure) ;
3. cible du noyau sous thalamique.
ND : noyau dentelé ; SNc : substance noire
Striatum Thalamus moteur pars compacta ; GPi : globus pallidum interne ;
GPe : globus pallidum externe ; NST : noyau
sous-thalamique ; NR : noyau rouge ; Oi : olive
1
inférieure.

2
GPe
3

NST
GPi

NR

Cervelet

ND
SNc

Oi

geste plusieurs fois répété à titre thérapeutique menaçait, selon  Références


la distribution vasculaire individuelle, la bandelette optique. Cela
a mené à limiter la lésion chirurgicale curative au pallidum, à sa [1] Déjerine J. Les tremblements. In: Sémiologie des affections du système
pointe d’où émerge la voie de sortie vers le thalamus. Inspirés par nerveux. Paris: Masson; 1914, p. 464–79.
les études anatomiques d’Hassler et détournés du pallidum par les [2] Elble RJ, Higgins C, Leffler K, Hughes L. Factors influencing
effets adverses, les neurochirurgiens vont réaliser des électrocoa- the amplitude and frequency of essential tremor. Mov Disord
gulations sur la voie pallidofuge dans la région sous-thalamique 1994;9:589–96.
pour aboutir [94] à la région où les fibres sont au mieux regroupées, [3] Deuschl G, Bain P, Brin M, Ad Hoc Scientific Committee. Consensus
à l’abouchement de ces fibres à l’entrée thalamique. La cible thala- statement of the Movement Disorder Society on Tremor. Mov Disord
mique au niveau du VIM va faire consensus [95] pour tous les trem- 1998;13(Suppl. 3):2–23.
blements parkinsoniens essentiel et autres. Ainsi, au fil des années, [4] Hallett M, Berardelli A, Matheson J, Rothwell J, Marsden CD. Physio-
la cible, pallidale au départ, devient cérébelleuse, ce noyau étant le logical analysis of simple rapid movements in patients with cerebellar
relais thalamique de la voie cérébellocorticale − remarquons que deficits. J Neurol Neurosurg Psychiatry 1991;53:124–33.
les neurochirurgiens avaient la hantise de toucher le STN ou corps [5] Manto M, Godeaux E, Jacquy J. Cerebellar hypermetria is larger when
de Luys dans la crainte de provoquer un ballisme –. the inertial load is artificially increased. Ann Neurol 1994;35:45–52.
Nous devons à l’équipe de Grenoble [10] deux avancées [6] Rajput AH, Rozdilsky B. Occurrence of resting tremor in Parkinson’s
majeures : la stimulation à 130 Hz en lieu et place d’une lésion disease. Neurology 1991;41:1298–9.
contrôlée par électrocoagulation, permettant une modulation [7] Roze E, Coelho-Braga MC, Gayraud D, Legrand AP, Trocello JM, et al.
selon les réglages et une réversibilité puis, à la lumière du schéma Head tremor in Parkinson’s disease. Mov Disord 2006;21:1245–8.
anatomophysiologique cortex/ganglions de la base, la détermi- [8] Rajput AH, Voll A, Rajput ML, Robinson CA, Rajput A. A course in
nation de la cible STN, hyperactive chez les sujets parkinsoniens, Parkinson disease subtypes: a 39 year clinicopathologic study. Neuro-
logy 2009;73:206–12.
pour traiter l’akinésie. L’effet favorable de cette cible sur le trem-
[9] Remy P, Malek Z, Itti E. 123I-Ioflupane brain scintigraphy (DaTScan)
blement parkinsonien n’était pas attendu.
to demonstrate loss of nigrostratal dopaminergic neurons: principles
Nous retrouvons, dans la pratique chirurgicale, la conception
and applications. Rev Neurol 2003;159:942–6.
physiopathologique de deux circuits à propos du tremblement [10] Benabid AL, Pollak P, Gervason C, Hoffmann D, Gao DM, Hommel
parkinsonien, se modulant l’un l’autre à hauteur du cortex. M, et al. Long-term suppression of tremor by chronic stimulation of
Aujourd’hui, pour la stimulation intracérébrale, il existe deux the ventral intermediate thalamic nucleus. Lancet 1991;337:403–6.
cibles : [11] Burn DJ. Brooks. Nigral dysfonction in drug induced parkinsonism.
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ment ; [12] Shin HV, Chung SJ. Drug induced parkinsonism. J Clin Neurol
• VIM pour tous les tremblements de toute nature. 2012;8:15–21.
Cette dernière cible, pour certains auteurs, migre vers la région [13] Bonnet C, Apartis E, Anheim M, Legrand AP, Baizabal-Carvallo JF,
sous-thalamique [96–98] (Fig. 9). L’usage d’électrodes comportant et al. Tremor-spectrum in spinocerebellar ataxia type 3. J Neurol 2012
plusieurs plots distribués en hauteur fait que le siège, dans l’axe de May 17 [Epub ahead of print].
l’électrode, de la zone d’inhibition, est déterminé en bonne partie [14] Bain P, Brin M, Deuschl G. Criteria for the diagnosis of essential
par les réglages postopératoires. tremor. Neurology 2000;54(Suppl. 4):S7.

EMC - Neurologie 15
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E. Apartis, Professeur des Universités – Praticien Hospitalier en neurophysiologie (emmanuelle.apartis@sat.aphp.fr).


C.-P. Jedynak, Ancien interne des Hôpitaux de Paris.
Service de Physiologie, Hôpital Saint-Antoine, 184, rue du Faubourg-Saint-Antoine, 75012 Paris, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Apartis E, Jedynak CP. Tremblements. EMC - Neurologie 2013;10(4):1-17 [Article 17-010-A-10].

Disponibles sur www.em-consulte.com


Arbres Iconographies Vidéos/ Documents Information Informations Auto- Cas
décisionnels supplémentaires Animations légaux au patient supplémentaires évaluations clinique

EMC - Neurologie 17
¶ 17-012-L-10

Vessies neurologiques
G. Amarenco, J. Kerdraon

Les troubles vésicosphinctériens sont d’une grande fréquence au cours des pathologies neurologiques
dont ils peuvent être un des signes révélateurs. Ils posent toujours le problème de leur retentissement, tant
en termes fonctionnel (qualité de vie) que médical (complications uronéphrologiques). Ils nécessitent
ainsi une évaluation multidimensionnelle, souvent multidisciplinaire, permettant une analyse de leur
mécanisme physiopathologique par les explorations urodynamiques et de leur retentissement à l’aide des
données cliniques (catalogue mictionnel, scores de symptômes et de qualité de vie) et paracliniques
(radiologiques et biologiques). Leur traitement est indispensable, qu’il soit médical (médications à
tropisme vésical ou sphinctérien, toxine botulique, autosondage), ou qu’il fasse appel aux différentes
techniques chirurgicales (entérocystoplastie, sphinctérotomie, sphincter artificiel, neuromodulation des
racines sacrées...). Le suivi clinique et paraclinique (urodynamique, échographique, biologique) de ces
vessies neurogènes est fondamental en termes de confort du patient et de pronostic.
© 2006 Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Vessie neurologique ; Incontinence ; Urodynamique

Plan ■ Introduction : problèmes posés


¶ Introduction : problèmes posés par la vessie neurogène 1
par la vessie neurogène
¶ Rappel physiologique 1
La plupart des maladies neurologiques s’accompagnent de
Organisation des réflexes du contrôle urinaire 4
troubles vésicosphinctériens, ces derniers pouvant même en
¶ Évaluation et moyens d’étude des troubles vésicosphinctériens constituer un des signes révélateurs (Tableau 1). Du fait de leur
neurogènes 4 retentissement en termes de confort de vie et du risque spécifi-
Évaluation clinique des vessies neurologiques 4 que de complications rénales et infectieuses, ils nécessitent une
Évaluation urodynamique des vessies neurologiques 6 évaluation clinique, urodynamique, radiologique et biologique
Évaluation neurophysiologique des vessies neurologiques 8 régulière. Leurs traitements, qu’ils fassent appel aux médica-
Évaluation endoscopique et radiologique des vessies neurologiques 10 ments, aux injections de toxine botulique, aux techniques
Évaluation biologique des vessies neurologiques 10 manuelles (autosondages) ou à la chirurgie, doivent toujours
¶ Différents types de vessies neurologiques (classification) 11 être discutés en fonction de la pathologie initiale, de son
Classification topographique 11 pronostic, de son évolutivité, des signes anorectaux et génito-
Classification pronostique 11 sexuels associés, du degré de handicap général et de celui généré
¶ Complications des vessies neurogènes 11 par les troubles urinaires eux-mêmes. Leur prise en charge sera
¶ Troubles associés aux vessies neurogènes 12 au mieux assurée par une équipe multidisciplinaire.
Troubles anorectaux neurogènes 12
Troubles génitosexuels neurogènes 12
¶ Troubles mictionnels révélateurs d’une lésion neurologique 12 ■ Rappel physiologique
¶ Différentes pathologies 13
Vessie neurogène du blessé médullaire 13 Le cycle continence-miction permet le stockage à basse
Troubles vésicosphinctériens de la sclérose en plaques 13 pression des urines dans l’intervalle des mictions et la vidange
Troubles vésicosphinctériens de la maladie de Parkinson 15 périodique de celle-ci de manière aisée, complète et sans
Troubles vésicosphinctériens des neuropathies périphériques 16 hyperpression. Pour cela, outre les propriétés viscoélastiques de
Troubles vésicosphinctériens des accidents vasculaires cérébraux 16 la vessie (faculté de compliance), le système nerveux joue un
Troubles vésicosphinctériens des autres affections neurologiques 17 rôle régulateur essentiel. Les centres mictionnels sont étagés
¶ Traitements des vessies neurologiques 18 tout au long du névraxe et répondent à une double organisa-
Traitements de l’hyperactivité vésicale 18 tion bien connue, stratifiée en systèmes somatique et
Traitements de l’hypoactivité vésicale 18 végétatif [1-4].
Traitements de l’hypertonie sphinctérienne 19 Les centres somatiques sont intégrés au niveau sacré (méta-
Traitement de l’hypotonie sphinctérienne 19 mères S2S3S4). Le nerf efférent est le nerf pudendal. Ce dernier
Autres traitements 19 permet la contraction de l’ensemble de la musculature péri-
Modalités de surveillance des vessies neurologiques 19 néale, tout particulièrement le sphincter strié urétral. Il permet
¶ Conclusion 20 aussi de véhiculer certaines sensations de besoin, depuis l’urètre
et la vessie jusqu’aux relais médullaires.

Neurologie 1
17-012-L-10 ¶ Vessies neurologiques

Tableau 1.
Étiologies principales des troubles vésicosphinctériens neurologiques.
Lésions encéphaliques - tumeurs, abcès cérébraux
- accidents vasculaires cérébraux
- hématomes cérébraux post-traumatiques
- traumatismes crâniens
- syndromes extrapyramidaux (maladie de Parkinson, MSA)
- démences
- leucoencéphalopathies
- encéphalites

Lésions médullaires - lésions traumatiques


- paraplégies « médicales » (fistule, angiome, spondylodiscite)
- sclérose en plaques
- méningoradiculite (herpès, maladie de Lyme, VIH)

Lésions radiculaires, plexiques - traumatismes du bassin


- fractures du sacrum
- queue de cheval
- lésions plexiques traumatiques, postradiothérapiques

Lésions périphériques - neuropathie périphérique


- corne antérieure
- dysautonomie
VIH : virus de l’immunodéficience humaine ; MSA : atrophies multisystématisées.

Centre inhibiteur miction cholinergiques interviennent et les neuromédiateurs sont


Centre activateur miction multiples. Ceci permet d’expliquer les essais actuels de multiples
manipulations pharmacologiques (système acide gamma-amino-
butyrique [GABA]ergique, NK2 et NK3, N-méthyl-D-aspartate
[NMDA], bloqueurs calciques et potassiques, NO...).
Les centres encéphaliques sont nombreux [5-10]. Chez l’ani-
mal, il a été individualisé, dès 1920, un centre mictionnel au
Nerf hypogastrique niveau de la protubérance, dont la stimulation électrique
Sympathique - permet d’aboutir à une miction harmonieuse [1]. La stimulation
dorsolombaire de la région médiodorsale de la protubérance provoque chez le
Parasympathique Nerf pelvien chat une diminution de la pression urétrale, un silence électro-
+
sacré myographique périnéal et une contraction vésicale. Cette
+
Somatique sacré région, nommée « M-region », a des connexions avec les
Nerf pudendal neurones de la colonne intermedio-lateralis de la moelle sacrée.
Figure 1. Schéma simplifié de la régulation neurologique de l’appareil Ces colonnes contiennent des neurones parasympathiques
vésicosphinctérien. destinés à l’innervation vésicale et des interneurones inhibiteurs
des motoneurones innervant la musculature pelvienne (noyau
d’Onuf). Par l’intermédiaire de ces projections, la région M est
Les centres parasympathiques sont aussi sacrés (Fig. 1). Le susceptible d’induire une miction par stimulation du détrusor et
nerf afférent, le nerf pelvien, permet la contraction du détrusor par inhibition, dans le même temps, des motoneurones inner-
par la libération du neuromédiateur qu’est l’acétylcholine, vant les muscles pelviens, ce qui se traduit par la relaxation du
permettant ainsi de comprendre la possibilité de dépression de sphincter urétral. Parallèlement, il a été démontré qu’une autre
l’hyperactivité vésicale par l’administration de parasympathyco- région protubérantielle, « L-region », avait des projections sur les
lytiques (anticholinergiques-atropiniques) (Tableau 2). Les motoneurones sacrés des noyaux d’Onuf. Il semble ainsi que la
centres sympathiques dorsolombaires interviennent sur le région M soit le site contrôlant la miction, alors que la région
détrusor (nerfs hypogastriques) en déprimant l’activité vésicale L contrôle la continence (Fig. 1). Ces deux centres protubéran-
(bêtarécepteurs) et surtout sur le sphincter en renforçant sa tiels reçoivent peu de projections sensitives depuis l’appareil
contraction (alpharécepteurs), ce qui permet d’expliquer le rôle urinaire. Ceci n’est pas le cas de la substance grise périaquedu-
des alphabloquants dans l’amélioration de la vidange vésicale. cale (SGPA) qui reçoit un grand nombre d’informations sensiti-
Mais de nombreux autres systèmes non adrénergiques, non ves en provenance de la moelle sacrée. Il existe des connexions

Tableau 2.
Sites et type d’action des neuromédiateurs sur le système vésicosphinctérien.
Parasympathique Sympathique
Stimulation Blocage Stimulation Blocage
Action sur Contraction vésicale +++ Relaxation vésicale +++ Relaxation vésicale +/-
le détrusor
Action sur 0 0 Contraction sphincter + Relaxation sphincter +++
le sphincter
Drogue active Parasympathycomimétique Anticholinergique Alphastimulant Alphabloquant
(parasympathycolytique)

2 Neurologie
Vessies neurologiques ¶ 17-012-L-10

entre la SGPA et les centres mictionnels protubérantiels suggé- ont un rôle non seulement moteur au cours de la miction mais
rant ainsi qu’au cours du remplissage vésical, la SGPA exerce également sensitif pendant le remplissage vésical et le maintien
une influence tonique permanente sur les neurones du centre L. de la continence. Le débit sanguin cérébral au niveau du gyrus
Lorsque la vessie atteint un certain seuil de remplissage et que cingulaire est également modulé en fonction du remplissage
la situation est appropriée, il y aurait une permutation de vésical et de la sensation d’impériosité mictionnelle, et cela en
l’activité des neurones du centre L aux neurones du centre M. dehors de toute perception douloureuse. Ceci confirme le rôle
Il résulterait de cette modification une relaxation du sphincter complexe joué par le gyrus cingulaire dans l’utilisation des
urétral et une contraction du détrusor, d’où une vidange informations sensitives vésicales afin d’influencer la perception
vésicale complète. de besoin impérieux et la continence urinaire. Aucune modifi-
Comme chez le chat, il a été individualisé chez l’homme cation significative d’activité n’est observée au niveau du cortex
deux zones protubérantielles susceptibles de participer au somesthésique lors du remplissage vésical ou de la perception
contrôle nerveux de la miction. La première zone, située dans d’un besoin mictionnel impérieux. Les structures cérébrales
la partie postéromédiane de la protubérance, proche du IVe impliquées dans la perception du besoin impérieux semblent
ventricule, serait l’équivalent de la région M, puisque le débit différentes de celles impliquées dans la sensation de remplissage
sanguin cérébral y est significativement augmenté lors de la vésical. Ainsi, certaines modifications telles que la désactivation
miction. La deuxième zone, située dans la protubérance mais au niveau de l’hypothalamus, du cortex prémoteur, de certaines
dans une position ventrolatérale, pourrait correspondre à la parties du gyrus cingulaire de façon bilatérale sont corrélées à
région L. la perception d’un besoin mictionnel impérieux et sont indé-
Il a été observé une augmentation significative du flux pendantes de la perception de plénitude vésicale. D’autres
sanguin cérébral au niveau de la SGPA, pendant la miction des études ont rapporté l’activation de l’insula et de l’opercule
sujets volontaires sains. On peut supposer que l’activation de la pendant le remplissage vésical. La stimulation de l’insula chez
SGPA, résultant de la stimulation des tensorécepteurs vésicaux l’homme provoque une augmentation du tonus sympathique.
par le remplissage vésical, soit responsable de l’activation du L’activation des fibres sympathiques est connue pour accroître
centre M entraînant la miction. L’hypothalamus paraît égale- la relaxation du détrusor, entraînant une augmentation de la
ment être impliqué dans la miction. Chez le chat, la stimulation capacité vésicale. Ces résultats suggèrent que l’insula pourrait
de certaines structures cérébrales telles que le gyrus cingulaire être une zone d’intégration de la réponse autonomique au cours
antérieur, le noyau préoptique de l’hypothalamus, l’amygdale, du remplissage vésical.
entraîne des contractions vésicales. Toutes ces structures Les centres mictionnels sacrés sont le siège de l’automatisme
donnent naissance à des voies descendantes se projetant sur la vésical. Privé de toute afférence, le détrusor se contracte de
SGPA et sur le système nerveux dit « émotionnel ». Seul le manière périodique sans modulation inhibitrice des voies
noyau préoptique envoie des projections directement sur le supérieures médullaires ou encéphaliques. Le simple remplissage
centre mictionnel protubérantiel (région M). Le rôle exact du vésical (réflexe A delta), par stimulation des tensorécepteurs,
noyau préoptique hypothalamique dans la miction demeure permet la contraction détrusorienne, dès le seuil sensitif
méconnu. On peut supposer que l’influence directe de cette aire réflexogène obtenu. C’est un des mécanismes essentiels de
hypothalamique sur le centre mictionnel protubérantiel déter- « l’automatisme vésical » de l’animal spinalisé ou du paraplégi-
mine le début de la miction. Qu’il y ait ou non miction dépend que. Cette activité autonome sacrée est physiologique chez
toujours de l’environnement dans lequel se situe l’individu. l’enfant encore immature par l’absence de régulation corticale et
Ainsi, lorsque l’information de plénitude vésicale est véhiculée sous-corticale. Les mictions sont périodiques, totales, sans
via les afférences sensitives d’origine sacrée et la SGPA, et qu’il résidu, non réfreinées par une quelconque inhibition sociale,
peut y avoir miction, celle-ci ne se produirait que lorsque culturelle ou réflexe. L’apparition d’une sensibilité consciente, la
certaines structures, telles que le noyau préoptique hypothala- maturation du système nerveux, l’éducation et parfois les
mique, ont « décidé » que l’environnement s’y prêtait. Le contraintes parentales aboutiront rapidement à une régulation
cervelet, quant à lui, exerce une action inhibitrice lors de la sociale, volontairement acceptée de la miction. Mais ce réflexe
phase de continence et un rôle facilitateur durant la miction. A delta ne résume pas les possibilités de contraction. Chez
Le cortex a un rôle plus obscur. Deux zones corticales sont l’enfant, chez l’animal spinalisé et chez le blessé médullaire, un
impliquées dans la miction : la partie dorsolatérale du cortex autre réflexe, médié par les fibres non myélinisées de type C,
préfrontal droit qui est activée lorsque la miction débute, mais capsaïcine-sensible, permet la contraction vésicale. C’est, à côté
également lorsqu’elle est permise par le sujet mais non réalisée ; de la suppression des influx inhibiteurs suprasacrés par la lésion
le gyrus cingulaire antérieur droit lorsque le sujet se retient médullaire, le deuxième mécanisme essentiel de l’hyperactivité
d’uriner. Cette désactivation du gyrus cingulaire antérieur du paraplégique. La réémergence de ce réflexe archaïque est un
refléterait une inhibition des informations sensitives vésicales des mécanismes physiopathologique de cette hyperactivité et
dans le but d’atténuer la sensation de plénitude vésicale et, par permet d’expliquer l’efficacité des drogues vanilloïdes
conséquent, le besoin impérieux d’uriner. Il est probable que intravésicales.
l’activation du cortex préfrontal et du gyrus cingulaire antérieur À côté des variations de la neuroplasticité des afférents
ne soit pas spécifique de la miction, mais soit liée à des actions vésicaux, le changement de comportement des récepteurs
plus générales telles que l’attention et la sélection d’une réponse centraux a été récemment incriminé. La fonction de ces
appropriée. récepteurs est moins bien connue. À un niveau beaucoup plus
Les zones cérébrales (cortex et protubérance) impliquées dans périphérique, les modifications du muscle lui-même et de
la miction se situent de façon prédominante à droite chez des l’urothélium jouent un rôle probablement non négligeable.
sujets volontaires sains, droitiers. Cette latéralisation du contrôle L’hypertrophie détrusorienne secondaire à l’hyperactivité
mictionnel permettrait d’expliquer pourquoi l’incontinence modifie le métabolisme vésical, avec une plus grande sensibilité
urinaire est particulièrement fréquente après les lésions hémi- à l’ischémie et un coût énergétique altéré, aboutissant à une
sphériques droites. altération des nerfs périphériques, les modifications de l’urothé-
Le débit sanguin cérébral de la SGPA augmente parallèlement lium étant responsables d’une modification des neuromédia-
au degré de remplissage vésical, confirmant le rôle de cette teurs locaux, des facteurs neurotrophiques, et partant une
structure nerveuse dans le contrôle mictionnel. Une activité modification des messages afférents.
protubérantielle est également mise en évidence au cours du Ces différents niveaux d’action ne sont pas univoques et non
remplissage vésical. Cependant, cette zone d’hyperactivité systématiquement à évoquer dans toutes les hyperactivités
protubérantielle est différente de la région L sollicitée lors des vésicales. Ces facteurs physiopathologiques sont en effet
efforts de retenue. Au cours du remplissage vésical, il a été possiblement liés à l’étiopathogénie même de l’hyperactivité
observé une activation bilatérale des lobes latéraux du cervelet vésicale : les causes neurologiques ont un manifeste substratum
et des aires frontales, suggérant que ces différentes structures physiopathologique différent de l’obstruction (où la réactivation

Neurologie 3
17-012-L-10 ¶ Vessies neurologiques

du réflexe C est bien connu expérimentalement) ; l’hyperactivité sphinctériens neurogènes. Il est le préalable indispensable à
médullaire ne repose pas sur les mêmes mécanismes que toute exploration, qu’il s’agisse d’examens urodynamiques,
l’hyperactivité induite par une lésion cérébrale. Ainsi, si le électrophysiologiques ou radiologiques. Il permet de les hiérar-
comportement urodynamique de l’hyperactivité vésicale est chiser et, confronté à leurs résultats, d’optimiser ces derniers
assez univoque (encore que souvent une activité détrusorienne pour assurer une meilleure compréhension physiopathologique,
phasique est bien plus évocatrice d’une lésion médullaire que le étiopathogénique et une meilleure prise en charge thérapeuti-
« simple » réflexe mictionnel non inhibé des lésions encéphali- que des troubles mictionnels neurogènes.
ques), les mécanismes physiopathologiques sont bien différents,
ce qui sous-entend que les modalités thérapeutiques et la gravité Interrogatoire
(risques uronéphrologiques) sont probablement bien différents
suivant la cause considérée. Il va permettre de définir la typologie, le mode évolutif et les
circonstances d’apparition des troubles. Certains éléments sont
en faveur d’une étiologie neurogène. L’association de plusieurs
Organisation des réflexes du contrôle troubles entre eux (troubles urinaires, anorectaux et génito-
urinaire sexuels simultanés) est hautement évocatrice d’une maladie
neurologique, en raison de la proximité anatomique (moelle
L’activité volontaire ou réflexe des muscles périnéaux basse) des centres neurologiques de contrôle de ces différentes
(sphincters urétraux et anaux, muscles bulbocaverneux, ischio- fonctions. Les fuites sans effort et sans besoin, si tant est qu’il
caverneux, transverses du périnée) est supportée par des centres n’existe pas de fistule ou d’abouchement urétéral ectopique, ni
intégrateurs sacrés localisés dans les métamères S2S3S4 et dont d’antécédent récent de chirurgie chez l’homme, sont évocatrices
l’efférent est constitué par le nerf pudendal [10]. La contraction d’une étiologie neurologique. L’impériosité, les mictions
volontaire de ces muscles permet d’inhiber le réflexe mictionnel impérieuses avec ou sans fuites ne sont pas toujours en rapport
en cas de besoin notamment urgent (réflexe périnéodétrusorien avec une étiologie neurologique, même si nombre d’affections
inhibiteur). La contraction réflexe, succédant par exemple à un neurologiques centrales suprasacrées, médullaires ou encéphali-
effort de toux, permet par une anticipation musculaire d’aug- ques, s’accompagnent souvent de tels symptômes en rapport
menter les pressions intrasphinctériennes et de s’opposer ainsi avec une instabilité vésicale par défaut d’inhibition des centres
à l’augmentation des pressions intravésicales induites par supérieurs. Une dysurie peut être certes secondaire à un obstacle
l’effort. Parallèlement, la stimulation de l’afférent sensitif (gland, infravésical (adénome, sténose, maladie du col) mais aussi à un
région clitoridienne), détermine une contraction réflexe des obstacle fonctionnel neurologique (dyssynergie vésicosphincté-
muscles périnéaux. Ces réponses dont l’afférent et l’efférent sont rienne), la miction s’effectuant souvent avec un bon débit mais
constitués du nerf pudendal et l’intégration médullaire des avec plusieurs jets successifs involontairement stoppés. Si la
centres sacrés, peuvent être étudiées cliniquement (réflexes perception d’un résidu postmictionnel dans le cadre d’une
bulboanal et bulbocaverneux) et électrophysiologiquement rétention chronique n’est pas évocatrice, le caractère indolore
(latence du réflexe bulbocaverneux). Ce réflexe est toujours (sans besoin) d’une rétention urinaire aiguë est en revanche très
présent chez le sujet sain, retardé ou aboli dans les lésions en faveur d’une lésion neurologique. L’absence de besoin au
radiculomédullaires basses ou les lésions purement périphéri- cours d’une rétention chronique est moins spécifique car
ques, et enfin conservé (voire exacerbé par levée de l’inhibition pouvant s’observer au cours des détrusors « claqués » (émousse-
suprasegmentaire) lors des lésions médullaires suprasacrées. ment des tensorécepteurs du détrusor) dont on connaît la
Dans cette dernière population de blessé médullaire, d’autres multiplicité des étiologies. De même la diminution ou l’aboli-
réflexes périnéaux ont pu être décrits et spécifiquement étudiés. tion de la perception du passage urétral des urines plaide
Des contractions vésicales réflexes peuvent ainsi être obtenues grandement en faveur d’une étiologie neurologique. Le mode
par des stimuli habituellement non efficaces pour déclencher d’installation des troubles vésicosphinctériens est tout aussi
une miction chez l’homme normal. Ainsi, les stimulations important à préciser. L’apparition récente des troubles peut être
cutanées périnéales (suprapubienne, périanale), voire des cuisses, un élément sémiologique déterminant devant une hyperactivité
l’étirement de la marge anale, la pression du gland ou du vésicale en faveur d’une étiologie neurologique en opposition à
clitoris, la percussion sus-pubienne, peuvent déterminer une une immaturité vésicale idiopathique apparaissant dès l’enfance
contraction vésicale. De même, l’augmentation de la pression avec énurésie tardive et urgence mictionnelle souvent présente
intravésicale est aussi un stimulus bien connu de la contraction tout au long de la vie. L’installation très aiguë d’un trouble
détrusorienne, qui physiologiquement peut être annihilée par urinaire et tout particulièrement d’une dysurie, plaide en faveur
l’augmentation simultanée du tonus urétral. Parallèlement, la de son origine neurologique, une installation moins brutale,
stimulation directe de la muqueuse vésicale détermine, chez le progressive évoquant plutôt une étiologie urologique
paraplégique, une contraction détrusorienne mais aussi des obstructive.
muscles périnéaux, l’anesthésie muqueuse inhibant ces répon-
ses. La voie afférente de ces deux réflexes (« vésicodétrusorien » Examen neuropérinéal
et « vésicopérinéal ») est probablement constituée de fibres A
delta et C. Le seuil de déclenchement réflexe est probablement Si cette étape n’est pas forcément la plus démonstratrice, il
plus bas pour le réflexe vésicopérinéal versus réflexe vésicodé- s’agit toutefois de l’examen le plus spécifique puisque étudiant
trusorien. D’autres réflexes activateurs de la miction sont les voies et centres impliqués dans le contrôle neurologique du
décrits. La stimulation urétrale (flux urétral) renforce ainsi la fonctionnement vésicosphinctérien, anorectal et génito-
contraction détrusorienne. sexuel [11-14].
L’étude des réflexes sacrés est, avec celle de la sensibilité
périnéale, l’exploration la plus importante (Tableau 3). L’arc
■ Évaluation et moyens d’étude réflexe nerf honteux interne-métamères S2S3S4 peut en effet
être étudié cliniquement : le pincement rapide du gland ou du
des troubles vésicosphinctériens clitoris détermine une contraction réflexe visible et/ou palpable
neurogènes des muscles périnéaux (sphincter anal, muscle bulbocaverneux).
De même, la stimulation de la marge anale par une piqûre
induit une contraction réflexe du sphincter anal (réflexe
Évaluation clinique des vessies nociceptif anal). Ces réflexes empruntent les branches sensitives
neurologiques afférentes du nerf honteux interne (nerf dorsal de la verge, nerf
clitoridien), transitent par la moelle (métamères S2S3S4), et
L’examen clinique reste un élément fondamental dans enfin cheminent par les voies effectrices du nerf honteux
l’approche diagnostique et thérapeutique des troubles vésico- interne. Toute abolition de ces réflexes témoigne théoriquement

4 Neurologie
Vessies neurologiques ¶ 17-012-L-10

Tableau 3. Examen neurologique


Éléments de diagnostic topographique et étiologique apportés par
l’examen neuropérinéal. Il complète l’examen neuropérinéal et l’examen général. Ce
dernier s’attache tout particulièrement à la notion de prise
Type de périnée Sensibilité Réflexe Tonus du Commande
du cône sphincter
médicamenteuse pouvant retentir sur l’équilibre vésicosphincté-
anal rien, à l’examen de la peau en regard de la moelle sacrée
(angiome, lipome, touffe de poils, fossette coccygienne) et à la
Central Normale Augmenté Augmenté Diminuée mise en évidence d’un syndrome dysmorphique (pieds creux).
Périphérique Diminuée Diminué Diminué Diminuée L’examen neurologique est parfois très évocateur lorsqu’il met
Mixte (syndrome Diminuée Augmenté Augmenté Diminuée en évidence une abolition des réflexes achilléens (S1) ou un
du cône terminal) déficit sensitivomoteur proche des territoires sacrés (fléchisseurs
Mécanique Normale Normal Normal Diminuée des orteils, releveurs des pieds). En effet, ce type d’altération
Psychogène Dissociée Normal Normal ou Diminuée ou suggère une atteinte neurologique proche des territoires sacrés,
augmenté normale lieu d’intégration des fonctions vésicales. Ailleurs, la mise en
évidence d’anomalies neurologiques (atteinte pyramidale,
extrapyramidale, motrice, sensitive, cognitive ou des nerfs
crâniens) sera d’autant plus importante qu’il s’agit d’un trouble
d’une lésion à un point quelconque de l’arc réflexe (nerf vésicosphinctérien révélateur d’une maladie neurologique.
honteux interne, métamères S2S3S4, racines, plexus). En réalité,
ils peuvent être absents chez 20 à 30 % des sujets sains même Examen urologique
lorsqu’ils sont recherchés dans de bonnes conditions (sujet en
position gynécologique ou en décubitus latéral, rectum vide, Il est tout aussi indispensable à la recherche de facteurs
associés, une maladie neurologique pouvant décompenser une
décontracté). Dans ces cas, seule l’exploration électrophysiolo-
affection urologique et ces dernières pouvant constituer une
gique du périnée (latence du réflexe bulbocaverneux) permettra
épine irritative au cours de certaines vessies neurologiques. De
de juger réellement de l’intégrité de l’arc réflexe sacré et de
plus deux affections définies, neurologique et urologique,
quantifier une éventuelle atteinte. Cette dernière peut être le
peuvent coexister, ce d’autant que certaines sont quasi inéluc-
fait d’une lésion purement périphérique (mononeuropathie du
tables, voire physiologiques (hypertrophie bénigne de la
nerf honteux, polynévrite, polyradiculonévrite, lésion plexique,
prostate chez l’homme, modifications hormonales de la femme
atteinte radiculaire) ou médullaire basse (lésions du cône
ménopausée, manifestations tissulaires, mécaniques et biochi-
terminal vasculaire, tumorale ou encore traumatique). L’exis-
miques du vieillissement de l’appareil vésicosphinctérien).
tence d’une perturbation de ces réflexes associée à un trouble
Enfin, des affections purement neurologiques peuvent détermi-
périnéal plaide en faveur de l’étiologie neurologique de ce
ner des troubles urologiques secondaires (cervicocystoptôse des
dernier. Ailleurs, ce réflexe est perturbé dans le sens d’une
vessies périphériques paralytiques), et à l’inverse, des patholo-
exagération. Des réflexes périnéaux vifs, diffusés (la stimulation
gies purement mécaniques peuvent se compliquer d’atteinte
à distance, par exemple sur les fesses ou la face postérieure des
neurologique (neuropathie périnéale d’étirement des prolapsus).
cuisses, induisant encore une réponse motrice avec contraction
Chez l’homme, cet examen est dominé par l’exploration de
du sphincter anal) évoquent alors une lésion neurologique
la prostate par le toucher rectal (appréciation du volume à la
centrale suprasacrée (lésions médullaires cervico-dorso-
recherche d’une hypertrophie, consistance, souplesse, existence
lombaires, lésions encéphaliques). Quant au réflexe anal à la
de nodules). L’inspection de la verge, du méat urétral, du gland
toux (contraction de l’anus lors de l’effort de toux), il est intégré est là aussi systématique.
à un niveau métamérique supérieur (D12). Chez la femme, l’appréciation d’un prolapsus, l’examen de la
L’étude de la sensibilité périnéale est tout aussi fondamentale. vulve, du méat, du vagin, précède l’exploration dynamique
La sensibilité profonde s’étudie par la perception des vibrations vessie pleine, où lors de la toux, on essaye de démasquer une
induites par un diapason posé sur les ischions et le sacrum, la incontinence à l’effort éventuellement améliorée par la
sensibilité périnéale superficielle par la perception tactile (doigt, manœuvre de Bonney.
coton, aiguille), la sensibilité thermique par la reconnaissance Dans les deux sexes, l’étude anorectale (toucher rectal,
du chaud et du froid. La totalité de la région périnéale doit être hémorroïdes, fissures) termine l’exploration morphologique, et
examinée : bourses, verge, vulve, vagin (niveau S2-S3) fesses l’interrogatoire précise la prise éventuelle de médications
(niveau S3), face postérieure des cuisse (niveau S2), pourtour de pouvant retentir sur l’équilibre vésicosphinctérien.
la marge anale (niveau S4), triangle postérieur anal (niveau S5).
L’examen est complété par l’étude des sensibilités testiculaire et
Catalogues mictionnels
prostatique (intégrées à un niveau suprasacré). Un trouble de la
sensibilité est d’autant plus évocateur d’une maladie neurologi- Le catalogue mictionnel est souvent un outil indispensable
que que l’on note une distribution métamérique ou tronculaire pour affirmer et quantifier la réalité d’une pollakiurie, pour
des troubles. chiffrer une incontinence, pour évaluer une rétention. L’inter-
Le tonus du sphincter anal est apprécié par le toucher rectal. rogatoire classique ayant par définition un caractère rétrospectif,
Une hypotonie franche (pouvant aller jusqu’à la béance anale) le patient ne peut habituellement préciser les modalités
peut s’observer au cours des lésions neurogènes périphériques. détaillées de sa miction ou des troubles mictionnels, modalités
À l’inverse, une hypertonie au retrait du doigt intrarectal peut qui vont déterminer nombre de stratégies thérapeutiques.
être mise en évidence au cours des affections neurologiques En routine, le catalogue mictionnel doit comporter l’heure et
centrales spastiques. Mais cette hypertonie s’observe aussi chez le volume de la miction, celui du résidu si nécessaire, les
les sujets neurotoniques mal relâchés pendant l’exploration. épisodes de fuites et le type des circonstances déclenchantes.
La commande musculaire s’apprécie par le toucher pelvien. Réalisé pendant un nombre de jours (et nuits) limité pour avoir
Elle se teste (cotée de 0 à 5) sur les différents muscles du une bonne acceptabilité, il permet ainsi d’étudier la pollakiurie
plancher périnéal (releveurs, sphincter anal). Une abolition diurne et nocturne, la diurèse, la fréquence et le type des fuites.
même complète n’est pas pathognomonique d’une lésion Il s’agit donc d’un outil simple, non coûteux, dont la reproduc-
neurologique car elle s’observe aussi avec une grande fréquence tibilité a été prouvée si tant est qu’il soit pratiqué sur au moins
au cours des troubles urinaires mécaniques. 3 jours consécutifs. Il doit être réalisé dans les conditions
Ainsi, si l’examen clinique neuropérinéal n’est pas toujours habituelles de vie (difficulté de mesure du volume mictionnel à
spécifique, il reste dans tous les cas indispensable et permet de l’extérieur du domicile, voire sur les lieux de travail). Il s’agit
plus une bonne approche diagnostique et parfois topographique d’un outil quotidiennement utilisé au cours de la prise en
grâce à la confrontation des différentes données (Tableau 1). charge des vessies neurologiques.

Neurologie 5
17-012-L-10 ¶ Vessies neurologiques

Scores de symptômes et de qualité de vie au cours Cysto PR 50 ml EMG#1


1500
des vessies neurogènes EMG 1000
uV 500
Ces scores permettent une objectivation plus fiable et quan- 0
Pves 60
tifiable des troubles mictionnels neurogènes. Ils permettent un cmH2O
40
P
suivi évolutif et sont un instrument indispensable dans l’appré- 20 e
r
0 c
60 T u
ciation des résultats thérapeutiques, notamment au cours des Pabd 40 o T T
P
a T
P
a l T T
P
a
s
s T
o o o i
r r mo
essais cliniques et des études prospectives. Plusieurs type de cmH2O u
20 x ux u
x
l
e
u
x
l
e 3x
u
o
4 u
r
l
o
n
s
o
u
0 0 x e x
score peuvent être utilisés mais aucun n’est spécifique des 600 1
2
0
0
1
1
=
Vinfus 400
troubles vésicosphinctériens neurogènes. ml
0
1
1
=
=
200 = =
En ce qui concerne les scores de qualité de vie, rares sont 0 1
0
ceux validés en français spécifiquement dans l’évaluation du 3

retentissement des troubles vésicosphinctériens neurogènes. T T


ST
PB T P T P T B1 ODM PP T
CM
L’échelle Qualiveen a été spécifiquement validée dans les
troubles urinaires secondaires à une lésion médullaire traumati- Figure 2. Bilan urodynamique : cystomanométrie retrouvant un détru-
que ou à une sclérose en plaques. sor stable à faible pression, à capacité maximale normale.
Ils permettent là encore une évaluation objective du retentis-
sement psychologique et social des troubles sphinctériens et
leurs modifications après traitement.
vésicale est définie comme une première sensation trop précoce
de remplissage vésical (ou d’une sensation trop précoce de
Évaluation urodynamique des vessies besoin d’uriner) et/ou une sensation trop précoce de besoin
neurologiques intense, qui apparaît pour de faibles volumes de remplissage et
qui persiste. Cette évaluation de la sensation vésicale des
Principe des explorations urodynamiques (EUD) patients est subjective et il n’est pas possible par exemple de
quantifier un seuil dans la définition d’une hypersensibilité
Les EUD permettent une évaluation objective du fonctionne- vésicale. La diminution de la sensation vésicale est définie comme
ment vésicosphinctérien et partant une analyse physiopatholo-
une sensation diminuée de remplissage vésical. L’abolition de la
gique précise des symptômes urinaires, tout particulièrement de
sensibilité vésicale signifie que durant la cystomanométrie de
l’incontinence. Outre ce rôle dans la précision des mécanismes
remplissage, le patient n’a aucune perception de besoin ou de
des troubles urinaires, les EUD apportent des éléments pronos-
remplissage. Les sensations vésicales non spécifiques, durant la
tiques essentiels dans le cadre des vessies neurogènes. Enfin, des
cystomanométrie de remplissage, peuvent conduire l’individu à
éléments étiopathogéniques, évolutifs, topographiques ou
prendre conscience du remplissage vésical (comme par exemple,
thérapeutiques peuvent parfois être donnés par ces explorations,
une sensation de réplétion abdominale ou l’apparition de
mais cela n’est pas leur objet initial. Les EUD comprennent
symptômes végétatifs). L’urgence mictionnelle, pendant la
plusieurs examens : la cystomanométrie qui permet l’enregistre-
cystomanométrie de remplissage, est un soudain et irrésistible
ment des pressions intravésicales ; la sphinctérométrie qui
analyse les pressions intra-urétrales ; la débitmétrie qui quantifie besoin d’uriner.
la miction. L’exploration électrophysiologique complète souvent L’étude de l’activité détrusorienne pendant la cystomanomé-
ces examens manométriques en évaluant l’aspect fonctionnel trie de remplissage est fondamentale [15]. Dans la vie quoti-
sphinctérien et en analysant d’éventuelles composantes neuro- dienne, les individus inhibent leur activité détrusorienne,
gènes dans la genèse des troubles. jusqu’à ce qu’ils soient dans une circonstance permettant la
miction (Fig. 2). Ainsi, une fois l’analyse de la phase de
Sémiologie urodynamique remplissage effectuée, et quand le patient désire uriner, norma-
lement, la permission d’uriner est donnée. Ce moment est
Principes de base des différents examens manométriques indiqué sur les courbes d’urodynamique, et toute activité du
détrusor avant cette « permission » est définie comme une
La cystomanométrie permet l’étude des pressions intravésica-
activité détrusorienne involontaire. Ainsi, une fonction détruso-
les [15]. L’examen débute par un sondage vésical (sonde de
rienne normale permet un remplissage vésical avec un minime
cystomanométrie plastifiée) chez un patient aux urines stériles.
ou aucun changement de pression. Aucune contraction invo-
Les pressions intravésicales sont alors étudiées au cours d’un
lontaire phasique n’apparaît malgré une manœuvre provocative
remplissage progressif de la vessie par un fluide (eau ou gaz),
(toux par exemple). L’hyperactivité détrusorienne est une consta-
simultanément aux pressions urétrales et à l’activité électro-
tation urodynamique caractérisée par des contractions détruso-
myographique du sphincter strié urétral. La vitesse à laquelle la
riennes involontaires pendant la phase de remplissage qui
vessie est remplie est, soit physiologique (poids maximal en
peuvent être spontanées ou provoquées.
kilogrammes, divisé par 4, exprimé en ml/min), soit non
physiologique. Chez le neurologique, la vitesse est habituelle- Différents types d’hyperactivité détrusorienne sont décrits.
ment lente (50 ml/min), voire très lente (20 ml/min) chez les L’hyperactivité détrusorienne phasique (Fig. 3) est définie par
tétraplégiques en raison du risque de dysautonomie lors de la des ondes de contraction caractéristiques qui peuvent ou non
réplétion vésicale. conduire à une incontinence urinaire (les contractions détruso-
La fonction de remplissage vésical est appréhendée par quatre riennes phasiques ne sont pas toujours accompagnées d’une
paramètres : sensibilité vésicale, activité du détrusor, compliance sensation). L’hyperactivité détrusorienne terminale (Fig. 4) est
vésicale et capacité vésicale [15]. La sensation normale de réplétion définie comme une simple et unique contraction détrusorienne
vésicale peut être analysée par trois événements notés pendant involontaire apparaissant à la capacité maximale cystomanomé-
la cystomanométrie de remplissage, événements quantifiés par trique, contraction qui ne peut être inhibée et qui détermine
le volume de la vessie au moment de leur apparition. La habituellement une incontinence avec une vidange vésicale.
première sensation de remplissage vésical est la sensation du Cette hyperactivité est typiquement associée à une diminution
patient lorsqu’il devient conscient de l’apparition de cette de la sensibilité vésicale, comme cela est observé par exemple
sensation de remplissage vésical. Le premier besoin d’uriner est chez les patients âgés ou chez les patients atteints d’accidents
défini comme la sensation qu’il est nécessaire d’aller uriner dès vasculaires cérébraux (AVC), où les urgences mictionnelles
que l’instant sera propice, mais cette miction peut être différée peuvent être ressenties au moment de la contraction miction-
si cela s’avère nécessaire. Le besoin intense d’uriner est défini nelle. Cependant, dans les lésions médullaires complètes, il peut
comme l’apparition d’un besoin d’uriner persistant, mais sans ne pas y avoir de quelconque sensibilité vésicale au cours de
crainte de perdre les urines. L’augmentation de la sensibilité contractions.

6 Neurologie
Vessies neurologiques ¶ 17-012-L-10

Cysto PR 50 ml EMG#1 du système nerveux. Secondaire à une stimulation des thermo-


600
EMG
récepteurs vésicaux, médié par les fibres afférentes non myéli-
400
uV 200 nisées de type C, c’est un réflexe segmentaire sacré sous
0
60 influence inhibitrice des centres supérieurs suprasegmentaires.
Pves 40
L’instillation d’eau glacée (0 à 4 °C) déclenche une contraction
cmH2O 20
0 M
i
du détrusor supérieure à 15 cm d’eau chez le sujet atteint de
60 c
Pabd 40 T
o
T
l o
l T
m o
t
i
T
o
lésion médullaire suprasacrée. Cette réponse est à différencier
cmH2O 20 u m u u o u
0
x x x n x d’une augmentation plus faible des pressions (cold contracture de
600 Vo Vo
Vinfus 400
=
1
=
2
Kurihara). L’apparition d’une réponse à l’injection d’eau glacée
0
ml 200 0
1 1 pourrait constituer un argument en faveur d’une possibilité de
0
motricité vésicale, quelle que soit la cause de l’acontractilité
(mécanique ou neurologique, notamment périphérique) et de
T PB T B1 T CM M T
ST Vo Vo ODM
M préjuger ainsi d’un meilleur pronostic et/ou d’une lésion
Figure 3. Bilan urodynamique : cystomanométrie retrouvant un détru- incomplète. La méthodologie de réalisation du test à l’eau
sor hyperactif (hyperactivité phasique), à capacité normale. glacée est variable selon les équipes. Bors et Comarr, en 1971,
utilisent un cathéter 18 Ch et 60 à 90 ml d’eau glacée. Le test à
l’eau glacée est considéré comme positif si ce cathéter est
Cysto PR 50 ml EMG#1 expulsé dans la minute.
400
EMG
200
Geirsson (1993), après une cystomanométrie, injectent
uV
0 100 ml d’eau à 0 °C en 15 à 20 secondes par cathéter 8 Ch,
60
Pves 40 laissé 1 minute. Le test est positif en cas de contraction vésicale
P
cmH2O 20 e
soutenue avec fluide expulsé. Le test est considéré comme un
r
0 c
60
P P
l
m
M
i
u
s faux négatif si on objective une contraction vésicale soutenue
Pabd 40 T T a T
c s
cmH2O 20
o
u
o
u
r
l
l T
m o
a
r o
u
t
i
o
i
o
T
o
de même amplitude que la contraction mictionnelle, sans
u l n u
0
x x e x
Vo
e x
Vo
n s x expulsion du fluide. Plus récemment, une autre technique a pu
600 Vo = =
Vinfus 400 =
1
2
0
3
0
être utilisée : cystomanométrie de base à 100 ml (sérum tiède) ;
ml 0 1 1
200 1 cystomanométrie à l’eau glacée : si une contraction apparaît
0
avant 200 ml, le test est classé A ; si la contraction apparaît
entre 200 et 400 ml, le test est classé B. Le test est classé C si la
T
ST
PB
B1
T P
Vo
T
Vo
P T
Vo
CM
ODM
M P T
cystomanométrie de base retrouve une hyperactivité vésicale et
que le volume auquel apparaît la contraction non inhibée
Figure 4. Bilan urodynamique : cystomanométrie retrouvant un détru- durant l’injection d’eau glacée est inférieur de moitié à celui
sor hyperactif (hyperactivité terminale), à capacité réduite. observé au cours du test de base [16].
L’étude de la compliance vésicale pendant la cystomanomé-
trie est importante en termes d’indice pronostique. La com-
L’hyperactivité détrusorienne est qualifiée neurogène quand il pliance vésicale décrit la relation qui existe entre le changement
existe manifestement une cause neurologique à ces contrac- du volume vésical et sa relation avec la pression intradétruso-
tions. Ce terme remplace l’ancien terme d’« hyperréflexie rienne. Elle est calculée en divisant la variation de volume par
détrusorienne ». la variation de la pression intradétrusorienne. Elle est exprimée
D’autres types d’hyperactivité détrusorienne peuvent être en ml/cm d’eau. La capacité cystomanométrique est le volume
observés comme par exemple : association d’une hyperactivité vésical obtenu à la fin de la cystomanométrie de remplissage
détrusorienne terminale et phasique ; ou bien encore contrac- quand la permission d’uriner est donnée.
tions détrusoriennes soutenues, en plateau, à haute pression, L’évaluation des résistances urétrales est parfois utile au cours
observées chez les patients atteints de lésions médullaires, des vessies neurologiques. La pression urétrale est définie
lorsqu’une miction tente de s’effectuer contre un sphincter comme la pression suffisante pour ouvrir un urètre fermé. Le
dyssynergique. profil de pression urétrale est une courbe indiquant la pression
Des percussions sus-pubiennes peuvent être réalisées pour intraluminale tout au long de l’urètre. La pression urétrale de
étudier la réactivité détrusorienne à ce stimulus et préjuger des clôture est donnée par la soustraction de la pression intravési-
possibilités de rééducation vésicosphinctérienne, si tant est que cale, de la pression urétrale. La pression urétrale maximale est
l’automatisme sacré soit préservé (cas des lésions médullaires la pression maximale mesurée sur le profil urétral. La pression
cervicodorsales). abdominale de fuite est la pression intravésicale à partir de
Les manœuvres sensibilisatrices sont définies comme des laquelle apparaît une fuite urinaire lors d’une augmentation de
techniques utilisées durant l’exploration urodynamique, dans le la pression abdominale, en l’absence de contraction détruso-
but de provoquer une hyperactivité détrusorienne. Ainsi, le rienne. Cette pression de fuite peut être obtenue en fonction du
remplissage rapide, le test à l’eau glacée, l’injection de produit site d’enregistrement de la pression de référence (rectale,
acide, les changements posturaux, l’immersion des mains dans vaginale ou intravésicale) et de la méthode avec laquelle la
l’eau sont des techniques usuelles. pression est générée (toux ou manœuvre de Valsalva). La
Le test à l’eau glacée est très spécifique des vessies pression détrusorienne de fuite est définie comme la pression
neurogènes. détrusorienne minimale à partir de laquelle apparaît une fuite
Le réflexe vésical au froid (cooling reflex) est connu de longue urinaire en l’absence d’une contraction détrusorienne ou
date (Adler, 1918), l’instillation intravésicale d’eau glacée d’augmentation de la pression intra-abdominale. La pression
favorisant la contraction détrusorienne. Utilisé comme test détrusorienne de fuite a été utilisée très fréquemment pour
diagnostique (test à l’eau glacée) par Bors et Blinn [5], il permet prédire l’existence future de détérioration du haut appareil
de différencier les lésions médullaires suprasacrées, où le test est urinaire chez les patients neurologiques, avec des vessies de
positif, des lésions infrasacrées, où le test est négatif, comme compliance réduite. La miction normale est effectuée par une
chez les sujets normaux. Outre cet apport diagnostique et son contraction détrusorienne volontairement initiée et continue
intérêt physiologique (mise en évidence de thermorécepteurs qui conduit à une vidange vésicale complète dans un temps
vésicaux par McDonald en 1959), il a pu être utilisé comme normal et en l’absence d’obstruction. Pour une contraction
thérapeutique (réentraînement à l’eau glacée des vessies détrusorienne donnée, l’amplitude de la pression enregistrée va
médullaires). dépendre du degré de résistance sous-vésicale. L’hypoactivité
Le réflexe vésical au froid est considéré comme un réflexe détrusorienne est définie comme une contraction réduite en
primitif disparaissant vers l’âge de 5 ans, lors de la maturation force ou en durée, déterminant ainsi une vidange vésicale

Neurologie 7
17-012-L-10 ¶ Vessies neurologiques

prolongée, ou un défaut de vidange complète dans un temps


habituel. Le détrusor acontractile est observé lorsqu’on ne peut
démontrer une contraction détrusorienne pendant une explora-
tion urodynamique.
La dyssynergie vésicosphinctérienne est définie comme une
contraction détrusorienne associée à une contraction involon-
taire des muscles striés urétraux ou périurétraux [15]. Occasion-
nellement, le débit peut être globalement altéré. La dyssynergie
vésicosphinctérienne apparaît typiquement chez les patients
avec des lésions suprasacrées, comme par exemple des lésions
médullaires hautes ; cette dyssynergie est très inhabituelle dans
les lésions de la partie basse de la moelle épinière. Alors que les
muscles striés urétraux et périurétraux sont habituellement
tenus comme responsables de cette dyssynergie, le sphincter Figure 5. Électromyographie de détection du sphincter strié urétral.
lisse peut aussi être incriminé.

Grands tableaux urodynamiques et physiopathologiques appauvrissement du tracé et sommation temporelle). La consta-


des vessies neurologiques tation de telles anomalies est en faveur d’une lésion du système
L’incontinence urinaire est toujours le fait d’une inadéquation nerveux périphérique responsable des troubles vésicosphincté-
entre les forces de retenue urétrales et les pressions intravésicales riens (dysurie, rétention urinaire complète ou incomplète) [18].
pendant la phase de remplissage. Les mécanismes sont multiples La latence du réflexe sacré (latence du réflexe bulbocaver-
et bien mis en évidence par les EUD : le plus souvent, c’est une neux) est obtenue par la stimulation de l’afférent sensitif (nerf
hyperactivité vésicale, qui s’exprime cliniquement par une dorsal de la verge à la base du pénis par des électrodes annulai-
impériosité isolée, une incontinence par miction impérieuse ou res, nerf clitoridien par électrode de surface) [19-23]. Le recueil se
une simple pollakiurie (augmentation de la fréquence des fait dans le muscle bulbocaverneux où est insérée l’électrode-
mictions). Elle est souvent associée à un syndrome pyramidal et aiguille de réception. Tout allongement (> 44 ms) ou le non-
à une spasticité, dont elle partage la même physiopathologie recueil de la réponse témoignent d’une perturbation de l’arc
(diminution des possibilités d’inhibition corticale). Ailleurs, les réflexe nerf pudendal - métamères sacrés S2S3S4 et apporte ainsi
fuites urinaires sont secondaires à une instabilité urétrale définie des arguments en faveur de l’origine neurogène des troubles
par des chutes brutales du tonus urétral au cours d’une sphinc- (atteinte radiculomédullaire basse, neuropathie périphérique).
térométrie, voire à une insuffisance sphinctérienne responsable Les potentiels évoqués somesthésiques corticaux du nerf
d’une incontinence goutte à goutte permanente ou dans les cas honteux interne permettent l’étude de l’ensemble des voies
plus modérés d’une incontinence survenant à l’effort prolongé. somesthésiques : branche sensitive du nerf pudendal, cordons
La dysurie est due, soit à une diminution des possibilités postérieurs médullaires, voies lemniscales du tronc cérébral,
contractiles du détrusor, soit à une augmentation des résistances thalamus jusqu’au cortex pariétal [24]. Ils sont obtenus par le
urétrales, soit encore à une dyssynergie vésicosphinctérienne même type de stimulation que pour les potentiels évoqués
(c’est-à-dire au maintien de la fermeture sphinctérienne pendant sacrés, mais 100 à 200 passages sont nécessaires pour extraire la
la contraction vésicale). L’énurésie est le fait d’une désinhibition réponse évoquée du bruit de fond cortical. La latence doit être
vésicale motrice nocturne. inférieure à 44 ms.
La pollakiurie isolée (diurne et/ou nocturne) est le plus La vitesse de conduction sensitive du nerf dorsal de la verge,
souvent secondaire à une hyperactivité vésicale seule ou déterminée par stimulation du nerf sur le gland et réception à
associée à une instabilité urétrale, mais elle peut être aussi le fait la racine du pénis, permet l’étude de l’afférent sensitif. Cet
d’une simple hyperesthésie détrusorienne (premier besoin trop examen est intéressant dans le bilan des troubles génitaux
précoce ou télescopage des différents besoins mictionnels en neurogènes, le nerf dorsal de la verge étant fondamental dans
cystomanométrie). le maintien de l’érection et pouvant être lésé au cours de
Certaines fuites urinaires ne sont ni en rapport avec une multiples affections du système nerveux périphérique, tout
instabilité vésicale et/ou urétrale, ni avec une insuffisance particulièrement au cours des neuropathies diabétiques ou
sphinctérienne mais due à un trouble sensitif : hypoesthésie, éthyliques.
soit en rapport avec une atteinte sacrée, soit s’intégrant dans Les potentiels évoqués cutanés sympathiques (variation de
une sémiologie urodynamique de type « cordonale postérieure » résistance des tissus cutanés induite par la stimulation des
(retard du premier besoin, grande capacité vésicale avec persis- glandes sudoripares, elle-même secondaire à l’activation des
tance d’une contraction détrusorienne qui ne peut être inhibée). fibres non myélinisées de type C des nerfs sympathiques
efférents qui innervent ces glandes) sont recueillis par électrodes
Évaluation neurophysiologique des vessies de surface sur la paume de la main, la plante du pied et le pénis
après stimulation électrique du nerf médian [25]. L’abolition de
neurologiques la réponse pénienne témoigne d’une lésion sur les voies
sympathiques impliquées dans le contrôle vésical. Ce test peut
Électromyographie périnéale
être intéressant au cours des dysautonomies d’origine centrale
L’exploration électrophysiologique du périnée permet (Shy-Drager, atteinte médullaire cervicale ou dorsale) ou
d’apporter des arguments en faveur d’une origine neurologique périphérique (neuropathie périphérique).
au trouble urinaire [17]. D’autres tests électrophysiologiques peuvent être utiles : étude
L’enregistrement de l’activité électromyographique du du seuil de perception sensitif ; potentiels évoqués moteurs par
sphincter strié au cours d’une cystomanométrie permet d’affir- stimulation magnétique transcorticale et médullaire ; latences
mer l’existence d’une dyssynergie vésicosphinctérienne (non- distales motrices et sensitives du nerf honteux interne par
instinction ou renforcement de l’activité pendant la miction stimulation endorectale.
obtenue par contraction détrusorienne), témoignant d’une
lésion neurologique médullaire. Électromyographie fonctionnelle et dyssynergies
L’électromyographie de détection (Fig. 5) effectuée sur un ou
plusieurs des muscles du plancher périnéal (bulbocaverneux, La dyssynergie vésicosphinctérienne constitue un des problè-
sphincter strié urétral ou anal, ischiocaverneux, transverse) mes majeurs des vessies neurogènes en raison de leur retentis-
permet de mettre en évidence des anomalies de type neurogène sement potentiellement grave sur le haut appareil, sur la
périphérique (potentiels lents de dénervation, rafales pseudo- fonction rénale, et sur la survenue d’infections urinaires parfois
myotoniques, fibrillation et, lors de la contraction volontaire, sévères.

8 Neurologie
Vessies neurologiques ¶ 17-012-L-10

Deux types de dyssynergies sont décrits (dyssynergie striée, Q


dyssynergie lisse) qui ne s’excluent pas [15]. La connaissance et M
la description de la dyssynergie vésicostriée datent du début du =
28
siècle (Denis Brown). La définition la plus communément Débitmétrie P. Abdo sur table#2
acceptée de la dyssynergie vésicosphinctérienne est la présence 25
de contractions involontaires du sphincter strié urétral enregis- 20
trées par électromyographie pendant la contraction du détrusor. Débit 15
Blaivas insiste sur le caractère involontaire des contractions du ml/s
10
sphincter strié et du détrusor [26]. Yalla définit la dyssynergie
vésicostriée comme un désordre mictionnel résultant d’une 5
contraction involontaire ou l’absence de relaxation de pression 0
40
urétrale accompagnant une contraction du détrusor [26]. Pour 30
Penders et Deleval c’est l’absence de relaxation urétrale et/ou Pabd
cmH20 20
une contraction sphinctérienne avant et/ou pendant la contrac-
tion du détrusor [26] . Andersen et Bradley, considèrent la 10
dyssynergie vésicosphinctérienne présente quand il existe une 0
400
augmentation de l’activité électromyographique du sphincter 300
strié, entraînée par la distension vésicale (sans contraction du Vol. uriné
ml 200
détrusor) [26].
Il existe en fait deux grandes classifications. 100
• La classification de Yalla, en 1977, repose sur trois grades de 0
dyssynergies vésicostriées à partir d’une étude de 200 patients
neurologiques présentant une atteinte médullaire, complète
ou incomplète [26]. Le grade I est un retard de la miction par DM QM FM
absence de relaxation prémictionnelle urétrale et persistance
de l’activité électromyographique du sphincter strié au début Figure 6. Débitmétrie normale, monophasique, en « cloche ».
de la contraction du détrusor. Le grade II est marqué par une
activité du sphincter strié pendant la contraction du détrusor,
responsable d’une miction en plusieurs jets. Le grade III est
caractérisé par une augmentation de l’activité du sphincter
strié urétral pendant la contraction du détrusor, rendant la
miction impossible.
• La classification de Blaivas (1981) distingue trois degrés de
dyssynergie très superposables à partir de 550 patients [26]. Le
type I se manifeste par une augmentation de l’activité
électromyographique du sphincter strié au début de la
contraction du détrusor, la survenue tardive de la relaxation
urétrale et une miction différée. Le type II est caractérisé par
une succession d’augmentations de l’activité électromyogra-
phique du sphincter strié, alternée avec des relaxations
urétrales pendant la contraction du détrusor. Le type III se
manifeste par une absence de relaxation urétrale, une activité
permanente du sphincter strié pendant la contraction du
détrusor et l’absence de miction.
Cliniquement, il est commode de se référer à un concept
simple : absence de relaxation urétrale prémictionnelle et
Figure 7. Débitmétrie au cours d’une dyssynergie vésicosphincté-
persistance d’activité urétrale pendant la contraction du
rienne : aspect polyphasique.
détrusor, dans le cadre d’une dyssynergie tonique (ou passive) ;
dyssynergie clonique (ou active) se manifestant par des contrac-
tions du sphincter strié urétral pendant la contraction du
détrusor, associée ou non à une relaxation prémictionnelle des son retentissement par la cystomanométrie (régime de pressions
pressions urétrales. Ceci peut s’observer au cours d’un simple en permictionnel), de ses conséquences cliniques par le catalo-
examen urodébitmétrique, où la courbe, au lieu d’être comme gue mictionnel (pollakiurie déterminée par une rétention
normalement monomorphe « en cloche », devient polyphasique incomplète, importance et permanence du résidu), de ses
avec interruption du débit, témoignant d’une miction dyssyner- complications par la radiologie (UCRM à la recherche de reflux)
gique en plusieurs jets successifs (Fig. 6, 7). et la biologie (infections urinaires, insuffisance rénale).
Pour la majorité des auteurs, la dyssynergie vésicostriée La dyssynergie vésicolisse est souvent associée à la dyssyner-
épargne les lésions supraspinales. Dans les atteintes médullaires, gie striée mais en est indépendante. Le diagnostic est radiologi-
la fréquence de la dyssynergie varie selon les critères d’apprécia- que, bien que l’enregistrement étagé des pressions urétrales au
tion (de 100 % à 45 %). Plusieurs auteurs considèrent qu’il cours d’une cystomanométrie permette la mise en évidence
n’existe pas de relation entre le type de dyssynergie et le niveau d’une activité du col et de l’urètre postérieur concomitante de
médullaire mais que l’importance de la dyssynergie est dépen- la contraction du détrusor pendant la miction.
dante de l’importance de la lésion médullaire (complète ou La dyssynergie détrusor-col est ainsi définie comme une
incomplète). contraction du col vésical accompagnant la contraction du
Il est actuellement discuté des moyens d’exploration de la détrusor pendant la miction. Cette dyssynergie accompagne la
dyssynergie : observation clinique, exploration échographique, contraction du détrusor sur toute sa durée. La cystographie avec
débitmétrie, urodynamique avec électromyographie, vidéouro- cliché mictionnel permet de visualiser la fermeture complète du
dynamique, multicapteurs étagés tout au long de l’axe vésico- col vésical avant la miction et son ouverture harmonieuse et
cervico-urétral [26]. En fait, le plus important est l’évaluation de symétrique en entonnoir au cours de la miction.

Neurologie 9
17-012-L-10 ¶ Vessies neurologiques

Figure 8. Reflux vésicorénal au cours d’une vessie neurologique.

Figure 9. Vessie neurologique déformée avec diverticules.


Évaluation endoscopique et radiologique
des vessies neurologiques
• La cystoscopie est un examen fondamental pour éliminer une
obstruction cervicale (maladie du col) ou sous-cervicale
(sténose urétrale, adénome ou cancer prostatique) et dans
l’appréciation du retentissement vésical d’une vessie neurolo-
gique (diverticules, état de la muqueuse urétrovésicale).
L’endoscopie vésicale permet aussi d’éliminer un cancer de
vessie chez les patients sous autosondages, où l’on sait que la
prévalence de cette pathologie est significativement augmen-
tée.
• L’urographie intraveineuse permet de juger de l’intégrité de la
vessie (diverticules, épaississement de la paroi vésicale,
lithiase) et du haut appareil (dilatation urétéro-pyélo-
calicielle, lithiase, reflux vésicorénal). Elle est cependant de
plus en plus abandonnée et remplacée par des explorations
moins nocives sur le plan des radiations ionisantes (échogra-
phie, scanner).
• L’urétrocystographie avec clichés permictionnels est d’un
apport important dans l’appréciation des dysuries pour
Figure 10. Mise en évidence d’un résidu postmictionnel par
dépister un obstacle organique ou fonctionnel (dyssynergie échographie.
vésicosphinctérienne lisse et/ou striée). Cet examen permet
aussi de mettre en évidence un reflux vésicorénal (Fig. 8),
fréquent au cours des vessies neurologiques et susceptible de Évaluation biologique des vessies
dégrader le fonctionnement rénal, mais aussi de juger de
l’état de la vessie (diverticules, déformations...) (Fig. 9). neurologiques
• L’échographie vésicorénale, totalement atraumatique, prend Les dosage de l’urée, de la créatinine, de la clairance de la
toute son importance dans le suivi régulier des patients. Elle créatinine permettent l’appréciation de la fonction rénale. Ils
permet d’apprécier la vessie, sa paroi, l’existence d’un doivent être effectués tous les ans dans la surveillance des
épaississement du détrusor, de diverticules et de juger de l’état vessies neurologiques, contrairement à l’examen cytobactériolo-
du haut appareil : séquelles de pyélonéphrite, dilatations. Elle gique des urines (ECBU) qui ne sera réalisé qu’en cas de signes
permet de mettre facilement en évidence un résidu postmic- patents d’infection urinaire ou de modification de la sympto-
tionnel (Fig. 10). En règle, ce dernier examen est répété tous matologie (douleurs urétrales, dysurie, incontinence, império-
les ans. sité, pollakiurie) ou a fortiori de fièvre.

10 Neurologie
Vessies neurologiques ¶ 17-012-L-10

■ Différents types de vessies Vessies à risque


neurologiques (classification) La vessie à risque est une vessie avec un travail vésical
excessif : régime de pression constamment trop élevé pendant le
Il est parfois nécessaire de classer les vessies neurogènes afin remplissage vésical avec, soit contractions phasiques de forte
de préciser le diagnostic ou le pronostic. amplitude constantes, soit pression élevée en plateau soutenu ;
soit défaut de compliance majeur avec tonus vésical très élevé ;
soit hyperpression permictionnelle prolongée sur dyssynergie
Classification topographique vésicosphinctérienne. Le corollaire est souvent un résidu, source
Suivant le niveau lésionnel, une typologie particulière, d’infections récurrentes, les conséquences une dégradation de la
clinique et urodynamique, peut s’observer, sans qu’aucun des paroi vésicale et un reflux vésicorénal.
tableaux ne soit spécifique d’un étage donné. Ces vessies à risque sont le plus souvent des vessies secondai-
res à une lésion médullaire (traumatique essentiellement) mais
aussi à certaines scléroses en plaques.
Vessie centrale
La neurovessie centrale est de fait une vessie privée de sa Vessies sans risques
régulation cortico-sous-corticale de par une lésion cérébrale
(centres mictionnels) ou médullaire (voies de conduction). Il Ce sont les vessies hypoactives, flasques, à grande compliance
s’agit en règle d’une pathologie de l’inhibition, les centres à supposer qu’il n’y ait pas de violentes poussées abdominales
mictionnels sacrés s’affranchissant des influx inhibiteurs pour assurer la vidange.
provenant des centres sus-jacents. Mais il ne s’agit pas d’une
simple déconnexion de la régulation suprasacrée, des mécanis- Vessies équilibrées
mes de réactivation des réflexes archaïques médiés par les fibres
non myélinisées de type C capsaïcine-sensibles étant aussi en Une vessie équilibrée est une vessie à basse pression pendant
jeu. La vessie centrale est en règle une vessie hyperactive avec le remplissage, qui le reste pendant la miction, et qui se vide
un syndrome clinique d’hyperactivité vésicale (nycturie, spontanément ou par autosondage totalement, sans résidu.
pollakiurie, impériosité, fuites sur urgence) s’exprimant ou non
suivant l’existence d’une dyssynergie ou de troubles sensitifs
associés. En effet, l’existence d’une dyssynergie lisse et/ou striée ■ Complications des vessies
(spécifique des lésions médullaires) peut modifier le tableau, soit
en l’enrichissant d’une dysurie caractéristique (mictions frac- neurogènes
tionnées en plusieurs jets successifs avec sensation de vidange
incomplète), soit en le réduisant en une rétention complète. Ce sont ces complications qui font tout le problème des
Dans tous les cas, l’exploration urodynamique met en évidence vessies neurogènes.
une hyperactivité du détrusor avec contractions désinhibées Diverticules, reflux vésicorénal, insuffisance rénale sont les
pendant la phase de remplissage. L’existence de contractions complications à prévenir qui grèvent le pronostic vital des
phasiques est plus en faveur d’une lésion médullaire ; la mise en vessies neurologiques. La rétention chronique, complète ou
évidence d’une unique contraction terminale de forte amplitude incomplète, est source d’infections urinaires à répétition avec un
(« réflexe mictionnel désinhibé ») plus en faveur d’une lésion risque de dissémination parenchymateuse (pyélonéphrite) dont
encéphalique. on connaît les conséquences éventuelles sur la fonction rénale.
L’apparition d’une fièvre chez le patient neurologique doit faire
Vessie périphérique réaliser un ECBU. De même, toute modification de la sympto-
matologie urinaire (apparition de mictions impérieuses ou
La neurovessie périphérique est secondaire à une lésion des d’urgenturies chez un patient jusqu’alors bien équilibré) ou tout
voies de conduction périphérique (lésion de la queue de cheval, changement dans le status neurologique (majoration brutale de
lésions plexiques ou radiculaires, lésions neuropathiques). Elle la spasticité) doit faire évoquer une infection urinaire et
s’exprime donc habituellement par une hypoactivité vésicale. conduire au traitement. A contrario, certains signes d’appel
Cliniquement, on note une dysurie avec ou sans rétention, une classiques ne sont pas forcément spécifiques (coloration ou
altération de la perception du besoin d’uriner et du passage odeur des urines) avec une valeur prédictive non clairement
urétral des urines et souvent des troubles anorectaux associés à établie. L’ECBU systématique n’a pas raison d’être avec le risque
type de dyschésie. Le bilan urodynamique retrouve une de traitement abusif (notamment chez les patients sous auto-
hypoactivité avec hypocontractilité et hypoesthésie détruso- sondages), conduisant à une résistance aux antibiotiques et une
rienne avec des pressions urétrales souvent basses. Mais une sélection des germes.
atteinte végétative associée, en déséquilibrant la balance Chez l’homme, le toucher rectal est systématique devant un
sympathique-parasympathique, peut totalement modifier ce syndrome infectieux à la recherche d’éléments de prostatite,
tableau en déterminant par exemple une hyperactivité détruso- devant alors conduire à un traitement antibiotique prolongé.
rienne (dénervation sympathique prédominante). C’est le cas de Une pathologie urogynécologique associée aux troubles
nombreuses neuropathies périphériques telles que le diabète par sphinctériens neurogènes doit savoir être recherchée. En effet, la
exemple. vessie neurologique vieillit et l’homme atteint d’une pathologie
neurologique est tout autant susceptible de souffrir d’une
Vessie mixte hypertrophie bénigne de la prostate qu’il importe de dépister.
Ces hypertrophies prostatiques peuvent d’ailleurs constituer un
Elle emprunte des éléments à la neurovessie centrale et à la diagnostic différentiel au cours de vessie neurogène de certaines
neurovessie périphérique. C’est par exemple le cas des lésions pathologies neurologiques de l’homme mûr telles que la
du cône terminal où l’on observe une hyperactivité du détrusor maladie de Parkinson. Parfois, le diagnostic en est très difficile
avec hypoesthésie vésicale, hypoesthésie périnéale et souvent et seul un traitement d’épreuve de l’obstruction prostatique (par
dyssynergie vésicosphinctérienne importante. le biais d’une prothèse endo-urétrale) permet de discriminer ce
qui revient à l’obstruction mécanique et ce qui est du ressort de
Classification pronostique l’hypoactivité neurogène.
Chez la femme, la carence hormonale à la ménopause, le
Cette classification est indispensable pour les décisions vieillissement de l’appareil vésicosphinctérien sont autant de
thérapeutiques et la fréquence des bilans récurrents. Ce sont les facteurs pouvant déterminer une incontinence urinaire à l’effort
EUD qui évaluent au mieux ce risque. dont les indications thérapeutiques seront difficiles, notamment

Neurologie 11
17-012-L-10 ¶ Vessies neurologiques

en ce qui concerne l’éventuel traitement chirurgical qui peut des dyschésies, voire une éventuelle hypertonie sphinctérienne
déstabiliser une vessie neurogène ou induire des complications au toucher rectal. Une hypotonie anale pouvant aller jusqu’à la
spécifiques (dysurie, rétention, hyperactivité vésicale) plus béance, une insuffisance de contraction du sphincter anal,
fréquentes, plus délétères ou plus compliquées à prendre en peuvent être la cause d’une incontinence fécale.
charge que dans la population générale. La défécographie permet une analyse dynamique de la
Il existe aussi des complications mécaniques urogynécologi- statique et de la dynamique anorectale lors de l’évacuation d’un
ques inhérentes à la vessie neurogène. C’est ainsi le cas des produit radio-opaque semi-solide préalablement injecté dans le
prolapsus des poussées abdominales chez la femme avec dysurie rectum. Elle permet la mesure de l’angle anorectal, d’une
avec le risque de cystocèle, de rectocèle, de prolapsus hémorroï- éventuelle rectocèle et d’un prolapsus interne du rectum induit
daires qu’il importera de prévenir en limitant les poussées par des efforts de poussées abdominales.
abdominales (traitement d’une dyssynergie, traitement d’une Le temps de transit des marqueurs radio-opaques permet de
dyschésie, mise sous autosondages...). chiffrer le temps de progression du bol alimentaire et, en cas de
Les autosondages posent aussi des problèmes spécifiques avec constipation, d’en déterminer le siège lors des contrôles
le risque de fausses routes urétrales avec urétrorragies, dévelop- radiologiques successifs.
pement d’urétrocèle, de sténoses. Le cancer de vessie est aussi La manométrie anorectale permet l’enregistrement des
plus fréquent dans cette population de patients autosondés. pressions dans le canal anal et dans le rectum, au repos et après
Pour toutes ces complications, l’endoscopie vésicale permet le stimulation. Au cours des dyschésies, elle permet de montrer
diagnostic et l’évaluation du risque. une anomalie du réflexe rectoanal inhibiteur (RRAI), une
hypertonie sphinctérienne avec ou sans ondes ultralentes, une
perte de la synergie anorectale (anisme) ou un trouble de la
■ Troubles associés aux vessies compliance rectale (mégarectum). Dans l’incontinence fécale,
elle peut révéler une cause rectale (microrectum, anomalie de la
neurogènes contractilité) ou anale (hypotonie de repos, défaut de contrac-
tion volontaire, diminution de la longueur fonctionnelle,
Troubles anorectaux neurogènes absence ou retard de la contraction réflexe striée lors du RRAI).
Au cours des affections neurologiques, la manométrie anorec-
En théorie, la multiplicité des centres régulateurs, activateurs tale permet de mieux appréhender les mécanismes physiopa-
ou inhibiteurs, l’importance des voies de conduction étagées thologiques des troubles anorectaux.
tout au long du névraxe expliquent la fréquence des troubles On retrouve ainsi des antagonismes anorectaux dans les spina
anorectaux dans la plupart des maladies du système nerveux. bifida avec ouvertures spontanées intermittentes de la partie
Cependant, ces troubles anorectaux (dyschésie, incontinence haute du canal anal synchrones des contractions rectales. Des
fécale) sont souvent au second plan par rapport aux troubles ondes ultralentes sont fréquentes au cours des scléroses en
vésicosphinctériens, avec qui ils partagent pourtant les mêmes plaques et dans certaines paraplégies traumatiques. Le RRAI
systèmes régulateurs et les mêmes mécanismes physiopatholo- persiste dans les lésions du cône terminal ou de la queue de
giques. Ceci est le fait, d’une part de l’absence de complications cheval, mais la relation linéaire du RRAI avec le volume de
organiques graves des troubles anorectaux qui contrairement distension disparaît au cours des lésions médullaires (traumati-
aux troubles urinaires ne grèvent pas le pronostic vital (insuffi- ques, sclérose en plaques) ou neurogènes périphériques. La
sance rénale, troubles infectieux divers des vessies neurologi- contraction réflexe d’urgence du sphincter anal lors du RRAI est
ques), d’autre part d’une physiologie différente. Ainsi, alors que abolie au cours des lésions médullaires suprasacrées.
la rétention d’urine est une urgence médicale en raison du
risque rapide de détrusor claqué, les effets de la dyschésie ou de
la constipation sont moins immédiats. De même, le défaut Troubles génitosexuels neurogènes
d’inhibition suprasacrée est immédiatement symptomatique sur Les troubles de l’érection, les difficultés à l’éjaculation, les
le versant vésicosphinctérien avec apparition d’une hyperacti- perturbations de l’orgasme, les altérations plus globales de la
vité vésicale responsable de mictions impérieuses avec fuites. Ce sexualité au sein du couple sont souvent rencontrés au cours de
n’est pas le cas le plus fréquent en matière de motricité l’évolution des maladies neurologiques. Leur relation exacte
anorectale, l’incontinence fécale étant plus tardive, voire avec la maladie neurologique ne peut pas toujours être claire-
absente en raison des plus grandes capacités de compliance du ment établie. Néanmoins, l’intervention des facteurs organiques
réservoir rectal, les fuites ne survenant en règle que lors de la est certaine, liée aux lésions neurologiques et peut-être dans
défaillance des systèmes sphinctériens strié et lisse. certains cas à un déséquilibre hormonal. Les facteurs psycholo-
Quoi qu’il en soit, le dépistage et le traitement des troubles giques, les conséquences du handicap sur la vie sexuelle ne
anorectaux au cours des vessies neurogènes sont indispensables peuvent cependant pas être négligés. Dans tous les cas, les
car, d’une part ils peuvent retentir sur la qualité de vie du troubles génitosexuels concourent, comme les troubles urinaires
patient et d’autre part, ils constituent une épine irritative et les troubles anorectaux, à perturber la qualité de vie des
importante pour les troubles urinaires. Bien souvent, la régula- patients neurologiques, justifiant une prise en charge spécifique.
risation d’une constipation, le traitement d’une incontinence Cette problématique génitosexuelle ne peut en aucun cas être
permettent d’améliorer, voire de supprimer les troubles ignorée, notamment dans la réflexion des choix thérapeutiques
urinaires. de la vessie neurogène.
L’examen clinique reste bien évidemment un des éléments
essentiels.
L’interrogatoire précise la symptomatologie : dyschésie avec
difficulté d’expulsion des selles (parfois aidée par la prise de
■ Troubles mictionnels révélateurs
suppositoire, voire évacuation au doigtier) ; constipation de d’une lésion neurologique
progression avec émission rare de selles ; incontinence fécale
(aux liquides, aux solides), incontinence aux gaz ; trouble Ils posent un problème spécifique.
sensitif rectal avec difficulté ou impossibilité de discriminer le Certains éléments sont évocateurs d’une étiologie neurogène :
contenu rectal (solide, liquide ou gaz) ; impériosité fécale avec l’association de troubles urinaires à des signes anorectaux et/ou
risque de fuite par défaut de recrutement strié d’urgence par génitosexuels, ces différentes fonctions ayant le même substra-
altération fonctionnelle du sphincter anal. L’existence de tum anatomophysiologique ; l’apparition brutale du trouble
saignements, d’émissions de glaires, de douleurs, doit toujours d’origine neurologique qui contraste avec l’apparition en règle
faire suspecter une étiologie digestive associée. progressive des troubles urologiques ; le caractère sans effort et
L’examen du périnée recherche un prolapsus éventuellement sans besoin des fuites si tant est qu’il n’existe pas de fistule ou
induit par les efforts répétés de poussées abdominales au cours d’abouchement urétéral ectopique ni d’antécédent récent de

12 Neurologie
Vessies neurologiques ¶ 17-012-L-10

chirurgie chez l’homme. Les mictions impérieuses avec ou sans poussées abdominales) ne sont actuellement plus guère utilisés,
incontinence ne sont pas forcément en rapport avec une les autosondages ayant remplacé ces modalités mictionnelles
étiologie neurologique même si nombre d’affections neurologi- risquées.
ques centrales suprasacrées, médullaires ou encéphaliques,
s’accompagnent souvent de tels symptômes, car elles peuvent Différentes complications de la vessie du blessé
s’observer au cours des syndromes obstructifs. La dysurie médullaire
« urologique » s’exprime par un jet faible mais continu, alors
que la miction du neurologique dysurique s’effectue avec un L’insuffisance rénale est la complication principale qui peut
bon débit mais avec plusieurs jets successifs involontairement altérer le pronostic vital [29]. Sa prévention est essentielle par
stoppés. Le caractère indolore d’une rétention urinaire est une prise en charge de la vessie neurologique avec obtention
hautement évocatrice d’une lésion neurologique de même que d’une vessie à basse pression et une vidange périodique et sans
la diminution ou l’abolition de la perception du passage urétral hypertonie de celle-ci. La surveillance biologique repose sur la
des urines. mesure de la clairance de la créatinine sur les urines de 24 heu-
res (pouvant poser des problèmes en cas de fuites importantes,
notamment chez la femme) et/ou la mesure de la clairance du
■ Différentes pathologies 99
Tc par scintigraphie rénale (un peu lourde à utiliser dans le
suivi systématique) et non pas sur le calcul simplifié de la
clairance de la créatinine à partir de la créatininémie selon la
Vessie neurogène du blessé médullaire formule de Cockroft [30]. La constatation d’une protéinurie est
un signe de gravité de l’atteinte rénale. La proportion de
Les troubles urinaires sont quasi constants chez les blessés patients médullaires (tous niveaux de lésions confondus) en
médullaires [27, 28]. Ils nécessitent toujours un bilan et un suivi dialyse est estimée entre 3,5 et 7,5 % [29]. L’influence du niveau
spécialisés en raison des complications uronéphrologiques lésionnel sur la survenue de lésions rénales est discutée, mais il
grevant le pronostic vital. En effet, les causes génito-urinaires semble que les lésions du haut appareil soient plus fréquentes
sont au premier plan des causes de décès chez le paraplégique. chez les patients tétraplégiques que chez les patients
Plusieurs éléments pronostiques sont à prendre en considéra- paraplégiques.
tion : le sexe féminin est classiquement un facteur de meilleur La prévalence de la lithiase vésicale est très variable dans la
pronostic que le sexe masculin, de même que l’âge jeune de littérature [31-33] . Elle dépend du mode mictionnel et des
survenue des lésions neurologiques ; le niveau d’atteinte antécédents. Les patients les plus à risque de lithiase sont ceux
neurologique, avec une réduction de l’espérance de vie nette- en cathétérisme permanent (sonde à demeure ou cathéter sus-
ment plus importante chez les patients tétraplégiques par pubien). L’examen de référence dans le cadre du diagnostic des
rapport aux patients paraplégiques. lithiases de l’appareil urinaire est le scanner spiralé sans
injection. Son interprétation, éventuellement en s’aidant d’une
Différents tableaux cliniques et urodynamiques injection, est souvent plus aisée que les images indirectes de
l’urographie intraveineuse, ou que l’échographie, rendues
Après la phase de choc spinal où la vessie est flasque, encore plus difficiles dans leur analyse du fait du météorisme
aréactive, le tableau clinique et urodynamique va dépendre du abdominal fréquent chez ces patients. Le mode mictionnel a
niveau lésionnel, du caractère complet ou incomplet des lésions une influence sur la survenue de lithiases, non seulement du
et des complications urologiques éventuelles. bas mais aussi du haut appareil : le taux de lithiases passe de
Dans le cadre des lésions suprasacrées, la vessie est en règle 1,5 % chez les patients urinant sans cathétérisme à 3 % chez les
hyperactive avec un train de contractions phasiques, souvent en patients ayant un cathétérisme permanent.
plateau, associé à un trouble du besoin (parfois remplacé par un Les infections posent un problème fréquent chez le blessé
équivalent végétatif à type de frissons, céphalée, horripilation, médullaire [34-39].
pesanteur diffuse, contracture) et à une dyssynergie vésico- La présence de germes dans les urines est d’une très grande
sphinctérienne. Il existe parfois un trouble de compliance. Le fréquence au cours des vessies neurologiques. Chez les patients
patient est habituellement rétentionniste du fait de cette ayant un cathétérisme permanent, elle est ainsi de 100 % après
dyssynergie (souvent dyssynergie striée et lisse associée) avec 1 mois. Dans la population générale, la bactériurie est définie
parfois des fuites incontrôlées secondaires à l’hyperactivité par une concentration de germes > 105 colonies formant unité
détrusorienne avec hyperpression lors des contractions dépas- (CFU) par ml. Chez les patients neurologiques, cette concentra-
sant les résistances urétrales. Le régime de pression intravésicale tion est différente suivant le mode mictionnel. On parle de
déterminé par les EUD est un des éléments clés du pronostic, les bactériurie chez les patients sous cathétérisme intermittent à
patients ayant des pics d’hyperpression vésicale à plus de 40 cm partir de concentration de germes >10 2 CFU/ml, pour les
d’eau mettant en danger leur haut appareil urinaire à moyen patients utilisant des étuis péniens à partir de concentrations de
terme. L’existence d’une diminution de la compliance, d’une germes >104 CFU/ml. C’est dire que l’utilisation des bandelettes
dyssynergie vésicosphinctérienne (chez des patients n’utilisant urinaires ne peut être recommandée chez les patients neuro-
pas de cathétérisme) sont également des facteurs de dégradation urologiques, puisque cette technique a été validée pour avoir
du haut appareil urinaire. La dyssynergie vésicosphinctérienne une bonne sensibilité et spécificité pour la détection de germes
est également un facteur de dégradation du bas appareil urinaire à une concentration de 105/ml.
chez les patients urinant par percussion ou par poussées. Dans tous les cas, les patients urinant par poussée abdomi-
Une des caractéristiques du comportement détrusorien des nale ou par percussion sont à haut risque de développer des
lésions médullaires est l’hyperréflexie : la stimulation (par complications urologiques (lithiase vésicale, bactériurie, insuffi-
exemple par percussion sus-pubienne) d’une vessie stable sance rénale).
détermine des contractions réflexes du détrusor (qui peuvent
aussi être induites par d’autres stimuli tels que la stimulation
des muqueuses vésicale ou du col, ou rectoanale). Ces percus- Troubles vésicosphinctériens de la sclérose
sions peuvent aussi « éteindre » quelque peu l’activité striée et en plaques
permettre une miction. Mais celle-ci reste par essence dyssyner-
gique avec des à-coups hyperpressifs (du détrusor) et des Les troubles vésicosphinctériens sont d’une extrême fré-
élévations intermittentes des pressions cervico-urétrales (dyssy- quence au cours de la sclérose en plaques, atteignant près de
nergie) conduisant à une miction réflexe fractionnée avec 80 % des patients [40-50]. Révélateurs de la maladie dans 6 % des
régime de pression trop élevé et longtemps soutenu pouvant cas, ils engagent toujours le pronostic fonctionnel et majorent
induire des complications. C’est dire que ces modes mictionnels le handicap social et/ou psychologique déjà souvent important.
(percussions sus-pubiennes, et a fortiori méthode de Crédé, Plus rarement, le pronostic vital est en jeu en raison du risque

Neurologie 13
17-012-L-10 ¶ Vessies neurologiques

Tableau 4.
Troubles urinaires dans la sclérose en plaques : résultats cliniques de 11 études.
Nombre de % avec % avec pollakiurie % avec % avec dysurie % avec rétention
patients impériosité incontinence-
impériosité
Sachs (1921) 57 31 37 49
Langworthy (1938) 97 54 33 34 40
Carter (1950) 36 24 17 50 17
Miller (1965) 231 60 50 36 33 2
Bradley (1973) 90 86 60 28 20
Philp (1981) 52 61 59 47
Goldstein (1983) 86 32 32 49
Awad (1984) 47 85 65 72 36
Gonor (1985) 64 70 48 56 30
Betts (1993) 170 85 82 63 49 34
Amarenco (1995) 225 73 42 63 46 24

potentiel de dégradation uronéphrologique [51, 52]. La compré- la symptomatologie : impériosité et pollakiurie se retrouvent
hension de leur mécanisme physiopathologique repose sur les dans 60 à 80 % des cas, l’incontinence par impériosité dans 50
EUD qui permettent, dans la majorité des cas, l’instauration à 70 %. Ces signes sont le plus souvent secondaires à une vessie
d’un traitement spécifique efficace améliorant ainsi la qualité de hyperactive. Les fuites sont le plus souvent le fait d’une vessie
vie des patients [53]. hyperactive (75 % et même 85 % s’il s’agit de fuites par
impériosité). Cette hyperactivité vésicale rend compte de la
Épidémiologie des troubles urinaires de la sclérose suppression des influx inhibiteurs sur le détrusor par lésion des
en plaques voies de conduction inhibitrice médullaire ou par atteinte des
centres corticaux inhibiteurs. Mictions impérieuses, fuites par
La fréquence estimée est de 50 à 80 %. Cette fréquence impériosité et pollakiurie sont corrélées à l’existence d’un déficit
augmente avec la durée d’évolution. pyramidal des membres inférieurs et aux scores d’atteinte
Six pour cent des scléroses en plaques sont inaugurés par des pyramidale et sensitive de l’échelle de Kurtzke. Il est bien
troubles vésicosphinctériens, ces derniers posant alors des difficile d’établir des corrélations entre le tableau clinique
problèmes diagnostiques, la difficulté étant de rattacher ces neurologique, le type de troubles urinaires et le comportement
troubles à la maladie et de ne pas les attribuer à tort à des vésicosphinctérien lors du bilan urodynamique. En effet, le
affections non neurologiques (incontinence à l’effort chez la signe prédominant est la symptomatologie « irritative » (miction
femme, maladies prostatiques chez l’homme). Les explorations impérieuse avec ou sans fuite, pollakiurie), signes s’observant
urodynamiques et neurophysiologiques du périnée apportent aussi bien en cas d’atteinte pyramidale, que d’atteinte cérébel-
dans ces cas des arguments majeurs en faveur d’une maladie leuse, sensitive ou des nerfs crâniens. De plus, au cours de
neurologique. Ainsi l’existence d’une vessie hyperactive avec l’évolution de la sclérose en plaques, alors que la formule
dyssynergie vésicosphinctérienne, la coexistence d’une instabi- sémiologique neurologique se modifie au cours des poussées
lité vésicale avec un trouble du besoin, la perturbation des successives (apparition ou disparition des différents signes
potentiels évoqués corticaux du nerf honteux interne, l’aug- sensitifs, pyramidaux, cérébelleux), les signes urinaires sont
mentation de la latence du réflexe bulbocaverneux, la persis- remarquablement constants, ne changeant dans notre série de
tance du réflexe sacré permictionnel, sont autant d’arguments type que dans 16 % des cas. Il semble ainsi illusoire d’établir
en faveur d’une vessie neurogène. Le plus souvent les troubles une relation entre un tableau clinique donné souvent chan-
vésicosphinctériens surviennent au cours d’une sclérose en geant et un type de comportement vésicosphinctérien le plus
plaques connue, tout le problème étant alors d’en apprécier le souvent stable. La dysurie et la rétention sont moins fréquentes.
mécanisme physiopathologique par l’interrogatoire, l’examen Elles sont isolées dans 22 % des cas. Elles sont rarement le fait
clinique et les EUD afin d’en assurer un traitement efficace. Ce d’une hypoactivité vésicale (20 %), mais le plus souvent
dernier est d’autant plus indispensable que les troubles urinaires associées à une dyssynergie vésicosphinctérienne (100 %) par
majorent le handicap social ou psychologique souvent déjà interruption des faisceaux médullaires de coordination (le centre
important, altérant ainsi la qualité de vie des patients. Il est de la synergie étant situé dans la protubérance). Ces divers
enfin des cas où les troubles vésicosphinctériens surviennent signes peuvent être associés entre eux et s’accompagner de
dans un tableau neurologique non étiqueté. Leur analyse troubles anorectaux (dyschésie, incontinence fécale) et génito-
clinique, urodynamique et neurophysiologique peut alors sexuels (hypoérection, troubles de l’éjaculation, hypo-orgasmie)
apporter des éléments en faveur du diagnostic. en raison de la proximité anatomique des centres de contrôle
neurologique de ces différentes fonctions.
Typologie clinique des troubles urinaires
de la sclérose en plaques Typologie urodynamique
Les troubles vésicosphinctériens au cours de la sclérose en Les EUD permettent de préciser le mécanisme physiopatho-
plaques sont d’un extrême polymorphisme (Tableau 4). Ce logique des troubles et les choix thérapeutiques (Tableau 5). La
polymorphisme est le fait du caractère multifocal des lésions de cystomanométrie met le plus souvent en évidence (50 à 80 %
démyélinisation, de l’évolution par poussées successives (du des cas) une hyperactivité vésicale, la vessie n’étant hypoactive
moins au début, les troubles mictionnels évoluant souvent que dans 21 % des observations. Cette hyperactivité vésicale est
ensuite pour leur propre compte), de l’existence conjointe ou souvent corrélée à l’existence d’un syndrome pyramidal bilaté-
secondaire d’une atteinte urologique, et enfin de l’existence ral, bien qu’une hypoactivité vésicale ait été décrite dans la
possible d’« épines irritatives » (escarres, fécalome, lithiase moitié des scléroses en plaques avec syndrome pyramidal faisant
vésicale ou rénale) susceptible de modifier en théorie le com- discuter une possible aréflexie détrusorienne secondaire à une
portement vésicosphinctérien. Les troubles urinaires sont dyssynergie vésicosphinctérienne. Les EUD demeurent indis-
d’autant plus prononcés que le syndrome pyramidal des pensables pour la compréhension des mécanismes des troubles
membres inférieurs est important. Les signes irritatifs dominent urinaires : l’interrogatoire et l’examen clinique ne suffisent pas

14 Neurologie
Vessies neurologiques ¶ 17-012-L-10

Tableau 5.
Troubles urinaires dans la sclérose en plaques : résultats des explorations urodynamiques de 18 études.
Nombre de patients Hyperactivité vésicale % Hypoactivité vésicale % Activité vésicale
normale %
Bradley (1973) 99 59 40 -
Anderson (1976) 52 63 33 -
Bradley (1978) 302 62 34 4
Summers (1978) 50 52 12 18
Schoenburg (1979) 39 69 5 15
Piazza (1979) 31 74 6 9
Blaivas (1979) 41 56 40 4
Philp (1981) 52 99 0 1
Goldstein (1982) 86 76 19 5
Van Poppel (1983) 160 66 24 10
Awad (1984) 57 66 21 12
Hassouna (1984) 37 70 18 11
Petersen (1984) 88 83 16 1
McGuire (1984) 46 72 28 -
Gonor (1985) 64 78 20 2
Weinstein (1988) 91 70 16 12
Betts (1993) 70 91 0 9
Amarenco (1995) 225 70 9 21

pour déterminer les modalités de la prise en charge. En effet, si confort du patient doit toujours être privilégié dans la discus-
la sensibilité des données cliniques est bonne (82 %), leur sion et la stratégie thérapeutique à court, moyen et long terme
spécificité (58 %) est insuffisante pour envisager d’entreprendre des neurovessies des scléroses en plaques.
« à l’aveugle », sans vérification cystomanométrique, un traite-
ment anticholinergique pour une hyperactivité vésicale suppo- Troubles vésicosphinctériens de la maladie
sée. L’étude des pressions urétrales n’apporte aucun élément
diagnostique, physiopathologique ou pronostique. En revanche, de Parkinson
l’étude de la synergie vésicosphinctérienne est fondamentale. Les troubles vésicosphinctériens sont fréquents au cours de la
Une dyssynergie est mise en évidence dans 50 à 80 % des maladie de Parkinson [54-56]. Parfois révélateurs de la maladie
vessies hyperactives et dans 100 % des cas de dysurie-rétention. neurologique, ils posent toujours un problème diagnostique car
Cette dyssynergie dont la présence est bien corrélée à l’existence ils surviennent à un âge où s’observent diverses pathologies
d’une spasticité périnéale et/ou d’un signe de Babinski constitue urologiques ou urogynécologiques (adénome de la prostate chez
un facteur de risque potentiel de dégradation vésicale, voire du l’homme, carence hormonale et cervicocystoptôse chez la
haut appareil. Elle représente en effet, en théorie, un obstacle femme). Ces pathologies purement mécaniques peuvent selon
fonctionnel lors de la miction, la non- ou mauvaise ouverture les cas être confondues ou intriquées avec le dysfonctionnement
du sphincter strié pouvant induire un reflux vésicorénal, une vésical neurogène. La prise en charge thérapeutique des troubles
hypertrophie de la paroi vésicale avec apparition de diverticules, urinaires est le plus souvent souhaitable, non pas tant en raison
un résidu postmictionnel, source d’infections hautes ou basses. de leur faible risque de retentissement infectieux ou uronéph-
Il n’existe cependant pas de corrélation statistiquement signifi- rologique, qu’en raison de la majoration du handicap fonction-
cative entre l’existence d’une dyssynergie vésicosphinctérienne nel que ces troubles induisent toujours. Diagnostic et traitement
et la présence d’une complication grave (urétérohydronéphrose, reposent sur une analyse sémiologique clinique mais aussi sur
reflux vésicorénal, pyélonéphrite, lithiase). Il n’existe pas non les données des explorations paracliniques, urodynamiques et
plus de corrélations entre ces complications et le type d’activité les investigations neurophysiologiques notamment.
vésicale (hyper-, normo- ou hypoactivité). La fréquence des
complications est discutée (de 1 % à 40 %) ; certes 24 % sont Données cliniques
bénignes (infections urinaires à répétition, diverticules et
épaississements du détrusor) mais 16 % sont graves, pouvant Les troubles urinaires observés au cours de la maladie de
alors engager le pronostic vital, telles que des pyélonéphrites Parkinson sont très polymorphes. De début volontiers insidieux,
(11 %), des reflux vésicorénaux (3 %) et des dilatations du haut parfois révélateurs de la maladie neurologique, ils évoluent en
appareil (2 %). L’insuffisance rénale semble en revanche règle d’un seul tenant. Les urgences mictionnelles avec faible
exceptionnelle contrairement à ce que l’on observe au cours de délai de sécurité et les fuites par impériosité sont les signes les
l’évolution des paraplégies traumatiques. Il est probable qu’au plus fréquemment rencontrés. Ils sont aussi les plus contrai-
cours de ces dernières, l’évolution, en règle plus longue, des gnants fonctionnellement et en termes de qualité de vie, surtout
signes urinaires puisse favoriser la dégradation vésicorénale. chez des sujets où la mobilité est souvent entravée par le
Le traitement des troubles vésicosphinctériens de la sclérose syndrome extrapyramidal, les empêchant ainsi de souscrire
en plaques répond à une double problématique : assurer le rapidement aux envies pressantes d’uriner. La pollakiurie et
confort du patient en évitant des symptômes altérant significa- l’énurésie nocturne sont souvent associées. Tous ces troubles
tivement la qualité de vie tels que l’incontinence urinaire, témoignent en règle d’une hyperactivité vésicale par défaut
l’impériosité mictionnelle ou la pollakiurie ; préserver l’avenir d’inhibition et libération trop précoce et involontaire du réflexe
uronéphrologique en assurant un drainage vésical correct et un mictionnel. La dysurie avec nécessité de poussées abdominales
régime à basse pression dans l’intervalle des mictions ou des pour vidanger la vessie, voire la rétention chronique, sont plus
drainages. En fait, ce dernier point, s’il est au premier rang des rares. Elles ne sont d’ailleurs pas systématiquement signalées par
préoccupations au cours du management des vessies neurologi- le patient car en règle peu gênantes sur le plan fonctionnel, ce
ques des blessés médullaires, mérite d’être nuancé dans le cadre qui explique qu’elles soient souvent découvertes au cours d’un
de la sclérose en plaques, cette dernière ne déterminant que examen systématique ou fortuitement. Ces signes sont le fait,
rarement des altérations vésicales ou rénales. C’est dire que le soit d’une hypocontractilité vésicale (« akinésie » du détrusor),

Neurologie 15
17-012-L-10 ¶ Vessies neurologiques

soit d’une hypertonie sphinctérienne, notamment dans le cadre Tableau 6.


d’une dyssynergie vésicosphinctérienne avec contraction Typologie clinique des troubles urinaires au cours des accidents
inappropriée du sphincter strié urétral pendant la contraction vasculaires cérébraux.
détrusorienne mictionnelle. Mais ces symptômes sont loin d’être Incontinence Dysurie et/ou Mixtes
spécifiques de la maladie de Parkinson et même d’une atteinte et/ou pollakiurie rétention
neurogène. Ils peuvent être le fait d’une atteinte urologique
Perrigot et al. (1977) 20 9 6
obstructive chez l’homme (adénome de la prostate), tant en ce
qui concerne les signes irritatifs (mictions impérieuses des Khan et al. (1981) 16 _ 4
vessies luttant au-dessus de l’obstacle prostatique), que la Thiry et al. (1983) 31 7 0
dysurie ou la rétention (obstruction sous-cervicale). Chez la Tsuchida et al. (1983) 26 7 6
femme, ils peuvent aussi être confondus avec le syndrome Pelissier et al. (1985) 31 7 _
postménopausique (insuffisance sphinctérienne, défaut de Codine et al. (1988) 61 15 _
compliance urétrale) pouvant être à l’origine de fuites urinaires. Burney et al. (1996) 32 28 _
L’examen clinique est en règle peu contributif.
Sakakibara et al. (1996) 18 5 15
203 (71 %) 50 (18 %) 31 (11 %)
Données paracliniques
L’exploration urodynamique n’est pas spécifique. Elle va en
revanche mettre en évidence le mécanisme des troubles. du besoin d’uriner, de la perception du passage urétral des
Souvent il est nécessaire d’effectuer des examens pour éliminer urines, rendant compte d’une neurovessie périphérique hypoac-
une étiologie urologique associée ou prédominante. Ainsi tive, hypoesthésique, hypocontractile. Une rétention incomplète
l’étude pression-débit lors du bilan urodynamique permettra avec résidu postmictionnel est fréquente dans ce tableau. Mais
d’obtenir des arguments en faveur d’une obstruction, la cysto- parfois, l’atteinte végétative et tout particulièrement la dénerva-
scopie mettra en évidence un obstacle suggéré par l’échogra- tion sympathique modifie cette typologie, déterminant un
phie. Parfois, seul un test thérapeutique (mise en place d’une syndrome clinique d’hyperactivité vésicale (pollakiurie, impé-
prothèse endo-urétrale) permettra le diagnostic. L’électromyo- riosité, fuites sur urgence) avec, sur le plan urodynamique, une
graphie de détection effectuée sur un ou plusieurs des muscles hyperactivité du détrusor. Les tests cardiovasculaires de la
du plancher périnéal (bulbocaverneux, sphincter strié urétral ou fonction autonome sont souvent perturbés (tilt test, étude de la
anal, ischiocaverneux, transverse) permet de mettre en évidence variabilité de l’espace R-R au cours du Valsalva, du cold pressor
des anomalies de type neurogène périphérique. Ces anomalies test, du hand grip test, de la respiration ample dirigée. Le
sont en règle absentes dans la maladie de Parkinson mais traitement est dicté par la survenue de complications (infections
s’observent à l’inverse dans les atrophies multisystématisées. urinaires récurrentes essentiellement, fuites par regorgement,
pollakiurie secondaire à une rétention incomplète chronique). Il
repose avant tout sur la pratique des autosondages.
Troubles vésicosphinctériens
des neuropathies périphériques Troubles vésicosphinctériens des accidents
La systématisation, à l’étage sacré, des fonctions vésico-
vasculaires cérébraux
sphinctériennes explique la fréquence des troubles urinaires au Ils sont fréquemment rencontrés (20 à 60 %) [57-64] . Si
cours des syndromes de la queue de cheval. Si ces troubles ont été certaines localisations déterminent des tableaux en règle
largement décrits à la phase aiguë de l’atteinte neurologique stéréotypés (rétention des lésions protubérantielles ou du
(dysurie ou rétention urinaire par vessie paralytique acontrac- cervelet, incontinence des atteintes frontales ou thalamiques),
tile), leur évolution à long terme est mal connue et aucun souvent, en raison de la dualité de fonction de nombreux
travail n’a été ainsi publié sur leur évolution clinique et centres encéphaliques du contrôle mictionnel, la symptomato-
urodynamique. Ils engagent pourtant toujours le pronostic logie clinique est imprévisible. La tenue d’un catalogue mic-
fonctionnel et majorent le handicap social et/ou psychologique tionnel, l’exclusion par l’examen clinique de tout problème
déjà souvent important en raison du déficit sensitivomoteur des urologique associé (palpation de la prostate chez l’homme,
membres inférieurs. Exceptionnellement, ils peuvent engager le examen urogynécologique chez la femme), l’élimination de
pronostic vital, en raison du risque potentiel mais rare de toute pathologie iatrogène (prise d’anticalciques, de tricycliques,
dégradation uronéphrologique. Ceci procède en fait non pas de parasympathycolytiques), et enfin la réalisation d’examens
d’une lésion de type queue de cheval stricto sensu mais d’une complémentaires (bilan urodynamique notamment) permettent
lésion du cône terminal. C’est dire l’importance des EUD qui de cerner le mécanisme physiopathologique exact des troubles
permettent de dépister dans ces cas non pas une hypoactivité vésicosphinctériens et de proposer un traitement adapté
avec hypocontractilité et hypoesthésie détrusorienne mais une (drainage, parasympathomimétiques, alphabloquants en cas de
hyperactivité détrusorienne. La surveillance des vessies des rétention, anticholinergiques en cas d’incontinence). Ailleurs,
syndromes de la queue de cheval est ainsi indispensable avec un trouble du comportement mictionnel nécessite une repro-
des EUD en condition standard et sensibilisatrice (test à l’eau grammation psychomotrice et comportementale longue mais
glacée) tous les 6 mois pendant au moins 3 ans, pour ne pas souvent couronnée de succès.
méconnaître l’apparition à bas bruit d’une hyperactivité
détrusorienne « silencieuse » masquée par le trouble sensitif Symptomatologie clinique des troubles urinaires
(hypoesthésie vésicale avec perte du besoin) et non exprimée
au cours des accidents vasculaires cérébraux
(par une pollakiurie ou des fuites) en raison d’une rétention
induite par une dyssynergie. Les explorations électrophysiologi- L’incidence des troubles vésicosphinctériens (TVS) varie entre
ques périnéales confirment l’étiologie neurogène et son siège à 20 et 60 % avec un taux voisin de 50 % lors de l’admission des
l’étage sacré. Dans la majorité des cas, le traitement repose sur patients dans les services de neurologie. La typologie clinique
la pratique des autosondages, améliorant la qualité de vie des est dominée par les signes irritatifs (pollakiurie avec ou sans
patients et évitant les complications infectieuses. incontinence) secondaires à une désinhibition du réflexe
Les troubles urinaires des neuropathies périphériques sont mictionnel par interruption des influx corticaux inhibiteurs [59,
fréquents. Ils s’observent ainsi au cours des neuropathies 60] (Tableau 6). Mais l’incidence de la rétention d’urine (par

diabétiques ou alcooliques. lésion des centres activateurs corticaux, protubérantiel et


L’atteinte est loin d’être à prédominance somatique, avec cérébelleux) ou des troubles urinaires mixtes est assez élevée
ainsi une participation végétative importante. L’expression (30 %) lorsque les troubles sont analysés de manière
clinique est souvent une dysurie avec altération de la perception systématique.

16 Neurologie
Vessies neurologiques ¶ 17-012-L-10

Tableau 7.
Typologie urodynamique des troubles urinaires au cours des accidents vasculaires cérébraux.
Activité du détrusor Nombre de sujets Hyperactivité (%) Normoactivité (%) Hypoactivité (%)
Perrigot et al. (1977) 26 61 6 4
Khan et al. (1981) 20 95 5 -
Tsuchida et al. (1983) 24 89 8 4
Thiry et al. (1983) 32 63 27
Pelissier et al. (1985) 32 72 16 12
Codine et al. (1988) 76 68 13 18
Gelber et al. (1993) 19 42 37 21
Burney et al. (1996) 60 52 35 13
Sakakibara et al. (1996) 22 68 - 13

La tenue d’un catalogue mictionnel par l’équipe soignante Troubles vésicosphinctériens des autres
(mesure du volume uriné et du volume résiduel par sondage ou
mieux par échographie), l’exclusion par l’examen clinique de
affections neurologiques
tout problème urologique associé (palpation de la prostate chez
Les troubles vésicosphinctériens sont connus au cours des
l’homme, examen urogynécologique chez la femme), l’élimina-
dysautonomies, y compris au cours de la pandysautonomie aiguë
tion de toute pathologie iatrogène (prise d’anticalciques, de
pure ou syndrome de Young et Adams. Ce sont le plus souvent
tricycliques, de parasympathycolytiques) ou d’une infection
des dysuries ou rétention. L’association de signes cardiovascu-
urinaire sont systématiques. Enfin, la constatation de troubles
laires (tensionnels et rythmiques) et de signes ophtalmologiques
urinaires au cours de la phase aiguë des AVC constituerait un
(xérophtalmie) à une dysurie de survenue brutale évoque
facteur de mauvais pronostic de l’hémiplégie vasculaire.
d’emblée une atteinte du système nerveux autonome.
Les troubles vésicosphinctériens et anorectaux sont rarement
Examens rapportés au cours des pathologies musculaires. Peu fréquents,
À la phase aiguë de l’AVC, le dépistage d’une rétention probablement le plus souvent non spécifiques en raison du
chronique par échographies postmictionnelles répétées est support principalement végétatif et non somatique strié de la
indispensable en raison des risques encourus, tant infectieux continence anale et urinaire, ils demeurent pourtant une source
(par mauvaise vidange vésicale) que mécaniques (dégradation de de préoccupation car ils sont susceptibles de majorer le handi-
la contractilité vésicale, source potentielle d’incontinence ou de cap général de ces pathologies et d’altérer ainsi la qualité de vie
dysurie résiduelle). des patients atteints de pathologie musculaire [65-67]. Trois types
Le bilan urodynamique permet de préciser le mécanisme de pathologies ont fait l’objet d’études spécifiques : la dystro-
physiopathologique du trouble urinaire [64]. La cystomanométrie phie myotonique (essentiellement sur l’aspect incontinence
retrouve souvent, en cas de fuites, une hyperactivité détruso- anale) ; la dystrophie musculaire de Duchenne ; la myopathie
rienne (Tableau 7). L’hypoactivité vésicale est parfois responsa- héréditaire du sphincter anal.
ble d’une dysurie, de même que les exceptionnelles dyssynergies La myopathie de Duchenne a fait l’objet de très rares travaux.
vésicosphinctériennes. Les pressions urétrales sont variables. Le plus complet est celui de Caress portant sur sept patients
Un bilan urologique spécifique (cystoscopie, échographie explorés cliniquement et au moyen d’une investigation urody-
prostatique) est parfois nécessaire lors de la suspicion d’une namique et électrophysiologique [66]. La symptomatologie était
obstruction mécanique associée. caractérisée par une incontinence urinaire rapportée par la
cystomanométrie à une hyperactivité vésicale avec contractions
non inhibées du détrusor associée à une dyssynergie vésico-
Traitement des troubles urinaires des accidents
sphinctérienne. Ces éléments sont pathognomoniques d’une
vasculaires cérébraux atteinte médullaire conduisant les auteurs à justement conclure
L’hyperactivité vésicale est traitée par les anticholinergiques que les troubles urinaires observés au cours des myopathies de
en surveillant par bladder-scan l’apparition ou la majoration Duchenne ne sont pas spécifiques et s’intègrent dans les lésions
d’un résidu postmictionnel. Leur utilisation doit être aussi rachidiennes (scoliose, compression médullaire), ce d’autant que
prudente, voire contre-indiquée, en cas de troubles du rythme l’électromyographie sphinctérienne ne retrouve aucun signe
cardiaques. La desmopressine, en diminuant la diurèse, permet myogène.
d’améliorer la pollakiurie et l’énurésie nocturnes. La rééducation La dystrophie myotonique a été beaucoup plus largement
périnéosphinctérienne peut être proposée en cas de troubles étudiée [68, 69].
résiduels. L’atteinte du sphincter strié anal a été mise en évidence dans
Le traitement de la dysurie et de la rétention repose avant plusieurs études, tant sur le plan manométrique qu’électromyo-
tout sur les hétérosondages. La mise en place d’une prothèse graphique. Cliniquement, l’incontinence anale est le signe
endo-urétrale peut se discuter chez l’homme. Dans tous les cas, principal. D’autres symptômes sont décrits tels que douleurs
les éléments de surveillance doivent être mis en place. Le abdominales, diarrhée chronique, constipation par mégacôlon.
catalogue mictionnel permet de chiffrer la fréquence des La manométrie anorectale retrouve une baisse des pressions de
mictions et des fuites. Il aide à la prise de conscience du trouble repos, une diminution de la contraction volontaire, une
et permet de surveiller l’efficacité d’un traitement. La mesure du diminution de la durée et de l’amplitude du réflexe rectoanal
résidu et de la diurèse permet de déterminer les doses de inhibiteur. Les symptômes urinaires sont beaucoup plus rare-
médicaments ou la fréquence des drainages (auto- ou hétéro- ment rapportés, mais un interrogatoire systématique retrouve
sondages) en sachant qu’un minimum de trois évacuations une prévalence de 33 %, mais sur une faible série (2/6). La
complètes par jour sont nécessaires et que le volume vésical ne typologie urodynamique n’a pas de spécificité avec, pour un
doit pas excéder 700 ml en raison des risques de vessie forcée. patient, une acontractilité vésicale, et pour l’autre, une hyperac-
L’échographie vésicale postmictionnelle permet de vérifier la tivité détrusorienne. L’analyse électromyographique ne met en
présence ou l’absence de résidu spontané ou apparaissant sous évidence que des potentiels polyphasiques alors que les pertur-
imprégnation parasympathycolytique. L’évolution (spontanée et bations du réflexe bulbocaverneux vont dans le sens d’une
parfois sans traitement) est souvent favorable. diminution.

Neurologie 17
17-012-L-10 ¶ Vessies neurologiques

D’une manière générale, l’existence d’une dysautonomie reste détrusoriennes anarchiques, et partant, de guérir les inconti-
très discutée. L’étude de l’intervalle R-R ne permet de retrouver nences urinaires rebelles aux traitements usuels (anticholinergi-
qu’une très minime atteinte parasympathique. Aucune modifi- ques). L’injection intradétrusorienne se fait sous contrôle
cation des dosages de noradrénaline n’a été constatée, de même cystoscopique et une anesthésie locale est donc nécessaire. Trois
qu’une variabilité positionnelle de la pression artérielle, ampoules de 100 unités Botox® sont injectées en une session.
éliminant ainsi une atteinte sympathique. L’atteinte urinaire et L’efficacité est souvent spectaculaire avec disparition des fuites
gastro-intestinale ainsi observée au cours des dystrophies urinaires, des urgences, de la fréquence mictionnelle. Mais
myotoniques serait donc plus myogène que secondaire à une rançon de cette efficacité, l’injection de toxine botulique induit
dysautonomie associée. une véritable paralysie (certes transitoire mais souvent totale de
La myopathie héréditaire du sphincter anal est une entité la vessie) nécessitant le recours aux autosondages. La durée
rare [70]. Elle peut déterminer des douleurs périnéales (proctalgie d’action de la toxine dans le détrusor est d’environ 7 à 10 mois.
fugace familiale) et une constipation. La manométrie anorectale Ces injections constituent désormais une alternative médicale-
peut mettre en évidence des ondes ultralentes. La biopsie ment efficace, psychologiquement plus adéquate et économi-
musculaire confirme l’atteinte myogène. quement plus rationnelle que les interventions chirurgicales de
type entérocystoplastie d’agrandissement, voire neuromodula-
tion des racines sacrées. La neuromodulation directe des racines
sacrées ou par électrostimulation périphérique d’un afférent

■ Traitements des vessies sensitif (nerfs périnéaux, nerf sciatique poplité interne) est en
effet également une technique de choix dans un certain nombre
neurologiques d’hyperactivités rebelles. Son mode d’action reste hypothétique,
mais la modulation du réflexe mictionnel par une stimulation
des afférents périphériques est probable.
Traitements de l’hyperactivité vésicale
L’hyperactivité vésicale va le plus souvent déterminer une
symptomatologie « irritative » dominée par les fuites sur urgence Traitements de l’hypoactivité vésicale
mictionnelle et la pollakiurie. Ces troubles sont très constam-
ment accessibles à un traitement anticholinergique (les nerfs Les parasympathicomimétiques déterminent des contractions
pelviens déterminant la contraction vésicale par une transmis- vésicales en reproduisant l’action du parasympathique et de son
sion cholinergique, l’administration de drogues parasympathy- neuromédiateur l’acétylcholine. Ils sont ainsi utilisés dans les
colytiques [anticholinergiques atropiniques] induira une cas de paralysie vésicale, notamment par atteinte neurologique
diminution d’amplitude des contractions et une augmentation périphérique.
de la capacité maximale vésicale [71]). L’oxybutynine est l’anti- Il peut s’agir de parasympathicomimétiques directs tel
cholinergique le plus employé, mais ce produit n’est pas dénué l’Urécholine (betanechol chloride) qui prennent littéralement la
d’effets secondaires (sécheresse buccale, constipation, flou place du neuromédiateur absent, soit de parasympathicomimé-
visuel). La toltérodine récemment introduite sur le marché est tiques indirects (anticholinestérasiques) qui s’opposent à la
efficace, plutôt mieux tolérée, mais n’est pas remboursée par les destruction par la cholinestérase du neuromédiateur (ambéno-
organismes de sécurité sociale. Le trospium semble donner de nium : Mytélase®, pyridostigmine : Mestinon®, prostigmine :
meilleurs résultats que l’oxybutynine. De nouvelles drogues Prostigmine®). En fait, ces molécules, outre le fait qu’elles n’ont
anticholinergiques sont en voie d’évaluation dans les vessies pas l’autorisation de mise sur le marché (AMM) dans cette
neurologiques (solifénacine, fésotérodine). indication, n’ont jamais été démontrées comme réellement
Les différentes drogues doivent être testées une par une en efficaces et ont de plus des effets cardiovasculaires potentiels
raison d’une susceptibilité individuelle des patients aux diffé- délétères. Elles ne sont de fait quasiment plus utilisées.
rents types de molécules. L’association des drogues entre elles C’est dire que l’autosondage reste le traitement de choix de
est parfois nécessaire pour stabiliser au mieux l’hyperactivité la rétention urinaire dès l’instant où le résidu est supérieur à
vésicale, mais a souvent pour corollaire de majorer les effets 100 ml, ou qu’il existe des complications urinaires inhérentes à
secondaires atropiniques. La recherche et le traitement éventuel la rétention (infections à répétition, infection fébrile, miction
d’une épine irritative (cutanée, ostéoarticulaire, infection par regorgement) ou à la dysurie (prolapsus, hémorroïdes,
urinaire) sont systématiques ainsi que le traitement d’une prolapsus interne du rectum).
possible spasticité (baclofène, dantrolène, tizanidine) et la prise La pratique de l’autosondage a révolutionné le traitement des
en charge de troubles anorectaux associés. Les instillations vessies neurologiques. Son apprentissage nécessite souvent, chez
intravésicales ou les flash intraveineux d’anticholinergiques ne le neurologique, une équipe multidisciplinaire (infirmière,
sont plus guère réalisés en raison de leur efficacité partielle et kinésithérapeute, ergothérapeute) en raison des déficits, défi-
de résultats à moyen terme décevants. L’instillation vésicale de ciences et handicaps associés pouvant nécessiter la mise en
substances vanilloïdes (capsaïcine, résinifératoxine), en agissant place d’aides techniques (attelles), de correction chirurgicale
sur une autre volée afférente (fibres non myélinisées de type C (réanimation chirurgicale du membre supérieur), de traitement
capsaïcine-sensibles) du réflexe mictionnel, a un intérêt poten- d’hypertonie localisée (adducteurs) par neurotomie ou toxine
tiel en cours d’évaluation de même que les neuropeptides (NKA) botulique. L’autosondage s’effectue désormais par des sondes
et les bloqueurs des canaux calciques. La rééducation périnéo- autolubrifiées à faible friction qui ont pu démontrer leur
sphinctérienne et les techniques chirurgicales (entérocystoplastie efficacité, leur bonne tolérance à moyen et long terme avec
d’agrandissement, neuromodulation S3) sont proposées en cas réduction des risques de complications traumatiques et enfin
d’échec du traitement médical. Cette intervention urologique l’amélioration du confort de vie des patients.
consiste, après une cystectomie sus-trigonale, à former une La fréquence des autosondages dépend de la diurèse mais en
sphère d’intestin grêle détubulisée qui est patchée sur le reliquat fait surtout du régime de pression intravésicale, de la stabilisa-
vésical. Ce traitement est strictement irréversible et présente une tion détrusorienne obtenue ou non par les anticholinergiques
morbidité propre périchirurgicale et à long terme, et nécessite ou la toxine botulique, de la récurrence des infections urinaires,
une hospitalisation d’au moins 10 jours en chirurgie urologique. de l’existence de fuites (y compris par regorgement) et enfin de
Le traitement de l’hyperactivité vésicale s’est enrichi ces la pathologie. C’est ainsi que cinq à sept autosondages quoti-
dernières années de l’essor de la toxine botulique. L’injection de diens sont parfois nécessaires chez le blessé médullaire, alors
toxine botulique en intravésical est en effet une technique que trois à quatre sont souvent suffisants dans la sclérose en
récente [72] . Elle a pour but de supprimer les contractions plaques.

18 Neurologie
Vessies neurologiques ¶ 17-012-L-10

Traitements de l’hypertonie sphinctérienne À noter que les antispastiques par voie générale (dantrolène,
baclofène) ne sont guère efficaces sur la dyssynergie striée et ont
Le traitement de la dysurie et de la rétention repose sur les été peu évalués dans cette indication.
alphabloquants qui diminuent les résistances urétrales [73-77]. En
cas d’échec, des infiltrations parasphinctériennes de toxine Traitement de l’hypotonie sphinctérienne
botulique peuvent être essayées, avant la pratique des autoson-
dages ou des hétérosondages. Les sympathicomimétiques (adrénergiques alphastimulants)
L’innervation du col vésical est essentiellement adrénergique. permettent d’augmenter le tonus urétral et sont donc potentiel-
L’utilisation des alphabloquants dans le traitement des dyssy- lement utilisables dans le traitement des insuffisances sphincté-
nergies lisses se justifie donc en théorie. riennes neurogènes responsables d’une incontinence urinaire.
Des travaux expérimentaux ont démontré un rôle modulateur Leur efficacité est très variable et il n’existe pas à l’heure actuelle
de véritable molécule spécifique. La Néosynéphrine® a pu être
des neurones adrénergiques spinaux sur l’activité tonique
utilisée mais sans réelle étude contrôlée.
sympathique et l’activité somatique du plancher pelvien.
La duloxétine est un inhibiteur de la recapture de la noradré-
L’importance des récepteurs adrénergiques spinaux sur le
naline et de la sérotonine. La sérotonine et la norépinéphrine
contrôle du col vésical est encore soulignée par l’action de la
augmentent l’effet du glutamate au niveau du noyau d’Onuf, ce
clonidine sur le tonus sympathique viscéral et le profil urétral.
qui potentialise l’activité efférente neuronale des fibres du nerf
La térazosine, la tamsulosine, l’alfuzosine sont actuellement pudendal lors de la phase de remplissage vésical. Il en résulte
les alpha-1 bloquants sélectifs les plus utilisés dans le traitement une stimulation des récepteurs nicotiniques localisés dans le
des dyssynergies neurologiques lisses. En revanche, un effet sphincter urétral externe et une augmentation de la contraction
direct des alphabloquants au niveau de la musculature urétrale de la musculature striée périurétrale lors de la phase de remplis-
striée est controversé bien que ces drogues soient régulièrement sage vésical et au cours des efforts. Plusieurs études cliniques,
utilisées dans cette indication. Cet effet pourrait être lié à une dont certaines randomisées et contrôlées, ont démontré l’effica-
inhibition centrale du système sympathique et somatique cité clinique de la duloxétine dans l’incontinence urinaire à
agissant sur le bas appareil urinaire. Une action complémentaire l’effort de la femme, mais aucune étude spécifique n’a jusqu’à
pourrait être associée à une action centrale non sélective des présent été conduite chez le neurologique.
alpha-1 bloquants, avec ou sans diminution de l’activité
musculaire striée périnéale. Des études cliniques ayant porté sur Autres traitements
l’effet des alphabloquants sur les dyssynergies vésicosphincté-
riennes ont conduit à des résultats variables. Un certain nombre de pathologies neurologiques, et tout
Même si ces médications sont souvent essayées, d’autres particulièrement les lésions médullaires, s’accompagnent d’une
solutions thérapeutiques sont tentées, et notamment la toxine inversion du rythme de la diurèse. La desmopressine, en
botulique [78, 79]. diminuant la diurèse (et probablement aussi par un effet
La toxine botulique est une neurotoxine produite par la central), permet d’améliorer la pollakiurie nocturne (nycturie) et
bactérie anaérobique Clostridium botulinum. Elle agit en empê- l’énurésie. Elle doit être utilisée avec précaution chez le sujet âgé
chant la libération de l’acétylcholine au niveau des terminaisons (maladie de Parkinson par exemple), avec vérification stricte de
nerveuses présynaptiques, en bloquant sélectivement SNAP-25, la natrémie.
une protéine intracytoplasmique nécessaire à l’exocytose de ce Enfin, dans certaines lésions centrales, encéphaliques, avec
neurotransmetteur. L’utilisation de la toxine botulique pour les troubles du comportement mictionnel, où les fuites urinaires ne
sont pas le fait d’une quelconque hyperactivité du détrusor mais
dysfonctions vésicosphinctériennes a été introduite par Dyk-
d’une libération du programme mictionnel et non du réflexe
stra [78] . L’administration de la toxine se fait par injection
mictionnel, une rééducation psychocomportementale (conduite
intramusculaire directe du sphincter strié, soit par voie transu-
aux toilettes à heures fixes) peut être instaurée. C’est le cas des
rétrale, soit par voie transpérinéale. Le traitement est ainsi
troubles mictionnels secondaires aux hydrocéphalies, aux
simple, se faisant en consultation externe sans aucune anesthé-
démences. La reprogrammation motrice psychocomportemen-
sie. L’injection se fait le plus souvent par l’intermédiaire d’une
tale par calendrier mictionnel est ainsi fréquemment efficace,
électrode-aiguille creuse d’électromyographie permettant, d’une notamment en cas de syndrome clinique d’hyperactivité
part de repérer précisément le sphincter après avoir introduit vésicale. Le rôle du cortex préfrontal et du gyrus cingulaire n’est
l’aiguille dans la région périnéale (entre bourse et anus chez certainement pas neutre, en modifiant l’attention et l’intégra-
l’homme, juste au-dessus du méat urétral chez la femme), tion du signal qu’est le besoin d’uriner et sa distorsion qu’est
d’autre part d’injecter le produit (1 ampoule, soit 100 unités l’impériosité mictionnelle.
Botox®). Les deux voies d’administration semblent être égale-
ment efficaces. Des études de résonance magnétique nucléaire
avec utilisation de gadolinium ont montré que l’injection de la Modalités de surveillance des vessies
toxine par voie transpérinéale sous contrôle électromyographi- neurologiques
que est fiable et que la toxine administrée se localise au niveau
Le catalogue mictionnel permet de chiffrer la fréquence des
du sphincter urétral strié et ne diffuse pas aux tissus environ-
mictions et des fuites. Il aide à la prise de conscience du trouble
nants. Plusieurs études, dont certaines contre placebo ou
et permet de surveiller l’efficacité d’un traitement. Les mesures
lidocaïne, ont montré l’efficacité de la toxine botulique dans les
du résidu et de la diurèse permettent de déterminer les doses de
dyssynergies vésicosphinctériennes. Les paramètres d’évaluation
médicaments ou la fréquence des drainages (auto- ou hétéro-
les plus souvent utilisés sont le résidu postmictionnel, la
sondages) en sachant qu’un minimum de trois évacuations
pression permictionnelle, la pression de clôture maximale et la
complètes par jour sont nécessaires et que le volume vésical ne
sévérité de la dyssynergie vésicosphinctérienne. En cas de doit pas excéder 700 ml en raison des risques de vessie forcée.
résultat positif (près de 70 % des cas), des réinjections peuvent L’échographie vésicale postmictionnelle permet de vérifier la
être effectuées 3 à 6 mois plus tard. présence ou l’absence de résidu spontané ou apparaissant sous
Dans les cas de rétention chronique, l’injection de toxine imprégnation parasympathycolytique. L’échographie vésicoré-
botulique s’est révélée efficace, particulièrement chez les nale est un examen non traumatisant, aisément disponible, qui
patients porteurs d’un syndrome de la queue de cheval ou ayant peut être réalisé une fois par an pour juger de l’état de la vessie
une hypocontractilité vésicale d’origine indéterminée. et du haut appareil. Le contrôle systématique de l’ECBU est
La chirurgie (sphinctérotomie) est plus rarement indiquée en strictement inutile et ne peut conduire qu’à des traitements
raison du risque d’incontinence postchirurgicale et d’éjaculation antibiotiques intempestifs sélectionnant des germes multirésis-
rétrograde chez l’homme. tants. Ces examens biologiques ne se justifient qu’en cas de

Neurologie 19
17-012-L-10 ¶ Vessies neurologiques

modification brutale de la symptomatologie urinaire chez un l’échographie sont autant d’éléments positifs dans la prise en
patient bien équilibré, ou d’apparition d’une fièvre associée à charge de ces troubles. Leur traitement a reposé pendant de
des signes urinaires. L’examen urodynamique peut être préco- longues années sur les autosondages qui ont révolutionné la
nisé tous les ans en raison de la variabilité du comportement prise en charge thérapeutique et le pronostic, et sur l’admi-
vésical chez le patient neurologique, de la possibilité d’une nistration d’anticholinergiques. Le drainage obtenu (autoson-
pathologie urogynécologique intercurrente modifiant l’équilibre dage) et la stabilisation des pressions effectuée (anti-
vésicosphinctérien et de la nécessité de vérifier la pertinence et cholinergiques), les problématiques médicales (complications
l’efficacité d’un traitement. uronéphrologiques et infectieuses) et fonctionnelles (confort
de vie avec suppression des incontinences) étaient résolues.
Désormais, des techniques encore plus efficaces de désactiva-
■ Conclusion tion pharmacologique de la vessie (toxine botulique) enri-
chissent l’arsenal thérapeutique et des solutions mini-
invasives (neuromodulation des racines sacrées) complètent
Les vessies neurogènes posent avant tout le problème de
les propositions thérapeutiques.
leur pronostic. C’est grâce à leur traitement que l’espérance de
vie de nombreux patients neurologiques, et tout particulière- De nombreux progrès sont encore à attendre pour diminuer
ment des blessés médullaires, a pu singulièrement se rappro- .
les risques, améliorer la qualité de vie des patients et réduire les
cher de la population générale. L’évaluation des facteurs de contraintes de soins. C’est dire l’absolue nécessité d’un suivi
risque par les EUD, le dépistage précoce des complications par régulier au mieux en équipe multidisciplinaire et spécialisée.

“ Points forts
• Les troubles vésicosphinctériens d’origine neurologique sont fréquents, touchant la plupart des maladies du système nerveux
central, périphérique ou végétatif. Ils posent toujours le problème de leur retentissement, qu’il soit médical avec le risque
uronéphrologique, ou psychosocial avec altération de la qualité de vie. Leur reconnaissance, leur prise en charge thérapeutique et leur
surveillance sont ainsi indispensables.
• Ils sont parfois révélateurs de la maladie neurologique et certains éléments sont alors évocateurs d’une étiologie neurogène :
association de troubles urinaires à des signes anorectaux et/ou génitosexuels ; apparition brutale du trouble ; caractère sans effort et
sans besoin des fuites ou au contraire impériosités mictionnelles, fuites sur urgence ; dysurie avec mictions en plusieurs jets successifs
involontairement stoppés ; caractère indolore d’une rétention urinaire ; diminution ou abolition de la perception du besoin et/ou du
passage urétral des urines.
• L’examen neuropérinéal recherche une abolition du réflexe bulboanal, une diminution de la sensibilité périnéale, une hypotonie du
sphincter anal.
• Les EUD permettent de mettre en évidence le mécanisme physiopathologique des troubles vésicosphinctériens. La
cystomanométrie permet l’étude des pressions intravésicales au cours d’un remplissage progressif de la vessie par du sérum
physiologique. L’existence de contractions involontaires survenant à faible volume définit l’hyperactivité détrusorienne, témoignant
de la libération de l’automatisme vésical qui se traduit le plus souvent par des impériosités avec fuites sur urgence. À l’inverse, une
hypoactivité détrusorienne ou une dyssynergie vésicosphinctérienne (non-instinction de l’activité électromyographique du sphincter
strié urétral pendant la miction) peuvent être responsables d’une dysurie, voire d’une rétention.
• La surveillance des vessies neurologiques repose sur la réalisation d’un catalogue mictionnel permettant de chiffrer la fréquence des
mictions et des fuites, d’une échographie vésicorénale et d’une urodynamique annuelles, et dans les cas de vessie hyperactive, d’une
urétrocystographie mictionnelle à la recherche d’un reflux et d’une biologie des fonctions rénales. Le contrôle systématique de l’ECBU
est strictement inutile et ne peut conduire qu’à des traitements antibiotiques intempestifs sélectionnant des germes multirésistants.
Ces examens biologiques ne se justifient qu’en cas de modification brutale de la symptomatologie urinaire chez un patient bien
équilibré, ou d’apparition d’une fièvre associée à des signes urinaires.
• Le traitement des troubles vésicosphinctériens neurogènes répond à une double problématique : assurer le confort du patient en
évitant des symptômes altérant significativement la qualité de vie tels que l’incontinence urinaire, l’impériosité mictionnelle ou la
pollakiurie ; préserver l’avenir uronéphrologique en assurant un drainage vésical correct et un régime à basse pression dans l’intervalle
des mictions ou des drainages. En effet, une hyperactivité vésicale, un défaut de compliance, une augmentation longtemps soutenue
des pressions mictionnelles induite par une dyssynergie vésicosphinctérienne sont autant de facteurs de risque pour une dégradation
de la vessie ou du haut appareil. Diverticules, reflux vésicorénal, insuffisance rénale sont les complications à prévenir qui grèvent le
pronostic vital des vessies neurologiques. La rétention chronique, complète ou incomplète, est source d’infections urinaires à
répétition avec un risque de dissémination parenchymateuse (pyélonéphrite) dont on connaît les conséquences éventuelles sur la
fonction rénale.
• Ces traitements sont nombreux. L’hyperactivité vésicale (fuites, urgence mictionnelle) est très constamment accessible à un
traitement anticholinergique (les nerfs pelviens déterminant la contraction vésicale par une transmission cholinergique,
l’administration de drogues parasympathycolytiques [anticholinergiques atropiniques] induira une diminution d’amplitude des
contractions et une augmentation de la capacité maximale vésicale). L’oxybutynine est l’anticholinergique le plus employé avec le
trospium. La recherche et le traitement éventuel d’une épine irritative (cutanée, ostéoarticulaire, infection urinaire) sont
systématiques ainsi que le traitement d’une possible spasticité (baclofène, dantrolène, tizanidine) et la prise en charge de troubles
anorectaux associés. En cas d’échec, l’injection intradétrusorienne de toxine botulique et les techniques chirurgicales
(entérocystoplastie d’agrandissement, neuromodulation S3) peuvent être proposées. Le traitement de la dysurie et de la rétention
repose sur les alphabloquants qui diminuent les résistances urétrales et les infiltrations parasphinctériennes de toxine botulique, avant
de se résoudre à la pratique des autosondages.

20 Neurologie
Vessies neurologiques ¶ 17-012-L-10

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G. Amarenco (gerard.amarenco@rth.ap-hop-paris.fr).
Service de rééducation neurologique et d’explorations périnéales, Hôpital Rothschild, 33, boulevard de Picpus, 75571 Paris cedex 12, GHU Est, Université
Pierre et Marie Curie, Unité Inserm U 731.
J. Kerdraon.
Service de rééducation neurologique, Centre mutualiste de rééducation et de réadaptation fonctionnelles de Kerpape, B.P. 78, 56275 Ploemeur cedex,
France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Amarenco G., Kerdraon J. Vessies neurologiques. EMC (Elsevier SAS, Paris), Neurologie, 17-012-L-10,
2006.

Disponibles sur www.emc-consulte.com


Arbres Iconographies Vidéos / Documents Information Informations Auto-
décisionnels supplémentaires Animations légaux au patient supplémentaires évaluations

22 Neurologie
 17-016-A-30

Ptôsis
G. Serratrice

Les ptôsis sont de causes et de mécanismes variés. Parmi les ptôsis d’origine nerveuse, ceux d’origine
cérébrale sont sous-estimés. Le point de départ dans le tronc cérébral est très varié. L’origine nucléaire
pédonculaire ou syndrome de Weber est la plus connue. L’origine périphérique suit le trajet du III à
l’origine de plusieurs syndromes. Parmi eux les ptôsis douloureux d’origine ischémique sont les plus
caractéristiques. Les ptôsis myopathiques comportent trois causes principales : myopathie mitochondriale,
myopathie oculopharyngée, myasthénie. Les ptôsis sympathiques entrent dans le cadre du syndrome
de Claude Bernard-Horner. Les ptôsis congénitaux sont tantôt isolés, tantôt associés à des syndromes
malformatifs.
© 2013 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots-clés : Ptôsis ; Mitochondriopathie ; Myopathie oculopharyngée ; Syndrome de Claude Bernard-Horner ;


Ptôsis congénital

Plan tonique et phasique, et contracté sur un mode volontaire et invo-


lontaire. Un dysfonctionnement de ce muscle peut se rapporter à
■ Introduction 1 des mécanismes multiples. Dans beaucoup de cas, la lésion porte
sur le nerf moteur dont il dépend, le moteur oculaire commun.
■ Faux ptôsis 1 D’autres fois, le muscle lui-même est altéré. Une autre éventualité
■ Mouvement d’élévation de la paupière supérieure 2 est une atteinte du système autonome dont il dépend partielle-
Muscle releveur de la paupière supérieure 2 ment. Enfin, il est des cas de dysgénésie.
Double innervation 3 Ainsi se séparent schématiquement quatre grandes variétés de
Fonctions du muscle releveur de la paupière supérieure 3 ptôsis :
■ Ptôsis d’origine nerveuse centrale 3 • les ptôsis d’origine nerveuse, centrale ou périphérique ;
Ptôsis d’origine cérébrale 4 • les ptôsis musculaires ; myopathiques ou par atteinte de la jonc-
Ptôsis par atteinte du tronc cérébral 4 tion neuromusculaire ;

• les ptôsis sympathiques ;
Ptôsis d’origine nerveuse périphérique 5
• les ptôsis congénitaux.
De l’orbite au sinus caverneux 5
Cette classification est retenue dans cet article, bien que d’autres
Ophtalmoplégies douloureuses 5
modes de présentation opposent les ptôsis aigus ou chroniques,
■ Ptôsis myopathique 6 complets ou incomplets, permanents ou intermittents, unilaté-
Myopathies oculaires mitochondriales 6 raux ou bilatéraux, isolés ou associés.
Myopathie oculopharyngée 8 La sémiologie d’un ptôsis doit apprécier son degré,
Autres ptôsis myopathiques 8 l’impossibilité de relever la paupière qui se soulève passive-
■ Ptôsis jonctionnels 8 ment mais retombe flasque et atone. Quelques manœuvres
■ Ptôsis sympathique 9 traditionnelles précisent un retard unilatéral à l’ouverture lente
des paupières, l’élévation moindre de la paupière si le sourcil est
■ Ptôsis congénitaux 10 fixé par le doigt de l’examinateur, la contraction bilatérale du
Ptôsis congénital isolé 10 muscle frontal en cas de ptôsis unilatéral, ce qui provoque une
Ptôsis congénital associé 10 ouverture palpébrale exagérée du côté sain. La détermination des
Blépharophimosis 10 signes associés, syncinésies, participation du système nerveux
Ptôsis congénital syncinétique 11 cérébrospinal ou autonome, degré de l’ophtalmoplégie, relève
■ Conclusion 11 d’un examen systématique. Les diverses causes de faux ptôsis
sont à éliminer.

 Introduction
 Faux ptôsis
Un ptôsis est défini par une position abaissée de la paupière
supérieure chutant au-dessous de sa position normale, due prin- La définition stricte d’un ptôsis, paralysie du muscle releveur
cipalement à un défaut. Ce muscle a des composantes mixtes. de la paupière supérieure, autorise à considérer comme de faux
Il est fait de fibres striées et lisses ; il est innervé par des fibres ptôsis diverses atteintes non paralytiques créant une difficulté
nerveuses cérébrospinales et sympathiques fonctionnant de façon d’ouverture de la paupière supérieure.

EMC - Neurologie 1
Volume 10 > n◦ 2 > avril 2013
http://dx.doi.org/10.1016/S0246-0378(12)60764-7
17-016-A-30  Ptôsis

Les affections locales les plus variées, d’ordre ophtalmologique,


dues à des anomalies structurales des paupières ou des tissus de
l’orbite sont habituellement de diagnostic évident : inflammation
de la paupière supérieure, tumeurs comme les névromes plexi- 1
formes, neurofibromatose de diagnostic parfois difficile, myosites
orbitaires, blépharochalasis, crises intermittentes d’œdème angio-
neurotique héréditaire chez un adolescent, ptôsis des énucléés ;
le ptôsis de Sichel est une infiltration adipeuse sous-cutanée des 2
paupières ; le floppy lid syndrome [1] chez un homme obèse avec
apnées du sommeil, hypotonie de la paupière supérieure aisément 3
retournée (lash ptôsis).
Le ptôsis aponévrotique est fréquent chez le sujet âgé. Une
déhiscence de la paupière survient après traumatisme, désinser-
tion du tenseur du releveur du tarse, cataracte, verres de contact.
Le blépharospasme est une cause fréquente d’erreur, en particu-
lier avec un ptôsis myasthénique. Dans ce cas, le plissement de la
paupière inférieure, le caractère intermittent du spasme sont des 4
éléments de différenciation. De même, l’impossibilité d’ouverture
de la paupière par l’examinateur témoigne de la contraction spas-
modique de l’orbiculaire des paupières.
Le blépharocolysis est une inhibition transitoire de la contrac-
tion du releveur entraînant une fermeture involontaire des
paupières chez le parkinsonien.

“ Point fort
Figure 1. Muscle releveur de la paupière supérieure. 1. Muscle releveur
Reconnaître un faux ptôsis de la paupière supérieure ; 2. tendon antérieur conjonctif ; 3. muscle lisse
• Lésion locale de la paupière : en général évidente de Müller ; 4. tarse supérieur.
• Blépharospasme : plissement associé de la paupière infé-
rieure
• Apraxie d’ouverture de la paupière d’origine supranu- un abaissement de la paupière avec rétrécissement de la fente
palpébrale et un certain degré de déviation du globe oculaire.
cléaire
Enfin, le ptôsis hystérique a des caractères précis. II s’agit d’un
• Myotonie des paupières
ptôsis spasmodique, et non d’un ptôsis flasque. Toute tentative
• Paramyotonie déclenchée par le froid d’ouverture de la paupière entraîne une contraction spasmodique
• Aplasie congénitale des muscles droits externes provo- de celle-ci, sans contraction du muscle frontal. Le front reste lisse,
quant un ptôsis dans l’abduction des globes le sourcil est plus abaissé que son homologue. De surcroît, des rides
• Ptôsis hystérique, spasmodique avec abaissement du dues à la contraction de l’orbiculaire sont visibles sur la paupière.
sourcil Le pli orbitopalpébral persiste du fait de la contraction simultanée
du releveur de la paupière.

L’inhibition transitoire de contraction du releveur se sépare du  Mouvement d’élévation


blépharospasme par l’absence du signe de Charcot (abaissement
des sourcils au-dessous du rebord orbitaire supérieur témoignant de la paupière supérieure
de la contraction orbiculaire). En outre, l’électromyographie ne
montre pas d’activité dans l’orbiculaire des paupières mais seule- Le mouvement d’élévation de la paupière supérieure est un phé-
ment des interruptions brutales d’activité du releveur. Ce trouble nomène complexe. Mouvement phasique et tonique, il est aussi
diffère également des ptôsis supranucléaires, comme l’apraxie bien volontaire que réflexe, commandé à la fois par le système
d’ouverture des paupières qui est une difficulté d’initiation de nerveux cérébrospinal et par le système autonome. L’organisation
l’ouverture des paupières. anatomique elle-même fait intervenir des éléments de nature dif-
La persistance motrice de l’orbiculaire est une impossibi- férente : musculaire striée, musculaire lisse, aponévrotique [3] .
lité à la réouverture des paupières après occlusion volontaire.
L’électromyographie montre une activité persistante de la por-
tion prétarsienne de l’orbiculaire, différente des blépharospasmes Muscle releveur de la paupière supérieure
et de l’inhibition du releveur. Cependant, le clignement spontané (Fig. 1)
est conservé. Lorsque le patient essaie d’ouvrir volontairement
ses paupières, les potentiels d’action persistent dans l’orbiculaire Muscle principal de l’élévation du regard, innervé par la divi-
avec une cocontraction du releveur. Ce phénomène est corrigé par sion supérieure du III, il forme un triangle dont le sommet se situe
l’injection de toxine botulique. à l’apex orbitaire et la base, élargie, sur le bord de la paupière supé-
Le rétrocolis spasmodique entraîne parfois un pseudoptô- rieure et le tarse semi-circulaire, donnant sa forme à la paupière
sis avec tête rejetée en arrière. La myotonie des paupières supérieure.
est un défaut de relaxation de l’orbiculaire. La paramyotonie
d’Eulenburg se caractérise par une occlusion forcée et involontaire
des paupières déclenchée par l’exposition au froid et reproduite
Trajet
par l’application d’un glaçon sur la paupière. Le muscle releveur est un ruban aplati né au fond de l’orbite de
Le syndrome de Türk-Stilling-Duane [2] , plus fréquent chez la deux insertions. La principale se fait sur la petite aile du sphénoïde
femme et prédominant à gauche, est lié à une aplasie congéni- par l’intermédiaire du tendon de Zinn, en avant du trou optique.
tale des muscles droits externes rendant impossible l’abduction La seconde, accessoire, siège sur la face supérieure de la gaine du
des globes et provoquant, lors de la tentative d’abduction, nerf optique.

2 EMC - Neurologie
Ptôsis  17-016-A-30

Le muscle, charnu, forme un ruban aplati de fibres striées qui Le noyau du moteur oculaire commun situé en avant de
s’écartent en « éventail ». Cette portion charnue s’étend sur 40 mm l’aqueduc de Sylvius a une organisation complexe dans laquelle
de longueur. À l’équateur du globe oculaire, elle se transforme un petit noyau propre est destiné au releveur de la paupière supé-
en deux parties, chacune de composition différente : une partie rieure. Ce noyau, petit et arrondi, est de siège dorsal (au-dessus
aponévrotique, conjonctive ; une partie musculaire lisse, le muscle et en arrière du noyau d’Edinger-Westphal). Il est connu chez
de Müller. l’animal et existe chez l’homme, ce qui est prouvé par des cas
Un peu avant la zone de transition musculoaponévrotique, un d’infarctus localisés de cette zone à l’origine d’un ptôsis isolé.
épaississement de la partie supérieure de la gaine du muscle rele- À l’étage supranucléaire, les paupières participent aux mouve-
veur forme un ligament blanc nacré dit « ligament suspenseur de ments oculaires conjugués de supraversion.
Whitnall ». Ce ligament joue un rôle important de sangle, soute- Enfin, le muscle releveur des paupières est le seul muscle oculo-
nant le muscle releveur, évitant ainsi une pression excessive sur moteur à avoir une représentation corticale séparée, située dans la
le globe oculaire. Ce ligament naît dans la région de la poulie du première circonvolution frontale, au-dessus du champ des mouve-
muscle grand oblique et se termine dans la glande lacrymale. Il ments conjugués des yeux, et peut-être aussi plus postérieure sur le
adhère au périoste de la paroi supérieure de l’orbite et a un effet cortex occipital. De plus, les deux muscles releveurs fonctionnent
de poulie de réflexion facilitant l’élévation palpébrale. Il est mal syncinétiquement. Ceci est évident en clinique, l’ouverture volon-
individualisé ou absent dans certains ptôsis congénitaux. taire d’une seule paupière étant une impossibilité chez l’homme
C’est peu après le passage sous ce ligament que le muscle rele- sain. Une preuve expérimentale est l’ouverture simultanée des
veur se sépare en une couche conjonctive, antérieure, et une deux paupières après stimulation préfrontale, parfois précentrale
portion lisse, postérieure. ou occipitale.
La longueur du trajet du moteur oculaire commun et la comple-
Couche antérieure conjonctive xité de l’organisation nucléaire et supranucléaire rendent compte
Elle forme un véritable tendon, aponévrotique, qui fait suite à des nombreuses variétés de ptôsis paralytiques.
la portion charnue du muscle. Deux groupes de fibres se séparent
formant un faisceau supérieur et un faisceau inférieur dont les Innervation sympathique
destinées sont différentes. Le muscle de Müller est innervé par les filets orbitaires du
Le faisceau supérieur est fait d’une multitude de fibres conjonc- ganglion sphénopalatin qui transportent les fibres sympathiques
tives, divergentes, s’engageant entre les fibres transversales du venues avec le nerf vidien, lui-même détaché du plexus caroti-
muscle orbiculaire des paupières et se terminant dans le derme dien à la hauteur de l’orifice interne du canal carotidien. Ces fibres,
palpébral. Toutefois, le releveur n’est pas un muscle peaucier. Il postganglionnaires, ont auparavant été accolées à l’artère carotide
ne s’insère pas directement sur la peau mais pénètre l’orbiculaire interne, après être nées du ganglion cervical supérieur. Elles font
et se fixe sur ce dernier. suite aux fibres préganglionnaires, issues du centre ciliospinal, sor-
Le faisceau inférieur, également aponévrotique, se termine sur ties par la première et accessoirement la deuxième racine dorsale,
le tiers inférieur de la face antérieure du tarse qui est l’armature empruntant les rameaux communicants blancs et se terminant
rigide et dense de la paupière et joue un rôle important dans la dans le ganglion cervical supérieur. Ici également, les causes de
statique et la dynamique palpébrale. ptôsis sympathiques sont de topographie variée.

Couche postérieure lisse


Fonctions du muscle releveur de la paupière
Elle forme le muscle de Müller, muscle lisse, d’innervation sym-
pathique, de petite taille. Ce muscle naît à l’extrémité terminale supérieure
de la portion charnue du muscle releveur. Il se situe en arrière de la Les fonctions de ce muscle sont diverses. La plus importante
portion aponévrotique dont il est séparé par un espace postaponé- est sans doute le maintien de l’ouverture palpébrale pendant la
vrotique. II se termine par un petit tendon sur le bord supérieur du veille. La contraction se fait alors sur un mode surtout tonique
tarse, et par quelques fibres lisses sur les ailerons aponévrotiques. avec un clignement intermittent mais dépend pour une part de
Il est respecté dans la plupart des ptôsis, à l’exception des ptôsis l’innervation sympathique. Il est communément admis que la
sympathiques. sensation de paupières lourdes avant l’endormissement est due
à un relâchement du muscle de Müller. L’ouverture palpébrale
Éléments annexes lors de la veille suppose également une prééminence du tonus du
Des éléments annexes s’intègrent dans le système de l’appareil releveur sur la contraction de l’orbiculaire des paupières, muscle
releveur des paupières. Les ailerons aponévrotiques naissent de la antagoniste. De plus, le releveur doit lutter contre la pesanteur.
portion tendineuse du releveur et s’insèrent sur le cadre orbitaire. La mise au repos intermittente du releveur est assurée par le
L’abaissement de l’aileron externe après fracture de l’os malaire clignement involontaire qui permet en outre l’humidification de
entraîne des pseudoptôsis. L’atteinte élective de l’aileron interne la cornée et la régénération du pigment rétinien. L’excursion des
s’observe dans certains ptôsis involutifs. paupières supérieure ou inférieure de haut en bas est supérieure à
Le muscle frontal, élévateur du sourcil, a un rôle de suppléance 12 mm.
dans l’élévation de la paupière, tandis que l’orbiculaire innervé La contraction du muscle releveur se fait en synergie avec celle
par le VII abaisse la paupière. du droit supérieur lors des mouvements de verticalité vers le haut.
Releveur et droit supérieur ont une même origine embryologique.
Ils proviennent d’une zone mésenchymateuse commune. Le rele-
Double innervation veur naît par délamination du droit supérieur.
La portion striée du muscle releveur est innervée par une Enfin, les muscles releveurs des paupières supérieures ont
branche du nerf moteur oculaire commun, la portion lisse par une fonction essentielle dans la mimique, dans l’expression de
un filet sympathique. l’émotion, de l’attention et d’autres activités neuropsycholo-
giques. Cette action s’exerce souvent en synergie avec le muscle
Innervation cérébrospinale frontal.

Le muscle releveur de la paupière supérieure tire son inner-


vation d’un rameau grêle né d’une branche orbitaire supérieure
du nerf moteur oculaire commun. Auparavant, le nerf a traversé
 Ptôsis d’origine nerveuse
la fente sphénoïdale, le sinus caverneux, l’étage postérieur de centrale
la base du crâne. Il a émergé du tronc cérébral à la hauteur du
pédoncule, après avoir traversé le faisceau longitudinal médian, Des ptôsis, de sémiologie variable en fonction de la topogra-
la partie interne du noyau rouge et le faisceau pyramidal avant sa phie lésionnelle, relèvent d’une atteinte hémisphérique, d’une
décussation. atteinte du tronc cérébral ou, pour une part, d’une atteinte des

EMC - Neurologie 3
17-016-A-30  Ptôsis

noyaux du nerf moteur oculaire commun [4] . L’origine est le


plus souvent vasculaire et particulièrement ischémique, rarement 1 2 3 4 5
dégénérative. Les circonstances de survenue, début brutal, acci-
dent vasculaire cérébral aigu, paralysies centrales associées, terrain
d’hypertension artérielle, sont évocatrices. Le ptôsis est parfois
incomplet, notamment s’il s’intègre dans une atteinte corticale.
Il est uni- ou bilatéral. Il s’accompagne ou non de troubles de la
motilité oculaire. Il va de soi que les techniques d’imagerie du cer-
veau ou du tronc cérébral précisent la topographie lésionnelle [5] .

II

“ Point fort IV
III

Ptôsis d’origine centrale V


• Origine ischémique cérébrale
• Atteinte du tronc cérébral : aspect de somnolence
• Thrombose du tronc basilaire avec hypersomnie pro-
fonde et mutisme akinétique
• Syndrome de Weber : ptôsis, ophtalmoplégie,
hémiplégie croisée Figure 2. Un ptôsis paralytique peut trouver son origine : 1. Dans
l’orbite (traumatisme, tumeur, inflammation) ; 2. dans la région de la fente
sphénoïdale (méningiome) ; 3. dans le sinus caverneux (ophtalmoplégie
douloureuse par proximité du V) ; 4. dans la traversée du faisceau pyra-
midal (syndrome de Weber) ; 5. dans les noyaux du III (ophtalmoplégie
nucléaire).
Ptôsis d’origine cérébrale
Les ptôsis d’origine cérébrale sont sans doute d’une fréquence
de la maladie de Gayet-Wernicke, parfois traumatique. Il s’agit sur-
sous-estimée et peuvent être méconnus du fait de la somnolence
tout de tumeurs des tubercules quadrijumeaux des pédoncules, du
au cours d’accidents vasculaires aigus. Dans une série de 64 lésions
plancher du IIIe ventricule, de l’épiphyse. Une origine ischémique
ischémiques, prédominant sur l’hémisphère droit, un ptôsis uni-
est également signalée par obturation de l’artère paramédiane née
ou bilatéral est observé dans 37 % des cas [6] . La mesure de la hau-
du segment initial de la cérébrale postérieure.
teur de la fente palpébrale, normalement de 9 mm, est alors de
3 à 7 mm. Le ptôsis est à distinguer de l’apraxie d’ouverture palpé-
brale (au cours de laquelle l’ouverture spontanée est possible mais Apraxie d’ouverture des paupières
ne peut être effectuée sur ordre). La lésion ischémique cérébrale Elle diffère du ptôsis proprement dit car il ne s’agit pas d’un
habituellement importante est surtout droite. Une parésie associée ptôsis paralytique mais d’un trouble du contrôle moteur supra-
de la verticalité vers le haut est interprétée comme une synciné- nucléaire des muscles releveurs des paupières supérieures. La
sie entre le muscle droit supérieur et le releveur de la paupière difficulté d’ouverture des paupières contraste avec une ferme-
supérieure. En cas de grande lésion ischémique corticale, le ptô- ture normale. Le patient soulève les paupières avec ses doigts
sis serait le signe avant-coureur d’une hernie cérébrale, précédant ou contracte activement son muscle frontal. Les lésions sont en
une paralysie oculaire avec mydriase. général bilatérales et sous-corticales (ce qui rend discutable le
À côté des cas liés à une origine sympathique, les ptôsis d’origine terme d’apraxie) survenant au cours de syndromes parkinsoniens,
corticale [7] seraient dus à des anomalies du contrôle cortical de d’atrophies multisystématisées, de chorée de Huntington ou de
l’élévation des paupières, comportant une innervation bilatérale syndromes pseudobulbaires.
à partir d’un hémisphère ; ce qui rend compte de la bilatéralité
de certains de ces ptôsis [8] . D’autre part la modification de hau-
teur de la fente palpébrale lorsqu’elle est asymétrique peut se faire Syndrome tegmentothalamique des thromboses
dans deux sens opposés : soit élargissement dû à une paralysie du tronc basilaire
faciale, soit accentuation due à une atteinte du faisceau pyrami- Il comporte, outre une hypersomnie profonde, un mutisme aki-
dal. Cette dernière éventualité rend compte des ptôsis accentués nétique, une hyper- ou une hypotonie, un ptôsis marqué sans
du côté hémiparétique. myosis ou avec mydriase en cas de paralysie bilatérale du moteur
Ainsi le ptôsis d’origine corticale est indépendant de toute para- oculaire commun. Toutefois, ce ptôsis est parfois attribué à une
lysie du sympathique ou de la IIIe paire crânienne. L’innervation atteinte des fibres sympathiques protubérantielles.
du releveur de la paupière supérieure est assurée par un ensemble
de motoneurones, identifiés chez le singe, nés d’un noyau ocu-
lomoteur médian, le seul à recevoir des connexions centrales Ptôsis d’origine nucléaire ou ptôsis par atteinte
bilatérales. des origines du III dans le tronc cérébral
L’organisation anatomique propre aux noyaux du nerf moteur
oculaire commun explique l’ambiguïté du terme nucléaire. En
Ptôsis par atteinte du tronc cérébral effet, les origines les plus communes sont dues à des lésions :
Ils sont très divers dans leur sémiologie, selon leur cause et leur • de la traversée du pied du pédoncule par les racines nées du
localisation. noyau du III. C’est le syndrome de Weber (Fig. 2) ;
• d’une origine plus postérieure comportant une atteinte du
Lésions du tubercule quadrijumeau antérieur pédoncule cérébelleux supérieur. C’est le syndrome de Claude ;
• d’une atteinte proprement nucléaire du III expliquant une
et de la commissure blanche postérieure sémiologie bilatérale inhabituelle.
Elles sont à l’origine d’un ptôsis modéré, uni- ou bilatéral, sans Le syndrome de Weber est l’exemple le plus simple et le plus
ophtalmoplégie, donnant au patient un aspect endormi. Parfois, pur de paralysie alterne des nerfs crâniens. Il associe une ophtal-
le ptôsis s’associe à un syndrome de Parinaud, à une dissociation moplégie et un ptôsis ipsilatéraux à une hémiplégie croisée. La
automaticovolontaire, à un myosis aréactif. La lésion causale est lésion le plus souvent ischémique du pied du pédoncule porte sur
rarement inflammatoire dégénérative ou métabolique comme lors les racines du III dans la partie la plus antérieure du pédoncule.

4 EMC - Neurologie
Ptôsis  17-016-A-30

Lorsque la lésion est plus postérieure, elle correspond au syn-


drome de Claude associant une atteinte ipsilatérale du III à un
syndrome cérébelleux controlatéral (dysmétrie, adiadococinésie)
en raison de la lésion du pédoncule cérébelleux supérieur au-
dessus de la commissure de Wernekink. L’origine est en général
ischémique.
La lésion la plus postérieure est une atteinte nucléaire du III
entraînant une sémiologie bilatérale. En effet, à la sortie du noyau
du III, seules les fibres du muscle droit supérieur décussent et
vont dans le nerf moteur oculaire commun controlatéral. Il en est
de même pour les fibres innervant le muscle releveur de la pau-
pière supérieure et les fibres nées du noyau d’Edinger-Westphal
également médian. Dans la forme complète coexistent une para-
lysie ipsilatérale du III, avec ptôsis et mydriase, et une paralysie
du muscle droit supérieur controlatéral. Certains ptôsis isolés
s’accompagnent d’anticorps anti-GQ1b [9] . Figure 3. Ptôsis chez un diabétique, pupille normale.
Enfin, on connaît des cas exceptionnels d’infarctus localisés au
noyau du releveur de la paupière supérieure entraînant un ptôsis
isolé, et inversement, des cas vérifiés par autopsie de métastases car les lésions se situent dans un territoire exigu qui va du pôle
localisées au noyau du moteur oculaire commun mais respectant orbitaire en avant, à la pointe du rocher en arrière. La fente sphé-
le noyau du releveur, ce qui entraînerait une ophtalmoplégie sans noïdale elle-même n’est pas une véritable frontière et il n’est
ptôsis. pas rare que le processus pathologique déborde le cadre d’un
Les ptôsis d’origine nucléaire, mises à part les paralysies ocu- syndrome et réalise une forme de passage. On pourrait citer le
laires de la sclérose en plaques ou de certaines affections centrales, syndrome de l’apex orbitaire de Rollet, le syndrome de la fente
posent essentiellement la question de l’ophtalmoplégie nucléaire sphénoïdale de Rochon-Duvigneaud, le syndrome du carrefour
progressive, théoriquement liée à une dégénérescence des noyaux pétrosphénoïdal de Jacod, le syndrome de la paroi externe du
oculomoteurs. Le ptôsis est bilatéral avec une ophtalmoplégie sinus caverneux de Charles Foix, les trois syndromes du sinus
progressive portant électivement sur le droit supérieur mais par- caverneux de Jefferson. En fait, ces entités ont une valeur plus
fois étendue à l’ensemble de la musculature oculaire. Le faciès historique que véritablement sémiologique. On doit surtout rete-
de Hutchinson est alors complet. Les paupières sont tombantes. nir le principe selon lequel l’atteinte coexistante du nerf optique,
Les yeux sont immobiles en position légèrement divergente. La surtout si elle est associée à une exophtalmie, est en faveur d’un
tête est rejetée en arrière dans une attitude compensatrice. Ce syndrome de l’apex, tandis que le caractère douloureux d’un
tableau est peu différent de celui des myopathies oculaires et la ptôsis oriente sur la région sphénocaverneuse et s’inscrit dans
notion ancienne d’ophtalmoplégie nucléaire a été considérable- le cadre plus particulier des ophtalmoplégies douloureuses avec
ment réduite, à la suite de la description des diverses myopathies participation plus ou moins complète du nerf moteur oculaire
oculaires essentiellement mitochondriales. De même, les ptôsis commun.
et les ophtalmoplégies associées aux hérédoataxies ne sont plus
individualisés et correspondent sans doute à des mitochondrio-
pathies. Ophtalmoplégies douloureuses
La coexistence de douleurs doit faire rechercher systématique-
 Ptôsis d’origine nerveuse ment une étiologie locale : tumeurs de nature diverse (métastases,
méningiomes, tumeurs hypophysaires, osseuses), anévrismes
périphérique artériels (de la communicante postérieure ou intracaverneuse),
sinusite sphénoïdale en particulier. Il va de soi que des examens
Toute atteinte du nerf moteur oculaire commun est susceptible complémentaires — scanner, imagerie par résonance magnétique
de s’accompagner d’un ptôsis, tantôt isolé tantôt associé à une (IRM), artériographie — sont alors indispensables.
paralysie plus ou moins complète du nerf [6] . Les paralysies d’origine ischémique et particulièrement les para-
lysies oculaires diabétiques (Fig. 3) sont à l’origine d’un ptôsis
et d’une ophtalmoplégie douloureuse [10] . Elles ont pour caractère
“ Point fort particulier de respecter la pupille. En effet, la lésion ischémique
siège électivement au centre du nerf dans une zone pauvrement
irriguée, zone de terminaison des branches de l’artère carotide
Ptôsis par atteinte du nerf moteur oculaire interne, de la branche récurrente de l’artère ophtalmique et des
commun branches terminales de l’artère cérébrale postérieure [7] . Le dia-
• Syndrome de l’apex orbitaire : exophtalmie, atteinte du bète est le plus souvent léger, méconnu, évoluant depuis plusieurs
années, après la cinquantaine. Le début est brusque, complété en
nerf optique quelques heures, parfois au réveil. Une circonstance favorisante
• Syndrome sphénocaverneux : ophtalmoplégie doulou- (infection, dénutrition) est parfois présente. La paralysie, unila-
reuse de cause locale, paralysies oculaires diabétiques térale, souvent fruste et parcellaire, respectant donc la pupille,
• Migraines ophtalmoplégiques est le plus souvent régressive en 2 à 3 mois, le plus souvent sans
• Syndrome de Tolosa-Hunt séquelle. Des récidives surviennent parfois. La douleur accom-
pagne le début brusque de la paralysie et tend à s’estomper. Le
pronostic est favorable.
Dans des formes cliniquement identiques, l’IRM a pu mettre
parfois en évidence un infarctus mésencéphalique [11] . Une forme
De l’orbite au sinus caverneux particulière est le syndrome de Collier, paralysie partielle de la
branche supérieure du nerf moteur oculaire commun chez les dia-
Les traumatismes du tronc du nerf moteur oculaire commun bétiques, entraînant un ptôsis avec diplopie dans le regard vers le
sont tantôt directs après fracture ou hématome, tantôt indi- haut par paralysie du releveur et du droit supérieur, régressant en
rects, par écrasement après engagement temporal entraînant, par trois mois.
compression, ptôsis, ophtalmoplégie et mydriase. Des ptôsis avec ophtalmoplégie surviennent au cours de la
De multiples syndromes topographiques sont traditionnelle- maladie de Horton. Il s’agit de ptôsis transitoires, uni- ou bila-
ment décrits. Leur multiplication est en grande partie artificielle téraux, surtout associés à une atteinte du III et du VI sans qu’il

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17-016-A-30  Ptôsis

“ Point fort
Ptôsis d’origine ischémique
• Souvent au cours d’un diabète léger, méconnu
• Début brusque en quelques heures, au réveil
• Douleur périoculaire
• Unilatéral
• Respecte la pupille (lésion centronerveuse du III)
• Régressive en 2 à 3 mois
• Parfois récidive
Figure 4. Faciès de Hutchinson. Myopathie oculaire mitochondriale.

y ait de relation avec la cécité, encore qu’ils peuvent la précéder. Myopathies oculaires mitochondriales
La régression se fait en quelques heures ou quelques semaines.
Le mécanisme se rapproche de celui des neuropathies diabé- Les myopathies oculaires mitochondriales, d’expression cli-
tiques oculaires et le respect de la pupille est en faveur d’une nique pure ou combinée, comportent d’une part un ptôsis et une
ischémie. ophtalmoplégie, d’autre part des anomalies mitochondriales sur
D’autres ptôsis paralytiques, souvent douloureux, d’apparition la biopsie musculaire [16, 17] .
brutale, avec ou sans ophtalmoplégie, sont de mécanisme Le ptôsis, souvent bilatéral, est parfois asymétrique et relative-
inconnu. La migraine ophtalmoplégique en est l’exemple [12] . ment permanent. II est en partie compensé par le rejet de la tête
En effet, si une ophtalmoplégie douloureuse est souvent en en arrière et la contraction des muscles frontaux avec élévation
rapport avec une cause compressive, notamment anévrismale, des sourcils. L’ophtalmoplégie, d’installation très progressive, ce
d’authentiques migraines peuvent se traduire par un ptôsis et qui explique l’absence de diplopie, entraîne d’abord une dimi-
une ophtalmoplégie douloureuse récidivants. Le tableau clinique nution de l’élévation du regard puis une paralysie oculomotrice
débute le plus souvent dans l’enfance par une douleur pulsatile complète qui réalise le faciès de Hutchinson (Fig. 4) avec immobi-
avec vomissement. Puis s’installent un ptôsis et une paralysie du lité des yeux en position légèrement divergente. Les pupilles sont
moteur oculaire commun. L’ensemble des troubles régresse entiè- habituellement épargnées.
rement en quelques jours mais des récidives sont fréquentes et Le second élément est représenté par les anomalies mito-
même nombreuses dans certains cas. La nature migraineuse est chondriales visibles préférentiellement sur le muscle deltoïde. En
affirmée par la négativité des examens complémentaires : IRM, microscopie optique, l’image caractéristique est celle des fibres
scanner et artériographie. Des anomalies de la gaine du III seraient « rouges déchiquetées » (ragged red fibres [RRF]) visible sur les colo-
visibles en imagerie. rations au trichrome de Gomori (Fig. 5). La périphérie de la fibre
Le syndrome de Tolosa et Hunt, également mystérieux, diffère est alors colorée en rouge, de même que la région intermyofibril-
dans sa symptomatologie. Il débute par une douleur bru- laire. Elle est intensément réactive aux colorations oxydatives,
tale et intense dans le territoire de la première branche du principalement la succinodéshydrogénase. Elle est également
trijumeau. Cette douleur est durable, persistant pendant des positive avec la cytochrome oxydase mais selon une répartition
semaines ou des mois. Secondairement se constituent un ptôsis segmentaire comme le montrent les sections longitudinales. Ces
et une ophtalmoplégie parfois associés à d’autres atteintes (II, anomalies siègent surtout sur les fibres de type I, plus rarement
VI, VII). La vitesse de sédimentation est augmentée aux envi- sur les fibres de type II. Elles sont réparties au hasard sur la
rons de 50. Une lymphocytose est fréquente dans le liquide biopsie et portent sur environ 5 à 20 % des fibres. En micro-
cérébrospinal. L’IRM peut montrer un élargissement du sinus scopie électronique, des amas de mitochondries anormalement
caverneux. L’ensemble des troubles régresse sous corticothé- grandes sont visibles sous la membrane plasmique et dans les
rapie. Des récidives sont fréquentes mais moins nombreuses espaces intermyofibrillaires. Leur taille et leur forme sont varia-
qu’au cours des migraines ophtalmoplégiques, de l’ordre de bles. Elles contiennent des crêtes allongées ou concentriques et
deux à six. La nature de la maladie est inconnue bien que des inclusions paracristallines, souvent rectangulaires, disposées
l’hypothèse de lésions de granulomatose inflammatoire dans en « galons ». Des gouttelettes lipidiques en grand nombre et des
le sinus caverneux soit vraisemblable. Le diagnostic doit être amas de glycogène sont fréquents. Ces anomalies mitochondriales
affirmé avec prudence car des cas de tumeurs parasellaires cor- ne siègent pas seulement dans le muscle, mais sont susceptibles
ticosensibles sont susceptibles de créer un tableau de syndrome de s’observer dans divers organes, notamment le cœur, le foie et le
de Tolosa et Hunt, qualifié de « sinistre » [13] ; la sarcoïdose, un cervelet. Les cas autopsiés comportent une dégénérescence spon-
lymphome peuvent également être en cause. Enfin, certains cas giforme de la substance blanche de l’encéphale et des noyaux du
de leischmaniose de la paupière s’observeraient dans des ptôsis moteur oculaire commun analogue à celle des encéphalopathies
neurogènes [14] . spongiformes.

Formes sporadiques
Les plus fréquentes, elles sont en relation avec une délétion de
 Ptôsis myopathique l’acide désoxyribonucléique (ADN) mitochondrial. Il s’agit d’une
délétion géante portant habituellement sur 4977 paires de bases
s’étendant du gène de l’adénosine triphosphatase (ATPase) au
Il caractérise les myopathies oculaires. Le concept de myopathie gène ND, de la nicotinamide adénine dinucléotide (NADH) déshy-
oculaire, à l’origine de ptôsis et d’ophtalmoplégie externe, s’est drogénase.
peu à peu fait jour. Au siècle dernier, ces formes étaient classées
comme ophtalmoplégie nucléaire progressive. La nature myopa- Ptôsis et ophtalmoplégies isolées
thique de nombre d’entre elles fut reconnue vers la moitié du Ces formes, sporadiques, relativement bénignes, sont caractéri-
XXe siècle [15] . Actuellement, les acquisitions morphologiques, bio- sées par une ophtalmoplégie progressive avec ptôsis et parfois un
chimiques, génétiques ont abouti à un démembrement complet déficit proximal les faisant qualifier de myopathies oculaires des-
entre formes d’origine mitochondriale d’une part, myopathies cendantes. Le début se fait chez l’adolescent ou l’adulte jeune.
oculopharyngées avec inclusions tubulofilamentaires intranu- L’évolution est lentement progressive. Des RRF sont présentes
cléaires d’autre part. sur la biopsie musculaire. Un déficit en cytochrome oxydase est

6 EMC - Neurologie
Ptôsis  17-016-A-30

Figure 5. Fibres rouges déchiquetées (A, B).

A B

Mutations ponctuelles de l’ADN mitochondrial

“ Point fort Elles sont rarement à l’origine d’un ptôsis. On signale parmi ces
mutations :
• des mutations ponctuelles de l’ARNt :
Myopathie oculaire mitochondriale ◦ en 3243 : cette mutation, habituellement à l’origine du syn-
• Ptôsis permanent, bilatéral drome MELAS (mitochondrial encephalomyopathy lactic acidosis
and strokes), est dans certains cas la cause de syndromes dits
• Ophtalmoplégie progressive sans diplopie
« non MELAS » associant ptôsis et ophtalmoplégie à des acci-
• Souvent sporadique
dents vasculaires cérébraux,
• Biopsie du muscle deltoïde : RRF ◦ en 3256 : la sémiologie oculaire s’intègre dans une atteinte
• Parfois associée à une rétinite pigmentaire : multisystémique,
◦ bloc cardiaque, syndrome cérébelleux ◦ en 3251 : l’atteinte oculaire est inconstante allant de pair
◦ anomalies systémiques évoluant vers la mort entre avec une myopathie, des désordres psychiatriques, parfois
20 et 30 ans (syndrome de Kearns-Sayre) une mort subite ;
La génétique aboutit à classer ces formes en plusieurs • une mutation ponctuelle de l’ARNt lysine ; cette mutation, habi-
groupes, de fréquence inégale tuellement à l’origine du syndrome MERRF (myoclonic epilepsy
ragged red fibres), est dite ici « non MERRF » et combine à
l’atteinte oculaire des atteintes multisystémiques ;
• une mutation partielle de l’ARNt asparagine à l’origine de ptôsis,
d’ophtalmoplégie et de fatigabilité.
fréquent. La délétion isolée de l’ADN mitochondrial est présente
dans 50 % des cas mais son siège et sa taille diffèrent considérable- Formes d’hérédité mendélienne
ment selon les cas. Une encéphalopathie spongiforme est présente Rares, elles sont interprétées comme un défaut d’interaction
à l’autopsie. entre gènes nucléaires et mitochondriaux. Les unes sont de
transmission autosomique dominante, d’autres de transmission
autosomique récessive.
Syndrome de Kearns-Sayre Formes de transmission autosomique dominante. Dans ces
cas, les délétions de l’ADN mitochondrial sont multiples au lieu
Il combine au ptôsis et à l’ophtalmoplégie des manifestations
d’être uniques et toutes les délétions sont flanquées de répétition
systémiques réalisant une triade (début avant 20 ans, ophtalmo-
directe, ce qui suggère une fréquence anormale de réplications.
plégie progressive, rétinite pigmentaire) et l’association, selon
Comme les protéines sont sous contrôle nucléaire, il est probable
les cas, à un bloc cardiaque, un syndrome cérébelleux, une
que le point de départ soit représenté par des mutations nucléaires
protéinorachie élevée ou encore une petite taille, une surdité
altérant l’ADN mitochondrial.
neurosensorielle, parfois des épisodes de coma, un diabète, une
Dans ces formes, la myopathie oculaire, d’hérédité autosomique
hypoparathyroïdie, une démence. L’électroencéphalogramme
dominante, s’associe à une intolérance à l’exercice, un déficit
n’est pas spécifique. Le scanner montre des RRF et un nombre
proximal, une acidose lactique, des RRF. Parfois, une surdité, un
variable de fibres cytochrome oxydase-négatives. Le pronostic est
tremblement, une ataxie, un retard mental, une neuropathie péri-
dans l’ensemble défavorable. Malgré la pose d’un pacemaker, la
phérique, un nystagmus, une hypoparathyroïdie sont associés.
mort se produit habituellement entre 20 et 30 ans.
Formes de transmission autosomique récessive. Il s’agit
essentiellement du syndrome MNGIE (myo-neuro-gastro-intestinal
encephalopathy) dit encore « POLIP » (polyneuropathy, ophthalmople-
Formes génétiques gia, leukoencephalopathy, intestinal pseudo-obstruction).
L’hérédité des maladies mitochondriales est double. D’une Le début se fait avant 20 ans par un ptôsis et une ophtal-
part les mitochondries possèdent un génome propre, molécule moplégie. Des troubles de la motilité gastro-intestinale sont à
circulaire dont les gènes codent la chaîne respiratoire, l’acide ribo- l’origine de vomissements, de diarrhée, d’occlusion intestinale,
nucléique de transfert (ARNt ) et l’acide ribonucléique ribosomal de malabsorption, de diverticulose. Une neuropathie périphé-
(ARNr ). D’autre part, l’ADN nucléaire contrôle les autres protéines rique s’associe à une amyotrophie diffuse, un retard statural,
avec un mode d’hérédité mendélienne. une surdité. Une leucoencéphalopathie est visible par l’IRM.

EMC - Neurologie 7
17-016-A-30  Ptôsis

Une protéinorachie élevée est habituelle. La biopsie musculaire laquelle le ptôsis est souvent associé à une ophtalmoplégie. Un
montre des RRF, cytochrome oxydase-négatives avec déficit en ptôsis est également observé au cours de la myopathie à bâtonnets.
complexe I de la chaîne respiratoire. Il existe une délétion de Le ptôsis involutif, ptôsis sénile, est d’origine musculoaponé-
16,5 kb associée à des délétions multiples. Enfin, les thérapeu- vrotique. Plus fréquent chez la femme, il augmente avec l’âge,
tiques antivirus de l’immunodéficience humaine sont parfois à unilatéral ou bilatéral. Il est fait de deux composantes : l’atrophie
l’origine de ptôsis [18] . graisseuse de la portion charnue du releveur, associée à un
amincissement et à un allongement du muscle de Müller ; la
dégénérescence de l’aponévrose par désinsertion, déhiscence ou
Myopathie oculopharyngée élongation, parfois favorisées par des traumatismes mineurs, par
Très différente des précédentes et relevant d’une transmission port de verres de contact, après corticothérapie ou chirurgie ocu-
autosomique dominante, elle est très fréquente. L’anomalie porte laire. Dans ce cas, le ptôsis est parfois important. Parfois, il
sur le chromosome 14q11-1. Le mécanisme est une courte expan- s’aggrave en fin de journée du fait de la fatigabilité du muscle de
sion de triplets de GCG dans le gène poly A binding protein nuclear Müller. Dans le regard vers le bas, la paupière atteinte est plus
1 (PABPN1 ). La polyalanine, qui préside normalement au passage basse que la paupière saine. Un jaw winking ptosis est présent
et au retour de l’ARN messager à travers la membrane du noyau, dans le syndrome de Kabuki associant dystrophie oculofaciale,
s’accumule dans le noyau et son domaine terminal N est anorma- retard mental, anomalie squelettique [31] . À noter le ptôsis uni-
lement prolongé. latéral de l’amyloïdose souvent précédé d’une masse amyloïde
La myopathie oculopharyngée répond à des critères précis [19, 20] . orbitaire [21, 22] . Le ptôsis associé à une sclérodermie linéaire est
L’âge de survenue est élevé, après 50 ans, habituellement 60 à signalé [23] .
80 ans, plus souvent dans le sexe féminin. Une transmission de
type autosomique dominant avec pénétrance complète est d’une
extrême fréquence.
Le ptôsis bilatéral, parfois asymétrique, est le premier signe à
 Ptôsis jonctionnels
apparaître s’aggravant progressivement. Il aboutit parfois à une
Les ptôsis dont l’origine se situe dans la jonction neuromus-
occlusion totale des paupières, plus ou moins compensée par une
culaire répondent à des caractères précis, au premier chef la
attitude en extension de la tête. Une dysphagie est constante,
variabilité, qu’il s’agisse de myasthénie auto-immune ou de myas-
parfois sévère ; une dysphonie est plus rare. Une telle associa-
thénie congénitale [24] .
tion oriente souvent vers une myasthénie. Cependant, la rareté
Un ptôsis, uni- ou bilatéral, intermittent, est un signe impor-
d’une ophtalmoplégie, l’absence de diplopie, la permanence des
tant de myasthénie. Un caractère différentiel à toujours rechercher
troubles, l’insensibilité aux anticholinestérasiques, permettent
est son association à une diplopie, souvent également intermit-
habituellement le diagnostic. Le taux de créatine kinase sérique
tente : le ptôsis, souvent asymétrique, est parfois méconnu s’il
est souvent élevé. L’électromyogramme est myogène.
ne recouvre que partiellement la cornée. Inversement, un ptô-
La biopsie musculaire comporte des altérations de type myo-
sis important fait disparaître la diplopie. Il est compensé par une
gène. Mais sont surtout visibles des vacuoles, bordées par un
attitude rejetée en arrière de la tête, sauf en cas de faiblesse des
matériel basophile avec l’hématéine-éosine, colorées par le rouge
muscles de la nuque.
Congo témoignant de leur nature amyloïde ou bêtaplissée.
La variabilité du ptôsis est caractéristique (Fig. 6). Le ptôsis
L’élément caractéristique, visible en microscopie électronique,
est souvent à bascule. Il est exagéré par la fatigue, le soleil, la
est la présence d’inclusions intranucléaires, faites de filaments
lumière. II augmente dans le regard latéral ou lors de l’élévation
tubulaires de 8 nm de diamètre, rectilignes et disposés en
prolongée du regard. Il régresse au froid, par exemple par applica-
« palissade », qui sont des micromolécules de polyalanine.
tion d’un glaçon sur la paupière. Des variations paradoxales sont
parfois observées. S’il est habituellement plus marqué en début
de journée, il est parfois maximal au réveil ou après la sieste et
“ Point fort disparaît en une trentaine de minutes. La fermeture répétée des
paupières l’augmente. Cette manœuvre traduit une généralisation
de la fatigabilité qui s’étend au muscle orbiculaire des paupières
Myopathie oculopharyngée innervé par le facial. Les pupilles sont en général normales. Le
• Fréquence, transmission autosomique dominante, Cogan’s twicth signe est un curtaining et enhanced ptosis. Il appa-
expansion de triplets GCG dans le gène PABPN1, raît comme un bref over shoot de la paupière supérieure dans le
regard vers le bas (la sclérotique est transitoirement visible au-
chromosome 14
dessus de la cornée. Curtaining et enhanced réfèrent au phénomène
• Âge tardif de survenue : 5e à 8e décennie
d’abaissement de la paupière controlatérale lorsque la paupière
• Sexe plutôt féminin normale est soulevée, ce qui provoque une chute de la paupière
• Ptôsis, dysphagie, dysphonie, ophtalmoplégie rare avec ptôsis.
• Biopsie musculaire : vacuoles bordées, filaments intra- Le mécanisme du ptôsis et de l‘ophtalmoplégie myasthé-
musculaires de 8 nm de diamètre en microscopie niques est mal connu. On invoque parfois le petit nombre
électronique de replis postsynaptiques indiquant une réduction des récep-
teurs d’acétylcholine. D’autre part, les muscles oculomoteurs,

Autres ptôsis myopathiques


La dystrophie myotonique de Steinert (DM1) s’accompagne
d’un ptôsis authentique, faisant partie du tableau clinique. Le ptô-
sis est bilatéral, parfois asymétrique, lié à une atteinte dégénérative
du releveur de la paupière supérieure. Il est rarement assez impor-
tant pour entraîner une attitude compensatrice de la tête. Il est en
général modéré. II constitue un élément de l’enquête génétique
car il est souvent visible sur des photographies des membres de
la famille du patient. II doit être différencié de la myotonie des
paupières, due à un retard de relaxation du muscle orbiculaire.
Un ptôsis n’est pas rare au cours des diverses myopathies congé-
Figure 6. Myasthénie, ptôsis, ophtalmoplégie.
nitales, principalement la myopathie centronucléaire au cours de

8 EMC - Neurologie
Ptôsis  17-016-A-30

“ Point fort
Ptôsis myasthénique
• Uni- ou bilatéral, attitude de la tête rejetée en arrière
• Variable, exagéré par la fatigue, la lumière 1
• Diplopie
2
• Augmenté par les épreuves de fatigabilité
• Électromyogramme : décrément 3 4
• Test aux anticholinestérasiques
• Anticorps antirécepteurs d’acétylcholine
5

7 D1

Figure 7. Ptôsis sympathique.

Figure 8. Un syndrome de Claude Bernard-Horner peut trouver son


richement irrigués par rapport aux autres muscles, reçoivent une origine dans le centre de Karplus et Kreidl (1), sur les fibres postgan-
plus grande quantité de substances bloquant les récepteurs. Leur glionnaires (3), dans le bulbe ou le tronc cérébral (4), sur le tronc du
température est plus élevée, 37,2 ◦ C, par rapport à celle des muscles sympathique cervical (6), dans la moelle épinière (8), dans la région
de la main, 33,6 ◦ C ou de l’épaule, 36,4 ◦ C. Les stimuli nécessaires des rameaux communicants blancs et des racines rachidiennes (7).
à obtenir une tétanisation sont de fréquence élevée (200/s) par 2. Ciliaires longs ; 5. ganglion cervical supérieur ; D1 : première vertèbre
rapport à celle des autres muscles (20 à 50). De plus, les muscles dorsale.
oculaires ont une activité électrique continue persistant pendant
le sommeil, ce qui pourrait expliquer les ptôsis prédominant au
réveil. L’innervation centrale étant bilatérale et égale des deux
côtés, une compensation ne se produirait pas du côté déficitaire. Un ptôsis sympathique nécessite la recherche d’une lésion
La nature myasthénique d’un ptôsis soupçonnée clinique- sur la voie du système autonome (Fig. 8). II peut s’agir d’une
ment est prouvée par les épreuves de fatigabilité, le décrément lésion des centres supérieurs (centre de Karplus et Kreidl), du
électromyographique, les tests aux anticholinestérasiques et bulbe et de la protubérance, de la moelle. Les atteintes les plus
les anomalies immunologiques propres aux myasthénies auto- communes sont les commotions médullaires, le syndrome de
immunes. Wallenberg, la syringomyélie. Les atteintes du tronc du sympa-
thique cervical sont également fréquentes : paralysies du plexus
brachial, syndrome de Pancoast et Tobias, affections médiasti-
 Ptôsis sympathique nales, adénopathies ou tumeurs cervicales, lésions thyroïdiennes.
Les branches sont également lésées au cours des thromboses caro-
Le ptôsis sympathique, élément du syndrome de Claude tidiennes entraînant un syndrome opticopyramidal alterne. Le
Bernard-Horner [25] avec le myosis et l’énophtalmie, est carac- syndrome de Raeder, encore dit syndrome sympathique paratri-
téristique (Fig. 7). Il relève de la paralysie du muscle lisse de géminal de la carotide interne, est un cas particulier. Il débute
Müller, la portion striée du releveur étant conservée. Ce ptô- par une douleur de la région orbitaire, durant quelques jours
sis est peu important, la paupière recouvre seulement la moitié ou quelques semaines, et suivie par l’installation d’un syn-
supérieure de la cornée, laissant la pupille dégagée, donc une drome de Claude Bernard-Horner. Son étiologie, souvent bénigne,
vision normale, sans attitude compensatrice de la tête. Les plis est attribuée à une inflammation du sinus caverneux mais il
palpébraux sont conservés. La paupière inférieure est légèrement peut être révélateur d’une lésion focale, anévrisme carotidien en
surélevée. Le rétrécissement de la fente palpébrale s’objective particulier.
dans la manœuvre du regard vers le haut ou par le signe de la Enfin, un ptôsis sympathique, plus ou moins transi-
sclérotique de Garcin : le sujet fixant un objet que l’on élève, toire, survient dans le décours des algies vasculaires de la
le blanc de l’œil apparaît seulement du côté sain. En outre, la face.
paupière supérieure n’est pas paralysée. L’ouverture des yeux est Un pseudosyndrome de Claude Bernard-Horner est à différen-
normale. cier. Il est proche des ptôsis involutifs et attribué à une déhiscence
du releveur de la paupière supérieure. Il survient chez des sujets
âgés et se caractérise par un ptôsis et un myosis. Il est uni- ou

“ Point fort bilatéral. Le pli palpébral supérieur est surélevé et des antécé-
dents d’œdème palpébral sont fréquents. Le releveur est le siège de
lésions mineures : zones de déhiscence, désinsertion partielle du
tarse supérieur. Toutefois, sa contraction est conservée. Quant au
Ptôsis sympathique myosis, il diffère du myosis sympathique qui n’est pas corrigé par
• Syndrome de Claude Bernard-Horner avec myosis et la cocaïne. Ici, le test à la cocaïne entraîne une mydriase. Ce myo-
énophtalmie (petit œil, petite pupille) sis serait dû à un blocage de la récupération de norépinéphrine
• Rechercher une lésion sur la voie du système autonome par les terminaisons nerveuses adrénergiques du dilatateur de
l’iris.

EMC - Neurologie 9
17-016-A-30  Ptôsis

Le ptôsis est en général marqué. La paupière supérieure lisse et


courte n’a plus de pli palpébral. Le muscle releveur est le siège
d’atrophie et de fibrose. Le tarse, peu développé, est ramolli.
La paupière inférieure est éversée dans sa partie externe. De
plus, il existe un épicanthus accentuant le ptôsis et masquant
la caroncule. Le muscle orbiculaire est désinséré et la fente
palpébrale est considérablement rétrécie. Une énophtalmie est
associée. L’orbite est hypoplasique. Ainsi, le blépharophimosis
est un syndrome polymalformatif orbitopalpébral bilatéral et
symétrique.
Figure 9. Ptôsis congénital.
Le blépharophimosis est souvent une composante de syn-
dromes complexes :
• syndrome d’Ohdo dominant avec ptôsis, troubles intellectuels
 Ptôsis congénitaux et cardiaques, hypoplasie dentaire ;
• syndrome de Michels avec trouble cornéen, fente linguale et
palatale, troubles squelettiques ;
Le ptôsis congénital, dont l’origine est mal connue, se présente • syndrome de Noonan dominant avec petite taille, troubles car-
sous des formes diverses : ptôsis congénital isolé ou associé à des diaques et hématologiques ;
syndromes malformatifs, blépharophimosis, ptôsis syncinétiques • syndrome de Marden-Walker avec retard de croissance, ptôsis
congénitaux. et troubles neurologiques ;
• syndrome de Smith-Lemli-Opitz avec cataracte, troubles
Ptôsis congénital isolé intellectuels, retard de croissance, anomalies viscérales
multiples ;
Constitué dès la naissance, il est isolé, sans ophtalmoplégie, uni- • syndrome de microdélétion 17q21-23 avec retard de développe-
latéral dans trois quarts des cas. II répond à une transmission auto- ment, anomalie du faciès, voix nasonnée, troubles cardiaques
somique dominante parfois récessive [26] . II reste stable avec les et génitaux.
années. Dans 5 % des cas, il s’associe à une atteinte du droit supé-
rieur entraînant une diminution de l’élévation du globe oculaire.
Une aplasie de la paupière supérieure est parfois visible [27] (Fig. 9).
Histologiquement [28] , le muscle releveur est atrophié avec de
Syndrome de Schwartz-Jampel
rares fibres éparses. La fibrose est importante. La raréfaction des Qualifié également de chondrodystrophie myotonique, il asso-
fibres est proportionnelle à l’importance du ptôsis. Le muscle cie à un blépharophimosis, un nanisme et une hypertrophie
de Müller est constamment normal. En ultrastructure, les myo- musculaire et relève d’une transmission autosomique récessive.
fibrilles sont désorganisées. Le tissu collagène est abondant. La mutation porte sur le gène perlecan (heparin sulfate proteoglycan)
Les altérations sont considérées comme la traduction d’une qui siège sur le chromosome 1p36 1.35. Le perlecan est une grande
aplasie isolée du releveur par défaut de maturation ou de fusion protéine intervenant dans la régulation fibroblastique mais jouant
du bourgeon mésodermique. surtout un rôle important à la jonction neuromusculaire. Son
Dans de très rares cas, interprétés comme secondaires à une insuffisance est à l’origine d’un déficit en acétylcholinestérase
agénésie nucléaire, des aspects de dénervation sont visibles. expliquant la myotonie.
Le blépharophimosis est important et donne à la face un
aspect caractéristique. Le rétrécissement de la fente palpébrale
Ptôsis congénital associé se fait dans les deux sens, vertical et horizontal. Il est décrit
Des associations diverses mais rares sont connues. selon les cas comme blépharophimosis, blépharospasme ou
Le syndrome de Brown est une fibrose généralisée ocu- ptôsis. Il s’associe à des anomalies oculaires inconstantes : cata-
lomotrice. Cette forme, exceptionnelle, est de transmission racte, subluxation du cristallin, myopie, strabisme, microcornée.
autosomique dominante. Avec le ptôsis bilatéral important existe L’implantation des oreilles et des cheveux est basse. Parfois est
une limitation quasi totale de l’ensemble des mouvements ocu- signalée une hypertrichose. Le front est bas et lisse. Les joues
laires. L’amplitude d’élévation des paupières est très réduite. sont rondes et saillantes. La bouche est petite. Les lèvres sont
L’électromyogramme n’enregistre aucune réponse. La biopsie pincées. Le menton est fuyant, plissé. La mâchoire inférieure
musculaire ne montre aucune fibre. Une variété, unilatérale avec est de petite taille. Le nez est parfois épaté. La mimique est
énophtalmie, serait non familiale. pauvre, l’air est triste, vieillot. L’ensemble de ces modifications est
Quant aux ptôsis associés à des syndromes congénitaux, la évocateur.
liste en est longue. Sont à citer les syndromes d’Aarskog, d’Apert, Un nanisme chondrodystrophique est lié à un retard statural,
de Smith-Lemli-Opitz, de Kniest, de Carpenter, d’Armendares, rapidement constitué, qui se stabilise secondairement. Les mal-
de Faulk, de Schönenberg, le syndrome Leopard (lentigines formations sont multiples et variées : microcéphalie, parfois
multiples, anomalies de conduction électrocardiographiques, platybasie, voûte ogivale, aplasie laryngée avec voix nasillarde,
hypertélorisme oculaire, sténose pulmonaire, anomalies géni- aiguë, cou court, thorax en « carène », épaules en avant, cla-
tales, retard de croissance et déficit auditif neurosensoriel), le vicules sinueuses, cyphoscoliose avec platyspondylie, hernies
syndrome de Rubinstein-Taybi et diverses aberrations chromo- inguinale et ombilicale, bassin triangulaire, anomalies coxales
somiques : trisomie partielle du bras long du chromosome 4, (coxa vara ou valga), anomalies de la tête fémorale, anomalies
délétion du bras long du chromosome 18, délétion du bras court des os longs en « haltère », pieds en varus équin. Parfois sont
du chromosome 18, ring-chromosome 22 entre autres. signalés des souffles cardiaques, un hypogonadisme, un déficit en
immunoglobulines A. Une hyperthermie maligne est également
rapportée.
Blépharophimosis Une hypertrophie musculaire diffuse ajoutée au nanisme donne
aux patients un aspect herculéen caractéristique. Les muscles sont
Il est isolé ou s’intègre dans le cadre du syndrome de Schwartz- enraidis, tendus et fermes, limitant l’ampleur des mouvements,
Jampel. rendant la marche lente et laborieuse.
La myotonie est spontanée ou mécanique. L’électromyo-
Blépharophimosis isolé gramme montre à la fois une myotonie spontanée et une pseu-
Le blépharophimosis est une forme complexe de ptôsis congé- domyotonie. Les averses myotoniques sont parfois permanentes.
nital associé à des anomalies palpébrales, oculaires et osseuses. La Des décharges pseudomyotoniques continues témoignent d’une
maladie, rarement sporadique, se transmet sur le mode autoso- hyperactivité neuromusculaire. Cette activité ne disparaît pas lors
mique dominant. du sommeil, ni après curarisation, ni après benzodiazépines.

10 EMC - Neurologie
Ptôsis  17-016-A-30

Ptôsis congénital syncinétique  Références


Syndrome de Marcus Gunn
[1] Culbertson WW, Ostler HB. The floppy eyelid syndrome. Am J Oph-
Le syndrome de Marcus Gunn [29] est un ptôsis congénital uni- thalmol 1981;92:568–75.
latéral, intermittent avec, lors de la diduction controlatérale, la [2] Duane A. Congenital deficiency of abduction, associated with
survenue de mouvements associés de la paupière atteinte. Il est impairment of adduction, retraction movements, contraction of the pal-
également dit « syncinésie mandibulopalpébrale ». pebral fissure and oblique movements of the eye. Arch Ophthalmol
1996;114:1255–6.
Le ptôsis est modéré, plus fréquent du côté gauche. Le mou- [3] Spalton D, Hitchings R, Hunter P. Atlas of clinical ophthalmology.
vement déclenchant est l’abaissement du maxillaire inférieur London: Churchill Livingstone; 1985.
ou la diduction du côté opposé, lors de la parole et sur- [4] Liu G, Volpe NJ, Galetta SL. Neuro-ophthalmology: diagnosis and
tout de la mastication. Il produit des mouvements palpébraux management. Philadelphia: Saunders Elsevier; 2010.
d’élévation et d’abaissement puis une rétraction de la paupière [5] Caplan LR. Ptosis. J Neurol Neurosurg Psychiatry 1974;37:1–7.
[6] Averbuch-Heller L, Leigh RJ, Mermelstein V, Zagalsky L, Streifler JY.
supérieure du côté du ptôsis. Parfois, des anomalies congéni- Ptosis in patients with hemispheric strokes. Neurology 2002;58:620–4.
tales s’associent : strabisme, paralysie du droit supérieur, myosis, [7] Auerbach-Heller L, Stahl JS, Remler BF, Leigh RJ. Bilateral ptosis
amblyopie. and upgaze palsy with right hemispheric lesions. Ann Neurol 1996;40:
L’origine du syndrome est interprétée parfois comme une 465–8.
anomalie nucléaire. Il paraît plutôt s’agir d’une réinnerva- [8] Lepore FE. Bilateral cerebral ptosis. Neurology 1987;37:1043–6.
[9] Jindal G, Parmar VR, Gupta VK. Isolated ptosis as acute ophthalmople-
tion ectopique à partir des fibres motrices du nerf trijumeau gia without ataxia, positive for anti-GQlb immunoglobulin G. Pediatr
masticateur qui, par un trajet aberrant passant par le nerf Neurol 2009;41:451–8.
moteur oculaire commun, innerverait le releveur de la paupière [10] Asbury AK, Aldridge H, Hersberg R, Fisher CM. Oculomotor palsy in
supérieure. diabetes mellitus: a clinico-pathological study. Brain 1970;93:555–66.
[11] Hopf HC, Gutman L. Diabetic 3rd nerve palsy: evidence for a mesen-
Syndrome de Marcus Gunn inversé ou syndrome cephalic lesion. Neurology 1990;40:1041–5.
[12] Chabriat H, Levasseur M, Schaison M, Weiser M, Bousser MG.
de Marin Amat Migraine ophtalmoplégique. Rev Neurol 1990;146:682–6.
Le syndrome de Marin Amat, dit par son auteur « syndrome [13] Spector RH, Fiandaca MS. The “sinister” Tolosa-Hunt syndrome. Neu-
rology 1986;36:198–203.
de Marcus Gunn inversé », est une fermeture de la paupière ptô- [14] O’Neill DP, Deutsch J, Carmichael AJ, Taylor R. Eyelid leishmaniasis
sée lors de l’ouverture de la bouche. Il survient principalement in neurogenic ptosis. Br J Ophthalmol 1991;75:506–7.
au décours d’une paralysie faciale périphérique. Il correspond [15] Kiloh LG, Nevin S. Progressive dystrophy of the external muscles
à des syncinésies postparalytiques dans le territoire du facial (ocular myopathy). Brain 1951;74:115–43.
supérieur lors des mouvements dans le territoire du facial infé- [16] Dimauro S, Tonin P, Servidei S. Metabolic myopathies. In: Rowland
LP, Di Mauro S, editors. Handbook of clinical neurology (vol IS).
rieur. Certains cas ne sont pas dus à une contraction du muscle Myopathies. Amsterdam: Elsevier; 1992. p. 479–526.
orbiculaire mais à une inhibition du releveur de la paupière [17] Dimauro S, Moraes CT, Shanske S, Lombes A, Nakase H, Mita S,
supérieure. et al. Mitochondrial encephalomyopathies: biochemical approach. Rev
Neurol 1991;147:443–9.
Ptôsis de Beard [18] Pfeffer G, Côté HC, Montaner JS, Li CC, Jitratkosol M, Mezei MM.
Ophthalmoplegia and ptosis: mitochondrial toxicity in patients recei-
Le ptôsis de Beard, syndrome dysdirectionnel du IIIe nerf crâ- ving HIV therapy. Neurology 2009;73:71–2.
nien, est une chute de la paupière lors des mouvements des [19] Brais B, Rouleaux G. Oculopharyngeal muscular dystrophy. NCBI
muscles droits. II apparaît parfois lors de la phase de régression Bookshelf, Gene reviews; 2006.
[20] Victor M, Hayes R, Adams RD. Oculopharyngeal muscular dystrophy:
d’une paralysie oculomotrice. a familial disease of late life characterized by dysphagia and progressive
Ces deux dernières variétés de ptôsis syncinétiques ne sont peut- ptosis of the eyelids. N Engl J Med 1982;267:1267–72.
être pas strictement congénitales et relèvent plutôt d’un processus [21] Dinakaran S, Singh AD, Rennie IG. Orbital amyloidosis presenting as
de régénérescence nerveuse. ptosis. Eye 2005;19:110–2.
[22] Hill VE. Ptosis secondary to amyloidosis of the tarsus. Am J Ophthalmol
1997;123:852–4.
 Conclusion [23] Suttorp-Schulten MS, Koornneef L. Linear scleroderma associated with
ptosis. Br J Ophthalmol 1990;74:694–5.
[24] Hantaï D, Richard P, Koenig J, Eymard B. Congenital myasthenic syn-
Ainsi, un ptôsis n’est pas un signe unique. Il doit d’abord être dromes. Curr Opin Neurol 2004;17:539–51.
décomposé dans sa sémiologie et éliminer un pseudoptôsis [30] qui [25] Serratrice G. Le syndrome de Claude Bernard-Homer. Rev Prat
doit tenir compte de la part de l’atteinte de chaque portion du rele- 1961;11:2109–13.
[26] Engle EC, Castro AE, Macy ME, Knoll JH, Beggs AH. A gene for
veur : muscle strié, tendon, muscle lisse. Le caractère permanent isolated congenital ptosis. Maps to a 3cM region within 1p32-p34.1.
ou fluctuant, l’uni- ou la bilatéralité, le caractère isolé ou associé à Am J Hum Genet 1997;60:1150–7.
une ophtalmoplégie ou à d’autres symptômes, sont des éléments [27] Blin O, Guieu R, Serratrice G, Pellissier JF. Ptosis congénital : une
déterminants dans le diagnostic. L’étiologie regroupe des causes forme d’aplasie musculaire ? Sem Hop Paris 1989;65:1171–6.
multiples car la lésion affecte une topographie étendue qui va [28] Berke RN, Wadsworth JA. Histology of levator muscle in congenital
and acquired ptosis. AM A Arch Ophthalmol 1955;53:413–28.
des terminaisons musculaires et nerveuses les plus périphériques [29] Raverdy P, Theron HP, Souillard C, Remy A. Le phénomène de Marcus
aux structures les plus centrales des systèmes cérébrospinal ou Gunn. Rev Neurol 1984;140:734–7.
autonome. Enfin, selon la variété, une indication chirurgicale cor- [30] Stone J. Pseudo-ptosis. Pract Neurol 2002;2:364–5.
rectrice peut être proposée afin d’améliorer le champ de la vision [31] Emmert Buck LT. Jaw winking ptosis in Kabuki syndrome. J Pediatr
et aussi dans un but esthétique. Ophthalmol Strabismus 2004;41:369–72.

G. Serratrice, Professeur émérite de neurologie (georges.serratrice@dbmail.com).


CHU La Timone, 1, chemin de l’Armée-d’Afrique, 13005 Marseille, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Serratrice G. Ptôsis. EMC - Neurologie 2013;10(2):1-11 [Article 17-016-A-30].

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décisionnels supplémentaires Animations légaux au patient supplémentaires évaluations clinique

EMC - Neurologie 11
¶ 17-016-A-50

Diplopie
F. Audren, C. Vignal-Clermont

La diplopie binoculaire est la traduction clinique d’une atteinte du système sensorimoteur oculaire. Le
diagnostic topographique et étiologique repose sur l’interrogatoire et l’examen précis du patient,
complétés par un bilan qui dépend des données de ce premier examen. Les paralysies oculomotrices sont
la principale cause de diplopie binoculaire et leurs étiologies sont multiples, dominées par les
traumatismes, les atteintes vasculaires, tumorales et la pathologie congénitale. En dehors du traitement
étiologique propre, il est important de ne pas laisser les patients voir double. La prise en charge doit donc
être effectuée conjointement par le neurologue et l’ophtalmologiste.
© 2007 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Diplopie ; Paralysie oculomotrice ; Nerf moteur oculaire commun ; Nerf pathétique ;
Nerf moteur oculaire externe ; Nerf abducens

Plan droit, l’une de l’œil gauche. Ces deux images sont suffisamment
semblables pour que le cortex visuel intègre ces informations en
¶ Introduction 1 une sensation unique (correspondance), mais suffisamment
différente (en raison de la différence de parallaxe) pour que la
¶ Rappel anatomique 2
somme des informations produise la sensation d’une image
Anatomie descriptive 2
unique et en relief (stéréoscopie).
Anatomie fonctionnelle 2
On parle de correspondance rétinienne normale quand le
¶ Examen du patient atteint de diplopie 3 développement visuel a été normal, et qu’il existe une vision
¶ Interrogatoire 3 stéréoscopique normale ou potentiellement normale. Dans le
Antécédents 3 cas contraire, on parle de correspondance rétinienne anormale.
Diplopie 3 Cette dernière circonstance se rencontre lorsqu’il y a eu un
¶ Examen clinique 4 strabisme congénital ; il n’existe alors pas de vision fine du
Diplopie monoculaire 4 relief possible (même si le traitement du strabisme a permis le
Diplopie binoculaire 4 réalignement des axes visuels), et une déviation des axes visuels
¶ Diagnostic étiologique d’une diplopie binoculaire 5 n’entraîne généralement pas de diplopie dans ce cas.
Paralysies de fonction et atteintes internucléaires 5 Les mouvements oculaires sont au service de la vision
Paralysies oculomotrices 6 binoculaire, qui n’est possible que si certaines conditions sont
À part, le strabisme 9 remplies :
¶ Traitement d’une diplopie binoculaire 9 • acuité visuelle « suffisante » des deux yeux ;
• alignement des deux yeux sur l’objet (« correspondance
¶ Conclusion 10
motrice ») ;
• fonction sensorielle normale (correspondance rétinienne
normale).
La correspondance sensorielle est donc servie par la « corres-
■ Introduction pondance motrice ». L’atteinte d’un muscle ou d’un nerf
oculomoteur, ou plus rarement certaines atteintes des voies
Les mouvements oculaires ont plusieurs fonctions : supra- ou internucléaires, vont perturber la correspondance
• agrandir le champ de vision en transformant le champ visuel motrice ; les informations visuelles issues des deux yeux ne
en champ de fixation ; pourront plus être traitées en une sensation visuelle unique.
• amener l’image de l’objet d’attention sur la fovea et la Dans ces conditions, il existe une diplopie binoculaire, qui résulte
maintenir là où la résolution du système visuel est la d’un « défaut de fusion des images fournies par chacun des deux
meilleure, permettant la vision des détails, communément yeux ». La sensation de diplopie est définie comme la « perception de
explorée par la mesure de l’acuité visuelle ; deux images pour un seul objet » (Dictionnaire Garnier-Delamare).
• placer les deux yeux de telle façon qu’ils soient correctement Devant ce trouble visuel, le praticien doit répondre aux trois
dirigés vers l’objet d’intérêt à tout moment, assurant le questions suivantes :
maintien d’une vision binoculaire. • Quelle est la topographie de l’atteinte oculomotrice respon-
Dans les conditions physiologiques, les axes visuels des deux sable de la diplopie ?
yeux sont alignés sur l’objet d’intérêt, permettant la transmis- • Quel est son mécanisme causal ?
sion de deux images au cortex visuel, l’une venant de l’œil • Quel traitement doit-on proposer au patient ?

Neurologie 1
17-016-A-50 ¶ Diplopie

■ Rappel anatomique (Fig. 1, 2) [1-6] supérieure. Les fibres pupillaires parasympathiques innervant le
sphincter irien suivent aussi le trajet du III. Le noyau du III est
situé dans le tronc cérébral en avant du colliculus supérieur et
Anatomie descriptive comprend plusieurs sous-noyaux. L’organisation comporte deux
particularités :
Les muscles oculomoteurs assurant la motilité oculaire
• les fibres innervant le droit supérieur sont toutes des fibres
extrinsèque sont au nombre de six par œil : quatre muscles
croisées ;
droits et deux obliques.
• l’innervation des deux releveurs de la paupière se fait à partir
Les quatre muscles droits : supérieur (DS), inférieur (DI),
d’un seul sous-noyau dont le siège est médian.
médial (DM) et latéral (DL) forment un cône musculaire ; ils
Les fibres du III émergent à la partie antérieure du tronc
s’insèrent en arrière à l’apex orbitaire sur le tendon de Zinn et
cérébral, au niveau du sillon interpédonculaire, à la terminaison
en avant sur le globe à une distance comprise entre 5 et 8 mm
du limbe sclérocornéen (jonction entre la sclère et la cornée). du tronc basilaire ; elles cheminent ensuite le long de la tente
Le muscle oblique supérieur (OS), anciennement appelé grand du cervelet où elles sont pincées entre les artères cérébelleuse
oblique, s’insère en arrière sur le tendon de Zinn ; il se dirige en supérieure et cérébrale postérieure, puis sur le toit du sinus
avant et en dedans et se réfléchit sur sa poulie située dans caverneux avant de pénétrer dans sa paroi latérale. À la sortie
l’angle supéro-interne de l’orbite, puis repart vers l’arrière et en du sinus caverneux, le III se divise en deux branches supérieure
dehors pour s’insérer sur la partie supérieure du globe, en arrière et inférieure qui pénètrent dans l’orbite par la fente sphénoïdale
de l’équateur. L’oblique inférieur (OI), anciennement appelé (dans l’anneau de Zinn).
petit oblique, s’insère dans l’angle inféro-interne du rebord Le nerf pathétique (IV) innerve l’OS. Son noyau est situé en
orbitaire ; il a un trajet oblique en haut et en dehors pour avant du colliculus inférieur ; les fibres qui en sont issues
s’insérer dans le quadrant inféroexterne du globe, en arrière de émergent à la partie dorsale du tronc cérébral, croisent la ligne
l’équateur. médiane et ont ensuite un trajet circumpédonculaire d’arrière
Le nerf moteur oculaire ou moteur oculaire commun (III), innerve en avant. Elles pénètrent dans la paroi latérale du sinus caver-
les muscles DS, DI, DM, OI et le releveur de la paupière neux et se dirigent vers la fente sphénoïdale.
Le moteur oculaire externe (VI) ou nerf abducens innerve le DL.
Son noyau est situé dans la protubérance, sous le plancher du
IVe ventricule. Les fibres émergent en avant, au niveau du sillon
bulboprotubérantiel ; elles se dirigent vers l’avant, croisent la
pointe du rocher, puis gagnent l’intérieur du sinus caverneux au
contact de la carotide interne. Elles pénètrent ensuite dans
l’orbite par la fente sphénoïdale, dans l’anneau de Zinn.

Anatomie fonctionnelle
L’action mécanique des muscles oculomoteurs est très com-
plexe ; rappelons quelques notions qui sont utiles pour la
Figure 1. Schéma représentant l’origine des noyaux des nerfs crâniens
compréhension du sujet. Il faut retenir que le globe oculaire est
III, IV et VI. Les fibres nerveuses du IV croisent la ligne médiane pour
émerger à la face postérieure du tronc cérébral, innervant l’oblique
un mobile d’inertie quasi nulle, qui est soumis en permanence
supérieur controlatéral. Le noyau du III a une structure complexe, puisque à la somme des différentes forces de tous les muscles oculomo-
chaque muscle est innervé par des fibres provenant d’un noyau propre, teurs et des éléments conjonctivoaponévrotiques orbitaires et
sauf les deux releveurs de la paupière supérieure, innervés par des fibres cela, quelle que soit la position du globe. Les forces musculaires
ayant comme origine un noyau unique. Les fibres pupillomotrices ont leur comprennent des composantes actives (contraction dans le
origine dans le noyau d’Edinger-Westphal. Les fibres destinées au droit champ d’action du muscle), passives (élasticité lors de l’élonga-
supérieur proviennent d’un sous-noyau controlatéral. 1. Noyau caudé ; 2. tion du muscle lors des mouvements dans le champ d’action du
droit médial ; 3. droit inférieur ; 4. oblique inférieur ; 5. droit latéral ; 6. muscle antagoniste) et toniques.
droit supérieur ; 7. oblique supérieur ; 8. noyau d’Edinger-Westphal (C. L’abduction est effectuée par le DL et l’adduction par le DM
Vignal-Clermont, D. Milea et al. Neuro-ophtalmologie. Paris : Éditions (droits horizontaux). L’action des muscles droits verticaux (DS
Scientifiques et Médicales Elsevier, SAS ; 2002). et DI) et des obliques est plus complexe, associant des compo-
santes verticales et torsionnelles. L’élévation est essentiellement
sous la dépendance du DS, alors que l’OI n’a d’action d’éléva-
tion que lorsque l’œil est en adduction. L’abaissement est assuré
essentiellement par le DI, alors que l’OS est abaisseur lorsque
l’œil est en adduction (« muscle de la lecture »).
La notion de champ d’action d’un muscle est primordiale à
connaître : il s’agit de la direction du regard dans laquelle un
muscle est sollicité à son maximum, mais cela ne signifie pas
que cette direction soit celle où le muscle agit exclusivement ou
même principalement. Les différents champs d’actions sont
schématisés dans la Figure 3.
Les lois commandant l’innervation des muscles oculomoteurs
sont fondamentales pour la compréhension des tableaux
cliniques et de l’évolution de ceux-ci :
• la loi de Hering est la loi d’égale innervation : « Une quantité
d’énergie nerveuse adaptée est transmise aux couples muscu-
laires synergiques, ce qui permet aux deux yeux de tourner de
façon égale » ;
Figure 2. Trajet schématique des nerfs oculomoteurs (III, IV et VI) • la loi de Sherrington est la loi d’innervation réciproque :
depuis le tronc cérébral jusqu’à l’orbite. 1. Artère communicante posté- « Quand les agonistes se contractent, les antagonistes se
rieure ; 2. artère ophtalmique ; 3. carotide (C. Vignal-Clermont, D. Milea relâchent » ou « Quand un agoniste reçoit un influx pour se
et al. Neuro-ophtalmologie. Paris : Éditions Scientifiques et Médicales Else- contracter, un influx inhibiteur équivalent est envoyé à son
vier, SAS ; 2002). antagoniste, qui se relâche et s’allonge ».

2 Neurologie
Diplopie ¶ 17-016-A-50

Droit
supérieur
Oblique
inférieur
Antécédents
Ils comprennent :
• les antécédents familiaux de maladies neurologiques ou
musculaires ;
Droit Droit
latéral médial • les antécédents du patient :
C ophtalmologiques : strabisme, chirurgie de strabisme,
rééducation orthoptique, chirurgie de la cataracte, trauma-
tisme craniofacial ou orbitaire récent,
Droit Oblique C généraux : recherche de facteurs de risque vasculaires, en
inférieur supérieur
particulier existence d’un diabète dont on doit préciser les
Figure 3. Champ d’action des muscles oculomoteurs (conception clas-
caractères,
sique) (C. Vignal-Clermont, D. Milea et al. Neuro-ophtalmologie. Paris :
Éditions Scientifiques et Médicales Elsevier, SAS ; 2002). C antécédents neurologiques, etc.,
C signes précédant l’installation de la diplopie et/ou l’accom-
pagnant : existence de douleurs périoculaires (élément
■ Examen du patient atteint important de la démarche diagnostique), de céphalées,
signes en faveur d’une maladie de Horton, notion de baisse
de diplopie d’acuité visuelle ou de trouble du champ visuel, existence
d’éclipses visuelles...
L’examen d’un patient se plaignant de diplopie doit être
soigneux et commence dès que celui-ci entre dans la salle
d’examen et commence à raconter son histoire. Il faut s’attacher Diplopie
à observer comment il se déplace, s’assied, regarde son environ-
nement et l’examinateur. L’examen clinique comporte deux L’interrogatoire précise les caractères de la diplopie :
temps importants : l’interrogatoire et l’examen de la motilité
• mono- ou le plus souvent binoculaire, disparaissant lors de
oculaire proprement dit. Voici un lexique des termes fréquem-
l’occlusion d’un œil ;
ment utilisés en oculomotricité qui sont utilisés dans cet
article [7]. • permanente ou transitoire (majorée par l’effort physique,
orientant vers une myasthénie ; n’existant pas ou augmentée
dans certaines positions du regard, par exemple diplopie
■ Interrogatoire uniquement à la lecture ou lors de la descente des escaliers
orientant vers une atteinte de l’oblique supérieur) ;
Il recherche des éléments permettant d’orienter vers une • direction de la vision double : horizontale, verticale ou
étiologie. oblique.

“ Lexique des termes fréquemment utilisés en oculomotricité


Duction/version/vergence : par duction, on entend un mouvement intéressant un seul œil, en général effectué alors que l’œil
controlatéral est occlus.
Abduction/adduction : l’abduction est un mouvement monoculaire horizontal, dirigé de dedans en dehors ; l’adduction est un
mouvement monoculaire horizontal dirigé de l’extérieur vers le nez. Par version, on entend un mouvement des deux yeux dans la
même direction (ou conjugué). La vergence est un mouvement des deux yeux en direction opposée (dysconjugué), souvent mis en
jeu lors du rapprochement d’un objet (convergence) ou de son éloignement (divergence).
Comitance/incomitance : une déviation oculaire (ou strabisme) est dite comitante ou concomitante si elle est stable dans toutes
les positions du regard ; c’est en général le cas des strabismes congénitaux. Quand l’angle de la déviation change avec les
mouvements oculaires, le strabisme est dit incomitant ; c’est le cas par exemple des paralysies oculomotrices où la déviation est
maximale dans le champ d’action du ou des muscles paralysés.
Confusion/diplopie : la diplopie est la perception de deux images pour un seul objet. La confusion se produit lorsque les deux axes
visuels ne sont plus parallèles, deux images de deux points de l’espace se superposent, le patient ne sachant pas laquelle est
réellement en face de lui. C’est un trouble qui n’est généralement pas décrit par le patient qui a du mal à l’analyser, mais qui est très
invalidant.
Phorie/tropie : une phorie (ou hétérophorie) est un trouble de l’alignement oculaire qui n’apparaît que lorsque la fixation
binoculaire est rompue, par exemple lors de l’occlusion d’un œil ; lorsque le patient fixe avec ses deux yeux, il est capable de
maintenir un alignement oculaire correct afin de voir simple l’objet qu’il fixe. Une tropie (ou hétérotropie) est un trouble de
l’alignement oculaire présent lorsque les deux yeux sont ouverts. Il peut s’agir d’une ésotropie (déviation en convergence), d’une
exotropie (déviation en divergence), d’une hypertropie (déviation vers le haut d’un œil par rapport à l’autre) ou d’une hypotropie
(déviation vers le bas). Déviation primaire/déviation secondaire : on appelle déviation primaire la déviation mesurée lorsque l’œil sain
est fixateur et déviation secondaire, la déviation mesurée lorsque l’œil paralysé est fixateur. En cas de paralysie oculomotrice récente,
la déviation secondaire est plus importante que la déviation primaire (conséquence de la loi de Hering).
Loi de Sherrington : c’est la loi d’innervation réciproque : « Quand les agonistes se contractent, les antagonistes se relâchent » ou
« Quand un agoniste reçoit un influx pour se contracter, un influx inhibiteur équivalent est envoyé à son antagoniste, qui se relâche et
s’allonge ».
Loi de Hering : c’est la loi d’égale innervation : « Une quantité d’énergie nerveuse adaptée est transmise aux couples musculaires
synergiques, ce qui permet aux deux yeux de tourner de façon égale. »

Neurologie 3
17-016-A-50 ¶ Diplopie

■ Examen clinique (Fig. 4) [8-10] C unilatérale, non axile, indolore et d’apparition progressive,
elle évoque plutôt un processus tumoral orbitaire ;
Diplopie monoculaire • un ptosis : unilatéral, constant, associé à une atteinte unila-
térale des muscles DI, DM et DS, il oriente vers une atteinte
Elle est le plus souvent d’origine oculaire. Pour l’éliminer, on du III. Il est variable dans la journée, majoré par l’effort et en
réalise l’occlusion d’un œil puis de l’autre. La suppression de la faveur d’une myasthénie. Par ailleurs, l’existence d’un ptosis
vision double par l’occlusion d’un œil signe la diplopie binocu- peut masquer la diplopie ;
laire. Si l’occlusion d’un œil ne supprime pas la diplopie, c’est • un trouble pupillaire : une mydriase unilatérale associée à une
qu’il existe une diplopie monoculaire sur l’un des deux yeux. La limitation homolatérale des DS, DI, DM signe une atteinte
mise en évidence d’une diplopie monoculaire impose de placer du III.
devant l’œil atteint un cache percé d’un trou ponctiforme (trou
sténopéique). Si le trou sténopéique fait disparaître la vision
double, il s’agit d’un problème purement oculaire (Tableau 1) Étude dynamique de la déviation oculaire
qui est précisé par l’ophtalmologiste. Très rarement, la vision
double persiste sur un œil (malgré le trou), il peut alors s’agir Cette étude se fait en binoculaire (étude des versions et de la
d’un problème psychogène, ou exceptionnellement d’une convergence) puis en monoculaire (étude des ductions).
atteinte occipitale. Le plus souvent, la déviation varie dans les différentes
positions du regard (incomitance). De même que la diplopie,
elle est maximale dans le champ d’action du ou des muscles
Diplopie binoculaire paralysés. Le plus souvent, la diplopie est en rapport avec une
Observation du patient en position de repos paralysie oculomotrice (POM) ou une atteinte de la jonction
neuromusculaire (myasthénie), mais il peut aussi s’agir d’une
Le plus souvent, il existe une déviation oculaire dont on atteinte du muscle lui-même. Plus rarement, la diplopie est
précise le type : déviation en convergence (ésotropie), en causée par une pathologie inter- ou supranucléaire.
divergence (exotropie), déviation verticale isolée (hyper- ou
Dans le cadre d’une diplopie intermittente déclenchée ou
hypotropie) ou accompagnée d’une déviation horizontale.
majorée par les efforts de fixation visuelle, si l’examen ne
L’inspection apprécie également l’existence d’une attitude
retrouve pas de déviation oculaire en position primaire et dans
vicieuse de la tête ou torticolis ; pour essayer de compenser la
les différentes positions du regard, il faut se méfier d’une
vision double, le patient tourne la tête vers le champ d’action
hétérophorie décompensée. Dans ce cas, l’occlusion alternée
du muscle atteint.
démasque une déviation en convergence (ésophorie) ou en
On recherche également l’existence d’anomalies oculaires
divergence (exophorie) qui disparaît en vision binoculaire. En
associées :
cas de fixation prolongée, la fusion ne peut être maintenue et
• une exophtalmie dont on précise les caractères :
la diplopie apparaît.
C bilatérale, axile, s’accompagnant d’une rétraction palpé-
Les différents types de mouvements oculaires sont analysés
brale et d’une asynergie oculopalpébrale, elle oriente vers
un par un, dans le plan horizontal puis vertical :
une orbitopathie dysthyroïdienne,
• étude des saccades en demandant au patient de déplacer ses
yeux volontairement ;
• étude de la poursuite oculaire en faisant suivre un objet
2 2 déplacé lentement ;
• étude du réflexe vestibulo-oculaire (RVO) par la manœuvre
1 des « yeux de poupée ».
1
En cas d’atteinte nucléaire ou infranucléaire, il existe une
atteinte des saccades du ou des muscles paralysés et une
paralysie du RVO dans le même sens. Dans les atteintes supra-
nucléaires, on retrouve une dissociation entre la motilité
saccadique volontaire atteinte et le RVO conservé.

Tête sur l'épaule droite Tête sur l'épaule gauche En cas de diplopie verticale
1 ⇒ intorsion OD ⇒ OS 1 ⇒ intorsion OG ⇒ OS
DS DS En cas de diplopie verticale, le raisonnement fait toujours
2 ⇒ extorsion OG ⇒ OI 2 ⇒ extorsion OD ⇒ OI appel à la même procédure dite « en trois marches ». Celle-ci est
DI DI surtout utile si le déficit porte sur un seul muscle :
• le 1er temps précise si la déviation est maximale dans le
Figure 4. Signe de Bielschowsky (paralysie de l’oblique supérieur droit).
regard vers le haut (atteinte du droit supérieur ou de l’oblique
inférieur) ou vers le bas (atteinte de l’oblique supérieur ou du
Tableau 1. droit inférieur) ;
Causes de diplopie monoculaire. • dans le deuxième temps, le patient précise si la déviation est
Le plus souvent pathologie Anomalie de surface cornéenne avec maximale en abduction (atteinte d’un droit vertical) ou en
oculaire irrégularité ou astigmatisme cornéen adduction (atteinte d’un muscle oblique) ;
irrégulier, par exemple en rapport avec un • le dernier temps fait appel à la manœuvre de Bielschowsky.
kératocône En l’absence de paralysie, l’inclinaison de la tête d’un côté
Cataracte, subluxation ou luxation du entraîne une cyclotorsion compensatrice des yeux ; celle-ci,
cristallin ou implant cristallinien du côté où la tête est penchée, est due à l’action intorsive
Problème irien : iridectomie de grande synergique des muscles oblique supérieur et droit supérieur
taille, iridodialyse post-traumatique qui sont intorteurs ; ces deux muscles ont également des
Problème maculaire, par exemple actions verticales mais opposées et qui s’annulent. En cas de
membrane épirétinienne paralysie du IV, quand on incline la tête du patient du côté
Plus rarement problème paralysé, seul le droit supérieur reste actif, et son action
anorganique verticale n’est plus compensée par celle de l’oblique supérieur,
entraînant une élévation de l’œil atteint (et une majoration
Exceptionnellement
de la diplopie). Cette manœuvre serait négative si la déviation
atteinte cérébrale occipitale
verticale était due à une atteinte du DS controlatéral (Fig. 4).

4 Neurologie
Diplopie ¶ 17-016-A-50

Examen général
L’ophtalmologiste complète cet examen de la motilité ocu-
laire par une mesure de la réfraction, de l’acuité visuelle, un
examen à la lampe à fente à la recherche d’une anomalie du
segment antérieur de l’œil et une étude du fond d’œil. Cet
examen permet de préciser la cause oculaire d’une diplopie
monoculaire, de rechercher un problème de réfraction, d’élimi-
ner une hétérophorie décompensée, ainsi que des causes
ophtalmologiques plus rares de diplopie binoculaire :
• une aniséiconie majeure, exceptionnelle (différence de taille
des images des deux yeux, due à un problème réfractif en
général, et ne permettant plus la fusion de ces images) ; Figure 5. Examen coordimétrique normal et champs d’action des
• les syndromes de rétraction : muscles oculomoteurs. DS : droit supérieur ; OI : oblique inférieur ; DL :
C le syndrome de Stilling-Duane, qui est, dans sa forme la droit latéral ; DM : droit médial ; DI : droit inférieur ; OS : oblique supé-
plus fréquente, un trouble de développement du VI, avec rieur.
reinnervation aberrante du DL par le III ; ce syndrome est
congénital, et il existe un déficit de l’abduction de l’œil
atteint et une rétraction du globe dans le mouvement superposer la flèche rouge sur la flèche verte. Pour étudier
d’adduction de ce même œil (par cocontraction des DL et l’œil gauche équipé du verre vert, les torches sont inversées.
DM) ; Ce test, dont il existe des variantes, permet de mettre en
C le syndrome de Brown qui est lié à une anomalie de la évidence l’œil atteint dont le cadre de déviation est le plus
poulie de l’OS ; il existe une limitation de l’élévation en petit et le ou les muscles parétiques. Il visualise également la
adduction. déviation secondaire provoquée par l’hyperaction du synergi-
que controlatéral. Ce test constitue un document objectif qui
Examen neurologique permet de quantifier l’atteinte et de suivre l’évolution du
La constatation d’une diplopie binoculaire impose le plus déficit. La Figure 5 illustre l’aspect d’un examen coordimétri-
souvent un examen neurologique : atteinte des autres paires que normal, les Figures 6 à 8 montrent les examens coordi-
crâniennes, syndrome cérébelleux... métriques dans des POM du III, IV et VI respectivement.
Au terme de l’examen clinique, le diagnostic topographique
Examens complémentaires de l’atteinte responsable de la diplopie est en général posé :
POM le plus souvent, mais aussi myasthénie ou atteinte
Outre l’étude de la motilité oculaire, l’atteinte oculomotrice musculaire. La pathologie supranucléaire est plus rarement en
peut être précisée par différentes techniques : cause. Le diagnostic étiologique est parfois suspecté lors de
• quantification de la déviation oculaire (exprimée en dioptries) l’examen clinique initial ; il est confirmé par le bilan qui est
dans les différentes positions du regard en utilisant des barres fonction de l’étiologie suspectée.
de prisme ;
• examen au verre rouge : il peut être pratiqué d’emblée en
consultation et est très utile en cas de paralysie fruste. On
interpose un filtre rouge devant un œil, par convention l’œil
■ Diagnostic étiologique
droit, et l’on demande au patient de fixer une source lumi- d’une diplopie binoculaire
neuse blanche, qui est donc perçue rouge par l’œil droit et
blanche par l’œil gauche. On peut ainsi analyser le décalage Il existe plusieurs façons de classer les diagnostics étiologiques
et sa variation en fonction de la position des yeux pour d’une diplopie binoculaire :
connaître le ou les muscles déficitaires : • en fonction de l’existence de signes associés (douleur,
C dans une ésodéviation (par exemple lors d’une paralysie du exophtalmie) (Tableaux 2, 3) ;
VI), les deux images s’écartent dans le plan horizontal, • en fonction du mécanisme de l’atteinte : vasculaire, tumorale,
chacune « restant du bon côté » et la diplopie est dite inflammatoire... ;
homonyme (« lorsque les axes visuels se croisent, les • enfin, en fonction de la topographie de l’atteinte et c’est cette
images se décroisent »), dernière classification qui est utilisée ici. De plus, bien que les
C dans une exodéviation (lors d’une atteinte du III) les POM soient la principale cause neurologique de diplopie
images se croisent dans le plan horizontal et la diplopie est binoculaire, les atteintes sont étudiées en suivant les voies
dite croisée, oculomotrices et leurs connexions, en commençant par les
C l’écart entre les deux images augmente dans le champ atteintes supranucléaires et en terminant par la pathologie
d’action du ou des muscles paralysés, musculaire.
C l’image la plus périphérique est celle de l’œil paralysé. En
pratique, ce test est facile à réaliser dans les atteintes Paralysies de fonction et atteintes
limitées à un ou deux muscles et demande une bonne
coopération du patient. Son principal inconvénient est
internucléaires [3, 8]
l’absence de mesure quantitative du déficit ; Les atteintes supranucléaires de la latéralité et de la verticalité
• examens coordimétriques (test de Hess-Lancaster, de Weiss) : oculaire ne donnent en règle pas de diplopie.
ils sont fondés sur le principe de la confusion, puisque En revanche, l’ophtalmoplégie internucléaire antérieure
chaque œil voit une image différente. Le sujet qui porte des (OINA) est responsable d’une vision double dans le regard
lunettes duochromes (un verre rouge sur un œil et un verre latéral opposé au côté lésé. L’OINA traduit une atteinte de
vert sur l’autre) dans une pièce sombre est placé devant un l’interneurone reliant les noyaux du III et du VI controlatéral
écran quadrillé neutre ; deux torches projettent sur cet écran (faisceau longitudinal médian). Dans ce cas, lors des mouve-
une flèche : la flèche rouge est vue uniquement par l’œil ments de latéralité, il existe une limitation de l’adduction de
équipé du verre rouge et la verte par l’autre œil. Pour étudier l’œil du côté du faisceau longitudinal médian atteint, alors que
l’œil équipé du verre rouge (l’œil droit, par convention le l’œil controlatéral présente un nystagmus en abduction. C’est
plus souvent), l’examinateur déplace sur l’écran la torche dans cette position de regard latéral que le patient peut se
verte que le patient voit avec son œil gauche et donne au plaindre de vision double horizontale. Chez les patients de
patient la torche rouge vue par le droit. Il lui demande de moins de 40 ans, la sclérose en plaques (SEP) est l’étiologie dans

Neurologie 5
17-016-A-50 ¶ Diplopie

Figure 6. Exemple d’un cas de paralysie du III gauche. Examen oculo-


moteur : regard à droite (A), de face (B), à gauche (C), en haut (D), en bas
(E) ; examen coordimétrique correspondant (F).

Figure 7. Exemple d’un cas de paralysie du IV droit.


95 % des cas ; chez les patients plus âgés, les causes vasculaires A. Attitude spontanée avec tête penchée du côté opposé à celui de la
représentent environ 60 % des cas, contre seulement 15 % pour paralysie.
les causes tumorales. Le diagnostic étiologique repose sur B. Manœuvre de Bielschowsky : tête penchée du côté opposé à la
l’imagerie par résonance magnétique (IRM) qui visualise bien le paralysie, pas de diplopie.
tronc cérébral. C. Tête penchée du côté de la paralysie, élévation de l’œil paralysé.
Lorsqu’il existe une skew deviation, trouble supranucléaire sur D. Examen coordimétrique correspondant.
les voies vestibulo-oculomotrices, qui associe une déviation
oculaire verticale et une cyclotorsion, on retrouve très fréquem-
ment une diplopie verticale. Atteinte du nerf moteur oculaire commun (III)
Elle représente entre 25 et 33,5 % de l’ensemble des POM.
Paralysies oculomotrices [3, 11, 12] Elle peut être totale ou partielle. Elle est le plus souvent liée à
une lésion tronculaire située entre le tronc cérébral et l’orbite,
L’atteinte du VI est la plus fréquente des POM (30 à 40 % le long du trajet du nerf.
environ), suivie par l’atteinte du III partielle ou totale (25 % des Sur le plan clinique, dans la forme complète, il existe une
cas environ) et enfin les atteintes du IV dont la fréquence varie exodéviation et, du côté de l’atteinte, un ptosis qui peut
en fonction du recrutement ou non de la pathologie congéni- masquer la diplopie. En cas d’atteinte intrinsèque, la pupille du
tale ; le reste est représenté par les atteintes multiples qui sont côté atteint est en mydriase aréactive. Lorsque l’œil est main-
fréquentes. tenu ouvert, il existe une diplopie croisée avec un petit décalage
Les étiologies les plus fréquentes sont les causes traumatiques vertical des images. La mobilisation fait apparaître un déficit de
(20 % environ), vasculaires (15 % environ), tumorales (10 à l’adduction (y compris lors de la convergence), de l’élévation et
20 % selon les séries) et congénitales (environ 20 %). Les autres de l’abaissement. L’examen coordimétrique confirme la limita-
étiologies sont plus rares. tion du mouvement de l’œil dans ces différentes directions et

6 Neurologie
Diplopie ¶ 17-016-A-50

Tableau 3.
Diplopie et exophtalmie (d’après [10]).

Tumeur orbitaire
Elle peut atteindre n’importe quelle structure orbitaire : l’os, la graisse,
les muscles oculomoteurs, le nerf optique et les méninges
L’histologie est variable : tumeur primitive neurogène (méningiome,
gliome), prolifération lymphoïde, tumeur vasculaire, métastase orbitaire
Affection inflammatoire orbitaire aiguë ou chronique
Infections orbitaires : cellulites pouvant se compliquer de
thrombophlébite du sinus caverneux
Inflammations orbitaires :
- spécifiques : ophtalmopathie dysthyroïdienne, sarcoïdose, périartérite
noueuse, lupus, maladie de Wegener
- non spécifiques : inflammation orbitaire idiopathique
Infiltration orbitaire : amylose
Fistules carotidocaverneuses : spontanées ou traumatiques,
exophtalmie soufflante

Les causes des atteintes du III chez l’adulte sont :


• une origine anévrismale dans 20 à 30 % des cas ;
• une étiologie ischémique dans 20 % des cas environ (grande
fréquence des atteintes du III d’origine diabétique qui
peuvent être douloureuses) ;
• une fréquence de 10 à 20 % pour les causes traumatiques ;
• une fréquence de 10 à 15 % pour les causes tumorales avec
ou sans hypertension intracrânienne (HIC) ;
• les autres étiologies sont plus rares :
C la SEP qui représente 7 % des cas environ,
C la maladie de Horton qui doit être évoquée systématique-
Figure 8. Exemple d’un cas de paralysie du VI gauche. Examen oculo- ment chez le sujet âgé : la diplopie est le signe fonctionnel
moteur : regard à droite (A), de face (B), à gauche (C), examen coordi- initial du Horton dans 12 % des cas et le III est la paire
métrique correspondant (D). crânienne la plus souvent atteinte dans cette maladie,
C les causes infectieuses (méningites, encéphalites),
C le très rare syndrome de Tolosa-Hunt.
Tableau 2.
[10].
Dans 10 à 14 % des cas, la POM du III reste d’étiologie
Ophtalmoplégie douloureuse, d’après
indéterminée, avec probablement une grande proportion
Problème diagnostique d’atteintes vasculaires.
Éliminer un anévrisme+++ (IRM, artériographie) Chez l’enfant, 50 % environ des atteintes du III isolées sont
Rechercher l’existence d’une atteinte pupillaire d’origine congénitale ; les autres étiologies sont traumatiques
Anévrisme carotidien (15 à 25 % des cas), tumorales (10 %) ; les étiologies anévrisma-
III douloureux avec atteinte pupillaire les sont rares (7 %). Notons sur ce terrain la migraine ophtal-
Autres étiologies vasculaires moplégique, qui reste un diagnostic d’élimination.
Diabète (III)++ La conduite à tenir devant une atteinte du III isolée dépend
Vascularites (Horton, périartérite noueuse, lupus, sarcoïdose) de l’existence ou non d’une atteinte pupillaire, d’une douleur,
Fistules carotidocaverneuses (traumatisme, souffle)
du caractère brutal ou progressif, proportionnel ou non de la
paralysie, et de l’âge du patient. L’existence d’une mydriase
Sclérose en plaques
associée à une atteinte du III extrinsèque est en faveur d’une
Inflammation, infections locorégionales
compression (tumeur, anévrisme) car les fibres pupillaires sont
Inflammations orbitaires
situées à la périphérie du nerf. Une atteinte du III avec atteinte
Zona ophtalmique (POM dans 5 % des cas) pupillaire associée à une douleur impose la réalisation en
Infections, inflammations ORL (cavum, otomastoïdite, sinusite urgence d’une IRM avec angiographie par résonance magnéti-
sphénoïdale) que (ARM), voire artériographie cérébrale, seul examen permet-
Tolosa et Hunt tant d’éliminer formellement l’existence d’un anévrisme
Étiologie tumorale intracrânien. À l’inverse, une paralysie du III sans atteinte
Orbite, apex orbitaire, région parasellaire (sinus caverneux), fente pupillaire est plutôt en faveur d’un processus ischémique.
sphénoïdale En pratique, chez le sujet de moins de 40 à 45 ans (a fortiori
Migraine ophtalmologique sans facteur de risque cardiovasculaire), une IRM doit être
Rare, surtout enfant, diagnostic d’élimination pratiquée quel que soit l’état pupillaire. En cas d’atteinte de la
IRM : imagerie par résonance magnétique ; ORL : oto-rhino-laryngologie ; POM : pupille, a fortiori s’il existe une douleur associée, l’IRM (com-
paralysie oculomotrice ; III : moteur oculaire commun. plétée par une angio-IRM) est réalisée en urgence et complétée
éventuellement par une artériographie.
Chez les sujets plus âgés présentant des facteurs de risque
montre l’hyperaction secondaire de tous les mouvements de cardiovasculaire, avec une atteinte du III complète sans atteinte
l’œil sain, en dehors de l’adduction (Fig. 6). Il peut également pupillaire, une surveillance et un bilan des facteurs de risque
exister une atteinte extrinsèque isolée avec respect de la cardiovasculaire et éliminant une maladie de Horton (la
pupille ; parfois, l’atteinte est partielle, touchant un ou deux réalisation d’une vitesse de sédimentation [VS] et d’une protéine
muscles. C réactive [CRP] est systématique après 55 ans) sont indiqués.

Neurologie 7
17-016-A-50 ¶ Diplopie

Le patient doit être revu régulièrement. Les POM ischémiques Tableau 4.


régressent en règle en 3 à 4 mois. En cas d’évolution atypique, Diagnostic topographique des atteintes combinées de plusieurs nerfs
un bilan neuroradiologique est indiqué. occulomoteurs.
L’atteinte partielle du III, ne touchant pas tous les muscles, Syndrome de la loge caverneuse III, IV, V, VI et sympathique
n’est en règle pas d’origine ischémique et impose un bilan
Syndrome de la fente sphénoïdale III, IV, VI, V1
neuroradiologique pour éliminer une compression.
Syndrome de l’apex orbitaire II, III, IV, VI, V1
Beaucoup plus rare, l’atteinte du noyau du III est responsable
d’une atteinte du III homolatérale et d’une paralysie de l’éléva- Syndrome de Weber (pied du III, hémiplégie croisée
pédoncule)
tion de l’œil controlatéral qui apparaît dévié vers le bas en
position primaire. À ce tableau peut s’associer un ptosis bilaté- Syndrome pédonculaire de III, mouvements anormaux
ral. Les accidents vasculaires en sont la cause la plus fréquente. Benedikt (noyau rouge) controlatéraux (ataxie cérébelleuse,
tremblement)
Syndrome de Millard-Gubler VI, VII périphérique, hémiplégie
Atteinte du nerf pathétique (IV) (protubérance) croisée respectant la face
La paralysie du IV est responsable d’une attitude vicieuse de Syndrome de l’angle V, VII et VIII. Atteinte du VI tardive
la tête, inclinée et tournée vers le côté sain, menton abaissé. Il pontocérébelleux
existe une diplopie verticale qui prédomine dans le regard en Syndrome de la pointe du rocher V et VI
bas et en dedans, et gêne la lecture, la marche, la descente des (Gradenigo)
escaliers. En position primaire, l’hypertropie est modérée ou Syndrome de Garcin (base du Atteinte homolatérale multiple
absente et l’œil ne peut se porter en bas et en dedans ; la crâne) étendue des nerfs crâniens de I à
diplopie augmente si le sujet incline la tête sur l’épaule du côté XII
paralysé avec, dans ce cas, un mouvement d’élévation de l’œil
paralysé : c’est la manœuvre de Bielschowsky (cf. supra). Le
coordimètre objective la limitation de l’OS et l’hyperaction de ce contexte, les atteintes vasculaires prédominent après
secondaire du DI controlatéral (Fig. 7). 40 ans. Elles sont volontiers précédées ou accompagnées d’une
Une réelle difficulté diagnostique est rencontrée dans les douleur péri- ou rétro-oculaire. Le bilan retrouve une hyperten-
paralysies bilatérales frustes du IV : en effet, le patient est gêné sion artérielle et/ou un diabète. L’atteinte régresse en 3 à
par une diplopie torsionnelle qu’il n’interprète que rarement 6 mois.
comme une vision double et l’examen oculomoteur est subnor- Les autres étiologies sont moins fréquentes : tumorales (par
mal. L’examen clinique s’appuie alors sur l’étude des torsions irritation, compression du nerf ou par hypertension intracrâ-
oculaires subjectives dans les différentes directions du regard et nienne [HIC]), la SEP, les causes infectieuses (méningites,
sur les torsions objectives observées lors de l’examen du fond mastoïdites), inflammatoires (Horton, sarcoïdose, Tolosa-
d’œil. Hunt) ; les étiologies indéterminées ne sont pas rares.
Les deux grandes causes de la paralysie du IV isolée sont les Chez l’enfant, les principales étiologies sont traumatiques
atteintes traumatiques (25 à 50 %) et congénitales. Les autres (40 %) et tumorales (30 à 40 %).
étiologies : vasculaires (15 %), SEP, tumeurs (5 à 10 %), infec- En pratique, en cas d’atteinte non traumatique isolée du VI,
tions, collagénoses... sont beaucoup plus rares. chez le sujet de moins de 40 ans, il est nécessaire de pratiquer
La chronologie d’une POM du IV d’origine vasculaire est un bilan neuroradiologique (scanner, IRM). Si celui-ci est
identique à celle du VI : négatif, on réalise un bilan sanguin, un examen oto-rhino-
• début brutal, souvent avec une douleur périorbitaire ; laryngologique et une ponction lombaire. Chez le sujet plus âgé
• déviation oculaire présente pendant 4 à 6 semaines ; à risque vasculaire, il est nécessaire d’évaluer les facteurs de
• en général, récupération complète. risque par un bilan biologique complet incluant la recherche
En pratique, devant une atteinte du IV non traumatique chez d’une maladie de Horton. Le patient doit être surveillé réguliè-
un adulte, étant donné la grande fréquence des atteintes rement, l’absence d’amélioration entraînant la réalisation d’un
congénitales, il est nécessaire de pratiquer, quel que soit l’âge du bilan neuroradiologique. En cas de non-amélioration de
patient, un bilan oculomoteur avec une mesure de l’amplitude l’atteinte motrice en 4 à 6 mois, l’imagerie devra être répétée.
de fusion. Celle-ci est mesurée par l’orthoptiste et représente Une paralysie bilatérale du VI peut s’observer dans les
l’étendue des mouvements possibles dans les différentes direc- atteintes traumatiques et au cours de l’HIC. Il existe dans ce cas
tions en maintenant la perception d’une image unique. En cas une diplopie horizontale qui augmente dans le regard latéral
de décompensation d’un IV congénital, cette amplitude de droit et gauche et est moins importante dans le regard de face.
fusion est souvent importante et aucune exploration complé- Il existe une limitation bilatérale de l’abduction avec une
mentaire n’est nécessaire. En cas de mauvaise amplitude de hyperaction bilatérale des DM. Les atteintes bilatérales du VI
fusion chez un sujet jeune, il est nécessaire d’éliminer une cause nécessitent un bilan neuroradiologique et, en cas de normalité
tumorale en pratiquant une IRM. Chez le sujet âgé à risque de celui-ci, une ponction lombaire.
vasculaire, un bilan des facteurs de risque, ainsi qu’une sur-
veillance clinique sont nécessaires. Une imagerie est pratiquée Atteintes combinées de plusieurs nerfs
en cas de non-régression de l’atteinte, voire de son extension. oculomoteurs [13]
Atteintes du nerf moteur oculaire externe (VI) L’atteinte combinée de plusieurs nerfs oculomoteurs impose
la réalisation d’un bilan radiologique afin de déterminer la
C’est la plus fréquente des POM ; elle n’a pas de valeur localisation de la lésion en cause et son étiologie. L’association
localisatrice. Elle associe : de différentes POM a une grande valeur localisatrice. Plusieurs
• une diplopie horizontale homonyme, maximale dans le syndromes sont ainsi constitués (Tableau 4).
regard du côté paralysé ; Les causes les plus fréquentes sont traumatiques et tumorales,
• une attitude vicieuse de la tête, tournée vers le côté du mais il peut aussi s’agir d’atteintes inflammatoires. Parmi les
muscle paralysé ; étiologies des atteintes combinées de plusieurs nerfs oculomo-
• un strabisme convergent incomitant, œil atteint en adduction teurs, le syndrome de Tolosa-Hunt réalise une ophtalmoplégie
avec abduction impossible. douloureuse. Il s’agit d’une inflammation idiopathique du sinus
L’examen coordimétrique montre une limitation de l’abduc- caverneux et/ou de l’apex orbitaire. C’est un diagnostic d’élimi-
tion de l’œil pathologique avec une hyperaction secondaire du nation qui ne doit être retenu qu’après avoir éliminé une
DM de l’œil adelphe (Fig. 8). inflammation spécifique, et en particulier la sarcoïdose, une
Chez l’adulte jeune, les causes traumatiques sont les plus cause infectieuse ou tumorale. Son traitement repose sur la
fréquentes et impliquent un bilan neuroradiologique. En dehors corticothérapie.

8 Neurologie
Diplopie ¶ 17-016-A-50

Parmi les autres affections inflammatoires pouvant atteindre C cette inflammation évolue progressivement vers la fibrose
plusieurs nerfs oculomoteurs, on cite également le syndrome de avec une limitation de l’excursion oculaire dans le champ
Miller-Fischer, variante du syndrome de Guillain-Barré qui d’action du ou des muscles atteints, et plus encore dans les
associe une ophtalmoplégie souvent rapide et bilatérale, une champs opposés (syndromes de restriction),
diplégie faciale fréquente et une atteinte des nerfs périphériques C le traitement repose sur la normalisation de la fonction
avec ataxie et aréflexie ostéotendineuse. thyroïdienne parfois associée à une corticothérapie générale
ou à une radiothérapie orbitaire ; à la phase des séquelles,
si une diplopie persiste, une chirurgie oculomotrice est
Atteinte de la jonction neuromusculaire :
alors indiquée ;
la myasthénie [9]
• les myosites, atteintes inflammatoires d’un ou plusieurs
La myasthénie doit être évoquée devant une diplopie inter- muscles oculomoteurs, sont responsables d’une ophtalmoplé-
mittente, variable, majorée par les efforts musculaires et la gie douloureuse ; elles sont le plus souvent idiopathiques
fatigue. Elle touche le plus souvent la femme (3 pour 1) avant mais peuvent être liées à des inflammations spécifiques
40 ans. (sarcoïdose, maladie de Wegener) ; l’atteinte musculaire peut
Les signes oculomoteurs, diplopie et ptosis, sont inauguraux être isolée ou s’intégrer dans un tableau d’inflammation
dans 70 % des cas et environ 95 % des patients présentent une orbitaire plus diffuse ;
atteinte oculomotrice au cours de la maladie. La pupille est • les affections musculaires héréditaires, parmi lesquelles on cite
toujours épargnée. Les muscles les plus souvent atteints sont le l’ophtalmoplégie externe progressive où l’atteinte oculomo-
releveur de la paupière supérieure, le DM et ensuite le DS. Si trice est le plus souvent bilatérale, s’accompagnent d’un
l’atteinte oculomotrice reste isolée pendant 2 ans, il y a une ptosis précoce et où les patients se plaignent rarement de
probabilité très faible pour que le patient développe par la suite diplopie.
une myasthénie généralisée.
Le diagnostic, suspecté à l’interrogatoire devant l’existence
d’une diplopie variable, peut être précisé par :
• l’existence d’une faiblesse des orbiculaires, la variabilité d’un À part, le strabisme
ptosis associé et de la diplopie avec leur majoration après
Il n’existe en règle pas de diplopie chez les patients présen-
l’effort ;
tant un strabisme congénital, car une des images est neutralisée
• l’existence d’un signe de Cogan lors de l’examen : on le
au niveau cortical.
recherchera en demandant au patient de regarder vers le bas
Le strabisme aigu est une entité rare, qui survient le plus
puis de face. En cas de ptosis myasthénique, lors de la
souvent chez un grand enfant hypermétrope. L’apparition de la
remontée de l’œil en position primaire, on assiste à un
diplopie et de la déviation en convergence est brutale et parfois
relèvement de la paupière supérieure au-dessus de sa position
un facteur déclenchant est retrouvé (traumatisme psychologi-
de départ, puis à son abaissement progressif par fatigabilité
que, virose). La déviation est en règle concomitante sans
excessive du releveur de la paupière supérieure ;
paralysie oculomotrice. Au moindre doute, une imagerie doit
• le test au glaçon ; celui-ci, placé entre 1 et 2 minutes sur la
être pratiquée.
paupière supérieure, diminue, voire fait disparaître, le ptosis
Une diplopie peut également survenir sur un strabisme
myasthénique ; ce test simple est sensible et assez spécifique
congénital en cas de modification sensorielle (chirurgie de la
de cette affection.
cataracte, chirurgie réfractive) ou motrice brutale.
Le diagnostic peut être confirmé par la positivité d’un test
avec un anticholinestérasique (Tensilon®, Prostigmine® Enlon®)
qui entraîne la régression de la diplopie et du ptosis. On peut
également rechercher la présence d’anticorps antirécepteurs à
l’acétylcholine (présents dans seulement 50 % environ des ■ Traitement d’une diplopie
formes oculaires pures) ou l’existence d’un bloc myasthénique
par un électromyogramme.
binoculaire
En dehors du traitement de l’étiologie, du traitement médical
Atteintes musculaires [6] (diabète, maladie de Horton, myasthénie...) ou chirurgical
(réduction d’une fracture du plancher de l’orbite, ablation d’une
Plusieurs types d’affections musculaires peuvent être respon-
tumeur...) qui n’est pas envisagé ici, il est important de ne pas
sables d’une diplopie :
laisser les patients voir double. En effet, lorsqu’il existe un
• les causes traumatiques : incarcération du DI dans une fracture
strabisme paralytique, les lois de l’équilibre oculomoteur de
du plancher de l’orbite (rechercher d’autres signes, incons-
Hering et Sherrington font qu’une paralysie d’un muscle
tants : anesthésie du nerf sous-orbitaire, énophtalmie) ;
oculomoteur entraîne une hyperstimulation de son synergique
désinsertion de la poulie du grand oblique lors d’un trauma-
controlatéral et une hyperaction qui peut aboutir à une
tisme orbitaire ;
contracture puis à des remaniements fibreux irréversibles. Les
• l’ophtalmopathie dysthyroïdienne qui se caractérise de la façon patients présentant une diplopie doivent donc être pris en
suivante : charge sur les plans ophtalmologique et orthoptique où les
C l’atteinte oculomotrice est la résultante d’un processus indications du traitement sont posées.
dysimmunitaire, Différentes méthodes de traitement peuvent être envisagées :
C elle peut précéder, accompagner ou suivre l’atteinte endo- • l’occlusion : il peut s’agir d’une occlusion totale d’un œil ou
crinienne (le plus souvent dans le cadre d’une maladie de partielle dans un champ de vision, si la diplopie n’existe que
Basedow), dans certaines positions du regard ; selon les cas (âge du
C on recherche une exophtalmie et une rétraction palpébrale patient, acuité visuelle, type de la paralysie), on envisage soit
avec une asynergie oculopalpébrale, une occlusion de l’œil paralysé, soit une occlusion alternée
C les muscles le plus souvent atteints sont le DI puis le DM, chaque jour, voire parfois une occlusion de l’œil sain ; cette
C l’atteinte musculaire inflammatoire s’accompagne d’une méthode est surtout utile à la phase aiguë ou lorsque l’angle
augmentation de volume du corps musculaire bien visible est très variable et trop important pour autoriser une prisma-
en échographie, au scanner ou à l’IRM, tion ;

Neurologie 9
17-016-A-50 ¶ Diplopie

Éliminer une hétérophorie


décompensée
Pas de déviation -
motilité normale
- problème ophtalmologique :
anisométropie
Déviation oculaire - diplopie physiologique
Vision simple
de face - problème fonctionnel
=
diplopie binoculaire +
motilité
Déviation stable
- strabisme aigu

Occlusion d'un œil Déviation variable


Diplopie
puis de l'autre - trouble supranucléaire
- POM
- myasthénie
- myopathie (Basedow)

Vision double
=
diplopie monoculaire

Trou
sténopéique

Vision simple Vision double


- problème réfractif - problème fonctionnel
- cataracte - problème occipital

Figure 9. Arbre décisionnel. Diagnostic d’une diplopie. POM : paralysie oculomotrice.

• l’injection de toxine botulinique a été proposée dans les Le traitement, en dehors du traitement étiologique spécifique,
paralysies récentes isolées du VI ; elle permet de diminuer se fait au stade des séquelles et fait appel aux prismes et à la
l’angle de déviation, mais peut avoir comme effet secondaire chirurgie des muscles oculomoteurs. La prise en charge des
un ptosis ; patients repose sur une coopération entre le médecin traitant,
• les prismes peuvent être envisagés dans le cas d’une atteinte le neurologue, l’ophtalmologiste et l’orthoptiste. À aucun
dans une seule direction, si la déviation est assez stable et peu moment, à partir de la première consultation du patient, il ne
importante ; là encore, ils peuvent être placés sur l’œil faut laisser celui-ci voir double.
paralysé, répartis entre les deux yeux ou plus rarement être
mis sur l’œil sain ;
• la rééducation orthoptique n’est pas utile au stade aigu,
quand la déviation est importante et qu’il n’est pas possible .

au patient de fusionner ; à un stade trop précoce, elle ne fait


qu’augmenter la contracture. En revanche, à la phase de ■ Références
récupération, dès qu’il est possible d’obtenir une fusion ou si
l’on peut obtenir un parallélisme avec des prismes, elle [1] Blaustein B. Ocular motility disfunction. In: Ocular manifestations of
permet de stimuler la fusion et d’en augmenter l’amplitude ; neurologic diseases. St Louis: Mosby Year Book; 1996. p. 111-26.
• enfin, au stade des séquelles, en l’absence de récupération au [2] HulloA. Paralysies oculomotrices. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris),
bout de 6 mois à un 1 an et sur une déviation stable, une Ophtalmologie, 21-500-A-10, 1995 : 36p.
chirurgie oculomotrice peut parfois être proposée.
[3] Larmande PL. Neuro-ophtalmologie. Paris: Masson; 1989.
[4] Tourbah A, Schaison-Cusin M, Bakchine S, Pierrot-Deseilligny C,
■ Conclusion (Fig. 9) [14]
Cabanis EA, Lyon-Caen O. Manifestations ophtalmologiques au cours
des atteintes du système nerveux. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris),
Ophtalmologie, 21-540-A-10, 1999 : 21p.
L’existence d’une diplopie binoculaire traduit une atteinte du
[5] Vignal C, Milea D. In: Neuro-ophtalmologie. Paris: Elsevier; 2002.
système oculomoteur. Le premier temps de la démarche dia-
p. 188-91.
gnostique est l’analyse clinique des caractères de la vision
double qui permet de localiser l’atteinte et de déterminer les [6] Vignal C, Milea D. Neuro-ophtalmologie. Paris: Elsevier; 2002. p.
examens complémentaires nécessaires à réaliser pour le dia- 290–307.
gnostic étiologique. La demande d’explorations de neuro- [7] Martin TJ, Corbett JJ. Examination of the visual motor system. In: The
imagerie doit en effet être guidée par l’examen et non pas venir requisites in ophthalmology: Neuro-ophthalmology. St Louis: CV
en première intention comme un « parapluie ». Mosby; 2000. p. 127-41.

10 Neurologie
Diplopie ¶ 17-016-A-50

[8] Burde RM, Savino PJ, Trobe JD. In: Clinical decisions in neuro [11] Smith C. Nuclear and infranuclear ocular motility disorders. In:
ophthalmology. St Louis: Mosby Year Book; 1992. p. 246. Miller NR, Newman NJ, editors. Clinical neuro-ophthalmology.
[9] Leigh RJ, Zee ZD. The diagnosis of disorders of eye movements. In: Baltimore: William and Wilkins; 1998. p. 1189-281.
[12] Comer RM, Dawson E, Plant G, Acheson JF, Lee JP. Causes and
The neurology of eye movements. New York: Oxford University Press;
outcomes for patients presenting with diplopia to an eye casualty
1999. p. 321-79.
department. Eye 2006 [Epub ahead of print].
[10] Pierrot-Desseilligny C, Gaymard B. Eye movements. In: Kenuard C, [13] Biousse V. Ophtalmoplégies douloureuses. Rev Neurol 2005;161:709-12.
editor. Recent advances in clinical neurology. London: Churchill [14] Vignal-Clermont C. Diplopie. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris),
Livingstone; 1992. p. 27-54. Encyclopédie Pratique de Médecine, 1-0400, 1998 : 5p.

F. Audren, Ophtalmologiste (faudren@fo-rothschild.fr).


Services d’ophtalmologie du docteur Caputo et du docteur Morax, Fondation ophtalmologique Adolphe de Rothschild, 25-29, rue Manin, 75940 Paris
cedex 19, France.
C. Vignal-Clermont, Ophtalmologiste, praticien titulaire, attaché.
Service d’ophtalmologie du docteur Morax, Fondation ophtalmologique Adolphe de Rothschild, 25-29, rue Manin, 75940 Paris cedex 19, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Audren F., Vignal-Clermont C. Diplopie. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris), Neurologie, 17-016-A-50,
2007.

Disponibles sur www.emc-consulte.com


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décisionnels supplémentaires Animations légaux au patient supplémentaires évaluations

Neurologie 11
 17-016-A-60

Nystagmus
L. Abouaf, C. Tilikete

Un nystagmus est défini par une alternance de mouvements oculaires de va-et-vient, initié par un mou-
vement oculaire lent. Un nystagmus peut ainsi être constitué d’une phase lente et d’un retour rapide
(nystagmus à ressort) ou d’une alternance de phases lentes (nystagmus pendulaire). Les nystagmus
pathologiques peuvent être classés selon qu’ils correspondent à un déficit d’un des systèmes oculomo-
teurs participant à la stabilisation du regard sur l’environnement : le système de fixation visuelle lorsque
la tête est immobile ; le système de maintien du regard excentré lorsque les yeux dévient latéralement ; les
systèmes vestibulaire, optocinétique et de poursuite agissant en synergie lors des mouvements de la tête
et/ou de l’objet. D’autres mouvements oculaires de va-et-vient pathologiques doivent être différenciés
des nystagmus, comme les intrusions saccadiques ou la myokimie de l’oblique supérieur. Dans leur forme
acquise, ces mouvements oculaires anormaux sont responsables d’une oscillopsie correspondant à une
perception erronée d’une instabilité de la scène visuelle, décrite comme un mouvement de va-et-vient
ou de ressaut, associée le plus souvent à une dégradation de l’acuité visuelle. Dans leur forme infantile,
ces nystagmus sont souvent responsables d’un torticolis compensant l’instabilité oculaire. Les nystagmus
ont également pour conséquence une altération de l’acuité visuelle. L’objectif thérapeutique est donc
de réduire l’intensité du nystagmus afin d’améliorer l’acuité visuelle et de réduire l’oscillopsie et/ou le
torticolis associé. La meilleure compréhension du mécanisme des nystagmus a permis le développement
de nouvelles perspectives thérapeutiques notamment pharmacologiques.
© 2013 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots-clés : Mouvements oculaires anormaux ; Réflexe vestibulo-oculaire ; Saccades ; Oscillopsie ;


Instabilité oculaire ; Intrusions saccadiques ; Phase lente ; Phase rapide

Plan ■ Traitements des nystagmus et autres mouvements oculaires


anormaux 9
■ Introduction 1 Oscillopsie 9
Traitements médicamenteux 9
■ Physiologie de la stabilité oculaire 2 Traitements orthoptiques et toxine botulinique 10
Stabilisation oculaire d’origine vestibulaire 2 Traitements chirurgicaux 10
Maintien du regard excentré et intégrateur neuronal 3
Système de fixation visuelle 3
Saccades 3
■ Nystagmus vestibulaires et « skew deviation » 3
Nystagmus vestibulaires périphériques
Nystagmus vestibulaires centraux
3
3
 Introduction
« Skew deviation » et réaction d’inclinaison oculaire 5
Un nystagmus (étymologiquement « être assoupi ») est défini
■ Nystagmus par anomalie de la stabilisation du regard excentré 6 par l’alternance de mouvements oculaires involontaires de va-et-
■ Nystagmus pendulaires 6 vient, initiés par un mouvement oculaire lent, dans une direction
Nystagmus par déprivation visuelle 6 horizontale, verticale, torsionnelle ou une combinaison des
Nystagmus pendulaire de la sclérose en plaques 7 trois.
Nystagmus pendulaire du tremblement oculopalatin 7 Il peut s’agir d’une alternance de phases lentes et de phases
■ Autres formes de nystagmus acquis 7 rapides définissant le nystagmus à ressort : la phase lente est
Nystagmus retractorius 7 une déviation de l’œil par rapport à une position et la phase
Nystagmus de l’ophtalmoplégie internucléaire 7 rapide est une saccade de correction permettant de ramener l’œil
en position initiale. Il peut également être composé unique-
■ Diagnostic différentiel : intrusions saccadiques et autres ment de phases lentes prenant un aspect d’oscillations ou de
mouvements oculaires anormaux 7 tremblement et définissant le nystagmus pendulaire. Une alter-
Intrusions saccadiques 7 nance de phases rapides n’est pas un nystagmus mais est appelé
Myokimie de l’oblique supérieur 9 « intrusions » ou « oscillations saccadiques », et représente un diag-
Bobbing oculaire 9 nostic différentiel. Bien que la convention exige de définir le
sens du battement d’un nystagmus à ressort du côté de la phase

EMC - Neurologie 1
Volume 10 > n◦ 4 > octobre 2013
http://dx.doi.org/10.1016/S0246-0378(13)60777-0
17-016-A-60  Nystagmus

Noyaux Noyaux
oculomoteurs oculomoteurs

Fréquence Fréquence Noyaux vestibulaires


des potentiels
Noyaux vestibulaires des potentiels
d’action d’action

0
Temps
0
Temps A 0
Temps
0
Temps B
Figure 1.
A. Réflexe vestibulo-oculaire. Il existe en permanence une activité sur les neurones vestibulaires primaires au repos. Lors d’une rotation horizontale de la tête
(flèche rouge), les neurones associés au canal latéral droit sont activés alors que ceux associés au canal latéral gauche sont inhibés. C’est la balance d’activité
au sein d’une paire de canaux qui constitue un signal de déplacement de tête et permet une rotation des yeux dans la direction opposée (flèche violette).
Cette organisation permet une double entrée sensorielle, ce qui affine le message et en améliore sa précision.
B. Nystagmus vestibulaire pathologique. Un nystagmus vestibulaire périphérique est expliqué par une asymétrie d’activité dans les neurones émanant d’un
ou de plusieurs couples de canaux semi-circulaires. Cette asymétrie est interprétée par le système nerveux central comme un mouvement de rotation de la
tête et induit un mouvement de rotation pathologique des yeux.

rapide, la plus visible à l’œil nu, c’est la phase lente du nys-  Physiologie de la stabilité
tagmus qui sous-tend le mouvement oculaire. Dans le cas d’un
nystagmus pathologique acquis, à ressort ou pendulaire, la phase oculaire
lente correspond à un déficit des systèmes qui fonctionnent
normalement pour maintenir le regard stable : le système vestibu- Les trois grands systèmes qui sont décrits dans ce chapitre sont
laire, les systèmes stabilisateurs du regard excentré, et la fixation essentiels au maintien de la stabilité oculaire et fonctionnent en
visuelle [1, 2] . synergie. Si l’un des systèmes est atteint, il existe une décompensa-
La performance de notre système visuel est dépendante de tion de l’équilibre qui entraîne alors l’apparition de mouvements
la stabilité des images de la rétine [3, 4] . Au-delà d’une vitesse de oculaires inadaptés. Un nystagmus pathologique peut donc être
0,1 degré par seconde, l’instabilité rétinienne peut être perçue et consécutif à un déficit des voies afférentes vestibulo-oculaires, à
source d’une oscillopsie dans le cadre d’un nystagmus patholo- un déficit des voies afférentes visuelles participant au maintien
gique acquis [5] . Par ailleurs, dès que le déplacement d’une image de la fixation oculaire ou à un déficit central de stabilisation
sur la rétine dépasse une vitesse de quelques degrés par secondes du système oculomoteur. C’est pourquoi l’étude des nystag-
(de 2,5 à 4 deg/sec), l’acuité visuelle se dégrade [6] . Les oscillopsies mus est à la frontière de l’ophtalmologie, de l’ORL et de la
peuvent être réellement invalidantes [3, 7] ce dont témoignent des neurologie.
difficultés pour la conduite, des restrictions quant au choix de pro-
fession, et une dépendance aux autres, mais les patients semblent Stabilisation oculaire d’origine vestibulaire
encore plus gênés par le côté esthétique et la non-reconnaissance
de leur handicap par les autres [8] . Le réflexe vestibulo-oculaire issu des crêtes ampullaires du laby-
Après quelques rappels de physiologie, les différents types de rinthe vestibulaire a pour rôle de stabiliser le regard pendant
nystagmus acquis seront abordés dans les trois premiers chapitres les rotations de la tête à haute fréquence. Idéalement, il induit
selon leur mécanisme sous-jacent : nystagmus vestibulaires, nys- une rotation simultanée des yeux de vitesse et d’amplitude égale
tagmus par atteinte du système de maintien du regard latéral, à la rotation de la tête, de direction opposée, de manière à
nystagmus par atteinte du système de fixation (ou pendulaires). stabiliser le regard dans l’espace (Fig. 1A). Lorsque le mouve-
Les autres nystagmus dont les mécanismes physiopathologiques ment de la tête est de grande amplitude, les yeux arrivant en
sont moins certains seront abordés dans un autre article. Un position excentrée dans l’orbite sont ramenés vers la position
chapitre traitera, en tant que diagnostic différentiel, d’autres primaire par une saccade réflexe : c’est le nystagmus vestibulaire
mouvements oculaires anormaux non nystagmiques dont les physiologique. Lors d’une rotation de la tête, l’activité des neu-
intrusions saccadiques. Enfin, le dernier chapitre sera consacré rones vestibulaires primaires s’accentue du côté de la rotation
aux perspectives thérapeutiques. L’étude des nystagmus infan- et diminue de l’autre côté (Fig. 1A). Cette asymétrie d’activité
tiles mérite une discussion spécifique, leurs mécanismes étant constitue le signal révélateur d’une rotation de la tête et permet
complexes et intriqués, et ils seront abordés dans un fichier sup- l’activation des neurones vestibulaires secondaires qui, issus des
plémentaire (nystagmus infantiles). noyaux vestibulaires, se projettent sur les noyaux oculomoteurs

2 EMC - Neurologie
Nystagmus  17-016-A-60

immédiatement responsables de la commande de déplacement


de l’œil aux noyaux oculomoteurs : les cellules à bouffées et les
cellules omnipauses [15] . De manière générale, les cellules omni-
pauses, sous le contrôle du noyau fastigial, modulent l’activité des
cellules à bouffées et vont permettre l’initiation de la saccade [16] .
Déplacement
oculaire
Ces neurones à bouffées et omnipauses sont par ailleurs sous le
contrôle activateur ou inhibiteur du cortex frontal, des noyaux
gris centraux et du cervelet et innervent directement les noyaux
oculomoteurs.

Noyau
oculomoteur  Nystagmus vestibulaires
Intégrateur Fréquence
et « skew deviation »
neuronal de décharge
des neurones Nystagmus vestibulaires périphériques
Un nystagmus vestibulaire périphérique est expliqué par une
Noyau asymétrie d’activité dans les neurones émanant d’un (ou de
prémoteur plusieurs) couple(s) de canaux semi-circulaires (Fig. 1B). Cette
Fréquence = vitesse
Durée = amplitude asymétrie est interprétée par le système nerveux central comme
un mouvement de rotation de la tête. Le neurone vestibulaire
Temps primaire étant commun aux voies vestibulo-oculaires, vestibulos-
Figure 2. Système de stabilisation oculaire excentrée. La commande pinales et vestibulo-thalamiques, l’asymétrie d’activité des voies
oculomotrice comporte une décharge des neurones oculomoteurs à haute périphériques conduit à un nystagmus, à des troubles posturaux
fréquence et de faible durée (commande de vitesse) pour assurer une et un vertige, réalisant un syndrome vestibulaire harmonieux.
contraction phasique des muscles oculomoteurs permettant le mouve- La phase lente est dirigée du côté de l’activité la plus basse, donc
ment oculaire (trait bleu) et une décharge neuronale durable pour assurer le plus souvent du côté pathologique : le nystagmus bat généra-
une contraction tonique et le maintien de la position (trait rouge). La lement du côté sain. Le nystagmus vestibulaire périphérique est
commande tonique des nerfs oculomoteurs (en rouge) est assurée par un nystagmus à ressort dont la phase lente est linéaire, c’est-à-
des neurones intégrant au sens mathématique du terme la commande dire de vitesse constante pour une période donnée. Il est atténué
de vitesse en commande de position : l’intégrateur neuronal. Le déficit ou inhibé par la fixation visuelle et peut ainsi n’être révélé qu’en
d’intégration conduit à un retour de l’œil en position primaire (trait poin- l’absence de fixation visuelle. L’effet de la fixation visuelle peut
tillé gris), alors qu’une instabilité dans le système conduit à une oscillation être évalué en examinant les yeux du patient sans et avec lunettes
oculaire (trait plein gris). de Frenzel (supprimant la fixation visuelle) ou à l’aide d’un oph-
talmoscope (ou la lampe à fente ou une lentille de 20D) [17, 18] .
Lors d’une atteinte déficitaire unilatérale du labyrinthe ou du
du tronc cérébral. Le cervelet vestibulaire (nodulus, uvula, floccu- nerf vestibulaire, un nystagmus horizontorotatoire est le plus
lus) est fortement impliqué dans le contrôle inhibiteur des réflexes communément observé. Dans le vertige paroxystique positionnel
vestibulo-oculaires. bénin, le nystagmus est verticorotatoire. Par contre, un nystag-
mus vestibulaire périphérique n’est jamais purement vertical ou
purement torsionnel.
Maintien du regard excentré et intégrateur Le nystagmus vestibulaire périphérique bat toujours du même
neuronal côté mais son amplitude varie en fonction de la position des yeux
dans l’orbite : elle est plus importante quand les yeux sont tournés
Lors d’un mouvement d’excentration de l’œil, l’innervation dans la direction de la phase rapide (loi d’Alexander) [19] . Le nys-
des neurones oculomoteurs doit pouvoir forcer la résistance des tagmus vestibulaire tend à disparaître en quelques jours par des
tissus orbitaires et ensuite maintenir sa position excentrée. Le phénomènes de compensation mais peut être révélé par plusieurs
déplacement oculaire nécessite une contraction phasique dans les épreuves cliniques de facilitation décrites dans le Tableau 1 [20] .
muscles oculomoteurs permettant le déplacement de l’œil suivie Les différentes étiologies des vertiges sont abordées dans un
d’une contraction tonique permettant le maintien de la position chapitre différent de l’EMC [21] .
(Fig. 2). Cette activité tonique est rendue possible par un réseau
de neurones dispersés dans le tronc cérébral et le cervelet, qu’on
dénomme « intégrateur neuronal » [9, 10] . Nystagmus vestibulaires centraux
Un nystagmus vestibulaire central est expliqué par une asy-
Système de fixation visuelle métrie d’activité dans les voies centrales vestibulo-oculomotrices
et/ou vestibulocérébelleuses.
Même dans des conditions de stabilisation totale de la tête, il Il est souvent associé à une atteinte des systèmes de stabilisation
est observé un certain nombre de mouvements oculaires minia- oculaire visuelle et de maintien du regard latéral. Cette atteinte
tures produits involontairement lors de la fixation oculaire. Ces peut être indépendante des voies vestibulospinales et vestibulo-
micromouvements ne dépassent pas 0,1 degré d’amplitude et thalamiques et ne s’accompagner d’aucun trouble postural ou de
0,25 degré par seconde de vitesse [2] . On considère que ce bruit vertige, ou de manière non congruente, réalisant un syndrome
oculomoteur est nécessaire à contrecarrer les effets de l’adaptation vestibulaire dysharmonieux. En l’absence de vertige, le patient
rétinienne [11] . ressent le plus souvent des oscillopsies.
Le rôle principal que l’on attribue au système de fixation ocu- La phase lente du nystagmus vestibulaire central est linéaire
laire est de réduire ces mouvements, en grande partie par un ou de décroissance exponentielle. Il s’agit essentiellement de
système de rétrocontrôle visuel et moteur impliquant le cervelet, nystagmus à ressort (la seule exception étant le nystagmus à bas-
le cortex frontal et les noyaux gris centraux [12, 13] . cule). Un nystagmus vestibulaire central n’est habituellement pas
inhibé par la fixation oculaire et il persiste dans le temps. En rai-
Saccades son de l’organisation des voies vestibulo-oculaires centrales, un
nystagmus vestibulaire central pourra être purement vertical ou
Les saccades sont des mouvements oculaires rapides, mettant en torsionnel, changeant de direction spontanément ou en fonction
jeu une circuiterie neuronale complexe [14] . Deux classes de neu- de la position des yeux dans l’orbite. Il nous a semblé inutile de
rones du tronc cérébral représentent les structures prémotrices dresser l’inventaire de toutes les formes possibles de nystagmus

EMC - Neurologie 3
17-016-A-60  Nystagmus

Tableau 1.
Manœuvres cliniques permettant de mettre en évidence un nystagmus vestibulaire.
Manœuvres Physiopathologie
Manœuvre du Head Shaking Test (HST) ou la vibration haute fréquence (VHF)
Pour le HST, l’examinateur (ou le patient) réalise une série de 20 à L’apparition d’un nystagmus horizontal à l’arrêt du HST ou pendant la VHF
30 secousses horizontales vigoureuses de la tête pendant 10 à relève d’une asymétrie dynamique du RVO, en lien le plus souvent avec une
15 secondes. Le VHF consiste en l’application d’un vibreur (100 Hz) lésion vestibulaire périphérique. S’il est perverti, c’est-à-dire de direction
sur la mastoïde d’un côté pendant une dizaine de secondes. verticale ou rotatoire, il évoque une origine centrale.
Manœuvre de Dix et Hallpike
Le patient est assis, ses membres inférieurs reposant sur le lit Ce brusque changement de position peut induire un vertige positionnel qui
d’examen. Après explication, sa tête tournée de 45◦ d’un côté, il est s’accompagne d’un nystagmus. La manœuvre de Hallpike stimule
rapidement basculé en décubitus dorsal, la tête pendant en dehors électivement le canal semi-circulaire postérieur du côté de la rotation de la
du lit de 45◦ par rapport à l’horizontale (et toujours maintenue tête. Cette manœuvre est essentielle au diagnostic de vertige positionnel
tournée sur le côté). paroxystique bénin.
Hyperventilation
Le patient doit réaliser une hyperventilation d’environ 15 cycles L’apparition d’un nystagmus pendant et après l’hyperventilation témoigne
d’inspiration-expiration profondes pendant 30 secondes. le plus souvent d’une lésion vestibulaire périphérique démyélinisante,
notamment un schwannome vestibulaire.

RVO : réflexe vestibulo-oculaire.

centraux. Cependant, la compréhension du mécanisme physiopa- Nystagmus battant vers le haut


thologique de certains d’entre eux et les implications étiologiques, Contrairement au nystagmus battant vers le bas, le nystagmus
topographiques et pharmacologiques qui en découlent, justifient vertical battant vers le haut est rare.
à nos yeux de les détailler. Il s’agit des nystagmus verticaux, alter- Il est accentué dans le regard vers le haut mais n’est pas modi-
nant périodiques et à bascule. fié dans les regards latéraux. Il peut également être influencé par
les positions de la tête [26] . Il est rapporté essentiellement dans
les lésions focales (ischémiques, démyélinisantes) paramédianes

“ Point fort pontiques [27] ou bulbaires [23] (Fig. 3), ou encore dans des affec-
tions métaboliques dont la plus fréquente est le syndrome de
Gayet-Wernicke [28] .
Un nystagmus vestibulaire se manifeste généralement par
un nystagmus à ressort.
Un nystagmus vestibulaire périphérique est le plus sou-
vent horizontorotatoire avec une phase lente linéaire et
“ Point fort
un battement (phase rapide) du côté sain.
Un nystagmus vestibulaire périphérique régresse généra- Le nystagmus battant vers le bas est fréquent. Il témoigne
lement en moins de 48 heures. le plus souvent d’une lésion dégénérative ou malformative
Un nystagmus vestibulaire périphérique n’est jamais pure- du cervelet vestibulaire (flocculus).
ment vertical ou purement torsionnel. Le nystagmus vertical battant vers le haut est rare. Il
La phase lente d’un nystagmus vestibulaire central est témoigne le plus souvent d’une lésion focale paramédiane
linéaire ou de décroissance exponentielle. bulbaire basse ou protubérantielle ou encore d’un proces-
Un nystagmus vestibulaire central est durable et n’est habi- sus métabolique comme le syndrome de Gayet-Wernicke.
tuellement pas inhibé par la fixation oculaire, au contraire
du nystagmus vestibulaire périphérique.
Un nystagmus vestibulaire central peut être purement ver-
tical ou torsionnel. Nystagmus alternant périodique
Le nystagmus alternant périodique est un nystagmus central
rare, horizontal, présent en position primaire du regard, qui
change de direction environ toutes les deux minutes.
Nystagmus verticaux La période totale d’oscillation étant de 4 minutes, ce nystagmus
est souvent mal diagnostiqué. Il est responsable d’oscillopsies sauf
Le mécanisme principal des nystagmus verticaux est représenté pendant la période d’arrêt transitoire du nystagmus. En patho-
sur la Figure 3 [22–24] . logie humaine, on le trouve dans les lésions médianes basses
du cervelet vestibulaire, impliquant très certainement le nodu-
Nystagmus battant vers le bas
lus et l’uvula [29] . En effet, cette partie du vermis cérébelleux est
Le nystagmus battant vers le bas est fréquent. impliquée dans le contrôle inhibiteur de la durée du nystagmus
Il est habituellement présent dans le regard primaire, mais est vestibulaire (système de stockage de vitesse) [30] . Les atteintes céré-
plus évident dans les regards latéraux, vers le bas ou en conver- belleuses les plus communément responsables de ce nystagmus
gence. Il diminue dans le regard vers le haut. Il peut être augmenté sont les atrophies cérébelleuses, la malformation de Chiari, la
dans certaines positions de la tête. Le nystagmus vertical bat- sclérose en plaques et les tumeurs. Ce nystagmus doit être différen-
tant vers le bas est rapporté dans un certain nombre d’affections cié du nystagmus alternant périodique congénital qui est moins
neurologiques, le plus souvent associées à des lésions de la char- régulier [31] .
nière cervico-occipitale, pouvant léser le cervelet vestibulaire [25] .
Il s’agit dans la majorité des cas de dégénérescences spinocéré-
belleuses ou de malformations de Chiari (Fig. 3). Il peut s’agir Nystagmus à bascule
de formes iatrogènes, notamment chez les patients prenant du Le nystagmus à bascule (see-saw nystagmus) est une forme rare
lithium. Les autres étiologies sont variées, cependant dans 40 % de nystagmus central pendulaire, composé d’un cycle d’élévation
des cas, il reste idiopathique [25] . et d’intorsion d’un œil et de dépression et d’extorsion synchrone

4 EMC - Neurologie
Nystagmus  17-016-A-60

Noyaux oculomoteurs (III)

TTVC

NVS

B
Cervelet Flocculus
C C
Noyau
bulbaire
inférieur

Figure 3. Mécanismes des nystagmus verticaux. Au niveau central, les voies des phases lentes vers le haut emprunteraient deux circuits, le faisceau
longitudinal médian et le tractus tegmental ventral central issu des noyaux vestibulaires supérieurs (complexe TTVC-NVS) ; alors que les voies des phases
lentes vers le bas n’emprunteraient que le faisceau longitudinal médian. Il existe de ce fait un déséquilibre fonctionnel entre ces deux voies qui tend à
induire spontanément une phase lente vers le haut. Cette asymétrie est normalement contrôlée par les voies cérébelleuses [22] issues du flocculus inhibant
le TTVC-NVS (traits pointillés en rouge). Le flocculus serait lui-même sous le contrôle inhibiteur de voies issues de noyaux bulbaires inférieurs recevant des
informations vestibulaires (traits pointillés en orange). Un nystagmus vertical serait toujours la résultante d’une atteinte du TTVC-NVS, soit battant vers le haut
par hypoactivité résultant soit d’une lésion focale paramédiane du TTVC-NVS (A, avec un exemple de lésion inflammatoire, IRM sagittale T2), ou bulbaire
par déficit des voies inhibitrices bulbocérébelleuses (B, avec un exemple de cavernome, IRM axiale T2*), soit battant vers le bas par des lésion impliquant le
flocculus (C, avec un exemple de malformation de Chiari, IRM sagittale T1).

ce nystagmus a aussi été décrit chez des patients présentant des

“ Point fort lésions restreintes au mésencéphale, en l’absence d’altération de


la fonction visuelle [33, 34] .

Le nystagmus alternant périodique est un nystagmus hori-


zontal à ressort changeant de direction environ toutes les « Skew deviation » et réaction d’inclinaison
deux minutes. Il est classiquement observé dans les lésions oculaire
médianes basses du cervelet vestibulaire (nodulus). Il est
L’atteinte des voies vestibulo-oculaires d’origine otolithique ne
spécifiquement atténué par le baclofène.
s’accompagne a priori pas de nystagmus. Par contre, cette atteinte
peut être à l’origine d’un trouble de la statique oculaire : la diver-
gence verticale des axes oculaires (signe d’Hertwig Magendie) ou
skew deviation. Il s’agit d’une divergence statique verticale non
de l’autre œil ; ce cycle est suivi d’un autre inverse (Fig. 4). Il peut paralytique de la position des yeux, dont le côté par convention
être à ressort, la deuxième partie du cycle étant alors composée est donné par l’œil le plus bas (Fig. 5). Elle peut être unilatérale,
d’une phase rapide. isolée mais le plus souvent est associée à une torsion oculaire, une
Bien que ce nystagmus soit rangé dans les nystagmus vestibu- inclinaison de la tête et une inclinaison de la perception de la ver-
laires centraux, sa pathogénie est mal connue. Le plus souvent ticale subjective du côté de l’œil le plus bas, réalisant la réaction
rencontré lors de volumineuses lésions suprasellaires (craniopha- d’inclinaison oculaire.
ryngiome notamment), il a longtemps été attribué à un déficit Chez l’homme, la skew deviation ou la réaction d’inclinaison
visuel par compression chiasmatique [2] . Il faut donc absolument oculaire est induite par une lésion à tous les étages des voies
rechercher une hémianopsie bitemporale devant un nystagmus à du réflexe vestibulo-oculaire vertical et/ou torsionnel d’origine
bascule. Il peut également survenir dans ce cadre pathogénique otolithique partant de l’organe périphérique jusqu’aux noyaux
comme symptôme d’un gliome du nerf optique ou du chiasma. oculomoteurs mésencéphaliques [35, 36] (Fig. 5). Elle est notamment
Il est également décrit comme nystagmus congénital, souvent observée dans le syndrome de Wallenberg [37] , la symptomatologie
en association avec des anomalies de développement chiasma- étant ipsilésionnelle comme dans les atteintes périphériques. Une
tique comme l’achiasmie congénitale [32] . Dans sa forme acquise, skew deviation controlésionnelle est observée soit en association

EMC - Neurologie 5
17-016-A-60  Nystagmus

Absence de
nystagmus
Noyau interstitiel de Cajal
Noyaux oculomoteurs
Skew deviation
controlésionnelle Faisceau longitudinal
médian

Noyaux
Skew deviation
vestibulaires
ipsilésionnelle
1ère phase

Macules
otolithiques
Figure 5. Voies du réflexe vestibulo-oculaire vertical et torsionnel,
impliqué dans la survenue d’une skew deviation ou d’une réaction
d’inclinaison oculaire induite par une lésion à tous les étages des voies
du réflexe vestibulo-oculaire vertical et/ou torsionnel d’origine otoli-
thique partant de l’organe périphérique jusqu’aux noyaux oculomoteurs
2 e phase mésencéphaliques.
Figure 4. Différentes phases du nystagmus à bascule.

“ Point fort
“ Point fort La skew deviation est une divergence statique verticale non
paralytique de la position des yeux, dont le côté est donné
Le nystagmus à bascule est composé d’un cycle d’élévation par convention par l’œil le plus bas. Elle peut être induite
et d’intorsion d’un œil et de dépression et d’extorsion syn- par une lésion à tous les étages des voies du réflexe
chrone de l’autre œil, suivi d’un cycle inverse. Il s’observe le vestibulo-oculaire d’origine otolithique partant de l’organe
plus souvent dans les lésions suprasellaires volumineuses et périphérique jusqu’aux noyaux oculomoteurs mésencé-
s’accompagne souvent d’une hémianopsie bitemporale. phaliques. Elle est notamment présente dans le syndrome
de Wallenberg. Le diagnostic différentiel principal est une
paralysie du IV.

avec une ophtalmoplégie internucléaire dans les lésions du fais-


ceau longitudinal médian au niveau du pont ou du mésencéphale,
soit dans les lésions hautes du mésencéphale [36, 38] . regard, et du nystagmus alternant périodique qui s’inverse spon-
tanément toutes les deux minutes sans tenir compte de la position
des yeux.
 Nystagmus par anomalie
de la stabilisation du regard  Nystagmus pendulaires
excentré Un nystagmus pendulaire réalise une oscillation oculaire régu-
Le nystagmus des regards excentrés est un nystagmus battant lière, et est constitué de phases lentes. Il répond à trois mécanismes
du côté de l’excentration du regard, dont l’amplitude augmente distincts principaux : la déprivation visuelle, la sclérose en plaques
lorsque le déplacement des yeux se fait dans la direction de la et le tremblement oculopalatin. Le diagnostic différentiel princi-
phase rapide. pal est le nystagmus pendulaire congénital. Le nystagmus acquis
Il survient si l’action de l’intégrateur neuronal est imparfaite est plus souvent multidirectionnel, aboutissant parfois à une
(Fig. 2). Physiologiquement, il existe un nystagmus des regards figure elliptique. Ces oscillations peuvent être disconjuguées, dis-
extrêmes, dépendant de l’état de fatigue, de la position et de la jonctives et occasionnellement monoculaires [42] . En dehors du
durée de l’excentration [39] . Cependant, ce nystagmus peut être nystagmus pendulaire de la déprivation visuelle, il s’associe à des
pathologique survenant pour des excentricités faibles. La première oscillopsies dont le retentissement sur la fonction visuelle est le
cause de ces nystagmus acquis est médicamenteuse, incluant les plus souvent majeur [43] .
psychotropes et l’alcool. Les autres causes rassemblent des lésions
structurelles ou métaboliques du cervelet vestibulaire et de ses Nystagmus par déprivation visuelle
connexions avec certains noyaux du tronc cérébral [40, 41] . Ce nys-
tagmus est le plus souvent asymptomatique, sauf si sa vitesse est Un nystagmus accompagne invariablement la cécité totale.
élevée induisant une oscillopsie [2] . Il se distingue du nystagmus Il s’agit d’un nystagmus horizontal et vertical, changeant de
vestibulaire qui ne s’inverse jamais en fonction de la position du direction en quelques secondes ou minutes et présentant une

6 EMC - Neurologie
Nystagmus  17-016-A-60

dénervation, à l’origine d’un couplage électrotonique des neu-

“ Point fort rones responsable d’une activation autonome de voies afférentes


au cervelet [54] .

Les deux diagnostics à évoquer devant un nystagmus pen-


dulaire acquis sont :  Autres formes de nystagmus
• la sclérose en plaque ; acquis
• le tremblement oculopalatin ou le nystagmus apparaît
tardivement après un accident vasculaire cérébral du tronc Nystagmus retractorius
cérébral ou du cervelet et est associé à un tremblement du
Le nystagmus retractorius est un nystagmus à ressort, caractérisé
palais.
par une convergence et une rétraction de l’œil pendant les phases
rapides et une divergence pendant les phases lentes.
Il fait partie du syndrome prétectal [2] . Il est intermittent et
spécifiquement induit par des essais de saccades verticales chez
dérive de la position de repos [1] . Si la perte visuelle est mono- des patients présentant une paralysie supranucléaire du regard.
culaire, le nystagmus est plus évident du côté de l’œil aveugle. Sa physiopathologie est mal connue et les hypothèses sont
Il s’agit généralement d’un nystagmus pendulaire soit bidirec- divergentes : désordre saccadique de déclenchement asynchrone
tionnel à prédominance verticale, soit horizontal ou vertical de saccades en adduction ou implication du système de ver-
pur. gence [55, 56] .
Un nystagmus pendulaire peut apparaître dans l’amaurose
congénitale de Leber, dans la rétinite pigmentaire, dans la cécité
nocturne congénitale et dans les lésions du nerf optique (tumeur,
traumatisme). Les lésions ou les anomalies de développement du
chiasma optique s’accompagnent plus souvent d’un nystagmus
“ Point fort
pendulaire à bascule [32] .
Nystagmus associé à une paralysie oculomotrice
Le nystagmus retractorius est un nystagmus en conver-
Nystagmus pendulaire de la sclérose gence, à ressort, induit par des tentatives de saccades
en plaques verticales, et associé à une paralysie supranucléaire du
Le nystagmus pendulaire observé dans la sclérose en plaques est regard (syndrome mésencéphalique dorsal ou prétectal).
rapide, aux alentours de 4 Hz, peu ample, le plus souvent conjugué Dans l’ophtalmoplégie internucléaire il existe un nystag-
et horizontal [44] (Fig. 6A). mus lors de l’abduction de l’œil controlatéral, associé à un
Il est souvent associé à une ophtalmoplégie internucléaire bila- déficit d’adduction de l’œil ipsilatéral à la lésion.
térale ou à une neuropathie optique. Il est surtout observé dans
les formes progressives et est dans ce cas associé à des signes céré-
belleux.
Une première théorie suppose que l’oscillation oculaire serait
induite par un délai du feedback visuel, consécutif aux séquelles
de névrite optique, engendrant une oscillation pendulaire [45] . Nystagmus de l’ophtalmoplégie
Cette oscillation pendulaire ne pourrait être compensée en rai- internucléaire
son de lésions oculomotrices centrales impliquant le tegmentum
pontin [45, 46] (Fig. 6B). Une deuxième hypothèse suppose que L’ophtalmoplégie internucléaire est définie par une parésie de
le nystagmus pendulaire serait consécutif à une instabilité de l’adduction de l’œil ipsilatéral et un nystagmus lors de l’abduction
l’intégrateur neuronal (Fig. 2) [47] . Il est probable que plusieurs de l’œil controlatéral, survenant lors des mouvements conju-
mécanismes soient intriqués dans l’apparition du nystagmus pen- gués des yeux. En convergence, il n’existe pas de limitation
dulaire ; par exemple la neuropathie optique pourrait favoriser d’adduction. Le nystagmus de l’œil abducteur est en général attri-
l’émergence du nystagmus chez un patient dont l’intégrateur bué à des phénomènes d’adaptation au déficit oculomoteur : le
est déjà instable mais jusque-là contrôlé par les afférences système nerveux augmente l’innervation du muscle droit interne
visuelles [48] . de l’œil adducteur pour tenter de compenser le déficit [2] . Du fait
de la loi d’innervation égale dans les muscles agonistes, le muscle
droit externe controlatéral devient hyperactif. Cette hyperactivité
Nystagmus pendulaire du tremblement rendrait compte d’une hypermétrie saccadique suivie d’une phase
oculopalatin lente de l’œil abducteur.

Le nystagmus pendulaire peut aussi être observé à la suite d’un


accident vasculaire cérébral du tronc cérébral, dans le cadre du  Diagnostic différentiel :
syndrome du tremblement oculopalatin (anciennement myoclo-
nies oculopalatines) [49] . Le tremblement oculopalatin associe un intrusions saccadiques et autres
tremblement du voile du palais (et parfois des muscles orofaciaux)
synchrone d’un nystagmus pendulaire. Le nystagmus pendulaire
mouvements oculaires anormaux
du tremblement oculopalatin est de faible fréquence (1 à 2 Hz), de
Un certain nombre d’autres mouvements oculaires anormaux
grande amplitude et est assez irrégulier (Fig. 6C).
peuvent gêner la fixation oculaire et induire des oscillopsies. On
Le tremblement oculopalatin se manifeste plusieurs semaines,
distingue les intrusions saccadiques, qui représentent un déficit
mois ou même années après l’accident vasculaire, qui est le plus
du système d’inhibition des saccades anormales, la myokimie du
couramment hémorragique et implique le tegmentum pontin
grand oblique et le bobbing oculaire.
(Fig. 6D). Le diagnostic est confirmé par l’apparition conjointe au
nystagmus d’un hypersignal T2 en IRM au niveau latérobulbaire
bas [50–52] (Fig. 6E). Intrusions saccadiques
Ce syndrome se développe dans des conditions très particu-
lières. La lésion causale doit impliquer le triangle de Guillain et Contrairement aux nystagmus dont l’événement initiateur est
Mollaret [53] (Fig. 6F). Une lésion de ce triangle induit une déaf- un mouvement oculaire lent, les intrusions saccadiques sont ini-
férentation de l’olive inférieure, qui subit une hypertrophie de tiées par une phase rapide et ne comportent aucune phase lente [2] .

EMC - Neurologie 7
17-016-A-60  Nystagmus

Horizontal
Vertical
Torsionnel

1 sec A B

10 deg

Horizontal Vertical Torsionnel


C D

Noyau Noyau rouge


dentelé

Pédoncule
cérébelleux
supérieur

Tractus
Hémisphère
tegmental
cérébelleux
central

Pédoncule Olive inférieure


cérébelleux
inférieur
E F
Figure 6. Nystagmus pendulaire de la sclérose en plaques et du tremblement oculopalatin. Le nystagmus pendulaire observé dans la sclérose en plaques est
rapide, aux alentours de 4 Hz, peu ample et multidirectionnel (A). Il est souvent associé à des lésions du tegmentum pontique dorsal (B, flèche). Le nystagmus
pendulaire du tremblement oculopalatin est de faible fréquence (1 à 2 Hz), de grande amplitude et est assez irrégulier (C). Il se manifeste après l’accident
vasculaire impliquant ici le tegmentum pontin (D, flèche) et s’associe à l’apparition d’un hypersignal FLAIR en IRM, ipsilésionnel au niveau latérobulbaire
bas (E, flèche). La lésion causale implique le triangle de Guillain et Mollaret (F). IRM : imagerie par résonance magnétique.

On distingue quatre types d’intrusions saccadiques : les ondes car- Les ondes carrées géantes sont plus larges (10 à 40 degrés)
rées, les ondes carrées géantes, les oscillations macrosaccadiques et séparées par un délai plus court (100 msec). Elles sont
et le flutter-opsoclonus (Fig. 7). plus spécifiques d’une atteinte cérébelleuse, notamment
Les ondes carrées sont de petites saccades (moins de dans la sclérose en plaques ou dans l’atrophie olivo-ponto-
5 degrés) horizontales de va-et-vient séparées par un délai de cérébelleuse.
200 millisecondes. Elles sont facilement visibles à l’œil nu, à Les oscillations macrosaccadiques sont des oscillations de l’œil
l’examen du fond d’œil, et sont amplifiées par la poursuite autour d’un point de fixation. C’est en fait une forme sévère de
oculaire. Elles sont très fréquentes chez la personne âgée, mais dysmétrie saccadique. L’intervalle entre chaque saccade est de
surviennent également dans les pathologies cérébelleuses, dans la 200 millisecondes. On les rencontre dans les lésions cérébelleuses,
paralysie supranucléaire progressive, dans des lésions hémisphé- notamment des noyaux profonds ou dans les lésions touchant les
riques, dans la schizophrénie et la chorée de Huntington. neurones omnipauses du pont.

8 EMC - Neurologie
Nystagmus  17-016-A-60

intervalle de posture tonique et une large excursion verticale [63] .


1 Le bobbing est défini par un mouvement oculaire rapide vers le
bas, le plus souvent conjugué intermittent, suivi après un bref
2 intervalle tonique par un retour lent en position primaire.

“ Point fort
3
Les intrusions saccadiques sont initiées par une phase
rapide et ne comportent aucune phase lente.
4 La myokimie de l’oblique supérieur est rare.
Le bobbing oculaire se rencontre dans des pathologies
Figure 7. Formes d’intrusions saccadiques. graves dont le pronostic est le plus souvent réservé.

Le flutter-opsoclonus est constitué d’une série de saccades sans


intervalle intersaccadique.
Quand les saccades sont purement horizontales, on parle
de flutter, l’opsoclonus correspondant aux formes multidirec-  Traitements des nystagmus
tionnelles. Elles surviennent de manière intermittente et sont
induites par des changements d’orientation de l’œil le plus
et autres mouvements oculaires
souvent. Elles peuvent être physiologiques chez certaines per- anormaux
sonnes, favorisées par le clignement oculaire, la convergence :
elles prennent le nom de flutter ou de nystagmus volontaire. En Les nystagmus et les mouvements oculaires anormaux sont le
pathologie, le flutter-opsoclonus s’accompagne le plus souvent plus souvent symptomatiques, se manifestant par des oscillop-
d’un syndrome cérébelleux et de myoclonies segmentaires : syn- sies. Dans ce dernier chapitre, après un rappel du mécanisme
drome opsoclonus-myoclonus. On le rencontre dans certaines des oscillopsies, nous envisagerons les différentes thérapeutiques
encéphalites virales ou bactériennes [57] , dans des intoxications proposées pour améliorer la vision. Nous n’aborderons pas les
médicamenteuses ou des encéphalopathies métaboliques, dans la traitements étiologiques trop divers de ces mouvements oculaires
sclérose en plaques mais elles doivent surtout faire redouter les anormaux.
syndromes paranéoplasiques (par anticorps Ac anti-Ri [ou ANNA-
2] dans le cadre d’une association à une néoplasie mammaire
ou ovarienne) [58] . Chez l’enfant, le flutter-opsoclonus doit faire Oscillopsie
redouter le neuroblastome (anticorps anti-Hu ou ANNA-1). Cer-
taines formes sont idiopathiques, mais une origine auto-immune Le traitement symptomatique d’un nystagmus a pour but de
est la plus communément admise [59] . Le flutter-opsoclonus pour- réduire les oscillopsies, source d’une gêne fonctionnelle et d’une
rait être lié à un déficit d’inhibition des neurones omnipauses réduction de l’acuité visuelle. En effet, notre perception du monde
du tronc cérébral, favorisant l’émergence d’une oscillation ocu- environnant lorsque notre tête est immobile est celle d’un monde
laire [16] . Ce défaut d’inhibition des neurones omnipauses serait stationnaire, alors que nos yeux sont instables même dans le
lié à des lésions des noyaux fastigiaux du cervelet [16] . cas d’une fixation oculaire (bruit oculomoteur). Notre cerveau
réalise une intégration spatiotemporelle des différentes images
renvoyées par la rétine pour créer une vision stable. Cette faculté
Myokimie de l’oblique supérieur d’intégration est cependant limitée et lors d’un mouvement
oculaire anormal nystagmique, saccadique ou myokimique, les
La myokimie de l’oblique supérieur est un trouble oculomo- capacités du système nerveux sont dépassées rendant compte de
teur rare caractérisé par des oscillopsies monoculaires liées à un phénomènes subjectifs d’oscillopsie et de baisse d’acuité visuelle.
tremblement paroxystique d’un œil [60, 61] . Les mouvements anor- Le but des traitements proposés est de réduire la vitesse des phases
maux de l’œil sont liés à une contraction intermittente du muscle lentes ou la fréquence du mouvement anormal, de manière à les
grand oblique. Ce mouvement oculaire anormal est de diagnostic ramener dans la gamme des mouvements oculaires tolérables pour
difficile, le tremblement oculaire étant intermittent et de faible le système nerveux central. On peut objectiver l’efficacité du trai-
amplitude. Il est renforcé en demandant au patient de regarder tement par la mesure de l’acuité visuelle de loin et de près et par
dans la direction d’action du grand oblique puis en position pri- la mesure de la vitesse des phases lentes du nystagmus sur les
maire. Il est lié à des phénomènes d’hyperexcitabilité neurogène enregistrements des mouvements oculaires.
du muscle grand oblique. On peut le rencontrer dans certains pro-
cessus expansifs intracrâniens ou dans la sclérose en plaques. La
plupart seraient consécutifs à un conflit vasculonerveux du IV [62] . Traitements médicamenteux
La physiopathologie est dans ce cas proche de celle du spasme
hémifacial par conflit vasculonerveux du VII. Différentes revues de la littérature mettent régulièrement à
La myokimie de l’oblique supérieur doit être différenciée des jour les différents traitements médicamenteux utilisables dans
nystagmus monoculaires. les nystagmus oculaires anormaux acquis [64–69] (Tableau 2). Ces
mises au point reposent sur des publications scientifiques de cas
isolés ou de groupes restreints de patients. Il n’existe que très
Bobbing oculaire peu d’études contrôlées dans le traitement pharmacologique des
nystagmus acquis. Enfin, aucune de ces thérapeutiques n’a reçu
Il s’agit de mouvements oculaires anormaux survenant dans le d’autorisation de mise sur le marché (AMM) dans cette indication.
cas de pathologies graves dont le pronostic est le plus souvent
réservé : comas, hémorragies, tumeurs ou infarctus du pont ou du
cervelet, encéphalopathie métabolique, postanoxique, toxique ou
Nystagmus verticaux
infectieuse. L’efficacité du clonazépam pour le traitement du nystagmus
Le bobbing oculaire et les mouvements oculaires anormaux vertical battant vers le bas a été démontrée à deux reprises dans
apparentés sont constitués de mouvements oculaires anormaux des études non contrôlées [70, 71] . Plus récemment, l’effet de la
verticaux, se distinguant des nystagmus et des intrusions sacca- 3,4-diaminopyridine ou encore de la 4-aminopyridine sur les nys-
diques par différentes caractéristiques : un rythme irrégulier, un tagmus verticaux battant vers le bas [72–74] ou vers le haut [75] ont été

EMC - Neurologie 9
17-016-A-60  Nystagmus

Tableau 2. Intrusions saccadiques


Traitements médicamenteux utiles dans certains nystagmus ou mouve-
ments oculaires anormaux. Les intrusions saccadiques peuvent être améliorées par les ago-
nistes acides gamma-aminobutyriques (GABA)-A, le propanolol,
Nystagmus ou Traitement médicamenteux les benzodiazépines, l’acide valproïque. La mémantine à la dose
mouvement oculaire de 20 mg par jour semble être particulièrement efficace chez les
Nystagmus vertical battant Clonazépam 1,5–3 mg/j en 3 prises patients atteints d’ataxie spinocérébelleuse héréditaire [68] .
en bas 4-aminopyridine 10–15 mg/j en
2–3 prises ou 3,4-diaminopyridine Myokimie de l’oblique supérieur
40–60 mg/j en 4 prises
La carbamazépine est le médicament recommandé pour ce
Nystagmus vertical battant Baclofène 15–30 mg/j en 3 prises genre d’affection, suivie de la phénytoïne [60, 61, 68] . Certains pré-
en haut 4-aminopyridine 10–15 mg/j en
conisent le propanolol éventuellement en traitement topique [85] .
2–3 prises
La gabapentine semble également fonctionner [61] .
Nystagmus alternant Baclofène 15–30 mg/j en 3 prises
périodique Mémantine
Nystagmus pendulaires Gabapentine jusqu’à Traitements orthoptiques et toxine
1200–2400 mg/j en 3 prises botulinique
Mémantine 20–60 mg/j en 2 ou
3 prises Un certain nombre de procédures orthoptiques sont proposées
Autres : clonazépam 1,5–3 mg/j en pour les nystagmus [64] . La première approche utilise le fait que cer-
3 prises tains nystagmus, spécialement les nystagmus congénitaux, sont
Nystagmus à bascule Baclofène 15–30 mg/j en 3 prises atténués dans une certaine position de l’œil dans l’orbite. Dans
Clonazépam ces cas, on utilise des prismes qui dévient l’angle du regard pour
Gabapentine que la position primaire du regard corresponde à la position de
Oscillations saccadiques Agonistes GABA-A la zone d’annulation du nystagmus [64] . La deuxième approche
Clonazépam est de stabiliser les images sur la rétine par l’utilisation de cor-
Barbituriques rections optiques complexes. Une technologie récente utilise un
Propanolol appareil électro-optique qui mesure les oscillations oculaires et
Myokimie du grand Carbamazépine 200–400 mg/j négative leurs effets, fonctionnant mieux pour les nystagmus pen-
oblique Phénytoïne 250–400 mg/j dulaires [86] . Il semble que le port des lentilles de contact affecte
Propanolol le nystagmus congénital par la stimulation de la branche oph-
Gabapentine talmique du trijumeau. C’est pourquoi certains ont essayé avec
succès la stimulation électrique ou la vibration du front ou du
GABA : acide gamma-aminobutyrique.
cou [87] . L’injection de toxine botulinique peut être une alternative
de traitement des nystagmus [88] . L’intérêt réel de cette technique
démontrées dans des essais pour la plupart randomisés, contrôlés reste à démontrer par des études contrôlées.
et croisés. Cet effet est notamment intéressant chez les patients
avec une atrophie cérébelleuse [76] . Ce traitement doit être pres-
crit après un contrôle de l’électrocardiogramme une heure avant
et après la première ingestion en raison du risque d’un allon-
gement du QTc. Le baclofène reste un traitement intéressant
“ Points essentiels
pour le nystagmus vertical battant en haut [77] . Il est actuelle- • Un nystagmus est défini par une alternance de mouve-
ment conseillé pour les nystagmus verticaux battant vers le bas
ments oculaires de va-et-vient, initié par un mouvement
de débuter par du clonazépam, puis en cas d’inefficacité, d’essayer
la 3,4-diaminopyridine ou la 4-aminopyridine et pour le nys- oculaire lent. Il peut être pendulaire ou à ressort.
tagmus battant en haut de débuter par du baclofène, puis la • Le sens du battement d’un nystagmus à ressort est
4-aminopyridine en deuxième intention [69] . donné par convention par le côté de la phase rapide.
• Un nystagmus acquis est fréquemment source d’une
gêne fonctionnelle liée aux oscillopsies (contrairement aux
Nystagmus alternant périodique
nystagmus infantiles) et à la baisse d’acuité visuelle.
Ce nystagmus est spécifiquement amélioré par le baclofène [78] . • Les nystagmus centraux sont plus souvent verticaux
La posologie admise est de 15-30 mg par jour en trois prises [69] . Le qu’horizontaux.
baclofène peut également être efficace dans les formes congéni- • Les nystagmus pendulaires acquis se rencontrent sur-
tales de ce nystagmus [69] . En cas d’échappement thérapeutique,
la mémantine peut être utile [79] . tout dans la sclérose en plaques et dans le cadre du
tremblement oculopalatin. Leur mécanisme, leur pré-
sentation clinique et leur réponse aux traitements sont
Nystagmus pendulaires totalement différents.
La gabapentine reste le traitement de choix de première inten- • Tout nystagmus monoculaire acquis doit faire redouter
tion pour le traitement des nystagmus pendulaires, et notamment une tumeur du nerf optique, et une imagerie cérébrale est
dans les formes de la sclérose en plaques [80] . La mémantine justifiée.
semble également avoir un intérêt dans le nystagmus pendulaire • Les traitements pharmacologiques visant à réduire les
observé dans la sclérose en plaques [81] . Depuis ces deux premières
oscillopsies sont nombreux mais peu ont été validés par
études, l’efficacité de ces deux traitements a été confirmée par
d’autres études contrôlées [82–84] . L’efficacité de ces traitements des études randomisées, et aucun n’a d’AMM dans cette
dans le nystagmus pendulaire du tremblement oculopalatin reste indication.
à démontrer [84] . Plusieurs auteurs recommandent de débuter par
la gabapentine ou la mémantine, et d’essayer le clonazépam en
dernière intention [68, 69] .

Nystagmus à bascule Traitements chirurgicaux


Quelques données suggèrent l’efficacité partielle de l’alcool, du Le traitement chirurgical est essentiellement indiqué dans les
baclofène, du clonazépam ou de la gabapentine [68, 69] . nystagmus congénitaux idiopathiques.

10 EMC - Neurologie
Nystagmus  17-016-A-60

Le traitement chirurgical peut également avoir un intérêt dans [29] Lewis RF, Zee DS. Ocular motor disorders associated with cere-
la myokimie de l’oblique supérieur en cas d’inefficacité des trai- bellar lesions: pathophysiology and topical localization. Rev Neurol
tements pharmacologiques. La ténotomie de l’oblique supérieur 1993;149:665–77.
associée éventuellement à une ténotomie de l’oblique inférieur [30] Waespe W, Cohen B, Raphan T. Dynamic modification of the vestibulo-
peut être essayée, mais celle-ci reste de réalisation délicate [89] . ocular reflex by the nodulus and uvula. Science 1985;228:199–202.
Certains auteurs ont également proposé une décompression chi- [31] Shallo-Hoffmann J, Riordan-Eva P. Recognizing periodic alternating
rurgicale microvasculaire mais le risque de paralysie du grand nystagmus. Strabismus 2001;9:203–15.
[32] Dell’Osso LF. See-saw nystagmus in dogs and humans: an inter-
oblique est élevé [90] .
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L. Abouaf (lucie.abouaf@chu-lyon.fr).
Hospices civils de Lyon, Groupement hospitalier Est, Hôpital neurologique, Unité de neuro-ophtalmologie, 59, boulevard Pinel, 69677 Bron cedex, France.
Université Claude-Bernard-Lyon-I, Lyon, France.
C. Tilikete.
Hospices civils de Lyon, Groupement hospitalier Est, Hôpital neurologique, Unité de neuro-ophtalmologie, 59, boulevard Pinel, 69677 Bron cedex, France.
Université Claude-Bernard-Lyon-I, Lyon, France.
Centre de Recherche en Neurosciences de Lyon, équipe IMPACT, INSERM U1028, CNRS UMR5292, Groupe hospitalier Est, 59, boulevard Pinel, 69677 Bron
cedex, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Abouaf L, Tilikete C. Nystagmus. EMC - Neurologie 2013;10(4):1-12 [Article 17-016-A-60].

Disponibles sur www.em-consulte.com


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décisionnels supplémentaires Animations légaux au patient supplémentaires évaluations clinique

12 EMC - Neurologie
¶ 21-510-A-10
¶ 17-016-A-70

Pathologie pupillaire
M. Jacob-Lebas, C. Vignal-Clermont

Les anomalies pupillaires font partie de tableaux neuro-ophtalmologiques particulièrement urgents, c’est
pourquoi il est important de savoir les analyser correctement. La première étape en cas d’anisocorie
consiste à déterminer quelle pupille est pathologique, cliniquement et en s’appuyant si nécessaire sur des
tests aux collyres. Parmi les situations urgentes, le syndrome de Claude Bernard-Horner douloureux doit
faire éliminer une dissection carotidienne ; la présence d’un syndrome de Claude Bernard-Horner chez un
nourrisson fait redouter un neuroblastome ; la paralysie du III, d’autant plus qu’elle s’accompagne de
mydriase, doit faire évoquer la possibilité d’un anévrisme terminocarotidien ; enfin, les infections (en
particulier fungiques) du sinus caverneux peuvent débuter par des anomalies pupillaires et oculomotrices
isolées et sont d’une particulière gravité. Les anomalies pupillaires bilatérales sont plus rares, plus difficiles
à diagnostiquer, et surviennent pour la plupart dans le cadre de maladies générales lésant le système
nerveux périphérique. Devant une baisse d’acuité visuelle, le déficit pupillaire afférent relatif, testant la
réactivité pupillaire d’une pupille par rapport à l’autre, est un des éléments essentiels du diagnostic de
neuropathie optique ; il est particulièrement précieux lorsque le fond d’œil est normal pour pouvoir
affirmer le diagnostic de neuropathie optique rétrobulbaire. Dans cet article, nous débutons par un rappel
anatomique des voies de la motricité pupillaire. Puis la technique d’examen des pupilles est explicitée.
Enfin, les étiologies à évoquer devant un myosis ou une mydriase sont détaillées, en fonction de leur
caractère transitoire ou permanent, unilatéral ou bilatéral, ainsi que le bilan à réaliser et le degré
d’urgence suspecté. Un récapitulatif sur les tests aux collyres permet à chaque praticien de les utiliser et
d’en connaître les indications et limites. Quelques situations cliniques sont également approfondies,
comme les anomalies pupillaires en lien avec la chirurgie oculaire, et les médicaments pouvant influencer
la taille des pupilles.
© 2011 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Mydriase ; Myosis ; Déficit pupillaire afférent relatif (DPAR) ; Anisocorie ;
Claude Bernard-Horner ; Pupille tonique d’Adie

Plan Test à la pilocarpine 1 % ou 2 % 7


Test à la Néosynéphrine® 7
¶ Introduction 2 ¶ Pupillographie 7
Technique 7
¶ Anatomie et physiopathologie 2
Applications cliniques 7
Voie parasympathique 2
Voie sympathique 3 ¶ Anomalies pupillaires congénitales 8
Réflexe photomoteur 3 Aniridie 8
Colobome de l’iris 8
¶ Examen clinique 5
Anomalies de formes diverses 8
Mesure de la taille des pupilles, dans l’obscurité et à la lumière 5
Pupilles ectopiques 8
Analyse de la réactivité de chaque pupille à la lumière 5
Persistance de membrane pupillaire 8
Recherche d’un déficit pupillaire afférent relatif 5
Polycorie 8
Forme et position de chaque pupille 6
Myosis congénital, mydriase congénitale 8
En cas de mauvaise réaction pupillaire à la lumière, recherche
Anomalie congénitale de la couleur de l’iris 8
d’un myosis à l’accommodation-convergence 6
Examen à la lampe à fente exhaustif 6 ¶ Anomalies pupillaires acquises 8
Inspection de photos anciennes 6 Arbre diagnostique 8
Test à la cocaïne 6 Diagnostic étiologique 9
Test à l’apraclonidine (Iopidine®) 6 ¶ Traitement 19
Test à l’hydroxyamphétamine 7 ¶ Conclusion 20
Test à la pilocarpine diluée 7

Ophtalmologie / Neurologie 1
21-510-A-10 / 17-016-A-70 ¶ Pathologie pupillaire

■ Introduction
3
La pathologie pupillaire est à la frontière entre l’ophtalmolo- 4
gie et la neurologie. L’iris et la pupille peuvent faire l’objet de
pathologies purement oculaires ; mais l’état de la pupille est
également sous le contrôle du système nerveux autonome, et
peut refléter une pathologie très éloignée du globe oculaire. Une
bonne connaissance de l’anatomie, un interrogatoire synthéti- 1 5
que et une technique d’examen rigoureuse permettent de poser
le bon diagnostic, et d’évaluer correctement le degré d’urgence.
C’est ce que nous allons tenter d’exposer dans cet article.

6
■ Anatomie et physiopathologie
7
La pupille est un orifice au sein de l’iris. Sa taille est sous le
contrôle de deux muscles antagonistes : le muscle constricteur
de l’iris, muscle sphinctérien sous la dépendance du système
nerveux parasympathique (son atteinte aboutit à une mydriase),
et le muscle dilatateur de l’iris, aux fibres radiaires, sous la
2
dépendance du système nerveux sympathique (son atteinte
aboutit à un myosis).

Voie parasympathique
La voie parasympathique est inséparable du réflexe photomo-
teur (RPM), sur lequel nous allons revenir plus longuement dans
le paragraphe qui lui est consacré. Nous décrivons ici les voies
anatomiques empruntées par les portions afférente et efférente
de ce réflexe (Fig. 1).
La voie afférente prend naissance dans la rétine au niveau des
cônes, des bâtonnets et des cellules ganglionnaires à mélanop-
sine (cf. infra). Les axones de ces cellules ganglionnaires
particulières cheminent au sein du nerf optique ; un peu plus de
la moitié de ces fibres décusse au niveau du chiasma tandis que
l’autre emprunte la bandelette optique homolatérale. Ces fibres
atteignent ensuite le corps géniculé latéral, mais n’y font pas
relais ; elles gagnent le noyau prétectal où elles établissent
Figure 2. Noyau du III. 1. Droit latéral ; 2. noyau d’Edinger-Westphal ;
3. oblique supérieur ; 4. droit supérieur ; 5. droit médial ; 6. droit
inférieur ; 7. oblique inférieur.
1
2

une synapse. L’innervation est ensuite bilatérale, avec une


3 connexion au noyau d’Edinger-Westphal (sous-noyau du III)
homolatérale et une connexion controlatérale, la décussation
s’effectuant au niveau de la commissure postérieure.
4
La voie efférente est une voie comportant deux neurones et
qui prend naissance au niveau du sous-noyau d’Edinger-
Westphal (Fig. 2), portion crâniale et médiale du noyau du III à
5 destinée pupillaire (partie moyenne du mésencéphale).
Les fibres parasympathiques cheminent au sein du nerf
oculomoteur commun, et sont en position crâniale dans la
portion cisternale du nerf (portion du nerf où celui-ci est sorti
du tronc cérébral et avant son entrée dans le sinus caverneux) ;
c’est à ce niveau qu’un conflit avec un anévrisme terminocaro-
6 tidien est fréquent, ou également que le contingent pupillaire
7 est atteint en cas d’engagement temporal (Fig. 3). Les fibres
8 parasympathiques poursuivent leur trajet au sein du III jusque
dans le sinus caverneux. À la partie antérieure du sinus caver-
neux, les fibres parasympathiques suivent alors la branche
Figure 1. Représentation schématique du réflexe photomoteur, avec inférieure du III, pénètrent dans l’orbite au niveau de la fissure
voie afférente en rouge et voie efférente en bleu (voie parasympathique orbitaire supérieure puis s’individualisent pour rejoindre le
pupillaire). CGL : corps géniculé latéral. 1. Muscle sphincter pupillaire ; ganglion ciliaire. Au sein de celui-ci s’effectue la synapse entre
2. muscle ciliaire ; 3. fibre postganglionnaire (dans le nerf ciliaire court) ; le premier neurone de la chaîne parasympathique et le second.
4. ganglion ciliaire ; 5. fibre préganglionnaire (dans le nerf III) ; 6. noyau L’ensemble des deutoneurones des fibres parasympathiques à
oculomoteur accessoire (parasympathique d’Edinger-Westphal) ; destinée pupillaire constitue alors les nerfs ciliaires courts,
7. noyau prétectal (noyau du colliculus supérieur) ; 8 : corps géniculé innervant le muscle constricteur de l’iris. Il faut cependant
latéral. savoir que seul un petit pourcentage (environ 3 %) des cellules

2 Ophtalmologie / Neurologie
Pathologie pupillaire ¶ 21-510-A-10 / 17-016-A-70

1 9
2
3 10

11
4
5

6 2

3
4
5
6

Figure 4. Schéma anatomique de la voie sympathique pupillaire.


1. Région postérolatérale de l’hypothalamus ; 2. ganglion cervical supé-
Figure 3. Rapport du nerf oculomoteur commun avec les artères dans rieur ; 3. ganglion cervical moyen ; 4. centre ciliospinal de Budge ;
sa portion cisternale. Le III est en rapport étroit avec la terminaison de la 5. anse sous-clavière ; 6. artère sous-clavière.
carotide interne au niveau de la jonction avec l’artère communicante
postérieure, localisation fréquente d’anévrismes. 1. Artère communicante
postérieure ; 2. bifurcation du tronc basilaire ; 3. nerf crânien III ;
4. artère cérébrale postérieure ; 5. nerf crânien IV ; 6. artère cérébelleuse destinée oculaire pour suivre le trajet de la carotide externe. Une
supérieure ; 7. nerf crânien VI ; 8. artère communicante antérieure ; atteinte située en amont de cette bifurcation s’accompagne de
9. artère cérébrale antérieure ; 10. artère cérébrale moyenne ; 11. artère troubles vasomoteurs et de la sudation au niveau de la face
carotide interne. homolatérale au syndrome de Claude Bernard-Horner. Le
contingent à destinée oculaire suit ensuite intimement le trajet
de la carotide interne (plexus sympathique péricarotidien), passe
situées dans le ganglion ciliaire envoie un axone au sphincter à proximité du ganglion de Gasser pour rejoindre le sinus
de l’iris, la majorité des fibres étant destinée au muscle ciliaire caverneux, où il chemine à proximité du VI. Il pénètre ensuite
impliqué dans l’accommodation. dans l’orbite par la fente sphénoïdale à proximité du V1, et se
ramifie en arrière du globe oculaire en nerfs ciliaires longs allant
Voie sympathique innerver le muscle dilatateur de l’iris et les muscles tarsal
supérieur (muscle de Müller) et tarsal inférieur (muscle rétrac-
La voie sympathique est une voie comportant trois neurones et teur de la paupière inférieure).
qui reste strictement homolatérale sur tout son trajet (aucune
décussation) à l’œil finalement innervé (Fig. 4). Le corps cellu-
laire du premier neurone est situé dans la portion postérolaté-
Réflexe photomoteur [1]
rale de l’hypothalamus. L’axone du premier neurone descend au
La cellule qui est le pivot du RPM est la cellule ganglionnaire
sein du tronc cérébral (Fig. 5) pour effectuer sa synapse avec le
à mélanopsine. Cette cellule ganglionnaire est tout à fait
deuxième neurone au sein de la moelle épinière, au niveau du
particulière du fait qu’elle contient elle-même un photopig-
centre ciliospinal de Budge-Waller. Le centre ciliospinal de
Budge-Waller est situé dans la substance grise de la moelle ment, la mélanopsine, dont le pic d’absorption se situe aux
épinière, entre C7 et D2, dans la corne latérale de la moelle. alentours de 484 nm, dans le bleu. Elle est capable à la fois de
Les axones du deuxième neurone (ou neurone préganglion- se dépolariser seule sous l’action de la lumière, mais également
naire) sortent de la moelle épinière au niveau D1-D2 en suivant de se dépolariser par la voie classique sous la dépendance des
la partie ventrale des racines rachidiennes et rejoignent alors la cônes et des bâtonnets. La constriction pupillaire qui résulterait
chaîne sympathique latérovertébrale au niveau du ganglion uniquement de l’excitation directe de la mélanopsine par la
cervical inférieur (ou ganglion stellaire). Le ganglion stellaire est lumière est maximale pour les courtes longueurs d’onde (dans
situé sur le versant postérieur du dôme pleural, collé étroitement le spectre bleu), nécessite de fortes intensités lumineuses pour
à la plèvre du sommet pulmonaire. Après avoir traversé le se produire, est proportionnelle à l’intensité lumineuse, est
ganglion stellaire sans y faire relais, une première partie du soutenue, d’intensité constante si le stimulus lumineux est
contingent passe du ganglion cervical inférieur au ganglion soutenu d’intensité constante. C’est grâce à cette stimulation
cervical moyen en cravatant l’artère sous-clavière (anse sous- directe des cellules ganglionnaires à mélanopsine par la lumière
clavière de Vieussens). L’autre partie du contingent rejoint que l’on peut observer un RPM chez des patients porteurs de
directement le ganglion cervical moyen. Les deux contingents se rétinopathie pigmentaire sans perception lumineuse avec un
rejoignent, traversent le ganglion cervical moyen et rejoignent le électrorétinogramme (ERG) plat. Par ailleurs, les cellules
ganglion cervical supérieur, où s’effectue la synapse entre le ganglionnaires à mélanopsine peuvent également être stimulées
deuxième neurone et le troisième neurone (postganglionnaire). par l’intermédiaire des cônes et des bâtonnets ; dans ce cas, en
Le ganglion cervical supérieur est situé à proximité du bulbe présence d’un stimulus lumineux d’intensité constante, la
carotidien, à peu près au niveau de l’angle de la mâchoire. pupille se contracte intensément mais de manière brève, avec
L’axone du troisième neurone suit alors la carotide interne, un échappement de la constriction pupillaire. C’est ce qui se
tandis que le contingent de fibres vasomotrices et sudorales produit avec une stimulation lumineuse dans les grandes
destinées à la face se détache à ce niveau du contingent à longueurs d’onde (rouge), pour laquelle la mélanopsine est

Ophtalmologie / Neurologie 3
21-510-A-10 / 17-016-A-70 ¶ Pathologie pupillaire

a Figure 5. Rapport anatomique du contingent


1 sympathique pupillaire avec les autres structures au
1 sein du tronc cérébral.
A. Tronc cérébral, vue ventrale ; en rouge, les plans
de section. 1. Ventricules latéraux ; 2. thalamus ;
3 3. bandelettes optiques ; 4. pédoncules céré-
2 2 4 braux ; 5. olive bulbaire ; 6. décussation pyrami-
5 dale.
3 II B. Plans de section. 1. Voie sensitive lemniscale ;
III
a 2. noyau rouge ; 3. contingent sympathique à des-
III tinée pupillaire (premier neurone dans sa portion
4
b b cheminant au sein du système nerveux central) ;
IV IV 4. formation réticulée ; 5. substance noire ; 6. sous-
V noyau du V à destinée sensitive ; 7. noyau moteur
c 1
3
4 du V ; 8. noyau du VI ; 9. noyaux vestibulaires ;
10. noyau du VII.
VII d
VIII VI
IX X
5 c
e
XI 6

6 1 3
7

A V 4
d
8
VII
9
VI
VIII
VII
10
e
X
1
4
XII 3

X
XII B

peu sollicitée directement : alors c’est surtout la réponse


des cellules ganglionnaires à mélanopsine déclenchée par les 2 3
cônes et bâtonnets qui est observée. Dans la plupart des
situations cliniques courantes, la réaction pupillaire résulte de la
combinaison des deux types de stimulations : stimulation 2 4 6 8
5
directe des cellules ganglionnaires à mélanopsine par l’activa-
tion de la mélanopsine, et stimulation indirecte par l’intermé-
4
diaire des cônes et bâtonnets (Fig. 6). 1
Bien que ceci ne concerne plus directement les pupilles, 4
mentionnons toutefois l’autre fonction importante des cellules
ganglionnaires à mélanopsine : celle de participer à la genèse du 5
rythme circadien. Une partie de ces cellules à mélanopsine va
établir directement une connexion avec le noyau suprachiasma- 3
tique, véritable chef d’orchestre de l’horloge biologique de
6
l’organisme. Grâce à cela, le rythme biologique interne reste
synchronisé avec l’alternance jour-nuit externe à l’organisme.

Figure 6. Cinétique du réflexe photomoteur en présence d’une stimu-

“ Point important
lation lumineuse intermittente (d’après [1]). 1. Diamètre pupillaire ;
2. stimulus lumineux ; 3. pas de stimulus lumineux ; 4. réaction pupillaire
soutenue ; 5. échappement ; 6. réaction pupillaire transitoire.
Pupilles et âge
Le RPM est moins bon chez le jeune enfant et le sujet âgé.
Avec l’âge, la pupille devient plus petite ; plus la pupille est
serrée, moins sa vitesse de constriction est bonne ainsi que Ceci permet aux patients atteints de rétinopathie pigmentaire
son amplitude de constriction. de conserver un rythme circadien adapté, contrairement à
d’autres patients aveugles, énucléés par exemple.

4 Ophtalmologie / Neurologie
Pathologie pupillaire ¶ 21-510-A-10 / 17-016-A-70

■ Examen clinique
L’examen clinique des pupilles doit être effectué dans
l’optique de placer le patient dans l’une des situations cliniques
1
suivantes :
• les anomalies pupillaires sont transitoires ;
• les anomalies pupillaires sont permanentes ;
• les anomalies pupillaires sont unilatérales :
C taille : anisocorie (différence de taille entre les deux 2
pupilles) ;
C forme : pupille de forme irrégulière (corectopie) ;
C déficit pupillaire afférent relatif (DPAR) : asymétrie de la
réaction pupillaire à la lumière ;
3
• les anomalies pupillaires sont bilatérales :
C taille ;
C forme.
Afin de déterminer dans quel cadre le patient se situe, il est
nécessaire de réaliser un examen clinique soigneux. L’examen
des pupilles comporte cinq plus un temps : 4
• mesure de la taille des pupilles, dans l’obscurité et à la
lumière ;
• analyse de la réactivité de chaque pupille à la lumière ;
• recherche d’un DPAR ;
• inspection de la forme de chaque pupille ; 5
• en cas de mauvaise réaction pupillaire à la lumière, recherche
d’un myosis à l’accommodation-convergence ; Figure 7. Déficit pupillaire afférent relatif. Étude du réflexe photomo-
• inspection de photographies anciennes. teur. Éclairement alterné : atteinte du nerf optique gauche. 1. Dans une
pièce sombre, le patient regarde au loin, les deux pupilles sont dilatées.
Pour les trois premiers points de l’examen, il est important de
2 et 4 : éclairement de la pupille droite saine, les deux pupilles se
faire regarder le patient au loin afin de s’abstraire de tout réflexe
contractent. 3 et 5 : la lumière éclaire ensuite la pupille gauche ; du côté
d’accommodation-convergence-myosis surajouté. Pour cela, il
pathologique, la contraction est plus faible que du côté sain et les deux
faut veiller à ne pas se placer juste en face du patient mais sur
pupilles se dilatent.
son côté, et à ne pas interposer la lampe éclairant l’œil dans son
axe de vision, mais de l’éclairer par dessous, en demandant au
patient de fixer au loin un optotype du test de lecture.
observe le myosis attendu sur cet œil ; puis la même procédure
est réalisée sur l’autre œil.
Mesure de la taille des pupilles,
dans l’obscurité et à la lumière Recherche d’un déficit pupillaire afférent
Ce premier temps de l’examen est absolument essentiel pour relatif
tenter de déterminer dans quelle situation clinique se trouve le
patient examiné. Il convient à ce stade d’observer, avec une
. Si les deux pupilles réagissent, leur réactivité à la lumière peut
luminosité ambiante donnée qui est la même pour les deux être comparée en recherchant un déficit pupillaire afférent
yeux, la taille des deux pupilles (et non d’illuminer successive- relatif (Fig. 7).
ment un œil puis l’autre, y compris avec la même source Le sujet examiné doit regarder au loin. Si les deux yeux ne
lumineuse). On peut s’aider d’une planche de référence de sont pas alignés, on veille à projeter la lumière bien dans l’axe
cercles imprimés de diamètre connu, que l’on approche de la de chaque œil (la projection dans l’axe pour un œil et oblique-
pupille pour en estimer le diamètre. Ce n’est pas tant la mesure ment pour l’autre pourrait produire un faux DPAR). Dans
exacte de la taille de la pupille qui importe (car celle-ci dépend l’obscurité ambiante, une lumière la plus vive possible est
de l’intensité lumineuse ambiante, rarement standardisée) que projetée vers un œil pendant 3 à 5 secondes, puis rapidement
la différence de mesure entre les deux pupilles dans des condi- vers l’autre œil pendant 3 à 5 secondes, et ainsi de suite en
tions d’éclairage données, identiques pour les deux yeux. passant alternativement d’un œil à l’autre, réalisant un test
En cas d’anisocorie, cet examen permet le plus souvent de d’éclairement alterné. Chez le sujet normal, on observe une
déterminer la pupille pathologique, qui est celle dont la taille constriction de la pupille homolatérale lorsque la lumière est
varie le moins entre lumière et obscurité. Premier cas de figure : projetée dans cet œil, puis un échappement avec une petite
si l’anisocorie augmente à la lumière, c’est la constriction dilatation pupillaire, et ceci à chaque passage d’un œil à l’autre.
pupillaire qui est anormale, il s’agit donc d’une mydriase Si la pupille se dilate lorsque l’examinateur projette la lumière
pathologique de la pupille la plus grande. Deuxième cas de dessus (ou même ne se contracte pas), il existe un DPAR. En
figure : si au contraire l’anisocorie disparaît (ou se minore) à la réalité, comme on l’a vu précédemment, l’innervation parasym-
lumière mais augmente à l’obscurité, c’est la dilatation de la pathique des pupilles est telle que le même influx commandant
pupille la plus petite qui ne fonctionne pas bien : il s’agit d’un la constriction des pupilles est envoyé aux deux pupilles à un
myosis de cette petite pupille. Enfin troisième cas de figure, instant donné (RPM direct et consensuel). Sous réserve qu’il n’y
l’anisocorie est identique à l’obscurité et à la lumière, et le côté ait pas d’anisocorie sous-jacente, la taille des pupilles est donc
pathologique n’est pas défini à ce stade : il faut s’aider des toujours la même sur les deux yeux, que l’on éclaire un œil ou
signes associés (ptôsis, anhidrose pour un syndrome de Claude l’autre. Il est plus aisé d’observer, en cas de DPAR, la pupille que
Bernard-Horner) et souvent des tests aux collyres. l’on est en train d’éclairer se dilater ; mais les deux pupilles se
dilatent de la même manière à cet instant.
• Comment explique-t-on cette dilatation paradoxale ? Prenons
Analyse de la réactivité de chaque pupille l’exemple d’un nerf optique gauche malade ; lorsque l’on
à la lumière éclaire l’œil droit, une grande quantité de lumière pénètre
dans l’œil et génère un RPM vif. La lumière est ensuite
L’examinateur teste la réactivité à la lumière de chaque transférée rapidement à l’œil gauche, mais le nerf optique
pupille (RPM direct) : il approche une lumière vive d’un œil et gauche malade ne transmet pas aussi bien le signal, de sorte

Ophtalmologie / Neurologie 5
21-510-A-10 / 17-016-A-70 ¶ Pathologie pupillaire

que l’information arrivant au noyau prétectal puis au noyau celle-ci est isolée et minime. Il est alors très utile de demander
d’Edinger-Westphal des deux côtés est celle d’une moindre à inspecter des photographies anciennes, en s’aidant de la
quantité de lumière : le RPM est donc moins important que lampe à fente afin d’obtenir un meilleur grossissement.
précédemment, et la pupille a tendance à se dilater par À l’issue de cet examen clinique, dans la plupart des cas, un
rapport à la stimulation précédente. diagnostic est suspecté. L’utilisation de tests aux collyres peut
• Si l’une des deux pupilles est pathologique, peut-on encore confirmer ce diagnostic ou aider à trancher entre deux diagnos-
rechercher un DPAR ? Oui, puisque la réponse du RPM est la tics différentiels.
même sur les deux yeux. Dans ce cas, on éclaire la pupille
normale avec le minimum de lumière pour pouvoir observer
ses variations, et l’on éclaire alternativement chaque œil Test à la cocaïne
comme précédemment décrit. S’il existe un DPAR, celui-ci est
observé de la même manière sur l’unique pupille examina- Il confirme un syndrome de Claude Bernard-Horner.
ble : DPAR droit si la pupille se dilate lorsque l’on éclaire l’œil La cocaïne inhibe la recapture présynaptique de la noradré-
droit, DPAR gauche si la pupille se dilate lorsque l’on éclaire naline au niveau de la jonction neuromusculaire. Lorsque la
l’œil gauche avec une lumière vive. voie sympathique est intacte, la noradrénaline s’accumule dans
• Peut-on observer un DPAR bilatéral ? Non, par définition, la fente synaptique, et provoque une dilatation de la pupille de
puisque ce test compare la transmission de l’influx lumineux l’ordre de 2 mm environ. Au contraire, en cas de lésion à
en éclairant un œil par rapport à l’autre. C’est pourquoi en n’importe quel niveau de la voie sympathique, il n’y a pas de
cas d’atteinte bilatérale et symétrique, aucun DPAR ne peut noradrénaline libérée dans la fente synaptique, et la cocaïne
être observé. reste sans effet. En cas de syndrome de Claude Bernard-Horner
Les étiologies à l’origine d’un DPAR sont détaillées plus loin unilatéral, on observe donc une majoration de l’anisocorie.
(cf. paragraphe DPAR). Le collyre à la cocaïne 10 %, ou à défaut 4 %, est instillé dans
les deux yeux à 0, 5 et 10 minutes. On observe la réponse à
partir de 40 minutes, jusqu’à 1 heure après l’instillation de la
Forme et position de chaque pupille première goutte si le test est négatif, dans une ambiance
lumineuse. On retient en général comme critère de positivité
À l’œil nu, ou au mieux à la lampe à fente, on recherche une
une différence supérieure ou égale à 1 mm entre les deux
irrégularité de forme de la pupille. Les synéchies entre l’iris et
pupilles [2]. Le patient doit être informé que les tests urinaires
les autres structures de l’œil (le plus souvent avec le cristallin en
détectant la cocaïne sont positifs pendant les 48 heures suivant
arrière) sont facilement identifiables. En cas d’interruption dans
le test [3]. Les lentilles de contact et l’utilisation de gouttes
la continuité du muscle du sphincter irien (post-traumatique ou
doivent si possible être évitées pendant les 24 heures précédant
dans le cadre d’une pupille d’Adie), on observe un aspect
le test, car elles peuvent être responsables d’une absorption
aminci du bord de la pupille, atone, et le tissu irien est alors
différente du collyre par un des deux yeux si la cornée n’est pas
attiré vers la périphérie, la pupille est ovalisée. Dans les
parfaitement intacte ; de même on évite la prise de tension à
syndromes irido-cornéo-endothéliaux, la pupille peut être à la
l’aplanation avant le test. Une dilatation de la pupille suspecte
fois de forme irrégulière, et peut être en position anormale
de syndrome de Claude Bernard-Horner de plus de 2 mm doit
également du fait de l’atrophie progressive de l’iris. Enfin, la
faire douter de la validité du test.
pupille peut être déformée par une tuméfaction irienne ou en
arrière de l’iris, identifiée également par l’examen à la lampe à Le collyre à la cocaïne n’est pas disponible dans le commerce,
fente. et doit être préparé par la pharmacie de l’hôpital.

En cas de mauvaise réaction pupillaire Test à l’apraclonidine (Iopidine®)


à la lumière, recherche d’un myosis Il confirme un syndrome de Claude Bernard-Horner.
à l’accommodation-convergence L’apraclonidine est un a2 agoniste, qui présente une très
faible action a1+. En clinique courante, l’action a2+ est utilisée
On demande au patient de regarder initialement au loin, puis
pour faire baisser la pression intraoculaire, et l’action a1+ est
de converger sur une cible que l’on approche lentement et
trop faible pour être observable : la pupille normale reste de
progressivement. Il peut être utile, surtout lorsque le patient a
taille inchangée. En présence d’un syndrome de Claude
une vision altérée, d’utiliser un des doigts du patient car sa
Bernard-Horner, il existe une hypersensibilité de dénervation
proprioception vient alors soutenir la vision si celle-ci est
qui rend les récepteurs a1 sensibles à un très faible stimulus et
défaillante pour localiser la cible. Si le RPM est défaillant mais
qui dilate alors la pupille atteinte. En présence d’un syndrome
que le myosis peut être obtenu grâce à cette manœuvre,
de Claude Bernard-Horner unilatéral, on observe alors une
on parle de dissociation entre RPM et réflexe d’accommodation-
inversion de l’anisocorie.
convergence-myosis.
Il semble que l’apraclonidine 0,5 % ait des résultats tout aussi
concluants que l’apraclonidine 1 % ; il est donc préférable
Examen à la lampe à fente exhaustif d’utiliser la concentration moindre. Ce test présente des
résultats encourageants en termes de sensibilité et spécificité par
L’examen à la lampe à fente, en dehors de l’inspection de l’iris, rapport au test à la cocaïne, qui reste le test de référence [4-15].
est indispensable pour identifier une pathologie purement Un cas de dissection carotidienne avec syndrome de Claude
ophtalmologique : un myosis lié à une uvéite antérieure aiguë, Bernard-Horner prouvé par le test à la cocaïne s’est accompagné
bien que le patient se présente généralement avec un cortège de d’un test à l’apraclonidine 1 % faussement négatif à 45 minutes
symptômes qui orientent le diagnostic et font passer au second 4, 9 et 16 jours après l’épisode aigu [16] . L’apraclonidine a
plan le myosis ; un glaucome aigu par fermeture de l’angle, qui l’immense avantage d’être facilement disponible en pharmacie
rarement se présente sous forme d’une mydriase isolée sans d’officine. Ce test reposant sur l’hypersensibilité de dénervation,
douleur ; et enfin une ischémie du segment antérieur, qui sa validité d’utilisation peu de temps après la survenue d’un
s’accompagne d’un cortège de signes en segment antérieur, voire syndrome de Claude Bernard-Horner n’est pas clairement
en segment postérieur s’il s’agit d’une ischémie oculaire globale. établie ; le plus court délai de positivité décrit après la survenue
d’un syndrome de Claude Bernard-Horner est de 36 heures (un
Inspection de photos anciennes cas décrit).
Le collyre à l’apraclonidine 0,5 % est instillé dans les deux
Il n’est pas rare que le patient ne soit pas capable de déter- yeux à 0, 5 et 10 minutes. On observe la réponse à partir de
miner de manière fiable l’ancienneté de l’anisocorie lorsque 30 minutes, jusqu’à 1 heure après l’instillation de la première

6 Ophtalmologie / Neurologie
Pathologie pupillaire ¶ 21-510-A-10 / 17-016-A-70

goutte si le test est négatif. On retient en général comme critère d’une atteinte pharmacologique, par opposition à une pupille
de positivité une inversion de l’anisocorie (la pupille qui était d’Adie qui devrait réagir au moins aussi bien sinon mieux à
la plus petite devient la plus grande). l’instillation d’un collyre myotique. Cependant, ce test est un
Ce test ne doit pas être utilisé chez les nourrissons de moins argument de plus dans un sens ou un autre, mais n’a pas une
de 6 mois, car les effets secondaires sont fréquents à type de fiabilité telle qu’elle puisse faire éliminer formellement l’un ou
somnolence, bradycardie, bradypnée, le produit passant dans le l’autre des deux diagnostics. Parmi les autres causes de pupille
système nerveux central à travers une barrière hématoméningée ne réagissant pas à la pilocarpine 2 %, citons : les atteintes
immature. Il est donc recommandé d’utiliser le test à la cocaïne traumatiques, postherpétiques, le glaucome par fermeture de
chez ces nourrissons si l’on doit confirmer ou infirmer un l’angle, et d’une manière générale les atteintes iriennes quelle
syndrome de Claude Bernard-Horner. qu’en soit la cause. La sensibilité de ce test est de l’ordre de
80 % [19].

Test à l’hydroxyamphétamine
Test à la Néosynéphrine®
Il distingue les atteintes pré- ou postganglionnaire dans un
Dans le bilan d’un myosis, si l’on veut s’assurer que la pupille
syndrome de Claude Bernard-Horner. Ce test n’est pas disponi-
est capable de se dilater, on peut instiller de la Néosynéphrine®
ble en France.
2,5 %, qui agit directement sur le muscle dilatateur de l’iris. On
L’hydroxyamphétamine 1 % ou la tyramine 5 % déclenchent
observe le résultat du test 30 à 60 minutes après l’instillation
la libération des catécholamines contenues dans le bouton
des gouttes, dans une ambiance lumineuse. La pupille ne se
terminal du neurone postganglionnaire. Si ce neurone est celui
dilate pas en cas de synéchies iridocristalliniennes, en cas d’Adie
qui est atteint, son bouton terminal ne contient pas de catécho-
vieilli, ou bien encore si le muscle dilatateur de l’iris est
lamines, et le collyre n’a aucun effet sur la pupille. Au contraire,
endommagé.
si l’atteinte concerne le neurone central ou le deuxième neurone
(préganglionnaire), alors le bouton présynaptique du troisième
neurone est intact, et le collyre produit une dilatation pupillaire
comparable au côté controlatéral témoin. Le test est pratiqué à la ■ Pupillographie [20]

lumière, et la lecture se fait au bout de 50-60 minutes. Une


anisocorie de plus de 1 mm, ou bien une majoration de l’aniso- La pupillographie peut apporter des informations supplémen-
corie de plus de 0,5 mm suggère une atteinte postganglionnaire, taires par rapport à l’examen clinique simple : elle fournit des
tandis que l’augmentation de taille de la plus petite pupille données quantitatives chiffrées ; ces données sont comparables
suggère une atteinte préganglionnaire. Le test doit être réalisé à d’un moment à l’autre de l’évolution d’une pathologie, et ne
au moins 3 jours d’intervalle d’un test à la cocaïne. dépendent pas de l’observateur ; enfin des normes peuvent être
Ce test peut présenter des faux négatifs et faux positifs. Dans établies chez les sujets normaux, pour mieux distinguer le
la première semaine suivant la survenue d’une dissection normal du pathologique chez le patient (ceci est particulière-
carotidienne (troisième neurone), il a pu être observé une ment utile en cas d’atteinte pupillaire bilatérale).
dilatation pupillaire à l’hydroxyamphétamine [17]. À l’opposé,
des patients porteurs de syndrome de Claude Bernard-Horner
congénital cliniquement préganglionnaire ont présenté une
Technique
absence de dilatation pupillaire à l’hydroxyamphétamine [18]. La taille de la pupille est mesurée grâce à une caméra à
Également, ce test peut rester anormal (absence de dilatation infrarouge. L’image est transférée à un ordinateur, qui calcule
pupillaire) alors que tous les autres signes de syndrome de alors le diamètre ou la surface pupillaire à une vitesse de 25 à
Claude Bernard-Horner ont régressé. 60 fois par seconde. Les appareils enregistrant les deux pupilles
de manière simultanée sont à préférer pour l’analyse de troubles
neuro-ophtalmologiques.
Test à la pilocarpine diluée
Il recherche une hypersensibilité à un agent faiblement Applications cliniques
myotique, caractéristique de pupille d’Adie.
L’instillation de pilocarpine diluée (0,0625 % à 0,1 %) est Déficit pupillaire afférent relatif
réalisée dans les deux yeux. Les pupilles sont observées dans
une ambiance lumineuse la plus faible possible. Le test est L’appareillage permet de mesurer simultanément les deux
positif s’il existe une anisocorie supérieure à 0,5 mm à partir de pupilles après une seule stimulation lumineuse unilatérale, et de
30 minutes après l’instillation des gouttes, ou si la pupille comparer les réponses avec une stimulation lumineuse calibrée.
initialement la plus grande devient la plus petite. L’intérêt est En répétant plusieurs fois les mesures, on peut les moyenner, ce
plus limité en cas de pupille tonique bilatérale ; l’hypersensibi- qui présente le gros avantage de gommer les variations à court
lité à la pilocarpine diluée n’est pas spécifique d’une pupille terme observées cliniquement lors du test du DPAR. Enfin, la
d’Adie, et peut se rencontrer également en cas de paralysie du mesure du DPAR peut être plus finement appréciée en faisant
III. varier l’intensité lumineuse de façon reproductible.
Dans le cadre d’une pupille d’Adie, l’hypersensibilité à la
pilocarpine diluée se développe dans les quelques jours suivant Syndrome de Claude Bernard-Horner
le début des symptômes, et la sensibilité du test est de l’ordre
de 80 % [19]. Comme nous le verrons (cf. infra), le syndrome de Claude
Bernard-Horner se caractérise par un retard à la décontraction
pupillaire du côté atteint après la disparition du stimulus
Test à la pilocarpine 1 % ou 2 % lumineux, de l’ordre de 15 à 20 secondes (normale de l’ordre de
5 secondes) ; il en résulte une majoration de l’anisocorie en cas
Il distingue une atteinte parasympathique d’une atteinte d’atteinte unilatérale pendant les 7 premières secondes, qui
pharmacologique n’est pas observée en cas d’anisocorie physiologique. L’observa-
L’instillation de pilocarpine 1 % ou 2 % entraîne théorique- tion simultanée des deux pupilles dans l’obscurité pour recher-
ment une constriction pupillaire en cas d’atteinte parasympa- cher ce signe est difficile, et l’avantage de l’enregistrement est
thique (Adie ou paralysie du III), mais reste sans effet ici indéniable. Également, en cas d’atteinte bilatérale, la mesure
40 minutes après l’instillation des gouttes sur une atteinte du retard à la décontraction pupillaire n’est appréciable qu’en
pharmacologique. Une réponse partielle est aussi en faveur pupillographie, grâce à des normes établies chez le sujet sain.

Ophtalmologie / Neurologie 7
21-510-A-10 / 17-016-A-70 ¶ Pathologie pupillaire

Chirurgie réfractive Polycorie


Le diamètre pupillaire à l’obscurité est important à mesurer La polycorie vraie est extrêmement rare, chaque pupille étant
avant de déterminer la surface de la zone de traitement. dotée d’un sphincter lui permettant de se contracter. Elle peut
survenir isolée ou dans le cadre de malformation oculaire plus
.

Sommeil complexe.

Dans l’obscurité complète, le diamètre de la pupille varie en


fonction de la balance entre les influx sympathique et parasym-
Myosis congénital, mydriase congénitale
pathique. Lorsqu’un sujet est sur le point de s’endormir, des Le plus souvent bilatéral, le myosis congénital comporte de
oscillations pupillaires de large amplitude surviennent, corrélées très petites pupilles réagissant mal à la lumière, et se dilatant
au degré de déprivation de sommeil du sujet. Ceci peut être très difficilement sous l’effet des gouttes. Il s’agit d’une agénésie
utilisé chez les patients atteints de syndrome des apnées du du muscle dilatateur de l’iris. Encore une fois, il peut s’agir
sommeil traités versus non traités, et chez les patients d’une anomalie isolée ou qui survient dans le cadre de malfor-
hypersomniaques. mation oculaire plus globale, ou de maladie systémique. La
survenue peut être sporadique ou héréditaire.
Psychiatrie Très rare, la mydriase congénitale est difficile à distinguer de
l’aniridie.
La pupillographie a été utilisée comme moyen objectif de
mesurer les émotions : la peur, le stress ou la colère vont
déclencher une mydriase, qui peut être mesurée. Il s’agit pour Anomalie congénitale de la couleur de l’iris
l’instant d’applications en recherche et non d’applications
La couleur de l’iris dépend du pigment du stroma irien. Dans
cliniques à ce stade.
l’albinisme, en l’absence de tout pigment, l’iris apparaît gris-
rouge, transparent, transilluminable.
Effet des médicaments sur le système nerveux L’hétérochromie congénitale (différence de coloration entre
autonome les deux yeux) peut survenir isolée, en association avec un
colobome irien ou du nerf optique, ou en association avec une
L’effet sympathique ou parasympathique d’une drogue peut
anomalie extraoculaire telle qu’un syndrome de Claude Bernard-
être évalué par pupillographie.
Horner congénital, un syndrome de Waardenburg, ou l’inconti-
nentia pigmenti.

■ Anomalies pupillaires
congénitales ■ Anomalies pupillaires acquises

Aniridie Arbre diagnostique


Il existe en général une fine collerette d’iris en périphérie, Anomalies pupillaires transitoires
dont la musculature est hypoplasique, pouvant s’accompagner • Tadpole-shaped pupil ;
d’autres anomalies du globe oculaire, d’une mauvaise vision, • mydriase paroxystique bénigne ;
d’un nystagmus. • migraine ;
• paralysie du III avec spasmes cycliques ;
Colobome de l’iris • paralysie du III et réinnervation aberrante ;
• syndrome de Pourfour du Petit.
Résultant d’un défaut dans l’embryogenèse, le défaut de
fermeture de la cupule optique peut aboutir au niveau de l’œil Anomalies pupillaires permanentes
à une pupille ovale, décentrée, le plus souvent en inféronasal.
Ces anomalies peuvent s’associer à de nombreuses autres Anomalies pupillaires unilatérales
anomalies oculaires, voire systémiques. Taille : anisocorie (différence de taille entre les deux
pupilles).
Anomalies de formes diverses Mydriase.
• Pupille d’Adie ;
Les pupilles « carrées » sont grossièrement rectangulaires ; • paralysie du III ;
certains quadrants répondent à la stimulation lumineuse. Il • pharmacologique ;
pourrait s’agir d’une forme partielle d’aniridie. • ischémie du segment antérieur, contusion de l’iris, glaucome
On a décrit également des pupilles elliptiques, festonnées ; la aigu par fermeture de l’angle ;
composante héréditaire est variable. • syndrome de Pourfour du Petit ;
• migraine ;
• syndrome mésencéphalique postérieur.
Pupilles ectopiques Myosis.
• Syndrome de Claude Bernard-Horner ;
Lorsque l’anomalie est isolée, elle est en général bilatérale et
• syndrome d’Adie vieillie ;
symétrique, et il peut s’agir d’un trait héréditaire, dominant ou
• médicaments ;
récessif. Elle peut s’accompagner d’ectopie d’autres structures
• réinnervation aberrante.
oculaires (ectopie cristallinienne), ou encore s’intégrer dans une
Asymétrie identique à la lumière et à l’obscurité.
malformation oculaire plus complexe.
• Anisocorie physiologique ;
• syndrome de Claude Bernard-Horner, avec retard de dilata-
Persistance de membrane pupillaire tion du côté atteint.
Forme : pupille de forme irrégulière (corectopie).
La membrane pupillaire ressemble aux fils d’une toile d’arai- • Pupille d’Adie ;
gnée, tendus au travers de l’aire pupillaire, mais a rarement un • anomalies iriennes (traumatisme, syndromes irido-cornéo-
impact sur la vision. endothéliaux, synéchies, etc.).

8 Ophtalmologie / Neurologie
Pathologie pupillaire ¶ 21-510-A-10 / 17-016-A-70

Asymétrie de la réaction pupillaire à la lumière (DPAR).


• Neuropathie optique unilatérale ou bilatérale asymétrique ;
• atteinte unilatérale d’une bandelette optique.

Anomalies pupillaires bilatérales


Anomalies de taille.
• Syndrome d’Adie vieillie bilatérale, syndrome de Claude
Bernard-Horner bilatéral associé à d’autres atteintes du
système nerveux autonome ;
• botulisme ; A B
• polyradiculonévrites aiguës (syndromes de Guillain-Barré,
Miller-Fischer, encéphalite de Bickerstaff, ophtalmoplégie
aiguë sans ataxie) ;
• pupille d’Argyll Robertson ;
• associations diverses ;
• paralysie du III nucléaire bilatérale ;
• syndrome mésencéphalique postérieur, ou syndrome de
Parinaud ;
• mort cérébrale ;
• médicaments.
C D
Anomalies de forme (corectopie).
• Syndrome d’Adie vieillie ;
• anomalies iriennes ;
• pupille d’Argyll Robertson ;
• paralysie du III nucléaire bilatérale.

Diagnostic étiologique
Anomalies pupillaires transitoires
« Tadpole-shaped pupil » E
Figure 8. Tadpole-shaped pupil.
Ce diagnostic est souvent un diagnostic d’interrogatoire, le
A. État de la pupille en dehors des épisodes.
patient ayant observé à plusieurs reprises que la pupille d’un
B. Début d’un épisode : la pupille devient régulière, avec une dilatation
seul côté apparaissait dilatée et de forme irrégulière. La durée
maximale vers 8 heures.
d’un épisode est de quelques minutes, et les épisodes peuvent
C. La mydriase irrégulière est à son maximum, à environ 5 minutes du
se répéter plusieurs fois par semaine ou par jour. Certains
début de l’épisode.
patients peuvent se plaindre d’une vision floue de cet œil lors
D. La pupille revient petit à petit à la normale, à environ 10 minutes du
des épisodes, ou d’une sensation inhabituelle autour de l’œil
début de l’épisode.
(douleur, sensation de corps étranger, etc.). Une photo du
E. La pupille est revenue à l’état normal, à environ 15 minutes du début
patient lors d’un des épisodes est d’une grande aide au diagnos- de l’épisode.
tic (Fig. 8). Les épisodes peuvent céder spontanément ou se
répéter pendant plusieurs mois. Du fait de la préservation du
RPM durant ces épisodes, on pense que cette anomalie est due
à un spasme intermittent et segmentaire du muscle dilatateur de semaines, et peuvent récidiver pendant des années. Là encore,
l’iris plutôt qu’à une parésie du muscle constricteur de la il semble que certains cas résultent d’une hyperactivité sympa-
pupille. Dans une série de 26 cas [21], lorsque le patient était thique et d’autres d’une hypoactivité parasympathique [19].
examiné en dehors des épisodes, un syndrome de Claude La « migraine ophtalmoplégique » est une entité différente, et
Bernard-Horner était retrouvé dans 42 % des cas, et une pupille ne fait d’ailleurs plus partie de la migraine dans la classification
d’Adie dans 15 % des cas. des céphalées établie en 2004. Il s’agit d’une ophtalmoplégie
(paralysie du III le plus souvent) associée à des céphalées, dans
Mydriase isolée paroxystique bénigne laquelle on retrouve souvent une prise de contraste à l’imagerie
par résonance magnétique (IRM) au niveau de la portion
Cette affection se caractérise par des épisodes itératifs de
cisternale du III. S’il existe une mydriase, elle n’est pas isolée et
mydriase unilatérale paroxystique, la pupille restant ronde, et
accompagne les autres signes d’une paralysie du III.
aucune anomalie oculomotrice n’étant présente ; peuvent
s’associer un trouble de la vision de cet œil, en particulier de Paralysie du III avec spasmes cycliques
près, des céphalées ou des douleurs périoculaires [22] . Les
épisodes durent en général une douzaine d’heures et ont Ceci est une entité congénitale rare dont le début se situe le
tendance à récidiver de l’ordre de deux à trois fois par mois. Le plus souvent avant l’âge de 2 ans. Il existe à l’état de base une
terrain est celui de la femme jeune, migraineuse [22]. Il semble paralysie du III, à laquelle se surajoutent des épisodes spastiques
que cette entité puisse résulter chez certains patients d’une d’hyperactivité dans le territoire du III : adduction de l’œil qui
hyperactivité sympathique et chez d’autres d’une hypoactivité atteint alors la ligne médiane, régression du ptôsis et constric-
parasympathique ; devant un patient donné, c’est encore une tion de la pupille. Les spasmes durent environ 10 à 30 secondes,
fois en comparant la taille des pupilles à la lumière et à se répétant de manière cyclique toutes les 1 à 2 minutes.
l’obscurité, ainsi qu’en évaluant les capacités accommodatives L’étiologie demeure inconnue.
de l’œil que l’on parvient à déterminer le mécanisme impliqué.
Paralysie du III avec réinnervation aberrante
Mydriase isolée associée à la migraine Après une paralysie du III, il arrive que la réinnervation se
Cette entité est possiblement un continuum avec la mydriase fasse de manière partiellement inadaptée : certaines fibres
paroxystique bénigne. Certains patients présentent une nerveuses destinées à un muscle dans le territoire du III vont
mydriase unilatérale contemporaine d’un épisode migraineux. établir des connexions avec un autre muscle également innervé
Les épisodes peuvent durer de quelques minutes à plusieurs par le III. Lorsque cette fibre est stimulée, elle entraîne la

Ophtalmologie / Neurologie 9
21-510-A-10 / 17-016-A-70 ¶ Pathologie pupillaire

du côté de la pupille d’Adie est plus lent à obtenir que du côté


sain, mais son amplitude peut dépasser celle du côté sain, la
pupille pathologique devenant alors la plus petite ; et lorsque
. l’effort de convergence est levé, la pupille d’Adie reste en myosis
de manière prolongée tandis que la pupille normale se relâche
immédiatement, d’où son nom de pupille tonique.
Cependant, ces signes de réinnervation ne sont pas spécifi-
ques de la pupille d’Adie. Ils ont été décrits également en cas de
paralysie du III, de même que l’hypersensibilité à la pilocarpine
diluée. Après de nombreuses années, la pupille d’Adie peut
évoluer vers un myosis à l’état basal (Adie vieilli). Le taux de
bilatéralisation de l’affection est de l’ordre de 4 % par an [19].
Les causes de pupille d’Adie sont multiples. Parmi les étiologies
d’atteinte unilatérale, on retrouve les traumatismes, la chirurgie
oculaire, la photocoagulation panrétinienne, la trabéculoplastie
au laser argon, la cryothérapie, la migraine et exceptionnellement
les tumeurs et la chirurgie orbitaires ; les infections ayant été
incriminées sont nombreuses : zona, varicelle, rougeole, diphtérie,
syphilis, maladie de Lyme, scarlatine, hépatites virales ; ainsi que
certaines maladies de système telles que la polyarthrite rhuma-
toïde, la périartérite noueuse, la maladie de Horton. Le plus
souvent cependant, cette affection survient de manière idiopathi-
que chez la femme entre 20 et 40 ans. L’association à une
aréflexie tendineuse est appelée syndrome d’Adie (Holmes-Adie
syndrome dans la littérature anglophone), et ne nécessite en
général pas d’investigation complémentaire. Lorsque l’anomalie
Figure 9. Pupille d’Adie. pupillaire s’accompagne d’autres signes neurologiques, la recher-
A. À la lumière, la pupille gauche apparaît plus grande que la droite. che de la maladie causale est nécessaire.
B. L’anisocorie est nettement moins importante à l’obscurité. Mydriase dans une paralysie du III. La mydriase est aréactive à
C. L’anisocorie s’inverse avec le test à la pilocarpine diluée, la pupille la lumière. Typiquement, elle ne réagit pas davantage à l’accom-
gauche devenant alors la plus petite. modation-convergence, du moins à la phase aiguë. Mais en cas
d’atteinte prolongée, on peut retrouver un certain nombre de
signes qu’on a cru un moment spécifiques de la pupille d’Adie :
cocontraction du muscle attendu mais également de cet autre une hypersensibilité à la pilocarpine diluée [24] a pu être observée
muscle auquel elle s’est connectée par erreur. Le muscle cons-
dans une étude prospective dans 11 cas sur 31 (35 %) [25] ; on
tricteur de l’iris peut être intéressé par ce phénomène : on
peut également retrouver une conservation du myosis à
observe alors un myosis sur l’œil intéressé, déclenché par
l’accommodation-convergence alors que le RPM est aboli, et des
l’adduction, l’élévation ou l’abaissement de l’œil [23].
mouvements vermiformes de la marge pupillaire dans ces paraly-
sies du III prolongées [24]. C’est donc davantage l’association à un
Anomalies pupillaires permanentes déficit oculomoteur ou à un ptôsis qui, devant une mydriase
Anomalies pupillaires permanentes unilatérales aréactive, guide l’observateur vers une atteinte du III.
Dans les espaces arachnoïdiens, les fibres à destinée pupillaire
Mydriase. sont en périphérie du nerf et migrent d’une position supéromé-
Pupille d’Adie. Il s’agit d’une atteinte parasympathique diale jusqu’à atteindre une position inférieure dans le sinus
périphérique, intéressant le ganglion ciliaire et/ou les nerfs caverneux. Cette position périphérique les rend particulièrement
ciliaires courts. Les fibres destinées au muscle sphincter de l’iris vulnérables en cas de compression. C’est ainsi que la paralysie
et celles destinées au muscle ciliaire pour l’accommodation du III d’origine anévrismale intéresse la pupille dans 85 % à
peuvent être atteintes. En cas d’installation aiguë, le début des
95 % des cas [26, 27]. Mais ces pourcentages montrent également
symptômes comporte une mydriase non réactive à la lumière ou
que l’épargne pupillaire à elle seule n’est pas suffisante pour
à l’accommodation-convergence, et une cycloplégie avec gêne
éliminer un anévrisme : seul le tableau de paralysie du III
en vision de près. Bien qu’à ce stade le diagnostic différentiel
complète extrinsèque (paralysie complète de tous les muscles
avec une atteinte pharmacologique soit difficile, dans la pupille
innervés par le III), associée à une épargne de la motricité
d’Adie il persiste toujours quelques zones innervées réagissant à
pupillaire rend l’anévrisme terminocarotidien improbable (à de
la lumière que l’on peut observer grâce à un examen attentif à
rares contre-exemples près [28]) ; une ischémie tronculaire du III
la lampe à fente, ce qui n’est pas le cas en cas d’atteinte
est alors le diagnostic le plus vraisemblable, si et seulement si
pharmacologique. Après quelques jours, la pupille dénervée
le contexte clinique va dans ce sens : patient de plus de 50 ans
présente des signes d’hypersensibilité aux agents myotiques
faiblement concentrés : c’est le principe du test à la pilocarpine avec facteurs de risque cardiovasculaires [29]. Dans tous les autres
diluée (Fig. 9). Après quelques semaines, les fibres parasympa- cas, il est nécessaire de pratiquer des examens complémentaires
thiques commencent à régénérer. Étant donné qu’il y a beau- pour éliminer formellement un anévrisme (angiographie par
coup plus de fibres destinées à l’accommodation, celle-ci résonance magnétique [ARM] ou angioscanner) et rechercher
récupère plus vite et mieux en général. Au contraire, la réinner- une autre étiologie (IRM avec ou non ponction lombaire).
vation du muscle sphincter de l’iris est souvent incomplète, ce Le III ischémique est responsable d’une mydriase dans 14 % à
qui donne à la pupille sa forme irrégulière avec une alternance 38 % des cas [30] ; l’anisocorie est en générale comprise entre
de zones fonctionnelles et non fonctionnelles. La réaction à la 0,5 et 1 mm dans les conditions d’éclairage ambiant [30]. Si la
lumière demeure le plus souvent de mauvaise qualité. Certaines présentation clinique est compatible avec celle d’un anévrisme, le
portions de la marge pupillaire sont animées de mouvements patient doit être exploré pour l’éliminer formellement, le dia-
spontanés anarchiques, qu’on qualifie de vermiformes. Enfin, gnostic de III ischémique étant alors un diagnostic d’élimination.
certaines fibres destinées à l’accommodation vont se connecter Parmi les autres étiologies de paralysie du III (infiltration,
de manière aberrante au muscle sphincter de l’iris, à l’origine compression par une autre masse qu’un anévrisme, inflamma-
d’un myosis à la convergence retardé, mais excessif et prolongé : toire, tumorale, etc.), la pupille est atteinte de manière variable,
ainsi lors d’un effort d’accommodation-convergence, le myosis et ne permet pas d’orienter le diagnostic.

10 Ophtalmologie / Neurologie
Pathologie pupillaire ¶ 21-510-A-10 / 17-016-A-70

La mydriase isolée, sans aucun déficit oculomoteur ni ptôsis,


n’est quasiment jamais une paralysie du III d’origine compres-
sive, mais peut résulter d’une méningite de la base du crâne (en
particulier fungique, bactérienne, tuberculeuse) ou d’une
“ Point fort
sidérose des espaces méningés par saignements méningés Urgences
méconnus répétés. Parmi les rares exceptions à cette règle, on a Claude Bernard-Horner
pu décrire cinq cas de mydriase isolée par compression du III : • Dissection carotidienne : risque d’accident vasculaire
par une boucle vasculaire [31], un kyste arachnoïdien [32] et un cérébral (AVC) ischémique
kyste endodermique [33] ; un cas d’hémorragie méningée par • Neuroblastome à éliminer chez le nourrisson et le jeune
fissuration d’un anévrisme basilaire était associé à une mydriase
enfant
transitoire de 1 heure [34] et un cas d’anévrisme s’est présenté
• Pathologie du sinus caverneux (infections graves, en
comme une mydriase isolée pendant 16 heures avant que la
chirurgie de l’anévrisme ne soit entreprise [35]. Deux cas de
particulier chez le diabétique et l’immunodéprimé)
compression du III par un schwannome ont occasionné • AVC : syndrome de Claude Bernard-Horner toujours
mydriase et cycloplégie isolées pendant 1 an avant que l’oph- associé à d’autres signes neurologiques centraux
talmoplégie externe ne se manifeste [19]. Certaines situations Paralysie du III
cliniques exigent quelques précautions avant d’affirmer que la • Anévrisme terminocarotidien
mydriase est isolée. Les troubles de conscience associés peuvent • Pathologie du sinus caverneux
gêner la réalisation de l’examen oculomoteur, comme lors d’un • AVC, en association à d’autres signes neurologiques
engagement temporal sous la tente du cervelet, où la mydriase centraux
peut être le premier signe, suivie de peu par le déficit oculomo-
teur mais également de troubles de conscience. Chez le petit
enfant, un petit déficit oculomoteur peut être hasardeux à
diagnostiquer ; la prudence est alors de mise devant une
mydriase apparemment isolée, même s’il existe une hypersensi- isolée, se complète en général rapidement par une atteinte
bilité à la pilocarpine diluée [32], ce d’autant que le diagnostic de extrinsèque ; la prudence est de mise si l’on examine un patient
pupille d’Adie est rare chez le jeune enfant ; l’imagerie du III susceptible de présenter un anévrisme très précocement après la
doit être demandée facilement dans ce contexte. Enfin, une survenue de la mydriase, afin de s’assurer que l’atteinte ne se
atteinte anévrismale, si elle peut débuter par une mydriase complète pas dans les heures qui suivent.

“ Point important
Pupilles et médicaments
• Mydriase
Atropiniques
C Parmi les plantes contenant de fortes concentrations de substances atropiniques, la belladone est la plus connue ; à la fois ses
feuilles et ses baies sont hautement toxiques car contenant de fortes quantités de substances atropiniques (Atropine ®,
scopolamine et hyoscyamine). Il en est de même pour la datura (Fig. 10), la jusquiame noire (hyoscyamus niger), la mandragore
(Mandragora officinarum), le pommier d’amour (Solanum pseudocapsicum), etc.
C Antihistaminiques anticholinergiques utilisés dans le mal des transports : diphénhydramine (Nautamine®) ou en patch :
scopolamine (Scopoderm®), en particulier s’il reste du produit sur les doigts qui entrent en contact avec l’œil.
C Aérosols bronchodilatateurs : bromide d’ipratropium (Atrovent®), cause fréquente de mydriase unilatérale ou bilatérale en
réanimation.
C Antiparkinsoniens anticholinergiques : trihexyphénidyle (Artane®), tropatépine (Lepticur®).
C Certains neuroleptiques ou antipsychotiques (Loxapac®) ; la majorité des antidépresseurs tricycliques, rarement certains
sérotoninergiques.
Sympathomimétiques
C Aérosols bronchodilatateurs : salbutamol (Ventoline®), terbutaline (Bricanyl®).
C Collyres vasoconstricteurs : naphazoline (a-mimétique contenu dans le collyre Bleu Laiter ® ), tartrate de synéphrine
(Dacryoboraline®, Sédacollyre®), phényléphrine (Isodril®, Visiodose®).
C Pulvérisations nasales à visée décongestionnante, pouvant également contenir un vasoconstricteur.
C Lévodopa utilisée dans la maladie de Parkinson (Modopar®, Sinemet®) : peut provoquer une mydriase transitoire par libération
de noradrénaline.
C Antipaludéens de synthèse, au premier rang desquels la chloroquine : à dose élevée (500 mg/j), provoque une parésie
accommodative transitoire chez 40 % des patients.
C Fenfluramine (Pondéral®) : sympathomimétique utilisé dans l’obésité rebelle.
• Myosis
C Collyres contenant de la pilocarpine, utilisée dans le traitement du glaucome (agoniste parasympathique) ou pour réaliser
certains traitements au laser.
C Instillation accidentelle d’insecticide contenant du parathion ou un ester organophosphoré, le plus souvent après avoir touché
une plante traitée puis son œil : peut déclencher un myosis sur l’œil concerné.
C Antihypertenseurs antiadrénergiques : méthyldopa (Aldomet®), réserpine (Tensionorme®).
C Anticholinestérasiques utilisés dans le traitement de la myasthénie et de l’atonie vésicale, en particulier en cas de surdosage :
pyridostigmine (Mestinon®), ambénonium (Mytélase®), néostigmine (Prostigmine®).
C Narcotiques : héroïne, produits à base de morphine et de ses dérivés. L’état de manque en revanche, chez le toxicomane, induit
une mydriase.

Ophtalmologie / Neurologie 11
21-510-A-10 / 17-016-A-70 ¶ Pathologie pupillaire

Figure 11. Syndrome de Pourfour du Petit. Lumière en haut, obscurité


en bas. Mydriase droite associée à une rétraction de la paupière supérieure
droite.
Figure 10. Datura.

le plus souvent mais pas systématique, baisse visuelle, œdème


Mydriase pharmacologique. L’instillation d’agents sympathomi- de cornée, hypertonie oculaire, chambre antérieure étroite,
métiques ou parasympatholytiques (atropiniques) induit une fermeture de l’angle en gonioscopie. Il faut rechercher les
mydriase. Typiquement, seuls les agents atropiniques induisent facteurs déclenchants, en particulier les médicaments à compo-
une absence de réaction à la lumière. Il peut s’agir de gouttes sante atropinique.
d’une autre personne instillées par inadvertance, ignorance, ou Syndrome de Pourfour du Petit (« Claude Bernard’s syndrome »
volontairement (Atropine®, Homatropine®, tropicamide, cyclo- dans la littérature anglophone). Il s’agit d’une pathologie rare, où
pentolate pour les parasympatholytiques ; pour les sympatho- la mydriase est liée à une hyperexcitation du système sympa-
mimétiques, Néosynéphrine®, cocaïne ainsi que naphazoline, thique. La mydriase peut être transitoire ou permanente, et
synéphrine et phényléphrine contenues dans les collyres même précéder un syndrome de Claude Bernard-Horner. Bien
vasoconstricteurs) ; la personne instillant les collyres à un que la description des pupilles soit relativement succincte dans
patient peut en porter sur les doigts et en se frottant ensuite les les articles de la littérature [38-45], la réactivité à la lumière et à
yeux, présenter une mydriase. Il peut s’agir également de l’accommodation-convergence semble normale. Il peut s’y
comprimés manipulés, ayant une composante atropinique associer un élargissement de la fente palpébrale par rétraction
(antinauséeux, antihistaminiques, etc.) ou encore de patchs des paupières, et une hyperhidrose au niveau de la face homo-
cutanés de scopolamine (antinauséeux) manipulés. Un certain latérale (Fig. 11). Le bilan doit explorer le trajet du sympathique
nombre de plantes contiennent des agents atropiniques ; leur et est donc identique à celui d’un syndrome de Claude Bernard-
manipulation, voire leur ingestion peut occasionner une Horner. Les étiologies décrites sont : la pose d’un cathéter sous-
mydriase. Enfin, les aérosols utilisés en bronchodilatateurs clavier [39] ou jugulaire [46, 47], l’invasion tumorale de l’apex
peuvent, si le masque n’est pas étanche au niveau du nez, être pulmonaire [38], les atteintes traumatiques de la région cervico-
vaporisés vers les yeux ; ils sont une cause classique de mydriase faciale [44, 48, 49], les atteintes postchirurgicales sur la région
unilatérale ou bilatérale. Les médicaments utilisés par voie cervicale [40, 43] ; ont également été décrits une atteinte secon-
générale génèrent une mydriase bilatérale symétrique. daire à un bloc du plexus brachial compliqué d’un pneumotho-
La mydriase pharmacologique parasympatholytique reste rax drainé [50], la dilatation de la carotide interne secondaire à
inchangée après instillation de pilocarpine diluée ou à pleine une agénésie partielle de l’arche aortique [51], une dissection
dose (1 % ou 2 %). aortique étendue à la carotide [41], un chondrosarcome de la
Ischémie du segment antérieur. Le tableau d’ischémie du portion proximale de la première côte [52].
segment antérieur comporte dans sa forme complète une Syndrome mésencéphalique dorsal, ou syndrome prétectal. Dans ce
mydriase, qui peut être totale avec aréflexie, ou partielle dans tableau, les anomalies sont le plus souvent bilatérales, parfois
les secteurs d’hypoperfusion irienne. Les autres éléments du très asymétriques. Pour que la liste des étiologies soit le plus
tableau peuvent comporter une douleur, une inflammation du exhaustive possible, nous faisons figurer cette étiologie parmi les
segment antérieur – tyndall, flare, dépôts sur la capsule anté- causes possibles de mydriase unilatérale. Il est détaillé plus loin
rieure du cristallin – un œdème de cornée, avec ou sans cependant avec les mydriases bilatérales, ce qui correspond
kératopathie en bandelettes, un ulcère de cornée. Les complica- davantage à la réalité clinique d’une atteinte le plus souvent
tions plus rares comportent glaucome ou hypotonie, cataracte, bilatérale.
rubéose irienne, voire néovascularisation angulaire, synéchies Myosis.
postérieures et exceptionnellement phtyse du globe [36]. Le Les principales causes de myosis sont : le syndrome de Claude
contexte est soit celui d’une chirurgie de strabisme ayant Bernard-Horner en tout premier lieu, la pupille d’Adie vieillie
déplacé plusieurs muscles [37], soit celui d’une chirurgie de (cf. supra), les causes médicamenteuses et enfin les réinnerva-
. segment postérieur [36] (en particulier s’il y a eu cerclage ou tions aberrantes.
déplacement de muscles ou encore hypertonie oculaire) sur un Syndrome de Claude Bernard-Horner (« Horner syndrome » dans la
terrain cardiovasculaire fragile. Également, une sténose très littérature anglophone). Toute atteinte du sympathique le long de
serrée (supérieure à 90 % en règle générale) de la carotide son trajet est à l’origine d’un syndrome de Claude Bernard-
. interne ou de l’artère ophtalmique réalise un tableau d’hypo- Horner.
perfusion oculaire plus global incluant une rétinopathie de • Cliniquement, on observe un myosis, un discret ptôsis et une
stase. anhidrose de la face homolatérale.
Contusion de l’iris. Il n’est pas rare d’observer une mydriase C L’anisocorie accompagnant le syndrome de Claude
plus ou moins réactive après contusion directe du globe ; ces Bernard-Horner est en général discrète, de l’ordre de 1 mm
anomalies sont souvent réversibles. ou moins, majorée dans l’obscurité.
Glaucome par fermeture de l’angle. La crise de glaucome par C Le myosis s’accompagne également d’une lenteur à la
fermeture de l’angle s’accompagne d’une semi-mydriase aréac- décontraction pupillaire : lors du passage d’un fort éclairage
tive. La pupille est souvent déronde. Les autres symptômes et à un très faible éclairage, la pupille normale se dilate
signes cliniques posent le diagnostic à la lampe à fente : douleur rapidement, en moins de 5 secondes, pour atteindre son état

12 Ophtalmologie / Neurologie
Pathologie pupillaire ¶ 21-510-A-10 / 17-016-A-70

Figure 12. Syndrome de Claude Bernard-Horner congénital droit, avec


du côté droit : myosis, ptôsis, et iris plus clair qu’à gauche.

d’équilibre. Au contraire, la pupille du côté du syndrome de


Claude Bernard-Horner se redilate plus lentement lorsqu’on
l’observe sur 15-20 secondes dans l’obscurité. Ceci résulte en
une majoration de l’anisocorie pendant les 5 secondes
suivant l’instauration de l’obscurité. Ce signe est hautement
spécifique d’un syndrome de Claude Bernard-Horner, mais
son absence n’élimine pas le diagnostic.
C Le ptôsis survient par atteinte du muscle de Müller, muscle
accessoire destiné à relever la paupière supérieure. Si le
ptôsis peut être discret ou même absent chez le sujet jeune
(de l’ordre de 1-3 mm), il est parfois important chez le
sujet âgé lorsqu’il existe un ptôsis aponévrotique sous-
Figure 13. Syndrome d’Harlequin : la peau du front et du nez présente
jacent ; ainsi son importance ne doit pas être un élément
une pâleur homolatérale à l’anomalie pupillaire, réalisant un syndrome de
déterminant, si ce n’est qu’un syndrome de Claude Claude Bernard-Horner associé à un syndrome d’Harlequin homolatéral.
Bernard-Horner n’est jamais responsable d’un ptôsis
complet. Il existe également un homologue du muscle de
Müller au sein de la paupière inférieure, qui rétracte celle-ci
vers le bas ; la paupière inférieure peut donc apparaître atteinte isolée chez 14 patients (41 %), l’association à un
légèrement plus haute : on parle de « ptôsis inverse ». Le syndrome de Claude Bernard-Horner homolatéral chez
11 patients (32 %), à un syndrome de Claude Bernard-Horner
rétrécissement de la fente palpébrale observé donne une
bilatéral chez quatre patients (12 %) ; l’association à une
fausse impression d’énophtalmie, sans énophtalmie vraie.
atteinte parasympathique unilatérale dans un cas (3 %) et
C L’anhidrose concerne l’intégralité de l’hémiface homolaté-
bilatérale dans un cas également (3 %) ; et enfin, l’association à
rale en cas d’atteinte préganglionnaire (premier et
une atteinte pupillaire à la fois sympathique et parasympathi-
deuxième neurones). En cas d’atteinte postganglionnaire,
que chez trois patients (9 %). Un exemple de syndrome d’Har-
seules les fibres destinées au front et au nez sont concer-
lequin est illustré par la Figure 13.
nées, rendant le diagnostic plus subtil et plus difficilement • Approche anatomique.
observable. L’atteinte est mise en évidence après un effort L’atteinte du premier neurone, entre l’hypothalamus et le
physique, à la chaleur, ou encore chez les nourrissons au centre ciliospinal de Budge-Waller dans la moelle épinière,
moment des pleurs. Lorsqu’elle n’est pas visible à l’œil nu, s’accompagne en général d’autres signes au premier plan du
on peut s’aider du test à l’iode-amidon : une solution iodée tableau clinique. Les étiologies sont multiples : AVC (en
est appliquée sur la peau ; après séchage, de l’amidon est particulier dans le syndrome de Wallenberg), tumeurs, sclérose
saupoudré sur la zone ; au contact de la sueur, l’iode et en plaques (SEP), traumatisme, etc. Rarement, un syndrome de
l’amidon réagissent pour donner une coloration violette. Claude Bernard-Horner central isolé peut survenir en cas de
C L’hétérochromie irienne est un signe de syndrome de syringomyélie.
Claude Bernard-Horner congénital ou survenu très préco- Deuxième neurone : à sa sortie de la moelle épinière, une
cement au cours de la vie ; la mise en place précoce de la partie des fibres est en rapport avec le dôme pleural, et peut être
pigmentation irienne est altérée par l’absence d’innervation atteinte par les cancers pulmonaires et lors des complications
sympathique, et il en résulte un iris plus clair du côté du des pneumothorax et des drains pleuraux. Le passage de ces
syndrome de Claude Bernard-Horner (Fig. 12). fibres sous les vaisseaux sous-claviers les rend vulnérables lors de
Dans tous les cas où l’atteinte clinique est équivoque, il est cathétérismes centraux dans la veine sous-clavière. Les fibres ont
utile de pratiquer un test aux collyres (cocaïne ou apracloni- alors un trajet cervical pour rejoindre le ganglion cervical
dine) qui confirme ou infirme le diagnostic. supérieur, où elles peuvent être atteintes lors de procédures
Le syndrome d’Harlequin désigne une asymétrie de la colora- chirurgicales (chirurgie de la thyroïde, cathétérisme de la veine
tion cutanée de la face, plus ou moins du cou et plus ou moins jugulaire, sympathectomie pour hypersudation palmaire).
du thorax, par atteinte de la vasomotricité de la peau. Tout Troisième neurone : le contingent de fibres à destinée sudo-
comme les anomalies de la sudation, elles sont plus facilement rale pour la partie inférieure de la face se détache du contingent
mises en évidence après un effort physique ou au moment des à destinée oculaire juste après avoir quitté le ganglion cervical
pleurs chez le nourrisson. La régulation de la vasomotricité supérieur. Une atteinte située en amont de cette bifurcation
cutanée est plus complexe que celle de la sudation : elle est sous donne des troubles de la sudation (anhidrose) au niveau de
la dépendance d’une part de fibres sympathiques distinctes des l’hémiface homolatérale ; une atteinte en aval n’altère la
fibres à destinée sudorale et pupillomotrice, mais qui suivent le sudation que dans la région du front et de l’aile du nez. Ceci
même trajet, et d’autre part également sous la dépendance du est un signe permettant de localiser l’atteinte du sympathique.
système parasympathique. Le syndrome d’Harlequin peut Les fibres sympathiques suivent d’abord le trajet de l’artère
survenir de manière isolée, associé le plus souvent à une carotide primitive puis de la carotide interne ; elles peuvent être
atteinte sympathique, ou à une atteinte parasympathique, lésées à ce niveau lors de dissection carotidienne (près de
homolatérale ou controlatérale. 25 % [53] à 37 % [54] des dissections carotidiennes cervicales
L’étude de Bremner sur 34 patients consécutifs atteints de s’accompagnent d’un syndrome de Claude Bernard-Horner).
syndrome d’Harlequin étudiés en pupillographie révèle : une Parmi 90 patients porteurs de dissection carotidienne s’étant

Ophtalmologie / Neurologie 13
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patients conservent un syndrome de Claude Bernard-Horner


permanent [59]. De même, au cours d’une céphalée de shortlas-
ting unilateral neuralgiform headache attacks with conjunctival
injection and tearing (SUNCT), la survenue d’un syndrome de
Claude Bernard-Horner est possible [60].
Le Tableau 1 résume les principales étiologies de syndrome de
Claude Bernard-Horner, en fonction de la localisation anatomi-
que de l’atteinte.
• Syndrome de Claude Bernard-Horner chez l’enfant, syndrome
de Claude Bernard-Horner congénital.
Toute découverte d’un syndrome de Claude Bernard-Horner
chez un nourrisson et un jeune enfant (jusqu’à l’âge de 5 ans)
soulève la question d’un neuroblastome sous-jacent.
Lorsque le syndrome de Claude Bernard-Horner est congéni-
tal ou survient tôt au cours de la vie, il peut s’accompagner
d’une hétérochromie irienne, l’iris du côté atteint étant plus
clair (Fig. 12). Ceci ne préjuge pas de l’étiologie mais seulement
de la précocité de l’atteinte. En effet, des cas de syndromes de
Claude Bernard-Horner congénitaux compressifs ont été décrits,
y compris avec un neuroblastome [62].
Le test à l’apraclonidine est contre-indiqué chez l’enfant de
moins de 6 mois. Le test à la cocaïne est important pour confir-
mer le syndrome de Claude Bernard-Horner si celui-ci n’est pas
évident cliniquement, compte tenu des examens à pratiquer pour
faire le bilan d’un syndrome de Claude Bernard-Horner chez le
jeune enfant. Si la clinique et le test pharmacologique restent
douteux, il est recommandé de les répéter à 3 mois et 1 an.
Les principales étiologies de syndrome de Claude Bernard-
Horner congénital sont les anomalies carotidiennes [61, 63, 64], les
tumeurs [62, 65-71] et les traumatismes obstétricaux qui doivent
rester un diagnostic d’élimination. La tumeur la plus redoutée
est le neuroblastome, avec 2 % des neuroblastomes se présen-
tant avec un syndrome de Claude Bernard-Horner initiale-
ment [72]. Le neuroblastome est une tumeur maligne provenant
des cellules embryonnaires participant à la formation du
système nerveux sympathique : gouttières paravertébrales et
ganglions sympathiques, médullosurrénales et système nerveux
Figure 14. Syndrome de Claude Bernard-Horner droit secondaire à une sympathique périartériel (d’où certaines tumeurs abdominales
dissection carotidienne. autour des gros vaisseaux de la région cœliomésentérique). Les
A. Anisocorie, la pupille droite est plus petite que la gauche, associée à un
tumeurs se manifestant par un syndrome de Claude Bernard-
discret ptôsis droit.
Horner sont les masses paravertébrales naissant au niveau
B. Anisocorie se majorant à la lumière.
cervical ou thoracique. Parmi 18 enfants se présentant avec un
C. Imagerie par résonance magnétique encéphalique, séquence T1, cou-
syndrome de Claude Bernard-Horner sans étiologie connue au
pes axiales. Hypersignal circonférentiel de la paroi de la carotide interne
départ, Mahoney et al. [62] ont retrouvé une étiologie compres-
droite. L’hématome de paroi signe la dissection carotidienne droite.
sive dans 33 % des cas (n = 6) après un bilan étiologique
incluant une imagerie cérébrale, cervicale et thoracique ; les
autres cas étaient considérés comme idiopathiques. Quatre,
présentés avec un syndrome de Claude Bernard-Horner isolé, parmi les syndromes de Claude Bernard-Horner compressifs,
12 % ont présenté un AVC ischémique dans les 30 jours [55], étaient dus à un neuroblastome. La grande majorité des neuro-
dont environ un tiers dans les 24 heures, soulignant l’impor- blastomes (90-95 %) [73] produisent des métabolites des caté-
tance de faire le diagnostic de dissection carotidienne précoce- cholamines pouvant être détectés dans les urines. Les
ment devant un tableau de syndrome de Claude Bernard- catécholamines urinaires les plus fréquemment retrouvées (acide
Horner récent. La fréquence de la dissection carotidienne et sa homovanillique et acide vanillylmandélique) sont les métaboli-
gravité potentielle justifient de considérer que tout syndrome de tes respectifs de la dopamine et de la noradrénaline. Mais la
Claude Bernard-Horner douloureux isolé et récent est une positivité des catécholamines urinaires dépend en grande partie
dissection jusqu’à preuve du contraire et doit être éliminé en de la masse tumorale, et ne semble pas être un test adapté à
urgence par une imagerie vasculaire appropriée (Fig. 14). visée diagnostique lorque le signe d’appel est un syndrome de
Si le sympathique est atteint au sein du sinus caverneux, le Claude Bernard-Horner ; en effet, aucun des patients de Maho-
syndrome de Claude Bernard-Horner s’accompagne d’autres ney et al. [62] présentant un neuroblastome à l’origine du
signes cliniques. L’association syndrome de Claude Bernard- syndrome de Claude Bernard-Horner n’avait de taux de caté-
Horner et paralysie du VI homolatérale est hautement évoca- cholamines urinaires élevés, probablement parce que la masse
trice d’une atteine du sinus caverneux [56, 57] bien que cette tumorale était de trop petite taille.
association puisse aussi résulter d’une lésion pontique. Les Les traumatismes obstétricaux s’accompagnent de lésions du
étiologies sont multiples : métastase, inflammation, fistule plexus brachial et doivent rester un diagnostic d’élimination. En
carotidocaverneuse, infection en particulier fungique, etc. De effet, l’origine traumatique du syndrome de Claude Bernard-
même, l’atteinte du sympathique au niveau orbitaire n’est Horner est parfois difficile à prouver, et il existe des cas où malgré
jamais isolée, et les étiologies se rapportent à la pathologie un accouchement difficile, le syndrome de Claude Bernard-
orbitaire en général. Horner était en réalité secondaire à un neuroblastome [62].
L’algie vasculaire de la face est une étiologie classique de Le bilan recommandé [62] devant une suspicion de syndrome
syndrome de Claude Bernard-Horner, mais la localisation précise de Claude Bernard-Horner chez l’enfant inclut un examen
de l’atteinte fait débat [58]. Le syndrome de Claude Bernard- clinique (avec palpation cervicale, axillaire et abdominale) et
Horner est observé au moment des crises, mais 10 % des une IRM sans et avec injection (préférable au scanner du fait de

14 Ophtalmologie / Neurologie
Pathologie pupillaire ¶ 21-510-A-10 / 17-016-A-70

Tableau 1.
Principales étiologies de syndrome de Claude Bernard-Horner, approche topographique ; d’après [61].

Premier neurone Deuxième neurone Troisième neurone


Hypothalamus Vertébral et paravertébral Gangion cervical supérieur
AVC Traumatisme Traumatisme/postchirurgical
Tumeur Syringomyélie Tumeur (paragangliome)
Tronc cérébral MAV Ectasie de la veine jugulaire
AVC (en particulier Wallenberg) Anesthésie péridurale/bloc régional Carotide interne
SEP Arthrose cervicale Dissection
Moelle épinière Tumeur paravertébrale Traumatisme/postchirurgical
Traumatisme (Brown-Séquard) Schwannome (chaîne sympathique) Thrombose
Tumeur Ostéochondrome Malformation
Syringomyélie Plexus brachial inférieur Tumeur
MAV Traumatisme, dont obstétrical Maladie de Horton
Apex pulmonaire et médiastin Base du crâne et canal carotidien
Malformation vasculaire, anévrisme de la sous-clavière Traumatisme, fracture
Pneumomédiastin Tumeurs (nasopharynx, lymphome)
Tumeurs (médiastin, apex pulmonaire) Sinus caverneux
Côte cervicale, fracture de côte Adénome hypophysaire
Drain thoracique Tumeurs (méningiome, métastase, etc.)
Cathéter sous-clavier Infection (fungique)
Chirurgie thoracique ou médiastinale Thrombose
Infections Inflammation
Région cervicale antérieure Fistule carotidocaverneuse
Cathéter central Anévrisme
Traumatisme/postchirurgical Orbite
Tumeurs cervicales
MAV : malformation artérioveineuse ; AVC : accident vasculaire cérébral ; SEP : sclérose en plaques.

la meilleure résolution des images et du moindre risque lié aux intracrânienne) complète l’un ou l’autre de ces examens à la
irradiations) intéressant l’encéphale, le cou et le thorax. Le recherche d’une dissection.
dosage des catécholamines urinaires peut être réalisé d’après Un grand nombre de cas de syndrome de Claude Bernard-
Mahoney et al., bien que l’imagerie soit plus sensible dans ce Horner de découverte fortuite ont cependant un bilan négatif.
contexte. • Syndrome de Claude Bernard-Horner intermittent.
• Bilan d’un syndrome de Claude Bernard-Horner en dehors du L’algie vasculaire de la face peut s’accompagner d’un syn-
jeune enfant. drome de Claude Bernard-Horner au moment de la crise [74, 75].
Le syndrome de Claude Bernard-Horner douloureux est une D’autres étiologies ont été associées à des syndromes de Claude
urgence faisant redouter une dissection carotidienne. La douleur Bernard-Horner intermittents : la dissection carotidienne [76, 77]
de la dissection carotidienne est cervicale ou bien projetée au et les lésions de la moelle épinière [78, 79]. Des cas de syndrome
niveau de l’œil. Elle peut être isolée ou associée à des signes de Claude Bernard-Horner récidivants totalement isolés ont
d’hypoperfusion cérébrale ou oculaire. Le diagnostic peut être également été décrits [80].
confirmé par l’imagerie des vaisseaux du cou et des vaisseaux Causes médicamenteuses. Les causes médicamenteuses de
intracrâniens réalisée en urgence : scanner cervical et angio- myosis unilatéral sont moins fréquentes que pour la mydriase.
scanner ou IRM cervicale et ARM artérielle. Le Doppler des On trouve les collyres parfois utilisés dans le glaucome :
vaisseaux du cou, s’il est normal, est insuffisant au bilan (la pilocarpine ou collyres associant ce principe actif.
portion cervicale haute de la carotide ainsi que la jonction avec
Réinnervation aberrante. Après une paralysie du III, on peut
l’endocrâne ne sont pas explorées par cet examen), mais s’il est
observer un myosis permanent par réinnervation aberrante.
anormal, il peut affirmer le diagnostic. Lorsque ce Doppler est
Asymétrie identique à l’obscurité et à la lumière
accessible en urgence, cela peut être un bon examen de
débrouillage. Lorsque l’asymétrie de taille entre les deux pupilles semble la
Si le syndrome de Claude Bernard-Horner apparaît comme même à l’obscurité et à la lumière, le diagnostic différentiel se
une complication connue d’une procédure récemment prati- pose entre une anisocorie physiologique et un syndrome de
quée, et que la chronologie de découverte du syndrome de Claude Bernard-Horner. En théorie, le syndrome de Claude
Claude Bernard-Horner est compatible avec cette étiologie, il est Bernard-Horner donne un myosis et donc une asymétrie plus
licite de ne pas réaliser de bilan complémentaire. Si le syndrome grande à l’obscurité qu’à la lumière ; mais en pratique courante,
de Claude Bernard-Horner est connu, très ancien et isolé, la lorsque cette asymétrie est minime, il arrive qu’il soit difficile de
rentabilité du bilan étiologique est probablement faible trancher. C’est alors qu’un test aux collyres peut être utile, et en
également. particulier le test à l’apraclonidine trouve facilement sa place
Dans tous les autres cas, la découverte d’un syndrome de dans ce contexte du fait de sa facilité de réalisation et
Claude Bernard-Horner récent ou d’ancienneté inconnue d’accessibilité.
nécessite un bilan étiologique. S’il existe des signes associés, Anomalies de forme
ceux-ci vont aider à localiser l’atteinte et à cibler l’imagerie. En Les pathologies donnant lieu à des anomalies permanentes de
cas de syndrome de Claude Bernard-Horner isolé, l’imagerie doit la forme de la pupille sont la pupille d’Adie et les anomalies
explorer l’ensemble de la voie sympathique ; on peut proposer iriennes. Parmi celles-ci, les traumatismes de l’iris et les
une IRM encéphalique et de la moelle cervicale et un scanner synéchies iridocristalliniennes sont les plus fréquentes. Men-
cervical étendu aux apex pulmonaires ; l’imagerie des carotides tionnons également les syndromes irido-cornéo-endothéliaux,
(ARM artérielle ou angioscanner du cou s’étendant à la carotide qui regroupent l’atrophie essentielle de l’iris, le syndrome de

Ophtalmologie / Neurologie 15
21-510-A-10 / 17-016-A-70 ¶ Pathologie pupillaire

Chandler et le syndrome de Cogan-Reese. Il s’agit de patholo- Pupille d’Adie bilatérale et syndrome de Claude Bernard-Horner
gies unilatérales associant à divers degrés une déformation de bilatéral associés à d’autres atteintes du système nerveux autonome.
l’iris par atrophie progressive de celui-ci, une prolifération des Il existe vraisemblablement un continuum entre la pupille
cellules endothéliales de la cornée aboutissant à un œdème de d’Adie strictement isolée, le syndrome d’Adie, le syndrome de
cornée, des nodules iriens et des synéchies iridoendothéliales et Ross [82], le syndrome d’Harlequin [83], et d’autres atteintes plus
angulaires. L’atrophie de l’iris donne lieu à une déformation de généralisées du système nerveux autonome.
la pupille, peut également l’amener en position ectopique, et à On a vu déjà que la pupille d’Adie sans autre atteinte
l’extrême, l’atrophie peut aller jusqu’à former un nouvel orifice neurologique pouvait se bilatéraliser dans envion 4 % des cas
pupillaire ou néopupille ; on parle alors de pseudopolycorie. par an [19] ; ceci ne nécessite pas de bilan spécifique pour
Déficit pupillaire afférent relatif autant.
Les principales pathologies pourvoyeuses de DPAR sont les L’association à une aréflexie tendineuse est appelée syndrome
pathologies du nerf optique, quelle qu’en soit la nature, d’Adie (Holmes-Adie syndrome dans la littérature anglophone) et
unilatérales ou bilatérales asymétriques. L’ampleur du DPAR est ne nécessite pas non plus d’investigation complémentaire s’il est
corrélée à la profondeur et l’étendue du déficit du champ visuel isolé sur le plan neurologique.
central. La neuropathie optique de Leber en revanche peut Le syndrome de Ross associe pupille d’Adie uni- ou bilatérale,
n’occasionner qu’un faible DPAR. Une atteinte de la bandelette aréflexie tendineuse et anhidrose segmentaire avec le plus
optique peut également être responsable d’un DPAR controlaté- souvent une hyperhidrose compensatrice dans un autre terri-
ral ; ceci vient du fait qu’il y a plus de fibres ganglionnaires à toire. Il s’agit d’un dysfonctionnement plus global du système
mélanopsine qui décussent au niveau du chiasma que de fibres nerveux autonome, la pupille d’Adie reflétant une atteinte
qui ne décussent pas. En cas de lésion unilatérale du noyau parasympathique et l’anhidrose une atteinte surtout sympathi-
prétectal, on peut observer un DPAR controlatéral sans déficit que par lésion des fibres sympathiques cholinergiques destinées
visuel. aux glandes sudorales [84]. L’anhidrose n’est pas nécessairement
Parmi les autres étiologies de DPAR, on trouve les obstacles dans le même territoire que la pupille d’Adie. D’autres manifes-
majeurs venant bloquer la transmission du signal lumineux tations dysautonomiques peuvent venir compléter le tableau.
dans un œil ; par exemple, une hémorragie du vitré massive, La distinction entre deux groupes de patients, syndrome
une occlusion de l’artère centrale de la rétine, une occlusion de d’Adie et syndrome de Ross d’une part, et neuropathies dysau-
la veine centrale de la rétine, un décollement de rétine, etc. Ces tonomiques de diverses étiologies d’autre part, est intéressante
causes ophtalmologiques sont généralement facilement identi- car leur pronostic est très différent. La présence d’une anisocorie
fiées lors de l’examen clinique initial. Également, si un œil est supérieure à 1 mm à la lumière et d’une paralysie sectorielle de
occlus de manière prolongée (patch, ptôsis), il peut se produire l’iris a une sensibilité de 58 % et une spécificité de 90 % en
un DPAR sur l’œil opposé si un délai de 30 minutes minimum faveur des syndromes d’Adie et de Ross [85].
d’adaptation à la lumière n’est pas respecté. Un DPAR de faible
Un grand nombre de maladies généralisées du système
amplitude peut être détecté sur un œil amblyope. Très rarement,
nerveux autonome vont pouvoir s’accompagner également
un DPAR peut s’observer chez le sujet indemne de toute
d’atteinte pupillaire, intéressant le système nerveux sympathi-
pathologie : il est alors de faible amplitude et d’intensité
que ou parasympathique. Nous donnons ici les grandes lignes
variable, parfois alternant d’un côté à l’autre.
des atteintes pupillaires rencontrées dans ces maladies dysauto-
Le DPAR peut persister même après récupération clinique, en
nomiques. Cependant, mis à part pour le diabète, les données
particulier après une névrite optique.
disponibles sont issues de cas cliniques isolés davantage que
d’études spécifiques complètes. Pour plus de détails sur ce sujet,
Anomalies pupillaires permanentes bilatérales
nous conseillons au lecteur de se référer à une revue de la
Anomalies de taille littérature récente [86] . L’atteinte pupillaire passe souvent
Lorsque la taille des deux pupilles est anormale, la première inaperçue, car elle est bilatérale et symétrique dans environ
question à se poser est la suivante : cette anomalie est-elle 85 % des cas [87]. Dans ces maladies chroniques évolutives, les
isolée, ou s’intègre-t-elle à un tableau neurologique plus riche, signes de dénervation-réinnervation ne sont pas toujours
avec en particulier d’autres anomalies du système nerveux observables, probablement car la persistance de la maladie ne
autonome ? permet pas de réparation du nerf [87] . Ces signes sont : le
De manière un peu déroutante, en cas d’atteinte pupillaire caractère segmentaire de l’atonie pupillaire, les mouvements
bilatérale d’origine périphérique, les mêmes maladies vont vermiformes du bord pupillaire, la lenteur à la décontraction
pouvoir donner un myosis ou une mydriase. En effet, dès lors pupillaire après un effort d’accommodation-convergence. En ce
qu’il s’agit de maladies diffuses du système nerveux autonome, sens, on ne peut pas parler stricto sensu de pupille d’Adie ; il
les systèmes sympathique et parasympathique peuvent être serait plus précis de parler simplement d’atteinte pupillaire
touchés et être à l’origine d’un syndrome de Claude Bernard- périphérique parasympathique. L’interprétation des tests aux
Horner ou d’une pupille d’Adie, ou même atteindre les deux collyres doit être particulièrement prudente sur ce terrain, car
systèmes simultanément. C’est pourquoi nous traitons ce l’association fréquente à un syndrome sec dans ces maladies
paragraphe par étiologies et non par la distinction peut induire des lésions cornéennes ; la pénétration des collyres
myosis-mydriase. s’en trouve renforcée, et peut mimer une hypersensibilité aux
L’atteinte pupillaire bilatérale est plus difficile à analyser, en collyres dilués.
l’absence de pupille controlatérale pour servir de témoin. Le Les neuropathies dysautonomiques comportent un dysfonc-
diagnostic repose donc, pour une atteinte parasympathique, tionnement cardiovasculaire et/ou gastro-intestinal et/ou génito-
sur : la présence d’une mydriase en situation photopique avec urinaire et/ou sudoral. Dans la plupart des cas, il existe une
mauvaise réaction pupillaire à la lumière, l’hypersensibilité à la atteinte à la fois sympathique et parasympathique, bien que
pilocarpine diluée (dans la littérature, on parle également certaines maladies perturbent spécifiquement l’un des deux
d’hypersensibilité à la méthacholine 2 % ou 2,5 %, qui a la systèmes uniquement.
même valeur diagnostique), et parfois la présence de signes de • Diabète [86].
dénervation-réinnervation aberrante. Le diagnostic de syndrome L’atteinte pupillaire est très fréquente, aussi bien dans le
de Claude Bernard-Horner bilatéral repose sur : le myosis à diabète de type I que de type II. Jusqu’à 78 % des diabétiques
l’obscurité, parfois le ptôsis et le retard à la décontraction de type II (pour une moyenne de durée de la maladie de 18 ans)
pupillaire (dilation lag), l’hypersensibilité aux collyres de ont une pupillographie anormale ; les systèmes sympathique et
phényléphrine (Néosynéphrine®) 1 % ou noradrénaline 1 %, parasympathique sont tous les deux touchés dans 58 % des
l’absence de dilatation à l’instillation de cocaïne, ou une cas [88]. Les pupilles sont le plus souvent en myosis, la petite
dilatation anormale à l’instillation d’apraclonidine. La pupillo- taille des pupilles pour l’âge ayant été corrélée à un certain
graphie peut être une aide intéressante dans ce contexte [20, 81]. nombre de complications du diabète ; le système sympathique

16 Ophtalmologie / Neurologie
Pathologie pupillaire ¶ 21-510-A-10 / 17-016-A-70

semble plus vulnérable sur ce terrain. La pupille du diabétique antirécepteurs à l’acétylcholine de type ganglionnaire [103]. Des
réagit également moins bien aux collyres atropiniques tels que cas épars d’atteinte pupillaire ont été décrits, pouvant intéresser
le tropicamide, probablement du fait d’une perte de fonction du le système nerveux sympathique ou parasympathique.
muscle dilatateur de l’iris. • Syndrome de Sjögren [86] et autres maladies de système [104,
105].
L’amplitude de la constriction pupillaire à la lumière est
moindre, retardée et de vitesse réduite ; il en est de même pour L’atteinte du système nerveux autonome est une complica-
sa dilatation à l’obscurité. De nombreuses hypothèses étiologi- tion classique du syndrome de Sjögren, aussi bien primaire que
ques ont été proposées : la rubéose irienne, l’ischémie irienne, secondaire. Les pupilles se présentent volontiers en mydriase,
la réduction de l’influx lumineux secondaire à la photocoagu- avec souvent une meilleure réaction à l’accommodation-
lation panrétinienne, et plus vraisemblablement l’atteinte convergence. Il a pu être mis en évidence, chez certains
combinée de l’innervation sympathique et parasympathique de patients, des anticorps dirigés contre les récepteurs muscarini-
l’iris, résultant en une pupille de diamètre constant malgré les ques à l’acétylcholine de type M3. En cas de lupus, scléroder-
variations lumineuses extérieures. mie, dermatomyosite, polyarthrite rhumatoïde, maladie de
• Amylose [86, 89]. Crohn et rectocolite hémorragique, un certain déséquilibre entre
L’amylose est définie histologiquement par le dépôt de tonus sympathique et parasympathique a pu être mis en
matériel protéique biréfringent dans les tissus. Il s’agit d’un évidence par pupillométrie, plus rarement cliniquement [106].
dépôt de transthyrétine dans l’amylose familiale, et le plus • Neuropathie héréditaire sensitive et autonome [86, 89] (heredi-
souvent de chaînes légères protéiques d’immunoglobulines dans tary sensory and autonomic neuropathy ou HSAN).
les formes acquises. Il s’agit de neuropathies héréditaires avec atteinte sensitive
L’atteinte dysautonomique dans l’amylose, bien que classique, diffuse et un degré variable d’atteinte dysautonomique ; le type
n’est cependant pas très fréquente (de l’ordre de 14 %) ; elle III, ou syndrome de Riley-Day, est le plus connu, rencontré
devient très fréquente en revanche dès lors qu’une neuropathie presque exclusivement chez les Juifs ashkénazes. D’un point de
périphérique est présente. L’atteinte pupillaire comporte une vue ophtalmologique, il se caractérise par une alacrymie et une
faible réaction à la lumière, accompagnée d’une meilleure insensibilité cornéenne. Tous types confondus, Houlen et al. ont
réaction à l’accommodation-convergence, avec un cas décrit trouvé une atteinte pupillaire chez 13 patients sur 29 (44,8 %),
d’hypersensibilité à la méthacholine ; l’atteinte sympathique est intéressant le système parasympathique davantage que le
également fréquemment rencontrée. Sur un groupe de 16 patients sympathique ; l’atteinte pupillaire est rare dans les types I et II,
porteurs d’amylose familiale, deux présentaient un dysfonction- plus fréquente dans les types III, IV et V.
nement parasympathique bilatéral asymétrique, huit un syn- • Maladie de Charcot-Marie-Tooth et Déjerine-Sottas.
drome de Claude Bernard-Horner bilatéral et six avaient des Houlen et al. [89] ont trouvé des anomalies pupillaires chez
pupilles normales [89]. Histologiquement, on a pu mettre en 12 patients sur 69 étudiés (17 %), dont les deux tiers dans le
évidence des dépôts amyloïdes dans le ganglion ciliaire et dans groupe Charcot-Marie-Tooth 2. Les anomalies retrouvées
les ganglions de la chaîne sympathique. D’autres atteintes intéressaient de manière bilatérale le système parasympathique
ophtalmologiques sont possibles : dépôts de matériel amyloïde comme le système sympathique. Plus de 25 % des patients
dans les paupières, les muscles oculomoteurs, les annexes, dans le atteints de maladie de Déjerine-Sottas (forme précoce et rapide-
vitré et la conjonctive. ment évolutive de maladie de Charcot-Marie-Tooth) présen-
• Syndromes paranéoplasiques [86]. taient des anomalies pupillaires [107].
L’atteinte pupillaire associée aux syndromes paranéoplasiques • Maladie de Refsum [89].
est fréquente. Dans le syndrome de Lambert-Eaton, elle peut Houlen et al. ont trouvé de discrètes anomalies pupillaires
être observée dans 24 % à 57 % des cas [90], intéressant le chez dix patients sur 11 étudiés, à type de myosis. Cependant,
système sympathique ou parasympathique [91, 92]. Trois cas de il est possible que ce myosis ne reflète pas un dysfonctionne-
pupille tonique ont été décrits satellites d’un neuroblastome [93, ment sympathique mais une infiltration de l’iris et du muscle
94]. Chez l’adulte, les étiologies les plus fréquemment retrouvées dilatateur de l’iris par des dépôts d’acide phytanique et de
dans l’atteinte pupillaire parasympathique paranéoplasique sont lipides.
le cancer pulmonaire à petites cellules [95-101], l’adénocarcinome • Déficit en dopamine b-hydroxylase [86].
du côlon [99] et le séminome testiculaire [102] ; les anticorps Dans cette affection héréditaire rare, le déficit enzymatique
anti-Hu sont les anticorps le plus souvent retrouvés [93, 95-97, 100, empêche la formation de noradrénaline à partir de la dopamine,
102]. Une atteinte sympathique a également été décrite avec ces
à l’origine d’une atteinte sympathique pure. L’atteinte pupillaire
mêmes anticorps, satellite d’un adénocarcinome pulmonaire à en rapport est celle d’un syndrome de Claude Bernard-Horner
petites cellules. bilatéral.
• Neuropathie dysautonomique aiguë et subaiguë [86]. Botulisme. La bactérie responsable du botulisme est Clostridium
Il s’agit d’un dysfonctionnement généralisé du système botulinium, dont il existe sept sous-types, A à G ; les sous-types
nerveux sympathique et/ou parasympathique survenant de A, B et E sont ceux qui sont impliqués dans 99,5 % des cas de
manière aiguë ou subaiguë, parfois associé à une atteinte pathologie humaine, les sous-types C, D et F étant beaucoup
sensorimotrice somatique. Un facteur déclenchant infectieux plus rares [108]. Les manifestations cliniques du botulisme sont
peut être présent ; l’évolution est monophasique et la récupéra- liées à sa toxine, qui bloque la transmission synaptique choli-
tion est variable. Chez certains patients, des anticorps antiré- nergique au niveau du système nerveux périphérique. On
cepteurs à l’acétylcholine de type ganglionnaire ont été mis en distingue trois formes de contamination : dans la contamina-
évidence, dont le taux semble corrélé à l’intensité de l’atteinte tion alimentaire, la toxine est ingérée avec l’aliment contami-
dysautonomique, en particulier parasympathique [103]. L’atteinte nant (habituellement une conserve artisanale) ; la bactérie peut
pupillaire est banale ; les pupilles sont le plus souvent ovales ou également proliférer sur une plaie souillée, et la toxine passe
irrégulières, en mydriase avec une faible réaction à la lumière et alors dans le sang ; enfin, chez le jeune enfant, la bactérie peut
à l’accommodation-convergence. Parmi les patients chez qui des coloniser le tube digestif et proliférer, la toxine passant alors
tests aux collyres ont été pratiqués, un dysfonctionnement également dans le sang.
parasympathique a été retrouvé dans 90 % des cas et un Après une incubation de 0,5 à 6 jours pour la contamination
dysfonctionnement sympathique dans 75 % des cas. alimentaire, 4 à 51 jours pour les contaminations par plaie, une
• Dysautonomie pure [86]. paralysie flasque se développe. Les signes bulbaires sont souvent
Il s’agit d’un dysfonctionnement généralisé du système au premier plan. L’atteinte pupillaire parasympathique et
nerveux autonome uniquement, idiopathique, survenant dans l’ophtalmoplégie, avec atteinte préférentielle de l’abduction,
la seconde moitié de la vie, d’évolutivité variable. Certains cas comptent parmi les signes fréquents et précoces [109]. Dysarthrie,
semblent en continuité avec l’entité précédente du syndrome dysphonie, dysphagie et diplégie faciale complètent le tableau.
dysautonomique subaigu, avec un faible taux d’anticorps La paralysie des membres s’installe en 1 à 3 jours, et l’atteinte

Ophtalmologie / Neurologie 17
21-510-A-10 / 17-016-A-70 ¶ Pathologie pupillaire

respiratoire peut nécessiter intubation et ventilation. Le reste de décrit une série de 27 patients atteints de Miller-Fisher : quatre
l’atteinte du système nerveux autonome comporte sécheresse avaient une mydriase, dont deux avec dissociation RPM-
buccale, constipation, rétention d’urines et troubles du rythme accommodation-convergence-myosis et hypersensibilité à la
cardiaque. Le tableau ne comporte aucun déficit sensitif ni pilocarpine diluée, transitoire. Il ne semblait pas y avoir de
aucune altération des fonctions supérieures. parallélisme entre l’atteinte parasympathique et oculomotrice.
L’atteinte pupillaire à la phase aiguë est celle d’une mydriase L’atteinte pupillaire peut même être inaugurale [117] . Les
aréactive avec cycloplégie ; elle peut évoluer vers un tableau atteintes pupillaires dans le syndrome de Guillain-Barré ont été
« Adie-like », avec réaction tonique de la pupille à l’accom- décrites dans 80 % des cas (quatre sur cinq) [118] ; un cas avec à
modation-convergence, contractions sectorielles du bord pupil- la fois atteinte parasympathique et sympathique est décrit par
laire et hypersensibilité à la pilocarpine diluée [110]. Ces anomalies Anzai [122]. Parmi les patients atteints d’ophtalmoplégie aiguë
peuvent être transitoires ou permanentes. Dans certains cas, le sans ataxie, l’atteinte pupillaire varie de 0 cas sur
tableau est constitué seulement par une atteinte dysautonomique 21 patients [123] à 54,5 % (n = 6) [115]. Enfin, dans l’encéphalite
et parfois même seulement une mydriase [111], rendant le dia- de Bickerstaff, une mydriase a été décrite chez 34 % (21/62) des
gnostic plus difficile et les résultats de l’électromyogramme (EMG) patients [124]. La mydriase a même été décrite comme manifes-
variables [112] ; il semble que dans les cas paucisymptomatiques, tation clinique isolée, associée à la présence d’anticorps anti-
l’EMG en fibre unique soit plus sensible [111] que l’EMG classique. GQ1b [125, 126].
La colonisation digestive par le Clostridium botulinium est L’atteinte dysautonomique semble rare dans les polyradiculo-
exceptionnelle chez l’adulte, survenant uniquement sur un tube névrites chroniques ; un seul cas de syndrome de Claude
digestif pathologique, mais peut survenir chez le jeune enfant Bernard-Horner est rapporté dans la littérature en association
sain. La constipation et l’atteinte bulbaire (faiblesse du cri, avec cette pathologie [127].
difficultés d’alimentation) constituent les premiers signes, Pupille d’Argyll Robertson. La pupille d’Argyll Robertson est un
suivies par une faiblesse généralisée, une hypotonie et des terme consacré désignant l’atteinte pupillaire très fréquente de
difficultés respiratoires. La mydriase aréflexique constitue un la syphilis. La description clinique est celle de pupilles en
bon signe en faveur du diagnostic. Le miel et le sirop de maïs myosis, réagissant mal à la lumière, mais avec un réflexe
ont pu être incriminés comme aliments contaminants, et d’accommodation-convergence-myosis normal. Stricto sensu, on
doivent être évités chez le jeune enfant. ne trouve pas de signe de dénervation tel que la paralysie
Le diagnostic de certitude repose sur la mise en évidence de segmentaire de l’iris, les mouvements vermiformes du bord
la toxine dans le sérum, les selles, l’aliment suspecté ou la plaie pupillaire, ou encore la lenteur à la contraction et décontraction
cutanée. Il s’agit d’une inoculation à la souris. La détection de pupillaire, contrairement au tableau complet de pupille d’Adie.
la bactérie en culture est un argument indirect fort. L’EMG Ceci tend à localiser l’atteinte davantage au niveau mésen-
montre un bloc neuromusculaire présynaptique. Le traitement céphalique postérieur qu’en périphérie [128]. Cependant, cette
est préventif avant tout, et symptomatique. L’injection de distinction semble cliniquement peu intéressante, car des
sérum antitoxine limite l’extension de la paralysie, mais ne peut patients porteurs de neurosyphilis se sont également présentés
atteindre la toxine déjà présente dans la jonction neuromuscu- avec une pupille d’Adie bilatérale, avec signes de dénervation-
laire ; elle est réservée aux formes graves de la maladie. régénération aberrante.
Les injections thérapeutiques de toxine botulique A et B sont Un tableau clinique similaire peut aussi se rencontrer au
utilisées pour lutter contre la spasticité, le blépharospasme et en cours du diabète, de l’alcoolisme chronique, de la SEP, de la
cosmétique. Ces quantités sont cependant insuffisantes pour sarcoïdose et du neuro-Lyme [19].
diffuser de manière systémique, et les effets secondaires résul-
tent de la diffusion locale du produit en cas de surdosage.
Même en cas d’injection périoculaire de toxine botulique, il est
exceptionnel d’observer une mydriase par diffusion du produit.
Une mydriase a pu être déclenchée expérimentalement chez le “ Point important
rat par injection rétrobulbaire de toxine botulique, et une
hypersensibilité à un myotique dilué a alors été observée entre Pupilles et comitialité
1 semaine et 3 semaines après l’injection. Les auteurs concluent Lors d’une crise tonicoclonique, on observe un myosis
qu’une mydriase est possible lorsque la toxine est injectée en bilatéral pendant la phase tonique, suivi d’une mydriase
rétrobulbaire ou qu’elle diffuse au ganglion ciliaire à partir du bilatérale pendant la phase clonique ; le RPM peut
site initial d’injection [113]. également être perturbé pendant la crise. Des anomalies
Polyradiculonévrites aiguës : syndromes de Guillain-Barré, de pupillaires comparables peuvent être observées au cours
Miller-Fisher, encéphalite de Bickerstaff et ophtalmoplégie aiguë sans du petit mal, ou des épilepsies-absence. Les cas de
ataxie. Il s’agit d’un groupe d’affections comportant une polyra- mydriase unilatérale sont rares et surviennent uniquement
diculonévrite auto-immune d’évolution aiguë, avec degré variable
au cours de crises partielles ; la survenue d’un myosis
d’atteinte de la gaine de myéline et de l’axone. L’encéphalite de
unilatéral au cours d’une crise épileptique est encore plus
Bickerstaff comporte une atteinte des voies longues et des
troubles de conscience en plus de l’ataxie et de l’ophtalmoplégie. rare.
Le syndrome de Miller-Fisher est une forme limitée de syndrome
de Guillain-Barré, comportant uniquement une ataxie, une
aréflexie et une ophtalmoplégie. Il existe également des syndro-
mes de Guillain-Barré avec ophtalmoplégie. Enfin, l’ophtalmo- Atteintes pupillaires bilatérales et associations diverses.
plégie aiguë sans ataxie est une forme clinique encore plus • Un certain nombre d’infections peuvent s’accompagner
limitée, comportant simplement une ophtalmoplégie. Dans le d’anomalies pupillaires, volontiers dans le cadre d’une
syndrome de Miller-Fisher, le dosage des anticorps anti-GQ1b est atteinte neurologique plus étendue.
à la fois sensible (supérieur à 90 %) et spécifique [114] . Ces C La maladie de Lyme a été rarement associée à une atteinte
anticorps peuvent également être retrouvés dans l’ophtalmoplégie pupillaire, avec pupille d’Adie uni- ou bilatérale [129-131] ou
aiguë sans ataxie et dans le syndrome de Guillain-Barré et syndrome de Claude Bernard-Horner [132-134].
l’encéphalite de Bickerstaff [115] dans environ 66 % des cas [116]. C L’infection par le virus de l’immunodéficience humaine
Le taux d’anticorps est élevé au début des symptômes et chute (VIH) peut également comporter une atteinte du système
rapidement dans les quelques semaines qui suivent. nerveux autonome en général, pouvant intéresser la pupille
Les atteintes pupillaires sont possibles dans chacune des en particulier. On ne retrouve pas de responsabilité évi-
formes cliniques sus-décrites. Dans le Miller-Fisher, elles peuvent dente des traitements utilisés, dont certains sont pourtant
survenir dans 50 % [117] à 85 % (11/13 cas) [118-120] ; Nitta [121] neurotoxiques [135].

18 Ophtalmologie / Neurologie
Pathologie pupillaire ¶ 21-510-A-10 / 17-016-A-70

C Le virus zona-varicelle (VZV) est fréquemment responsable C L’ataxie spinocérébelleuse type 1 a été associée à une
d’atteintes de l’iris liée à l’uvéite. Mais il peut également mydriase avec dissociation RPM-accommodation-conver-
être responsable d’atteintes sympathiques ou parasympa- gence [176].
thiques dans le cadre d’un zona ophtalmique [136-138] • Enfin, la myasthénie ne donne bien sûr pas de mydriase ;
parfois même avec hypersensibilité à la pilocarpine cependant, dans les formes congénitales de myasthénie, on
diluée [139], ou d’un zona thoracique [140-143] ; les cas de peut observer une certaine lenteur du RPM [177].
pupille d’Adie à la phase aiguë de l’infection varicelleuse Atteinte du III nucléaire bilatérale. La situation du noyau du III
sont exceptionnels [144]. est paramédiane dans le mésencéphale, et le sous-noyau du III
C Un cas de neuropathie optique bilatérale associée à une responsable de la motricité pupillaire (noyau d’Edinger-
pupille d’Adie unilatérale a été rapporté à une infection à Westphal) est médian. C’est pourquoi il arrive qu’une lésion
human herpesvirus 6 (HHV6) [145]. unique située au niveau du noyau d’Edinger-Westphal soit
responsable d’une atteinte pupillaire bilatérale. Ajoutons à cela
C La rage peut donner lieu, dans la forme furieuse, à des
que la vascularisation est assurée par des artères perforantes
anomalies pupillaires uni- ou bilatérales, de myosis ou de
issues de la circulation postérieure. Anatomiquement, il peut
mydriase [146].
exister soit deux artères perforantes distinctes droite et gauche,
• Parmi les maladies à composante inflammatoire ou dysim- soit une perforante commune se divisant ensuite en deux
mune, une atteinte pupillaire a été décrite parmi les branches ; c’est pourquoi en cas d’AVC ischémique dans cette
suivantes. région, l’atteinte bilatérale nucléaire du III n’est pas rare,
C La sarcoïdose peut se manifester par une pupille d’Adie pouvant être asymétrique cependant.
uni- ou bilatérale [147-150], une atteinte proche de celle de Syndrome mésencéphalique dorsal, ou syndrome prétectal. Dans ce
la pupille d’Argyll Robertson [151, 152], ou encore un syn- tableau, les anomalies sont le plus souvent bilatérales, parfois
drome de Claude Bernard-Horner [150, 153]. très asymétriques. Le tableau correspond à une atteinte de la
C La maladie de Horton est parfois associée à une pupille commissure postérieure, ou région prétectale, c’est-à-dire la
tonique d’Adie, uni- ou bilatérale [154-159]. L’hypothèse partie haute et postérieure du mésencéphale. Dans sa forme
avancée est celle d’une ischémie du ganglion ciliaire ou du complète, le tableau comprend :
nerf ciliaire court, par réduction du flux vasculaire dans • une mydriase aréactive à la lumière, avec une relative
l’orbite [156]. Devant une mydriase aréactive sans atteinte conservation du myosis à l’accommodation-convergence ;
oculomotrice, en l’absence de signe de dénervation- • une cycloplégie ;
réinnervation de la pupille, le diagnostic différentiel se • une paralysie d’élévation du regard de type supranucléaire, ou
pose avec une ischémie du segment antérieur [160-164]. syndrome de Parinaud ;
C Un cas d’association entre pupilles d’Adie et périartérite • un nystagmus retractorius, qui n’est pas un véritable nystag-
noueuse [165] a été décrit. mus mais un mouvement rapide de convergence et de
rétraction des globes oculaires vers l’arrière de l’orbite
C La maladie de Vogt-Koyanagi-Harada a été décrite en
alternant avec une phase lente de relâchement ; il est déclen-
association avec une pupille d’Adie bilatérale [166-168].
ché lors des tentatives d’élévation du regard ;
• Parmi les pathologies dégénératives et toxiques, certaines
• des troubles de la convergence : paralysies ou spasmes de
peuvent présenter des atteintes pupillaires.
convergence ;
C Intoxication au trichloroéthylène : ce solvant est utilisé • une skew deviation ;
dans l’industrie à des fins de dégraissage ; il est aussi • un ptôsis bilatéral ou au contraire une rétraction des paupiè-
retrouvé dans l’industrie électronique, dans la peinture et res supérieures.
comme adhésif dans la fabrication des chaussures. L’expo- . Les causes le plus fréquemment retrouvées sont les tumeurs
sition intense, en général par inhalation de vapeurs, a une de la région pinéale et les AVC.
toxicité neurologique ; les pupilles présentent une atteinte Mort cérébrale. Cf. Pupilles et coma.
parasympathique avec signes de dénervation-réinnervation Médicaments.
secondaires [169]. En dehors des étiologies énumérées pour les anomalies
C Les pesticides à base d’organophosphate ont une toxicité pupillaires unilatérales, un certain nombre de médicaments
sur le système nerveux autonome ; il en résulte une utilisés par voie générale peuvent modifier la taille de la
atteinte pupillaire principalement sympathique (syndrome pupille : à l’origine d’une mydriase, les substances à action
de Claude Bernard-Horner) parfois associée également à atropinique ou sympathomimétique (psychotropes, antinau-
une atteinte parasympathique [170, 171]. séeux, antiparkinsoniens, etc.) ; à l’origine d’un myosis, les
C En cas d’atteinte du système nerveux autonome liée à antalgiques à base de morphine ou les injections d’héroïne, les
l’alcoolisme chronique, on peut observer des pupilles traitements de la myasthénie et certains médicaments
légèrement plus grandes que chez des sujets témoins, avec antihypertenseurs.
une discrète hypersensibilité à la méthacholine [172]. La Anomalies de forme
carence en thiamine (encéphalopathie de Gayet-Wernicke) Les principales pathologies responsables d’une forme anor-
est à l’origine d’une mydriase aréflexique chez le male des deux pupilles sont : la pupille d’Adie bilatérale, les
singe [173] ; deux cas de mydriase dans le cadre d’une anomalies iriennes, la pupille d’Argyll Robertson et l’atteinte
encéphalopathie de Gayet-Wernicke ont été décrits chez nucléaire du III. Chacune de ces étiologies a été traitée spécifi-
l’homme en 1971 [174]. quement dans les chapitres précédents.
C L’atrophie multisystématisée (ou maladie de Shy-
Drager) [86] est une affection dégénérative du système
nerveux central responsable d’un syndrome parkinsonien ■ Traitement
résistant à la dopa, d’un dysfonctionnement cérébelleux et
d’une atteinte du système nerveux autonome. L’atteinte Le traitement est avant tout étiologique.
pupillaire est cependant relativement peu fréquente, de Le myosis ne nécessite pas de traitement spécifique. La
l’ordre de 30 % des patients, pouvant se présenter sous la mydriase peut être source de photophobie, rarement invali-
forme d’un syndrome de Claude Bernard-Horner uni- ou dante. Si c’est le cas, on peut proposer le port de lentilles
bilatéral, ou d’une atteinte parasympathique. opaques en dehors de l’aire pupillaire. En cas de pupille d’Adie,
C Dans la maladie de Parkinson, les seules anomalies pupil- l’instillation de collyre à la pilocarpine peut soulager la photo-
laires observées sont une moindre réactivité à la phobie et améliorer l’esthétique, le verre multifocal est rarement
lumière [175]. nécessaire à la cycloplégie que comporte le tableau.

Ophtalmologie / Neurologie 19
21-510-A-10 / 17-016-A-70 ¶ Pathologie pupillaire

■ Conclusion [19] Miller NR. Clinical neuro-ophthalmology. Philadelphia: Lippincott-


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s’appuyer ensuite sur des tests aux collyres. La plupart des caused by segmental spasm of the iris dilator muscle. Am J Ophthalmol
situations cliniques peuvent être gérées en consultation, sans 1983;96:467-77.
matériel sophistiqué, par tout ophtalmologiste averti. Quelques [22] Jacobson DM. Benign episodic unilateral mydriasis. Clinical
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malies est au contraire un élément rassurant qui pourra être [26] Keane JR. Aneurysms and third nerve palsies. Ann Neurol 1983;14:
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capable de dépister à l’interrogatoire la présence d’autres Ophthalmol 1988;106:601-2.
symptômes neurologiques ; s’ils sont présents, il est de sa [28] Bruce BB, Biousse V, Newman NJ. Third nerve palsies. Semin Neurol
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M. Jacob-Lebas, Assistante en ophtalmologie (maudjacob@gmail.com).


Hôpital Delafontaine, 2, rue du Docteur-Delafontaine, 93200 Saint-Denis, France.
C. Vignal-Clermont, Praticien hospitalier.
Unité de neuro-ophtalmologie, Fondation Rothschild, 25, rue Manin, 75019 Paris, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Jacob-Lebas M., Vignal-Clermont C. Pathologie pupillaire. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris),
Ophtalmologie, 21-510-A-10, Neurologie, 17-016-A-70, 2011.

Disponibles sur www.em-consulte.com


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Ophtalmologie / Neurologie 23
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Œdème papillaire dans l’hypertension


intracrânienne idiopathique
I. Riss

L’hypertension intracrânienne idiopathique est généralement aisément reconnue chez une femme obèse
présentant des céphalées, un œdème papillaire et une atteinte de la fonction visuelle. Tous les patients
doivent bénéficier d’une neuro-imagerie moderne pour exclure un syndrome de masse. L’œdème
papillaire vrai doit être soigneusement distingué d’un pseudo-œdème. La ponction lombaire établit le
diagnostic en montrant des pressions d’ouverture élevées avec un liquide céphalospinal normal. Les
mécanismes et les étiologies de l’élévation de la pression dans l’hypertension intracrânienne idiopathique
demeurent obscurs mais le rôle de la vitamine A, de l’apnée du sommeil et de la pression veineuse est de
plus en plus cité dans la littérature. Le champ visuel automatisé est le test le plus important pour le suivi.
Le traitement consiste en une perte de poids associée aux diurétiques (le topiramate agissant sur ces deux
facteurs est en cours d’essai) et à l’ouverture de la gaine des nerfs optiques ou à une autre technique de
shunt du liquide céphalospinal en cas d’échec du traitement médical. Les stents endosinusiens sont en
cours d’évaluation. Un faible pourcentage des patients garde une perte sévère de la vision en dépit du
traitement.
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Mots clés : Céphalées ; Hypertension intracrânienne ; Ouverture de la gaine du nerf optique ;


Œdème papillaire ; Pseudotumeur cérébrale ; Shunt du liquide céphalospinal ;
Thrombose veineuse cérébrale ; Stent endosinusien ; Obésité ; Éclipses visuelles

Plan ne devrait être utilisé qu’en cas d’existence d’une augmentation


de la pression intracrânienne (PIC).
L’hypertension intracrânienne idiopathique (HTICI [pseudotu-
¶ Introduction 1
mor cerebri] est considérée comme la cause la plus commune
¶ Analyse des causes de l’œdème papillaire 2 d’œdème papillaire (OP) dans la littérature anglo-saxonne. Les
Autres processus pouvant ressembler à un œdème papillaire 2 critères diagnostiques, proposés originellement par Dandy, sont
Pseudo-œdème papillaire 2 résumés, modifiés d’après Radhakrishnan et al. [1].
¶ Symptômes et signes de l’hypertension intracrânienne
idiopathique 2
Céphalées et autres symptômes non visuels 3
Symptômes visuels
Signes
3
3 “ Point fort
¶ Conduite à tenir devant un patient présentant un œdème
papillaire 4 Critères modifiés de Dandy dans le diagnostic de
Thrombose ou obstruction des sinus veineux duraux 4 l’HTICI
Malformations artérioveineuses 5 • Signes et symptômes de l’HTIC (céphalées, nausées,
Neuro-imagerie normale 5 vomissements, éclipses visuelles, œdème papillaire)
Syndrome de pseudotumor cerebri 5 • Examen neurologique normal, excepté pour la paralysie
¶ Traitement de l’hypertension intracrânienne idiopathique 6 du VI
Traitements médicaux de l’hypertension intracrânienne • Élévation de la pression du LCS, de composition
idiopathique 6 normale par ailleurs
Traitement chirurgical 7
• Neuro-imagerie montrant des petits ventricules
Stratégie de prise en charge 7
symétriques, et excluant un syndrome de masse ou toute
Résultats après traitement 8
autre cause d’élévation de la PIC
¶ Conclusion 8

Cette situation était originellement appelée otitic hydrocepha-


■ Introduction lus en raison de la forte prévalence de cas associés à des
mastoïdites infectieuses, des otites, ou des thromboses veineuses
Le terme « œdème papillaire » est fréquemment employé en cérébrales secondaires. Ce terme a été abandonné et le terme
cas de gonflement de la papille, quelle qu’en soit la cause, mais « hypertension intracrânienne bénigne » a été ensuite utilisé.

Neurologie 1
17-017-A-10 ¶ Œdème papillaire dans l’hypertension intracrânienne idiopathique

Durant les 20 dernières années, ce terme a lui aussi été aban-


donné, à cause du fait que cette situation n’est certainement pas
« bénigne » si on considère la fréquence de l’atteinte visuelle.
Les termes HTICI et pseudotumor cerebri sont tous deux utilisés.
“ Point fort
L’identification d’un OP est une urgence pour deux raisons : Étiologies des gonflements bilatéraux de la papille
• risque de découverte d’une tumeur cérébrale ; avec fonction visuelle normale
• risque d’atteinte visuelle si ces patients ne sont pas suivis et
• Rétinopathie hypertensive
traités.
• Cardiopathies congénitales cyanosantes
La cécité possible fait toute la gravité de cette pathologie.
• Apnées du sommeil
• Tumeurs de la moelle épinière
■ Analyse des causes de l’œdème • Syndrome de Guillain-Barré
• POEMS (neuropathie périphérique, organomégalie,
papillaire endocrinopathie, gammapathie monoclonale et
altérations cutanées) ou syndrome de Crow-Fukase
La première question qui se pose est : le gonflement de la
• Urémie, avec une PIC normale ou élevée
papille est-il dû à un OP par hypertension intra-
.
crânienne (HTIC) ? • Hypoxémie et anémie
L’OP dû à une augmentation de la PIC est habituellement • Processus infectieux ou inflammatoires : syphilis,
bilatéral et symétrique. sarcoïdose et méningoencéphalites (l’OP est ici consécutif
Un OP unilatéral est le plus souvent causé par une pathologie à une inflammation périneurale)
locale du nerf optique ou de l’orbite. Un OP unilatéral peut être
observé dans l’HTICI, bien que la plupart de ces cas soient
bilatéraux mais asymétriques [2-5] . Si un nerf optique est
atrophique, il ne gonfle pas, de sorte qu’un OP unilatéral peut (dysversions papillaires, papille charnue des hypermétropes),
être observé secondairement à une augmentation de la PIC l’hamartome, les fibres à myéline et les drusen de la tête du nerf
(syndrome de Foster-Kennedy). Un aspect clinique important optique. Il est habituellement impossible, sur un aspect ophtal-
permet de distinguer un OP par HTICI d’une autre cause de moscopique unique, de distinguer le vrai OP du pseudo-OP.
gonflement de la papille : à la phase initiale de l’OP, la fonction Le pseudo-OP est stable dans le temps, alors que le vrai OP
du nerf optique est préservée. Les patients présentant une varie au fur et à mesure des examens. Les caractéristiques au FO
neuropathie optique œdémateuse ont habituellement une du pseudo-OP incluent des anomalies du réseau vasculaire
atteinte de l’acuité visuelle (AV), de la vision des couleurs, du rétinien (vaisseaux surnuméraires, anomalie des embranche-
.
champ visuel (CV), et un déficit afférent pupillaire relatif (dans ments), des bords irréguliers, un enjambement normal des
les cas bilatéraux mais asymétriques, cette donnée est impor- vaisseaux au-dessus de la papille, et il n’y a ni œdème de la
tante). Les processus entraînant une neuropathie optique couche des fibres nerveuses, ni hémorragie, ni exsudat.
.
associée à un gonflement de la papille sont parfois bilatéraux, L’absence d’excavation physiologique est difficile à interpréter
mais sont souvent unilatéraux comme dans la papillite ou la car elle peut être un signe de début d’OP, d’où l’intérêt de
neuropathie optique ischémique antérieure aiguë. comparer les deux papilles. La présence d’un pouls veineux
spontané conforte le diagnostic de pseudo-OP. Les disques avec
OP présentent une fuite durant l’angiographie fluorescéinique ;
les disques avec pseudo-OP tendent à montrer une hyperfluo-

“ Point fort
rescence tardive. Les pseudo-OP présentent souvent des déficits
fasciculaires au CV ; cet examen ne peut donc être utilisé pour
distinguer un pseudo-OP d’un vrai.
Neuropathies optiques avec gonflement de la Seuls les drusen du disque optique sont fréquentes. Ce sont des
papille dépôts calcifiés au sein de la tête du nerf optique. Présentes dans
1 % à 2 % de la population, elles sont bilatérales autosomiques
• Causes infectieuses ou inflammatoires : les névrites, les
.
dominantes. Absentes à la naissance, elles deviennent apparentes
neurorétinites (avec exsudation maculaire), uvéites et à la fin de la première décennie de la vie. Superficielles, elles sont
sarcoïdose réfringentes et ressemblent à des grains de tapioca.
• Causes vasculaires : ischémies de la tête du nerf .
Profondes (mais en avant de la lame criblée), comme elles le
optique, occlusion de la veine centrale de la rétine, fistule sont durant l’enfance, elles prennent l’apparence d’une éléva-
carotidocaverneuse et papillopathie diabétique tion de la surface du disque.
• Causes infiltratives, compressives, et processus Elles sont souvent associées à une arborescence anormale des
néoplasiques : sarcoïdose, lymphome, méningiome, branches artérielles rétiniennes en « rayons de roue » secondaire
gliome, pseudotumeur orbitaire, maladie de Basedow à une trifurcation des vaisseaux du premier ordre (contrairement
• Neuropathie optique héréditaire de Leber . aux bifurcations).
• Causes traumatiques ou mécaniques, incluant Les drusen peuvent être autofluorescentes derrière un filtre
bleu cobalt.
l’hypotonie oculaire
L’échographie orbitaire met en évidence l’élévation du disque
avec présence de cônes d’ombre très marqués. Le scanner
orbitaire peut également révéler la présence de calcifications des
drusen.
Autres processus pouvant ressembler
à un œdème papillaire
Ils se présentent avec un gonflement bilatéral de la papille, ■ Symptômes et signes
avec peu ou pas d’atteinte de l’AV, de la vision des couleurs, ou
du CV, et avec une PIC normale. Ils sont recensés [6, 7].
de l’hypertension intracrânienne
idiopathique
Pseudo-œdème papillaire Ce sont les signes de l’HTIC, sans préjuger à ce stade de sa
Le terme « pseudo-œdème papillaire » est utilisé pour décrire nature idiopathique : quelques patients ont des symptômes
des variantes anatomiques ou des anomalies mimant un OP au visuels isolés avec des céphalées minimes ; chez d’autres, des
fond d’œil (FO), incluant des anomalies structurelles congénitales céphalées chroniques accaparent l’attention du médecin et l’OP

2 Neurologie
Œdème papillaire dans l’hypertension intracrânienne idiopathique ¶ 17-017-A-10

est découvert en suivant. Les symptômes les plus fréquents


incluent les maux de tête, les éclipses visuelles, les acouphènes,
les baisses de vision, les photopsies, les diplopies, et les douleurs
rétrobulbaires [8-10].
“ Point fort
Signes rares et exceptionnels dans l’HTICI
Céphalées et autres symptômes non visuels • Paralysie du IV, du III
• Déviation verticale d’Hertwig-Magendie (skew
Les maux de tête peuvent être constants ou intermittents et
deviation)
ont été décrits comme les plus sévères jamais rencontrés [11]. La
céphalée peut être pulsatile, d’intensité croissante dans la • Ophtalmoplégie externe complète et bilatérale
journée, réveillant le patient la nuit, pouvant être déclenchée • Ophtalmoplégie internucléaire avec paralysie verticale
par un changement de posture et par les manœuvres de Val- du regard avec ou sans ptosis
salva. Elle est souvent transitoirement améliorée par une • Neuropathie trigéminale
ponction lombaire (PL) [11]. Il n’y a pas de corrélation entre la • Paralysie faciale unilatérale ou bilatérale
valeur de la PIC et la sévérité de la céphalée. • Spasme hémifacial
Quelques patients présentent une raideur de la nuque. • Rhinorrhée de LCS
Une douleur rétro-oculaire lors des mouvements oculaires, • Déficit hypophysaire partiel et transitoire
rare dans les autres céphalées, peut aider à distinguer ce • Hernie mortelle des amygdales cérébelleuses après PL
syndrome douloureux [11, 12]. Les douleurs radiculaires dans la
• Signes ophtalmoscopiques et anomalies visuelles
nuque, les bras, ou la région lombaire résulteraient d’irritations
des racines nerveuses secondaires à un élargissement de la dure- atypiques
mère. Soixante pour cent des patients se plaignent de bruits C BAV brutale secondaire à une atteinte vasculaire :
intracrâniens pulsatiles, prenant la forme d’acouphènes occa- ischémie optique antérieure aiguë, occlusion de
sionnellement audibles à l’auscultation. Ces bruits résulteraient l’artère ou de la veine centrale de la rétine
d’une transmission des pulsations du liquide céphalospinal C BAV (parfois aiguë) due à des altérations maculaires,
(LCS) aux sinus veineux duraux, conduisant à un flux sanguin incluant : stries choriorétiniennes ; exsudats ;
turbulent [13]. hémorragies sous-rétiniennes issues de membranes
néovasculaires ; hypermétropie acquise avec plis
Symptômes visuels choroïdiens
Une perturbation de la voie visuelle peut conduire à des
symptômes dits « négatifs », tels qu’assombrissement, impres-
sion de vision à travers un verre dépoli, intriqués en général à
contrastes normale. Un déficit relatif de l’afférence pupillaire est
d’autres phénomènes déficitaires, comme par exemple une
diminution de l’acuité visuelle, un scotome ou toute autre parfois observé. Toutefois, alors qu’il est habituel dans les
réduction systématisée du CV. Dans d’autres cas, la symptoma- neuropathies optiques asymétriques, il fait le plus souvent
tologie se traduit par des phénomènes positifs, phosphènes, défaut dans l’HTICI en raison du caractère le plus souvent
photopsies, hallucinations visuelles élémentaires, mais aussi bilatéral symétrique de l’atteinte. La plupart des auteurs
photophobie et éblouissement. Les patients atteints d’HTICI déconseillent l’utilisation des potentiels évoqués visuels (PEV)
chronique décrivent fréquemment ces symptômes, qui sont pour suivre l’évolution en cas d’HTICI.
souvent attribués à tort à une migraine.
Signes
Éclipses visuelles
Elles sont présentes chez 70 % des patients ; ce sont de brefs Champ visuel
épisodes d’obscurcissements visuels, souvent déclenchés par des
Les déficits du champ visuel en cas d’HTICI sont similaires à
changements de position, notamment en se relevant. La
brièveté de ces éclipses les distingue d’autres causes de cécité ceux rencontrés dans d’autres affections de la tête du nerf
monoculaire transitoire (migraine, amaurosis fugax ischémique). optique (glaucome). La fréquence des altérations du CV est de
Les éclipses ne sont pas corrélées avec le degré de l’HTICI ou à 75 % en périmétrie manuelle et de 77,5 % en périmétrie
l’OP, et ne présagent pas d’une altération visuelle automatisée [15]. L’hypertension et le gain de poids récent sont
permanente [8]. des facteurs de risque significatifs. Les altérations du CV et la
BAV sont les principales causes de la morbidité dans l’HTICI [10].
Baisse d’acuité visuelle (BAV) Les déficits sont nasaux inférieurs, puis arciformes, suivis par
une constriction du champ [10]. Une cécité complète et une
Elle est consécutive à une neuropathie optique ou plus
atrophie optique peuvent apparaître. Les déficits centraux du
rarement à une atteinte maculaire secondaire à l’OP (décolle-
CV et les métamorphopsies sont rencontrés dans les atteintes
ment séreux, exsudation maculaire), ou de causes plus rares.
maculaires. L’élargissement de la tache aveugle est une consé-
L’atteinte visuelle est insidieuse ; les patients ne sont pas
quence de l’OP ; il est amélioré par la correction optique. Les
conscients d’une atteinte du CV car la vision centrale est
épargnée, même tardivement dans l’évolution de la maladie. modifications du diamètre des nerfs optiques à l’examen aux
Une atteinte sévère de l’AV est rare sauf quand l’OP est chroni- ultrasons dans l’HTICI sont associées aux altérations des seuils
que ou en cas d’atteinte maculaire. L’association d’une perte périmétriques [16, 17]. Les patients avec un OP doivent être suivis
sévère de la fonction visuelle semble être associée à des troubles par des champs automatisés au seuil répétitifs. La périmétrie
psychiatriques compliquant la prise en charge [14]. cinétique de Goldmann est plus appropriée chez les patients
présentant une perte visuelle sévère, chez les patients non
Diplopie coopérants et pour les jeunes enfants.
Présente dans 20 % des cas, elle peut être intermittente et Fond d’œil
présente de loin uniquement, car résultant d’une dysfonction de
la sixième paire. Œdème papillaire
L’OP bilatéral, parfois asymétrique, est aussi parfois absent [2,
Vision colorée et fonction pupillaire 18-21].
Si aucun OP n’est évident, il n’y a pas de risque d’altéra-
Elles sont classiquement normales quand la vision centrale tion visuelle. Cependant, pour chaque patient considéré
est préservée. Près de la moitié des patients a une sensibilité aux individuellement, la sévérité de l’OP ne peut prédire la gravité

Neurologie 3
17-017-A-10 ¶ Œdème papillaire dans l’hypertension intracrânienne idiopathique

de l’altération visuelle. En cas d’asymétrie, on peut présumer


que la PIC est transmise de manière asymétrique aux gaines du
■ Conduite à tenir devant
nerf optique. La force du LCS sous pression est transmise aux un patient présentant un œdème
tissus fluides entre les axones de la tête du nerf optique,
conduisant à une stase axoplasmique dans la portion prélami-
papillaire (Fig. 1)
naire du nerf optique. Ceci conduit à terme à un gonflement Tout patient atteint d’OP nécessite un recueil de l’anamnèse,
des axones, observé ophtalmoscopiquement comme un gonfle- de l’examen général, neurologique et neuro-ophtalmologique.
ment du disque optique. Le développement de l’OP requiert Les syndromes qui peuvent entraîner une augmentation de la
habituellement au moins 1 à 5 jours d’une augmentation PIC sont résumés (adapté suivant Corbett).
persistante de la PIC au-dessus de 20 à 25 cmH2O. Un OP
débutant apparaît d’abord aux deux pôles supérieur et inférieur
de la papille, puis en nasal, et finalement en temporal. L’épais-
sissement de la couche des fibres nerveuses masque les vais-
seaux sous-jacents et rend flous les bords de la papille.
“ Point fort
L’épaississement du disque optique et des axones retentit sur la
Syndromes pouvant entraîner une élévation de la
rétine adjacente et cause des plis circonférentiels à la papille
appelés lignes de Paton. Malgré le blocage du transport axoplas-
PIC
mique lent et rapide dans l’OP par HTICI, il n’y a pas d’altéra- • Causes primaires : HTICI avec ou sans œdème papillaire
tion de la fonction visuelle parce que l’impulsion nerveuse est • Causes secondaires
conduite par la membrane axonale et non par l’axoplasme, et C Hydrocéphalie
aussi parce que le blocage du flux axoplasmique est partiel. C Syndrome de masse : tumeur, hémorragie, infarctus
large, abcès
Modifications vasculaires consécutives à l’OP C Méningite/encéphalite
Elles peuvent être documentées par une angiographie C Hémorragie subarachnoïdienne
fluorescéinique. C Traumatisme
La compression des capillaires et des veinules de la papille C MAV
entraîne une stase veineuse et une dilatation, la formation de C Obstruction veineuse intra- ou extracrânienne
microanévrismes, ainsi que des hémorragies papillaires et C Maladies systémiques, médicamenteuses, grossesse
péripapillaires ; le disque devient hyperhémié et des nodules
dysoriques apparaissent (ischémie au sein même de la couche
des fibres nerveuses). Une compression de la veine centrale de Les éléments du diagnostic positif et du diagnostic différentiel
la rétine peut induire un engorgement veineux, des tortuosités de l’HTICI sont recueillis de manière stéréotypée.
et une disparition du pouls veineux spontané. La présence d’un La mesure de la pression artérielle dépiste une hypertension
pouls veineux spontané implique que la PIC est inférieure à systémique. L’examen scanographique est l’examen de choix en
18 cmH2O au moment de l’observation, et constitue un bon cas d’atteinte aiguë (vasculaire, traumatique), ou chez les
témoin d’une PIC normale à cet instant précis. L’absence d’un patients qui présentent une contre-indication à l’imagerie par
pouls veineux spontané n’implique pas l’existence d’une HTICI, résonance magnétique (IRM). L’IRM cérébrale est préférée au
10 % à 20 % de la population normale n’en ayant pas. scanner avec produit de contraste. L’hydrocéphalie, les lésions
.
de masse, les thromboses de sinus veineux et les malformations
OP chronique artérioveineuses (MAV) durales doivent être éliminées. Les
.

Le disque optique prend l’apparence d’un bouchon de découvertes les plus communes dans l’HTICI comprennent
fréquemment un écrasement des ventricules en « fente », une
champagne après plusieurs semaines ou plusieurs mois. Typi-
.

selle turcique vide ou arachnoïdocèle intrasellaire, la dilatation


quement, les hémorragies péripapillaires sont absentes avec la
des gaines du nerf optique, l’aplatissement du pôle postérieur
présence d’exsudats blancs recouvrant le disque, représentant
.

du globe, l’élévation de la surface du disque optique, avec un


des axoplasmes extrudés. Il peut aussi se développer une aspect inversé de la tête du nerf optique [25, 26]. La pratique de
circulation veineuse collatérale ou vaisseaux de shunt et, plus l’échographie orbitaire, montrant une dilatation des espaces
. rarement, une néovascularisation sous-rétinienne péripapillaire. périoptiques, nous semble réservée aux cas où les examens
Quand les fibres nerveuses meurent, le disque s’atrophie, neuroradiologiques ne peuvent pas être pratiqués et nécessite
devient pale et moins œdémateux. un opérateur très entraîné.
Un problème sémiologique spécifique se pose quand le FO est Si la suspicion d’anomalie vasculaire est forte, l’angio-IRM est
initialement observé à la phase chronique ou quand celui-ci est nécessaire. Les thrombus se rehaussent sur la séquence T1 pon-
absent [22], entrant dans un cadre nosologique hors sujet. dérée de l’IRM avec injection de gadolinium. Une angiographie
conventionnelle avec temps veineux peut être nécessaire.
OP incipiens
Certains travaux font mention de patients avec HTIC sans Thrombose ou obstruction des sinus
OP : il s’agit de femmes obèses qui souffrent de céphalées veineux duraux
quotidiennes associées à des symptômes d’HTIC et qui présen-
tent souvent dans leurs antécédents un traumatisme crânien, Elles ont une présentation neuro-ophtalmologique similaire à
une méningite ou une hémorragie sous-arachnoïdienne. Une celle de l’HTICI. Elles sont fréquentes [27] . Les causes de
formation de thrombus dans les sinus veineux sont
augmentation de l’épaisseur des fibres nerveuses en tomogra-
multiples [28-30], mais peuvent être réparties en quatre catégo-
phie optique cohérente permet parfois de faire le diagnostic. De
ries :
plus, une augmentation de l’épaisseur des fibres nerveuses en
• hypercoagulabilité ;
tomographie optique cohérente, alors que l’épaisseur des fibres • infection : mastoïdite, otite moyenne avec thrombophlébite ;
nerveuses mesurée en polarimétrie par balayage au laser est • néoplasies comprimant un sinus veineux avec thrombus de
abaissée, permet de mettre en évidence une souffrance du nerf celui-ci ;
. optique bien avant la dégradation du champ visuel. La tomo- • ligature d’une veine, d’un sinus, cathétérisme veineux, fistule
graphie du nerf optique, si elle est anormale, permet de artérioveineuse sous-clavière, syndrome cave supérieur ;
réorienter le diagnostic étiologique d’une céphalée [23]. Le traitement dépend de la condition sous-jacente, et un
La tomographie du nerf optique est également utile pour le traitement anticoagulant peut être requis [31-33] . L’atteinte
suivi de l’efficacité des traitements [24]. visuelle est prise en charge comme dans l’HTICI ; cependant, les

4 Neurologie
Œdème papillaire dans l’hypertension intracrânienne idiopathique ¶ 17-017-A-10

Figure 1. Arbre décisionnel. Conduite à tenir


Œdème papillaire devant un œdème papillaire (OP). HTIC :
hypertension intracrânienne ; IRM : imagerie
par résonance magnétique ; HTIC : hyperten-
sion intracrânienne idiopathique.
Examen ophtalmologique

Pseudo-œdème
OP unilatéral OP bilatéral
papillaire (drusen)

Neuropathie optique Étiologies avec fonction


HTIC
œdémateuse visuelle normale

Examen neurologique,
ponction lombaire, IRM

Causes secondaires Causes primitives


d’HTIC d’HTIC

En rapport avec des causes


« Idiopathique »
médicamenteuses, toxiques,
HTICI
maladies systémiques
Pseudotumor cerebri
(cf. Tableau 1)

Associations possibles

diurétiques, qui aggravent le thrombus, sont contre-indiqués. La un processus infectieux, inflammatoire ou hémorragique.
mise en place de stent endosinusien du sinus latéral s’est avérée Occasionnellement, le LCS peut présenter un dosage bas en
récemment une très bonne solution [34, 35]. protéines [41].

Malformations artérioveineuses Syndrome de pseudotumor cerebri


Les MAV qui se drainent dans les sinus veineux peuvent
Si les études de neuro-imagerie sont normales, ou ne révèlent
élever la PIC avec OP sans dilatation des ventricules, par
aucune lésion structurelle, si les constituants du LCS sont
accroissement du flux veineux et/ou par constitution d’une
normaux et que les pressions prises par voie lombaire sont
thrombose veineuse. Une MAV durale est difficile à reconnaître
élevées, par définition le patient possède un syndrome de
en imagerie [36-39] , et l’angio-IRM est requise. Lorsque les
pseudotumor cerebri (HTICI).
données démographiques du patient sont atypiques d’une
HTICI (homme, maigreur, ou enfant), ce diagnostic nécessite Dans l’HTICI, les patients sont habituellement des jeunes
d’être rigoureusement exclu. femmes adultes, obèses, aux grossesses répétées ou qui présen-
tent un gain de poids récent [1, 8-10, 42, 43]. Les hommes repré-
sentent 10 % à 15 % des cas ; ils ont tendance à être plus obèses
Neuro-imagerie normale que dans une population contrôle. Chez l’enfant, le sex-ratio est
Si la neuro-imagerie est normale, une PL est nécessaire pour de 1 [44]. L’apparition d’un pseudotumor cerebri chez un homme
documenter une pression d’ouverture élevée et pour éliminer mince doit faire rechercher une maladie entraînant une occlu-
une méningite. Chez un patient obèse, une PL guidée radiolo- sion veineuse. L’incidence de l’HTICI est approximativement de
giquement peut être nécessaire. Les PL ne doivent pas être 1 à 2 pour 100 000 et de 8 à 21 pour 100 000 chez les femmes
réalisées en cas d’amygdales cérébelleuses basses (malformation obèses entre 15 et 44 ans [45, 46]. Le syndrome peut être familial
de Chiari), en raison du risque fatal d’engagement. Pour établir et transmis selon un mode autosomique récessif. Les cas
le diagnostic d’HTICI, la pression d’ouverture des gaines du LCS familiaux sont, dans la règle, associés à une obésité. Ces
doit dépasser 250 mmH2O chez l’adulte obèse, 200 mmH2O dernières années, un nombre croissant de sujets de 5 à 15 ans
chez l’adulte non obèse et l’enfant âgé, et 150 mmH2O chez le est touché par l’affection. Dans cette tranche d’âges, on ne
nourrisson et le petit bébé [40]. La pression du LCS doit être relève pas de prédominance féminine.
mesurée en décubitus latéral pour éviter une mesure élevée L’évaluation initiale doit inclure des examens sanguins
induite par l’augmentation de la pression abdominale si le (vitesse de sédimentation, comptage cellulaire complet, sérologie
patient est assis ou courbé en deux. Les patients bénéficient syphilitique, dosage du calcium, des phosphates, de la créati-
souvent de l’amélioration de leurs céphalées après PL ; cepen- nine et des électrolytes), un CV (Goldmann et/ou automatisé)
dant, des céphalées d’hypotension sont possibles. et des photographies stéréoscopiques du disque optique.
Le LCS doit avoir une composition normale (incluant les Beaucoup de maladies générales, de médicaments, de déficience
protéines et le glucose) et sans anomalie cytologique, éliminant en vitamines ou leur excès, la grossesse, et des syndromes

Neurologie 5
17-017-A-10 ¶ Œdème papillaire dans l’hypertension intracrânienne idiopathique

congénitaux ont été associés avec le pseudotumor cerebri (pseudo- Tableau 1.


tumor cerebri secondaire). Beaucoup de ces associations rappor- Étiologies rapportées de causes de pseudotumor cerebri.
tées pourraient être fortuites et certaines sont discutées [26]. Ces Causes nutritionnelles :
associations sont recensées dans le Tableau 1 [9].
- hypervitaminose A ou hypovitaminose A
Un mécanisme d’action a été suggéré dans certains cas :
- rachitisme par carence en vitamine D
diminution de l’absorption du LCS par fibrose des méninges
induite par une hypovitaminose A, augmentation de la produc-
Médicaments et autres agents exogènes :
tion du LCS au niveau des plexus choroïdes par une hypervita-
minose A, effet inhibiteur du lithium sur l’adénosine - acide nalidixique, tétracyclines, minocycline, nitrofurantoïne,
pénicilline
triphosphatase (ATPase) de la pompe Na+/K+ au niveau des
villosités arachnoïdiennes, ce qui interfère aussi avec le trans- - ofloxacine, ciprofloxacine
port de la vitamine A, effet sur l’adénosine monophosphate - amiodarone
(AMP) cyclique des tétracyclines au niveau des villosités - lithium
arachnoïdiennes, inhibition des prostaglandines par les médica- - phénytoïne
ments anti-inflammatoires non stéroïdiens induisant une - cytosine arabinoside
rétention sodée et hydrique. Une susceptibilité génétique a été - ciclosporine
évoquée pour certains médicaments, en particulier pour les - danazol ou sevrage en danazol
tétracyclines, en raison de la survenue d’une HTIC chez des - acide transrétinoïque, trétinoïne, isotrétinoïne
membres de la même famille et dans un cas chez des frères
- indométacine ou kétoprofène dans le syndrome de Bartter
jumeaux [47].
- exposition à un insecticide - lindane, chlordécone
Les syndromes d’apnées du sommeil (SAS) peuvent être
- stéroïdes, incluant stéroïdes locaux et anabolisants, et sevrage
associés avec une PIC élevée. Tout patient suspect d’HTICI,
en corticoïdes
particulièrement l’homme d’âge moyen, doit être questionné
sur sa façon de dormir (ronflements et apnée). Une étude du - oxytocine, hormone de croissance
sommeil peut être indiquée et le traitement de l’apnée du - gonadotrophine chorionique humaine (bêta-hCG),
sommeil normalise souvent la PIC [48]. dépomédroxyprogestérone
La multiplicité des causes invoquées suggère dans les méca- - L-thyroxine dans le traitement de l’hypothyroïdisme juvénile
nismes possibles une « voie finale commune », reposant proba-
Dysfonctionnements endocriniens et métaboliques, grossesse
blement sur une diminution de la résorption du LCS, secondaire
soit à un dysfonctionnement des villosités arachnoïdiennes, soit - grossesse et post-partum, puberté, syndrome de Turner
à une élévation de la pression veineuse intracérébrale [49, 50], ce - hyperthyroïdie, hypothyroïdie, hypoparathyroïdie,
qui expliquerait les occlusions veineuses rencontrées dans les pseudohypoparathyroïdie
SAS [51]. Cependant, une résorption anormale à la cisternogra- - maladie d’Addison, maladie de Cushing
phie isotopique peut être simplement secondaire à l’élévation de
la PIC [52] . On peut citer également l’augmentation de la Maladies systémiques (certaines pouvant occasionner une occlusion
veineuse)
pression abdominale liée à l’obésité, qui augmente la pression
veineuse, l’augmentation du taux de formation du LCS qui - lupus érythémateux disséminé, sarcoïdose, syndrome de Behçet
pourrait bien correspondre aux causes métaboliques et médica- - mucoviscidose
menteuses de l’HTICI, mais qui entraîne généralement une - syndrome des anticorps antiphospholipides
hydrocéphalie (par exemple, papillome du plexus choroïde), et - syndrome de Reye
les causes endocriniennes, qui expliqueraient la haute incidence
chez la femme jeune, mais les anomalies endocriniennes Anomalies hématologiques incluant les cas malins
patentes restent inconstantes ou peu probantes cependant. - anémie ferriprive, anémie pernicieuse et autres anémies
mégaloblastiques
- thrombocythémie et thrombocytose
■ Traitement de l’hypertension - cryofibrinogénémie, fibrinogène anormal ou en augmentation sérique
- cryoglobulinémie
intracrânienne idiopathique - maladie de Hodgkin, maladie de Castleman, leucémie, myélome
Le traitement a deux buts majeurs : la disparition des symp- - déficience en protéine S, en antithrombine III
tômes et la préservation de la fonction visuelle. - hyperplasie ganglionnaire angiofolliculaire multicentrique
- hémoglobinurie paroxystique nocturne
- purpura thrombocytopénique
Traitements médicaux de l’hypertension - polyglobulie
intracrânienne idiopathique
Insuffisance respiratoire chronique, syndrome de Pickwick et apnée
L’acétazolamide (Diamox®) à la dose de 2 à 4 g/j a prouvé du sommeil
son efficacité, et le furosémide (Lasilix®), qui inhibe la produc-
tion du LCS, a un effet additif sur l’acétazolamide [53]. Les Insuffisance rénale et urémie
corticoïdes sont efficaces en urgence [54], mais ne sont plus Transplantation rénale ou hématopoïétique
utilisés au long cours. Les PL répétées sont abandonnées en Infection par le VIH et sida, fièvre typhoïde
raison de leurs résultats douteux, de risques infectieux et de
Maladie de Lyme, neurosarcoïdose, syndrome de Guillain-Barré
l’apparition de tumeurs épidermoïdes de la moelle.
Quand les fonctions visuelles se détériorent, les thérapeuti- Fièvre méditerranéenne familiale
ques chirurgicales doivent être envisagées. Les deux procédures Syndrome de Tolosa-Hunt
principales sont la dérivation lombopéritonéale (DLP) et la Mucopolysaccharidoses
fenestration des gaines du nerf optique (FNO).
Après arthrodèse occipitocervicale et immobilisation dans un corset
La perte de poids [55] améliore nettement l’évolution. Le
topiramate est utile pour la prise en charge symptomatique des Pseudotumor cerebri familiale (possiblement autosomique récessive
douleurs, pour diminuer la PIC et possède de plus l’avantage de ou dominante)
favoriser l’amaigrissement [52, 56-58]. Mais il n’est pas dénué VIH : virus de l’immunodéficience humaine ; sida : syndrome de l’immuno-
d’effet secondaire (glaucome aigu). déficience acquise.

6 Neurologie
Œdème papillaire dans l’hypertension intracrânienne idiopathique ¶ 17-017-A-10

Traitement chirurgical succès est de 55 % à 3 ans, 38 % à 5 ans, et 16 % à 6 ans après


la chirurgie [79]. Ces patients doivent avoir une surveillance de
Dérivations du liquide céphalospinal leur CV pendant de nombreuses années. Les yeux qui ont subi
plusieurs FNO sont moins susceptibles de s’améliorer et présen-
• La DLP peut entraîner la disparition des maux de tête, de la tent plus de complications vasculaires [82]. Les céphalées sont
diplopie et de l’OP et peut inverser la perte de la fonction mieux contrôlées par la DLP que par la FNO. La plupart des
visuelle [59-62]. La principale complication est l’échec de la échecs de la DLP apparaissent dans les 2 à 3 mois postopératoi-
dérivation [60, 62, 63] . Les autres complications rapportées res et une DLP qui fonctionne plus de 1 an a un risque faible
sont un décès, l’hypotension intracrânienne, les radiculopa- de nécessiter une révision [60]. Les échecs tardifs après DLP
thies lombaires, l’infection du shunt, les douleurs abdomina- existent et peuvent être traités avec succès par d’autres DLP ou
les, les perforations intestinales, les migrations du cathéter, par une FNO, comme les échecs de FNO peuvent être traités par
l’hémorragie subdurale et la perte de vision [60, 62-64] , la d’autres FNO ou par une DLP. La question du choix entre une
hernie des amygdales cérébelleuses et la syringomyélie [63, 65]. procédure ou l’autre demeure sans réponse jusqu’au jour où une
Une DLP peut être nécessaire si les céphalées persistent après étude prospective et randomisée sera menée, comparant l’effi-
une FNO [66]. Une FNO est nécessaire si la DLP est fonction- cacité de la DLP et de la FNO chez les patients atteints d’HTICI.
nelle mais inefficace sur la fonction visuelle [67, 68].
• La dérivation ventriculopéritonéale est devenue possible grâce Mise en place de stent endosinusien dans le sinus
aux progrès techniques permettant la mise en place d’un
latéral
cathéter dans les ventricules de petite taille ; cependant, si cette
technique semble plus efficace pour traiter l’OP, elle semble L’HTIC par sténose d’un sinus latéral peut être traitée par
également associée à un taux d’échec moins important [69, 70]. stent endosinusien [35, 70, 86, 87], mais ces stratégies nécessitent
une meilleure évaluation.
Fenestration des gaines du nerf optique
Elle améliore ou stabilise la fonction visuelle dans 70 % des Stratégie de prise en charge
cas et présente moins de complications que la DLP [66-68, 71-79].
Les stratégies couramment admises de l’HTICI sont résumées.
La technique en France a été étudiée par l’école de
Une attitude graduelle semble la plus adaptée.
Montpellier [80].
La FNO unilatérale est efficace sur les deux nerfs optiques
dans l’HTICI secondaire [71, 75, 81]. Il existe des échecs tardifs de
la FNO qui pourraient être prévenus par une technique amélio-
rée [78]. Les patients pour lesquels on n’a pas pu mettre en
évidence de causes expliquant une baisse de vision après FNO,
“ Point fort
et qui ne répondent pas aux corticoïdes par voie intraveineuse,
doivent être proposés pour une DLP en urgence [66]. Traitement de l’HTICI fondé sur la sévérité et la
Les céphalées disparaissent dans 50 % des cas après FNO [82]. progression des déficits visuels
Les complications de la FNO sont habituellement mineures et • Absence de déficit visuel
comprennent le déficit oculomoteur transitoire et une pupille C perte de poids
tonique transitoire. Les complications majeures sont rares et C acétazolamide (500-2 000 mg/j)
sont résumées [82-85]. • Déficit visuel faible à modéré
C acétazolamide, jusqu’à 2-3 g/j
C ou furosémide (40-80 mg/j) et perte de poids
• Déficit sévère ou progressif
“ Point fort C FNO
C stéroïdes à fortes doses en intraveineux et
Complications de la fenestration des gaines du acétazolamide
nerf optique C shunt lombopéritonéal en cas d’échec de la FNO ou
• Désordres oculomoteurs (désinsertion du droit interne en cas de céphalées rebelles
ou paralysies du III et du VI)
• Pupilles toniques sectorielles transitoires ou
permanentes Absence de déficit visuel
• Chémosis, kystes ténoniens sous-conjonctivaux
• Cicatrices choriorétiniennes résultant d’une traction Les patients avec un OP modéré peuvent seulement être
soigneusement surveillés.
excessive sur le globe oculaire
Tous nécessitent des monitorages sériés de l’AV et du CV. La
• Hémorragies péripapillaires, orbitaires réduction du poids peut améliorer l’OP [88, 89]. Les céphalées
• Traumatisme du nerf optique sont traitées avec des antalgiques, des anti-inflammatoires non
• Fibres à myéline (5 à 6 années en postopératoire, stéroïdiens, ou des bêtabloquants. L’acétazolamide peut être
d’origine post-traumatique ?) utilisée également mais peut être inutile.
• Ulcère cornéen à streptocoques, dacryocystite
• Glaucome par fermeture de l’angle peropératoire Déficit modéré ou moyen
• Détérioration de la fonction visuelle L’acétazolamide à la dose de 250 à 500 mg en une ou
• Occlusion de l’artère centrale de la rétine ou d’une de .
plusieurs prises peut être augmentée à 3 g/j si nécessaire. La
ses branches plupart des individus répondent bien à l’acétazolamide, avec
une disparition des déficits du CV et de l’OP en 3 à 6 mois, puis
le traitement est diminué. Si l’acétazolamide n’est pas toléré, le
furosémide (40-80 mg/j) est utilisé en surveillant la kaliémie et
La FNO et la DLP ont leurs propres avantages et inconvé-
la fonction rénale.
nients, et peuvent toutes les deux échouer. Approximativement,
un tiers des patients subissant une FNO ne verra pas ses maux
Perte de vision sévère ou progressive
de tête s’améliorer et seulement approximativement les trois
quarts des FNO apparaissent fonctionnelles 6 mois après la En cas de perte de vision sévère d’emblée, ou progressive
chirurgie. La probabilité de fonctionnement des FNO décroît malgré la prise en charge médicale, un traitement plus agressif
régulièrement après cette période, de telle sorte que le taux de est nécessaire. Si le déficit du CV est profond ou soudain, de

Neurologie 7
17-017-A-10 ¶ Œdème papillaire dans l’hypertension intracrânienne idiopathique

fortes doses de stéroïdes par voie intraveineuse combinées à


l’acétazolamide constituent l’option thérapeutique suivie d’une Cet article a fait l’objet d’une prépublication en ligne : l’année du copyright
FNO. Celle-ci est également indiquée en cas de non-compliance peut donc être antérieure à celle de la mise à jour à laquelle il est intégré.
au traitement médical ou à sa surveillance. En postopératoire, .

l’amélioration des CV survient dans 80 % à 90 % des cas et les


céphalées s’améliorent dans 70 % des cas. Quand les deux yeux ■ Références
sont atteints, l’œil présentant le moins bon score visuel doit être [1] Radhakrishnan K, Ahlskog JE, Garrity JA, Kurland LT. Idiopathic
opéré en premier. Dans 50 %-70 % des cas, l’œil controlatéral intracranial hypertension. Mayo Clin Proc 1994;69:169-80.
s’améliore après la chirurgie unilatérale ; si le second œil [2] Chari C, Rao NS. Benign intracranial hypertension--its unusual mani-
demeure sévèrement atteint, la chirurgie peut être effectuée festations. Headache 1991;31:599-600.
quelques jours plus tard. La chirurgie bilatérale simultanée n’est [3] Lepore FE. Unilateral and highly asymmetric papilledema in
pas effectuée de manière routinière. Le shunt lombopéritonéal pseudotumor cerebri. Neurology 1992;42:676-8.
est généralement utilisé chez les patients pour qui les céphalées [4] Strominger MB, Weiss GB, Mehler MF. Asymptomatic unilateral
constituent le principal problème, ou chez qui apparaît une papilledema in pseudotumor cerebri. J Clin Neuroophthalmol 1992;12:
perte de vision progressive en dépit de la FNO. La dérivation 238-41.
ventriculopéritonéale peut être utilisée aussi bien, avec moins de [5] To KW, Warren FA. Unilateral papilledema in pseudotumor cerebri.
risques d’échec [69, 70]. Arch Ophthalmol 1990;108:644-5.
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Cas de la grossesse organomegaly, endocrinopathy, monoclonal gammopathy, and skin
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L’acétazolamide doit être réservée à une utilisation durant les [7] Hykin PG, Spalton DJ. Bilateral perineuritis of the optic nerves.
deux derniers trimestres (drogue tératogène). D’autres diuréti- J Neurol Neurosurg Psychiatry 1991;54:375-6.
ques, de même que la réduction de poids, ne peuvent pas être [8] Giuseffi V, Wall M, Siegel PZ, Rojas PB. Symptoms and disease asso-
employés. La DLP peut être utilisée pendant la grossesse [90]. ciations in idiopathic intracranial hypertension (pseudotumor cerebri):
a case-control study. Neurology 1991;41:239-44.
Résultats après traitement [9] Ireland B, Corbett JJ, Wallace RB. The search for causes of idiopathic
intracranial hypertension. A preliminary case-control study. Arch
La plupart des patients présentant une atteinte visuelle Neurol 1990;47:315-20.
modérée ou moyenne retrouvent leur vision après la thérapeu- [10] Wall M, George D. Idiopathic intracranial hypertension. A prospective
tique médicale. Les patients avec une perte sévère de la fonction study of 50 patients. Brain 1991;114(Pt1A):155-80.
visuelle présentent fréquemment un déficit résiduel au niveau [11] Wall M. The headache profile of idiopathic intracranial hypertension.
de l’acuité ou du champ visuel, invalidant dans près de 5 % des Cephalalgia 1990;10:331-5.
cas. Rarement, l’évolution est défavorable et aboutit à une [12] Skau M, Brennum J, Gjerris F, Jensen R. What is new about idiopathic
atrophie optique secondaire. Cependant, le risque de récidive intracranial hypertension? An updated review of mechanism and
existe et nécessite une surveillance [91]. treatment. Cephalalgia 2006;26:384-99.
[13] Sismanis A, Butts FM, Hughes GB. Objective tinnitus in benign
intracranial hypertension: an update. Laryngoscope 1990;100:33-6.
■ Conclusion [14] Ney JJ, Volpe NJ, Liu GT, Balcer LJ, Moster ML, Galetta SL.
Functional visual loss in idiopathic intracranial hypertension.
L’HTICI est aisément reconnue chez une femme obèse Ophthalmology 2009;116:1808-13.
présentant des céphalées, des éclipses visuelles et un OP. Une [15] Wall M, Montgomery EB. Using motion perimetry to detect visual field
exploration en neuro-imagerie moderne afin d’éliminer un defects in patients with idiopathic intracranial hypertension: a
syndrome de masse est impérative. Un vrai OP doit être comparison with conventional automated perimetry. Neurology 1995;
45:1169-75.
distingué d’un pseudo-OP. La PL établit le diagnostic avec de
[16] Hedges 3rd TR, Legge RH, Peli E, Yardley CJ. Retinal nerve fiber layer
hautes pressions d’ouverture des gaines rachidiennes et une
changes and visual field loss in idiopathic intracranial hypertension.
composition normale du LCS.
Ophthalmology 1995;102:1242-7.
Le mécanisme et les étiologies d’élévation de la pression dans [17] Salgarello T, Tamburrelli C, Falsini B, Giudiceandrea A, Colotto A.
l’HTICI ne sont pas clairement reconnus et restent un sujet de Optic nerve diameters and perimetric thresholds in idiopathic
recherche passionnant. L’exploration par CV automatisé est le intracranial hypertension. Br J Ophthalmol 1996;80:509-14.
test le plus important dans le suivi des patients, et le traitement [18] Greenfield DS, Wanichwecharungruang B, Liebmann JM, Ritch R.
est résumé par la perte de poids, la prise de diurétique et la Pseudotumor cerebri appearing with unilateral papilledema after
FNO, ou par une DLP. La plupart des patients réagissent bien, trabeculectomy. Arch Ophthalmol 1997;115:423-6.
mais un petit pourcentage d’entre eux développe une perte [19] Marcelis J, Silberstein SD. Idiopathic intracranial hypertension without
visuelle sévère et invalidante malgré le traitement. papilledema. Arch Neurol 1991;48:392-9.
[20] Mathew NT, Ravishankar K, Sanin LC. Coexistence of migraine and
idiopathic intracranial hypertension without papilledema. Neurology
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“ Point fort
[21] Torbey MT, Geocadin RG, Razumovsky AY, Rigamonti D,
Williams MA. Utility of CSF pressure monitoring to identify idiopathic
intracranial hypertension without papilledema in patients with chronic
Le risque de cécité fait toute la gravité de l’HTICI daily headache. Cephalalgia 2004;24:495-502.
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rechercher systématiquement car ils peuvent ne pas être nication & Livre des Abstracts.
au premier plan. [23] Riss I. Douleurs orbitaires et périorbitaires. In: 19e journée régionale du
• Différencier : l’examen en milieu ophtalmologique de Groupe Aquitaine Douleur. 14-24. 2009.
l’OP est une étape décisive pour distinguer une HTIC des [24] Alessi G, Levrier O, Conrath J, Hoffart L, DonnetA, L’attention L, et al.
autres étiologies. Optical coherence tomography in following up papilledema in
• Étiqueter : l’examen neurologique et l’IRM constituent idiopathic intracranial hypertension treated with lateral sinus stent pla-
cement. J Fr Ophtalmol 2010;33:637-48.
les étapes charnière pour qualifier d’idiopathique une [25] Gibby WA, Cohen MS, Goldberg HI, Sergott RC. Pseudotumor cerebri:
HTIC reconnue et pour éliminer les pathologies veineuses. CT findings and correlation with vision loss. AJR Am J Roentgenol
• Traiter : l’approche médicochirurgicale fondée sur la 1993;160:143-6.
surveillance de l’évolution des déficits visuels est toujours [26] Manfre L, Lagalla R, Mangiameli A, Lupo F, Giuffre G, Ponte F, et al.
délicate à définir dans sa stratégie. Idiopathic intracranial hypertension: orbital MRI. Neuroradiology
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8 Neurologie
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Neuroophthalmol 1992;12:85-7. 2004;63:1737-9.

I. Riss, Professeur (isabelleriss@orange.fr).


Pôle ophtalmologique, Clinique mutualiste de Pessac, 54, avenue du Docteur-Albert-Schweitzer, 33600 Pessac, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Riss I. Œdème papillaire dans l’hypertension intracrânienne idiopathique. EMC (Elsevier Masson SAS,
Paris), Neurologie, 17-017-A-10, 2011.

Disponibles sur www.em-consulte.com


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décisionnels supplémentaires Animations légaux au patient supplémentaires évaluations clinique

10 Neurologie
 17-018-A-10

Vertige positionnel paroxystique bénin


M. Toupet, A. Bozorg Grayeli

Le vertige positionnel paroxystique bénin (VPPB) est le plus fréquent de tous les vertiges (plus d’un
tiers des cas). Il est dû à un déplacement d’otolithes, provenant de l’utricule (organe voisin), dans un
des canaux semi-circulaires. Il s’agit le plus souvent, du canal postérieur, rarement du canal latéral et
exceptionnellement du canal antérieur. L’hypothèse de la canalolithiase (déplacement d’otolithes dans un
canal sémi-circulaire) est celle qui fait l’objet d’un fort consensus médical international. Dans la majorité
des cas, le patient est réveillé au petit matin par un vertige vrai, rotatoire, bref et paroxystique (moins
de 20 s). Il voit toute la pièce tourner obliquement. Il a l’illusion que le sol monte au plafond et que le
plafond descend. Le patient comprend vite que le vertige est déclenché lors des mouvements de la tête :
c’est le caratère positionnel. Certains mouvements sont plus déclencheurs que d’autres : tête en extension
ou flexion, en se levant du lit, en s’y couchant ou en s’y retournant. Le caractère « bénin » fait référence
à l’absence de pathologie évolutive des voies vestibulaires et du système nerveux central ainsi qu’au
pronostic favorable de récupération, même si le nombre de récidives n’est pas négligeable. Ce caractère
de bénignité doit être pondéré par l’impact quotidien sur la qualité de vie du VPPB à sa phase « active »
et par le risque de complications à type de chutes, en particulier chez les personnes âgées. Cependant,
une manœuvre thérapeutique est presque toujours efficace.
© 2013 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots-clés : Otolithes ; Cupolithiase ; Canalolithiase ; Manœuvre de Semont et Toupet ; Manœuvre d’Epley ;


Syndrome de Lindsay-Hemenway

Plan ■ Évolution 13
■ Conclusion 15
■ Épidémiologie 1
■ Étiologie et physiopathologie 1
■ Association du vertige positionnel paroxystique bénin avec
d’autres situations ou maladies 2
 Épidémiologie
■ Description clinique 4 Le vertige positionnel paroxystique bénin (VPPB) représente
■ Examen clinique 4 l’étiologie la plus fréquente des vertiges : 1 % de toutes les consul-
■ Formes cliniques du vertige positionnel paroxystique bénin tations chez un généraliste [1–4] et entre 17 et 42 % de consultations
du canal postérieur 7 motivées par un vertige [5] . Selon une étude réalisée au Japon [6] , sa
prévalence atteindrait 10,7 à 17,3/100 000 habitants. En France,
■ Traitement 7 les vertiges font l’objet de 300 000 consultations par semaine
Manœuvre classique de Semont et Toupet 7 auprès des généralistes et des spécialistes, soit plus de 15 millions
Manœuvre thérapeutique d’Epley 7 de consultations par an [3, 4] , ce qui correspond à une incidence
Autres moyens thérapeutiques 7 estimée de VPPB de 10/100 000 habitants par semaine.
■ Description et traitement des autres formes cliniques 9 Ce vertige atteint les patients de tout âge avec un sex-ratio de
Vertige positionnel paroxystique bénin du canal horizontal 9 0,5 (1 homme/2 femmes) et une moyenne d’âge de 52 ans [7] .
Vertige positionnel paroxystique bénin du canal horizontal
géotropique 9
Manœuvre thérapeutique de type « tourne-broche » du vertige
positionnel paroxystique bénin du canal horizontal géotropique 9
 Étiologie et physiopathologie
Vertige positionnel paroxystique bénin du canal horizontal
Le vestibule ou le labyrinthe postérieur de l’oreille interne est
agéotropique ou apogéotropique 12
l’organe de l’équilibre. Il est en continuité avec la cochlée (laby-
Vertige positionnel paroxystique bénin du canal antérieur ou
rinthe antérieur) l’organe de l’audition (Fig. 1). Le vestibule est
supérieur 12
doté de cellules sensorielles ciliées qui détectent les mouvements
Formes multiples 12
de la tête. Cet organe informe le système nerveux central sur la
Vertige positionnel paroxystique bénin bilatéral 12
position et plus précisément sur les accélérations angulaires et
Formes discrètes 12
linéaires de la tête dans l’espace. Le vestibule est composé de
Vertige positionnel paroxystique bénin du syndrome
l’utricule, détecteur des accélérations horizontales ; du saccule,
de Lindsay-Hemenway 12
sensible aux accélérations verticales, et de trois canaux semi-
Formes récidivantes et réfractaires 12
circulaires informant les centres sur les accélérations angulaires
Vertige positionnel paroxystique bénin chez l’enfant 12
rotatoires dans les trois plans de l’espace (Fig. 2). Les cellules sen-
■ Diagnostics différentiels 13 sorielles maculaires et utriculaires sont regroupées au sein des

EMC - Neurologie 1
Volume 11 > n◦ 4 > janvier 2014
http://dx.doi.org/10.1016/S0246-0378(13)57575-0
17-018-A-10  Vertige positionnel paroxystique bénin

1 1
10
2
3
9
4 11
5 10
12
2

13 3
6 14 4
5
7
8 5 11
9
12
6
Figure 1. Labyrinthe membraneux et son innervation. En arrière, 13
l’organe de l’équilibre constitué des canaux semi-circulaires de l’utricule
et du saccule et en avant, la cochlée représentant l’organe de l’audition. 7
14
L’ensemble est situé au sein de la pyramide pétreuse, une partie
de l’os temporal. 1. Sac endolymphatique ; 2. supérieur ; 3. direction
d’observation ; 4. postérieur ; 5. utricule ; 6. latéral ; 7. saccule ; 8. canalis
reuniens ; 9. ganglion spinal cochléaire ; 10. ganglion de Scapa supé-
rieur et inférieur ; 11. nerf vestibulaire ; 12. nerf facial ; 13. nerf cochléaire ;
14. réticule vestibulaire cochléaire (Oort).
15
8
macules. Ces cellules sont reliées par leur pôle basal aux ter-
minaisons nerveuses sensitives du nerf vestibulaire. Les cils des
cellules sensorielles sont enchâssés dans la membrane otoconiale
Figure 2. Compartimentation du labyrinthe. Le labyrinthe membra-
de consistance gélatineuse. Cette gelée contient environ un mil-
neux (en jaune) est rempli d’endolymphe, un liquide dont la composition
lion de cristaux d’une taille moyenne de 10 ␮g, principalement
est proche des liquides intracellulaires (riche en potassium [K+ ] et pauvre
composés de carbonate calcium dans une matrice protéique (oto-
en sodium [Na+ ]). Il est séparé du labyrinthe osseux, le périlymphe
lithes ou otoconies) (Fig. 3).
proche d’un exsudat (pauvre en K+ et riche en Na+ ). L’homéostasie de ces
Les otolithes représentent collectivement une masse d’environ
liquides est essentielle au fonctionnement des cellules sensorielles. 1. Sac
1 mg. Ils forment une masse inertielle lors des mouvements de
endolymphatique ; 2. canal semi-circulaire postérieur ; 3. tronc commun ;
la tête. Soumis à une accélération linéaire, tous les otolithes et la
4. canal semi-circulaire latéral ; 5. ampoule ; 6. étrier dans la fenêtre ovale ;
membrane otoconiale se déplacent ensemble (Fig. 3).
7. fenêtre ronde ; 8. rampe tympanique ; 9. dure-mère ; 10. canal semi-
Dans le bouquet de cils de chaque cellule sensorielle, on
circulaire supérieur ; 11. utricule ; 12. membrane limitante ; 13. succule ;
remarque l’organisation hexagonale des stéréocils rangés en tuyau
14. rampe vestibulaire ; 15. canal cochléaire.
d’orgue et regroupés autour du kinocil (Fig. 4). Une inclinaison des
cils vers le kinocil excite la cellule sensorielle. La cellule se dépo-
larise et libère à son pôle basal un neuromédiateur, le glutamate,
paroxystique. En effet, le centre intégrateur, leurré par son canal
dans l’espace synaptique qui la sépare du neurone vestibulaire.
semi-circulaire, déduit de façon erronée qu’une rotation s’effectue
Les canaux semi-circulaires contiennent également des cellules
(yeux fermés) et impose à l’œil un nystagmus de correction.
ciliées au niveau de leurs ampoules. Les cils de ces cellules entourés
Ce phénomène s’accompagne d’un vertige qui continue yeux
d’un tissu conjonctif gélatineux qui cloisonne l’ampoule consti-
ouverts, d’un réflexe postural de rattrapage inadapté et le sujet
tuent la crête ampullaire. Cette structure détecte les accélérations
peut tomber du lit. Dans la théorie de la cupulolithiase, les débris
angulaires de la tête. Il n’y a pas d’otoconie dans les canaux semi-
d’otoconies, détachés de la macule utriculaire, se déposeraient
circulaires à l’état physiologique.
dans l’ampoule du canal semi-circulaire du côté de l’utricule au
Le VPPB est dû à un déplacement des otoconies provenant de
lieu de s’engager dans le tronc commun. Ils viendraient alourdir
l’utricule dans un des canaux semi-circulaires. Le plus souvent,
la crête ampullaire. Bien que l’hypothèse de canalolithiase soit la
il s’agit du canal postérieur. Il s’agit rarement du canal latéral et
plus probable à ce jour, celle de cupulolithiase n’est pas encore
exceptionnellement du canal antérieur. Cette situation serait liée
totalement exclue [8, 9] . L’observation attentive du nystagmus per-
à la dégradation naturelle des otolithes de l’oreille interne. En
met de déterminer quelle oreille et quel canal sont concernés par
effet, les otolithes des macules sont en perpétuel renouvellement.
ce phénomène.
Leur élimination se fait par l’épithélium sombre du vestibule. Des
débris d’otolithes échapperaient à ce mécanisme et se dépose-
raient de façon pathologique dans un des canaux semi-circulaires.
Le canal postérieur est le plus souvent concerné (Fig. 5). Un  Association du vertige
traumatisme ou un geste chirurgical sur l’oreille interne peut éga-
lement favoriser ce déplacement. positionnel paroxystique bénin
Dans ce cas, les otolithes entrent dans le canal par le tronc
commun. Les otolithes se déplaceraient dans l’endolymphe et
avec d’autres situations
bougeraient lors des mouvements de tête dans l’axe du canal au ou maladies [1, 2]

gré de la pesanteur, entraînant l’endolymphe et la crête ampul-


laire. De cette façon, le canal semi-circulaire postérieur devient Les patients souffrant de VPPB ont un taux plus élevé de dia-
sensible à la pesanteur. De façon typique, c’est en se retournant bète (14 %). La relation de causalité n’est cependant pas connue.
dans le lit que ces débris d’otolithes stimulent anormalement le Les antécédents de traumatisme crânien peuvent être retrou-
canal semi-circulaire, donnant un vertige rotatoire positionnel vés. Un VPPB post-traumatique nécessite plus de manœuvres

2 EMC - Neurologie
Vertige positionnel paroxystique bénin  17-018-A-10

5
A B
Supérieur

Latéral Antérieur
Postérieur Antérieur

Postérieur
Médial C D
Inférieur

1 5
2

3 6
4 7

E
Figure 3. Otolithes.
A. Aspect des otolithes normaux en microscopie à balayage (× 3000). Les otolithes sont des cristaux de carbonate de calcium combinés à une matrice de
plusieurs protéines.
B à D. Architecture de la macule otolithique. La macule est formée d’un épithélium sensoriel surmonté d’un gel protéique engainant les cils. Ce gel retient
également les otolithes pour plus de sensibilité inertielle. Orientation des cils et l’axe des mouvements détectés (C, D). Les macules utriculaires (C) et sacculaires
(D) des deux oreilles se complètent pour couvrir les 360◦ dans les plans horizontaux et verticaux respectivement. 1. Otolithes ; 2. cape gélatineuse ; 3. cellules
ciliées ; 4. cellules de soutien ; 5. axones du nerf vestibulaire.
E. L’architecture de la crête ampullaire dans les canaux semi-circulaires. La crête ampullaire est composée comme les macules otolithiques de cellules ciliées
et d’un gel protéique pour détecter les mouvements inertiels d’endolymphe dans les canaux. En revanche, ces crêtes ne contiennent pas d’otolithe. 1. Crête
ampullaire ; 2. cupule ; 3. canal semi-circulaire ; 4. cils ; 5. endolymphe ; 6. cellules ciliées ; 7. axones du nerf vestibulaire.

thérapeutiques qu’un VPPB idiopathique. Le VPPB semble égale- VPPB survient le plus souvent dans la seconde moitié de
ment associé à un taux plus élevé de migraines (34 % chez les VPPB la vie, sa prévalence augmentant avec l’âge [10] . Les vertiges
versus 10 % chez les non-vertigineux) et d’hypertension artérielle sont considérés comme la principale cause de chute (13 %)
(52 % chez les VPPB versus 22 % chez les non-vertigineux). Mais avec l’instabilité (17 %) et les interactions environnementales
les mécanismes physiopathologiques de cette relation sont égale- (31 %). Neuf pour cent des patients admis dans une cli-
ment méconnus. nique gériatrique avaient un diagnostic de VPPB méconnu et
L’association entre ostéoporose et VPPB a été rapportée les trois quarts d’entre eux avaient chuté dans les trois mois
avec un risque de fracture majeur en cas de chute. Le précédents.

EMC - Neurologie 3
17-018-A-10  Vertige positionnel paroxystique bénin

 Description clinique
Le VPPB se présente par des épisodes de vertiges rotatoires
1 1 brefs [13, 14] . Dans la majorité des cas, le patient est réveillé dans
2 2
la seconde partie de la nuit, ou au petit matin par un vertige rota-
toire. Il voit toute la pièce tourner obliquement et a l’illusion que
le sol monte au plafond et le que plafond descend. Le patient
4
comprend vite que le vertige est déclenché lors des mouvements
3 de la tête. Après quelques tentatives, il repère que certains mouve-
ments sont plus déclencheurs que d’autres : tête en extension ou
flexion, en se levant du lit, en s’y couchant ou en s’y retournant.
7 Ce vertige est le plus souvent intense et accompagné de nausées,
6
5 voire de vomissements, mais est toujours de courte durée (< 30 s).
Ces vertiges se répètent plusieurs fois par jour. Ils sont d’abord
violents puis progressivement moins intenses, plus brefs et plus
8 rares. La guérison spontanée peut survenir quelques jours à plu-
sieurs mois après le début des symptômes (en particulier chez
la personne âgée ou après un traumatisme), avec une moyenne
8 de trois semaines [7] . Ces vertiges sont très anxiogènes. Le pre-
mier épisode vertigineux engendre souvent panique, crainte de
mort imminente. Ensuite, ces vertiges s’accompagnent parfois de
troubles de l’équilibre et peuvent engendrer des chutes. Cette
9 10 9 instabilité peut persister, ou apparaître même après la manœuvre
9 10 thérapeutique [15] . Elle peut parfois dominer le tableau clinique,
en particulier chez les sujets âgés (le VPPB n’étant découvert que
lors de l’examen clinique systématique [10] ).
Ces vertiges peuvent survenir sans événement déclenchant ou
Figure 4. Cellules sensorielles ciliées vestibulaires. Les cils disposés en après un traumatisme crânien, voire une accélération brutale (vol-
tuyau d’orgue sont composés d’un kinocil (2) et de plusieurs stéréocils (1). tige [16] , acrobatie, toboggan). La période séparant le traumatisme
Le déplacement des stéréocils vers le kinocil entraîne une stimulation de la des vertiges varie de quelques jours à un mois [17] .
cellule et la genèse d’un potentiel d’action au pôle basolatéral. Noter que
les deux types morphologiques de cellules ciliées (7 et 8) ont des carac-
téristiques fonctionnelles différentes. 1. Stéréocils ; 2. kinocil ; 3. cuticule ;  Examen clinique
4. corpuscule basal ; 5. cellule sensorielle vestibulaire ciliée de type I, en
calice ; 6. cellules de soutien ; 7 ; cellule sensorielle vestibulaire ciliée de L’examen clinique en dehors des crises de vertige ne met pas
type II, cylindrique ; 8. noyau cellulaire ; 9. fibre nerveuse vestibulaire affé- en évidence de nystagmus spontané ou de déviation posturale
rante ; 10. fibre nerveuse vestibulaire efférente. (déviation des index, épreuve de Romberg, marche aveugle, test de
Fukuda). Le Head Impulse Test (Halmagyi) ne montre pas de déficit
labyrinthique. Il n’y a pas de signe de la fistule (pression dans le
conduit auditif externe déclenchant un nystagmus) ni d’anomalie
Il existe d’authentiques VPPB prémenstruels [11] , ce qui pose le à l’examen neurologique. On note parfois une petite instabilité
problème de l’influence hormonale du VPPB métabolisme cal- posturale à la fermeture des yeux, au test de Romberg. L’examen
cique des otolithes [12] . vestibulaire calorique est normal. Ce bilan otoneurologique reste
Enfin, les chutes sont plus fréquentes dans la population indispensable pour préciser les nombreuses formes cliniques et
présentant des VPPB : 10 % chez les VPPB versus 1 % chez les distinguer les diagnostics différentiels.
non-vertigineux. Les risques de chute sont majorés par une baisse La manœuvre diagnostique permet d’affirmer le diagnostic, de
d’acuité visuelle, une neuropathie des membres inférieurs (dia- découvrir le côté et le canal atteint [18–21] . Le praticien tente de
bète). déclencher le vertige en testant les positions critiques de provoca-
Les manifestations anxieuses peuvent être importantes même tion des trois canaux semi-circulaires des deux oreilles, en guettant
en cas de vertige régressif. Un VPPB peut résister aux manœuvres, le nystagmus et en l’interprétant, car il existe autant de types de
pouvant occasionner un désarroi psychologique et social. Une nystagmus que de canaux atteints. La manœuvre diagnostique
aide à domicile est à prévoir concernant en particulier la préven- ressemble à celle décrite par Dix et Hallpike [18] (Fig. 6). Le nystag-
tion du risque de chute. mus et le vertige sont déclenchés par une accélération de la tête

Figure 5. Théories de la canalolithiase (1) et de la


cupulolithiase (3) (A,B). Les otoconies utriculaires
se détacheraient de la macule pour se déposer
dans un canal semi-circulaire sur le versant cana-
laire (1) ou cupulaire (2) de la crête ampullaire.
De par sa position, le canal postérieur semble
2 le plus concerné par ce mécanisme. 2. utricule ;
4. nystagmus rotatoire géotropique paroxystique.

1
4

3
A B

4 EMC - Neurologie
Vertige positionnel paroxystique bénin  17-018-A-10

du patient dans le plan du canal semi-circulaire atteint et dans • vertical (1 % des cas), signant a priori l’atteinte du canal supé-
une direction permettant aux otolithes déplacés d’appuyer sur la rieur ou antérieur.
crête ampullaire. Le nystagmus peut être : Le nystagmus objective le vertige et est synchrone à celui-ci. La
• rotatoire ou torsionnel (89 % des cas), signant l’atteinte du canal latence de ce nystagmus (et du vertige) est de une à trois secondes et
postérieur (plan frontal) ; peut aller jusqu’à 30 secondes. Sa durée n’excède pas 20 secondes.
• horizontal (10 % des cas), signant l’atteinte du canal horizontal Le nystagmus est rotatoire, géotropique (l’œil tourne sur lui-même
ou latéral (plan horizontal) ; et sa saccade rapide se dirige en même temps vers le sol), le vertige

A B

C D
Figure 6. Manœuvre diagnostique du vertige positionnel paroxystique bénin. Le patient est assis sur le divan d’examen, le praticien lui tient le cou et la
tête. Le patient tient le poignet du praticien des deux mains, coudes au corps (A). Le patient est basculé sur le divan d’examen, sur le côté droit, nez en l’air
de 45◦ (B). Le patient doit garder les yeux ouverts. Le pouce du praticien est prêt à ouvrir la paupière (au cas où le patient ferme les yeux) pour voir l’éventuel
nystagmus, l’observation des petits vaisseaux de la conjonctive permet de mieux apprécier un nystagmus rotatoire (C). Le patient est redressé jusqu’à la
position assise, l’autre main droite est placée dans le cou et la tête du patient, que le patient tient vigoureusement des deux mains, coudes au corps, la main
droite sert à faire pivoter les deux jambes pour redresser rapidement le patient (D).

EMC - Neurologie 5
17-018-A-10  Vertige positionnel paroxystique bénin

qui l’accompagne procure une sensation de rotation dont le sens nystagmus s’inverse : il est soit rotatoire dans le sens opposé, soit
est le même que la phase rapide du nystagmus [9, 10, 22] . Il est impor- vertical inférieur. Les otolithes se déplacent vers la partie la plus
tant de comprendre que le nystagmus matérialise alors la chute déclive près de l’ampoule du canal postérieur. Lorsqu’on retourne
des otolithes dans la partie la plus déclive du canal générant un le patient dans la position déclenchante, l’intensité et la durée du
courant endolymphatique. Au fur et à mesure que les otolithes nystagmus et du vertige sont moins importantes. C’est le phéno-
se regroupent pour s’immobiliser dans la partie la plus déclive, mène d’habituation. Couché sur l’autre coté, il peut apparaître un
le nystagmus diminue et s’arrête. Au retour en position assise, le nystagmus contemporain d’un vertige.

E F

G H

Figure 6. (suite) Au retour en position assise, le patient doit regarder un point fixe devant lui, ici l’œil du praticien, pour que l’on puisse mettre en évidence
un nystagmus qui peut arriver dans ces conditions (E). Le patient est maintenant basculé de l’autre côté, ici à gauche, dans les mêmes conditions. Regarder,
cette fois-ci, que la jambe du praticien va venir épouser les jambes du patient (F). Le rapide mouvement de bascule sur le côté, nez en l’air de 45◦ . Pendant
ce temps-là, la jambe droite du praticien a jeté les deux jambes du patient sur le divan (G). Le praticien est très attentif au nystagmus qui peut apparaître
dans ces conditions (H). Le patient est ensuite redressé de la même manière.

6 EMC - Neurologie
Vertige positionnel paroxystique bénin  17-018-A-10

I J
Figure 6. (suite) Le praticien a changé de main. C’est maintenant la main droite qui va soulever le patient tandis que la main gauche fera pivoter les
jambes (I). Au retour en position assise, on regarde à nouveau fixement le patient dans les yeux pour détecter l’apparition d’un nystagmus (J).

 Formes cliniques du vertige Il suffit alors au praticien de pencher la tête du patient vers le
bas à 45◦ (Fig. 7F) pour verticaliser complètement le crus commun
positionnel paroxystique bénin et libérer ainsi les otolithes. Comme pour les autres manœuvres,
Le patient reste environ cinq à sept minutes dans cette position
du canal postérieur en latérocubitus droit, l’aile droite du nez en contact avec la table.
Après cette pause, le thérapeute relève le patient doucement. Par-
Un tiers seulement des VPPB sont classiques et complets [10] . fois, comme dans les autres manœuvres, il peut subsister quelques
Plus de la moitié des VPPB sont incomplets, car vite habituables otolithes encore présents dans le crus commun au canal posté-
et sans doute examinés dans une phase tardive (soit les pertur- rieur et antérieur qui entraînent l’endolymphe de ces deux canaux
bations mécaniques commencent à disparaître, soit le système associés révélé par un nystagmus vertical inférieur avec parfois
nerveux central s’adapte au désordre mécanique). Dans 3 % des une composante horizontale battant vers l’oreille malade et un
cas, il survient du même côté qu’une névrite vestibulaire (syn- vertige vertical. Le praticien anticipe le trouble en maintenant
drome de Lindsay-Hemenway [23, 24] ), dans 1 % des cas, il survient une main en arrière de la tête. On note, comme avec les autres
du même côté qu’une authentique maladie de Menière et, dans manœuvres, pendant encore 48 heures, une sensation de flotte-
5 % des cas, il survient suite à un traumatisme crânien ou une forte ment, une certaine instabilité qui serait due au retour des derniers
décélération par coup de fouet cervical, chute ou autres violences. débris d’otolithes sur la macule utriculaire, organe sensible à la
Dans 2 % des cas, le VPPB semble la conséquence d’une chirurgie pesanteur [8–10, 13–22, 27–33] .
d’oreille ou d’un alitement prolongé [19] .
Si le diagnostic et le traitement de VPPB sont possibles en
observant les nystagmus à l’œil nu, l’utilisation de caméras Manœuvre thérapeutique d’Epley
de vidéonystagmoscopie (caméra vidéo infrarouge miniature Cette manœuvre est basée sur le principe que les canalolithiases
montée sur des lunettes) simplifie bien l’observation des nystag- suivent la pesanteur [34] . Par conséquent, il faut libérer le canal
mus [25, 26] . C’est une aide appréciable au diagnostic. postérieur en faisant glisser les otolithes vers la position la plus
déclive possible jusqu’à la sortie du canal. La position de départ
est la position qui a mis en évidence le nystagmus et le vertige :
 Traitement patient assis en décubitus latéral gauche, jambes pendantes face
au thérapeute. Le praticien demande au patient de s’allonger en
restant en décubitus latéral gauche. Il se place à la tête du patient
Manœuvre classique de Semont et Toupet en maintenant celle-ci dans la position de départ.
Le principe des manœuvres thérapeutiques est de faire sor- Pendant encore 48 heures, le patient peut se plaindre d’une sen-
tir le dépôt d’otolithes du canal semi-circulaire postérieur. Pour sation de flottement, une certaine instabilité survenant après la
ce faire, on utilise l’inertie : un geste rapide et ferme avec manœuvre thérapeutique qui serait due au retour des derniers
accélération et une arrivée un peu brusque sur l’oreiller : une débris d’otolithes sur la macule utriculaire, organe sensible à la
décélération. pesanteur.
Après avoir positionné le patient du côté du vertige, c’est-à-dire
en latérocubitus couché sur l’oreille atteinte tête tournée vers le Autres moyens thérapeutiques
haut à 45◦ , on constate que le nystagmus est toujours rotatoire, ce
qui signe l’atteinte du canal postérieur. Lorsque le nystagmus est Un traitement par habituation vestibulaire peut parfois être utile.
épuisé, ce qui signifie que l’amalgame d’otolithe se trouve dans la Durant le vestibular training [35, 36] , le patient réalise de nombreuses
position la plus déclive, d’un geste ferme, rapide, sans brutalité, le fois les mouvements qui déclenchent le vertige. Par habituation,
thérapeute bascule le patient en décubitus controlatéral (sur son phénomène de mémorisation centrale, le patient ressent de moins
oreille droite) (Fig. 7A à 7F). en moins ses vertiges.

EMC - Neurologie 7
17-018-A-10  Vertige positionnel paroxystique bénin

L’autoadministration de la manœuvre thérapeutique peut être envi- aller chez le coiffeur ou chez le dentiste (éviter l’hyperextension
sagée dans des cas sélectionnés. Les patients peuvent apprendre à de la tête). Certains proposent également l’utilisation d’un collier
effectuer eux-mêmes les manœuvres thérapeutiques. Le consen- de mousse ou d’une minerve. Dès 1988 [37–46] , des études pros-
sus professionnel est partagé. Chez les patients motivés, les pectives et randomisées révèlent le même taux de succès si on
manœuvres thérapeutiques effectuées à la maison peuvent être propose ou non quelques restrictions d’activité ou des positions
un choix raisonnable [1] . post-thérapeutiques ou un collier cervical. En conclusion, aucune
Certains auteurs prescrivent des restrictions postmanœuvres : dor- étude ne permet de confirmer l’intérêt de ces restrictions postma-
mir tête relevée, ne pas tourner la tête du côté déclenchant, ne pas nœuvres.

A B

C D

Figure 7. Manœuvre thérapeutique de Semont-Toupet du vertige positionnel paroxystique bénin du canal postérieur ici gauche. Le diagnostic étant
préalablement fait d’un vertige positionnel paroxystique bénin du canal semi-circulaire postérieur de l’oreille interne gauche, le patient est remis dans la
position déclenchante. Le praticien prend les deux pieds du patient (A). Il s’installe très près du patient qui n’a toujours pas bougé la tête (B). Il demande au
patient de le tenir vigoureusement des deux mains sur le même bras droit (C). Il va retourner le patient en poussant sur son épaule droite de façon à arriver
thorax en avant vers la droite (D).

8 EMC - Neurologie
Vertige positionnel paroxystique bénin  17-018-A-10

E F
Figure 7. (suite) Pendant ce mouvement, la jambe droite du praticien a jeté les deux pieds du patient sur le divan d’examen (E). On maintient bien la tête
du patient nez en bas, la position est devenue classique pour déplacer les débris d’otolithes du canal semi-circulaire postérieur gauche de l’oreille interne (F).

Aucun traitement médicamenteux, jusqu’à maintenant, n’a position assise, il n’y a pas de nystagmus. En décubitus latéral
vraiment fait sa preuve, aussi bien à titre curatif qu’à titre préven- du côté opposé, le vertige change de sens tout en restant géo-
tif. Un traitement symptomatique des réactions neurovégétatives tropique. Dans cette position, on peut supposer que la lithiase
par des antinaupathiques est justifié lors des crises. rebrousse chemin en fuyant l’ampoule, ce qui inverse le nystag-
Dans des cas résistant à toute manœuvre thérapeutique, un mus. Comme le courant ampullipète excitateur est plus stimulant
traitement chirurgical peut être réalisé : soit une neurotomie ves- que le courant ampullifuge, on peut reconnaître le côté atteint.
tibulaire du nerf du canal semi-circulaire postérieur, soit une C’est le côté où le vertige et le nystagmus horizontal géotropique
oblitération du canal dans les très rares cas très récidivants et sont les plus forts.
rebelles aux manœuvres (moins de 0,1 % des cas).

Manœuvre thérapeutique de type


 Description et traitement « tourne-broche » du vertige positionnel
des autres formes cliniques paroxystique bénin du canal horizontal
géotropique
Vertige positionnel paroxystique bénin
du canal horizontal La position de départ est la position qui a mis en évidence le nys-
tagmus et le vertige les plus intenses. Le thérapeute demande au
Il représente 11 % des VPPB. Le positionnement provocateur est patient de s’allonger en décubitus latéral côté malade (par exemple
une rotation latérale de la tête en position couchée [8, 10, 33] . Dans ce gauche) et se place à la tête du patient en maintenant celle-ci dans
cas, le nystagmus est horizontal (par rapport à la tête dans le plan la même position de départ (Fig. 8).
des yeux). Mais le sens du nystagmus peut varier. (On rappelle Nous préférons relever le plan de table de 30◦ . Le thérapeute
que, par convention, le sens [horizontal ou autre], le côté où le accompagne la manœuvre lente de rotation de la tête et du corps
nystagmus bat rapidement [gauche ou droit] et la sensation de en même temps, de 180◦ dans le grand axe du tronc, nez passant
rotation sont ceux de la phase rapide du nystagmus). Le sens du par le zénith, car, nous l’avons dit, les canalolithiases semblent
nystagmus peut être soit géotropique vers la terre donc vers le bas suivre la pesanteur, et rester dans la partie basse du canal. La
(otolithes loin de l’ampoule) : 7 % des VPPB, soit agéotropique le manœuvre s’effectue lentement, en plus ou moins une minute
contraire, vers le ciel, vers le haut (otolithes près de l’ampoule) : pour laisser le temps aux otolithes de glisser au fond du canal dans
3 % des VPPB. la partie la plus basse créant par là même un nystagmus horizontal
géotropique. Lorsque la manœuvre est terminée, on laisse encore
le patient cinq minutes immobile en position finale, aile droite
Vertige positionnel paroxystique bénin du nez au contact de la table d’examen. Cela a pour effet de verti-
du canal horizontal géotropique caliser complètement la partie finale du canal horizontal. Après le
temps de pause de plus ou moins cinq minutes, la procédure est
Tout se passe comme si la canalolithiase entraînée par la pesan- la même que dans les autres manœuvres pour relever le patient.
teur forçait l’endolymphe depuis l’arrière du canal vers l’avant La manœuvre du VPPB du canal horizontal géotropique est sou-
et exagérait le courant de l’endolymphe vers l’ampoule. Ce cou- vent plus efficace que celle de la forme agéotropique, car il semble
rant ampullipète est excitateur dans le canal latéral côté couché et que, dans ce cas, les lithiases soient loin de l’ampoule et déjà
ferait croire au patient à une rotation vers le bas, avec une stimula- proches de la sortie.
tion des muscles : droit médial homolatéral au sens de la rotation En cas d’échec de cette manœuvre thérapeutique, on peut pen-
et droit latéral controlatéral. La latence du nystagmus peut aller ser que la lithiase est bien accrochée dans le canal et tenter une
jusqu’à dix secondes et durer jusqu’à une minute. Au retour en manœuvre d’accélération suivie d’un freinage brusque (Fig. 9).

EMC - Neurologie 9
17-018-A-10  Vertige positionnel paroxystique bénin

A B

C D

E F

Figure 8. Manœuvre thérapeutique du vertige positionnel paroxystique bénin du canal horizontal géotropique ici du côté gauche. Le patient est couché
du côté où le vertige et le nystagmus sont horizontaux géotropiques, intenses (A). Doucement, en 30 secondes, le patient va être retourné de l’autre côté,
sur le divan qui pourrait être relevé de 30◦ (B). L’opération s’effectue progressivement (C). Lentement (D). Pour, tout doucement, arriver de l’autre côté droit,
en demandant au patient de tourner son corps progressivement (E). Pour arriver nez en bas pendant 30 secondes (F).

10 EMC - Neurologie
Vertige positionnel paroxystique bénin  17-018-A-10

G H
Figure 8. (suite) Il est souvent judicieux de revenir à la position complètement déclive, nez complètement en bas (G). Cinq minutes plus tard, on relève
doucement le patient. Il peut se plaindre d’un petit déséquilibre. Normalement, les débris d’otolithes sont sortis du canal horizontal gauche (H).

A B
Figure 9. Si, le patient est très maladroit pour effectuer une telle manœuvre,
ou trop lourd, ou trop jeune, ou trop vieux, ou trop paralysé, ou trop blessé, on
peut le retourner. Le praticien fléchit sur ses genoux, glisse ses deux mains sous le
patient (A). Et se relève en retournant le patient du côté opposé (B). Et on arrive,
doucement, nez en bas (C).

EMC - Neurologie 11
17-018-A-10  Vertige positionnel paroxystique bénin

Ce type de manœuvre peut être réalisé par un fauteuil de Thomas controlatéral gauche, le nystagmus est rotatoire horaire, avec une
Richard-Vuitton. Ce matériel d’assistance mécanique permet de composante verticale supérieure alors que dans l’atteinte du canal
sangler le patient et peut s’incliner dans tous les plans des canaux semi-circulaire antérieur droit, le nystagmus est vertical inférieur
semi-circulaires. Le centrage des axes de rotation sur le centre avec une composante torsionnelle antihoraire.
de gravité du patient permet une mobilisation, demandant peu
d’effort de la part de l’opérateur. En outre, le dispositif permet
une mobilisation en bloc du patient, ce qui élimine les problèmes Formes multiples
liés au manque de mobilité ou de coopération des patients. Ces formes se rencontrent dans 3 % des cas [10] . Elles sont trom-
L’équipe otoneurologique de Strasbourg a proposé la technique peuses, soit par double atteinte du canal postérieur droit et gauche,
de la « retournette ». En position allongée sur un drap que l’on soit par des atteintes mixtes, un canal postérieur et un canal
tire brusquement on retourne le patient un peu rapidement, en horizontal du même côté, voire par des atteintes triples, canal
veillant alors à mettre la table contre un mur sécurisant. horizontal d’un côté ou de l’autre et les deux canaux postérieurs
par exemple. Les manœuvres thérapeutiques se font canal par
canal en commençant par l’horizontal puis les postérieurs enfin
Vertige positionnel paroxystique bénin le vertical si besoin.
du canal horizontal agéotropique
ou apogéotropique Vertige positionnel paroxystique bénin
À l’examen clinique, on constate que pendant le vertige rota-
bilatéral
toire, la phase rapide du nystagmus est dirigée vers le bas Deux pour cent des vertiges paroxystiques bénins sont bilaté-
(agéotropique), quand le patient est couché sur le côté. Le nystag- raux, plus souvent après un traumatisme ou chez la personne
mus est horizontal. On suppose que la cupulolithiase plus près de âgée. Dans ces cas, le patient est souvent très invalidé par ses
l’ampoule fuirait celle-ci lors de la manœuvre de mise en évidence, vertiges déclenchés dans de nombreuses positions de la tête. Le
créant un courant ampullifuge inhibiteur dans le canal latéral ipsi- médecin provoque vertige et nystagmus rotatoire géotropique
latéral au côté couché qui ferait croire au patient à une rotation aussi bien en position de Dix et Hallpike droite que gauche
vers le bas de la pièce. La durée du nystagmus horizontal peut avec inversion du nystagmus lors du retour en orthostatisme.
être plus longue, jusqu’à une minute et demie. Dans ce cas où Les manœuvres thérapeutiques sont effectuées d’un côté puis de
les lithiases sont très proches de l’ampoule, les manœuvres thé- l’autre [10] .
rapeutiques sont plus difficiles à réaliser, car le chemin de sortie
des otolithes est plus long. Les manœuvres thérapeutiques sont
les mêmes, car le canal atteint est le même que précédemment. Formes discrètes
Dans les formes discrètes, le vertige guérit spontanément. Seul
l’interrogatoire permet le diagnostic. L’évolution est spontané-
Vertige positionnel paroxystique bénin ment favorable.
du canal antérieur ou supérieur
Cette forme est extrêmement rare (1 %) [10] et a été longtemps Vertige positionnel paroxystique bénin
confondue avec une possible atteinte centrale, mais qui présente du syndrome de Lindsay-Hemenway
bien les caractéristiques d’une atteinte périphérique. Le vertige est
positionnel, paroxystique, inhibé par la fixation du regard et sans Dans 3 % des cas, le VPPB rentre dans le cadre d’une névrite
autres signes d’appel neurologiques centraux (cérébelleux, extra- vestibulaire définissant le syndrome de Lindsay-Hemenway [23, 24] .
pyramidaux ou pyramidaux, etc.) ni oto-rhino-laryngologiques Le tableau clinique associe un premier grand vertige rotatoire dû
(ORL) (acouphènes surdité, etc.). Le positionnement provocateur à une névrite vestibulaire suivi dans un deuxième temps d’un
est une bascule de la tête dans le plan du canal antérieur. Par VPPB du même côté (postneuritis BPPV syndrome). L’étiologie est
exemple : en se penchant en avant (pour attacher ses lacets), on classiquement ischémique par trouble circulatoire au niveau de
note l’apparition d’un vertige vertical. La canalolithiase produirait l’artère vestibulaire antérieure. Cette artère irrigue les canaux
un courant ampullifuge excitateur pour les muscles droit supérieur semi-circulaires : horizontal et vertical, ainsi que l’utricule, qui
ipsilatéral et oblique inférieur controlatéral avec relâchement des perd ses otolithes. Ceux-ci, récupérés par le canal postérieur
antagonistes. Cela induisant un nystagmus vertical inférieur et indemne, donnent, dans un second temps, le VPPB du canal pos-
torsionnel [10] . La rareté de ce vertige tient sans doute à la situation térieur classique [10] .
du canal anatomiquement difficilement accessible aux otolithes.
On le retrouve parfois comme un élément résiduel après avoir
traité un par un les deux premiers canaux.
Formes récidivantes et réfractaires
Les manœuvres thérapeutiques sont discutées. Le « passage de décu- Les formes récidivantes pourraient correspondre à une atteinte
bitus dorsal à assis » semble basé sur le même principe, mais dans le otolithique massive comme dans le syndrome de Linsay-
plan sagittal. Le thérapeute allonge le patient en décubitus dorsal Hemenway ou des troubles de métabolisme calcique. Cette forme
tête en extension, voire en débord de table. peut être uni- ou bilatérale et pose le problème de prise en charge
Après l’arrêt du nystagmus vertical, les otolithes ayant glissé vers thérapeutique. Des formes réfractaires à une des manœuvres thé-
la position la plus déclive, le thérapeute accompagne lentement rapeutiques sont également observées. Ces cas sont souvent guéris
la diminution de l’extension puis la position neutre (la tête n’est par une manœuvre alternative ou en répétant la manœuvre en
plus en débord de table), et enfin la remontée lente (en plus ou respectant bien les angles et le sens de déplacement. En cas de per-
moins cinq minutes) jusqu’à la position assise verticale. Le patient sistance des symptômes, une neurotomie vestibulaire postérieure,
reste dans cette position environ dix minutes. On note l’avantage une oblitération du canal postérieur [47] ou une labyrinthec-
du fauteuil de Thomas Richard-Vuitton aux manœuvres sans assis- tomie chimique (instillation locale aminosides) peuvent être
tance. Celui de Philippe Lorin est particulièrement adapté à cette discutés.
forme clinique.
Il faut noter que le plan du canal antérieur n’est pas tout à
fait sagittal, mais orienté à 30◦ en dehors (d’arrière en avant), Vertige positionnel paroxystique bénin
donc vu de haut, le canal semi-circulaire antérieur droit est chez l’enfant
coplanaire au canal postérieur gauche. Cela pourrait, à première
vue, poser un problème diagnostique et donc thérapeutique. Bien que très rare, le VPPB de l’enfant a été décrit. Il survien-
En fait, il n’en est rien, car la solution nous est donnée par drait lors d’une forte accélération (jeux, trauma crânien). Il ne
la différence des nystagmus. Dans l’atteinte du canal postérieur doit pas être confondu avec le vertige paroxystique idiopathique

12 EMC - Neurologie
Vertige positionnel paroxystique bénin  17-018-A-10

récidivant de l’enfant (non positionnel). Ces vertiges gué- Les nystagmus de position avec vertiges, s’accompagnant de dés-
rissent souvent spontanément. Cependant, on peut proposer une équilibres, sont souvent d’intensité impressionnante, surtout chez
manœuvre thérapeutique douce. l’enfant [59] . La topographie la plus typique est la partie dorsola-
térale du plancher du quatrième ventricule. Il peut s’agir d’une
tumeur, d’un hématome ou d’un syndrome de Wallenberg. La
compensation est lente, de quelques jours à quelques semaines.
 Diagnostics différentiels Les autres éléments de l’examen otoneurologique sont générale-
ment éloquents. Pourtant, il est fréquent dans des affections aussi
Trancher avec certitude pour savoir si un vertige de position fréquentes que la sclérose en plaques, que le vertige de position
était d’origine périphérique ou centrale est une des plus difficiles soit un authentique VPPB [60] . L’analyse soigneuse des nystagmus
questions que l’on ne cesse de se poser depuis les premiers temps permet de faire la différence. C’est souvent la présence d’un nys-
de l’otoneurologie. tagmus vertical supérieur dans le regard de face, en position assise.
La fistule labyrinthique est une autre atteinte labyrinthe bien L’insuffisance vertébrobasilaire est devenue une cause rare de ver-
connue, mais beaucoup plus rare. La fuite de liquide labyrinthique tiges de position (moins de 0,1 %) [22] . Les vertiges sont déclenchés
par une fistule congénitale, ou secondaire à un traumatisme, un par des mouvements de rotation de la tête le plus souvent ou en se
acte chirurgical ou un cholestéatome peut donner des sensations couchant, qui provoquent une ischémie transitoire par baisse du
vertigineuses aux mouvements de la tête qui peuvent faire penser débit sanguin de l’artère vertébrale. Le vertige peut apparaître avec
au VPPB. Le vertige et le nystagmus de position n’ont pas a priori latence, mais dure tant que la position est maintenue. La sensation
de caractéristiques clairement attendues. La chronicité, l’absence vertigineuse est accompagnée de troubles visuels décrits comme
des caractéristiques des VPPB, canal postérieur et canal horizontal, des scintillements, des taches de lumière dans le champ visuel, un
l’hypovalence vestibulaire sont déjà évocatrices. Un nystagmus assombrissement et de céphalées.
spontané, un bien trop rare signe de la fistule, l’acouphène uni- Enfin, concernant les vertiges attribués à une anomalie cervi-
latéral et l’hypoacousie fluctuante peuvent être, l’un et l’autre, cale, le vrai vertige rotatoire d’origine cervicale ne semble pas
majorés par les efforts physiques. Le signe le plus éloquent est exister [61, 62] . En revanche, des troubles de l’équilibre peuvent
le vertige lors d’un effort physique, tête immobile, à glotte fer- être la conséquence d’une perturbation des voies proprioceptives
mée, comme déboucher une bouteille, desserrer un couvercle, des muscles antigravitaires. La myélopathie cervicarthrosique
arracher quelque chose, l’effort de défécation (puissant révélateur) entraîne des troubles de l’équilibre plutôt que des vertiges.
et la manœuvre de Vasalva. L’imagerie (scanner de haute résolu- L’examen de la charnière sous-occipitale de 100 patients pré-
tion des rochers, imagerie par résonance magnétique [IRM] des sentant un vertige paroxystique positionnel bénin a donné des
rochers) peut apporter des arguments en faveur d’une fistule [48] , résultats identiques à ceux d’une population témoin [63] .
et parfois le succès thérapeutique du colmatage chirurgical sys-
tématique des deux fenêtres, ronde et ovale, au fond de l’oreille
moyenne, débloque la situation. Le patient se trouve ainsi guéri
sans que l’on soit sûr rétrospectivement du diagnostic de fistule.  Évolution
Un déficit vestibulaire, quelle qu’en soit l’étiologie, peut
s’accompagner d’un nystagmus de position quand le patient se La manœuvre thérapeutique permet de guérir plus de 84 %
couche du côté de son déficit. Si un nystagmus spontané persiste, des patients [10] . Pour 63 % des patients, la crise semble unique.
il peut alors s’agir d’un renforcement de son intensité dans cette Les patients rapportent en moyenne 2,2 crises sur une durée
position [49] . d’observation de trois ans. On ne sait pas prédire la récidive. La
Une modification de la densité relative de la cupule par rap- récidive du VPPB est, dans 95 % des cas, du même côté. La crise
port à l’endolymphe peut entraîner un nystagmus de position dure généralement moins de dix jours. La manœuvre est efficace
avec vertiges. L’effet de l’alcool est célèbre, l’effet pathologique dans les récidives avec le même taux de succès que d’habitude
d’une macroglobulimémie (maladie de Waldenström) l’est moins, (84 %). Un tiers des patients en crise de VPPB présente aussi des
comme l’effet expérimental de l’eau lourde, ou l’effet iatrogène sensations d’instabilité. La moitié des patients ont perçu, sponta-
de la prise de glycérol pour le test de réversibilité d’hydrops en nément, des illusions de rotation durant moins de une seconde.
audiométrie. L’évolution des vertiges rotatoires et de l’instabilité disparaît
Le vertige positionnel invalidant, décrit [50] comme la conséquence après la manœuvre. Elle est analysée par l’échelle visuelle ana-
d’un conflit vasculonerveux dans l’angle pontocérébelleux, a fait logique et montre que l’intensité de ces symptômes décroît de
l’objet de polémiques et de controverses [51] . Parfois, ce conflit façon exponentielle dans les six jours qui suivent la manœuvre
mime la sémiologie d’un syndrome de Menière. Il faut insister sur thérapeutique (Fig. 10) [13] .
l’aspect rétrocochléaire des potentiels évoqués auditifs du tronc Une association à une dysfonction otolithique s’observe fré-
cérébral. Le Rivotril® doit diminuer les symptômes. L’imagerie quemment après un épisode de VPPB. Ce dysfonctionnement se
se doit d’être soigneuse et irréprochable pour envisager, chez un traduit par un flottement visuel et une sensation de sol mou et
patient réellement invalide et non pas seulement phobique, une instable similaire à un syndrome de débarquement. Ce dysfonc-
intervention neurochirurgicale. tionnement, qui est probablement exprimé par une diminution
L’atteinte centrale est sans doute plus rare que l’atteinte laby- lente des scores d’instabilité sur l’échelle analogique visuelle,
rinthique ; mais peut-elle être méconnue de l’imagerie la plus serait en relation avec le replacement des otolithes sur la mem-
performante [52, 53] ? brane otoconiale [13] .
Quelques tableaux sont maintenant classiques. Une angoisse posturale phobique en relation avec la dysfonc-
Indéniablement, un accident vasculaire du cervelet ou une tumeur tion otolithique peut être présente même si les vertiges rotatoires
comme un hémangioblatsome du cervelet [54] peuvent donner un ont totalement disparu et peuvent constituer la nouvelle plainte
tableau clinique, heureusement rare, de vertige de position où les du patient. Cette angoisse posturale répond bien à une rééduca-
signes cérébelleux peuvent être discrets. La présence d’un nystag- tion vestibulaire otolithique [13] .
mus de position sans vertige, la direction constante (et surtout Le dysfonctionnement otolithique transitoire peut également
verticale inférieure [55] ), du nystagmus, le maintien de l’intensité entraîner un phénomène de dépendance visuelle. Les mouve-
du nystagmus malgré la fixation visuelle, l’absence d’inversion du ments d’objet dans le champ visuel peuvent perturber l’équilibre
nystagmus au retour à l’orthostatisme, l’absence d’habituation, du patient. Cette dépendance est secondaire à un changement de
sont autant de critères qui évoquent une atteinte centrale [10, 56, 57] . stratégie corticale dans l’estimation du mouvement. Elle peut éga-
Le nystagmus de position vertical inférieur se rencontre dans des lement faire l’objet d’une rééducation vestibulaire optocinétique.
lésions bien documentées du nodulus cérébelleux [57] ou des mal- La manœuvre traite la crise de vertige rotatoire et ne prévient
formations d’Arnold-Chiari. hélas pas des risques de récidives. C’est le traitement du vertige
Un nystagmus de position sans vertiges majeurs, maintenu par la et non des sensations de déséquilibre. Il n’est pas impossible que
fixation visuelle, est typique d’une lésion bulbaire ou du vestibulo- pendant un jour ou deux après l’exécution de la manœuvre thé-
cerebellum [58] . rapeutique surviennent des sensations d’instabilité, surtout en se

EMC - Neurologie 13
17-018-A-10  Vertige positionnel paroxystique bénin

100 100 Figure 10. L’intensité des vertiges rotatoires (A)


et du déséquilibre (B) dans les vertiges position-
nels paroxystiques bénins évaluée par une échelle
analogique visuelle le jour de la manœuvre (0)
et les cinq jours suivants par une manœuvre
thérapeutique de Sémont-Toupet ou d’Epley. Les
75 75 valeurs représentées sont des moyennes ± erreur
Échelle analogique visuelle (mm)

Échelle analogique visuelle (mm)


standard de la moyenne (n = 234). L’intensité des
symptômes suit une décroissance exponentielle :
Y = 45,2 e−1,34× + 18,7 ; demi-vie = 0,5 jour ;
R2 = 0,99 pour les vertiges rotatoires et Y = 23,0
e−0,21× + 11,5, demi-vie = 3,4 jours, R2 = 0,99
50 50 pour le déséquilibre [13] .

25 25

0 0
0 1 2 3 4 5 6 0 1 2 3 4 5 6
Jours après manœuvre A Jours après manœuvre B

Vertige positionnel paroxystique bénin

Sans signes audiologiques Avec signes Avec signes Sans signes


Sans céphalées audiologiques audiologiques audiologiques
Avec céphalées Sans céphalées Avec céphaléees

Si le patient est
encore en crise À l’examen clinique ou à
De plus,
au moment de l’examen
l’augmentation
l’examen, la Si le Seulement au vidéonystagmographique,
de pression
manœuvre de nystagmus est brusque des signes d’atteinte
dans le conduit
Hallpike horizontal des orthostatisme, central, poursuite
Scanner de auditif externe
déclenche un deux côtés : sans occulaire saccadique,
profil, de l’oreille
vertige formes nystagmus nystagmus vertical
Avec Nystagmus Doppler, sourde déclenche
rotatoire géotropiques observable, inférieur, gaze
vertiges vertical angio-IRM un vertige et
paroxystique, et prise nystagmus, test de
invalidants inférieur un nystagmus
habituable, et agéotropiques de tension fixation anormal et
Scanner avec
un nystagmus qui ne couchée et saccades dysymétriques
reconstruction
rotatoire s’inversent pas debout Scanner avec injection,
seuillage
géotropique, en position Holter IRM avec gadolinium
observable à assise tensionnel
l’examen direct
qui s’inverse en
position assise Accident ischémique ou
Insuffisance Fistule
petite tumeur du cervelet
vertébrobasilaire labyrinthique
(généralement médian)

Vertige bénin Vertige Hypotension Disabling


ou Malformation
positionnel orthostatique positionnal
cupulolithiase d’Arnold-
paroxystique vertigo
du canal Chiari
bénin ou
semicirculaire cupulolithiase
postérieur du canal
semicirculaire
horizontal

Figure 11. Arbre décisionnel. Diagnostic des vertiges positionnels. IRM : imagerie par résonance magnétique ; angio-IRM : angiographie par résonance
magnétique.

14 EMC - Neurologie
Vertige positionnel paroxystique bénin  17-018-A-10

levant du lit, comme le mal du débarquement en descendant d’un [19] Jongkees LW. Le nystagmus paroxystique bénin. In: Données fonda-
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est rapidement efficace [64] . Si les vertiges persistent aux mouve- Ipsen; 1982, 8p.
ments de la tête, et surtout dans le lit en se retournant, il est [21] Toupet M, Bodson I. Le vertige positionnel paroxystique bénin. Car-
possible qu’il s’agisse d’un échec ou d’une récidive. Il est alors diologie Pratique 2000;544:13–5.
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qué peut être traité par une manœuvre immédiate, ce qui guérit [25] Toupet M. Vidéonystagmographie en pratique de ville. Lettre ORL chir
le patient tout en confirmant le diagnostic même dans des formes cervicofac 1994;174:18–20.
plus trompeuses (Fig. 11). Il faut être consciencieux dans la carac- [26] Yagi T, Ushio K. Nystagmus in benign paroxysmal positional
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diagnostics et ne pas rater une affection neurologique grave, qui 1995;520:238–40.
peut être prise à son début. Au moindre doute, le recours à un [27] Epley J. The canalith repositioning procedure: for treatment of
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M. Toupet (michel.toupet@otoneuro.fr).
Centre d’explorations fonctionnelles otoneurologiques, Paris, France.
IRON (Institut de recherche en otoneurologie), Paris, France.
A. Bozorg Grayeli.
Service d’ORL du CHU de Dijon, Hôpital général, 3, rue Faubourg-Raines, 21033 Dijon, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Toupet M, Bozorg Grayeli A. Vertige positionnel paroxystique bénin. EMC - Neurologie 2014;11(4):1-16
[Article 17-018-A-10].

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16 EMC - Neurologie
 17-018-A-20

Diagnostic d’un vertige en pratique


M. Toupet, A. Bozorg Grayeli

Le vertige traduit, dans la majorité des cas, une atteinte unilatérale aiguë du système vestibulaire, bien
souvent des canaux semi-circulaires périphériques, plus rarement du système vestibulaire central, pour
l’essentiel dans les noyaux vestibulaires bulbaires et l’archéocervelet. Une cause brutale donne des ver-
tiges ; la même cause mais progressive donne un déséquilibre. La neuroplasticité cérébrale, l’arme suprême
de la thérapeutique, est le piège de la clinique. Les déséquilibres semblent être la conséquence d’une
atteinte progressive du système vestibulaire périphérique ou central : un schwannome du nerf vestibu-
laire, une atteinte minime ou progressive des noyaux vestibulaires ou du cervelet ou une atteinte minime
des canaux semi-circulaires ou des systèmes centraux ; il peut s’agir d’une atteinte bilatérale, comme
une atteinte ototoxique, ou d’une atteinte du système otolithique. Parfois, il s’agit d’une atteinte multi-
sensorielle comme souvent chez le sujet âgé. Il peut s’agir d’un vertige très bref, de quelques secondes,
toujours moins d’une minute, paroxystique (évoluant comme une vague), avec une latence de quelques
secondes, un maximum, un paroxysme atteint en dix secondes, bien souvent positionnel. Ce vertige posi-
tionnel paroxystique bénin représente 34 % des vertiges et des déséquilibres ; il est la conséquence de
dépôts d’otolithes venant de l’utricule dans un des canaux semi-circulaires. Le patient peut être guéri
immédiatement par une manœuvre thérapeutique. La récidive est possible. Plus d’un patient sur 20
aura eu, une fois au moins dans sa vie, l’expérience d’un vrai vertige de ce type. Dans d’autres cas,
le vertige est accompagné de bourdonnements d’oreille, d’une surdité, de plénitude d’oreille ; c’est la
classique maladie de Menière et ses nombreux diagnostics différentiels appelés, de façon aujourd’hui
démodée, syndromes méniériformes. Parfois, il s’agit d’un très grand vertige rotatoire qui dure des jours
et des jours et l’on évoque avant tout une névrite vestibulaire. Ce diagnostic moins bien connu, sorte de
syndrome de Guillain-Barré du nerf vestibulaire, mérite toute notre attention car il répond à des thérapeu-
tiques médicamenteuses complètement différentes de celles de la maladie de Menière, auxquelles s’ajoute
désormais une rééducation de l’équilibre. Il peut s’agir parfois d’un déséquilibre et parfois encore d’une
peur de perdre l’équilibre, où la rééducation vestibulaire et la psychothérapie comportementale prennent
leur place. Le vertige est donc un monde diagnostique très hétéroclite aux solutions thérapeutiques très
différentes. Les pièges diagnostiques d’une classification exagérée sont partout.
© 2013 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots-clés : Vertige ; Déséquilibre ; Vertige positionnel paroxystique bénin ; Maladie de Menière ;


Névrite vestibulaire ; Schwannome vestibulaire

Plan  Introduction
■ Introduction 1 Le terme « vertige » est encore trop souvent utilisé par les
■ Physiologie et physiopathologie 2 patients pour désigner un malaise. « Vertige », issu du latin ver-
Appareil vestibulaire 2 tere « tourner », correspond à la situation où le sujet voit tout
Autres systèmes sensoriels participant à l’équilibre 2 tourner devant lui. Dans notre pratique, vertige « rotatoire » reste

donc un confortable pléonasme destiné à repérer une espèce
Description des vertiges et orientation diagnostique 2
de vertiges parmi d’autres, pour lesquels « ça ne tourne pas
Principales affections 3
vraiment », le patient décrivant par exemple une sensation de
Interrogatoire 3
déplacement linéaire, « un vertige linéaire » comme s’il glissait
Examen clinique 3
latéralement, tombait ou s’inclinait. On préfère donc parler d’une
Examens complémentaires 5
« sensation de vertige » dans ces cas où le patient peut avoir
■ Situations types 7 une impression fugace, incertaine que « ça tourne » devant lui.
Vertiges brefs et positionnels 7 Au-delà de cette précision, nous devons prendre l’habitude de
Grandes crises de vertige répétitives 8 distinguer le vertige du déséquilibre, l’ataxie à la marche, de la
Grande crise de vertige unique durant plusieurs jours d’affilée 10 station debout devenue difficile, et distinguons aussi le véritable
Instabilité sans autre atteinte neurologique 10 déséquilibre de la simple sensation d’instabilité ou d’insécurité
Instabilité accompagnée d’autres signes neurologiques 11 (sans réelle perte d’équilibre). Parmi les 150 vertiges ou déséqui-
Sensations d’instabilité sans instabilité réelle 11 libres bien typés dominent trois étiologies : le vertige positionnel
Outils et stratégies thérapeutiques 12 paroxystique bénin (VPPB), la maladie de Menière et la névrite
Suivi du patient et posturographie 12 vestibulaire. Leurs physiopathologies sont radicalement diffé-
■ Conclusion 13 rentes et les thérapeutiques spécifiquement adaptées [1, 2] . Dans
l’algorithme diagnostique des vertiges, l’interrogatoire prend une

EMC - Neurologie 1
Volume 10 > n◦ 3 > juillet 2013
http://dx.doi.org/10.1016/S0246-0378(13)60779-4
17-018-A-20  Diagnostic d’un vertige en pratique

place importante. L’examen clinique étaye et documente des


hypothèses évoquées dès l’interrogatoire. Les explorations fonc-
tionnelles vestibulaires viennent renforcer les données cliniques
sans indiquer de façon spécifique l’étiologie. Il s’agit donc de
constituer un tableau clinique cohérent et le plus complet pos-
sible avant d’avancer sur le terrain thérapeutique. La prise en
charge est nuancée en fonction de l’intensité et de la fréquence
des symptômes, de l’évolution et du vécu et enfin du terrain et de + +
+ – – +
la demande du patient.
+ +
+ +
 Physiologie et physiopathologie +
+ – +
– +
L’appareil vestibulaire n’est qu’une partie d’un ensemble plus
vaste de capteurs sensoriels participant à l’analyse du mouvement
et assurant les deux fonctions essentielles à la mobilité du corps :
le maintien de l’équilibre statique et dynamique et une vision
stabilisée pendant les mouvements [3–7] .

Appareil vestibulaire
Figure 1. Représentation schématique des connexions entre différents
Cet organe spécialisé dans l’estimation de la position de la tête
organes impliqués dans l’équilibre. Les informations labyrinthiques au
dans l’espace et dans la détection des déplacements permet au
niveau des noyaux vestibulaires du bulbe reçoivent les informations
système nerveux central de réagir soit par une adaptation de l’axe
visuelles par les voies optiques accessoires, les informations propriocep-
visuel et de la posture, soit par une anticipation sur le mouvement
tives des muscles principalement antigravitaires. L’activité de ces noyaux
à exécuter.
est sous le contrôle de l’archéocervelet, la formation réticulaire pontique
• Le labyrinthe postérieur, situé dans l’oreille interne, possède des
(vigilance), les noyaux tubéromamillaires (voies histaminergiques) avec
capteurs d’accélération formés par trois canaux semi-circulaires
les noyaux parabrachiaux (cortex limbique, émotion). L’ensemble de ces
mesurant les accélérations angulaires dans les trois plans eucli-
voies projette les informations par le thalamus sur le cortex vestibulaire.
diens de l’espace, et par un système otolithique (utricule
et saccule) mesurant les accélérations linéaires. Traversant le
conduit auditif interne, les fibres afférentes du nerf vestibulaire
relient le labyrinthe avec les noyaux du complexe vestibulaire Autres systèmes sensoriels participant à
bulbaire. l’équilibre
• Les noyaux vestibulaires sont sous contrôle de la réticulée, des
noyaux tubéromamillaires, du cervelet et du cortex vestibulaire. Le système visuel estime en permanence les déplacements du
L’oreille interne est remplie de liquides. Dans l’organe vestibu- monde visuel et projette cette information sur les noyaux vestibu-
laire, le compartiment entre le labyrinthe osseux et le labyrinthe laires par la voie optique accessoire du prétectum sous-tentoriel.
membraneux est rempli de périlymphe liquide dont la composi- Le système proprioceptif rend compte des tensions musculaires
tion est proche de celle du milieu extracellulaire (riche en sodium et du mouvement effectué par notre corps lors des déplacements
et pauvre en potassium) ; le labyrinthe membraneux est rem- actifs ou passifs. Il est situé dans l’ensemble de la musculature et
pli d’endolymphe dont la composition est proche de celle du non seulement dans les muscles axiaux. Des informations extéro-
milieu intracellulaire (pauvre en sodium et riche en potassium). ceptives cutanées, articulaires et viscérales entrent également en
Cette composition particulière génère un gradient électrochi- jeu (Fig. 1).
mique et permet aux cellules sensorielles d’être excitables. Les Ces trois types d’informations, vestibulaires, visuels et proprio-
cellules sensorielles ciliées du vestibule détectent les mouvements ceptifs, nous permettent de savoir si c’est nous qui bougeons,
dans un seul axe avec un effet excitatoire ou inhibiteur selon la l’environnement ou les deux ; mais aussi à quelle vitesse et dans
direction du mouvement et l’inclinaison du bouquet ciliaire. Le quelle direction.
nerf vestibulaire véhicule une activité de repos de base de 100 Les connexions effectrices sont triples :
décharges/s, ce qui permet de détecter une activité de stimulation • vers les noyaux oculomoteurs par la bandelette longitudinale
et d’inhibition. postérieure (pour assurer la stabilisation du regard) ;
Les canaux semi-circulaires fonctionnent par couples copla- • vers les cornes antérieures de la moelle par le faisceau vesti-
naires et avec une activité en miroir (excitation d’une structure bulospinal (pour régler le tonus musculaire en fonction de la
couplée à l’inhibition de l’autre également appelée innervation pesanteur et du mouvement) ;
réciproque ou effet push-pull) : les canaux semi-circulaires latéraux • vers le noyau du nerf pneumogastrique (pour contrôler les fonc-
entre eux et les postérieurs avec les supérieurs du côté opposé. tions neurovégétatives).
Cette apparente redondance de mesure permet un renforcement Ces connexions expliquent qu’un système vestibulaire lésé
de la sensibilité et de la spécificité de la détection du plan du engendre un mouvement anormal des yeux — un nystagmus
mouvement. Quant aux organes otolithiques, les macules saccu- pathologique —, un déplacement anormal de notre corps — une
laires détectent essentiellement les mouvements antigravitaires déviation des index, ou déviation de Romberg —, des phéno-
(vertical) et les macules utriculaires les mouvements du plan mènes neurovégétatifs (nausées, vomissement, diarrhée), des
horizontal. Les cellules ciliées dans ces macules sont recouvertes phénomènes émotionnels tels que panique et sensation de mort
d’une membrane gélatineuse et de cristaux de phosphate de cal- imminente (système limbique).
cium (otoconies) pour plus de sensibilité de détection. Les quatre
macules ensemble couvrent ainsi la détection des mouvements
linéaires dans toutes les directions. Le déplacement anormal de
ces otoconies vers les canaux semi-circulaires peut entraîner une
 Description des vertiges
perturbation du système vestibulaire. et orientation diagnostique
L’existence d’un système d’innervation réciproque avec une
activité de repos explique qu’une lésion destructrice d’une par- Par leur origine, vertige et déséquilibre diffèrent a priori.
tie du vestibule correspond à un message erroné de mouvement • Le vertige rotatoire est en faveur d’une atteinte unilatérale aiguë
et donc de vertige. Ce système explique également la possibilité et brutale du système vestibulaire, souvent des canaux semi-
de réorganisation synaptique centrale et de compensation vesti- circulaires périphériques, plus rarement du système vestibulaire
bulaire. central (noyaux vestibulaires bulbaires et cervelet).

2 EMC - Neurologie
Diagnostic d’un vertige en pratique  17-018-A-20

• Le déséquilibre ou le tangage relève principalement de trois répète ? Du même type ou non ? Quelle est la date du début des
types de causes possibles : troubles ? » Il faut tenter d’obtenir des dates et des durées précises
◦ une atteinte progressive du système vestibulaire périphé- pour chaque épisode vertigineux.
rique ou central (schwannome vestibulaire, atteinte des
noyaux vestibulaires ou du cervelet, atteinte vestibulaire Existe-t-il des circonstances déclenchantes ?
ou centrale progressive et limitée comme la presbyvesti-
bulie, atteinte bilatérale, ou atteinte du système otolithi- « ... des positions particulières de la tête ou du corps ? Y a-t-il des
que), moments ou des endroits particuliers : dedans ou dehors, au lit, en
◦ une atteinte de la proprioception des muscles oculomoteurs vous relevant, en voiture, sur l’autoroute ? ... » Il faut également
ou des muscles antigravitaires, dont ceux de la nuque, peut s’enquérir de la prise éventuelle de médicaments (antihyperten-
également engendrer une sensation de déséquilibre mais seurs, anxiolytiques, neuroleptiques).
cette notion reste controversée,
◦ une atteinte multisensorielle, notamment chez le sujet âgé Avez-vous remarqué des signes
(par exemple : presbyataxie). d’accompagnement ?
« ... des acouphènes, une hypoacousie ou encore une sensation
Principales affections d’oreille pleine ? Des céphalées ? Des vomissements ou nausées
(qui indiquent avant tout l’intensité des vertiges) ? Une tachycar-
• Souvent positionnel, ce vertige très bref (quelques secondes à die, des sueurs, des troubles visuels ou des tremblements ? Une
une minute) et paroxystique évolue comme une vague, avec douleur cervicale aiguë et récente ? » Il faut établir un tableau
une latence et un maximum (le paroxysme). Il représente à lui aussi complet que possible des manifestations associées aux
seul 34 % des vertiges et des déséquilibres, soit plus d’un verti- vertiges.
gineux sur trois, et touche une personne sur 20. Ce vrai vertige
est le VPPB.
• Parfois, le vertige est accompagné de bourdonnements d’oreille, Examen clinique
d’une surdité, d’une sensation de plénitude d’oreille. C’est
la classique maladie de Menière, accompagnée de nom- Quelques instruments tels qu’un divan d’examen, un otoscope,
breux diagnostics différentiels encore trop souvent dénommés un diapason et une paire de lunettes de Frenzel sont utiles pour
« syndromes méniériformes ». examiner un patient en crise aiguë de vertige. Une douzaine de
• Devant un très grand vertige rotatoire qui dure des jours, gestes cliniques à effectuer impérativement constitue la base de
on doit évoquer avant tout une névrite vestibulaire. Ce cet examen à visée diagnostique.
diagnostic, pas toujours connu des médecins généralistes,
mérite toute notre attention car il nécessite des thérapeutiques Examen systématique de débrouillage
médicamenteuses très différentes de celles de la maladie de
Otoscopie
Menière, auxquelles s’ajoute désormais une rééducation de
l’équilibre. Le premier geste consiste à vérifier les conduits auditifs et les
• La forme type d’un déséquilibre est l’atteinte centrale. deux tympans.
• Devant une peur de perdre l’équilibre, nous pensons à Acoumétrie
l’acrophobie (peur du vide).
À l’aide d’un diapason de 500 Hz, on teste l’audition. Le son
du diapason est écouté par le praticien, puis immédiatement
Interrogatoire placé tout près de chacune des oreilles du patient, à qui on
demande s’il entend, puis s’il entend mieux d’un côté. On pro-
L’interrogatoire du patient atteint de vertiges est, comme fite de l’amortissement naturel de l’intensité du son du diapason
toujours en médecine, le moment capital dans la démarche pour tester le seuil auditif du patient. Le pied du diapason en vibra-
diagnostique. En quelques mots, le patient va d’emblée nous tion est placé sur le relief osseux rétro-auriculaire, la mastoïde,
guider vers un type particulier de vertiges ou de déséqui- pour faire entendre le patient par voie osseuse, court-circuitant
libres. Cet interrogatoire, qui peut être conduit de différentes ainsi la chaîne tympano-ossiculaire de l’oreille moyenne. Nor-
façons suivant les patients, doit cependant être rigoureux. malement, on entend moins bien par voie osseuse que par voie
L’interrogatoire inclut nécessairement certaines questions dont aérienne (tympan et osselets) : si le patient entend mieux par
les réponses sont indispensables à notre démarche diagnos- conduction osseuse, c’est que la surdité est localisée dans l’oreille
tique. moyenne. Le pied du diapason vibrant est ensuite placé sur la
racine du nez. Le son peut être latéralisé dans une oreille : dans la
Que vous arrive-t-il ? meilleure oreille en cas de surdité de perception et d’atteinte de la
cochlée ou du nerf, dans l’oreille la plus sourde en cas de surdité
Le médecin laisse le patient raconter son histoire, l’aiguillant
de transmission.
parfois grâce à quelques questions précises pour savoir s’il s’agit
À ce stade, la poursuite de l’examen clinique vise à rechercher
d’un vertige ou pas. « S’agit-il bien d’un vertige ? Sommes-nous
des signes destinés à authentifier le vertige et des signes diag-
bien d’accord sur les mots ? Est-ce que ça tourne vraiment ? Est-ce
nostiques : signes en faveur d’une atteinte périphérique — VPPB,
la pièce qui tourne ou vous ? Est-ce plutôt un manque de stabilité ?
déficit vestibulaire unilatéral récent —, puis signes en faveur d’une
Avez-vous réellement des pertes d’équilibre, ou est-ce seulement
atteinte centrale.
une sensation d’instabilité ? Avez-vous peur de tomber ? ».
Il faut obtenir du patient des réponses claires et nettes pour
savoir s’il s’agit de vertiges ou de déséquilibre, d’une réalité ou Recherche de signes en faveur d’un vertige
de craintes. positionnel paroxystique bénin : manœuvre
Une fois posé qu’il s’agit d’un vertige, d’une instabilité ou d’une diagnostique de Hallpike
sensation de déséquilibre, le médecin va faire préciser certaines
Devant un patient vertigineux, nous devons pratiquer de façon
informations cruciales fournies par le patient afin d’orienter les
systématique la manœuvre diagnostique de Hallpike : le sujet est
explorations diagnostiques. Cet interrogatoire doit être structuré
assis au milieu du divan d’examen, jambes pendantes. Une main
autour de trois notions essentielles et incontournables : la durée,
sur une nuque du patient, l’autre accrochant son bras, le praticien
les circonstances déclenchantes et les signes d’accompagnement.
couche le patient en décubitus latéral, tête tournée de 30◦ par rap-
port à l’horizontale. Sous lunettes de Frenzel ou à l’examen direct,
Quelle est la durée de votre vertige ? on note la possible apparition d’un vertige contemporain d’un
« ... en secondes, minutes, heures, jours ? Est-ce la première fois nystagmus. On précise la direction du nystagmus, son paroxysme,
de votre vie ? S’agit-il d’un vertige unique ou d’un vertige qui se sa durée (cf. infra).

EMC - Neurologie 3
17-018-A-20  Diagnostic d’un vertige en pratique

Le sujet est ensuite redressé. On apprécie si un nystagmus réap- faut alors noter la direction de la phase rapide du nystagmus ainsi
paraît, synchrone ou non avec un vertige, et on note sa direction. obtenu, car le déficit se trouve généralement du côté opposé. Ainsi
Le sujet est ensuite couché de l’autre côté, par une manœuvre l’ensemble des recherches de nystagmus avec les lunettes de vidéo-
symétrique, qui peut à son tour déclencher un vertige accompa- nystagmoscopie infrarouge (nystagmus spontané, après secouage
gné d’un nystagmus rotatoire géotropique (roulant vers le bas), de la tête ou après manœuvres de position) est reconnu comme
survenant après une latence de 1 à 2 secondes et durant 10 à un acte indispensable dans l’examen clinique.
20 secondes. Le retour à la position assise provoque encore un Test d’Halmagyi. Chez le sujet normal, un mouvement
vertige et un nystagmus rotatoire dont le sens s’inverse. Ceci alterné de la tête dans le plan horizontal, imprimé de façon oscil-
est typique d’un VPPB dû à un désordre mécanique de l’oreille latoire ou de façon brutale, entraîne un mouvement oculaire de
interne. stabilisation rapide dont l’origine est vestibulaire. En cas de défi-
Dans le cas d’un nystagmus positionnel central, les vertiges sont cit unilatéral, ces mouvements rapides de la tête déclenchent
très faibles, voire absents. Le nystagmus apparaît dès que l’on met quelques saccades de rattrapage dont la direction est controla-
le patient dans la position déclenchante, et possède deux particu- térale au déficit. En cas de maladie de Menière gauche, et donc
larités : il persiste tant que dure la position et il n’est pas inhibé de déficit vestibulaire gauche, la manœuvre d’Halmagyi vers la
par la fixation oculaire. gauche fait apparaître quelques saccades dirigées vers la droite.
Ce signe n’est pas constant cliniquement mais retrouvé avec une
Recherche de signes en faveur d’un déficit sensibilité beaucoup plus grande par l’enregistrement vidéo (cf.
infra).
vestibulaire unilatéral récent
Examiner la fonction vestibulospinale Recherche de signes en faveur d’une atteinte
Cet examen comprend cinq étapes, la première consistant en la
centrale
simple observation de la marche du patient lorsqu’il entre dans le
cabinet. Détecter un « gaze nystagmus »
Test de Romberg. Il consiste à étudier la posture d’un sujet On demande au sujet de regarder une mire (un point coloré sur
debout, pieds joints, au garde-à-vous et les yeux fermés. Normale- un stylo) dans le regard de face, puis dans le regard à gauche à 30
ment, on ne remarque aucune oscillation. Une tendance à la chute ou 40 cm, puis à 20◦ et 30◦ d’excentration ; même chose à droite,
d’un côté — le côté pathologique —, et seulement si cette latéra- en haut, et en bas. Chez le sujet normal, c’est seulement à partir
lisation se répète, évoque un syndrome déficitaire périphérique ; de 40◦ d’excentration qu’apparaît éventuellement un nystagmus
tandis que d’importantes oscillations non systématisées évoquent physiologique. En revanche, l’apparition d’un nystagmus dès 20◦
plutôt une pathologie centrale. d’excentration, gauche dans le regard à gauche, ou droit dans le
Test de la marche aveugle. On demande au patient de fermer regard à droite, ou vertical supérieur dans le regard en haut, ou
les yeux, d’avancer de trois à cinq pas, puis de reculer d’autant. vertical inférieur dans le regard en bas, révèle généralement, si
On apprécie le sens des déviations. Déviant de façon permanente les deux yeux battent d’une amplitude égale (si le nystagmus est
vers son côté déficitaire, le patient atteint d’une pathologie péri- congruent), une pathologie cérébelleuse. C’est ce qu’on appelle
phérique dessine, dans sa marche, une étoile. un gaze nystagmus.
Test du piétinement aveugle (test de Fukuda ou test Si le nystagmus est plus ample sur l’œil en abduction ou n’existe
d’Unterberger). On demande au sujet de piétiner sur place au que sur l’œil en abduction, il s’agit d’un nystagmus monoculaire
rythme d’un pas par seconde, en levant le genou d’environ 45◦ et ataxique de Harris qui évoque une lésion du tronc cérébral, plus
en maintenant les bras tendus en avant. Là encore, on apprécie précisément une lésion de l’interneurone (entre le noyau du VI et
surtout les rotations sur place. le noyau du III) et peut rentrer dans le cadre d’une ophtalmoplégie
Réactions posturales à la poussée brève. On se place derrière internucléaire.
le sujet — préalablement prévenu — en position de Romberg : on
effectue des deux mains une traction brève sur ses deux épaules Tester la poursuite oculaire
vers l’arrière et on observe sa réaction. Normalement, la réaction On se place à 60 cm environ du sujet à qui on demande de suivre
posturale d’esquive consiste à effectuer un petit pas en arrière pour le point précis de l’extrémité d’un stylo avec lequel on effectue des
bloquer la chute et/ou à se pencher en avant. En cas de déficit, le mouvements sinusoïdaux de va-et-vient dans le plan horizontal.
patient part en arrière sur les talons, perdant parfois son équilibre On examine ses yeux tandis qu’il suit ce mouvement. Normale-
au point de chuter si on ne le retenait pas. ment, la poursuite est souple, régulière, sans à-coup, sans saccade.
Parfois, on note des saccades — des arrêts, comme si le mouvement
Rechercher des nystagmus était crocheté — dans une direction, le plus souvent dans les deux
Le nystagmus est un mouvement involontaire et rythmé de va- directions : on peut avoir affaire à un syndrome cérébelleux, ou
et-vient synchrone des deux yeux. Il comprend une phase lente et encore à une atteinte occipitale ou pariétale.
un retour rapide, soit deux phases (ou secousses) élémentaires de
directions opposées. On peut observer tous les axes : nystagmus Tester les saccades oculaires
horizontal, vertical ou torsionnel. Par convention, le sens de la Muni d’un second stylo, on demande au sujet de regarder alter-
secousse rapide définit le sens du nystagmus : gauche, droit, haut, nativement une cible puis l’autre, de « sauter » d’un point à l’autre.
bas. Les deux mires sont placées à 30◦ l’une de l’autre, et à une soixan-
Quelques généralités. À l’examen simple, on repère plus faci- taine de centimètres du sujet.
lement un nystagmus en demandant au patient de regarder un On apprécie d’abord la précision des saccades (normo-, hypo-
mur uni ou le plafond, car l’absence de repère visuel en augmente ou hypermétriques) : des saccades hypermétriques, si l’anomalie
l’intensité. On peut utiliser des lunettes éclairantes et grossissantes est synchrone des deux yeux, sont généralement d’origine céré-
de Frenzel, ou de petites caméras vidéo à infrarouge montées en belleuse (cette anomalie a la même valeur qu’une hypermétrie à
lunettes. Pendant l’examen avec ou sans fixation, l’influence de la l’épreuve doigt-nez).
direction du regard sur le nystagmus est importante : on observe Ensuite, on apprécie la vitesse d’exécution du mouvement. Si
les yeux dans un regard centré, puis dans un regard excentré laté- l’œil est ralenti lors des mouvements en adduction, on évoque en
ralement de 20◦ à 30◦ (on évite toujours de faire excentrer le regard premier chef une ophtalmoplégie internucléaire uni- ou bilatérale,
au-delà de 40◦ , car apparaît alors un nystagmus physiologique de complète ou non, associée ou non à un nystagmus monoculaire
rappel). sur l’œil en abduction (lésion du tronc cérébral).
« Head shaking nystagmus ». Il s’agit d’un nystagmus révélé
par le secouage de la tête. Cette manœuvre de sensibilisation est Repérer un nystagmus vertical
effectuée en secouant rapidement la tête du sujet dans le plan Un nystagmus vertical, battant vers le haut ou vers le bas et
horizontal, puis nous lui demandons de regarder droit devant visible dans le regard de face, est typiquement d’origine centrale,
une large surface unie. Si, dans ces conditions, apparaît un petit souvent à la suite d’une lésion du tronc cérébral ou d’une lésion
nystagmus, il peut traduire une pathologie vestibulaire récente. Il cérébelleuse (lobe antérieur).

4 EMC - Neurologie
Diagnostic d’un vertige en pratique  17-018-A-20

Détecter une atteinte de la verticalité froides (en bleu) des deux oreilles. Le nombre de nystagmus en
Si une atteinte de la verticalité des mouvements oculaires vers le 30 secondes (ou sa vitesse maximale de phase lente) est reporté
haut et/ou vers le bas, voire une diplopie verticale ou oblique sont sur l’axe vertical situé du côté de l’oreille stimulée. Une réponse
mises en évidence, il peut s’agir d’une skew deviation. La lésion normale (Fig. 2A) correspond à un papillon symétrique selon les
peut se situer dans les noyaux vestibulaires du bulbe (Wallen- axes horizontal et vertical. Dans cet exemple, une névrite vestibu-
berg) : dans ce cas, l’œil ipsilatéral à la lésion est typiquement plus laire gauche à sa phase aiguë (Fig. 2B) entraîne une aréflexie non
bas que l’autre. Dans le cas où la lésion réside à l’étage pédoncu- compensée gauche avec un nystagmus spontané droit (ligne verte,
laire, l’œil ipsilatéral à la lésion est typiquement plus haut que non modifié par les stimulations caloriques gauches). La compen-
l’autre. sation (Fig. 2C) s’accompagne de la disparition du nystagmus
spontané et du retour à la ligne de base horizontale du graphique.
Vérifier que la fixation visuelle supprime bien les nystagmus La guérison (Fig. 2D) correspond à l’apparition d’un nystagmus
vestibulaires provoqué lors des stimulations caloriques et à l’absence de nystag-
On demande au sujet de se placer debout, coudes collés au corps, mus spontané (intersection des lignes bleue et rouge sur la ligne
de tenir des deux mains un stylo devant lui à environ 40 cm de horizontale). La distance de l’intersection par rapport à l’axe verti-
ses yeux, et de regarder attentivement l’extrémité colorée du stylo. cal central montre le degré de récupération. Cet examen s’intègre
On fait pivoter le patient d’un mouvement gauche-droite rotatoire dans un ensemble de tests évaluant les différentes fonctions ves-
alterné (de 1 Hz de fréquence et de 30◦ d’amplitude environ). Pen- tibulaires.
dant cette stimulation, le sujet normal inhibe ses nystagmus grâce
à la fixation visuelle. En cas de pathologie des voies cérébelleuses
par exemple, quelques nystagmus persistent et battent dans le
Épreuve rotatoire pendulaire
sens du mouvement exécuté. Cette épreuve consiste à étudier le nystagmus pendant les rota-
tions alternées du corps entier du patient assis sur un fauteuil.
Explorer d’autres paires crâniennes L’enregistrement se fait en vidéonystagmoscopie infrarouge. On
On explore en particulier les Ve et VIIe paires crâniennes. mesure le taux de symétrie du nystagmus provoqué. Une asymé-
On termine par l’examen général du patient. trie est en faveur d’un déficit vestibulaire périphérique (canaux
semi-circulaires latéraux) aux basses fréquences. Cette épreuve
peut être combinée à un autre examen, le test de fixation oculaire,
Examens complémentaires qui évalue le contrôle de l’archéocervelet sur le nystagmus pro-
Quand, pourquoi et comment explorer un vertige ? Quand voqué par la rotation. Une fixation oculaire pendant la rotation
l’interrogatoire et l’examen clinique ne sont pas clairs ; parce que diminue normalement la vitesse de la phase lente du nystagmus
les signes sont parfois trompeurs, et que le patient peut présenter provoqué d’au moins 80 %.
des formes atypiques ; les divers types de nystagmus congénital,
par exemple, piègent les non-spécialistes ; autrement dit, parce Potentiels évoqués otolithiques (PEO)
que le spécialiste, oto-rhino-laryngologiste (ORL) ou neurologue, ou sacculocoliques ou bien potentiels évoqués
doit savoir être systématique quand, après avoir longtemps inter-
rogé et examiné le patient, il a besoin d’approfondir la clinique vestibulaires myogéniques (PEVM)
par des techniques instrumentales telles que l’examen vidéonys- Ce test est réalisé chez le patient allongé et tête relevée (muscle
tagmographique. sterno-cléido-mastoïdien contracté). Le saccule et l’utricule sont
stimulés par une forte stimulation auditive (click de 90 dB par un
Examen vidéonystagmographique casque). Cette stimulation provoque une modulation réflexe de
la contraction du sterno-cléido-mastoïdien enregistrée par élec-
La vidéonystagmographie par caméras vidéo infrarouges minia-
tromyographie. Un déficit sacculaire unilatéral se traduit par une
turisées enregistre les nystagmus spontanés et les nystagmus
abolition de cette modulation (potentiels évoqués otolithiques
provoqués par les épreuves caloriques et par les épreuves rota-
coliques). La réponse à cette stimulation utriculaire peut éga-
toires pendulaires. Quant à l’examen vidéo-oculographique, il
lement être enregistrée au niveau des muscles verticaux des
a pour objet d’étudier les voies centrales de l’oculomotricité.
yeux par l’électromyographie (potentiels évoqués otolithiques
Vidéonystagmographie et vidéo-oculographie sont le complé-
oculaires).
ment scientifique de l’approche clinique.

Épreuve calorique Verticale visuelle subjective (VVS)


C’est l’épreuve-clé de l’examen vestibulaire, même si elle est Ce test évalue la fonction otolithique jusqu’au cortex. Le patient
généralement effectuée en dernier parce que les nausées qu’elle est assis dans l’obscurité parfaite. Il positionne à l’aide d’une télé-
peut provoquer brouilleraient le résultat des épreuves suivantes. commande une barre phosphorescente placée initialement à 45◦
Elle suppose l’intégrité tympanique : pour les patients dont le le plus vertical possible. La valeur normale est inférieure à 2◦ de
tympan est lésé, le stimulus est produit par de l’air et non déviation par rapport à la verticale. Une anomalie otolithique
de l’eau. entraîne une déviation ipsilatérale de la barre (environ 15 à 20◦
Le patient est allongé, tronc relevé de 30◦ , ce qui met le sys- dans une névrite vestibulaire au stade initial ou plus dans un
tème des canaux semi-circulaires externes en position verticale. syndrome de Wallenberg).
On étudie un seul vestibule à la fois : l’irrigation du conduit
auditif externe par de l’eau dont la température est supérieure Rotation autour d’un axe incliné par rapport
(44 ◦ C) ou inférieure (30 ◦ C) à celle du corps provoque un réchauf- à la gravité (RAIG ou « off-vertical axis rotation »
fement ou un refroidissement des liquides labyrinthiques qui
deviennent le siège de mouvements de convection thermique
[OVAR])
excitant ou inhibant les cellules vestibulaires de la crête du canal Le sujet bien solidarisé à son fauteuil tourne dans le plan hori-
semi-circulaire externe. Chez le sujet normal, l’irrigation chaude zontal à vitesse constante (60◦ /s). Ses yeux sont couverts par des
est excitatrice et provoque un nystagmus battant du côté de lunettes de vidéonystagmographie. Après plus d’une minute, le
l’oreille stimulée — nystagmus droit pour une stimulation chaude nystagmus et la sensation du mouvement déclenché par la rota-
de l’oreille droite — ; tandis que l’irrigation froide est inhibitrice et tion disparaissent. Le fauteuil est alors incliné de 13◦ et continue sa
provoque un nystagmus battant du côté opposé à l’oreille stimu- rotation à vitesse constante. Il stimule de façon cyclique les quatre
lée — nystagmus gauche pour une stimulation froide de l’oreille organes otolithiques. La réponse oculaire est enregistrée. Une ano-
droite. malie otolithique se traduit par une asymétrie de fonctionnement
La représentation des résultats de cet examen (Fig. 2) se fait sans certitude sur le côté atteint. D’autres tests otolithiques sti-
sur un graphique en « ailes de papillon » (G. Freyss et al., 1974) mulent ces organes par une rotation en carrousel mais ne sont
et montre le résultat des stimulations chaudes (en rouge) et pas réalisés en routine.

EMC - Neurologie 5
17-018-A-20  Diagnostic d’un vertige en pratique

Nystagmus droit Nystagmus droit Nystagmus droit


90 90 90 90 90 90

80 80 80 80 80 80

70 70 70 70 70 70

60 60 60 60 60 60

50 50 50 50 50 50

40 40 40 40 40 40

30 30 30 30 30 30

20 40 20 20 40 20 20 40 20

Oreille gauche

Oreille gauche

Oreille gauche
10 10 10 10 10 10
Oreille droite

Oreille droite

Oreille droite
40 40 40 40 40 40

10 10 10 10 10 10

20 40 20 20 40 20 20 40 20

30 30 30 30 30 30

40 40 40 40 40 40

50 50 50 50 50 50

60 60 60 60 60 60

70 70 70 70 70 70

80 80 80 80 80 80

90 90 90 90 90 90
Nystagmus gauche Nystagmus gauche Nystagmus gauche

A B C
90
Nystagmus droit
90
Figure 2. Représentation graphique d’un examen vestibulaire calorique (A à D). Cette représentation
graphique en « ailes de papillon » (G. Freyss et al., 1974) montre le résultat des stimulations chaudes
80 80 (en rouge) et froides (en bleu) des deux oreilles. Le nombre de nystagmus en 30 secondes (ou sa vitesse
70 70 maximale de phase lente) est reporté sur l’axe vertical situé du côté de l’oreille stimulée.
A. Normales et symétriques.
60 60
B. Aréflexie gauche non compensée.
50 50 C. Compensation.
D. Guérison.
40 40

30 30

20 40 20
Oreille gauche

10 10
Oreille droite

40 40

10 10

20 40 20

30 30

40 40

50 50

60 60

70 70

80 80

90 90
Nystagmus gauche

Test de suppression par inclinaison (Tilt Oculomotricité


Suppression Test) Les tests cliniques d’oculomotricité peuvent être quantifiés dans
des conditions standardisées par la vidéo-oculographie (Fig. 3).
Le vestibule est stimulé par une rotation rapide sur fauteuil (dix
tours en dix secondes). À l’arrêt brusque, on déclenche un nys- Audiométrie
tagmus post-rotatoire horizontal dans le sens opposé à la rotation
(accompagné de vertiges) qui décroît de façon exponentielle. Une Elle teste, pour chaque oreille, la voie auditive dans sa globalité.
inclinaison de la tête en avant cinq secondes après l’arrêt brusque
entraîne une forte inhibition du nystagmus et des vertiges. En Impédancemétrie
cas de lésion du nodulus cérébelleux, cette inhibition ne se Elle explore l’oreille moyenne (chaîne des osselets et trompe
fait pas [8] . d’Eustache).

6 EMC - Neurologie
Diagnostic d’un vertige en pratique  17-018-A-20

1s  Situations types
Faire parler, écouter, exiger la précision des termes, des durées
Œil droit 10° et des associations de symptômes : un interrogatoire métho-
dique apporte souvent tous les éléments nécessaires au diagnostic
Œil gauche A (Fig. 5). C’est ce que nous allons montrer maintenant en propo-
sant, au plus près des symptômes, une description en six tableaux.
16 s
Œil droit
Œil gauche Vertiges brefs et positionnels
30° Vertige positionnel paroxystique bénin
20° B
* Nous avons vu que le VPPB est de loin le vertige le plus fré-
quent (un tiers des cas de vertiges et de déséquilibres). Longtemps
méconnu et pris à tort pour une pathologie cervicale ou verté-
31 s
brobasilaire, le VPPB est dû à un déplacement d’otolithes dans les
Œil droit canaux semi-circulaires de l’oreille interne. Une manœuvre thé-
Œil gauche
* rapeutique de retournement de l’oreille interne est bien souvent
30° immédiatement efficace. C’est dire tout l’intérêt pour le patient
C d’un diagnostic précoce et d’un traitement judicieux [9, 10] .
Figure 3. Étude de l’oculomotricité. Nystagmus du regard excentré Interrogatoire
avec fixation (gaze nystagmus) (A à C). Le nystagmus bat à gauche (asté- La description faite par le patient lors de l’interrogatoire évoque
risque) de façon égale sur les deux yeux dans le regard à gauche (B) à d’emblée le diagnostic : classiquement, le patient décrit un vertige
partir de 30◦ d’excentration. Le même phénomène est observé dans le très bref de quelques secondes, survenant dans des circonstances
regard à droite (C). Cette atteinte est typique d’une atteinte des voies déclenchantes bien particulières, en se tournant dans son lit ou en
cérébelleuses dans la fosse postérieure. tournant la tête, mais aussi en se levant, en se baissant, en mettant
la tête en extension. En dehors de ces mouvements déclenchants,
il ne ressent rien, ou bien une instabilité qui s’améliore au cours
Potentiels évoqués auditifs (PEA) du tronc de la journée.
cérébral Toutes les formes sont possibles, depuis le vertige unique durant
Ils permettent une focalisation sur l’activité des premiers cen- une fraction de seconde au moment de tourner la tête, jusqu’aux
timètres des voies auditives, autrement dit l’endroit typique du crises qui, se répétant au moindre mouvement de la tête pendant
neurinome de l’acoustique, véritable hantise des ORL. plusieurs dizaines de minutes, empêchent le malade de quitter
la position inhibant le vertige. On note l’absence de céphalée,
d’hypoacousie, de phosphène et d’acouphène : tout au plus le
Otoémissions acoustiques et produits patient décrit-il une sensation très passagère de lourdeur dans la
de distorsion acoustique tête. Nombre de VPPB surviennent après un traumatisme crânien,
même sans gravité, ou un coup du lapin.
Les otoémissions acoustiques et les produits de distorsion sont
des sons générés par des cellules ciliées externes de la cochlée Examen clinique
de façon spontanée (otoémission) et secondaire (produits de S’il s’agit bien d’un VPPB, la manœuvre diagnostique de Hall-
distorsion) à la réception d’un son. Les produits de distorsion qui pike reproduit le vertige accompagné du nystagmus rotatoire
peuvent être mesurés en routine donnent des renseignements sur géotropique caractéristique. Le médecin demande au patient de
la pression des liquides de l’oreille interne. s’asseoir au milieu du divan d’examen, jambes pendantes. Une
main sur une nuque du patient, l’autre accrochant son bras, le
praticien couche le patient en décubitus latéral, tête tournée de
Scanner 30◦ par rapport à l’horizontale.
Il offre des images de la coque labyrinthique. Centré sur l’oreille Sous lunettes de Frenzel ou à l’examen direct, on note la
interne, il permet surtout de voir les fractures translabyrinthiques possible apparition d’un vertige contemporain d’un nystag-
et argumente pour le diagnostic d’otospongiose. Une analyse de mus. On précise la direction du nystagmus, son paroxysme,
la densité des images tomodensitométriques de l’oreille couplée à sa durée. Le sujet est ensuite remis en position assise. On
une reconstruction tridimensionnelle pourrait sensibiliser cet exa- apprécie si un nystagmus réapparaît, synchrone ou non d’un
men pour la détection des défauts de la paroi de l’oreille interne vertige, et on note sa direction. Le sujet est ensuite couché
(Fig. 4). de l’autre côté, par une manœuvre identique mais symétrique.
Cette manœuvre peut à son tour déclencher un vertige accom-
pagné d’un nystagmus rotatoire, géotropique (roulant vers le
Imagerie par résonance magnétique (IRM) bas), survenant après une courte latence de 1 à 2 secondes et
durant 10 à 20 secondes. Le retour à la position assise provoque
Elle étudie avant tout le système nerveux : le nerf cochléoves- à nouveau ce vertige et un nystagmus rotatoire dont le sens
tibulaire, l’angle pontocérébelleux et la fosse postérieure. Pour s’inverse.
optimiser la démarche diagnostique en général, et le compte- Notons qu’il n’y a pas lieu, en présence d’un VPPB avec une
rendu de ces images difficiles à interpréter en particulier, il faut manœuvre de Hallpike positive, de pratiquer ou de demander des
éviter la prescription à l’aveuglette d’examens complémentaires, investigations complémentaires ; comme il n’y a pas non plus lieu
et bien expliquer au radiologue ce que l’on recherche. L’injection de pratiquer ou de demander, en cas de vertige isolé, un électroen-
de gadolinium dans l’oreille moyenne permet d’opacifier l’espace céphalogramme ou un échodoppler.
périlymphatique de l’oreille interne par une diffusion du pro-
duit à travers la fenêtre ronde et de visualiser un hydrops Thérapeutique
endolymphatique. Cet examen très prometteur n’est actuelle- Le traitement principal du VPPB est la manœuvre thérapeu-
ment pas réalisé en routine. En cas de suspicion d’une cause tique : le patient est placé en position de Hallpike du côté atteint.
vasculaire (dissection d’une artère vertébrale), les séquences Après l’arrêt du vertige et du nystagmus, le médecin fait réaliser
d’angio-IRM à 3 T apportent des renseignements précieux par au patient une bascule de 180◦ . Le patient se retrouve sur le côté
leur haute résolution spatiale (environ 300 ␮m) et l’utilisation ou sur le ventre, tête à 45◦ vers le sol.
des séquences time-of-flight (TOF) sans injection de produit de Il ressent, après un délai de quelques secondes à quelques
contraste (Fig. 4). minutes, un vertige intense mais bref et le médecin observe

EMC - Neurologie 7
17-018-A-20  Diagnostic d’un vertige en pratique

A B C
Figure 4. Apport de l’imagerie dans les vertiges. Une imagerie par résonance magnétique en coupe
coronale et séquence T1 + gadolinium (A) et en coupe axiale et en séquence T2 (B) montre un ménin-
giome typique de l’angle pontocérébelleux gauche (flèches) chez un patient vertigineux avec déficit
vestibulaire périphérique gauche. Un scanner de haute résolution des rochers avec une coupe coronale
(C) et parasagittale dans le plan du canal semi-circulaire supérieur (D) montre une déhiscence canalaire
supérieure avec absence de couverture osseuse (flèches) (clichés du docteur J.-L. Bensimon).

un nystagmus rotatoire agéotropique. Ces manifestations sont troubles fonctionnels cervicaux éprouvent des sensations ver-
le témoin d’une sortie des otolithes du canal. Dans 80 % des tigineuses. Le plus souvent, il s’agit de simples sensations de
cas, le patient est immédiatement guéri ; sinon, la manœuvre déséquilibre. La symptomatologie, quant à elle, n’a rien de
est répétée. Aucun traitement médicamenteux n’a prouvé son spécifique.
efficacité dans ce type de vertige. Un antiémétique peut parfois
être efficace en cas de nausées et vomissements, de même qu’un
anxiolytique. Atteinte centrale
La présentation du VPPB ne serait pas complète sans ses Céphalées, gaze nystagmus, poursuite oculaire, hypermétries des
diagnostics différentiels, au nombre de quatre : l’hypotension saccades oculaires, test de fixation oculaire et nystagmus vertical
orthostatique, l’insuffisance vertébrobasilaire, la pathologie cer- sont autant d’arguments cliniques qui permettent d’évoquer cette
vicale ou encore une atteinte centrale. cause heureusement rare.

Hypotension orthostatique
Cette sensation vertigineuse est extrêmement fréquente. On Grandes crises de vertige répétitives
retrouve, lors de l’interrogatoire, une information déterminante :
c’est seulement lorsqu’il se lève brusquement ou relève la Maladie de Menière
tête que le patient éprouve une sensation de malaise accom-
L’erreur à ne pas commettre, surtout lors des premières crises,
pagnée de quelques phosphènes et parfois de dysesthésies
consiste à rattacher la symptomatologie du patient à une patholo-
disparaissant en quelques secondes. La prise de la tension
gie digestive : c’est l’interrogatoire qui va permettre de reconnaître
en position couchée et debout apporte la clé du diagnos-
la symptomatologie vestibulaire.
tic. Ce type de vertige ne s’accompagne normalement pas de
nystagmus.
Interrogatoire
Insuffisance vertébrobasilaire Les accès vertigineux durent généralement entre un quart
d’heure et plusieurs heures, puis se calment progressivement. Le
Longtemps considérée comme une cause essentielle de ver-
patient révèle les signes d’accompagnement typiques : la crise
tiges, elle est en fait peu fréquente et représente moins de 1 %
commence souvent par une impression de plénitude d’oreille,
de nos consultations de vertiges. Lors de l’interrogatoire, le
de bourdonnement grave unilatéral, classiquement en « conque
médecin retrouve des vertiges brefs, durant quelques secondes à
marine ».
quelques minutes. S’ils sont associés à des manifestations visuelles
Nausées et vomissements surviennent souvent à l’acmé de la
telles qu’obscurcissement ou rétrécissement du champ visuel, ou
crise et soulagent le patient, mais égarent souvent le diagnostic
encore à des céphalées ou à d’autres manifestations typiquement
vers une « crise de foie ». Chez nombre de patients, persiste après
neurologiques, le médecin peut évoquer une insuffisance verté-
la crise un acouphène aigu.
brobasilaire.
L’évolution de la maladie montre qu’après chaque crise,
l’hypoacousie, touchant typiquement les fréquences graves,
Pathologie cervicale s’aggrave un peu plus. Après plusieurs années, la surdité est impor-
Difficile d’appréciation et peut-être trop souvent incrimi- tante et les grandes crises vertigineuses font place à une instabilité
née, il semble bien que certains patients présentant des quasi permanente.

8 EMC - Neurologie
Diagnostic d’un vertige en pratique  17-018-A-20

Tumeur cérébelleuse
+ céphalées Accident ischémique transitoire : 0,1 %
– signes auditifs
Tumeur du cervelet : 0,1 %
Syndrome d’Arnold-Chiari

Brefs (< 1 min)


– signes auditifs VPPB CSCP : 30 %
Souvent récurrent
– céphalées VPPB CSCL : 4 %
et positionnel

Fistule labyrinthique : 0,2 %

+ signes auditifs
Hypotension orthostatique : 5,9 %
Insuffisance vertébrobasilaire

+ céphalées
Migraine : 3 %
– signes auditifs

Durée moyenne
– signes auditifs
(5 min–5 h) Vestibulopathie récurrente : 3 %
– céphalées
Souvent récurrent
Maladie de Menière : 7 %
OMC et cholestéatome : 4 %
Delayed vertigo : 1 %
+ signes auditifs
Otospongiose : 1 %
Syndrome de Lermoyez
Schwannome vestibulaire

AIT : 3 %
+ céphalées
Latérobulbaire : 0,5 %
– signes auditifs
Vertige Cérébelleux : 0,5 %

Névrite vestibulaire : 6 %
Durée longue (> 1 j)
– signes auditifs
Très grande crise
– céphalées
de vertige rotatoire
Fracture labyrinthique : 0,3 %
+ signes auditifs
– céphalées
Accident de plongée (barotraumatisme,
aéroembolique) : 0,3 %

Presbyvestibulopathie, presbyataxie
Déficit otolithique
Déficit vestibulaire bilatéral
– signes auditifs (par exemple : toxiques, auto-immun)
Migraine, maladies neurodégénératives
Séquelles de traumatisme crânien,
syndrome proprioceptif

Suspicion de fistule
+ signes auditifs
Non pas vertige Suspicion schwannome vestibuaire : 5 %
mais perte d’équilibre Dépendance
visuelle

N8 diagnostiqué : 0,4 %
Syndrome postural
phobique : 5,6 %

Dépendance Agoraphobie : 1,5 %


des lieux Acrophobie

Figure 5. Arbre décisionnel. Stratégie diagnostique des vertiges. AIT : accident ischémique transitoire ; OMC : otite moyenne chronique ; VPPB : vertige
paroxystique positionnel bénin ; CSCL : canal semi-circulaire latéral ; CSCP : canal semi-circulaire postérieur.

EMC - Neurologie 9
17-018-A-20  Diagnostic d’un vertige en pratique

Examen clinique Dissection de l’artère vertébrale


Un patient présentant ces symptômes doit être confié à un ORL Celle-ci atteint le plus souvent la partie extracrânienne des
pour confirmation du diagnostic. Au décours de la crise, il pratique artères vertébrales. Elle peut suivre des traumatismes même
un bilan audiométrique, des potentiels évoqués auditifs, un test au mineurs, comme des mouvements répétés d’extension du cou,
glycérol, une vidéonystagmographie et des épreuves vestibulaires être spontanée, ou associée à une fragilité des parois artérielles
caloriques. (syndrome de Marfan, d’Ehlers-Danlos, dysplasie fibromuscu-
Thérapeutique laire). Des dissections bilatérales ne sont pas rares. C’est la cause
Le traitement repose sur le chlorhydrate de bétahistine la plus fréquente des accidents ischémiques du territoire vertébro-
(Bétaserc® 24 et ses nombreux génériques) : trois comprimés à basilaire entre 30 et 50 ans.
8 mg le matin et le soir pendant le repas, un petit régime sans sel et Ces dissections sont souvent associées à une douleur latérocervi-
une bonne hygiène de vie. Il existe bien souvent une composante cale, irradiant dans la mâchoire, les épaules et la région occipitale.
psychosomatique assez difficile à prendre en charge. Cette douleur peut être le seul symptôme initial qui conduit
parfois le patient vers des manipulations cervicales qui risquent
d’aggraver la lésion et ses conséquences. Les autres symptômes les
Diagnostics différentiels de la maladie de Menière plus fréquents sont les vertiges, la diplopie, les troubles sensitifs de
Quatre affections sont à citer : l’otospongiose, l’otite chronique la face ou des signes cérébelleux mais aussi des signes d’ischémie
— avec ou sans cholestéatome —, la fistule labyrinthique et le labyrinthique avec hypoacousie.
neurinome de l’acoustique (que l’on doit maintenant nommer Si une dissection vertébrale est la première hypothèse diagnos-
schwannome vestibulaire). tique envisagée, il est indispensable d’obtenir rapidement une
IRM. Des coupes transversales des artères vertébrales permettent
de voir l’élargissement de la paroi avec présence de sang frais
Grande crise de vertige unique dans celle-ci. Des images angiographiques (angio-IRM) peuvent
durant plusieurs jours d’affilée illustrer le rétrécissement ou la thrombose artérielle. L’imagerie
devra exclure la présence d’une hémorragie sous-arachnoïdienne
Névrite vestibulaire souvent associée à une dissection de la partie intracrânienne des
Les patients atteints de névrite vestibulaire présentent bruta- artères vertébrales. Cinq à 20 % des accidents ischémiques des
lement un grand vertige isolé qui dure des heures, voire des sujets jeunes sont dus à des dissections. Les séquences T1 mettent
jours. L’interrogatoire ne retrouve ni notion d’hypoacousie ou en évidence, sur une coupe transversale du vaisseau, l’hématome
d’acouphène, ni aucun passé otologique particulier, ni de cépha- de paroi en hypersignal qui réduit la lumière du vaisseau, avec le
lées ou de signes neurologiques particuliers. L’évolution se fait vers sang circulant en hyposignal.
une instabilité qui cède en quelques semaines.
La confirmation du diagnostic est apportée par l’épreuve calo- Instabilité sans autre atteinte neurologique
rique qui révèle le déficit aigu unilatéral labyrinthique sous la
forme d’une aréflexie vestibulaire non compensée. Chez ces patients ne présentant jamais, ou presque, de sensa-
Comme pour le zona, la varicelle ou les oreillons, la névrite tions rotatoires, la plainte concerne une instabilité permanente
vestibulaire est typiquement une infection virale par un virus ou transitoire qui les gêne dans leur vie quotidienne. Là encore,
neurotrope. l’interrogatoire suffit souvent à établir le diagnostic.
Ajoutons que le bilan doit toujours comporter un examen
audiométrique et des potentiels évoqués auditifs afin d’éliminer Syndrome otolithique
un neurinome du VIII ou une atteinte centrale.
Tel patient raconte par exemple comment, pendant qu’il mar-
chait, il s’est senti inexorablement attiré vers un côté, se percevant
Traumatisme crânien avec fracture du rocher lui-même oblique par rapport à la verticale ; tandis que tel autre
On trouve ici aussi une grande crise de vertige rotatoire qui explique qu’il a la sensation que sa tête est plus proche du sol,
régresse au cours des semaines. Mais l’interrogatoire permet d’y comme « décalée ». De nombreux symptômes sont liés à des sen-
adjoindre la notion de traumatisme s’accompagnant éventuel- sations perçues en voiture : tel malade décrit qu’il a senti sa tête
lement d’otorragies, de paralysie faciale, de cophose. L’examen continuer son mouvement vers l’avant lors d’un freinage brusque
vestibulaire calorique objective le déficit unilatéral non compensé à un feu rouge ; tel autre que, dans des virages serrés, son corps (ou
et le bilan de scanner retrouve la fracture. sa voiture) prenait la tangente du virage, ou qu’il a cru à tort que
sa voiture était penchée comme si deux pneus étaient dégonflés
Accidents vasculaires ischémiques du tronc d’un côté. Parfois, c’est dans l’ascenseur que le patient a eu
cérébral ou du cervelet l’impression que le mouvement de la cabine s’est poursuivi après
l’arrêt [11] .
La forme classique et typique en est le syndrome de
Wallenberg caractérisé par un vertige rotatoire durant plu- Neurinome de l’acoustique
sieurs jours ou plusieurs semaines. L’interrogatoire peut mettre
en évidence, parmi les signes d’accompagnement, l’existence Il faut avoir cette affection à l’esprit car elle ne se manifeste
de céphalées, de hoquet mais aussi d’une dysphonie. Asso- que rarement par de grandes crises vertigineuses. Les phénomènes
ciés à l’examen clinique, les épreuves vestibulaires caloriques d’instabilité surviennent tardivement. Le patient nous révèle
et oculographiques montrent, en plus du déficit labyrin- qu’il fait des embardées quand il marche, qu’il est déséquili-
thique, des signes d’atteinte centrale : latéropulsion oculaire, bré dans l’obscurité. Mais c’est avant tout devant la présence
gaze nystagmus, poursuites saccadiques, indice de fixation d’une surdité unilatérale progressive, associée ou non à des acou-
anormal. phènes, qu’il faut y penser. L’examen vestibulaire, qui montre
L’examen neurologique retrouve un syndrome cérébelleux un déficit unilatéral compensé, est impérativement complété par
ipsilatéral, un syndrome de Claude Bernard-Horner ipsila- l’examen audiométrique, les potentiels évoqués auditifs et une
téral, une anesthésie faciale dissociée touchant la sensibi- imagerie–scanner, IRM.
lité thermique et douloureuse, une paralysie ipsilatérale de
l’hémivoile, de l’hémipharynx et d’une corde vocale, enfin Agents ototoxiques
une hémianesthésie des membres du corps de type disso- Il peut s’agir d’un déficit vestibulaire périphérique bilatéral par
cié controlatérale à la lésion. L’imagerie précise l’étendue des atteinte ototoxique, notamment par les antibiotiques aminosi-
lésions. diques, type streptomycine et gentamicine. La principale plainte
Il s’agit d’une urgence médicale nécessitant l’intubation et du patient porte sur une ataxie majorée par l’obscurité (s’il se lève
l’hospitalisation du patient en réanimation neurochirurgicale. la nuit, ou quand il a les yeux fermés), mais il peut également
C’est, à nos yeux, la seule vraie urgence dans les vertiges aigus. souffrir d’une perte d’audition.

10 EMC - Neurologie
Diagnostic d’un vertige en pratique  17-018-A-20

L’examen vidéonystagmographique met en évidence une aré- Hydrocéphalie à pression normale


flexie vestibulaire bilatérale aux épreuves caloriques et rotatoires
Ce trouble affectant souvent le sujet âgé se reconnaît par des
pendulaires, permettant ainsi le diagnostic différentiel avec une
troubles de la marche associés à des troubles sphinctériens et à
atteinte centrale. L’examen clinique et posturographique objec-
une détérioration intellectuelle. Au début, le patient se plaint
tive l’ataxie. Quant à l’examen audiométrique, il permet la
d’une instabilité, d’une marche ébrieuse, d’une difficulté à monter
surveillance des seuils auditifs.
les escaliers. Plus tard, la marche est ralentie, précautionneuse et
s’effectue à petits pas traînants. Des troubles des fonctions supé-
Hypoglycémie, anémie, polyglobulie, insuffisance rieures s’associent, entraînant une réduction des activités et un
respiratoire certain désintérêt. Le scanner montre, tout particulièrement, une
Le vertige s’accompagne de phosphènes (généralement scin- dilatation du système ventriculaire.
tillants dans le champ visuel périphérique), d’acouphènes aigus
continus bilatéraux, de paresthésies des quatre membres, d’une État lacunaire survenant chez un patient
tachycardie. hypertendu
Les lacunes du sujet hypertendu se constituent souvent à bas
Instabilité d’origine visuelle
bruits. Dans la majorité des cas, la symptomatologie est rapide-
Le patient se plaint d’être instable lorsqu’il est en hauteur ou ment résolutive : il peut s’agir de petites syncopes, de dysarthrie,
lors de stimulations optocinétiques (lorsqu’il regarde démarrer un d’hémiparesthésie, ou de troubles de l’équilibre. À la longue, les
train, lorsqu’il voit défiler des lignes blanches sur le sol en voiture, troubles de l’équilibre deviennent plus fréquents, plus pénibles
etc.). et le patient marche à petits pas : une véritable impotence peut
s’installer. Les troubles du contrôle sphinctérien s’ajoutent parfois
Presbyataxie à l’état pseudobulbaire. Parfois encore, cet état lacunaire évolue
La presbyataxie concerne des personnes âgées chez lesquelles jusqu’à la démence.
les différentes fonctions concourant à l’équilibration sont per-
turbées : problèmes visuels, presbyvestibulie et troubles de la Atrophie cérébelleuse
sensibilité profonde. Le patient se plaint d’une multitude de petits On rencontre cette affection soit dans le cadre d’un alcoolisme
troubles qui lui « gâchent la vie » : il voit moins bien, marche chronique, soit dans celui d’une hérédodégénérescence spinocé-
moins bien, peut tomber et a peur de sortir. Tout ceci participe au rébelleuse, type maladie de Friedreich ; elle associe un syndrome
déséquilibre du sujet âgé, source de chutes dont on connaît, hélas, cérébelleux à un syndrome pyramidal et à un syndrome radi-
les fréquentes conséquences–fracture du col du fémur, dépen- culocordonal postérieur. Le patient présente un élargissement
dance, etc. du polygone de sustentation avec une marche ébrieuse, tandis
que le syndrome radiculocordonal donne une marche talonnante
Instabilité accompagnée d’autres signes avec une hypotonie. Le syndrome pyramidal plus tardif provoque
un déficit moteur. L’examen clinique est caractérisé par un pied
neurologiques creux et une cyphoscoliose qui aggravent encore les troubles de
la marche.
Sclérose en plaques
Chez la personne jeune, la sclérose en plaques se manifeste Neuropathies périphériques
fréquemment par des troubles de l’équilibre. L’interrogatoire
recherche dans les antécédents l’existence de poussées spon- Qu’elles soient d’origine diabétique, alcoolique ou carentielle
tanément résolutives : paresthésies, douleurs fulgurantes élec- ou parfois même médicamenteuse, ces affections provoquent
triques, névralgies faciales, troubles oculomoteurs. L’examen des troubles de l’équilibre avec faiblesse musculaire et chutes.
vidéonystagmographique, avec étude de l’oculomotricité par L’abolition des réflexes rotuliens et achiléens ostéotendineux font
vidéo-oculographie, montre souvent une ophtalmoplégie inter- évoquer le diagnostic. C’est l’examen électromyographique qui le
nucléaire et un syndrome cérébelleux. Dans les formes évoluées, confirme.
la névrite optique rétrobulbaire est presque constante. Elle est
mise en évidence par les potentiels évoqués visuels montrant un Tumeurs cérébrales
allongement de latence de l’onde P 100. L’IRM permet de déceler Soit la tumeur affecte directement les voies vestibulaires cen-
la présence d’hypersignaux révélant souvent des lésions infracli- trales depuis les noyaux vestibulaires du bulbe, l’archéocervelet,
niques. le thalamus vestibulaire (ventrocaudal externe, ventrocaudal
interne et ventrocaudal intermédiaire) puis les projections cor-
Maladie de Parkinson ticales pariéto-insulaires ; soit par l’hypertension intracrânienne
C’est le plus fréquent des syndromes extrapyramidaux. Le syn- elle-même, sans doute sur les noyaux vestibulaires qui bordent le
drome parkinsonien associe classiquement akinésie, hypertonie plancher du IVe ventricule, mais peut-être aussi directement sur
et tremblements, et est responsable de nombreux troubles de la pression des liquides labyrinthiques. Il ne s’agit pas de vertiges
la marche, de déséquilibre et de chutes. Il est parfois la consé- rotatoires, mais de sensations ébrieuses accompagnées d’ataxie.
quence d’un traitement neuroleptique ou de la composante
neuroleptique moins connue d’un antivertigineux : Torécan® , Myélopathie cervicarthrosique d’Arnold-Chiari
Sibélium® , Sureptil® ; ou d’un antiémétique : Primperan® , prescrit La douleur évocatrice en « cimier de casque » parcourt en ligne
souvent trop longtemps. le vertex pour se terminer sur le sourcil (qui peut devenir doulou-
reux quand, à l’examen, on le pince entre deux doigts). Le trouble
Syndrome de Steele-Richardson-Olszewski de l’équilibre n’est pas vestibulaire, mais proprioceptif, avec une
ou ophtalmoplégie supranucléaire progressive ataxie au test de Romberg et de la marche aveugle, non latéralisée,
Cet autre syndrome extrapyramidal ne répond pas au traite- aggravée par la fermeture des yeux.
ment classique de la dopamine, et son évolution est plus grave.
Souvent, l’affection commence par des troubles de l’équilibre, des Sensations d’instabilité sans instabilité réelle
chutes inopinées, une tendance à la rétropulsion et des troubles
de la marche. S’y ajoutent des signes cérébelleux et des troubles • Agoraphobie. L’interrogatoire montre que cette instabilité iso-
centraux. L’ophtalmoplégie concerne d’abord la verticalité puis lée survient dans des circonstances bien définies, à savoir des
l’horizontalité, et se traduit avant tout par un ralentissement des endroits très fréquentés, de grands espaces, restaurants ou
saccades oculaires. Une dysarthrie et des troubles de la déglutition grands magasins, etc. Il n’y a pas d’ataxie à l’examen clinique
sont également observés. en dehors des lieux déclenchants.

EMC - Neurologie 11
17-018-A-20  Diagnostic d’un vertige en pratique

Figure 6. Posturographie. Cet examen permet


de tester l’équilibre d’un patient debout sur
un plateau dans différentes conditions (plateau
stable ou instable, les yeux fermés ou ouverts
avec ou sans stimulation optocinétique déran-
geante) (A). Des indices de préférence sensorielle
sont déduits des mesures de surface dans ces
différentes conditions (B). Dans cet exemple de
névrite vestibulaire en cours de compensation,
on note un faible indice vestibulaire accompagné
d’une dépendance visuelle. SOM : somesthésie ;
VIS : vision ; VEST : vestibulaire ; DEP : dépendance
visuelle.

A B

• Attaque de panique. Tout à coup, le patient ne peut plus avan- répercussions dans la vie quotidienne. Le handicap peut être
cer, il ne sait plus sortir de ce traquenard inattendu : descendre quantifié par des échelles validées spécifiques du vertige ou de
d’un escalator, sortir de cette foule, rentrer dans un maga- la maladie de Menière comme Dizziness Handicap Inventory
sin ou tout simplement continuer son chemin. Il peut avoir (DHI), échelle de vertige de l’Académie américaine d’oto-rhino-
l’impression que le sol va s’ouvrir sous ses pieds. laryngologie et de chirurgie cervicofaciale (AAO-HNS) ou une
• Syndrome postural phobique. Le patient doute de ses perfor- échelle générale (SF-36).
mances. Il marche à pas prudent, parfois même glissant les On peut distinguer deux familles du point vue stratégique :
pieds comme s’il marchait sur du verglas. Si on lui donne les maladies avec une cause spécifique et celles dont l’étiologie
la main, même symboliquement d’un doigt, tout rentre dans échappe à un traitement non spécifique.
l’ordre. Dans les pathologies avec une cause spécifique et traitable, le
• Troubles proprioceptifs (surtout ceux de la région nucale). Ils traitement étiologique (manœuvres thérapeutiques dans VPPB,
provoquent des troubles de l’équilibre minimes qui peuvent exérèse d’un schwannome vestibulaire ou d’un cholestéatome,
être améliorés par la médecine orthopédique. fermeture d’une fistule labyrinthique, etc.) domine la stratégie.
• Syndrome de dépendance visuelle. Dans ce syndrome, le Le traitement symptomatique (antivertigineux et antiémétiques,
patient est sensible à tout ce qui bouge. Le mouvement dans sédatifs) permet de réduire l’intensité des symptômes pendant la
le champ visuel se traduit par une impression de réel déplace- phase aiguë et de ne pas trop entraver la mise en place d’une
ment du corps. Ce syndrome peut survenir spontanément ou neuroplasticité de compensation. Une mobilisation précoce et
être secondaire à un déficit vestibulaire ou plus spécifiquement prudente mais volontaire et active (retour à la station debout et
otolithique. à la marche) accélère la compensation. La rééducation vestibu-
• Syndrome d’hyperventilation-spasmophilie-tétanie-névrose laire comprend l’ensemble des exercices qui favorisent la mise
d’angoisse. Dans des conditions de stress, un ensemble de en jeu de la compensation vestibulaire par les autres organes
symptômes associant des fourmillements des extrémités, qui participent à l’équilibre (oreille controlatérale, yeux, cerve-
une difficulté respiratoire avec une polypnée superficielle let et connexions centrales). Cette rééducation doit être prescrite
s’accompagne fréquemment d’un spasme des membres si les troubles de l’équilibre n’évoluent pas favorablement après
avec les mains dites « d’accoucheur » et les pieds en varus deux semaines.
équin. Dans les maladies récurrentes avec une cause idiopathique, ou
• Hystérie. L’examen clinique met en évidence une gêne et des difficilement accessibles à un traitement spécifique, la relation
signes disproportionnés, incohérents et non reproductibles. médecin–malade, l’explication de la maladie et de la compen-
L’exécution de double tâche, de suggestion ou de distraction sation et le soutien psychologique dominent la stratégie. Le
permet de démasquer certains cas. traitement symptomatique est utilisé de façon ponctuelle. Ce n’est
• Dépression. La dépression peut accompagner tous les vertiges qu’en cas d’échec thérapeutique médicamenteux avec un retentis-
chroniques et récurrents. La dépression peut être à l’origine des sement majeur sur la vie quotidienne du patient que la destruction
troubles de locomotion et décrits par le patient comme une labyrinthique partielle ou totale ou bien la section du nerf vesti-
sensation d’ivresse. Il peut également s’agir d’un effet secon- bulaire est envisagée.
daire au traitement pharmacologique ou d’un syndrome de
sevrage.
Cela souligne l’intérêt d’un interrogatoire minutieux explorant
le contexte clinique dans toutes ses dimensions.
Suivi du patient et posturographie
La posturographie est un plateau sur lequel le patient est
placé debout en position de Romberg, qui mesure le centre de
Outils et stratégies thérapeutiques pression des pieds dans différentes conditions (yeux ouverts ou
fermés, stimulation optocinétique, plateau instable) (Fig. 6). Il per-
Nous disposons d’une large palette thérapeutique allant du met d’évaluer la qualité de l’équilibre, la dépense énergétique et
simple repos (le plus conservateur) à la section du nerf vestibu- l’impact des trois entrées sensorielles, visuelle, somesthésique et
laire (le plus radical) en passant par les agents pharmacologiques vestibulaire sur l’équilibre. Cet examen est une aide non négli-
(bétahistine, neuroleptique). Ces traitements sont adaptés non geable au suivi et au choix de mode rééducation du patient
seulement à l’étiologie mais également au handicap et aux vertigineux.

12 EMC - Neurologie
Diagnostic d’un vertige en pratique  17-018-A-20

 Conclusion [2] Toupet M, Rothoft JM, Brémaud des Ouillères L. Prise en charge
des plaintes vertigineuses en ORL de ville. Rev Soc ORL 2004;82:
57–63.
Le principal mérite d’une mise au point sur l’interrogatoire
[3] Baloh RW, Honrubia V. Clinical neurophysiology of the vestibular
du patient vertigineux réside sans doute dans la conscience que
system. Philadelphia: Davis FA; 1979, 230p.
ce temps de la consultation est capital à plus d’un titre. Tout
[4] Brandt T. Vertigo: its multisensory syndromes. In: Conomy JP, Swash
d’abord parce que le médecin y puise les éléments essentiels du
M, editors. Clinical medicine and the nervous system. New York:
diagnostic–type de vertige ou de déséquilibre, durée, intensité,
Springer-Verlag; 1990, 345p.
signes associés : en s’appuyant sur l’examen clinique et les exa-
[5] Furman JM. Vestibular disorders, a case-study approach. New York:
mens complémentaires (vidéonystagmographie, audiométrie et
Oxford University Press; 2003, 421p.
éventuellement potentiels évoqués auditifs), il peut confirmer
[6] Chays A, Florent A, Ulmer E. Les vertiges. Paris: Elsevier-Masson;
le diagnostic avant de proposer un traitement adapté. Ensuite,
2009, 186p.
parce que certaines plaintes des patients, autrefois négligées ou
[7] Sauvage JP. Vertiges : manuel de diagnostic et de réhabilitation. Col-
interprétées comme psychosomatiques, sont désormais recon-
lection ORL. Paris: Elsevier-Masson; 2010, 184p.
nues comme d’authentiques manifestations vestibulaires, parfois
[8] Zee DS, Hain TC. Otolith-ocular reflexes. In: Sharpe JA, Barber HO,
même otolithiques : nous savons aujourd’hui qu’environ 20 % des
editors. The vestibulo-ocular reflexes and vertigo. New York: Raven
pathologies vestibulaires chroniques et récidivantes sont suivies Press; 1993. p. 69–78.
d’affections telles que l’agoraphobie, l’attaque de panique, le syn-
[9] Toupet M, Semont A. La physiothérapie du vertige position-
drome postural phobique ou encore le syndrome de négligence nel paroxystique bénin. XIXe symposium d’ENG de langue
vestibulaire. française, Genève, 1-3 mars 1985. Paris: Ipsen publishing; 1986.
p. 21-7.
[10] Toupet M, Codognola S. Vertige positionnel paroxystique
 Références bénin. Optimisation de sa physiothérapie. Rev ONO 1988;1:
25–33.
[1] Toupet M, Rothoft JM, Brémaud des Ouillères L. Plaintes vertigi- [11] Tran Ba Huy P, Toupet M. Peripheral disorders in the otolith sys-
neuses : présentation habituelle en médecine de ville et aspects concrets tem. A pathological and clinical overview. Adv Otorhinolaryngol
de la prise en charge. Rev Geriatr 2002;27:1–10. 2001;58:88–97.

M. Toupet (michel.toupet@otoneuro.fr).
Centre d’explorations fonctionnelles otoneurologiques, 10, rue Falguière, 75015 Paris, France.
A. Bozorg Grayeli.
Service d’oto-rhino-laryngologie, Hôpital Général, Centre hospitalier universitaire de Dijon, 3, rue Faubourg-Raines, 21033 Dijon, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Toupet M, Bozorg Grayeli A. Diagnostic d’un vertige en pratique. EMC - Neurologie 2013;10(3):1-13
[Article 17-018-A-20].

Disponibles sur www.em-consulte.com


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décisionnels supplémentaires Animations légaux au patient supplémentaires évaluations clinique

EMC - Neurologie 13
¶ 17-021-B-20

Agnosies auditives et syndromes voisins :


étude clinique, cognitive
et psychopathologique
H. Platel, B. Lechevalier, J. Lambert, F. Eustache

Les agnosies auditives, la surdité verbale pure, la surdité corticale, constituent les troubles de la perception
auditive d’origine cérébrale en rapport avec une lésion de l’hémisphère droit, gauche ou bilatérale
affectant le plus souvent le cortex temporopariétal. Les amusies sont des agnosies auditives spécialisées
pour la musique. L’étude de ces syndromes nécessite de bien connaître les symptômes et signes qui
permettent de les différencier, la structure acoustique des différents stimuli auditifs, la méthodologie des
examens audiologiques et l’imagerie fonctionnelle cérébrale. Des acquisitions nouvelles résultent de la
meilleure systématisation du cortex auditif et des découvertes récentes apportées par la neuro-imagerie.
Le pronostic est fonction de l’étiologie, de la localisation et de l’étendue des lésions ; il est habituellement
favorable dans le cadre des accidents vasculaires cérébraux.
© 2009 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Agnosies auditives ; Surdité verbale pure ; Surdité corticale ; Cortex auditif ;
Perception des sons ; Amusies ; Potentiels évoqués auditifs ; Imagerie fonctionnelle cérébrale

Plan en outre, certaines formes sont évolutives, changeant de tableau


clinique au cours du temps. Il est néanmoins indispensable de
conserver la distinction de ces syndromes en raison des carac-
¶ Introduction 1
téristiques acoustiques des stimuli sonores perturbés, des
¶ Aspects et particularités de chaque forme clinique 1 particularités lésionnelles, des données de l’audiométrie, ainsi
Surdité corticale 1 que de l’étude des potentiels évoqués et des examens de
Surdité verbale pure 2 neuro-imagerie.
Agnosies auditives 2
Autres syndromes 3
Étiologies 5 ■ Aspects et particularités
¶ Évaluations cliniques
Particularités des stimuli sonores
5
5
de chaque forme clinique (Tableau 1)
Examens audiologiques 6 Le début est souvent trompeur, le trouble auditif d’origine
Examens neuropsychologiques 7 cérébrale peut être pris à tort pour une aphasie, le malade ne
¶ Neuroanatomie de la perception auditive 8 comprend plus le langage parlé, ou pour un épisode psychiatri-
Cortex auditif et rôle des structures sous-corticales 8 que, le patient trouve que les sons de l’environnement sont
Perception auditive et imagerie fonctionnelle cérébrale 8 anormaux, ne reconnaît plus les voix de son entourage, se
trompe dans l’identification des bruits de l’environnement, est
surpris par le caractère cacophonique et désagréable de la
musique qu’il entend. Ailleurs, c’est le diagnostic d’une surdité
■ Introduction brutale d’origine périphérique qui se pose. L’existence, dans les
antécédents, d’un accident vasculaire cérébral peut orienter, car
Depuis la fin du XIXe siècle, les troubles de la perception c’est à l’occasion du deuxième infarctus temporal, controlatéral
auditive d’origine cérébrale ont été progressivement regroupés au premier, que le trouble perceptif se révèle.
en trois syndromes distincts. L’agnosie auditive est l’impossibi-
lité de reconnaître les bruits de l’environnement, la parole et la
musique que le malade déclare cependant entendre. Ce terme a
Surdité corticale
été créé en 1891 par Freud [1] à propos d’une malade aveugle Dans la surdité corticale, les patients ont l’impression d’être
qui par la suite ne put guère identifier son médecin à la voix. sourds ou déclarent qu’ils ne sont pas sourds mais qu’ils ne
La surdité verbale pure, individualisée par Kussmaull [2] et comprennent pas. Ce syndrome est caractérisé par l’abolition
décrite par Lichtheim [3], est l’impossibilité de comprendre le des potentiels évoqués auditifs (PEA) tardifs et de moyenne
langage parlé, de répéter ou d’écrire sous dictée en l’absence latence (Fig. 1), signifiant que les potentiels ne parviennent pas
d’autre signe d’aphasie. La surdité corticale est définie comme aux aires auditives primaires ou aux voies qui s’y terminent.
l’impression d’être sourd contrastant avec l’intégrité fréquente Curieusement, les patients atteints de surdité corticale perçoi-
de l’audiogramme tonal. Théoriquement, ces trois entités sont vent parfois une conversation à voix basse ou un bruit peu
donc bien définies ; en réalité, les tableaux cliniques ne sont pas intense. L’inattention auditive est généralement d’autant plus
aussi tranchés. Par exemple, la surdité verbale absolument pure marquée que l’impression de surdité est plus grande. La surdité
est exceptionnelle, le plus souvent la perception des sons non corticale peut constituer le premier stade d’un syndrome qui
verbaux (musique et environnement) est plus ou moins altérée ; évolue vers un tableau d’agnosie auditive. Michel et al. [4]

Neurologie 1
17-021-B-20 ¶ Agnosies auditives et syndromes voisins : étude clinique, cognitive et psychopathologique

Tableau 1.
Caractéristiques principales des troubles.
Surdité corticale Surdité verbale pure Agnosie auditive Amusie
Audiométrie tonale + ± - -
Localisation des sons + - - ±
Perception de la hauteur + - ± +
Perception du rythme + - ± +
Production du rythme + - ± +
Perception du timbre + ± ± +
Perception de sons de + - + ±
l’environnement
Perception de phonèmes + + ± -
Perception de syllabes + + ± -
Perception de la voix + + ± -
Compréhension de mots + + - -
Production de mots + ± - -
+ : très déficitaire ; - : souvent préservée ; ± parfois déficitaire ou préservée.

proposent de caractériser la surdité corticale par l’abolition des l’audiogramme tonal ne pouvant expliquer le déficit clinique.
PEA corticaux, alors que dans l’agnosie auditive ils sont présents Les épreuves psychoacoustiques révèlent fréquemment un
bien que souvent altérés. Il appelle « hémianacousie » la surdité trouble de résolution temporelle dans la modalité auditive
d’un hémisphère cérébral avec abolition des PEA corticaux du (fusion de clicks, comptage de clicks, discrimination d’interval-
même côté et extinction de l’oreille controlatérale au test les). Un trouble de gestion temporelle amodal a aussi été
d’écoute dichotique (Fig. 2). Il assimile ainsi la surdité corticale rapporté. Des difficultés dans la discrimination de fréquences ou
à une double hémianacousie. d’intensités ont également été constatées. Auerbach et al. [6] ont
proposé l’existence de deux types de surdité verbale pure :
Surdité verbale pure • un trouble aperceptif « préphonémique » lié à un défaut
d’acuité auditive temporelle en rapport avec des lésions
Le terme a été créé par Kussmaul [2]. Ce syndrome est défini bitemporales ;
par Lichtheim [3] comme « l’impossibilité à comprendre, répéter • un type phonémique associé à une lésion unilatérale gauche
et écrire sous dictée les sons verbaux en dehors de toute autre dû à une difficulté de discrimination phonémique, indépen-
perturbation du langage ». Cependant, Buchman et al. [5] notent damment de la résolution temporale.
toujours la présence de déficits associés plus ou moins modérés
(trouble de la perception des sons non verbaux ou des sons
verbaux, et éventuellement éléments d’aphasie) dans tous les Agnosies auditives
cas publiés ayant fait l’objet d’investigations suffisantes. Ainsi,
la surdité verbale « vraiment » pure est exceptionnelle. En La frontière entre surdité verbale pure et agnosie auditive est
revanche, il n’est pas rare qu’un profil de surdité verbale pure floue puisqu’on admet qu’il peut exister des troubles de la
soit associé à des troubles aphasiques, notamment de type reconnaissance des sons non verbaux dans la surdité verbale
Wernicke. Le terme de surdité verbale pure s’applique donc aux pure. Pour notre part, nous entendons par agnosie une perte de
patients souffrant d’un trouble majeur de la compréhension reconnaissance des sons de l’environnement et/ou de la musi-
orale en la (quasi)-absence de perturbation de l’expression orale que et/ou de la voix (phonoagnosie). Dès lors qu’il existe des
ou écrite et de la perception des sons non verbaux (bruits, troubles de la compréhension du langage oral, on doit parler de
musique). Le déficit apparaît lors des échanges conversationnels surdité verbale pure (en sachant que ce terme consacré par
et des épreuves de compréhension portant sur un matériel l’usage ne concerne qu’exceptionnellement une surdité verbale
verbal. La répétition est tout particulièrement perturbée avec absolument limitée aux sons verbaux). L’agnosie auditive est
soit des absences de production, soit des substitutions par des diagnostiquée en l’absence de toute atteinte sensorielle signifi-
mots phonologiquement proches (râteau pour cadeau). Dans cative, et de troubles aphasiques ou mnésiques. L’agnosie
l’évaluation de la répétition, le clinicien doit prendre garde à auditive peut, au début, être complète, tous les sons, verbaux et
juger de la capacité des patients de s’aider de la lecture labiale non verbaux, étant confondus. Le malade dit qu’il entend, mais
en masquant sa bouche une première fois, puis en fournissant il ne peut rien distinguer, il existe souvent alors une inattention
au patient la possibilité d’utiliser cette information. Les patients auditive, le sujet ne réagissant pas à des stimuli auditifs. En
échouent aux épreuves de décision lexicale et aux épreuves revanche, l’appréciation des hauteurs, des intensités des stimuli,
testant la perception phonémique. La discrimination et l’iden- peut être paradoxalement conservée alors que la perception des
tification phonémique sont dans la majorité des cas toutes deux rythmes, des durées, est perturbée. Sans doute en raison de
déficitaires. Parfois, les capacités de discrimination sont supé- l’origine ischémique prédominante, généralement, l’évolution se
rieures à celles d’identification. La perception des voyelles est fait rapidement vers une amélioration, par exemple en trois
mieux préservée que celle des consonnes. Les troubles affectent temps : agnosie complète, puis limitée aux bruits non verbaux,
plus intensément la perception des consonnes occlusives (p, b, puis à la musique. Dans certains cas, le message verbal est bien
t, d, k, g), qui sont des phonèmes brefs, que la perception des compris, mais la voix semble déformée, inhabituelle, bizarre. On
consonnes constrictives (f, v, s, z, 兰 ). Un effet de trait est appelle agnosie auditive affective la perception neutre, sans
souvent rapporté : les performances sont moins bonnes lorsque prosodie, de toutes les voix. Les lésions responsables occupent,
les phonèmes cibles sont distincts selon un seul trait phonéti- soit les deux lobes temporaux, soit le lobe temporal droit
que (ex : pa/ba – trait distinctif, le voisement) que lorsqu’ils (Tableau 2). Il s’agit le plus souvent d’infarctus corticaux
sont distincts selon plusieurs traits. De plus, la perception du asymétriques de la première circonvolution temporale et/ou de
trait point d’articulation paraît plus massivement perturbée que la substance blanche sous-jacente, lésant plus ou moins le gyrus
celle du trait de sonorité. Enfin, certaines observations montrent de Heschl. Des infarctus sous-corticaux bilatéraux ont été
une perte de la perception catégorielle. Les potentiels évoqués rapportés, soit des capsules externes s’étendant en bas jusqu’aux
du tronc cérébral et de moyenne latence sont présents. En radiations acoustiques, soit des corps genouillés internes. À
revanche, des perturbations des PEA tardifs apparaissent. Les l’inverse de la surdité corticale, les PEA corticaux ne sont pas
investigations audiologiques rapportent quelques anomalies à abolis, ils sont normaux ou modérément altérés.

2 Neurologie
Agnosies auditives et syndromes voisins : étude clinique, cognitive et psychopathologique ¶ 17-021-B-20

+ Vertex + Vertex

Figure 2. Test d’écoute dichotique en pathologie (d’après Michel,


1993). Une lésion de l’aire auditive corticale gauche entraîne une hémia-
OD I - V = 4,0 ms OG I - V = 3,8 ms nacousie. Le patient « n’entend plus » qu’avec l’hémisphère droit qui
sélectionne le mot controlatéral dominant « loup ».
1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10
B
du langage explique que souvent un accident cérébral perturbe
+ Vertex non pas une seule de ces sphères d’activité, mais les deux. Il est
PA donc troublant de constater que certaines observations cliniques
montrent malgré tout que les troubles de la perception de la
musique et du langage peuvent être dissociés. Cette indépen-
dance relative entre musique et langage est aujourd’hui mieux
étayée et comprise grâce à des observations cliniques détaillées,
mais aussi par les nouvelles données obtenues avec les techni-
0 Témoin 80 ms ques d’imagerie fonctionnelle. De plus, la dissociation possible
+ Vertex entre les compétences linguistiques et musicales présente un
OD intérêt clinique tout à fait considérable car la musique peut se
révéler être le dernier canal de communication ou d’expression
entre le patient et son entourage, de même que l’activité
OG musicale contribue à la mobilisation de fonctions cognitives
(attention, mémoire, émotion) essentielles dans les activités de
remédiation ou de prise en charge [7]. Ainsi, parmi les
0 80 ms C 54 patients suivis par Särkämo et al. à la suite de lésions
vasculaires [8] , les 19 patients soumis quotidiennement à
Figure 1. Exemple d’une patiente atteinte de surdité corticale (d’après
l’exposition de musiques montrent après quelques mois une
Lechevalier et al., 1984).
récupération significative de la mémoire verbale et de l’atten-
A. Le scanner montre clairement de larges lésions temporales gauche et
tion par rapport aux patients des groupes « langage » (écoutes
droite.
de poèmes au lieu de musiques) et « contrôle » (aucune stimu-
B, C. Les potentiels auditifs du tronc cérébral (oreille droite [OD] et oreille
lation auditive spécifique). Par ailleurs, les patients du groupe
gauche [OG]) sont normaux (B), alors que les potentiels de moyenne
« musique » présentaient significativement moins d’états
latence recueillis chez cette patiente (exemple pour l’oreille gauche)
dépressifs ou de confusions que les patients du groupe contrôle.
montrent un tracé plat (l’onde PA est absente), comparativement à un
Le comportement d’un grand nombre de musiciens atteints
tracé obtenu chez un sujet normal (exemple pour l’oreille droite).
d’une lésion cérébrale droite ou gauche est décrit dans la
littérature sous forme d’études de cas. Ces observations anato-
mocliniques sont regroupées dans plusieurs revues
Autres syndromes bibliographiques [9-14]. Toutefois, la variabilité anatomique et le
caractère toujours singulier de ces observations ne permettent
Amusies pas aisément de définir précisément le rôle de chaque hémis-
On désigne sous le nom d’amusie l’impossibilité de reconnaî- phère cérébral dans la fonction musicale. Les observations
tre ou d’analyser la nature musicale des sons perçus. L’amusie d’amusie sont extrêmement rares dans la littérature. Nous avons
pure est exceptionnelle ; le plus souvent, il s’y rajoute d’autres pu faire l’observation récente d’un cas d’amusie pure chez un
éléments agnosiques dans les domaines des bruits de l’environ- chef de chœur [15], constituée à la suite d’une thrombose de
nement et des sons verbaux. Son évaluation clinique est difficile l’artère carotide interne droite. Elle entraîna un infarctus du
(cf. infra), et réclame de pouvoir évaluer les compétences gyrus temporal supérieur droit lésant sa région postérieure
musicales initiales et résiduelles des patients. En étudiant des cas (Fig. 3). Le patient montrait des difficultés significatives
d’amusie, les observations cliniques de la neuropsychologie ont transitoires dans l’identification de la musique et la perception
montré, au cours du XXe siècle, que la perception de la musique des hauteurs. Âgé alors de 61 ans, il n’eut jamais de difficultés
est complexe et engage des régions aussi bien de l’hémisphère ni dans la perception des sons verbaux, ni dans la perception
droit que de l’hémisphère gauche. Les circuits neuraux essentiels des sons de l’environnement. À distance, le patient a récupéré
à la musique sont situés dans les régions temporales supérieures complètement la perception de la hauteur des sons et n’a pas
(gyrus de Heschl, planum temporale), qui reçoivent les premiè- de difficulté pour le rythme musical, mais il demeure incapable
res l’information provenant des oreilles. La plupart des réseaux de chanter juste et conserve des troubles dans la perception des
impliqués dans l’analyse de la musique y côtoient les réseaux du timbres et de l’harmonie. La mémorisation de nouvelles mélo-
langage. Cette proximité entre réseaux de la musique et réseaux dies est devenue et demeure difficile. Les dissociations franches

Neurologie 3
17-021-B-20 ¶ Agnosies auditives et syndromes voisins : étude clinique, cognitive et psychopathologique

Tableau 2.
Lésions généralement responsables des troubles.
Surdité corticale Surdité verbale pure Agnosie auditive Amusie
Gyrus de Heschl +B ±G ±B ±D
Cortex auditif +B +G +B +D
Pôle temporal - - ±B +B
Jonction temporopariétale ±B +G ±B ±D
Aire de Broca - ±G ±B -
Régions préfrontales - - - ±D
Régions pariétales - ±G - ±D
Régions occipitales - - - -
+ : lésions souvent observées dans ces régions ; - : jamais ou rarement observé ; ± : parfois observé ; B : bilatéral ; G : hémisphère gauche dominant ; D : hémisphère droit
dominant.

Figure 3. Imagerie par résonance magnétique d’un patient avec amusie pure.
A. Gyrus temporal supérieur droit du patient (flèche).
B. Hypersignal montrant clairement la lésion isolée du gyrus temporal supérieur droit (flèche).

entre troubles du langage et de la musique sont donc rares, et Cependant, c’est sans doute le cumul d’un manque de stimula-
constituent par là même des cas exceptionnels sur lesquels il est tion musicale et d’une « fragilité » génétique qui expliquerait ce
assez difficile de faire des généralisations. Le modèle cognitif de défaut de développement des compétences de décodage de la
la perception musicale proposé par Peretz est fondé principale- hauteur des sons chez certains individus. Grâce à une étude de
ment sur l’existence de telles dissociations [16, 17]. neuro-imagerie utilisant des mesures morphologiques entre des
sujets amusiques et des sujets contrôles (analyse voxel based
Amusie congénitale morphometry [VBM]), l’équipe de Peretz a ainsi mis en évidence
Le terme d’« amusie congénitale » a été proposé en 1878 par des différences dans l’épaisseur corticale du gyrus frontal
Grant-Allen [18], décrivant le cas d’un homme de 30 ans, d’un inférieur droit (aire 47 de Brodmann) [21] . Cette région est
bon niveau culturel et sans troubles neurologiques avérés, qui occupée par le faisceau frontotemporal qui relie le cortex
souffrait d’un déficit sévère de la perception musicale. Il ne préfrontal dans sa partie inférieure (aire 47) avec le cortex
pouvait faire la différence entre la hauteur de deux notes, ne auditif secondaire situé dans les circonvolution temporale
reconnaissait aucune œuvre musicale très familière et était supérieure (aire 42) et moyenne (aire 21). Les auteurs suggèrent
incapable de mémoriser le moindre air de musique. Au début par ces résultats que le déficit lié à l’amusie congénitale se
des années 2000, Peretz et al. ont repris cette appellation [19], mettrait en place à partir de mécanismes neurophysiologiques
qui correspond à l’expression d’une surdité spécifique pour la déjà observés dans des pathologies de l’apprentissage comme la
hauteur des sons musicaux chez des sujets indemnes de toute dyslexie.
pathologie neurologique, et que certains auteurs désignent sous
le terme de « surdité tonale ». De larges études statistiques Hallucinations auditives par lésions cérébrales
permettent de considérer que de 4 % à 5 % de la population Ce titre élimine les hallucinations et illusions acoustiques en
normale serait « amusicale ». Grâce à une évaluation neuropsy- rapport avec les dysfonctionnements de l’oreille. Les hallucina-
chologique complète, l’équipe de Peretz a pu souligner le tions auditives s’observent après lésion du tronc cérébral ou
caractère très sélectif des perturbations perceptives, qui touche bien des lobes temporaux. En 1922, Lhermitte [22] décrivit sous
principalement la capacité des sujets à discriminer/décoder la le nom d’hallucinose pédonculaire un phénomène pathologique
hauteur fondamentale des sons, sans autres difficultés concer- « comme un spectacle agité mouvant et coloré qui se déroule en
nant la perception du rythme musical, des timbres sonores et de silence comme un film muet » rapporté par des patients atteints
la perception des sons de la parole ou de la prosodie. Ainsi, si de lésions de la calotte pédonculaire, patients qui critiquent et
ces sujets ne mémorisent ou ne reconnaissent pas le moindre air décrivent bien la scène souvent vespérale et transitoire. Cambier
musical ou s’ils chantent généralement faux, la source en serait et al. [23] ont rapporté quatre observations d’hallucinose auditive
un défaut de développement des capacités perceptives du dues à des infarctus paramédians de la protubérance et un
décodage fin de la hauteur fondamentale. Le suivi de cohortes cinquième en rapport avec un infarctus dans la région dorsola-
de familles d’amusiques congénitaux a permis de montrer un térale du mésencéphale ; l’étude des PEA a mis en évidence une
niveau de risque significatif de transmission de ce déficit [20], anomalie de l’onde V des PEA, signant une lésion du tubercule
corroborant le caractère génétiquement déterminé de ce trouble. quadrijumeau inférieur. L’hallucinose auditive consiste en airs

4 Neurologie
Agnosies auditives et syndromes voisins : étude clinique, cognitive et psychopathologique ¶ 17-021-B-20

de musique classique ou de variétés, d’un seul chanteur que le peuvent provoquer une agnosie auditive, une amusie surtout de
patient peut identifier ou bien d’un chœur, ou bien de tout un type aperceptif, une surdité corticale unilatérale. Une lésion
orchestre. Plus rarement, ce sont des conversations, des disputes temporale ou temporopariétale gauche peut être responsable
ou des « remarques désobligeantes » qui auraient pu faire croire d’une amusie (surtout mais pas exclusivement de type aséman-
à une psychose hallucinatoire chronique. Parfois, hallucinations tique), d’une surdité verbale pure par lésion unilatérale
visuelles et auditives se succèdent, survenant plutôt le soir (Tableau 2).
quand le patient n’a pas d’activités. De nature différente sont
les hallucinations auditives au cours des lésions du lobe
temporal. Penfield et Pérot [24] ont provoqué des hallucinations
musicales par la stimulation de T1 droit. Les hallucinations ■ Évaluations cliniques
auditives rapportées par des patients porteurs de lésions
temporales sont rares. Dans une revue [10] des cas de surdité
verbale pure, surdité corticale, agnosie auditive, des hallucina-
Particularités des stimuli sonores
tions auditives ne sont mentionnées que dans neuf observa- Trois grandes catégories d’objets sonores sont habituellement
tions. Ces hallucinations peuvent être de simples illusions distinguées en clinique : les sons musicaux, les bruits de
acoustiques, ou bien des hallucinations élaborées dont le l’environnement et les sons verbaux. Percevoir un son, c’est
contenu peut être musical ou verbales utilisant parfois plusieurs percevoir l’effet des vibrations de l’air ambiant qui arrivent par
langues. Les hallucinations musicales s’observeraient surtout l’oreille externe sur la membrane tympanique. Des travaux
après des lésions hémisphériques droites. Stewart et al. [12] récents de la physique quantique ont démontré l’existence de
proposent une revue de la littérature des cas d’hallucinations particules répondant à un pattern ondulatoire défini, appelées
auditives associés à des désordres psychiatriques et phonons. Les relations entre ces phonons et la genèse, la
neurologiques. propagation et la réception du son font l’objet de nombreuses
études. Cependant, la théorie aérienne classique du son reste
Étiologies admise. Du tympan, les vibrations sonores sont transmises à la
Les lésions responsables des troubles centraux de l’audition chaîne des osselets, située dans l’oreille moyenne, vibrations de
sont dans la majorité des cas des infarctus cortico-sous-corticaux l’air qui sont transformées en énergie mécanique. Par l’intermé-
uni- ou bilatéraux, souvent asymétriques, constitués en plusieurs diaire de la fenêtre ovale, ces vibrations se propagent au liquide
fois. On trouve encore des hématomes temporaux, des anévris- endolymphatique siégeant dans l’oreille interne, les vibrations
mes rompus, des séquelles de méningite purulente, des tumeurs, de ce liquide excitent les cellules sensorielles de la cochlée dans
des traumatismes ou des lésions toxoplasmiques au cours de l’organe de Corti, donnant naissance à des potentiels nerveux
l’infection par le virus de l’immunodéficience humaine. Rappe- qui se regroupent dans le noyau acoustique de Golgi. Dans le
lons les exérèses corticales thérapeutiques dans l’épilepsie dont vide, on ne perçoit pas les sons. La transformation par les
il a été fait mention. cellules sensorielles de l’organe de Corti des ondes sonores
Dans la maladie d’Alzheimer, Rapsack et al. [25] ont distingué complexes, qui parviennent au tympan, en ondes simples n’est
des erreurs de type acoustique et de type sémantique dans la pas complètement élucidée ; un modèle en est donné par la
reconnaissance des sons. Polk et Kertesz [26] ont rapporté deux théorie des transformées de Fourier. L’analyse physique des sons
observations de musiciens souffrant d’atrophie cérébrale au moyen du sonagramme ou par des moyens électroacousti-
dégénérative. Chez le premier, l’atrophie prédominait à gauche ques plus modernes permet de distinguer trois catégories de
et était associée à une aphasie progressive, les fonctions sons. Les sons musicaux sont les mieux caractérisés, ils com-
musicales étaient conservées à l’exception de la reproduction de prennent une fondamentale et des harmoniques naturels ; ainsi
rythmes. L’autre patient, qui n’était pas aphasique, avait une appelés parce qu’ils existent dans la nature, ces harmoniques
atrophie corticale prédominant dans la région postérieure répondent à des rapports mathématiques définis ; de plus, les
droite, il dénommait sans erreur les mélodies familières, pouvait sons musicaux possèdent une certaine invariance, même si elle
reproduire les rythmes mais ne pouvait plus jouer de piano. ne dure qu’un dixième de seconde, durée la plus courte des
Eustache et al. [27] ont étudié la perception de phonèmes, de stimuli musicaux émis par un instrument. Les sons verbaux
mots, de bruits de l’environnement et de mélodies chez sont constitués également d’harmoniques et d’une fondamen-
15 patients atteints de maladie d’Alzheimer. Le paradigme tale mais, à l’inverse des sons musicaux, leur aspect ondulatoire
comportait des épreuves d’identification en choix multiple varie continuellement ; quant aux sons de l’environnement, ils
parmi des distracteurs acoustiques, sémantiques et sans lien avec sont anarchiques et variables, très difficiles à caractériser.
le mot-cible. Les patients atteints de maladie d’Alzheimer
présentaient des perturbations significatives dans les quatre
Sons musicaux
épreuves. Ces résultats suggèrent que, en plus des autres
troubles cognitifs, les patients atteints de maladie d’Alzheimer Un son musical est défini par sa hauteur, sa durée, son
ont souvent une perturbation spécifique de la perception timbre. La hauteur (pitch) dépend de la fréquence de l’onde
auditive d’origine centrale à un moment de l’évolution de leur sonore qui le génère, qui n’est autre que la vibration de l’air
pathologie. Ces déficits peuvent être rapprochés du pattern de dans l’espace dans lequel le son se transmet. Le son pur se
lésions dégénératives décrit dans cette affection qui implique à caractérise par une simple sinusoïde, il n’existe pas dans la
la fois les structures corticales (les cortex temporaux auditifs nature. Le sonagraphe permet d’analyser la composition d’un
primaire et secondaire) et sous-corticales (le corps genouillé son musical. Il est fait d’une fondamentale exprimée en Hertz
médian et le colliculus inférieur). Les troubles de la perception (Hz) qui donne sa hauteur et d’un certain nombre d’harmoni-
auditive mis en évidence dans l’étude de Eustache et al. [27] ques ou « partiels » dont l’intensité, la présence ou l’absence
pourraient correspondre à la traduction clinique de ces lésions sont responsables du timbre.
cérébrales.
Enfin, le syndrome de Laudau-Kleffner [28] comprend une Bruits de l’environnement
agnosie auditive. Il peut persister, à titre de séquelle après la
guérison de l’épilepsie à point de départ temporal, une extinc- Les bruits de l’environnement, même s’ils sont doués d’une
tion auditive au test d’écoute dichotique ou bien un déficit de certaine continuité comme les bruits des machines, n’ont pas
la mémoire phonologique. une structure vibratoire périodique analogue à celle des sons
De façon schématique, on peut conclure que des lésions musicaux ; cependant, de tels bruits comprennent une succes-
bitemporales soit corticales, soit sous-corticales touchant les sion de stimuli sonores organisés en séquences caractéristiques
isthmes temporaux, la capsule externe et les corps genouillés qui permettent leur reconnaissance. Ils ont une double valeur :
internes, soit mixtes, peuvent entraîner des agnosies auditives, d’alarme et d’exploration, surtout chez les non-voyants. C’est à
des surdités corticales ou des surdités verbales pures par lésions partir des années 1940 que des auteurs se sont intéressés aux
bilatérales. Des lésions temporales ou temporopariétales droites facteurs contribuant à l’identification des sons complexes de

Neurologie 5
17-021-B-20 ¶ Agnosies auditives et syndromes voisins : étude clinique, cognitive et psychopathologique

l’environnement. Certains d’entre eux portent plus spécifique- Examens audiologiques


ment sur l’élément acoustique et sur l’analyse spectrale et
temporelle de l’événement sonore, d’autres sur les éléments Audiométrie
cognitifs impliqués dans l’identification comme la familiarité du Certains tests sont destinés à mettre en évidence l’intégrité de
son, la typicalité de l’exemplaire, le nombre de sources possibles l’oreille interne. À l’inverse de l’audiogramme vocal, l’audio-
du son (ambiguïté). Plusieurs paramètres acoustiques temporels gramme tonal, utilisant des sons purs perçus par les corps
mais aussi spectraux peuvent intervenir et leurs différentes genouillés internes, est normal dans les agnosies auditives.
combinaisons font varier la qualité de la perception des sons de Néanmoins, l’audiogramme tonal peut être déficitaire transitoi-
l’environnement. Edworthy et al. [29] ont montré que l’interpré- rement au début ou de façon durable, ce que Lhermitte et
tation de signaux d’alarme peut varier selon les caractéristiques al. [31] expliquent par une dégénérescence rétrograde des corps
acoustiques de ces sons. Ainsi, en faisant varier la fréquence genouillés internes. Souvent, l’audiogramme tonal est extrême-
fondamentale, le degré de régularité rythmique, la forme de ment variable à des examens successifs et donc ininterprétable.
l’enveloppe, et en les combinant de façons différentes, les sujets La normalité de l’impédancemétrie et de l’électrocochléographie
perçoivent un degré d’urgence différent. Les travaux de Ballas affirme l’intégrité de l’oreille interne. Par ailleurs, le clinicien
consistent à caractériser la spécificité d’un son de l’environne- doit être attentif au fait que ces examens réclament la bonne
ment et à étudier les facteurs contribuant à l’identification participation des sujets et peuvent être falsifiés par un sujet
d’une grande variété de sons. L’hypothèse principale est que simulateur.
l’identification d’un son de l’environnement dépend en grande
partie de son taux d’ambiguïté attaché au nombre de sources Potentiels évoqués auditifs
possibles de ce son. Ballas [30] distingue quatre catégories de Les PEA du tronc cérébral sont normaux avec leurs cinq
sons (pas forcément homogènes pour les paramètres considé- ondes, correspondant chacune à des structures différentes,
rés) : l’onde V est celle des corps genouillés internes. Les PEA de
• les sons d’alarme présentent une haute fréquence et sont les moyenne latence Na et Pa explorent la région temporale, sous-
plus faciles à identifier (sonneries, klaxon, mais aussi feu corticale pour Na et corticale pour Pa. Les PEA N1-P1,
d’artifice, scie mécanique) ; N2-P2 disparaissent en cas de lésion du cortex auditif primaire.
• les bruits d’eau comprennent également des bruits caractérisés En principe, si Na et Pa sont abolis, les potentiels tardifs le sont
de la même façon avec un timbre bas, relaxant et plaisant ; aussi. Il arrive que les tracés électrophysiologiques soient
• les sons modulés sont homogènes au plan acoustique mais inconstants, et que plusieurs mesures soient nécessaires afin de
vérifier le niveau d’atteinte.
hétérogènes pour le type d’événement (sons de machine, de
porte, de fusil) ; ils sont difficiles à identifier ; Tests d’écoute dichotique
• les sons avec des transitoires sont assez hétérogènes pour
l’événement considéré (bruits de pas, d’interrupteur, de Deux stimuli auditifs égaux en durée et en intensité sont
briquet) ; l’identification de ces sons est très variable et adressés à chaque oreille grâce à un système d’écoute dichoti-
dépend beaucoup de leur durée. que : il peut s’agir de stimuli verbaux, de mots, de phonèmes ou
bien de stimuli musicaux. Normalement, les deux stimuli sont
perçus. En cas d’extinction d’une oreille, le patient répète
Sons verbaux uniquement ce qu’il a entendu par l’oreille controlatérale.
Le système phonologique français comprend des sons vocali- L’extinction d’une oreille au test d’écoute dichotique peut être
ques, des sons consonantiques et des semi-consonnes. Au plan due à une lésion du cortex temporal controlatéral, soit cortex
de la phonétique articulatoire, les phonèmes représentent des primaire (aires 41 et 42), soit région périsylvienne, sus-sylvienne
entités phonologiques décomposables en un faisceau de traits ou sous-sylvienne plutôt postérieure ; en effet, les voies auditi-
articulatoires et acoustiques organisés dans un système binaire. ves sont surtout mais pas exclusivement des voies croisées.
Classiquement, les voyelles sont définies à travers les traits L’hémianacousie de Michel est l’association de l’abolition des
(ouvert versus fermé, antérieur versus postérieur, arrondi versus PEA d’un côté et de l’extinction de l’oreille controlatérale au
étiré, oral versus nasal), les consonnes par les traits liés au mode test d’écoute dichotique [4]. De plus, l’extinction de l’oreille
d’articulation (occlusif versus constrictif), au lieu d’articulation gauche pour les tests verbaux peut être en rapport avec une
interruption des voies calleuses véhiculant les stimuli auditifs
(labial versus dental, palatal ou vélaire), ainsi que par l’opposi-
verbaux depuis les aires auditives droites jusqu’au centre du
tion oral versus nasal. Au plan de la phonétique acoustique, les
langage, dans ce cas il n’y a pas de raison pour que les PEA
sons du langage sont des sons complexes, c’est-à-dire compor-
corticaux droits soient abolis.
tant une fondamentale et des harmoniques appelés « for-
mants ». En raison des différentes tessitures de la voix, ne Autres épreuves
serait-ce qu’entre les hommes et les femmes, les hauteurs des
fondamentales et des formants varient dans les limites de ce D’autres épreuves psychoacoustiques plus fines peuvent être
qu’on appelle les « enveloppes formantiques ». Les voyelles sont utilisées. Le test de Lusher est destiné à faire percevoir au sujet
des différences d’intensité dans une succession de stimuli
des sons périodiques (chaque harmonique est un multiple du
sonores d’intensité décroissante. Un sujet normal perçoit une
fondamental). Leur spectre peut être caractérisé par les trois
différence de 0,7 dB [32]. Les tests temporels ont recours à la
premiers formants : F1 (zone fréquentielle : de 250 à 850 Hz), F2
discrimination du nombre de clicks (normalement jusqu’à neuf
(zone fréquentielle : de 600 à 2 700 Hz) et F3 (zone fréquen-
par seconde) et à la perception de la fusion de deux clicks (un
tielle : de 2 200 à 3 200 Hz), liés au degré d’aperture (F1), au
sujet normal distingue deux clicks séparés par 1 à 3 ms). L’étude
critère d’antériorité/postériorité (F2 et F3) et à la labialité (F2). différentielle de chaque oreille utilise l’introduction aléatoire de
Les consonnes sont des bruits, c’est-à-dire des sons non pério- séquences de bruits blancs que le sujet doit signaler au cours de
diques dont le spectre de fréquence est plus étendu que celui la présentation binaurale de séquences sonores. L’exploration de
des voyelles. Toutefois, les consonnes sonores sont produites la localisation des sons dans l’espace nécessite un appareillage
avec des vibrations laryngées. Les consonnes sont caractérisées complexe capable de déplacer plusieurs sources sonores sur la
par les transitions de formants consonne-voyelle. paroi d’une demi-sphère avec possibilité de faire varier l’inten-
Les travaux récents insistent sur l’absence de correspondance sité des stimuli et leur distance par rapport au sujet tout en
stable entre code symbolique et signal acoustique. Les unités respectant les PEA. Un tel appareil doit pouvoir être utilisé pour
infralexicales (traits, phonèmes, syllabes) n’ont que peu d’inva- l’étude de l’attention auditive. « Le PET-scan a confirmé le rôle
riance au niveau acoustique et articulatoire. Cette grande dévolu à des aires corticales situées hors de l’aire auditive
variabilité des paramètres physiques a nécessité le développe- primaire dans la perception des déplacements de la source
ment d’une perception de type catégorielle et montre par sonore qui serait l’équivalent dans le domaine auditif de ce
ailleurs l’importance du contexte syllabique. qu’est l’akinétisme dans le domaine visuel. » [33]

6 Neurologie
Agnosies auditives et syndromes voisins : étude clinique, cognitive et psychopathologique ¶ 17-021-B-20

Examens neuropsychologiques Surdité au son des mots. Elle correspond dans la terminolo-
gie classique au syndrome de surdité verbale pure décrit par
Il est possible de décrire un plan d’examen systématique Lichtheim [3] . Elle résulte d’une perturbation du système
commun aux diverses formes cliniques. d’analyse auditive des sons verbaux qui se manifeste par de
nombreuses erreurs lors d’épreuves de répétition ou d’écriture
Exploration de la perception des sons verbaux sous dictée, et lors de tâches de discrimination et d’identifica-
L’utilisation courante de matériels enregistrés rend mainte- tion phonémique. La compréhension est améliorée par la
nant inutile les précautions à prendre pour éviter les risques lecture labiale ou la connaissance du thème de la conversation.
d’erreurs dues à la lecture labiale. Surdité à la forme des mots. Elle résulte d’un trouble
d’activation de la représentation phonologique (au niveau du
Analyse phonétique lexique phonologique d’entrée). Les épreuves de discrimination
Les consonnes sont nécessairement présentées en contexte de phonèmes sont correctes en raison de la fonctionnalité du
syllabique (en position initiale, consonne plus voyelle, exem- système d’analyse auditive. Le patient échoue à des épreuves de
ple : pa ; en position intervocalique, voyelle plus consonne plus décision lexicale en modalité auditive alors qu’il réussit en
voyelle, exemple : apa). modalité écrite. Des erreurs entre mots phonologiquement
Épreuves « en différé » [34] proches sont observées lors des tentatives de répétition.
Discrimination. Deux syllabes séparées par un intervalle de Surdité au sens des mots. C’est un tableau clinique qui avait
2 secondes sont énoncées successivement. Le patient doit été décrit par Bramwell [38] et par Kohn et Friedman [39]. Ce
indiquer si les deux items entendus sont identiques ou non. syndrome résulte d’un déficit d’accès au lexique sémantique. Les
Identification. Une syllabe est présentée oralement. Le patient deux premiers niveaux sont fonctionnels, le patient réussit les
doit indiquer dans un choix multiple de deux ou trois syllabes épreuves de discrimination phonémique et de décision lexicale.
écrites celle qui correspond à l’item entendu. La compréhension des mots entendus est altérée alors que la
Le protocole peut intégrer différentes variables expérimentales répétition est possible. En revanche, sur présentation écrite, la
dans le choix des syllabes proposées : opposition suivant compréhension est bonne. L’atteinte du dernier niveau, le
plusieurs traits phonétiques (exemple : pa/va) ou un seul trait système sémantique, correspond à une dégradation des repré-
phonétique (exemple : pa/ta – lieu d’articulation ; pa/ba – sentations sémantiques. Ce dernier syndrome ne constitue pas
sonorité). un trouble de compréhension spécifique à la modalité auditive
Épreuves « on-line » [35] car la compréhension est défectueuse quelle que soit la modalité
Discrimination. Une suite de huit syllabes, comportant sept de présentation. Des troubles sont également présents en
syllabes identiques et une syllabe cible différente est présentée production orale ou écrite. Ce syndrome a été notamment
oralement. Cette dernière apparaît en position 4, 5 ou 6. Le décrit dans les cas de démence sémantique.
patient doit appuyer sur une touche dès qu’il perçoit la syllabe
différente. Exploration des sons de l’environnement
La proximité phonétique entre les syllabes varie d’un (exem-
Il est demandé au sujet d’identifier des bruits non verbaux,
ple : pa-pa-pa-pa-pa-ba-pa-pa) à plusieurs traits suivant les séries
non musicaux, enregistrés sur une bande magnétique et présen-
(exemple : fa-fa-fa-na-fa-fa-fa-fa).
tés au casque en écoute binaurale. Ces stimuli doivent être
Accès lexical calibrés en intensité et en fréquence. Le « Loto sonore » contient
48 items comprenant des bruits divers et des instruments de
Épreuves « en différé » musique. Le patient peut donner sa réponse soit verbalement,
Décision lexicale : une liste de stimuli comportant des mots et soit par écrit, soit dans un choix multiple d’images. Les perfor-
des non-mots est présentée oralement. Le patient doit indiquer mances sont comptabilisées en : bonnes réponses ; réponses
pour chaque item entendu s’il s’agit d’un mot de la langue ou proches ; erreurs ; absences de réponse. Parfois, tous les stimuli
non (exemple : épine – soldat – brupa...). sont confondus et perçus comme des sons indifférenciés.
Épreuves « on line » Ailleurs, les bruits ne sont pas reconnus, dénommés de façon
Décision lexicale (ou reconnaissance de la forme des mots) : une inexacte ; ailleurs encore ils semblent déformés, inhabituels.
suite de cinq stimuli comportant des mots et des non-mots est
présentée oralement. Le patient doit indiquer si le troisième
item qui est précédé d’un bip sonore est un mot de la langue
Exploration de la perception des sons musicaux
ou non. La liste proposée par Grosjean et al. [35] permet Nous avons proposé de distinguer dans les troubles de la
d’étudier les variables de longueur (mono- et bisyllabique) et de perception de la musique d’origine neurologique [10] trois
fréquence lexicale (deux classes de fréquence). De plus, les niveaux de désintégration. Lorsque le patient confond les
variables suivantes, classe syntaxique, concrétude et point différentes sortes de sons, et que par conséquent la musique
d’unicité phonologique, sont contrôlées (exemple : pierre – n’est pas reconnue comme telle, on parle de trouble du premier
soleil – # rat – couteau – cœur). niveau que l’on pourrait appeler « absence de décision musi-
cale » par analogie avec la « décision lexicale » de l’aphasiologie.
Accès sémantique
Dans le deuxième niveau de désintégration, la musique est bien
Épreuves de synonymie. Des paires de mots partageant ou reconnue en tant que telle, mais le patient commet des erreurs
non des liens de synonymie sont présentées oralement. Le dans l’appréciation structurale des hauteurs, de l’intensité, de la
patient doit indiquer pour chaque paire si ce lien est présent durée, des timbres, des qualités esthétiques, les sons devenant
(exemple : horloge-pendule ; valise-épine). inharmonieux, pénibles, désagréables. L’exploration de ce qu’on
Dans les cas de perturbation spécifique à la modalité auditive, appelle plus volontiers « amusie » qu’agnosie auditive requiert
des épreuves similaires proposées en modalité écrite sont des épreuves spéciales qui ont en commun certaines formula-
réussies. tions : on demande au sujet de dire si les séquences entendues
sont pareilles ou pas pareilles ; on procède de la même façon en
Syndromes cognitifs ce qui concerne les hauteurs, les intensités, les durés des sons
La description des troubles de la perception du langage présentés ; on fait détecter les erreurs introduites dans des
spécifique à la modalité auditive a longtemps été restreinte au mélodies connues, chanter en imitation ou spontanément,
syndrome de surdité verbale pure décrit par Lichtheim en 1885. reproduire des rythmes en tapant sur une table, etc. D’autres
L’approche cognitive, faisant référence au modèle à trois procédés d’examen nécessitent des laboratoires spécialisés
étapes (cf. infra), a montré que l’atteinte de la compréhension (exemple : la perception de sons musicaux dénués de fonda-
n’était pas unitaire et qu’elle pouvait affecter de façon indépen- mentales). L’impossibilité d’identifier une mélodie connue
dante chacun des niveaux du traitement de l’information constitue le troisième niveau de désintégration. Il peut s’agir
auditive. Trois syndromes cognitifs ont été décrits ( [36, 37] pour d’un trouble isolé sans atteinte des autres capacités musica-
revue). les [40]. L’exploration des fonctions musicales comprend encore

Neurologie 7
17-021-B-20 ¶ Agnosies auditives et syndromes voisins : étude clinique, cognitive et psychopathologique

la capacité de distinguer différents genres de musique (reli- purs (dénués d’harmoniques) ; de plus, A1 sert de relais pour
gieuse, militaire, opéra, danse), l’écriture et la lecture musicales. CM. La partie dorsale du CGM projette sur CM pour les sons
Il est parfois difficile pour le clinicien d’établir objectivement complexes et de hautes fréquences (harmoniques). Pour Mesu-
quelles étaient les compétences musicales d’un patient avant le lam [43], A1 traiterait à la fois les hauteurs et les sons purs qui
début de la pathologie, et de faire un diagnostic différentiel sont traités également par R. La partie antérieure de T1 traiterait
entre les compétences préservées et altérées. Cependant, de les aspects phonétiques du langage parlé. CM traiterait spécifi-
nouveaux outils d’évaluation normés commencent à être utilisés quement les sons complexes et la musique. Contrairement à
plus systématiquement et constituent une aide pour établir le une conception ancienne, les fonctions des aires visuelles et
niveau « musical » d’un sujet en fonction de ces compétences auditives présenteraient de grandes analogies, du fait d’une
acquises. Par exemple, la nouvelle batterie d’évaluation des disposition en parallèle de type modulaire plutôt que d’une
amusies de l’équipe de Montréal (MBEA), constituée de six tests, disposition en série. Le système auditif répond au principe de la
pourra constituer une exploration de base pour le clinicien [41]. tonotopie : une fibre, qui dans le récepteur périphérique
provient d’une cellule sensorielle traitant une fréquence donnée,
va dans les relais successifs intranévraxiques et jusque dans
■ Neuroanatomie de la perception A1 et A2 faire synapse avec d’autres fibres et des neurones qui
traitent précisément cette fréquence. Les structures sous-
auditive corticales ont un rôle important dans le traitement des stimuli
auditifs, en particulier dans leur analyse élémentaire. Elles ont
Cortex auditif et rôle des structures en commun l’organisation tonotopique : la fibre nerveuse issue
sous-corticales d’une cellule sensorielle cochléaire réceptrice d’une fréquence
donnée va faire synapse, dans les étages sus-jacents, avec
Rauschecker et al. [42] ont remis en question l’opposition cor- d’autres cellules nerveuses qui traitent cette même fréquence.
tex visuel, qui répond à une disposition parallèle des afférences, Les projections vers le télencéphale sont surtout, mais pas
et cortex auditif qui, traditionnellement, répond plutôt à une exclusivement, controlatérales. La localisation du son dans
organisation en série. Le cortex auditif occupe la partie horizon- l’espace repose sur la différence interaurale de phase et d’inten-
tale ou profonde de la première circonvolution temporale. Sa sité des stimuli qui ne parviennent pas simultanément aux deux
surface est habituellement plus importante à gauche qu’à droite oreilles, donc aux noyaux auditifs du tronc cérébral. Cette
pour une majorité de sujets droitiers et gauchers. Celle-ci est fonction localisatrice auditive a été très étudiée chez certains
divisées en trois régions (Fig. 4) douées d’une organisation rapaces nocturnes (chouette effraie) chez qui le noyau équiva-
tonotopique : au centre, les gyrus transverses de Heschl (deux lent du colliculus inférieur de l’homme possède une organisa-
de chaque côté) ou A1, entourés de toute part des aires auditives tion neuronale en groupes, correspondant aux différents points
secondaires ou A2, à savoir en arrière l’aire caudomédiale (CM) de l’espace.
ou planum temporal, en avant la partie rostrale (R). Pour
Rauschecker, la partie ventrale du corps genouillé médian
projette à la fois sur A1 et sur R en ce qui concerne les sons Perception auditive et imagerie
fonctionnelle cérébrale
Les premières études de neuro-imagerie fonctionnelle confir-
ment la répartition tonotopique (des groupes de neurones
distincts répondent à des fréquences sonores différentes) dans le
cortex auditif primaire (gyrus temporal supérieur gauche de
Heschl), corroborant les études électrophysiologiques anciennes
effectuées chez l’animal. L’activation est plus antérieure et
latérale pour les sons les plus graves et plus postérieure et
médiane pour les sons les plus aigus. Cette organisation
tonotopique du cortex auditif a été confirmée par des travaux
utilisant la magnétoencéphalographie [44, 45] ou les techniques
d’enregistrement électroencéphalographique avec électrodes
implantées [46]. Avec la technique de magnétoencéphalographie,
les chercheurs ont montré que l’organisation tonotopique du
cortex auditif est modifiée par l’expérience musicale, d’autant
plus fortement que cette pratique est précoce [47]. La localisation
des réponses du cortex auditif à des sons purs ou complexes est
identique chez des sujets non musiciens, alors qu’elle se
différencie significativement pour des sujets musiciens. La
réponse du cortex auditif des musiciens est d’autant plus ample
lorsqu’ils présentent la capacité d’« oreille absolue », c’est-à-dire
de nommer la hauteur fondamentale (en termes de notation
musicale) de tout son entendu. Cette capacité d’oreille absolue
a également été étudiée en tomographie par émission de
Figure 4. Anatomie du cortex auditif. Le cortex auditif est situé sur la
positons par Zatorre et al. [48]. Ils montrent, pour une tâche de
partie horizontale ou supérieure de la première circonvolution temporale.
jugement d’accords, que les musiciens qui ne possèdent pas
Il comprend : l’aire auditive primaire (A1) ou 41 de Brodmann, qui occupe
l’oreille absolue présentent des activations préfrontales, absentes
la circonvolution temporale transverse de Heschl, entourée par l’aire
chez les musiciens ayant cette capacité. Ces activations préfron-
secondaire (A2) ou aire 42. Contrairement à une conception ancienne du
tales seraient le reflet d’un effort supplémentaire en mémoire de
traitement en série des informations auditives en A1 puis en A2, les travaux
travail réalisé par les musiciens n’ayant pas l’oreille absolue. La
modernes optent plutôt pour un traitement en parallèle des différents
neurobiologie de la capacité d’oreille absolue semble dépendre
stimuli, qui seraient traités par trois régions. A1 serait dévolue à la
de la réaction du système nerveux à la précocité de l’expérience
perception des sons purs, c’est-à-dire sans harmoniques, et des hauteurs.
auditive du sujet, de la maturation et de facteurs génétiques.
La partie caudomédiale (planum temporale) en arrière de A1 traiterait les
L’étude de la capacité d’oreille absolue est par ailleurs un bon
sons complexes et de haute fréquence, donc les harmoniques. La partie
modèle pour comprendre comment ces variables entrent en
rostrale, en avant de A1 serait concernée également par les sons purs. Le
interaction dans le développement cognitif général [49].
traitement linguistique des sons verbaux est assuré par le cortex temporal
Dans des études pionnières utilisant la tomographie par
gauche : aires 22 et 21 (non représentées ici). En cartouche, la première
émission de positons, Mazziotta et al. [50] ont mis en évidence
circonvolution temporale sur une coupe coronale.
des activations principalement frontotemporales droites lors de

8 Neurologie
Agnosies auditives et syndromes voisins : étude clinique, cognitive et psychopathologique ¶ 17-021-B-20

la réalisation de différentes tâches impliquant du matériel sémantiques (et d’incongruité sémantique en particulier), a une
musical extraites du test de Seashore [51] (mémoire tonale, distribution différente pour la présentation des mots du lexique
discrimination de timbres, d’accords musicaux et de séquences et celle des sons de l’environnement. Tandis que cette compo-
de notes). Pour les séquences de notes, la stratégie du sujet sante sémantique est observée dans les régions postérieures
influençait les modifications du débit sanguin cérébral : une droites pour les mots, elle est observée dans les régions posté-
stratégie « analytique » entraînait une activation dans les rieures gauches pour les sons. Les traitements de plus bas niveau
régions temporales postérieures gauches et une stratégie « pas- impliqués dans la perception des sons de l’environnement
sive », une augmentation du débit sanguin dans les aires semblent moins dépendre de régions de l’hémisphère gauche.
pariétales inférieures et temporo-occipitales droites. Le travail de En effet, Celsis et al. [58] ont comparé les potentiels évoqués
Platel et al. [52] est consacré à la perception de différentes pendant la perception des mêmes sons « s » et « f » dans deux
composantes de la musique (rythme, timbre, hauteur, identifi- contextes différents : un contexte « langue » dans lequel ces
cation musicale). Toutes les tâches provenaient du même sons étaient suivis de la voyelle i et présentés avec d’autres
matériel (quatre arrangements aléatoires de 30 séquences de syllabes (vi, zi), et un contexte « sons de l’environnement »
notes). Les résultats montrent des activations significatives dans lequel les sons étaient suivis d’un extrait de son de
différenciées pour chacune des tâches : des activations locales l’environnement (bruit de verre brisé et bruit de sirène respec-
dans l’hémisphère gauche pour les tâches d’identification/ tivement) et présentés avec d’autres sons de l’environnement
familiarité (gyrus frontal inférieur et temporal supérieur) et de (froissement de papier, eau qui coule). Les sujets devaient
rythme (aire de Broca et insula), et des activations dans détecter les sons cibles « s » et « f ». Les résultats montrent une
l’hémisphère droit pour la tâche de timbre (cortex frontal différence de potentiels entre les deux contextes entre 250 et
médian). La tâche de hauteur montre un pattern des résultats 350 ms, dans le sens d’une latéralisation gauche pour le
non attendus avec des activations spécifiques dans l’hémisphère contexte « langue », ce qui suggère une dominance gauche dans
gauche (cuneus et précuneus) interprétées comme le reflet de la détection de phonèmes cibles et non dans le traitement de
l’utilisation d’une stratégie d’imagerie mentale. Par la suite, de ces sons dans le contexte sons de l’environnement. Avec la
nombreuses études de neuro-imagerie ont confirmé que l’impli- méthode event-related desynchronization (ERD), Lebrun et al. [59]
cation première du gyrus temporal supérieur et médian droit ont étudié les profils électrophysiologiques spécifiques de
dans le traitement de la hauteur des sons musicaux [53]. En l’identification des mots et des sons de l’environnement. Seize
utilisant la technique des potentiels évoqués, Besson et al. [54] sujets ont été exposés deux fois à la même séquence de 200 sti-
ont montré que le traitement des aspects mélodique et harmo- muli sonores (50 mots, 50 non-mots, 50 sons de l’environne-
nique d’une phrase musicale est associé à l’occurrence d’une ment familiers, 50 sons non familiers). Pendant une séquence,
composante de polarité positive dont le maximum d’amplitude les sujets devaient détecter des sons familiers et des mots,
se situe 500 ms environ après la présentation d’une note ou pendant l’autre, des sons non familiers et des non-mots. Leurs
d’un accord peu attendu en fonction du contexte musical. Ces résultats suggèrent une distinction entre les structures cérébrales
modifications électrophysiologiques sont différentes chez les impliquées dans l’identification des mots et des sons de
musiciens et les non-musiciens, le profil observé indiquant que l’environnement, avec un rôle prédominant des régions posté-
les musiciens sont plus rapides que les non-musiciens pour rieures droites dans celle des sons de l’environnement. Avec la
détecter les incongruités. Ces résultats contrastent avec ceux de tomographie par émission de positons, Engelien et al. [60]
nombreux travaux qui ont montré que le traitement sémanti- montrent que les régions temporales gauches s’activent unique-
que d’un mot est associé, en électrophysiologie, à l’occurrence ment lorsque sont présentés des sons de l’environnement
d’une composante spécifique des potentiels liés à l’événement, reconnaissables, et que seules les régions temporales droites
de polarité négative, et dont le maximum d’amplitude se situe s’activent lorsque ces sons ne peuvent plus être identifiés (sons
400 ms environ après le début de la présentation du mot. Ces filtrés), confirmant que les régions temporales droites traitent
résultats électrophysiologiques plaident en faveur de mécanis- uniquement les caractéristiques acoustiques des sons de
mes neurophysiologiques spécifiques pour les processus de l’environnement.
mémoire verbaux et musicaux. Par ailleurs, Platel et al. [55] La plupart des études de neuro-imagerie consacrées à la
montrent en tomographie par émission de positons que les perception et la compréhension des sons du langage ont
substrats cérébraux pour des tâches de mémoires sémantique et confirmé le rôle prédominant de l’hémisphère gauche, notam-
épisodique musicale engagent des réseaux neuraux distincts ; en ment lors de la mise en jeu de processus phonologiques [61].
particulier, la mémoire sémantique musicale (reconnaître ou L’équipe de Belin [62] a montré que certaines régions du gyrus
avoir un sentiment de familiarité pour une mélodie donnée) temporal supérieur, notamment de l’hémisphère gauche,
implique assez spécifiquement les régions antérieures du lobe répondaient de manière très significative à la perception de la
temporal et le gyrus frontal inférieur, avec une dominance voix humaine (timbre vocal et caractéristiques acoustiques des
hémisphérique gauche. voix). Comme pour l’identification des visages humains, nous
Les premiers travaux sur la perception des sons de l’environ- aurions ainsi des régions cérébrales spécialisées dans le traite-
nement réalisés avec la méthode des PEA avaient pour objectif ment et l’identification des voix humaines. Démonet et al. [63]
principal de comparer ces potentiels lors de la présentation de ont proposé une synthèse des études qui montrent toutes la
sons verbaux et non verbaux. Cette comparaison a permis de présence d’augmentations de débit sanguin cérébral dans des
mettre en évidence une asymétrie hémisphérique de la distribu- régions localisées dans le voisinage immédiat de la scissure de
tion des potentiels selon la nature verbale ou non verbale des Sylvius de l’hémisphère cérébral gauche lors du traitement de la
stimulations sonores. L’étude de Matsumiya et al. [56] montre parole. Les régions concernées sont le cortex prémoteur infé-
une dominance hémisphérique gauche (rapport hémisphère rieur (proche de l’aire de Broca), le cortex temporal supérieur
gauche/hémisphère droit) pour les mots par rapport aux sons de postérieur et moyen (proche de l’aire de Wernicke), le lobule
l’environnement, uniquement quand un traitement sémantique pariétal inférieur (proche du gyrus supramarginal et de l’oper-
est demandé sur ces mots. Cependant, les auteurs montrent cule pariétal). Toutefois, des différences sont observées d’une
également une dominance hémisphérique gauche pour les sons étude à l’autre, attribuées la plupart du temps aux différences de
de l’environnement quand un traitement sémantique est tâches utilisées (certaines comparaisons pouvant « soustraire »
demandé, en comparaison à une situation où « aucun » traite- une composante commune à deux tâches). L’activation du gyrus
ment sémantique n’est demandé. Ces résultats vont donc dans supramarginal gauche est variable, cette aire pourrait avoir un
le sens d’une dominance de l’hémisphère gauche quand un rôle spécifique dans la mémoire de travail verbale et plus
traitement sémantique est demandé aux sujets, que ce soit sur particulièrement dans le stockage phonologique. L’activation de
des mots ou des sons de l’environnement. Cependant, le l’aire de Broca (ou proche de l’aire de Broca) est observée de
« poids » de cette dominance hémisphérique gauche paraît plus façon plus constante. Cette zone, étant affectée à la program-
important pour les mots que pour les sons de l’environnement. mation motrice, serait impliquée dans la transposition des
Cependant, l’étude de Van Petten et Rheinfelder [57] montre que percepts auditifs en représentations motrices (conformément à
la composante N400, supposée être impliquée dans les processus la théorie motrice de la parole) [64]. De plus, elle assurerait le

Neurologie 9
17-021-B-20 ¶ Agnosies auditives et syndromes voisins : étude clinique, cognitive et psychopathologique

maintien des informations en mémoire de travail, en particulier [19] Ayotte J, Peretz I, Hyde K. Congenital amusia: a group study of adults
la récapitulation subvocale de la boucle articulatoire. Elle aurait, afflicted with a music-specific disorder. Brain 2002;125:238-51.
dans ce cadre, un rôle complémentaire à celui du gyrus supra- [20] Peretz I, Cummings S, Dubé MP. The genetics of congenital amusia
marginal. Concernant les aspects lexicosémantiques, différentes (tone deafness): a family-aggregation study. Am J Hum Genet 2007;81:
études montrent que ces processus engagent un réseau neuronal 582-8.
très étendu comprenant les aires associatives temporales, [21] Hyde KL, Lerch JP, Zatorre RJ, Griffiths TD, Evans AC, Peretz I.
pariétales et préfrontales multimodales gauches. Aujourd’hui, les Cortical thickness in congenital amusia: when less is better than more.
techniques de neuro-imagerie fonctionnelle comme l’imagerie J Neurosci 2007;27:13028-32.
par résonance magnétique fonctionnelle permettent de suivre [22] Lhermitte J. Syndrome de la calotte du pédoncule cérébral. Les troubles
psycho-sensoriels dans les lésions du mésencéphale. Rev Neurol 1922;
les modifications fonctionnelles des régions cérébrales lors de la
38:1359-65.
récupération du langage chez des patients aphasiques, voire
[23] Cambier J, Decroix JP, Masson C. Auditory hallucinations in lesions of
d’émettre des hypothèses sur les potentialités de récupération de
the brain stem. Rev Neurol 1987;143:255-62.
tel ou tel patient en fonction du profil métabolique [24] Penfield W, Perot P. The brain’s record of auditory and visual
enregistré [65]. experience: a final summary and discussion. Brain 1963;86:595-696.
Ainsi, grâce aux travaux de neuro-imagerie fonctionnelle, le [25] Rapsack SZ, Kentros M, Rubens AB. Impaired recognition of
rôle des aires auditives primaires et des régions corticales meaningful sounds in Alzheimer’s disease. Arch Neurol 1989;46:
associées est de mieux en mieux compris, que ce soit dans le 1298-300.
traitement des stimuli musicaux, des sons de l’environnement [26] Polk A, Kertesz A. Music and language in degenerative disease of the
et des sons verbaux. Dans un article de synthèse, Zatorre et brain. Brain Cogn 1993;22:98-117.
al. [66] avancent différents arguments montrant que l’aire [27] Eustache F, Lambert J, Cassier C, Dary M, Rossa Y, Rioux P, et al.
auditive primaire de l’hémisphère gauche semble spécialisée Disorders of auditory identification in dementia of the Alzheimer type.
dans le traitement des transitions acoustiques rapides et que Cortex 1995;31:119-27.
l’aire auditive droite est préférentiellement impliquée dans les [28] Landau NM, Kleffner F. Syndrome of acquired aphasia with convulsive
modifications spectrales « lentes ». De ces particularités fonc- disorder in children. Neurology 1957;7:523-30.
tionnelles, sans doute innées, découleraient beaucoup des effets [29] Edworthy J, Loxley S, Dennis I. Improving auditory warning design:
différentiels de supériorité hémisphérique observés pour les relationships between warning sound parameters and perceived
stimuli auditifs, en particulier musicaux et verbaux. urgency. Hum Factors 1991;33:205-31.
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Agnosies auditives et syndromes voisins : étude clinique, cognitive et psychopathologique ¶ 17-021-B-20

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H. Platel, Professeur de neuropsychologie (herve.platel@unicaen.fr).


B. Lechevalier, Professeur émérite de neurologie, membre de l’Académie nationale de médecine.
J. Lambert, Orthophoniste.
F. Eustache, Directeur d’études EPHE.
Université de Caen, INSERM U923 et services de neurologie, Centre hospitalier universitaire Côte de Nacre, avenue de la côte de nacre, 14033 Caen cedex
9, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Platel H., Lechevalier B., Lambert J., Eustache F. Agnosies auditives et syndromes voisins : étude clinique,
cognitive et psychopathologique. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris), Neurologie, 17-021-B-20, 2009.

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Neurologie 11
 17-022-A-10

Apraxies
R. Migliaccio, A. Bourgeois, P. Bartolomeo

L’apraxie est un déficit acquis des mouvements appris. Trois grandes formes d’apraxie gestuelle ont
été décrites au début du XIXe siècle par Liepmann : l’apraxie idéomotrice, idéatoire et mélokinétique.
À chacune de ces apraxies correspond une perturbation sélective d’un aspect du geste et une lésion
d’une région cérébrale spécifique. Ce chapitre décrit les trois types d’apraxies gestuelles, du point de
vue sémiologique et anatomique. Il est également proposé une interprétation innovante de l’apraxie
idéomotrice dans le cadre de la théorie des « neurones miroirs ». Sont ensuite passés en revue d’autres
troubles neurologiques qui ont reçu le nom d’apraxie, tels que l’apraxie constructive, de l’habillage ou
encore l’apraxie de la marche, très fréquemment observés dans la pratique clinique. L’apraxie constructive,
correspondant à un déficit des habilités de planification et/ou d’analyse visuospatiale, est très fréquente
suite à la survenue d’une lésion cérébrale (vasculaire, dégénérative, etc.). D’occurrence plus rare, la
dyspraxie diagonistique et le phénomène de la main étrangère sont ici considérés comme des formes
particulières d’apraxie. Les corrélats lésionnels de chaque type d’apraxie sont discutés, ainsi que certaines
maladies neurologiques caractérisées par la centralité des troubles praxiques, comme la dégénérescence
corticobasale. L’importance de l’évaluation clinique des troubles praxiques est soulignée. Pour aider le
neurologue dans sa pratique clinique, des exemples de gestes sur imitation utiles au diagnostic de l’apraxie
idéomotrice, la forme la plus fréquente d’apraxie, sont proposés.
© 2012 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Apraxie idéomotrice ; Apraxie constructive ; Neurones miroirs ; Dégénérescence corticobasale ;
Accident vasculaire cérébral ; Évaluation neuropsychologique

Plan  Introduction
■ Introduction 1 Le cerveau humain planifie, représente et exécute une large série
■ Apraxies gestuelles 2 d’actions spécifiques en réponse aux stimuli de l’environnement,
Apraxie idéomotrice 2 permettant ainsi d’interagir avec le monde. La production d’un
Apraxie idéatoire 2 geste et la compréhension d’un geste réalisé par autrui font
Apraxie conceptuelle 2 depuis longtemps l’objet de nombreuses études cliniques, neu-
Apraxie mélokinétique ou apraxie motrice 3 ropsychologiques et de neuro-imagerie, dont le but est de mieux
Réseaux anatomiques des fonctions praxiques 3 comprendre les mécanismes en jeu et leurs substrats neuroanato-

miques.
Autres types d’apraxie 3
Le terme apraxie (du grec a, « négation » et praxis, « action »,
Apraxie constructive 3
donc inhabilité à faire) désigne les troubles acquis de l’activité
Apraxie de l’habillage 3
gestuelle intentionnelle. L’apraxie est souvent définie de manière
Apraxie de la marche 3
négative comme un déficit des mouvements appris qui ne peut
Main étrangère et dyspraxie diagonistique 4
être expliqué par des troubles sensorimoteurs, de la coordination,
■ Apraxies dans les maladies neurologiques 4 des troubles attentionnels ou encore langagiers. L’apraxie ne peut
Dégénérescence corticobasale 4 également être expliquée par une détérioration intellectuelle [1, 2] .
Démence à corps de Lewy 4 Historiquement, les apraxies font partie des grands syndromes
Maladie d’Alzheimer 4 neuropsychologiques classiques (au côté des agnosies, aphasies
Accidents vasculaires cérébraux 5 et amnésies) mis en évidence vers le début du XIXe siècle. C’est
Apraxie primaire progressive 5 d’abord à Heymann Steinthal [3] que l’on doit les premières uti-
■ Apraxies et neurones miroirs 5 lisations du terme « apraxie », suite à l’observation d’un patient
■ Évaluation 5 aphasique manipulant son couteau et sa fourchette comme si
c’était la première fois qu’il les utilisait. Mais c’est sans contexte
Karl Hugo Liepmann (1863-1925) qui a jeté les bases conceptuelles
et anatomiques de l’étude de l’apraxie, suite à l’observation d’un
patient [4] , le conseiller impérial M.T., aphasique et porteur d’une
apraxie unilatérale droite.

EMC - Neurologie 1
Volume 9 > n◦ 2 > avril 2012
http://dx.doi.org/10.1016/S0246-0378(12)57725-0
17-022-A-10  Apraxies

Le modèle théorique de l’élaboration du geste de Liepmann [5, 6] , les régions frontales et pariétales. Certaines études montrent
modifié et intégré par Geschwind [1] et Heilman [7] postule trois que, de façon moins fréquente, des lésions du cortex prémo-
grandes formes cliniques auxquelles Liepmann fait correspondre teur, de l’aire motrice supplémentaire, des ganglions de la base
par la suite trois sites lésionnels [6] : et du thalamus pourraient induire ce type d’apraxie [6, 10, 11] .
• l’apraxie motrice, ou mélokinétique, qui correspond à la perte Enfin, des lésions unilatérales hémisphériques gauches surve-
des souvenirs kinétiques situés dans les régions sensorimo- nant chez des patients droitiers induisent généralement des
trices ; déficits bilatéraux, affectant davantage le bras gauche que le
• l’apraxie idéomotrice, ou idéokinétique, au cours de laquelle bras droit [6, 12, 13] . Une apraxie idéomotrice isolée de la main
les souvenirs kinétiques sont préservés, mais dissociés du plan gauche [1] , le plus souvent d’étiologie vasculaire, peut enfin être
global du mouvement. Cette apraxie résulterait de lésions du retrouvée après des lésions du genou ou de l’isthme du corps
lobule pariétal inférieur et de la circonvolution supramarginale ; calleux. Elle présente les mêmes caractéristiques que l’apraxie
• l’apraxie idéatoire, qui correspond à un trouble de l’élaboration idéomotrice classique, mais ne concerne que le membre supérieur
du plan global d’un mouvement par la suite d’une lésion du gauche.
carrefour occipito-pariétal.
Ces différents types d’apraxie sont encore, à l’heure actuelle, à
la base des distinctions sémiologiques couramment rencontrées Apraxie buccofaciale
dans l’approche classique en neurologie. L’apraxie buccofaciale est parfois considérée comme un
L’un des apports majeurs de Liepmann dans le champ sous-type d’apraxie idéomotrice, bien que les corrélats neu-
de l’apraxie est également d’avoir proposé la dominance de roanatomiques puissent être distincts. L’apraxie buccofaciale
l’hémisphère gauche pour les activités gestuelles. Selon Liep- correspond à l’incapacité à réaliser des mouvements volontaires
mann, le contrôle des mouvements est assuré par l’hémisphère à but non langagier, impliquant la mobilisation des muscles du
gauche et les informations de la région sensorimotrice gauche visage et de la phonation (bouche, langue, larynx, pharynx). Elle
sont transmises à la région sensorimotrice droite, qui contrôle la se traduit par une impossibilité ou des difficultés à effectuer des
motricité de l’hémicorps controlatéral par l’intermédiaire du corps gestes sur ordre verbal ou imitation tels que siffler, tirer la langue
calleux. ou encore gonfler les joues. Ces mouvements sont en revanche
Sont tout d’abord passés en revue les troubles apraxiques clas- préservés lorsqu’ils surviennent de manière automatique. Cette
siquement décrits, indépendamment des débats en cours sur la apraxie est souvent associée à une apraxie idéomotrice. Le défi-
validité théorique des classifications, parfois contradictoires, mais cit praxique buccofacial peut, dans certains cas, empêcher la
dont l’utilisation en clinique reste actuellement très prégnante. production des sons du langage, comme observé dans certains
Les apraxies gestuelles des membres supérieurs, qui sont à ce jour types d’aphasie motrice. Pour designer ce type de symptôme
les plus étudiées et connues, seront plus particulièrement appro- dysarthrique, le terme d’apraxia of speech a été proposé par les
fondies. anglo-saxons [14] .
L’apraxie buccofaciale serait induite par des lésions le plus
souvent frontales gauches, notamment de la région frontale oper-
 Apraxies gestuelles culaire et de l’insula, ces deux régions de l’hémisphère gauche
étant impliquées dans le contrôle des mouvements buccophona-
Apraxie idéomotrice toires [15] .

L’apraxie idéomotrice peut être définie comme un trouble de


l’exécution de l’action. Elle peut-être mise en évidence en deman- Apraxie idéatoire
dant verbalement au patient de réaliser un geste d’utilisation d’un
objet (geste transitif, tel qu’« ouvrir une porte avec une clé »), en L’apraxie idéatoire se manifeste par une perturbation sélec-
l’absence de ce dernier. Le patient sait alors ce qu’il doit faire mais tive de l’utilisation d’objets courants [6] . Le patient ne sait plus
ne sait plus comment le faire [8] . Le geste produit est généralement ce qu’il doit faire. Le patient reste capable d’identifier les objets,
incorrect, mais le but de l’action est souvent reconnaissable. Les d’en préciser verbalement la fonction, mais se montre incapable
patients avec apraxie idéomotrice commettent des erreurs à la de les utiliser correctement quand il est nécessaire de planifier
fois temporelles et/ou spatiales, de configuration, d’amplitude ou une séquence d’actions telle que préparer un thé ou encore allu-
encore de positionnement du bras et de la main dans l’espace. mer une cigarette. Le patient peut exécuter chacun des éléments
Lors des épreuves de mime d’utilisation d’objet (ou pantomimes), isolément, c’est-à-dire pour allumer une cigarette : sortir une allu-
les patients présentent souvent une tendance à utiliser une par- mette de sa boîte, la tenir de façon adéquate, frotter l’allumette
tie de leur corps (main ou bras) pour symboliser l’objet, plutôt du bon coté de la boîte et enfin allumer la cigarette, mais pré-
que de mimer l’utilisation effective de l’objet. La gravité du défi- sente d’importantes difficultés pour ordonner la succession de ces
cit peut varier en fonction des modalités d’entrée : exécution différentes actions de manière efficiente.
sur commande verbale, sur imitation, à partir d’objets présen- Il n’existerait pas de corrélat lésionnel spécifique de ce type
tés visuellement. Les performances peuvent également varier en d’apraxie. Des lésions des régions pariéto-occipitales et parié-
fonction du type de geste requis : avec ou sans signification (geste totemporales de l’hémisphère gauche [6] , ainsi que des lobes
symbolique, tel que « faire au revoir » ou non symbolique, tel frontaux et temporaux, peuvent induire des apraxies de type
que « poser le dos de la main droite sur la joue gauche »), tran- idéatoire, de même que des lésions de la substance blanche sous-
sitif ou intransitif (n’impliquant pas un objet, tel que « faire de corticale associées à ces régions [16] .
l’auto-stop »). La performance peut être améliorée par l’utilisation
d’objets réels. Les patients présentent généralement des difficultés
pour juger si un geste exécuté par quelqu’un d’autre est réalisé de Apraxie conceptuelle
façon correcte ou non. L’apraxie idéomotrice se caractérise enfin
par une incapacité à exécuter un geste sur demande, tandis que Certains auteurs ont introduit le terme d’apraxie concep-
l’exécution spontanée reste possible (dissociation automaticovo- tuelle pour définir un déficit de la connaissance des objets
lontaire). De plus en plus d’études mettent toutefois en évidence et/ou des actions. Ces difficultés se traduisent par une utili-
qu’il existe des répercussions de ce type de déficit dans la vie sation incorrecte des objets, des difficultés à coupler objets et
quotidienne [9] . actions ou encore à juger si un geste est effectué correctement
Les études de corrélation anatomoclinique n’ont pas réussi ou non. Les patients peuvent également méconnaître les caracté-
à mettre en évidence de localisation anatomique spécifique. ristiques de certains instruments. L’apraxie idéatoire est parfois
L’apraxie idéomotrice dépendrait d’un réseau cérébral distribué envisagée comme un des profils possibles de l’apraxie concep-
impliquant des régions telles que les régions associatives pariétales tuelle [17] ; les régions sous-tendant ce type d’apraxie semblent
de l’hémisphère gauche, principalement le lobule pariétal infe- être similaires aux régions décrites dans le cadre des apraxies
rieur, ainsi que la substance blanche sous-corticale, connectant idéatoires.

2 EMC - Neurologie
Apraxies  17-022-A-10

Apraxie mélokinétique ou apraxie motrice  Autres types d’apraxie


L’apraxie mélokinétique ou motrice fait référence à des difficul-
tés d’exécution des mouvements fins et précis [18] . Cette apraxie
Apraxie constructive
touche surtout les mouvements des mains et des doigts, se tra- Il s’agit d’un trouble isolé de l’exécution de dessins libres ou
duisant par des difficultés pour effectuer des gestes tels que copiés ou de tâches constructives, bi- ou tridimensionnelles. Le
pianoter ou encore tapoter avec les deux index en alternance. trouble peut également s’observer lors de la réalisation de puzzles,
Les mouvements sont généralement maladroits et grossiers. la copie de figures formées par des bâtonnets, des allumettes ou
Tous les mouvements sont affectés (symboliques, non symbo- des cubes. Cette capacité est assez vulnérable à la survenue d’une
liques, transitifs, intransitifs). L’apraxie mélokinétique s’exprime lésion cérébrale, induisant des déficits de plus ou moins grande
le plus souvent de façon unilatérale, sans dissociation auto- intensité (Fig. 1).
maticovolontaire. Pour certains auteurs, l’apraxie mélokinétique Ce terme recouvre au moins deux composantes :
correspondrait davantage à un déficit moteur élémentaire plu- • un déficit de la conduite des actions complexes (planification)
tôt qu’à un trouble du mouvement appris. Enfin, sur le plan impliquant l’activité de construction. Chez certains malades,
des corrélats neuroanatomiques, tous les cas confirmés au niveau la réalisation de la copie s’opère en juxtaposant des détails
pathologique mettent en évidence des processus dégénératifs de façon plus ou moins adéquate. Il est, dans ce cas, possible
(type dégénérescence corticobasale) au niveau frontal et parié- d’observer une tendance à la simplification, l’omission de cer-
tal [19] , ainsi qu’au niveau du cortex moteur primaire [20] . tains éléments ou encore des difficultés dans la réalisation des
détails. Les relations topographiques entre les différentes par-
ties sont toutefois généralement préservées. Un phénomène
Réseaux anatomiques des fonctions d’accolement au modèle (closing-in) ou de reproduction sur
praxiques le modèle peut également être observé. Le phénomène de
closing-in, décrit par Mayer Gross [22] peut apparaître dans des
Il existerait quatre systèmes fonctionnant conjointement et tests de copie de phrases, ou encore de reconstruction d’un
contrôlant chacun un aspect spécifique du mouvement appris [21] . modèle 3D, mais il est surtout observé lors de la copie de
dessins ;
• un déficit des capacités d’analyse spatiale. Les reproductions
Système pariétofrontal peuvent, dans ce cas, être réalisées de droite à gauche et
Il serait responsable de l’intégration sensorimotrice du contrôle marquées par des éléments de négligence visuelle (omission
spatial des mouvements. Il interviendrait également dans le d’éléments situés à gauche du dessin). La troisième dimension
contrôle de la posture et de la saisie des objets. La partie la peut-être absente. Il est également possible d’observer des ano-
plus antérieure de ce système (cortex prémoteur) serait en charge malies dans l’orientation du dessin sur la page, des difficultés
du contrôle de la mélodie cinétique et de la dynamique du d’orientation des lignes et/ou d’ouverture des angles et de la
geste. La composante médiale de ce système, constituée de l’aire juxtaposition des traits.
motrice supplémentaire, de l’aire prémotrice latérodorsale, du cor- L’apraxie constructive témoigne de lésions au niveau du cortex
tex pariétal supérieur et de l’aire sensorielle supplémentaire, serait pariétal postérieur, avec des connotations spécifiques en fonc-
impliquée dans les gestes spontanés en réponse à des motivations tion de la latéralité lésionnelle. Les lésions droites induiraient
internes. La composante latérale, comprenant l’aire prémotrice des désordres d’ordre visuospatial avec de possibles éléments de
latéroventrale, le cortex associatif auditif et visuel, ainsi que le négligence gauche. La présence d’une structure simplifiée ou de
cortex associatif pariétal (gyrus supramarginal et gyrus angulaire) l’amélioration de la copie en présence de repères sont en revanche
serait davantage impliquée dans les réponses générées par des plus typiques des malades avec lésion gauche.
requêtes externes. Les deux systèmes seraient enfin interconnec-
tés.
Apraxie de l’habillage
Système fronto-temporo-pariétal Il s’agit d’un type d’apraxie réflexive, puisque le corps en
Il interviendrait dans la capacité à reproduire une configuration est l’objet, qui concerne l’habillage. Les patients éprouvent de
manuelle, à maintenir des postures ainsi que dans la capacité de grandes difficultés pour effectuer des actes de la vie quotidienne
reconnaissance d’un geste et de la justesse de sa réalisation en comme enfiler un pantalon, lacer ses chaussures, nouer une cra-
situation d’imitation. vate ou encore fermer une boutonnière. Le patient regarde ses
vêtements, les tourne et les retourne et procède par essais et
erreurs. Ce déficit induit une perte d’autonomie et rend le patient
Système frontostriatal dépendant de son entourage. L’apraxie de l’habillage survient
Il serait impliqué avec le cervelet, dans la réalisation de généralement en l’absence d’apraxie idéomotrice ou idéatoire.
séquences de mouvements, principalement des séquences de Toutefois, le patient peut avoir des difficultés de type idéatoire
mouvements complexes et nouvellement apprises. pour retrouver la séquence correcte des vêtements (il peut enfiler
les chaussures avant les chaussettes). Elle est en revanche fré-
quemment associée à une apraxie constructive, une négligence
Système occipitopariétal spatiale ou une hémiasomatognosie, suite à des lésions hémisphé-
Ce système serait en charge de la capacité à reproduire sur imi- riques droites. Elle est par ailleurs fréquemment retrouvée dans
tation des gestes sans signification. la maladie d’Alzheimer (MA). L’indépendance de ce déficit reste
En résumé, le modèle anatomoclinique d’Heilman et al. [7] pos- débattue.
tule que la connaissance et la représentation des objets et des
actions seraient stockées au sein du lobe pariétal gauche (gyrus
angulaire et supramarginal). L’exécution de l’action serait ensuite
Apraxie de la marche
assurée par la transmission des informations du lobe pariétal Il s’agit de la perte de la capacité d’organiser les mouvements des
au cortex moteur, ainsi qu’à l’aire motrice supplémentaire. Une membres inférieurs de façon adaptée à la marche. Le patient n’est
lésion des circonvolutions supramarginale et angulaire induirait plus capable d’avancer les membres inférieurs en alternance, ou il
des difficultés d’exécution des gestes sur commande verbale et le fait de façon maladroite, en élargissant le polygone de susten-
imitation, mais également des difficultés de compréhension et tation. Il peut y avoir une tendance à la rétropulsion. On observe
de reconnaissance des gestes. Une atteinte des régions plus anté- souvent une apraxie de la marche lors d’une hydrocéphalie.
rieures induirait de mauvaises performances en production de Il est nécessaire de distinguer l’apraxie de la marche de
gestes, avec toutefois des capacités de compréhension et de recon- l’apraxie des membres inférieurs, car ces deux formes d’apraxie
naissance préservées, que les gestes aient été ou non bien exécutés. ne coexistent généralement pas. L’apraxie du membre inferieur

EMC - Neurologie 3
17-022-A-10  Apraxies

A B C D
Figure 1. Exemples de copie de la figure de Rey.
A. Modèle.
B. Patient de 51 ans, diagnostic de maladie d’Alzheimer jeune, Mini Mental State Examination (MMSE) à 19/30.
C. Patiente de 69 ans, lésions vasculaires bilatérales touchant les lobes frontaux et les thalamus, MMSE 27/30. Noter la rotation du dessin par rapport au
modèle.
D. Patient de 73 ans avec une démence à corps de Lewy. MMSE 18/30.
(Reproduit avec l’aimable autorisation des docteurs Montella, de Stefano, Buonanno, Seconde Université de Naples, Italie).

peut être testée en demandant au patient d’effectuer des gestes


tels que taper dans un ballon ou encore mimer le geste d’éteindre
 Apraxies dans les maladies
une cigarette avec le pied. Ce type d’apraxie n’a fait l’objet que de neurologiques
peu d’études, la plupart des recherches étant centrée sur l’étude
de l’apraxie des membres supérieurs. L’apraxie de la marche a été Dégénérescence corticobasale
davantage étudiée, même si la littérature reste assez complexe,
regroupant sous le terme de « désordres de la marche de nature Les troubles praxiques sont au cœur de la symptomatologie
frontale » [1, 23, 24] des définitions tels que « parkinsonisme de la de la dégénérescence corticobasale (DCB). L’association d’une
moitié inférieure du corps », « marche à petit pas », « ataxie de apraxie et d’un syndrome parkinsonien asymétrique de type
Bruns ». Le terme de « troubles de la marche de niveau supé- akinétorigide constitue des éléments diagnostiques fortement
rieur » [25] a également été proposé pour désigner une dysfonction évocateurs d’une DCB [38] . La présentation initiale est générale-
de l’intégration supérieure sensorimotrice, avec préservation des ment caractérisée par une maladresse de la main liée aux troubles
habilités motrices et sensorielles élémentaires. En conclusion, praxiques, une légère hypoesthésie, une sensation de main étran-
l’apraxie de la marche apparaît comme une entité clinique à part gère, traduisant une atteinte des régions frontale, pariétale et
entière. La marche ne peut toutefois, en référence à la définition des ganglions de la base. L’apraxie est présente dans 70 % des
de l’apraxie, être véritablement considérée comme un mouve- cas de DCB [39] , le plus souvent de type idéomotrice [40] , souvent
ment appris, réalisée systématiquement de façon volontaire, mais bilatérale mais asymétrique et précoce [41] . Il n’existe pas de disso-
doit plutôt être considérée comme un pattern moteur répétitif ciation automaticovolontaire. L’apraxie idéomotrice rencontrée
généré par des mécanismes spinaux modifiés au niveau du tronc chez ces patients serait sous-tendue par une atrophie des régions
encéphale [26, 27] . pariétales et une atteinte de la substance blanche associative
pariétofrontale [42] .
Une apraxie mélokinétique peut également être retrouvée dans
Main étrangère et dyspraxie diagonistique la DCB du fait de l’atteinte des régions prémotrices du cortex
frontal [20, 43] , de même qu’une apraxie buccofaciale associée à
Le syndrome de la main étrangère est d’occurrence rare [28] et une dysarthrie [44] . Aucune différence entre les gestes transitifs et
correspond à des mouvements complexes du membre supérieur intransitifs n’est retrouvée chez ces patients. L’apraxie idéatoire,
qui sont clairement dirigés vers un objectif et bien exécutés mais ainsi que l’apraxie constructive, sont d’occurrence plus rare, sou-
non désirés [29] . Ces patients sont toujours conscients de la perte vent tardive et associée à une démence.
du contrôle volontaire de leur bras. Ils reconnaissent leur main
malade comme étant leur propre main et sont le plus souvent
consternés par les actions faites par celle-ci. Ces actions peuvent Démence à corps de Lewy
être en complète opposition avec ce que le patient souhaite
faire [30, 31] . Il résulte de cette situation que tous les mouvements se La démence à corps de Lewy (DCL) se caractérise par un syn-
trouvent empêchés [28] , avec parfois émergence de conflits entre les drome parkinsonien associé à un tableau cognitif marqué par
deux mains [32] , la main saine essayant de contenir la main malade. la prédominance de troubles visuoperceptifs et visuoconstructifs
Les gestes involontaires peuvent être suscités par le contexte. (Fig. 1D). Les troubles praxiques constructifs sont plus fréquents
La présence d’un objet très proche, par exemple, peut provo- chez les patients DCL par rapport aux patients avec MA [45] ; la pré-
quer un mouvement de rattrapage de cet objet [33] . En effet, ces cocité de ces troubles au cours de l’histoire de la maladie oriente
mouvements involontaires peuvent parfois être contrôlés par des le diagnostic vers une DCL.
injonctions verbales du patient ou de l’examinateur [34, 35] . Les
lésions anatomiques responsables de ce syndrome se situent au
niveau de la région motrice supplémentaire, anormalement sti-
mulée par le cortex prémoteur sain [36] .
Maladie d’Alzheimer
Les lésions de la partie antérieure du corps calleux peuvent Une apraxie est souvent retrouvée dans la MA. Il s’agit
provoquer une dyspraxie diagonistique, qui consiste en un compor- généralement d’une apraxie de type idéomotrice avec des
tement conflictuel des mains. Chez les droitiers, la main gauche erreurs d’utilisation du corps comme objet [46] . Le score au Mini
peut montrer un comportement anormal lorsque une activité de Mental State Examination (MMSE) serait corrélé aux troubles
la main droite est initiée [37] . praxiques [47] . De façon précoce, une apraxie constructive peut

4 EMC - Neurologie
Apraxies  17-022-A-10

Tableau 1.
Types d’apraxie en fonction des localisations anatomiques lésionnelles.
 Apraxies et neurones miroirs
Types d’apraxie Localisations anatomiques Les neurones miroirs ont été décrits pour la première fois
lésionnelles chez le singe, au niveau du cortex moteur [52] . Les mêmes neu-
Apraxie idéomotrice Gyrus supramarginal (dans le lobule rones (miroirs) déchargent lorsque le singe réalise une action
pariétal inferieur) gauche et lorsque celui-ci observe un autre singe en train d’exécuter
Cortex prémoteur/aire motrice cette même action. Les mécanismes à la base de la correspon-
supplémentaire gauche (rarement) dance entre la description visuelle d’une action, son exécution
Structures sous-corticales (thalamus, et sa compréhension ont été décrits dans ce cadre pour la
putamen) première fois. Les études réalisées en imagerie fonctionnelle
Substance blanche frontopariétale chez l’homme ont mis en évidence que le système putatif
gauche ou corps calleux des neurones miroirs est plus étendu chez l’homme que chez
Apraxie idéatoire Région temporopariétale gauche le singe, intéressant plusieurs régions cérébrales, notamment
le lobule pariétal inferieur. Le gyrus supramarginal serait de
Apraxie constructive Région pariétale gauche et/ou droite façon plus précise la région du système miroir, capable de créer
Apraxie de l’habillage Régions postérieures droites (?) des patterns interconnectés qui codifient les gestes appris. Par
l’atteinte des neurones miroirs de cette région, les patients avec
Apraxie buccofaciale Région frontale operculaire et insula à apraxie idéomotrice ne seraient pas seulement dans l’incapacité
gauche d’exécuter correctement une action mais, également, de juger si
Apraxie mélokinétique Aire motrice/prémotrice une action produite par autrui est réalisée de façon correcte ou
controlatérale non [53] .
Apraxie de la marche Régions frontales bilatérales ou corps
calleux (?)
Main étrangère/Dyspraxie
diagonistique
Aire motrice supplémentaire, partie
antérieure du corps calleux
 Évaluation
L’évaluation de l’apraxie en pratique clinique devrait faire
partie intégrante du bilan neurologique. Une évaluation neuro-
psychologique exhaustive doit être réalisée si le bilan clinique
également être mise en évidence dans cette pathologie (Fig. 1B).
ou la localisation lésionnelle laissent supposer la présence de
À la différence des patients DCL, les difficultés praxiques sont troubles praxiques, vu la fréquence et l’importance clinique de
moindres chez les patients MA dans les épreuves de copie de ces troubles. Les troubles praxiques affecteraient, en effet, envi-
modèles. Plus tardivement dans l’évolution de la maladie, une ron la moitié des patients avec lésion hémisphérique gauche
apraxie de l’habillage et/ou idéatoire peut apparaître. L’apraxie et seraient toujours présents, dans 20 % des cas, 1 an après la
idéatoire peut également être présente plus précocement dans des survenue de la lésion [54] . De plus en plus d’études montrent éga-
formes sévères de la maladie. lement que les difficultés en vie quotidienne sont bien réelles et
s’expriment dans des tâches aussi routinières que la prise d’un
repas [9] .
Accidents vasculaires cérébraux Les outils permettant une évaluation détaillée et standardisée
Un tableau d’apraxie gestuelle peut être retrouvé suite à la sur- de l’apraxie sont à l’heure actuelle peu nombreux. Parmi ces
venue d’un accident vasculaire cérébral (AVC) provoquant des outils, la Batterie d’évaluation des praxies (BEP) [55] permet une
lésions au sein des régions impliquées dans la production ou la évaluation des praxies gestuelles des membres supérieurs, théo-
compréhension d’un geste (Tableau 1), c’est-à-dire principalement riquement et méthodologiquement fondée sur une modélisation
les lobes pariétal et frontal, les ganglions de la base, l’opercule cognitive du traitement de l’information gestuelle, adaptée des
rolandique et le corps calleux. Les troubles sont plus fréquents travaux de Rothi et al. [56] et Goldenberg [57] . Elle se compose
après un accident vasculaire hémisphérique gauche que droit [48] . de huit épreuves visant à évaluer les différentes composantes
Dans les phases aiguës de l’AVC, une apraxie idéatoire est présente cognitives praxiques théoriquement impliquées. L’hypothèse de
chez 28 % des patients avec une atteinte hémisphérique gauche l’existence d’un déficit, ainsi que sa localisation lésionnelle,
et chez 13 % des patients porteurs d’une lésion droite. L’apraxie est inférée à partir du recoupement des performances obtenues
idéomotrice, plus fréquente, serait présente chez 57 % des patients aux différentes épreuves. Le protocole d’évaluation clinique des
avec lésion hémisphérique gauche et chez 34 % des patients avec apraxies mis au point par Le Gall et al. [54] s’inscrit dans une
lésion droite [49, 50] . perspective plus clinique. Il vise à évaluer un ensemble de situa-
tions cliniques en tentant d’intégrer les apports théoriques des
modèles cognitifs de l’apraxie, sans toutefois se référer à un
Apraxie primaire progressive modèle en particulier. L’accent dans ce protocole a été mis sur
une procédure de première évaluation des troubles idéomoteurs et
Certains patients peuvent présenter une apraxie d’apparition et idéatoires.
d’aggravation progressive non associée, au début, à une atteinte L’évaluation des praxies peut être compromise du fait de pos-
d’autres fonctions cognitives. C’est dans ce cadre que le concept sibles troubles du langage (principalement de compréhension),
d’apraxie primaire progressive a été proposé. Le début des symp- très fréquemment retrouvés à la suite de lésions hémisphé-
tômes est généralement latéralisé, avec une évolution unilatérale riques gauches. La batterie d’évaluation des praxies mise au
laissant place ensuite à une diffusion controlatérale. D’autres point par De Renzi [58] a, dans ce cadre, été développée afin de
troubles moteurs sont également présents tels qu’une altéra- limiter l’interférence du langage lors de l’évaluation des praxies
tion du tonus avec hypertonie, dystonie, et akinésie. L’apraxie gestuelles. Elle se compose de 24 gestes idéomoteurs proposés
primaire progressive est la conséquence d’un processus dégénéra- exclusivement sur imitation (Fig. 2). Tous les gestes sont contre-
tif des régions frontopariétales, uni- ou bilatéral, mais toujours balancés en fonction de leur significativité (gestes symboliques
asymétrique. Sur le plan anatomopathologique, il existe une versus sans signification), de la partie du corps impliquée dans le
atrophie de ces régions, caractérisée microscopiquement par la geste (mouvement proximal ou distal des membres supérieurs)
présence d’une gliose et de cellules ballonnisées. Cette forme et du type de geste requis (geste isolé versus séquence d’actes
d’apraxie dégénérative est par conséquent parfois considérée moteurs).
comme une variante de la maladie de Pick, de la démence
frontotemporale ou, plus fréquemment, de la dégénérescence Cet article a fait l’objet d’une prépublication en ligne : l’année du copyright peut
corticobasale [51] . donc être antérieure à celle de la mise à jour à laquelle il est intégré.

EMC - Neurologie 5
17-022-A-10  Apraxies

B
Figure 2. Batterie de De Renzi.
A, B. Exemples de gestes idéomoteurs unimanuels, proposés sur imitation.
C, D. Exemples de gestes bimanuels.

C D

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R. Migliaccio.
Inserm-UPMC UMRS 975, Institut du cerveau et de la moelle épinière, Hôpital Pitié-Salpêtrière, 47, boulevard de l’Hôpital, 75651 Paris Cedex 13, France.
Département de psychologie, Université catholique, Milan, Italie.
A. Bourgeois.
Inserm-UPMC UMRS 975, Institut du cerveau et de la moelle épinière, Hôpital Pitié-Salpêtrière, 47, boulevard de l’Hôpital, 75651 Paris Cedex 13, France.
P. Bartolomeo (paolo.bartolomeo@upmc.fr).
Inserm-UPMC UMRS 975, Institut du cerveau et de la moelle épinière, Hôpital Pitié-Salpêtrière, 47, boulevard de l’Hôpital, 75651 Paris Cedex 13, France.
Département de psychologie, Université catholique, Milan, Italie.
Fédération de neurologie, AP-HP, Hôpital Pitié-Salpêtrière, 47, boulevard de l’Hôpital, 75651 Paris Cedex 13, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Migliaccio R, Bourgeois A, Bartolomeo P. Apraxies. EMC Neurologie 2012;9(2):1-7 [Article 17-022-A-10].

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EMC - Neurologie 7
 17-022-E-30

Cognition sociale
M. Bertoux

Les processus neurocognitifs qui nous permettent d’interagir avec autrui de manière adaptée composent
la « cognition sociale » qui se réfère spécifiquement à la manière dont nous percevons, traitons et interpré-
tons les informations sociales. Composante non négligeable de l’intelligence humaine pourtant longtemps
négligée, elle jouit depuis une quinzaine d’années d’un intérêt croissant, proportionnel au développe-
ment des neurosciences sociales. Le bon fonctionnement de la théorie de l’esprit, de l’empathie et de
la reconnaissance des émotions (permettant d’inférer ce qu’autrui pense et ressent), de même qu’une
connaissance des normes sociales et une fine analyse des contextes nous permettent de vivre ensemble
en « harmonie » et de coopérer efficacement, deux éléments assurant la survie de l’espèce. Soutenues
par certains processus cognitifs transversaux, ces fonctions modulent drastiquement nos comportements
sociaux quotidiens et ont une influence déterminante sur notre bien-être et notre réussite sociale. Cet
article propose un aperçu des connaissances actuelles sur la cognition sociale et les fonctions qui y sont
associées. Il en présente les corrélats neuroanatomiques et évoque ensuite les maladies neurologiques et
psychiatriques fréquemment associées à – ou caractérisées par – une perturbation de la cognition sociale,
avant de terminer par un court inventaire des outils neuropsychologiques les plus fréquemment utilisés
pour son évaluation clinique. L’article souligne l’importance des fonctions de la cognition sociale dans
les comportements humains et l’adaptation à la société. Faisant écho à la reconnaissance de la cogni-
tion sociale comme étant l’un des six domaines cognitifs principaux au sein du manuel diagnostique et
statistique des troubles mentaux (cinquième édition), l’article plaide pour une évaluation quasi systéma-
tique de la cognition sociale en neurologie et en psychiatrie et pour le développement de nouveaux tests
cliniques permettant une évaluation rapide mais multidimensionnelle de ce domaine cognitif.
© 2016 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots-clés : Cognition sociale ; Théorie de l’esprit ; Empathie ; Émotions ; Autisme ; Démence frontotemporale

Plan  Introduction
■ Introduction 1 Vouloir définir ce qu’est la « cognition sociale » reviendrait
presque à définir ce qu’est la cognition tant l’humain est un ani-
■ Fonctions de la cognition sociale 2 mal social. La plupart de nos activités quotidiennes sont motivées
Théorie de l’esprit 2 et/ou modulées par des buts et contextes sociaux. Il en est ainsi
Empathie 2 depuis notre enfance [1] et il en sera de même tout au long de notre
Reconnaissance des émotions 2 vie [2] . L’essentiel de nos vies étant social, il est difficile de dire que
Régulation émotionnelle 2 telle ou telle fonction cognitive n’appartient pas à la cognition
Sémantique sociale : normes conventionnelles et morales 2 sociale ; notre cerveau, disproportionné pour notre taille, pour-
Analyse contextuelle 3 rait d’ailleurs être le pur produit d’une évolution nous permettant
Mécanismes aspécifiques de soutien de la cognition sociale : de gérer des systèmes sociaux complexes [3] . La cognition sociale se
fonctions exécutives et circuit de la récompense 3 réfère spécifiquement à la manière dont nous percevons, traitons
■ Bases neurales 3 et interprétons les informations sociales. La cognition sociale per-
■ Maladies de la cognition sociale 4 met donc de reconnaître les émotions des autres, de deviner ou

d’interpréter leurs sentiments, croyances ou idées et d’y répondre
Évaluation clinique 4
de manière appropriée. Elle est l’ensemble des processus qui nous
Théorie de l’esprit 5
permet de comprendre et de se représenter les autres personnes
Empathie 5
et groupes sociaux, de réguler nos émotions, d’établir des normes
Reconnaissance émotionnelle 5
sociales et morales et de coopérer ensemble. En bref, la cognition
■ Conclusion 5 sociale est la somme des processus neurocognitifs nous permet-
tant de nous adapter à un groupe et à la société.

EMC - Neurologie 1
Volume 13 > n◦ 4 > octobre 2016
http://dx.doi.org/10.1016/S0246-0378(16)65655-5
17-022-E-30  Cognition sociale

Représentation cognitive Représentation affective Figure 1. Représentation sché-


matique du chevauchement entre
théorie de l’esprit et empathie.
Théorie de l'esprit Empathie

Théorie de l'esprit cognitive Théorie de l'esprit affective / Empathie Empathie affective


cognitive
Se représenter les pensées, Se représenter les Ressentir les sentiments des
croyances des autres sentiments des autres autres

Du fait de son importance cruciale dans les relations inter- en favorisant l’attachement [12] . L’empathie peut être divisée en
personnelles et la psyché humaine, il est surprenant de voir deux composantes, une « empathie cognitive » superposable à la
que l’essentiel des découvertes dans ce domaine s’est fait après théorie de l’esprit affective, qui permet la représentation mentale
2000. Pionnière à vouloir décrire l’architecture cognitive de la des émotions ou sentiments d’autrui et une « empathie affec-
pensée, la psychologie de l’intelligence a toujours négligé les apti- tive », qui permet une réponse émotionnelle aux émotions ou
tudes relatives aux relations avec autrui et celles-ci n’ont jamais sentiments d’autrui. L’empathie affective est donc la capacité à
été intégrées au modèle Cattell-Horn-Carroll, principal modèle ressentir ce qu’autrui ressent (e.g. ressentir de la tristesse lors
de l’intelligence [4] . Si l’engouement des neurosciences pour la du chagrin d’un(e) proche), aussi appelée « contagion émotion-
cognition sociale conduit progressivement à effacer l’arbitraire nelle », ou encore de ressentir un sentiment différent en réaction
distinction entre cognitif, émotionnel, social et comportemen- à ce qu’une autre personne ressent (e.g. de l’embarras devant
tal, beaucoup reste à faire dans ce vaste champ si longtemps une personne trop joviale) [11, 13] . Notons que cette distinction
négligé. Une fois n’est pas coutume, c’est de l’étude de ses troubles entre « cognitif » et « affectif » est ici une pure distinction de lan-
que nous vient de nombreuses connaissances sur la cognition gage puisqu’il s’agit bien, dans un cas comme dans l’autre, de
sociale. La description des mécanismes autistiques, l’exploration représentations cognitives véhiculant, dans le deuxième cas, une
des séquelles des lésions cérébrales ou encore l’étude des maladies information émotionnelle.
neurodégénératives ont permis d’approfondir nos connaissances
sur les fonctions et régions cérébrales qui sous-tendent la cogni-
tion sociale [5, 6] . Certaines études dissèquent ses mécanismes et Reconnaissance des émotions
essaient de comprendre leur architecture, leur spécificité ou la
nature de leurs interactions avec d’autres fonctions cognitives. L’émotion peut être définie comme une expérience psychophy-
D’autres montrent à quel point l’évaluation de la cognition sociale siologique résultant d’une confrontation entre stimuli internes
représente un intérêt clinique capital. Il est en effet bien établi que (pensée, représentation, interprétation) et environnementaux.
les troubles de la cognition sociale sont à l’origine d’un handi- Elle se traduit par une réaction interne psychologique et génère
cap fonctionnel important : ils entraînent une baisse de la qualité une réaction externe motrice (e.g. tonus musculaire, tremble-
de vie et favorisent le chômage, l’isolement, la survenue de pro- ments, fuite, etc.) et physiologique (e.g. pâleur, rougissement,
blèmes mentaux, et parfois, de comportements criminels [7–10] . Ils augmentation du rythme cardiaque, etc.). Pour Darwin déjà [14] ,
sont également source de tensions et de ressentiment importants l’émotion avait fonction d’adaptation, de communication et de
pour les proches des patient(e)s, entraînant des conséquences dra- rétrorégulation. Les travaux d’Ekman [15] ont permis d’identifier
matiques sur leur propre santé et qualité de vie. Au cours d’une sept émotions dites « canoniques » ou universelles, indépendantes
évaluation clinique, il apparaît ainsi crucial d’allouer un moment des origines culturelles : la colère, le dégoût, la joie, la neutralité, la
pour évaluer les fonctions de la cognition sociale, que je décris ici peur, la surprise et la tristesse. Malgré les débats qui accompagnent
succinctement. cette théorie [16] , la majorité des auteur(e)s s’inspirent aujourd’hui
de ces travaux.
D’autres travaux nous ont permis de concevoir
 Fonctions de la cognition sociale l’émotion comme une réponse cérébrale à des stimuli récompen-
sant ou punissant [17] . Dans cette optique, les émotions sont donc
des renforçateurs qui ont par ailleurs une fonction de communi-
Théorie de l’esprit cation spécifique [18] . La reconnaissance des émotions serait donc
La théorie de l’esprit est une fonction centrale de la cognition la traduction, par un autre individu, de cette communication [19] .
sociale et donc un facteur déterminant dans les rapports sociaux et
l’adaptation à un environnement social. La théorie de l’esprit est
la fonction cognitive qui nous permet d’inférer les états mentaux Régulation émotionnelle
d’autrui. Elle est le plus souvent divisée en théorie de l’esprit cogni- Notre capacité à réguler nos émotions en fonction des situations
tive et affective. La première permet la représentation mentale des auxquelles nous faisons face a une valeur adaptative évidente,
croyances, intentions ou pensées d’autrui et la deuxième la repré- en nous permettant par exemple de rester calme face au danger
sentation mentale des émotions ou sentiments d’autrui. La théorie ou encore de positiver pour finir une tâche laborieuse [20] . S’il ne
de l’esprit affective est également appelée « empathie cognitive ». s’agit pas là d’une fonction sociale per se, cette capacité à suppri-
La Figure 1 permet d’illustrer comment théorie de l’esprit et empa- mer la réponse physiologique externe d’une émotion (suppression
thie s’articulent pour la majeure partie des théoricien(ne)s de la émotionnelle) ou à modifier la manière dont nous évaluons une
cognition sociale [11] . L’une (théorie de l’esprit) traite les informa- situation pour en changer notre ressenti (réévaluation cognitive)
tions davantage cognitives tandis que l’autre (l’empathie) traite a une valeur évidente d’adaptation sociale [21] (ou in [22] ).
les informations plus affectives.

Empathie Sémantique sociale : normes


conventionnelles et morales
L’empathie est la capacité de partager et de comprendre les
sentiments des autres. C’est une fonction fondamentale de Savoir interagir normalement avec les autres dépend également
l’expérience émotionnelle et son rôle est majeur dans les inter- d’un ensemble de règles, établies pour permettre aux humains de
actions sociales puisqu’elle permet la communication affective et vivre en harmonie [23] . Ces normes sociales sont un ensemble de
motive les individus à agir de manière prosociale, notamment croyances partagées de tous sur ce qui constitue un comportement

2 EMC - Neurologie
Cognition sociale  17-022-E-30

approprié ou non dans une situation particulière [24] . Elles sont à dans un contexte effrayant, ce que nous savons de l’histoire de cer-
l’origine des lois et de la moralité [25, 26] et peuvent être partagées taines personnes est un contexte qui modulera nos actions envers
au sein d’une culture particulière (e.g. dire bonjour en entrant eux. La régulation émotionnelle ou l’adaptation sociale pour-
dans une boulangerie), ou sont plus universelles et à forte valeur raient aussi être considérées comme des mises à jour constantes
morale (e.g. ne pas jouer avec la nourriture), et parfois codifiées et volontaires du contexte [28] . L’intégration des informations
et établies en loi (e.g. ne pas tuer). Bienséance, étiquette, conven- contextuelles sert donc la cognition sociale et modulerait ses
tions sont d’autres appellations de ce stock de normes sociales que fonctions [29, 30] . Elle pourrait être imaginée comme une boucle
nous possédons et appliquons tous au quotidien sans même nous interprétant et réinterprétant sans cesse un stimulus. À chaque
en rendre compte. boucle, l’analyse viendrait s’enrichir d’informations contextuelles
d’abord évidentes puis plus élaborées [31, 32] . À terme, l’analyse

“ Point fort contextuelle permettrait d’effectuer des prédictions, basées sur des
informations plus abstraites telles que la nature de nos relations
avec les autres et les expériences passées [29] .
Exemple quotidien du respect des normes sociales
et de la manière dont elles façonnent notre Mécanismes aspécifiques de soutien
comportement de la cognition sociale : fonctions exécutives
Déjeunant au restaurant, ce sont les normes sociales qui
me font : attendre que chacun soit servi à ma table avant et circuit de la récompense
d’entamer mon plat, mettre mes mains et non mes coudes Comme toute fonction de haut niveau, la cognition sociale
sur la table, étendre ma serviette sur mes cuisses et non repose sur des systèmes de plus bas niveau et implique des fonc-
l’attacher à mon col, me tenir droit sur ma chaise, garder tions cognitives transversales comme le langage, la mémoire
une conversation « de bon ton », servir les autres ou leur et les fonctions exécutives [33, 34] . Le lien entre fonctions exécu-
proposer de les servir quand je me sers de l’eau, dire par- tives et théorie de l’esprit est particulièrement discuté dans la
don quand mon bras passe devant un convive, attendre littérature (pour une revue [35] ). Certain(e)s plaident pour une
que chacun ait terminé pour demander l’addition, payer dépendance stricte, considérant la théorie de l’esprit comme une
fonction exécutive [36] , quand d’autres plaident pour une relative
l’addition équitablement et me lever sans fracas. D’autres
indépendance [37] . Il semblerait que cognition sociale et fonc-
normes peuvent encore m’encourager à laisser ou non tions exécutives soient des dimensions bien distinctes de l’esprit
un pourboire sur la table ou directement lors du paie- humain, mais en interaction [38] . Certaines fonctions exécutives
ment. Je peux également me conformer à d’autres normes soutiendraient en effet certains aspects de la cognition sociale,
sociales me faisant entrer dans le restaurant avant ma par- en permettant par exemple d’inhiber notre propre état men-
tenaire, tirer sa chaise pour qu’elle s’asseye et lui tenir la tal ou émotionnel (inhibition cognitive) avant de changer de
porte en sortant. D’autres encore peuvent me pousser ou perspective (flexibilité mentale) pour inférer celui d’autrui [39, 40] .
m’empêcher de renvoyer un plat s’il n’est pas chaud, à Les capacités d’abstraction et la mémoire de travail pourraient
accepter ou refuser le vin qu’on me sert si son goût n’est également être impliquées dans la création et le maintien de
pas à ma convenance, à exiger que l’on change mon cou- cette nouvelle représentation [37] . Enfin, l’inhibition et la flexibilité
seraient également à l’œuvre dans la régulation émotionnelle [31] .
vert si celui-ci est d’une propreté discutable, à exiger le
Le système de la récompense est un autre système transversal
changement ou le remboursement d’un plat ou d’une impliqué dans la cognition sociale. Nos échanges et interactions
boisson si elle n’est pas à la hauteur de mes attentes. sociales sont façonnés par la poursuite de récompenses sociales :
Politesse, bienséance, galanterie, l’ensemble de ces attractivité, approbation, acceptation, reconnaissance, récipro-
comportements est modulé par ma propre culture, mon cité, qui vont elles-mêmes influencer notre statut social et notre
genre, mon âge, mon éducation, mon environnement réputation. Ces récompenses sont d’une importance critique dans
socioculturel et économique et l’endroit dans lequel je notre connaissance d’autrui et le développement de relations
déjeune. Un cadre supérieur, habitué à déjeuner au res- non superficielles, deux nécessités à l’adaptation et à la survie de
taurant et à un certain niveau d’exigence sera plus à l’aise l’espèce. Au sein d’un réseau social réel (mais aussi « en ligne »,
avec l’idée de renvoyer une bouteille plutôt qu’une étu- sur internet), elles permettent de solidifier les liens sociaux et de
réaffirmer ou de caractériser des relations (e.g. relation amicale,
diante issue d’un milieu défavorisé ; de même, il n’aura
romantique, etc.) [41] . Elles modulent et sont modulées par des fac-
pas la même exigence dans un restaurant étoilé que dans teurs tels que la proximité, la confiance et le soutien et sont traitées
une pizzeria de quartier. par le cerveau de la même manière que les récompenses primaires
(i.e. nourriture ou sexe) via le circuit de la récompense, impli-
quant notamment le cortex préfrontal médian/ventromédian et
Le respect des normes et leur réciprocité sont renforcés par la le striatum ventral [42] .
punition sociale (le rejet) ou la menace de cette punition et per-
mettent in fine la coopération humaine [27] . D’un point de vue
cognitif, l’application de ces normes implique leur apprentissage,
la capacité à prédire les conséquences d’une action impliquant le  Bases neurales
respect ou non de ces normes, la prise en compte de ces prédictions
pour prendre des décisions correctes et guider son comportement, Du fait de son implication centrale dans des processus tels que
l’évaluation des états mentaux des autres dans le contexte de ces les jugements d’intentionnalité, le jugement moral, l’attribution
normes et, éventuellement, d’agir en conséquence suite à une d’actions, de traits de caractère, de personnalité et l’anticipation
transgression de ces normes [26] . des actions d’autrui, le cortex préfrontal médian constituerait le
noyau de la cognition sociale et servirait de module d’intégration
des informations sociales plurimodales [43, 44] . De nombreuses
Analyse contextuelle études lésionnelles et d’imagerie fonctionnelle montrent le rôle
crucial du cortex préfrontal médian dans la théorie de l’esprit (cf.
Le contexte joue un rôle important dans nos propres attitudes et les méta-analyses [45–47] ) et l’empathie [48, 49] . Le cortex cingulaire
représentations cognitives ou affectives mais module également antérieur, du fait de son implication dans les aspects exécutifs de
les inférences et interprétations que nous avons des états men- la cognition (e.g. supervision, contrôle, inhibition), serait aussi
taux ou émotionnels de nos congénères. L’attitude d’autrui ne impliqué dans les processus de régulation émotionnelle [20] et
peut être interprétée efficacement que si elle est contextualisée. d’apprentissage probabiliste, à l’œuvre dans l’intégration de nou-
De même qu’un visage surpris pourra être perçu comme effrayé velles normes et récompenses sociales.

EMC - Neurologie 3
17-022-E-30  Cognition sociale

1 Figure 2. Localisation des corrélats neuroanato-


miques de la théorie de l’esprit. 1. Jonction tem-
2 4 6 poropariétale ; 2. pôle temporal ; 3. cortex orbito-
frontal ; 4. insula ; 5. amygdale ; 6. cortex préfron-
tal médian ; 7. cortex préfrontal ventromédian.

3 5 7

Le cortex orbitofrontal semble également capital pour évaluer observer dans l’autisme un déficit de reconnaissance émotion-
la valence émotionnelle d’un stimulus en contexte et pour déter- nelle (in [66] ), une baisse de l’empathie affective et une atteinte
miner la justesse d’une possible réponse envers lui [21, 50] . Cette variable de la théorie de l’esprit [67] ;
région, centrale dans le codage des valeurs et dans l’évaluation • la schizophrénie est un trouble neuropsychiatrique survenant
des contingences, permettrait d’éviter la transgression des normes habituellement entre 15 et 30 ans avec une prévalence de 1 %.
lors de la réalisation d’une action [51, 52] . Cette région est en outre Les patient(e)s atteint(e)s de schizophrénie présentent des diffi-
importante pour la reconnaissance de la colère, une expression cultés à identifier les émotions faciales [68] et un déficit variable
généralement associée à la transgression d’une règle [18] . de théorie de l’esprit [69] ;
La jonction temporopariétale est impliquée dans de nombreux • la démence frontotemporale est la deuxième maladie neuro-
processus à l’œuvre dans la théorie de l’esprit, notamment pour dégénérative du sujet jeune après la maladie d’Alzheimer ; elle
inférer ou prédire les états mentaux d’une personne à partir des est caractérisée par de nombreux troubles du comportement
diverses informations disponibles sur celle-ci [30, 47] . associés à l’atrophie corticale préfrontale, insulaire et tempo-
L’insula assurerait la coordination entre les informations des rale. Les patient(e)s présentent un trouble de la reconnaissance
milieux internes et externes [29] , une étape essentielle de l’analyse émotionnelle [6, 64, 70] , un trouble général et sévère de la théo-
contextuelle et de l’apprentissage par renforcement, deux fonc- rie de l’esprit [37, 64, 71] , de la régulation émotionnelle [72] ainsi
tions capitales de l’intégration des normes sociales [53, 54] . Cette qu’une baisse de l’empathie [73] et une perturbation du circuit
région est aussi capitale pour la reconnaissance du dégoût [55] . de la récompense [74, 75] ;
Le pôle temporal effectuerait l’association entre les stimuli • la maladie d’Alzheimer, maladie neurodégénérative la plus fré-
(situation, inférence, etc.) et le contexte [29] . Il serait égale- quente, entraîne un trouble de régulation émotionnelle [76] , des
ment impliqué dans les tâches de théorie de l’esprit [56] . Plus difficultés de théorie de l’esprit [77] et un trouble de la reconnais-
globalement, le lobe temporal pourrait permettre le stockage sance des émotions [70] . Ces troubles seraient toutefois liés à la
et l’indexation des normes ou caractéristiques sociales inva- sévérité de l’atteinte cognitive globale [70, 78] ;
riantes [57] . • la maladie de Parkinson : un trouble de la reconnaissance émo-
L’amygdale, impliquée dans la reconnaissance de la peur [58] , tionnelle peut s’observer dans la maladie de Parkinson [79] de
permet plus généralement la détection des stimuli à valeur émo- même qu’une dysfonction de certains aspects de la théorie de
tionnelle et jouerait ainsi un rôle important dans la régulation l’esprit et de l’empathie, corrélés à la dégradation cognitive glo-
émotionnelle. bale [80] ;
Ces régions, représentées sur la Figure 2, sont les principales • autres maladies : on observe également une atteinte variable de
régions impliquées dans les divers processus de la cognition la cognition sociale dans la dépression (liée à la sévérité des
sociale [43, 45–47] . symptômes dépressifs et à l’altération exécutive [81] ), dans le
D’autres régions sont également impliquées dans la cognition trouble bipolaire (plus sévère en phase aiguë mais également
sociale, à des degrés divers de spécificité et d’importance. Le stria- présente chez les patient(e)s euthymiques [82] ), la maladie de
tum, central dans l’apprentissage associatif (entre un stimulus Huntington (atteinte sévère) [83] , le trouble de l’attention avec
et sa valeur) et prédictif (quand l’association précédente n’est ou sans hyperactivité (atteinte légère) [84] , la sclérose latérale
pas constante mais probable) [17] aurait un rôle important dans amyotrophique (où les troubles seraient liés à l’atteinte exé-
l’apprentissage et l’adaptation aux normes sociales [53, 54, 59] et dans cutive) [85] , la démence sémantique [86] mais aussi la sclérose en
la poursuite des récompenses sociales [41] . Citons aussi le précu- plaques, les syndromes de Williams, de Prader-Willi, de Turner,
néus, impliqué dans l’imagerie mentale [60] , le cervelet [61] dont le de Rett et d’Angelman et l’alcoolodépendance [87] .
rôle dans les aspects les plus abstraits de la cognition sociale a été
démontré et encore les régions prémotrices, ou plus généralement
le système des neurones miroir [62] , impliqué plus spécifiquement  Évaluation clinique
dans la perception de la douleur.
Considérant l’importance de la cognition sociale dans les
comportements humains, l’étendue et la complexité des méca-
 Maladies de la cognition sociale nismes impliqués dans son bon fonctionnement et le nombre
de maladies qui peuvent les affecter, l’évaluation de la cognition
Toute atteinte cérébrale peut potentiellement avoir un impact sociale est capitale en neurologie et en psychiatrie. Son impor-
sur la cognition sociale à des degrés divers. Ces troubles peuvent tance a d’ailleurs été reconnue dans la cinquième édition du
s’observer après une lésion cérébrale causée lors d’un accident manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (DSM-
vasculaire ou d’un traumatisme crânien et peuvent être les symp- 5) qui considère désormais la cognition sociale comme l’un des
tômes précoces de certaines maladies neurodégénératives [63, 64] . six principaux domaines cognitifs [65] . Les raisons de conduire une
Elle est particulièrement affectée dans les maladies suivantes : évaluation de la cognition sociale sont évidentes pour quantifier
• l’autisme est un des troubles neurodéveloppementaux les plus et caractériser les troubles d’un(e) patient(e), orienter son diag-
fréquents, caractérisé par un trouble de la communication et nostic et apprécier l’efficacité d’une intervention thérapeutique.
de l’interaction sociale et des comportements restreints et répé- Lors de cette évaluation, il est également important d’identifier
titifs [65] . En plus d’un déficit intellectuel fréquent, on peut si les troubles observés sont à imputer à un trouble spécifique de

4 EMC - Neurologie
Cognition sociale  17-022-E-30

la cognition sociale ou s’ils reflètent une atteinte cognitive plus et comportant une évaluation des fonctions exécutives et des
globale ou aspécifique (comme un trouble perceptif ou mnésique processus impliqués dans la prise de décision (Executive and
sévère). Si l’utilisation d’inventaires ou de questionnaires compor- Social Cognition Battery [97] ), ou courtes mais impliquant toute-
tementaux subjectifs permet d’identifier des troubles observables fois une évaluation multidimensionnelle de la cognition sociale
au quotidien tels que les changements de personnalité, la perte (Mini-Social Cognition & Emotional Assessment [mini-SEA] vali-
d’empathie ou la désinhibition, une évaluation plus fine et objec- dée en français [98] ). Pour clore cette partie liée à l’évaluation,
tive de la cognition sociale est incontournable, particulièrement notons que l’effet supposé du genre sur les capacités en théorie
suite à une lésion acquise ou une suspicion de maladie neurodé- de l’esprit/empathie n’a jamais été vérifié de manière fiable dans
générative. la littérature [99] .
Un panel de tests conséquent existe pour les clinicien(ne)s sou-
haitant évaluer les fonctions de la cognition sociale [87] , même si
tous ne prennent pas en compte les limites de la pratique clinique
dans leur conception (notamment le temps limité et la sensibi-
 Conclusion
lité/spécificité des mesures). En voici une liste non exhaustive.
Cet article présente les fonctions de la cognition sociale,
ses bases neuroanatomiques, les maladies où son altération est
Théorie de l’esprit fréquemment observée et également les outils actuellement dis-
ponibles pour l’évaluer en contexte clinique. Le champ des
• Les tâches de fausses croyances sont parmi les plus répandues neurosciences sociales est dynamique et les avancées y sont
pour évaluer la théorie de l’esprit. Elles évaluent l’habileté d’une fréquentes ; un point positif pour ce sujet longtemps négligé.
personne à comprendre qu’une autre personne possède une Néanmoins, la pratique clinique doit suivre et évoluer elle aussi :
croyance différente de la leur, et qui est contraire à la réalité [88] . l’évaluation de la cognition sociale devrait être systématique
• Les évaluations de sarcasmes, ou plus généralement de la en neuropsychologie et de nouveaux tests cliniques doivent
pragmatique du langage (ambiguïté, humour, ironie), sont éga- être développés pour permettre une évaluation plus objective,
lement répandues [89] . précise et spécifique des nombreux processus de la cognition
• Le test des histoires étranges implique d’évaluer la compréhen- sociale. Cette avancée clinique passe par des progrès expéri-
sion d’une histoire nécessitant l’attribution d’un état mental mentaux. En effet, pour en avoir une meilleure compréhension
particulier au personnage principal [90] . et, à terme, une meilleure évaluation, la cognition sociale doit
• Dans le Reading the Mind in The Eyes Test, les patient(e)s être auparavant déconstruite, comme tout autre domaine cog-
doivent juger l’état mental ou sentimental d’une personne à nitif [37, 100] . Il serait aussi souhaitable que neuroscientifiques et
partir de photographie de leur regard [91] . psychologues s’accordent pour considérer ce large domaine cog-
• Le test des faux pas se compose de courtes saynètes écrites qui nitif comme crucial dans l’intelligence et les relations humaines,
contiennent ou non une gaffe que le ou la patiente doit iden- ce qui enrichirait notre conception de l’intelligence et en opti-
tifier et expliquer en comprenant les croyances, les intentions, miserait sa mesure. À terme, cette démarche aiderait peut-être
le contexte et les sentiments des personnages [92] . à revaloriser au sein de notre société des fonctions telles que
l’empathie. La qualité de vie des futures générations n’en serait
Empathie que meilleure. Enfin, d’importantes avancées dans le champ de la
cognition sociale pourraient avoir lieu prochainement grâce aux
• Le quotient d’empathie est un auto/hétéroquestionnaire éva- réseaux sociaux sur internet, terrain d’expérimentation évident
luant la capacité à comprendre et à prédire le comportement des pour l’étude de la proximité ou de l’influence à grande échelle.
autres et la nature des réponses émotionnelles envers autrui [93] . Mais en ce domaine, les intérêts financiers que ces firmes tireront
• L’index de réactivité interpersonnelle est un de l’exploitation de ces données prévaudront malheureusement
auto/hétéroquestionnaire évaluant l’intérêt et la préoccupation toujours sur l’enrichissement de la connaissance humaine.
envers autrui [94] .
• Le test multifacette d’empathie évalue objectivement les
réponses empathiques des patient(e)s face à des photographies
émotionnelles [95] . “ Points essentiels
Reconnaissance émotionnelle • La cognition sociale est une dimension cruciale de
• Le test des visages d’Ekman est le test le plus couramment uti- l’adaptation sociale et de l’intelligence humaine.
lisé. Son principe repose sur le choix, parmi sept propositions, • Elle dépend pour beaucoup d’un réseau temporo-
de l’étiquette émotionnelle correspondant à l’émotion expri- insulo-préfrontal.
mée par un visage [15] . • Elle est altérée dans beaucoup de maladies neurolo-
• Les tests basés sur le morphing permettent d’évaluer le niveau giques ou neuropsychiatriques, notamment l’autisme, la
des patient(e)s à des seuils d’intensité modifiables, rendant ainsi schizophrénie et la démence frontotemporale.
ce protocole sensible aux modifications longitudinales ou thé- • Elle devrait être systématiquement évaluée suite à un
rapeutiques [96] .
accident vasculaire cérébral ou à un traumatisme crânien.
Tous ces tests possèdent des propriétés psychométriques diffé-
• Des tests neuropsychologiques sont validés et traduits
rentes et évaluent un éventail de processus dont le nombre varie
considérablement. Leur utilisation peut donc dépendre de la ques- pour son évaluation en français, ou des batteries rapides
tion clinique posée. Les tests de « fausses croyances » sont par comme la « mini-SEA ».
exemple très sensibles aux perturbations de la théorie de l’esprit
mais manquent de spécificité lors du diagnostic différentiel entre
démence frontotemporale et maladie d’Alzheimer (puisque défi-
citaires dans les deux cas). Également très sensible, le test des Déclaration d’intérêts : l’auteur déclare ne pas avoir de liens d’intérêts en rela-
faux pas permet en revanche de discriminer les deux maladies tion avec cet article. L’auteur est également l’auteur principal de la « mini-SEA ».
efficacement du fait de sa multidimensionnalité (le test est sévè-
rement déficitaire dans la démence frontotemporale) [71, 74] . Enfin,
bien d’autres outils évaluant les fonctions de la cognition sociale Remerciements : cet article a été écrit dans le respect de la Charte Universcience
existent ou sont en développement, notamment ceux qui éva- pour l’égalité des femmes et des hommes dans le domaine des sciences et des
lueront la compréhension des normes sociales ou l’analyse du technologies et utilise ainsi un vocabulaire épicène et inclusif autant que possible.
contexte en situation sociale. Citons enfin l’existence de rares Je remercie Noémie Moreau, docteure en neurosciences, pour la relecture critique
batteries d’évaluation de la cognition sociale, parfois longues de ce manuscrit.

EMC - Neurologie 5
17-022-E-30  Cognition sociale

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M. Bertoux, Docteur en neurosciences, neuropsychologue (maximel.bertoux@gmail.com).


Department of Clinical Neurosciences, School of Medicine, University of Cambridge, Herschel Smith Building, Forvie Site, Hills Road, Cambridge CB2 0QQ,
Royaume-Uni.
Addenbrooke’s Hospital, Herschel Smith Building, Forvie Site, Hills Road, Cambridge CB2 0QQ, Royaume-Uni.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Bertoux M. Cognition sociale. EMC - Neurologie 2016;13(4):1-7 [Article 17-022-E-30].

Disponibles sur www.em-consulte.com


Arbres Iconographies Vidéos/ Documents Information Informations Auto- Cas
décisionnels supplémentaires Animations légaux au patient supplémentaires évaluations clinique

EMC - Neurologie 7
Encyclopédie Médico-Chirurgicale 17-023-A-10
17-023-A-10

Comas
P Liot
H Outin

Résumé. – Le coma est un trouble de la vigilance qui traduit une détresse neurologique sévère. Des affections
très diverses peuvent l’induire, qui s’intriquent fréquemment. Nous envisageons ici le coma comme un trouble
fonctionnel pouvant entraîner un certain nombre de complications. La recherche et la prévention de ces
complications peuvent faire l’objet de procédures systématiques. En revanche, l’enquête étiologique doit être
guidée par le contexte. Sa réalisation est très dépendante de l’anamnèse, de l’état du patient et de
l’environnement de soins disponible. Le traitement étiologique et le pronostic du coma dépendent aussi
fondamentalement de l’affection causale.
© 2002 Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Mots-clés : troubles de la vigilance, troubles de la conscience, vigilance, stupeur, coma, mort cérébrale,
cerveau.

Introduction fonctionnelle à l’étage protubérantiel supérieur et mésencéphalique


pour que la vigilance soit normale. La mise en évidence d’afférences
La vigilance est une performance fonctionnelle du système nerveux spécifiques d’origine spinothalamique et corticale vers la FRAA par
central. Les mécanismes qui peuvent l’altérer sont très variables et des études anatomiques et électrophysiologiques explique
peuvent s’intriquer. Nous nous limitons ici à une approche l’influence de la douleur et de la conscience sur la vigilance [6].
fonctionnelle. En effet, les risques communs de tous les comas sont
liés à la défaillance des fonctions végétatives du système nerveux CONSCIENCE
central, et non aux mécanismes de la détresse neurologique.
Nous utilisons une définition fonctionnelle et extérieure à l’individu
pour la conscience (consciousness). Au plan des performances
fonctionnelles, la conscience est l’ensemble des fonctions
Définitions et bases neurologiques qui permettent à un individu d’interagir de façon
physiopathologiques complexe avec son environnement. La complexité d’une réponse
consciente dépasse la complexité du stimulus par sa séquence, sa
temporalité, ses modalités… Une autre dimension de cette
VIGILANCE complexité est la variabilité, qui s’observe par la possibilité de
Le terme de vigilance (arousal) est utilisé ici dans le sens d’une réponses différentes à un même stimulus selon les individus, et de
performance fonctionnelle globale du système nerveux central. Cette réponses différentes à un même stimulus quand il est répété
performance reflète le degré d’activation des différentes fonctions plusieurs fois chez le même individu. Cette dernière dimension de
cérébrales. Les degrés les plus bas de cette activation permettent les la variabilité des réponses est une conséquence de la mémoire, qui
fonctions végétatives du système nerveux. Les degrés les plus hauts est un des éléments de la conscience.
activent les fonctions supérieures. Ce degré d’activation a la Dans la mesure où le terme de conscience regroupe un ensemble de
particularité d’être physiologiquement variable selon le cycle veille- fonctions, il n’existe pas de paramètre universel pour en mesurer
sommeil et selon des afférences conscientes (stress, relaxation). l’efficacité.
L’éveil est le degré d’activation nécessaire mais non suffisant qui Le support anatomique des fonctions de la conscience est le cortex
permet une mise en jeu des fonctions supérieures. hémisphérique et les noyaux gris centraux.
Dans la mesure où la vigilance active les fonctions neurologiques de
façon hiérarchique, il est envisageable de la mesurer par un
paramètre ordonné (cf infra). TROUBLES DE LA VIGILANCE
En tant que performance globale, la vigilance ne reflète pas de façon Un trouble de la vigilance se caractérise par un degré d’activation
univoque le fonctionnement d’une structure neuroanatomique, mais global des fonctions neurologiques inapproprié à l’environnement
la formation réticulée activatrice ascendante (FRAA) [12] doit être du sujet. Dans les cas les plus sévères, l’altération des fonctions
neurologiques végétatives engendre des risques spécifiques
différents des risques liés aux troubles de la conscience et à la nature
du processus pathologique en cause.
Pierre Liot : Chef de clinique assistant, service de réanimation médicale, hôpital Henri Mondor, 51, avenue Les situations pathologiques où la vigilance est réduite vont faire
du Maréchal-de-Lattre-de-Tassigny, 94010 Créteil, France.
Hervé Outin : Chef de service, service de réanimation médicale, hôpital intercommunal de Poissy, 10, rue du
l’objet de l’essentiel de cet article. Cependant, il existe aussi de
Champ-Gaillard, 78300 Poissy, France. nombreuses situations pathologiques où la vigilance est

Toute référence à cet article doit porter la mention : Liot P et Outin H. Comas. Encycl Méd Chir (Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS, Paris, tous droits réservés), Neurologie, 17-023-A-10, 2002, 10 p.
17-023-A-10 Comas Neurologie

anormalement aiguisée, soit pour des raisons neurologiques En contexte traumatique aigu, la plupart des comas sont en rapport
(toxiques excitateurs), soit pour des raisons psychiatriques (crise avec un processus expansif intracrânien (hémorragie et contusion)
d’angoisse, état maniaque). qui lèse ou comprime le tronc cérébral. D’autres facteurs d’agression
cérébrale aggravent la détresse neurologique dans cette situation [11].
En dehors de ce contexte, les comas les plus fréquents sont ceux où
OBNUBILATION un processus pathologique, le plus souvent toxique, altère
L’obnubilation est un trouble de la vigilance responsable d’un globalement toutes les fonctions neurologiques centrales, donc en
ralentissement de toutes les fonctions de la conscience. particulier la vigilance. Même dans un contexte qui évoque un tel
Cliniquement, le patient peut donner des réponses verbales ou mécanisme, il est essentiel de rechercher au moins cliniquement des
gestuelles complexes, mais moins élaborées et plus lentement arguments pour un processus focal intracrânien. Une lésion
qu’habituellement. intracrânienne peut par sa localisation, mais surtout par son
caractère expansif, aggraver la profondeur du trouble de la vigilance.
Sa présence peut rendre dangereuse la pratique d’une ponction
STUPEUR lombaire. Sa localisation peut favoriser certaines complications
La stupeur est un trouble de la vigilance plus sévère que (trouble de la déglutition, arrêt respiratoire…) ou modifier
l’obnubilation. Dans un état de stupeur, le patient alterne des l’interprétation de certaines constatations cliniques. Elle justifie
périodes d’éveil imparfait avec des phases de somnolence fréquemment d’un traitement et d’une surveillance spécifiques.
pathologique. Les performances des fonctions de la conscience sont L’état de mal épileptique est un mécanisme particulier de coma,
limitées à l’exécution de consignes verbales élémentaires ou à dans la mesure où il résulte d’un phénomène électrique cortical.
l’orientation correcte de mouvements aux stimuli nociceptifs. C’est une cause rare de coma, en comparaison des causes toxiques
ou traumatiques. Il doit cependant être systématiquement envisagé
car ce peut être un diagnostic clinique difficile, et il implique des
COMA
traitements et une surveillance spécifiques. De plus, il peut
Nous définissons un coma par un trouble de la vigilance qui interdit s’intriquer avec les autres causes de coma : les processus expansifs
de façon stable l’évaluation clinique de toutes les fonctions de la traumatiques ou vasculaires, les processus infectieux corticaux et
conscience. certains toxiques peuvent diminuer le seuil épileptogène.
Cette définition n’exclut pas une activité corticale lors d’un coma.
Elle signifie seulement que, à l’occasion d’un coma, il n’y a pas de
fonction consciente cliniquement décelable. Conduite à tenir en phase aiguë
La prise en charge d’un coma en phase aiguë regroupe pratiquement
TROUBLES DE LA CONSCIENCE
toutes les difficultés des situations d’urgence. Le pronostic vital est
Les troubles de la conscience sont beaucoup plus hétérogènes que subordonné à un processus pathologique évolutif et aux
les troubles de la vigilance, dans la mesure où ils peuvent concerner thérapeutiques immédiates. La variété des étiologies possibles et la
l’ensemble des fonctions supérieures ou être spécifiquement lourdeur des moyens thérapeutiques interdisent le plus souvent une
concentrés sur certaines (troubles phasiques, troubles de la mémoire, planification a priori de la succession des actes thérapeutiques et
troubles de la planification gestuelle…). Il est certain que notre diagnostiques. Le patient ne peut collaborer ni au recueil de
définition du coma implique un trouble de la conscience, mais l’anamnèse, ni aux soins. Les proches du patient ne sont pas
l’ensemble des situations pathologiques où la conscience est altérée prévenus, ou ils sont déconcertés et peuvent omettre des
dépasse largement le cadre de cet article. informations essentielles. La situation d’un patient majeur
présentant un coma aigu n’est actuellement pas traitée par le droit
français, ce qui pose des problèmes juridiques quant au
CONFUSION
consentement aux soins, aux examens diagnostiques et aux
La confusion est une altération de fonctions conscientes stratégiques protocoles de recherche.
(mémoire, orientation temporospatiale, planification…). Selon les Pour la clarté de l’exposé, nous traitons de façon séparée l’examen
étiologies, elle peut accompagner une vigilance amoindrie (sepsis, clinique, les mesures thérapeutiques immédiates et les examens
alcoolisation), exacerbée (amnésie globale transitoire ou ictus paracliniques. Cependant, la succession des procédures est fonction
amnésique) ou adaptée à l’environnement (syndrome de Korsakoff). de la situation du patient, du contexte étiologique, de l’habitude des
équipes, et des moyens disponibles en matériels et en personnels. Il
n’existe pas de situations qui amènent à pratiquer toutes les
Mécanismes procédures que nous décrivons. Cette succession de procédures doit
être conduite de façon adaptée à la situation du patient, au contexte
La vigilance peut être altérée par quatre grands mécanismes étiologique et à l’environnement de soin, pour que les mesures
(tableau I) : thérapeutiques et les investigations paracliniques s’enchaînent
efficacement.
– un processus métabolique ou toxique inhibe de façon transitoire
ou définitive la fonction de multiples circuits neurologiques, dont
ceux responsables de la vigilance. Nous plaçons aussi dans cette
catégorie les situations où un déficit de la perfusion cérébrale est
Examen clinique
probablement la cause du trouble de la vigilance (hydrocéphalie
aiguë, détresse hémodynamique, vasospasme, thrombophlébite des L’examen clinique du patient comateux a plusieurs objectifs, il
sinus, pathologie artériolaire diffuse) ; recherche :

– un volumineux processus expansif sustentoriel est responsable – les complications et risques de complications inhérents au trouble
d’un engagement du diencéphale ou du lobe temporal, et provoque de la vigilance ;
des dysfonctions du tronc cérébral de haut en bas (craniocaudal) au – des arguments en faveur d’une lésion neurologique focale ou
fur et à mesure qu’il progresse ; d’une activité épileptique ;
– un processus altère par lésion ou par compression la FRAA ou les – l’affection causale.
deux thalami ;
Il faut prendre en compte l’utilisation préalable de sédatifs,
– un processus épileptique généralisé inhibe la vigilance. d’opiacés, de curares ou d’atropiniques, lors de la prise en charge

2
Neurologie Comas 17-023-A-10

Tableau I. – Étiologies des comas.


Mécanisme Volumineux processus expansif Processus altérant la FRAA ou les
Cadre nosologique Processus métabolique ou toxique Processus épileptique
sus-tentoriel deux thalami

Traumatismes - Délabrements tissulaires et brû- - Hématomes extadural, sous-dural, - Contusion - Hématome sous-dural et intracéré-
lures étendues intracérébral - Hématome bral
- Embolie graisseuse - Contusion - Embolie graisseuse
- Électrocution - Œdème après électrocution - Électrocution
- Séquelle corticale

Infections - Méningite - Abcès - Abcès - Encéphalite


- Encéphalite - Empyème - Empyème - Abcès
- Neuropaludisme - Œdème cérébral toxique - LEMP - Empyème
- Sepsis - Encéphalite à VIH
- SIHAD - Séquelle corticale

Toxiques et médicaments [22] - Intoxications (alcool, benzodiazé- - Syndrome de Reye - Toxiques épileptogènes (imiprami-
pine, morphinique, barbiturique, niques, isoniazide, pénicilline, aspi-
neuroleptique, carbamate, CO...) rine, atropine...)
- Encéphalopathie (valproate, anti- - Sevrage éthylique
mitotique, ciclosporine...)
- Acidose lactique aux biguanides - Sevrage des substances antiépilep-
- Syndrome malin des neurolepti- tique
ques et des sérotoninergiques
- Sevrage brutal des dopaminergi-
ques

Anomalies métaboliques [20] - Hypoglycémie - Œdème postanoxique - Anoxie


- Dysosmolarité - Rééquilibrage trop rapide d’une - Séquelle d’anoxie
- Dysnatrémie hyperosmolarité - Dysosmolarité
- Dyscalcémie - Dyscalcémie
- Dysmagnésémie - Hyperthermie
- Hypophosphorémie - Dysglycémie
- Acidose hypercapnique - Embolie gazeuse
- Insuffisances hépatique ou rénale
- Dysthermie
- Anoxie
- Séquelle d’anoxie
- Encéphalopathie de Gayet-Wernicke
- Pancréatite
- Embolie gazeuse

Endocrinopathies [20] - Insuffisance thyroïdienne, surré- - Hyperthyroïdie


nale, panhypophysaire
- Acidocétose diabétique
- Hyperparathyroïdie
- SIHAD

Accidents vasculaires - Hémorragie sous-arachnoïdienne - Hématome massif - Hématome ou infarctus du tronc - Hématome hémisphérique
cérébral
- Vasospasme - Œdème après infarctus hémisphé- - Hématome ou infarctus bithala- - Infarctus hémisphérique
rique mique
- Thrombophlébites étendues - Œdème des thrombophlébites - Œdème après infarctus cérébel- - Thrombophlébite avec infarctus
sinusales leux cortical
- Hydrocéphalie par inondation - Encéphalopathie hypertensive - Thrombophlébite de la veine de - Encéphalopathie hypertensive
ventriculaire Galien
- Encéphalopathie hypertensive - Séquelle corticale

Maladie épileptique - Intoxication aux antiépileptiques - Traitement insuffisant


- Encéphalopathie au valproate - Intoxication et effet paradoxal des
traitements
- État de mal inaugural

Tumeurs intracrâniennes - Hydrocéphalie - Tumeur et œdème - Tumeur de la fosse postérieure - Tumeur hémisphérique cérébrale
ou méningée
- Méningite carcinomateuse - Saignement tumoral - Radionécrose du tronc cérébral - Encéphalopathie (méthotrexate,
- Irradiation encéphalique cisplatine...)
- Encéphalopathie (méthotrexate,
cisplatine...)
- SIHAD
- Insuffisance panhypophysaire

Maladies de système (hors - Encéphalopathie du lupus - Lésion inflammatoire expansive - Neurolupus


complications infectieuses, (sarcoïdose) - Lésion corticale (lupus, vascula-
vasculaires, métaboliques et rites nécrosantes, PR, sarcoïdose,
médicamenteuses) Gougerot-Sjögren)
- Lésion méningée (sarcoïdose,
Gougerot-Sjögren, PR, maladie de
Wegener)

Maladies dégénératives et - Maladie de Creutzfeldt-Jakob - Maladie d’Alzheimer


manifestations paranéoplasiques - Maladie de Creutzfeldt-Jakob
- Encéphalite limbique

FRAA : formation réticulée activatrice ascendante ; LEMP : leucoencéphalite multifocale progressive ; SIHAD : sécrétion inappropriée d’hormone antidiurétique ; PR : polyarthrite rhumatoïde ; CO : monoxyde de carbone ; VIH : virus de
l’immunodéficience humaine.

3
17-023-A-10 Comas Neurologie

médicale. Si l’anamnèse est possible, il est important de rechercher Une hypertonie extrapyramidale est décrite au cours de certaines
si des troubles fonctionnels préexistaient au coma (troubles moteurs intoxications (monoxyde de carbone, butyrophénones,
ou sensoriels des membres ou de la face, strabisme, séquelles phénothiazines, strychnine) et du syndrome malin des
pupillaires chirurgicales ou traumatiques, incontinence). Un état neuroleptiques et des sérotoninergiques.
hémodynamique précaire ou toute autre altération métabolique peut Les postures toniques sont plus fréquentes et ont une valeur
aggraver la profondeur d’un trouble de la vigilance. Ces localisatrice :
informations peuvent faire reconsidérer l’interprétation de certains
signes de l’examen clinique. – membres supérieurs en flexion-pronation et membres inférieurs
en extension, lors de lésions étendues des voies pyramidales sus-
tentorielles (« mouvements de décortication ») ;
ÉVALUER LE RISQUE DE COMPLICATION IMMÉDIATE
DU TROUBLE DE LA VIGILANCE – extension des membres, du tronc (opistotonos) et trismus, lors de
Un patient comateux est exposé à deux grands types de lésions étendues impliquant les voies pyramidales au niveau du
complications. Certaines sont en rapport avec les causes du coma tronc cérébral (« mouvements de décérébration »).
(les dyskaliémies lors d’une acidocétose par exemple). Nous ne nous Ces anomalies traduisent le plus souvent d’importantes lésions
attachons ici qu’aux complications en rapport avec la détresse mécaniques ou vasculaires, mais on les rencontre aussi en cas
neurologique. Ces complications surviennent du fait de la d’hypoglycémies, et plus rarement lors des états hyperosmolaires et
dépression des fonctions végétatives, mais peuvent aussi être des encéphalopathies hépatiques. Le plus fréquemment, ces signes
favorisées par des lésions neurologiques focales. Les complications apparaissent selon une séquence précise, qui traduit un engagement
principales sont l’insuffisance respiratoire et le risque d’inhalation cérébral (cf infra).
bronchique du contenu gastrique. Le patient doit donc être ausculté,
sa fréquence respiratoire spontanée mesurée. Une chute de la
SIGNES CORTICOSPINAUX
langue, des apnées centrales ou obstructives doivent être notées. Il
est dangereux d’examiner le carrefour aérodigestif, de chercher à La constatation de réflexes ostéotendineux très vifs avec extension
poser une sonde gastrique ou de tester le réflexe nauséeux, tant que de la zone réflexogène, surtout en cas d’asymétrie, évoque un
les voies aériennes ne sont pas protégées. processus encéphalique focal, mais peut se rencontrer aussi lors des
La défaillance circulatoire d’origine purement neurologique ne hypoglycémies. Un réflexe cutané plantaire en extension évoque une
survient que dans les détresses neurologiques les plus sévères. Elle lésion focale, mais peut aussi se rencontrer lors de certaines
complique fréquemment certaines intoxications médicamenteuses intoxications médicamenteuses (neuroleptiques) et lors des
(barbituriques, imipraminiques, carbamates). Elle doit être hypoglycémies.
recherchée systématiquement. La recherche du réflexe Les hémorragies méningées entraînent un important syndrome
oculocardiaque par la compression des globes oculaires, qui induit pyramidal bilatéral, même sans atteinte parenchymateuse visible à
normalement une bradycardie, peut être dangereuse et doit être l’imagerie.
évitée. Enfin, l’hypertonie majore la vivacité et peut rendre polycinétique la
L’évaluation de la profondeur du coma est à classer parmi les réponse ostéotendineuse.
mesures du risque de complication.
MOUVEMENTS ANORMAUX
MOTRICITÉ DES MEMBRES ET DE LA FACE. RÉACTIONS
VOCALES Au stade du coma, les seuls mouvements anormaux qui peuvent
persister sont ceux d’origine épileptique et certaines myoclonies. La
La motricité spontanée des quatre membres, des deux hémifaces, et constatation d’autres mouvements anormaux (athétose, chorée,
les réactions vocales doivent être notées. Des mouvements astérixis, tremblement) est un argument formel contre une altération
complexes des membres ou de la face, des bâillements, des majeure de la vigilance. Lors de la stupeur des encéphalopathies
grognements, l’ouverture des yeux, signent une altération faible de hépatiques ou hypercapniques, le patient présente fréquemment un
la vigilance lorsqu’ils sont spontanés. En l’absence d’actions astérixis, qui va disparaître quand le coma va se constituer.
spontanées, les mouvements et les réactions vocales doivent être
recherchés par injonction orale, puis par stimulation non Lors d’un trouble de la vigilance, la constatation de clonies, même
douloureuse, puis par stimulation douloureuse. localisées (souvent aux extrémités des membres ou aux paupières)
et même transitoires, est un argument très fort en faveur d’un état
La stimulation douloureuse doit être centrée (friction du sternum) de mal épileptique.
et latéralisée (pression unguéale, pression sus-orbitaire appuyée) et
les réponses obtenues notées (membre homo- ou controlatéral). Ces Des myoclonies sont fréquentes lors des comas postanoxiques ou
réponses peuvent être un mouvement orienté (si la main se déplace urémiques.
rapidement vers le stimulus) ou un mouvement d’évitement (si la
réponse consiste en un retrait brusque). Un déplacement lent RESPIRATION
stéréotypé (en flexion ou en extension) s’apparente
sémiologiquement plus à un trouble du tonus qu’à un mouvement Il faut noter le caractère de la respiration spontanée, après libération
(cf infra). des voies aériennes supérieures et avant la mise en place de la
ventilation assistée. Les mouvements respiratoires spontanés sont le
Si par stimulation douloureuse des membres il n’est pas obtenu de
plus souvent lents et réguliers, mais, en cas d’altération profonde de
grimace, la motricité des hémifaces doit être testée par compression
la vigilance, ils peuvent être entrecoupés de pauses, se limiter à des
postérieure des branches montantes de la mandibule (manœuvre de
soupirs, voire disparaître.
Pierre Marie et Foix).
Les lésions du toit du mésencéphale inférieur ou de la protubérance
supérieure entraînent une hyperventilation, tout comme les acidoses
TONUS (trouble primitivement métabolique, acidose lactique postanoxique,
Le coma s’accompagne le plus souvent d’une hypotonie. La certaines intoxications), l’hypoxie (pneumopathie par inhalation
constatation d’une hypertonie est donc un élément d’orientation bronchique, embolie pulmonaire) ou la fièvre. La respiration de
étiologique important. Il est à noter que le tonus du patient Cheyne-Stokes se caractérise par des mouvements respiratoires
comateux est parfois très variable d’un moment à l’autre. Il est d’amplitude variable de façon cyclique ; elle peut être présente lors
susceptible de se majorer lors des stimulations, en particulier de lésions du diencéphale ou de la partie haute du mésencéphale,
douloureuses. L’hypertonie pathologique n’est parfois visible que ou lors de comas métaboliques ou des insuffisances cardiaques. La
lors de paroxysmes, induits par les stimuli ou spontanés. respiration apneustique de Kussmaul se caractérise par des pauses,

4
Neurologie Comas 17-023-A-10

au moins en fin d’inspiration ; elle indique une atteinte de la intoxication aux barbituriques, encéphalopathie postanoxique, mort
protubérance inférieure. La respiration dite ataxique est irrégulière cérébrale). Une lésion bilatérale du toit du mésencéphale peut
et entrecoupée de pauses ; elle traduit une souffrance bulbaire et détruire les noyaux d’Edinger-Westphall et abolir les réflexes
peut se compliquer rapidement d’un arrêt respiratoire. Cependant, photomoteurs. Les pupilles restent alors de taille modérée ou en
la liaison entre la sémiologie respiratoire et la localisation d’une mydriase incomplète.
lésion du tronc cérébral n’est pas aussi stricte que ce que nous
énonçons ici.
MOTRICITÉ OCULAIRE EXTRINSÈQUE
Chez le patient ventilé mécaniquement, il faut noter la réaction aux
aspirations trachéales et la présence de cycles respiratoires La position de repos, les mouvements spontanés et les mouvements
spontanés. induits des globes oculaires doivent être notés.
Un hoquet permanent est de constatation fréquente lors des lésions Les yeux sont le plus souvent en position axiale, conjugués ou en
bulbaires ou protubérantielles étendues. Le gasp est un mouvement légère divergence. Une déviation latérale conjuguée stable traduit le
respiratoire unique de grande amplitude fréquent dans les lésions plus souvent une lésion homolatérale au-dessus de la protubérance
neurologiques étendues (coma postanoxique en particulier). (la déviation est alors controlatérale au déficit moteur ; le plus
souvent, il s’agit d’une lésion hémisphérique) et plus rarement une
lésion protubérantielle controlatérale (la déviation est alors
MOTRICITÉ PALPÉBRALE homolatérale au déficit moteur). Des phénomènes épileptiques
La position et la motricité spontanée des paupières doivent être peuvent induire une déviation conjuguée controlatérale à une lésion
notées. L’ouverture des paupières peut parfois être obtenue à la hémisphérique, mais cette déviation est le plus souvent instable
demande ou en présence de bruit, voire lors des manœuvres de (crises oculogyres). Une déviation du plan vertical du regard (skew
stimulations douloureuses lors des altérations peu sévères de la deviation) évoque une lésion du tronc cérébral, du cervelet ou d’un
vigilance. En l’absence de curarisation, une occlusion spontanée thalamus. Une déviation forcée des yeux vers le bas s’observe lors
incomplète des paupières doit systématiquement faire rechercher de certaines lésions thalamiques ou sous-thalamiques.
une diplégie faciale. Cependant, lors des comas très profonds, De multiples mouvements oculaires spontanés ont été décrits lors
l’occlusion spontanée incomplète des paupières est fréquente. des comas [8]. Les plus fréquents sont les mouvements d’errance
Le clignement à la menace traduit un trouble de la vigilance peu (balancement horizontal lent conjugué) qui n’ont pas de caractère
profond (il implique le cortex occipital). Sa présence peut permettre localisateur mais affirment le caractère organique du coma et
de tester grossièrement l’intégrité des champs visuels. l’intégrité des circuits oculomoteurs horizontaux. Le bobbing
(brusque mouvement conjugué de plongée verticale suivie d’une
Le réflexe cornéen est recherché, par contact précautionneux et remontée lente) témoigne le plus souvent d’une lésion de la
stérile de la cornée. La réponse normale comporte un clignement et protubérance. Les opsoclonies sont des mouvements oculaires
une élévation du globe oculaire. Elle est obtenue dès le contact des conjugués rapides et anarchiques dans toutes les directions. On les
cils chez le sujet éveillé et dès le contact de la sclère en cas de trouble rencontre lors des lésions du tronc cérébral ou du cervelet. Le
léger de la vigilance. L’abolition du réflexe cornéen traduit une nystagmus retractorius (secousse provoquant une rétraction des
dysfonction homolatérale de la protubérance, ou des nerfs crâniens globes oculaires) évoque un dysfonctionnement périaqueducal.
trijumeau ou facial. Une réponse cornéoptérygoïdienne
(déplacement latéral de la mandibule en direction controlatérale à la La poursuite oculaire implique une activité corticale ; elle peut être
stimulation) traduit une lésion au-dessus de la partie moyenne de la testée par la recherche du nystagmus optocinétique horizontalement
protubérance. et verticalement. Sa persistance traduit une altération peu
importante de la vigilance.
D’autres réflexes induisent un clignement, même si les yeux sont
En cas d’altération plus profonde de la vigilance, l’oculomotricité
fermés : la percussion de la glabelle (réflexe nasopalpébral), le bruit
doit être testée par les réflexes oculocéphaliques : après une rotation,
(réflexe cochléopalpébral) et une lumière vive (réflexe
flexion ou extension de la tête, une déviation conjuguée des globes
photopalpébral).
oculaires en sens inverse traduit une intégrité de l’arc réflexe. Si la
réaction est normale, en cas de coma, le retour des globes oculaires
EXAMEN DES PUPILLES se fait ensuite lentement vers la position axiale. Ces manœuvres de
mobilisation de la tête sont contre-indiquées en cas de lésion du
Dans le tronc cérébral, l’intrication de la FRAA avec les circuits
rachis cervical ou d’hypertension intracrânienne.
oculomoteurs explique que l’examen de l’oculomotricité intrinsèque
et extrinsèque est fondamental dans la recherche du mécanisme d’un Les réflexes oculovestibulaires testent les mêmes arcs réflexes :
coma. – l’irrigation d’un seul conduit auditif externe avec de l’eau froide
La position des pupilles au repos doit être notée. Une anisocorie (jusqu’à 50 mL) est suivie d’une déviation conjuguée tonique des
peut se rencontrer lors de processus focaux, mais aussi lors de globes oculaires vers le côté stimulé ;
certains comas toxiques (phénothiazines, antihistaminiques) [2]. Des – l’irrigation simultanée des deux conduits auditifs externes avec
pupilles symétriques punctiformes se rencontrent lors des de l’eau froide provoque une déviation conjuguée des yeux vers le
intoxications aux opiacés et lors des lésions du toit de la haut.
protubérance. Un myosis uni- ou bilatéral s’observe lors des lésions
hypothalamiques postérieures uni- ou bilatérales, par exemple à Ces instillations ne peuvent être pratiquées qu’après contrôle de
l’occasion d’un engagement central. Un myosis est aussi possible l’intégrité du tympan. La tête du patient doit être fléchie à 30° au-
dans certaines lésions du pont, de la partie latérale du bulbe et de la dessus de l’horizontale lors de la réalisation de ces manœuvres.
moelle cervicale. Une réponse normale à ces tests élimine une lésion importante du
tronc cérébral, car elle démontre l’intégrité :
Il faut noter ensuite la réponse pupillaire aux stimulations
lumineuses homolatérale (réflexe photomoteur) et controlatérale – des noyaux des nerfs et des muscles oculomoteurs concernés ;
(réponse consensuelle). En dehors d’un antécédent traumatique ou
– du nerf vestibulaire stimulé pour les manœuvres
chirurgical oculaire, une mydriase fixée est un élément d’orientation
oculovestibulaires ;
étiologique important. Lorsqu’elle est unilatérale, elle évoque une
compression du nerf oculomoteur homolatéral, en particulier par un – de la partie postérieure de la protubérance pour les déviations
engagement temporal ou par un anévrisme. Une mydriase bilatérale latérales des yeux, et de la partie postérieure des pédoncules
aréactive se rencontre dans certaines intoxications cérébraux pour les déviations horizontales.
(anticholinergiques, imipraminiques, organophosphorés…) [2] et lors Malheureusement, ces manœuvres n’ont d’utilité que lorsqu’elles
des détresses neurologiques les plus sévères (hypothermie, sont strictement normales ou lorsqu’elles permettent d’identifier le

5
17-023-A-10 Comas Neurologie

déficit d’un ou de plusieurs nerfs oculomoteurs. Rappelons que hypophysaires, et les carences nutritionnelles peuvent
l’atteinte fonctionnelle du nerf moteur oculaire externe (VI) ou une s’accompagner de signes trophiques évocateurs. De multiples traces
déconjugaison modérée sont fréquentes et non spécifiques. Les d’injections intraveineuses évoquent une toxicomanie.
sédatifs (benzodiazépine, barbituriques, neuroleptiques, propofol…) D’autres signes cliniques, plus rares, peuvent encore orienter le
peuvent abolir ces réflexes ou entraîner une déviation forcée des diagnostic étiologique : purpura des méningites à méningocoques ;
globes vers le bas, même en cas de stimulation unilatérale [7]. odeur d’alcool des intoxications alcooliques ; coloration rosée des
téguments des intoxications au monoxyde de carbone ; odeur
d’acétone de l’haleine des acidocétoses diabétiques et des
AUTRES ÉLÉMENTS CLINIQUES D’ORIENTATION
ÉTIOLOGIQUE
encéphalopathies hépatiques ; couleur rouge des urines dans les
porphyries ; anurie des intoxications aux méthémoglobinisants ou à
De tous les éléments de l’examen clinique visant à cerner l’étiologie l’éthylène glycol…
du coma, le recueil de l’anamnèse, quand il est possible, est le plus
important. Les antécédents médicaux, les traitements prescrits,
l’automédication et les habitudes addictives sont à prendre en Mesures thérapeutiques immédiates
compte. Un état dépressif fait évoquer une tentative de suicide. Un
séjour récent en zone tropicale fait évoquer un neuropaludisme ou Nous décrivons ici la prise en charge initiale d’un patient comateux,
une méningite. Le lieu où le coma s’est constitué peut faire évoquer selon une séquence dont l’objectif est de limiter les complications :
une intoxication au monoxyde de carbone.
– dans le cas d’une respiration inefficace, les voies aériennes
Le mode évolutif du trouble de la vigilance est un élément très
supérieures doivent être libérées ; ensuite, si nécessaire, le patient
contributif pour l’orientation étiologique : les encéphalites évoluent
doit être ventilé au masque ;
en règle au moins sur plusieurs heures ; les accidents vasculaires se
constituent brutalement. Un trouble fonctionnel neurologique de – le patient doit être monitoré au plan électrocardiographique et
systématisation cérébrale évoque un processus focal ou une oxymétrique de façon continue, et au plan tensionnel de façon
hypoglycémie. Les encéphalopathies métaboliques sont précédées rapprochée ;
d’un syndrome confusionnel. Des céphalées avec vomissements – une voie d’abord veineuse est ensuite mise en place ;
évoquent fortement une hypertension intracrânienne aiguë
(méningite, saignement, thrombophlébite). La présence de – s’il a été constaté une chute de la langue, une diminution (voire
manifestations épileptiques récurrentes avant la constitution du une annulation) de la fréquence respiratoire spontanée, une
trouble de la vigilance oriente vers un état de mal épileptique. hypoxémie réfractaire à l’oxygénothérapie par sonde nasale, un état
de choc, une hypersécrétion bronchique ou un risque de
Enfin, l’examen clinique extraneurologique peut apporter des vomissement (le patient a déjà vomi ou présente une hypertension
éléments d’orientation étiologique. intracrânienne non contrôlée, un lavage gastrique ou un examen oto-
Une hyperthermie doit faire évoquer un processus infectieux qui rhino-laryngologique sont nécessaires), l’intubation orotrachéale
peut être, par rapport au coma, une cause (méningite, encéphalite, puis la ventilation mécanique doivent être pratiquées ; en cas de
neuropaludisme, sepsis), une conséquence (pneumopathie trismus ou de convulsions, ce geste doit être précédé de
d’inhalation) ou une affection associée (endocardite, polytraumatisé). l’administration de curare ;
Elle se rencontre aussi lors d’intoxications (inhibiteur de la mono- – il faut rechercher en urgence une hypoglycémie, et la traiter
amine-oxydase, aspirine), à l’occasion d’une embolie graisseuse, lors activement lorsqu’elle est constatée ; en l’absence d’anamnèse
des hyperthermies malignes (accident aux anesthésiques volatils, contributive, toute perfusion de sérum glucosé doit s’accompagner
syndrome malin des neuroleptiques et des sérotoninergiques, d’un apport parentéral de vitamine B1 ;
sevrage brutal des dopaminergiques chez les patients parkinsoniens
sévères) et exceptionnellement lors de lésions hypothalamiques. Elle – s’il est constaté un état de choc, les mesures usuelles de
est habituellement inférieure à 38,5 °C lors des hémorragies rétablissement de l’hémodynamique doivent être utilisées ;
méningées, des thrombophlébites cérébrales, des hémopathies – une éventuelle hypertension artérielle doit être respectée, si elle
malignes, des hémolyses intravasculaires (toxique hémolytique, crise est bien tolérée (absence de défaillance cardiaque et de dissection
drépanocytaire) et des maladies de systèmes. Une hyperthermie très aortique) et si elle ne présente pas de critère de malignité ;
élevée (au-dessus de 41 °C), quelle qu’en soit la cause, peut altérer
– un contexte évocateur et des constatations cliniques en rapport
la vigilance ; elle se complique fréquemment de troubles
peuvent faire évoquer une intoxication par les benzodiazépines ou
métaboliques (hypernatrémie) et de crises d’épilepsie, qui aggravent
les opiacés ; il existe pour ces toxiques des antidotes spécifiques
le trouble de la vigilance. Enfin, un état de mal épileptique
(flumazénil pour les benzodiazépines et naloxone pour les opiacés) ;
tonicoclonique prolongé augmente la température corporelle,
dans le cas de comas toxiques, le réveil complet du patient, après
comme tout effort soutenu.
utilisation de l’antidote approprié, a le double avantage de confirmer
Des signes méningés évoquent une méningite ou une hémorragie le diagnostic et de simplifier les mesures thérapeutiques
sous-arachnoïdienne, ils peuvent être cliniquement indécelables si immédiates ; cependant, l’utilisation de ces produits dans le contexte
le coma est profond. Des contusions ou des hématomes du scalp, de l’urgence expose particulièrement aux effets secondaires (crise
une ecchymose périorbitaire ou mastoïdienne, des écoulements de d’épilepsie due au flumazénil) et peut compliquer la prise en charge
sang ou de liquide céphalorachidien (LCR) par les orifices de la face ultérieure du patient (syndrome de sevrage aigu, fugue…) ;
évoquent un contexte traumatique à l’origine ou conséquence du
coma. Les embolies graisseuses s’accompagnent fréquemment d’un – appareils dentaires, verres de contact, lunettes, bagues et boucles
purpura cervicothoracique et de pétéchies sous-conjonctivales. d’oreilles doivent être ôtés ; il faut lutter contre l’hypothermie,
particulièrement fréquente lors de certaines intoxications
Un globe vésical est fréquent au cours de nombreuses intoxications (barbituriques, morphine, alcool) ; le plus souvent, il est nécessaire
(phénothiazines, morphiniques). L’hypersécrétion bronchique avec de mettre en place une sonde urinaire.
hypersalivation, hypersudation et hyperlacrymation se rencontre
dans les intoxications aux organophosphorés, lors du syndrome
malin des neuroleptiques et lors de certains sevrages brutaux des Examens paracliniques
médicaments dopaminergiques chez les patients parkinsoniens.
Une morsure latérale de langue, une perte spontanée d’urine et Les examens complémentaires recherchent l’étiologie du coma et ses
surtout la constatation de mictions complètes à l’occasion d’une complications. L’enquête étiologique doit être large et rapide, tant
altération importante de la vigilance évoquent un état de mal que le mécanisme et l’affection responsables du coma ne sont pas
épileptique. Les insuffisances surrénales, thyroïdiennes, clairement identifiés.

6
Neurologie Comas 17-023-A-10

EXAMENS BIOLOGIQUES probabilité d’identification d’une bactérie à l’origine d’une


L’analyse biochimique sanguine comporte obligatoirement un méningite est d’autant plus élevée que le prélèvement est précoce.
dosage des électrolytes du sang dont le calcium, le phosphore, le Elle contribue aussi fortement au diagnostic des autres processus
magnésium, la glycémie, l’urémie et la créatininémie, dont la infectieux ou inflammatoires du système nerveux central.
perturbation peut être la cause ou la conséquence du coma. Il faut Une hémorragie méningée invisible au scanner ne peut entraîner un
rechercher aussi systématiquement une rhabdomyolyse qui peut coma.
compliquer certaines intoxications, certains processus infectieux, les La pression du LCR est souvent élevée lors des thrombophlébites
états de mal épileptiques et tous les troubles prolongés de la des sinus hémisphériques et des méningites.
vigilance.
L’analyse hématologique recherche les signes d’une infection, qui
peut être à l’origine ou compliquer le coma (pneumopathie). ÉLECTROENCÉPHALOGRAMME (EEG)
La mesure des gaz du sang et des lactates artériels permet d’évaluer Le diagnostic d’état de mal épileptique ne peut être posé avec
les fonctions respiratoires pulmonaire et cellulaire, mais aussi de certitude sans EEG.
rechercher une acidose métabolique présente dans certaines Le diagnostic d’état de mal épileptique est souvent envisagé
intoxications ou après les défaillances hémodynamiques prolongées. tardivement et l’EEG tardivement pratiqué. La mesure de l’efficacité
La mesure de la carboxyhémoglobine doit être demandée au des thérapeutiques chez ces patients relève plus d’une surveillance
moindre doute d’intoxication au monoxyde de carbone. continue que d’un examen ponctuel. De plus, il est probable que de
Au cours des intoxications volontaires, l’analyse toxicologique peut nombreux patients présentant une détresse neurologique centrale
s’avérer peu contributive si l’anamnèse est bien fournie. Cependant, d’origine vasculaire, traumatique, postanoxique ou infectieuse
il faut rechercher systématiquement l’association à une intoxication présentent des phénomènes épileptiques dont les conséquences sur
alcoolique. Certains toxiques ont un retentissement sur les bilans l’état de vigilance sont à discuter.
hépatique ou rénal, ou sur l’hémostase. La fonctionnalité de la voie En dehors des phénomènes épileptiques, le tracé peut orienter vers
d’élimination principale des toxiques doit être systématiquement certains mécanismes pathologiques (signes d’encéphalopathie [19],
évaluée (taux de prothrombine pour les toxiques d’élimination rythme alpha non modifié par les stimulations lors de lésions du
hépatique, et clairance de la créatinine pour les toxiques tronc cérébral ou de comas postanoxiques…) [3]. En tout état de
d’élimination rénale). cause, cet examen n’est jamais normal chez un patient comateux et
Un syndrome hémorragique clinique, l’indication à une ponction il permet donc le diagnostic des aréactivités psychogènes.
lombaire ou à un geste chirurgical, un saignement intracrânien ou
une thrombophlébite cérébrale doivent faire rechercher des troubles
de l’hémostase. FOND D’ŒIL
Enfin, certaines analyses sont en rapport avec des étiologies Pour les praticiens qui en ont une grande expérience, le fond d’œil
spécifiques : bilan hépatique lors des insuffisances hépatocellulaires, peut apporter des arguments étiologiques : hémorragie
hémocultures lors des endocardites, dosage des antiépileptiques lors rétrohyaloïdienne des ruptures anévrismales, œdème papillaire des
des états de mal épileptiques, dosages spécifiques des hypertensions intracrâniennes prolongées, localisations rétiniennes
endocrinopathies et des carences vitaminiques… de processus infectieux, inflammatoires ou vasculaires.
Nous ne détaillons pas ici l’exploration des complications On rappelle que l’utilisation d’un mydriatique peut interdire pour
infectieuses des comas. plusieurs heures la surveillance de la taille des pupilles.

IMAGERIE ENCÉPHALIQUE
AUTRES EXAMENS
Le scanner cérébral est d’indication large dès que l’étiologie est
La radiographie thoracique à la recherche d’une pneumopathie est
traumatique, vasculaire ou douteuse. Il doit être systématiquement
systématique. Elle peut aussi être contributive dans le bilan
envisagé si l’examen neurologique montre des signes focaux, des
étiologique (cardiomégalie, processus tumoral).
signes d’hypertension intracrânienne ou d’hémorragie méningée, ou
si une ponction lombaire est indiquée. Pour l’enquête étiologique, si L’électrocardiogramme est systématique. Il peut orienter l’enquête
les séquences sans injection de produit de contraste n’apportent pas étiologique. C’est un élément de surveillance de certaines
une réponse claire, l’injection de produit de contraste doit être intoxications (imipraminiques), des hémorragies méningées et des
envisagée si l’imagerie par résonance magnétique (IRM) n’est pas complications thromboemboliques.
disponible, alors même que les antécédents allergiques du patient D’autres examens ne sont informatifs que dans certains domaines
sont le plus souvent inconnus. L’opacification veineuse peut montrer de la pathologie : artériographie lors des hémorragies
une thrombophlébite des sinus. Plus rarement, un ou plusieurs abcès cérébroméningées, doppler des artères cervicales et encéphaliques
ou tumeurs encéphaliques peuvent n’être visibles qu’après injection dans le domaine vasculaire, mesure de la pression intracrânienne et
de produit de contraste. de l’oxymétrie jugulaire lors des traumatismes encéphaliques…
Si l’étiologie reste indéterminée après le scanner, l’IRM encéphalique D’autres examens fonctionnels (IRM fonctionnelle, scintigraphie
peut être proposée. Elle offre une fiabilité de détection des isotopique, potentiels évoqués, analyse mathématique du signal
thrombophlébites et une exploration du tronc cérébral de bien EEG) sont informatifs entre les mains d’équipes entraînées à les
meilleure qualité. Par rapport au scanner, les réserves quant à la utiliser. Leur valeur diagnostique doit encore être étudiée, selon les
pratique de cet examen en urgence sont en rapport avec sa modalités de réalisation et les situations pathologiques.
disponibilité, les possibilités de surveillance du patient lors de la
procédure et certaines contre-indications (stimulateur cardiaque et
matériel ferromagnétique mobile in corpore). Profondeur d’un trouble
de la vigilance
PONCTION LOMBAIRE
Lors du diagnostic étiologique d’un coma, elle ne se conçoit qu’après La vigilance est le degré général d’activation des fonctions
une imagerie cérébrale. En cas de suspicion d’infection méningée, le encéphaliques. Cette activation est hiérarchisée et il est donc
traitement antibiotique s’impose avant la réalisation de la ponction envisageable de la mesurer par un paramètre ordonné. Le premier
lombaire. objectif d’une telle mesure devrait être l’évaluation du risque de
L’analyse du LCR apporte le diagnostic de certitude lors des complication, en rapport avec la détresse neurologique (arrêt
méningites purulentes et des encéphalites herpétiques. La respiratoire, inhalation bronchique de liquide gastrique…).

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17-023-A-10 Comas Neurologie

vigilance atteste par elle-même du pronostic d’un coma. Cette


Tableau II. – Score de Glasgow [14]. question ne peut s’envisager indépendamment du contexte
Ouverture des yeux étiologique et de l’environnement de soins disponible. Rappelons
Spontanée 4 que les hypothermies profondes ou les intoxications sévères aux
À l’appel 3 barbituriques peuvent conduire à une absence totale de réactivité
À la douleur 2 neurologique, cliniquement superposable à un état de mort
Aucune 1 cérébrale. Pourtant, dans ces deux cas, la récupération neurologique
Meilleure réponse motrice ad integrum est possible.
Obéit à la commande verbale 6
Réponse aux stimuli douloureux :
- localisatrice 5 Diagnostic étiologique
- évitement 4
- flexion inadaptée 3 Une même affection peut induire un coma par divers mécanismes
- extension 2 (tableau I). Nous en avons distingués quatre principaux (cf supra).
- aucune 1 La ou les lésion(s) détectée(s) à l’imagerie doivent, par leur
Meilleure réponse verbale
localisation ou leur expansion, être capables d’expliquer l’état
Claire et adaptée 5 neurologique constaté. Si la vigilance apparaît plus altérée que ne le
Confuse 4 laisse prévoir l’imagerie, il faut envisager un mécanisme associé, en
Mots inappropriés 3 particulier un trouble métabolique ou une activité épileptique.
Sons incompréhensibles 2
Un processus expansif ou lésionnel de la fosse postérieure est très
Aucune 1
probable en cas de troubles oculomoteurs intrinsèques ou
extrinsèques. Cependant, l’hypoglycémie peut se manifester ainsi et
l’encéphalopathie de Gayet-Wernicke comporte des anomalies de
Cependant, l’expérience clinique quotidienne montre que les
l’oculomotricité extrinsèque. De nombreux toxiques agissent sur la
meilleures performances neurologiques d’un patient comateux, et
motricité pupillaire et une asymétrie pupillaire est possible lors
donc sa vigilance, peuvent être variables au cours du temps. La
d’intoxications, même par voie générale. Cependant, cette hypothèse
vigilance peut augmenter après des stimuli douloureux, mais aussi
ne peut être retenue que si l’imagerie encéphalique est normale.
parfois lors de stimuli d’ambiance (présence de la famille du patient
L’hypercalcémie de l’hyperparathyroïdie et l’hypermagnésémie
dans la chambre). Elle s’altère lorsque des facteurs d’agression
peuvent se manifester par un coma, une disparition des réflexes
cérébrale sont surajoutés : fièvre, hypothermie, altérations
ostéotendineux et une paralysie débutant par les muscles
hémodynamiques, perturbations métaboliques, sepsis. Les sédatifs
oculomoteurs. À l’opposé, une oculomotricité intrinsèque et
et les crises d’épilepsie altèrent aussi la vigilance.
extrinsèque normale rend très improbable un processus expansif ou
Les indications à une surveillance en réanimation et à la ventilation lésionnel de la fosse postérieure comme origine d’un coma.
mécanique sont plus larges que ne le laisse prévoir le simple examen Rappelons que certaines lésions du tronc cérébral ne sont visibles
ponctuel des fonctions vitales et neurologiques d’un patient qu’à l’IRM.
comateux. Il n’y a pas de paramètre mesurable qui permette de
Un processus expansif sus-tentoriel responsable d’un coma montre
prévoir le risque de complication d’un trouble de la vigilance.
le plus souvent des anomalies cliniques démonstratives. Il doit être
Le score de Glasgow (tableau II) a été développé avec d’autres suspecté si l’examen retrouve des signes d’hypertension
objectifs : il visait à surveiller et prédire le pronostic de traumatisés intracrânienne et d’anomalie focale sus-tentorielle. Un processus
crâniens [15]. Il répond très partiellement à ces objectifs dans ce expansif sus-tentoriel responsable d’un coma est toujours visible au
contexte, car il mesure cliniquement l’importance du processus scanner sans injection de produit de contraste.
expansif hémisphérique des lésions traumatiques les plus Une lésion hémisphérique sus-tentorielle qui poursuit son expansion
fréquentes. Dans ce contexte, la surveillance et la prédiction va comprimer le tronc cérébral de haut en bas (« dégradation
pronostique sont nettement accrues par la prise en compte des rostrocaudale ») [ 1 3 ] par engagement. En l’absence de geste
réflexes du tronc cérébral [1]. neurochirurgical, le processus d’engagement aboutit le plus souvent
La réalisation facile du score de Glasgow l’a rendu très populaire. à la mort. Selon la localisation lobaire de la lésion, l’engagement est
Sa reproductibilité interobservateur acceptable pourrait le rendre temporal ou central.
utilisable pour la surveillance paramédicale des troubles de la L’engagement temporal est en rapport avec une hernie du lobe
vigilance qui ne comportent pas de déficit neurologique focal. temporal à travers la tente du cervelet. Le premier signe en est une
Cependant, aucune étude clinique ne confirme cette proposition. Son pupille dilatée aréactive, puis une mydriase homolatérale à
utilisation très répandue ne doit pas faire oublier qu’il permet tout l’engagement. Apparaissent ensuite une hémiplégie controlatérale et
au plus d’obtenir un certain degré de standardisation de la mesure une tachypnée. À ce stade, les troubles de la vigilance sont constants.
du niveau de vigilance. Ensuite, les troubles du tonus (cf supra) se manifestent, en
Son utilisation à titre pronostique en dehors du contexte du commençant le plus souvent controlatéralement à l’engagement. Les
traumatisme crânien est difficile. Le score de Glasgow est lié à la stades suivants traduisent les signes de souffrance protubérantiels
mortalité lors des encéphalopathies septiques [4]. Au troisième jour, puis bulbaires.
le paramètre de réponse motrice est lié au pronostic des comas L’engagement central traduit un déplacement du diencéphale. Il
postanoxiques, mais plus faiblement que l’absence de réflexe débute par des mouvements de décortication et un myosis bilatéral,
photomoteur [21]. Mais c’est lors des pathologies comportant des alors que le patient est déjà dans le coma. Apparaissent ensuite les
lésions neurologiques focales que le score de Glasgow est le plus en mouvements de décérébration et une mydriase bilatérale aréactive.
défaut ; en particulier, il n’est pratiquement pas utilisable en Les réflexes photomoteurs et les mouvements oculaires verticaux
pathologie vasculaire. sont alors abolis. Ces signes sont grossièrement symétriques. Les
D’autres échelles de la vigilance ont été développées. RLS 84 stades suivants montrent les signes de souffrance protubérantiels
(Reaction Level Scale) [14] a l’avantage d’être utilisable chez les puis bulbaires.
patients dans l’incapacité de parler (intubation, aphasie motrice) ou Ces séquences de signes cliniques affirment l’engagement cérébral.
d’ouvrir les yeux (traumatismes). Aucune de ces échelles ne permet L’observation isolée de ces signes ne traduit que la localisation des
une évaluation individuelle du risque de complication d’un trouble lésions qui peuvent être certes mécaniques, mais aussi vasculaires
de la vigilance. ou même métaboliques.
De façon générale, en dehors des situations envisagées ci-dessus, il L’état de mal épileptique est un mécanisme facile à suspecter si un
n’y a pas de démonstration que la profondeur du trouble de la contexte d’épilepsie est retrouvé ou si le patient a présenté des

8
Neurologie Comas 17-023-A-10

clonies. En dehors de ces cas, de nombreux états de mal sont examen rapide peut négliger les fonctions motrices résiduelles qui
diagnostiqués tardivement, souvent parce qu’un autre mécanisme permettent de communiquer avec le patient et d’affirmer qu’il est
de coma est suspecté. Le retard de traitement d’un état de mal conscient. Les stimulations douloureuses peuvent entraîner des
épileptique le rend plus difficile à traiter, augmente le risque de mouvements de décérébration. La respiration spontanée persiste le
complications vitales et probablement de séquelles fonctionnelles. plus souvent, mais est gênée par la chute de la langue. À la phase
Un état de mal épileptique ne peut être affirmé que par la réalisation aiguë du syndrome, il est nécessaire de poser lentement les
d’un EEG. Cet examen doit être demandé au moindre doute, car questions et de laisser au patient un large temps de réponse.
certains états de mal ne s’accompagnent pas de manifestations
motrices.
PATIENT PARALYSÉ CONSCIENT
L’examen clinique peut orienter vers certaines intoxications ou
certaines encéphalopathies métaboliques, mais ce sont les dosages Il peut être difficile ou impossible de mettre en évidence une activité
toxicologiques et biochimiques qui démontrent ces diagnostics. Ici consciente chez un patient curarisé ou présentant un botulisme
aussi, l’enquête étiologique ne s’arrête que lorsque les examens grave. Le patient reste pourtant conscient de son environnement.
paracliniques expliquent parfaitement l’anamnèse et l’état clinique. Lors de polyradiculonévrites très sévères, cette situation peut aussi
Une pathologie traumatique, des phénomènes épileptiques et se rencontrer et parfois s’accompagner de perturbations de l’EEG
d’autres phénomènes toxiques ou métaboliques s’ajoutent par diminution des afférences sensorielles.
fréquemment à une intoxication ou une encéphalopathie identifiées. Plus fréquemment, une imprégnation neuroleptique ou l’arrêt brutal
Lorsque le(s) mécanisme(s) du coma est(sont) clair(s), le diagnostic du traitement lors d’une maladie de Parkinson évoluée peuvent
de l’affection se fait à l’aide des signes cliniques et paracliniques qui aboutir à une akinésie sévère qu’un examen trop rapide peut
lui sont propres. attribuer à un trouble de la vigilance.

ÉTATS PAUCIRELATIONNELS. ÉTATS VÉGÉTATIFS.


Diagnostics différentiels MUTISME AKINÉTIQUE. PERTE D’AUTOACTIVATION
PSYCHIQUE
Nous avons défini un coma par un trouble de la vigilance, qui Les états végétatifs se caractérisent par la persistance des fonctions
interdit de façon stable l’activation de toutes les fonctions de la neurovégétatives, alors qu’ont disparu les fonctions de
conscience. Il résulte de cette définition qu’il n’y a pas de signe communication [10, 16]. La persistance d’au moins une fonction de
clinique positif du coma. Ce diagnostic ne peut être posé qu’après communication permet de porter le diagnostic d’état
un examen neurologique soigneux, qui affirme l’absence des paucirelationnel. Le mutisme akinétique se caractérise par des
fonctions de la conscience. mouvements spontanés exagérément lents et l’absence de
production verbale [13]. La perte d’autoactivation psychique est
ARÉACTIVITÉ PSYCHOGÈNE sémiologiquement assez proche : le patient est éveillé mais n’a pas
d’initiative verbale, motrice ou idéique.
L’existence d’une résistance à l’écartement des paupières, la fuite
des yeux vers le bas lorsqu’on ouvre les paupières, l’évitement du Ces états neurologiques pathologiques font suite à des lésions
visage lors de la chute du bras lâché au-dessus du patient ou toute bithalamiques ou hémisphériques diffuses (hypertension
autre réponse complexe à un stimulus traduisent la présence de intracrânienne sévère prolongée, encéphalite…). La sortie du coma
fonctions conscientes incompatibles avec un coma. et le passage à un état paucirelationnel peuvent être difficiles à
objectiver. Il faut les suspecter quand le patient ouvre les yeux,
La persistance d’un clignement à la menace ou du nystagmus présente des clignements spontanés des paupières ou toute autre
optocinétique traduisent un état de vigilance très proche de l’éveil. activité motrice complexe. Les réflexes du tronc cérébral sont
Ces réactions ne sont pas cohérentes avec une absence de réaction habituellement présents. L’orientation du regard au bruit ou des
aux stimuli douloureux. cycles autonomes veille-sommeil ne sont pas compatibles avec un
Le réflexe oculovestibulaire comporte une déviation lente tonique coma. Les altérations fonctionnelles sévères de ces états sont des
des yeux vers le conduit auditif externe irrigué par l’eau froide (cf troubles de la conscience en rapport avec des dysfonctions
supra). La réaction s’arrête là chez le patient comateux, alors que hémisphériques.
chez le sujet conscient elle est suivie d’une secousse conjuguée dans Il est important de différencier ces états des comas [9]. En effet, ces
l’autre sens. L’ensemble de la réponse prend alors la forme d’un patients ne présentent pas les risques neurovégétatifs associés aux
nystagmus controlatéral au côté stimulé. La composante rapide de comas (arrêt respiratoire, instabilité hémodynamique). Ils sont le
ce nystagmus provient du cortex frontal homolatéral et sa présence plus souvent parfaitement sevrables de la ventilation mécanique. En
est donc incompatible avec une altération profonde de la vigilance. revanche, il peut être difficile de les sevrer de la trachéotomie.
Les mouvements d’errance du regard ne semblent pas simulables. L’évolution des performances fonctionnelles est, elle aussi, différente
L’EEG est parfois nécessaire pour affirmer l’état d’éveil. des comas. Elle peut être favorable, mais sur des délais de plusieurs
mois [17].
HYPERSOMNIE
Elle est complètement réversible par stimulations. Prise en charge des comas
après la phase initiale
OBNUBILATION
Des fonctions conscientes persistent si on laisse au patient le temps L’utilisation de sédatifs, d’antalgiques et de curare doit être
de répondre. Le coma peut compliquer l’obnubilation, donc les soigneusement pesée, entre le confort du patient, son adaptation à
étiologies des obnubilations sont incluses dans celles des comas. la ventilation mécanique et la nécessité de surveillance médicale et
paramédicale de la vigilance.
Un coma implique des mesures aspécifiques, dans la mesure où elles
« LOCKED-IN » SYNDROME ne sont pas en contradiction avec le traitement étiologique :
Ce tableau, où seuls subsistent les mouvements de verticalité et
d’ouverture des yeux, est en rapport avec une lésion étendue – aspirations bronchiques et mobilisation du patient pour limiter
bilatérale de la partie antérieure de la protubérance. Le plus souvent, les risques d’atélectasie ;
il s’agit d’un accident ischémique par thrombose basilaire. Un – traitement préventif des complications thromboemboliques ;

9
17-023-A-10 Comas Neurologie

– mobilisation journalière pour limiter la perte d’amplitude des moyens disponibles, il est possible de pratiquer deux EEG espacés
articulations ; de plusieurs heures ou une artériographie cérébrale. Entre les mains
– nursing et changements de position pour limiter le risque de d’équipes expérimentées, le doppler des artères cervicales et les
lésions cutanées en rapport avec les points d’appui ; potentiels évoqués multimodaux semblent pouvoir apporter les
mêmes renseignements, mais ces examens n’ont pas de valeur
– protection cornéenne ; légale.
– nutrition entérale ou à défaut, parentérale, dès que possible. Les examens nécessaires au diagnostic, les procédures préalables au
Ces mesures aspécifiques illustrent le fait que le risque vital et don d’organe, l’importante charge en soins, le dialogue avec les
fonctionnel d’un coma s’aggrave avec sa durée. La ventilation proches du patient dans une situation brutale, douloureuse et
mécanique, les abords veineux et la sonde urinaire génèrent un déconcertante, alourdissent considérablement le travail, la pression
risque élevé d’infection nosocomiale. Le risque thromboembolique psychologique et le coût financier induits par la prise en charge de
est présent dès les premiers jours. Le déficit nutritionnel, les lésions ces patients. Cette prise en charge devrait donc être pour beaucoup
cutanées et surtout les rétractions articulaires sont le plus souvent concentrée dans des unités spécialisées.
observées suite à des comas de plusieurs semaines. Dans les pays anglo-saxons, la législation fonde le statut de donneur
d’organe sur la « mort du tronc cérébral » et non sur l’absence de
fonctions hémisphériques [18]. De façon générale, la disparité des
Situations particulières dispositions légales nationales et des systèmes de soins explique les
différences de prises en charge.
Pour un patient donné, le coma résulte d’une ou plusieurs affections
qui comportent chacune des méthodes diagnostiques, des
traitements et un pronostic propres. Le pronostic d’un coma ne peut COMA POSTANOXIQUE
pas être envisagé en dehors du contexte étiologique, qui ne peut Ce terme désigne la détresse neurologique qui suit une défaillance
être détaillé ici. circulatoire, et exceptionnellement une défaillance purement
Cependant, parfois, le coma ne traduit pas un processus respiratoire. Les situations de très bon pronostic sont celles où la
pathologique actif, mais des lésions neurologiques constituées. Dans récupération neurologique ad integrum s’effectue en quelques
ces cas, il est envisageable de considérer le coma comme un état heures.
pathologique, et non plus comme un syndrome. Les situations les Dans les autres cas, la récupération neurologique est le plus souvent
plus fréquentes sont la mort cérébrale et le coma postanoxique. incomplète. Les séquelles peuvent permettre un retour à la vie
sociale (troubles mnésiques, troubles des fonctions supérieures,
épilepsie…) ou confiner le patient dans un état de dépendance
MORT CÉRÉBRALE
(coma persistant, état végétatif). Une absence complète de
La notion de mort cérébrale est juridique et médicale. Au plan récupération neurologique 3 jours après la défaillance
juridique, elle permet le prélèvement d’organe et l’arrêt des soins. hémodynamique est de mauvais pronostic : l’absence de réponse
Au plan médical, elle traduit, en France, une défaillance irréversible motrice à la douleur ou l’absence de réflexe photomoteur annonce
de toutes les fonctions cérébrales hémisphériques [5]. Ce diagnostic une mortalité de 100 % [21]. Dans cette situation, il est important de
nécessite donc l’association de constatations fonctionnelles (examen souligner aussi l’importance pronostique du terrain pathologique
neurologique, EEG) et de lésions étendues irréversibles sous-jacent, en particulier du processus responsable de la défaillance
(identification certaine d’un processus pathologique très délabrant, hémodynamique.
absence de vascularisation encéphalique). Un tracé EEG ne montrant que des pointes après un arrêt cardiaque
Cliniquement, la respiration spontanée et les réflexes du tronc réanimé traduit le plus souvent une encéphalopathie postanoxique
cérébral sont absents. Le patient ne montre aucune réaction orientée de pronostic très sombre. Cette situation est à bien distinguer de
à la douleur. crises d’épilepsie isolées ou d’un état de mal préexistant à l’arrêt
Le processus pathologique à l’origine de la détresse neurologique cardiaque.
doit être clairement identifié ; il ne doit pas faire intervenir une Les myoclonies sans traduction EEG n’ont pas une valeur
hypothermie ou une intoxication par des sédatifs. Il faut démontrer pronostique péjorative. Elles peuvent s’améliorer sur un délai très
le caractère irréversible des lésions hémisphériques par des examens variable (quelques minutes à quelques années), parfois alors que la
complémentaires. Selon le processus pathologique en cause et les vigilance est redevenue normale (syndrome de Lance-Adams).

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10
¶ 17-023-A-40

Syndrome confusionnel
F. Sellal, J.-M. Michel

Le syndrome confusionnel, ou confusion mentale, est un tableau clinique fort commun en pratique
journalière, qui tire son unité de sa sémiologie. Ce n’est pas une maladie mais un syndrome, résultant
d’une souffrance aiguë et diffuse du cerveau. Une fois le diagnostic posé, le bilan étiologique est une
urgence. La prise en charge est relativement bien codifiée et repose sur l’élimination du facteur causal, le
plus souvent métabolique ou toxique, et sur un traitement symptomatique aux fins d’assurer au malade
repos, sommeil, une nutrition et une équilibration hydroélectrolytique, ainsi que des mesures de
protection contre lui-même.
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Mots clés : Confusion ; Delirium ; Iatrogénie

Plan qui impose une prise en charge urgente en milieu hospitalier


dans la très grande majorité des cas.
¶ Introduction 1
¶ Historique 1 ■ Historique
¶ Définition 2 Il y a près de 2 500 ans, en distinguant la phrenitis de la
¶ Épidémiologie 2 manie et de la mélancolie, Hippocrate faisait déjà une descrip-
¶ Tableau clinique 3 tion presque complète du SC. Il en décrivait les troubles
Altération de la conscience 3 cognitifs et comportementaux, la perturbation du sommeil, et
Troubles cognitifs 3 en soulignait le caractère aigu et fréquemment fébrile. La
Manifestations comportementales 3 phrenitis, caractérisée par une agitation de l’esprit et du corps
Cours évolutif 3 (dont il nous reste, en français, la frénésie), était ainsi nommée
par référence à l’ancienne croyance que l’intelligence siégeait
¶ Formes cliniques 4
dans le diaphragme. La léthargie en était le contrepoint, les
¶ Physiopathologie 4 troubles consistant alors en une somnolence, une apathie, un
¶ Diagnostic différentiel 5 émoussement des perceptions et une perte de la mémoire.
Affections neurologiques 5 La constatation de fréquents passages de l’état de phrenitis à
Affections psychiatriques 5 celui de léthargie, chez un même patient, souvent au cours de
¶ Étiologies 5 la même journée, suggéra à Celse (25 avant J.-C. - 50 après J.-C.)
Syndromes confusionnels métaboliques et endocriniens 5 de les regrouper sous le terme générique de delirium (de
Syndromes confusionnels d’origine toxique 6 delirare, littéralement « sortir du sillon »). C’est ce terme qui
Syndromes confusionnels d’origine carentielle 6 reste utilisé dans la littérature anglo-saxonne et qu’on retrouve
États de mal épileptiques à expression confusionnelle 7 dans le delirium tremens. C’est aussi à Celse puis à Arétée de
Syndromes confusionnels d’origine vasculaire 7 Cappadoce (I er siècle après J.-C.), que revient le mérite de
Syndromes confusionnels d’origine infectieuse 7 distinguer une folie fébrile et aiguë, le delirium, d’un tableau
Syndromes confusionnels de la personne âgée 7 proche, non fébrile, la dementia continua ou démence sénile.
Syndromes confusionnels en cancérologie 7 Ainsi se trouvent posés dès l’Antiquité gréco-romaine les jalons
de critères diagnostiques encore valides de nos jours.
¶ Conduite à tenir devant un syndrome confusionnel 7 Dans la dichotomie entre delirium et démence, la fièvre et
Examens de première intention 7 l’acuité du tableau sont longtemps demeurées les deux critères
Examens de deuxième intention 8 distinctifs majeurs. Cependant, petit à petit l’accent va être mis
Traitement 8 sur les troubles de la conscience. Bien que ceux-ci et leur
¶ Conclusion 8 fluctuation soient bien décrits au XVIe siècle par Fracastor, c’est
un auteur allemand du début du XIXe siècle, Greiner [1], qui est
probablement le premier à introduire la notion d’« obscurcisse-
ment de la conscience » (Verdunkelung des Bewubtseins). Celle-ci
■ Introduction va rapidement être intimement associée à celle de « confusion
mentale », bien décrite par Delasiauve [2], mais dont la dénomi-
Le syndrome confusionnel (SC) ou confusion mentale est un nation revient à Chaslin [3] . Pour celui-ci, la « confusion
tableau clinique qui tire son unité de sa sémiologie. Ses étiolo- mentale primitive » est un syndrome associant une désorgani-
gies sont multiples mais ont toutes un dénominateur commun : sation de la pensée et des perceptions, une désorientation
elles correspondent à une pathologie organique sous-jacente, temporospatiale et un état onirique. Près d’un siècle plus tard,

Neurologie 1
17-023-A-40 ¶ Syndrome confusionnel

Berrios [4] estime toujours que c’est l’altération de la conscience, Tableau 2.


bien plus que la présence d’une fièvre associée ou le profil Critères diagnostiques de la confusion mentale (delirium) du Diagnostic
évolutif des troubles, qui permet de distinguer la confusion des and Statistical Manual of Mental Disorders IV-TR [8].
autres troubles des fonctions supérieures. Mais l’obscurcissement A Perturbation de la conscience (c’est-à-dire baisse d’une prise
de la conscience est une notion qui se révèle très difficile à de conscience claire de l’environnement), avec diminution
définir. de la capacité à diriger, focaliser, soutenir ou mobiliser l’attention
B Modification du fonctionnement cognitif (telle qu’un déficit

■ Définition
de la mémoire, une désorientation, une perturbation du langage)
ou bien survenue d’une perturbation des perceptions, qui n’est
pas mieux expliquée par une démence préexistante, stabilisée
La dixième Classification internationale des maladies (CIM- ou en évolution
10) décrit le delirium non induit par l’alcool comme un
C La perturbation s’installe en un temps très court (habituellement
syndrome cérébral organique, caractérisé par la présence quelques heures ou quelques jours) et tend à avoir une évolution
simultanée de perturbations de la conscience et de l’attention, fluctuante tout au long de la journée
de la perception, de l’idéation, de la mémoire, du comporte-
ment psychomoteur, des émotions et du rythme veille-sommeil.
Il n’a pas de spécificité liée à l’étiologie sous-jacente [5]. En fait,
l’accord reste à faire sur la définition du SC car il n’y a pas de Tableau 3.
Confusion assessment method [9].
réel consensus sur la place et la définition de tous les symptô-
mes constitutifs de ce syndrome, en particulier des troubles de Critère 1 : Ce critère est habituellement obtenu auprès
la conscience ou de vigilance. En outre, que ce soit dans la apparition aiguë d’un membre de la famille ou de l’infirmière. Il est
terminologie anglo-saxonne (avec le terme de delirium) ou dans et symptomatologie rempli en cas de réponse positive à chacune
la française (avec les termes de confusion ou de sujet confus), fluctuante des deux questions suivantes : y a-t-il eu un
les acceptions du mot changent selon que l’on passe du langage changement brutal des fonctions cognitives
commun au langage médical. Les définitions proposées dans la du patient par rapport à l’état de base ? Existe-t-il
CIM-10 [6] et le Diagnostic and Statistical Manual of Mental un comportement (anormal) fluctuant dans la
Disorders IV-TR [7, 8] tendent à se recouvrir (Tableaux 1, 2). journée, apparaissant puis disparaissant, ou bien
Il existe des échelles utiles au diagnostic précis et rapide dans croissant ou décroissant en sévérité ?
la pratique courante. Parmi celles-ci, la confusion assessment Critère 2 : Ce critère est présent en cas de réponse positive
method a été mise au point en 1990 dans une étude de dépistage inattention à la question suivante : le patient a-t-il des
du SC en milieu non psychiatrique, chez des personnes de plus difficultés pour se concentrer, est-il par exemple
de 65 ans [9] . Elle s’est révélée être un excellent outil de facilement distrait ou a-t-il des problèmes
dépistage du SC, de passation rapide, abordable par les non- pour garder le fil de la conversation ?
spécialistes et les infirmières. Sa sensibilité serait de 94 % Critère 3 : Ce critère est présent en cas de réponse positive
(intervalle de confiance à 95 % [IC 95 %] : 91 % à 97 %), sa pensée désorganisée à la question suivante : le patient pense-t-il de
spécificité de 89 % (IC 95 % : 85 % à 94 %) [10] (Tableau 3). manière désorganisée et incohérente, a-t-il une
Répondre au premier critère demande la participation de conversation improductive ou décousue, des idées
peu claires ou illogiques, ou passe-t-il de manière
l’entourage, alors que la réponse aux trois autres critères avait
imprévisible d’un sujet à l’autre ?
Critère 4 : Ce critère est présent pour toute réponse autre
Tableau 1. altération du niveau que « normal » à la question suivante : comment
Critères diagnostiques de la Classification internationale des maladies [6]. de conscience évaluez-vous le niveau de conscience du patient
(normal, hyperréactif, somnolent, réveillable
Pour poser le diagnostic de certitude, ces symptômes, qu’ils soient légers ou non réveillable) ?
ou marqués, devraient être présents dans chacune des sections suivantes :
Le diagnostic de confusion nécessite les critères 1 + 2, associés au critère
A Altération de la conscience et de l’attention (dans un continuum 3 ou 4
allant de l’obnubilation au coma)
B Perturbation globale de la cognition (distorsions perceptives,
illusions et hallucinations, le plus souvent visuelles : altération été obtenue dans l’étude princeps en faisant passer le mini
de la pensée abstraite et de la compréhension avec ou sans délires mental state examination de Folstein. L’examinateur recherche
transitoires, mais typique avec un certain degré d’incohérence ; neuf signes cliniques :
altération du rappel immédiat et de la mémoire récente avec
• début soudain et fluctuation des symptômes ;
une mémoire éloignée relativement préservée ; désorientation
• inattention ;
dans le temps et, dans les cas les plus sévères, dans l’espace, avec
• désorganisation de la pensée ;
trouble de la reconnaissance des personnes)
• altération de la conscience ;
C Troubles psychomoteurs (hypo- ou hyperactivité, avec passages
• désorientation ;
imprévisibles de l’un à l’autre ; allongement des temps de
• troubles mnésiques ;
réaction ; augmentation ou diminution du débit de la parole ;
• anomalies de la perception ;
majoration des réactions de sursaut)
• agitation psychomotrice ou ralentissement psychomoteur ;
D Perturbations du cycle nycthéméral (insomnie ou, dans les cas
• perturbations du rythme veille-sommeil.
les plus sévères, perte totale du sommeil ou inversion du cycle
nycthéméral ; somnolence diurne ; aggravation nocturne
des symptômes ; perturbation des rêves, cauchemars, pouvant
se poursuivre par des hallucinations après le réveil)
■ Épidémiologie
E Troubles émotionnels, par exemple dépression, anxiété ou peur, Les données épidémiologiques concernant le SC sont très
irritabilité, euphorie, apathie ou perplexité anxieuse disparates dans la littérature. Ceci est probablement lié aux
Le début est rapide, l’évolution diurne est fluctuante et la durée totale différences des populations étudiées et aux divers critères
des troubles est inférieure à 6 mois. Le tableau clinique ci-dessus diagnostiques utilisés. Une revue de la littérature [11] révèle une
est si caractéristique que le diagnostic de confusion mentale peut être prévalence du SC de 0,4 % dans la population générale de plus
porté avec quasi-certitude, même si la cause sous-jacente n’est pas de 18 ans, de 1,1 % dans celle de plus de 55 ans. Chez les
formellement établie. Si le diagnostic est douteux, outre la notion d’une patients hospitalisés en médecine, elle est comprise entre 15 %
affection générale ou cérébrale, la preuve d’un dysfonctionnement et 30 % et, si la population est âgée, la fourchette est comprise
cérébral (telle qu’un électroencéphalogramme anormal, montrant
entre 10 % et 60 %. Beaucoup d’études se sont aussi intéressées
habituellement, mais pas toujours, un ralentissement de l’activité
au SC postopératoire, dont la fréquence est de 11 % tous âges
de fond) peut être nécessaire
confondus, pouvant atteindre 52 % chez les patients âgés [11].

2 Neurologie
Syndrome confusionnel ¶ 17-023-A-40

■ Tableau clinique La prononciation est maladroite, réalisant une « dysarthrie


pâteuse ». Le langage reflète une pensée laborieuse et lente, et
Le SC est la manifestation d’un trouble global du fonction- est alors habituellement réduit à des bribes de phrases, souvent
nement cérébral. L’analyse du fonctionnement mental est donc décousues. Rarement, on peut observer un mutisme stuporeux.
difficile. Elle permet cependant de relever trois grands types de Parfois, la pensée est plus vive et le langage est plus riche,
manifestations : une altération de la conscience, des troubles rapide, fortement déclamé mais reste incohérent. Dans tous les
cognitifs sévères et des manifestations comportementales [12]. cas, la conversation tourne court, du fait soit de la distractibi-
lité, soit de l’obnubilation du patient [13, 14]. L’exploration du
langage écrit, quand elle est possible, peut montrer une
Altération de la conscience alexie [16] et une agraphie [17].
L’altération du niveau de conscience est traditionnellement Les perceptions sont également perturbées et aboutissent à de
un signe cardinal du SC. L’imprécision de ce terme est liée au mauvaises interprétations, dont des illusions, le plus souvent
fait que la conscience (dans son acception médicale courante) visuelles et parfois auditives. Les hallucinations, c’est-à-dire des
recouvre plusieurs dimensions des capacités attentionnelles, qui perceptions sans objet, surviennent dans 40 % à 75 % des
sont la conscience de soi et de l’environnement, l’état d’alerte cas [18]. Elles sont également plutôt visuelles, et varient en
et la vigilance. complexité des simples formes géométriques ou couleurs à des
Les troubles de la conscience de soi et de l’environnement images élaborées, telles que des animaux ou des gens. Elles
sont constants. Ils rendent le patient incapable de saisir peuvent être plus rarement auditives, tactiles ou kinesthésiques
correctement et de traiter une information, qu’elle provienne de (par exemple, sensation de chute) [19].
son propre corps ou de l’environnement. Non seulement le L’affect dominant est l’anxiété, mais selon certains auteurs la
sujet confus est donc incapable de rappeler lesdites informa- dépression serait encore plus fréquente, présente dans près de
tions, mais en outre il ne parvient pas à leur fournir une 40 % des cas [13]. En fait, l’étiologie joue un rôle important dans
réponse adaptée. Ce trouble sous-tend le comportement du ces modifications de l’affect. L’anxiété est vive dans le delirium
sujet, qui est inapproprié, a perdu toute finalité claire et toute tremens ; la dépression ou l’euphorie se rencontreraient plus
continuité [13, 14]. L’état d’alerte correspond à un état psycholo- dans l’encéphalopathie hépatique [13, 20] . Les troubles de
gique dans lequel un sujet est disposé à répondre à un stimulus. l’humeur peuvent encore consister en irritabilité, agressivité,
Il s’agit donc de la composante phasique de l’attention [15]. apathie perplexité, suspicion, etc. [21, 22]. Ils sont très labiles chez
Chez le confus, il peut être anormalement élevé ou au contraire un même sujet, souvent exacerbés la nuit avec la disparition des
abaissé. Dans le premier cas, le confus répond à toutes les repères environnementaux.
stimulations sans discernement. L’attention focalisée est
impossible, car l’attention du patient est accaparée par Manifestations comportementales
d’innombrables stimuli peu pertinents ; c’est particulièrement le
cas dans le delirium tremens, où le patient est à l’affût de la La présentation du malade confus témoigne du trouble global
moindre stimulation de l’environnement. À l’opposé, l’état des fonctions mentales. Le faciès est hébété, figé, avec une
d’alerte peut être effondré. Les réponses aux stimuli sont alors mimique inadaptée. Le regard est hagard, flou, lointain : « ils
absentes ou émoussées. C’est le tableau qu’offrent habituelle- ont des yeux et ils ne voient pas » [2]. On a l’impression que le
ment les encéphalopathies métaboliques, en règle associées à malade est absent de la situation présente [19]. Le comportement
une grande apathie [14]. psychomoteur peut s’inscrire dans deux tableaux, avec parfois
La vigilance correspond à un état physiologique qui fluctue des passages imprévisibles et rapides de l’un à l’autre. Soit le
normalement de la veille au sommeil, ce qui réalise le cycle malade est apathique, somnolent, répondant péniblement,
nycthéméral. Il s’agit donc de la composante tonique de lentement et maladroitement aux stimulations ; il est sans
l’attention [15]. En pathologie, la vigilance peut être exacerbée initiative et a besoin d’une assistance pour les actes les plus
(c’est par exemple l’hypervigilance du maniaque) ou diminuée élémentaires (manger, se laver, etc.) : c’est la forme stuporeuse
(c’est le coma, avec ses différents stades). Chez les confus, il ou hypoactive. Soit le malade est en proie à une agitation
existe toujours des troubles de la vigilance, qui se manifestent stérile, est bruyant et en perpétuel état d’alerte : c’est dans cette
au moins par une inversion du cycle nycthéméral : dans la forme qu’est décrit l’onirisme ou délire onirique, sorte de rêve
journée, la somnolence diurne donne la présentation classique éveillé, intensément vécu et agi. Le malade est incapable de
d’un malade obnubilé, qui contraste avec une agitation faire la part entre des images internes et celles de l’environne-
nocturne. ment. Il a des hallucinations transitoires, chaotiques, désagréa-
bles et menaçantes. Visuelles, elles constituent le plus souvent
un enchaînement scénique. Il peut parfois s’y ajouter des
Troubles cognitifs hallucinations auditives ou tactiles. Le thème le plus fréquent,
Sur le plan cognitif, les troubles les plus frappants sont la profession ou animalier, est en règle terrifiant. L’adhésion du
désorientation temporospatiale et les troubles de la mémoire. La malade au fait qu’il vit ce tableau cauchemardesque est com-
désorientation temporelle est la règle et concerne d’abord la plète, de sorte qu’il peut tenter de s’échapper, se défenestrer ou
date exacte, le jour de la semaine pour ensuite toucher le mois, avoir des gestes de défense dangereux pour lui ou les autres.
la saison, voire l’année. La désorientation dans l’espace peut être Une telle forme clinique de confusion correspond à l’état
absente dans les formes débutantes de confusion : lorsqu’elle confuso-onirique.
s’installe, elle touche d’abord le grand espace (ville, région) puis La forme hypoactive est plus fréquente chez les sujets les plus
l’espace immédiat (étage, chambre). Il peut s’y associer, quoique âgés, ce qui constitue un facteur de risque de non-reconnaissance
plus rarement, un trouble de la reconnaissance des visages, avec de l’état confusionnel par le personnel soignant [5, 23].
de fausses reconnaissances. Généralement, il s’agit de l’identifi-
cation erronée de personnes étrangères comme de personnes Cours évolutif
familières. Ainsi, les médecins et les infirmières peuvent être pris
pour des membres de la famille ou des connaissances du Une dernière caractéristique de la confusion mentale est son
malade, ou encore pour des personnes d’un tout autre cadre cours évolutif. Il s’agit d’un tableau d’installation aiguë, en
(ouvriers d’une usine, commerçants, etc.). quelques heures ou jours, en règle dans la soirée. L’installation
La mémoire est atteinte globalement. Les faits récents ne sont des troubles se fait dans les heures qui suivent un traumatisme
que très partiellement encodés, du fait des troubles de l’atten- ou une intervention chirurgicale majeure, alors qu’elle est
tion et du flou des perceptions. Les souvenirs ne peuvent donc graduelle dans le cadre d’une pathologie infectieuse, métaboli-
être exprimés que de façon fragmentaire. Même le rappel que ou toxique [13]. Dans ce dernier cas, on décrit une phase
d’informations anciennes, appartenant à la mémoire sémanti- prodromique, durant laquelle le patient se plaint d’insomnie, de
que (mémoire des connaissances générales) est difficilement cauchemars, d’inappétence, de céphalées ou de troubles de la
obtenu [3, 14]. concentration. On peut également y observer des modifications

Neurologie 3
17-023-A-40 ¶ Syndrome confusionnel

de l’humeur et du caractère [3, 19]. À la phase d’état, le tableau conscience induits par certains médicaments [26]. En outre, il
reste remarquable par ses fluctuations, avec une aggravation des semble que la confusion précède la faillite du métabolisme
troubles le soir. À certains moments de la journée, le malade cérébral, plutôt qu’elle n’en soit la conséquence [13].
semble sortir brièvement de sa torpeur et se demander avec Quand le débit sanguin cérébral (DSC) est réduit, le niveau de
anxiété, lors de ces fugaces épisodes de lucidité, ce qui lui arrive. conscience tend à être également abaissé, de même que le
C’est la classique perplexité anxieuse [19]. métabolisme cérébral. Les études du DSC dans la confusion
Bien que l’issue habituelle de la confusion mentale soit la mentale restent cependant rares et d’un apport ambigu. En
récupération complète (mis à part une amnésie lacunaire), effet, dans la confusion le DSC peut être abaissé (par exemple
lorsque la maladie sous-jacente est grave, le malade peut dans le SC après traumatisme crânien, chirurgie cardiaque,
sombrer dans un coma profond conduisant au décès. Sans intoxication alcoolique ou médicamenteuse, dans l’encéphalo-
surprise, les deux meilleurs indices prédictifs d’une issue fatale pathie hépatique) ; on observe alors une diminution du DSC et
sont l’âge avancé et l’existence de tares multiples [24]. Dans du métabolisme dans le cortex antérieur, surtout droit, ou dans
quelques cas plus rares, la confusion mentale peut laisser des l’ensemble du cortex [27]. D’autres fois le DSC est élevé (par
séquelles irréversibles. C’est surtout le cas de l’encéphalopathie exemple dans le delirium tremens ou l’hyperthermie) [13].
de Gayet-Wernicke, qui peut laisser la place à un syndrome de Sur le plan électrophysiologique, l’électroencéphalogramme
Korsakoff. Le SC a donc un coût, puisqu’il augmente la durée (EEG) montre de façon habituelle, quoique inconstante, un
d’hospitalisation, le risque de démence, de perte d’autonomie et ralentissement diffus de l’activité de fond, sur laquelle peuvent
d’entrée dans une institution, ainsi que la morbidité et la se superposer des rythmes rapides. Un tel ralentissement de
mortalité. l’EEG, rappelant celui de la transition entre veille et sommeil,
est trouvé dans la plupart des confusions d’origine métabolique,
toxique ou infectieuse. Il est associé à la forme stuporeuse de
■ Formes cliniques confusion. Ce type de tracé, qui a pu être corrélé à une dimi-
nution du DSC, incite à considérer la confusion comme un état
Dans la forme confuso-onirique (ou d’hyperactivité-
intermédiaire entre la veille et l’état d’alerte d’une part, et les
hyperalerte de Lipowski [13] ), il existe un débordement de
comas d’autre part, où l’EEG est encore plus ralenti [13, 28]. Dans
l’activité verbale et non verbale, ainsi qu’une exacerbation du
d’autres cas, l’EEG, loin d’être ralenti, présente plutôt des
niveau d’alerte. Il s’y associe habituellement un délire onirique
similitudes avec celui du sommeil paradoxal : l’activité est
très actif, faisant courir le risque d’accès de défense dangereux.
dysrythmique, de fréquence élevée, peu voltée. Un tel tracé
On y décrit enfin des troubles végétatifs, en particulier sympa-
accompagne plutôt un syndrome confuso-onirique.
thiques (hypersudation, tachycardie), qui aggravent le pronostic
Morruzi et Magoun [29] ont montré le rôle primordial que
vital en l’absence de prise en charge médicale. Le delirium
tient la substance réticulée activatrice dans les processus d’éveil.
tremens fournit le tableau prototypique de cette forme.
Des travaux ultérieurs ont souligné également l’importance de
Dans la forme stuporeuse (ou d’hypoactivité-hypoalerte de
noyaux du tronc cérébral (tels que le noyau du raphé médian,
Lipowski [13]), le niveau d’activité et d’alerte est au contraire
le locus coeruleus ou le noyau pédoculopontin) et du
sévèrement déprimé. Le malade est calme, passif, ralenti, très
diencéphale (particulièrement les noyaux intralaminaire et
peu loquace, somnolent. Parfois il est catatonique, garde les
réticulaire du thalamus), ainsi que leurs projections corticales.
yeux ouverts mais semble être ailleurs. Son apparence peut être
Toutes ces structures sont ainsi impliquées dans la genèse et la
trompeuse car il peut présenter des hallucinations et avoir une
modulation de l’activité EEG, ainsi que leurs corrélats compor-
activité mentale riche [13]. C’est la confusion mentale « simple »
tementaux qui sont la somnolence, le sommeil, le réveil et la
de certains auteurs [3, 12] . Ce serait le tableau habituel des
veille. Ces constatations anatomiques et physiologiques font
encéphalopathies métaboliques chez le sujet âgé.
suspecter le rôle de telles structures médianes dans la genèse des
La forme mixte associe en alternance irrégulière et imprévisi-
SC. Cette hypothèse est confirmée en clinique par les troubles
ble les deux formes précédentes. La fréquence relative de ces
majeurs de l’attention qu’induisent des lésions de la substance
trois formes reste mal précisée [13]. Les auteurs français isolaient
réticulée mésencéphalique ou des régions médiales du thalamus
encore une forme onirique pure, où l’onirisme est au premier
(par exemple, en pathologie vasculaire ou dans l’encéphalopa-
plan, avec une activité hallucinatoire intense et des troubles de
thie de Gayet-Wernicke) [13, 15].
la conscience très peu marqués. Ey et al. [19] proposaient de
Dans le cortex, les régions clés sous-tendant les processus
classer ce tableau plutôt parmi les psychoses délirantes aiguës.
attentionnels sont le cortex préfrontal, le cortex pariétal
postérieur (surtout droit) et les régions occipitotemporales
■ Physiopathologie internes. Il s’agit de régions corticales associatives, vers lesquel-
les convergent des informations provenant des régions senso-
En 1936, Hart remarquait de façon lapidaire que « nous ne rielles primaires, et qui sont elles-mêmes étroitement connectées
connaissons rien des mécanismes précis responsables de la au système limbique. Il n’est donc pas surprenant d’observer des
confusion mentale » [18]. Depuis lors, les choses n’ont guère SC après des lésions focales corticales touchant ces aires
changé et les hypothèses formulées restent encore assez spécu- sensibles. Enfin, certaines confusions sont probablement dues à
latives. Il est possible que les mécanismes conduisant à la un dysfonctionnement conjoint de ces régions corticales
confusion soient divers, de la même façon que les causes d’une associatives et de la substance réticulée activatrice. C’est le cas
hémiplégie peuvent être multiples et variées [18]. On ne dans les confusions de la maladie d’Alzheimer, dans laquelle on
s’accorde que sur un point : le SC est avant tout un trouble observe à la fois des lésions diffuses des aires corticales associa-
fonctionnel. Cette assertion repose sur deux constatations. tives et des régions sous-corticales. C’est sans doute aussi le cas
D’une part, il n’est qu’exceptionnellement secondaire à une dans les confusions métaboliques et toxiques, ainsi que le
lésion cérébrale ; lorsque le SC mène au décès du malade, suggèrent les effets de l’alcool ou des anesthésiques sur ces
l’examen neuropathologique ne décèle pas d’anomalie spécifi- régions [15].
que, même microscopique [14]. D’autre part, l’habituelle réversi- D’autres hypothèses physiopathologiques reposent sur le rôle
bilité des symptômes milite contre l’existence de lésions des neurotransmetteurs et de leurs interactions. Des variations
cérébrales. absolues ou relatives de l’acétylcholine (déficit) et de la dopa-
Engel et Romano [25] ont postulé l’existence d’une réduction mine (excès) semblent impliquées dans certains SC. L’acétyl-
du métabolisme cérébral, par extrapolation des confusions choline intervient dans la régulation de l’attention, la mémoire
induites par l’hypoglycémie ou l’hypoxie, où existe un défaut et le sommeil. Or, sa synthèse décroît avec l’âge et plusieurs
d’apport au cerveau des substrats nécessaires. En sa faveur milite études ont montré une corrélation entre un taux bas de l’acti-
l’existence d’une corrélation, chez le sujet sain, entre niveau de vité anticholinergique sérique et le SC chez la personne âgée [30,
conscience et consommation cérébrale d’oxygène. Ces données 31]. De surcroît, les médicaments anticholinergiques sont une

sont en revanche contredites par l’absence de diminution de source classique de SC. Le mécanisme par lequel l’excès de
la consommation cérébrale d’oxygène dans les troubles de la dopamine engendre des SC reste inconnu. On a seulement noté

4 Neurologie
Syndrome confusionnel ¶ 17-023-A-40

que la sismothérapie, qui augmente les taux de dopamine, Affections psychiatriques


provoque un SC, et observé les effets confusiogènes de la L-dopa
en thérapeutique [24]. La bouffée délirante aiguë survient chez un adolescent.
L’influence de l’activité sérotoninergique est encore plus L’automatisme mental et la dépersonnalisation, qui en sont
ambiguë. L’augmentation de la sérotonine cérébrale est associée deux éléments sémiologiques majeurs, sont absents ou au
à l’encéphalopathie hépatique et appartient aussi au syndrome second plan dans le SC.
sérotoninergique, au cours duquel la confusion est le symptôme La manie peut bien simuler un SC agité, d’autant plus qu’il
principal. Le déficit sérotoninergique est en revanche associé au existe des formes confusionnelles de manie. On a même pu y
delirium tremens, à la confusion postopératoire et à celle des décrire des troubles cognitifs diffus et des hallucinations
parkinsoniens traités par L-dopa [32]. visuelles, ce qui peut rendre le diagnostic différentiel très
On a également constaté des variations postopératoires des difficile.
taux de la mélatonine, hormone impliquée dans le cycle veille- La mélancolie, stuporeuse ou agitée, est plus facile à distin-
sommeil, chez des patients confus [33]. Enfin, d’autres hypothè- guer d’une confusion grâce à la présence d’une douleur morale.
ses physiologiques et pathogéniques sont fondées sur les La schizophrénie, même dans sa forme catatonique, est un
conséquences du stress dans les situations confusiogènes comme diagnostic différentiel assez formel de la confusion. Certes, il
les interventions chirurgicales, les maladies graves et les peut exister dans les deux tableaux des hallucinations, un délire
traumatismes. Ainsi, l’hypercortisolémie, la libération de et des troubles de la pensée, mais ils sont nettement moins bien
cytokines ou encore le syndrome de basse T3 liés au stress organisés, plus fragmentaires et fluctuants dans la confusion que
pourraient jouer un rôle dans le SC. dans la schizophrénie. En outre, dans la schizophrénie, les
hallucinations sont plutôt auditives que visuelles, la pensée est
bizarre et les fonctions cognitives (en particulier la mémoire et
■ Diagnostic différentiel l’orientation temporospatiale) sont moins globalement pertur-
bées [7, 13].

Affections neurologiques
Une amnésie isolée, telle qu’en réalise un ictus amnésique ou ■ Étiologies [13]

un syndrome de Korsakoff, est aisément distinguée d’un SC, Les étiologies sont multiples, mais elles sont largement
parce que le comportement, les perceptions, les capacités dominées en fréquence par les causes toxiques (en particulier
d’attention et le jugement y sont préservés. médicamenteuses) et métaboliques.
L’aphasie sensorielle est souvent confondue au premier abord
avec un SC. L’écoute attentive du malade permet cependant
aisément de reconnaître l’abondance des paraphasies. La
Syndromes confusionnels métaboliques
vigilance est normale et l’examen peut trouver une hémianopsie et endocriniens
latérale homonyme associée.
La démence, notamment de type Alzheimer, ne peut être Troubles métaboliques
confondue si on adopte strictement les critères diagnostiques du Ils sont parmi les plus grands pourvoyeurs de SC. Il peut
SC. La vigilance et l’attention focale, au moins dans les formes s’agir de troubles de l’apport des substrats énergétiques du
débutantes, sont préservées dans la démence. Les grandes cerveau (oxygène, glucose), ou de troubles électrolytiques et de
fluctuations circadiennes du tableau, la perplexité anxieuse, en l’équilibre acidobasique (Tableau 4). Ces derniers témoignent
sont absentes. En outre, un interrogatoire soigneux permet souvent d’un dysfonctionnement viscéral ou endocrinien
habituellement de reconnaître l’installation lente des troubles, sous-jacent.
sur des mois, dans la démence de type Alzheimer. Le diagnostic
différentiel se complique avec la démence à corps de Lewy, dont
Tableau 4.
un des critères diagnostiques est l’existence de « fluctuations ».
Causes métaboliques de confusion mentale.
Celles-ci transparaissent lors d’évaluations cognitives, mais elles
sont liées à de sévères troubles attentionnels pouvant aller Troubles de l’apport Hypoglycémie : surdosage en hypoglycémiants
jusqu’à la somnolence diurne ou à des accès de confusion lors au cerveau ou abus d’alcool chez le diabétique, insulinome,
de moments de veille calme [34]. Pour mieux cerner ce trouble, des substrats dumping syndrome chez le gastrectomisé
Ferman et al. [35] ont mis au point un questionnaire de fluctua- énergétiques Hyperglycémie : précoma acidocétosique,
tion, destiné à l’entourage. Quatre symptômes se révèlent précoma osmolaire chez le diabétique
significativement plus fréquents dans la démence à corps de Hypoxie : par défaillance cardiorespiratoire,
Lewy que dans la maladie d’Alzheimer et sont quasiment intoxication au monoxyde de carbone, anémie
absents chez le sujet âgé normal : sévère, mal des montagnes, etc.
• des accès de somnolence ou de léthargie ; Troubles Hyponatrémie : par déplétion sodique iatrogène
• une propension anormale à dormir dans la journée (plus de hydroélectrolytiques (prise de diurétiques) ; par hémodilution
2 heures de sommeil diurne avant 19h ; (apport parentéral excessif, sécrétion
• des moments durant lesquels le patient regarde de façon fixe inappropriée d’hormone antidiurétique,
dans le vide ; potomanie)
• un discours par moment désorganisé. Hypernatrémie : par déshydratation
La fluctuation se révèle donc être un trouble qui correspond extracellulaire
clairement à l’irruption d’états confusionnels transitoires au sein Hypokaliémie : par déperdition digestive
d’un syndrome démentiel. Dans un tel cas de figure, c’est (vomissements, diarrhées) ou rénale
essentiellement la survenue répétée et sur une longue période Hyperkaliémie : en particulier iatrogène ; peut
(plus de 6 mois) des accès confusionnels qui permet avec la induire une confusion par le biais de troubles
meilleure sûreté de les rattacher à une démence. du rythme cardiaque
L’état démentiel est toutefois l’un des principaux facteurs Hypocalcémie : par hypoparathyroïdie, plus
prédisposant à la confusion, notamment chez le sujet âgé. La rarement insuffisance rénale, malabsorption
distinction entre ces deux syndromes devient parfois difficile à Hypercalcémie : associée à des métastases
un stade avancé de la démence lorsque les troubles attention- osseuses, un myélome ; plus rarement
nels sont importants. Le changement brutal du comportement par hyperparathyroïdie
ou la détérioration rapide des capacités à accomplir les actes de
Acidose (par exemple par insuffisance
la vie quotidienne doit faire évoquer un SC [36]. L’état confu- respiratoire)
sionnel peut révéler, voire précéder un état démentiel chez
Alcalose (par exemple par vomissement profus)
certaines personnes âgées selon certains auteurs [37].

Neurologie 5
17-023-A-40 ¶ Syndrome confusionnel

Encéphalopathie hépatique évidence du fait du caractère multifactoriel de la confusion. Cet


aspect multifactoriel de l’étiologie de ce syndrome et l’hétéro-
Elle peut aller de la confusion au coma et traduit un dysfonc-
généité des populations expliquent les données contradictoires
tionnement hépatique grave. On peut distinguer trois grands
des études prospectives dans le domaine médicamenteux. Les
tableaux :
molécules peuvent induire une confusion par le biais d’un
• l’encéphalopathie portocave, qui peut donner des SC transi-
trouble métabolique (hypoglycémies par le dextropropoxyphène
toires, par exemple lors d’un apport alimentaire élevé de
ou le tramadol, hyponatrémie par un inhibiteur de la recapture
protéines ou une infection ;
de la sérotonine par exemple), d’une déshydratation (diuréti-
• la décompensation d’une cirrhose hépatique ;
ques, laxatifs), d’une hémorragie (anticoagulants et anti-
• l’insuffisance hépatique grave, soit d’origine virale, soit
agrégants), d’un bas DSC et de chutes (psychotropes, antihyper-
toxique (par exemple due à l’alcool ou des médicaments tels
tenseurs, antiarythmiques, etc.), de crises comitiales (anticholi-
que l’halothane, l’alphamétyldopa, etc.).
nergiques, lithium, antipsychotiques, etc.), d’une rétention
Il s’agit d’un tableau confusionnel calme, dont le diagnostic
urinaire ou d’un fécalome (anticholinergiques, dérivés opiacés,
étiologique est aidé par deux signes évocateurs, que sont le
neuroleptiques, etc.).
foetor hepaticus et l’astérixis (flapping tremor). Sa pathogénie
La polymédication est un facteur de risque chez la personne
reste discutée : le rôle de l’hyperammoniémie, de faux neuro-
âgée, celui-ci étant potentiel dès l’ajout d’au moins trois
transmetteurs, de benzodiazépines endogènes ou d’acides gras à
médicaments en cours d’hospitalisation [36].
courte chaîne a été évoqué.
Les médicaments incriminés dans les états confusionnels sont
Insuffisance rénale les anticholinergiques, apparents ou cachés, les opiacés, les
neuroleptiques, les antiparkinsoniens, les antidépresseurs, les
Elle peut donner lieu à des SC protéiformes, le plus souvent
antiépileptiques, les antihistaminiques H1 et H2, les médicaments
de type confuso-onirique. Les perturbations biologiques, dont
cardiovasculaires, les corticostéroïdes, les anti-inflammatoires
l’hyperazotémie, orientent rapidement le diagnostic. La patho-
non stéroïdiens, les antibiotiques (bêtalactamines et
génie exacte de la confusion reste méconnue : rôle de l’urée, de
fluoroquinolones).
faux neurotransmetteurs, de neurotoxines ? L’encéphalopathie
Les syndromes confusionnels peuvent aussi résulter d’un
des dialysés est à classer parmi les confusions d’origine toxique,
phénomène de sevrage (benzodiazépines et opiacés). Il faut
car probablement liée à la teneur en aluminium du dialysat.
donc aussi se méfier de la prescription de deux molécules ayant
Insuffisance respiratoire des indications et des galéniques différentes, mais possédant le
même principe actif (cumul de comprimés et d’un collyre
Elle peut donner un SC par le biais de l’hypercapnie et de bêtabloquants par exemple). La similitude de forme de compri-
l’hypoxie. Les causes en sont variées : l’une des plus classiques més (fluindione et lisonopril par exemple) contribue à la
est la décompensation d’une bronchopneumopathie lors d’une survenue de SC, tout comme les situations environnementales
infection bronchopulmonaire, d’une prise de sédatifs ou d’une précaires chez les personnes présentant des troubles cognitifs ou
oxygénothérapie intempestive. des désordres sensoriels sévères.
Endocrinopathies Toxiques industriels
Certaines endocrinopathies peuvent induire un SC par le biais Certains métaux ne sont responsables de SC que du fait de
de troubles métaboliques. C’est le cas de l’hypoparathyroïdie (à leur usage médicamenteux (lithium, bismuth), mais la plupart
l’origine d’une hypocalcémie), de l’hyperparathyroïdie (à sont délétères du fait de leur usage industriel (arsenic, plomb,
l’origine d’une hypercalcémie), de l’insuffisance surrénalienne, manganèse, nickel, thallium, zinc). En pathologie profession-
du panhypopituitarisme (où se conjuguent les effets de l’hypo- nelle, les autres molécules classiquement impliquées dans des
glycémie, de l’hyponatrémie, de l’hypotension, voire de l’hypo- confusions mentales sont les hydrocarbures aromatiques
thermie). Dans l’hyperthyroïdie, il semble qu’un syndrome (benzène, toluène, etc.), les hydrocarbures aliphatiques halogé-
démentiel, marqué par un important ralentissement, soit plus nés (tétrachlorure de carbone, chlorure de méthyl, trichloréthy-
fréquent qu’une confusion ; celle-ci serait plutôt le fait des lène), le disulfure de carbone, etc.
brutaux changements de la fonction thyroïdienne, comme en
réalisent par exemple les thyroïdectomies. Le mécanisme est Toxiques domestiques
sans doute complexe et fait intervenir entre autres le ralentisse-
ment du métabolisme de base. Un SC n’émaillerait une hyper- Citons le monoxyde de carbone, certains aliments (champi-
thyroïdie que dans 3 % à 4 % des cas, et était plus commun gnons vénéneux, seigle parasité par l’ergot, etc.), les
lorsque les thyréotoxicoses étaient fréquentes [13]. Le tableau hallucinogènes.
n’est pas forcément agité : ainsi, la confusion stuporeuse est la Alcool
plus commune chez le sujet âgé.
À part se situe le SC lors d’une encéphalopathie dite de Il mérite une place à part. Une absorption massive d’alcool
Hashimoto. Celle-ci peut précéder, accompagner ou suivre une peut engendrer plusieurs tableaux cliniques :
thyroïdite de Hashimoto et n’est pas liée aux taux des hormo- • lors de l’ivresse aiguë « simple », les troubles de la conscience
nes thyroïdiennes. Il s’agit plus vraisemblablement de troubles et l’incoordination dominent la scène ;
neurologiques centraux en rapport avec une angéite auto- • dans la forme excitomotrice, l’état confusionnel s’associe à
immune du système nerveux central, dont une caractéristique une angoisse et une fureur aveugle ;
est sa grande corticosensibilité [38]. • dans la forme hallucinatoire, le sujet présente des hallucina-
Dans la maladie de Cushing et les syndromes apparentés, les tions visuelles et auditives, et un délire onirique.
troubles cognitifs sont quasiment constants, mais la confusion Cependant, c’est dans l’éthylisme chronique que l’alcool est
est peu commune : elle est directement due aux corticostéroïdes. le plus souvent responsable de SC, par le biais d’un phénomène
de sevrage. Le tableau réalise le delirium tremens, qui se
Syndromes confusionnels d’origine toxique singularise par l’angoisse, l’agitation, les tremblements, l’oni-
risme, la fièvre et des troubles végétatifs majeurs (sueurs
Selon les circonstances, les intoxications peuvent être aiguës profuses, déshydratation). Enfin, l’alcool est le principal
ou chroniques, médicamenteuses, professionnelles ou domesti- pourvoyeur d’états confusionnels d’origine carentielle.
ques. La liste des toxiques responsables ne saurait être complète
et est en perpétuelle réactualisation. Syndromes confusionnels d’origine
Médicaments carentielle
Il s’agit le plus souvent d’un surdosage, mais une hypersen- Dans nos pays, ils ne se rencontrent pratiquement que chez
sibilité idiosyncratique peut être incriminée. Toutefois, l’impli- l’alcoolique chronique. Dans l’encéphalopathie de Gayet-
cation des médicaments n’est pas toujours aisée à mettre en Wernicke, due à une carence en vitamine B1, et précipitée par

6 Neurologie
Syndrome confusionnel ¶ 17-023-A-40

l’apport intempestif de sérum glucosé, il existe en général une d’autonomie pour les actes de la vie quotidienne ; l’isolement
hypertonie extrapyramidale, ainsi que des troubles oculomo- social et familial (changement brutal d’environnement, hospi-
teurs fluctuants et de nature très variable. L’encéphalopathie talisation ou entrée en institution). Ces marqueurs mettent en
pellagreuse, due à une carence en vitamine PP, s’accompagne avant chez ces sujets âgés qualifiés de « fragiles » un état
rarement de la classique mélanodermie avec diarrhées. Il faut d’équilibre médical, psychologique et social précaire, instable, à
donc y penser systématiquement. Les carences en vitamine B6 risque élevé de rupture face à des évènements, même de faible
et B12, peuvent, exceptionnellement, donner un SC. importance. Les étiologies du SC sont les mêmes que chez
l’adulte plus jeune, mais souvent multifactorielles avec des
États de mal épileptiques à expression facteurs prédisposants, telle la vulnérabilité individuelle, et des
facteurs déclenchants souvent intriqués d’origine organique,
confusionnelle médicamenteuse et environnementale. Une cause très fréquente
Sous le terme d’« absence » (petit mal status), Lennox a décrit de SC chez la personne âgée est représentée par la rétention
un état confusionnel stuporeux associé à une activité EEG de d’urines, souvent favorisée par le fécalome [42]. La prévalence
pointes-ondes bilatérales, symétriques et synchrones à 3 c/s. des confusions mentales en postopératoire est importante,
Rare, il survient habituellement dans le cours d’une épilepsie jusqu’à 15 % dans les suites de prothèses de hanche [43, 44]. Les
généralisée primaire antérieurement connue. Des SC d’origine médicaments à marge thérapeutique étroite (anticoagulants
épileptique peuvent également être observés dans des états de oraux, digitaliques, antidiabétiques oraux, lithium, antiépilepti-
mal partiels. ques antiarythmiques, aminosides, etc.) et les anticholinergiques
C’est le cas de l’« état de mal partiel complexe », également sont impliqués dans un grand nombre de cas. Aucun facteur
dénommé « état de mal psychomoteur » ou « état de mal n’est retrouvé dans 20 % des SC. Ces situations inexpliquées
limbique », où le foyer est temporal ou frontotemporal, uni- ou imposent la recherche d’un état épileptique.
bilatéral.
C’est aussi le cas de l’état de mal avec foyer frontal polaire, Syndromes confusionnels en cancérologie
uni- ou bilatéral. Ce dernier réalise un état d’obnubilation Environ 25 % à 40 % des patients cancéreux ont fait un
calme, parfois euphorique, qui a suscité l’appellation de pseudo- épisode confusionnel ; ce chiffre atteint 85 % quand ils sont au
état d’absence (petit mal status-like). Au contraire, l’état de mal stade terminal. Aux causes spécifiques du SC chez les patients
partiel complexe peut être agité et en imposer pour un état cancéreux (encéphalite limbique paranéoplasique, tumeurs
maniaque ou délirant. La clinique est généralement insuffisante cérébrales primitives ou secondaires, coagulation intravasculaire
pour porter un diagnostic étiologique de certitude et l’apport de disséminée) s’associent les causes précédemment citées : médi-
l’EEG est essentiel, surtout quand le tableau est inaugural de camenteuses (opioïdes, corticoïdes), l’hypercalcémie, l’insuffi-
l’épilepsie [39]. sance hépatique, les infections, etc. [13].

Syndromes confusionnels d’origine ■ Conduite à tenir devant


vasculaire
un syndrome confusionnel
Rarement, un accident vasculaire peut avoir pour principale
expression un SC. Ainsi, les hématomes sous-duraux chroni- Une fois le diagnostic de SC posé, le problème urgent réside
ques, les hémorragies méningées, les thrombophlébites cérébra- dans le diagnostic étiologique, qui guide la conduite thérapeu-
les ou certains accidents ischémiques peuvent adopter un tique. L’enquête étiologique ne doit cependant pas retarder les
masque confusionnel très trompeur. Dans ce dernier cas, le premiers soins qu’exige le SC. L’hospitalisation est nécessaire
territoire infarci est toujours hémisphérique droit, soit thalami- pour établir la surveillance et mettre en route la thérapeutique :
que, soit sylvien, soit cérébral postérieur [9, 18, 40]. La confusion isoler le malade ; corriger les troubles hydroélectrolytiques ;
de l’encéphalopathie hypertensive est aisée à rattacher à sa contrôler une éventuelle agitation. Les étiologies les plus
cause. La migraine, particulièrement chez l’enfant et l’adoles- fréquentes étant métaboliques ou toxiques, c’est souligner
cent, peut avoir une traduction confusionnelle, habituellement l’importance de l’interrogatoire, pour préciser les pathologies
de plusieurs heures [41]. préexistantes, les traitements suivis (introduction récente d’une
ou plusieurs molécules, modification de la posologie ou arrêt
Syndromes confusionnels d’origine brutal, notamment d’une benzodiazépine), la prise de produits
toxiques, le mode et les circonstances d’installation. Un
infectieuse changement brutal d’environnement doit être recherché chez
Le SC résulte soit de la fièvre, soit de l’action directe de les patients déments ou les personnes âgées. L’examen clinique
l’agent pathogène sur le cerveau. Des exemples classiques de SC aide à trouver l’étiologie et évaluer le retentissement du SC sur
infectieux sont le tuphos de la fièvre typhoïde, la confusion de l’état général.
l’accès palustre, ou celle pouvant émailler une brucellose, L’examen général cherche les signes en faveur d’une infection
l’encéphalopathie liée au virus de l’immunodéficience humaine et les déficits sensoriels, évalue l’état d’hydratation cellulaire
VIH. Parmi les infections à tropisme cérébroméningé figurent (soif, sécheresse de la langue, tension des globes oculaires) et
encore les oreillons, la grippe, la rougeole ou la mononucléose. extracellulaire (tension artérielle, diurèse, pli cutané). L’examen
Mais le SC est encore plus souvent dû à la fièvre engendrée par abdominal (rétention vésicale sur un fécalome), les troubles
une infection à distance (une infection urinaire, par exemple), ventilatoires, l’haleine du malade (odeur de pomme de reinette
particulièrement chez le sujet âgé. de l’acidocétose, foetor hepaticus de l’encéphalopathie hépati-
que), peuvent orienter vers une affection précise. L’examen
neurologique cherche des signes focaux, en principe absents,
Syndromes confusionnels de la personne une raideur méningée, des troubles oculomoteurs, des trémula-
âgée tions, un astérixis.
Les états confusionnels ont une importance considérable en
gériatrie du fait de leur fréquence et de leur sévérité [5]. Toute Examens de première intention
personne âgée présentant un trouble des fonctions cognitives À réaliser dès l’arrivée du malade : ce sont la glycémie, la
dont l’ancienneté n’a pu être établie par l’anamnèse doit être natrémie et l’osmolarité (indices de l’hydratation cellulaire), la
considérée comme confuse jusqu’à preuve du contraire [5, 23]. créatininémie, la protidémie et l’hématocrite (témoins de la
Plusieurs études ont mis en évidence, dans cette population, des fonction rénale), la calcémie, le bilan hépatique (à la recherche
facteurs prédisposant à la survenue du SC : l’âge avancé (supé- d’une insuffisance hépatique) et la saturation d’oxygène. En
rieur à 85 ans) ; la polymédication ; l’altération des fonctions fonction du contexte, on peut y ajouter une gazométrie arté-
cognitives ; les troubles de l’humeur ; l’état nutritionnel rielle (dès qu’existent des troubles ventilatoires), une radiogra-
précaire ; les désordres métaboliques et neurosensoriels ; la perte phie thoracique, des dosages de médicaments ou de toxiques

Neurologie 7
17-023-A-40 ¶ Syndrome confusionnel

dans le sang et les urines, des hémocultures, une uroculture, un facteurs causaux. Le SC résulte d’une souffrance aiguë et diffuse
dosage des enzymes cardiaques, un électrocardiogramme ou un du cerveau souvent d’origine multifactorielle. Les mécanismes
EEG. physiopathologiques restent mal définis et les étiologies sont
diverses : avant tout métaboliques ou toxiques, mais parfois
Examens de deuxième intention aussi endocriniens, carentiels, vasculaires ou infectieux. C’est
une urgence médicale qui nécessite un diagnostic étiologique et
Parmi ceux-ci figurent le scanner cérébral voire l’imagerie par une prise en charge médicale dans les délais les plus brefs. La
résonance magnétique cérébrale et la ponction lombaire, qui prise en charge, relativement bien codifiée, repose sur l’élimina-
s’impose d’urgence s’il y a un syndrome méningé, mais qui peut
tion du facteur causal et un traitement symptomatique aux fins
aussi être pratiquée en l’absence de point d’appel, à la recherche
d’assurer au malade repos, sommeil, une nutrition et une
d’une méningite ou surtout d’une hémorragie méningée. C’est
équilibration hydroélectrolytique, ainsi que des mesures de
en deuxième intention que sont pratiqués les dosages vitamini-
protection contre lui-même.
ques (B12, folates) ou hormonaux (thyroïdiens, parathyroïdiens,
etc.).

Traitement Cet article a fait l’objet d’une prépublication en ligne : l’année du copyright
peut donc être antérieure à celle de la mise à jour à laquelle il est intégré.
Le traitement est avant tout étiologique. Il ne dispense
cependant pas d’un traitement symptomatique. Celui-ci com-
porte l’isolement du patient au calme, dans un local de préfé- .

rence éclairé, en essayant de rétablir les cycles veille-sommeil, de


pallier les déficits neurosensoriels, de promouvoir la communi- ■ Références
cation et l’orientation. Il faut éviter les changements de repères [1] Greiner FC. Der Traum und des fieberhafte Irreseyn. Altenburg:
spatiaux répétés (qui accroissent la confusion) et la contention Brockhaus FA; 1817.
physique. Cette dernière doit être exceptionnelle, n’être réalisée [2] Delasiauve M. Du diagnostic différentiel de la lypémanie. Ann Med
qu’après avoir exploré toutes les solutions alternatives et obéir Psychol (Paris) 1851;3:370-442.
à un protocole précis (prescription médicale motivée sur une [3] Chaslin P. La confusion mentale primitive. Paris: Asselin et Houzeau;
durée limitée, surveillance programmée, réévaluation constante, 1985.
information du malade et de ses proches) [45, 46]. La correction [4] Berrios GE. Delirium and confusion in the 19th century: a conceptual
des troubles hydroélectrolytiques et un apport calorique se font history. Br J Psychiatry 1981;139:439-49.
de préférence per os, sinon par voie parentérale. Dans un [5] Haute Autorité de Santé. Confusion aiguë chez la personne âgée: prise
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Chez l’alcoolique, il faut ajouter de façon systématique une behavioural disorders. Geneva: World Health Organisation; 1992.
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majorant les doses du soir et en privilégiant une monothérapie siques et autres troubles cognitifs. In: American Psychiatric Associa-
(par exemple diazépam per os ou en IM, ou méprobamate per tion, editor. DSM-IV-TR. Manuel diagnostique et statistique des trou-
os ou en IM si le rapport bénéfice-risque des benzodiazépines bles mentaux. Paris: Masson; 2004.
est défavorable). L’aide au sevrage et les états d’anxiété ou [9] Inouye SK, Van Dyck CH, Alessi CA, Balkin S, Siegal AP, Horwitz RI.
d’agitation chez le sujet alcoolodépendant représentent les Clarifiying confusion: the confusion assessment method. Ann Intern
seules indications du méprobamate. Med 1990;113:941-8.
L’objectif premier du traitement pharmacologique est la prise [10] Wei LA, Fearing MA, Sternberg EJ, Inouye SK. The Confusion
en charge des comportements dangereux et pénibles pour le Assessment Method: a systematic review of current usage. J Am
patient [47]. Il doit être réévalué régulièrement en fonction de Geriatr Soc 2008;56:823-30.
l’efficacité, de la tolérance, de l’observance et de l’évolution de [11] Fann JR. The epidemiology of delirium: a review of studies and
methodological issues. Semin Clin Neuropsychiatry 2000;5:64-74.
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[12] Signoret JL. La confusion mentale: une urgence étiologique. Rev Prat
possible sont recommandées.
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Lorsque l’agitation ou les hallucinations sont majeures, les
[13] Lipowski ZJ. Delirium: acute confusional states. New York: Oxford
neuroleptiques sont indispensables (loxapine en cas d’agitation
University Press; 1990.
ou halopéridol en cas d’hallucinations par exemple). L’halopé- [14] Taylor D, Lewis S. Delirium. J Neurol Neurosurg Psychiatry 1993;56:
ridol reste la molécule de première intention dans les recom- 742-51.
mandations américaines, canadiennes et britanniques, les [15] Seltzer B, Mesulam MM. Confusional states and delirium as discorders
neuroleptiques atypiques (olanzapine, rispéridone, clozapine) of attention. In: Boller F, Grafman J, editors. Handbook of
étant considérés comme une alternative du fait de leur moindre neuropsychology. Amsterdam: Elsevier; 1990. p. 165-74.
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durée d’action courte dans les confusions par sevrage en alcool [17] Chedru F, Geschwind N. Writing disturbances in acute confusional
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de Lewy, la clozapine à faible posologie (inférieure à 50 mg/j) [19] Ey H, Bernard P, Brisset C. Les psychoses confusionnelles. In: Ey H,
est le seul neuroleptique qui a montré un intérêt significatif par Bernard P, Brisset C, editors. Manuel de psychiatrie. Paris: Masson;
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journalière, qui tire son unité de sa sémiologie. Les manifesta- [23] Inouye SK. Delirium in older persons. N Engl J Med 2006;354:
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8 Neurologie
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69:519-21. follow up. J Neurol Neurosurg Psychiatry 2004;75:689-95.

F. Sellal, Praticien hospitalier, chef de service (francois.sellal@ch-colmar.fr).


Département de neurologie, Hôpitaux civils de Colmar, 39, avenue de la Liberté, 68000 Colmar, France.
J.-M. Michel, Praticien hospitalier, chef de service.
Pôle de gérontologie clinique, Hôpitaux civils de Colmar, 39, avenue de la Liberté, 68000 Colmar, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Sellal F., Michel J.-M. Syndrome confusionnel. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris), Neurologie,
17-023-A-40, 2011.

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décisionnels supplémentaires Animations légaux au patient supplémentaires évaluations clinique

Neurologie 9
¶ 17-023-A-41

Sémiologie et orientation diagnostique


des encéphalopathies de l’adulte
T. de Broucker

Les encéphalopathies sont des affections diffuses du système nerveux central dont les causes sont
extrêmement nombreuses. Leur sémiologie est variée tant en ce qui concerne le trouble de conscience que
les troubles neurologiques ou extraneurologiques associés. L’orientation diagnostique est largement
guidée par l’anamnèse et par l’analyse précise de la sémiologie. L’électroencéphalogramme est essentiel
au diagnostic d’encéphalopathie et peut orienter l’enquête étiologique. L’imagerie est indispensable pour
vérifier l’absence de lésion cérébrale structurelle. Elle peut dans certains cas apporter des éléments
d’orientation ou d’évaluation pronostique. Ce chapitre de l’EMC aborde ces différents points dans un
ordre pertinent pour la pratique clinique. La spécificité de certaines situations fait l’objet de
développements particuliers : sujets âgés, encéphalopathies limbiques, syndrome d’encéphalopathie
postérieure réversible.
© 2009 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Encéphalopathie ; Trouble de conscience ; Mouvements anormaux ; Oculomotricité ;


Trouble du tonus ; Trouble végétatif ; Encéphalopathies auto-immunes

Plan la stratégie diagnostique doit être formalisée de manière à


assurer les meilleures chances de succès à la découverte de la
¶ Introduction 1 cause pour engager au plus vite la prise en charge thérapeutique
adaptée.
¶ Physiopathologie 1
¶ Généralités 2
¶ Stratégie diagnostique 2 ■ Physiopathologie [1-3]

Anamnèse 2
Trouble de la conscience 4 La conscience normale est caractérisée par la mise en jeu
Troubles du tonus et des réflexes tendineux 6 hiérarchisée ou en parallèle de fonctions pouvant chacune par
Mouvements anormaux 6 son dysfonctionnement être responsable d’un trouble global. La
Crises épileptiques 6 conscience normale fait intervenir l’éveil, la perception senso-
Troubles oculomoteurs 7 rielle, l’attention, la motivation, la mémoire de travail, la
Troubles végétatifs 7 mémoire à long terme, et la cognition. L’expression de l’état de
Troubles sensoriels 8 conscience nécessite une motricité adaptée permettant à
Anomalies de l’examen clinique systémique 8 l’individu d’interagir avec l’observateur et l’environnement.
Examens électrophysiologiques (EEG, potentiels évoqués) 8 Les troubles de la vigilance peuvent être dus à des causes
Examens morphologiques 9 multiples touchant de façon plus ou moins spécifique les
Examens biologiques 10 mécanismes de l’éveil ou de façon plus diffuse le fonctionne-
¶ Cas particuliers 12 ment cortical global. Le fonctionnement cérébral global dépend
Confusion mentale du sujet âgé 12 en premier lieu de son alimentation énergétique. L’éveil cérébral
Syndrome d’encéphalopathie postérieure réversible 12 fait intervenir des structures neuronales situées dans le
Encéphalopathies auto-immunes 13 mésencéphale et dans le diencéphale qui ont une action
neurophysiologique (réseaux neuronaux) et neurochimique. La
¶ Conclusion 14
structure centrale de l’éveil est le système réticulé activateur
ascendant situé dans le tegmentum mésencéphalique, projetant
sur les noyaux intralaminaires non spécifiques du thalamus et
■ Introduction sur l’hypothalamus puis sur l’ensemble du cortex cérébral. Les
principaux systèmes neurochimiques impliqués dans la vigi-
Toute affection pathologique focale ou diffuse touchant le lance sont cholinergiques, monoaminergiques (noradrénaline,
système nerveux central peut être appelée encéphalopathie. On dopamine, sérotonine) et acide gamma-amino-butyrique (GABA)
prend ici pour définition de l’encéphalopathie un état de ergiques. Les dysfonctionnements énergétiques cérébraux
dysfonctionnement global du système nerveux central se (manque d’oxygène et de glucose) se manifestent sous la forme
manifestant principalement par un trouble de la conscience dû d’un trouble de vigilance dès que la carence en substrats
à un trouble de la vigilance. Il s’agit d’affections graves pouvant survient car le système nerveux central ne dispose d’aucune
mettre rapidement en jeu le pronostic vital. Les causes réserve d’énergie. Toutes les causes d’encéphalopathies sont
d’encéphalopathies sont extrêmement diverses ; c’est pourquoi responsables soit d’un défaut d’apport ou d’utilisation des

Neurologie 1
17-023-A-41 ¶ Sémiologie et orientation diagnostique des encéphalopathies de l’adulte

Tableau 1. Mais cette règle arbitraire ne doit pas être absolue : certaines
Physiopathologie des encéphalopathies. encéphalopathies peuvent toucher préférentiellement des
Mécanisme principal Exemples
structures cérébrales particulières ou s’accompagner d’anomalies
caractéristiques à l’imagerie. Enfin, l’étude du liquide
Carence directe de substrat O2, glucose céphalorachidien (LCR) doit être systématique en l’absence de
Carence indirecte de Vitamines B1, PP contre-indication (hémostase, imagerie cérébrale).
substrat
Neurotoxicité CO, alcool, métaux lourds, etc.
Sevrage Alcool, sédatifs, opiacés, antiépileptiques ■ Stratégie diagnostique [1, 3-5]

Dysfonction Insuffisance hépatique, endocrinopathies,


neurochimique endogène syndrome de Reye, syndrome malin des
Le mode d’installation et la symptomatologie neurologique et
neuroleptiques, coup de chaleur, troubles extraneurologique des encéphalopathies comportent, autour du
du sommeil noyau commun que sont les troubles de la conscience, des
éléments variables en fonction de l’étiologie. Ces éléments sont
Dysfonction Sédatifs, antidépresseurs, neuroleptiques,
neurochimique exogène anticholinergiques, antiépileptiques,
inconstants et variables mais leur collecte systématique par
cholinergiques, sérotoninergiques, l’examen clinique et leur prise en compte dans la démarche
sympathomimétiques, opiacés, étiologique sont indispensables à une orientation diagnostique
hallucinogènes, etc. rapide et, partant, à une attitude thérapeutique adaptée [4]. Nous
Dysfonction homéostasie Osmolarité, équilibre acidobasique,
abordons successivement les divers éléments qui constituent le
métabolique thermorégulation, équilibres ioniques (Na, tableau clinique et paraclinique en précisant pour chacun d’eux
Ca, P, Mg), etc. les éléments d’orientation étiologique qu’il peut fournir.
Lésions entraînant un Infections méningées, infections générales
dysfonctionnement graves, désordres de la microcirculation et
cérébral global de la coagulation, maladies
inflammatoires, épilepsies, hypertension
artérielle, hypertension intracrânienne
“ Points importants
O2 : oxygène ; CO : monoxyde de carbone ; Na : sodium ; Ca : calcium ; P: Éléments du raisonnement diagnostique devant
phosphore; Mg: magnésium.
une encéphalopathie
Anamnèse, contexte, évolution
substrats énergétiques, soit d’un dysfonctionnement des systè- Évaluation et caractérisation du trouble de la conscience
mes neurophysiologiques et surtout neurochimiques impliqués Troubles du tonus et des réflexes tendineux
dans l’éveil (Tableau 1).
Mouvements anormaux, troubles de la coordination
Crises épileptiques
■ Généralités Troubles oculomoteurs intrinsèques et extrinsèques
Troubles végétatifs
Les encéphalopathies posent des problèmes diagnostiques Troubles sensoriels
fréquents de difficulté très variable. Leurs étiologies sont
Examen clinique systémique
extrêmement nombreuses (Tableau 2) [1, 3-64] et les situations
cliniques hétérogènes. Les éléments à prendre en compte dans
Examens complémentaires électrophysiologiques
la démarche diagnostique étiologique d’une encéphalopathie Examens morphologiques
sont nombreux et aucun n’est moins important qu’un autre [4]. Examens biologiques
Les données que doit recueillir l’interrogatoire de l’entourage
et/ou des témoins sont : le contexte de survenue, la cinétique
d’installation, les antécédents dont, en particulier, les maladies
neurologiques chroniques, les traitements en cours et leurs dates
Anamnèse
d’introduction, les intoxications connues ou suspectées. Les Le mode d’installation est un élément essentiel de la discus-
doutes sur une intoxication accidentelle ou volontaire peuvent sion diagnostique d’une encéphalopathie. Une installation aiguë
même rendre indispensable une enquête au domicile du patient fera suspecter une intoxication par une drogue ou un toxique
ou sur son lieu de travail. L’examen clinique doit être très agissant directement sur les mécanismes de la vigilance : alcool,
complet d’emblée, recueillant les éléments fournis par l’examen benzodiazépines, opiacés, drogues hallucinogènes, ou sur le
général (température, tension artérielle, coloration de la peau, seuil épileptogène : théophylline, sevrages en sédatifs ou en
signes de défaillance d’organe), et les éléments fournis par antiépileptiques. Certaines encéphalopathies carentielles
l’examen neurologique (agitation ou apathie, niveau de vigi- peuvent aussi s’installer de façon aiguë : Gayet-Wernicke,
lance, rythme veille-sommeil, niveau d’attention, orientation Marchiafava-Bignami. En cas de fièvre associée, on évoque
temporospatiale, présence d’hallucinations ou d’illusions, immédiatement une méningite bactérienne ou une ménin-
mouvements anormaux, tonus, réflexes, aspect des pupilles, goencéphalite. Le mode d’installation subaigu est le plus
oculomotricité). Le profil évolutif des troubles et leur réponse fréquent et ouvre très largement l’éventail des possibilités
aux traitements ou à l’arrêt de l’exposition aux substances étiologiques. Les grandes catégories diagnostiques évoquées sont
éventuellement en cause est un des éléments essentiels du les troubles métaboliques et hydroélectrolytiques, les maladies
diagnostic. Le bilan paraclinique biologique doit être réfléchi systémiques, les endocrinopathies, les carences alimentaires ou
dès la première évaluation du patient en fonction de l’orienta- vitaminiques, les intoxications et les sevrages médicamenteux et
tion diagnostique suspectée car certains prélèvements n’ont de d’autres substances, les infections non systématisées du système
valeur qu’en urgence, avant toute administration médicamen- nerveux central, certaines lésions intracrâniennes entraînant un
teuse ou avant que les substances en cause aient disparu du dysfonctionnement diffus, certains troubles de l’homéostasie
sérum ou des urines. L’électroencéphalogramme (EEG) est aussi thermique, du sommeil, etc. Des céphalées marquant le tableau
souvent un examen rentable : il doit pouvoir être obtenu en initial doivent faire suspecter une cause d’hypertension intra-
urgence. Son intérêt est à la fois positif (ralentissement diffus du crânienne en l’absence de processus expansif, de méningite, ou
tracé, diminution de la réactivité, figures épileptiques éventuel- d’hémorragie méningée, une encéphalopathie hypercapnique,
les), et négatif (absence de signes en foyer lésionnel). Les ou hypoxique. En cas d’installation sur un mode chronique ou
éléments cliniques et paracliniques négatifs sont évidemment fluctuant, on suspecte plutôt une endocrinopathie, une
essentiels au diagnostic d’encéphalopathie : absence de signes défaillance chronique d’organe, une exposition intermittente à
neurologiques de localisation et imagerie morphologique un toxique, un trouble inné du métabolisme, une maladie
(scanner, imagerie par résonance magnétique [IRM]) normale. neurologique chronique enfin.

2 Neurologie
Sémiologie et orientation diagnostique des encéphalopathies de l’adulte ¶ 17-023-A-41

Tableau 2. Tableau 2.
[1, 3-5] [1, 3-5]
Encéphalopathies : grandes catégories étiologiques . (Suite) Encéphalopathies : grandes catégories étiologiques .
[6-9] [10-13]
Troubles métaboliques Anoxie Intoxications Salicylés
[14-16] [45, 48]
Hypoglycémie médicamenteuses Barbituriques
Hyperglycémie non cétosique [17] Benzodiazépines
[14, 15]
Acidocétose diabétique Méprobamate
Acidose métabolique Valproate de sodium
Hypernatrémie Carbamazépine
[9, 18, 19] [49]
Hyponatrémie Céfépime, ceftazidime
[20-22] [50]
Hypercalcémie Baclofène
Hypocalcémie [9] Lithium
[9] [51, 52]
Hyperosmolarité Antidépresseurs tricycliques
Hypercapnie Neuroleptiques (syndrome malin des
Hypomagnésémie [23] neuroleptiques) [53]
Hypophosphorémie [24] Inhibiteurs de la recapture de la
sérotonine (syndrome
Myélinolyse centro- et
sérotoninergique)
extrapontine [25]
Théophylline
Insuffisance rénale chronique
(urémique) [26, 27] Métronidazole
[28-31] Disulfirame
Insuffisance hépatocellulaire
Syndrome de Reye Antimitotiques (méthotrexate,
[28] 5-fluorouracile, fludarabine,
Pancréatite aiguë
L-asparaginase) [54]
Endocrinopathies [32] Insuffisance hypophysaire [33]
Immunosuppresseurs et
Hypothyroïdie antimitotiques responsables de
Thyrotoxicose syndrome d’encéphalopathie
Insuffisance surrénalienne postérieure réversible (cf. Tableau 6)
Maladie de Cushing Anticholinergiques
Hypo- et pseudohypoparathyroïdie Bismuth
Calcitonine Dialyse rénale (aluminium)
Maladies systémiques Hypertension artérielle [34] Opiacés
Éclampsie Intoxications non Métaux lourds (aluminium, antimoine,
médicamenteuses [50, 55] arsenic, bismuth, étain, lithium,
Vascularites
manganèse, mercure, or, platine,
Connectivites plomb, thallium)
Encéphalopathies auto-immunes [35] [11, 56]
Monoxyde de carbone
[36-39]
Encéphalopathie de Hashimoto Éthanol [6, 47]
[40, 41]
Syndromes paranéoplasiques Acidose métabolique (méthanol,
Troubles diffus de la coagulation éthylène glycol)
(CIVD, SHU)
Solvants (trichloréthylène, toluène,
Syndromes d’hyperviscosité [42]
acétone, méthylchloroforme,
Infections générales graves (sepsis) [43]
tétrachlorure de carbone)
Fièvre typhoïde Cyanure
Leptospirose Hydrocarbures
Maladie de Whipple [57, 58]
Opiacés , héroïne chauffée
Carences Encéphalopathie de Gayet- inhalée
alimentaires/vitaminiques Wernicke [6, 44-46] Cocaïne
Encéphalopathie de Marchiafava- Amphétamines, sympathomimétiques
Bignami [45, 47] a, MDMA (ecstasy)
Encéphalopathie pellagreuse [45] Hallucinogènes
Carence en vitamine B12/folate Cannabis
VIH : virus de l’immunodéficience humaine ; MELAS : mitochondrial myopathy, Inhibiteurs de l’acétylcholine estérase
encephalopathy, lactic acidosis and stroke-like episodes ; CIVD : coagulation (organophosphorés)
intravasculaire disséminée ; SHU : syndrome hémolytique et urémique. Sevrages Alcool
Benzodiazépines
Opiacés
Le terrain de survenue est un élément important de l’orien-
VIH : virus de l’immunodéficience humaine ; MELAS : mitochondrial myopathy,
tation diagnostique : tares, intoxications, défaillance chronique encephalopathy, lactic acidosis and stroke-like episodes ; CIVD : coagulation
d’organe, maladie psychiatrique ou neurologique préexistante intravasculaire disséminée ; SHU : syndrome hémolytique et urémique.
(Tableau 3). Les antécédents médicaux et chirurgicaux ainsi que
les traitements en cours ou arrêtés récemment, le mode de vie,
les voyages récents et les intoxications éventuelles doivent être maximale pour restreindre autant que faire se peut les hypothè-
recueillis ou recherchés par tous les moyens disponibles (inter- ses diagnostiques et éviter de partir sur de fausses pistes. Les
rogatoire du patient ou des proches, présence de conditionne- points importants à préciser sont les suivants [5].
ments vides sur le lieu de ramassage du patient, utilisation • Le trouble de conscience a-t-il été graduel et progressif ou
d’appareils susceptibles de production de CO, etc.). Le mode soudain ? Le niveau de conscience est-il stable, fluctuant ou
d’installation de l’encéphalopathie, les événements récents, la allant s’aggravant ?
chronologie précise des troubles neurologiques et d’éventuels • Y a-t-il eu des signes focaux (déficit, trouble du langage)
symptômes associés doivent être enregistrés avec une fiabilité précédant l’installation du trouble de conscience devant faire

Neurologie 3
17-023-A-41 ¶ Sémiologie et orientation diagnostique des encéphalopathies de l’adulte

Tableau 2. Tableau 3.
[1, 3-5]
(Suite) Encéphalopathies : grandes catégories étiologiques . Orientations diagnostiques devant une encéphalopathie en fonction des
antécédents, du terrain, et des circonstances de survenue.
Infections non systématisées Méningites à pyogènes
du système nerveux central Encéphalite herpétique Alcoolisme chronique Ivresse aiguë (hypoglycémie)
Trypanosomiase Sevrage alcoolique
Encéphalites dues aux arboviroses [59] Carences vitaminiques (B1, PP)
Paludisme Marchiafava-Bignami
VIH Encéphalopathie hépatique
Neurosyphilis Encéphalopathie
Légionellose hypophosphorémique
Borreliose Terrain psychiatrique Tentative de suicide (tous
Bartonellose médicaments ou toxiques
chimiques ou physiques)
Fièvre Q
Intoxication au lithium
Brucellose
Sevrage en psychotropes
Mycoplasme
Toxicomanie (overdose ou sevrage)
Maladie de Whipple
Syndrome malin des
Encéphalopathie à prion
neuroleptiques
Causes physiques Hyperthermie, coup de chaleur [60]
Syndrome sérotoninergique
Hypothermie [61]
Pathologie respiratoire Encéphalopathie respiratoire
Altitude (anoxie anoxique)
préexistante Intoxication par la théophylline
Électrocution [62]
Syndrome d’apnées du sommeil
Brûlures thermiques [63]
Traitement diurétique/trouble Encéphalopathie hyponatrémique
Troubles du sommeil Privation de sommeil
métabolique Myélinolyse centro- et
Syndrome d’apnées du sommeil
extrapontine
périphérique ou central
Ivresse du sommeil Terrain diabétique Acidocétose diabétique
Hypersomnie idiopathique Hypoglycémie
Narcolepsie cataplexie Acidose lactique

Syndrome de Kleine-Levin Terrain néoplasique Encéphalopathie hypercalcémique


Encéphalopathies par trouble Porphyries Encéphalopathie toxique
inné du métabolisme Mitochondriopathies : MELAS, Méthotrexate
syndrome de Leigh Cisplatine
Anomalies du cycle de l’urée [64] Cytarabine
Maladies primitives du Hydrocéphalies Carmustine
système nerveux central Tumeurs du IIIe ventricule Fluorouracile
Lésions hypothalamiques Fludarabine
Épilepsies partielles non convulsives Lévamisole
État de mal absence Thiotepa
VIH : virus de l’immunodéficience humaine ; MELAS : mitochondrial myopathy, IL2
encephalopathy, lactic acidosis and stroke-like episodes ; CIVD : coagulation Interféron a
intravasculaire disséminée ; SHU : syndrome hémolytique et urémique.
Antiangiogéniques : bévacizumab,
sunitinib
rechercher une hypoglycémie après avoir éliminé une lésion Encéphalopathie carentielle
structurelle focale ? Encéphalomyélite
• Y a-t-il des troubles du comportement associés faisant paranéoplasique, encéphalite
suspecter des hallucinations et une encéphalopathie toxique limbique
ou de sevrage ?
Encéphalopathie radique
• Quels sont les antécédents pathologiques du patient ? Les
pathologies à rechercher en priorité sont une épilepsie, un Terrain épileptique État de mal épileptique non
diabète, une hypertension, une maladie psychiatrique, convulsif
pulmonaire, hépatique, rénale. Encéphalopathie médicamenteuse
• Quels sont les traitements habituels du patient ? Lui Valproate de sodium
connaît-on une intoxication chronique ou épisodique, Carbamazépine
alcoolique ou d’autre nature ? Vigabatrine
• Quelle est la profession ou l’occupation habituelle du
Phénytoïne
patient ? À quels produits est-il ou a-t-il été exposé ?
• Y a-t-il eu des épisodes de même nature auparavant ? A-t-il Insuffisance rénale/hypertension Encéphalopathie urémique
déjà été hospitalisé pour des événements similaires et où ? artérielle Encéphalopathie de la dialyse
• D’autres personnes ont-elles présenté des troubles similaires Encéphalopathie hypertensive
dans l’entourage professionnel ou personnel du patient ? Encéphalopathie due au
céfépime/ceftazidime
Trouble de la conscience [3-5, 65]
IL : interleukine ; CO : monoxyde de carbone.
Tous les intermédiaires peuvent exister entre la confusion
mentale avec ou sans agitation mais sans trouble vrai de la
vigilance, et l’obnubilation puis le coma pouvant nécessiter des un examen attentif, voire des tests neuropsychologiques
gestes de réanimation en urgence. Les symptômes précoces peuvent être nécessaires pour mettre en évidence des anomalies
peuvent être subtils comprenant une asthénie, une somnolence, témoignant d’un dysfonctionnement des fonctions supérieures,
des troubles de la concentration et de l’attention. Dans ces cas, le plus souvent de type sous-corticofrontal, chez un patient

4 Neurologie
Sémiologie et orientation diagnostique des encéphalopathies de l’adulte ¶ 17-023-A-41

Tableau 3. Le diagnostic différentiel des confusions mentales comporte


(Suite) Orientations diagnostiques devant une encéphalopathie en principalement les délires psychotiques aigus qui, en l’absence
fonction des antécédents, du terrain, et des circonstances de survenue. d’antécédents psychiatriques connus, imposent une démarche
Contexte de réanimation, Encéphalopathies dysmétaboliques
diagnostique identique aux confusions mentales de causes
infection grave somatiques. En cas d’antécédent psychiatrique, le bilan somati-
Encéphalopathie médicamenteuse
que à la recherche d’une cause toxique ou d’un sevrage en
Encéphalopathie septique particulier, voire de toute autre cause, doit être pratiqué au
Démence Toxicité des médicaments moindre doute compte tenu de l’impossibilité habituelle de
Troubles hydroélectrolytiques disposer d’une anamnèse fiable et de l’exposition aux risques de
Toute pathologie aiguë, dont : la vie courante plus fréquente que dans la population générale.
- pneumopathie Trouble de la vigilance
- affection digestive aiguë
Dans les encéphalopathies, le trouble de la vigilance est
- rétention aiguë d’urines
caractérisé par un trouble de l’éveil allant de la simple difficulté
Encéphalopathie récidivante Exposition à un médicament ou à de son maintien (obnubilation, somnolence, léthargie) aux
un toxique comas (stupeur, coma léger, coma profond). La profondeur du
Encéphalopathie respiratoire trouble de la vigilance peut être chiffrée par l’importance des
Encéphalopathie hépatique stimulations nécessaires pour obtenir des réponses du patient.
Syndrome de Kleine-Levin Le Glasgow Coma Scale est une échelle de cotation qui analyse
les meilleures réponses motrices, verbales et visuelles aux
Contexte collectif Intoxication au CO
stimulations de l’examinateur. Il est particulièrement adapté à
Intoxication par les métaux lourds
l’évaluation neurologique globale des encéphalopathies qui,
Intoxication collective accidentelle dans leur très grande majorité, ne comportent pas de signes de
Contextes particuliers (exercice Coup de chaleur localisation qui pourraient interférer avec la cotation. Le trouble
intense, exposition au froid, est spectaculairement réversible dans certaines intoxications lors
Encéphalopathie hypothermique
altitude) de l’injection d’un antidote (flumazénil dans les intoxications
Mal des montagnes,
par les benzodiazépines, naloxone en cas d’intoxication par
encéphalopathie d’altitude
opiacés).
Contexte professionnel Intoxication par toxique industriel
(solvants) Diagnostic différentiel d’un trouble
Intoxications par pesticides et de la conscience dû à une encéphalopathie
herbicides Il s’agit d’une part du diagnostic différentiel du trouble de la
IL : interleukine ; CO : monoxyde de carbone. conscience, et d’autre part du diagnostic de sa cause au sein du
système nerveux central, structurelle ou fonctionnelle.
présentant une cause d’encéphalopathie (insuffisance hépato- • Le locked-in syndrome ou syndrome de désafférentation dans
cellulaire par exemple) ou se plaignant de troubles intellectuels. lequel la conscience est normale mais ne peut être appréciée
Une atteinte préférentielle de la substance blanche ou grise peut que par l’établissement d’un code de communication avec le
être suspectée sur le profil de l’atteinte clinique avec respective- patient, reposant sur les mouvements de verticalité du regard.
ment un tableau associant troubles attentionnels, visuospatiaux, • Le mutisme akinétique peut réaliser un tableau très proche
mnésiques et dysexécutifs en cas de leucoencéphalopathie et des d’une encéphalopathie au stade d’obnubilation, le diagnostic
troubles du langage, des crises épileptiques, des hallucinations, reposant sur l’anamnèse, l’EEG, et l’imagerie.
des mouvements anormaux et des déficits focaux en cas • Le coma hystérique est le plus souvent de diagnostic facile
d’atteinte corticale ou des noyaux gris centraux. devant une résistance active à l’ouverture des yeux, l’absence
de phénomène des yeux de poupée, la persistance du nystag-
Confusion mentale mus obtenu par stimulation calorique du réflexe oculovesti-
La confusion mentale avec agitation (delirium) est le fait des bulaire, et l’absence de trouble du tonus.
encéphalopathies toxiques et surtout des encéphalopathies de • Un diagnostic différentiel particulier est l’hypersomnie
sevrage. Ce peut être aussi la phase initiale d’une encéphalopa- pathologique de Kleine-Levin dans laquelle, durant les
thie menant au coma. Ce peut être aussi l’expression d’une attaques d’hypersomnie, surviennent des troubles des com-
hypertension intracrânienne aiguë révélant une urgence neuro- portements alimentaires, affectifs, et sexuels et qui doit être
chirurgicale, imposant de ce seul fait un diagnostic différentiel considérée comme une cause d’encéphalopathie.
large et une imagerie cérébrale systématique en urgence. Le
meilleur exemple de confusion mentale est le sevrage alcoolique Recherche d’une lésion focale
(delirium tremens). La sémiologie comporte une désorganisation Un problème diagnostique important que posent les
du cycle veille-sommeil avec au début inversion du rythme encéphalopathies à l’origine d’un coma est d’affirmer l’absence
nycthéméral, désorientation temporospatiale, troubles perceptifs de cause structurelle au trouble de la conscience au sein du
avec illusions auditives ou visuelles, et onirisme mettant en système nerveux central. La présence de signes de localisation
scène les illusions ou de véritables hallucinations souvent hémisphériques ou du tronc cérébral doit immédiatement faire
terrorisantes. Les troubles sont en général fluctuants. Des rechercher une lésion focale.
troubles somatiques sont fréquemment associés à l’agitation L’examen neurologique doit être systématique et particulière-
dans le cours de l’évolution et peuvent aggraver le pronostic : ment orienté vers les fonctions du tronc cérébral. Une attention
fièvre, déshydratation, hyperactivité sympathique, collapsus particulière doit être portée à une asymétrie des réponses
cardiovasculaire, rhabdomyolyse, etc. motrices, du tonus des membres, des réflexes tendineux, des
Les causes les plus fréquentes des états de delirium sont les réflexes cutanés plantaires. Un signe de Babinski bilatéral sans
sevrages (alcool, benzodiazépines, opiacés), les intoxications valeur localisatrice peut parfois être observé. L’oculomotricité
(psychodysleptiques, L-dopa, benzodiazépines, anticholinestéra- extrinsèque, étudiée au besoin par les réponses oculocéphaliques
siques, anticholinergiques), certaines affections métaboliques ou et oculovestibulaires caloriques, est en principe normale mais
endocriniennes (hyperthyroïdie, hypercalcémie, hyponatrémie), certaines causes d’encéphalopathies peuvent s’accompagner
les infections du système nerveux central (méningites, encépha- d’anomalies oculomotrices (cf. infra). L’oculomotricité intrinsè-
lites). Le problème des confusions aiguës des personnes âgées que doit être symétrique et photoréactive. Les réflexes cornéens
lors de la survenue d’une affection somatique quelconque, et ciliospinaux doivent être présents et symétriques. Certains
d’une rétention urinaire par exemple, est fréquent et impose comas toxiques très profonds (barbituriques) peuvent s’accom-
une démarche diagnostique adaptée, large et rapide, compte pagner d’une abolition de l’ensemble des réflexes du tronc qu’il
tenu de la fragilité du terrain. faut donc interpréter en fonction de l’intensité du trouble de la

Neurologie 5
17-023-A-41 ¶ Sémiologie et orientation diagnostique des encéphalopathies de l’adulte

vigilance. Certaines encéphalopathies dont la présentation de type tétanique peuvent se voir en cas d’hypocalcémie ou
clinique peut comporter des signes focaux ou multifocaux d’hypomagnésémie et mettent directement en danger la vie du
peuvent poser des problèmes de définition : par exemple patient par le risque de spasme laryngé.
l’encéphalopathie lupique, les encéphalopathies hypertensives,
toxiques, hyperthermiques, carentielles, certaines encéphalites Mouvements anormaux [66]
infectieuses, la maladie de Whipple, etc. Elles doivent donc être
intégrées à la discussion étiologique. L’apparition, souvent fluctuante ou provoquée par les stimu-
lations ou les mouvements, de mouvements anormaux est très
Les lésions sus-tentorielles entraînent en général des signes de
fréquente dans de nombreuses causes d’encéphalopathies. Leur
localisation latéralisés (hémiplégie, crises motrices) orientant
valeur d’orientation étiologique impose de les rechercher de
facilement vers une lésion focale hémisphérique. Mais elles
façon systématique. Les mouvements anormaux doivent être
peuvent aussi être trompeuses et ne s’exprimer que par un
bilatéraux. Le caractère strictement unilatéral d’un mouvement
syndrome confusionnel comme en cas de manifestation défici-
anormal doit faire rechercher une lésion structurelle. Les
taire ou épileptique d’une lésion temporale droite. La constata-
mouvements anormaux observés sont variés. Il peut s’agir de
tion d’une anomalie du champ visuel ou d’une asymétrie du
myoclonies spontanées ou d’action (sevrages en benzodiazépi-
clignement à la menace prend alors toute sa valeur. Les lésions
nes, intoxication par les métaux lourds, par les antidépresseurs
frontales droites peuvent ne s’exprimer que par un trouble du
tricycliques, par la théophylline, encéphalopathie urémique,
comportement. De même les lésions diencéphaliques bilatérales
encéphalopathie des dialysés, toxicité de la ciclosporine A,
peuvent entraîner un état de mutisme akinétique. Dans tous les
encéphalopathie anoxique et postanoxique, encéphalopathie
cas, même en l’absence d’élément d’orientation focal à l’examen
pellagreuse, encéphalopathie de Hashimoto), d’astérixis (insuf-
neurologique, on ne peut pas se passer d’imagerie morphologi-
fisance hépatocellulaire, syndrome de Reye, insuffisance respi-
que pour éliminer un processus lésionnel focal ou multifocal, en
ratoire, encéphalopathie hyperammoniémique due au valproate
particulier sur un terrain débilité ou à risque. Ainsi par exemple de sodium ou à la carbamazépine), de tremblement fin (hyper-
le risque d’hématome sous-dural bilatéral est si important chez thyroïdie, intoxications par la théophylline), ou grossier (sevrage
l’alcoolique que tout trouble de conscience, même sans signe de alcoolique, hypercalcémie), de mouvements choréiques et de
localisation, et même si l’on dispose d’une explication évidente, dystonie paroxystique (hyperthyroïdie, hypoparathyroïdie,
doit faire pratiquer un scanner. syndrome d’hyperviscosité dû à une polycythémie, lupus
Les lésions sous-tentorielles responsables de troubles de la érythémateux aigu disséminé, intoxication par les neurolepti-
vigilance sont les lésions du tronc cérébral. Elles s’accompa- ques), de mouvements carphologiques (encéphalopathies
gnent le plus souvent d’un désordre de l’oculomotricité intrin- septiques, typhoïde), de trouble de la coordination et d’ataxie
sèque et surtout extrinsèque qu’il faut rechercher attentivement (intoxication alcoolique, intoxications par la phénytoïne, la
en s’aidant si besoin de l’étude des réflexes oculocéphaliques et carbamazépine, hypothyroïdie, encéphalopathie de Gayet-
oculovestibulaires. En cas de persistance d’un doute, l’IRM est Wernicke, encéphalopathie respiratoire, encéphalopathie
indispensable à l’analyse morphologique précise des structures hypoxique d’altitude, maladie cœliaque, légionellose), d’un
de la fosse postérieure avant d’affirmer une cause non « struc- nystagmus (intoxications par les antiépileptiques, par les
turelle » comme une encéphalopathie de Gayet-Wernicke ou psychotropes). Des frissons généralisés doivent faire évoquer
une myélinolyse centropontine devant un tableau évocateur une encéphalopathie du sepsis. Des fasciculations ou des
d’atteinte du tronc. secousses musculaires plus grossières font évoquer une intoxica-
On peut néanmoins observer des signes de localisation dans tion par les drogues anticholinestérasiques, un désordre méta-
deux circonstances principales : l’hypoglycémie, qui doit être bolique de l’excitabilité musculaire (encéphalopathies hyper- ou
recherchée systématiquement dès les premières minutes de hypocalcémiques, hypomagnésémiques, hypophosphorémi-
l’examen (glycémie au doigt), et l’aggravation ou la réapparition ques), voire des causes rares comme le syndrome de Morvan
d’anomalies neurologiques préexistantes, vasculaires par exem- (encéphalopathie auto-immune avec neuromyotonie). Des
ple, dévoilées par une encéphalopathie d’autre cause (imposant myorythmies oculomasticatoires sont pathognomoniques de
une démarche diagnostique double). neuro-Whipple. Des stéréotypies bucco-facio-linguales impres-
sionnantes et parfois mutilantes sont décrites électivement au
cours des encéphalopathies auto-immunes, notamment avec
Troubles du tonus et des réflexes tendineux anticorps anti-récepteur NMDA de glutamate [67].
L’appréciation du tonus musculaire peut fournir des éléments À l’inverse des mouvements anormaux, on peut observer une
importants pour l’orientation étiologique. Toutes les anomalies diminution de la motricité volontaire, une akinésie plus
peuvent être observées : hypotonie, hypertonie plastique, importante que ne le voudrait le trouble de conscience (hypo-
hypertonie oppositionniste. Le trouble est toujours bilatéral et thermie, hypothyroïdie, intoxication par les neuroleptiques, par
symétrique. Une hypotonie généralisée avec diminution des le CO, par le manganèse, par le méthanol, encéphalopathies
réflexes tendineux peut se rencontrer dans toutes les causes anoxiques, encéphalites dues aux arboviroses).
d’encéphalopathies mais doit faire suspecter en premier lieu une
cause métabolique ou toxique (drogues sédatives surtout). La Crises épileptiques
constatation d’une hypotonie doit aussi faire rechercher une L’épilepsie peut elle-même constituer une cause d’encéphalo-
paralysie de cause musculaire ou neurologique périphérique pathie en cas de crises partielles complexes répétées suivies de
avec abolition des réflexes tendineux (hypomagnésémie, phases postcritiques prolongées, d’encéphalite limbique, ou en
hypophosphorémie). Une hypertonie oppositionniste (parato- cas d’état de mal non convulsif idiopathique, cryptogénique ou
nie, Gegenhalten) est habituelle dans toutes les encéphalo- symptomatique. La constatation de clonies palpébrales ou de
pathies agitées (delirium), par exemple en cas de sevrage myoclonies subtiles spontanées des membres peut faire évoquer
alcoolique ou en benzodiazépines, d’hypercalcémie, d’encépha- le diagnostic qui doit être confirmé par l’EEG et par la régres-
lopathie urémique, mais aussi quelle qu’en soit la cause en cas sion du trouble sous l’action du traitement antiépileptique. Les
d’encéphalopathie légère ou modérée survenant chez un patient crises épileptiques généralisées sont aussi des manifestations
dément. L’encéphalopathie de Gayet-Wernicke et surtout la fréquentes de nombreuses causes d’encéphalopathies : encépha-
carence en vitamine PP (pellagre) s’accompagnent d’une lopathies de sevrage, encéphalopathies métaboliques hypona-
hypertonie oppositionniste qui peut être majeure. Une hyperto- trémiques, urémiques, hypercalcémiques, encéphalopathie
nie de type extrapyramidale plus ou moins intense peut être hypertensive, syndrome d’encéphalopathie postérieure réversible
observée dans de nombreuses causes d’encéphalopathies : (EPR), encéphalopathie anoxique, encéphalopathies toxiques
insuffisance ventilatoire, insuffisance hépatique, intoxication (tricycliques, théophylline, cocaïne, amphétamines, métaux
par le monoxyde de carbone, par le manganèse, par les pestici- lourds). Elles en aggravent le pronostic et concourent à leur
des organophosphorés, syndrome malin des neuroleptiques, gravité par le risque de résistance au traitement symptomatique
hypothyroïdie, myélinolyse extrapontine, etc. Des phénomènes et d’état de mal généralisé ne cédant qu’au traitement de la

6 Neurologie
Sémiologie et orientation diagnostique des encéphalopathies de l’adulte ¶ 17-023-A-41

cause de l’encéphalopathie elle-même, avec constitution de Motricité pupillaire


séquelles irréversibles en cas de traitement trop tardif (nécrose
Comme pour l’oculomotricité extrinsèque, la motricité
laminaire du cortex d’extension plus ou moins diffuse en
pupillaire est normale dans la plupart des cas d’encéphalopa-
fonction de la sévérité de l’état de mal).
thies. Toute asymétrie pupillaire doit faire rechercher une lésion
du tronc cérébral, du mésencéphale en particulier, ou une
Troubles oculomoteurs atteinte du sympathique cervical, et diriger la démarche
diagnostique vers une lésion focale touchant les structures
Les troubles oculomoteurs peuvent concerner l’oculomotricité réticulaires impliquées dans l’éveil. Chez les patients en coma
extrinsèque [67] et la motricité pupillaire [68]. profond, l’aspect pupillaire peut devenir le critère le plus
important pour distinguer cliniquement entre une cause
Oculomotricité extrinsèque structurelle et métabolique ou toxique. Ainsi, la préservation de
réponses pupillaires à la stimulation lumineuse, même associée
Elle est normale dans la majorité des cas d’encéphalopathie : à une dépression respiratoire majeure, à une aréflexie vestibu-
la constatation d’un trouble oculomoteur doit faire rechercher laire calorique, à une hypotonie généralisée ou à une rigidité de
une lésion du tronc cérébral qui peut rendre compte du trouble décérébration, doit faire évoquer un coma métabolique. À
de la vigilance. Des troubles oculomoteurs ont néanmoins été l’inverse, si l’anamnèse et les explorations permettent d’éliminer
décrits dans les encéphalopathies, en dehors de l’encéphalopa- une anoxie, une intoxication ou une maladie pupillaire préexis-
thie de Gayet-Wernicke dans laquelle le trouble oculomoteur tante, l’absence de réflexes photomoteurs chez un patient
fait partie intégrante du syndrome clinique. Le trouble oculo- comateux suggère fortement l’existence d’une lésion structurelle
moteur le plus fréquent est le phénomène des yeux de poupée, à l’origine du coma. On peut néanmoins observer des troubles
commun à toutes les encéphalopathies. Ce phénomène n’est pupillaires au cours de certaines encéphalopathies : ces troubles
pas réellement une anomalie car il témoigne seulement de la peuvent même être des indices précieux de l’enquête étiologi-
diminution du contrôle cortical sur les voies réflexes ocu- que. Il faut toujours se méfier d’une mydriase bilatérale aréac-
locéphaliques due au dysfonctionnement global du système tive difficilement compatible avec le tableau clinique qui doit
nerveux. L’observation du phénomène des yeux de poupée faire systématiquement rechercher l’instillation subreptice d’un
permet d’affirmer l’intégrité des voies oculomotrices. Son étude agent topique mydriatique. Un myosis bilatéral doit faire
est capitale pour l’évaluation des fonctions du tronc cérébral. rechercher une intoxication par les opiacés (héroïne, morphine),
L’absence d’éveil cortical en cas de coma entraîne l’abolition de par la clonidine, mais aussi, associé à d’autres signes choliner-
la motricité oculaire contrôlée par la vision, c’est-à-dire les giques systémiques, une intoxication par un agent parasympa-
saccades volontaires et les mouvements de poursuite lente. De thomimétique (insecticides organophosphorés surtout). Une
même la phase rapide du nystagmus peut-elle être abolie. La mydriase bilatérale doit faire rechercher une intoxication par
simple diminution du niveau de vigilance peut aussi faire une drogue anticholinergique (antidépresseurs tricycliques,
apparaître au cours de toute encéphalopathie un strabisme trihexyphénidyl, datura) ou sympathomimétique (amphéta-
divergent ou convergent dû à la décompensation d’une hétéro- mine, cocaïne, inhibiteurs de la monoamine oxydase [IMAO],
phorie habituellement compensée grâce aux phénomènes de diéthylamide de l’acide lysergique [LSD]).
fusion. Le trouble est alors stable quelle que soit la direction du
regard et on ne peut pas mettre en évidence de paralysie
oculomotrice. Il peut être fluctuant avec les variations du niveau
Troubles végétatifs
de vigilance en cas d’encéphalopathie modérée et disparaître L’observation de troubles végétatifs peut apporter des élé-
lors des phases d’amélioration de l’état de conscience. Des ments importants à l’enquête étiologique. Il peut s’agir d’un
déviations toniques du regard peuvent être observées : déviation trouble de la thermorégulation, de troubles de la régulation
tonique vers le bas suivant la déviation latérale après stimula- tensionnelle et de la fréquence cardiaque, de troubles digestifs,
tion calorique dans les comas toxiques dus aux drogues sédati- de troubles du rythme ventilatoire. Une hyperthermie peut être
ves, déviation tonique vers le haut dans les comas anoxiques y observée dans tous les cas d’encéphalopathies, accompagnée
compris en l’absence d’atteinte du diencéphale, déviation d’agitation motrice ou de crises épileptiques (sevrage alcoolique
tonique vers le haut associée aux mouvements oculogyres en ou en drogue sédative, hypercalcémie, etc.), en cas de thyro-
cas d’intoxication par les neuroleptiques. Les myorythmies toxicose, en cas d’intoxication par les anticholinergiques, par les
oculaires sont pathognomoniques d’atteinte neurologique de la salicylés, de syndrome malin des neuroleptiques, de syndrome
maladie de Whipple. Une atteinte bilatérale des VI peut être sérotoninergique, de coup de chaleur. La constatation d’une
observée en cas d’hypertension intracrânienne (hyponatrémie, fièvre doit avant tout faire évoquer une cause infectieuse à
hypertension artérielle maligne, hypertension intracrânienne : l’encéphalopathie, dont les méningites bactériennes et les
intoxication par la vitamine A). Une skew deviation ou une méningoencéphalites herpétiques sont les premières responsa-
ophtalmoplégie internucléaire peuvent être observées dans de bles. Une hypothermie peut s’observer en cas d’exposition au
rares cas d’encéphalopathies métaboliques (coma hépatique) ou froid et être en elle-même à l’origine d’une encéphalopathie,
toxiques (phénothiazine, doxépine, opiacés, amitriptyline). Les associée au début à des signes d’hyperactivité sympathique
mouvements conjugués ou disconjugués d’errance du regard réactionnelle puis à une réduction généralisée des métabolismes
n’ont pas de valeur localisatrice et permettent au contraire de et à une acidose métabolique. On peut aussi l’observer en cas
vérifier l’intégrité des voies oculomotrices du tronc cérébral. De d’hypothyroïdie, d’hypopituitarisme, d’encéphalopathie de
même le bobbing oculaire (déviation rapide du regard vers le bas Gayet-Wernicke. Une hypothermie sans cause évidente doit faire
suivie d’une phase de remontée lente en position neutre qui rechercher une cause hypothalamique ou une atteinte limbique
témoigne le plus souvent d’une lésion pontique) peut être évoluant dans le cadre d’une encéphalite auto-immune, notam-
observé en cas d’encéphalopathie toxique ou métabolique. ment avec anticorps anti-NMDAR [69] . Une hypertension
L’encéphalopathie de Gayet-Wernicke est un cas particulier artérielle importante, dont les chiffres doivent être rapportés
parmi les encéphalopathies puisqu’il existe des lésions structu- aux antécédents du patient et à la situation clinique (grossesse
relles du tronc cérébral et que ces lésions sont responsables des par exemple), doit faire évoquer une encéphalopathie hyperten-
troubles oculomoteurs évocateurs du diagnostic : l’ophtalmo- sive, ou, associée à une tachycardie, une intoxication par une
plégie est bilatérale, en général symétrique, et peut comprendre drogue sympathomimétique (cocaïne, amphétamine). En
une parésie de l’abduction, un nystagmus du regard, une revanche, une dépression cardiovasculaire de même qu’une
ophtalmoplégie internucléaire, une paralysie de la latéralité et dépression respiratoire sont des éléments non spécifiques de la
de la verticalité. Tous ces troubles disparaissent de façon plupart des encéphalopathies lorsque le trouble de conscience
spectaculaire et caractéristique après l’injection de thiamine. La est sévère. Les intoxications par les organophosphorés entraî-
récupération totale peut prendre plusieurs semaines, voire rester nent une augmentation diffuse des sécrétions exocrines (sueur,
incomplète en cas de traitement trop tardif et de passage à salive, larmes, bronchorrhée, diarrhée) associée à une bradycar-
l’encéphalopathie de Korsakoff. die et une hypotension. Des sueurs profuses et des signes

Neurologie 7
17-023-A-41 ¶ Sémiologie et orientation diagnostique des encéphalopathies de l’adulte

Tableau 4. l’hypothyroïdie, ictère et angiomes stellaires en cas d’insuffi-


Principales toxicomanies responsables d’encéphalopathies. sance hépatocellulaire, traces d’injections en cas de toxico-
Psychoanaleptiques Amphétamines et apparentés
manie, etc. ;
• recherche d’une hépatomégalie, de signes de collapsus,
Cocaïne
d’anomalies ECG de la conduction intracardiaque (intoxica-
Psycholeptiques Opiacés tion tricyclique, intoxication digitalique), de troubles de
Anxiolytiques l’excitabilité cardiaque, de bradycardie anormale ;
Barbituriques • anomalies ventilatoires : foetor hepaticus dans l’insuffisance
Neuroleptiques hépatocellulaire ;
• odeur acétonique de l’haleine dans l’acidocétose diabétique,
Antihistaminiques
hyperventilation en cas d’acidose métabolique (dyspnée de
Psychodysleptiques Cannabinoïdes Kussmaul) ;
LSD • examen du fond d’œil : un œdème papillaire devant faire
Cycloamines rechercher une intoxication saturnine, arseniée, ou par la
Solvants vitamine A mais aussi évoquer une encéphalopathie de
Alcool
Gayet-Wernicke ;
• une rétinopathie hypertensive aiguë sévère peut être observée
Anticholinergiques
dans les encéphalopathies postérieures aiguës réversibles de
LSD : diéthylamide de l’acide lysergique. cause hypertensive.
Un syndrome infectieux systémique initial associé à une
encéphalopathie peut avoir plusieurs significations. Une
d’activation adrénergique doivent faire suspecter une hypogly- méningite à pyogène et une méningoencéphalite herpétique
cémie. Une anomalie ventilatoire est observée dans les cas doivent être recherchées en urgence avec mise en route d’un
d’hypoxie (hyperventilation compensatrice) ou d’hypercapnie traitement antibactérien et antiherpétique systématique en
(hypoventilation « alvéolaire »). Un rythme ventilatoire de type attendant les résultats des prélèvements microbiologiques (sang,
Cheynes-Stokes lent est observé en même temps que le trouble LCR). La fièvre peut aussi témoigner d’une infection d’organe
du sommeil dans l’encéphalopathie d’altitude. autre que neurologique, entraînant une encéphalopathie due à
la fragilité neurologique d’un sujet âgé ou présentant une
Troubles sensoriels affection préexistante du système nerveux central. Elle peut
enfin être en rapport avec une infection responsable d’un choc
Toutes les anomalies de l’état de conscience s’accompagnent septique.
de troubles de la perception auditive et visuelle. Les manifesta-
tions de ces troubles enrichissent le tableau de la confusion Examens électrophysiologiques
mentale. Il s’agit principalement d’illusions qui peuvent prendre
tous les caractères d’hallucinations en cas d’onirisme associé
(EEG, potentiels évoqués) [70-75]
comme dans le delirium tremens. Ces illusions peuvent L’EEG est un examen essentiel au diagnostic positif et
conduire à des anomalies comportementales : agitation, fuite, différentiel d’une encéphalopathie. Il est aussi parfois utile au
agressivité, majorées par les mesures malencontreuses qui diagnostic étiologique. Les caractéristiques générales du tracé
aggravent le trouble perceptif (contention, faible éclairage, etc.). comportent un ralentissement monomorphe et symétrique du
Des troubles perceptifs spécifiques sont décrits dans certaines rythme de fond prédominant d’abord en frontal puis généralisé
intoxications et doivent constituer des indices étiologiques sur tout le scalp, associé à une diminution progressive de la
précieux. Ainsi la dyschromatopsie de l’intoxication digitalique, réactivité aux stimulations sensorielles. Au maximum, dans les
les hallucinations élaborées du LSD, du cannabis, des drogues comas barbituriques, le tracé de fond peut être plat et aréactif
anticholinergiques, du sevrage en opiacés doivent-elles conduire et peut poser des problèmes d’interprétation, surtout lorsqu’il
à l’enquête et aux dosages appropriés (Tableaux 4, 5). À côté des s’accompagne de la survenue périodique d’anomalies pointues
troubles perceptifs productifs, on peut observer des troubles (tracé suppressif). Dans les encéphalopathies hépatiques et
négatifs comme les éclipses visuelles et la cécité corticale du respiratoires, le tracé est progressivement envahi d’ondes lentes
syndrome d’EPR ou les troubles proprioceptifs parfois majeurs delta monomorphes, typiquement triphasiques (Fig. 1). Dans
de la carence en vitamine B12 dont les manifestations peuvent ces cas le tracé a un intérêt dans la surveillance de l’évolution
être déclenchées par l’administration isolée d’acide folique. puisqu’il apparaît évoluer avec un temps d’avance sur la
clinique. Des ondes lentes triphasiques peuvent être observées
Anomalies de l’examen clinique systémique dans d’autres encéphalopathies que l’encéphalopathie hépati-
que : urémie, sepsis grave, hypercalcémie. Dans les encéphalo-
Toute anomalie clinique extraneurologique doit être recher- pathies de sevrage (alcool, sédatifs), le tracé peut montrer des
chée avec soin : anomalies paroxystiques épileptiques incitant à la mise en route
• au niveau du revêtement cutané : coloration rouge cochenille d’un traitement antiépileptique. Dans les encéphalopathies
de la peau dans l’intoxication oxycarbonée, cyanose des toxiques, l’EEG peut montrer des rythmes rapides faisant
extrémités dans l’encéphalopathie respiratoire, pâleur dans évoquer une intoxication par des psychotropes, ou parfois une

Tableau 5.
Principaux symptômes dus aux intoxications et sevrages en substances illicites.
Surdosages (overdose) Confusion mentale/psychose aiguë Sédation, ataxie, coma Défaillance respiratoire
Paranoïa aiguë Crises épileptiques et myoclonies Crise hypertensive
Attaque de panique Anomalies pupillaires Arythmie cardiaque
Suicide/violences Mouvements anormaux Hyperthermie maligne
Acidose métabolique
Sevrages Hallucinations Tremblements Fatigue
Syndrome dépressif Delirium Syndrome fébrile pseudogrippal
Troubles du comportement Déshydratation
Troubles digestifs
Faim

8 Neurologie
Sémiologie et orientation diagnostique des encéphalopathies de l’adulte ¶ 17-023-A-41

Figure 3. Maladie de Creutzfeldt-Jakob. Électroencéphalogramme :


tracé pseudopériodique (1 Hz) généralisé.

Figure 1. Encéphalopathie hépatique. Électroencéphalogramme : on-


des lentes triphasiques monomorphes généralisées.

Figure 2. Encéphalopathie due à l’administration de céfépime chez un


patient insuffisant rénal. Électroencéphalogramme : tracé pseudopériodi-
que (1 Hz) généralisé. Figure 4. Encéphalopathie hépatique chronique. Imagerie par réso-
nance magnétique écho de spin pondérée en T1 : hypersignaux bipalli-
daux caractéristiques.
A. Coupe axiale.
activité épileptiforme. De même on peut observer une activité B. Coupe coronale.
épileptiforme, éventuellement focale, dans l’hypoglycémie. Un C. Coupe sagittale.
tracé pseudorythmique ou pseudopériodique peut caractériser
certaines encéphalopathies toxiques (céfépime, ceftazidime,
baclofène, lithium, bismuth [49, 50, 71]) (Fig. 2), ou infectieuses
comme l’encéphalite herpétique, la panencéphalite sclérosante
Examens morphologiques
subaiguë, et la maladie de Creutzfeldt-Jakob (Fig. 3). Dans les Les examens morphologiques, scanner X et/ou IRM, sont
encéphalopathies anoxiques, le tracé peut être déprimé et indispensables dans le bilan d’un trouble de la conscience
surchargé d’une activité de pointes périodiques généralisées d’origine indéterminée pour affirmer l’absence de lésion
(tracé suppressif). Un tracé d’alpha coma peut s’observer dans structurelle. L’IRM, quand elle est réalisable (patient calme), doit
de nombreux types d’encéphalopathies, anoxiques et toxiques comprendre au moins des séquences pondérées T1, avec et sans
en particulier. Il est de mauvais pronostic, en particulier s’il est contraste, fluid attenuated inversion recovery (FLAIR), T2 en écho
aréactif. Enfin dans les encéphalopathies de causes épileptiques de gradient, et une séquence de diffusion. L’examen peut être
soit normal, c’est le cas le plus fréquent, en particulier dans les
(états de mal non convulsifs, syndromes postcritiques prolon-
encéphalopathies toxiques, soit montrer des signes évocateurs
gés), l’EEG permet de faire le diagnostic, de poser les indications
de la cause de l’encéphalopathie, soit déceler une lésion
thérapeutiques, et de surveiller l’efficacité de la prise en charge
séquellaire révélant des signes neurologiques focaux inexpliqués
thérapeutique. dans le contexte d’une encéphalopathie d’autre cause.
Les potentiels évoqués n’ont que peu d’utilité diagnostique au L’IRM de l’encéphalopathie hépatique est très évocatrice si
cours des encéphalopathies. Il est indispensable d’avoir vérifié elle montre des anomalies de signal des noyaux lenticulaires à
avant toute interprétation que les voies périphériques sensoriel- type d’hyperintensités pallidales sur les clichés en écho de spin
les sont intactes. L’altération précoce des potentiels évoqués pondérés en T1 (Fig. 4A à C). Dans l’encéphalopathie hyperten-
somesthésiques est un facteur de mauvais pronostic dans les sive et plus largement dans les encéphalopathies postérieures
comas anoxiques. L’étude des potentiels évoqués auditifs peut réversibles, l’IRM montre des anomalies de signal T2 et FLAIR
être utile dans les comas profonds sans signe de localisation touchant la substance blanche et le cortex hémisphérique
pour rechercher une atteinte structurelle du tronc cérébral. postérieur (Fig. 5A à D). Mais l’atteinte peut aussi toucher,

Neurologie 9
17-023-A-41 ¶ Sémiologie et orientation diagnostique des encéphalopathies de l’adulte

Figure 6. Myélinolyse centropontine.


A. Imagerie par résonance magnétique, coupe sagittale pondérée en T1.
B. Coupe axiale pondérée en T2 (flèches).

Figure 7. Encéphalopathie de Gayet-Wernicke. Imagerie par résonance


Figure 5. Encéphalopathie postérieure réversible due à la ciclosporine. magnétique écho de spin pondérée en T2 : hypersignal mésencéphalique
A. Imagerie par résonance magnétique écho de spin-T1 après injection de périaqueducal (flèche).
gadolinium : hyposignaux discrets pariéto-occipitaux ne prenant pas le
contraste et n’exerçant pas d’effet de masse.
B. Séquence fluid attenuated inversion recovery (FLAIR) : les anomalies sont
nettement mieux visibles, touchant à la fois le cortex et la substance
blanche sous-corticale.
C. Imagerie de diffusion : hypersignal bilatéral.
D. Le coefficient apparent de diffusion (ADC) est élevé, attestant de la
nature vasogénique de l’œdème.

parfois exclusivement, le tronc cérébral et/ou le cervelet. Les


lésions peuvent aussi s’étendre en avant dans les régions
frontales. Elles peuvent prendre le contraste sur les clichés
T1 après injection de gadolinium.
L’encéphalopathie hyponatrémique s’accompagne aussi de
signes de gonflement encéphalique diffus à l’imagerie mais sans
anomalie de signal de la substance blanche. L’existence de
calcifications des noyaux gris centraux au scanner X doit faire Figure 8. Encéphalopathie de Marchiafava-Bignami.
évoquer une pathologie du métabolisme phosphocalcique A. Scanner cérébral : hypodensité du splénium du corps calleux (flèches)
(hypoparathyroïdie). La myélinolyse centropontine et éventuel- et séquelles traumatiques frontales gauches.
lement extrapontine compliquant la correction trop rapide B. Imagerie par résonance magnétique pondérée en T1, coupe sagittale
d’une hyponatrémie profonde se traduit par une anomalie de montrant l’hypodensité étendue dans le corps du corps calleux (flèches).
signal scanographique et IRM à type d’hypodensité (hyposignal
T1, hypersignal T2 et FLAIR) dans le pied de la protubérance
(Fig. 6A, B) et parfois la substance blanche hémisphérique, voire atrophie corticale et hyposignaux bipallidaux de l’encéphalopa-
les noyaux gris centraux. thie postanoxique (Fig. 10A, B). La nécrose laminaire du cortex
Dans l’encéphalopathie de Gayet-Wernicke, l’IRM peut (postanoxique) réalise un aspect spécifique mais retardé et
montrer des anomalies de signal de la région mésencéphalique transitoire d’hypersignal T1 et en diffusion, cortical linéaire,
périaqueducale, des thalamus internes et des corps mamillaires sans anomalie sur les clichés T2 écho de gradient (Fig. 11A, B).
très évocatrices en T2, FLAIR, diffusion (Fig. 7). Il peut y avoir Certains aspects doivent faire évoquer des causes particulières
prise de contraste des corps mamillaires. dans le cadre des démences d’évolution rapide comme la
Le diagnostic d’encéphalopathie de Marchiafava-Bignami peut leucoencéphalopathie diffuse de l’encéphalopathie due au VIH
être porté sur le scanner X et sur l’IRM qui montrent les (Fig. 12) ou les anomalies corticales et striatales caractéristiques
anomalies de signal puis la nécrose du corps calleux (Fig. 8A, B). en séquences pondérées en diffusion de l’encéphalopathie de
L’encéphalopathie limbique se traduit par des anomalies de Creutzfeldt-Jakob (Fig. 13).
signal T2 et FLAIR prenant inconstamment le gadolinium en
T1, situées au niveau de T5, plus ou moins symétriques Examens biologiques
(Fig. 9A, B).
L’imagerie peut aussi montrer les séquelles à distance d’une À côté de l’anamnèse, dans le cas des causes toxiques et
encéphalopathie sévère ou compliquée : hématomes sous- iatrogènes, c’est le bilan biologique qui apporte le diagnostic
duraux compliquant une encéphalopathie hypernatrémique, étiologique de l’encéphalopathie dans la très grande majorité

10 Neurologie
Sémiologie et orientation diagnostique des encéphalopathies de l’adulte ¶ 17-023-A-41

Figure 9. Encéphalite limbique paranéoplasique avec anticorps anti-Hu Figure 12. Encéphalopathie subaiguë due au virus de l’immunodéfi-
et anti-amphiphysine. Imagerie par résonance magnétique, séquences cience humaine (VIH). Imagerie par résonance magnétique, coupe axiale
pondérées en T2. Hypersignal temporal interne, (flèches). Coupes axiale pondérée en fluid attenuated inversion recovery (FLAIR) : hypersignaux
(a) et coronale (b). diffus de la substance blanche hémisphérique respectant les fibres en U.

Figure 10. Nécrose bipallidale après arrêt cardiorespiratoire ressuscité.


Figure 13. Encéphalopathie de Creutzfeldt-Jakob. Imagerie par réso-
Imagerie par résonance magnétique, séquences pondérées en T1. Hypo-
nance magnétique, séquence pondérée en diffusion : hypersignaux du
signal franc des deux pallidums internes (flèches). Coupes axiale (a) et
striatum et du cortex (flèches).
coronale (b).

capitale pour garantir les meilleures chances de parvenir à un


diagnostic étiologique le plus fiable possible. En effet de
nombreuses anomalies auront pu être présentes sur les prélève-
ments initiaux et disparaître avec la prise en charge hospitalière
du patient ainsi soustrait à une exposition pathogène (médica-
ment, toxique, etc.). Il faut donc toujours conserver dans les
meilleures conditions des prélèvements biologiques pour
dosages différés en fonction d’éléments anamnestiques ou
cliniques recueillis durant la prise en charge du patient. Mais il
ne faut pas attendre le résultat d’un prélèvement pour mettre en
œuvre un traitement urgent dont dépend le pronostic neurolo-
gique du patient (exemple de la thiaminémie et du traitement
de l’encéphalopathie de Gayet-Wernicke). L’étude du LCR est
quasiment systématique en cas d’encéphalopathie à condition
que l’imagerie ait éliminé une hypertension intracrânienne. On
recherche en urgence les principaux diagnostics différentiels :
Figure 11. Nécrose laminaire du cortex. méningite à pyogène et méningoencéphalite en particulier
A. Imagerie par résonance magnétique (IRM) coupe axiale séquence herpétique. L’étude des protides du LCR (électrophorèse,
pondérée en T1, hypersignaux spontanés du cortex et des noyaux caudés isoélectrofocalisation) peut être capitale si elle montre une
dus à une encéphalopathie anoxique (flèches). augmentation majeure du taux de gammaglobulines évocatrice
B. IRM en séquence diffusion, hypersignaux prédominant en pariéto- d’une trypanosomiase ou de panencéphalite sclérosante
occipital gauche dus à un état de mal épileptique à point de départ focal subaiguë. Des recherches plus spécifiques sont pratiquées en
(flèches). fonction des éléments d’orientation disponibles : anticorps
particuliers, anti-micro-organismes, antineuronaux (Tableau 6),
anticanaux potassiques, protéine 14-3-3, neuron specific enolase
des cas. Un certain nombre d’examens doivent être systémati- (NSE), etc.
ques, soit pour vérifier un paramètre fréquemment en cause, Le bilan biologique étiologique d’une encéphalopathie
soit pour vérifier des variables exigeant la mise en œuvre de subaiguë à chronique comprend l’ensemble des examens
mesures urgentes (natrémie, glycémie, calcémie, bilan hépati- pratiqués dans les formes aiguës. Il doit être complété des tests
que, gaz du sang, dosage du monoxyde de carbone, ammonié- biologiques spécifiques en fonction du faisceau d’arguments
mie, thiaminémie, recherche de toxiques sanguins ou urinaires). rassemblés grâce à la symptomatologie clinique, biologique, et
L’exhaustivité des prélèvements du bilan biologique initial est à l’imagerie.

Neurologie 11
17-023-A-41 ¶ Sémiologie et orientation diagnostique des encéphalopathies de l’adulte

Tableau 6. Tableau 7.
Autoanticorps antineuronaux associés à l’encéphalite limbique. Facteurs favorisants ou déclenchants d’une confusion mentale chez le
sujet âgé.
Néoplasie Antigène neuronal ou membranaire
Cancer pulmonaire à Hu, CV-2, PCA-2, ANNA-3, amphiphysine, Médicaments et toxiques Hypnotiques
petites cellules VGKC, Zic4 Narcotiques
Testicule (germinale), sein MA-2 (ou Ta), Yo Anticholinergiques
Thymome CV-2, VGKC, nCMAg Polythérapies
Ovaire (tératome) NMDA-R (anti-récepteurs NMDA du Intoxication ou sevrage alcoolique
glutamate) Maladies neurologiques Accident vasculaire cérébral (hémisphère
mineur)
Méningite, encéphalite
Maladie intercurrente Infections et maladies aiguës sévères
Complications iatrogènes

“ Points importants Hypoxie


Collapsus
Hyper- ou hypothermie
Bilan paraclinique systématique devant une
Anémie
encéphalopathie aiguë ou subaiguë sans
indication étiologique clinique Déshydratation
Biologie sanguine : ionogramme sanguin, urée, Mauvais état nutritionnel
(hypoalbuminémie)
créatinine, protidémie, glycémie, lactates, transaminases,
Anomalies métaboliques (électrolytes,
amylase, lipase, taux de prothrombine, numération-
glucose, équilibre acidobasique)
formule sanguine, alcoolémie, gaz du sang, ammoniémie,
thiaminémie (si ne retarde pas l’injection de B 1 ), Chirurgie (anesthésie Orthopédique
générale) Cardiaque, CEC
prélèvements à conserver pour dosages éventuels de
toxiques Autre chirurgie
Biologie urinaire : ionogramme et urée (sur échantillon), Environnement Admission en soins intensifs
glycosurie, cétonurie, recherche de toxiques (opiacés, Utilisation de contention physique
benzodiazépines, barbituriques, antidépresseurs Sondage vésical
tricycliques, etc.) Procédures multiples
ECG Douleur
EEG Stress émotionnel
Imagerie : scanner X cérébral, IRM surtout
Privation de sommeil
Étude du LCR : cytologie, chimie, bactériologie (dont prolongée
antigènes solubles), mycologie et parasitologie, tubes à
CEC : circulation extracorporelle.
conserver pour éventuels dosages ultérieurs (interféron,
PCR [polymerase chain reaction] viraux) en fonction du
contexte et de l’anamnèse
Syndrome d’encéphalopathie postérieure
réversible
Le syndrome d’EPR a été individualisé en 1996 [8] sous la
■ Cas particuliers forme d’un tableau de leucoencéphalopathie réversible, de
présentation clinique assez uniforme, de physiopathologie
probablement commune, un phénomène d’œdème vasogénique
Confusion mentale du sujet âgé prédominant dans les territoires artériels postérieurs du cerveau,
et de causes multiples comme l’hypertension artérielle aiguë
Le sujet de plus de 65 ans est beaucoup plus à risque de sévère, notamment au cours de l’éclampsie, du lupus, d’une
développer une encéphalopathie que le sujet plus jeune, sous la glomérulonéphrite aiguë [34], et les traitements par ciclosporine,
forme d’une confusion mentale agitée ou apathique, lors de tacrolimus, ou interféron alpha. Les données accumulées depuis
circonstances souvent banales comme une hospitalisation, une une décennie ont permis de démontrer la pertinence de ce
infection, la prise d’un psychotrope ou son arrêt, etc. Une syndrome d’EPR. Cliniquement, la symptomatologie associe des
encéphalopathie complique de 20 à 50 % des séjours hospita- céphalées, éventuellement des nausées et vomissements, un
liers des patients âgés de plus de 65 ans [76]. Dans ces cas, elle trouble de conscience subaigu (quelques heures à quelques
est la cause d’un doublement du temps de séjour hospitalier. La jours) pouvant évoluer vers un coma, des crises épileptiques le
durée souvent inhabituelle de la confusion mentale chez plus souvent généralisées et des troubles visuels. Ces symptômes
certains sujets âgés, malgré la correction des facteurs déclen- visuels sont parfois des hallucinations mais le plus souvent se
chants, a conduit à la notion de « confusion persistante », et de traduisent par une dégradation de la vision et évoluent vers une
cécité corticale. D’autres signes, notamment cérébelleux ou
« démence réversible » [57]. L’anesthésie générale est un facteur
aphasiques, peuvent être observés en fonction de la topographie
majeur de confusion mentale parfois durable après le réveil chez
des lésions, mais il faut noter la rareté des signes d’atteinte du
le sujet âgé. Il s’agit par ailleurs d’un facteur de risque de
tronc cérébral, même en cas d’anomalie extensive du tronc
démence ultérieure. Il n’est pas rare que la conjonction de cérébral en IRM. La pression artérielle peut être élevée ou
facteurs multiples éventuellement anodins déclenche la surve- normale en fonction de la cause de l’EPR. Le scanner X peut
nue d’une encéphalopathie, que ce soit en préhospitalier ou donner quelques informations négatives, dans le cadre du
dans le cours d’une hospitalisation. La confusion mentale du diagnostic différentiel, et positives, quand il montre des
sujet âgé est le mode de révélation d’une pathologie engageant hypodensités plus ou moins symétriques prédominant dans la
le pronostic vital dans 10 à 30 % des cas. La recherche de la substance blanche sous-corticale pariéto-occipitale. Les hypo-
cause doit faire l’objet d’une enquête urgente et détaillée pour densités peuvent aussi être constatées dans d’autres régions :
dégager une hypothèse d’association causale justifiant des lobes frontaux, temporaux, couronne rayonnante, noyaux gris
actions correctrices adaptées (Tableau 7) [32]. centraux, protubérance annulaire, cervelet. L’IRM est beaucoup

12 Neurologie
Sémiologie et orientation diagnostique des encéphalopathies de l’adulte ¶ 17-023-A-41

plus performante pour montrer la distribution lésionnelle Tableau 8.


(hyposignal T1, hypersignal T2 et surtout FLAIR) et les paramè- Causes du syndrome d’encéphalopathie postérieure réversible.
tres caractéristiques de la nature des anomalies grâce aux Toxémie
séquences de diffusion (Fig. 2). Une prise de contraste est gravidique/éclampsie
rarement observée. Des études de séries ont montré l’absence de
Médicaments Ciclosporine
sélectivité des anomalies en termes de territoire artériel, ou
Tacrolimus
d’épargne de la substance grise : le cortex étant souvent autant
touché que la substance blanche. Le cortex occipital interne Sirolimus
(scissure calcarine) serait souvent épargné. La nécessité de Interféron alpha
description plus précise des anomalies et celle de leur sur- Cyclophosphamide
veillance à court et moyen termes a conduit à l’élaboration Fludarabine
d’une échelle de gravité IRM [77]. L’imagerie de diffusion a Cisplatine
confirmé la nature œdémateuse des lésions dont le coefficient Gemcitabine
apparent de diffusion est augmenté [45]. Des anomalies vasculai- Érythropoïétine
res ont pu être observées dans de rares cas (rétrécissements Ifosfamide
moniliformes), plus probablement conséquence du processus Bevacizumab
pathologique causal qu’impliquées dans la cause de l’EPR elle-
Filgrastim (G-CSF)
même. L’évolution clinique et radiologique est régressive le plus
Sunitinib
souvent en moins de 2 semaines sous réserve de contrôle du
processus pathologique causal (traitement de l’éclampsie, Hypertension artérielle Lupus systémique aigu disséminé
contrôle de l’hypertension artérielle, arrêt (ou parfois diminu- secondaire Glomérulonéphrite aiguë
tion de la dose) du traitement immunosuppresseur, et des Hypertension avec insuffisance rénale
traitements symptomatiques nécessités par l’état du patient chronique
(réanimation, antiépileptiques). La physiopathologie de l’EPR Hypertension essentielle non contrôlée
fait intervenir un défaut de perméabilité vasculaire entraînant Autres Infection/choc septique
un œdème vasogénique réversible. Le défaut de perméabilité Syndrome hémolytique et urémique
prédomine dans les régions irriguées par le système vertébroba-
Syndrome hépatorénal
silaire dont les capacités d’autorégulation sont moindres du fait
Porphyrie aiguë intermittente
d’une innervation vasculaire sympathique moins efficiente que
Transfusion sanguine
celle de la circulation antérieure, carotide. Le phénomène
d’extravasation est accentué dans les circonstances pathologi- Postendartérectomie carotide
ques s’accompagnant d’une hypertension artérielle aiguë et/ou Purpura thrombotique
d’une rétention liquidienne comme l’éclampsie, les glomérulo- thrombocytopénique
néphrites aiguës, les traitements par ciclosporine, tacrolimus, ou G-CSF : granulocyte-colony stimulating factor.
interféron alpha. D’autres hypothèses physiopathologiques font
appel à un dysfonctionnement du système immunitaire, à une
atteinte endothéliale, et à une réponse cytokinique complexe : même localisation. Il n’y a pas de fièvre. L’IRM montre des
une série de 106 cas a retrouvé 25 cas d’infections plus ou anomalies de signal temporales internes T2 et FLAIR, avec prises
moins graves, quatre chimiothérapies, 11 maladies auto- de contraste de même localisation en cas d’encéphalite limbique
immunes, 49 traitements immunosuppresseurs dans le cadre de paranéoplasique, et sans prise de contraste dans les cas publiés
greffes d’organes (ciclosporine A/tacrolimus), et 11 éclamp- d’encéphalites limbiques auto-immunes non paranéoplasiques.
sies [77]. Les circonstances dans lesquelles un syndrome d’EPR a Le LCR est le plus souvent anormal avec pléiocytose (inférieure
été rapporté sont de plus en plus nombreuses (Tableau 8). à 100/mm 3 ), hyperprotéinorachie modérée et distribution
oligoclonale des gammaglobulines [40]. Ces anomalies du LCR
ne sont pas retrouvées dans les cas d’encéphalite auto-immune
Encéphalopathies auto-immunes avec anticorps anti-canaux potassiques voltage-dépendants
Le groupe des encéphalopathies auto-immunes comprend des (VGKC) [78, 79]. La recherche d’anticorps antineuronaux sériques
affections d’évolution subaiguë ou aiguë du système nerveux (Tableau 6), d’anticorps anticanaux potassiques voltage-
central, inflammatoires, associées à la présence d’anticorps dépendants (anti-VGKC) et d’une néoplasie sous-jacente (scan-
dirigés contre des constituants neuronaux. Deux grandes ner thoraco-abdomino-pelvien, PET-scan, marqueurs tumoraux,
catégories peuvent être individualisées : les pathologies para- etc.) permet de décider de la meilleure conduite thérapeutique
néoplasiques, non corticosensibles, et les pathologies auto- en sachant que la nature paranéoplasique du syndrome conduit
immunes, répondant souvent favorablement aux traitements à un pronostic neurologique médiocre en l’état actuel des
corticoïdes, aux échanges plasmatiques ou aux immunoglobuli- thérapeutiques.
nes polyvalentes regroupées sous le nom générique de non Jusqu’en 2004, les encéphalites limbiques (encéphalite de
vasculitis autoimmune inflammatory meningoencéphalitis (NAIM), Corsellis) étaient considérées comme caractéristiques de syndro-
et d’encéphalopathies répondant aux stéroïdes. On trouve dans mes paranéoplasiques du système nerveux central dus à la
ce cadre l’encéphalopathie de Hashimoto ainsi que certaines présence d’anticorps antineuronaux. Depuis 2000, plusieurs
encéphalopathies observées au cours de la maladie de Gougerot- descriptions de cas potentiellement curables dus à la présence
Sjögren et du lupus [35]. d’autres autoanticorps (anti-VGKC, anti-NMDAR) ont été
publiées [69, 78, 79]. Une série importante de 39 cas publiée en
Encéphalites limbiques 2007 retrouvait un autoanticorps sérique connu dans 49 % des
cas (paranéoplasique ou anti-VGKC) et dans 39 % des cas, la
Le tableau d’encéphalite limbique comprend l’installation présence d’autoanticorps dirigés contre la membrane cellulaire
subaiguë d’un trouble de la mémoire épisodique (hippocampi- de cellules hippocampiques [80]. Ces anticorps ont été récem-
que), une désorientation avec trouble inconstant des affects et ment caractérisés par leur cible : le récepteur NMDA de gluca-
du comportement (agitation), des hallucinations, des troubles mate dont la concentration est particulièrement importante
du sommeil (hypersomnie) et des crises épileptiques [40]. Les dans le neuropile hippocampique. Ils sont associés dans la très
diagnostics différentiels comprennent principalement l’encé- grande majorité des cas à un tératome de l’ovaire [69, 81]. Il
phalite herpétique et le syndrome de Korsakoff. L’EEG montre existait une corrélation très significative entre la découverte de
des anomalies temporales lentes et des crises épileptiques de ces nouveaux anticorps (ou des anti-VGKC) et une réponse

Neurologie 13
17-023-A-41 ¶ Sémiologie et orientation diagnostique des encéphalopathies de l’adulte

favorable aux traitements à visée immunologique : corticothé- Une réaction cellulaire modérée lymphocytaire est rare.
rapie, échanges plasmatiques, immunoglobulines polyvalentes L’hyperprotéinorachie est fréquente avec sécrétion intrathécale
intraveineuses. Le syndrome de Morvan est une entité très rare de gammaglobulines. Le dosage de l’alpha énolase du LCR
associant une neuromyotonie, une insomnie sévère, des signes pourrait être un élément important de l’orientation diagnosti-
végétatifs (hyperhidrose et hypersialorrhée), à une encéphalo- que. Spontanément, l’évolution peut être fluctuante avec des
pathie. Il fait le lien entre le syndrome d’Isaacs (neuromyotonie rémissions spontanées, incomplètes. Sous corticothérapie, la
isolée) et l’encéphalite limbique auto-immune car la présence symptomatologie est typiquement régressive de façon spectacu-
d’anticorps anti-VGKC est retrouvée dans les trois syndromes. laire, en quelques jours, pour une récupération complète en
quelques semaines, dans la quasi-totalité des cas. Les doses de
corticoïdes doivent être modérées à fortes doses (prednisone
2 mg/kg ou méthylprednisolone 1 000 mg/j pendant 3 jours
Autres encéphalopathies auto-immunes suivie d’une corticothérapie orale).
et encéphalopathie de Hashimoto

Les encéphalites limbiques auto-immunes non paranéoplasi-


■ Conclusion
ques font probablement partie de ce groupe plus vaste La sémiologie des encéphalopathies est d’un apport très
d’encéphalopathies regroupant des pathologies antérieurement variable au diagnostic de leurs causes. Un abord systématique
décrites comme l’encéphalopathie de Hashimoto ou le syn- du patient encéphalopathe est nécessaire pour garantir à
drome de Morvan et des entités moins « spécifiques » comme l’enquête étiologique un succès maximal. Tous les éléments
les encéphalopathies diffuses du syndrome de Gougerot- recueillis (anamnestiques, cliniques, EEG, imagerie et biologie)
Sjögren et du lupus érythémateux aigu disséminé. Les progrès à doivent être pris en compte pour permettre la mise en place
venir permettront d’y voir plus clair tant dans la délimitation d’une attitude thérapeutique adaptée. Le pronostic peut être
du groupe général des encéphalopathies auto-immunes que redoutable du fait de l’étiologie mais aussi du terrain. La
dans leur physiopathologie, aujourd’hui très mal comprise. survenue d’une encéphalopathie chez un sujet âgé impose un
L’encéphalopathie de Hashimoto peut être prise comme forme activisme diagnostique et thérapeutique encore plus marqué que
typique des encéphalopathies auto-immunes. Plus de cent cas chez le sujet jeune sans antécédent.
ont été décrits dans la littérature depuis la première description .

par Brain en 1966. Une revue détaillée de 85 cas sélectionnés a


été effectuée par Chong et al. en 2003 [36]. Les critères diagnos- ■ Références
tiques sont « simples », associant la survenue plus ou moins
rapide d’une encéphalopathie, l’absence de cause malgré un [1] Adams RD, Victor M, Ropper AH. Principles of neurology. New York:
bilan exhaustif, un LCR discrètement inflammatoire, une McGraw Hill; 1997.
imagerie normale dans plus de 50 % des cas, et un contexte [2] Plum F. Coma and related global disturbances of the human conscious
state. In: Peters A, Jones EG, editors. Cerebral cortex: normal and
d’auto-immunité antithyroïdienne comprenant la présence dans
altered states of function. New York: Oxford University Press; 1981.
le sérum d’au moins un anticorps antithyroperoxydase ou
p. 444-5.
antithyréoglobuline. La réversibilité de la symptomatologie sous [3] Young GB, RopperAH, Bolton CF. Coma and impaired consciousness:
corticothérapie ne fait pas partie de ces critères diagnostiques a clinical perspective. New York: McGraw Hill; 1998.
mais c’est le plus souvent le principal argument diagnostique de [4] Feske SK. Coma and confusional states: emergency diagnosis and
l’encéphalopathie auto-immune, que l’on appelle Hashimoto en management. Neurol Clin 1998;16:237-56.
cas de présence d’anticorps antithyroïdiens sériques. Un [5] Hacke W, Hanley DF, Einhaüpl KM, Bleck TP, Diringer MN, RopperA,
antécédent de thyroïdite auto-immune et/ou l’existence d’ano- et al. Neurocritical care. Berlin: Springer Verlag; 1994.
malies thyroïdiennes à l’échographie (goitre nodulaire hypoé- [6] Brust JC. Neurologic complications of substance abuse. J Acquir
chogène) ou sur la biopsie à l’aiguille renforcent la suspicion Immune Defic Syndr 2002;31(suppl2):S29-S34.
diagnostique. Il peut y avoir des anomalies endocriniennes (le [7] Chen R, Young GB. Metabolic encephalopathies. Baillieres Clin
plus souvent sur le versant hypothyroïdien) mais le traitement Neurol 1996;5:577-98.
substitutif par lévothyroxine n’est quasiment jamais efficace à [8] Hinchey J, Chaves C, Appignani B, Breen J, Pao L, Wang A, et al. A
lui seul sur le tableau neurologique. De rares cas ont fait l’objet reversible posterior leukoencephalopathy syndrome. N Engl J Med
d’une biopsie cérébrale, ne montrant que de discrets signes 1996;334:494-500.
[9] Riggs JE. Neurologic manifestations of fluid and electrolyte
inflammatoires à type d’infiltrats lymphocytaires à distribution
disturbances. Neurol Clin 1989;7:509-23.
périvasculaire mais sans atteinte vasculaire propre. Elle peut [10] Hackett PH, Roach RC. High altitude illness. N Engl J Med 2001;345:
toucher tous les âges, du grand enfant à plus de 70 ans 107-14.
(9-78 ans) avec une moyenne d’âge de survenue de 44 ans. Le [11] Varon J, Marik PE, Fromm Jr. RE, Gueler A. Carbon monoxide
tableau clinique comprend une prédominance de symptômes poisoning: a review for clinicians. J Emerg Med 1999;17:87-93.
positifs comme un déficit intellectuel progressif plus ou moins [12] Wass CT, Lanier WL. Glucose modulation of ischemic brain injury:
rapide (s’installant le plus souvent sur quelques semaines ou review and clinical recommendations. Mayo Clin Proc 1996;71:
mois), des crises épileptiques (deux tiers des patients), des 801-12.
hallucinations visuelles, avec parfois délire psychotique (un tiers [13] Zandbergen EG, de Haan RJ, Stoutenbeek CP, Koelman JH, Hijdra A.
des patients), une rigidité extrapyramidale, des myoclonies (plus Systematic review of early prediction of poor outcome in anoxic-
du tiers des patients), un tremblement, et parfois des épisodes ischaemic coma. Lancet 1998;352:1808-12.
déficitaires focaux pseudovasculaires à type d’aphasie transitoire [14] Harati Y. Diabetes and the nervous system. Endocrinol Metab Clin
(un quart des patients). L’EEG montre des anomalies aiguës ou North Am 1996;25:325-59.
triphasiques surchargeant un tracé ralenti. Un cas comportait un [15] Mooradian AD. Pathophysiology of central nervous system complica-
tions in diabetes mellitus. Clin Neurosci 1997;4:322-6.
tracé pseudopériodique de type encéphalopathie spongiforme :
[16] Perros P, Frier BM. The long-term sequelae of severe hypoglycemia on
l’encéphalopathie de Creutzfeldt-Jakob est un diagnostic the brain in insulin-dependent diabetes mellitus. Horm Metab Res
différentiel très souvent évoqué compte tenu de l’ensemble 1997;29:197-202.
syndromique réalisé. L’IRM peut montrer une atrophie corticale, [17] Morres CA, Dire DJ. Movement disorders as a manifestation of
des anomalies de signal focales ou diffuses sous-corticales ou nonketotic hyperglycemia. J Emerg Med 1989;7:359-64.
plus rarement corticales sur les séquences pondérées T2. Il n’y [18] Gross P, Wehrle R, Bussemaker E. Hyponatremia: pathophysiology,
a pas de prises de contraste. Il peut exister une augmentation differential diagnosis and new aspects of treatment. Clin Nephrol 1996;
de la vitesse de sédimentation ou de la C reactive protein (CRP). 46:273-6.

14 Neurologie
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Neurologie 15
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127:701-12. [Epub ahead of print].

T. de Broucker (thomas.debroucker@ch-stdenis.fr).
Service de neurologie, Hôpital Pierre Delafontaine, 2, rue du Docteur-Delafontaine, 93205 Saint-Denis cedex 1, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : de Broucker T. Sémiologie et orientation diagnostique des encéphalopathies de l’adulte. EMC (Elsevier
Masson SAS, Paris), Neurologie, 17-023-A-41, 2009.

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16 Neurologie
 17-023-A-50

Migraine
D. Valade

La migraine est une affection neurovasculaire invalidante dont la pathogénie n’est pas encore parfaite-
ment élucidée aujourd’hui. C’est la céphalée primaire la plus fréquente, avec une prévalence de l’ordre
de 17 %. Son diagnostic est aisé en raison de ses caractéristiques cliniques et elle se manifeste par des
crises de céphalées paroxystiques pulsatiles souvent unilatérales s’accompagnant de nausées et/ou de
vomissements associées à une phonophobie et une photophobie. Ses crises peuvent être précédées de
manifestations neurologiques transitoires appelées aura. Cette maladie est bénigne mais peut devenir
invalidante, engendrant une dégradation de la qualité de vie des malades, ainsi qu’un impact non négli-
geable sur leur relation affective et professionnelle. Sa forte prévalence dans la population générale et
surtout dans la population active en fait une des priorités de santé publique du fait du retentissement
économique de la maladie. Les objectifs de la prise en charge thérapeutique reposent sur l’éradication
des facteurs déclenchant des crises, le traitement de la crise migraineuse, ainsi qu’un traitement de fond
prophylactique lorsque la fréquence des crises est importante. Le traitement de la migraine a connu une
avancée importante avec l’émergence des triptans. Malgré ces progrès, la migraine demeure une mala-
die sous-diagnostiquée encore trop mal soignée, les malades ne se soignant pas du tout ou se soignant
seuls par automédication. La mise en place d’essais thérapeutiques avec des traitements de fond à ne
prendre qu’une ou deux fois par mois devrait permettre une meilleure observance. Un diagnostic précoce
est indispensable pour une prise en charge optimale.
© 2015 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots-clés : Migraine ; Aura ; Comorbidités ; Dépression corticale envahissante ; Génétique ;


Traitement de crise ; Traitement de fond

Plan avec des intervalles libres où le patient ne présente aucun signe.


Il s’agit d’une affection bénigne qui n’entraîne aucune séquelle
■ Introduction 1 neurologique. Elle constitue en elle-même un facteur de risque
vasculaire cérébral indépendant. Du fait de son risque d’évolution
■ Épidémiologie 1 vers une céphalée chronique quotidienne, on considère actuelle-
Prévalence 1 ment deux stades évolutifs, les migraines de basse fréquence avec
Caractéristiques des crises 2 une à huit crises par mois et les migraines de haute fréquence
Comorbidité 2 avec 8 à 15 crises par mois ; au-delà, il s’agit d’une migraine chro-
Qualité de vie et impact 3 nique [2] s’il n’y a pas d’abus médicamenteux ou d’une céphalée
■ Physiopathologie 3 chronique quotidienne par abus médicamenteux s’il en existe un.
Mécanismes de l’aura migraineuse 3 Il existe deux types de migraine selon les critères de l’International
Sensibilisation et migraine 4 Headache Society (IHS) [3] , la migraine sans aura et la migraine
Composante génétique complexe 5 avec aura. Ces migraines avec ou sans aura typique sont faciles
■ Clinique 6 à reconnaître et ne nécessitent pas d’examen complémentaire, la
Migraine sans aura 6 difficulté diagnostique se posant lors de la première crise, période
Migraine avec aura 6 pendant laquelle les patients sont rarement vus, sauf pour les
Complications de la migraine 7 migraines avec aura qui peuvent être inquiétantes pour le patient

de par les signes qui précèdent la céphalée, et d’autant plus que
Traitement 8
seulement 50 % des patients consultent, les autres 50 % font de
Traitement de crise 8
l’automédication et prennent malheureusement bien fréquem-
Traitement de fond 10
ment des traitements non adéquats [4] .

 Introduction  Épidémiologie
La migraine est une affection très fréquente pouvant entraîner Prévalence
un handicap et une altération de qualité de vie [1] chez les indivi-
dus qu’elle touche. Elle ne présente pas de lésion sous-jacente, Malgré les biais possibles et les différentes modalités des
il s’agit donc d’une céphalée primaire et elle évolue par crises enquêtes épidémiologiques, le taux de prévalence globale se situe

EMC - Neurologie 1
Volume 12 > n◦ 4 > octobre 2015
http://dx.doi.org/10.1016/S0246-0378(15)60920-4
17-023-A-50  Migraine

à 11,5 %, toutefois l’utilisation des critères de migraine probable de pression artérielle plus élevés chez les migraineux et un risque
de la classification de l’IHS, c’est-à-dire tous les critères moins 1, accru de migraine chez les hypertendus. Pourtant, les études de
aboutit à une prévalence globale de 17 % [3] . Par ailleurs, 3 % de cohorte réalisées en population générale n’ont pas confirmé une
la population française se plaint de céphalée chronique quoti- telle association entre migraine et hypertension artérielle.
dienne [3] . Pour l’essentiel, il s’agit de patients mêlant céphalée
migraineuse, céphalée tensive et céphalée iatrogène. Certes, la Affections cardiaques
prévalence de la migraine semble être plus basse en Afrique, en
Asie et au Moyen Orient qu’en Europe et en Amérique du Nord. Malgré quelques résultats contradictoires probablement en rap-
Il y a plusieurs explications à ces différences de taux qui peuvent port avec des insuffisances méthodologiques, il n’a pas été établi
être attribuées à des facteurs méthodologiques, à l’appréciation jusqu’à présent de lien solide entre migraine et pathologies coro-
des critères diagnostiques ou au recueil des données, mais lorsque nariennes : angor, infarctus du myocarde et prolapsus de la valve
l’on regarde les études de prévalence pratiquées à 10 ou 15 ans mitrale ou arythmie. Mais le foramen ovale perméable est deux à
d’intervalle dans les différents pays, et notamment en France et trois fois plus fréquent chez les migraineux avec aura que chez les
aux États-Unis, on constate une stabilité de cette prévalence. Cette témoins non migraineux. Lorsque l’on a appliqué le score de Fra-
prévalence est très variable si l’on considère les deux caractéris- mingham de risque cardiovasculaire, il avait approximativement
tiques sociodémographiques que sont le sexe et l’âge [5] . Il existe doublé chez les migraineux avec aura et plus chez la femme que
une très nette prédominance féminine faisant qu’à l’âge adulte le chez l’homme [12] .
ratio selon le sexe entre homme et femme varie de 1/2,2 à 1/2,3.
Cette prédominance féminine n’apparaît qu’après la puberté, sug- Pathologies cérébrovasculaires
gérant l’influence des hormones stéroïdes sexuelles féminines sur La migraine constitue à la fois un facteur de risque vasculaire
l’expression clinique de la prédisposition migraineuse. La préva- cérébral et une cause exceptionnelle d’infarctus cérébral. De rares
lence de la migraine avec aura est de l’ordre de 4 % [4] , mais il études de cohorte suggèrent une augmentation du risque relatif
faut souligner les difficultés méthodologiques rencontrées avec d’accident vasculaire cérébral (AVC) chez les migraineux variant
de nombreux biais possibles, notamment pour différencier l’aura entre 2 et 2,5, mais les critères diagnostiques de la migraine sont
visuelle de la photophobie qui est un signe associé de la céphalée imprécis, et le type de migraine ou d’AVC insuffisamment docu-
migraineuse quelle que soit sa forme. Enfin, le niveau socio- menté [13] . Certaines études cas–témoins suggèrent un risque faible
économique des ménages semble intervenir notamment, dans le d’infarctus cérébral chez les migraineux, variant de 1,3 à 2 lorsque
Nord de l’Europe, mais l’incidence importante de migraine dans les migraineux sont considérés dans leur ensemble. Ce risque rela-
les ménages à bas niveau économique est indépendante du début tif augmente de manière significative en cas de migraine avec aura
des crises et de leur rémission [5] . La variabilité de la prévalence où il est multiplié par deux, et la combinaison tabac et estroproges-
de la migraine se traduit également par son augmentation dans tatif semblerait amplifier considérablement le risque d’AVC chez
la première partie de la vie, suivie d’un déclin avec un maximum les migraineuses. Il serait multiplié autour de dix chez les migrai-
de prévalence entre 30 et 50 ans [6] , donc par là-même un impor- neuses avec aura qui prendraient une contraception et multiplié
tant impact de la migraine sur la vie professionnelle [7] . Enfin, par plus de 30 si en plus elles fumaient. Les études en imagerie
la prévalence de la migraine avant l’âge de 7 ans se situe entre par résonance magnétique (IRM) réalisées en population générale
1,4 et 5,7 %, augmentant légèrement jusqu’à l’âge de 10 ans sans montrent une augmentation de la fréquence des infarctus silen-
prédominance de sexe, contrairement à la migraine de l’adulte. cieux chez les migraineux dans le territoire vertébrobasilaire, en
La prédominance féminine se précise à partir de l’âge de 12 ans ; particulier dans le cervelet, surtout pour la migraine avec aura.
ainsi, à l’âge de 14 ans la prévalence est de 15 % chez les filles D’autre part, le risque de survenue d’hypersignaux de la sub-
contre 8 % chez les garçons [8] . La prévalence supposée supérieure stance blanche relativement étendus augmente chez les femmes
chez les intellectuels et la population de haut niveau d’éducation migraineuses ; ce risque s’accroît en présence de facteurs de risque
a été infirmée par toutes les études épidémiologiques. Le taux vasculaire comme une hypertension artérielle, le tabac ou l’usage
de prévalence maximal est retrouvé dans les professions intermé- d’une contraception orale. Du fait de l’imprécision diagnostique
diaires, employé de bureau, instituteur, profession paramédicale, dans les rares études de cohorte, l’augmentation du risque d’AVC
alors que la prévalence la plus basse concerne le monde ouvrier et chez les migraineuses apparaît probable, mais pas comme définiti-
paysan [3] . vement établie. Ce risque semble particulièrement augmenté chez
la femme jeune et migraineuse (risque moyen × 3), mais le risque
absolu est faible dans cette tranche d’âge : 18 pour 100 000 par an.
Caractéristiques des crises En pratique, chez les femmes migraineuses les recommanda-
La fréquence des crises chez les trois quarts des migraineux tions suivantes ont été proposées par l’IHS [3] :
est comprise entre une crise par semaine et une crise par mois. • arrêt du tabac, en particulier en cas d’utilisation d’une contra-
Environ 10 % des migraineux ont plusieurs crises par semaine et ception estroprogestative ;
dans l’ensemble les femmes ont des crises plus fréquentes que les • pas de contre-indication aux estroprogestatifs chez les migrai-
hommes [9] . neuses en l’absence de migraine avec aura ou de facteur de
La durée des crises est de moins de six heures chez la moitié risque vasculaire ;
des migraineux, cette durée étant artificiellement raccourcie sous • estroprogestatifs faiblement dosés en estrogène chez les migrai-
l’effet du traitement. Un quart des migraineux ont des crises de neuses ;
24 heures et 10 % d’une durée de 48 heures ou plus. • progestatifs purs en cas de migraine avec aura ou en présence
Si l’intensité des crises est vécue comme forte ou très forte pour de facteur de risque vasculaire ;
50 à 70 % des migraineux, le handicap est vécu comme modéré • traitement antiagrégant plaquettaire systématique non justifié ;
à important chez 25 à 43 % de ces mêmes patients, nettement • arrêt des estroprogestatifs et réévaluation du risque en cas de
supérieur à celui des autres céphalalgiques. recrudescence des crises ou de céphalée devenue permanente.

Infarctus migraineux
Comorbidité [10]
Il s’agit de un ou plusieurs symptômes de la migraine avec aura
Malgré les nombreux biais méthodologiques qui ont entaché les associés à une lésion ischémique du cerveau dans un territoire
études d’association, les migraineux paraissent sujets à un taux de approprié vérifié par une neuro-imagerie [13] .
comorbidité élevé.
Affections respiratoires
Hypertension artérielle Une association entre les allergies, l’asthme et la migraine est
Presque toutes les études cas–témoins ont rapporté une associa- rapportée par la plupart des études réalisées chez les enfants et les
tion positive entre migraine et hypertension [11] , avec des niveaux adultes avec des risques relatifs variant entre 2 et 4.

2 EMC - Neurologie
Migraine  17-023-A-50

Affections gastro-intestinales migraine et anxiété [17] . Cette association est particulièrement


forte avec les troubles bipolaires (dépressions majeures avec épi-
Les ulcères de l’estomac, la colique spasmodique et des douleurs
sodes maniaques). Mais les migraineux présentent aussi un risque
abdominales sont plus fréquemment retrouvés chez le migraineux
trois à cinq fois plus élevé de souffrir d’un trouble panique que les
que chez les sujets témoins, bien qu’une telle association puisse
non-migraineux, deux fois plus élevé de souffrir de troubles pho-
être due à l’utilisation répétée de médicaments comme l’aspirine
biques, cinq fois plus élevé de souffrir d’anxiété généralisée et trois
ou les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS).
à quatre fois plus élevé de souffrir d’un épisode dépressif avéré sur-
tout les migraineux avec aura. Comparés aux non-migraineux, les
Épilepsie migraineux ont souvent un plus grand niveau de trait de person-
De nombreuses études sont consacrées aux pathologies asso- nalité névrotique, de susceptibilité à une variété d’états affectifs
ciées à la migraine et la question d’une comorbidité avec négatifs qui peuvent augmenter leur vulnérabilité aux dysrégu-
l’épilepsie est depuis longtemps discutée dans la littérature. Les lations émotionnelles et aux désordres psychiatriques. Enfin, les
études d’association sont toutefois difficiles en raison du problème migraineux ont un risque deux fois plus important que les non-
méthodologique et notamment de la grande prévalence de ces migraineux de présenter une dépendance à la nicotine ou un abus
deux maladies. La coexistence de ces deux pathologies chez le de substance illicite. Dans la migraine transformée avec céphalée
même patient est-elle le fait d’un hasard ou liée à une association chronique quotidienne, il existe le plus souvent une consomma-
significative ? L’épilepsie affecte en effet 1 % de la population et tion abusive d’antalgiques. Cette sous-population de migraineux
la migraine 12 %, selon certaines études cette comorbidité appa- est particulièrement exposée aux troubles anxiodépressifs.
raît significative [14] . Quoi qu’il en soit, l’épilepsie et les céphalées
sont parfois associées dans les situations particulières comme lors
des crises d’épilepsie [15] . Elles peuvent également être symptoma- Qualité de vie et impact
tiques des mêmes pathologies, et partager des thérapeutiques et Impact fonctionnel
des mécanismes physiopathologiques communs. Les céphalées au
cours de l’épilepsie sont classées en fonction de leur relation tem- Une étude épidémiologique publiée en 1999 a établi que dans la
porelle avec la survenue des crises. Les céphalées postcritiques population des États-Unis 300 000 migraineux restaient couchés
sont fréquentes et classiques après les crises généralisées tonicoclo- chaque jour du fait de la survenue d’une crise de migraine [18] .
niques. Au cours d’une crise partielle, la présence d’une céphalée Cet impact est évalué à l’aide de diverses échelles, l’échelle
critique est plus rare et intéressante, car elle peut apporter dans MIDAS qui évalue la perte de productivité, l’échelle HIT-6 qui
certains cas des arguments localisateurs vis-à-vis du foyer épilep- mesure le handicap dû à la migraine. En utilisant ces échelles,
togène. Elles initient généralement le début de la crise (aura), une étude française a montré que 22 % des migraineux français
leur description est variable : sensation de plénitude, de gonfle- ayant une migraine active, c’est-à-dire ayant eu au moins une
ment, de pression, de poids, de chaleur ou de flash. Les céphalées crise dans le dernier trimestre, avaient une perte de productivité
critiques ne sont pas spécifiques de localisation et sont décrites entre 11 et 20 jours par trimestre [19] . La migraine, quel que soit
lors de crises temporales, frontales, pariétales et occipitales. Elles l’endroit du globe, a été classée par l’Organisation mondiale de
affectent en revanche le plus souvent la zone d’origine des crises la santé en 19e position au sein des maladies les plus invalidantes
et possèdent le cas échéant une valeur diagnostique importante. après les affections neurovasculaires ou les principales affections
Certaines crises de migraine se compliquent de crises d’épilepsie psychiatriques chroniques, mais avant la plupart des autres mala-
et le terme de migralepsie est parfois utilisé. Les migraines avec dies neurologiques comme l’épilepsie, la sclérose en plaques ou
aura seraient les plus concernées, mais la physiopathologie reste la maladie de Parkinson. Cet impact individuel, qui se traduit
incertaine et peu de cas ont été publiés. par une perte de productivité, entraîne également une perte de
Différentes pathologies peuvent se manifester par des crises qualité de vie qui s’explique certes pendant les épisodes céphalal-
migraineuses et épileptiques. Les processus expansifs tumoraux giques, mais aussi entre ces derniers par l’apparition de conduites
peuvent bien sûr se manifester par des crises épileptiques et des d’évitement liées à une appréhension de la survenue des épisodes
céphalées, mais il est rare que la douleur prenne un réel caractère migraineux comme cela a pu être montré à l’aide d’échelles géné-
migraineux. riques comme le SF 36 ; il a été ainsi démontré que la migraine
Parmi les autres pathologiques, les pathologies affectant le lobe induisait une réduction de qualité de vie supérieure à celle due à
occipital sont notamment à retenir, dont : l’asthme par exemple.
• les mitochondriopathies ;
• le syndrome de Sturge-Weber ; Impact sociétal et coût
• la maladie cœliaque.
Les mécanismes physiopathologiques des crises migraineuses Le coût annuel de la migraine aux États-Unis est évalué entre
et épileptiques restent encore mal connus. Ces deux pathologies 12,3 et 17 milliards de dollars, se répartissant pour 10 % en coût
ont toutefois en commun une hyperexcitabilité du cortex cérébral direct et 90 % en coût indirect. Il y a malheureusement en France
avec une baisse du seuil de réponse à certaines stimulations et une peu d’études qui analysent ces coûts. Il a malgré tout été cal-
susceptibilité génétique. Les mutations génétiques associées à des culé que la migraine était responsable de la perte de 15 millions
formes familiales de migraine et d’épilepsie concernent presque de jours de travail chaque année en France et une étude globale
toujours des canaux ioniques dont l’altération est susceptible de européenne [20] a montré que la migraine coûtait 580 euros par
modifier le seuil d’excitabilité cellulaire. Toutefois, au cours de migraineux et par an. Enfin, le taux élevé d’automédication, qui
la phase de dépression corticale envahissante, des mécanismes est de l’ordre de 50 %, montre à quel point ce coût serait beaucoup
proches des mécanismes épileptiques sont suspectés, avec libé- plus important car ne sont pas comptabilisés les médicaments pris
ration par les neurones d’ions K+ , H+ et glutamate dans le milieu lors des crises migraineuses et qui sont en vente libre (antalgiques
extracellulaire. et AINS).
Traitements antiépileptiques et antimigraineux [16] sont souvent
identiques et intriqués, et même s’il manque encore de grandes
études de comorbidité les maladies migraineuses et épileptiques  Physiopathologie
apparaissent étroitement liées au cours de certaines patholo-
giques. Des études préciseront probablement les véritables liens Mécanismes de l’aura migraineuse
entre ces deux pathologies.
L’aura migraineuse est définie comme une modification focale
neurologique se manifestant par des signes visuels, sensitifs,
Affections psychiatriques phasiques, voire moteurs. On la retrouve chez environ 30 %
C’est dans ce domaine que les résultats sont les moins des patients et elle se traduit par un front de dépolarisation
discutables car plusieurs études de cohorte montrent toutes qui se propage tout seul et dans toutes les directions. Il s’agit
une association significative entre migraine et dépression, et d’une dépolarisation massive et transitoire des neurones et des

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astrocytes qui se propage comme une vague depuis le site électrique du ganglion trigéminal entraîne une extravasion de
d’initiation (exemple : pour l’aura visuelle, elle affecte le champ protéines plasmatiques qui peut être bloquée par certaines sub-
visuel démarrant en son centre et se propageant vers la péri- stances qui sont actives dans les crises de migraine comme
phérie à la vitesse de 3 mm/min). Il s’agit en fait de la forme le sumatriptan. D’un autre côté, un blocage des bloqueurs de
humaine de la dépression corticale envahissante [21] qui avait été l’extravasation des protéines plastiques n’est pas prédictif d’une
enregistrée par Leao. Cette dépression corticale envahissante est efficacité antimigraineuse. L’extravasion des protéines plasma-
un potentiel négatif extracellulaire de l’ordre de 10 à 30 mV qui tiques semble être un épiphénomène plus qu’un mécanisme pivot
apparaît à l’endroit de la stimulation qui se propage dans toutes de l’activation trigéminale et du déclenchement de la crise de
les directions, restant dans le néocortex ipsilatéral, mais pou- migraine. Il semble en revanche acquis qu’un dysfonctionnement
vant cependant influencer l’activité des régions sous-corticales de la neuromodulation des structures du tronc cérébral comme le
lorsqu’elle envahit les zones de projection corticale correspon- locus coeruleus ou la substance grise périaqueducale puisse avoir
dantes. Elle est très difficile à reproduire chez l’homme, peut-être un rôle important. Le locus coeruleus, noyau noradrénergique, a
à cause des plicatures du cortex cérébral humain et elle a été un rôle dans la régulation des fonctions corticales et est connu
visualisée par la technique de Bold de l’IRM fonctionnelle [22] . pour modifier les réponses aux trafics afférents [25] .
Cette dépression corticale envahissante est associée à des chan-
gements sévères de l’homéostasie ionique qui entraînent une
augmentation du potassium extracellulaire, une augmentation du
Sensibilisation et migraine
calcium intracellulaire, une libération synchrone de neuromédia- Il est clair que certaines formes de sensibilisation surviennent
teurs, un passage d’eau de l’extérieur vers l’intérieur des cellules durant la migraine. On a montré que la distension par ballonnet
entraînant un œdème cytotoxique et une augmentation du débit des principales artères cérébrales provoque une douleur projetée
sanguin cérébral, une adaptation du débit à la demande métabo- dans le territoire ophtalmique du nerf trijumeau. Les gros vais-
lique avec une augmentation de 200 % pendant 1 à 5 minutes seaux de la base du cerveau, les vaisseaux méningés de la pie-mère
au tout début puis une diminution de 20 à 30 % pendant les et de la dure-mère, les sinus veineux, sont entourés d’un plexus de
90 minutes suivantes. Il se produit alors des modifications, au fibres nerveuses issues du ganglion de Gasser et principalement de
niveau tant pré- que postsynaptique. En présynaptique, une dépo- sa première branche de division, et pour la fosse postérieure issues
larisation de la membrane entraîne une sortie de potassium, une des deux premières racines cervicales. La distribution presque
entrée de sodium, de chlore et de calcium par des canaux voltages exclusivement unilatérale de ces fibres nerveuses explique la fré-
dépendants et la libération d’un neuromédiateur qui est le gluta- quence de l’hémicrânie. Ces fibres nociceptives sont de trois types,
mate. Au niveau postsynaptique, on a une activation de récepteurs les fibres C démyélinisées de petit calibre, des fibres A delta de
N-méthyl-D-aspartate, une entrée de sodium et de chlore avec conduction plus rapide et certaines fibres C appelées nocicepteur
une sortie de potassium entraînant une dépolarisation des mem- silencieux ne s’activant que pour des stimulations nociceptives
branes avoisinantes et des vagues calciques se propageant via de haute intensité. Ces neurones afférents primaires transmettent
les jonctions gap. Cette hypoperfusion cérébrale postérieure est l’information nociceptive aux neurones secondaires situés dans la
extrêmement importante, et Olessen avance l’hypothèse que cette partie caudale du noyau du trijumeau et dans les cornes dorsales
hypoperfusion correspond à une dépression corticale envahis- des deux premiers segments cervicaux. Cet ensemble constitue
sante et qu’elle est le témoin de la dépression neuronale, et non un continuum fonctionnel désigné par le terme de complexe
sa cause, avec une désactivation neuronale, un hypométabolisme trigéminocervical [26] . L’activation de ce système par stimulation
et un hypodébit. Lorsqu’on la mesure en IRM de perfusion, on électrique du ganglion du trijumeau provoque chez le rat la
constate que l’hypoperfusion cérébrale reste dans les limites de libération de neuropeptides de type calcitonine gene relative pep-
l’oligémie, entre 16 et 53 % du débit sanguin cérébral normal. Il tide (CGRP), de substance P, de neurokinine A, responsables d’une
n’y a en revanche pas d’argument en faveur d’une ischémie tis- inflammation neurogène stérile avec une vasodilatation des vais-
sulaire, l’extraction d’oxygène restant normale en tomographie à seaux méningés, une extravasation des protéines plasmatiques,
émission de positons et il y a une absence d’anomalie de diffusion une dégranulation des mastocytes et une activation des plaquettes
dans la zone d’hypoperfusion en IRM de diffusion-perfusion [23] . dans les capillaires. Dégranulation mastocytaire et activation pla-
Ainsi, un lien probable entre dépression corticale envahissante et quettaire libèrent dans le sang veineux cérébral du migraineux
céphalée a été suggéré par les observations qui montrent que cette en crise une quantité importante de sérotonine, l’extravasation
dépression peut activer les afférences trigéminales méningées. plasmatique pouvant être bloquée par les alcaloïdes de l’ergot de
Cette dépression corticale peut non seulement induire les symp- seigle, l’indométacine, l’aspirine et les triptans.
tômes de l’aura, mais aussi exprimer la céphalée chez le patient L’implication du système trigéminovasculaire dans la migraine
dans la migraine avec aura. Malheureusement, cette théorie n’est est confirmée par l’élévation du CGRP dans la veine jugulaire
pas supportée par les études récentes, notamment avec le tonaber- externe chez les migraineux en crise, qui se normalise après trai-
sat qui est un bloqueur des gap junctions possible et un inhibiteur tement par sumatriptan. Il n’est pas prouvé que l’inflammation
de la dépression corticale envahissante, les études suggérant qu’il neurogène stérile soit suffisante pour provoquer la douleur migrai-
ne prévient pas la survenue de la céphalée mais peut prévenir neuse, on ne voit pas d’extravasation plasmatique dans les
les auras migraineuses [24] . Le fait que le tonabersat n’ait aucune angiographies rétiniennes du migraineux en crise et les agents
action sur la migraine sans aura mais prévienne la survenue des bloqueurs purs de l’inflammation neurogène qui sont sans effet
migraines avec aura en réduisant la fréquence des auras relance le vasoconstricteur ne sont pas efficaces contre la douleur migrai-
concept d’aura silencieuse. Bien que l’hypoperfusion observée soit neuse. Enfin, la stimulation du ganglion trijumeau chez le chat
modeste, le cerveau migraineux pourrait exprimer une susceptibi- entraîne une augmentation de débit sanguin cérébral par voie
lité particulière à l’ischémie ; une simple oligémie en rapport avec réflexe parasympathique, l’influx cheminant dans le grand nerf
une dissection carotidienne est capable d’induire chez certains pétreux superficiel branche du nerf facial, libérant un puissant
sujets prédisposés des manifestations neurologiques ayant toutes neuropeptide vasodilatateur, le vaso-active intestinal peptide. La
les caractéristiques de l’aura migraineuse, l’ischémie focale expé- douleur migraineuse pourrait être la combinaison de l’activation
rimentale pouvant déclencher des vagues de dépression corticale d’un mécanisme dilatateur neurovasculaire spécifique du V1
envahissante à leur tour délétères pour le tissu ischémié. Enfin, (branche supérieure du nerf trijumeau), et d’une sensibilisation
chez les sujets génétiquement prédisposés, une vasoconstriction périphérique et centrale vis-à-vis du message sensitif craniovas-
piale localisée dans le cortex occipital responsable d’une hypo- culaire habituellement non douloureux. Enfin, la stimulation
perfusion pourrait induire une ou plusieurs vagues de dépression électrique ou chimique de la dure-mère du sinus longitudi-
corticale envahissante se traduisant par une aura migraineuse. La nal supérieur et du ganglion trijumeau provoque chez l’animal
nature transitoire de la vasoconstriction piale rendrait compte du l’expression du C-fos dans les cellules des couches 1 et 2 du noyau
caractère exceptionnel de l’infarctus migraineux. trijumeau dans sa partie caudale et des cornes dorsales des deux
Il a été suggéré que certaines composantes de la douleur migrai- premiers segments cervicaux. Le prétraitement par un triptan
neuse étaient dues à l’extravasation de protéines du plasma bloque cet effet. Ces substances pouvant agir en périphérie, mais
dural, avec une inflammation neurogène stérile. La stimulation aussi au sein même du noyau du trijumeau.

4 EMC - Neurologie
Migraine  17-023-A-50

Le deuxième neurone de la voie trigéminale se projette sur les deux syndromes. Enfin, il est aussi concevable que certains
d’autres noyaux du tronc cérébral (noyau du tractus solitaire), gènes puissent entraîner une susceptibilité pour la céphalée seule,
l’hypothalamus, le cervelet, le cortex limbique, et sur les noyaux d’autres pour l’aura seule, enfin encore d’autres prédisposant aux
ventrobasal, postérieur et médian du thalamus. deux [30] .
À l’inverse, les neurones nociceptifs du noyau trigéminal bul- La MHF a permis d’avoir les premiers résultats concernant
baire et des cornes dorsales de la moelle haute peuvent être la génétique. La MHF est définie par la présence d’un certain
inhibés par des fibres provenant des structures sous-jacentes : par- degré de déficit moteur au cours de l’aura toujours associé à au
tie rostrale du noyau du V, noyau raphe magnus, substance grise moins un autre symptôme visuel sensitif ou phasique. On parle
périaqueducale, hypothalamus, cortex insulaire et sensorimo- de l’existence d’une migraine hémiplégique chez au moins un
teur. Il existe aussi des interneurones inhibiteurs gabaergiques et apparenté au premier ou au second degré. Les premières crises
enképhalinergiques. Des arguments expérimentaux et cliniques apparaissent généralement dans l’enfance et l’adolescence, et
plaident en faveur d’une sensibilisation à la fois périphérique comportent un déficit moteur d’intensité variable associé à un ou
et centrale dans la migraine, par exemple une hyperesthésie du plusieurs autres symptômes progressifs et successifs avec souvent
scalp avec diminution du seuil douloureux qui est plus accen- des symptômes basilaires, une ataxie, des vertiges, une diplopie,
tuée du côté douloureux au cours d’une crise de migraine et qui des acouphènes voire une baisse de l’audition, une confusion ou
peut persister au-delà de la crise elle-même, ou un développement une perte de connaissance. Les céphalées s’installant après l’aura
d’une hyperalgésie et d’une allodynie cutanée au cours de crises ressemblent à celles d’une migraine sans aura typique. En sachant
de migraine intéressant au début la zone douloureuse (80 % des que l’on peut avoir des crises sévères survenant avec aura prolon-
patients) pouvant s’étendre à l’autre côté de la tête ou même à gée qui peuvent aller jusqu’au coma et parfois s’accompagner de
l’avant-bras ipsilatéral. On pourrait aussi expliquer la moindre crise comitiale.
efficacité des antimigraineux lorsqu’ils sont donnés trop tardive- Il existe quatre types de MHF.
ment après le développement de la sensibilisation centrale. Les La MHF de type 1 (MHF1) [31] est due à des mutations du gène
données expérimentales sont extrêmement contradictoires quant CACNA1A localisé sur le chromosome 19. Il code la sous-unité
à un lien entre l’aura migraineuse et la céphalée. Pour Burnstein principale ␣1A des canaux calciques neuronaux voltages dépen-
et al. [15] , la dépression corticale envahissante responsable de l’aura dants P/Q qui contrôlent la libération de neurotransmetteurs, en
active le système trigéminovasculaire (expression du C-fos dans particulier le glutamate, et l’excitabilité neuronale, mais moins
le noyau du trijumeau). Pour Ebersberger et al. [27] , l’induction impliqués dans la neurotransmission inhibitrice par libération de
d’une ou plusieurs dépressions corticales ne déclenche ni extra- GABA.
vasation plasmatique, ni libération de CGRP dans la dure-mère, La MHF de type 2 (MHF2) [32] est due à des mutations du gène
ni activation des neurones du noyau trigéminal. Enfin, pour Bolay ATP1A2 localisé sur le chromosome 1. Il code la sous-unité ␣2 de
et al. [28] , la dépression corticale déclenche pendant une période la pompe NA+ /K+ transmembranaire dépendante de l’adénosine
prolongée, environ 40 minutes, une augmentation de débit dans triphosphate (ATP) qui intervient dans le maintien d’un fort gra-
l’artère méningée moyenne qui est dépendante d’une activation dient sodique nécessaire à la recapture des acides aminés dont
trigéminale et parasympathique. Ainsi, la dépression corticale le glutamate à partir de la fente synaptique. Les pompes alpha2
envahissante responsable de l’aura pourrait activer les terminai- NA+ /K+ /ATPase normales contribuent à la recapture du glutamate
sons nerveuses du système trigéminovasculaire périphérique qui libéré dans la fente synaptique par les neurones excitateurs, alors
activerait à son tour le noyau trijumeau dans le tronc cérébral, que les pompes mutées capteraient moins bien le glutamate, ce qui
qui lui-même par une voie réflexe parasympathique produirait entraînerait un ralentissement de la récupération après excitation
une vasodilatation des vaisseaux méningés, le tout produisant la neuronale et favoriserait la transmission corticale excitatrice, faci-
céphalée. litant ainsi le déclenchement de la vague de dépression corticale
Il existerait un terrain migraineux avec une hyperexcitabilité envahissante.
neuronale du migraineux, ne serait-ce que la photophobie, sen- La MHF de type 3 (MHF3) [33] est due à des mutations du gène
sibilité excessive aux stimulations visuelles linaires, un seuil de SCN1A localisé sur le chromosome 2 en q24 qui code un canal
réponse abaissé à la stimulation magnétique transcrânienne du sodique neuronal voltage-dépendant qui intervient dans la genèse
cortex moteur et du cortex occipital, un raccourcissement de la et la propagation des potentiels d’action des neurones corticaux
période de silence corticale suggérant une inhibition centrale surtout inhibiteurs. Les conséquences fonctionnelles de ces muta-
réduite donc une hyperexcitabilité, notamment du cortex occi- tions dans la MHF3 semblent complexes ; il semblerait que cela
pital associée à une plus grande propension à faire des crises entraîne des effets gains et/ou pertes de fonction.
déclenchées par une stimulation visuelle. La MHF de type 4 (MHF4) [34] est due à des mutations du gène
PRRT2 qui code la protéine appelée proline rich transmembrane 2 ;
ce PRRT2 est le gène majeur de plusieurs affections neurologiques
Composante génétique complexe paroxystiques familiales ou sporadiques. Des études in vitro ont
montré que PRRT2 interagit avec la protéine synaptosomal asso-
Il s’agit d’une maladie polygénique interagissant avec des fac- ciated protein 25kDa (SNAP25) qui elle-même est une protéine
teurs environnementaux. La composante génétique semble plus présynaptique impliquée dans la formation du complexe neu-
importante dans la migraine avec aura que dans la migraine ronal de fusion et d’exocytose, et donc dans la libération de
sans aura, et la migraine hémiplégique familiale (MHF) [29] est la neurotransmetteurs. Les mutations de PRRT2 pourraient compro-
seule variété de migraine monogénique autosomique dominante. mettre l’interaction entre PRRT2 et SNAP25, et modifier le
Quatre gènes de la MHF sont connus ; trois gènes codent des fonctionnement des canaux Cav 2.1 ; ainsi, comme la MHF1, la
canaux ioniques et un code une protéine. MHF2 et possiblement la MHF3, la MHF4 pourrait donc être due
Il existe une très large évidence indiquant que la migraine est à la dysfonction d’une protéine intervenant dans la régulation
une maladie héréditaire. Les grandes études ont montré un taux synaptique avec hyperexcitabilité neuronale.
élevé de concordance parmi les jumeaux homozygotes versus les Les mutations des quatre gènes dont deux canaux ioniques
dizygotes. Bien que l’influence génétique semble supérieure dans neuronaux, une pompe ionique gliale et une protéine présy-
la migraine avec aura que dans la migraine sans aura, les sous- naptique pourraient avoir les mêmes conséquences, à savoir une
études ont identifié des gènes candidats dans les deux pathologies. augmentation du glutamate dans la fente synaptique respon-
Malgré tout, les études génétiques dans la migraine sont particu- sable d’une hyperexcitabilité neuronale. Il existe une corrélation
lièrement compliquées car il faut prendre en compte la durée, génotype/phénotype dans la migraine hémiplégique ; ainsi, les
entre 4 à 72 heures, mais aussi tous les phénomènes associés tels différentes mutations d’un même gène peuvent influencer le phé-
que la phonophotophobie, les nausées voire les vomissements. notype, ce qui a particulièrement été bien étudié dans la MHF1
Il est très difficile de savoir si les gènes de susceptibilité entre où les deux mutations le plus fréquemment associées à des crises
la migraine sans aura et la migraine avec aura sont les mêmes. sévères avec coma fébrile sont T666M et S218L.
Enfin, les considérables cooccurrences entre migraine sans aura Il existe de nombreuses stratégies de gènes candidats dans la
et migraine avec aura suggèrent un probable recouvrement entre migraine :

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• les candidats canaux ioniques : il semble important de ne pas Tableau 1.


se cantonner au concept classique selon lequel toute mala- Critères diagnostiques de la migraine sans aura selon l’International Hea-
die neurologique paroxystique est forcément exclusivement dache Society (version ICHD-3 beta) [3] .
une canalopathie. L’exemple de l’épilepsie et des dyskinésies A. Au moins cinq crises répondant aux critères B à D
paroxystiques montre que d’autres types de protéines peuvent
B. Crises céphalalgiques durant 4 à 72 heures (non traitées ou traitées
être impliqués ;
inefficacement)
• les candidats sérotoninergiques, dopaminergiques, cytokines
et hormonaux n’ont pas montré d’association fiable entre ces C. Céphalée ayant au moins deux des caractéristiques suivantes :
polymorphismes et la migraine ; 1. topographie unilatérale
2. tonalité pulsatile
• pour les candidats endothéliaux, il semble au contraire selon
3. intensité douloureuse modérée ou sévère
une analyse combinée de neuf études que le génotype ACEII
4. aggravation par l’activité physique de routine ou limitation de cette
soit associé à une réduction du risque de migraine avec aura et
dernière (par exemple, marche ou montée des escaliers)
de migraine sans aura.
Les études d’association pangénomique ou genome-wide associa- D. Durant la céphalée au moins un des symptômes suivants :
1. nausées et/ou vomissements
tion studies (GWAS) analysent une multitude de polymorphismes
2. photophobie et phonophobie
répartis sur le génome entier dans de très larges cohortes de migrai-
neux et de non-migraineux. Le principe de la GWAS consiste E. N’est pas mieux expliqué par un autre diagnostic de l’ICHD-3
en deux étapes, une première de découverte sur une cohorte
cas–témoins et une deuxième de confirmation sur une deuxième
cohorte cas–témoins. Si le résultat est significatif après ces deux Tableau 2.
étapes, une méta-analyse prend l’ensemble des cohortes de décou- Critères diagnostiques de la migraine avec aura typique selon
verte et de confirmation, et une association entre marqueurs et la l’International Headache Society (version ICHD-3 beta) [3] .
migraine est considérée comme significative à l’échelle pangéno- A. Au moins deux crises répondant aux critères B et C
mique si elle atteint p ≤ 5 × 10−6 .
B. Au moins un des symptômes réversibles d’aura :
La première GWAS dans la migraine [35] a été publiée en 2010 par
1. visuel
l’International Headache Genetic Consortium (IHGC). Des cen-
2. sensitif
taines de milliers de marqueurs génétiques ont été analysés et en 3. parole et/ou langage
mettant le seuil de significativité pangénomique à p ≤ 5 × 10−8 , 4. moteur
un seul des 429 972 marqueurs à savoir rs1835740 était signifi- 5. du tronc cérébral
cativement associé à la migraine. Pour confirmer ce résultat, le 6. rétinien
marqueur a été analysé chez 3202 migraineux et 40 062 témoins ;
C. Au moins deux des quatre caractéristiques suivantes :
la méta-analyse des sept cohortes cas–témoins montre qu’il est 1. au moins un des symptômes d’aura se développe graduellement en au
associé à une augmentation de 18 % du risque de « migraine glo- moins 5 minutes, et/ou deux ou plusieurs symptômes d’aura
bale ». Ce marqueur est situé entre deux gènes intervenant dans apparaissent successivement
l’homéostasie du glutamate, à savoir MTDH ou astrocyte eleva- 2. chaque symptôme de l’aura dure entre 5 et 60 minutes
ted gene 1 connu pour inhiber le gène du principal transporteur 3. au moins un des symptômes d’aura est unilatéral
du glutamate cérébral et plasma glutamate carboxypeptide impliqué 4. l’aura est accompagnée ou suivie dans les 60 minutes d’une céphalée
dans la synthèse du glutamate. D. N’est pas mieux expliqué par un autre diagnostic de l’ICHD-3 et un
En fixant le seuil de significativité un peu plus bas, à accident ischémique transitoire ayant été exclu
p ≤ 5 × 10−5 , 11 autres marqueurs associés à la migraine ont été
identifiés, dont neuf sont situés à proximité de gènes déjà connus.
La deuxième GWAS [36] a été négative pour plusieurs raisons
phénotypage plus précis. Il sera en outre utile de faire des
méthodologiques : utilisation de différentes plateformes géné-
séquençages massifs car les GWAS n’analysent que les régions
tiques diagnostiques par questionnaire seulement et manque de
contenant des marqueurs polymorphes.
puissance par effectif insuffisant des cohortes cas–témoins.
La troisième GWAS [37] publiée en 2011 a concerné trois cohortes
cas–témoins issues de la population générale et une cohorte
cas–témoins de l’IHGC. Aucun marqueur n’a atteint le seuil de  Clinique
significativité pangénomique de p ≤ 5 × 10−8 ; en revanche, sept
loci ont atteint des seuils de significativité plus bas à p ≤ 5 × 10−6 . Migraine sans aura
Les sept marqueurs ont été analysés dans des cohortes de réplica-
Les critères diagnostiques de la migraine sans aura sont présen-
tion : rs2651899, rs10166942 et rs11172113 ont pu être validés et
tés dans le Tableau 1.
ont atteint le seuil de significativité pangénomique de p ≤ 5 × 10−8
La migraine sans aura a souvent une relation avec le cycle mens-
dans la méta-analyse globale incluant la cohorte initiale et les
truel. L’International Classification of Headache Disorders, 3rd edition
trois cohortes de réplication. Deux GWAS ont donc identi-
(beta version) propose des critères pour la migraine purement
fié des marqueurs différents intervenant dans l’homéostasie du
menstruelle (A1.1.1) et pour la migraine liée aux menstruations
glutamate.
(A1.1.2) dans l’appendice en raison de l’incertitude quant à savoir
Une quatrième GWAS [38] a été publiée en 2012 ; aucun mar-
si elles doivent être considérées comme des entités distinctes.
queur n’a atteint le seuil de significativité pangénomique, les
12 loci ayant atteint les seuils les plus élevés ont été analysés dans
le panel de réplication et six loci ont été confirmés à des degrés Migraine avec aura
divers. Deux nouveaux loci ont été identifiés : le premier étant
1q22 dans le gène MEF2D qui code un facteur de transcription Les critères diagnostiques de la migraine avec aura sont présen-
neuronale. La protéine MEF2D favorise la survie et la différen- tés dans le Tableau 2.
ciation neuronale au cours du développement, l’activation de Lorsque, par exemple, trois symptômes se produisent au
MEF2D restreint également le nombre de synapses excitatrices. cours d’une aura, la durée maximale acceptable est de trois
Son dysfonctionnement pourrait induire une hyperexcitabilité. fois 60 minutes. Les symptômes moteurs peuvent durer jusqu’à
L’autre loci était 3p24 proche du gène TGFBR2 impliqué dans la 72 heures. L’aura est un ensemble de symptômes neurologiques
régulation de la prolifération et la différentiation cellulaire, ainsi survenant habituellement avant la céphalée, mais elle peut débu-
que la production de la matrice extracellulaire. ter alors que la céphalée a commencé ou continuer pendant la
La génétique de la migraine a connu des avancées majeures phase céphalalgique.
depuis 2010, mais la plupart des gènes restent à identifier. Le L’aura visuelle est le type le plus fréquent d’aura, survenant
futur en matière de génétique de la migraine avec aura ou de la chez plus de 90 % des patients atteints de migraine avec aura,
migraine sans aura est aux études GWAS encore plus larges avec un au moins dans certaines crises. Elle se présente souvent comme

6 EMC - Neurologie
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Tableau 3. Tableau 4.
Critères diagnostiques de la migraine avec aura du tronc basilaire. Critères diagnostiques de la migraine hémiplégique.
A. Au moins deux crises répondant aux critères B à D A. Au moins deux crises répondant aux critères B et C
B. Aura constituée de symptômes visuels, de symptômes sensitifs et/ou B. Aura comprenant les deux symptômes suivants :
de troubles de la parole/langage, tous étant totalement réversibles, sans 1. déficit moteur totalement réversible
symptômes moteur ou rétinien 2. symptômes visuels, symptômes sensitifs et/ou troubles de la
C. Au moins deux des symptômes du tronc cérébral suivants : parole/langage, tous étant totalement réversibles
1. dysarthrie C. Au moins deux des quatre caractéristiques suivantes :
2. vertige 1. au moins un des symptômes d’aura se développe graduellement en au
3. acouphène moins 5 minutes, et/ou deux ou plusieurs symptômes d’aura
4. hypoacousie apparaissent successivement
5. diplopie 2. chaque symptôme d’aura non moteur dure entre 5 et 60 minutes et
6. ataxie les symptômes moteurs ont une durée inférieure à 72 heures
7. diminution du niveau de conscience 3. au moins un des symptômes d’aura est unilatéral
D. Au moins deux des quatre caractéristiques suivantes : 4. l’aura est accompagnée ou suivie dans les 60 minutes d’une céphalée
1. au moins un des symptômes d’aura se développe graduellement en au D. N’est pas mieux expliqué par un autre diagnostic de l’ICHD-3, un
moins 5 minutes, et/ou deux ou plusieurs symptômes d’aura accident ischémique transitoire et/ou constitué ayant été exclu
apparaissent successivement
2. chaque symptôme d’aura dure entre 5 et 60 minutes
3. au moins un des symptômes d’aura est unilatéral
Tableau 5.
4. l’aura est accompagnée ou suivie dans les 60 minutes d’une céphalée
Critères diagnostiques de la migraine rétinienne.
E. N’est pas mieux expliqué par un autre diagnostic de l’ICHD-3, un
accident ischémique transitoire ayant été exclu A. Au moins deux crises répondant aux critères B et C
B. Aura constituée d’un phénomène visuel positif et/ou négatif
totalement réversible (scintillements, scotome ou cécité) monoculaire,
confirmé pendant la crise par au moins un des éléments suivants :
1. un examen clinique du champ visuel
des « fortifications » avec une figure en zigzag apparaissant près 2. un dessin du patient (réalisé après des instructions claires) montrant
du point de fixation et s’étendant progressivement à droite ou le déficit monoculaire
à gauche pour prendre une forme convexe latéralement avec un
C. Au moins deux des trois caractéristiques suivantes :
bord scintillant, laissant un scotome plus ou moins important
1. extension graduelle de l’aura en au moins 5 minutes
dans son sillage. Dans d’autres cas, un scotome sans phéno-
2. durée de l’aura entre 5 et 60 minutes
mènes positifs peut se produire ; il est souvent perçu comme étant 3. céphalée accompagnant ou suivant l’aura dans les 60 minutes
d’apparition brutale, mais s’agrandit habituellement de façon gra-
D. N’est pas mieux expliqué par un autre diagnostic de l’ICHD-3, et les
duelle. Chez les enfants et les adolescents, des symptômes visuels
autres causes d’amaurose transitoire ayant été exclues
bilatéraux moins typiques peuvent représenter une aura. Une
échelle de dépistage de l’aura visuelle possédant une grande spé-
cificité et une grande sensibilité a été développée et validée.
L’aura sensitive s’exprime par une sensation d’épingles et Tableau 6.
aiguilles se déplaçant lentement du point d’origine pour affecter Critères diagnostiques de la migraine chronique.
une part plus ou moins grande d’un hémicorps, du visage et/ou de A. Céphalée (de sémiologie tensive et/ou migraineuse) au moins 15 jours
la langue. Un engourdissement peut se produire dans son sillage, par mois depuis plus de 3 mois répondant aux critères B et C
mais l’engourdissement peut également être le seul symptôme.
B. Survenant chez un patient ayant eu au moins cinq crises répondant
Moins fréquents sont les troubles de la parole, habituellement aux critères B à D de la migraine sans aura et/ou aux critères B et C de la
aphasiques, mais souvent difficiles à catégoriser. De plus, l’aphasie migraine avec aura
est toujours considérée comme un symptôme unilatéral, la dysar-
C. Au moins 8 jours par mois depuis plus de 3 mois avec au moins un de
thrie pouvant l’être ou non.
ces éléments :
Chez certains patients, une aura typique est toujours suivie par
1. céphalée répondant aux critères C et D de la migraine sans aura
une céphalée migraineuse, mais de nombreux patients ont, en 2. céphalée répondant aux critères B et C de la migraine avec aura
outre, des crises avec une aura suivie par une céphalée non migrai- 3. céphalée considérée à son apparition par le patient comme étant
neuse ou une aura sans céphalée. Un certain nombre de patients migraineuse et répondant à un triptan ou à un dérivé de l’ergot de seigle
peuvent présenter exclusivement une aura typique sans céphalée.
D. N’est pas mieux expliqué par un autre diagnostic de l’ICHD-3
Les critères diagnostiques de la migraine sont présentés dans le
Tableau 3.
Une migraine avec aura incluant une faiblesse motrice est dite
migraine hémiplégique (Tableau 4). Complications de la migraine
Il en existe deux formes :
• familiale : migraine avec aura comprenant un déficit moteur, et Migraine chronique
au moins un des apparentés de premier ou de deuxième degré Il s’agit d’une céphalée survenant pendant 15 jours ou plus par
a une migraine avec aura comprenant un déficit moteur. Elle mois depuis plus de trois mois qui présente les caractéristiques
s’accompagne très souvent de symptômes du tronc cérébral en cliniques de la céphalée migraineuse pendant au moins huit jours
plus des symptômes de l’aura typique. Rarement, lors des crises, par mois (Tableau 6).
des troubles de la conscience (y compris parfois le coma), de la La raison de singulariser la migraine chronique de la migraine
confusion, de la fièvre et une pléiocytose du liquide cérébros- épisodique est qu’il est impossible de distinguer les épisodes de
pinal peuvent survenir ; céphalée chez les patients présentant une céphalée fréquente ou
• sporadique : ils nécessitent généralement une neuro-imagerie continue. En fait, les caractéristiques de la céphalée peuvent chan-
et d’autres examens complémentaires pour exclure d’autres ger non seulement d’un jour à l’autre, mais même au sein du
causes. Une ponction lombaire peut être nécessaire pour exclure même jour. Il est extrêmement difficile de garder ces patients
un syndrome de céphalée et déficits neurologiques transitoires sans prise de médicaments pour observer l’histoire naturelle de
avec lymphocytose du liquide cérébrospinal. la céphalée [40] .
La migraine rétinienne consiste quant à elle en attaques répétées La caractérisation des céphalées récurrentes fréquentes néces-
de troubles visuels monoculaires incluant des scintillements, des site la tenue d’un agenda pour noter jour après jour pendant au
scotomes ou une cécité associée avec une céphalée migraineuse [39] moins un mois les informations concernant la douleur et les signes
(Tableau 5). associés.

EMC - Neurologie 7
17-023-A-50  Migraine

État de mal migraineux il apparaît raisonnable de le codifier en tant qu’infarctus migrai-


neux tout en le prévenant de la nécessité de le suivre, même s’il
Il s’agit d’un patient qui présente habituellement des crises va parfaitement bien, pour éventuellement découvrir la véritable
de migraine sans aura et qui dans le cas précis va dévelop- affection causale.
per pendant plus de 72 heures sans aucune rémission une crise
habituelle de migraine sans aura mais dont l’intensité est beau-
coup plus importante et qui s’accompagne de troubles digestifs Aura migraineuse déclenchant une crise
notamment des vomissements importants pouvant aller jusqu’à la d’épilepsie
déshydratation [41] . Généralement, le patient prend de nombreux Migraine et épilepsie sont les exemples d’atteinte cérébrale
médicaments pour essayer d’arrêter cette crise. Cette complication paroxystique. Ainsi, des céphalées de type migraineux sont relati-
a tendance à favoriser l’abus médicamenteux qu’il faut rechercher vement fréquentes dans les périodes postictales épileptiques. De
de façon extrêmement active. temps en temps, des crises d’épilepsie surviennent durant une
crise de migraine ou la suivent. Ce phénomène appelé migralep-
Aura persistante sans infarctus sie [44] est un événement rare décrit au tout début chez des patients
Il s’agit de symptômes d’aura persistant pendant plus d’une présentant une migraine avec aura. L’évidence d’une association
semaine sans évidence d’infarctus en neuro-imagerie. Il s’agit de avec une migraine sans aura n’a jamais été démontrée. Il s’agit
patients qui présentent normalement des migraines avec aura, et donc d’une crise d’épilepsie répondant aux critères diagnostiques
dont l’aura typique et habituelle survient mais persiste pendant d’un type de crise d’épilepsie et survenant chez un patient qui
plus d’une semaine. Bien souvent, les symptômes sont bilaté- présente une migraine avec aura sachant qu’elle survient durant
raux et lorsque l’on fait une neuro-imagerie on ne retrouve pas ou après une heure, ou dans l’heure qui suit le début d’une crise
l’exceptionnel infarctus migraineux que l’on aurait pu escomp- de migraine avec aura.
ter. Ce type d’aura peut durer parfois pendant des mois ou des
années [42] .
 Traitement
Infarctus migraineux
Il s’agit d’un ou de plusieurs symptômes de migraine avec aura
Traitement de crise
associés à une lésion cérébrale ischémique dans le territoire appro- Migraine sans aura
prié qui a pu être mis en évidence par la neuro-imagerie [43] . Un
accident ischémique chez un patient présentant des migraines Des recommandations sur la stratégie thérapeutique ont été
peut être classifié comme un infarctus cérébral d’autre cause et publiées par la Société française d’étude des migraines et cépha-
coexister avec une migraine : infarctus cérébral dû à une autre lées [45] .
cause se présentant avec des symptômes qui ressemblent à une La stratégie recommandée est la suivante : lors de la première
migraine avec aura ou bien infarctus cérébral survenant durant consultation à la suite de l’interrogatoire du patient, on voit si
l’attaque typique d’une migraine avec aura. Un risque augmenté le traitement habituel fonctionne ou non ; il est testé à l’aide des
d’accident ischémique chez des patients avec migraine a été quatre questions suivantes :
démontré dans plusieurs études. Malgré cela, il faut noter que • Êtes-vous suffisamment soulagé 1 à 2 heures après la prise de ce
ces infarctus n’étaient pas des infarctus migraineux ; le méca- traitement ?
nisme de l’augmentation de risque d’accident ischémique chez • Utilisez-vous une seule prise de ce traitement dans la journée ?
la migraineuse demeure peu clair. La relation entre la fréquence • Ce traitement est-il efficace sur au moins deux crises sur trois ?
de l’aura et la nature des symptômes de l’aura qui caractérise • Ce traitement est-il bien toléré ?
l’augmentation de ce risque est inconnue. La plupart des études Si le patient répond oui aux quatre questions, il n’y a aucune
ont montré l’absence d’association entre migraine avec aura et raison de modifier son traitement. S’il répond non à au moins une
accident vasculaire ischémique. des quatre questions, on doit prescrire sur la même ordonnance
Il faut tout de même remarquer que la grande majorité des des- un AINS et un triptan.
criptions des infarctus migraineux a été faite avant les critères Si la céphalée est d’intensité légère et si la crise n’a pas démarré
précis de l’IHS. C’est pourquoi la littérature est très hétérogène depuis plus d’une heure, le patient prend d’abord l’AINS ; il garde
avec des patients considérés comme ayant eu un infarctus migrai- le triptan en traitement de secours, il le prend alors s’il n’est pas
neux simplement parce que le bilan causal minimaliste pour les
critères actuels était négatif et que le patient était migraineux.
D’autres cas ont été rapportés dans le post-partum, mais n’était-
ce pas des angiopathies non diagnostiquées dans le cas de MHF ?
Ou n’était-ce pas des maladies de cerebral autosomal dominant Céphalée légère et Céphalée modérée à
arteriopathy with subcortical infarcts and leukoencephalopathy non traitement dans sévère et traitement
diagnostiquées ou dans un contexte d’épilepsie sévère ? Enfin, la première heure au-delà de la première
d’autres cas avec l’utilisation des critères de l’IHS ont eu leur
explication causale quelques années plus tard. Le territoire artériel
le plus souvent touché est celui des artères cérébrales posté-
AINS Triptan
rieures, mais tous les territoires artériels ont été décrits et par Si échec après 1 à Si échec après 1 à
ailleurs la physiopathologie demeure floue : spasmes, hypoperfu- 2 heures, triptan 2 heures, AINS
sion prolongée, œdème de la paroi, etc.
Il existe des auras très prolongées de plusieurs jours ou semaines
sans infarctus. Que doit-on faire comme bilan causal ? Les exa-
mens ultrasonores, l’IRM avec séquences de diffusion-perfusion, le AINS + triptan
fluid attenuated inversion recovery, T1 et T2, l’angiographie par réso-
nance magnétique avec injection de gadolinium, l’échographie
cardiaque transœsophagienne, le bilan de la maladie de système,
semblent être le bilan de base. Mais jusqu’où aller ? Jusqu’à pré- Après consultation :
sent l’IHS n’apporte pas de réponse. Il faut donc retenir que le changement triptan
diagnostic d’infarctus migraineux est une entité très discutable. et/ou AINS ± traitement
Les critères diagnostiques précis de 2013 permettent de parler de de fond
la même chose, ce qui n’était absolument pas le cas avant cette
date, ce qui fait que toute la littérature antérieure est à lire avec Figure 1. Arbre décisionnel. Stratégie du traitement de crise. AINS :
beaucoup de circonspection. Si un patient remplit tous les critères, anti-inflammatoires non stéroïdiens.

8 EMC - Neurologie
Migraine  17-023-A-50

soulagé 1 à 2 heures après la prise de l’AINS. Il teste cela sur trois De même façon, le triptan est testé par le patient sur trois crises
crises, et si sur au moins deux des trois crises l’AINS n’est pas et si le triptan est inefficace sur au moins deux des trois crises, le
efficace, ou bien s’il est mal toléré, le triptan est pris en première patient prend alors en une seule prise l’association triptan et AINS
intention pour les crises suivantes. pour les crises suivantes.
En cas de céphalée d’intensité modérée à sévère, si la crise a Lors de la consultation de suivi quelques mois plus tard, si
débuté depuis plus d’une heure, le patient prend d’abord le trip- cette stratégie s’est révélée inefficace il est recommandé de chan-
tan, garde l’AINS en traitement de secours au cas où il n’aurait pas ger de triptan et/ou d’AINS, voire d’instaurer un traitement de
été soulagé 1 à 2 heures après la prise du triptan. fond (Fig. 1). Il faut noter que l’association triptan–AINS prise dès

Tableau 7.
Traitements de crise.
Principes actifs Posologie (par jour) Effets indésirables Contre-indications
Traitement symptomatique de la crise de la migraine et des troubles digestifs associés
Acétylsalicylate de 900 mg en début de crise Liés au métoclopramide : Liés au métoclopramide :
lysine + métoclopramide [46] troubles neuropsychiques, phéochromocytome, hémorragie
dyskinésies tardives, gastro-intestinale, sténose ou
syndromes extrapyramidaux, perforation digestive, antécédents
troubles endocriniens de dyskinésie tardive
Liés au salicylé : troubles médicamenteuse,
digestifs, syndrome contre-indication chez l’enfant
hémorragique, accident de Liés au salicylé : ulcère
sensibilisation, syndrome de gastroduodénal en évolution,
Reye hypersensibilité aux salicylés,
risque hémorragique
Traitements spécifiques : dérivés ergotés
Ergotamine (tartrate) [47] Adulte/enfant > 10 ans Ergotisme, nausées, Hypersensibilité aux dérivés de
Adulte : 2 mg/j (jusqu’à 6 mg/j maximum et vomissements l’ergot de seigle ; maladie artérielle
10 mg/semaine maximum) oblitérante, insuffisance
Enfant > 10 ans : demi-dose coronaire, choc, hypertension
artérielle, infection sévère,
insuffisance hépatique sévère
Dihydroergotamine [47] Adulte > 16 ans et > 65 ans Ergotisme, précordialgies pour
Solution endonasale : 1 pulvérisation dans chaque la forme injectable, réactions
narine en début de crise locales transitoires à type
Solution injectable : 1 ampoule renouvelable, 30 à d’obstruction nasale et de
60 minutes plus tard rhinorrhée pour la forme
2 mg maximum par jour et 8 mg maximum par endonasale
semaine
Traitements spécifiques : agonistes sélectifs des récepteurs 5HT1 [48] (adulte de 18 à 65 ans)
Almotriptan Cp à 12,5 mg, Bouffées vasomotrices, Hypersensibilité, antécédents de :
maximum 25 mg/j vertiges, sensations de – infarctus du myocarde ou
faiblesse, asthénie, pathologie cardiaque ischémique,
somnolence, nausées, vasospasme coronarien (angor de
vomissements, rares cas de Prinzmetal)
spasmes coronariens – pathologie vasculaire
Hypertension modérée ou périphérique
sévère, sensation de – accident vasculaire cérébral ou
fourmillement, de chaleur, de accident ischémique transitoire
pression ou d’oppression Patients ayant une insuffisance
hépatique sévère
Hypertension modérée ou sévère
et chez les patients ayant une
hypertension légère non contrôlée
Association avec les inhibiteurs de
la monoamine oxydase
Allergie croisée aux sulfamides
(sauf rizatriptan et zolmitriptan)
Elétriptan Cp à 40 mg,
maximum 80 mg/j
Frovatriptan Cp à 2,5 mg,
maximum 5 mg/j
Naratriptan Cp à 2,5 mg,
maximum 5 mg/j
Rizatriptan Cp à 5 et 10 mg lyophylisat à 10 mg,
maximum 20 mg/j
Sumatriptan Cp à 50 mg,
maximum 300 mg/j
Injection s.c. ampoule 6 mg, maximum 12 mg/j
Pulvérisation nasale à 10 et 20 mg, maximum 40 mg/j
Zomitriptan Cp à 2,5 mg orodispersible à 2,5 mg,
maximum 10 mg/j

Cp : comprimé ; s.c. : sous-cutanée.

EMC - Neurologie 9
17-023-A-50  Migraine

le début de la crise est recommandée sous couvert d’une bonne abus médicamenteux. Le traitement de fond ne doit pas être
tolérance dans les crises sévères insuffisamment soulagées par les instauré sans explication, c’est-à-dire sans démarche d’éducation
monothérapies antérieurement et/ou pour les crises avec récur- vis-à-vis du patient car il doit bien comprendre que ce traitement
rence et/ou pour les crises nocturnes, ou bien évidemment si le n’a pas pour but de supprimer les crises mais de réduire leur fré-
patient ne veut pas se traiter dès le début de la crise. quence, leur durée, leur intensité. La tenue de l’agenda de crise
Il est nécessaire que le patient utilise un agenda de crise pour permet d’apprécier cette efficacité. Un traitement de fond est ins-
vérifier une utilisation abusive de traitement de crise fréquente tauré en fonction des contre-indications, de l’intolérance ou de
chez les migraineux et susceptible d’entraîner des céphalées chro- l’inefficacité du traitement ultérieur, le choix de la molécule repo-
niques quotidiennes par abus médicamenteux. Dès que le patient sant sur le terrain, la comorbidité ou la sévérité des crises en
aura utilisé un traitement de crise régulièrement deux jours ou considérant toujours la balance bénéfice/risque, notamment les
plus par semaine depuis plus de trois mois, il lui est demandé de prises de poids, la somnolence, l’asthénie, voire les risques téra-
consulter pour prescrire éventuellement un traitement de fond. togènes chez les femmes enceintes ou susceptibles de l’être. Le
traitement de fond est débuté en monothérapie à faible dose pro-
Migraine avec aura gressivement croissante en tenant compte des effets indésirables
pour atteindre la posologie optimale conseillée. Ce traitement de
En l’état des connaissances en 2015, aucun traitement n’a fait la fond est jugé efficace lorsqu’il réduit la fréquence des crises, leur
preuve de son efficacité pour réduire la durée de l’aura ; il est donc durée et leur intensité d’au moins 50 % au bout de 3 à 4 mois. En
recommandé de prendre un AINS dès le début de l’aura pour pré- cas d’échec, deux possibilités peuvent être envisagées, soit la poso-
venir ou limiter l’intensité de la céphalée ultérieure et d’attendre logie est augmentée en l’absence d’effet indésirable, soit un autre
le début de la céphalée éventuellement pour prendre un triptan traitement de fond peut être proposé, et l’on repart sur la même
si celle-ci survient (Tableau 7). séquence de 3 à 4 mois. L’association de deux traitements de fond
peut être envisagée dans le but de réduire les effets indésirables res-
Traitement de fond pectifs de chaque molécule après les avoir testés séparément. En
cas d’échec répétitif, il faut alors évaluer l’observance du patient
Stratégie d’un traitement de fond [45] ou rechercher un abus médicamenteux.
Un traitement de fond doit être mis en place en fonction du
handicap et de l’altération de la qualité de vie du patient, mais Quand et comment peut-on arrêter un traitement
aussi bien sûr en fonction de la fréquence et de l’intensité des
crises, c’est-à-dire dès que le patient consomme depuis trois mois
de fond ?
le traitement de crise plus de deux jours chaque semaine et cela En cas de succès, c’est-à-dire lorsque le traitement à doses effi-
même en cas d’efficacité afin d’éviter la céphalée chronique par caces a été poursuivi pendant au minimum de six mois à un an

Tableau 8.
Traitements de fond.
Principes actifs [49] Posologie (par jour) Effets indésirables Contre-indications
[50]
Propranolol 40–240 mg Fréquents : asthénie, mauvaise tolérance à Asthme, insuffisance cardiaque, bloc
Metoprolol 100–200 mg l’effort auriculoventriculaire, bradycardie
Timolol (hors AMM) 10–20 mg Rares : insomnie, cauchemars, impuissance, NB : possibilité d’aggravation des
Atenolol (hors AMM) 100 mg dépression migraines avec aura
Nadolol (hors AMM) 80–240 mg
Nebivolol (hors AMM) 5 mg
Oxetorone [16] 50–180 mg (1 à 3 cp) Fréquent : somnolence
Rare : diarrhée nécessitant l’arrêt du traitement
Amitriptyline [50] 10–50 mg le soir Sécheresse de la bouche Glaucome, adénome prostatique
Somnolence
Prise de poids
Pizotifène [50] 3 cp par jour Sédation Glaucome, troubles urétroprostatiques
à doses progressives Prise de poids
Rares : troubles digestifs, vertiges, douleurs
musculaires, asthénie
Topiramate [51]
Valproate de sodium [51] 500–1000 mg Nausées, prise de poids, somnolence, Pathologies hépatiques
tremblement, alopécie, atteinte hépatique
Méthysergide [47] 2–6 mg (1–3 cp) Fréquents : nausées, vertiges, insomnie HTA, insuffisance coronarienne,
Arrêt nécessaire 1 mois Rares : fibrose rétropéritonéale artériographies, ulcère gastrique,
Tous les mois insuffisance hépatique et rénale,
association aux triptans
Flunarizine [52] 10 mg (1 cp le soir) Fréquents : somnolence, prise de poids Syndrome dépressif, syndrome
Pas plus de 6 mois consécutifs Rares : dépression, syndrome extrapyramidal extrapyramidal
Gabapentine [51] (hors AMM) 1200–2400 mg Nausées, vomissements, convulsions, Hypersensibilité à la gabapentine
somnolence, ataxie, vertiges
Candesartan [53] (hors AMM) 8–16 mg Hypotension artérielle Hypersensibilité
Insuffisance hépatique et rénale sévère
2e et 3e trimestre de la grossesse
Venlafaxine [54] (hors AMM) 75–150 mg Nausées Hypersensibilité à la venlafaxine
Vertiges Association aux IAMO non sélectifs
Hypersudation Galactosémie congénitale
Somnolence Allaitement
Nervosité
Sécheresse de la bouche

cp : comprimé ; AMM : autorisation de mise sur le marché ; HTA : hypertension artérielle ; IMAO : inhibiteurs de la monoamine oxydase.

10 EMC - Neurologie
Migraine  17-023-A-50

adapté aussi étroitement que possible à l’évolution spontanée de [16] Massiou H, Bousser MG. Prophylactic drug treatment of migraine. Rev
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2014;34:258–67. 2009;32:254–8.

D. Valade, Chef de service (dominique.valade@lrb.aphp.fr).


Centre urgences céphalées, Hôpital Lariboisière, 2, rue Ambroise-Paré, 75475 Paris cedex 10, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Valade D. Migraine. EMC - Neurologie 2015;12(4):1-12 [Article 17-023-A-50].

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12 EMC - Neurologie
 17-023-A-55

Céphalées de l’enfant
H. Isnard

Les céphalées de l’enfant sont un motif quotidien de consultation, leurs causes sont multiples, des cépha-
lées aiguës qui peuvent être une urgence neurologique, aux céphalées chroniques en général primaires,
principalement la migraine et la céphalée de tension qu’il faut absolument distinguer d’une cépha-
lée secondaire en relation avec une lésion intracrânienne que l’on peut soupçonner devant des signes
d’alarme et des anomalies de l’examen neurologique dont l’importance a été soulignée. Il est vu que
les critères de l’International Headache Society (IHS) concernant la migraine de l’adulte étaient souvent
inopérants chez l’enfant dont la migraine est encore méconnue et sous-diagnostiquée, ce qui peut en
partie s’expliquer par une présentation clinique qui peut être trompeuse, et des syndromes épisodiques
souvent déroutants. Les diverses formes de la migraine sont décrites ainsi que ses complications dont
l’association à l’épilepsie ; est ensuite soulignée la problématique de l’imagerie. Après les céphalées chro-
niques quotidiennes et leur prise en charge, le traitement de la crise migraineuse et le traitement de fond
de la migraine sont abordés, et dans la conclusion certains problèmes thérapeutiques en fonction de l’âge
sont signalés, le manque d’enquêtes épidémiologiques de la migraine par le biais de la médecine scolaire
et d’évaluation de son coût sont constatés.
© 2016 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots-clés : Enfant ; Céphalées ; Migraines ; Syndromes épisodiques ; Céphalées chroniques quotidiennes ;


Épilepsies

Plan retenus, et les recommandations de la Société française d’étude


des migraines et céphalées (SFEMC) parues en 2013 [5] consacrent
■ Introduction 1 à l’enfant son paragraphe.
Le sujet est vaste obligeant à des choix, d’ailleurs : « Malheur
■ Céphalées aiguës 1 à l’auteur qui veut toujours instruire. Le secret d’ennuyer est
■ Céphalées chroniques 2 celui de tout dire. » [6] . Le quotidien sera privilégié, et les formes
Céphalées secondaires 2 exceptionnelles comme la vasoconstriction cérébrale réversible ou
Céphalées primaires 2 la migraine du syndrome de Sturge Weber seront oubliées et la
■ Migraine et épilepsie 6 génétique des migraines, évoquée par le biais des migraines hémi-

plégiques.
Traitement de la crise migraineuse 6
■ Traitement de fond 6
■ Conclusion 7

 Céphalées aiguës
La grande majorité répondent à des causes banales, des infec-
 Introduction tions des voies aériennes supérieures, la grippe, les sinusites, etc.
(29 à 39 %), les traumatismes crâniens – cause fréquente puisqu’ils
Les céphalées de l’enfant sont le premier motif de consulta- représentent 15 % en moyenne de l’ensemble des admissions aux
tion de neurologie pédiatrique, leur fréquence selon les études urgences pédiatriques en général, dont 90 % sont des trauma-
varie de 5,9 à 37 % et augmente à l’âge scolaire (40 à 50 %) et à tismes crâniens bénins [7] et relèvent de la médecine de ville.
l’adolescence (80 %) [1] ; elles relèvent de causes diverses et n’ont D’autres ont un pronostic grave et réclament un diagnostic pré-
en général rien à voir avec un trouble de la réfraction [2] ; les cépha- cis. Elles s’accompagnent en général, en dehors des méningites,
lées primaires, telles que les migraines, et les céphalées chroniques des exceptionnelles sphénoïdites ou des intoxications oxycarbo-
quotidiennes (CCQ) sont prédominantes. nées en général familiales, d’une hypertension intracrânienne
Leur diversité est soulignée par la classification internationale (HIC), et peuvent se manifester par des céphalées en coup de
des céphalées ICHD III de la Société internationale des céphalées tonnerre, céphalées réclamant un traitement urgent, l’hématome
(International Headache Society [IHS]) dont la troisième édition extradural, les thromboses des sinus veineux, les hémorragies
(beta version) parue en 2013 dans Cephalalgia [3] succède à celle parenchymateuses ou méningées des ruptures d’anévrismes, de
de 2004. Elle est soumise à discussion, ainsi la migraine ophtal- malformations artérioveineuses ou de cavernomes, sans oublier
moplégique, que l’on peut rencontrer chez l’enfant, classée en les dissections carotidiennes, dans ce cas la douleur est plus laté-
2013 dans les neuropathies douloureuses crâniennes est baptisée rocervicale et il faut penser à ausculter les artères carotides, mais
neuropathie ophtalmoplégique douloureuse récidivante, ce qui l’imagerie est plus rentable.
pour certains [4] est contestable. Cette classification fait la part Ces situations sont prises en charge par les services d’urgence,
belle à l’adulte, mais les syndromes épisodiques de l’enfance y sont leur fréquence est inversement proportionnelle à leur gravité,

EMC - Neurologie 1
Volume 13 > n◦ 2 > avril 2016
http://dx.doi.org/10.1016/S0246-0378(15)29424-9
17-023-A-55  Céphalées de l’enfant

elles ne représentent qu’un faible pourcentage des céphalées de Les causes des céphalées chroniques secondaires de l’enfant
l’enfant. sont essentiellement des lésions intracrâniennes occupant de
La malformation de Chiari 1 est un cas particulier. Découverte l’espace, bénignes ou malignes, de la fosse cérébrale postérieure
à l’occasion d’une céphalée aiguë, elle pose le problème de son (médulloblastome, astrocytome cérébelleux, tumeurs du tronc
implication puisque tous les types de céphalées peuvent être cérébral), ou sus-tentorielles (gliomes, papillomes, pinéalomes,
symptomatiques de cette malformation [8] . En l’absence d’autres craniopharyngiomes), sans oublier l’hématome sous-dural.
symptômes, la chirurgie prophylactique n’est pas indiquée [9] ce
qui implique une surveillance régulière clinique, neurophysiolo-
gique et par imagerie par résonance magnétique (IRM) ; deux cas, Céphalées primaires
d’un adolescent de 16 ans et d’une fillette de 9 ans, témoignent de
Prévalence
cette problématique.
On rappelle que la migraine de l’enfant répond par obligation
aux critères de la migraine de l’adulte faute d’études consacrées
 Céphalées chroniques au monde pédiatrique, elle a été longtemps ignorée, en 1998 une
enquête épidémiologique parisienne concluait à une pathologie
Le contexte est différent, une consultation programmée pour fréquente sous-estimée et très mal diagnostiquée [11] .
un enfant dont le début des céphalées remonte à plusieurs L’étude de Bille en 1962 [12] sur la prévalence des céphalées de
semaines ou plusieurs mois : il a mal à la tête, s’en plaint à ses 8993 enfants et adolescents suédois demeure une référence. Elle
parents, quelquefois aussi à l’école, point à ne pas négliger, maux a montré un taux de céphalées de tous types de 58,7 % entre 7
de tête qui peuvent être recrudescents et motivent la consul- et 14 ans, celui des migraines étant de 2,5 % chez les garçons et
tation. La problématique n’est pas l’urgence mais le diagnostic de 2,4 % chez les filles entre 7 et 9 ans, proportion montant à 4 %
différentiel entre céphalées primaires et céphalées secondaires des adolescents et 6,4 % des adolescentes entre 13 et 15 ans, au
symptomatiques d’une lésion intracrânienne. moment de la puberté les filles sont plus migraineuses que les
Lors de l’anamnèse, il faut évaluer en cas de non-dit le niveau garçons.
d’inquiétude des parents et interroger l’enfant quand il peut L’enquête parisienne concernant 1810 enfants retrouve des
répondre. Il n’est pas rare de voir les parents apporter une radio- résultats similaires. Devenus adultes, à 50 ans plus de la moitié des
graphie des sinus (la sinusite est souvent avancée sans preuve), enfants migraineux le demeure – les filles plus que les garçons – et
un scanner et une IRM, quelquefois un électroencéphalogramme 23 % guérissent avant 25 ans [13] .
(EEG) examen qui, depuis l’imagerie moderne, n’a plus sa place Les enfants d’âge préscolaire n’ont pas été concernés, pourtant
dans le bilan causal d’une céphalée. les céphalées primaires existent en dessous de 6 ans [14] où le diag-
L’examen neurologique d’un enfant se fait essentiellement nostic de migraine est possible, et même dès l’âge du nourrisson,
debout. Il ne suffit pas de l’examiner allongé – ce qui chez le le diagnostic étant fait rétrospectivement à l’occasion de la consul-
petit enfant entraîne cris et pleurs –, au contraire, dès la marche tation de l’enfant migraineux dont les parents décrivent vers l’âge
acquise, il est primordial d’apprécier la locomotion qui permettra de 1 ou 2 ans des épisodes paroxystiques de souffrances plus ou
de dépister un port de tête anormal, sa mobilité, un déficit moteur moins fébriles rapportés à l’époque à diverses causes, la migraine
localisé, et surtout une ataxie cérébelleuse avec élargissement du n’étant pas envisagée, car les critères de l’ICHD 2013 semblent
polygone de sustentation quand elle est manifeste, mais qui plus trop restrictifs pour cette tranche d’âge.
discrète peut ne s’exprimer que par la danse des tendons. Ce sont Les antécédents familiaux importants à rechercher peuvent
des signes essentiels, bien plus importants que l’examen de la sen- concerner 90 % des enfants migraineux [15] . À ce propos, il est
sibilité ou des réflexes ostéotendineux et cutanés plantaires qui important de demander aux parents s’ils ont des maux de tête,
n’ont pas de rendement diagnostique appréciable sauf situations s’ils en ont eus dans l’enfance et l’adolescence, car souvent ils
particulières. Il ne faut pas négliger la palpation du crâne avec répondent par la négative lorsqu’on leur parle de migraines, les
mesure du périmètre céphalique, l’exploration des nerfs crâniens, migraineux ignorant souvent leur maladie.
et, si l’âge le permet, le champ visuel au doigt. Cet examen doit Les critères de l’IHS :
être complété par un examen clinique général avec contrôle de la • A. Au moins cinq épisodes remplissant les critères B à D ;
pression artérielle. • B. Céphalée aiguë durant quatre à 72 heures (non traitée ou
traitée inefficacement) ;
Céphalées secondaires • C. La céphalée a au moins deux des caractéristiques suivantes :
◦ localisation unilatérale,
Les céphalées dues à une lésion intracrânienne sont souvent ◦ caractère pulsatile,
en relation avec une HIC et doivent être soupçonnées d’après les ◦ douleur modérée à intense,
critères suivants, les « chiffons rouges » [1] : un début récent et des ◦ aggravation par l’activité physique routinienne qui est évitée
céphalées importantes, une évolution rapide, un âge précoce en par le sujet (par exemple marcher ou monter des marches
dessous de 3 ou 4 ans, un siège occipital ou cervical ou latérocer- d’escalier) ;
vical, l’existence de signes fonctionnels évoquant une HIC, tels • D. Durant la céphalée au moins un des critères suivants :
que des nausées, des vomissements en particulier nocturnes ou ◦ nausées et/ou vomissements,
matinaux, un changement durable de comportement, l’absence ◦ photophobie et phonophobie ;
d’antécédents migraineux familiaux. • E. Pas d’autre cause décelable.
L’IRM crânioencéphalique (et non pas le scanner cérébral Quand elle est typique la migraine épisodique sans aura de
qui n’a sa place qu’en cas d’urgence, d’enfant en bas âge l’enfant ne pose pas de problème, et ne justifie pas de faire une
nécessitant une sédation ou d’IRM non disponible) est alors imagerie, un critère peut manquer, on retient alors une migraine
impérative, sans oublier l’examen fundoscopique, qui, malgré les probable, mais les critères de l’IHS sont souvent inopérants ainsi :
progrès de l’imagerie, ne doit pas être négligé ; non seulement • la durée pose problème, définie entre quatre et 72 heures ce
il peut conditionner l’urgence de l’imagerie, mais il est un cri- critère ne s’applique pas à l’enfant dont la migraine peut être
tère diagnostique de l’hypertension intracrânienne idiopathique plus brève et sans parler des céphalées en coup de pic à glace [16]
(pseudotumor cerebri), qui se définit, brièvement, chez un enfant ou en coup de tonnerre [17] qui ne durent que quelques secondes
dont l’examen clinique est normal, par des céphalées d’apparition et peuvent se rencontrer chez un enfant migraineux connu. Les
récente, accompagnées de nausées ou vomissements, avec œdème migraines de l’enfant peuvent donc être brèves et durer moins
papillaire au fond d’œil et imagerie cérébrale normale ; ce diag- de deux heures ;
nostic est crucial car, en l’absence de traitement, l’acétazolamide, • les critères mentionnent l’aggravation par l’activité quoti-
l’évolution spontanée de ce syndrome, dont la physiopathologie dienne, mais il faut rechercher chez l’enfant le sommeil
est encore obscure, peut se faire vers une baisse, voire une perte de réparateur dans l’obscurité, symptôme nécessaire et pratique-
vision. C’est une situation non exceptionnelle où l’obésité semble ment suffisant qui doit être comptabilisé dans la durée de la
jouer un rôle favorisant [10] . migraine. Or, ce sommeil peut atteindre plusieurs heures avant

2 EMC - Neurologie
Céphalées de l’enfant  17-023-A-55

le réveil qui doit être spontané, il ne faut pas réveiller l’enfant des vomissements. L’épisode dure quelques secondes à quelques
pour le repas du soir, ce qui peut réactiver la douleur, conseil- minutes avec restitutio ad integrum, l’enfant peut en avoir une
ler de le laisser dormir jusqu’au lendemain matin pour qu’il se dizaine en deux à trois ans.
réveille soulagé de son mal de tête ; ainsi le tableau récurrent Cette description clinique correspond aux critères de l’IHS 2013,
d’un enfant se plaignant de maux de tête, souvent au retour il faut au moins cinq épisodes et au moins un des symptômes
de l’école, pâle, allant spontanément dans sa chambre après ou signes suivants : nystagmus, ataxie, vomissements, pâleur et
avoir ou non vomi, pour s’y endormir dans l’obscurité et se peur. On peut dire que l’IHS est peu exigeante puisqu’en pratique
réveillant au bout de quelques heures soulagé constitue la scène l’enfant en réunit au moins deux ou trois.
emblématique de la migraine sans aura de l’enfant ; Ce tableau rapporté par les parents, l’examen neurologique à
• la localisation et la qualité sont discutables également, la distance normal, le diagnostic est évident et peut se passer dans
douleur d’après l’IHS doit être unilatérale, alors que souvent cette forme typique d’imagerie. Doit-on le considérer comme une
l’enfant désigne le front ou toute la tête, il n’est pas fait mention forme de migraine vestibulaire avant l’heure qui est retenu dans
de la douleur orbitaire plus souvent unilatérale que bilatérale, l’appendice de l’ICHD de 2013 ?
l’enfant dit qu’il a mal à l’œil. Enfin, si la pulsatilité signalée Cependant les critères 2013 exigent un bilan oto-rhino-
spontanément est un argument important, souvent l’enfant laryngologie (ORL), audiométrique et vestibulaire normal en
répond simplement « ça fait mal ». période libre de vertiges, cette exigence peut remettre, à tort, en
Enfin, il existe deux particularités pratiquement propres à question un diagnostic évident, puisque ce bilan peut montrer
l’enfant : des résultats anormaux chez des enfants chez qui le diagnostic de
• les sensations vertigineuses : surtout chez l’adolescent dont VPB est certain [26] .
l’importance peut quelquefois masquer la céphalée, entraî- Un bilan comprenant un examen ORL et des potentiels évoqués
nant une errance diagnostique. Lorsqu’on le lui demande, auditifs du tronc cérébral (PEATC) paraît suffisant.
l’adolescent répond souvent que ses « vertiges » le gênent plus
Torticolis paroxystique bénin
que les céphalées ;
• la fièvre : elle peut accompagner une crise migraineuse, elle Il n’est pas rare, avec des épisodes de plusieurs heures de posi-
peut être supérieure à 39 ◦ C. Au sein d’une population de tion anormale de la tête penchée sans gêne apparente, sans ataxie
1724 enfants âgés de 3 à 14 ans suivis entre 1981 et 1995 dans et sans vomissements. Il survient en général très tôt, souvent avant
un service spécialisé, elle a été retrouvée dans 9 % des cas [18] . 1 an et disparaît progressivement en l’espace d’un ou deux ans, le
Il faut, pour terminer, rechercher : diagnostic doit être retenu après contrôle de l’IRM cérébrale.
• des facteurs favorisants : la qualité du sommeil, les habitudes Ainsi, Manon née le 1er octobre 2011, dont la mère est migraineuse
alimentaires. En ce qui concerne le surpoids, il ne favo- a présenté entre mars et juin 2012, quatre épisodes de torticolis droit
rise pas l’apparition de la migraine, mais il joue un rôle en ou gauche avec vomissements, durant au moins 24 heures, totalement
la pérennisant, plus souvent chez la fille, il faut en tenir réversibles, la notion d’un examen neurologique à distance strictement
compte dans le traitement prophylactique car une perte de normal suffisant à faire le diagnostic.
poids peut être bénéfique en diminuant la fréquence des Vomissements cycliques
migraines ; Ils correspondent à des épisodes brutaux souvent nocturnes, de
• des comorbidités : des troubles d’apprentissage, un déficit atten- nausées et de vomissements de plusieurs heures à plusieurs jours
tionnel, un syndrome dépressif [19] ; avec important malaise général, souvent fatigue et somnolence,
• les facteurs déclenchants : l’effort physique, l’activité scolaire, et même léthargie ; ils entraînent souvent une déshydratation
les émotions, les contextes de chaleur avec forte luminosité, pouvant nécessiter une hospitalisation, ils surviennent à inter-
les jeux vidéo. Le stress est considéré comme le facteur le valles réguliers, la périodicité est à ce point précise que des
plus fréquent [20] , et il ne faut pas oublier les traumatismes crâ- parents peuvent prédire à un jour près leur survenue, ils doivent
niens bénins [21] dont le premier chez un enfant prédisposé peut être explorés par une IRM cérébrale et un bilan métabolique, ils
déclencher la maladie migraineuse ; débutent dans l’enfance ou l’adolescence, plus le début est précoce
• les prodromes : fatigue, changement d’humeur ou troubles plus le risque de survenue de migraine est important [27] .
gastro-intestinaux [22] dont la présence quand ils sont recon- L’observation suivante obéit strictement aux critères 2013 de
nus peut favoriser une meilleure prise en charge de la crise l’IHS des vomissements cycliques. Dorian né le 21 septembre 1986,
migraineuse à venir. dont la mère est migraineuse, va présenter entre août 1988 et 2009,
quatre épisodes annuels pouvant durer 48 heures de nausées et vomis-
États prémonitoires sements intenses débutant systématiquement la nuit, brutalement, avec
Ils sont prémonitoires, car ils apparaissent souvent avant des pleurs, des vertiges, une photophobie, un état léthargique, l’enfant
la date des céphalées et peuvent ensuite coexister avec la évitant tout mouvement qui accentue douleur et vomissement. Aucun
migraine. traitement prophylactique n’a été efficace, ils ont disparu spontané-
Le somnambulisme est une parasomnie « prémonitoire », il est ment en 2009, et depuis Dorian présente deux fois par an une migraine
considéré comme un critère diagnostique mineur de migraine [15] , hyperalgique émétisante durant au moins 24 heures.
il survient en général entre 4 et 8 ans, on le retrouve chez plus Un traitement séquentiel dans ce syndrome peut apporter
de 30 % des migraineux, alors qu’il concerne entre 3 et 5 % de la quelque bénéfice, il faudrait le proposer quand la périodi-
population pédiatrique [23] . Il peut survenir avant la migraine et cité est régulière. Ainsi, l’exemple récent d’une fille de 9 ans,
coexister ensuite. vomissements cycliques tous les quatre mois depuis quatre ans,
Le mal des transports peut être prémonitoire ou être associé, traitée depuis plus de huit mois par topiramate 25 mg/j les trois
près de la moitié des enfants migraineux l’éprouve contre 5 à 7 % semaines précédant l’événement prévu, actuellement libre de
de la population pédiatrique [24] , il peut être un critère mineur de vomissements. Ce cas est anecdotique, mais c’est une stratégie
la migraine de l’enfant. thérapeutique intéressante.
Migraine abdominale
Syndromes épisodiques La migraine abdominale (MA) est de diagnostic malaisé en
Ils sont souvent rencontrés en pratique quotidienne. l’absence de céphalée concomitante ou consécutive, il est cer-
tain qu’elle est sous-diagnostiquée, en 2013 considérée comme un
Vertige paroxystique bénin syndrome épisodique et si l’on s’en tient aux critères de la classi-
Théoriquement de 5 mois à 8 ans [25] , il survient en réalité le fication, elle réalise le tableau d’un enfant qui pendant quelques
plus souvent entre 2 et 4 ans. L’enfant présente un syndrome ves- heures ou quelques jours se plaint de douleurs péri-ombilicales,
tibulaire, il a un véritable vertige, il est pâle, il va vers sa mère ou de la ligne médiane ou mal localisées, d’intensité modérée ou
inquiet en se plaignant, il a peur, il exprime clairement sa plainte sévère, qui s’accompagnent d’anorexie de nausées ou de vomis-
« ça tourne », il peut tituber, il est ataxique et si la chute est rare, sements et/ou de pâleur, douleur qui n’est pas due à une cause
il doit souvent être soutenu, un nystagmus est possible, ainsi que identifiable avec un examen normal et en l’absence de toute

EMC - Neurologie 3
17-023-A-55  Céphalées de l’enfant

atteinte gastro-intestinale ou rénale qui aura été écartée par un nantes, mais les parents ne rapportent pas de peur ou d’angoisse
bilan approprié. La MA représenterait 4 à 15 % des douleurs abdo- intense, alors que les hallucinations visuelles simples, classique-
minales idiopathiques et récurrentes de l’enfant [28] . La présence ment non colorées, points ou lignes dispersés dans le champ
d’antécédents migraineux familiaux et souvent personnels facilite visuel, le scotome scintillant évoluant du centre à la périphé-
le diagnostic, si son entité est reconnue il paraîtrait plus logique rie de la migraine ophtalmique baptisée maintenant « migraine
de considérer la MA comme une forme de migraine de l’enfant. rétinienne » (classée dans la migraine avec aura) sont moins
inquiétants ; ces symptômes durent au moins cinq minutes, si
Coliques du nourrisson
l’aura est riche chaque symptôme apparaît successivement. Clas-
Elles semblent maintenant retenues comme syndrome épiso- siquement la céphalée succède à l’aura, mais les critères précisent
dique, on les rencontre chez 5 à 19 % des nourrissons, elles sont bien que la céphalée peut débuter durant l’aura.
maximales à l’âge de 5 ou 6 semaines et diminuent dès l’âge de 3 à
Migraine basilaire
4 mois. Elles se traduisent par des épisodes récurrents d’irritabilité,
de pleurs, d’agitation chez un nourrisson en bonne santé, au Les symptômes de la migraine basilaire proviennent de l’artère
moins trois heures par jour et trois jours par semaine souvent basilaire, elle est maintenant baptisée « migraine avec aura du
en fin de journée. Le lien avec la migraine sans aura a été sta- tronc cérébral ». C’est une migraine pratiquement propre à
tistiquement établi [29] . Gelfand considère que ces coliques sont l’enfant, elle réalise dans sa forme majeure un tableau impres-
une manifestation précoce de la migraine [30] et voudrait qu’elles sionnant par sa gravité apparente, elle peut débuter à l’âge du
soient reconnues comme une migraine à part entière, et cela a une nourrisson.
incidence lors des pleurs, bercer doucement, dans le calme et la Le cas de Florian né le 18 juin 1981, en bonne santé, apparemment
pénombre (éteindre le jouet sonore !). Il faut s’habituer à recher- sans antécédents familiaux de migraine en est un exemple.
cher cet antécédent chez l’enfant ou l’adolescent migraineux, Le 10 avril 1989, à 11 h 30, en classe il présente un trouble visuel
quand il est présent, les parents en gardent un souvenir précis. hémianopsique droit, a des nausées, puis des vomissements, suivis
d’un état confusionnel l’empêchant de suivre le cours. Florian est alors
Hémiplégie alternante du nourrisson ramené au domicile familial où l’on constate une hypotonie impor-
Ce syndrome rare [31] est considéré dans l’appendice de la clas- tante des quatre membres, véritable quadriplégie, avec augmentation
sification de 2013 comme un syndrome épisodique qui peut être des troubles de conscience confinant à un coma.
associé à la migraine. Il se caractérise par un début précoce avant À l’arrivée du service d’aide médicale urgente (Samu), il présente une
1 an par des épisodes récurrents d’hémiplégie transitoire inté- crise convulsive hémicorporelle droite, tonique, longue conduisant à une
ressant alternativement l’un ou l’autre hémicorps, quelquefois réanimation avec intubation, ventilation assistée et anesthésie générale
les deux hémicorps en même temps, associée à d’autres mani- au domicile familial.
festations paroxystiques telles que des crises dystoniques, un Dans le service de réanimation, un scanner sans produit de contraste
nystagmus, des crises d’épilepsie. L’examen clinique intercritique est normal ainsi que le bilan biologique d’entrée, à trois heures du matin,
est anormal, et dans la majorité des cas il apparaît un retard men- ayant recouvré une conscience normale, il est désintubé et en fin de
tal. Les traitements antiépileptiques ou antimigraineux ne sont matinée il va très bien et peut retourner à la maison.
que partiellement efficaces, l’intérêt thérapeutique étant de favori- Il est vu en consultation trois semaines après l’événement, pour
ser l’endormissement qui fait disparaître les symptômes, et si l’on avis diagnostique et thérapeutique, car un traitement de valproate a
considère la notion d’un sommeil réparateur, l’assimilation de ce été prescrit lors de son hospitalisation, l’EEG montrant à distance de
syndrome neurologique à la migraine, qui ne fait pas l’unanimité, l’événement un ralentissement occipital gauche, en rapport avec la crise
peut paraître une démarche diagnostique logique, et la biologie et/ou la migraine ; le valproate sera arrêté en juillet, on réalise une IRM
moléculaire pourra peut-être un jour démontrer que l’hémiplégie cérébrale et un bilan métabolique exhaustif, à l’issue duquel le diag-
alternante du nourrisson (HAN) est une forme compliquée et pré- nostic d’un épisode de migraine basilaire est définitivement retenu. Par
coce de la migraine hémiplégique [32] . la suite, il présentera de temps en temps des vertiges correspondant à
L’IHS en 2013 distingue deux formes de migraines avec aura, la des épisodes mineurs ; la famille contactée par téléphone rapporte que
migraine avec aura qui inclut le déficit moteur – donc les migraines Florian va bien, il a 35 ans, n’a plus de vertiges, il n’est sans doute plus
hémiplégiques, la migraine rétinienne, la migraine du tronc céré- migraineux.
bral – et la migraine avec aura typique sans déficit moteur. Cette migraine n’a pas toujours ce déroulement apparemment
dramatique et peut se résumer à des symptômes isolés non asso-
Migraine avec aura typique ciés tels que vertiges, paresthésies bilatérales, ataxies, acouphènes,
lipothymies ou état syncopal. La répétition d’accès majeurs est
Il s’agit d’un tableau assez classique et les critères de l’IHS sont rare.
bien adaptés à l’âge pédiatrique, les énumérer suffit à décrire la
Migraine confusionnelle
sémiologie.
Les critères diagnostiques sont : Elle n’est toujours pas retenue dans la classification de 2013 et
• A. Au moins deux épisodes remplissant les critères B et C ; pourtant elle existe, et il n’est pas exceptionnel de la rencontrer,
• B. Aura comportant des symptômes visuels, sensoriels et/ou lan- le plus souvent chez l’adolescent, elle est souvent méconnue et
gagiers, chacun de ces symptômes est totalement réversible, il correspond à une migraine avec aura.
n’y a pas de symptôme moteur, rétinien ou du tronc cérébral ; Sa prévalence selon Barlow est d’environ 5 % des enfants migrai-
• C. Au moins deux des quatre caractéristiques suivantes : neux, dans la moitié des cas elle succède à un traumatisme crânien
◦ au moins une aura symptôme se propage petit à petit pendant bénin, et la dépression corticale de Leao qui s’étendrait au tronc
plus de cinq minutes ou deux symptômes ou plus appa- cérébral et aux hippocampes est une hypothèse causale [33] : il
raissent successivement, s’agit d’un état d’agitation, de distractibilité, de comportement
◦ chaque aura dure entre cinq et 60 minutes, et de langage incohérents qui peut s’intégrer dans un tableau de
◦ au moins une aura est unilatérale, migraine typique avec ou sans aura, mais qui très souvent semble
◦ la céphalée peut accompagner l’aura ou la suivre dans l’heure isolé sans céphalée évidente, car celle-ci passe au second plan en
qui suit ; raison de l’importance de l’état confusionnel, le tableau est alors
• D. Aucun autre diagnostic de la classification III ne peut mieux trompeur justifiant des investigations, une recherche de toxiques,
correspondre et l’accident vasculaire cérébral transitoire a été une imagerie et un EEG ictal destiné à éliminer un état de mal
éliminé. d’absence, car la confusion peut durer plusieurs heures.
Les auras les plus importantes souvent rencontrées chez On peut en rapprocher l’observation d’une adolescente dont la
l’adolescent sont le déficit sensitif de l’hémicorps, lorsqu’il migraine « classique » a été précédée pendant plusieurs mois par
est à droite chez l’enfant droitier, il ne s’agit pas d’un défi- des épisodes durant cinq à sept jours de mutisme associé à un
cit moteur, sinon c’est une migraine hémiplégique, mais d’un évitement relationnel et une apraxie.
engourdissement auquel succèdent d’importants troubles pha- Syndrome d’Alice au pays des merveilles
siques expliquant lors du premier épisode le bilan d’imagerie en C’est le grand oublié de la classification, il a été décrit par Todd
urgence ; plus que la vision floue les amauroses sont impression- en 1955 [34] qui l’associait déjà à la migraine et à l’épilepsie sans

4 EMC - Neurologie
Céphalées de l’enfant  17-023-A-55

écarter d’autres causes et l’a baptisé en référence à la migraine de L’IRM peut montrer des variantes anatomiques vasculaires, une
Lewis Carroll, réputée déterminante dans la relation des aventures agénésie carotidienne (observation personnelle) ou un polygone
d’Alice. Ce syndrome considéré comme une migraine avec aura, de Willis incomplet (observations personnelles), mais 40 à 50 %
se rencontre essentiellement dans sa forme mineure d’illusions de la population générale ont un polygone de Willis complet, il
visuelles, macropsie, téléopsie, micropsie, phénomènes isolés, s’agit d’une anomalie commune, mais qui est cependant plus sou-
souvent sans céphalée concomitante, qui durent en général plu- vent retrouvée chez les sujets migraineux avec aura, là aussi il faut
sieurs minutes et peuvent se répéter dans la même journée ; tranquilliser les parents et l’enfant [38] .
l’enfant les signale inquiet à ses parents, surtout lorsqu’ils sur-
viennent au moment du coucher, quand ils ne comportent aucun Céphalées autonomes trigéminées
autre symptôme le diagnostic d’équivalent migraineux est le plus Elles se rencontrent exceptionnellement chez l’enfant. Ce
probable, on pourrait alors parler de syndrome épisodique, sur- sont principalement les algies vasculaires de la face dont seule-
tout en cas d’antécédents familiaux de migraines et de la notion de ment 11 cas ont été diagnostiqués entre 2000 et 2004 dans un
céphalées intercurrentes chez l’enfant, mais il peut être inaugural centre britannique dédié [39] , avec un âge moyen de début de
chez un enfant indemne de toute céphalée. 8 ans et demi ; les douleurs sont unilatérales sévères orbitaires
L’enfant est en général adressé pour avis sur d’éventuelles et temporales accompagnées de signes autonomes (larmoiement,
crises épileptiques occipitales ; or la présence d’une micropsie injection conjonctivale, rhinorrhée etc.), leur durée est variable en
isolée, sans autre cortège symptomatique tel que des hallucina- moyenne de 30 à 180 minutes [39] . Contrairement à la migraine,
tions plus élaborées, des phénomènes de type oculoversif, un durant la céphalée l’enfant s’agite, ne cherche pas le repos. Ces
syndrome post-critique élimine d’emblée le diagnostic de crise céphalées méritent d’être citées, car, en cas d’impossibilité de pres-
épileptique partielle. D’autres manifestations simples sont sou- cription des triptans en raison de l’âge ou de leur échec, elles
vent rencontrées dans ce contexte de migraine, des impressions peuvent répondre à l’oxygénothérapie [40] .
d’accélération des bruits ambiants, des sensations d’irréalité qui Le short-lasting unilateral neuralgiform headache attacks with
étonnent l’enfant sans l’inquiéter vraiment. conjunctival injection and tearing (SUNCT) est une douleur hémi-
Mais ce syndrome peut se manifester par des illusions plus faciale, un « œil rouge » et des larmes ; on est proche de l’algie
complexes, des déplacements d’objet, des métamorphopsies vasculaire de la face, mais, contrairement à cette dernière, les
(modification de la forme ou de la taille d’un membre, du corps ou accès sont brefs et répétés dans la même journée, les cas pédia-
d’un objet), une autoscopie (dédoublement de son propre corps triques sont rares [41] . Cependant, avant de retenir ce diagnostic
[out of body experience]), des sensations proprioceptives anormales chez l’enfant, il faut s’assurer de la normalité du bilan paracli-
(cas d’une fillette de 8 ans qui éprouve une sensation de glissement nique, comme dans le cas suivant.
hors du siège où elle est assise comme une luge sur une pente), Rose née le 12 janvier 2007, vue le 2 mai 2012 présente depuis
si dans ces cas la migraine peut être en jeu, la probabilité d’une mars 2012 des épisodes quotidiens de douleurs oculaires et périorbi-
épilepsie partielle ne peut être écartée, confirmant que la migraine taires de l’œil droit, se répétant une dizaine de fois par jour, avec œil
n’est pas la cause univoque de ce syndrome. rouge et larmoyant. L’examen ophtalmologique est normal ainsi que
l’examen neurologique et en particulier facial ; le diagnostic de SUNCT
Complications de la migraine paraît probable, le père est migraineux, mais un second examen oph-
talmologique révèle la présence d’un corps étranger cornéen dans l’œil
L’état de mal migraineux correspond à une migraine débili-
droit dont l’exérèse guérit l’enfant de ses douleurs. Rétrospectivement,
tante de plus de 72 heures chez un migraineux connu, mais il peut
on apprend qu’avant l’apparition des douleurs, l’enfant s’était plainte
être inaugural, il n’est pas exceptionnel chez l’adolescent, il peut
d’avoir reçu une poussière dans l’œil dans la cour de son école, un jour
poser un problème de diagnostic quand le tableau évoque un pos-
de grand vent. On n’interroge jamais assez l’enfant en âge de répondre.
sible chevauchement avec des céphalées de tension (CDT) dans
L’hemicrania continua, l’hémicrânie paroxystique sont proches
un contexte d’absentéisme scolaire, son traitement est difficile et
du SUNCT, ces syndromes exceptionnels en pédiatrie méritent
peut nécessiter une hospitalisation et un traitement antalgique
d’être connus en raison de la réponse à l’indométacine.
parentéral. Il est remarquable de constater que certains adoles-
cents migraineux évoluent uniquement sur le mode d’états de Céphalées chroniques quotidiennes
mal espacés qui ne sont pas éligibles à un traitement de fond.
Les sociétés savantes [42] ont publié les recommandations les
Dans ces cas la prise d’Imigrane® dès le début des céphalées est
concernant et en retiennent cinq en 2013 : la migraine chronique,
recommandée.
la céphalée de tension (CDT), l’hemicrania continua, la céphalées
chroniques quotidiennes (CCQ) de novo et la céphalée par abus
Imagerie dans la migraine médicamenteux (CAM).
La répétition des migraines avec aura et même sans aura Les CCQ présentes au moins 15 jours par mois depuis au moins
justifie à la longue une IRM cérébrale avec angiographie par trois mois sont observées plus fréquemment chez les filles d’âge
résonance magnétique qui, en dehors d’anomalies totalement for- scolaire (2,4 %) que chez les garçons du même âge (0,8 %), on les
tuites (kyste arachnoïdien, kyste de l’épiphyse etc.) peut découvrir retrouve plus souvent chez les adolescents, filles (4 %) et garçons
des hypersignaux de la substance blanche plus souvent rencontrés (2 %) [43] , et elles correspondent pour une grande part aux CDT
dans les migraines avec aura. naguère « céphalées psychogènes », qui ne comportent pas de cri-
Leur nature bénigne est reconnue, ils ne semblent pas en tère migraineux. D’emblée quotidiennes ou espacées au départ
relation avec la persistance d’un foramen ovale ou d’un shunt puis en quelques mois quotidiennes, elles surviennent au moins
droite–gauche [35] , ils apparaissent tôt et seraient quatre fois plus quatre heures par jour, elles sont en général bilatérales, mais la
fréquents chez l’enfant migraineux, ils peuvent s’associer à des céphalée migraineuse peut l’être aussi, elles ne sont pas pulsatiles,
infarctus silencieux cérébraux notamment dans le cervelet, malgré l’enfant dit plus facilement que ça presse, ça serre, il emploie quel-
tout ils demeurent bénins sans conséquence clinique ni neuropsy- quefois une métaphore, comme des « cailloux dans la tête », leur
chologique [36] . caractéristique principale qui les distingue de la migraine est la
Ces hypersignaux ne seraient donc pas associés à un risque accru tolérance à l’activité physique.
d’accidents vasculaires cérébraux (AVC), et d’après une équipe Les CDT peuvent coexister avec de véritables migraines,
californienne portant sur une population de 88 164 enfants doit-on pour autant retenir alors le diagnostic de migraine chro-
migraineux [37] il n’y a pas de risque augmenté d’AVC hémor- nique (naguère « migraine transformée » de la classification de
ragique chez l’enfant et l’adolescent migraineux, mais Gelfand Silberstein-Lipton) dont la définition de 2013 n’est pas simple,
conclut sans certitude (there may be) que le risque d’AVC des céphalées au moins 15 jours par mois pendant au moins trois
ischémique serait statistiquement plus élevé chez l’adolescent mois qui associent des céphalées de type CDT et des céphalées
migraineux, en particulier en cas d’état de mal d’aura. Mais cette de type migraineux, en fait moitié CDT ou apparentées et moitié
éventualité demeure exceptionnelle, il n’est donc pas légitime migraines ou apparentées ?
d’aborder ce sujet lors de la consultation et il faut rassurer en cas La tenue d’un agenda qui doit différencier les deux types de
de questions des parents. céphalées sur trois mois est en pratique impossible, on retient

EMC - Neurologie 5
17-023-A-55  Céphalées de l’enfant

en général chez l’enfant l’association de céphalées mixtes migrai- temporales (naguère à paroxysmes rolandiques) [49] , migraine et
neuses et CDT, le diagnostic de migraine chronique qui préoccupe épilepsie peuvent aussi coexister ou se succéder dans les épilep-
beaucoup chez l’adulte est peut-être sous-estimé chez l’enfant, il sies occipitales, bénignes [50] , ou non, dans ce dernier cas selon
le serait sans doute moins si sa définition était plus simple. le contexte, il ne faut pas écarter l’éventualité (rare) d’une cyto-
L’origine des CDT est inconnue, on soupçonne sans preuve un pathie mitochondriale. Mais cette séquence se retrouve dans
mécanisme neurobiologique. des épilepsies moins déterminées, comme le cas de Benoît né
Quelquefois la réponse est facile quand elles cèdent lors des le 4 mai 1994 qui a présenté entre 2 et 5 ans dans un contexte de
vacances scolaires, s’il n’y a pas d’absentéisme scolaire, si la vie de retard développemental et d’épilepsie familiale, une épilepsie guérie
famille n’est pas perturbée, on peut parler de CDT « bénignes ». puisque sans rechute après l’arrêt du traitement, suivie d’un som-
Mais certaines CDT s’accompagnent d’une véritable déscolarisa- nambulisme (prémonitoire ?) à l’âge de 10 ans et, à l’âge de 14 ans
tion, dans ce cas il faut demander aux parents ce que fait l’enfant en 2008, d’une première migraine hémiplégique mais non reconnue
resté à la maison, se repose-t-il dans son lit pour soulager une comme telle à l’époque en raison d’un doute quant à un déficit uni-
migraine ou s’adonne-t-il aux jeux vidéo ou à la télévision ? quement sensitif, qui a récidivé deux ans plus tard en 2010, ensuite en
Il faut alors rechercher des comorbidités, telles que des troubles 2013 où les crises migraineuses sont devenues recrudescentes, dont
du sommeil, des troubles psychologiques comme un état anxieux une avec troubles de conscience et déficit hémiplégique persistant
ou dépressif plus souvent rencontré que dans la migraine ou qui a conduit à une hospitalisation avec IRM normale. L’analyse
encore un syndrome de fatigue chronique. Comme pour les moléculaire a alors mis en évidence une mutation ATP1A2 retenue
migraines l’interrogatoire doit s’attacher à préciser les conditions responsable, mutation qui pourrait être associée à certaines épilep-
de vie familiale, de scolarité, de sommeil, d’alimentation, d’autres sies de l’enfant. Ce patient présente donc une migraine hémiplégique
situations concourent à la pérennisation de ces céphalées condui- sporadique succédant à une épilepsie de l’enfance, avec une mutation
sant à une prise en charge multidisciplinaire, thérapies relaxantes, génétique susceptible d’être déterminante pour ces deux pathologies ;
soutien psychologique [44] et, après avis spécialisé, traitement anti- • la migralepsie définit la séquence d’une migraine avec ou sans
dépresseur. aura suivie d’une crise épileptique plus souvent partielle que
Les CAM [45] , diagnostic différentiel de la migraine chronique, généralisée. Ce concept décrit par Panayiotopoulos, contesté
sont des CCQ modifiées ou aggravées dues à une prise excessive par certains [51] existe pourtant comme le montre l’observation
de médicaments (plus de dix jours par mois pour les triptans et suivante : Amandine, née en mars 1988 d’une mère migraineuse, va
opioïdes, plus de 15 jours pour les antalgiques) chez un enfant présenter de janvier 2000 à septembre 2002 de nombreuses migraines
ayant présenté auparavant des céphalées primaires, elles ont été sans aura qui, en l’absence de traitement antimigraineux, se ter-
longtemps sous-estimées chez l’enfant, mais seraient plus fré- minent systématiquement par une crise d’épilepsie partielle (quand
quentes que prévu ce qui se conçoit, car c’est une situation banale la migraine peut être écourtée par le traitement symptomatique, en
de voir des enfants recevant plusieurs jours par semaine depuis l’occurrence un triptan, pas de crise). La dernière a lieu en 2002 au
des mois un antalgique ou un anti-inflammatoire non stéroï- collège où elle ne disposait pas de son traitement, avec une longue
dien (AINS). Le diagnostic est incertain, seule l’efficacité d’un crise hémicorporelle droite. L’examen clinique et l’EEG post-critique
sevrage lentement progressif, mieux accepté qu’un sevrage rapide, au cabinet médical objectivent une aphasie d’expression sans troubles
permettra de reconnaître l’abus médicamenteux, si les céphalées de compréhension ni déficit moteur en dehors d’une discrète parésie
cèdent il s’agit d’une CAM, cette situation est exceptionnelle chez faciale droite chez cette adolescente gauchère et, sur l’EEG, un intense
l’enfant, car le plus souvent les céphalées persistent malgré le ralentissement hémisphérique gauche dont le déterminisme était sans
sevrage, mais une migraine chronique n’est cependant pas évi- doute mixte ; un traitement de fond (topiramate 50 mg/j) se révélera
dente, puisque selon les sociétés savantes [42] « la prévalence de la très efficace, les migraines disparaissent et partant les crises épilep-
migraine chronique est plus difficile à estimer en raison des modi- tiques partielles. Ce traitement sera arrêté en août 2006, Amandine
fications récentes des critères diagnostiques de cette pathologie ». a alors 18 ans. Par renseignement téléphonique auprès de sa mère
La CCQ de novo se caractérise par un début brutal, quelquefois fin 2014, elle va bien, n’est plus migraineuse.
par une céphalée en coup de poignard, début bien remémoré par
les parents et/ou l’enfant, céphalée qui peut associer migraine et
CDT, mais des céphalées secondaires peuvent mimer un CCQ de
 Traitement de la crise
novo. L’indication d’imagerie et de bilan paraclinique doit être migraineuse
large [46] .
La CCQ chez l’enfant est exceptionnellement révélatrice d’une Il doit être administré dès le début de la céphalée, et peut être
cause lésionnelle intracrânienne, quand l’examen neurologique donné à l’école dans le cadre d’un projet d’accueil individualisé
est normal on peut exclure avec une quasi-certitude une lésion (PAI).
intracrânienne dans 98 % des cas [1] , ce qui revient à dire que la Les traitements symptomatiques souffrent du manque de molé-
découverte d’une tumeur cérébrale par une céphalée isolée avec cules dont l’autorisation de mise sur le marché (AMM) permet
examen clinique normal concerne 2 % des céphalées. Mais cette l’utilisation réglementaire chez l’enfant, les dérivés de la dihy-
situation peut cependant exister qui conduit à proposer, quel que droergotamine per os ont été supprimés pour service médical
soit l’âge, un bilan de neuro-imagerie à toute CCQ isolée non rendu (SMR) insuffisant – ils rendaient pourtant service – il faut
migraineuse évoluant depuis près d’un an malgré un examen neu- avoir 16 ans pour profiter de la voie endonasale ou injectable, les
rologique normal. récentes recommandations des sociétés savantes préconisent en
première intention l’ibuprofène qui est réglementaire puisque les
maux de tête en sont une indication, on peut le prescrire chez
 Migraine et épilepsie l’enfant très jeune, mais le paracétamol et l’acide acétylsalicylique,
souvent efficaces, sont largement utilisés en automédication.
Les crises d’épilepsie partielles ou généralisées déclenchées par En cas d’échec, c’est une prescription hors AMM en termes
une migraine sont retenues dans la classification de 2013 comme d’indication ou d’âge après accord professionnel (AP) des
complication de la migraine. membres des sociétés savantes :
Il existe un lien entre ces deux pathologies, mais la physiopa- • le diclofénac à partir de 16 kg ;
thologie de cette association demeure obscure [47] en pratique on • le naproxène à plus de 6 ans et 25 kg.
observe les situations suivantes : Quant au tartrate d’ergotamine caféiné per os à partir de l’âge de
• la céphalée post-critique : la céphalée au décours d’une crise 10 ans et le triptan en spray nasal (Imigrane® ) 10 ou 20 mg/0,1 ml
d’épilepsie tonicoclonique généralisée remplit souvent les cri- à partir de 12 ans ils sont de prescription réglementaire.
tères de la migraine [48] ;
• une migraine succède à une épilepsie : il existe une comorbi-  Traitement de fond
dité entre migraine et épilepsie qui apparaît souvent manifeste
dans certains syndromes épileptiques de l’enfance tels que les Il est indiqué en cas de migraines plurimensuelles, à partir de
épilepsies partielles idiopathiques bénignes à pointes centro- deux à trois par mois ou plus espacées si elles sont très invalidantes

6 EMC - Neurologie
Céphalées de l’enfant  17-023-A-55

et, dans ce cas, éligibles à l’éducation thérapeutique. Il faut privilé- tidienne, mais il faut être vigilant pour ne pas méconnaître une
gier avant tout traitement médicamenteux, l’éviction quand c’est céphalée secondaire dont la probabilité est faible en cas d’examen
possible des facteurs déclenchants identifiés, les méthodes alterna- neurologique normal.
tives de relaxation, comportementales, l’hypnose ericksonnienne La migraine de l’enfant est maintenant bien reconnue, typique,
qui demande en général trois à cinq séances chez un hypnothé- son diagnostic est facile, mais elle peut être trompeuse par cer-
rapeute ou un soignant formé à cette technique qui vont amener taines de ses présentations, par l’aspect déroutant des syndromes
le jeune patient à pratiquer l’autohypnose au domicile familial épisodiques et par son association possible à l’épilepsie. Elle est
ou même à l’école – cette technique accessible dès l’âge de 7 ou encore dans ces cas sous-diagnostiquée.
8 ans donne des résultats appréciables – il faut la proposer quand le En dehors des triptans, on dispose de médicaments adaptés à
contexte s’y prête en première intention, elle est conseillée dans l’enfant pour la crise migraineuse quel que soit son âge, de même
les céphalées en général, n’a pas de contre-indication, son effet pour le traitement de fond médicamenteux ; quand les techniques
antalgique est reconnu [52, 53] . alternatives sont défaillantes, à partir de 10 à 12 ans l’arsenal thé-
Le traitement médicamenteux ne sera proposé en association rapeutique est suffisant, alors qu’on est démuni chez le plus petit
ou substitution qu’en cas d’échec ou de résultat insuffisant, il doit en raison d’une pénurie de molécules antimigraineuses ayant une
être associé comme pour les techniques alternatives à d’autres AMM pédiatrique.
mesures selon la présence d’un trouble anxieux, d’un déficit Enfin, il faut regretter l’absence de statistiques récentes concer-
attentionnel, de troubles du sommeil, de problèmes familiaux ou nant les céphalées de l’enfant, principalement la migraine, qui
scolaires, d’un surpoids ou de difficultés alimentaires ; à ce propos pourraient se faire par le biais de la médecine scolaire ; il n’y a
le rôle de l’allergie alimentaire n’est pas évoqué dans les der- pas non plus d’études des coûts que cette maladie génère, et qui
nières recommandations des sociétés savantes, dans ce domaine pourraient être évalués à partir des prescriptions médicamenteuses
la preuve est difficile ou impossible à apporter, la presque tota- et des examens paracliniques (souvent superflus) par les caisses
lité des publications traitant ce thème date du XXe siècle, certaines d’assurance maladie.
semblent démontrer l’évidence, mais faute de preuves, d’essais
randomisés, elles ne remplissent pas les exigences de l’evidence
based medicine d’où sans doute leur déshérence, et pourtant en
clinique quotidienne, des mesures diététiques, certes empiriques,
peuvent apporter une importante amélioration avant tout traite-
“ Points essentiels
ment médicamenteux. • Les céphalées de l’enfant sont une pathologie fréquente
Les médicaments du traitement de fond sont listés dans la par-
et, parmi elles, les migraines et les céphalées de tension
tie pédiatrique des recommandations de la prise en charge de la
migraine [5] dans l’ordre suivant : sont prépondérantes. Dans tous les cas, il faut recher-
• l’amitriptyline 3 à 10 mg sans limite d’âge, sa prescription est cher les signes et symptômes pouvant faire suspecter une
souvent refusée par les parents qui le connaissent comme anti- céphalée secondaire, peu probable si l’examen neurolo-
dépresseur ; gique est normal.
• la flunarizine, 5 mg/j pour la migraine invalidante après échec • Les critères de l’IHS de la migraine (de l’adulte) ne sont
des autres thérapeutiques, ses conditions de prescription ont été pas pour certains adaptés à la migraine de l’enfant en
modifiées par l’Agence nationale de sécurité du médicament et termes de durée, de localisation de la douleur, et il n’est
des produits de santé (ANSM), en mars 2015 à partir de 12 ans pas fait mention du sommeil réparateur qui est un critère
sans dépasser six mois de traitement non renouvelable, ce qui diagnostique important.
est bien court pour un traitement prophylactique, sans doute • Les présentations cliniques multiples et trompeuses
parce qu’il est considéré comme un neuroleptique « caché » par
le dictionnaire français du médicament ; ainsi que l’aspect déroutant des syndromes épisodiques
• l’oxétorone, antihistaminique antisérotonine, sans limite expliquent que la migraine de l’enfant peut être encore
d’âge, 15 à 30 mg/j en général bien supporté, est à préférer en méconnue et sous-diagnostiquée.
première intention, à donner le soir au coucher en raison d’une • Les céphalées chroniques quotidiennes, dont la princi-
possible somnolence ; pale est la céphalée de tension, peuvent s’associer à une
• le pizotifène, dérivé tricyclique, à partir de 12 ans, 0,5 à 1 mg/j véritable migraine, elles peuvent correspondre à un abus
a l’inconvénient de favoriser une prise de poids ; médicamenteux, diagnostic différentiel de la migraine
• le propranolol, 2 à 4 mg/kg, contre-indiqué chez les asthma- chronique ; en ce qui concerne les céphalées de novo, il
tiques, peut poser problème chez le sportif, on conseille de ne faut insister sur l’indication large d’imagerie cérébrale.
pas le prendre avant un important effort physique ; • L’IRM cérébrale peut mettre en évidence des hypersi-
• le topiramate qui a l’AMM pour la migraine de l’adulte, mais qui
en tant qu’antiépileptique peut être prescrit dès l’âge de 2 ans, gnaux de la substance blanche qui ne semblent pas avoir
l’AP permet d’adapter l’AMM. Ses résultats sont souvent appré- de conséquences et des variations anatomiques vasculaires
ciables, mais certains effets secondaires, tels que des troubles également sans conséquence.
du langage ou des paresthésies importantes peuvent entraîner • Le traitement de la crise migraineuse et de la migraine
son abandon malgré son efficacité. Des doses de 50 mg sont en peuvent nécessiter des prescriptions hors AMM après
général suffisantes ; accord professionnel des sociétés savantes.
• le valproate de sodium comme d’autres antiépileptiques a été
proposé, mais sa prescription va être encadrée dès 2016 chez les
filles chez qui il ne doit plus être prescrit dans cette indication.
Le suivi du traitement implique la tenue d’un agenda, la cota-
Déclaration d’intérêts : l’auteur déclare ne pas avoir de liens d’intérêts en rela-
tion de la douleur, mais traiter ne suffit pas, il faut expliquer et tion avec cet article.
la brochure Comment comprendre et traiter la migraine de l’enfant,
éditée par le Centre de la migraine de l’enfant (hôpital d’enfants
Armand-Trousseau) répond pratiquement à toutes les questions.
 Références
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EMC - Neurologie 7
17-023-A-55  Céphalées de l’enfant

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print]. Masson; 2005.

H. Isnard (herve.isnard@wanadoo.fr).
28, rue de la République, 69002 Lyon, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Isnard H. Céphalées de l’enfant. EMC - Neurologie 2016;13(2):1-8 [Article 17-023-A-55].

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8 EMC - Neurologie
Encyclopédie Médico-Chirurgicale 17-023-A-60
17-023-A-60

Migraine hémiplégique familiale


A Ducros
C Denier
A Joutel
Résumé. – La migraine hémiplégique familiale (MHF) est une variété héréditaire, autosomique dominante,
K Vahedi
de migraine avec aura. Elle comporte deux formes cliniques : l’une pure (80% des familles) et l’autre avec
E Tournier-Lasserve
signes cérébelleux permanents (20 % des familles) dans laquelle certains patients ont une ataxie et/ou un
MG Bousser
nystagmus. Les crises typiques de migraine hémiplégique sont caractérisées par la présence d’un déficit
moteur lors de l’aura, toujours associé à d’autres signes (troubles sensitifs, visuels ou du langage) et
précédant généralement la céphalée. Des crises plus sévères avec coma ou confusion, hémiplégie prolongée et
fièvre surviennent chez environ 40 % des patients. L’âge de début, la symptomatologie et la fréquence des
crises ainsi que l’évolution de la maladie sont très variables d’un patient à l’autre, y compris au sein de la
même famille. La MHF est génétiquement hétérogène. Un premier gène, CACNA1A, localisé sur le
chromosome 19 et codant la sous-unité principale des canaux calciques neuronaux de type P/Q, est impliqué
dans environ 50 % de l’ensemble des familles et dans toutes celles avec signes cérébelleux permanents. Les
mutations de CACNA1A responsables de MHF sont de type faux-sens et entraînent une perturbation des
courants calciques P/Q. Un second gène non encore identifié est localisé sur le chromosome 1 et est impliqué
dans 20 % environ des familles. Enfin, 30 % des familles ne sont liées ni au chromosome 19, ni au
chromosome 1, démontrant l’existence d’au moins un troisième gène. En raison de l’hétérogénéité génétique
de la MHF et de la grande taille du seul gène identifié, CACNA1A, le diagnostic génétique de cette affection
reste difficile en pratique.
© 2003 Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Mots-clés : migraine avec aura, coma, ataxie, cérébelleuse, nystagmus, CACNA1A, canal calcique.

Introduction été clairement établi. Grâce à la génétique inverse, un premier gène


de cette affection a été identifié en 1996 par Ophoff et al comme
La migraine hémiplégique familiale (MHF) est une variété étant CACNA1A, codant pour la sous-unité principale des canaux
héréditaire de migraine avec aura (MA). La migraine est une calciques neuronaux de type P/Q [71]. Cette découverte représente
céphalée évoluant par crises récurrentes, entre lesquelles le patient une avancée considérable dans la compréhension des mécanismes
est en parfaite santé. La classification de l’International Headache moléculaires de la MHF et de ses rapports avec d’autres affections
Society (IHS) [45] distingue deux variétés principales de migraine : la nosologiquement proches, comme l’ataxie épisodique de type 2. De
migraine sans aura (MSA, auparavant dénommée migraine plus, le fait que la MHF soit une maladie des canaux ioniques
commune) et la MA (auparavant dénommée migraine accompagnée neuronaux ouvre de nouvelles perspectives dans l’étude de la
ou migraine classique) dans laquelle la céphalée est précédée ou physiopathogénie des formes plus habituelles de migraine avec ou
accompagnée de symptômes neurologiques transitoires visuels, sans aura.
sensitifs, aphasiques et rarement moteurs (tableau I). D’après la
classification de l’IHS, la MHF est définie par la survenue d’un
déficit moteur au cours de l’aura et par la présence des mêmes types
de crises chez au moins un apparenté au premier degré
Épidémiologie
(tableau II) [45]. La MHF est l’unique variété de migraine pour laquelle
un mode de transmission monogénique, autosomique dominant, a La MHF est une affection rare dont la prévalence exacte est
inconnue. La prévalence de la MA est d’environ 3 à 6 % [78, 88, 89].
Dans une étude portant sur 163 patients atteints de MA, Russell et
Olesen ont rapporté 6 % de patients (neuf cas) ayant des symptômes
Anne Ducros : Praticien des Hôpitaux, centre d’urgences céphalées, hôpital Lariboisière et EMI9921, faculté moteurs lors de certaines crises [83]. La prévalence de la migraine
de médecine Lariboisière Saint-Louis. avec aura motrice peut donc être estimée voisine de 1 à 2 pour 1 000.
Christian Denier : Ancien interne des hôpitaux de Paris, EMI9921, faculté de médecine Lariboisière
Saint-Louis. Le pourcentage de formes familiales de migraine hémiplégique
Anne Joutel : Chargé de recherche INSERM, EMI9921, faculté de médecine Lariboisière Saint-Louis. (MH) est estimé entre 4 % [46] et 18 % [9]. Ces derniers chiffres sont à
Katayoun Vahedi : Praticien des Hôpitaux, service de neurologie, hôpital Lariboisière.
Elisabeth Tournier-Lasserve : Professeur des Universités, praticien des Hôpitaux, directeur de recherche prendre avec beaucoup de réserve car les critères diagnostiques ne
INSERM, service de cytogénétique, hôpital Lariboisière et EMI9921, faculté de médecine Lariboisière
Saint-Louis.
sont pas stricts dans ces études (dans la série de Bradshaw et
Marie-Germaine Bousser : Professeur des Universités, praticien des Hôpitaux, service de neurologie, hôpital Parsons [9], seulement 60 % des patients diagnostiqués MH ont un
Lariboisière.
Hôpital Lariboisière, 2, rue Ambroise-Paré, 75475 Paris cedex 10, France.
déficit moteur lors de l’aura !) et car les apparentés n’ont pas été
Faculté de médecine Lariboisière Saint-Louis, 10, rue de Verdun, 75010 Paris, France. interrogés directement.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Ducros A, Denier C, Joutel A, Vahedi K, Tournier-Lasserve E et Bousser MG. Migraine hémiplégique familiale. Encycl Méd Chir (Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS,
Paris, tous droits réservés), Neurologie, 17-023-A-60, 2003, 10 p.
17-023-A-60 Migraine hémiplégique familiale Neurologie

Tableau I. – Critères de diagnostic de la migraine avec aura selon Génétique et physiopathologie


l’International Headache Society.

A Au moins deux crises répondant aux critères B GÉNÉTIQUE CLINIQUE

B Au moins trois des quatre caractéristiques suivantes :


¶ Transmission autosomique dominante
- un ou plusieurs symptômes de l’aura, totalement réversibles ;
- le symptôme de l’aura se développe progressivement sur plus de 4 minutes Dans la majorité des familles publiées, l’affection suit une répartition
et en cas de deux ou plusieurs symptômes, ils surviennent successivement ;
- la durée de chacun des symptômes de l’aura n’excède pas 60 minutes ; s’il y a
verticale, se transmet de génération en génération, autant par les
plusieurs symptômes, la durée acceptée est augmentée en conséquence ; pères que par les mères, et se distribue de manière égale entre
- la céphalée fait suite à l’aura après un intervalle libre de moins de 60 minutes hommes et femmes. Enfin, environ la moitié des descendants d’un
mais peut parfois commencer avant l’aura ou lui être contemporaine. sujet atteint sont eux-mêmes atteints. Ces observations sont
C Au moins un des caractères suivants : compatibles avec un mode de transmission autosomique dominant.
- l’histoire, l’examen physique et neurologique ne suggèrent pas de désordre Dans quelques familles, la maladie n’est transmise que par les mères,
organique ; ne permettant pas d’exclure une transmission de type
- l’histoire, l’examen physique et neurologique suggèrent un désordre orga- mitochondrial [63, 104].
nique, mais celui-ci est écarté par la neuro-imagerie ou tout autre procédé de
laboratoire ;
- un désordre organique existe mais les crises migraineuses ne sont pas appa- ¶ Pénétrance incomplète
rues pour la première fois en liaison temporelle avec celui-ci.
La pénétrance de la MHF est élevée (86 %) mais toutefois
incomplète [21, 23, 24]. Tous les porteurs de mutation n’expriment pas
Tableau II. – Critères de diagnostic de la migraine hémiplégique fami- la maladie : il existe donc des sauts de génération [22] . Cette
liale selon l’International Headache Society. pénétrance incomplète a des conséquences importantes pour les
cliniciens comme pour les généticiens. Tout d’abord, un individu
A Crises remplissant les critères de diagnostic de la migraine avec aura (tableau I) affecté peut n’avoir aucun apparenté au premier et même au second
degré atteint, rendant le diagnostic de MHF difficile. Cette absence
B L’aura comporte une hémiparésie et peut être prolongée
d’apparenté au premier degré atteint est en contradiction avec les
C Au moins l’un des parents au premier degré a des crises identiques critères diagnostiques de l’IHS qui ont été établis en 1988 [45], avant
la démonstration de la pénétrance incomplète. D’autre part, un sujet
asymptomatique peut avoir des enfants atteints. Ensuite, la
localisation et l’identification des gènes de la MHF nécessite la
La première grande famille de MHF a été décrite par Clarke en
collecte de larges familles, ce qui est difficile lorsqu’il y a de
1910 [14]. Depuis, environ 100 familles ont été rapportées dans la
nombreux sauts de génération. Enfin, la pénétrance incomplète
littérature [1, 4, 6, 7, 8, 9, 11, 15, 16, 21, 25, 26, 27, 28, 29, 31, 32, 33, 34, 35, 36, 38, 39, 41, 44, 46, 47, 55, suggère l’existence de facteurs génétiques et/ou environnentaux
56, 57, 62, 63, 65, 66, 68, 69, 73, 75, 77, 79, 85, 86, 87, 90, 91, 93, 102, 103, 104]
. Leur description modificateurs jouant un rôle dans l’expression du phénotype MHF.
clinique permet de distinguer deux groupes :
– les familles atteintes de « MHF pure », chez lesquelles l’examen GÉNÉTIQUE MOLÉCULAIRE
neurologique entre deux crises de MH est strictement normal chez
tous les patients ; ¶ Hétérogénéité génétique de la migraine hémiplégique
– les familles atteintes de « MHF avec signes cérébelleux familiale
permanents », chez lesquelles certains patients atteints de MH ont Au moins trois gènes différents sont responsables de la MHF [25, 34, 51,
une ataxie et/ou un nystagmus qui persiste entre les crises et évolue 52, 71, 72]
. Un premier gène a été localisé sur le bras court du
indépendamment de celles-ci. chromosome 19 en 1993 [51]. Ce gène a été identifié en 1996 comme
Les familles de MHF avec signes cérébelleux sont surreprésentées étant CACNA1A, codant la sous-unité a1A des canaux calciques
dans la littérature (30 % des familles) depuis la localisation en dépendants du voltage de type P/Q [71]. CACNA1A est impliqué
1993 [51] puis l’identification en 1996 [71] du premier gène de la MHF, dans environ 50 % des familles de MHF non sélectionnées et dans
ce gène étant responsable de toutes les formes avec signes tous les cas de MH avec ataxie cérébelleuse [1, 6, 11, 20, 21, 33, 35, 51, 52, 56, 71,
cérébelleux. Avant 1993, 32 familles de MHF avaient été publiées,
72, 101]
. En 1997, un second gène a été localisé sur le bras long du
dont six (19 %) avec signes cérébelleux [15, 31, 65, 69, 101, 105]. En France, chromosome 1 quasi simultanément par deux équipes [25, 34]. L’équipe
nord-américaine a trouvé une liaison significative avec des
un projet de recherche clinique et génétique sur la MHF a permis de
marqueurs situés en 1q31 dans une grande famille [34]. L’équipe
répertorier de 1991 à 2000 environ 100 familles à au moins deux cas,
française a montré une liaison significative à des marqueurs plus
dont 16 atteintes de MHF avec signes cérébelleux permanents
centromériques en 1q21-q23, dans trois familles [25]. Les données
(Ducros, données personnelles). La proportion de familles de MHF actuelles ne permettent pas de déterminer s’il existe un ou deux
avec signes cérébelleux est probablement comprise entre 15 et 20 % gènes sur le chromosome 1. Le locus du chromosome 1 est impliqué
du total des familles de MHF. dans un petit nombre de familles (de 10 à 20 %), toutes atteintes de
Les cas non familiaux de MH se répartissent en deux groupes : MHF pure [25]. Enfin, 30 à 40 % des familles ne sont liées ni au
chromosome 19 ni au chromosome 1, démontrant l’existence d’au
– certains sont liés à une mutation autosomique dominante d’un moins un troisième gène différent [25].
des gènes de la MHF ; il peut s’agir de patients portant une mutation
de novo, c’est-à-dire une mutation absente chez les parents ¶ CACNA1A, sous-unité a1a et canaux calciques P/Q
biologiques [101] ; d’autre part, une mutation peut avoir été transmise
au sujet malade par l’un de ses parents et la maladie se présenter CACNA1A est le seul gène identifié dans la MHF. Il code pour la
comme non familiale en raison de la pénétrance incomplète de cette sous-unité principale des canaux calciques dépendants du voltage
affection, responsable de saut(s) de génération ; de type P/Q. Les canaux calciques dépendants du voltage sont des
protéines multimériques de grande taille, situées dans la membrane
– d’autres cas de MH non familiaux se rapprochent des variétés cellulaire et centrées par un pore qui, en réponse à une
plus habituelles de MA et sont d’origine probablement dépolarisation membranaire, s’ouvre et laisse entrer sélectivement
multifactorielle avec intrication de facteurs environnementaux et de le calcium [17] . Dans les neurones, ces canaux jouent un rôle
facteurs génétiques complexes [82, 83]. primordial dans l’excitabilité neuronale et la libération de

2
Neurologie Migraine hémiplégique familiale 17-023-A-60

CACNA1A est un gène de grande taille, comprenant 47 exons.


L’exon 47 contient un trinucléotide CAG polymorphe qui est prédit
comme codant une répétition polyglutamine dans certains transcrits
alternatifs chez l’homme [104]. L’ensemble du gène code un acide
ribonucléique messager de 9,8 kb, dont environ 7 800 pb de
séquence codante. La sous-unité a1A est une protéine contenant
environ 2 550 acides aminés.

¶ Mutations de CACNA1A dans la migraine


hémiplégique familiale
Jusqu’à présent, 15 mutations de CACNA1A ont été identifiées dans
1 Sous-unité a1A et position des mutations responsables de migraine hémiplégique 30 familles (23 atteintes de MH avec signes cérébelleux et sept
familiale (MHF). atteintes de MH pure) et dans deux cas sporadiques de MH avec
La sous-unité a1A contient quatre domaines répétés (I à IV) constitués chacun de six signes cérébelleux (tableau III) [6, 11, 20, 21, 35, 56, 71, 101]. Cinq mutations
segments transmembranaires (S1 à S6). Les quatre domaines sont reliés par des bou-
sont récurrentes ; elles ont été détectées dans différentes familles non
cles intracytoplasmiques et se replient pour former le pore ionique. Les petites boucles
hydrophobes reliant les segments S5 et S6 de chaque domaine tapissent la paroi du pore, apparentées. Parmi ces mutations récurrentes, T666M est la plus
d’où leur nom de boucle P. Les segments S4 forment la structure sensible au potentiel fréquente (11 familles et un cas sporadique). Toutes ces 15 mutations
membranaire. La boucle intracytoplasmique I-II est la zone principale d’interaction sont de type faux-sens, entraînant la substitution d’un seul des
avec la sous-unité b. La boucle II-III est la principale zone d’interaction avec les effec- 2 550 acides aminés de la protéine prédite. Elles siègent dans des
teurs intracellulaires. Dans les canaux calciques neuronaux, elle représente la zone régions fonctionnelles du canal, près du pore ou dans la zone de
d’interaction directe avec plusieurs protéines du complexe d’exocytose (syntaxine,
synaptotagmine). Les mutations responsables de MHF sont représentées par des ronds. sensibilité au voltage (fig 1). Neuf des 15 mutations sont
responsables de MH avec signes cérébelleux, dont les cinq (S218L,
R583Q, T666M, R1668W et I1811L) mutations récurrentes.
neurotransmetteurs. Ils sont formés d’une sous-unité principale a1
et de quatre sous-unités régulatrices (a2, b, c et d). La sous-unité a1 Les différentes études génétiques sur la MHF par mutation de
forme le pore et porte les structures responsables de la sensibilité au CACNA1A apportent plusieurs informations importantes.
voltage et de la sélectivité ionique. Toutes les sous-unités a1 ont la Premièrement, les mutations responsables de MHF avec signes
même structure (fig 1). Dix gènes au moins (CACNA1A, B, C, D, E, cérébelleux sont différentes des mutations induisant une MHF pure
F, G, H, I et S) codent des sous-unités a1 distinctes. Selon la sous- et toutes les mutations récurrentes sont responsables de MHF avec
unité a1 qu’il contient, le canal possède des propriétés signes cérébelleux. Cette forte corrélation entre génotype et
pharmacologiques et cinétiques différentes et génère des courants phénotype indique que les mutations responsables de MHF avec
calciques de type L, N, P/Q, R ou T. signes cérébelleux ont probablement des conséquences particulières
La sous-unité a1A est le composant principal des canaux calciques sur les neurones cérébelleux que n’ont pas les mutations
de type P/Q qui sont exprimés dans les neurones centraux et responsables de MH pure. Deuxièmement, d’autres corrélations
périphériques (motoneurones à la jonction neuromusculaire). Les génotype/phénotype ont été mises en évidence (cf infra), suggérant
sous-unités a1A sont capables de générer deux types de courants que l’existence de mutations différentes de CACNA1A explique en
calciques : les courants P à inactivation lente, qui sont les principaux partie la variabilité clinique de la MHF. Enfin, des mutations ont été
courants calciques des cellules de Purkinje dans le cervelet, et les identifiées chez deux des trois cas sporadiques, dont une mutation
courants de type Q à inactivation rapide, qui jouent un rôle majeur de novo [21, 101] , démontrant qu’une partie au moins des cas
dans la libération de neurotransmetteurs. sporadiques de MH sont porteurs d’une mutation de CACNA1A.

Tableau III. – Mutations de CACNA1A identifiées dans la migraine hémiplégique (MH) familiale de 1996 à 2001.
Domaine de la
Mutation Familles ou cas et références Exon Nucléotide
sous-unité a1A
Familles ou cas de MH
avec signes cérébelleux
S218L deux familles [56] 5 tCg->tTg IS4-S5
R583Q trois familles [21] 13 cGa->cAa IIS4
une famille [6]
T666M neuf familles et un cas sporadique [20, 21] 16 aCg->aTg IIP
une famille [71]
une famille [33]
D715E une famille [20, 21] 17 gaC->gaG IIS6
Y1385C un cas sporadique mutation de novo [21, 98] 26 tAc->tGc IIIS5
R1668W une famille [21] 32 Cgg->Tgg IVS4
L1682P une famille [35] 32 cTn->cCn IVS4
W1684R une famille [21] 32 Tgg->Cgg IVS4-S5
I1811L deux familles [71] 36 Atc->Ctc IVS6
Familles de MH pure
R192Q une famille [71] 4 cGa->cAa IS4
R195K une famille [21] 4 aGg->aAg IS4
V714A une famille [71] 17 gTg->gCg IIS6
K1336E une famille [21] 25 Aaa->Gaa IIIS3-S4
V1457L une famille [11] 27 Gtg->Ttg IIIP
R1668W une famille [21] 32 Cgg->Tgg IVS4
V1696I une famille [22] 33 Gtc->Atc IVS5

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17-023-A-60 Migraine hémiplégique familiale Neurologie

¶ Autres affections héréditaires liées à des mutations génétiques a été démontrée, en particulier grâce aux travaux de
de CACNA1A Russell et Olesen [81, 82]. D’après ces travaux, la MA et la MSA sont
des maladies multifactorielles résultant de l’interaction de facteurs
Des mutations différentes de CACNA1A ont été identifiées dans génétiques et environnementaux. Les facteurs génétiques sont
deux autres maladies neurologiques autosomiques dominantes : complexes puisque le mode de transmission le plus probable de la
l’ataxie épisodique de type 2 [71] et l’ataxie spinocérébelleuse de MSA et de la MA est polygénique [81, 82].
type 6 [100].
Les gènes impliqués dans la MHF représentent de très bons gènes
L’ataxie épisodique de type 2 est, comme la MHF, une affection candidats pour la MA et la MSA. L’implication du gène CACNA1A
neurologique paroxystique, dont les crises comportent une instabilité dans la MA/MSA a été analysée par plusieurs équipes avec des
majeure avec incoordination. Souvent déclenchées par l’exercice ou résultats contradictoires, quatre études concluant en faveur [64, 67, 92,
l’émotion, elles durent de 15 minutes à plusieurs heures et sont 94]
et deux contre [48, 99]. Il faut cependant noter que ces études
prévenues de manière caractéristique par l’acétazolamide. Durant portaient sur un petit nombre de familles, que les deux études
les intervalles libres, l’examen révèle souvent des signes cérébelleux négatives ont utilisé des méthodes d’analyse de liaison paramétrique
permanents (nystagmus et/ou ataxie statique ou cinétique) très qui ne sont pas applicables dans les maladies polygéniques et
semblables à ceux observés dans 20 % des familles de MHF. qu’aucune de ces études n’a comporté une recherche directe de
L’imagerie par résonance magnétique (IRM) montre parfois une mutation.
atrophie cérébelleuse prédominant sur le vermis. La plupart des
D’autres travaux ont tenté d’apporter des arguments indirects en
mutations de CACNA1A identifiées dans différents cas familiaux et
faveur de l’implication du gène CACNA1A ou d’autres gènes codant
sporadiques d’ataxie épisodique de type 2 entraînent une troncation
des canaux ioniques dans la MA/MSA. Sandor et al ont mis en
de la protéine putative [18, 71, 105].
évidence des anomalies cérébelleuses discrètes infracliniques chez
L’ataxie spinocérébelleuse de type 6 est une affection des patients atteints de MA et de MSA [84]. Ces anomalies étaient
neurodégénérative, caractérisée par une ataxie statique et cinétique plus importantes dans la MA. Ambrosini et al ont montré, grâce à
lentement progressive qui s’installe vers 50 ans [37, 104]. L’IRM montre une analyse en fibre unique, une anomalie de la transmission
une atrophie cérébelleuse isolée. L’anatomopathologie montre neuromusculaire dans un sous-groupe de patients atteints de MA,
essentiellement une atrophie cérébelleuse majeure avec une perte sans traduction clinique [2, 3].
sévère des cellules de Purkinje prédominant au vermis supérieur et
Ces différentes études ne constituent pas une démonstration de
aux hémisphères. L’ataxie spinocérébelleuse de type 6 est due à de
l’implication du canal calcique P/Q dans les mécanismes de la
petites expansions du triplet CAG contenu dans l’exon 47 de
MA/MSA. Cette démonstration nécessiterait l’analyse directe du
CACNA1A et potentiellement traduit en polyglutamine dans
gène CACNA1A à la recherche de mutations pathogènes dans une
certaines des isoformes de la protéine [37, 104].
large cohorte de migraineux, ce qui n’a pas encore été fait.
¶ Conséquences des mutations de CACNA1A
Les méthodes utilisées pour comprendre les mécanismes conduisant Clinique
des différentes mutations de CACNA1A aux phénotypes observés
comprennent principalement l’analyse électrophysiologique de
cellules porteuses du canal muté et l’étude de modèles animaux. CRISES TYPIQUES DE MIGRAINE HÉMIPLÉGIQUE
Sept mutations de CACNA1A responsables de MHF ont été étudiées Ce sont des crises de migraine avec aura motrice [8].
en comparant les courants calciques entre cellules exprimant le gène
normal et cellules exprimant le gène muté. Toutes modifient la ¶ Symptômes de l’aura
densité ainsi que les propriétés d’inactivation des courants P/Q [43, Lors de l’aura, le déficit moteur, d’intensité variable (de la simple
58, 59]
. Les mutations responsables de MH sont donc des mutations lourdeur d’un membre à l’hémiplégie flasque), est toujours associé à
« gain de fonction », la protéine altérée produisant des courants un ou plusieurs autres symptômes qui s’installent progressivement
calciques anormaux. Aucune différence n’a été observée entre les et successivement, le plus souvent dans l’ordre troubles visuels,
mutations responsables de la forme pure et celles responsables de la troubles sensitifs, déficit moteur puis troubles du langage
forme avec signes cérébelleux, les conditions expérimentales (tableau IV). Les troubles sensitifs dominent souvent le tableau et
reflétant probablement mal la complexité de la situation in vivo. touchent généralement les mêmes zones que le déficit moteur. Chez
L’étude des souris mutantes illustre bien cette complexité. Les souris un tiers environ des patients, les crises affectent toujours le même
qui n’ont pas de gène CACNA1A naissent avec une ataxie sévère et hémicorps. Les troubles sensitivomoteurs sont bilatéraux chez 25 %
meurent en quelques jours [53]. Différentes mutations ponctuelles de des patients, soit dès le début de la crise, soit durant la progression
CACNA1A sont à l’origine de divers phénotypes aux noms de l’aura, touchant un côté après l’autre ou les deux côtés en même
évocateurs de tottering, leaner, rolling ou rocker. Ces souris mutantes temps [21, 40]. D’autres symptômes peuvent survenir : déséquilibre,
ont divers types de manifestations neurologiques paroxystiques diplopie, acouphènes, baisse de l’audition, drop attack, confusion ou
(épilepsie-absence, crises motrices), toujours associées à une ataxie perte de connaissance [40]. Environ 20 % des patients signalent une
cérébelleuse permanente de sévérité variable [32]. Les souris tottering somnolence ou une légère confusion mentale lors de chaque crise.
ont une anomalie de la libération d’acétylcholine à la jonction La durée moyenne de l’aura est de 1 à 2 heures, mais peut varier de
neuromusculaire [76] . Par ailleurs, ces souris mutées ont des 10 minutes à plusieurs jours. Chez certains patients, toutes les crises
anomalies neuroanatomiques comprenant un défaut d’arborisation de MH comportent une aura qui dure de plusieurs heures à 2 ou
des cellules de Purkinje et de migration des cellules des grains, mais 3 jours.
aussi des anomalies du locus coeruleus [32]. Ces anomalies suggèrent
l’implication des canaux P/Q, non seulement dans le contrôle de la ¶ Céphalée
libération de neurotransmetteurs, mais aussi dans le développement
neuronal normal. La céphalée s’installe généralement pendant l’aura ou après sa
disparition. Elle dure environ 24 heures en moyenne (de quelques
heures à quelques jours). La douleur peut être bilatérale ou
IMPLICATIONS DES GÈNES unilatérale et, dans ce cas, ipsilatérale ou controlatérale au déficit
DE LA MIGRAINE HÉMIPLÉGIQUE FAMILIALE moteur. Son intensité varie de la gêne modérée à la douleur
DANS LES AUTRES VARIÉTÉS DE MIGRAINE insupportable. Les signes d’accompagnement ne diffèrent pas de
En raison de la fréquente agrégation familiale, l’implication de ceux observés lors d’autres formes de migraine : nausées,
facteurs génétiques dans la MSA et la MA a été suspectée dès le vomissements, photophobie, phonophobie ou pâleur. Enfin, environ
XIXe siècle. Ce n’est que récemment que l’existence de tels facteurs 5 % des patients n’ont jamais de céphalée [19].

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Neurologie Migraine hémiplégique familiale 17-023-A-60

de mutations de CACNA1A entraînant une MH, 38 sujets avaient


Tableau IV. – Caractéristiques des crises usuelles de migraine hémi-
eu au moins une crise sévère avec troubles de la conscience allant
plégique chez 104 patients (dont 53 femmes) porteurs de mutations du
gène CACNA1A (d’après Ducros, données non publiées, et [21]). de la somnolence importante [14] au coma profond [6] et 30 avaient
une hémiplégie [21]. Tous avaient récupéré sans séquelles.
Âge moyen des patients 38 ± 19 (6-86)
Âge moyen de début 11.8 ans
Il existe dans la littérature quelques cas de décès imputés par les
Déficit moteur 100 % auteurs à une crise sévère de MHF [31, 47, 56, 62, 66, 99]. Deux auteurs
Simple gêne motrice 8% différents ont rapporté le même cas d’une jeune fille de 12 ans
Déficit complet 16 % membre d’une famille de MHF d’origine tchèque [47, 62]. Cette famille
Troubles sensitifs 93 % comprenait quatre membres atteints de MH. Le sujet décédé était
Paresthésies 79 %
Engourdissement 23 %
une enfant de 12 ans, qui avait eu à l’âge de 7 ans une première
Hypo- ou anesthésie 5 à 10 % crise de MH avec hémiplégie gauche. À 12 ans, elle a présenté de
Douleurs hémicorporelles 4% violentes céphalées et une hémiplégie gauche, de la fièvre et une
Sensation de « grosse langue » 10 % raideur de la nuque, puis un coma. La numération formule
Topographie des signes sensitivomoteurs sanguine, le fond d’œil et le liquide céphalorachidien (LCR) étaient
Unilatérale 65 %
Toujours le même côté 31 %
normaux. Elle est restée comateuse et hémiplégique pendant 5 jours.
Atteint les trois étages 67 % Le cinquième jour sont survenues des clonies de l’hémicorps droit.
Jamais le membre inférieur 13 % Le sixième jour, l’enfant est décédée dans un tableau de fièvre à
Jamais la face 7% 41 °C et de convulsions généralisées. À l’autopsie, il existait un
Bilatérale 35 % œdème diffus cérébroméningé, des vaisseaux dilatés et une
Troubles du langage 83 %
Dysarthrie 57 %
infiltration lymphocytaire périvasculaire. Deux autres membres de
Baisse de la fluence verbale 40 % la famille avaient eu un accès similaire avec hémiplégie prolongée,
Paraphasie 31 % coma et fièvre, spontanément résolutif.
Troubles de la compréhension 1%
Troubles visuels 74 %
Neligan et al ont publié en 1977 l’observation d’une patiente de
Hémianopsie 34 % 41 ans atteinte de MHF et décédée 4 mois après un arrêt respiratoire
Scotome scintillant 9% survenu lors d’une crise de MHF [ 6 6 ] . L’examen
Brouillard ou flou visuel 24 % anatomopathologique mit en évidence, outre des lésions
Troubles de la vigilance ou désorientation 26 % possiblement en rapport avec l’épisode d’anoxie cérébrale, de
Confusion mentale modérée 14 %
Désorientation temporospatiale 4%
multiples petits infarctus des noyaux gris et de la capsule interne
Somnolence 4% d’âge variable, un épaississement de la paroi de certains petits
Autres vaisseaux cérébraux associé à une fragmentation, reduplication ou
Diplopie 4% disparition de la limitante élastique.
Déséquilibre 2%
Vertiges 2% Kors et al ont décrit en 2001 deux familles de MH avec signes
Acouphènes 2% cérébelleux liés à la même mutation S218L de CACNA1A [56]. Dans
Baisse de l’audition 1% la première famille (déjà décrite en 1985 par Fitzimons et
Wolfenden) [31], deux enfants d’un sujet atteint de MH sont décédés
à l’âge de 5 ans dans un tableau de méningoencéphalite avec
CRISES SÉVÈRES DE MIGRAINE HÉMIPLÉGIQUE convulsions apparu juste après un traumatisme crânien bénin. Le
Environ 40 % des patients présentent au moins un épisode atypique génotype de ces deux enfants est inconnu, les décès étant survenus
plus sévère que leurs crises habituelles [14, 15, 21, 26, 27, 29, 30, 31, 34, 40, 41, 47, 62, il y a plusieurs années. Dans la seconde famille, la fille d’un patient
65, 68, 86, 91, 101, 102]
. Chez des patients ayant habituellement des auras atteint de MH avec ataxie est décédée au douzième jour d’un coma
courtes, il peut survenir une crise avec aura prolongée de plusieurs fébrile avec convulsions déclenché quelques minutes après des
jours jusqu’à plusieurs semaines. Des crises beaucoup plus sévères coups sur la tête. Le scanner cérébral initial était normal. Les
surviennent chez un tiers des patients [21]. Elles associent des troubles scanners successifs ont montré un œdème cérébral diffus modéré.
de la conscience à un déficit moteur et/ou une aphasie prolongée, et Le LCR était normal. Cette patiente avait dans la petite enfance des
parfois une confusion, une hyperthermie de 38 à 41 °C ou des signes troubles de la marche. À l’autopsie, il existait un œdème cérébral
méningés [14, 27, 34, 41, 47, 65, 101]. Le déficit moteur n’est pas constant diffus avec engagement temporal bilatéral et engagement des
(70 %) [ 2 1 ] . Les troubles de la conscience peuvent aller de amygdales cérébelleuses, une sclérose de l’hippocampe droit d’allure
l’obnubilation au coma profond avec défaillance respiratoire [21, 31]. ancienne et une perte des cellules de Purkinje dans le cervelet. Cette
Plusieurs patients ont dû être hospitalisés en réanimation et ventilés patiente était porteuse de la mutation S218L du gène CACNA1A,
durant plusieurs jours. Ces crises sévères comportent parfois des transmise par son père atteint d’une forme typique de MH avec
manifestations épileptiques à type de crises généralisées, clonies ataxie cérébelleuse permanente.
hémicorporelles et même état de mal partiel [21, 27, 40]. Le début de ces
crises sévères peut être marqué par une perte de connaissance En l’absence de marqueur diagnostique spécifique, il est impossible
brutale alors que le sujet est en pleine activité [30]. Certains patients de prouver que ces patients sont décédés d’une forme extrême de
ont une confusion mentale persistante avec agitation et crise de MH. Ces cas doivent cependant inciter à la plus grande
hallucinations profuses visuelles et auditives [26, 68, 85]. vigilance. Ainsi, la survenue d’une crise plus sévère que les crises
habituelles, avec troubles de la conscience et aura prolongée,
La moitié de ces crises inquiétantes et dramatiques surviennent
avant l’âge de 20 ans et sont alors souvent inaugurales et de nécessite une surveillance clinique rapprochée en hospitalisation, la
diagnostic difficile [21]. Environ 20 % sont déclenchées par des réalisation systématique d’examens complémentaires pour
traumatismes crâniens bénins [40]. L’injection de produit de contraste rechercher et éliminer une autre cause et à la mise en route
iodé lors d’artériographie cérébrale ou de coronarographie a éventuelle d’une réanimation appropriée.
déclenché une crise sévère ou aggravé une crise dans deux tiers des
cas [8, 15, 31]. Les symptômes régressent le plus souvent spontanément
AUTRES TYPES DE CRISES
en quelques jours ou en quelques semaines, sans séquelles cliniques
ni radiologiques (tomodensitométrie et IRM). Chez quelques D’autres types de crises de migraine peuvent alterner avec les crises
patients, la récupération est plus longue avec persistance de troubles de MHF. Environ 10 % des patients décrivent comme « petites
du langage, de troubles mnésiques et de difficultés de concentration crises » des épisodes de MA non hémiplégique et un tiers ont des
pendant plusieurs mois [63, 68]. Dans une série de 117 sujets porteurs MSA [19, 21, 31, 40, 63, 65, 69, 102].

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17-023-A-60 Migraine hémiplégique familiale Neurologie

SYMPTÔMES PERMANENTS migraine, comme les aliments, les stimulations visuelles ou


auditives, les facteurs climatiques (température, vent) ou les
¶ Ataxie cérébelleuse et nystagmus menstruations [21].
Dans 20 % des familles, la MHF est associée à des signes cérébelleux
permanents qui comprennent un nystagmus (horizontal, vertical ou PROFIL ÉVOLUTIF
multidirectionnel), des anomalies de la motilité oculaire, une ataxie
statokinétique modérée et lentement progressive, et une Les premières crises apparaissent en moyenne vers 12 ans, mais des
dysarthrie. [6, 15, 28, 31, 51, 52, 65, 69, 71, 72, 93, 101, 105]. Le nystagmus et d’autres débuts précoces avant 2 ans [21, 93] ou au contraire très tardifs (75 ans)
anomalies de la motilité oculaire peuvent être les premiers signes ont été rapportés [77]. La fréquence des attaques varie de plus d’une
du syndrome cérébelleux progressif, une ataxie se constituant plus par semaine à quelques-unes au cours de la vie, avec une moyenne
tardivement [56]. La marche reste généralement autonome, même de trois ou quatre par an, et semble plus élevée à certaines périodes,
après des années d’évolution. Cependant, une ataxie évoluée peut surtout entre 5 et 25 ans. Chez certains patients, la fréquence peut
exister sans nystagmus [21]. L’âge de début de ces troubles est difficile varier de crises quotidiennes, surtout au début de l’évolution de la
à préciser. Le nystagmus et l’ataxie peuvent être constatés avant la maladie, à des intervalles libres de plusieurs années [19].
première crise de MHF et l’évolution de l’ataxie semble
indépendante de la fréquence et de la sévérité de ces crises [102]. La
MH avec signes cérébelleux est liée à une mutation de CACNA1A
dans toutes les familles et dans tous les cas sporadiques étudiés Corrélations génotype/phénotype
jusqu’à présent [6, 21, 33, 35, 56, 71, 101]. Dans les formes familiales, le
syndrome cérébelleux est cotransmis avec la MHF mais a une La MHF se caractérise par une grande variabilité phénotypique [21,
pénétrance inférieure. Dans une série de 89 sujets porteurs de . L’ordre d’apparition, la progression, la topographie, l’intensité et
93]

mutations de CACNA1A responsables de MHF avec signes la durée des différents symptômes de l’aura, ainsi que les
cérébelleux, 68 (83 %) avaient des signes cérébelleux permanents, caractéristiques des céphalées, peuvent varier d’un patient à l’autre.
57 % avaient un nystagmus, 44 % avaient une ataxie et 11 % une Cette variabilité peut être observée entre patients membres de la
dysarthrie [21]. Deux sujets avaient des signes cérébelleux isolés sans même famille et donc porteurs de la même mutation. Elle suggère
aucune histoire de migraine hémiplégique ou d’autre variété de
des interactions complexes entre les conséquences de la mutation
migraine.
responsable de MHF et des facteurs environnementaux ou des
facteurs génétiques modificateurs. Cependant, le gène muté et la
¶ Autres
nature de la mutation en cause conditionnent aussi une partie de la
D’autres troubles neurologiques permanents ont été rapportés dans variabilité clinique. Ceci a été mis en évidence grâce à l’étude des
des familles de MHF : tremblement essentiel [21, 104], syndrome corrélations génotype/phénotype.
d’Usher et cataracte [102], troubles cognitifs [63] et retard mental Dans une étude portant sur cinq familles, Terwindt et al ont comparé
[31, 101, 104]
. les caractéristiques cliniques de 46 patients appartenant à trois
familles liées au chromosome 19 à celles de 20 patients appartenant
à deux familles non liées [91]. Aucune différence significative n’a été
Facteurs déclenchants observée concernant l’âge de début, les symptômes des crises de
et profil évolutif MHF, la fréquence et la durée des crises. En revanche, les patients
appartenant à des familles liées au chromosome 19 avaient une
fréquence plus élevée de crises avec perte de connaissance (39 versus
FACTEURS DÉCLENCHANTS DES CRISES 15 %) et de crises déclenchées par des traumatismes crâniens bénins
DE MIGRAINE HÉMIPLÉGIQUE (70 versus 40 %). Dans une étude portant sur 17 familles, Ducros et
Environ deux tiers des patients signalent un ou plusieurs facteurs al ont comparé les caractéristiques cliniques et génétiques de trois
déclenchants, les plus fréquents étant le stress et les traumatismes groupes de familles : dix familles liées au chromosome 19 incluant
crâniens bénins [21, 91]. La notion de traumatisme crânien mineur 94 patients, trois familles liées au chromosome 1 incluant 24 patients
précédant un accès de MH est mentionnée dans de très nombreuses et quatre familles non liées incluant 24 patients [23] . Aucune
observations, aussi bien chez les adultes que chez les enfants [7, 21, 29, différence significative n’a été observée concernant les symptômes
30, 31, 38, 39, 41, 42, 65, 68, 91, 102, 104]
. Le traumatisme crânien ne s’accompagne des crises de MHF, la survenue d’accès sévères, l’association à
pas habituellement de perte de connaissance. L’intervalle de temps d’autres types de migraine et les caractéristiques évolutives de la
libre entre le choc et l’apparition des premiers signes neurologiques maladie. En revanche, deux différences significatives ont été mises
varie de quelques minutes à 1 heure [38]. La sémiologie de la crise est en évidence : premièrement, la pénétrance est plus faible dans les
le plus souvent similaire à celle des crises spontanées. Cependant,
familles liées au chromosome 1 et, deuxièmement, des signes
une crise sévère avec troubles de la conscience peut être déclenchée
cérébelleux permanents sont présents dans 50 % des familles liées
par un traumatisme crânien bénin [21, 41, 42]. Cette susceptibilité à
au chromosome 19 et dans ces familles seulement.
développer des accès de MH après un coup sur la tête est
inconstante chez les individus d’une même famille [38, 91] . Le Les corrélations génotype/phénotype sont encore plus marquantes
déclenchement de crises de migraine par des traumatismes crâniens au sein des patients porteurs de mutations du même gène
mineurs n’est pas spécifique de la MH [42]. Dans une revue sur les CACNA1A. Ducros et al ont comparé l’expression de la maladie
accès migraineux déclenchés par un traumatisme crânien, Hass et chez les 85 porteurs des trois mutations les plus fréquentes dans
Lourie rapportent qu’il s’agit le plus souvent de MA (troubles une série de 117 sujets [21]. Ces trois mutations étaient responsables
visuels, ou hémiplégie, ou troubles de la conscience) et que la de MH avec signes cérébelleux : T666M (55 sujets), R583Q (16 sujets)
fréquence de la MA semble plus élevée chez les parents d’enfants et D715E (14 sujets). Plusieurs différences significatives ont été
présentant de tels accès [42]. observées. T666M possède la plus haute pénétrance pour les crises
L’injection de produit de contraste lors d’angiographie cérébrale ou de MH (98 %), les crises sévères (50 %) et le nystagmus (86 %).
extracérébrale est susceptible de déclencher une crise de MH sévère R583Q possède la plus haute pénétrance pour l’ataxie cérébelleuse
avec coma fébrile [8, 15, 31]. Tous les examens de ce type sont donc à permanente (81 %), en l’absence de tout nystagmus. D715E possède
proscrire chez les patients atteints de MHF. la pénétrance la plus faible pour les crises de migraine hémiplégique
Enfin, moins de 10 % des patients incriminent les facteurs (64 %). L’existence de mutations différentes de CACNA1A explique
déclenchants habituellement retrouvés dans les autres formes de donc en partie la variabilité clinique.

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Neurologie Migraine hémiplégique familiale 17-023-A-60

Migraine hémiplégique familiale découplage entre consommation d’oxygène préservé et


dysfonctionnement neuronal sévère avec hémiplégie suggérait un
et examens complémentaires dysfonctionnement énergétique des neurones et permettait
d’éliminer, chez ce patient, l’hypothèse d’un mécanisme ischémique
Lors des crises sévères, le LCR est anormal dans environ un tiers
à l’origine de l’hémiplégie.
des cas avec une méningite aseptique (12-290/mm 3 ) par
augmentation du nombre de lymphocytes mais parfois aussi de Uncini et al ont mis en évidence en spectroscopie IRM du muscle et
polynucléaires neutrophiles [30, 31, 34, 90, 101]. La protéinorachie peut être du cerveau des anomalies suggestives d’un dysfonctionnement
modérément élevée (jusqu’à 1 g/L). En revanche, la glycorachie est mitochondrial chez plusieurs membres d’une famille de MHF [97].
normale [30, 31, 34, 90, 101]. Ces résultats n’ont été publiés que sous forme de résumé.
Durant les crises de MHF, l’électroencéphalogramme est toujours
perturbé, avec des ondes lentes diffuses prédominant à l’hémisphère Diagnostic de la migraine
controlatéral au déficit. D’autres anomalies ont été rapportées :
ondes pointues périodiques [36] ou dysrythmie [65]. Ces anomalies hémiplégique familiale
peuvent persister plusieurs heures ou jours après la crise.
Quelques rares études en doppler transcrânien ont été publiées. DIAGNOSTIC POSITIF
Chez un patient, lors d’une aura comportant une hémiplégie droite En l’absence d’examen complémentaire spécifique, le diagnostic de
et une aphasie, les résultats du doppler suggéraient une MH repose entièrement sur l’histoire du patient et la notion
vasoconstriction diffuse des vaisseaux de la base et des petites d’antécédents familiaux identiques. En raison de la pénétrance
artères de l’hémisphère gauche [75]. incomplète de la MHF, l’enquête familiale ne devrait pas concerner
Le scanner et l’IRM cérébrales du cerveau pratiqués durant ou juste uniquement les apparentés au premier degré mais aussi ceux au
au décours d’une crise de MHF sont le plus souvent normaux. Lors second degré. Si le patient n’a aucun antécédent familial semblable,
d’une crise sévère, il peut exister un œdème hémisphérique soit le diagnostic ne doit pas être éliminé : il peut s’agir d’un cas
unilatéral, controlatéral au déficit moteur, soit diffus [12, 13, 16, 31, 101]. En sporadique de MH (par pénétrance incomplète ou bien par mutation
intercritique, l’imagerie cérébrale est normale chez les patients de novo d’un des gènes impliqués dans cette maladie). Par ailleurs,
appartenant aux familles de MH pure [63]. Chez certains patients une crise de MA hémiplégique peut survenir chez des patients
atteints de MHF avec signes cérébelleux, le scanner ou mieux l’IRM habituellement atteints d’une autre forme de migraine avec ou sans
peuvent montrer une atrophie du cervelet souvent restreinte à la aura. On ne connaît pas encore les rapports de ces cas avec la MHF.
partie antérieure du vermis [28, 31, 51, 101]. La découverte d’une anomalie
focale chez un patient atteint de MHF doit faire suspecter l’existence
DIAGNOSTIC DIFFÉRENTIEL
d’une pathologie associée.
Des crises de MA hémiplégique peuvent être observées dans
Chabriat et al ont pu étudier en IRM de diffusion une patiente
plusieurs affections neurologiques héréditaires dont le pronostic est
porteuse d’une mutation de novo du gène CACNA1A lors d’une
radicalement différent de celui de la MHF : certaines angiopathies
crise sévère qui a comporté une hémiplégie droite et une aphasie
(cerebral autosomal dominant arteriopathy with subcortical infarcts and
pendant 5 semaines [12]. Au vingt et unième jour de la crise, il existait
leukoencephalopathy [CADASIL] [13, 49], angiopathie amyloïde [96]) ou
une diminution de la diffusion de l’eau libre d’environ 25 % dans
certaines maladies mitochondriales (mitochondrial myopathy,
l’hémisphère gauche et une augmentation de volume de cet
encephalopathy, lactic acidosis and stroke like episods [MELAS] [74]). Des
hémisphère. Ces anomalies persistaient au trente-sixième jour, alors
antécédents personnels ou familiaux de déficit neurologique
que la patiente avait partiellement récupéré, et la diffusion était
permanent, d’accidents vasculaires cérébraux ou de démence
redevenue normale 3 mois après le début de la crise. Cette
doivent faire évoquer d’autres diagnostics que celui de MHF. De
diminution de la mobilité de l’eau libre suggérait fortement une
même, la constatation d’anomalies neurologiques intercritiques
réduction de l’espace extracellulaire et une accumulation d’eau dans
permanentes autres qu’une ataxie et/ou un nystagmus chez un
l’espace intracellulaire. Ses caractéristiques étaient cependant
patient suspect de MHF doit faire remettre en cause le diagnostic.
différentes de la baisse de diffusion observée dans les œdèmes
cytotoxiques par lésions ischémiques. En effet, la baisse de diffusion Lors des crises sévères de MH avec troubles de la conscience et
était modérée (20 % contre 40 à 50 % en cas d’ischémie), a persisté fièvre, le patient doit systématiquement être hospitalisé pour
pendant au moins 5 semaines, alors qu’elle disparaît en 5 à 10 jours surveillance et réalisation d’explorations étiologiques permettant de
en cas d’ischémie, et n’a pas été suivie de l’augmentation de rechercher et d’éliminer d’autres causes de méningoencéphalite. Ce
diffusion que l’on observe dans les lésions ischémiques après la n’est qu’après récupération ad integrum que le diagnostic de crise
destruction des cellules œdématiées. sévère de MH peut être porté.
Malgré le risque que comporte cet examen, plusieurs publications
rapportent les résultats d’angiographies cérébrales pratiquées DIAGNOSTIC MOLÉCULAIRE
pendant ou après une crise de MHF. Seules deux étaient anormales Dans les cas familiaux, la base du diagnostic reste l’interrogatoire
avec vasoconstriction percritique : un spasme de l’artère basilaire [86] du patient et de ses apparentés au premier et au second degré. Un
et un rétrécissement des branches de l’artère cérébrale moyenne tableau clinique caractéristique, des antécédents familiaux
controlatérale au côté hémiplégique [104]. Ces résultats ne constituent compatibles, un examen clinique normal en dehors des crises (ou
en aucun cas une preuve en faveur de l’origine vasculaire montrant des signes cérébelleux) et des examens complémentaires
ischémique des symptômes neurologiques de l’aura, par spasme ou éliminant une lésion cérébrale sont nécessaires et généralement
occlusion artérielle. suffisants au diagnostic. Dans les cas sans antécédents familiaux, un
Peu d’études du débit sanguin cérébral ont été effectuées. Baron et tableau typique permet le plus souvent de poser le diagnostic de
al ont rapporté l’observation d’un patient de 19 ans ayant une MH MH sporadique.
(chez lequel il n’était cependant pas possible d’étudier le caractère Les principales indications d’un diagnostic moléculaire de MH sont
familial puisqu’il s’agissait d’un enfant adopté) qui a pu être étudié donc les formes atypiques :
en tomographie par émission de positrons, au cours d’une crise
particulièrement sévère comportant une hémiplégie et une – les cas sporadiques ayant un tableau compatible avec une MH
obnubilation qui ont persisté pendant 15 jours [5]. Il existait, sur un mais particulièrement sévère (comas récidivants, crises d’épilepsie
fond de dépression métabolique diffuse, une perfusion de luxe lors des crises sévères de MH) ou atypique du fait de l’association à
marquée, du côté opposé à l’hémiplégie, avec augmentation du débit des signes permanents autres qu’une ataxie et/ou un nystagmus ;
sanguin cérébral, diminution de l’extraction d’oxygène et – les cas familiaux atypiques par leur sévérité ou leur présentation
conservation relative de la consommation d’oxygène. Un tel par rapport aux autres membres de la famille.

7
17-023-A-60 Migraine hémiplégique familiale Neurologie

La découverte d’une mutation pathogène de CACNA1A pourrait Le traitement des crises de MH vise à diminuer l’intensité de la
alors permettre d’éviter l’errance diagnostique. En revanche, la céphalée et de ses signes d’accompagnement lors des crises
découverte d’une mutation ne modifie pas la prise en charge de ces habituelles et à prévenir les conséquences d’un déficit avec troubles
patients tant au plan du traitement qu’en ce qui concerne le de la conscience dans les crises sévères. Les dérivés de l’ergot de
diagnostic des crises sévères avec hémiplégie prolongée, coma ou seigle sont des vasoconstricteurs et ne sont donc généralement pas
fièvre, situations où toutes les autres causes potentiellement utilisés dans la MHF. De même, l’effet des triptans sur la MHF est
dangereuses doivent systématiquement être évoquées et éliminées. inconnu, mais ce sont également des vasoconstricteurs dont
Le diagnostic moléculaire de MH n’a aucune indication en anténatal l’utilisation est déconseillée dans la migraine basilaire et donc par
ou chez les sujets asymptomatiques au sein de familles de MHF, car extension dans la MHF qui est nosologiquement proche [40].
le pronostic de cette affection est le plus souvent bénin et il n’existe Kaube et al ont utilisé la kétamine (25 mg en spray nasal), un
pas de mesure préventive à instaurer.
antagoniste des récepteurs au glutamate de type NMDA, chez
Dans les cas atypiques, le criblage moléculaire de CACNA1A est 11 patients atteints de MHF [55]. Cinq patients ont traité 14 crises avec
donc utile. Cependant, il comporte des limites en termes de succès, le déficit moteur disparaissant en 10 à 30 minutes alors qu’il
spécificité et de sensibilité. Sa sensibilité est faible (< 50 %) car durait habituellement plusieurs heures. La céphalée n’a été
CACNA1A, seul gène connu et testé, n’est responsable que de 50 % améliorée que chez trois d’entre eux. Trois patients ont eu une
des cas de MH et car la technique de criblage actuellement utilisée récurrence des symptômes de l’aura après leur disparition initiale.
ne permet pas de détecter toutes les mutations. Sa spécificité est
Six patients n’ont eu aucune amélioration [55].
également incomplète : une mutation de CACNA1A peut être un
polymorphisme non pathogène. Une mutation doit remplir des Yu et Horowitz ont rapporté le cas d’une patiente de 28 ans, atteinte
critères stricts pour être considérée comme responsable de la de MHF, traitée par vérapamil alors qu’elle avait depuis plusieurs
maladie. Dans les formes familiales, ces critères sont : mois au moins une crise par jour [103]. À cinq reprises, l’injection de
vérapamil (5 mg) a stoppé l’aura et la céphalée. Le vérapamil a
– cotransmission avec la maladie dans la famille ;
ensuite été poursuivi en traitement de fond à la posologie de
– absence dans une large population contrôle ; 120 mg/j per os et, pendant les 2 mois qui ont suivi, la patiente a eu
– altération d’un domaine fonctionnel important de la protéine. une seule crise par semaine d’intensité et de durée modérées [103].
Dans les formes sporadiques, les critères de certitude sont : mutation
déjà identifiée dans une forme familiale de MH ou mutation de novo
TRAITEMENT DE FOND
certaine (absente chez les parents biologiques).
En l’absence de ces deux derniers critères, ne peuvent être retenues Chez la plupart des patients, les crises de MH sont peu fréquentes
que les mutations qui sont absentes dans une large population et ne nécessitent pas de traitement de fond, sauf en cas d’autre forme
contrôle et qui altèrent un domaine fonctionnel important de la de migraine invalidante associée. Chez les sujets jeunes, les crises
protéine. En pratique, il est donc indispensable de prélever et de MH peuvent néanmoins être assez fréquentes pour nécessiter un
d’analyser le cas index et ses deux parents, qu’il s’agisse d’une forme traitement préventif. En raison de la relative rareté de la MHF et de
familiale ou sporadique. Pour terminer, seule l’identification d’une la faible fréquence des crises, il n’existe pas d’étude randomisée,
mutation de CACNA1A remplissant les critères ci-dessus peut être mais seulement de petites séries ou des cas isolés. Les résultats
prise en compte pour valider la suspicion clinique, un test négatif concernant l’utilisation de bêtabloquants, surtout le propranolol,
n’ayant aucune valeur prédictive. sont contradictoires [70]. Quelques patients ont été aggravés [68], alors
que d’autres ont été améliorés [54]. Quelques publications font état
de l’efficacité des anticalciques (flunarizil, vérapamil et nimodipine)
Traitement sur la fréquence et de la sévérité des crises [10, 50, 61, 103]. La phénytoïne,
la papavérine et le phénobarbital ont également été utilisés. Enfin,
TRAITEMENT DE LA CRISE basé sur l’implication du même gène CACNA1A dans l’ataxie
Malgré l’identification du premier gène de la MHF comme étant un épisodique de type 2 et dans 50 % des MHF, et sur l’efficacité de
canal calcique, les mécanismes physiopathogéniques précis de cette l’acétazolamide dans la prévention des crises d’ataxie paroxystique,
affection restent inconnus. Le traitement reste donc empiriquement il semblait logique de proposer un traitement de fond par Diamoxt
basé sur celui des autres formes de MA et comprend deux volets, aux patients atteints de MH avec crises fréquentes. Quelques
symptomatique et préventif [19, 60]. publications font état de patients ayant été efficacement traités [4, 6].

8
Neurologie Migraine hémiplégique familiale 17-023-A-60

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10
 17-023-A-62

Céphalées primaires non migraineuses


G. Demarquay, P. Giraud

Les céphalées primaires non migraineuses représentent un groupe de pathologies hétérogènes telles
que les céphalées de tension (CT), les algies vasculaire de la face et formes apparentées, ainsi que
d’autres céphalées plus rares comme les céphalées primaires en coup de tonnerre, les céphalées à la
toux, les céphalées sexuelles, les céphalées hypniques, l’hemicrania continua et les céphalées chroniques
quotidiennes de novo. L’objectif de cet article est de présenter les caractéristiques cliniques, les hypothèses
physiopathologiques et les traitements des céphalées primaires non migraineuses.
© 2012 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots-clés : Céphalée de tension ; Algie vasculaire ; Céphalée en coup de tonnerre ; Céphalée à la toux ;
Céphalée sexuelle ; Céphalée hypnique

Plan sité, les facteurs favorisants et aggravants ainsi que les facteurs
soulageant la douleur, médicamenteux ou non. L’interrogatoire
■ Introduction 1 doit également rechercher la présence de signes associés : troubles
digestifs (nausées, vomissements), hypersensibilité aux stimula-
■ Céphalées de tension 1 tions de l’environnement (intolérance au bruit, à la lumière ou
Caractéristiques cliniques 1 aux odeurs) et signes végétatifs notamment au niveau de la
Prévalence 3 face (ptôsis, myosis, larmoiement, œdème palpébral, injection
Diagnostics différentiels 3 conjonctivale, rhinorrhée ou obstruction nasale) et enfin être
Physiopathologie 3 complété d’un examen clinique et neurologique complet.
Traitements 4 Les céphalées primaires sont classées d’après la classification
■ Algie vasculaire de la face et formes apparentées 4 internationale des céphalées [3] en quatre groupes : migraines, CT,
Algie vasculaire de la face 4 algies vasculaire de la face et formes apparentées et les « autres
Hémicrânie paroxystique 6 céphalées ». Ce dernier groupe comprend différentes patholo-
SUNCT (« Short-lasting Unilateral Neuralgiform headache gies telles que les céphalées en coup de poignard, les céphalées
attacks with Conjunctival injection and Tearing ») 7 primaires de la toux, les céphalées primaires associées à l’activité
■ Autres céphalées primaires non migraineuses 7 sexuelle, les céphalées hypniques, les céphalées primaires en coup
Autres céphalées selon le type de douleur 7 de tonnerre, l’hemicrania continua et les céphalées chroniques
Autres céphalées selon les circonstances de déclenchement 8 quotidiennes de novo.
Autres céphalées selon la durée de la douleur 10 L’objectif de cet article est de présenter les caractéristiques cli-
niques, les hypothèses physiopathologiques et les traitements des
céphalées primaires non migraineuses (Tableau 1). Les céphalées
primaires migraineuses font l’objet d’un article spécial dans l’EMC
 Introduction et ne sont pas traitées dans cet article.

Les céphalées primaires sont des pathologies fréquentes dans la


population générale à l’origine de lourdes conséquences médico-
économiques [1, 2] . Il s’agit de pathologies hétérogènes dont la prise  Céphalées de tension
en charge médicale est spécifique. Les traitements des migraines,
céphalées de tension (CT), algies vasculaires de la face et céphalées Caractéristiques cliniques
circonstancielles sont par exemple totalement différents.
Interrogatoire : diagnostic positif
La démarche diagnostique et la prise en charge des céphalées
primaires reposent dans un premier temps sur un interrogatoire Les CT se manifestent par une céphalée à type de pression ou
précis qui vise à éliminer une céphalée secondaire (c’est-à-dire de serrement, classiquement non pulsatile et de localisation bila-
symptomatique d’une pathologie sous-jacente) et à distinguer le térale. La durée des céphalées est extrêmement variable, de 30
type précis de la céphalée primaire. Les éléments à rechercher à minutes à 7 jours [3] . Les douleurs sont d’intensité faible à modé-
l’interrogatoire sont l’ancienneté de la douleur (« Depuis quand rée. À la différence des migraines, les CT ne sont pas aggravées
avez-vous mal à la tête ? »), son profil évolutif (« S’agit-il d’une par les activités physiques de routine et ne sont pas associées à
douleur épisodique, chronique, circonstancielle ? »), sa durée des troubles digestifs. Il peut exister une hypersensibilité modé-
(« Combien de temps ? »), sa localisation (« Où ? »), son inten- rée et peu invalidante aux stimulations de l’environnement :

EMC - Neurologie 1
Volume 9 > n◦ 3 > juillet 2012
http://dx.doi.org/10.1016/S0246-0378(12)57731-6
17-023-A-62  Céphalées primaires non migraineuses

Tableau 1.
Classification internationale des céphalées primaires non migraineuses (IHCD-II) [3] .
2. Céphalée de tension 2.1 Céphalée de tension épisodique peu 2.1.1 Céphalée de tension épisodique peu fréquente
fréquente associée à une sensibilité péricrânienne
2.1.2 Céphalée de tension épisodique peu fréquente non
associée à une sensibilité péricrânienne
2.2 Céphalée de tension épisodique 2.2.1 Céphalée de tension épisodique peu fréquente
fréquente associée à une sensibilité péricrânienne
2.2.2 Céphalée de tension épisodique fréquente non
associée à une sensibilité péricrânienne
2.3 Céphalée de tension chronique 2.3.1 Céphalée de tension chronique associée à une
sensibilité péricrânienne
2.3.2 Céphalée de tension chronique non associée à une
sensibilité péricrânienne
2.4 Céphalée de tension probable 2.4.1 Céphalée de tension épisodique peu fréquente
probable
2.4.2 Céphalée de tension épisodique fréquente probable
2.4.3 Céphalée de tension chronique probable
3. Algie vasculaire de la face et autres 3.1 Algie vasculaire de la face 3.1.1 Algie vasculaire de la face épisodique
céphalées trigémino-dysautonomiques
3.1.2 Algie vasculaire de la face chronique
3.2 Hémicrânie paroxystique 3.2.1 Hémicrânie paroxystique épisodique
3.2.2 Hémicrânie paroxystique chronique
3.3 Syndrome SUNCT
3.4 Céphalée 3.4.1 Algie vasculaire de la face probable
trigémino-dysautonomique probable
3.4.2 Hémicrânie paroxystique probable
3.4.3 Syndrome SUNCT probable
4. Autres céphalées primaires 4.1 Céphalée primaire en coup de
poignard
4.2 Céphalée primaire induite par la
toux
4.3 Céphalée primaire induite par l’effort
4.4 Céphalée primaire induite par 4.4.1 Céphalée préorgasmique
l’activité sexuelle
4.4.2 Céphalée orgasmique
4.5 Céphalée hypnique
4.6 Céphalée primaire en coup de
tonnerre
4.7 Hemicrania continua
4.8 Céphalée chronique quotidienne de
novo

SUNCT : short-lasting unilateral neuralgiform headache attacks with conjonctival injection and tearing.

phonophobie ou photophobie (mais pas l’association des deux définissent par la survenue de moins d’un épisode douloureux par
symptômes chez un même patient). À la différence des migraines, mois (mais il faut s’assurer que le patient ait présenté au moins dix
l’hypersensibilité aux stimulations olfactives n’est pas rappor- épisodes similaires antérieurement) tandis que la fréquence des CT
tée au cours des CT [4, 5] . De même, il n’est pas décrit d’aura épisodiques fréquentes est d’un épisode d’un jour à quinze jours
ni de prodrome au début des CT. Dans l’appendice de la der- par mois sur les trois derniers mois. Cette distinction, qui pourrait
nière classification internationale des céphalées [3] , des critères paraître artificielle, s’avère très importante en pratique clinique
diagnostiques plus stricts ont été proposés ; la céphalée doit pré- puisque l’impact sur la qualité de vie, les conséquences socio-
senter trois des quatre caractéristiques suivantes : localisation économiques, les mécanismes physiopathologiques ainsi que les
bilatérale, céphalée à type d’étau ou de pression (non pulsa- attitudes thérapeutiques diffèrent entre les trois types de CT. Ainsi,
tile), intensité légère à modérée, absence d’aggravation par les les patients souffrants de CT épisodiques fréquentes présentent
activités de routine comme la marche ou la montée d’escaliers. un risque élevé de développer des céphalées chroniques quoti-
De même, les patients ne présentent pas de nausées, ni de diennes (évolution de CT épisodiques en CT chroniques). Il est
phonophobie ou photophobie. Ces critères diagnostiques sont donc indispensable d’identifier ce groupe de patients, de recher-
résumés infra. cher les facteurs de risque d’aggravation des céphalées et de les
La fréquence des CT doit être évaluée, si possible à l’aide d’un prendre en charge efficacement. Inversement, les CT épisodiques
agenda, afin de distinguer les CT épisodiques (survenues de moins peu fréquentes sont peu invalidantes et les patients ne consultent
de 15 jours de céphalées tensives par mois) des CT chroniques (sur- habituellement pas.
venues de plus de 15 jours de céphalées tensives par mois depuis au L’interrogatoire doit également rechercher les facteurs favo-
moins trois mois). Lors de la dernière classification internationale risants et aggravants des CT, tels qu’une perception et/ou une
des céphalées [3] , il a été proposé de distinguer les CT épiso- gestion du stress anormale, une anxiété et/ou d’un état dépres-
diques en deux sous-groupes : CT épisodiques peu fréquentes et sif. Le retentissement clinique des CT sur la qualité de vie devra
CT épisodiques fréquentes. Les CT épisodiques peu fréquentes se également être évalué.

2 EMC - Neurologie
Céphalées primaires non migraineuses  17-023-A-62

Diagnostics différentiels
“ Point important Les diagnostics différentiels des CT sont nombreux en raison
de la faible spécificité des caractéristiques cliniques de ce type
de céphalée. Les céphalées secondaires peuvent ainsi mimer des
Critères diagnostiques révisés des céphalées de
CT. Ceci implique d’éliminer en cas de céphalées récentes, inha-
tension (CT) définis par l’International Headache bituelles et/ou d’anomalie à l’examen clinique une pathologie
Society (ICHD-II : appendice A2) intracrânienne (tumorale, vasculaire), infectieuse, inflammatoire
A. Épisodes de céphalées peu fréquents (<12 j/an), fré- (maladie de Horton) ou toxique (intoxication au monoxyde de
quents (entre 12 j/an et 180 j/an), chroniques (> 180 j/an) carbone [CO], céphalée iatrogène). En dehors du problème de
B. Durée des épisodes céphalalgiques : 30 min à 7 j l’urgence, d’autres céphalées secondaires telles que les cépha-
C. Céphalée ayant au moins trois des quatre caractéris- lées liées à des désordres de l’articulation temporo-mandibulaire
tiques suivantes : (ATM) ou liées au rachis cervical peuvent être difficiles à différen-
1. localisation bilatérale ; cier de CT primaires.
Une fois le diagnostic de céphalée secondaire éliminé,
2. caractère à type d’étau ou de pression (non pulsa-
l’interrogatoire doit écarter une autre céphalée primaire, notam-
tile) ;
ment une céphalée migraineuse. La distinction entre les deux
3. intensité légère à modérée ; pathologies peut être délicate, notamment si la céphalée
4. absence d’aggravation par les activités physiques de migraineuse est diffuse et d’intensité modérée. Cette difficulté
routine (comme la marche ou la montée d’escaliers). diagnostique est renforcée par la possible association des deux
D. Absence de nausée (une anorexie est possible), de pathologies chez un même patient [9] .
vomissement, de phonophobie ou photophobie En cas de céphalées chroniques quotidiennes, les données de
E. La céphalée ne peut être attribuée à une autre cause. l’interrogatoire doivent écarter une céphalée chronique quoti-
L’histoire, l’examen physique et neurologique ne sug- dienne avec surconsommation médicamenteuse (code IHS 8.2) [3] .
gèrent pas une céphalée symptomatique ou celle-ci est Elle correspond à l’aggravation et la transformation d’une
céphalée primaire (initialement épisodique) en céphalée chro-
écartée par des investigations complémentaires ou celle-ci
nique quotidienne (plus de 15 j/mois), ceci sous l’effet d’un
existe, mais les crises n’ont pas de lien avec cette affec-
abus d’antalgique régulier et chronique (au moins trois mois).
tion. Dans le cadre des céphalées chroniques quotidiennes Rappelons que l’abus médicamenteux est défini par la consom-
et d’abus médicamenteux, le diagnostic de CT chronique mation régulière d’au moins 10 j/mois d’antalgiques tels que
sera retenu en l’absence d’amélioration de la fréquence l’ergotamine, les triptans, les opioïdes ou toute association
des crises deux mois après le sevrage médicamenteux. d’antalgiques. En ce qui concerne l’abus d’antalgiques non
opiacé, le seuil minimum de prise médicamenteuse requis
pour le diagnostic est de 15 j/mois. La suspicion de cépha-
Examen neurologique lées par abus médicamenteux conduit dans un premier temps
à la mise en place d’un sevrage médicamenteux. Si les cépha-
L’examen neurologique est par définition normal chez les lées tensives persistent après l’arrêt de l’abus médicamenteux,
patients souffrant de CT. La seule anomalie clinique pouvant être le diagnostic de CT chronique est alors retenu. En pratique,
observée chez ces patients est la présence d’une sensibilité anor- la distinction entre ces entités peut être particulièrement
male des muscles péricrâniens. Cette sensibilité se recherche par difficile.
une palpation manuelle à l’aide de l’index et du majeur en effec-
tuant des mouvements de rotation et en exerçant une pression
douce au niveau des muscles suivants : frontal, temporal, masséter,
ptérygoïdien, sterno-cléido-mastoïdien, splénius et trapèze. Cette Physiopathologie
sensibilité peut être cotée pour chaque muscle sur une échelle
Malgré la prévalence importante des CT, leurs mécanismes phy-
cotée de 0 à 3. L’utilisation d’outil tel qu’un « palpomètre » a été
siopathologiques restent encore mal connus. Les mécanismes
proposée [6] . L’absence d’hypersensibilité des muscles péricrâniens
douloureux des CT ont été évalués par différentes techniques :
ne remets pas en cause le diagnostic de CT puisque deux groupes
étude de la sensibilité péricrânienne, seuils de perception de la
sont distingués : les patients souffrant de CT avec et sans sensibilité
douleur, seuils de tolérance à la douleur et plus récemment par
des muscles péricrâniens.
l’étude des systèmes de contrôles inhibiteurs diffus nociceptifs
Examens complémentaires (CIDN). Ces études montrent que deux mécanismes, non exclu-
sifs, semblent jouer un rôle majeur dans le développement des CT :
Aucun examen complémentaire n’est recommandé pour poser une sensibilisation périphérique et une sensibilisation centrale.
le diagnostic de CT. Ils ne seront réalisés qu’en cas de doute diag- Les arguments en faveur d’une implication périphérique dans
nostic (cf. infra) afin d’éliminer une céphalée secondaire. la CT proviennent des travaux évaluant la sensibilité des muscles
péricrâniens. Il a été montré que les patients avec CT présentent
Prévalence une augmentation de la sensibilité péricrânienne suggérant un
mécanisme de sensibilisation périphérique. Celle-ci pourrait se
Les CT représentent les céphalées primaires les plus fréquem- compliquer secondairement d’une sensibilisation centrale avec
ment observées dans la population générale. Leur prévalence comme conséquence le développement et le maintien de CT chro-
moyenne sur la vie est estimée à 42 % dans sa forme épisodique [2] niques [7, 11] . Il faut souligner que cette sensibilité des muscles
et à 3 % dans sa forme chronique [7] . Il faut toutefois signaler que péricrâniens n’est pas associée à une augmentation de l’activité
les chiffres rapportés dans la littérature sont variables, ainsi les esti- musculaire évaluée par électromyographie (EMG), ni à une modi-
mations varient lors de deux études récentes de 16,5 % [8] à 86 % [9] . fication du métabolisme musculaire mesuré par les taux de lactates
Plusieurs facteurs sont susceptibles d’expliquer ces différences. La et les médiateurs de l’inflammation [7] .
prévalence exacte des patients souffrant de CT épisodiques peut D’autres mécanismes impliquant une altération des méca-
être difficile à estimer car ces patients consultent peu ou pas : nismes centraux de contrôle de la douleur sont discutés dans la
selon les études et les méthodologies employées, celle-ci risque physiopathologie des CT notamment en cas de CT chroniques.
d’être sous- ou surestimée [8] . De plus, le diagnostic différentiel Cette sensibilisation centrale se manifeste par une diminution
entre CT et autres céphalées (migraine, céphalées cervicogéniques, des seuils de détection et de tolérance à la douleur au niveau de
céphalées chroniques quotidiennes avec surconsommation médi- l’extrémité céphalique mais également au niveau de sites extracé-
camenteuses) est parfois difficile [10] . Concernant le sex-ratio, on phaliques comme les membres supérieurs et inférieurs [12–15] . Ces
ne retrouve pas comme dans la migraine de nette prédominance études suggèrent une sensibilisation de localisation supraspinale
féminine [2] . thalamique ou corticale. Plus récemment, une étude a montré une

EMC - Neurologie 3
17-023-A-62  Céphalées primaires non migraineuses

altération des systèmes de contrôle de la douleur, plus particuliè-


rement du CIDN chez les patients souffrant de CT épisodiques [16] .
 Algie vasculaire de la face
Dans les deux cas (sensibilisation centrale et/ou périphérique), et formes apparentées
le stress est une cause importante de CT, à rechercher de façon
systématique [17] . Enfin, des facteurs génétiques pourraient être Le groupe des céphalées trigémino-dysautonomiques
impliqués dans la physiopathologie des CT épisodiques fréquentes comprend par ordre de fréquence l’algie vasculaire de la face
et des CT chroniques [18] . (AVF), l’hémicrânie paroxystique (HCP) et le SUNCT (short-lasting
unilateral neuralgiform headache attacks with conjunctival injection
and tearing). Ces douleurs sont classées dans le groupe 3 des cépha-
Traitements lées primaires [3] (Tableau 1). Elles présentent des caractéristiques
communes sur le plan clinique, évolutif et physiopathologique.
Malgré la fréquence des CT, le traitement de ce type de céphalée
Cliniquement, les céphalées se manifestent par :
est encore mal codifié et en pratique parfois difficile. La prise en
• des accès douloureux intenses et stéréotypés ;
charge dépend de la fréquence des crises, du retentissement sur la
• de localisation périorbitaire ou temporale (territoire V1) ;
vie quotidienne, des symptômes (sensibilité des muscles péricrâ-
• de siège unilatéral ;
niens) et pathologies associés (syndrome anxiodépressif, présence
• sont associées à des signes de dysfonction du système nerveux
d’un abus médicamenteux). Les traitements peuvent être sché-
autonome.
matiquement classés en traitements des crises et en traitements
Les caractéristiques qui permettent de différencier ces trois
préventifs médicamenteux et non-médicamenteux.
entités cliniques sont la fréquence et la durée des accès (15
minutes à trois heures pour l’AVF, deux minutes à 30 minutes
Traitement des accès douloureux pour l’HCP et cinq secondes à 240 secondes pour le SUNCT).
Les traitements des crises sont essentiellement de nature Sur le plan physiopathologique, les mécanismes impliquent une
pharmacologique et comprennent les antalgiques simples non activation du système trigémino-vasculaire, une mise en jeu du
opioïdes et les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS). Les système végétatif à destinée céphalique (hyperactivité parasym-
études thérapeutiques versus placebo montrent une efficacité pathique et hypoactivité sympathique) et une implication de
de l’aspirine (posologie unitaire de 500 mg à 1 000 mg), de l’hypothalamus. Toutes ces entités cliniques appartiennent au
l’ibuprofène, du kétoprofène, du naproxène sodique et du diclo- groupe des céphalées primaires, mais il faut garder à l’esprit que
fénac. Le paracétamol a une efficacité supérieure au placebo à la pour chacune d’entre elles, des formes symptomatiques rares
posologie de 1 000 mg mais ne semble pas efficace à la posolo- sont décrites ce qui exige une analyse clinique soigneuse des
gie de 500 mg [19] . L’efficacité thérapeutique de ces molécules dans crises.
le traitement des CT est classée en grade A (efficacité établie par
des preuves scientifiques) [20] . Les associations médicamenteuses
comprenant l’adjonction de la caféine à l’aspirine, paracétamol Algie vasculaire de la face
ou ibuprofène sont également efficaces mais exposent au risque
d’abus médicamenteux. Pour cela, ces associations médicamen-
Données épidémiologiques
teuses ne sont pas recommandées en première intention et ont été L’AVF (cluster headache ou littéralement « céphalées en grappe »)
classées en grade B [20] . Les traitements myorelaxants, les opioïdes est la plus fréquente des céphalées trigémino-dysautonomiques.
ainsi que les triptans n’ont pas démontré d’efficacité dans le trai- Elle affecte une personne sur 500 en population générale [21] . Une
tement des crises des CT et ne sont pas recommandés [20] . La étude récente montre que la prévalence vie entière est de 124
prescription d’un traitement de crise doit dans tous les cas être pour 100 000 et la prévalence annuelle de 53 pour 100 000 [22] .
associée à une information sur le risque d’abus médicamenteux L’AVF affecte principalement les sujets jeunes et de sexe mascu-
qui risque d’aggraver et entretenir les céphalées chroniques. lin. Dans 80 % des cas, l’AVF débute entre la 2e et 4e décennie, en
moyenne vers l’âge 30 ans [23] . Une nette prédominance masculine
Traitements prophylactiques des céphalées (84 %) est connue depuis longtemps. Des études épidémiologiques
de tension montrent toutefois une augmentation de l’incidence féminine
depuis une vingtaine d’année. Ainsi, le sex-ratio (homme : femme)
Les patients vus en consultation souffrent le plus souvent de est estimé à 6,2 : 1 pour les patients ayant débuté leurs crises
CT épisodiques fréquentes ou de CT chroniques et nécessitent avant 1960 et à 2,1 : 1 pour les patients chez qui les crises ont
un traitement prophylactique. Les médicaments prophylactiques commencé entre 1990 et 1995 [24] . L’augmentation de l’incidence
médicamenteux des CT reposent essentiellement sur les antidé- féminine serait plus importante pour les femmes débutant la
presseurs tricycliques et plus particulièrement l’amitriptyline. Ce maladie après 50 ans [25] . L’explication de cette modification
traitement recommandé en première intention doit être débuté de de l’épidémiologie n’est pas connue. Enfin, il faut souligner
façon progressive (10 mg/j à 25 mg/j) le soir et augmenté progres- une association statistique positive avec le tabagisme, notée
sivement jusqu’à une posologie moyenne de 30 mg à 75 mg [20] . dans plus de 80 % des cas. Les mécanismes physiopatholo-
Les effets secondaires (somnolence, prise de poids, constipation) giques à l’origine de cette association sont à l’heure actuelle
peuvent être des facteurs limitant cette prescription. Dans tous inconnus.
les cas, il est important de signaler aux patients que ces trai-
tements appartenant à la famille des antidépresseurs ont une
action antalgique propre. D’autres traitements antidépresseurs tri-
Caractéristiques cliniques
cycliques comme la clomipramine pourraient être intéressants Les caractéristiques cliniques des crises sont résumées infra.
dans le traitement des CT, de même que certains antidépresseurs • Localisation de la douleur : la douleur est de siège fixe et
inhibiteurs de recapture de la sérotonine et noradrénaline comme unilatéral, fronto-orbitaire, frontal ou temporal. Elle peut
la venlafaxine (hors autorisation de mise sur le marché [AMM]) [20] . irradier au niveau de l’hémicrâne ipsilatéral ou au niveau
D’autres traitements utilisés dans la prophylaxie de la migraine des joues, du cou ou de l’épaule. L’alternance de côté des
comme le topiramate n’ont pas montré d’efficacité dans la pro- accès douloureux est rare [26] . La douleur est décrite comme
phylaxie des CT. De même, les injections de toxine botulinique extrêmement intense, « atroce » « intolérable », comme une
ne sont efficaces dans le traitement des CT. « traction, un tison enfoncé dans l’œil » ou encore une sensation
Les traitements non-médicamenteux sont recommandés chez « d’arrachement ou de broiement du globe oculaire ».
les patients souffrant de CT bien que l’efficacité de ces techniques • Durée des crises : par définition, les accès douloureux durent de
soit plus difficile à attester. La prise en charge repose essentielle- 15 minutes à 180 minutes. Ils se reproduisent une fois à huit
ment sur le biofeedback, la relaxation, l’hypnose et les thérapies fois par jour (en moyenne un à trois épisodes/j). Les crises sur-
cognitivocomportementales. D’autres techniques comme la kiné- viennent volontiers à horaires fixes, ce qui confère le caractère
sithérapie et l’acupuncture sont souvent proposées. Les preuves circadien très évocateur de cette affection. Un accès survenant
attestant de leur efficacité sont actuellement faibles. pendant la nuit est particulièrement caractéristique de l’AVF.

4 EMC - Neurologie
Céphalées primaires non migraineuses  17-023-A-62

Signes associés Tableau 2.


• Agitation motrice : durant l’accès, les patients présentent de Principales étiologies des algies vasculaires de la face (AVF) secondaires
façon caractéristique une grande agitation ; ils ne restent rapportées [29] .
pas alités mais présentent une déambulation avec possible Vasculaires Dissection artérielle des artères carotides ou vertébrale
agitation, voire agressivité. Cette hyperactivité est un signe
Malformation artérioveineuse
important à rechercher. Elle s’oppose ainsi à l’alitement et la
recherche d’un isolement sensoriel qui accompagnent l’accès Infarctus cervical, bulbaire
migraineux. Hématome sous-dural frontal
• Modification du système végétatif : les crises d’AVF comportent Anévrisme de l’artère communicante antérieure
des signes cliniques végétatifs. Ils sont particulièrement Pseudoanévrisme de l’artère carotide interne
importants au niveau de l’hémiface douloureuse : injection
conjonctivale et/ou larmoiement, congestion nasale et/ou Tumorales Tumeur de la région pituitaire
rhinorrhée, œdème palpébral, sudation du front ou de la Méningiome sphénoïdale, sus-tentoriel, cervical,
face, myosis et/ou ptôsis. Le myosis et le ptôsis témoignent parasellaire
d’une hypoactivité sympathique. Inversement, les autres symp- Kyste épidermoïde pontique
tômes comme le larmoiement, la rhinorrhée, l’injection Carcinome du nasopharynx
conjonctivale sont le reflet d’une hyperactivation parasym-
pathique. Ces symptômes végétatifs peuvent être au premier Infectieuses Sinusite
plan sur le plan clinique mais leur présence plus discrète Aspergillose faciale
voire leur absence dans 3 % des cas ne doit pas exclure Zona ophtalmique
le diagnostic. Leur dépistage à l’interrogatoire doit être
Diverses Traumatisme facial
systématique.
Énucléation

“ Point important Imagerie cérébrale


L’imagerie cérébrale est normale chez les patients souffrant
Critères diagnostiques de l’algie vasculaire de la d’AVF. Celle-ci est réalisée lors des premiers accès et/ou de formes
face (AVF) selon la classification internationale des atypiques (cf. infra).
céphalées (IHCD-II:3.1)
A. Au moins 5 crises réunissant les critères B à D. Physiopathologie
B. Douleur unilatérale sévère à très sévère, orbitaire,
Les mécanismes qui sous-tendent l’AVF sont encore mal
supra-orbitaire et/ou temporale durant 15 minutes à 180 connus. Les données cliniques et expérimentales évoquent
minutes sans traitement. l’implication du système trigéminovasculaire, du système végé-
C. La céphalée est associée à au moins un des signes sur- tatif (hypoactivation sympathique, hyperactivation parasympa-
venant du côté de la douleur : thique) et de l’hypothalamus postérieur. Le rôle de cette structure
1. injection conjonctivale et/ou larmoiement ; est évoqué devant l’évolution circadienne et circannuelle de
2. congestion nasale et/ou rhinorrhée ; l’affection, les modifications biologiques de la sécrétion de méla-
3. œdème palpébral ; tonine et d’hormones d’origine hypothalamo-hypophysaire au
4. sudation du front ou de la face ; cours des périodes douloureuses. Les données d’imagerie céré-
5. myosis et/ou ptôsis ; brale en tomographie d’émission de positons (TEP) confirment
l’implication de cette structure en montrant une hyperactiva-
6. sensation d’inquiétude ou agitation motrice.
tion de l’hypothalamus postérieur ipsilatéral à la douleur [28] . Ces
D. La fréquence des crises varie de 1 crise, un jour sur deux, connaissances ont conduit à réaliser des essais thérapeutiques
à 8 crises par jour. avec stimulations stéréotaxiques de l’hypothalamus (cf. infra). Si
E. Les symptômes ne sont pas attribuables à une autre l’implication de l’hypothalamus est actuellement reconnue, son
pathologie. rôle comme « générateur » ou « structure activée secondairement »
est discuté.

Diagnostic différentiel
Évolution des crises d’AVF
Il existe deux formes évolutives d’AVF : une forme épisodique Les données de l’interrogatoire permettent habituellement
et une forme chronique. La forme épisodique concerne 80 % d’éliminer :
à 90 % des patients. Elle se manifeste par des accès doulou- • les autres douleurs trigémino-dysautonomiques (hémicranie
reux pluriquotidiens de quinze minutes à trois heures sur des paroxystique et SUNCT) ;
périodes douloureuses durant deux semaines à huit semaines. • certaines crises de migraine avec symptômes végétatifs périorbi-
L’intervalle libre entre deux périodes douloureuses doit être taires (la durée des accès permet habituellement de différencier
par définition d’au moins d’un mois. Le plus souvent, une les deux pathologies) ;
à deux périodes douloureuses par an sont décrites, définis- • une céphalée hypnique en cas de crises nocturnes exclusives (cf.
sant un rythme circannuel. Classiquement, l’alcool déclenche infra), mais celle-ci ne comporte pas habituellement de symp-
la crise lors des périodes actives d’AVF mais pas lors des tômes végétatifs ;
rémissions. • les rares formes de névralgie trigéminale de la branche V1 (mais
La forme chronique évolue de façon perannuelle avec des la douleur est décrite dans ce cas comme décharge électrique,
périodes de rémission inférieures à un mois. Elle peut compliquer fulgurante, de quelques secondes et limitée à un territoire ner-
une forme épisodique ou être d’emblée chronique (46 %) [27] . veux) ;
• une maladie de Horton chez un sujet âgé.
Examen clinique L’imagerie doit rechercher des formes symptomatiques d’AVF
En dehors des crises, l’examen neurologique et général est lors de crises récentes, atypiques et/ou de réponses incomplètes
normal ; seule la persistance d’un syndrome de Claude Bernard au traitement et éliminer une dissection des vaisseaux du cou,
Horner peut être observée après les crises mais ce signe intercri- un méningiome (petite aile du sphénoïde, cervical haut), un
tique est si rare qu’il doit d’abord amener à exclure une dissection adénome hypophysaire, ainsi que des douleurs d’origine ORL
des vaisseaux du cou. (sinusite sphénoïdale) (Tableau 2) [29] .

EMC - Neurologie 5
17-023-A-62  Céphalées primaires non migraineuses

Traitements Le méthysergide dispose d’une AMM dans l’AVF (posologie de


3 mg/j à 5 mg/j). Son utilisation doit être obligatoirement limitée
Les traitements proposés dans l’AVF sont des traitements de
à six mois avec des fenêtres thérapeutiques de quatre semaines à
crise, d’action immédiate permettant un soulagement rapide et
six semaines afin de limiter le risque de fibrose rétropéritonéale
des traitements prophylactiques ou traitements de fond visant à
entraînant une obstruction des voies urinaires, des lombalgies,
réduire la fréquence des accès douloureux [23] .
des douleurs abdominales, une fibrose pleuropulmonaire et plus
Traitements de crise rarement de fibrose péricardique. Son utilisation contre-indique
La durée des crises douloureuses (15 minutes à 180 minutes) la prescription de triptan, comme le sumatriptan ce qui en réduit
incite à proposer des traitements d’action rapide, soulageant dou- son intérêt.
leurs et signes associés et pouvant faire l’objet d’usage répété D’autres traitements prophylactiques comme le valproate, le
et non toxique au cours de la journée. Ces traitements sont pizotifène, la mélatonine ou la gabapentine semblent efficaces
représentés par le sumatriptan injectable (Imiject® 6 mg) et mais leur usage ne peut être recommandé en l’absence d’un niveau
l’oxygénothérapie [30, 31] . Ces traitements disposent d’une AMM de preuve élevé. De même, l’indométacine, traitement réservé
en France dans cette affection, bénéficient d’un niveau de preuve aux hémicrânies paroxystiques, peut s’avérer intéressante chez
important d’efficacité et doivent donc être privilégiés. certains patients souffrant d’AVF [32] .
Le sumatriptan, agoniste sérotoninergique 5HT1B/1D est la molé- Traitements non médicamenteux. Les blocs du grand nerf
cule de référence. La posologie est d’une à deux injections occipital peuvent être proposés en cas de crises fréquentes [33] . Il
sous-cutanée par jour en auto-injection. La prescription doit n’existe toutefois pas à l’heure actuelle de consensus sur cette
être réalisée sur une ordonnance d’exception. Son usage doit technique. Des traitements chirurgicaux peuvent être discutés
respecter les contre-indications cardiovasculaires (antécédents en cas d’AVF chroniques pharmacorésistantes. Les techniques les
d’hypertension non contrôlée, d’infarctus du myocarde, de patho- plus anciennes par thermocoagulation du ganglion de Gasser, rhi-
logie vasculaire périphérique, d’accident vasculaire cérébral) et zotomie au glycérol ou plus récentes par radiochirurgie avec le
immuno-allergiques. gamma-knife ont conduit à des résultats contrastés et discordants,
L’oxygénothérapie à haut débit est l’alternative de choix ou ce qui limite leur utilisation. Plus récemment, la stimulation
peut être associée en cas de crises fréquentes. Elle est réalisée par profonde hypothalamique a été proposée dans les formes réfrac-
masque à un débit de 7 l/min à 12 l/min. Des travaux récents taires d’AVF chronique [34] . Un essai français récent a confirmé
suggèrent l’utilisation de débits plus élevés jusqu’à 15 l/min. Les une réduction de la fréquence des accès d’AVF, mais sans repro-
séances durent de 15 minutes à 20 minutes. Les contre-indications duire de façon significative les résultats précédents [35] . Les risques
sont limitées permettant son emploi en cas de contre-indication, liés à cette technique sont ceux de la chirurgie stéréotaxique.
d’intolérance ou d’inefficacité du sumatriptan. Actuellement, le positionnement de cette technique dans l’arsenal
D’autres alternatives sont rapportées [23] : le sumatriptan per- thérapeutique reste en cours d’évaluation. De façon moins inva-
nasal 20 mg, l’attouchement du ganglion sphénopalatin avec de sive, plusieurs travaux ont montré que la neurostimulation du
la liqueur de Bonin ou la lidocaïne, le bloc anesthésique du nerf nerf grand occipital pourrait diminuer la fréquence des accès
grand occipital ipsilatéral à la douleur et l’octréotide injectable douloureux au cours de l’AVF chronique. En l’absence de consen-
(sandostatine® ) (hors AMM). sus actuel, ces deux techniques neurochirurgicales n’ont pas une
place définie dans l’arsenal thérapeutique de l’AVF chronique.
Traitements prophylactiques
Traitements médicamenteux. Le vérapamil est le traitement
proposé en première intention (grade A) [23, 30, 31] même s’il ne dis- Hémicrânie paroxystique
pose pas d’une AMM spécifique. Les posologies préconisées sont
de 240 mg/j à 480 mg/j et doivent mises en place de façon pro- L’hémicrânie paroxystique (HCP) est une forme rare de douleur
gressive. Selon l’efficacité et la tolérance, les posologies pourront faciale proche sémiologiquement de l’AVF. Elle s’en différen-
être augmentées progressivement à des doses élevées, notamment cie par plusieurs caractéristiques épidémiologiques, cliniques et
dans les formes chroniques (jusqu’à 960 mg/j). Ce calcium blo- thérapeutiques [36] . À la différence de l’AVF, l’HCP touche préfé-
queur doit être utilisé après réalisation d’un électrocardiogramme rentiellement la femme avec un ratio d’environ 2-3 femmes pour
(ECG) qui sera répété au cours de l’augmentation du traitement. un homme. L’âge de début se situe vers 30 ans à 35 ans bien que
En cas d’AVF épisodiques, le traitement préventif est proposé lors des formes précoces ou tardives au-delà de 80 ans soient possibles.
des périodes douloureuses puis arrêté lors des périodes de rémis- Les accès douloureux sont plus courts que ceux de l’AVF puisqu’ils
sion. durent en moyenne de deux mintues à trois minutes avec un
Les corticoïdes en tant que traitement d’appoint de courte durée maximum de 30 minutes [23] . La douleur siège dans la région
peuvent être employés notamment en coprescription avec le véra- périorbitaire, supraorbitaire ou temporale. Le nombre d’accès quo-
pamil pour permettre un soulagement rapide précédent l’action tidien est au minimum de cinq ; le plus souvent une quinzaine.
du vérapamil. Ce traitement peut être proposé si les crises sont Les formes épisodiques sont décrites dans 20 % des cas ; la grande
fréquentes et intenses. Des posologies de 1 mg/kg sont utilisées. majorité s’exprime de façon per-annuelle sous une forme chro-
La durée de prescription ne doit pas excéder deux semaines à trois nique.
semaines. Des rechutes sont fréquentes lors de la décroissance de En raison de la rareté de cette forme de céphalée et des pos-
dose ce qui rend le maniement de ce traitement délicat. sibles formes symptomatiques, des examens de neuroradiologie
Le carbonate de lithium (Téralithe® ) représente l’alternative sont proposés de façon presque systématique [36] .
thérapeutique la plus classique, notamment dans les formes chro- La sensibilité à l’indométacine confère le trait distinctif et spé-
niques. Les doses moyennes sont de 750 mg/j. L’emploi de ce cifique à l’HCP par rapport à l’AVF ou au SUNCT. Dans l’état
traitement nécessite un bilan biologique préthérapeutique héma- actuel de la définition, la pharmaco-sensibilité à l’indométacine
tologique, cardiologique, thyroïdien et rénal, qui sera répété doit être complète même si ce critère est discuté par de nom-
lors du suivi. La lithémie circulante doit être surveillée régu- breuses publications récentes [23] . La posologie efficace est variable.
lièrement (objectif de lithémie : 0,4 mEq/l à 0,8 mEq/l) [31] . Les La sédation de la douleur peut s’exprimer à des posologies de
effets secondaires possibles sont une diarrhée, des tremblements, 12,5 mg mais nécessite souvent d’augmenter jusqu’à 300 mg par
une polyurie. Les signes de surdosages sont des nausées, vomis- jour. Le schéma habituel est de débuter avec 25 mg trois fois par
sements, syndrome confusionnel ou ataxie. Les interactions jour puis d’augmenter jusqu’à un maximum de 75 mg trois fois par
médicamenteuses nombreuses doivent être respectées. jour [23] . La réponse est souvent rapide. La tolérance est limitée en
Le topiramate est considéré en grade B et n’a été étudié que lors raison des effets secondaires gastro-intestinaux ou généraux. Le
d’études en ouvert [31] . Les posologies proposées vont de 50 mg/j à vérapamil peut être également utilisé à titre alternatif, en cas de
200 mg/j. Les effets secondaires sont les paresthésies, une perte de contre-indication ou d’intolérance aux anti-inflammatoires mais
poids et/ou des troubles thymiques. Les antécédents de lithiase le niveau de preuve est bas. De la même façon, le topiramate à
urinaire limitent son utilisation. Son emploi est hors AMM en des doses de 100 mg à 200 mg par jour s’est avéré efficace au cours
France. d’observations ponctuelles [23, 37] .

6 EMC - Neurologie
Céphalées primaires non migraineuses  17-023-A-62

sièmement, il existe un recouvrement entre certaines de ces entités

“ Point important comme par exemple les CTT et certaines céphalées sexuelles. Qua-
trièmement, affirmer le caractère primaire de ce type de céphalées
exige d’éliminer une pathologie sous-jacente (vasculaire, tumo-
rale, malformative, etc.). La démarche diagnostique s’est de plus
Critères diagnostiques de l’hémicrânie paroxys-
complexifiée depuis la mise en évidence de nouvelles étiologies
tique selon la classification internationale des comme le syndrome de vasoconstriction cérébrale réversible ou
céphalées (IHCD-II:3.2) d’anomalies veineuses. Certaines céphalées dites primaires pour-
A. Au moins 20 crises réunissant les critères B-D. raient être en fait de nature symptomatique. Ces données seront
B. Crise de douleur unilatérale sévère, orbitaire, supraor- détaillées infra.
bitaire et/ou temporale durant 2 minutes à 30 minutes.
C. La céphalée est associée à au moins l’un des signes
suivant du même côté :
Autres céphalées selon le type de douleur
1. injection conjonctivale et/ou larmoiement ; Céphalées en coup de tonnerre primaire
2. congestion nasale et/ou rhinorrhée ; Définition
3. œdème palpébral ;
Les CCT se distinguent par leur caractère soudain et explo-
4. sudation du front ou de la face ; sif. La douleur est extrêmement sévère et atteint son intensité
5. myosis et/ou ptôsis. maximale en quelques secondes ou quelques minutes, comme un
D. La fréquence des crises est supérieure à 5 par jour plus « coup de tonnerre dans un ciel serein ». Ces douleurs sont classi-
de la moitié du temps bien que des périodes avec des quement observées chez les patients souffrant d’une hémorragie
fréquences moindres de crise soit possible. sous-arachnoïdienne par rupture d’anévrisme, mais de nom-
E. Les crises cèdent complètement avec un traitement à breuses autres causes sont rapportées. En 1986, Day et Raskin [38]
dose thérapeutique d’indométhacine. utilisent le terme de « céphalées en coup de tonnerre » pour
F. Les crises ne sont pas attribuables à une autre patholo- décrire trois épisodes céphalalgiques sévères, intenses, associés
gie. à des vomissements survenus en l’espace d’une semaine chez
une patiente. Le tableau clinique était semblable à celui observé
lors d’une hémorragie méningée mais le scanner et la ponction
lombaire (PL) éliminaient ce diagnostic. L’angiographie montrait
d’une part un anévrisme non rompu et d’autre part des vasos-
SUNCT (« Short-lasting Unilateral pasmes diffus, multifocaux et segmentaires. Si l’anévrisme non
Neuralgiform headache attacks with rompu fut considéré à l’époque comme probablement responsable
du tableau céphalalgique, on connaît maintenant l’importance
Conjunctival injection and Tearing ») du tableau de vasospasme dans la physiopathologie des CCT
Le SUNCT est une affection de description récente qui reste rare (cf. infra).
et de diagnostic difficile [23, 36] . Une prédominance masculine est Les CTT peuvent récidiver et se répéter en salve sur une période
notée. Typiquement les accès de douleurs sont de siège fixe et d’une semaine à quatre semaines. L’évolution est habituellement
sont localisés dans la région correspondante à la branche oph- favorable avec une disparition des accès au cours des semaines ou
talmique du nerf trijumeau. Les douleurs sont pluriquotidiennes, mois suivants.
brèves, de courte durée. Elles sont décrites comme des décharges Le diagnostic de CCT primaire ne peut être retenu qu’en cas
électriques, des brûlures intenses, des impressions de piqûre et d’exclusion d’une forme symptomatique dont les causes sont
peuvent évoquer à tort une douleur de type névralgique. Les accès nombreuses et certaines d’individualisations récentes comme le
s’accompagnent de signes végétatifs ipsilatéraux avec une injec- syndrome de vasoconstriction cérébrale réversible (cf. infra). La
tion conjonctivale et un larmoiement intense. fréquence des formes secondaires et l’évolution clinique singulière
Les diagnostics différentiels sont les mêmes que pour l’AVF. Il des CCT font d’ailleurs discuter pour certains auteurs l’existence
est recommandé devant la rareté de cette maladie et la fréquence même de l’entité même de CCT primaires.
des formes symptomatiques de réaliser une imagerie cérébrale par Diagnostic différentiel
imagerie par résonance magnétique (IRM) et angio-IRM artérielle.
L’hémorragie sous-arachnoïdienne est l’étiologie à éliminer en
Sur le plan thérapeutique, la rareté de l’affection n’autorise pas
urgence du fait de sa morbimortalité par un scanner cérébral
de recommandation formelle. Les traitements pharmacologiques
et une ponction lombaire. Si cette cause est éliminée, le bilan
utilisés le plus fréquemment hors AMM sont les antiépileptiques
doit être large et rechercher une dissection des artères cervicales,
comme la lamotrigine, le topiramate, la carbamazépine et la gaba-
une thrombose veineuse cérébrale, un kyste colloïde du IIIe ven-
pentine [23] . Il faudra surveiller la tolérance de ces traitements et
tricule, une apoplexie pituitaire, un anévrisme non rompu, un
prévenir les patients des effets indésirables potentiellement graves
hématome intraparenchymateux (notamment frontal ou tempo-
de ces médications.

 Autres céphalées primaires


non migraineuses
“ Point important
Le groupe des « autres céphalées primaires non migraineuses » Critères diagnostiques du SUNCT selon la classifi-
correspond au groupe 4 de la classification internationale des cation internationale des céphalées (IHCD-II:3.3)
céphalées [3] (Tableau 1). Il s’agit d’un groupe particulier à plusieurs A. Au moins 20 crises réunissant les critères B-D.
égards. Premièrement, il comprend des pathologies hétérogènes : B. Crise de douleur unilatérale orbitaire, supra-orbitaire
certaines céphalées sont dites circonstancielles (survenant dans et/ou temporale pulsatile ou paroxystique durant 5 sec-
un contexte particulier comme la toux, l’effort ou les rapports ondes à 240 secondes.
sexuels) alors que d’autres céphalées se distinguent par le type de
C. La douleur est associée à une injection conjonctivale et
la douleur (certaines sont aiguës et brèves comme les céphalées
en coup de poignard et les céphalées en coup de tonnerre [CCT]
un larmoiement ipsilatéral.
tandis que d’autres sont des céphalées chroniques comme les D. La fréquence des crises varie de 3 à 200 crises par jour.
céphalées chroniques quotidiennes de novo et l’hemicrania conti- E. Les symptômes ne sont pas attribuables à une autre
nua). Deuxièmement, certaines céphalées ont la particularité de pathologie.
survenir à des âges spécifiques et d’être de durée transitoire. Troi-

EMC - Neurologie 7
17-023-A-62  Céphalées primaires non migraineuses

Tableau 3.
Bilan à réaliser chez un patient souffrant de céphalées en coup de tonnerre (CCT) [41] .
Examens Indications Type de céphalées en coup de tonnerre mises
en évidence
Scanner cérébral sans injection En première intention devant toutes CCT Hémorragie sous-arachnoïdienne
Hématome intraparenchymateux
Hémorragie intraventriculaire
Hématome sous-dural (cause rare)
AVC ischémique
Hydrocéphalie tumeur
Sinusite aiguë
Ponction lombaire Après scanner cérébral normal pour toutes CCT Hémorragie sous-arachnoïdienne
Méningite
IRM avec diffusion, FLAIR, écho de gradient, T1 Si le scanner cérébral est normal, si ponction Thrombose veineuse cérébrale
sagittal, T1 avec gadolinium, coupes cervicales en lombaire normale ou douteuse Dissection des artères cervicales
saturation de graisse, ARM, VRM Apoplexie pituitaire
Syndrome de vasoconstriction cérébrale réversible
Anévrisme non rompu
Infarctus aigu non vu au scanner
Hypotension du LCS
Artériographie cérébrale Bilan d’une hémorragie méningée ou bilan à Anévrisme
discuter en cas de céphalées persistantes, déficit Syndrome de vasoconstriction cérébrale réversible
focal non expliqué par scanner, ponction lombaire Thrombose veineuse cérébrale
et IRM Angéite (cause rare)
Bilan biologique Âge > 60 ans Maladie de Horton (cause rare)
Suspicion de phéochromocytome Phéochromocytome

IRM : imagerie par résonance magnétique ; FLAIR : fluid attenuated inversion recovery ; ARM : angiographie par résonance magnétique ; VRM : veinographie par résonance
magnétique ; AVC : accident vasculaire cérébral ; LCS : liquide cérébrospinal.

ter des complications hémorragiques sous-arachnoïdiennes ou

“ Point important intracérébrales et/ou plus rarement des complications isché-


miques. Les principales causes de CCT et les examens complé-
mentaires à réaliser sont résumées dans le Tableau 3.
Critères diagnostiques des céphalées en coup de
tonnerre primaire (ICHD-II:4.5) Céphalées en coup de poignard
A. Céphalée sévère répondant aux critères B et C. Les céphalées en coup de poignard sont une forme peu fré-
B. Association des deux caractéristiques suivantes : quente de céphalées primaires [43] . Leur prévalence réelle est
1. début soudain avec une intensité atteignant son inconnue mais elles sont plus fréquentes en cas de céphalées pri-
maximum en moins d’une minute ; maires et notamment de migraine.
2. durée d’une heure à 10 jours. La céphalée en coup de poignard est une céphalée intense,
C. Ne se reproduit pas d’une manière régulière dans les brutale, de très brève durée (quelques secondes). La douleur est
semaines ou mois suivants. habituellement de localisation périorbitaire, temporale, pariétale,
parfois postérieure. Elle survient isolement ou par une courte salve
D. La céphalée ne peut être attribuée à une autre cause.
et peut se répéter au cours de la journée. Aucun signe végétatif
n’est noté. La céphalée peut être de localisation fixe (et nécessiter
alors un bilan neuroradiologique) ou se déplacer d’une région à
ral droit chez un droitier ou cérébelleux), un AVC ischémique l’autre. L’examen neurologique est toujours normal durant l’accès
de même localisation, une hémorragie intraventriculaire, une ou au décours.
tumeur cérébrale, une sinusite aiguë, une méningite, une hypo- Sur le plan thérapeutique la durée brève ne permet pas l’emploi
tension du liquide cérébrospinal (LCS), un phéochromocytome, d’un traitement de crise. Certains auteurs ont proposé en cas
une encéphalopathie hypertensive ou un syndrome de vaso- de répétition l’usage de l’indométacine, du propranolol ou de la
constriction cérébrale réversible [39, 40] . Cette dernière étiologie mélatonine avec un niveau de preuve d’efficacité bas.
correspond à une vasoconstriction des artères cérébrales par défi-
nition réversible en trois mois. Elle se manifeste par une céphalée
en coup de tonnerre qui typiquement se répète en salve tous Autres céphalées selon les circonstances
les un jour à trois jours sur une semaine à quatre semaines [41] .
La céphalée est isolée dans 76 % des cas [42] et survient souvent de déclenchement
lors d’un effort physique, de la toux, d’un rapport sexuel. La Céphalées primaires liées à la toux
céphalée peut être associée à une photophobie, des nausées,
vomissements. Le tableau clinique peut se compliquer de défi- Définition
cits focaux et/ou de crises comitiales, reflétant des complications Les céphalées primaires liées à la toux surviennent lors d’efforts
hémorragiques ou ischémiques. Ce syndrome peut être observé de toux ou de manœuvre de Vasalva, en l’absence de lésion
en postpartum ou après prise de toxique (cannabis, cocaïne, ecta- intracrânienne [44] . La céphalée est intense, de début brutal par-
sie, amphétamines), iatrogène (inhibiteurs de la recapture de fois « explosif ». Elle est souvent de localisation bilatérale, parfois
la sérotonine, décongestionnants nasaux, bromocriptine, etc.). postérieure. La céphalée dure d’une seconde à 30 minutes. Les
L’imagerie cérébrale (IRM avec séquences d’angiographie par réso- céphalées primaires liées à la toux affectent le plus souvent les
nance magnétique [ARM] voire angiographie artérielle) montre patients âgés de plus de 50 ans avec une prédominance masculine.
un aspect typique d’alternance de rétrécissements et dilatations L’évolution de ce type de céphalée est particulière avec une dispa-
segmentaires en « collier de perles » ou « chapelet de saucisses » rition habituelle des douleurs entre six mois et deux ans [45, 46] .
d’une ou plusieurs artères cérébrales [41] . Par définition, ces ano- Leur physiopathologie est inconnue. Une élévation anormale de
malies sont transitoires et se normalisent en trois mois lors du la pression intracrânienne lors d’une manœuvre de Vasalva est
contrôle d’imagerie. L’imagerie cérébrale peut également détec- discutée.

8 EMC - Neurologie
Céphalées primaires non migraineuses  17-023-A-62

effet, dans les deux cas, il existe une prédominance mascu-

“ Point important line, un âge de début semblable (40 ans) et des étiologies
communes telles que l’hémorragie sous-arachnoïdienne et le syn-
drome de vasoconstriction cérébral réversible. L’évolution des
céphalées sexuelles primaires est habituellement favorable avec
Critères diagnostiques des céphalées en coup de
une disparition des douleurs au bout de deux mois. Des réci-
poignard (ICHD-II:4.1) dives sont rapportées de même qu’une évolution vers une forme
A. Céphalée survenant sous la forme d’un seul coup de chronique [54] .
poignard ou une série de coups et répondant aux critères
B et D.
B. Ressentie exclusivement ou de manière prédominante
dans la distribution de la branche V1 (orbite, tempe, région
pariétale).
“ Point important
C. Les coups de poignards durent jusqu’à quelques
Critères diagnostiques des céphalées primaires
secondes et se reproduisent avec une fréquence irrégulière
préorgasmiques (ICHD-II:4.4.1)
d’un à plusieurs par jour.
A. Douleur sourde au niveau de la tête et du cou, associée
D. Aucun signe d’accompagnement n’est présent.
à une sensation de contraction musculaire de la mâchoire
E. Non attribuable à une autre maladie.
et/ou du cou et répondant aux critères B.
B. Déclenchement par l’activité sexuelle avec aggravation
avec l’excitation sexuelle.
C. La céphalée ne peut être attribuée à une autre cause.

“ Point important Critères diagnostiques des céphalées primaires


orgasmiques (ICHD-II:4.4.2)
Critères diagnostiques des céphalées primaires A. Céphalée de début brutal, sévère (explosif) répondant
à la toux (ICHD-II:4.2) au critère B.
A. Céphalée répondant aux critères B et C. B. Survenue lors de l’orgasme.
B. Début brutal, d’une durée d’une seconde à 30 minutes. C. La céphalée ne peut être attribuée à une autre cause.
C. Déclenchement électif par la toux, effort et/ou
manœuvre de Valsalva.
D. La céphalée ne peut être attribuée à une autre cause.
Examens complémentaires
La survenue d’une céphalée sexuelle récente impose d’éliminer
en urgence une hémorragie sous-arachnoïdienne. Les rapports
Examens complémentaires sexuels sont en effet une cause classique de rupture d’anévrisme,
Un bilan d’imagerie comprenant une IRM encéphalique avec décrits dans 3,8 % à 14,5 % des cas [55] . Les signes d’appel ou
séquences d’angiographie par résonance magnétique (ARM) vei- « drapeaux rouges » qui doivent alerter devant une céphalée
neuse est indispensable chez tous les patients souffrant de sexuelle sont la survenue de vomissements, d’un trouble de cons-
céphalées à la toux. Les pathologies les plus fréquentes sont les cience, d’un méningisme, d’un déficit neurologique et/ou d’une
lésions tumorales (métastases cérébelleuses, méningiome de la céphalée durant plus de 24 heures [56] . Une autre étiologie fré-
fosse cérébrale postérieure, pinéalome) et les malformations de la quente et d’individualisation plus récente à rechercher chez ces
charnière cervicocrânienne d’Arnold-Chiari [45–48] . Des causes plus patients est un syndrome de vasoconstriction cérébrale réversible
rares comme un anévrisme cérébral sont également rapportées [49] . (cf. supra). Une étude a ainsi montré que 67 % des patients souf-
frant de céphalées sexuelles récurrentes (au moins deux épisodes)
Traitements et sans déficit neurologique, présentaient en fait une cépha-
La courte durée des céphalées – d’une seconde à 30 minutes – lée secondaire qui était le plus souvent (18 des 20 patients) en
rend la mise en place d’un traitement de crise difficile. Un traite- rapport avec un syndrome de vasoconstriction cérébrale réver-
ment préventif peut être proposé en cas de céphalées fréquentes. sible [54] . Les autres causes à évoquer sont un anévrisme non
Le traitement prophylactique proposé en première intention est rompu, une dissection des vaisseaux du cou ou même une lésion
l’indométacine (25 mg/j à 200 mg/j) en l’absence de contre- intracrânienne [57] .
indication. L’acétazolamide (500 mg/j à 2 000 mg/j) est également
une thérapeutique [47, 50] de même que le topiramate [51] . Traitements
La prise en charge des patients souffrant de céphalées sexuelles
Céphalées primaires liées à l’activité sexuelle dites primaires repose d’abord sur une information au patient.
Les traitements proposés sont pour la prophylaxie à court terme,
Définition l’Indométhacine (25 mg à 100 mg) à prendre 30 minutes à
Deux grands types de céphalée primaire liée à l’activité sexuelle 60 minutes avant le rapport sexuel. Les traitements proposés en
sont individualisés : céphalée préorgasmique et orgasmique [52] . préventif sont les bêtabloquants [58] .
Un troisième type de céphalée dite post-orgasmique a été rappor-
tée mais celle-ci est considérée actuellement comme secondaire à Céphalées primaires liées à l’effort
une hypotension intracrânienne et n’est donc pas traitée dans ce
chapitre. Définition
Les céphalées orgasmiques sont sévères, explosives, en « coup Les céphalées primaires à l’effort sont déclenchées par un exer-
de tonnerre ». Il existe ainsi un recouvrement entre les cépha- cice physique et surviennent lors de l’effort ou immédiatement
lées sexuelles et les CCT sur le plan physiopathologique et dans les suites. Tous les exercices physiques sont susceptibles de
étiologique. Les céphalées préorgasmiques s’apparentent plus favoriser leur survenue. La douleur est classiquement pulsatile et
classiquement aux CT : elles sont souvent bilatérales, à prédo- dure de cinq minutes à 48 heures. Le caractère pulsatile de la dou-
minance postérieure, peuvent être associées à des cervicalgies leur, la durée de la céphalée et la comorbidité observée avec la
et s’intensifient progressivement durant le rapport sexuel. Un migraine (jusqu’à 46 % d’après l’étude de Sjaastad et Bakketeig en
continuum entre les deux types de céphalées (orgasmiques et 2003 [59] ) peuvent rendre difficile le diagnostic différentiel entre
préorgasmiques) est discuté par deux études récentes [53, 54] . En céphalées liées à l’effort et céphalées migraineuses.

EMC - Neurologie 9
17-023-A-62  Céphalées primaires non migraineuses

“ Point important “ Point important


Critères diagnostiques des céphalées primaires Critères diagnostiques des céphalées primaires
liées à l’effort (ICHD-II:4.3) hypniques (ICHD-II:4.5)
A. Céphalée pulsatile répondant aux critères B et C. A. Céphalée sourde répondant aux critères B et C.
B. Durée de 5 minutes à 48 heures. B. Survient spécifiquement durant le sommeil et réveille
C. Déclenchement électif pendant ou après l’exercice phy- le patient.
sique. C. Au moins deux des caractéristiques suivantes :
D. La céphalée ne peut être attribuée à une autre cause. 1. survenue plus de 15 fois par mois ;
2. durée ≥ 15 minutes après l’éveil ;
3. débute après l’âge de 50 ans.
D. Absence de signes dysautonomiques ; pas plus d’un des
Examens complémentaires signes suivants : nausée, photophobie, phonophobie.
Comme pour les céphalées à la toux et les céphalées sexuelles, E. La céphalée ne peut être attribuée à une autre cause.
affirmer le diagnostic de céphalées primaires nécessite d’avoir
exclu une cause symptomatique. La survenue de céphalées d’effort
récentes doit dans tous les cas faire réaliser une imagerie céré-
brale. La série publiée par Pascual et al. en 1996 [45] montrait caféine à prendre au coucher. En cas d’échec, en seconde intention
que parmi les douze patients souffrant de céphalées d’effort l’indométhacine (75 mg au coucher) ou un traitement préventif
symptomatique, dix d’entre eux présentaient une hémorragie par lithium est possible. Le topiramate ou l’oxétorone constituent
sous-arachnoidienne, un avait des métastases cérébrales et un pré- des options alternatives [68] .
sentait une pansinusite. Les autres étiologies à discuter sont les
lésions faisant obstacle à la circulation du LCS comme les kystes
colloïdes du IIIe ventricule, mais également le syndrome de Autres céphalées selon la durée de la douleur
vasoconstriction cérébrale réversible et les céphalées dites car- Hemicrania continua
diaques pouvant survenir à l’effort et qui se développent de façon
concomitante à une ischémie myocardique avec ou sans douleur L’Hemicrania continua (HC) a été décrite par Sjaastad et Spie-
thoracique associée [60] . Plus récemment, des anomalies du retour rings en 1984 [69] . Il s’agit d’une forme exceptionnelle de céphalée
veineux comme une insuffisance de la valve de la veine jugu- primaire ; une centaine de cas environ ont été rapportés [70, 71] .
laire interne ont été mises en évidence [61] . L’hypothèse veineuse L’incidence et la prévalence exacte ne sont pas connues mais
a été confortée par l’observation clinique d’une patiente souf- cette pathologie pourrait être sous-diagnostiquée. La réponse à
frant de céphalées récentes à l’effort et qui présentait une sténose l’indométacine est un trait distinctif qui lui confère sa spécificité.
du sinus transverse droit et une hypoplasie du sinus transverse La maladie s’exprime plutôt chez les femmes. L’âge moyen est de
gauche [62] . Après manométrie, un stent a été mis en place dans survenue est de 34 ans (11-58 ans).
le sinus veineux droit permettant une guérison complète de la La maladie se manifeste typiquement par une hémicrânie fixe
patiente. évoluant depuis au moins trois mois au moment du diagnostic. La
douleur est continue et ne change pas de côté. Elle est d’intensité
Traitement modérée associée à des renforcements paroxystiques devant être
Après exclusion d’une céphalée secondaire, un traitement associés à des signes végétatifs.
peut être proposé en cas de céphalées invalidantes. Le trai- Comme pour les autres céphalées primaires avec manifestations
tement prophylactique proposé en première intention est le dysautonomiques, des formes secondaires ou symptomatiques
Propranolol. sont connues. Les lésions siègent au niveau de l’os sphénoïde,
des apophyses clinoïdes, de la base du crâne et au niveau cervical.
Céphalées primaires hypniques Les mécanismes physiopathologiques sont peu connus. Une
activation de l’hypothalamus postérieur et de la partie antérieure
Définition
du pont a été montrée par Matharu et al. en 2004 [72] mais reste à
Les céphalées primaires hypniques ont été décrites en 1988 [63] . confirmer.
Il s’agit de céphalées rares ; 174 cas ont été rapportés en 2010 [64] . Le traitement de référence est l’indométacine. Les doses
Les douleurs surviennent exclusivement pendant le sommeil, efficaces varient de 150 mg à 225 mg par jour, débuté progres-
réveillent le patient et durent plus de quinze minutes. Les études sivement. En l’absence de réponse, le diagnostic doit être réfuté.
polysomnographiques ne montrent pas de lien entre le début de Certains auteurs proposent toutefois de parler d’HC « vera » si la
la céphalée et un stade particulier de sommeil [65, 66] . La céphalée réponse est présente et d’HC « incerti » en cas d’absence de réponse
est bilatérale dans 70 % des cas. Les crises débutent classiquement thérapeutique [73] . Ce concept reste l’objet de débat.
après l’âge de 50 ans (âge moyen : 58,9 ans) [64] . Des débuts avant
l’âge de 50 ans sont toutefois décrits et ne doivent pas remettre Céphalée chronique de novo
en cause le diagnostic [67] . Une prédominance féminine est obser-
vée [67] . Plusieurs signes permettent de distinguer les céphalées Diagnostic
hypniques des migraines : les signes d’accompagnement sont dis- Les céphalées chroniques quotidiennes de novo ont été iso-
crets (nausées ou phonophobie ou photophobie) et à la différence lées en 1986 par Vanast [74] . Il s’agit d’un groupe de céphalées
des migraineux, les patients souffrant de céphalées hypniques rares ; leur prévalence est estimée à 0,03 % par an [75] . Les cépha-
rapportent un comportement moteur durant les accès doulou- lées chroniques quotidiennes de novo appartiennent avec les CT
reux avec le sentiment d’être obligé de se lever (les patients chroniques, les migraines chroniques, l’hémicrania continua (HC)
décrivent ne pas pouvoir rester coucher et vont marcher, lire, et les céphalées hypniques au groupe des céphalées chroniques
regarder la TV, manger ou boire [64, 67] ). À la différence des crises quotidiennes primaires. Elles ont en commun une fréquence
d’AVF, il n’existe pas de réelle agitation. La fréquence des crises des céphalées de plus de quinze jours par mois depuis plus de
est de plus de quinze par mois. trois mois. Les céphalées chroniques quotidiennes de novo se
distinguent des autres céphalées par leur début soudain, aigu. Cer-
Traitements tains patients se souviennent de la date du premier jour de leur
Du fait du nombre limité de patients rapportés dans la littéra- céphalée [76] . La deuxième caractéristique est le développement
ture, il n’existe pas à l’heure actuelle de conduite thérapeutique des céphalées d’emblée sur un mode chronique sans rémission.
spécifique. Les traitements proposés sont en première intention la Les douleurs présentent des caractéristiques cliniques proches des

10 EMC - Neurologie
Céphalées primaires non migraineuses  17-023-A-62

Tableau 4.

“ Point important Principales étiologies à éliminer devant des céphalées chroniques


de novo [76] .
Céphalées primaires Migraine chronique
Critères diagnostiques de l’hemicrania continua Céphalée de tension chronique
(ICHD-II:4.7) Hemicrania continua
A. Céphalée évoluant depuis plus de trois mois, répondant
Céphalées secondaires Céphalées chroniques avec abus
aux critères B-D. médicamenteux
B. La céphalée présente toutes les caractéristiques sui-
Méningite chronique
vantes :
Sinusite chronique
1. localisation unilatérale non alternante ;
Céphalées post-méningites
2. fréquence quotidienne, continue, sans rémission ;
3. intensité modérée associée à des paroxysmes Pathologie tumorale
d’intensité sévère. Hématome sous-dural chronique
C. Au moins un des signes dysautonomiques suivants sur- Céphalées post-traumatiques
venant lors des accès douloureux plus intenses : Hypotension du LCS
1. injection conjonctivale et/ou larmoiement ; Hypertension intracrânienne
2. congestion nasale et/ou rhinorrhée ; Thrombose veineuse cérébrale
3. intensité légère à modérée. Malformation artérioveineuse
D. Ptôsis et/ou myosis. Malformation de Chiari
E. Réponse thérapeutique à l’indométacine.
Maladie de Horton
F. La céphalée ne peut être attribuée à une autre cause.
Céphalées cervicogéniques
Céphalées d’origine temporomandibulaire

LCS : liquide cérébrospinal.


CT. Deux des caractéristiques suivantes sont en effet requises dans
les critères de définition ICHD-II : localisation bilatérale, cépha-
Diagnostic différentiel
lée à type de pression ou étau (non pulsatile), intensité légère à
modérée, absence d’aggravation par les activités de routine telles Les céphalées chroniques quotidiennes de novo sont consi-
que la marche ou la montée d’escaliers. Les patients ne présentent dérées comme un diagnostic d’exclusion [76] . Il est recommandé
pas de nausées modérées ou sévères, ni de vomissements. Un seul d’éliminer une céphalée secondaire par hypotension du LCS, une
des symptômes suivants peut être présent : nausées légères, photo- céphalée par hypertension intracrânienne, une céphalée post-
phobie ou phonophobie. Certains auteurs jugent toutefois ces traumatique et une céphalée infectieuse en particulier post-virales
critères trop stricts et proposent que soient inclus les patients souf- comme l’Epstein-Barr virus [79, 80] , le virus herpès simplex de type 1
frant de céphalées chroniques comprenant des caractéristiques (HSV1) et le cytomégalovirus [81] . Chez les sujets âgés, une maladie
de Horton devra systématiquement être éliminée. Les principales
migraineuses de début précis [77] . À l’heure actuelle, la physio-
étiologies à évoquer sont résumées dans le Tableau 4.
pathologie des céphalées chroniques quotidiennes de novo n’est
pas connue. De la même façon, le traitement n’est pas codifié. Si
les premiers travaux suggéraient une évolution favorable chez la
majorité (73 % à 86 %) des patients à deux ans [74] , d’autres auteurs  Références
ont montré une évolution plus péjorative avec possible persis-
tance des céphalées à cinq ans [78] . Il est possible que ces différentes [1] Leonardi M, Musicco M, Nappi G. Headache as a major public health
évolutions soient le reflet d’une pathologie encore mal connue et problem: current status. Cephalalgia 1998;18:66–9.
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D. Caractéristiques suivantes : [11] Bezov D, Ashina S, Jensen R, Bendtsen L. Pain perception studies in
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12 EMC - Neurologie
Céphalées primaires non migraineuses  17-023-A-62

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G. Demarquay (genevieve.demarquay@chu-lyon.fr).
Service de neurologie, Hôpital Croix-Rousse, 69004 Lyon, France.
P. Giraud.
Service de neurologie, Consultation douleurs et céphalées, Hôpital d’Annecy, 74374 Pringy, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Demarquay G, Giraud P. Céphalées primaires non migraineuses. EMC - Neurologie 2012;9(3):1-13 [Article
17-023-A-62].

Disponibles sur www.em-consulte.com


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EMC - Neurologie 13
¶ 17-023-A-65

Céphalées de tension
V. Dousset, B. Brochet

Les céphalées de tension constituent une entité hétérogène regroupant des affections de sévérité et de
retentissement très différents. Les facteurs psychopathologiques ont longtemps été considérés comme
étant prédominants dans le développement de ces céphalées, mais les études réalisées sur le sujet n’ont
pas réussi à établir clairement un lien de causalité. Ces dernières années, des travaux fondamentaux ont
précisé les mécanismes neurobiologiques moléculaires. C’est ainsi que le rôle du monoxyde d’azote (NO)
semble important dans les phénomènes de sensibilisation centrale intervenant dans la forme chronique
des céphalées de tension. Ces progrès n’ont pour autant pas encore modifié la prise en charge de ces
céphalées : les données factuelles sont toujours en faveur de l’utilisation des anti-inflammatoires non
stéroïdiens (AINS), de l’aspirine ou du paracétamol pour le traitement de crise, et des antidépresseurs
tricycliques pour le traitement prophylactique.
© 2005 Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Céphalées de tension épisodiques ; Céphalées de tension chroniques ; Migraine ;


Céphalées chroniques quotidiennes ; Traitement de crise ; Traitement prophylactique

Plan jours avec céphalée, l’inefficacité fréquente des thérapeutiques


proposées, l’importance de l’impact sur la qualité de vie,
l’évolution fréquente vers un abus médicamenteux. Les cépha-
¶ Introduction 1
lées de tension ont longtemps été considérées comme une
¶ Définitions-classification 1 affection psychogène, comme en témoignent les appellations
¶ Épidémiologie 2 successivement utilisées pour les désigner : céphalée psycho-
¶ Impact et qualité de vie 3 myogène, céphalée de stress, céphalée essentielle, céphalée
idiopathique... Par la suite, des travaux fondamentaux ont tenté
¶ Clinique 3
d’identifier les mécanismes lésionnels ou fonctionnels à l’origine
Céphalées de tension épisodiques 3
de la céphalée. Les travaux initiaux ont privilégié l’étude de la
Céphalées de tension chroniques 3
participation des facteurs périphériques, musculaires. Durant la
¶ Examens électrophysiologiques 3 dernière décennie, la plupart des études ont tenté de préciser les
Évaluation quantifiée des tensions musculaires 3 bases neurobiologiques de ces céphalées, expliquant à la fois les
Détermination des seuils 3 phénomènes de sensibilisation périphérique et centrale. Ceux-ci
Électromyographie des muscles péricrâniens et du cou 3 ont été particulièrement étudiés et identifiés dans la forme la
¶ Rôle d’autres facteurs 4 plus sévère des céphalées de tension, les céphalées de tension
Facteurs génétiques 4 chroniques (CTC).
Céphalées de tension et psychiatrie 4
¶ Physiopathologie 4
Mécanismes périphériques 4 ■ Définitions-classification (Tableau 1)
Mécanismes centraux 4
¶ Traitement 4 La publication de critères diagnostiques clairs et précis a
Traitements de crise 4 permis le développement d’études plus scientifiques d’une
Traitements prophylactiques 5 affection jusque-là imprécise.
La première classification de l’International Headeache
Society (IHS) faisait la distinction entre CTE et CTC. Cette
distinction était indispensable, car les deux affections sont très
différentes en matière de sévérité, de handicap et d’altération de
■ Introduction qualité de vie. La seconde édition de la classification (2003) [1]
(Tableau 1) établit une subdivision supplémentaire entre CTE
En dépit de la fréquence des céphalées de tension, il s’agit rares et CTE fréquentes, permettant de distinguer une affection
d’une entité hétérogène peu étudiée. Précisons d’emblée que la sans retentissement d’une affection au retentissement plus
forme épisodique (CTE) et la forme chronique (CTC) sont très notable. Chaque entité (céphalée de tension épisodique rare,
différentes, cette dernière étant caractérisée par la fréquence des CTE fréquente et CTC) est ensuite subdivisée en fonction de la

Neurologie 1
17-023-A-65 ¶ Céphalées de tension

Tableau 1.
Critères IHS des céphalées de tension (seconde éd. 2003).
Critères IHS des céphalées de tension épisodiques rares
A. Au moins 10 épisodes survenant moins de 1 jour par mois (moins de 12 jours par mois) et remplissant les critères B-D
B. Céphalée durant 30 minutes à 7 jours
C. Céphalée qui a au moins deux des caractéristiques suivantes :
1. bilatérale
2. pression ou serrement
3. intensité légère ou modérée
4. pas d’aggravation par les activités physiques de routine
D. Les 2 éléments suivants :
1. pas de nausées ni vomissements
2. pas plus d’un des 2 signes suivants : photophobie, phonophobie
E. Pas de pathologie lésionnelle
Critères IHS des céphalées de tension épisodiques rares associées avec tensions musculaires péricrâniennes
A. Épisodes remplissant les critères A-E précédents
B. Augmentation des tensions musculaires péricrâniennes à la palpation manuelle
Critères IHS des céphalées de tension épisodiques rares sans tensions musculaires péricrâniennes
A. Épisodes remplissant les critères A-E précédents
B. Pas d’augmentation de la tension musculaire péricrânienne à la palpation manuelle
Critères IHS des céphalées de tension épisodiques fréquentes
A. Au moins 10 épisodes survenant à la fréquence de 1 à 15 jours par mois depuis au moins 3 mois (12 et 180 jours par mois) et remplissant les critères B-D
B. Céphalée durant 30 minutes à 7 jours
C. Céphalée qui a au moins deux des caractéristiques suivantes :
1. bilatérale
2. pression ou serrement
3. intensité légère ou modérée
4. pas d’aggravation par les activités physiques de routine
D. Les 2 éléments suivants
1. pas de nausées ni vomissements
2. pas plus d’un des 2 signes suivants : photophobie, phonophobie
E. Pas de pathologie lésionnelle
Critères IHS des céphalées de tension épisodiques fréquentes associées à des tensions musculaires
A. Épisodes remplissant les critères A-E précédents
B. Augmentation des tensions musculaires péricrâniennes à la palpation manuelle
Critères IHS des céphalées de tension épisodiques fréquentes non associées à des tensions musculaires
A. Épisodes remplissant les critères A-E précédents
B. Augmentation des tensions musculaires péricrâniennes à la palpation manuelle
Critères IHS des céphalées de tension chroniques
A. Céphalée présente en moyenne plus de 15 jours par mois depuis au moins 3 mois et répondant aux critères B à D.
B. La céphalée dure plusieurs heures ou est continue
C. Céphalée ayant au moins deux des caractéristiques suivantes :
1. la céphalée est à type de pression, de serrement. Elle n’est pas pulsatile
2. intensité légère à modérée
3. topographie bilatérale ;
4. pas d’aggravation par les activités physiques de routine (la marche, la montée des escaliers)
D. Céphalée ayant les deux caractères suivants :
1. pas plus d’un des trois signes suivants : légères nausées, photophobie, phonophobie
2. pas de nausées modérées ou sévères, pas de vomissements
E. Pas de pathologie lésionnelle
Céphalées de tension chroniques associées à des tensions musculaires péricrâniennes
A. Épisodes remplissant les critères A-E précédents
B. Augmentation des tensions musculaires péricrâniennes à la palpation manuelle
Céphalées de tension chroniques sans tensions musculaires péricrâniennes
A. Épisodes remplissant les critères A-E précédents
B. Augmentation des tensions musculaires péricrâniennes à la palpation manuelle

présence ou de l’absence de tensions musculaires péricrânien- l’hétérogénéité de la méthodologie et de la définition utilisées


nes. Les experts précisent que l’identification de ces tensions dans ces études, ainsi qu’à l’absence de différenciation CTE/
musculaires ne nécessite pas d’outil ou d’investigation complé- CTC. Une étude danoise [3] réalisée en population générale a
mentaire particulière, la palpation manuelle étant suffisante montré que, chez les sujets ayant présenté des céphalées de
pour les mettre en évidence. tension durant l’année précédente, la prévalence des CTE rares
(≤ 1 jour par mois) est de 59 %, la prévalence des CTE plus
fréquentes (plusieurs fois par mois) est de 37 %, et la prévalence
■ Épidémiologie des céphalées de tension chroniques (≥ 15 jours par mois) est
de 3 %. Ces résultats concernant les CTE et les CTC ont été
En population générale, la prévalence sur 1 an des céphalées confirmés par d’autres études en population générale. [4-6] Le
de tension varie de 30 à 80 %. [2] Cette disparité est liée à sex-ratio est de 4 hommes pour 5 femmes, différent de celui de

2 Neurologie
Céphalées de tension ¶ 17-023-A-65

la migraine, pour laquelle la prédominance féminine est plus mais la fréquence de celles-ci est plus élevée chez les migrai-
nette. [1] L’âge moyen de début (25 à 30 ans) est aussi plus tardif neux, suggérant que la migraine pourrait être un facteur
que dans la migraine. [1] Précisons enfin la coexistence fré- favorisant l’apparition des céphalées de tension chez des sujets
quente chez un même patient de céphalées de tension et d’une génétiquement prédisposés. [8]
maladie migraineuse, que ce soit dans des échantillons issus de
consultations spécialisées ou représentatifs de la population
générale. [7, 8] Cette coexistence rend plus difficile les études Céphalées de tension chroniques
cliniques, épidémiologiques, fondamentales et nécessite la
Précisons d’emblée que l’on dispose de peu d’études sur les
distinction soigneuse des deux types de céphalées sur les céphalées de tension chroniques pures, à savoir que la plupart
agendas utilisés dans ces études. des études ont été réalisées chez des patients chez lesquels
Chez l’enfant et l’adolescent scolarisés, la prévalence sur 1 an coexistaient une migraine, des céphalées par abus médicamen-
des céphalées de tension est de 9,8 %. [9] teux. Les CTC se caractérisent avant tout par leur caractère quasi
quotidien, réfractaire aux thérapeutiques médicamenteuses. Il
s’agit le plus souvent de CTE ayant évolué vers des CTC. [13] Là
■ Impact et qualité de vie encore, la douleur est à type de pression, le plus souvent
bilatérale et non aggravée par les efforts physiques de routine.
On dispose actuellement de données sur les coûts indirects À la différence des CTE, elles ont un impact social, avec
engendrés par les céphalées de tension : le nombre de jours altération de la qualité de vie et diminution de l’efficience au
d’absentéisme lié aux céphalées de tension est de 820 jours par travail. Les patients souffrant de CTC ont significativement plus
an pour 1000 employés contre 270 jours pour la migraine. [10] de problèmes de sommeil que les patients migraineux. Comme
Concernant les coûts directs (consultations, hospitalisations, pour les CTE, des études réalisées en aveugle ont montré qu’il
consommation de médicaments), les données sont moins claires existe chez ces patients des tensions de la musculature péricrâ-
et peu nombreuses. On sait néanmoins que 16 % seulement des nienne, et que celles-ci sont plus importantes que chez les
patients souffrant de CTE ou de migraine ou que chez les sujets
patients souffrant de céphalées de tension consultent leur
sains. Il est cependant important de préciser que ces tensions
médecin traitant, alors que 56 % des migraineux le font. Les
musculaires sont présentes pendant ou en dehors de la cépha-
médicaments en vente libre sont les traitements les plus utilisés
lée, avec un score total de tension musculaire augmenté de
par les patients souffrant de céphalées de tension. [10]
24 % pendant la céphalée. Cette tension n’est donc pas la seule
L’impact individuel est plus difficile à appréhender que
conséquence de la céphalée. Il est à noter que les céphalées de
l’impact sociétal. Holroyd a montré que 74 % des patients ont tension avec tensions musculaires et les CTC sans tension
un handicap en rapport avec leur céphalée, de 7 jours en musculaire, ont les mêmes caractéristiques cliniques. Elles sont
moyenne sur 6 mois consécutifs. [11] fréquemment associées avec d’autres plaintes somatiques, telles
que des douleurs musculosquelettiques localisées ou diffuses.
Terminons par une étude ayant déterminé le pronostic à
■ Clinique 10 ans des céphalées de tension chez 62 patients suivis dans un
centre spécialisé dans la prise en charge des céphalées : 75 %
Trois éléments principaux laissent penser que migraine et des CTE le restent, 25 % évoluent vers une forme chronique.
céphalées de tension sont deux entités distinctes : comme on l’a Pour les CTC, 31 % restent chroniques, 21 % ont développé un
vu plus haut, le sex-ratio, l’âge de début diffèrent dans les deux abus médicamenteux, 48 % sont retournées vers une forme
affections. La séméiologie de la céphalée est aussi différente car épisodique, avec ou sans traitement prophylactique. [13]
elle ne possède pas d’autre caractéristique que d’être doulou-
reuse, et se distingue de la céphalée migraineuse par l’absence
de signes associés évocateurs. ■ Examens électrophysiologiques
Bien que non spécifique, la palpation manuelle des muscles
péricrâniens et des insertions tendineuses est recommandée, à la
recherche des facteurs musculaires pouvant être une des bases Évaluation quantifiée des tensions
de l’adhésion à la prise en charge (kinésithérapie, musculaires
relaxation...). [1]
Récemment, un appareil permettant de quantifier le degré de
tension musculaire a été élaboré (« hardnessmeter »). Il permet
une quantification de la consistance tissulaire [14] par la mesure
Céphalées de tension épisodiques de sa compliance à la pression (calcul réalisé en mesurant la
Il est vraisemblable que les patients souffrant de CTE ne relation entre la pression appliquée et la profondeur de la
consultent pas en raison de l’intensité modérée de la céphalée, pénétration). Ces techniques nécessitent des études précisant
de l’absence de retentissement, du caractère efficace des leurs fiabilité et reproductibilité, et elles ne sont pas disponibles
antalgiques simples. Russell [12] avait d’ailleurs montré que chez en pratique courante. [15]
de nombreux patients souffrant de migraine et de CTE, seules
les migraines étaient recueillies sur l’agenda. La fréquence
moyenne est de 6 jours par mois. [2-12] La douleur elle-même est Détermination des seuils
non pulsatile, décrite comme une lourdeur, ou comme une Les seuils thermiques et électriques à la douleur sont dimi-
pression par 78 % de patients souffrant de CTE, issus de la nués en céphalique et en extracéphalique chez les patients
population générale. L’intensité est légère à modérée pour 87 à souffrant de CTC mais pas chez les patients issus de la popula-
99 % des patients, comme le montrent des études réalisées à tion générale. [16-18] Cela constitue un argument en faveur d’une
partir du recueil des céphalées enregistrées sur l’agenda. La sensibilisation centrale.
topographie est bilatérale dans 90 % des cas, la douleur n’est
pas aggravée par les efforts (pour 84 % des CTE, contre 4 % des
sujets souffrant de migraine). Les troubles digestifs sont le plus Électromyographie des muscles péricrâniens
souvent absents, bien qu’une absence d’appétit soit décrite par
18 % des patients. La photophobie ou la phonophobie peuvent
et du cou
être présentes séparément. [2] Signalons l’existence d’une étude L’électromyographie de surface n’a pas d’intérêt diagnostique
qui a comparé les céphalées de tension des migraineux aux dans les céphalées de tension. Les résultats des études existantes
céphalées de tension de sujets non migraineux : il n’y a pas de sont hétérogènes et parfois discordants. [19] On peut cependant
différence en matière de séméiologie des céphalées de tension, dire qu’il n’existe pas de relation causale entre la céphalée et

Neurologie 3
17-023-A-65 ¶ Céphalées de tension

l’activité électromyographique de surface, [19] et que les résultats des points gâchettes ont permis d’identifier chez les patients
ne sont pas différents chez les patients souffrant de céphalées de souffrant de céphalées de tension une augmentation moindre
tension avec tensions musculaires, par rapport aux patients du débit sanguin local en réponse à un exercice statique
souffrant de céphalées de tension sans tensions musculaires. [20] prolongé. Enfin, citons les travaux réalisés sur l’infusion associée
Signalons des études centrées sur la relation entre activité de bradykinine, sérotonine, histamine, prostaglandine E2 dans
électrique des muscles péricrâniens et du cou, et stress : les le muscle trapèze, déclenchant chez les patients souffrant de
résultats ne sont pas différents chez les patients par rapport aux CTE plus de douleur et de tensions musculaires que chez les
sujets contrôles, bien que l’activité électromyographique soit sujets contrôles. [28]
augmentée par le stress. [21]

Mécanismes centraux
■ Rôle d’autres facteurs
Ils correspondent à la sensibilisation du deuxième neurone au
niveau de la corne postérieure de la moelle ou au niveau du
Facteurs génétiques noyau trigéminé. Les principaux arguments expérimentaux allant
La prévalence des céphalées de tension chez les apparentés au dans ce sens sont les évaluations des seuils de détection et de
premier degré est multipliée par 2,1 à 3,9. [22] Il est à noter que tolérance à la pression thermiques et face à un stimulus électrique,
cette estimation est basée sur l’examen clinique des apparentés, au niveau non seulement des territoires céphaliques mais aussi
l’interrogatoire du probant rapportant les cas familiaux de CTC extracéphaliques. L’hypothèse d’une sensibilisation centrale est
étant insuffisamment sensible. [22] aussi renforcée par les études cliniques pharmacologiques (effica-
cité des antidépresseurs tricycliques, des inhibiteurs des NO
synthases, caractère pronociceptif des donneurs de NO...). [29]
Céphalées de tension et psychiatrie
Les céphalées de tension ont la réputation d’être associées à
une situation émotionnelle ou à un stress psychosocial, mais la
■ Traitement (Tableau 2)
relation de causalité n’est pas déterminée : le stress est le facteur Malgré les progrès concernant la connaissance de la physio-
déclenchant le plus fréquent des céphalées de tension, comme pathologie de l’affection, il y a peu d’avancée en matière de
c’est le cas dans la migraine... Les études existantes montrent traitement.
des profils de personnalité normaux dans les CTE, alors que la
fréquence des troubles anxieux et dépressifs est augmentée dans
les CTC. [23-25]
Traitements de crise
Des études contrôlées, randomisées sont en faveur de l’effica-
■ Physiopathologie cité de l’aspirine dans le traitement de crise de CTE. Une
première étude ancienne a montré l’efficacité de l’aspirine aux
La physiopathologie des céphalées de tension est moins bien doses de 250, 500, 1000 mg sur les céphalées non migraineuses.
connue que celle de la migraine. Les premiers travaux ont été Par ailleurs, cette étude montrait une relation effet-dose. [30]
centrés sur l’intervention des facteurs musculaires. Les travaux D’autres études comparatives randomisées versus placebo ont
de ces dernières années ont quant à eux développé les aspects montré que l’aspirine et le paracétamol (1000 mg) sont efficaces
neurobiologiques, et ont insisté sur l’importance des phénomè- dans le traitement aigu de la céphalée de tension, ce sans
nes de sensibilisation centrale intervenant dans les CTC. différence nette d’efficacité entre les deux molécules. De la
même façon, des études contrôlées ont montré l’efficacité de
Mécanismes périphériques 400 mg d’ibuprofène, plus efficace que le placebo et que le
paracétamol. D’autres AINS ont fait la preuve de leur efficacité :
Des travaux ont tenté de préciser les facteurs pouvant le kétoprofène, le naproxène, le ciclofénac. Les données actuel-
participer à l’initiation et au maintien des tensions musculaires les montrent donc que l’aspirine, le paracétamol et les AINS
au sein de la musculature péricrânienne et cervicale : il s’agit de sont des traitements de première intention dans les CTE. [31]
stimulations mécaniques, de facteurs ischémiques, et de l’inter-
vention de médiateurs chimiques. Concernant les stimulations
mécaniques : les discrètes anomalies électromyographiques Tableau 2.
retrouvées dans quelques études sont plus en faveur d’un Posologies recommandées pour le traitement aigu des céphalées de
mécanisme adaptatif, protecteur face à la douleur. [19] Ces études tension (d’après Ashina et Ashina) (posologies démontrées par des essais
ont été réalisées avec des électrodes de surface. Le développe- contrôlés versus placebo).
ment plus récent des électrodes aiguilles a permis l’identifica-
tion d’une augmentation de l’activité électrique au niveau des 500 mg d’aspirine - 1000 mg d’aspirine
points gâchettes, témoignant de la sensibilisation des nocicep- 1000 mg de paracétamol
teurs périphériques. [26] Concernant l’intervention de facteurs 200 mg d’ibuprofène - 400 mg d’ibuprofène
25 mg de kétoprofène - 50 mg de kétoprofène
ischémiques, des techniques de microdialyse [27] réalisées au sein

Tableau 3.
Essais randomisés contrôlés ayant montré l’efficacité de l’amitriptyline dans les céphalées de tension.
Auteur N Posologie utilisée dans l’étude Schéma d’étude Résultat
Diamond 1971 90 10 mg ou 25 mg Groupes parallèles versus placebo Amitr 10 mg > placebo
Gobel 1994 78 75 mg Groupes parallèles versus placebo Amitr > placebo
Pfaffenrath 1994 197 50 à 75 mg Groupes parallèles versus placebo Pas de différence
Bendtsen 1996 40 75 mg Groupes parallèles /citalopram et placebo Amitr > placebo
Holroyd 2001 203 Amitr jusqu’à 100 mg/j 1: TCC 3 > 1 et 2 > placebo
Nortriptyline : 2 : tricyclique
jusqu’à 75 mg/j 3 : tricyclique + TCC
4 : placebo
amitr : amitriptyline.

4 Neurologie
Céphalées de tension ¶ 17-023-A-65

Citons une étude montrant l’efficacité - modérée - du sumatrip- [15] Ashina M, Bendtsen L, Jensen R, Sakai F, Olesen J. Measurement of
tan par voie sous-cutanée (2 et 4 mg) par rapport au placebo, dans muscle hardness: a methodological study. Cephalalgia 1998;18:
les CTC. [32] Une étude réalisée avec la forme orale du sumatrip- 106-11.
tan (100 mg) sur les CTE est en revanche négative. [33] [16] Bendtsen L, Jensen R, Olesen J. Decreased pain detection and tolerance
thresholds in chronic tension type headache. Arch Neurol 1996;53:
373-6.
[17] Schoenen J, Bottin D, Hardy F, Gerard P. Cephalic and extracephalic
Traitements prophylactiques pressure pain thresholds in chronic tension type headache? Pain 1991;
47:145-9.
Le critère permettant de poser l’indication d’un traitement de [18] Langemark M, Jensen K, Jensen TS, Olesen J. Pressure pain thresholds
fond est celui de leur fréquence : on peut considérer que and thermal nociceptive thresholds in chronic tension type headache.
l’indication doit être posée dans les CTE fréquentes et dans les Pain 1989;38:203-10.
CTC. Actuellement, trois principaux types de molécules ont fait [19] Schoenen J, Bendtsen L. Neurophysiology of tension-type headache.
l’objet d’études contrôlées randomisées : l’amitriptyline, les In: Olesen J, Tfelt-Hansen P, Welch KM, editors. The headaches.
inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine et la toxine Philadelphia: Lippincott-Williams and Wilkins; 2000.
botulique. [20] Schoenen J, Jamart B, Gérard P, Lenarduzzi P, Delwaide PJ.
Plusieurs essais contrôlés ont montré l’efficacité de l’amitrip- Exteroceptive suppression of temporalis muscle activity in chronic
tyline dans les céphalées de tension. [34-38] Cette molécule est headache. Neurology 1987;37:1834-6.
actuellement le traitement de fond de première intention des [21] Rugh JD, Hatch JP, Moore PJ. The effects of psychological stress on
céphalées de tension (Tableau 3). electromyographic activity and negative affect in ambulatory tension-
Les essais existant avec les inhibiteurs de la recapture de la type headache patients. Headache 1990;30:216-9.
sérotonine sont insuffisants pour pouvoir conclure quant à leur [22] Russell MB, Ostergaard S, Bendtsen L, Olesen J. Familial occurrence
efficacité. [37, 39, 40] D’autres études sont nécessaires pour of chronic tension type headache. Cephalalgia 1999;19:207-10.
prouver leur efficacité. [23] Holroyd KA, France JL, Nash JM, Hursey KG. Pain state as an artefact
Enfin, citons cinq études méthodologiquement satisfaisantes, in the psychological assessment of recurrent headache sufferers. Pain
contrôlées, réalisées avec la toxine botulique A. [41-45] Ces études 1993;53:229-35.
sont négatives. [24] Rasmussen BK. Migraine and tension-type headache in a general
population: psychosocial factors. Int J Epidemiol 1992;21:1138-43.
[25] Mitsikostas DD, ThomasAM. Comorbidity of headache and depressive
disorders. Cephalalgia 1999;19:211-7.
[26] Hubbard DR, Berkoff GM. Myofacial trigger points show spontaneous
■ Références needle EMG activity. Spine 1993;18:1803-7.
[27] Ashina M, Stallknecht B, Bendtsen L, Pedersen JF, Galbo H,
Dalgaard P, et al. In vivo evidence of altered skeletal muscle blood flow
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V. Dousset* (virginie.dousset@chu-bordeaux.fr).
B. Brochet.
Unité de traitement des douleurs chroniques, CHU de Bordeaux, Hôpital Pellegrin, place Amélie-Raba-Léon, 33 076 Bordeaux cedex, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Dousset V., Brochet B. Céphalées de tension. EMC (Elsevier SAS, Paris), Neurologie, 17-023-A-65, 2005.

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6 Neurologie
 17-023-A-68

Syndrome de vasoconstriction cérébrale


réversible
S. de Gaalon, R. Bourcier, A. Ducros

Le syndrome de vasoconstriction cérébrale réversible associe des céphalées brutales inhabituelles, le plus
souvent en coup de tonnerre, et une vasoconstriction segmentaire diffuse des artères intracrâniennes,
régressive en trois mois. Il est attribué à un dysfonctionnement aigu et transitoire de la régulation du
tonus vasculaire intracrânien d’évolution le plus souvent favorable. Cependant, des complications comme
des infarctus cérébraux, des hémorragies intracrâniennes ou un œdème cérébral peuvent survenir soit
d’emblée, soit après une phase de céphalées isolées, rendant nécessaire un diagnostic et une prise en
charge précoces. Le syndrome de vasoconstriction cérébrale réversible peut être idiopathique, ou secon-
daire, le plus souvent dans un contexte de post-partum ou de consommation d’agents toxiques ou de
médicamenteux vasoactifs. Son traitement consiste en l’éviction d’un éventuel facteur déclenchant, asso-
ciée à des mesures symptomatiques et de manière empirique à un traitement par inhibiteur calcique
vasodilatateur.
© 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots-clés : Vasospasme ; Céphalée en coup de tonnerre ; Post-partum ; Agents vasoconstricteurs ; AVC

Plan  Introduction
■ Introduction 1 Le syndrome de vasoconstriction cérébrale réversible (SVCR) est
■ Historique et nomenclature 1 une entité radioclinique associant des céphalées sévères, isolées

ou associées à d’autres signes neurologiques, et une vasoconstric-
Épidémiologie 2
tion segmentaire et diffuse des artères cérébrales, réversible en
■ Clinique 2 un à trois mois. Les mécanismes hypothétiques impliquent une
■ Examens complémentaires 3 dérégulation aiguë et transitoire du tonus artériel cérébral avec
Imagerie cérébrale 3 hyperactivité sympathique, soit idiopathique, soit favorisée par
Angiographie cérébrale et cervicale 4 le post-partum ou la prise de substances vasoactives. Le SVCR se
Doppler transcrânien 5 révèle typiquement par une céphalée en coup de tonnerre qui
Examens biologiques 5 récidive habituellement sur une à deux semaines [1] . Les accidents
Biopsie 5 vasculaires cérébraux (AVC) ischémiques ou hémorragiques sont
■ Diagnostic positif 6 les complications les plus fréquentes et peuvent survenir dans un
deuxième temps. Un diagnostic et une prise en charge précoce
■ Diagnostic différentiel 6 permettent de diminuer les complications.
Hémorragie méningée 6
Autres causes de céphalées en coup de tonnerre 7
Vascularite du système nerveux central 7
■ Causes 7  Historique et nomenclature
Substances vasoactives 7
Période du post-partum 7 Les premiers cas de SVCR ont été publiés dans les années 1960.
Autres 7 En 1971, l’Américain Fisher décrit le phénomène de vasocons-
■ Physiopathologie 7 triction cérébrale segmentaire réversible chez des femmes en

post-partum qui présentaient des déficits neurologiques transi-
Traitement 8
toires [2] . En 1987, les Dr Marie Fleming et Gregory Call publient
■ Pronostic et risque de récidive 8 la première série dans la littérature anglophone [3] .
■ Conclusion pratique 8 Le nom de SVCR a été proposé par Calabrese en 2007 pour
regrouper les cas similaires rapportés depuis les années 1960 sous

EMC - Neurologie 1
Volume 11 > n◦ 3 > juillet 2014
http://dx.doi.org/10.1016/S0246-0378(14)54996-2
17-023-A-68  Syndrome de vasoconstriction cérébrale réversible

Tableau 1. chez les femmes [14, 21, 23] . À notre connaissance, neuf cas pédia-
Termes se rapportant au syndrome de vasoconstriction cérébrale réver- triques de SVCR, dont huit garçons, ont été rapportés dans la
sible dans la littérature. littérature [24–30] .
Syndrome de Call-Fleming [8, 75, 82, 83] Les antécédents les plus fréquemment rapportés sont la
Céphalée en coup de tonnerre avec vasospasme réversible [84] , migraine (17 à 27 %) et l’hypertension artérielle (11 à 25 %) [21, 31] .
céphalée en coup de tonnerre idiopathique [85] , céphalée en coup
de tonnerre primaire [13]
Angiopathie bénigne du système nerveux
central [10, 44, 62, 86] /vascularite cérébrale  Clinique (Tableau 2)
bénigne [86, 87] /pseudovascularite du système nerveux central [88]
Vasospasme migraineux [89, 90] /angéite migraineuse [91, 92] La céphalée est le symptôme le plus fréquent et le plus précoce
Phénomène de Raynaud cérébral [91] du SVCR. Elle reste souvent isolée [10, 14] . Il s’agit typiquement de
Angiopathie du post-partum [5, 93, 94] /vasospasme associé à
céphalée en coup de tonnerre, sévère et maximale en moins d’une
l’éclampsie [79]
minute, bilatérale, à début postérieur devenant diffuse, volon-
Vasospasme post-traumatique [9]
tiers décrite comme « la pire céphalée jamais ressentie », parfois
intolérable avec cris et agitation, souvent accompagnée de nau-
sées, vomissements, phonophobie et photophobie [14] . Sa durée
diverses dénominations reflétant les facteurs favorisants ou les est extrêmement variable, de quelques minutes à plusieurs jours.
hypothèses physiopathologiques [4–7] (Tableau 1). Ces appella- Bien qu’un accès unique soit possible, les céphalées en coup de
tions, dont certaines perdurent [8, 9] , illustrent les difficultés du tonnerre se répètent typiquement en salve (en moyenne 4) sur une
diagnostic différentiel du SVCR. Les formes sévères ont longtemps à quatre semaines, avec ou sans fond douloureux intercurrent.
été considérées comme des angéites du système nerveux central Plus de 80 % des patients rapportent au moins un facteur
en raison d’une similitude des aspects angiographiques [10, 11] et les déclenchant : activité sexuelle (pré- ou perorgasmique), effort phy-
formes céphalalgiques pures comme des céphalées primaires [12, 13] . sique, défécation, toux, ou toute autre manœuvre de Valsalva,
Au cours des dix dernières années, le SVCR a été progressive- miction, émotion, bain, douche ou mouvement brusque de la
ment reconnu comme une affection indépendante des artères tête [21] .
cérébrales, sans inflammation, responsable principalement de La dernière céphalée en coup de tonnerre survient en moyenne
céphalées sévères, qui sont secondaires, symptomatiques de sept à huit jours après la première et toutes les céphalées
l’anomalie vasculaire sous-jacente. notables disparaissent généralement en trois à quatre semaines.
Parfois, la céphalée est unilatérale, progressive ou modérée [10, 14] ,
mais son absence est exceptionnelle. La présence de cervical-
 Épidémiologie gies doit faire suspecter une dissection des artères cervicales
associée [14, 32, 33] .
Bien que son incidence et sa prévalence exactes soient incon- Des déficits focaux, transitoires ou persistants, et des crises
nues, le SVCR ne semble pas rare puisque la première large série comitiales ont été rapportés respectivement dans 1 à 17 % et dans
prospective avait pu inclure 67 patients en trois ans dans un 8 à 43 % des trois larges séries. Les crises sont partielles ou géné-
seul centre [14] . Les dizaines de cas de SVCR rapportés dans le ralisées, parfois inaugurales, et récidivent rarement après la phase
monde entier [15–19] et trois grandes séries américaine, taïwanaise aiguë [3, 34–36] .
et française ont permis de décrire le spectre clinique du SVCR qui Les déficits transitoires sont retrouvés chez 10 % des patients.
s’étend des fréquentes formes bénignes à de rares formes catastro- Ils durent une minute à plusieurs heures et comportent plus
phiques ou létales [10, 13, 14, 20] . souvent des troubles visuels que des symptômes sensitifs, pha-
Ces travaux concordent sur la prépondérance féminine du siques ou moteurs. Leur début est le plus souvent brutal, typique
SVCR avec un sex-ratio de 1,8/1, 4,3/1 et 10,2/1 respectivement d’accidents ischémiques transitoires. Certains miment une aura
dans les cohortes française, américaine et taïwanaise [10, 13, 14] . Cette migraineuse avec des symptômes positifs progressant sur plus de
prépondérance féminine semble plus marquée dans les SVCR idio- cinq minutes. Des déficits persistants plus de 24 heures suggèrent
pathiques que dans les formes secondaires. un AVC [14, 21, 28, 34] .
Le SVCR peut survenir à tout âge. L’âge moyen au diagnostic L’examen général est le plus souvent normal, sauf dans cer-
est de 40 à 50 ans [21–23] , plus bas de dix ans chez les hommes que tains SVCR secondaires dans des contextes particuliers, ou en cas

Tableau 2.
Description clinique du syndrome de vasoconstriction cérébrale (SVCR) réversible dans les trois larges séries.
Série américaine [28] (n = 139) Série française [21] (n = 89) Série taïwanaise [31] (n = 77)
Sex-ratio (homme/femme) 1/4,3 1/2,2 1/8,6
Âge moyen (intervalle) 42,5 (13–69) 43,2 (19–70) 47,7 (10–76)
SVCR secondaire (%) NR 62 8
Substances vasoactives 42 52 3
Post-partum 9 13 1
Céphalées initiales (%) 95 100 100
Céphalées en coup de tonnerre (%) 85 NR 100
Céphalées en coup de tonnerre répétées (%) 82 91 100
Déficits neurologiques 43 25 8
Crises comitiales 17 4 1
Lésions cérébrales
Hémorragie méningée 34 30 0
Hémorragie parenchymateuse 20 12 0
Infarctus cérébral 39 6 8
Œdème cérébral 38 8 9

NR : non rapporté.

2 EMC - Neurologie
Syndrome de vasoconstriction cérébrale réversible  17-023-A-68

de comorbidités. Cependant, un tiers des patients environ a une normale (scanner ou imagerie par résonance magnétique [IRM]),
pression artérielle élevée lors des épisodes douloureux [3, 14, 35] . mais 81 % avaient des lésions sur l’imagerie de contrôle [28] .
Une hémorragie sous-arachnoïdienne était présente chez un
tiers des patients des séries américaine et française [14, 28] . Ces
 Examens complémentaires hémorragies méningées du SVCR sont le plus souvent limitées
à quelques sillons de la convexité hémisphérique, uni- ou bilaté-
rales (Fig. 1). Seulement la moitié des cas est visible au scanner,
Les explorations complémentaires réalisées lors d’une suspicion
l’IRM étant plus sensible grâce aux séquences FLAIR (fluid atte-
de SVCR ont un triple objectif : confirmer le diagnostic en mon-
nuated inversion recovery) et écho de gradient (T2*). Rarement
trant l’aspect de vasoconstriction segmentaire et diffuse, éliminer
l’hémorragie méningée est plus abondante et inonde les citernes
les diagnostics différentiels et déterminer l’étendue des lésions.
de la base. Le délai moyen de diagnostic est de quatre jours après
la première céphalée en coup de tonnerre, et elle peut surve-
Imagerie cérébrale nir quelques jours après une première IRM cérébrale normale [21] .
Dans la moitié des cas, elle s’accompagne d’un autre type d’AVC
Des lésions sont visualisées chez 12 à 81 % des patients, les dès le début, ou après quelques jours. Un hématome sous-dural
variations de pourcentage étant dues aux différents critères aigu est parfois associé.
d’inclusion et modalités de recrutement des trois larges séries Une hémorragie intraparenchymateuse était présente chez 12 %
(Tableau 3) [21, 28, 35] . de la cohorte française et 20 % de la cohorte américaine. Elle était
L’imagerie cérébrale parenchymateuse est donc souvent nor- le plus souvent responsable d’un déficit focal mais pouvait par-
male dans le SVCR, malgré une vasoconstriction diffuse sur fois se manifester par des céphalées isolées ou des crises [21, 28] .
l’angiographie cérébrale concomitante. Les anomalies retrouvées L’hémorragie intracérébrale du SVCR est de volume variable, plus
comprennent trois types d’AVC (hémorragie sous-arachnoïdienne volontiers unique que multiple et plus lobaire que profonde [21] .
de la convexité, hémorragie intracérébrale et infarctus) et des Dans deux tiers des cas, elle est associée à une hémorragie ménin-
œdèmes cérébraux réversibles. L’imagerie cérébrale est constam- gée corticale, un infarctus ou les deux. Elle peut être inaugurale,
ment anormale en cas de déficit focal persistant plus de 24 heures. découverte dès la première céphalée en coup de tonnerre, mais
À l’inverse, des lésions peuvent être découvertes en présence de survient parfois plusieurs jours après une première imagerie nor-
céphalées isolées. Dans la série française, 65 des 89 patients avaient male [37, 38] . Dans la série française, le délai moyen de diagnostic
une forme céphalalgique pure de SVCR ; 16 des 65 (25 %) avaient était d’un jour en présence d’un déficit focal et de quatre jours en
une hémorragie de la convexité et cinq des 65 (8 %) un syndrome l’absence de déficit [21] .
d’encéphalopathie postérieure réversible (PRES) [21] . Différentes Deux facteurs de risque indépendants pour les complications
lésions peuvent être associées ou survenir successivement. Dans hémorragiques ont été identifiés dans la cohorte française, à savoir
la série américaine, 55 % des patients avaient une imagerie initiale le sexe féminin et un antécédent de maladie migraineuse [21] .
Un infarctus cérébral était présent chez 6 % des patients
français, 8 % des patients taïwanais et 39 % des patients améri-
Tableau 3. cains. Les infarctus du SVCR sont typiquement bilatéraux et de
Critères diagnostiques de syndrome de vasoconstriction cérébrale réver- topographie jonctionnelle entre les territoires carotidiens et verté-
sible proposés par Anne Ducros [47] en 2012. brobasilaires, suggérant un facteur hémodynamique en aval d’un
Céphalée aiguë et sévère (souvent en coup de tonnerre) avec ou vasospasme [21, 28, 35, 36] . Ils sont le plus souvent responsables d’un
sans déficit focal ou crise d’épilepsie déficit focal mais peuvent être asymptomatiques. Ils surviennent
Évolution monophasique sans nouveau symptôme plus d’un généralement plus tard que les hémorragies cérébrales, de deux
mois après le début des signes cliniques à 15 jours après la première céphalée en coup de tonnerre dans
Vasoconstriction segmentaire des artères cérébrales mise en la cohorte française, avec un délai moyen de neuf jours [21, 39] . Ils
évidence par angiographie indirecte (imagerie par résonance peuvent cependant être inauguraux.
magnétique ou scanner) ou directe (artériographie transfémorale) Un œdème cérébral réversible est retrouvé dans 8 à 38 % des
Pas d’argument pour une hémorragie sous-arachnoïdienne SVCR. Il est de survenue précoce, souvent dans les premiers
anévrismale jours du SVCR, sous la forme d’hypersignaux bilatéraux et symé-
Normalité ou quasi-normalité du liquide cérébrospinal triques en séquence IRM FLAIR, comparables à ceux décrits dans
(protéinorachie < 1 g/l et < 15 leucocytes/␮l) le syndrome d’encéphalopathie postérieure réversible. Il peut être
Normalisation complète ou franche des artères prouvée par découvert dans des formes céphalalgiques pures ou se manifester
angiographie directe ou indirecte dans les 12 semaines suivant le
par des troubles visuels, des troubles de vigilance ou des crises
début des signes cliniques
comitiales. Cet œdème est le plus souvent associé à un AVC,

Figure 1. Patiente de 46 ans, tableau évocateur


de syndrome de vasoconstriction cérébrale réver-
sible.
A, B. Tomodensitométrie sans injection en vue
coronale – hémorragie sous-arachnoïdienne de
« fond de sillon » (flèches).

A B

EMC - Neurologie 3
17-023-A-68  Syndrome de vasoconstriction cérébrale réversible

A B

C D
Figure 2. Patient de 48 ans ayant présenté une céphalée brutale régressive sous ibuprofène.
A. Angiographie par résonance magnétique séquence « time of flight » (TOF), avec maximum intensity projection (MIP) en vue sagittale centrée sur les artères
cérébrales antérieures à j0 – spasme diffus.
B. Angioscanner artériel, avec maximum intensity projection (MIP) en vue sagittale centrée sur les branches callosomarginales préfrontales droites à j0 – spasmes
(flèches).
C, D. Angiographie par résonance magnétique séquence « time of flight » (TOF), avec maximum intensity projection (MIP) en vue sagittale centrée sur les artères
cérébrales antérieures et angioscanner artériel, avec MIP en vue sagittale centrée sur les branches callosomarginales préfrontales droites à trois mois – restitution
d’un calibre artériel normale.

hémorragique ou ischémique [21, 28, 35] . Il est réversible en moins suivies par les cérébrales antérieures, les cérébrales postérieures,
d’un mois, bien plus rapidement que la vasoconstriction artérielle. et enfin l’artère basilaire [34] . Les siphons carotidiens et l’artère
carotide externe peuvent aussi être impliqués [40] . Les irrégulari-
Angiographie cérébrale et cervicale tés de calibre sont dynamiques, pouvant disparaître ou apparaître
à différents endroits à quelques jours d’intervalle [41] .
L’angiographie cérébrale est indispensable au diagnostic, en Il est bien démontré que l’angiographie, quelle qu’en soit la
démontrant la vasoconstriction cérébrale segmentaire puis sa modalité, peut être strictement normale dans la première semaine
réversibilité dans les 12 semaines après le début. Les méthodes suivant l’apparition des symptômes cliniques, y compris chez des
d’angiographie non invasive (angioscanner et angiographie par patients ayant une hémorragie intracrânienne. En angio-RM, la
résonance magnétique [ARM]) sont maintenant largement utili- vasoconstriction culmine au 16e jour après le début des cépha-
sées en première intention (Fig. 2 à 4), mais gardent une sensibilité lées [10, 35] . En cas de clinique évocatrice et de normalité de la
incomplète par rapport l’artériographie conventionnelle qui reste première exploration, il faut donc savoir répéter l’angiographie.
le gold standard (Fig. 3). L’angiographie retrouve typiquement une Les explorations vasculaires peuvent également mettre en évi-
alternance de rétrécissements et de dilatations artérielles segmen- dence un anévrisme intracrânien non rompu, de découverte
taires, décrits comme un aspect de « chapelet de saucisses » (strings fortuite [14, 19, 21, 31, 35, 40, 41] .
and beads). Ces anomalies sont le plus souvent diffuses (Fig. 2 à 4) Enfin, une angiographie cervicale ou une IRM cervicale avec
et concernent le plus souvent les artères cérébrales moyennes, séquence en T1 avec saturation de graisse peuvent révéler

4 EMC - Neurologie
Syndrome de vasoconstriction cérébrale réversible  17-023-A-68

A B C
Figure 3. Patiente de 32 ans présentant des épisodes de céphalée brutale
depuis trois jours.
A. Angiographie par résonance magnétique séquence « time of flight » (TOF),
avec maximum intensity projection (MIP) en vue coronale centrée sur le tronc
basilaire à j0 – imagerie précoce et résolution spatiale non optimale rendant dif-
ficile le diagnostic de syndrome de vasoconstriction cérébrale réversible.
B, C. Artériographie cérébrale injectée par l’artère vertébrale droite, reconstruc-
tion en volume rendering (VR) après acquisition rotationnelle et acquisition native,
vue coronale à j8 – spasmes sur le segment P1 de l’artère cérébrale postérieure
gauche et sur les artères cérébelleuses supérieures (C) (flèches).
D, E. Angioscanners artériels, avec maximum intensity projection (MIP) et
volume rendering (VR), en vue coronale centrée sur le tronc basilaire à
trois mois – restitution ad integrum du calibre artériel.

D E

l’association d’un SVCR avec une dissection des artères cervi- Examens biologiques
cales associée au SCVR. Dans la cohorte prospective française
recrutée de 2004 à 2011, 20 des 173 cas de SVCR (12 %) avaient Les examens biologiques ne sont pas contributifs dans le diag-
une dissection artérielle cervicale. Ces 20 patients représentaient nostic positif de SVCR. La ponction lombaire est de réalisation
7 % des 285 cas de dissections prospectivement collectés sur la quasiment systématique, afin d’éliminer une hémorragie ménin-
même période. Par rapport aux formes habituelles, les dissec- gée si le scanner cérébral est normal. Dans le SVCR, elle est le
tions associées à un SVCR ont des caractéristiques particulières : plus souvent normale mais peut retrouver quelques leucocytes
une nette prédominance féminine, une prédilection pour les ou hématies, ou une discrète hyperprotéinorachie inférieure à
artères vertébrales (83 %), une fréquence élevée des dissections 1 g/l [10, 14, 28] . Le bilan sanguin de routine est le plus souvent nor-
multiples (35 %), une présentation clinique paucisymptomatique mal, sauf en cas de pathologie associée.
(50 % des patients n’avaient que des céphalées et/ou des cer- Il est proposé de réaliser un dosage des catécholamines et méta-
vicalgies) et leur faible taux de complications ischémiques [33] . néphrines urinaires à la recherche d’un phéochromocytome, et
Les bases physiopathologiques de cette association restent à d’effectuer une recherche toxicologique dans le sang et les urines,
élucider. dans le cadre du bilan étiologique.

Biopsie
Doppler transcrânien
Il n’y a pas d’indication dans le SVCR à la réalisation d’un exa-
Il montre une augmentation des vélocités intracrâniennes pou- men anatomopathologique. Il ne doit être réalisé que dans des cas
vant apparaître plusieurs jours après le début des céphalées, avec très particuliers de formes graves avec un doute sur un diagnostic
une valeur maximale obtenue en moyenne après 22 jours [34] . de vascularite.
L’innocuité et le faible coût de cet examen en font un examen Il existe néanmoins dans la littérature quelques cas de biopsie
de choix pour le suivi rapproché initial. cérébrale pour des SVCR. L’histologie ne retrouve pas d’anomalie

EMC - Neurologie 5
17-023-A-68  Syndrome de vasoconstriction cérébrale réversible

A B

C D
Figure 4. Patiente de 46 ans présentant une céphalée d’apparition brutale à 21 heures. Angioscanner artériel, avec maximum intensity projection (MIP) en
vue sagittale centrée sur les branches cérébrales moyennes (M2-M3) frontales droites à j0 – alternance de dilatations et sténoses sur l’artère angulaire droite
(flèches) (A). Angioscanner artériel, avec maximum intensity projection (MIP) en vue axiale centrée sur le polygone artériel de la base du crâne à j0 – spasmes
sur les segments A1 droit, M2 droit et gauche (flèches) (C). Angioscanners artériels, avec maximum intensity projection (MIP) en vue sagittale centrée sur les
branches cérébrales moyennes (M2-M3) frontales droites et en vue axiale centrée sur le polygone artériel de la base du crâne à trois mois – restitution ad
integrum du calibre artériel (B, D).

notable, en particulier pas d’argument pour une inflamma- l’imagerie cérébrale compatible (hémorragie méningée corticale,
tion de la paroi vasculaire, mais peut mettre en évidence des œdème cérébral ou IRM strictement normale) mais l’angiographie
signes inflammatoires périvasculaires liés à des infarctus cérébraux négative [48] .
notamment [37, 38, 42–44] .

 Diagnostic positif  Diagnostic différentiel


Hémorragie méningée
Un SVCR doit être suspecté devant toute céphalée en coup de
tonnerre récidivante ainsi que devant toute hémorragie méningée Si le tableau clinique est celui d’une ou de plusieurs céphalées
corticale et devant tout AVC sans autre cause retrouvée, surtout en coup de tonnerre, les examens doivent rechercher les nom-
s’il existe des céphalées sévères associées. Le diagnostic repose breuses causes de céphalées en coup de tonnerre (Tableau 4) [1, 49] .
sur la mise en évidence de l’aspect caractéristique de « chapelet La priorité est de rechercher une hémorragie méningée et donc de
de saucisses » à l’angiographie cérébrale, et est confirmée à réaliser en premier lieu un scanner cérébral sans injection, puis
trois mois par la normalisation complète ou franche du calibre une ponction lombaire si ce dernier est négatif. Il y a en géné-
artériel. ral peu d’hésitation entre une hémorragie méningée anévrismale
Les critères diagnostiques ont tout d’abord été proposés et le SVCR. En effet, les hémorragies méningées compliquant un
par l’International Headache Society en 2004, sous le nom SVCR sont peu abondantes, longeant quelques sillons corticaux,
d’angiopathie bénigne du système nerveux central [45] . Cepen- contrastant avec une vasoconstriction diffuse et multifocale mais
dant, plusieurs aspects de ces critères ont ensuite été critiqués, qui touche de courts segments artériels. À l’inverse, le vasospasme
conduisant aux critères de SVCR de Calabrese en 2007, puis à ceux compliquant une hémorragie méningée anévrismale touche de
d’Anne Ducros en 2012 [46, 47] (Tableau 3). Enfin, l’International longs segments artériels, mais est localisé autour du site hémorra-
Headache Society a fait entrer le SVCR sous ce terme dans sa classi- gique [35, 50–52] . Cependant, cette dichotomie n’est pas absolue et il
fication de 2013, qui permet aussi pour la première fois de retenir est parfois difficile de trancher, imposant de réaliser une artério-
le diagnostic de SVCR probable lorsque la clinique est typique, graphie et un contrôle systématique à trois mois.

6 EMC - Neurologie
Syndrome de vasoconstriction cérébrale réversible  17-023-A-68

Tableau 4. Tableau 5.
Autres causes secondaires de céphalée en coup de tonnerre. Agents vasoactifs incriminés dans des syndrome de vasoconstriction céré-
brale réversible.
Hémorragie sous-arachnoïdienne/céphalée sentinelle d’une
rupture d’anévrisme Substances Drogues : cannabis, cocaïne, ecstasy,
Hématome intraparenchymateux vasoactives amphétamines, diéthylamide de l’acide
Infarctus cérébral lysergique (LSD), alcoolisation massive aiguë
Thrombophlébite cérébrale Dérivés ergotés : tartrate d’ergotamine,
Dissection d’une artère cervicale méthergine, méthylergométrine, lisuride,
Encéphalopathie hypertensive bromocriptine, isométheptine
Apoplexie hypophysaire Médicaments sympathomimétiques : adrénaline,
Hypotension intracrânienne spontanée éphédrine, pseudoéphédrine, pilules
Kyste colloïde du troisième ventricule amaigrissantes, phénylpropolamine
Artérite temporale Médicaments sérotoninergiques : inhibiteurs de
Vascularite primitive du système nerveux central la recapture de la sérotonine (IRS), triptans
Méningite bactérienne ou virale

fréquemment utilisés sont les antidépresseurs de la classe des


inhibiteurs sélectifs ou non de la recapture de la sérotonine, et
Autres causes de céphalées tous les alphasympathomométiques, contenus notamment dans
en coup de tonnerre les décongestionnants nasaux largement utilisés en automédica-
tion [20, 41, 56–59] . Cela concerne également des drogues récréatives,
De nombreuses autres affections vasculaires et non vasculaires le cannabis étant le plus grand pourvoyeur de SVCR dans la
peuvent se manifester par une céphalée en coup de tonnerre iso- série française [14, 28, 60, 61] . Le SVCR peut survenir indifféremment
lée (Tableau 4). Il est donc indispensable de faire une imagerie après une première prise ou pendant une consommation au long
parenchymateuse et vasculaire, artérielle et veineuse devant toute cours [56, 57, 59] . Une consommation aiguë massive d’alcool peut être
céphalée en coup de tonnerre inexpliquée. également un facteur précipitant [14] .

Vascularite du système nerveux central


Le diagnostic différentiel qui pose le plus de problème en pra- Période du post-partum
tique est celui de la vascularite primitive du système nerveux
La plupart des SVCR du post-partum surviennent dans la
central, bien que la présentation clinique soit en général assez dif-
première semaine après l’accouchement, que ce soit après une
férente. Le mode d’entrée dans le SVCR est bruyant et le tableau
grossesse normale ou dans un contexte de prééclampsie [37, 62] . Ils
s’améliore ensuite assez rapidement dans la majorité des cas, alors
peuvent néanmoins survenir à la fin de la grossesse. Ils sont par-
que la vascularite a classiquement une évolution progressive, plus
fois favorisés par des agents vasoactifs donnés pour l’anesthésie
insidieuse, et souvent défavorable. Néanmoins, l’aspect angio-
péridurale, l’hémorragie de la délivrance, l’inhibition de la lac-
graphique initial peut être similaire dans les deux pathologies.
tation ou la dépression du post-partum [63–65] . Indépendamment
Cependant, à l’inverse du SVCR, il semble y avoir plutôt une
de la grossesse, certains traitements hormonaux modifiant les
implication des vaisseaux de petit calibre dans la vascularite pri-
taux d’œstrogène et de progestérone ont été incriminés dans des
mitive du système nerveux central (92 %), bien que l’atteinte des
SVCR [66] .
grosses artères ne soit pas rare (72 %) [53] . De plus, le liquide céré-
brospinal est le plus souvent normal dans le SVCR, alors qu’il
est pathologique dans 80 à 90 % des vascularites primitives du
système nerveux central [54] . En cas de doute, de nouvelles tech- Autres
niques d’imagerie cérébrale peuvent aider. Une équipe allemande
a proposé de réaliser une injection intra-artérielle d’inhibiteurs On retrouve quelques cas révélant des tumeurs sécrétrices
calciques lors d’une artériographie conventionnelle ; dans les cas de catécholamines (phéochromocytome, paragangliome, tumeur
de SVCR, ce vasodilatateur a normalisé le calibre artériel, alors glomique) [67, 68] .
que les anomalies persistaient en cas de vascularite. Cependant, il Beaucoup d’autres facteurs, en particulier médicamenteux, sont
s’agissait d’une étude n’incluant que neuf patients et de métho- régulièrement incriminés dans des case-report de SVCR, avec des
dologie rétrospective [55] . Par ailleurs, l’IRM avec injection de critères temporels plus ou moins précis, et le lien de causa-
gadolinium peut montrer une prise de contraste de la paroi vas- lité est souvent douteux [62, 69] . Cependant, d’autres contextes
culaire dans les vascularites, absente dans le SVCR. morbides ont été rapportés à plusieurs reprises, tels que la dys-
autonomie [70] , des interventions neurochirurgicales [71, 72] , et bien
d’autres encore.
 Causes
On distingue les SVCR primaires (37 % dans la série française
de 2007, 75 % dans la série américaine et plus de 90 % dans  Physiopathologie
la série taïwanaise) et secondaires. Les différences importantes
entre les séries découlent probablement de variations génétiques Si la physiopathologie du SVCR est encore largement mécon-
et environnementales mais aussi de différences de modalités de nue, les deux pistes envisagées sont celles d’une dysfonction
recrutement. endothéliale et surtout d’une hypertonie sympathique. Une
La liste de causes décrites à ce jour est longue, et le lien stimulation des récepteurs sympathiques situés à la partie proxi-
d’imputabilité n’a le plus souvent pas été démontré. Les deux male des artères intracrâniennes, par des toxiques exogènes, des
causes de loin les plus fréquentes et les plus documentées sont catécholamines endogènes ou une dysrégulation du système ner-
les substances vasoactives d’une part, et le post-partum d’autre veux autonome, pourrait ainsi provoquer une vasoconstriction à
part. l’origine des céphalées [49] .
La susceptibilité au SVCR serait en partie endogène, comme le
Substances vasoactives (Tableau 5) suggère la prépondérance féminine, et pourrait être en partie géné-
tique [23] . Mais il existe indiscutablement des facteurs favorisants
Les agents vasoactifs incriminés sont principalement des exogènes, d’où le déclenchement par certaines prises médicamen-
médicaments sérotoninergiques et adrénergiques, dont les plus teuses ou toxiques notamment.

EMC - Neurologie 7
17-023-A-68  Syndrome de vasoconstriction cérébrale réversible

 Traitement la cohorte française, sur 134 patients suivis prospectivement


pendant une durée moyenne de 4,4 ans, deux récidives sont sur-
Aucune thérapeutique du SVCR n’a été scientifiquement vali- venues, l’une à un an et l’autre à 21 mois du premier épisode [81] .
dée à ce jour. La prise en charge des patients repose en premier lieu
sur l’arrêt des substances vasoactives et la mise au repos avec arrêt
de toutes les activités pouvant favoriser la survenue des céphalées  Conclusion pratique
pour quelques jours ou semaines selon les cas. Des traitements
symptomatiques doivent être proposés en fonction du tableau Un SVCR doit être évoqué devant toute céphalée en coup
clinique : antalgiques pour les céphalées (parfois de palier 2 ou de tonnerre répétée, mais aussi en cas d’hémorragie sous-
3), antiépileptiques pour les éventuelles crises, mesures de réani- arachnoïdienne corticale ou d’infarctus du sujet jeune, en
mation pour les cas les plus sévères et monitoring de la pression particulier en cas de contexte de post-partum ou de prise de
artérielle, avec traitement des poussées hypertensives majeures. toxiques ou traitement vasoconstricteur. Une imagerie paren-
Des tranquillisants (benzodiazépines) sont souvent utiles. chymateuse et vasculaire normale dans les premiers jours de la
La plupart des auteurs utilisent les inhibiteurs calciques dans symptomatologie n’élimine pas le diagnostic. Il faut savoir répé-
le but de diminuer les vasospasmes. Par analogie à la prévention ter les investigations en cas de forte suspicion clinique. Une fois
du vasospasme lors d’une hémorragie méningée anévrismale, la l’aspect de vasocontriction segmentaire et diffuse mis en évi-
nimodipine est utilisée, par voie orale ou intraveineuse. Elle peut dence, des mesures symptomatiques s’imposent avec éviction des
être administrée dès la suspicion du diagnostic dans les formes substances vasoactives, et un traitement par nimodipine est clas-
typiques et dès la mise en évidence de l’aspect angiographique siquement prescrit. La confirmation définitive du diagnostic est
caractéristique dans les autres cas [13, 46, 73, 74] . Le traitement initial faite lors de la constatation de la réversibilité des vasospasmes à
peut se faire par voie intraveineuse pendant les premiers jours trois mois, permettant d’écarter formellement le diagnostic dif-
(1–2 mg/kg par heure avec monitoring de la pression artérielle). férentiel de vascularite primitive du système nerveux central.
Dans la majorité des cas, le traitement est directement débuté per Le SVCR pouvant récidiver, cette preuve de la réversibilité des
os. Selon les auteurs, les doses varient de 60 mg toutes les quatre anomalies artérielles reste également nécessaire dans les formes
heures à 60 mg toutes les huit heures. La durée totale du traite- céphalalgiques pures de SVCR, même si le diagnostic est assuré
ment varie de quatre à 12 semaines. L’efficacité sur les différents avant la « preuve de réversibilité » sur la base de la disparition
symptômes et sur les complications reste à évaluer. Si les cépha- rapide des céphalées sévères, de l’angiographie initiale et de
lées en coup de tonnerre semblent le plus souvent cesser en 48 à l’absence d’autre cause.
72 heures, des accidents ischémiques transitoires ou des infarctus
sont survenus chez des patients traités depuis plusieurs jours [14, 73]
et certains patients ont eu l’impression d’une aggravation de leurs
céphalées sous nimodipine, nécessitant son interruption.
Cependant, même si de nombreux cas rapportés dans la litté-
“ Points essentiels
rature ont été améliorés nettement après ce traitement, il n’existe
• Un syndrome de vasoconstriction cérébrale réversible
aucun essai randomisé contre placebo permettant de différencier
l’effet du médicament de l’évolution naturelle de la patholo- doit être évoqué devant toute céphalée en coup de ton-
gie [73, 75] . nerre récidivante, surtout si elle survient dans un contexte
Les corticoïdes ne sont pas recommandés et sont même associés évocateur.
à un pronostic plus sévère dans la série nord-américaine [28] . • En cas de clinique évocatrice de SVCR mais avec une
Par ailleurs, certains auteurs proposent une application intra- imagerie cérébrale parenchymateuse et vasculaire nor-
artérielle locale de nimodipine ou de nicardipine, dans les cas male, une ponction lombaire doit impérativement être
très sévères de SVCR [18, 76–78] . Enfin, il existe à notre connaissance réalisée pour éliminer une hémorragie méningée.
sept cas publiés de traitement par angioplastie intracrânienne, • Une imagerie vasculaire normale n’élimine pas le diag-
cinq d’évolution favorable et deux n’ayant pas empêché le
nostic de SVCR et doit être répétée dix à 15 jours après
décès [36, 52, 77, 79, 80] . Ces traitements invasifs doivent être réservés
aux patients présentant une aggravation clinique avec apparition le début de la symptomatologie en cas de clinique évoca-
ou majoration de déficit neurologiques focaux car ils comportent trice.
un risque d’hémorragie de reperfusion. Ils ne doivent pas être ins- • Il faut savoir répéter l’imagerie parenchymateuse en cas
taurés sur la base d’une majoration isolée des vasospasmes sans de modification de la symptomatologie, les complications
traduction clinique, car les vasospasmes visibles sur le polygone ischémiques et hémorragiques pouvant apparaître dans
de Willis ou ses premières branches de division atteignent leur un deuxième temps après une première imagerie normale.
maximum une quinzaine de jours après le début clinique en ARM • Le premier traitement du SVCR consiste à mettre le
ou en angioscanner. patient au repos et à arrêter un éventuel facteur déclen-
Pour la prise en charge au long cours, le patient doit être informé
chant, qui doit avoir été soigneusement recherché.
d’éviter la consommation de toute drogue ou médicament vaso-
constricteur. Il est également averti de consulter en urgence en cas
de récidive de céphalée inhabituelle.

 Pronostic et risque de récidive Déclaration d’intérêts : les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts en
relation avec cet article.
L’évolution à court terme est le plus souvent favorable, avec
peu de séquelles, ces dernières dépendant de la survenue d’AVC.
Quelques cas de SVCR d’issue fatale ont été décrits par AVC mul-  Références
tiples et/ou œdème cérébral incontrôlable [20, 37] . Dans les trois
larges séries totalisant 305 patients, le taux de décès global est [1] Ferrante E, Tassorelli C, Rossi P, Lisotto C, Nappi G. Focus on the
inférieur à 1 % [21, 28, 35] . management of thunderclap headache: from nosography to treatment.
Le SVCR, en raison de sa description relativement récente, J Headache Pain 2011;12:251–8.
n’a pas encore fait l’objet d’études longitudinales prolongées, et [2] Fisher CM. Cerebral ischemia – less familiar types. Clin Neurosurg
l’évolution clinique des patients après la régression du premier 1971;18:267–336.
épisode est de ce fait très mal connue. [3] Call GK, Fleming MC, Sealfon S, Levine H, Kistler JP,
Le risque de récidive de SVCR est estimé à 8 % dans la cohorte Fisher CM. Reversible cerebral segmental vasoconstriction. Stroke
taïwanaise de 2010, avec un suivi médian de 23 mois [35] . Dans 1988;19:1159–70.

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S. de Gaalon, MD (solene.degaalon@chu-nantes.fr).
Service de neurologie, CHU de Nantes, 1, place Alexis-Ricordeau, 44093 Nantes cedex 1, France.
R. Bourcier, MD.
Service de neuroradiologie diagnostique et interventionnelle, CHU de Nantes, 1, place Alexis-Ricordeau, 44093 Nantes cedex 1, France.
A. Ducros, MD-PhD.
Service de neurologie, CHU de Montpellier, Hôpital Gui-de-Chauliac, 80, avenue Augustin-Fliche, 34295 Montpellier cedex 5, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : de Gaalon S, Bourcier R, Ducros A. Syndrome de vasoconstriction cérébrale réversible. EMC - Neurologie
2014;11(3):1-10 [Article 17-023-A-68].

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10 EMC - Neurologie
¶ 17-023-A-70

Algie vasculaire de la face


A. Donnet

L’algie vasculaire de la face (AVF) est la plus fréquente des céphalées trigémino-autonomiques. Il s’agit
d’un groupe de céphalées primaires caractérisées par l’association d’une douleur unilatérale siégeant
dans le territoire du nerf trijumeau et de signes autonomiques ipsilatéraux, en rapport avec une activation
du reflexe trigémino-autonomique. Le diagnostic d’AVF est exclusivement clinique, basé sur
l’interrogatoire du patient, l’examen clinique étant quasiment toujours normal. La séméiologie clinique
est stéréotypée : les crises se caractérisent par une douleur orbitotemporale d’intensité atroce, strictement
unilatérale de durée variant de 15 à 180 minutes, associée à des signes autonomiques homolatéraux à la
douleur ; le profil évolutif est basé sur une double périodicité circadienne et circannuelle. Le traitement de
l’AVF comporte deux versants : le traitement de crise qui vise à soulager la douleur le plus rapidement
possible et qui repose sur le sumatriptan injectable et l’oxygénothérapie, et le traitement de fond dont le
but est de diminuer la fréquence des crises.
© 2011 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Algie vasculaire de la face ; Hypothalamus ; Sumatriptan ; Oxygénothérapie ; Neuromodulation

Plan la céphalée trigémino-autonomique la plus fréquemment


rencontrée, et constitue une des expressions les plus sévères de
douleur faciale. Sa traduction, le plus souvent périodique,
¶ Introduction 1
explique la terminologie anglo-saxonne de cluster headache.
¶ Classification 1 Souvent mal connues du corps médical, ces céphalées sont
¶ Épidémiologie 2 trop rarement diagnostiquées faisant que les patients qui en
¶ Génétique 2 souffrent ont fréquemment un retard de prise en charge. Ce
déficit de prise en charge a des conséquences délétères compte
¶ Physiopathologie 2
tenu de l’intensité (parfois quasi suicidaire) des accès doulou-
¶ Impact fonctionnel 3 reux et du retentissement, tant fonctionnel qu’émotionnel, qui
Impact sur la qualité de vie des sujets 3 entraîne (notamment dans les formes chroniques) une profonde
Impact socio-économique 3 altération de la qualité de vie.
¶ Clinique 3
Crises 3
Symptômes cliniques plus rares
Cycles
4
4
■ Classification
Facteurs déclenchants 4 L’AVF est une entité clairement individualisée au sein du
Habitudes sociales 4 groupe 3 des céphalées primaires dans la seconde édition de la
¶ Bilan paraclinique 4 Classification Internationale des Céphalées publiée par l’Inter-
¶ Diagnostic clinique 4 national Headache Society (IHS) [1]. Ce groupe comprend trois
grandes entités avec :
¶ Diagnostic différentiel 4
• l’algie vasculaire de la face dans sa forme épisodique (code
¶ Traitements 5 IHS 3.1.1) et sa forme chronique (code IHS 3.1.2). La forme
Traitements de la crise 5 épisodique la plus fréquente est caractérisée par des périodes
Traitements de fond médicamenteux 5 douloureuses évoluant de 7 jours à 365 jours avec des
Traitements de fond non médicamenteux 6 périodes de rémission supérieures à 1 mois ;
¶ Conclusion 7 • l’hémicrânie paroxystique dans sa forme épisodique (code IHS
3.2.1), et sa forme chronique (code IHS 3.2.2) ;
• le syndrome SUNCT (code IHS 3.3) qui est l’acronyme de
l’appellation anglo-saxonne Short-lasting Unilateral Neuralgi-
■ Introduction form headache attacks with Conjunctival injection and Tearing.
Il existe enfin une quatrième variété de céphalée que l’on
L’algie vasculaire de la face (AVF) appartient au groupe des peut qualifier de trigémino-autonomique : en effet, l’hemicrania
céphalées trigémino-autonomiques. Ces céphalées sont caracté- continua se traduit par une douleur continue associée à des
risées par une présentation commune associant douleur faciale, paroxysmes douloureux au cours desquels surviennent des
évoluant en crises, le plus souvent de durée brève et associées à signes autonomiques. La classification IHS l’a cependant intégré
des troubles autonomiques ispilatéraux à la douleur. L’AVF est dans le chapitre 4 dédié aux « autres céphalées primaires ».

Neurologie 1
17-023-A-70 ¶ Algie vasculaire de la face

■ Épidémiologie ■ Physiopathologie
L’AVF est une maladie dont la prévalence précise est mal La physiopathologie de ces céphalées trigémino-auto-
connue et qui reste considérée comme une maladie orpheline nomiques est encore partiellement inconnue, même si des
(http://www.orpha.net/). progrès notables au cours de la dernière décennie permettent de
commencer à reconstituer le puzzle.
Son incidence, ajustée sur le sexe et sur l’âge, est voisine de
L’individualisation de ce groupe de céphalées primaires
9,8/100 000 et survient habituellement de façon épisodique. La
résulte d’une présentation clinique commune se caractérisant
forme chronique, qu’elle soit d’emblée chronique ou faisant suite par la survenue d’accès paroxystiques douloureux d’une hémi-
à une forme épisodique, demeure exceptionnelle (10 % à 20 %, face associés à une dysautonomie focale homolatérale et par une
soit une incidence de 1/100 000). Cette maladie touche avec expression clinique souvent périodique, la périodicité étant
prédilection les sujets jeunes et de sexe masculin. circadienne, mais également circannuelle dans les formes
Les études portant sur la prévalence de l’AVF rapportent des épisodiques. Au-delà de cette communauté clinique, l’indivi-
taux variant de 0,05 % à 0,10 % [2-7]. Une synthèse analysant les dualisation de ce groupe est également justifiée par une com-
faiblesses méthodologiques de ces études évoque une prévalence munauté physiopathologique s’articulant autour d’une acti-
de 1/500 [8], suggérant que cette affection n’est peut-être pas aussi vation trigémino-vasculaire couplée à une activation réflexe du
rare qu’on le décrit habituellement. système parasympathique céphalique. En effet, trois structures
Il s’agit d’une maladie touchant essentiellement les hommes sont impliquées : en périphérie, le système trigéminovasculaire,
avec un sex-ratio homme/femme variant de 5,1/1 à 7,2/1 [9-12]. ainsi que les afférences céphaliques du système nerveux auto-
Cependant, des études plus récentes [13] font état d’un ratio nome, et au niveau central, l’hypothalamus. Le système trigé-
minovasculaire et les afférences céphaliques du système nerveux
homme/femme de 2,5/1.
autonome constituent un système effecteur, dont la mise en jeu
L’âge de début de la maladie est le plus souvent entre 20 et se traduirait par une activation trigéminoparasympathique
40 ans [13]. reposant sur des réflexes intégrés au niveau du tronc cérébral [20]
(Fig. 1).
Le caractère cyclique des périodes de crise et la survenue de
■ Génétique crises à horaires plus ou moins fixes, de même que l’existence
quasi systématique d’une crise nocturne suggèrent l’implication
Le développement d’une AVF semble en rapport avec l’inte- d’un rythme circadien, via la mélatonine, sous le contrôle de
raction d’un terrain génétique et d’un environnement favorable,
en particulier lié au tabac [14].
Les données récentes de la littérature remettent en question Système intrinsèque
la nature purement sporadique de l’AVF en objectivant une
composante héréditaire à cette pathologie [15]. La fréquence des Système Système
formes familiales d’AVf est de l’ordre de 7 % à 10 %. Le risque sympathique parasympathique
de développer une AVF est multiplié en moyenne par 5 à NA/NPY/ATP ACh/VIP/PACAP
18 pour les apparentés au premier degré d’un sujet atteint, et de Helodermine/NO
1 à 3 fois plus élevé chez les apparentés au deuxième degré. Le Effet Helospectine
mode de transmission génétique n’est pas formellement identi- vasoconstricteur Effet
fié à ce jour. Plusieurs facteurs contribuent à cette ignorance : la vasodilatateur
faible fréquence de l’AVF, l’absence de grandes familles à forte Marqueur : NPY
prévalence de sujets atteints, ainsi que la très probable hétéro- Marqueur : VIP
généité génétique.
La transmission est probablement autosomique dominante
avec faible pénétrance [16]. L’hypothèse de la transmission par
un gène autosomal est renforcée par la constatation d’une
proportion de femmes plus importante dans les AVF familiales Système
par rapport aux cas sporadiques. Toutefois, on ne peut exclure trigéminal
une transmission autosomique récessive [17] ou multifactorielle CGRP/SP/NKA
dans certaines familles.
Un phénomène d’anticipation (âge de début de plus en plus Effet
précoce dans les générations successives) est probablement vasodilatateur
présent au moins dans certaines familles [18]. Une revue générale
Marqueur : CGRP
sur génétique et AVF vient d’être publiée en 2010 [18].
Le caractère brutal de l’installation des accès d’AVF a fait Système
suspecter l’implication de gènes intervenant dans les canaux extrinsèque
ioniques. Mais contrairement à la migraine hémiplégique
familiale, aucune mutation du canal calcique (CACNA1A) n’a
été démontrée chez les patients porteurs d’une AVF [19]. Figure 1. Modèle physiopathologique de l’algie vasculaire de la face
Plusieurs gènes ont été candidats : NOS (nitric oxide synthase) (d’après [20]). Innervation des vaisseaux cérébraux (adapté de Goadsby et
en raison de l’implication vraisemblable du NO dans la physio- Edvinsson, 1994). L’innervation des vaisseaux cérébraux comprend un
pathologie de la céphalée, ADH4 (alcool déshydrogénase 4), système intrinsèque représenté par le système orthosympathique et le
SERPINA1 (alpha 1-antitrypsine). Le gène Clock semblait un des système parasympatique et un système extrinsèque représenté par le
candidats les plus intéressants, l’algie vasculaire de la face étant système trigéminal. Pour chaque système (en orange) sont indiqués (en
considérée comme une maladie chronobiologique, avec une saumon) : ses principaux neuromédiateurs, son principal effet sur le tonus
implication fondamentale de l’hypothalamus. Jusqu’à ce jour, vasculaire et son marqueur privilégié sur le plan expérimental. ACh : acé-
toutes ces recherches n’ont donné que des résultats décevants. tylcholine ; ATP : adénosine triphosphate ; CGRP : peptide lié au gène
Les deux seuls éléments probants à ce jour sont l’existence d’un de la calcitonine ; NA : noradrénaline ; NKA : neurokinine A ; NO :
rôle possible du polymorphisme HCRTR2 1246G>A dans la monoxyde d’azote ; NPY : neuropeptide Y ; PACAP : peptide activateur de
l’adénylate cyclase pituitaire ; SP : substance P ; VIP : peptide intestinal
physiopathologie de l’AVF, et du polymorphisme GNB3 825C>T
vaso-actif.
dans la réponse aux triptans [18].

2 Neurologie
Algie vasculaire de la face ¶ 17-023-A-70

l’hypothalamus. En effet, les noyaux suprachiasmatiques de Tableau 1.


l’hypothalamus sont sous l’influence des stimulations lumineu- Critères de diagnostic de l’algie vasculaire de la face d’après l’IHS 2004 [1].
ses, via une voie directe rétinohypothalamique, et ont pour rôle A Au moins cinq crises répondant aux critères B-D
de synchroniser le rythme circadien endogène. L’hypothalamus
B Douleur sévère ou très sévère unilatérale, orbitaire, supraorbitaire
serait ainsi un véritable « générateur » contrôlant les effecteurs
et/ou temporale, durant 15 à 180 minutes sans traitement
périphériques. Les études récentes en imagerie fonctionnelle ont
permis de démontrer une hyperactivité du noyau postéro- C La céphalée est associée avec au moins un des signes suivants, du
même coté que la douleur :
inférieur de l’hypothalamus qui est ipsilatérale à la crise [21]. Ce
générateur pourrait être commun à toutes les céphalées - injection conjonctivale ou larmoiement
trigémino-autonomiques. Cependant, la localisation précise de - obstruction nasale ou rhinorrhée
ce « générateur » fait débat [22]. - œdème palpébral
- sudation du front et de la face
- myosis et/ou ptôsis
■ Impact fonctionnel - agitation ou incapacité à rester en place
Du fait de la sévérité des crises, l’AVF peut avoir un fort D Fréquence des crises de 1 un jour sur 2 à 8 par jour
retentissement fonctionnel dans la vie sociale, familiale et E Non attribué à une autre affection
professionnelle des sujets. Ce retentissement peut avoir des
conséquences à la fois sur le sujet lui-même, entraînant par
exemple une altération de la qualité de vie, mais peut aussi La seconde, réalisée à partir de données autorapportées, mon-
avoir un retentissement sur l’entourage. trait que l’absentéisme professionnel et la consommation
médicale étaient plus importants pour des sujets présentant une
Impact sur la qualité de vie des sujets AVF par rapport à la population générale.

Très peu de travaux ont étudié l’impact de cette pathologie


sur la qualité de vie [23, 24]. L’altération de la qualité de vie ■ Clinique
apparaît toucher tous les domaines : physique, psychique et
social [23, 24]. Ces données ont été obtenues sur des échantillons L’AVF se manifeste par des crises algiques unilatérales, de
de petite taille et la qualité de vie a été évaluée à l’aide durée relativement brève mais d’intensité sévère, accompagnées
d’échelles génériques [23, 24]. En effet, l’utilisation de question- de signes autonomiques homolatéraux (Tableau 1). La caracté-
naires génériques reste encore l’approche la plus répandue dans ristique de la douleur, l’association aux signes autonomiques
le champ des céphalées et s’il existe des questionnaires qui ont ainsi que l’évolution périodique fait que cette douleur est
été développés spécifiquement pour les céphalées ou la habituellement facile à distinguer des autres céphalées primaires
migraine [25], aucun questionnaire spécifique de l’AVF n’est à ce et de la névralgie du trijumeau (Tableau 2).
jour validé.
Enfin, très récemment, a été démontré que les AVF en dehors Crises
des cycles avaient une altération de la qualité de vie moindre
que les patients en cycle, mais cependant supérieure à celle Les crises se caractérisent par une douleur orbitotemporale
constatée chez les patients témoins. Un syndrome dépressif est d’intensité atroce, strictement unilatérale de durée variant de 15
décrit chez 56 % des patients en forme chronique, une agora- à 180 minutes, associée à des signes autonomiques ispilatéraux.
phobie dans 33 % des cas. Pour 22 % des patients en forme La douleur est maximale au niveau orbitaire, mais peut
chronique sont rapportées des idées suicidaires [26]. également irradier vers la tempe, la joue, la région infraorbitaire,
la mâchoire, la narine, l’oreille ou vers l’hémicrâne, pouvant
Impact socio-économique s’étendre jusqu’au cou ou à l’épaule homolatérale. Cette
douleur, atroce, rarement pulsatile, est décrite comme un
L’impact socio-économique au sens large a été documenté à broiement, un arrachement, un couteau que l’on enfonce dans
travers de deux études [26, 27]. l’orbite, une brûlure, un fer rouge ou un pieu. Son intensité est
La première insiste sur le caractère invalidant des formes maximale en quelques minutes. Sa durée médiane est de
chroniques : 26 % des patients en forme chronique ont une 90 minutes, puis elle diminue pour disparaître en quelques
invalidité contre 4 % des patients avec une forme épisodique. minutes. En général, il n’existe pas de fond douloureux entre les

Tableau 2.
Diagnostic différentiel de l’algie vasculaire de la face (AVF) avec la migraine et la névralgie faciale essentielle.
Caractères AVF Migraine Névralgie essentielle du trijumeau
Sex-ratio (H/F) H > F (8/1) H < F (1/3) H<F

Douleur
Type Broiement Pulsatile/continue Poignard/décharge
Sévérité Très sévère Modérée/sévère Très sévère
Siège Orbito/temporal Hémicrâne V2/V3 > V1
Latéralisation Exclusive Fréquente Exclusive
Côté des crises Constant Bascule/bilatéral Constant

Durée des crises 15-180 minutes 4-72 heures Quelques secondes

Fréquence 1-8/jour 1-12/mois 1-300/jour

Symptômes associés
Neurologiques (aura) Rares 15-20 % Non
Larmoiement, rougeur, obstruction nasale Très fréquents Rares Rares
Myosis, ptôsis Très fréquents Rares Rares
Nausées, vomissements Rares Fréquents Non

Neurologie 3
17-023-A-70 ¶ Algie vasculaire de la face

crises. Cependant, au cours des formes chroniques, ou au cours patients présente un à deux épisodes par an, volontiers en
d’un cycle comportant un nombre important de crises, un fond automne et au printemps. Certains patients ont des symptômes
douloureux homolatéral aux crises peut persister. précurseurs de leur cycle, décrivant quelques jours ou semaines
Les signes autonomiques, larmoiement, injection conjoncti- avant son début, des troubles du sommeil ou de l’humeur. En
vale, écoulement nasal, obstruction nasale, myosis, ptôsis, début de cycle, les crises sont plus isolées, survenant souvent
sudation du front et de la face, œdème palpébral sont homola- 1 jour sur 2, puis elles deviennent rapidement quotidiennes,
téraux à la douleur. Le larmoiement est le signe autonomique pouvant atteindre le nombre de 8 par 24 heures. En fin d’épi-
le plus fréquemment rencontré (80 % à 90 % des cas) suivi par sode, les crises s’espacent progressivement pour disparaître.
l’injection conjonctivale, la congestion nasale et le ptôsis [13]. Ils Dans certains cas, le début et la fin du cycle peuvent être plus
sont présents dans 95 % des cas. brutaux. Certains patients décrivent parfois quelques crises
Des signes digestifs (nausées, vomissements) ainsi qu’une isolées dans la période entre deux cycles.
phono- ou photophobie, parfois décrites comme étant homola- Dans 10 % des cas, l’AVF peut évoluer sur un mode chroni-
térales à la douleur [28], sont possibles. que soit d’emblée, soit secondaire à une forme initialement
L’une des caractéristiques les plus remarquables de crises épisodique. La forme chronique est caractérisée par des crises
d’AVF est le comportement d’agitation motrice présenté par le quotidiennes pendant plus de 1 an, sans période de rémission,
patient et décrit dans 90 % des cas. Contrairement à la céphalée ou avec des rémissions inférieures à 1 mois. Cette forme
migraineuse où le patient est plutôt prostré, le patient en crise chronique se caractérise par sa sévérité (à la fois fonctionnelle
d’AVF présente un comportement d’agitation et de déambula- et thérapeutique) et son handicap. Cependant, ces évolutions ne
tion au cours de la crise. Les patients ne tiennent plus en place, sont pas figées et les patients peuvent évoluer d’une forme à
changent de position sans arrêt. Ce comportement au cours des l’autre au cours de leur vie.
crises permet non seulement de distinguer la crise d’AVF de la
crise de migraine, mais permet également, dans le respect des Facteurs déclenchants
critères de la classification IHS, d’inclure les rares patients qui
ne présentent pas de troubles autonomiques au cours de la crise. La prise d’alcool, même en faible quantité, est le facteur
Le nombre de crises peut varier de une à huit crises par jour déclenchant le plus fréquemment rencontré en période de
(2-3 crises en moyenne), souvent à horaires fixes. Dans plus de cycle [33], alors que ce facteur n’est que rarement rencontré en
la moitié des cas, le patient rapporte une crise nocturne, inter-crise. D’autres facteurs ont été signalés : nitroglycérine,
souvent vers 2-3 heures du matin. Dans la journée, les crises hypoxémie, traumatismes craniofaciaux. Chez les femmes
surviennent souvent après les repas. présentant une AVF, il n’y a pas d’influence des facteurs
L’examen neurologique est toujours normal, en dehors des hormonaux, contrairement à ce qui est fréquemment constaté
crises ; on peut cependant décrire un signe de Claude-Bernard- dans la maladie migraineuse.
Horner, ipsilatéral à la crise douloureuse, qui est fréquent au
cours de la crise, et qui peut persister entre les crises. Habitudes sociales
Le rapport entre AVF et tabac est suggéré depuis de nombreu-
Symptômes cliniques plus rares ses années : en effet, en moyenne, 70 % des patients sont
fumeurs et 17 % d’anciens fumeurs [13]. Cependant, l’arrêt du
Aura tabac ne semble pas être corrélé avec une amélioration de l’AVF.
En moyenne, 20 % des patients présentant une crise d’AVF
décrivent des aura. Ces aura sont de description récente, la
plainte du patient portant essentiellement sur la douleur. Ce ■ Bilan paraclinique
n’est qu’un interrogatoire systématique des patients qui a
L’examen clinique, de même que les examens paracliniques
permis de retrouver des aura, dont l’expression essentielle est
sont par définition normaux, puisque rentrant dans le cadre de
visuelle [29]. Ces auras sont retrouvées aussi bien dans les formes
céphalées primaires. Cependant devant un tableau avec une
épisodiques, que dans les formes chroniques d’AVF [30].
séméiologie clinique et un profil évolutif typiques [34], une
imagerie par résonance magnétique (IRM) cérébrale sans et avec
Latéralisation de la douleur
une injection, couplée à une angio-IRM des vaisseaux intra-
Si les crises sont quasiment toujours décrites du même côté, crâniens doit être discutée, afin d’éliminer les formes sympto-
il peut exister des crises à bascule, soit au cours du même cycle, matiques d’AVF, et en particulier une lésion hypophysaire.
soit d’un cycle à l’autre. De manière exceptionnelle, cette
alternance peut se faire au cours de la même crise, la douleur
basculant de l’autre côté en fin de crise. ■ Diagnostic clinique
Prodromes Le diagnostic d’une AVF typique est évident dès l’interroga-
toire tant la symptomatologie est stéréotypée. Il repose sur la
C’est là encore un interrogatoire systématique qui a permis de description clinique des crises, l’évolution temporelle de la
décrire des prodromes avant la crise : modifications de maladie, ainsi que la normalité de l’examen clinique, neuro-
l’humeur, fatigue, bâillement, modifications du comportement logique et général.
alimentaire [30, 31].

Signes autonomiques absents ou isolés ■ Diagnostic différentiel


Dans environ 6 % des cas, il n’existe pas de signes autono-
miques au cours des crises. Malgré l’absence de ces signes très Le diagnostic différentiel doit se faire avec les autres céphalées
évocateurs, si l’ensemble des autres critères est rempli, le patient primaires et la névralgie faciale idiopathique. Il repose sur
doit être considéré et traité comme une authentique AVF. l’interrogatoire (Tableau 2). Ce diagnostic doit surtout porter sur
Exceptionnellement, les signes autonomiques peuvent être la différentiation entre migraine (durée des crises différentes,
isolés, et s’exprimer en l’absence de céphalée [32]. caractère pulsatile de la douleur, tendance à la clinophilie,
absence de cycles, etc.) et AVF en raison des enjeux thérapeuti-
ques. Le diagnostic avec la migraine ne devrait pas poser de
Cycles problème, même si la réalité est très différente : la durée des
À côté de la périodicité circadienne, il existe une périodicité crises de migraine est nettement plus longue et le profil évolutif
circannuelle. Ainsi, la terminologie anglo-saxonne de cluster de la maladie migraineuse n’a pas la double périodicité de l’AVF.
headache témoigne du caractère évolutif de cette affection. Dans Il faut cependant noter que des signes autonomiques peuvent
la majorité des cas (90 %), les crises surviennent par épisodes être décrits dans la crise de migraine, en particulier au cours des
qui durent de 2 à 8 semaines (AVF épisodique). La majorité des crises sévères.

4 Neurologie
Algie vasculaire de la face ¶ 17-023-A-70

Tableau 3.
Diagnostic différentiel de l’AVF avec les autres céphalées trigémino-autonomiques.
Caractéristiques AVF HPC SUNCT
Sexe (H/F) H>F F>H H>F

Douleur :
- type Broiement Broiement Poignard
- sévérité Très sévère Très sévère Sévère
- siège Orbitaire > temporal Orbitaire > temporal Orbitaire
- latéralisation Exclusive Exclusive Exclusive
- côte des crises Constant Constant Constant

Durée des crises 15-180 minutes 2-30 minutes 5-240 secondes

Fréquence 1-8/jour > 5/jour 3-200/jour

Symptômes associés
Aura Rares Non Non
Signes autonomiques Très fréquents Très fréquents Constants
Nausées vomissements Rares Rares Rares
AVF : algie vasculaire de la face ; HPC : hémicrânie paroxystique chronique ; SUNCT : Short-lasting Unilateral Neuralgiform headache attacks with Conjunctival injection and Tearing.

La névralgie du trijumeau (NF) a des caractéristiques cliniques cérébral ou d’accident ischémique transitoire, d’hypertension
et un âge de survenue également différents. La survenue au-delà modérée ou sévère et d’hypertension légère non contrôlée.
de 60 ans, le caractère à type de décharge électrique de la Certaines associations avec des médicaments (ergotamine ou ses
douleur et l’existence d’une zone-gâchette sont des arguments dérivés, y compris le méthysergide, et les inhibiteurs de la
en faveur du diagnostic de névralgie faciale. On rapporte des monoamine oxydase [IMAO]) sont également une contre-
troubles autonomiques au cours des crises de NF, soit dans un indication à l’utilisation du sumatriptan. Enfin, la notion d’une
contexte de crise intense, soit au décours de gestes allergie aux sulfamides contre-indique également la prescription
neurochirurgicaux. de sumatriptan. Ce traitement de crise est réservé à l’adulte de
Le diagnostic avec les autres céphalées trigémino-autonomiques plus de 18 ans et de moins de 65 ans. Le patient s’administre
(Tableau 3) est affaire de spécialistes, et repose sur la description grâce à un auto-injecteur une ampoule d’Imiject® (6 mg) en
séméiologique des symptômes cliniques, et pour l’hémicrânie sous-cutanée en début de crise. Le soulagement est générale-
paroxystique sur la réponse thérapeutique. La durée des symp- ment atteint en 5 à 10 minutes. La dose maximale est de deux
tômes est un élément important : durée de moins de 3 heures ampoules (12 mg) par 24 heures, en respectant un intervalle
pour l’AVF, moins de 45 minutes pour l’hémicrânie paroxysti- minimal de 1 heure entre deux injections. Ce traitement
que, et moins de 2 minutes pour le SUNCT. possède une autorisation de mise sur le marché (AMM) et un
Enfin, il faut connaître l’existence de formes secondaires remboursement à 65 %.
d’AVF. Ce diagnostic doit être suspecté devant des atypies La tolérance est correcte, même si certains effets secondaires
cliniques : âge tardif d’apparition de la maladie, longueur des sont rapportés (douleur transitoire et réactions locales au point
crises supérieure à 180 minutes, existence d’anomalies à d’injection, flush, paresthésies et sensations de chaleur, de
l’examen neurologique ; cependant, une grande majorité des pression et de lourdeur). Ils sont en général acceptables par
patients présentant une AVF secondaire a une présentation rapport au bénéfice sur la douleur.
clinique identique aux patients présentant une céphalée
primaire [35, 36] ; ceci constitue un argument supplémentaire Oxygénothérapie à haut débit
pour la réalisation systématique d’un bilan paraclinique chez De 7 à 10 l/min d’O 2 à 100 % pendant 15 minutes au
tout patient présentant un tableau de céphalées trigémino- masque nasobuccal, elle a également l’AMM et un rembourse-
autonomiques. Les étiologies les plus fréquemment retrouvées ment à 65 % (forfaits 28 avec bouteille fixe, ou 29 avec une
sont vasculaires (dissection des artères des vaisseaux à destinée grande bouteille fixe et une petite transportable). Elle doit être
céphalique, anévrisme, fistule durale), tumorales (adénome systématiquement proposée en cas de contre-indication, d’échec
hypophysaire, méningiomes, carcinomes des structures parana- ou d’intolérance au sumatriptan, ou lorsque le nombre de crises
sales ou de la fosse postérieure) et enfin inflammatoires ou dépasse deux par jour (utilisation en complément du sumatrip-
infectieuses (aspergillose sphénoïdale). tan). L’intérêt d’un débit plus important, à savoir 12 l/min au
masque, a été démontré récemment et doit être proposé pour
■ Traitements les crises les plus sévères et/ou pour les patients ne répondant
pas aux doses moindres [37] . Il n’est pas rapporté d’effets
secondaires.
Traitements de la crise
En raison de la rapidité d’installation des crises, de leur durée Traitements de fond médicamenteux
relativement brève et de leur intensité très sévère, le traitement Le traitement de fond a pour objectif de diminuer la fré-
nécessite des substances à action rapide. Il doit être mis en place quence des crises lors d’une forme épisodique. Il est bien sûr
par tout médecin et repose sur le sumatriptan injectable et également proposé pour la prise en charge des formes chroni-
l’oxygénothérapie. ques. Il n’est pas systématiquement indiqué chez tous les
patients ayant une forme épisodique, en particulier pour ceux
Sumatriptan (Imiject®) ayant des cycles courts, un nombre de crises peu important, et
C’est la molécule de référence qui a révolutionné la prise en une bonne réponse thérapeutique au sumatriptan.
charge de la crise d’AVF. La prescription doit se faire sur une Il faut veiller à la compatibilité entre traitements de crise et
ordonnance d’exception (Cerfa n° 12708*01). Les contre- de fond. Compte tenu des difficultés de mise en place, le
indications sont essentiellement cardiovasculaires : antécédents traitement de fond reste du ressort du spécialiste. Par ailleurs, il
d’infarctus du myocarde, de pathologie cardiaque ischémique, faut convenir que la réalisation d’essais cliniques en double
de pathologie vasculaire périphérique, d’accident vasculaire aveugle contre placebo est difficile dans cette pathologie.

Neurologie 5
17-023-A-70 ¶ Algie vasculaire de la face

Vérapamil (Isoptine®) Traitements de fond non médicamenteux


C’est le traitement de première intention dans les formes Blocs du grand nerf occipital
épisodiques et chroniques, même s’il est prescrit hors AMM [38].
L’initiation se fait à 240 mg/j (120 mg matin et soir), avec une Ils sont utilisés par certaines équipes en alternative à la
augmentation de 120 mg tous les 2 jours jusqu’à 480 mg/j. Une corticothérapie orale pour avorter un épisode avec un nombre
surveillance électrocardiographique est nécessaire avant l’ins- de crises important, ou soulager une exacerbation dans l’AVF
tauration du traitement puis à chaque changement de palier [39]. chronique. Le rationnel repose sur des considérations anatomi-
La posologie quotidienne moyenne est de 360 à 480 mg dans ques ; en effet, il existe une convergence sur le noyau caudalis
l’AVF épisodique, mais peut être augmentée jusqu’à 960 mg/j du trijumeau à la fois des fibres cervicales et trigéminales. Il
dans les formes chroniques, avec monitoring ECG. La tolérance n’existe pas de procédure standardisée, ni de consensus sur le
est généralement bonne ; les effets secondaires (constipation, produit injecté (corticoïde et/ou anesthésique local) [43].
œdèmes des membres inférieurs, hypotension ou bloc auriculo- Traitements chirurgicaux
ventriculaire) sont rares. Une réduction de fréquence des crises
peut être observée dès la première semaine de traitement mais Un traitement neurochirurgical peut être discuté dans les
nécessite souvent un délai plus long (2 à 5 semaines). Dans formes rares, mais gravissimes d’AVF chroniques et pharmaco-
l’AVF épisodique, le vérapamil est prescrit pour une durée résistantes (1 % des AVF chroniques). Ces techniques plus ou
équivalente à celle des épisodes précédents. Lorsque le patient moins invasives nécessitent une évaluation et une prise en
considère le cycle comme terminé, il arrête progressivement le charge multidisciplinaire. Les critères de pharmacorésistance ont
traitement de fond. Dans les formes épisodiques, il n’y a pas fait l’objet de recommandations européennes [44]. Les critères
d’indication à poursuivre le traitement de fond, une fois le cycle retenus dans les protocoles de recherche clinique en France sont
terminé. les suivants [45] :
• AVF évoluant sur une forme chronique depuis au moins 3 ans
Corticothérapie orale (afin d’éviter le retour à une forme épisodique) ;
• nombre de crises supérieur à deux par jour ;
Elle est réservée aux formes épisodiques, avec de nombreuses • résistance aux traitements suivants : vérapamil jusqu’à une
crises, répondant mal ou lentement au vérapamil. Une dose de posologie de 960 mg/j ; lithium avec une lithémie comprise
prednisolone (1 mg/kg) est prescrite pendant quelques jours entre 0,6 et 0,9 mEq/l ; association des deux (la réponse
suivie d’une diminution progressive. La corticothérapie doit inadéquate étant définie par l’inefficacité, l’efficacité insuffi-
s’utiliser avec prudence et parcimonie dans les formes épisodi- sante ou la survenue d’effets secondaires ayant entraîné
ques et doit absolument être évitée dans les formes chroniques. l’interruption du traitement).
En effet, si l’amélioration est souvent spectaculaire, la réduction Les techniques chirurgicales et les cibles sont multiples.
des doses entraîne fréquemment un phénomène de rebond. En Certaines ne sont plus utilisées aujourd’hui en raison de
cas de crises fréquentes en début de cycle, il peut être intéres- résultats insuffisants, souvent associés à une morbidité non
sant de combiner une corticothérapie brève au vérapamil. négligeable : injection de glycérol dans le ganglion de Gasser,
thermocoagulation du ganglion de Gasser, lésions du nerf
Méthysergide (Desernil®) intermédiaire de Wrisberg ou du grand nerf pétreux superficiel,
À la dose de 4 à 6 mg/j en moyenne, c’est une alternative lésion sélective du nerf trijumeau par radiochirurgie (gamma-
« classique » qui dispose d’une AMM. Cependant, la prescription knife). Actuellement, la tendance est de ne plus utiliser de
de ce dérivé de l’ergot de seigle est limitée car il interdit l’usage technique destructive, mais de favoriser les techniques de
concomitant de sumatriptan (dans ce cas, seul l’oxygène est neuromodulation. Trois cibles peuvent être discutées : l’hypo-
autorisé en crise). Enfin, les effets secondaires peuvent être thalamus, le nerf grand occipital et le ganglion sphénopalatin.
graves, même s’ils sont rares (ergotisme, fibroses rétropéritonéale
Stimulation hypothalamique
et des valves cardiaques) et imposent une prescription incluant
une fenêtre thérapeutique de 1 mois tous les 6 mois, ainsi que Des développements récents dans la physiopathologie de
la réalisation annuelle d’une échographie cardiaque [40]. l’AVF montrant une activation de la substance grise de l’hypo-
thalamus postéro-inférieur homolatérale aux crises, ont conduit
Lithium (Téralithe®) à proposer l’implantation en conditions stéréotaxiques d’une
électrode hypothalamique [46] . Cette implantation permet
Il est réservé aux formes chroniques et s’utilise à la dose d’obtenir une réduction de 50 % du nombre de crises dans
moyenne de 750 mg/j (600 à 1 200 mg). Le lithium, prescrit environ 60 % des cas [47]. Ces résultats obtenus dans des études
hors AMM, nécessite un bilan complet avant mise en place ouvertes ont été retrouvés dans l’étude randomisée française,
(fonction rénale, calcémie, recherche d’une protéinurie, iono- multicentrique, en double aveugle de Fontaine et al. [45] .
gramme sanguin, numération et formule sanguine, hormones Cependant, le résultat final de l’essai français est négatif,
thyroïdiennes et thyroid stimulating hormone [TSH] plasmatique, probablement en raison de la durée trop courte des périodes
glycémie, examen cardiaque). Le suivi repose sur l’évaluation thérapeutiques (stimulation ON) au cours de la phase randomi-
clinique et le dosage des lithémies plasmatiques et intraérythro- sée. Par ailleurs, cette technique comporte des risques de
cytaires (lithémie cible entre 0,6 et 0,9 mEq/l). Les effets morbidité et de mortalité (notamment par hémorragie cérébrale)
indésirables (tremblements, soif avec polyurie, nausées, diar- qui sont liés à la localisation anatomique de la cible et ont
rhées, manifestations cutanées, goitre) limitent souvent son conduit à développer d’autres alternatives [48].
utilisation.
Stimulation du grand nerf occipital
Autres traitements médicamenteux Elle a fait l’objet de deux essais cliniques publiés portant sur
Ils ont un niveau de preuve moins évident. La réponse à 17 patients [49, 50]. Le pourcentage de résultats positifs (réduc-
l’indométacine fait partie des critères diagnostiques d’autres tion du nombre de crises et de l’intensité) est inférieur à celui
céphalées trigémino-autonomiques (hémicrânie paroxystique), obtenu avec la stimulation hypothalamique, mais les grands
mais est classiquement considérée inefficace dans l’AVF. Cepen- avantages sont la facilité du geste technique et le pourcentage
dant, l’indométacine a un effet remarquable chez certains faible de complications. Le délai entre la mise en place du
patients et mérite d’être essayée y compris dans les formes stimulateur et l’amélioration clinique est souvent de 2 mois ou
chroniques (à la dose de 150 mg /j) [41]. Les antiépileptiques, plus, témoignant que les mécanismes d’action reposent sur des
notamment le topiramate, sont parfois utilisés dans les formes processus de neuromodulation lents.
rebelles au vérapamil et au lithium. Leur place dans le traite-
ment de l’AVF reste à déterminer car il n’existe pas d’essais Nerf sphénopalatin
randomisés reproductibles de haut niveau méthodologique Enfin, les dernières recherches portent sur le nerf sphénopa-
prouvant l’efficacité de cette classe thérapeutique [42]. latin, soit en tant que traitement de la crise [51] , soit en

6 Neurologie
Algie vasculaire de la face ¶ 17-023-A-70

traitement de fond par différentes techniques [52, 53]. Les blocs [6] Katsarava Z, Obermann M, Yoon MS, Dommes P, Kuznetsova J,
du sphénopalatin constituent une technique peu invasive, mais Weimar C, et al. Prevalence of cluster headache in a population-based
dont les modalités (nature du produit, technique, répétition des sample in Germany. Cephalalgia 2007;27:1014-9.
gestes) demandent une évaluation sur du long terme [54]. Enfin, [7] Katsarava Z, Dzagnidze A, Kukava M, Mirvelashvili E, Djibuti M,
d’autres techniques avec stimulation du nerf vague ou du nerf Janelidze M, et al., Russian Linguistic Subcommittee of the Internatio-
supraorbitaire sont en cours de développement. nal Headache Society. Prevalence of cluster headache in the Republic
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La stratégie actuelle devant un patient présentant une AVF
considerations. Cephalalgia 2009;29:949-52.
chronique pharmacorésistante est de débuter par une stimula- [8] Russell MB. Epidemiology and genetics of cluster headache. Lancet
tion du grand nerf occipital et de ne réserver la stimulation Neurol 2004;3:279-83.
hypothalamique qu’en cas d’échec de cette première [54]. La [9] Manzoni GC. Male preponderance of cluster headache is progressively
place des gestes sur le ganglion sphénopalatin reste à decreasing over the years. Headache 1997;37:588-9.
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L’AVF est une céphalée primaire dont le diagnostic est 1-9.
purement clinique et dont le traitement de crise est une urgence [13] Bahra A, May A, Goadsby PJ. Cluster headache. Neurology 2002;58:
thérapeutique, et repose sur le sumatriptan et/ou l’oxygénothé- 354-61.
rapie à haut débit. Le traitement de fond repose sur le vérapamil [14] Rozen TD. Cluster Headache As the Result of Secondhand Cigarette
et nécessite une surveillance électrocardiographique. Enfin, dans Smoke Exposure During Childhood. Headache 2010;50:130-2.
le cadre de formes chroniques et pharmacorésistantes, une [15] Russell MB, Andersson PG, Thomsen LL. Familial occurrence of
approche neurochirurgicale, basée sur des techniques de cluster headache. J Neurol Neurosurg Psychiatry 1995;58:341-3.
neuromodulation [55], peut être discutée après une évaluation et [16] De Simone R, Fiorillo C, Bonuso S. A cluster headache family with
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• L’AVF est une céphalée primaire dont le diagnostic [20] Lanteri-Minet M. Physiopathologie de l’algie vasculaire de la face. Rev
repose sur un interrogatoire clinique mettant en évidence Neurol 2003;159:1113-24.
des crises dont la séméiologie est stéréotypée, une [21] MayA, BahraA, Buchel C, Frackowiak RS, Goadsby PJ. Hypothalamic
activation in cluster headache attacks. Lancet 1998;352:275-8.
évolution temporelle caractéristique et un examen
[22] Fontaine D, Lanteri-Minet M, Ouchchane L, Lazorthes Y, Mertens P,
clinique normal. Blond S, et al. Anatomical location of effective deep brain stimulation
• Le traitement de la crise est une urgence algologique et electrodes in chronic cluster headache. Brain 2010;133(Pt1):1214-23.
doit être fait par tout médecin. Il repose sur le sumatriptan [23] D’Amico D, Rigamonti A, Solari A, Leone M, Usai S, Grazzi L, et al.
par voie injectable et/ou l’oxygénothérapie à haut débit Health-related quality of life in patients with cluster headache during
au masque. active periods. Cephalalgia 2002;22:818-21.
• Le traitement de fond repose essentiellement sur le [24] Ertsey C, Manhalter N, Bozsik G,Afra J, Jelencsik I. Health-related and
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vérapamil dont les doses varient en fonction de la nature
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épisodique ou chronique de la maladie. [25] Dahlöf CG, Solomon GD. Impact of the headache on the individual and
• Les formes chroniques pharmacorésistantes peuvent family. In: Olesen J, Goadsby PJ, Ramadan NM, Tfelt-Hansen P,
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chirurgicale, basée sur des techniques de neuromo- and Wilkins; 2006. p. 27-34.
dulation. Elles nécessitent une évaluation, et une prise en [26] Jürgens TP, Gaul C, Lindwurm A, Dresler T, Paelecke-Habermann Y,
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A. Donnet (adonnet@ap-hm.fr).
Pôle neurosciences cliniques, CHU Timone, 264, rue Saint-Pierre, 13385 Marseille cedex 5, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Donnet A. Algie vasculaire de la face. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris), Neurologie, 17-023-A-70, 2011.

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8 Neurologie
 17-023-A-80

Aspects cliniques et thérapeutiques


des névralgies essentielles du trijumeau
et du glossopharyngien
M. Sindou, Y. Kéravel, B. Laurent

La névralgie « essentielle » du nerf trijumeau, encore appelée « classique » dans la nomenclature interna-
tionale, est (comme d’ailleurs la névralgie essentielle du glossopharyngien, cent fois moins fréquente),
de par son caractère épileptiforme, une affection très particulière, qui n’a pas son équivalent dans le
cadre de la neurologie. Considérée par définition comme « primaire », la névralgie essentielle est due
en réalité, dans un grand nombre de cas, à une compression vasculaire de la racine trigéminale (ou
glossopharyngienne) dans l’angle pontocérébelleux. Facile dans les formes typiques, et cela sur les seuls
critères cliniques et la sensibilité aux anticonvulsivants, le diagnostic peut être difficile dans les formes
atypiques ou vieillies. De surcroît, une névralgie peut venir révéler une pathologie de voisinage et cor-
respondre alors à une névralgie « secondaire ». C’est pourquoi devant toute névralgie trigéminale (ou
glossopharyngienne) il faut demander des avis spécialisés et réaliser des explorations complémentaires,
en particulier une imagerie par résonance magnétique (IRM) encéphalique. L’IRM doit comporter des
séquences standards ainsi que des séquences spéciales à haute résolution dans le but de visualiser une
compression vasculaire. Le diagnostic de névralgie essentielle est un diagnostic d’élimination. Une fois
reconnue, cette névralgie requiert des traitements médicamenteux spécifiques, en l’occurrence les anti-
convulsivants. En cas d’échappement et/ou d’intolérance à ces médications, les méthodes chirurgicales
actuelles permettent d’en donner la guérison dans la plupart des cas, par la décompression vasculaire
microchirurgicale en première option, ou à défaut d’en assurer son contrôle par les techniques lésionnelles
percutanées ou la radiochirurgie stéréotaxique.
© 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots-clés : Névralgie du trijumeau ; Névralgie du glossopharyngien ; Douleurs céphaliques ;


Traitements antalgiques anticonvulsivants ; Décompression vasculaire microchirurgicale ;
Rhizotomies percutanées ; Radiochirurgie stéréotaxique

Plan  Névralgie essentielle


■ Névralgie essentielle du trijumeau 1 du trijumeau
Description 2 La névralgie essentielle (primaire) du trijumeau (Fig. 1) touche
Bilan devant un tableau de névralgie trigéminale 6 principalement l’adulte dans la seconde moitié de la vie. Elle
Diagnostic différentiel 8 se caractérise dans sa forme typique par des douleurs paroxys-
Critères diagnostiques de la névralgie trigéminale essentielle, tiques, fulgurantes, unilatérales et strictement localisées à une
c’est-à-dire classique 10 ou plusieurs branches du trijumeau (Fig. 2). La normalité de
Traitement 10 l’examen neurologique et la négativité des examens paracliniques
■ Névralgie essentielle du glossopharyngien 16 la différencient des névralgies symptomatiques (secondaires). Son
Description clinique 18 traitement médical est avant tout fondé sur les anticonvulsivants.
Diagnostic 18 Lorsque la névralgie résiste aux thérapeutiques médicamenteuses
Traitement 19 ou lorsque ces dernières sont mal supportées, le recours à la neu-
■ Conclusion 19 rochirurgie se justifie [1, 2] .
Un rappel anatomique [1, 3] est donné dans les Figures 3 à 5.

EMC - Neurologie 1
Volume 11 > n◦ 2 > avril 2014
http://dx.doi.org/10.1016/S0246-0378(14)62575-6
17-023-A-80  Aspects cliniques et thérapeutiques des névralgies essentielles du trijumeau et du glossopharyngien

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Figure 1. Vue générale du trijumeau intracrânien. Sur cette préparation
anatomique faite par le procédé de dissection de Kingler, on distingue les
trois branches périphériques du trijumeau, qui convergent pour former
le ganglion trigéminal. Ces trois branches sont : le nerf mandibulaire (8)
entrant par le foramen ovale (9), le nerf maxillaire (6) par le foramen
rotondum (7), le nerf ophtalmique (2) par la fissure orbitaire supérieure A
(1). Le ganglion trigéminal de Gasser (5), de forme semi-lunaire, se pro-
longe en arrière par le plexus triangulaire (4) qui fait la transition avec la
racine postérieure (3). Ce dernier se distingue du ganglion par son aspect
plexiforme. Sur cette dissection anatomique sont également visibles, en
dessous de la racine du trijumeau, le paquet acoustico-vestibulo-facial et
les nerfs mixtes (IX, X, XI). La paroi latérale du sinus caverneux ayant été
réséquée, il est possible de distinguer la pénétration du nerf oculomoteur V1
V2
(III) dans sa paroi supérieure. Par ailleurs, on distingue le nerf trochléaire
(IV) qui sort du tronc cérébral au niveau de sa face dorsale, juste en des-
sous des tubercules quadrijumeaux inférieurs (avec l’aimable autorisation
du Musée anatomique de Bâle). V3

Description
Aperçu physiopathologique
La névralgie « essentielle » du trijumeau, encore dénom- B
mée « classique » selon la nomenclature internationale – comme
Figure 2. Territoires cutanéomuqueux des branches de division du tri-
d’ailleurs celle du glossopharyngien, 100 fois moins fréquente –
jumeau (A, B). Le territoire cutané innervé par la branche opthalmique
est une douleur épileptiforme, qui répond dans presque tous
(V1) comprend la partie antérieure de la région temporale, le front, la
les cas, au moins au début, aux anticonvulsivants. Elle est liée
paupière supérieure, le dos du nez. Son territoire muqueux comporte le
le plus souvent, environ neuf fois sur dix, à la présence d’une
sinus frontal, le sinus sphénoïdal ainsi que le septum nasal. Elle assure éga-
compression vasculaire au niveau de la racine sensitive dans
lement la sensibilité de la conjonctive bulbaire et palpébrale et surtout de
l’angle pontocérébelleux. Cette névralgie, de mécanisme à la fois
la cornée. Le territoire cutané de la branche maxillaire (V2) comprend la
périphérique et central, est générée par les lésions créées par
partie moyenne de la région temporale, la paupière inférieure, la pom-
la compression et les pulsations du vaisseau conflictuel, le plus
mette, la lèvre supérieure, l’aile du nez dans sa partie externe et le
souvent une mégadolichoartère cérébelleuse, plus rarement une
vestibule de la fosse nasale. Son territoire muqueux comporte la voûte
veine ectasique. Ces lésions siègent majoritairement au niveau
et le voile du palais, l’orifice tubaire, le pôle supérieur de l’amygdale, le
de la root entry zone (REZ), zone d’entrée de la racine dans le
sinus maxillaire, les gencives, les alvéoles et les dents du maxillaire. La
pont – zone qui correspond à la portion centrale de la racine
branche mandibulaire (V3) correspond au seul nerf mixte parmi les trois
et à sa zone transitionnelle. La compression et l’agression du
branches du trijumeau. Son territoire sensitif cutané inclut la région tem-
vaisseau conflictuel créent une démyélinisation locale (générale-
porale postérieure, la partie antérieure du pavillon de l’oreille, les parois
ment visible lors de la chirurgie sous microscope opératoire tout
antérieure et supérieure du conduit auditif externe, la lèvre inférieure et
comme à l’exploration en imagerie par résonance magnétique
le menton. Son territoire muqueux comporte les deux tiers antérieurs de
(IRM)-tractographie) [4] et induisent un foyer ectopique d’influx
la langue, la face interne de la joue et du plancher de la bouche, les gen-
parasites ainsi que des court-circuits entre les fibres à travers les
cives, les alvéoles et les dents de la mandibule. Enfin, ses fibres motrices
plages de démyélinisation (éphapses) [5] . De surcroît, il est vraisem-
innervent les muscles masticateurs : masséter, temporal, ptérygoïdiens
blable que le bombardement des centres par les influx ectopiques
interne et externe, myélohyoïdien, ventre antérieur du digastrique et
entraîne une hypersensibilité et une hyperactivité des noyaux du
péristaphylin externe. 1. Conque de l’oreille externe innervée par le VII
système trigéminal dans le tronc cérébral, et peut-être même à la
bis ; 2. encoche massétérine, innervée par le plexus cervical superficiel ;
longue au niveau des structures cérébrales plus haut situées.
en grisé, le territoire sensitif glossopharyngien (nerf IX) (B).

Historique
La première description de la névralgie essentielle date de la fin de l’affection est attaché à celui de Fothergill qui en présenta une
du XVIIe siècle par J.H. Fehr et J. Locke. Dès 1756, André utilisa le étude détaillée en 1776 sous le terme de « prosopalgie ». En France,
terme de « tic douloureux de la face » devenu international pour la le patronyme reste celui de Trousseau depuis sa remarquable
désigner cliniquement. Dans les pays de langue anglaise, le nom description qui fit preuve d’une intuition physiopathologique

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Aspects cliniques et thérapeutiques des névralgies essentielles du trijumeau et du glossopharyngien  17-023-A-80

3 4 5 6 7 8 9 10

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11
A B
12 13 14 15

3 4 5 6 7

10

11
1 12
2 13
14
C
Figure 3. Distribution des branches périphériques du trijumeau (d’après Kahle, Leonhardt et Platzer).
A. Le nerf ophtalmique (10) quitte le crâne par la fissure orbitaire supérieure, et se divise en nerfs lacrymal, frontal et nasociliaire. Le nerf lacrymal (6) participe
à l’innervation sécrétoire de la glande lacrymale (4) et donne des branches sensitives pour la région externe de l’orbite. Le nerf frontal (7) se divise en nerfs
supratrochléaire (ou frontal interne) (1) et sus-orbitaire (3). Le nerf nasociliaire (9) donne une racine (15) au ganglion ciliaire (14) d’où partent les nerfs
ciliaires courts (13), les nerfs ciliaires longs (12), les nerfs ethmoïdaux antérieur (5) et postérieur (8) et se termine sous le nom de nerf infratrochléaire (ou
nasal externe) (2). 11. Nerf oculomoteur.
B. Le nerf maxillaire (9) quitte le crâne par le foramen rotundum (8). Il donne des branches au ganglion sphénopalatin (7) puis se divise en nerf zygomatique
(3) qui se subdivise lui-même en rameaux zygomaticotemporal (5) et zygomaticofacial (4) et nerf infraorbitaire (6). Ce dernier donne successivement les nerfs
alvéolaires supérieurs : postérieur (10), moyen (11) et antérieur (2), avant de s’engager dans le canal sous-orbitaire (1) pour innerver la région sous-orbitaire.
C. Le nerf mandibulaire (4) quitte la base du crâne par le foramen ovale. Il donne des rameaux au ganglion otique (5), puis se divise en trois branches sensitives :
le nerf auriculotemporal (7) ; le nerf lingual (3) qui donne des rameaux (13) au ganglion sous-maxillaire (12), responsable de l’innervation sécrétoire des
glandes sous-maxillaire (14) et sublinguale (1) et participe à l’innervation sensitive des deux tiers antérieurs de la langue ; le nerf alvéolaire inférieur (11)
qui pénètre dans la mandibule au niveau de l’épine de Spix, puis après avoir donné de nombreux rameaux dentaires inférieurs sort par le trou mentonnier
pour l’innervation sensitive du menton (2). Le nerf mandibulaire comporte un important contingent moteur qui quitte le tronc nerveux immédiatement
au-dessous du foramen ovale pour se distribuer aux principaux muscles masticateurs. 6. Nerf petit pétreux ; 8. corde du tympan ; 9. nerf facial ; 10. parotide.

étonnante en la désignant sous le nom de « névralgie épilepti- féminine (trois femmes pour deux hommes) est constante dans
forme ». Les trois actes décrits de la crise comportaient la décharge, toutes les séries. Les formes bilatérales sont rares, 1 à 2 % des cas,
la contracture réflexe et le temps végétatif. et n’évoluent pas en parallèle.

Présentation clinique
Épidémiologie
Dans sa forme typique, le diagnostic est aisé, reposant sur les
L’incidence de la maladie est de cinq nouveaux cas par an pour quatre éléments cliniques suivants.
100 000 habitants [1] . Il existe de rares observations familiales ; Har-
ris en dénombre 30 sur 2500 cas étudiés [6] . Il s’agit d’une maladie Qualité de la douleur
de l’âge moyen et de la sénescence, la douleur survenant trois Elle est intense et paroxystique, procédant par éclairs doulou-
fois sur quatre après l’âge de 50 ans ; le début tardif après 70 ans reux, à type de décharges électriques, parfois de broiements et
n’est cependant pas rare. Les formes juvéniles doivent être tenues arrachements, plus rarement de brûlures. Ces éclairs sont brefs,
pour suspectes de névralgie secondaire, en particulier dans le cadre de l’ordre de la seconde ; ils peuvent se grouper en salves pour
de pathologies démyélinisantes et tumorales. La prédominance constituer des accès de une à deux minutes. La fréquence des accès

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17-023-A-80  Aspects cliniques et thérapeutiques des névralgies essentielles du trijumeau et du glossopharyngien

1 2

3
4

6
7 A B
Figure 4. Vue anatomique supérieure du trijumeau (droit), au niveau du cavum de Meckel (après résection de son toit) et de l’angle pontocérébelleux
(dissection faite au laboratoire d’anatomie de l’université Lyon 1). Le ganglion trigéminal de Gasser est contenu dans une loge fibreuse durale : le cavum de
Meckel. Ce dernier est formé par un diverticule de la dure-mère de la fosse cérébrale postérieure, lequel s’insinue entre les deux feuillets dure-mériens de
la fosse cérébrale moyenne. Ce diverticule contient dans ses portions postérieure et moyenne, principalement en regard du plexus triangulaire, du liquide
cérébrospinal, la gaine arachnoïdienne de la racine se prolongeant en « doigt de gant » dans le cavum pour former la citerne trigéminale. L’orifice postérieur du
cavum est délimité en dessous par l’incisure de Grüber qui correspond à l’empreinte de la racine sur l’arête pétreuse, et en dessus par la grande circonférence
de la tente du cervelet, laquelle contient le sinus pétreux supérieur (réséqué sur cette vue anatomique).
A. Le ganglion trigéminal (4) est de forme sémi-lunaire. Il présente un bord antérieur convexe où arrivent les trois branches périphériques (1. V2 ; 2. V2 ; 3.
V3) et un bord postérieur concave qui se prolonge en arrière par une zone faisant transition avec la racine sensitive (5) : le plexus triangulaire. La racine du
trijumeau, située dans la citerne de l’angle pontocérébelleux, présente trois contingents qui sont clairement distincts au niveau de la zone de pénétration
dans le pont : la pars minor (6), supéromédiale, qui correspond à la racine motrice dont les fibres sont destinées aux muscles de la mastication ; la pars major
(7), inférolatérale, sensitive, principalement thermoalgésique ; et entre les deux la pars intermediaris, laquelle contient quelques radicelles qui véhiculent
principalement la sensibilité cornéenne.
B. Le contingent moteur de la racine trigéminale, encore appelée racine motrice, émerge du pont en situation supéromédiale par rapport à la racine sensitive
(ici sectionnée) (6), après un trajet cisternal (5) elle pénètre dans le cavum médialement à la racine sensitive, puis lui devient inférieur. Dans le cavum, la
racine motrice court souvent dans un dédoublement de la paroi inférieure. Enfin elle rejoint la branche mandibulaire (V3) pour sortir du crâne par le foramen
ovale (1).

détermine la gravité de l’affection, de cinq à dix par jour dans Conditions de déclenchement de la douleur
les formes bénignes jusqu’à des accès subintrants dans les formes La plus habituelle est l’excitation directe d’un territoire cutané,
graves. L’intensité de la douleur est toujours très grande, décrite plus rarement muqueux, appelé « zone gâchette » (trigger-zone).
comme insupportable. Au cours des accès, le malade s’immobilise Cette zone d’étendue limitée siège le plus souvent dans le ter-
dans une attitude figée cessant toute activité ; l’hémiface est sou- ritoire douloureux : pli nasogénien, lèvre supérieure, houppe du
vent crispée réalisant le « tic douloureux ». Au décours des accès menton, lèvre inférieure. L’attouchement, le frôlement superficiel
violents, il peut se produire des phénomènes vasomoteurs à type des téguments, le contact de la langue sur la muqueuse, sont les
de rougeur des téguments, congestion de l’œil ou de la muqueuse stimulations les plus efficaces ; les sensations thermiques et dou-
nasale. Les crises sont suivies d’une période réfractaire de une à loureuses sont en règle inefficaces, de même que la pression forte
deux minutes où rien ne vient déclencher la douleur. Dès que la de la zone gâchette. Parfois les malades tentent de prévenir les
douleur dure, qu’elle devient brûlure ou gêne et non décharge accès par une forte pression, alors qu’ils évitent toutes les stimu-
électrique, il faut se méfier d’une neuropathie trigéminale de lations de type rasage, toilette, brossage des dents, maquillage.
mécanisme différent. La provocation des accès peut être aussi indirecte, par la parole,
la mimique, le rire ou l’alimentation. Ceci explique l’attitude par-
ticulière de ces malades qui restent immobiles et parfois même
Topographie de la douleur réduisent leur alimentation. Les accès nocturnes sont rares, pro-
Elle est unilatérale, toujours strictement localisée au territoire bablement du fait de la rareté des stimuli déclenchants la nuit.
du trijumeau et le plus souvent limitée, tout au moins au début Chaque accès douloureux est suivi d’une période réfractaire
de l’affection, à l’une des branches du trijumeau. II s’agit dans la de quelques minutes, que les malades mettent à profit pour
majorité des cas du maxillaire (V2). La douleur siège en général s’alimenter, parler, faire leur toilette, etc.
dans le territoire sous-orbitaire, prenant naissance au niveau de la
lèvre supérieure, du pli nasogénien, de l’aile du nez ou de la gen- Négativité de l’examen neurologique
cive supérieure. Est également fréquemment atteint le territoire C’est le quatrième élément, indispensable au diagnostic.
mandibulaire (V3). La douleur est souvent limitée au territoire L’examen est souvent rendu difficile par l’appréhension du
du nerf mentonnier ; elle siège à la houppe du menton, la lèvre malade pour lequel même l’interrogatoire est pénible. L’examen
inférieure, le territoire dentaire inférieur. L’atteinte du nerf auricu- a pour but de vérifier l’absence de tout signe neurologique défi-
lotemporal avec douleurs de la tempe est plus rare, de même que citaire, qu’il s’agisse de la sensibilité de la face, en particulier de
la névralgie limitée à l’hémilangue (nerf lingual). La névralgie iso- la cornée ou du V moteur (paralysie masticatrice), ainsi que des
lée de la branche ophtalmique (V1) s’observe dans moins de 10 % autres nerfs crâniens (facial, glossopharyngien, cochléovestibu-
des cas ; elle siège en général dans le territoire sus-orbitaire. Cette laire, moteurs oculaires).
localisation est fréquemment celle des névralgies secondaires et La recherche d’un syndrome pyramidal, cérébelleux ou d’une
nécessite une exploration systématique en IRM. atteinte sensitive plus étendue fait également partie de l’examen

4 EMC - Neurologie
Aspects cliniques et thérapeutiques des névralgies essentielles du trijumeau et du glossopharyngien  17-023-A-80

Enfin, un critère essentiel est la réponse nette de la névral-


1 gie à la carbamazépine au moins temporairement et au début de
2 l’affection (+++).
3 4 Plus une douleur faciale s’éloigne de ces critères, plus le diag-
nostic de névralgie essentielle doit être tenu pour suspect.

V1 Formes cliniques
Certaines formes peuvent poser un problème diagnostique car
s’éloignant de la présentation clinique habituelle.
V2
Vm V3 Névralgies trigéminales atypiques
La névralgie trigéminale essentielle peut revêtir un aspect aty-
5 6 7 8 pique, caractérisé par l’association, aux douleurs paroxystiques,
Figure 5. Somatotopie du trijumeau. Schéma des fibres sensitives. Elles d’un fond douloureux permanent à type de douleurs tensives
sont disposées suivant une somatotopie nette en rétrogassérien, puis ont et/ou de brûlures profondes. La composante paroxystique peut
tendance à se regrouper selon leur modalité fonctionnelle au niveau jux- passer au second plan, voire même être absente surtout si le
taprotubérantiel. C’est ainsi que les fibres thermoalgésiques se placent patient est sous traitement médicamenteux. Il est fondamental
préférentiellement en inférolatéral, c’est-à-dire dans la pars major, pour se d’en rechercher l’existence par l’interrogatoire, au moins en début
rendre ensuite par le tractus descendant dans le noyau spinal, et que les d’affection avant l’instauration des anticonvulsivants. Pour éta-
fibres épicritiques et proprioceptives se placent en supéromédial, c’est- blir le diagnostic, l’épreuve d’arrêt du traitement anticonvulsivant
à-dire dans la pars intermediaris (comme les fibres cornéennes) pour peut être légitime. Elle se solde généralement par la réapparition
se rendre dans le noyau principal pontique. Cette disposition explique de la composante paroxystique avec ses décharges électriques.
l’analgésie sans anesthésie tactile complète et sans anesthésie cornéenne Cette névralgie trigéminale atypique doit être clairement
que la section sélective de la pars major lors de la radicotomie partielle distinguée de « l’algie faciale atypique » dont les caractères sémio-
juxtaprotubérantielle de la pars major permet d’obtenir. Les fibres pro- logiques sont présentés (cf. infra). Cette distinction est cruciale sur
prioceptives et myotatiques du V, issues pour la plupart des muscles le plan thérapeutique. « L’algie faciale atypique » n’est pas signi-
masticateurs, après avoir cheminé de façon rétrograde dans la pars minor, ficativement influencée par les médicaments anticonvulsivants.
c’est-à-dire la racine motrice, forment le tractus mésencéphalique pour De surcroît, les patients porteurs « d’algie faciale atypique » ne
se terminer dans le noyau mésencéphalique. Les cellules de ce noyau doivent pas être traités chirurgicalement.
envoient des fibres sur le noyau moteur (pontique) et jouent un rôle Une classification récente, celle de Burchiel [8] , différencie les
d’information dans la régulation des neurones moteurs dont les axones névralgies primaires en type I, lorsqu’il n’y a pas d’atypies ou
se regroupent pour emprunter la racine motrice. 1. Noyau mésencépha- lorsque celles-ci sont estimées à moins de 50 % de la présenta-
lique ; 2. noyau moteur ; 3. noyau principal ; 4. pédoncule ; 5. tractus vers tion clinique, et en type II, lorsque les manifestations atypiques
le noyau spinal ; 6. moelle ; 7. bulbe ; 8. pont. sont supérieures à 50 %. Pour notre part, nous préférons garder la
classification de notre mentor, Sweet [9, 10] : névralgies trigéminales
typiques lorsque les douleurs sont purement névralgiques, c’est-
systématique. La constatation du moindre signe déficitaire en à-dire paroxystiques, névralgies trigéminales atypiques lorsqu’il
dehors d’une crise doit faire évoquer le diagnostic de névralgie existe un fond douloureux associé – qu’il soit prédominant ou
secondaire, jusqu’à preuve du contraire. non [11] . Pour ces formes atypiques, et ces formes seules, nous les
Les formes bilatérales sont rares, moins de 2 %. Chaque côté qualifions d’atypiques de type I lorsque la composante atypique
évolue pour son propre compte avec des accès asynchrones. La représente moins de 50 % des manifestations douloureuses, et
bilatéralité doit faire évoquer une névralgie secondaire par sclérose d’atypiques de type II lorsque la composante atypique représente
multiloculaire ou malformation de la base du crâne, en particulier. plus de 50 % de celles-ci.
La fréquence de la névralgie trigéminale atypique est diver-
sement évaluée selon les séries. Dans notre série « chirurgicale »
Évolution globale, de quelque 6000 patients opérés sur 25 ans, au moment
La névralgie essentielle du trijumeau évolue sur un mode où ceux-ci étaient référés pour la chirurgie (de un à 36 ans après
discontinu, les périodes douloureuses étant séparées par des rémis- le début de l’affection, 6,4 ans en moyenne), 34,5 % d’entre eux
sions spontanées pouvant durer plusieurs mois, tout au moins au avaient une forme atypique. Les crises paroxystiques étaient
début de l’affection. La névralgie du trijumeau n’a pas l’évolution associées à un fond douloureux permanent dans 19,1 % des
rythmée, volontiers saisonnière, de l’algie vasculaire de la face. cas de l’ensemble de la série, à des phénomènes vasomoteurs
Certaines formes restent tolérables avec des accès peu intenses, dans 10,5 %, et aux deux types de manifestations atypiques
peu fréquents dans la journée et de longues accalmies. L’évolution dans 4,9 %.
se fait généralement vers l’aggravation avec des rémissions de plus
Névralgies trigéminales avec participation vasomotrice
en plus courtes et des décharges de plus en plus fréquentes dans les
périodes douloureuses. Au cours de son évolution, la névralgie du Dans certaines névralgies trigéminales essentielles authen-
trijumeau tend à prendre un caractère atypique et à devenir per- tiques, l’accès douloureux se poursuit par une douleur faciale
manente, voire même à évoluer vers des états de mal subintrants, continue pendant quelques minutes, à type de chaleur ou de brû-
effroyables s’ils ne sont pas traités énergiquement. lure, avec rougeur contemporaine de l’hémiface, larmoiement et
rhinorrhée. Cet accompagnement est assez fréquent lorsque la
douleur irradie dans le territoire de l’ophtalmique. Ces formes sont
Pour retenir le diagnostic de névralgie difficiles à distinguer des algies vasculaires de la face, car la phase
trigéminale essentielle végétative peut être identique, réalisant le tic-cluster. Qui plus est,
l’algie vasculaire peut coexister avec une authentique névralgie
Loeser [7] recommande les sept critères suivants : trigéminale. Le test thérapeutique à la carbamazépine est donc
• douleur à type d’éclair électrique, intense, brève, superficielle ; des plus utiles à l’établissement des diagnostics respectifs.
• indolence entre les accès ;
• territoire strictement unilatéral ; Formes vieillies de la névralgie trigéminale essentielle
• douleur strictement limitée au territoire d’une ou plusieurs Ces formes sont celles auxquelles le neurochirurgien est sou-
branches du trijumeau ; vent confronté. En évoluant, la névralgie a tendance à perdre
• début et fin brutaux de l’accès ; ses caractères paroxystiques et évoluer vers un fond douloureux
• existence d’une zone gâchette aux stimuli non nociceptifs ; continu. Ce dernier peut prédominer dans la description qu’en fait
• absence de déficit sensitif objectif. le malade et seul l’interrogatoire dirigé peut mettre en évidence les
On peut y adjoindre l’âge du malade, souvent supérieur à 60 ans. paroxysmes et le caractère provoqué, si essentiels au diagnostic. Il

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17-023-A-80  Aspects cliniques et thérapeutiques des névralgies essentielles du trijumeau et du glossopharyngien

est également possible d’observer une hypoesthésie ; celle-ci doit Imagerie


être vérifiée par plusieurs examens car elle n’est souvent liée qu’à
Elle tient une place capitale : orthopantomogramme, radiogra-
la proximité du dernier accès douloureux.
phies simples des sinus de la face, scanner tomodensitométrique
Névralgie trigéminale après chirurgie du trijumeau avec coupes minces et fenêtres osseuses pour l’étude fine des struc-
La persistance de la névralgie ou une récidive peuvent sur- tures osseuses de la base du crâne en cas de suspicion de lésion
venir après chirurgie, et la sémiologie ne permet alors plus de osseuse, et surtout IRM.
retrouver de critères cliniques aussi stricts. La récidive est très fré- L’IRM dans sa forme standard doit tout d’abord éliminer une
quente après alcoolisation du nerf ou chirurgie sur les branches névralgie secondaire. Pour cela, il faut qu’elle puisse mettre en
périphériques. De façon générale, les techniques lésionnelles évidence les éventuelles pathologies suivantes :
quelles qu’elles soient, percutanées ou radiochirurgicales stéréo- • une malformation de la base du crâne et/ou de la charnière
taxiques, c’est-à-dire celles qui altèrent les fibres trigéminales, occipitocervicale, en particulier une malformation d’Arnold-
produisent généralement une hypoesthésie plus ou moins impor- Chiari ;
tante dans le territoire des fibres ciblées par la lésion, et parfois • une sclérose multiloculaire, de même que toute lésion du tronc
des paresthésies, voire des dysesthésies. Si la destruction des fibres cérébral, qu’elle soit inflammatoire, tumorale, vasculaire ou
était trop poussée, s’ensuivrait une anesthésie ou hypoesthésie ischémique ;
douloureuse. Ce syndrome, qui réalise une sorte de « trijumeau • une néoformation tumorale, une malformation artérioveineuse
fantôme » et rentre dans le cadre des douleurs neuropathiques, est ou un anévrisme géant de l’angle pontocérébelleux ou du sinus
toujours extrêmement pénible par son intensité et sa permanence. caverneux ;
De surcroît, il est de traitement difficile. Heureusement, ce type • une tumeur du cavum de Meckel et/ou de la loge parasellaire ;
de syndrome n’apparaît que rarement si la chirurgie lésionnelle • une pathologie de la fosse cérébrale moyenne et/ou de l’apex
est faite avec modération. orbitaire, ainsi que du massif facial.
À titre d’illustration, indiquons que les névralgies secon-
daires représentaient 3,6 % du total de nos quelque 6000 patients
Bilan devant un tableau de névralgie adressés au cours des 35 années passées pour traitement neurochi-
trigéminale rurgical de leur névralgie.
Si l’imagerie IRM standard permet de dépister une éventuelle
La première étape est de s’assurer que la douleur faciale soit bien cause à la névralgie, c’est-à-dire la faire classer comme secon-
une névralgie du trijumeau. Cela est facile si les manifestations cli- daire et traiter comme telle, elle n’est pas suffisante pour étudier
niques sont typiques, mais plus difficile en cas d’atypies d’emblée finement l’anatomie des nerfs de l’angle pontocérébelleux. La
ou si la névralgie est devenue atypique en vieillissant. Il est capital détection des conflits vasculonerveux requiert une imagerie à
de rechercher par l’interrogatoire si les antalgiques de type anti- haute résolution (c’est-à-dire millimétrique) [12–17] . L’IRM doit
convulsivant (carbamazépine, clonazépam, gabapentine, etc.) ont comporter – selon nous – les trois séquences spéciales suivantes
été nettement efficaces ou non, au moins au début, y compris si en association [18] (Fig. 6A à C, 7A à C).
le traitement a dû être interrompu précocement pour intolérance. • La séquence 3D T2 haute résolution donne des images fines avec
Cela est pour nous d’une très grande valeur indicative sinon un un bon contraste entre le liquide cérébrospinal (en hypersi-
véritable test diagnostique. gnal) d’une part et les structures vasculaires et nerveuses (en
Il faut ensuite que toutes les causes de névralgies symptoma- hyposignal) d’autre part, réalisant une véritable cisternogra-
tiques (c’est-à-dire secondaires) aient bien été éliminées par des phie. Cette séquence porte un nom différent selon la machine
bilans odontostomatologique, oto-rhino-laryngologique, ophtal- utilisée : constructive interference in steady-state (CISS), fast ima-
mologique et neurologique appropriés. ging employing steady-state acquisition (FIESTA), driven equilibrium
Enfin, une IRM encéphalique s’impose, non seulement pour (DRIVE). La limite de cette séquence 3D T2 haute résolution
identifier la cause d’une névralgie, alors secondaire, mais aussi est l’absence de différenciation entre vaisseaux et nerfs ; c’est
– pour les névralgies primaires – pour la recherche de facteurs pourquoi elle doit être complétée par les séquences suivantes.
anatomiques responsables qui pourraient l’expliquer, et éventuel- • La séquence 3D time-of-flight–angiographie par résonance
lement être levés dans le cadre d’une chirurgie « conservatrice ». magnétique (3D TOF-angio) visualise en hypersignal les vais-
seaux à haut flux, nommément les artères, surtout si la séquence
Avis spécialisés inclut un filtre de présaturation.
Il importe que les lésions à l’origine de douleurs simu- • La séquence 3D T1 avec injection de gadolinium met en
lant une névralgie trigéminale ou responsables d’une névral- évidence (en hypersignal) toutes les structures vasculaires, c’est-
gie secondaire soient identifiées. C’est pourquoi des avis à-dire non seulement les artères mais aussi les veines. Ainsi, par
spécialisés – odontostomatologique, ophtalmologique, oto-rhino- la comparaison des images des deux dernières séquences est-il
laryngologique et/ou neurologique, selon la topographie des possible de différencier les veines des artères et d’identifier pré-
douleurs, sont nécessaires. cisément les compressions vasculaires responsables de conflits
Les lésions périphériques sont généralement de diagnostic vasculonerveux [18, 19] .
évident. Sinusites, glaucomes et iridocyclites peuvent prendre le La fiabilité de l’exploration IRM à haute définition, lorsqu’elle
masque d’une algie vasculaire mais rarement celui d’une névralgie comporte l’association des trois séquences, est forte. C’est ainsi
trigéminale. Les troubles de l’articulé dentaire, l’arthrite tem- qu’une étude prospective récente, comparant les données de cette
poromandibulaire peuvent simuler de loin la névralgie, mais il imagerie aux données opératoires, dans 100 cas consécutifs, éta-
existe des signes associés articulaires (craquement, ressauts), mus- blissait que la sensibilité de l’exploration était de 96,7 % et sa
culaires (myalgies temporales) ou dentaires. Les tumeurs de la face spécificité de 100 %. Qui plus est, une telle exploration IRM per-
donnent des douleurs, le plus souvent continues, qui souvent mettait de prédire le type de vaisseau(x) responsable(s) dans 88 %
empruntent le territoire du V. des cas, la localisation le long de la racine et le siège autour de la
Les algies dentaires (caries, granulomes apicaux, etc.) prêtent racine dans 85,7 et 84,6 % respectivement et, encore plus impor-
rarement à confusion, surtout lorsque leur traduction radiolo- tant, le degré de compression/distorsion/indentation de la racine
gique (orthopantomogramme, etc.) est évidente. par le vaisseau conflictuel dans 84,6 % des cas, avec un p < 0,01 [18] .
Parfois, une extraction précède le début névralgique, posant Un appareillage IRM 3 T donne des images plus performantes
la question de causalité, ce d’autant que le patient y rapporte qu’un appareillage 1,5 T [20] . Cependant, ce dernier, c’est-à-dire à
l’origine de sa névralgie ; mais un tel mécanisme physiopa- 1,5 T, fournit des renseignements presque aussi fiables, pourvu que
thologique reste bien incertain. Cependant, un nombre non l’examen soit bien fait.
négligeable de patients porteurs d’une authentique névralgie
essentielle arrivent édentés. La raison en est la demande pres- Données d’observation anatomopathologiques
sante du patient, tant la douleur était intolérable et rapportée « aux Les constatations opératoires faites chez les patients ayant eu
dents ». un abord direct de la racine trigéminale font état, d’après la

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Aspects cliniques et thérapeutiques des névralgies essentielles du trijumeau et du glossopharyngien  17-023-A-80

A B C

D E

1
1
2

3 3

F G
Figure 6. Imagerie d’un conflit artériel pur par compression de la racine trigéminale (gauche) par l’artère cérébelleuse supérieure.
A à C. Imagerie par résonance magnétique, 1,5 T, à haute résolution, en coupes axiales. Séquence 3D T2 haute résolution (A) montrant la racine surcroisée
par le vaisseau conflictuel, séquence 3D time-of-flight (TOF)-angio (B), et séquence 3D T1 avec gadolinium (C). Noter que le vaisseau conflictuel identifiable
en T2 est non seulement visible en T1 avec gadolinium, mais aussi en TOF, ce qui permet de conclure qu’il s’agit d’un vaisseau à haut flux, c’est-à-dire plutôt
artériel, en l’occurrence l’artère cérébelleuse supérieure.
D. Abord opératoire (rétromastoïdien) pour décompression vasculaire microchirurgicale chez un patient présentant une névralgie trigéminale gauche par
conflit vasculaire.
E à G. Vue sous microscope opératoire du conflit artériel exercé par l’artère cérébelleuse sur la face supérieure de la racine du trijumeau dans la citerne de
l’angle pontocérébelleux (E). L’artère est détachée et écartée de la racine (F), puis maintenue à distance vers le haut par une petite pièce de Téflon® (G).
1. Veine pétreuse supérieure ; 2. artère cérébelleuse supérieure ; 3. nerf trigéminal.

littérature, d’une compression vasculaire de la racine dans 93 % 37,8 % des cas. Le fait de ne pas les reconnaître tous, et donc de
des cas en moyenne. Dans une série personnelle de 579 patients les traiter tous, pourrait aboutir à un échec ou une récidive après
opérés [21] , 96,7 % avaient un vaisseau en position conflictuelle, traitement.
allant du stade de simple contact dans 17,6 % des cas, à celui En association aux conflits vasculonerveux ont été souvent
d’indentation dans 33,2 %, en passant par celui de déplace- observées d’importantes altérations de la racine. C’est ainsi que
ment, déformation de la racine dans 49,2 % des cas. En d’autres dans notre série, chez 42 % des patients existait une atrophie
termes, seulement 3,3 % des patients de la série ne présentaient globale de la racine, correspondant vraisemblablement à une
aucune compression vasculaire visible à l’exploration opératoire. neuropathie coexistante. Chez 18,2 % des patients existait un
L’agent vasculaire responsable était une dolichoartère cérébelleuse épaississement local de l’arachnoïde, adhésif à la racine. Chez
supérieure (seule ou en association avec un autre [ou plusieurs 12,6 % des patients, la racine faisait une angulation marquée à son
autres] vaisseau[x] conflictuel[s]) dans 88 % des cas, une dolichoar- passage sur le bord supérieur du rocher à sa sortie du cavum de
tère cérébelleuse antéro-inférieure (seule ou en association) dans Meckel. Enfin, dans 3,9 % des cas, la racine était comprimée entre
25,1 % des cas, une veine enchâssée dans la racine (isolément le pont et le rocher du fait de la petitesse de la fosse cérébelleuse
dans 7 % des cas ou en association avec une artère dans 20,5 % postérieure [22] . Toutes ces associations pathologiques doivent être
des cas), une mégadolichoartère vertébrobasilaire (seule ou en prises en considération dans l’indication et lors de la décom-
association) dans 3,5 % des cas. Fait capital, expliquant ces pour- pression chirurgicale du nerf. Une étude fine par IRM permet de
centages dont la somme est supérieure à 100 %, il existait plusieurs prévoir et donc de tenir compte dans la chirurgie de chacune de
vaisseaux conflictuels en association chez le même patient dans ces anomalies.

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17-023-A-80  Aspects cliniques et thérapeutiques des névralgies essentielles du trijumeau et du glossopharyngien

A B C

D E

F G
Figure 7. Imagerie d’un conflit veineux pur par compression de la racine trigéminale (droite) par la veine pontique transverse inférieure, dans une citerne
de l’angle pontocérébelleux de très petite capacité.
A à C. Imagerie par résonance magnétique, 1,5 T, à haute résolution, en coupes axiales. Séquence 3D T2 haute résolution (A) montrant la racine sous-croisée
par le vaisseau conflictuel, séquence 3D time-of-flight (TOF)-angio (B) et séquence 3D T1 avec gadolinium (C). Noter que le vaisseau conflictuel identifiable
en T2 n’est pas visible en TOF mais apparent en T1 avec gadolinium, ce qui correspond à un aspect évocateur d’un conflit veineux.
D. Abord microchirurgical rétromastoïdien en « trou de serrure ».
E à G. Vue sous microscope opératoire du conflit veineux exercé par la veine pontique transverse (flèche) sur la face inférieure de la racine trigéminale droite
à sa sortie du porus du cavum de Meckel (E). Après coagulation de la veine à la pince bipolaire (F), celle-ci a été sectionnée aux microciseaux pour libérer la
racine de sa compression (G). Astérisque : nerf trigéminal.

Diagnostic différentiel ophtalmologique, neurologique et un bilan paraclinique complet


à la recherche d’une cause curable : radiographies du crâne et
Névralgies trigéminales secondaires de la charnière occipitocervicale, tomodensitométrie, IRM, voire
Les névralgies trigéminales secondaires, anciennement dénom- scintigraphie osseuse, éventuellement même artériographie, enfin
mées symptomatiques, sont celles causées par une lésion ponction lombaire avec étude électrophorétique. Dans certains
« structurelle » du trijumeau, généralement identifiable par les cas, l’on peut s’aider d’une étude réflexologique : blink-reflex (c’est-
investigations cliniques et paracliniques. La douleur y est à-dire la boucle trigéminofaciale du clignement) dont la latence
plus continue, moins sensible aux stimuli périphériques qui est allongée dans la névralgie secondaire à la différence de la forme
ne déclenchent pas une décharge mais une allodynie ; elle essentielle.
atteint souvent d’emblée plusieurs branches et particulièrement
l’ophtalmique moins souvent concernée dans la forme essentielle.
Le début peut se faire à n’importe quel âge et toute névralgie sur- Algies vasculaires de la face
venant avant 50 ans est suspecte. Enfin, élément capital, il existe Les algies vasculaires de la face (cluster headache) risquent
assez souvent un déficit sensitif cutanéomuqueux dans le territoire d’être confondues avec les névralgies du trijumeau dans leurs
intéressé, avec fréquemment diminution du cornéen ou atteinte formes atypiques. Dans les formes typiques, tout oppose ces deux
du contingent moteur du trijumeau. affections. L’âge de début est plus précoce et la prédominance
Toute suspicion de névralgie secondaire impose des avis masculine nette. La douleur est pulsatile, brûlante, déchirante. La
spécialisés : odontostomatologique, oto-rhino-laryngologique, topographie est celle de la carotide externe avec fréquemment un

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Aspects cliniques et thérapeutiques des névralgies essentielles du trijumeau et du glossopharyngien  17-023-A-80

Syndrome d’ « hémicrânie paroxystique »

“ Point fort Les crises douloureuses – similaires à celles du syndrome de


cluster headache – sont d’une durée plus courte (2 à 30 min) et
pluriquotidiennes. L’affection touche surtout le sexe féminin et
Définitions répond bien à l’indométacine.
• Névralgies trigéminales Syndrome de « short-lasting unilateral neuralgiform
Elles correspondent à des manifestations douloureuses, headache attacks with conjunctival injection and tearing »
situées dans l’aire d’innervation sensitive du nerf triju- Il est caractérisé par des crises très courtes, orbitaires et uni-
meau. Les douleurs peuvent intéresser un, plusieurs ou la latérales (une à quelques minutes) et nombreuses (3 à 200/j),
totalité des trois territoires du nerf trijumeau. La névral- accompagnées par un larmoiement et une rougeur de l’œil très
gie est caractérisée par des douleurs à type de brèves intenses.
décharges électriques, déclenchées par des stimulations Syndrome de « short unilateral neuralgiform headache with
non nociceptives de la face. Les névralgies trigéminales cranial autonomic features »
peuvent se développer sans cause apparente (névralgie Il est proche du précédent mais peut siéger ailleurs que dans le
primaire) ou résulter de pathologies bien définies (névral- territoire orbitaire.
gies secondaires). Pour les syndromes de short-lasting unilateral neuralgiform hea-
• Névralgie trigéminale classique dache attacks with conjunctival injection and tearing et short unilateral
neuralgiform headache with cranial autonomic features, il faut faire
Anciennement désignée par le terme « tic douloureux », la
un bilan IRM centré sur la région hypophysaire car parfois, on
névralgie trigéminale classique est celle qui se développe
trouve un adénome ou une tumeur. Si, comme le plus souvent,
sans cause apparente autre qu’une compression vascu- la nature en est idiopathique, il faut essayer la lamotrigine et le
laire. Il en existe deux formes sur le plan de la présentation topiramate.
clinique :
◦ la névralgie trigéminale classique typique, purement Douleurs névralgiques particulières
paroxystique ; Elles sont de type névralgique et vraisemblablement en rela-
◦ la névralgie trigéminale classique atypique, avec dou- tion avec des phénomènes d’entrappement de certaines branches
leurs paroxystiques associées à un fond douloureux périphériques du trijumeau.
permanent. • La névralgie nasociliaire (anciennement névralgie de Charlin)
La névralgie trigéminale classique peut être précédée par est déclenchée par l’attouchement de l’aile de la narine et irra-
une période avec douleur continue, qualifiée de prénévral- diée dans la région médiofrontale. Elle peut être atténuée par
gie trigéminale. le bloc anesthésique du nerf nasociliaire ou l’application de
• Neuropathies trigéminales douloureuses cocaïne au niveau de la narine correspondante.
Celles-ci se développent dans le territoire d’une ou de • Les névralgies supraorbitaire ou (plus rarement) infraorbitaire,
linguale, alvéolaire, mentonnière ont un trajet au niveau du
plusieurs branches de division du nerf trijumeau et sont
territoire sensitif correspondant. Elles sont exacerbées par la
causées par un processus lésionnel ayant créé un dom- pression du nerf à son point d’émergence et apaisées par le bloc
mage neuronal. Les douleurs sont hautement variables en anesthésique en ce même point.
qualité et en intensité selon les étiologies et les individus.
Il peut s’y adjoindre un phénomène d’« anesthésie dou- Douleurs névralgiques en dehors du territoire
loureuse ». Les causes les plus fréquentes sont les atteintes trigéminal
zostériennes, les traumatismes, les processus occupants
Névralgie du glossopharyngien
de l’espace, etc., et à part, bien particulière, la sclérose
Cette névralgie, qu’il vaut mieux appeler vagoglossopharyn-
multiloculaire.
gienne (IX–X), est rare : 1 % de la fréquence de la névralgie
trigéminale (cf. infra).
Névralgie du nerf intermédiaire de Wrisberg (VII bis)
maximum rétro-orbitaire et une irradiation en arrière en « branche Elle est extrêmement rare. Son territoire est le fond du conduit
de lunettes » avec une douleur occipitale associée. La durée de auditif externe et la conque de l’oreille. Elle est paroxystique ; sa
l’accès est de une à plusieurs heures, sans aucune rémission. Enfin, principale zone gâchette est la paroi postérieure du conduit auditif
l’évolution est assez caractéristique : par périodes douloureuses de externe. Dans ses formes atypiques, elle peut s’accompagner de
plusieurs semaines, où le malade souffre chaque jour pendant troubles lacrymaux, de la salivation et/ou du goût. Elle peut être
quelques heures, avec un rythme quotidien remarquablement la conséquence d’un zona du ganglion géniculé. Son diagnostic
fixe. La distinction n’est en fait difficile que dans les céphalées différentiel est très difficile avec la forme purement otalgique de
autonomes trigéminales (CAT) [23] , dont les critères ont été révisés la névralgie du IX–X.
par l’International Headache Society (IHS) [24] . Les CAT associent
Névralgie du nerf laryngé supérieur
des douleurs de l’extrémité céphalique et une participation du sys-
tème autonome. Des études en imagerie fonctionnelle suggèrent Elle est très rare. Son siège est la paroi latérale de la gorge, la
l’existence d’une activation de la région hypothalamique posté- région sous-mandibulaire sous le conduit auditif ; elle est déclen-
rieure avec activation du réflexe trigéminoparasympathique, les chée par la déglutition, le cri et le fait de tourner la tête. Elle est
signes cliniques de dysfonctionnement sympathique leur étant de diagnostic difficile avec la forme pharyngée de la névralgie du
secondaires. IX.
Plusieurs grands types de syndromes ont été décrits à côté du Névralgie occipitale
classique cluster headache qui peuvent prêter à discussion avec la Elle est fréquente et caractéristique. Elle correspond au terri-
névralgie trigéminale. toire du grand ou du petit nerf occipital ou encore au troisième
nerf occipital. Elle est déclenchée par la pression à l’émergence
« Cluster-tic »
de ces nerfs au niveau des muscles de la nuque et/ou par la
Déjà cité, il associe les deux types de crises indépendamment rotation–flexion du cou. Elle s’accompagne souvent de paresthé-
ou en succession, la névralgie précédant l’algie vasculaire. Les tests sies et d’allodynie du territoire occipital.
thérapeutiques à la carbamazépine et aux triptans injectables sont
utiles car si la névralgie trigéminale est première, tout disparaît Syndrome « cou–langue »
sous carbamazépine alors que s’il existe une association, il faut Il se caractérise par des douleurs soudaines dans le territoire occi-
associer les deux produits pour des crises différentes. pital ou la partie supérieure du cou, avec une sensation anormale

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17-023-A-80  Aspects cliniques et thérapeutiques des névralgies essentielles du trijumeau et du glossopharyngien

au niveau de la langue, du même côté. Ces douleurs sont commu- Carbamazépine (Tegretol® )
nément déclenchées par la rotation brusque de la tête. Elles La carbamazépine doit être essayée en première intention. La
correspondent aux territoires du nerf lingual et de la deuxième posologie varie selon les patients entre 600 et 1800 mg. La dose est
racine cervicale. déterminée par tâtonnement après une introduction progressive
qui permet de réduire les effets secondaires inauguraux : somno-
Algie faciale atypique lence, ébriété, intolérance digestive. Ceci est particulièrement vrai
chez le sujet âgé où les risques de chutes et d’ataxie sont élevés.
Elle est fréquente et trompeuse. La classification internationale On commence donc par 100 ou 200 mg quotidiens en augmen-
de l’IHS [24] la dénomme « douleur faciale idiopathique persis- tant de 100 mg tous les deux jours. Une dose de 600 à 800 mg,
tante » (persistent idiopathic facial pain) et la décrit par élimination en trois prises, soulage la plupart des patients, mais parfois l’on
comme « une douleur faciale persistante qui n’a pas les caractères doit recourir à des doses plus élevées de 1200, voire 1600 mg.
des névralgies crâniennes autres et ne peut être attribuée à aucun Les concentrations plasmatiques se situent entre 6 et 12 mg/l.
désordre identifié ». La permanence de la douleur, la zone limitée L’utilisation des formes retards ne change pas grand-chose ; globa-
souvent au pli nasogénien, parfois au sinus frontal ou maxillaire, lement les patients préfèrent la forme simple. Le métabolisme du
ou à une région dentaire (odontalgie sine materia), ainsi que la produit va varier avec le temps avec une demi-vie d’élimination
négativité du bilan clinique et paraclinique en font une entité qui passe de 40 heures en moyenne à 15 heures après trois mois.
bien différente (+++). De nombreuses interactions médicamenteuses ont été décrites :
perte d’efficacité des contraceptifs oraux, augmentation toxique
des doses avec le dextropropoxyphène et l’érythromycine, etc.
Critères diagnostiques de la névralgie L’efficacité du produit est rapide, appréciable dès les premiers
trigéminale essentielle, c’est-à-dire classique jours du traitement, constituant véritablement un test diagnos-
tique. Globalement dès les 8 premiers jours, 60 % des patients
Les critères diagnostiques de la névralgie trigéminale essentielle, voient disparaître leur douleur, 20 % sont améliorés et 20 %
qualifiée de « classique » selon la classification de l’IHS (ICHD-3) résistent. À long terme, les résultats sont plus décevants, néces-
sont les suivants [24] : sitant des réajustements de posologie, en particulier lors des
• A : crises douloureuses, strictement unilatérales, faciales, et poussées évolutives de la maladie. Dans certains cas, il existe un
répondant aux critères B et C ; réel épuisement thérapeutique conduisant soit à un changement
• B : les douleurs intéressent le territoire d’une, plusieurs ou la d’antiépileptique, soit à l’adjonction d’un deuxième produit.
totalité des trois divisions du nerf trijumeau, sans irradiation Dans une étude rétrospective sur 143 sujets suivis de 5 à 16 ans,
aucune au-delà de l’aire d’innervation sensitive du trijumeau ; le taux d’échec était de 25 %, de rechutes à quatre ans de 13 % et
• C : la douleur présente au moins trois des quatre caractéristiques d’intolérance grave à type rash cutané de seulement 5 % [27] .
suivantes : La carbamazépine n’a pas d’effet net sur les algies vasculaires
◦ crises paroxystiques durant d’une fraction de seconde à ou les algies idiopathiques. En revanche, elle peut être active sur
quelque deux minutes, les névralgies trigéminales secondaires, en particulier celles de la
◦ d’une intensité sévère, sclérose multiloculaire.
◦ aiguës, à type de décharges électriques, La contrainte de la carbamazépine est représentée par ses
◦ provoquées par l’attouchement ou plus largement des sti- effets secondaires : nausées, ébriété, somnolence, fatigue, diplo-
mulations non nociceptives, du même côté de la face, pie, ataxie, nystagmus, parfois dysarthrie, quelquefois troubles
en particulier de certaines zones qualifiées de « zones cognitifs. Les complications sévères comme l’hyponatrémie,
gâchettes » ; l’agranulocytose, le lupus érythémateux aigu disséminé et le
• D : pas de déficit neurologique cliniquement évident ; « rash » cutané sont rares, mais nécessitent une surveillance par-
• E : absence d’étiologie décelable (autre qu’une possible ticulière. Les complications sont idiosyncrasiques, indépendantes
compression neurovasculaire). de la dose, de type allergique, pouvant survenir dans des délais
Dans les commentaires du chapitre de l’IHS, il est dit qu’à variables d’un à 20 mois, non liées à la durée ou à la posologie
côté de la forme typique de la névralgie trigéminale classique, du traitement. Les troubles hématologiques : anémie mégaloblas-
existe une forme de névralgie trigéminale atypique. Cette der- tique, aplasie ou agranulocytose peuvent survenir précocement,
nière se caractérise par le fait qu’entre les paroxysmes, le patient ce qui nécessite une surveillance de la formule sanguine au bout
ressent une douleur de fond, plus profonde. D’après l’ICHD-3 [24] , d’un mois, puis au moins tous les six mois. Les intolérances
il est conseillé de dénommer la névralgie trigéminale atypique : cutanées sont rares mais parfois graves, imposant l’abandon du
« névralgie trigéminale classique avec fond douloureux persis- traitement. Il s’agit souvent d’exanthème morbilliforme et urti-
tant ». cariant apparaissant vers le septième jour de traitement, parfois
Que la forme soit typique ou atypique, la névralgie trigéminale d’un syndrome d’hypersensibilité avec signes cutanés, hyperther-
classique répond généralement bien, au moins au début, à la phar- mie, adénopathie, lymphocytose, éosinophilie, imposant un arrêt
macothérapie anticonvulsivante, à la différence de « l’algie faciale d’urgence. Les atteintes hépatiques sont principalement biolo-
atypique ». giques, de type cytolytique. Les études contrôlées signalent 10 %
de nécessité d’arrêt pour intolérance. Les traitements prolongés
peuvent donner des signes d’intoxication chronique, progres-
Traitement sive et sournoise, comportant apathie, désintérêt, troubles de
Traitement médical l’attention, ralentissement psychomoteur, troubles mnésiques et
quelquefois des effets endocriniens et métaboliques : diminution
L’histoire du traitement médical de la névralgie du trijumeau des hormones thyroïdiennes, hypersécrétion de vasopressine avec
débute dès le XVIIe siècle avec un nombre extraordinaire de trai- hyponatrémie.
tements dont : poisons (arsenic, ciguë), opiacés, galvanothérapie, Toutes ces contraintes ne remettent cependant pas en question
etc., dont les seuls résultats positifs correspondaient en fait à la l’efficacité remarquable de la carbamazépine, qui reste le traite-
rémission spontanée des douleurs. ment de première option.
L’hypothèse d’une activité paroxystique dans les noyaux tri-
géminaux formulée par Trousseau dès 1853 n’a été validée Oxcarbazépine (Trileptal® )
pharmacologiquement qu’en 1924 avec l’introduction de la Les complications rencontrées avec la carbamazépine ont
diphénylhydantoïne par Bergouignan [25] puis de la carbamazé- conduit à l’adoption de l’oxcarbazépine [28] qui ne nécessite
pine en 1962 par Blom [26] . Les autres produits, essentiellement aucune surveillance hépatique ou hématologique systématique.
utilisés en cas d’échec ou d’intolérance à la carbamazépine, sont Il n’est pas non plus nécessaire de pratiquer des dosages plasma-
représentés par le clonazépam, le baclofène, l’acide valproïque tiques systématiques comme il est conseillé de le faire avec la
et plus récemment les nouveaux antiépileptiques oxcarbazépine, carbamazépine lorsque l’on constate somnolence, dysarthrie ou
lamotrigine, gabapentine et prégabaline. ataxie ou nystagmus. L’oxcarbazépine est débutée avec une dose

10 EMC - Neurologie
Aspects cliniques et thérapeutiques des névralgies essentielles du trijumeau et du glossopharyngien  17-023-A-80

de 600 mg/j en deux prises ; elle peut être augmentée jusqu’à 1200, baclofène ou un second antiépileptique comme le topiramate ou
voire 2400 mg dans les névralgies particulièrement réfractaires. Le la lamotrigine. En cas d’intolérance ou pour les formes qui exigent
risque d’hyponatrémie est identique à celui de la carbamazépine des doses de carbamazépine supérieures à 1 g, on peut essayer les
et doit être surveillé chez les sujets âgés. nouveaux antiépileptiques sans que la littérature ait établi une
hiérarchie claire dans le choix : probablement la lamotrigine ou la
Autres antiépileptiques
prégabaline en première intention, puis le topiramate ou le lévé-
• La diphénylhydantoïne (Di-Hydan® ) (300 mg/j) est pratique- tiracétam, etc. Dans notre expérience, il est rare qu’une névralgie
ment abandonnée à cause de ses effets secondaires : ataxie, non contrôlée par des doses correctes de carbamazépine le soit par
nystagmus, syndrome cérébelleux, gingivite hypertrophique, ces nouveaux produits ; et le plus souvent c’est la solution chirur-
etc. Cependant, lors des états de mal, le Dilantin® intraveineux gicale qui est adoptée. Lorsqu’un bon résultat initial échappe à
(3 à 5 mg/kg) peut être utilisé en continu à la pompe avec la carbamazépine, on choisit une add-on thérapie avec baclofène,
contrôle des taux sanguins comme dans l’état de mal épilep- nouveaux antiépileptiques, tricycliques, etc.
tique. La fosphénytoïne (Prodilantin® ) en intraveineuse avec Comme l’évolution de la maladie n’est pas linéaire tout au long
des doses de 150 mg/min peut être préférée du fait d’un moindre de la vie, on peut passer des caps en renforçant le traitement, et
risque d’intolérance cardiaque ou veinotoxique. retrouver ensuite une efficacité avec des doses « raisonnables ».
• Le clonazépam (Rivotril® ) [29] à une dose de 2 à 6 mg/j peut être Beaucoup de patients sont équilibrés avec des doses moindres
utilisé dans les états de mal, en perfusion avec une seringue que l’on réduit très progressivement après disparition des
autopulsée (SAP) (une ampoule de 1 mg/6 h). Les effets secon- décharges pour maintenir une « couverture » la plus basse possible
daires à type de somnolence sont habituels. Par ailleurs, aucune avec même possibilité d’arrêt après plus de 1 an de sédation. Une
étude contrôlée ne valide une administration par voie orale drogue devenue inefficace peut retrouver son efficacité quand elle
pourtant largement répandue en France. L’administration ne est réintroduite après quelques mois. Il serait faux de prétendre
peut se faire que sur ordonnance sécurisée par un neurologue. qu’une dose élevée et durable de carbamazépine n’a aucun effet
• Le valproate de sodium (Depakine) [30] , acide gamma- secondaire. C’est pourquoi l’efficacité chirurgicale est à mettre en
aminobutyrique (GABA)-agoniste, entre 900 et 1200 mg, balance avec les effets secondaires obligés des antiépileptiques.
est peu utilisé et peu efficace. Les contraintes de surveillance Dans l’état de mal névralgique, l’urgence est de faire céder une
sont hépatiques. Il existe des risques importants de tératogenèse douleur suicidaire ; il faut alors recourir aux produits en perfusion
lors de la grossesse. (clonazépam, Prodilantin® , voire lidocaïne). Ceci permet ensuite
• Les nouveaux antiépileptiques n’ont pas l’autorisation de mise une titration correcte des antiépileptiques oraux. Si le contrôle
sur le marché dans cette indication ; mais plusieurs ont été médical n’est plus possible, l’indication opératoire s’impose.
essayés et méritent d’être utilisés en cas d’échappement ou Dans la névralgie « vieillie », qui comporte une composante
d’intolérance à la carbamazépine. douloureuse continue, l’approche combine les antiépileptiques
◦ La gabapentine (Neurontin® ) peut être prescrite à des doses et les antidépresseurs, comme dans toute douleur neuropathique
variant entre 1800 mg et 3 g/j, comme dans son indica- rebelle.
tion reconnue pour les douleurs neuropathiques. Les effets Dans la névralgie comportant une composante végétative
secondaires sont modérés : somnolence, fatigue, lenteur allant parfois jusqu’aux formes frontières de tic-cluster, il est
intellectuelle, et atténués par une introduction très progres- intéressant d’essayer les triptans ou les produits bêta- ou calcium-
sive sur 1 mois. bloqueurs (Avlocardyl® , Isoptine® ) ou les produits agissant sur
◦ La prégabaline (Lyrica® ) comme la gabapentine agit égale- cette composante comme les anti-inflammatoires non stéroïdiens
ment sur les canaux calciques voltage-dépendants, avec des (AINS), l’indométacine, voire les corticoïdes en courtes cures ; l’on
effets très proches, mais à des doses de 600 à 900 mg/j, qui peut également essayer un bloc du ganglion sphénopalatin.
peuvent être atteintes rapidement en 1 semaine. Son effica- En conclusion, la résistance de la névralgie aux traitements
cité un peu supérieure et une titration rapide tendent à la médicamenteux bien conduits, ou la survenue d’effets secondaires
faire préférer à la gabapentine. À noter qu’il n’existe aucune indésirables persistants, conduisent à la solution neurochirurgi-
étude contrôlée pour la névralgie trigéminale. cale.
◦ Le topiramate (Epitomax® ) peut être utilisé entre 150 et
300 mg/j en cas d’échappement à la carbamazépine. Les effets
secondaires sont rares, de types cognitifs et comportemen- Traitement neurochirurgical de la névralgie
taux (dépression, psychose) ; fréquemment l’on observe une trigéminale essentielle
perte de poids et des paresthésies. L’efficacité, dans une méta- L’essentiel des données de la littérature concernant les traite-
analyse récente de la Cochrane, paraît équivalente à celle de ments neurochirurgicaux de la névralgie trigéminale est rapporté
la carbamazépine [31] . dans la monographie publiée en 2009 par la Société de neu-
◦ La lamotrigine (Lamictal® ) est un bloqueur des canaux rochirurgie de langue française et intitulée « Neurochirurgie
sodiques et antagoniste du glutamate. Elle peut être utilisée fonctionnelle dans les syndromes d’hyperactivité des nerfs crâ-
entre 200 et 600 mg dans les névralgies résistantes à la car- niens » par Sindou et Keravel [1] . Un rappel de l’historique et de
bamazépine. Son risque principal est l’allergie cutanée : un l’évolution des idées, ainsi que la description détaillée des tech-
cas de syndrome de Stevens-Johnson-Lyell/sur 1000 cas trai- niques neurochirurgicales actuelles sont donnés dans l’article de
tés. Son introduction doit être progressive, à 50 mg/j avec une l’EMC « Névralgie du trijumeau et neurochirurgie » [2] .
augmentation de 50 mg/semaine. Son utilité est surtout pour Sont successivement considérées les techniques lésionnelles
les algies trigéminales autonomiques de type SUNCT. percutanées et radiochirurgicales, puis la décompression vascu-
◦ Le lévétiracétam (Keppra® ) aux doses fortes de 3 à 4 g/j a été laire microchirurgicale (DVMC).
essayé ponctuellement, avec succès, sur des formes réfrac-
taires. Méthodes lésionnelles percutanées
Médicaments non antiépileptiques Elles sont réalisées par la voie percutanée transovale de Hartel
L’usage de drogues non antiépileptiques a été envisagé [32] . Une (Fig. 8A, B).
analyse récente de la Cochrane en 2011 (Wang et al.) sur tizani- Thermorhizotomie percutanée, rétrogassérienne (Fig. 8C).
dine, tocaïnide et pimozide conclut que les preuves d’efficacité en Cette technique introduite par Kirschner [33] puis modifiée par
comparaison des antiépileptiques sont insuffisantes [31] . Sweet [34] consiste en la thermocoagulation sélective des fibres
rétrogassériennes du trijumeau correspondantes au(x) territoire(s)
Indications douloureux. Une température de 60 à 70 ◦ C appliquée de quelques
La carbamazépine est utilisée d’emblée, le plus souvent dans dizaines de secondes à quelques minutes est capable d’obtenir une
sa forme simple. Il peut aussi être fait appel aux formes retards analgésie sans anesthésie complète du territoire des fibres ciblées.
si elles s’avèrent aussi efficaces ou au Trileptal® plus facile à sur- En effet, la somatotopie des fibres rétrogassériennes permet de pla-
veiller sur le plan hématologique. Si au terme de la titration le cer l’électrode de telle sorte que la thermolésion n’atteigne que
résultat est insuffisant, on ajoute un deuxième produit comme le les fibres correspondant aux territoires douloureux. Pour nous, le

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17-023-A-80  Aspects cliniques et thérapeutiques des névralgies essentielles du trijumeau et du glossopharyngien

2
3

A B

1
5
1 2
3
6
2
4 7
C D E
Figure 8. Méthodes lésionnelles percutanées.
A, B. Approche percutanée du trijumeau par la voie transovale de Hartel. Sous brève anesthésie générale intraveineuse, généralement au propofol, le trocart
traverse successivement la joue, la fosse ptérygomaxillaire, puis le foramen ovale, jusqu’en situation rétrogassérienne dans le cavum de Meckel et sa citerne
trigéminale (2). La trajectoire est contrôlée par radioscopie pour éviter les fausses routes, d’arrière en avant vers : le foramen jugularis, la carotide sous-pétreuse
(4), la carotide au foramen lacerum (3), l’apex orbitaire à travers la fissure orbitaire inférieure puis la carotide juxtaclinoïdienne à travers la fissure orbitaire
supérieure (1).
C. Thermorhizotomie. Après traversée du foramen ovale, l’extrémité dénudée de l’électrode est placée au niveau de la portion rétrogassérienne du trijumeau,
nommément le plexus triangulaire où existe une bonne somatotopie des fibres selon leur provenance : V3, V2, V1. La bonne position au niveau des fibres
correspondant à la trigger-zone est vérifiée par l’évocation de paresthésies à la stimulation électrique, le patient étant éveillé. Puis la thermocoagulation est
faite sous brève anesthésie générale intraveineuse, jusqu’à obtenir une analgésie (testée par la piqûre d’épingle) sans perte complète de la sensibilité au tact
ni abolition du réflexe cornéen. 1. Pars major ; 2. racine trigéminale ; 3. ganglion de Gasser ; 4. nerf masticateur ; 5. nerf ophtalmique (V1) ; 6. nerf maxillaire
(V2) ; 7. nerf mandibulaire (V3). La flèche représente la trajectoire de l’électrode de termocongestion.
D. Compression par ballonnet gonflable. Sous anesthésie générale en raison du caractère douloureux de la procédure, un trocart et sa sonde de Fogarty sont
introduits à travers le foramen ovale (2) jusqu’au sein du cavum de Meckel. Le ballonnet de la sonde est ensuite gonflé sous contrôle radioscopique pendant
une à trois minutes, de façon à comprimer le ganglion de Gasser. Il en résulte généralement une hypoesthésie plus ou moins importante variable selon les
cas, le plus souvent sans anesthésie cornéenne. Noter l’aspect piriforme du ballon gonflé, témoignant de sa bonne localisation (1).
E. Neurolyse par injection de glycérol. Après traversée du foramen ovale, l’extrémité de l’aiguille est placée à l’intérieur du cavum de Meckel. Il s’ensuit une
émission de liquide cérébrospinal. Une injection de produit de contraste iodé doit s’assurer que celle-ci est située dans la citerne trigéminale elle-même. Puis
une solution du glycérol est injectée, le patient étant éveillé, jusqu’à l’obtention d’une hypoesthésie (légère) dans le territoire des douleurs trigéminales.

critère d’efficacité de la thermocoagulation est l’obtention d’une La thermorhizotomie rétrogassérienne, lorsqu’elle est faite avec
analgésie (testée par la piqûre d’aiguille) sans perte complète de précision [37, 38] , et de façon prononcée, permet une analgésie
la sensibilité tactile ni altération de la sensibilité cornéenne, bien durable, et de la seule zone douloureuse. Elle n’a pas de contre-
centrée sur la zone gâchette, et couvrant la totalité du territoire indication d’âge. La technique est très « opérateur-dépendante »,
névralgique. requérant un entraînement spécifique pour éviter effets secon-
La revue de la littérature sur dix séries totalisant 7483 patients daires indésirables et les séquelles invalidantes.
suivis avec un recul de moyen de neuf ans fait état d’une séda- Compression percutanée du ganglion de Gasser par ballon-
tion immédiate dans 94 % des cas en moyenne et du maintien de net (Fig. 8D). Cette technique mise au point par Mullan [39]
l’efficacité à long terme dans 60,4 % des cas (de 20 à 93 % selon consiste en une compression temporaire du ganglion de Gasser
les séries) [35] . Effets secondaires et complications étaient les sui- dans le cavum de Meckel au moyen d’une sonde de Fogarty intro-
vants : hypoesthésie faciale (5 à 98 % des cas selon les séries) et duite par la voie percutanée de Hartel et d’un ballonnet gonflé
déficit masticateur (4 à 24 %) pour les premiers, kératite (1 à 8 %) sous anesthésie générale.
et dysesthésies pénibles/anesthésie douloureuse (0,8 à 7 %) pour La revue de la littérature sur dix séries totalisant 1404 patients
les secondes. La mortalité rapportée était de 1 ‰, par effraction suivis avec un recul moyen de 4 ans fait état d’une sédation immé-
de la carotide [35] . diate dans 96 % des cas en moyenne et du maintien de l’efficacité à
Dans notre série de 2800 patients opérés et suivis avec un recul long terme dans 67 % des cas (de 54,5 à 91,3 % selon les séries) [35] .
allant jusqu’à 28 ans pour les plus anciennement traités (17 ans Concernant les effets secondaires et les complications, il est rap-
en moyenne), le taux de récidives s’est élevé à 7 %. Ce taux portée une hypoesthésie faciale dans 4 à 77 % des cas, et surtout
relativement faible s’explique grâce à la création délibérée d’une une parésie masticatrice plus ou moins durable dans 50 à 66 %
hypoesthésie marquée du territoire névralgique dans la quasi- des cas selon les séries [35] . Le taux de mortalité s’élevait à 2 ‰, par
totalité des cas. Cette hypoesthésie était gênante dans 5 % des cas effraction de la carotide.
et s’accompagnait de dysesthésies ou d’anesthesia dolorosa dans Dans notre série de 121 patients opérés, le taux de séda-
3 % des cas [36] . tion immédiate s’est élevé à 94,2 % ; l’efficacité initiale s’est

12 EMC - Neurologie
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Figure 9. Radiochirurgie stéréotaxique. Cette


figure montre les deux cibles possibles de la radio-
chirurgie stéréotaxique unidose (en une seule
séance) sur des coupes transversales du tronc
cérébral en séquence T2 haute résolution.
A. Cible au niveau de la trigeminal root entry zone.
B. Cible au niveau de la portion cisternale de la
racine. La cible considérée comme la moins dan-
gereuse est la cible cisternale, plus distante du
tronc cérébral. Cercle jaune : courbe d’isodose de
80 Gy ; cercle rouge : courbe d’isodose de 30 Gy.

A B

maintenue chez 58,7 % des patients avec un recul moyen de pements radiochirurgicaux, des cibles, des doses, des reculs des
3,4 ans. Il ne s’est produit une hypoesthésie durable que dans études, selon les équipes, et aussi la façon d’évaluer les résultats,
5,8 % des cas. La série n’a comporté aucune complication à type selon les auteurs.
de kératite ou d’anesthésie douloureuse [40] . Dans la dernière évaluation de ses résultats, l’équipe de Mar-
Moins précise et sélective que la technique précédente, la seille fait état d’un taux de guérison à cinq ans de 60 % et de la
compression par ballonnet gonflable expose à un risque moindre présence d’une hypoesthésie à 5 ans de 17 % [43] . Si pour certains
d’anesthésie cornéenne et donc de kératite, mais est suivie d’un la présence d’une hypoesthésie n’est pas nécessaire à l’obtention
taux de récidive important. d’un bon résultat antalgique, pour d’autres au contraire le degré de
Injection percutanée de glycérol dans la citerne trigéminale sédation de la douleur et surtout l’efficacité au fil du temps est cor-
(Fig. 8E). Cette technique, proposée par Hakanson, consiste rélée à la présence d’une hypoesthésie postopératoire et par voie
en l’injection de glycérol – une substance neurolytique – dans de conséquence à un certain degré de dysesthésies (p = 0,02) [44] .
la citerne trigéminale du cavum de Meckel [41] . D’après la revue
de la littérature totalisant 1310 cas avec des reculs de 6,5 ans en Décompression vasculaire microchirurgicale
moyenne, la neurolyse au glycérol obtient une sédation immé-
L’intervention est fondée sur l’observation selon laquelle, dans
diate de 42 à 84 % et un maintien de l’effet à long terme seulement
la plupart des névralgies dites « essentielles », il existe un conflit
de 18 à 59 % selon les séries (38,5 % en moyenne) [35] . Les prin-
neurovasculaire entre le nerf trijumeau et un vaisseau de voisi-
cipales complications étaient les suivantes : diminution de la
nage [45–48] (Fig. 10) [22] . Ce conflit peut être mis en évidence grâce
sensibilité faciale avec dysesthésies : 30 %, kératites rebelles : 5 %,
à l’imagerie à haute définition, avec une sensibilité de 96,7 %
éruptions herpétiformes : 50 % [35] .
et une spécificité de 100 % [18, 19] . Généralement, la compression
Cette technique, dont nous n’avons pas la pratique, a l’avantage
vasculaire entraîne une compression–distorsion du nerf et les pul-
de ne pas nécessiter d’équipement particulier et de ne pas
sations du vaisseau des lésions de démyélinisation focale des fibres
être onéreuse. Mais la diffusion du glycérol aux espaces sous-
nerveuses, lesquelles peuvent être observées sous microscope opé-
arachnoïdiens ne pouvant être aisément contrôlée, elle expose à
ratoire. Ces lésions périphériques radiculaires généreraient une
des effets neurotoxiques aléatoires.
hyperactivité des noyaux du système trigéminal, au sein même du
tronc cérébral, ce qui expliquerait bien le caractère épileptiforme
Traitement radiochirurgical stéréotaxique du trijumeau de cette névralgie, et l’efficacité des (seuls) anticonvulsivants.
(Fig. 9) Les compressions vasculaires sont situées dans 52,3 % des cas au
Cette méthode, introduite par Leksell [42] , a pris son essor depuis niveau de la zone d’entrée de la racine dans le pont, dans 54,3 %
que les progrès de l’IRM ont permis de visualiser avec une bonne au niveau de la portion cisternale de la racine, dans 9,8 % à la zone
résolution la racine du trijumeau, depuis le cavum de Meckel de sortie de la racine du porus du cavum de Meckel [21] (Fig. 11).
jusqu’à sa zone de pénétration dans le pont. Le principe de l’intervention de DVMC qui doit être dénom-
La dose généralement utilisée est une dose élevée : de 80 à 90 Gy. mée « de Gardner-Jannetta », ses pionniers [46, 47] , consiste à libérer
La cible actuellement la plus conseillée est rétrogassérienne, à dis- la racine du trijumeau de sa (ses) compression(s) vasculaire(s),
tance de la zone d’entrée de la racine dans le pont. En effet, la et en outre de toutes les adhérences arachnoïdiennes qui la
cible dans la trigeminal root entry zone (TREZ), la plus classique, contraignent, depuis sa sortie du porus du cavum de Meckel
expose à plus d’effets indésirables et de complications sans obte- jusqu’à la zone de pénétration dans le pont (Fig. 12).
nir une meilleure efficacité sur la névralgie [43] . Il est en effet avisé L’intervention, d’une durée de trois heures environ, est faite
de ne pas dépasser une dose de 15 Gy au niveau du tronc cérébral. sous anesthésie générale. Elle consiste en une petite ouverture
La procédure nécessite la mise en place d’un cadre de stéréotaxie, de 15 mm de diamètre en arrière de la mastoïde, un abord
sous simple anesthésie locale. Un inconvénient de la radiochirur- microchirurgical du trijumeau à la partie supérieure de l’angle
gie est qu’elle demande un délai de plusieurs mois avant d’être pontocérébelleux, une dissection des éléments du conflit neu-
efficace, ce qui n’est pas un problème majeur si ce n’est chez les rovasculaire, un éloignement du vaisseau conflictuel. Lorsqu’il
patients affectés d’un état de mal douloureux insupportable. s’agit d’une artère, celle-ci est maintenue à distance par un petit
La qualité des résultats est relativement différente d’une publi- écran de Téflon® , si possible sans contact avec le nerf pour évi-
cation à l’autre : une efficacité après des reculs moyens allant de ter toute néocompression [49] (Fig. 6D à F). Lorsque le conflit
dix à 60 mois de 21,8 à 88,9 %, un taux de récidives de 0 à 46 %, est une veine, celle-ci est coagulée puis sectionnée. L’ensemble
une hypoesthésie secondaire gênante de 0 à 54 %, selon les séries. de la racine jusqu’au porus doit être soigneusement exploré
Ce manque d’homogénéité s’explique par la disparité : des équi- (Fig. 7D à F, 13, 14).

EMC - Neurologie 13
17-023-A-80  Aspects cliniques et thérapeutiques des névralgies essentielles du trijumeau et du glossopharyngien

Figure 10. Portion centrale de la racine trigéminale [22] . La racine du trijumeau,


comme d’ailleurs celles de tous les nerfs crâniens de l’angle pontocérébelleux, est
constituée d’une portion centrale – évagination du tissu du tronc cérébral (1) –
où la myéline est de type central (MC) (2), c’est-à-dire oligodendrocytaire, et
3 d’une portion périphérique où la myéline qui enrobe les fibres nerveuses est de
type schwannien (4). Ces deux portions se joignent dans la citerne au niveau de
la classique zone transitionnelle (ZT) (3) de Obersteiner-Redlich. Par convention,
1 la zone d’entrée de la racine sensitive dans le pont, la classique trigeminal root
2
entry zone (5), inclut la ZT, la portion centrale (MC) et la partie adjacente du pont
4 où courent les fibres trigéminales se rendant au noyau spinal à travers le tractus
descendant. Cette région est considérée comme relativement plus « excitable »
que la portion périphérique. Elle est le siège de la majorité des conflits vascu-
lonerveux. La longueur de la MC a été calculée à 4,2 mm ± 0,8 mm, pour une
longueur globale de la racine dans son segment cisternal de 13,10 mm ± 1,12.
(coloration bleu Luxol® rapide) [22] .
5

Figure 11. Représentation schématique (A) et vues opératoires (B,


C, D) des différentes localisations des conflits vasculonerveux [21] .
Les conflits étaient situés : dans 52,3 % des cas dans la portion
juxtapontine de la racine trigéminale (D, exemple de conflit vas-
culonerveux par une boucle de l’artère cérébelleuse supérieure
pulsant dans l’aisselle de la racine droite), dans 54,3 % des cas
dans la portion cisternale de la racine (C, exemple de conflit par
l’artère cérébelleuse supérieure reposant sur la racine trigéminale
droite, déformée en hamac) et dans 9,8 % dans la portion juxta-
pétreuse de la racine (B, exemple de compression par une veine :
la veine pontique transverse inférieure à la sortie de la racine du
1 porus du cavum de Meckel à droite). À son entrée dans le tronc
B cérébral (c’est-à-dire au niveau de la trigeminal root entry zone),
la racine du nerf trijumeau présente trois parties : la pars minor
(5) motrice pour les muscles masticateurs, la pars intermediaris
(6), émanation supérieure de la pars major et dédiée à la sensi-
2 bilité cornéenne, la pars major (7) sensitive. 1. porus du cavum de
9,8 % Meckel ; 2. portion juxtapétreuse ; 3. tiers moyen ; 4. portion cister-
nale ; 8. portion juxtapontine ; 9. trigeminal root entry zone (TREZ) ;
3 flèche : zone transitionnelle.
4
54,3 %

5
6
7
8 C
9 52,3 %

La revue des grandes séries de la littérature (17 séries, totalisant Jannetta [51] comportant 1185 patients suivis jusqu’à 20 ans pour
5124 patients) fait apparaître des résultats à peu près similaires les plus anciennement opérés, 70 % avaient un excellent résul-
entre les séries [35, 50] , à savoir une sédation immédiate de la névral- tat (pas de douleur, pas de traitement médicamenteux) à dix ans.
gie dans 91,8 % des cas en moyenne et un effet complet sans Dans notre série [50, 54] , les courbes K-M montrent une probabi-
médicaments dans 76,6 % des cas en moyenne à long terme (sept lité de guérison à 15 ans de 73,4 %, avec la même efficacité qu’il
ans en moyenne). Quatre de ces séries comportaient une étude s’agisse des formes typiques ou atypiques [11] (Fig. 15) ; la morta-
avec analyse de Kaplan-Meier [11, 51–54] . Dans la plus large, celle de lité étant de 0 à 1,2 % selon les séries, et de 0,3 % dans la nôtre [54] .

14 EMC - Neurologie
Aspects cliniques et thérapeutiques des névralgies essentielles du trijumeau et du glossopharyngien  17-023-A-80

1
2

C
Figure 13. Pathologie au niveau du porus du cavum de Meckel : effet de
chevalet. Névralgie trigéminale droite. Noter sur l’imagerie par résonance
C magnétique en séquence T2, en coupe axiale (A) et sagittale oblique (B),
Figure 12. Principe de la décompression vasculaire microchirurgicale l’angulation du trijumeau à son franchissement du bord supérieur du
pour conflit neurovasculaire à partir de l’artère cérébelleuse supérieure rocher (flèche). Cet effet de chevalet du bord supérieur du rocher, sur
(ACS). lequel le trijumeau est tendu (flèches), est très bien visible sur la vue cor-
A. Abord microchirurgical en « trou de serrure » rétromastoïdien droit avec respondante prise au cours de l’intervention au microscope opératoire
ouverture durale par lambeau sur le sinus transverse et lambeau sur le (C). 1. Veine pétreuse supérieure, satellite du nerf au niveau du porus du
sinus sigmoïde. L’approche est infratentorielle et supracérébelleuse (avec cavum de Meckel ; 2. nerf trijumeau.
écarteur sur la surface supérieure de l’hémisphère cérébelleux [droit dans
ce cas]).
B. Après ouverture de l’arachnoïde, exposition de la racine du trijumeau Indications chirurgicales
de sa sortie du porus du cavum de Meckel jusqu’à la zone de pénétration La technique, les résultats, avec courbes de K-M, les avantages,
dans le pont. Constatation d’un conflit neurovasculaire par l’ACS. limites et désavantages de chacune des principales techniques
C. Après avoir détaché l’ACS et ses deux branches, celles-ci sont écartées chirurgicales sont développés dans l’article de l’EMC [2] .
et maintenues à distance par une lacette de Téflon® et une plaque de Critères d’indication chirurgicale. Ils sont pour nous les sui-
Téflon® reposant sur la veine pétreuse supérieure (pour que la plaque ne vants.
crée pas de néocompression du trijumeau [+++]). • Névralgie trigéminale dont le caractère essentiel, c’est-à-dire
primaire, a été vérifié par l’IRM. Pour les formes atypiques,
la nature névralgique doit être authentifiée par le fait que les
Dans les séries rapportées, les complications neurologiques per- anticonvulsivants – en particulier leur chef de file la carbama-
manentes étaient les suivantes : perturbation de l’audition et/ou zépine – ont été efficaces, au moins temporairement, au moins
de l’équilibre de 0,8 à 4,5 % (1,5 % dans notre série), paralysie au début (+++).
faciale de 0 à 1 % (0,4 % dans notre série), diplopie par paraly- • Échec du traitement médicamenteux bien conduit et/ou intolé-
sie trochléaire de 0,5 à 1 % (0,5 % dans notre série), hypoesthésie rance à celui-ci. Sont inclus dans les effets secondaires néfastes :
faciale avec dysesthésies de 2 à 10 % (4 % dans notre série). l’asthénie et le ralentissement intellectuel que le traitement
Conservatrice, la DVMC vise à traiter la cause de la névralgie. peut entraîner. La chirurgie est désormais suffisamment perfor-
Ses résultats à long terme sont durables et stables dans la plupart mante pour qu’il ne soit plus justifié de prolonger un traitement
des cas. L’imagerie à haute définition permet de mettre en évi- médicamenteux devenu peu efficace malgré l’augmentation des
dence les compressions vasculaires et donc de poser l’indication doses, et/ou asthéniant, retentissant sur la qualité de vie du
chirurgicale sur des bases anatomiques fiables. patient.

EMC - Neurologie 15
17-023-A-80  Aspects cliniques et thérapeutiques des névralgies essentielles du trijumeau et du glossopharyngien

Choix du traitement neurochirurgical. Il reste encore


controversé du fait de la multiplicité de l’arsenal chirurgical
actuel.
Le recul est désormais suffisant pour juger de l’efficacité durable
de la décompression vasculaire. Dans les publications qui rap-
portent les résultats avec courbe actuarielle à long terme, le
pourcentage de guérison y est de 75 à 80 % à dix ans et reste à
peu près stable ensuite [11, 51–54] .
Concernant les techniques « lésionnelles », il existe une pro-
portionnalité nette entre la durée d’efficacité et le degré
d’hypoesthésie laissé par l’intervention, et cela quelle que soit
la modalité utilisée : thermorhizotomie, compression par bal-
lon, injection de glycérol [1] . Les études à long terme montrent
également que les effets antalgiques de la radiochirurgie sont
d’autant meilleurs que la radiolésion a entraîné une hypoesthé-
A sie [55] . Cependant, pour certains, il n’est pas forcément nécessaire
que cette hypoesthésie soit importante, voire même présente,
pour qu’il y ait un effet antalgique [43, 56] .
Une étude récente, prospective, comparant les résultats de la
radiochirurgie stéréotaxique avec ceux de la DVMC, fait état d’un
taux de succès à quatre ans de 54 % pour la radiochirurgie stéréo-
taxique, versus 77 % pour la DVMC (p = 0,003) [55] .
L’arbre décisionnel proposé (Fig. 16) repose non seulement sur
la nature de la névralgie et sur les conditions du patient, mais aussi
et surtout sur les données de l’imagerie, en particulier la démons-
tration d’une image de compression vasculaire nette (+++).
Situations pratiques et indication chirurgicale. En pra-
tique, il existe trois types de situations concrètes liées à l’état du
patient.
• La première est représentée par les patients en bon état géné-
ral, leur permettant de supporter une anesthésie générale de
B
trois heures environ. Le choix de la décompression vasculaire,
Figure 14. Pathologie au niveau du porus du cavum de Meckel : fixa- conservatrice et curative, est la première option. Elle se justi-
tion par arachnoïdite. Névralgie trigéminale droite. Noter sur l’imagerie fie d’autant plus qu’il s’agit d’une névralgie du V1 et/ou du V2
par résonance magnétique en séquence T1 avec gadolinium, en coupe en raison des risques de kératite que pourraient provoquer les
axiale, la faible capacité de la citerne pontocérébelleuse qui est réelle- méthodes « lésionnelles ».
ment « virtuelle » et la présence d’une (petite) veine transverse inférieure • La deuxième est celle des patients très âgés et/ou en état général
sous-croisant la racine du trijumeau à sa sortie du porus du cavum de précaire. Une méthode percutanée est préférable. Le choix de la
Meckel (flèche) (A). Observer sur la vue opératoire correspondante (B) la technique est affaire d’école. Quelle que soit la technique choi-
veine transverse inférieure impactée dans la face inférieure du trijumeau sie, la durée d’efficacité est de principe proportionnelle au degré
et y ayant marqué une empreinte, ainsi que l’arachnoïdite locale adhésive d’hypoesthésie séquellaire, avec ses conséquences. L’obtention
au trijumeau. La chirurgie consiste à libérer le trijumeau de ses adhérences d’un effet antalgique durable peut être privilégiée, mais cela
arachnoïdiennes et à décomprimer le nerf de sa compression veineuse. ne peut l’être qu’au prix d’une hypoesthésie nette, responsable
d’une gêne fonctionnelle. Dans certains cas, heureusement peu
fréquents, il peut même s’y ajouter une anesthésie douloureuse.
À l’inverse, le choix d’éviter une hypoesthésie s’associe inévita-
blement à un taux de récidive nettement plus élevé. Le choix
100 entre les deux options doit être guidé par la préférence du
Typique 73 % patient dûment éclairé. La radiochirurgie stéréotaxique est une
90 alternative aux méthodes percutanées. Ses avantages et incon-
Atypique 74 %
vénients ont été exposés (cf. supra). Chez les patients dont
80 l’IRM encéphalique objective des anomalies diffuses pronon-
cées (atrophie cérébrale, état multilacunaire), les techniques
Probabilité sans douleur

70
lésionnelles sont préférables ; de même dans les formes de
60 névralgies par sclérose multiloculaire.
• Des situations intermédiaires sont fréquentes. La décision est
50 alors influencée par les convictions et les compétences de
l’opérateur. Elle l’est aussi, bien entendu, par la préférence des
40 patients, après exposé des avantages, limites, effets secondaires
et risques de chacune des méthodes. En cas d’un premier échec
30 chirurgical, les recours dépendent avant tout de l’existence ou
non d’une hypoesthésie séquellaire et du type de douleurs per-
20
sistantes (paroxystiques ou permanentes), comme l’illustre la
10 figure de l’algorithme (Fig. 16).

0
2 4 6 8 10 12 14 16
Années  Névralgie essentielle
Figure 15. Résultats à long terme de la décompression vasculaire du glossopharyngien
microchirurgicale (série personnelle). Noter l’efficacité de la chirurgie non
seulement dans le groupe des névralgies typiques, mais aussi dans celui La névralgie essentielle du glossopharyngien (IX), qu’il paraît
des névralgies atypiques, c’est-à-dire aussi bien sur la composante à fond préférable d’appeler névralgie vagoglossopharyngienne en raison
douloureux permanent que sur la composante paroxystique. de l’implication fréquente du territoire sensitif du X [57] , intéresse

16 EMC - Neurologie
Aspects cliniques et thérapeutiques des névralgies essentielles du trijumeau et du glossopharyngien  17-023-A-80

Traitement médical (carbamazépine ±


autres anticonvulsivants) suivi par un neurologue

+ –

Inefficace et/ou mal supporté (complications)


(y compris effets secondaires : asthénie,
ralentissement intellectuel, etc.)

Traitement neurochirurgical

Sujet en bon état général et Sujet très âgé/mauvais état et/ou


compression vasculaire à l'imagerie pas de compression vasculaire

DVMC Techniques percutanées Techniques percutanées


ou ou
radiochirurgie radiochirurgie

+ –

+ – – +

Redonner
le traitement
médicamenteux Hypoesthésie Pas
douloureuse d’hypoesthésie

+ –
Refaire
Traitement médical
techniques percutanées
(douleurs neuropathiques)
ou
Stimulation corticale ?
radiochirurgie
Techniques percutanées
ou
radiochirurgie

Hypoesthésie Pas d'hypoesthésie

Techniques percutanées
Douleurs Fond douloureux
ou DVMC
paroxystiques permanent
radiochirurgie

Stimulation
corticale ?

Figure 16. Arbre décisionnel. Algorithme du traitement de la névralgie essentielle du trijumeau. DVMC : décompression vasculaire microchirurgicale.

la gorge et le fond de l’oreille de façon associée ou indépendante, rapeutiques médicales efficaces [59, 60] . Sjoqvist, proposa en 1936,
et dans ce dernier cas, plus souvent la gorge que l’oreille (Fig. 17). comme pour la névralgie trigéminale, la tractotomie bulbaire [61] .
Décrite pour la première fois en 1910 à propos d’une névralgie Tew [62, 63] et Lazorthes et Verdié [64, 65] introduisirent en 1977 la
révélant une tumeur de l’angle pontocérébelleux, elle fut dénom- thermocoagulation percutanée du ganglion d’Andersch. Les pre-
mée algie vélopharyngienne en 1920 par Sicard et Robineau [58] . miers cas de décompression vasculaire du IX et du X furent
Son traitement par neurotomie rétropétreuse puis radicotomie du rapportés par l’équipe de Jannetta à propos de six cas, également
IX fut très tôt chirurgical (1924) bien avant l’apparition des thé- en 1977 [66] .

EMC - Neurologie 17
17-023-A-80  Aspects cliniques et thérapeutiques des névralgies essentielles du trijumeau et du glossopharyngien

26 27 25 24 23 22 20 19
1
2 V
IX
3 21 18

17
15 16
VII
4 14
S
X 13
12

11
9
10
5
6

7
8

Figure 17. Anatomie descriptive et territoires d’innervation du nerf glossopharyngien, de l’intermédiaire de Wrisberg et du vague (cette figure a été
modifiée à partir de celle empruntée à l’article de Garcin, in: Roger GH, Binet L, eds, Nouveau traité de physiologie normale et pathologique, Paris: Masson).
1. Noyau du tractus solitaire (VII bis : nerf intermédiaire) ; 2. noyaux du glossopharyngien ; 3. noyau ambigu du X ; 4. ganglion d’Andersch ; 5. tonsille pharyn-
gienne ; 6. les trois muscles constricteurs du pharynx (supérieur, moyen, inférieur) ; 7. plexus pharyngien ; 8. muscle palatopharyngien ; 9. bourgeons gustatifs ;
10. muscle palatoglosse ; 11. muscle styloglosse ; 12. muscle stylopharyngien ; 13. nerf lingual (branche du V3 recevant des fibres de la corde du tympan) ;
14. corde du tympan ; 15. nerf tympanique de Jacobson ; 16. ganglion otique ; 17. ganglion ptérygopalatin (anciennement sphénopalatin) ; 18. trompe audi-
tive (d’Eustache) ; 19. grand nerf pétreux (nerf du canal ptérygoïdien, anciennement « nerf vidien ») ; 20. petit nerf pétreux ; 21. muscle tenseur du tympan
(muscle du marteau) ; 22. petit nerf pétreux profond (tributaire du IX) ; 23. grand nerf pétreux profond (tributaire du IX) ; 24. grand nerf pétreux superficiel
(tributaire du VII) ; 25. petit nerf pétreux superficiel (tributaire du VII) ; 26. nerf intermédiaire de Wrisberg (Vll bis) ; 27. ganglion géniculé. S : sympathique ;
OM : oreille moyenne.
Sécrétion lacrymale : les fibres parasympathiques issues du nerf intermédiaire VII bis (26) se projettent sur le ganglion ptérygopalatin (17) à travers le nerf
pétreux superficiel (24), puis, à partir du ganglion ptérygopalatin, rejoignent la glande lacrymale par l’anse lacrymale passant par le nerf zygomatique.
Gustation et sécrétion salivaire : la sensibilité gustative des deux tiers antérieurs de la langue est assurée par le nerf lingual (13), branche du V3. Ces fibres
rejoignent ensuite le ganglion géniculé (27) par la corde du tympan (14). Empruntant ensuite le VII bis (26), les fibres rejoignent la partie haute du noyau
du faisceau solitaire (1). Un arc réflexe au niveau du noyau salivaire supérieur se produit et l’influx efférent emprunte le même trajet que les fibres afférentes,
afin de rejoindre le ganglion submandibulaire où les fibres font relais avant d’innerver les glandes salivaires submandibulaires et sublinguales.
L’excitation des papules gustatives antérieures provoque la sécrétion par ces glandes d’une salive épaisse « de gustation ». La sensibilité gustative du tiers
postérieur de la langue est véhiculée par le nerf glossopharyngien (IX), après relais dans le ganglion d’Andersh (4). Les fibres afférentes rejoignent la partie
basse du noyau du tractus solitaire. Un arc réflexe s’établit avec le noyau salivaire inférieur et l’influx efférent emprunte un trajet complexe : d’abord par le
nerf glossopharyngien et sa branche tympanique de Jacobson (15), puis par le petit nerf pétreux profond (22) jusqu’au ganglion otique (16) où les fibres font
relais, avant d’atteindre la parotide par le nerf auriculotemporal. L’excitation des papilles gustatives postérieures provoque la sécrétion d’une salive fluide,
dite « de déglutition ».
Dans le domaine de l’audition : le muscle tenseur du tympan, anciennement muscle du marteau (21), innervé par une branche du nerf trijumeau par
l’intermédiaire du ganglion otique (16), joue un rôle dans la quantité sonore tolérée par le système auditif, tout comme le muscle stapédien, innervé, lui, par
le nerf stapédien (branche du nerf facial) non représenté sur le schéma.

Description clinique fit par le patient pour s’alimenter. Parfois des syncopes s’associent
aux douleurs, pouvant égarer le diagnostic (formes syncopales).
La névralgie vagoglossopharyngienne comparée à celle du triju- Comme dans la névralgie trigéminale essentielle, l’examen
meau est rare puisque la fréquence en est estimée à 1 % seulement clinique ne décèle aucun signe neurologique déficitaire et les
de cette dernière. C’est ce même pourcentage de 1 % que nous investigations paracliniques restent négatives. Les séquences IRM
avons retrouvé dans notre propre série [67, 68] . Les territoires de la à haute résolution 3D T2, 3D TOF-angio et 3D T1 avec gadolinium,
douleur se comprennent bien à la lumière de l’anatomie fonction- en association, objectivent dans la plupart des cas un conflit neu-
nelle de ces nerfs (Fig. 17). rovasculaire.
Les algies débutent dans le fond de la gorge, à savoir à la
base de la langue et/ou à la tonsile, et irradient dans la profon- Diagnostic
deur : l’angle de la mâchoire et surtout vers le fond de l’oreille.
Elles sont le plus souvent violentes, strictement unilatérales et L’IHS, qui dénomme la névralgie glossopharyngienne essen-
toujours profondes. Ce sont des douleurs provoquées, généra- tielle : « névralgie glossopharyngienne classique », insiste sur le fait
lement par la déglutition, parfois par la parole, le bâillement, que le territoire douloureux concerne non seulement les zones
l’éternuement. La zone gâchette est la muqueuse pharyngée, la de distribution du nerf glossopharyngien mais aussi celles des
tonsile, le « fond » de l’oreille. La crise, qui peut durer de quelques branches auriculaire et pharyngée du nerf vague.
secondes à quelques minutes, est suivie au moins dans les formes L’IHS en donne les critères diagnostiques suivants [24] :
de début d’une « période réfractaire » pendant laquelle la zone • A : crises douloureuses, strictement unilatérales, et repondant
gâchette est inexcitable. Cette période d’inhibition est mise à pro- aux critères B et C ;

18 EMC - Neurologie
Aspects cliniques et thérapeutiques des névralgies essentielles du trijumeau et du glossopharyngien  17-023-A-80

• B : les douleurs sont localisées à la partie postérieure de la  Références


langue, à la fosse tonsilaire et au pharynx, au-dessous de l’angle
de la mandibule et/ou au fond de l’oreille ; [1] Sindou M, Keravel Y. Neurochirurgical fonctionnelle dans les syn-
• C : les douleurs présentent au moins trois des quatre caractéris- dromes d’hyperactivité du nerf crâniens. Rapport à la Société de
tiques suivantes : Neurochirurgie de Langue Française. Neurochirurgie 2009;55:75–292.
◦ crises paroxystiques durant d’une fraction de seconde à envi- [2] Sindou M, Keravel Y, Simon E, Mertens P. Névralgie du trijumeau et
ron deux minutes, neurochirurgie. EMC Neurologie, 2012 : 14 p. [Article 17-023-A-85].
◦ d’une intensité sévère, [3] Keravel Y, Sindou M. Vues anatomiques commentées du nerf triju-
◦ aiguës, à type de décharges électriques, meau. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris), Neurologie, 17-001-E-10,
◦ déclenchées par la déglutition, la parole, la toux et 1980.
l’éternuement ; [4] Leal PR, Roch JA, Hermier M, Souza MA, Cristino-Filho G, Sindou
• D : pas de déficit neurologique cliniquement évident ; M. Structural abnormalities of the trigeminal root revealed by diffusion
• E : absence d’étiologie décelable, autre qu’une compression neu- tensor imaging in patients with trigeminal neuralgia caused by neuro-
rovasculaire. vascular compression: a prospective, double-blind, controlled study.
Pain 2011;152:2357–64.
[5] Devor M, Govrin-Lippmann R, Rappaport ZH. Mechanism of trigemi-
nal neuralgia: an ultrastructural analysis of trigeminal root specimens
Traitement obtained during microvascular decompression surgery. J Neurosurg
Médical 2002;96:532–43.
[6] Harris W. An analysis of 1433 cases of paroxysmal trigeminal neural-
Les accès algiques sont remarquablement sensibles aux mêmes gia (trigeminal tic) and the end-results of Gasserian alcohol injection.
traitements médicamenteux que ceux de la névralgie du triju- Brain 1940;63:209–24.
meau, c’est-à-dire aux anticonvulsivants. Lorsque la névralgie [7] Loeser J. Tic douloureux and atycial facial pain. In: Wall PD, Melzach
devient résistante aux traitements médicaments ou lorsque R, editors. Textbook of pain. London: Churchill Livingstone; 1994. p.
ceux-ci sont mal supportés, le recours aux thérapeutiques neu- 699–710.
rochirurgicales est justifié. [8] Burchiel KJ. A new classification for facial pain. Neurosurgery
2003;53:1164–6.
[9] Sweet WH. Characteristics of atypical facial pain. In: White JC, Sweets
Neurochirurgical WH, editors. Pain and the neurosurgeon: a forty-year of experience.
En ce qui concerne les indications, la DVMC est la technique à Springfield: CC Thomas; 1969. p. 408–9.
mettre en œuvre en première intention, réservant une section des [10] Sweet WH. Characteristics of atypical trigeminal neuralgia. In: Gybels
radicelles du IX et du X sensitif aux seuls cas où aucun vaisseau JM, Sweet WH, editors. Neurosurgical treatment of persistent pain.
conflictuel ne serait trouvé, ou aux cas où une transposition effi- Basel: Karger; 1989. p. 41–2.
[11] Sindou M, Leston J, Howeidy T, Decullier E, Chapuis F. Micro-
cace du vaisseau conflictuel ne pourrait être réalisée sans danger
vascular decompression for primary trigeminal neuralgia (typical or
à cause des artères perforantes au tronc cérébral. Les techniques
atypical). Long-term effectiveness on pain; prospective study with sur-
lésionnelles, radiochirurgie incluse, sont peu adaptées à la cible vival analysis in a consecutive series of 362 patients. Acta Neurochir
des nerfs IX–X et donc, dans l’état actuel de la technologie, peu 2006;148:1235–45.
utilisables. [12] Meaney JF, Eldridge PR, Dunn LT, Nixon TE, Whitehouse GH, Miles
JB. Demonstration of neurovascular compression in trigeminal neural-
gia with magnetic resonance imaging. J Neurosurg 1995;23:799–805.
 Conclusion [13] Akimoto H, Nagaoka T, Nariori T, Takada Y, Ohno K, Yoshimo N.
Preoperative evaluation of neurovascular compression in patients with
trigeminal neuralgia by cases of three-dimensional reconstruction from
La névralgie essentielle du trijumeau – comme d’ailleurs la two types of high-resolution magnetic resonance imaging. Neurosur-
névralgie essentielle vagoglossopharyngienne – peut actuelle- gery 2002;51:956–62.
ment, grâce aux traitements modernes, être « contrôlée » dans [14] Patel NK, Aquilina K, Clarke Y, Renowden SA, Coakham HB. How
presque tous les cas (Fig. 16). Le traitement médical est fondé accurate is magnetic resonance angiography in predicting neurovascu-
sur les anticonvulsivants, la carbamazépine en premier lieu. Il lar compression in patients with trigeminal neuralgia? A prospective,
doit être conduit rigoureusement sous contrôle neurologique. single-blinded comparative study. Br J Neurosurg 2003;17:60–4.
Lorsque la névralgie échappe au traitement médicamenteux ou [15] Benes L, Shiratori K, Gurschi M, Sure U, Tirakotai W, Krischek B, et al.
que celui-ci est mal toléré, le recours à la neurochirurgie fonc- Is preoperative high-resolution magnetic resonance imaging accurate
tionnelle permet de contrôler, voire de guérir la névralgie dans la in predicting neurovascular compression in patients with trigeminal
plupart des cas. neuralgia? A single-blind study. Neurosurg Rev 2005;28:131–6.
La décompression vasculaire – conservatrice et curative – est la [16] Miller JP, Acar F, Hamilton BE, Burchiel KJ. Radiographic evaluation
première option chez les patients capables de supporter une anes- of trigeminal neurovascular compression in patients with and without
thésie générale de quelques heures, lorsque l’imagerie objective trigeminal neuralgia. J Neurosurg 2009;110:627–32.
une évidence de compression vasculaire sur la racine. La décom- [17] Leal PR, Froment JC, Sindou M. Predictive value of MRI for
pression vasculaire a la capacité de restaurer une fonction normale detecting and characterizing vascular compression in cranial nerve
du nerf chez une large majorité de patients, y compris lorsque la hyperactivity syndromes (trigeminal and facial nerves). Neurochirur-
présentation clinique de la névralgie est atypique, pourvu qu’il gie 2009;55:174–80.
[18] Leal PR, Hermier M, Froment JC, Souza MA, Cristino-Filho G, Sindou
s’agisse d’une névralgie et non – bien entendu – d’une algie faciale
M. Preoperative demonstration of the neurovascular compression cha-
atypique. L’algie faciale atypique ne relève nullement d’une indi-
racteristics with special emphasis on the degree of compression, using
cation chirurgicale, quelle qu’elle soit. high-resolution magnetic resonance imaging: a prospective study,
Les techniques lésionnelles et radiochirurgicales, elles, sont with comparison to surgical findings, in 100 consecutive patients who
palliatives. Elles constituent néanmoins une alternative éminem- underwent microvascular decompression for trigeminal neuralgia. Acta
ment utile chez les patients en condition précaire, ou pour ceux Neurochir 2010;152:817–25.
réticents à une chirurgie par abord direct. Pour être efficaces à long [19] Sindou M. Prediction of the vascular compression characteristics with
terme, elles nécessitent un certain degré d’effets « indésirables », magnetic imaging for surgery of primary trigeminal neuralgia. World
à savoir hypoesthésie avec parfois quelques dysesthésies (qui ne Neurosurg 2013;80:298–9.
disparaîtraient pas après une éventuelle DVMC faite secondaire- [20] Leal PR, Hermier M, Souza MA, Cristino-Filho G, Froment JC, Sin-
ment). dou M. Visualization of vascular compression of the trigeminal nerve
with high-resolution 3 T MRI: a prospective study comparing preope-
rative imaging analysis to surgical findings in 40 consecutive patients
Déclaration d’intérêts : les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts en who underwent microvascular decompression for trigeminal neuralgia.
relation avec cet article. Neurosurgery 2011;69:15–25.

EMC - Neurologie 19
17-023-A-80  Aspects cliniques et thérapeutiques des névralgies essentielles du trijumeau et du glossopharyngien

[21] Sindou M, Howeidy T, Acevedo G. Anatomical observations during [48] Sindou M, Amrani F, Mertens P. Does microsurgical vascular decom-
micro-vascular decompression for idiopathic trigeminal neuralgia pression for trigeminal neuralgia work through a neocompressive
(with correlations between topography of pain and site of the neuro- mechanism? Anatomical surgical evidence for a decompressive effect.
vascular conflicts). Prospective study in a series of 579 patients. Acta Acta Neurochir [suppl] 1991;52:127–9.
Neurochir 2002;144:1–13. [49] Sindou M, Leston J, Decullier E, Chapuis F. Microvascular decompres-
[22] Guclu B, Sindou M, Meyronet D, Streichenberger N, Simon E, Mertens sion for trigeminal neuralgia: the importance of a non-compressive
P. Cranial nerve vascular compression syndromes of the trigeminal, technique. Kaplan-Meier analysis in a consecutive series of
facial and vagoglossopharyngeal nerves: comparative anatomical study 330 patients. Neurosurgery 2008;63:341–51.
of the central myelin portion and transitional zone; correlations with [50] Sindou M, Leston J, Le Guerinel C, Keravel Y. Traitement de la
incidences of corresponding hyperactive dysfunctional syndromes. névralgie trigéminale par décompression vasculaire microchirurgicale.
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Aspects cliniques et thérapeutiques des névralgies essentielles du trijumeau et du glossopharyngien  17-023-A-80

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M. Sindou, M.D., D. Sc. (marc.sindou@chu-lyon.fr).


Service de neurochirurgie A, Hôpital neurologique P.-Wertheimer, Groupement hospitalier Est, 59, boulevard Pinel, 69003 Lyon, France.
Y. Kéravel, Professeur des Universités.
Hôpital universitaire Henri-Mondor, 51, avenue du Maréchal-de-Lattre-de-Tassigny, 94010 Créteil, France.
B. Laurent, Professeur des Universités.
Centre hospitalier de Saint-Étienne Nord, 42055 Saint-Étienne cedex 2, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Sindou M, Kéravel Y, Laurent B. Aspects cliniques et thérapeutiques des névralgies essentielles du trijumeau
et du glossopharyngien. EMC - Neurologie 2014;11(2):1-21 [Article 17-023-A-80].

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EMC - Neurologie 21
¶ 17-023-A-85

Névralgie du trijumeau
et neurochirurgie
M. Sindou, Y. Keravel, E. Simon, P. Mertens

Désormais la neurochirurgie moderne permet dans presque tous les cas de venir à bout de la douleur des
névralgies trigéminales essentielles. Lorsque celles-ci deviennent pharmacorésistantes, on peut avoir
recours à deux grands types de méthodes chirurgicales. Les premières correspondent à l’interruption des
voies responsables des phénomènes douloureux. Elles sont soit percutanées : thermocoagulation,
compression par ballonnet gonflable ou injection de glycérol, soit par radiochirurgie stéréotaxique. Le
second type de méthode est la décompression vasculaire microchirurgicale qui lève le conflit
vasculonerveux sur la racine trigéminale, cause la plus fréquente de la névralgie essentielle. Cette
méthode, qui est conservatrice et curative, nécessite un abord direct sous anesthésie générale. Elle
s’adresse aux patients en bon état général. Lorsque les patients sont très âgés et/ou en état général
précaire, les méthodes percutanées ou la radiochirurgie sont préférables, mais la durée de leur efficacité
est généralement proportionnelle au degré d’hypœsthésie séquellaire, avec ses conséquences.
© 2012 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Névralgie ; Trijumeau ; Conflit vasculonerveux ; Compression vasculaire ;


Décompression vasculaire microchirurgicale ; Thermocoagulation ; Compression par ballon ;
Neurolyse au glycérol ; Radiochirurgie stéréotaxique ; Neurochirurgie fonctionnelle ; Microchirurgie

Plan compléter l’article de l’EMC sur les « Aspects cliniques et


thérapeutiques des névralgies essentielles du trijumeau et du
glossopharyngien » [1] (Fig. 1).
¶ Introduction 1
¶ Préalables à la décision chirurgicale 1
¶ Données d’observation anatomopathologiques 1 ■ Préalables à la décision
¶ Imagerie par résonance magnétique 2 chirurgicale
¶ Techniques neurochirurgicales 3
Évolution des techniques. Historique 3 La décision du passage au traitement chirurgical doit être
Techniques actuelles 4 précédée des trois démarches suivantes.
Il faut tout d’abord s’assurer que la douleur faciale est bien
¶ Indications chirurgicales 10 une névralgie du trijumeau. Cela est facile si les caractéristiques
Décision de chirurgie 10 cliniques sont typiques, mais plus difficile s’il existait des
Choix de la technique chirurgicale 11 atypies d’emblée ou si la névralgie est devenue atypique en
¶ Conclusion 13 vieillissant. Il est capital de rechercher par l’interrogatoire si les
antalgiques de type anticonvulsivant (carbamazépine, clonazé-
pam, gabapentine, etc.) ont été efficaces ou non, au moins au
début.
■ Introduction Il faut ensuite vérifier que tous les traitements médicamen-
teux classiques ont été conduits correctement, c’est-à-dire à
La névralgie trigéminale fut l’une des premières préoccupa- doses suffisantes, pendant une durée prolongée, et sans inter-
tions des neurochirurgiens. Dès le début du XXe siècle furent ruption intempestive par le patient.
développées des techniques efficaces : neurotomie rétrogassé- Il faut enfin que toutes les causes de névralgies symptomati-
rienne et radicotomie juxtaprotubérantielle, bien avant l’intro- ques (c’est-à-dire secondaires) aient bien été éliminées par les
duction de la diphénylhydantoïne par Bergouignan en 1941 et bilans ophtalmologique, otorhinolaryngologique, odontosto-
de la carbamazépine par Blom en 1962. Depuis, de nouvelles matologique et neurologique appropriés. De surcroît, une
techniques se sont développées. Les unes, « lésionnelles », imagerie par résonance magnétique (IRM) encéphalique de
interrompent les voies responsables de la douleur névralgique : principe est conseillée sinon obligatoire.
elles peuvent être faites par voie percutanée ou par la radiochi-
rurgie. Les autres, « conservatrices », visent à supprimer l’agent
responsable de la névralgie, à savoir les conflits vasculonerveux. ■ Données d’observation
Il s’agit de la décompression vasculaire microchirurgicale
(DVMC). C’est la place de la neurochirurgie dans l’arsenal
anatomopathologiques
thérapeutique de la névralgie essentielle (c’est-à-dire primitive) D’après la littérature, les constatations opératoires faites chez
du trijumeau que ce texte se propose d’envisager. Ce texte vient les patients ayant eu un abord direct de la racine trigéminale

Neurologie 1
17-023-A-85 ¶ Névralgie du trijumeau et neurochirurgie

■ Imagerie par résonance


magnétique
L’IRM, dans sa forme standard, doit tout d’abord éliminer
une névralgie symptomatique. Il faut qu’elle puisse mettre en
évidence les éventuelles pathologies suivantes :
4 • une malformation de la base du crâne et/ou de la charnière
occipitocervicale, en particulier une malformation d’Arnold-
V1 Chiari ;
1 • une sclérose multiloculaire, de même que toute lésion du
2 V2 5
tronc cérébral, qu’elle soit inflammatoire, tumorale ou
3
ischémique ;
V3 • une néoformation tumorale, une malformation artériovei-
6
neuse ou un anévrisme géant de l’angle pontocérébelleux ;
• une tumeur du cavum de Meckel et/ou de la loge parasellaire,
rostral c’est-à-dire du sinus caverneux ;
• une pathologie de la fosse cérébrale moyenne et/ou de l’apex
antérieur orbitaire, etc., ainsi que du massif facial.
Figure 1. Dissection anatomique du ganglion trigéminal de Gasser, des À titre d’illustration, indiquons que ces névralgies sympto-
branches périphériques et de la racine du nerf trijumeau. Sur cette matiques (c’est-à-dire secondaires) représentaient 3,6 % du total
préparation anatomique du système trigéminal droit, réalisée selon la de nos 4 200 patients adressés au cours des 35 années passées
technique de Klingler [2] et par Klingler lui-même, on distingue les trois pour traitement neurochirurgical de leur névralgie. En outre, au
branches périphériques du nerf trijumeau : nerf ophtalmique de Willis total, quelques 3 700 ont été traités par thermocoagulation et
(V1) provenant de la fissure orbitaire supérieure (4) et se dirigeant vers la 1 350 par DVMC.
paroi latérale du sinus caverneux, nerf maxillaire (V2) provenant du Si l’imagerie IRM standard permet de dépister une éventuelle
foramen rotondum (5), nerf mandibulaire (V3) provenant du foramen cause à la névralgie, c’est-à-dire la faire classer comme secon-
ovale (6). En arrière de ces trois branches se situe le ganglion trigéminal de daire et traiter comme telle, elle n’est pas suffisante pour étudier
Gasser (3), de forme semi-lunaire, qui se prolonge en arrière par le plexus finement l’anatomie des nerfs de l’angle pontocérébelleux. La
triangulaire (2), zone qui fait la transition avec la racine du nerf (1). Cette détection des conflits vasculonerveux (CVN) requiert une
zone se distingue du ganglion par son aspect plexiforme (avec l’aimable imagerie à haute résolution (c’est-à-dire millimétrique) et doit
autorisation du Musée de la médecine, Bâle, Suisse). comporter les trois séquences spéciales suivantes en associa-
tion [4, 5] (Fig. 3, 4) :
• la séquence 3 D-T2 haute résolution donne des images fines
avec un bon contraste entre le liquide cérébrospinal (en
hypersignal), d’une part, et les structures vasculonerveuses (en
pour décompression microchirurgicale font état d’une com-
hyposignal), d’autre part, réalisant une véritable cisternogra-
pression vasculaire de la racine dans 93 % des cas en moyenne.
phie. NB. Cette séquence porte un nom différent selon la machine
Dans une série personnelle de 579 patients opérés [3], 96,7 % utilisée : Constructive Interference in Steady-State (CISS) chez
avaient un vaisseau en position conflictuelle, allant du stade de Siemens, Fast Imaging Employing steady-STate Acquisition
simple contact (grade I de notre classification) dans 17,6 % des (FIESTA) chez General Electric Medical Systems, DRIVen Equili-
cas, à celui d’indentation (grade III) dans 33,2 %, en passant brium (DRIVE) chez Philips. La limite de cette séquence
par celui de déplacement de la racine (grade II) dans 49,2 % 3D-T2 haute résolution est l’absence de différentiation entre
des cas. En d’autres termes, seulement 3,3 % des patients de la vaisseaux et nerfs, c’est pourquoi elle doit être complétée par
série ne présentaient aucune compression vasculaire visible à les séquences suivantes ;
l’exploration minutieuse sous microscope opératoire. L’agent • la séquence 3D-time of flight-angiographie par résonance
vasculaire responsable était une artère cérébelleuse supérieure magnétique (3D-TOF-ARM) visualise (en hypersignal) les
(seule ou en association avec un ou plusieurs autres vaisseaux vaisseaux à haut flux seulement, nommément les artères,
conflictuels) dans 88 % des cas, une mégadolichoartère céré- surtout si la séquence inclut un filtre de présaturation ;
belleuse antéro-inférieure (seule ou en association) dans 25,1 % • la séquence 3D-T1 avec injection de gadolinium met en
des cas, une veine enchâssée dans la racine (isolément ou en évidence (en hypersignal) toutes les structures vasculaires,
association) dans 27,6 % des cas, une mégadolichoartère c’est-à-dire non seulement les artères, mais aussi les veines.
vertébrobasilaire (seule ou en association) dans 3,5 % des cas. La comparaison des images des deux dernières séquences
Fait capital, expliquant ces pourcentages dont la somme est permet donc de différencier les veines des artères.
supérieure à 100 %, il existait plusieurs vaisseaux conflictuels C’est ainsi qu’une étude prospectrice récente personnelle,
en association chez le même patient dans 37,8 % des cas. Le comparant les données de cette imagerie, qui associe les trois
fait de ne pas les reconnaître tous, et donc de les traiter tous, séquences spéciales aux données opératoires dans 100 cas
pourrait aboutir à un échec ou à une récidive après traitement consécutifs, a montré que la sensibilité de l’IRM était de 96,7 %
pour détecter les CVN, et sa spécificité de 100 %. Qui plus est,
(Fig. 2).
une telle exploration IRM permettait de prédire le type de
En association aux conflits vasculonerveux ont été souvent
vaisseau(x) responsable(s) (dans 88 % des cas dans notre étude),
observées d’importantes altérations de la racine. C’est ainsi que, leur localisation le long de la racine et leur siège autour de la
dans notre série, chez 42 % des patients existait une atrophie racine (dans 85,7 % et 84,6 %, respectivement) et, encore plus
globale de la racine, correspondant vraisemblablement à une important, le degré de compression/distorsion/indentation de la
neuropathie coexistante et 18,2 % des patients présentaient un racine (dans 84,6 % des cas), avec un p < 0,01 [5].
épaississement de l’arachnoïde, adhérant à la racine. Chez Un appareillage IRM 3 Tesla donne des images plus perfor-
12,6 % des patients, la racine faisait une angulation marquée à mantes qu’un appareillage 1,5 Tesla. Cependant, ce dernier,
son passage sur le bord supérieur du rocher, à sa sortie du c’est-à-dire 1,5 Tesla, pourvu que l’examen soit bien fait, fournit
cavum de Meckel. Enfin 3,9 % des patients avaient une racine des renseignements presque aussi fiables (étude personnelle à
comprimée entre le pont et la surface de la pyramide pétreuse paraître dans Neurosurgery 2011).
du fait de la petitesse de la fosse postérieure, responsable d’une L’exploration IRM permet donc de décider de l’indication
absence de citerne. Toutes ces associations pathologiques chirurgicale et du choix du type d’opération à mettre en œuvre
doivent être prises en considération lors de la décompression sur des bases, non seulement cliniques évidemment, mais aussi
chirurgicale du nerf. et surtout anatomopathologiques.

2 Neurologie
Névralgie du trijumeau et neurochirurgie ¶ 17-023-A-85

C D
Figure 2. Représentation schématique (A) et vues opératoires (B, C, D) des différentes localisations des conflits vasculonerveux [3].
Les conflits étaient situés :
dans 52,3 % des cas dans la portion juxtapontine de la racine trigéminale (D, exemple de conflit vasculonerveux par une boucle de l’artère cérébelleuse
supérieure pulsant dans l’aisselle de la racine droite), dans 54,3 % des cas dans la portion cisternale de la racine (C, exemple de conflit par l’artère cérébelleuse
supérieure reposant sur la racine trigéminale droite, déformée en hamac) et dans 9,8 % dans la portion juxtapétreuse de la racine (B, exemple de compression
par une veine : la veine pontique transverse inférieure à la sortie de la racine du porus du cavum de Meckel à droite). À son entrée dans le tronc cérébral
(c’est-à-dire au niveau de la trigeminal root entry zone), la racine du nerf trijumeau présente trois parties : la pars minor (5) motrice pour les muscles masticateurs,
la pars intermediaris (6), émanation supérieure de la pars major et dédiée à la sensibilité cornéenne, la pars major (7) sensitive. 1. porus du Cavum de Meckel ;
2. portion juxtapétreuse ; 3. tiers moyen ; 4. portion cisternale ; 8. portion juxtapontine ; 9. trigeminal root entry zone (TREZ).

■ Techniques neurochirurgicales trijumeau, vecteur des fibres de la sensibilité thermoalgésique


faciale. Celle-ci fut ensuite affinée et popularisée par Kunc
(1970).
Évolution des techniques. Historique En 1952, Taarnhoj, supposant que la névralgie faciale pouvait
La première intervention proposée fut la gassérectomie. être due à une constriction du ganglion de Gasser par une
Imaginée par Ewing Wears (1885), elle fut exécutée peu après sclérose de la dure-mère du cavum de Meckel, développa la
par Roos (1890) puis par Hartley, Horsley, Cushing. Mais elle fut décompression du ganglion par ouverture du toit du cavum.
rapidement abandonnée du fait de la survenue fréquente de Cette technique, dont l’intérêt était d’être conservatrice, fut
kératites et d’anesthésies douloureuses de la face. abandonnée en raison de ses nombreuses récidives. Peu de
C’est Frazier (1901) qui, à l’instigation de Spiller, mit au point temps après, Shelden (1955), interprétant les bons résultats
la neurotomie rétrogassérienne par voie sous-temporale extra- immédiats obtenus par la méthode de Taarnhoj comme dus au
durale. Puis Dandy (1920) développa la radicotomie juxtaprotu- traumatisme opératoire des fibres nerveuses, proposa le martel-
bérantielle par voie sous-occipitale latérocérébelleuse. Limitée à lement du ganglion par abord direct.
la pars major, elle permettait d’obtenir une analgésie sans Dans le même temps, pour pallier les risques des interven-
anesthésie complète de l’hémiface. tions par abord direct, se développèrent des techniques percu-
En 1938, Sjoqvist réalisa la tractotomie trigéminale qui tanées. L’alcoolisation du ganglion de Gasser fut proposée dès
sectionnait au niveau du bulbe le tractus descendant spinal du 1906 par Taptas. Harris (1912) en décrivit la voie d’abord

Neurologie 3
17-023-A-85 ¶ Névralgie du trijumeau et neurochirurgie

A B C

*
*

D E
Figure 3. Imagerie par résonance magnétique (IRM) (3 Tesla, coupes axiales, haute résolution) d’un conflit vasculonerveux entre l’artère cérébelleuse
supérieure et le nerf trijumeau à gauche.
A à C. IRM, séquence T2 haute résolution (A), séquence 3D time of flight (TOF) angiographie (B), séquence 3D T1 avec gadolinium (C). Conflit (flèche) avec
une boucle de l’artère cérébelleuse supérieure.
D. Fusion entre la séquence T2 et la séquence 3D TOF angiographie (astérisque : conflit).
E. Constatation opératoire de la présence du conflit (astérisque). La photo est inversée pour raison didactique.

latérale et Hartel (1913) la voie par le foramen ovale. Au lieu Parallèlement à ces méthodes lésionnelles se développa par
d’alcool, Jaeger proposa, en 1957, l’injection d’eau chaude au étapes successives la méthode conservatrice de décompression
niveau du ganglion, et Jefferson, en 1963 l’injection de phénol vasculaire microchirurgicale. Cette méthode repose sur la
(1/20e dans la glycérine). En 1941, Kirschner développa l’élec- constatation (fréquente) faite par Dandy en 1934, puis Lazorthes
trocoagulation sous anesthésie générale par approche stéréo- en 1964, de conflits vasculaires chez les malades opérés dans
taxique du ganglion à travers le foramen ovale. Cette technique l’angle pontocérébelleux pour névralgie essentielle de façon, à
fut ensuite améliorée par Thiry (1962) qui utilisa un courant de l’époque, à y réaliser une radicotomie juxtaprotubérantielle. La
moindre intensité de façon à éviter la perte totale de la sensi- simple décompression vasculaire ne fut réalisée pour la première
bilité tactile, puis par Schürmann (1972) qui remplaça l’anes- fois qu’en 1959 par Gardner. Elle fut ensuite popularisée (par
thésie générale par une neuroleptanalgésie pour contrôler en voie sous-temporale extradurale transtentorielle) par Jannetta à
peropératoire les effets de la coagulation. partir de 1966, puis par Hardy de Montréal (par voie rétromas-
Sweet (1969) raffina encore la technique pour en faire toïdienne) en 1970. C’est cette dernière voie qui est maintenant
l’actuelle thermocoagulation différentielle contrôlée du triju- pratiquée, particulièrement depuis que Jannetta l’a codifiée en
meau, en utilisant un générateur à haute fréquence comme y adaptant les techniques microchirurgicales.
source de chaleur, une thermistance pour mesurer la tempéra-
ture en bout d’électrode, et une anesthésie générale lors des Techniques actuelles
temps douloureux de l’intervention de très brève durée pour
permettre la coopération du malade. Cette dernière méthode est Toutes les données de la littérature concernant les techniques
capable d’obtenir une analgésie sans anesthésie complète et qui actuelles sont détaillées dans le rapport à la Société de neuro-
ne concerne que le seul territoire douloureux. Toujours dans le chirurgie de langue française de mai 2009 intitulé : « Neurochi-
cadre des techniques percutanées, Hakanson introduisit en rurgie fonctionnelle dans les syndromes d’hyperactivité des
1981 la neurolyse du ganglion de Gasser par injection de nerfs crâniens » par Sindou et Keravel [6].
glycérol dans la citerne trigéminale du cavum de Meckel par la Sont successivement considérées les techniques lésionnelles
voie du foramen ovale. Également par la même voie, Mullan percutanées (Fig. 5, 6) et radiochirurgicales (Fig. 7), puis la
développa, en 1979, la compression percutanée du ganglion de décompression vasculaire microchirurgicale (Fig. 8, 9).
Gasser par ballonnet gonflable.
C’est en 1951 que Leksell appliqua la technique de radiochi-
Thermorhizotomie percutanée, rétrogassérienne
rurgie stéréotaxique par gamma-knife à la névralgie du triju- Cette technique mise au point par Sweet [8] repose sur deux
meau, en prenant pour cible le ganglion de Gasser. Mais cette bases anatomophysiologiques. Une température de 60 °C à
méthode ne perdit son caractère anecdotique qu’à l’avènement 70 °C appliquée de quelques secondes à quelques minutes est
de l’IRM fine que rendit possible le guidage du rayonnement. capable d’obtenir une analgésie sans anesthésie complète du

4 Neurologie
Névralgie du trijumeau et neurochirurgie ¶ 17-023-A-85

A B C

D E
Figure 4. Imagerie par résonance magnétique (IRM) (3 Tesla, coupes axiales, haute résolution) d’un conflit vasculonerveux entre une veine pontique
transverse et le nerf trijumeau à gauche.
A à C. IRM, séquence T2 haute résolution (A), séquence 3D time of flight (TOF) angiographie (B), séquence 3D T1 avec gadolinium (C). Noter que le vaisseau
conflictuel n’est pas visible en 3D TOF angiographie (B), mais apparaît sur la séquence 3D T1 avec gadolinium (C). Conflit (flèche) avec la veine pontique
transverse inférieure.
D. Fusion entre la séquence T2 et la séquence 3D T1 avec gadolinium.
E. Constatation opératoire de la présence du conflit veineux, avec une zone grisâtre correspondant à une zone de démyélinisation (astérisque).

territoire opéré. La somatotopie des fibres rétrogassériennes et altération de la sensibilité cornéenne, bien centrée sur la
permet de placer l’électrode de telle sorte que la thermocoagu- zone-gâchette, et couvrant la totalité du territoire névralgique.
lation n’atteigne que les fibres correspondant au territoire La revue de la littérature a été faite sur dix séries, totalisant
douloureux. L’électrode est introduite à travers la joue et le 7 483 patients, suivis avec un recul de 3 à 26 ans en moyenne
foramen ovale (voie de Hartel), puis poussée postérieurement selon les séries (moyenne 9 ans) [11-13]. Cette revue fait état
jusqu’au bord supérieur du rocher, sous contrôle radiologique et d’une sédation immédiate dans 94 % des cas en moyenne (de
brève anesthésie générale intraveineuse (propofol), de quelques 81 % à 99 % selon les séries) et du maintien de l’efficacité à
minutes. Dans cette localisation radiologique, l’extrémité de long terme dans 60,4 % des cas (de 20 % à 93 % selon les
l’électrode est en principe au niveau rétrogassérien, en l’occur- séries). La Figure 10 est donnée à titre illustratif. Les principaux
rence le plexus triangulaire. C’est en effet à ce niveau que se effets secondaires et complications neurologiques étaient les
trouve la meilleure cible pour réaliser la thermolésion [9]. Le suivants : hypœsthésie faciale (5 % à 98 % des cas selon les
repérage de la position de l’extrémité de l’électrode au niveau séries) et déficit masticateur (4 % à 24 %) pour les premiers,
des fibres correspondant à la zone-gâchette est fait par électros- kératite (1 % à 8 %), et dysesthésies pénibles/anesthésie
timulation. Dans notre procédure [10], un courant de 5 Hz (à
douloureuse (0,8 % à 7 %) pour les secondes. La mortalité
l’intensité-seuil de 0,2 ± 0,1 V) est utilisé pour provoquer non
rapportée est de 1 ‰, par effraction de la carotide.
seulement des paresthésies (perçues par le patient), mais aussi
Dans notre série de 2 800 patients opérés et suivis avec un
des réponses musculaires (à type de réflexes trigéminofaciaux)
au niveau de la face, réponses observées par l’opérateur. Au recul allant jusqu’à 28 ans pour les plus anciennement traités
niveau du plexus triangulaire, les fibres du V3 (mandibulaires) (17 ans en moyenne) [12], le taux de récidives s’est élevé à 7 %.
sont en position inférolatérale, celles du V2 (maxillaires) Ce taux relativement faible a été obtenu au prix d’une hypœs-
intermédiaire et celles du V1 (ophtalmiques) supéromédiane. En thésie marquée du territoire névralgique dans la quasi-totalité
outre, la survenue de réponses masticatrices (directes) pour une des cas. Cette hypœsthésie était gênante (avec dysesthésies)
stimulation électrique à intensité faible (< 0,5 V) indiquerait dans 5 % des cas et s’accompagnait d’un syndrome d’anesthesia
une électrode trop proche de la racine motrice. Une fois dolorosa dans 3 % des cas.
l’électrode vérifiée en bonne place, la thermolésion est faite sous Délicate à réaliser, la thermocoagulation rétrogassérienne,
brève anesthésie générale intraveineuse (généralement propo- lorsqu’elle est faite avec précision, permet une analgésie durable,
fol), mais suffisamment légère pour examiner le réflexe cornéen et de la seule zone douloureuse. Elle n’a pas de contre-
durant les 30 à 60 secondes de la coagulation. Le critère indication d’âge. Beaucoup de séries comportent nombre de
d’efficacité de la thermocoagulation est l’obtention d’une patients nonagénaires. Cette technique est très opérateur-
analgésie à la piqûre sans perte complète de la sensibilité tactile dépendante. Elle requiert un entraînement spécifique

Neurologie 5
17-023-A-85 ¶ Névralgie du trijumeau et neurochirurgie

patients. Il ne s’est produit une hypœsthésie durable que dans


5,8 % des cas. La série n’a comporté aucune complication à type
1 V1
de kératite ou d’anesthésie douloureuse.
V2 Moins précise que la technique précédente et nécessitant une
V3 anesthésie générale, la compression par ballon a l’avantage
2 4 d’exposer à un risque moindre d’anesthésie cornéenne durable
3 et donc de kératite. Elle a cependant l’inconvénient d’être suivie
5 d’un taux d’échecs ou de récidives plus important.

Injection de glycérol percutanée, dans la citerne


trigéminale
6 Le traitement névralgique du trijumeau par neurolyse au
glycérol du ganglion de Gasser naquit d’une découverte fortuite.
Depuis les années 1950, Leksell et son équipe traitaient la
névralgie faciale par irradiation stéréotaxique du ganglion de
Gasser par un rayonnement gamma. Pour faciliter le repérage
radiologique de la cible était injecté, dans la citerne trigéminale,
un produit opaque dilué dans du glycérol. Il fut alors observé
que cette seule injection pouvait faire céder les crises doulou-
reuses paroxystiques. Aussi Hakanson proposa-t-il de traiter la
7 névralgie du trijumeau par une injection seule de glycérol dans
la citerne trigéminale [16] . La procédure est la suivante : le
malade est installé en position assise, tête fléchie. Un trocart est
introduit sous anesthésie locale dans le foramen ovale, puis
poussé sous contrôle radiographique jusque dans la citerne
trigéminale. Dès que l’extrémité du trocart est en place, ce qui
se traduit par une émission de liquide céphalorachidien, l’on
injecte du produit de contraste (métrizamide). Après cette
Figure 5. Préparation anatomique de la voie trans-jugo-foraminale
cisternographie, le produit de contraste est vidangé, puis du
ovale de Hartel, du côté droit. Sur ce spécimen anatomique, dont les
glycérol est injecté par petites doses jusqu’à l’obtention d’une
vaisseaux ont été injectés au latex coloré, on visualise le trajet de l’aiguille
hypœsthésie satisfaisante dans le territoire douloureux. La dose
percutanée, jusqu’au plexus triangulaire, à travers le foramen ovale (cliché
totale de glycérol est en règle de 0,2-0,4 ml.
du docteur Alvernia, avec l’aimable autorisation de l’éditeur) [7]. 1. Pars
D’après la revue de la littérature, totalisant 1 310 cas, avec des
triangularis ; 2. trompe d’Eustache ; 3. artère carotide interne ; 4. foramen
reculs de 1 à 10 ans (6,5 ans en moyenne), la neurolyse au
ovale ; 5. artère maxillaire interne ; 6. ptérygoïde ; 7. canal de Sténon.
glycérol se soldait par une sédation immédiate de 42 % à 84 %
et un maintien de l’effet à long terme de 18 % à 59 % selon les
séries (38,5 en moyenne). Cela correspond à un taux global
pour éviter effets secondaires indésirables et a fortiori complica- d’échec/récidive de 61,5 % en moyenne [17]. Les principales
tions et séquelles. complications étaient les suivantes : diminution de la sensibilité
faciale avec dysesthésies : 30 %, kératites rebelles : 5 %, érup-
Compression par ballonnet percutané du ganglion tions herpétiformes : 50 %.
de Gasser Cette technique a l’avantage de ne pas être coûteuse, mais la
Cette technique mise au point par Mullan [14] consiste en une diffusion de glycérol aux espaces sous-arachnoïdiens ne pouvant
compression du ganglion de Gasser dans le cavum de Meckel être aisément contrôlée, elle expose à des effets neurotoxiques
par la voie percutanée de Hartel, sous anesthésie générale de aléatoires.
brève durée en raison de son caractère douloureux, et sous
contrôle radioscopique. Le premier temps consiste en l’intro- Traitement radiochirurgical stéréotaxique
duction d’un trocart de grand diamètre par le foramen ovale du trijumeau
jusqu’au niveau du cavum de Meckel. Par le trocart est intro- Leksell fut le premier à avoir traité la névralgie du trijumeau
duite une sonde de Fogarty n° 4 de telle sorte que seule par des rayons gamma dirigés sur le ganglion de Gasser [18]. Les
l’extrémité gonflable dépasse de l’aiguille d’environ 15 mm. difficultés de repérage de la cible, l’absence de consensus quant
L’on injecte ensuite 1 ml d’un produit de contraste (iopamiron aux doses à utiliser et le succès des autres traitements chirurgi-
par exemple) dans la sonde de Fogarty. L’effet en est contrôlé caux firent que cette méthode resta longtemps anecdotique. Un
sur les clichés radiographiques de profil, en particulier la nouvel intérêt apparut au début des années 1999, lorsque la
classique déformation en « poire » du ballon dont la queue résolution de l’IRM permit de localiser avec précision la racine
correspond au porus du cavum de Meckel vers la citerne de postérieure du trijumeau, et lorsqu’il apparut que la radiochi-
l’angle pontocérébelleux. La durée préconisée de la microcom- rurgie pouvait être utile en cas de récidive après traitements
pression est de l’ordre de 1 minute, de façon à ce que le risque traditionnels, au travers d’une étude multicentrique. Dans le
de dysesthésies invalidantes soit minimal. chapitre du rapport sur la « Neurochirurgie fonctionnelle dans
La revue de la littérature a été faite sur 10 séries et totalise les syndromes d’hyperactivité des nerfs crâniens », chapitre
1 404 patients, suivis avec un recul de 1 à 6 ans en moyenne intitulé « Radiochirurgie dans le traitement de la névralgie
selon les séries (avec une moyenne générale de 4 ans) [11, 15]. trigéminale : résultats à long terme et influence des nuances
Cette revue fait état d’une sédation immédiate dans 96 % des techniques », Regis, analysant ses résultats personnels et ceux de
cas en moyenne (de 82 % à 100 % selon les séries) et du la littérature, donne les recommandations suivantes [19]. La dose
maintien de l’efficacité à long terme dans 67 % des cas (de 54,5 conseillée est une dose élevée (80 à 90 Gy) ; la cible conseillée
à 91,3 % selon les séries). En ce qui concerne les effets secon- est rétrogassérienne, à un seul isocentre de 4 mm sur le trajet
daires et les complications neurologiques, il est noté une citernal du nerf, à 7,5 mm de l’émergence du nerf du tronc
hypœsthésie faciale dans 4 % à 77 % des cas, et surtout une cérébral. La cible dans la trigeminal root entry zone (TREZ) est
parésie masticatrice plus ou moins durable dans 50 % à 66 % déconseillée, car elle expose à beaucoup plus d’effets indésira-
des cas selon les séries. La mortalité est d’environ 2 ‰, par bles et de complications sans obtenir une meilleure efficacité sur
effraction de la carotide. la névralgie. Il est en effet conseillé de ne pas dépasser une dose
Dans notre série de 121 patients opérés et suivis avec un recul de 15 Gy au niveau du tronc cérébral. La procédure nécessite la
moyen de 3, 4 ans [15], le taux de sédation immédiate s’est élevé mise d’un cadre de stéréotaxie, mais elle se déroule sous simple
à 94,2 %. L’efficacité initiale s’est maintenue chez 58,7 % des anesthésie locale. Un inconvénient de la radiochirurgie est

6 Neurologie
Névralgie du trijumeau et neurochirurgie ¶ 17-023-A-85

2
A B C D

1
V1
3 4
5
V2
2 6 V3
E F G

H I J
Figure 6. Voies percutanées. Voie transjugoforaminale ovale de Hartel : repères cutanés (A), passage à travers la fosse ptérygomaxillaire et le foramen ovale
(B). Rapports anatomiques du trocart dans la joue : canal de Sténon (1, en C) et dans la fosse ptérygomaxillaire : artère maxillaire interne (2, en D). Traversée
du foramen ovale et placement de l’extrémité de l’électrode dans le plexus triangulaire (D). Neurolyse chimique au gycérol : schéma de l’injection dans la
citerne trigéminale (E) et contrôle radiographique par cisternographie iodée (H). Compression par ballonnet gonflable : schéma de la mise en place de la sonde
de Fogarty dans le cavum de Meckel (F) et contrôle radiographique du ballonnet en place (I). Thermorhizotomie rétrogassérienne : schéma de l’électrode en
place dans le plexus triangulaire selon la somatotopie des fibres (G) et contrôle radiographique (J). V1 : branche ophtalmique ; V2 : branche maxillaire ; V3 :
branche mandibulaire. 1. Ballon gonflé dans le cavum de Meckel ; 2. trocard inséré à travers le foramen ovale ; 3. pars major ; 4. racine trigéminale ; 5. ganglion
de Gasser ; 6. branche masticatrice (motrice).

de mal douloureux insupportable. Et cette méthode est deve-


nue, au cours des dernières années, relativement populaire du
fait de son caractère peu invasif.
La qualité des résultats est relativement différente d’une
publication à l’autre : de 21,8 % à 88,9 % après des reculs
moyens allant de 10 à 60 mois, un taux de récidives mentionné
de 0 % à 46 %, une hypœsthésie comme effet secondaire
néfaste de 0 % à 54 %, selon les séries. Ce manque d’homogé-
néité s’explique par la disparité des équipements radiochirurgi-
caux, celle des cibles, celle des doses, des reculs variables, et
aussi la façon d’évaluer les résultats selon les auteurs.
Dans la dernière évaluation de ses résultats [19, 20], l’équipe de
Marseille fait état d’un taux de guérison à 5 ans de 60 % et de
la présence d’une hypœsthésie à 5 ans de 17 %. Pour Régis et
al., la présence d’une hypœsthésie n’est pas nécessaire à
l’obtention d’un bon résultat antalgique. Pour d’autres, au
contraire, en particulier Pollock, de la Mayo Clinic, le degré de
sédation de la douleur et surtout sa durée au fil du temps est
corrélée à la présence d’une hypœsthésie postopératoire et, par
voie de conséquence, à un certain degré de dysesthésies
(p = 0,02) [21] (Fig. 11).

Figure 7. Représentation schématique d’un planning radiochirurgical. Décompression vasculaire microchirurgicale


Rond blanc : 90 Gy ; ligne jaune : 70 Gy ; ligne bleue : 35 Gy ; ligne verte :
12 Gy ; ligne rouge : limite antérolatérale du tronc cérébral, devant L’intervention est fondée sur l’observation que, dans la
recevoir < 12 Gy. plupart des névralgies dites essentielles, il existe un conflit
vasculonerveux entre le nerf trijumeau et un vaisseau de
voisinage [3, 23-25]. Ce conflit peut être mis en évidence grâce à
qu’elle demande généralement un délai de quelques mois avant l’imagerie actuelle [4, 5]. La compression vasculaire entraîne
d’être efficace. Cela ne constitue pas un problème majeur pour généralement une compression-distorsion du nerf. En outre, les
la plupart des patients, à l’exception de ceux affectés d’un état pulsations du vaisseau provoquent des lésions chroniques de

Neurologie 7
17-023-A-85 ¶ Névralgie du trijumeau et neurochirurgie

3 2
1

A B

5
5

IV 4
V 6
VII-VIII

C D
Figure 8. Technique de la décompression vasculaire microchirurgicale (DVMC) pour un conflit vasculonerveux à partir de l’artère cérébelleuse supérieure (à
droite).
A. Abord microchirurgical rétromastoïdien « en trou de serrure ».
B. Ouverture de la dure-mère, avec lambeaux réclinés, l’un le long du sinus transverse (1), l’autre le long du sinus sigmoïde (2). L’écarteur est placé au-dessus
de l’hémisphère cérébelleux droit pour permettre une approche supracérébelleuse-infratentorielle du trijumeau. Cette approche évite les tractions sur le nerf
cochléovestibulaire (non visible, latéralement à droite). 3. Sinus pétreux supérieur.
C. Ouverture de l’arachnoïde le long du nerf trochléaire (IV), avec respect des veines pétreuses supérieures se draînant dans le sinus pétreux supérieur (3), de
façon à exposer complètement la racine trigéminale (V) depuis sa zone de pénétration dans le pont jusqu’au cavum de Meckel. La meilleure mesure de
prévention d’étirement excessif des nerfs VII et VIII est de ne pas ouvrir l’arachnoïde à leur niveau. Il existe un conflit vasculonerveux entre l’artère cérébelleuse
supérieure (4) et le trijumeau.
D. Après avoir détaché les artères du nerf, celles-ci sont transposées vers le haut le long de la tente du cervelet par deux lacettes de fibres de Téflon de 2 mm
de calibre (5), et maintenues à distance par une plaque de Téflon de 1 × 1 cm de côté (6), reposant sur la veine pétreuse, sans contact avec le nerf trijumeau.

démyélinisation focale des fibres nerveuses, qui peuvent être 15 mm de diamètre en arrière de la mastoïde, un abord micro-
observées sous microscope opératoire. Ces lésions généreraient chirurgical du trijumeau à la partie supérieure de l’angle
une hyperactivité des noyaux du système trigéminal, ce qui pontocérébelleux, une séparation des éléments du conflit
expliquerait bien le caractère épileptiforme de cette névralgie, et vasculonerveux, un écartement du vaisseau conflictuel. Lorsqu’il
l’efficacité des seuls anticonvulsivants. s’agit d’une artère, elle est maintenue à distance par un petit
Les compressions sont situées dans 52,3 % des cas au niveau écran de Téflon, si possible sans contact avec le nerf pour éviter
de la zone d’entrée de la racine dans le tronc cérébral, dans toute néocompression (Fig. 9). Lorsque le conflit est une veine,
54,3 % au niveau de la portion cisternale de la racine, dans celle-ci est coagulée puis sectionnée (Fig. 9).
9,8 % à la zone de sortie de la racine du porus du cavum de La revue des grandes séries de la littérature (17 séries, totalisant
Meckel (Fig. 8). 5 124 patients) fait apparaître des résultats à peu près similaires
Le principe de l’intervention de décompression qui doit être entre les séries [11, 28]. Dans 80 % à 98 % des cas (91,8 % en
dénommée « de Gardner-Jannetta » [24, 25], qui est conservatrice, moyenne), il existait une sédation immédiate de la névralgie. Un
consiste à libérer la racine du trijumeau de la compression effet complet, sans médicaments, persistait dans 62 % à 89 % des
vasculaire par une séparation minutieuse du nerf et du vaisseau, cas (76,6 % en moyenne) au terme du suivi (5 à 11 ans selon les
et à maintenir ce dernier à distance par une prothèse-écran séries, 7 ans en moyenne). Quatre de ces séries comportaient une
conçue à cet effet. Cette dernière ne doit pas être en contact étude avec courbe de Kaplan-Meier [29-32]. Dans la plus large, celle
avec la racine pour ne pas entraîner de néocompression de cette de Barker et al. (c’est-à-dire celle de Jannetta), comportant 1 185
dernière [26, 27]. patients suivis jusqu’à 20 ans pour les plus anciennement opérés,
L’intervention, d’une durée de 3 heures environ, est faite sous 80 % avaient un excellent résultat immédiat (pas de douleur, pas
anesthésie générale. Elle consiste en une petite ouverture de de traitement médicamenteux) et 70 % à 10 ans (Fig. 12). Dans

8 Neurologie
Névralgie du trijumeau et neurochirurgie ¶ 17-023-A-85

2 2

2
1
1 3

1
4
3

2
3

A B C

2
1

5 1

D E F

G H I
Figure 9. Décompression vasculaire microchirurgicale. Vues opératoires.
A à C. Compression vasculaire par l’artère cérébelleuse supérieure (SCA), à gauche. La SCA (3) exerce un conflit antérosupérieur sur le trijumeau (1) au niveau
de sa zone d’entrée dans le pont (A). La SCA est disséquée, détachée du nerf (B), puis maintenue à distance en situation supérieure le long et au-dessous de
la tente du cervelet par une lame de Téflon (4) (C). Noter que le groupe des veines pétreuses supérieures (2) a été conservé.
D à F. Compression vasculaire par l’artère cérébelleuse antéro-inférieure (AICA), à gauche. L’AICA (5) est en conflit postéro-inférieur avec la racine trigéminale
(1) (D). La boucle est détachée du nerf et transposée en arrière (E), puis est maintenue à distance en l’attachant par une lacette de Téflon à la veine pétreuse
supérieure (2) qui a été conservée (F).
G à I. Compression d’origine veineuse (veine pontique transverse inférieure), à droite. La veine (6) marque une empreinte sur la face inférieure de la racine (1)
à sa sortie du cavum de Meckel (G). La flèche désigne une empreinte grise, laquelle correspond à une zone de démyélinisation sous l’effet de la compression
vasculaire exercée par la veine (H). La veine conflictuelle a été coagulée, puis éliminée (I).

Neurologie 9
17-023-A-85 ¶ Névralgie du trijumeau et neurochirurgie

100 * Temps de suivi : 68,1 mois 1,0

90
0,8

Probabilité de succès
80

70 0,6
Pourcentage

60

50 0,4

40
0,2 Bons ou excellents résultats
30 Excellents résultats
20 0,0
0 5 10 15 20
10
Années après la première opération
0
12 36 60 120 180 240 300 Figure 12. Résultats à long terme de la décompression vasculaire
microchirurgicale (DVMC) (série de Jannetta). Courbe de Kaplan-Meier
Temps (mois) des résultats satisfaisants après DVMC, sur 20 ans de suivi, dans la série de
Figure 10. Résultats à long terme de la thermorhizotomie. À titre Jannetta, publiée par Barker et al. [29]. Le taux de guérisons était de 70 %
illustratif, courbe de Kaplan-Meier des patients sans récidive, après (une à 10 ans de suivi. Noter la stabilité de la courbe au fil du temps, à long
seule) thermocoagulation, dans la série de 1 216 patients de Kanpolat et terme.
al. [13]. Bien que le taux initial de sédations complètes fût de 97,6 %, ce
taux diminua à 43 % à 25 ans d’évolution postopératoire.

Taux de guérisons complètes (%) 1,0

100
0,8
90
Sédation complète de la douleur sans

80 0,6
prise de médicaments (%)

70
0,4
60

50
0,2
40

30 0,0
0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15
20
Suivi (années)
10 Figure 13. Résultats à long terme de la décompression vasculaire
0 microchirurgicale (DVMC) (série personnelle ; résultats globaux). Courbe
0 12 24 36 48 60 de Kaplan-Meier des patients avec guérison complète (= pas de douleur,
pas de médicaments), jusqu’à 15 ans de suivi après DVMC, dans la série de
Temps après chirurgie (mois) Sindou et al. [28, 33]. Le taux de guérisons était de 73 % à 15 ans.
Figure 11. Résultats à long terme de la radiochirurgie stéréotaxique. À
titre illustratif, courbe de Kaplan-Meier à partir d’une étude récente faite à
la Mayo-Clinic [22]. Le maintien d’un effet favorable sur la névralgie était
Conservatrice, la décompression vasculaire microchirurgicale
de 54 % à 5 ans.
n’entraîne que très rarement une atteinte sévère du trijumeau,
aboutissant à une anesthésie douloureuse (aucune dans notre
notre série [32, 33] , les courbes Kaplan-Meier montrent une série). La méthode traite la cause de la névralgie. Ses résultats à
probabilité de guérison à 1 an de 81,2 % et à 15 ans de 73,4 % long terme sont durables et stables dans la plupart des cas.
(Fig. 13 à 15). Les taux de mortalité rapportés étaient de 0 % à
1,2 % selon les séries, 0,3 % dont la nôtre [32, 33]. La cause en
était généralement un infarctus hémorragique de la fosse ■ Indications chirurgicales
cérébrale postérieure, lié aux spasmes produits par les manipu-
lations vasculaires. Ceux-ci peuvent être grandement réduits par Décision de chirurgie
l’application locale de gouttelettes de papavérine en solution à
1/10e. Dans les séries rapportées, les complications neurologi- Pour la plupart des chirurgiens, les critères d’indication
ques permanentes les plus fréquentes étaient les suivantes : chirurgicale sont les suivants :
perturbation de l’audition et/ou de l’équilibre (de 0,8 % à 4,5 %, • névralgie trigéminale dont le caractère essentiel a été vérifié
1,5 % dans notre série), paralysie faciale (de 0 % à 1 %, 0,4 % par l’imagerie spéciale. Dans les formes atypiques, la nature
dans notre série), diplopie par paralysie trochléaire (de 0,5 % à névralgique doit être authentifiée par le fait que les antalgi-
1 %, 0,5 % dans notre série), hypœsthésie faciale avec dysesthé- ques de type anticonvulsivants ont été efficaces au moins
sies (de 2 % à 10 %, 4 %, légères, dans notre série). La compli- temporairement, au moins au début (+++). Selon nous, celui
cation la plus fréquente était la fuite de liquide cérébrospinal qui constitue le meilleur test diagnostique est la carbamazé-
(LCS) (de 2 % à 17 %), 2 % dans notre série depuis que nous pine. En cas d’allergie ou d’intolérance, à défaut de pouvoir
apposons systématiquement une plastie de fascia lata et de l’utiliser sur une durée suffisante pour juger de son efficacité,
graisse sur la suture durale au niveau de la craniotomie. l’un des autres peut y suppléer ;

10 Neurologie
Névralgie du trijumeau et neurochirurgie ¶ 17-023-A-85

que le traitement entraîne. La chirurgie est maintenant


100 suffisamment efficace pour qu’il ne soit plus justifié de
90 prolonger exagérément un traitement médicamenteux devenu
peu efficace malgré l’augmentation des doses, et/ou asthé-
80 niant, retentissant sur la qualité de vie du patient.

70 Choix de la technique chirurgicale


Taux de guérisons

60 Malgré et peut-être aussi du fait de la richesse de l’arsenal


chirurgical, le choix du traitement neurochirurgical reste encore
50 controversé. Avant d’aborder l’arbre décisionnel que nous
proposons (Fig. 16), il est important de prendre en considéra-
40
tion les préliminaires suivants.
30 Le recul est désormais suffisant pour juger de l’efficacité à
long terme de la décompression vasculaire. Trois publications
20 Névralgie typique 73 %
rapportent la courbe actuarielle des résultats à plus de 10 ans [11,
Névralgie atypique 74 % 29, 32] ; le pourcentage de guérison y est de 78,2 % à 10 ans et
10
reste à peu près stable ensuite.
0 L’étude des résultats obtenus par les techniques « lésionnel-
2 4 6 8 10 12 14 16 les », c’est-à-dire par l’interruption des fibres radiculaires du
Suivi (années) trijumeau, montre qu’il existe une proportionnalité nette entre
la durée d’efficacité de cette chirurgie et le degré d’hypœsthésie
Figure 14. Résultats à long terme de la décompression vasculaire
laissée par l’intervention et cela, quelle que soit la modalité
microchirurgicale (DVMC) (série personnelle ; résultats selon la présenta-
technique utilisée [11]. Comme pour les techniques percutanées
tion typique versus atypique). Courbe de Kaplan-Meier à 15 ans de recul
lésionnelles, les études à long terme montrent que les effets
des patients guéris par DVMC, en fonction de la présentation « typique »
antalgiques obtenus par la radiochirurgie sont d’autant
et « atypique » de la névralgie trigéminale. La présence de manifestations
meilleurs que la radiolésion a entraîné une hypœsthésie [21].
atypiques, comme un fond douloureux permanent associé aux douleurs
Cependant, pour certains auteurs [19, 20] il n’est pas nécessaire
paroxystiques, ne pénalise pas le résultat de la DVMC. La composante
que cette hypœsthésie soit importante, voire présente, pour
douloureuse permanente ainsi que les éventuels phénomènes vasomo-
qu’il y ait un effet antalgique.
teurs, étaient aussi quasi constamment favorablement influencés, en
En ce qui concerne le degré d’hypœsthésie, garant de l’effet
même temps que les accès paroxystiques disparaissaient [32]. Les deux
à long terme des méthodes lésionnelles, plusieurs options
courbes sont quasi similaires : 72,74 % et 74,40 %, respectivement (p
peuvent être envisagées. L’obtention d’un effet antalgique
= 0,98).
durable peut être privilégiée, mais cela ne peut être qu’au prix
d’une hypœsthésie nette. Cette hypœsthésie est toujours
responsable d’un inconfort, parfois d’une gêne fonctionnelle.
100 Dans certains cas, heureusement peu fréquents, il peut s’y
ajouter un syndrome d’anesthésie douloureuse. À l’inverse, le
90 choix d’éviter une hypœsthésie s’associe inévitablement à un
taux de récidives nettement plus élevé. Le choix entre les deux
80 options est guidé par la préférence du chirurgien et surtout celle
70 du patient, dûment éclairé. Ce choix peut être formulé dans le
Taux de guérisons

document d’information au patient.


60 Entre thermorhizotomie, compression par ballon, injection de
glycérol, ou encore radiochirurgie, le choix est fonction de
50 l’expérience de l’équipe chirurgicale.
40 L’arbre décisionnel proposé par les auteurs est lié à la nature
de la névralgie et aux conditions du patient (Fig. 16). En
30 Âge au moment de la chirurgie pratique, il existe plusieurs types de situations concrètes :
> 70 ans 71 % • la première est représentée par les patients en bon état général,
20
50-70 ans 76 % leur permettant de supporter une anesthésie générale de
10 < 50 ans 65 % 3 heures environ. Dans les centres qui peuvent avoir recours
aux différentes variétés de techniques chirurgicales, le
0 consensus est généralement le suivant : décompression
0 2 4 6 8 10 12 14 16 vasculaire microchirurgicale en première option. Si la décom-
Suivi (années) pression vasculaire ne paraît pas souhaitable ou si elle n’est
pas investie favorablement par le patient, une méthode
Figure 15. Résultats à long terme de la décompression vasculaire
d’interruption percutanée ou la radiochirurgie stéréotaxique
microchirurgicale (DVMC) (série personnelle ; résultats selon l’âge).
peuvent être indiquées, en sachant qu’un effet de longue
Courbe de Kaplan-Meier à 15 ans de recul, en fonction de leur âge à la
durée est corrélé à un certain degré d’hypœsthésie. La place
date de la chirurgie (inférieur à 50 ans, entre 50 ans et 70 ans, supérieur à
de la radiochirurgie est encore difficile à préciser, les résultats
70 ans). Le résultat était d’autant meilleur que l’âge était élevé. La
étant assez différents selon les publications. Une étude
différence statistique n’était pas statistiquement significative (p = 0,09).
extrêmement récente, prospective, comparant les résultats de
Cependant, elle peut être considérée comme à tendance significative [33].
la radiochirurgie stéréotaxique (RS) avec ceux de la décom-
Ces résultats sont en faveur de considérer la DVMC comme première
pression vasculaire microchirurgicale fait état d’un taux de
option, y compris chez les gens âgés, si leur état général permet une
succès à 4 ans de 54 % pour la RS, versus 77 % pour la
intervention ouverte [33].
DVMC (p = 0,003) [22] ;
• la deuxième situation est celle des patients âgés et/ou en état
• durée d’évolution suffisante pour être assuré qu’il s’agit d’une général précaire, ou chez lesquels la névralgie du trijumeau
névralgie invalidante ; est secondaire à une maladie démyélinisante. Une méthode
• échec du traitement médicamenteux bien conduit et/ou percutanée est préférable. Le choix de la variété technique est
intolérance à celui-ci. Nous considérons comme intolérance, affaire d’école. Quelle que soit la technique choisie, la durée
non seulement les complications et les effets secondaires d’efficacité sera proportionnelle au degré d’hypœsthésie
néfastes ayant conduit à arrêter le (ou les) médicaments(s) en séquellaire, avec ses conséquences. La radiochirurgie est une
cause, mais aussi l’asthénie et le ralentissement intellectuel alternative aux méthodes percutanées ;

Neurologie 11
17-023-A-85 ¶ Névralgie du trijumeau et neurochirurgie

Traitement médical (carbamazépine ±


autres anticonvulsivants) suivi par un neurologue

+ –

Inefficace et/ou mal supporté (complications)


(y compris effets secondaires : asthénie,
ralentissement intellectuel, etc.)

Traitement neurochirurgical

Sujet en bon état général et Sujet très âgé/mauvais état et/ou


compression vasculaire à l'imagerie pas de compression vasculaire

DVMC Techniques percutanées Techniques percutanées


ou ou
radiochirurgie radiochirurgie

+ –

+ – – +

Redonner
le traitement
médicamenteux Hypoesthésie Pas
douloureuse d’hypoesthésie

+ –
Refaire
Traitement médical
techniques percutanées

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