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Très chers organisateurs de cette journée littéraire d’hommage,

L
’émotion me comprime le cœur devant ce périlleux honneur de parler d’un homme
en qui s’unissent des dons, des qualités et des passions qui rarement coexistent : il
est le « Géniteur de l’histoire de la République Démocratique du Congo » et l’un des
plus grands « Instituteurs » de la société congolaise ; il déploie une énergie scientifique et
littéraire de fer, avec plus de 244 références bibliographiques, représentant ses
publications parues entre 1968 et 2021, mais dans une humilité aussi absolue que presque
féline…

Quel bonheur d’avoir cette sublime occasion de rendre un solennel hommage à la haute
valeur, dans le domaine éthique et scientifique, de l’un des plus grands architectes de la
mémoire nationale congolaise !

 Un homme qui a choisi tout au long de sa vie de mettre son génie au service du
collectif national, pensant à juste titre qu’un homme de valeur et de dignité est celui
qui remplit au plus haut degré possible la tâche que Dieu a confiée à l’être humain
en le créant, à savoir : penser pour panser.

 Un homme qui ne se lasse de conquérir le passé, de se l’assimiler, d’en faire une


vérité historiographique pour l’émancipation cognitive de ses compatriotes…

 Un homme qui, au fil des livres, des conférences et des émissions audiovisuelles, se
tue à transformer son savoir en patrimoine mémoriel national.

 Un homme, un universitaire par excellence, dont le parcours rejoint l’Histoire


intellectuelle de notre jeune nation… Un parcours qui nous rappelle que l’Histoire
des nations est faite aussi bien de cheminements intellectuels individuels que de
convictions pour lesquelles les hommes et les femmes se battent au prix, parfois,
de leur propre vie…

 Un homme qui est membre de l’Association des Historiens Africains de Bamako,


membre de la Société africaine de Culture à Paris, membre de la Société des Historiens
du Congo (SOHICO), membre correspondant honoraire de l’Académie Royale des
sciences d’Outre-mer de Bruxelles, récipiendaire de la Médaille des Arts, Sciences et
Lettres de la RDC, lauréat du Prix Spécial du Fonds André Ryckmans, et Chevalier de
l’Ordre Royal de la Couronne du Royaume de Belgique…

Tout ça pour un homme paradoxalement très simple, de modeste condition, qui presque
rase les murs de Kinshasa !

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Très chers organisateurs,
C’est donc pour moi une immense faveur que de pouvoir célébrer la mémoire de celui dont
la passion de construire la mémoire nationale lui cheville au corps, certainement en
conscience qu’aussi bien qu’un homme sans mémoire est un homme sans vie, un peuple
sans mémoire nationale est un peuple sans destinée nationale.

Très chers organisateurs, vous avez pris l’initiative de cette journée littéraire d’hommage
à un homme qui essentiel à notre nation, qui est l’un des plus grands d’entre-nous, mais
certainement sans prendre la réelle mesure du grand honneur que vous apportez au
progrès des sciences dans notre pays ! Et cet honneur rejaillit sur chacun de vous. Soyez-
en, avant tout, vivement félicités et remerciés.

Mesdames et Messieurs les membres du gouvernement,


Mesdames et Messieurs les Députés et les Sénateurs,
Eminents Professeurs,
Mesdames et Messieurs en vos grades, titres et qualités…

Aujourd’hui 6 avril 2024, en cette Journée du combat de Simon Kimbangu et de la


Conscience africaine, c’est la mémoire qui nous rassemble.

Ainsi, devant vous, devant la nation congolaise tout entière et devant l’Afrique, je n’ai
trouvé que cette circonlocution pour présenter le Professeur Isidore Ndaywel :

Qu’il me soit permis de crier haut et fort qu’il est dans l'histoire des peuples et des
nations des moments inaccoutumés, où un nom incarne la mémoire nationale, où
l’intelligence a un visage, où la conscience nationale a une voix, et où l’évocation
d’une personne fait écho à un exemple de dévouement professionnel, à un
formidable modèle de chercheur pointilleux, à un prototype de l’excellence
comportementale, et à coups sûrs : à un exceptionnel destin scientifique et
intellectuel.
Qu’il me soit tout autant permis de préciser qu’il est né peu avant la fin de la deuxième
guerre mondiale, le 7 février 1944, et avait 16 ans le jeudi 30 juin 1960, jour de la fin
officielle de la colonisation…Ce qui, peut-être, explique le fait qu’il ne cesse de
concevoir sa charge d’historien comme un véritable sacerdoce d’exorcisation des
traumatismes coloniaux, et sans doute se voit-il, au fond de lui-même, un peu comme
un missionnaire citoyen, missionnaire citoyen de l’histoire, pour donner à son pays ce
que la colonisation lui a le plus enlevé, à savoir : sa mémoire.

Mon propos que d’aucuns peuvent traiter d’encomiastique, le Professeur ordinaire Gilbert
Kishiba, Recteur de l’Université de Lubumbashi, le résume en qualifiant le Professeur
Isidore Ndaywel de « Monument vivant » et « Père de l’historiographie du Congo ».

C’était lors de son discours prononcé à l’université de Lubumbashi, le 22 juillet 2017, à


l’occasion de la Journée d’hommage consacrée à celui dont les 80 ans d’âge mettent en

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perspective une retraite que nous sommes déjà nombreux à apercevoir comme une traite
cognitive que nous lui devons tous et à jamais… Et cela, pour tout ce qu’il nous a donné et
délicatement déposé dans nos cerveaux et au fond de nos âmes… Et qui, d'une manière
ou d'une autre, façonne nos différentes vies intellectuelles et morales.

Comment, dès l’entame de cette adresse, ne pas lancer un puissant merci à ceux qui, en
fieffés disciples de THOT, dieu de la science, de la sagesse, de l’intelligence et de l'écriture,
ainsi qu’en progéniture de Clio, la déesse de l’Histoire, permettent aujourd’hui de fêter en
réplique sismique, la 80ème année d’existence du Professeur Isidore Ndaywel !

Il y a d’abord les professeurs émérites Julien Kilanga Musinde, des Universités d’Angers et
de Lubumbashi, et Donatien Dibwe dia Mwembu, historien de l’Université de Lubumbashi,
qui ont sous le titre : « Vivre le devenir de l’Afrique. Hommage à Ndaywel, historien de son
pays et du monde », ont réalisé un recueil de textes prononcés par les intellectuels de tous
les horizons, à l’occasion de cette « Journée d’hommage à Ndaywel », organisée à
l’Université de Lubumbashi, le 22 juillet 2017.

Cette circonstance exceptionnelle s’était subdivisée en 4 panels traitant de Ndaywel


comme historien, de ses apports et de son impact. Montèrent à la tribune d’abord cinq
illustres contributeurs :

 le Professeur Emérite Bogumil JEWSIEWICKI de l’Université Laval,


 le Professeur Julien Kilanga ;
 le célèbre et très regretté Père Léon de Saint Moulin ;
 le Professeur Marcel NGANDU MUTOMBO ;
 et le Professeur ordinaire Antoine TSHITUNGU KONGOLO.

Ils passèrent le témoin à une jeunesse universitaire dynamique et généreuse qui avait pour
noms :

 la Professeure Associée Emilie Zola KALUFUAKO ;


 le Chef de travaux Liévain Mwangal Mpalang’a-Maruv ;
 le chercheur indépendant Marcel YABILI ;
 et enfin le tandem des diplômés d’Etudes Approfondies en Sciences historiques,
Messieurs Bonaventure Mukubu wa Nkamba et Olivier Mulumbwa Luna.
Une brillante historiographie sur l’invention de l’histoire fut réalisée par la palpitante
conférence de l’Abbé Louis MPALA MBABULA, professeur ordinaire de Philosophie, ainsi
que par les remarquables communications des Professeurs Donatien Dibwe dia Mwembu,
Jean-Marie BASHIZI MUSHARHAMINA, John ISSINGI NDABA, MAKABU MUTSHOKO,
OBOTELA Noël Rachid, Emmanuel BANYESIZE MUKAMBILWA et KIZOBO O’bweng-
Okwess. Cette émouvante rencontre ne manqua pas d’arracher un cri de cœur à Ndaywel
qui lâcha à l’occasion : « Le Congo, notre pays, n’a pas encore dit son dernier mot ».

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En effet, il a encore parlé il y a à peine un mois quand a été publié le deuxième ouvrage
produit par Hippolyte MIMBU Kilol de l’UCC et KIANGU Sindani de l’UNIKIN.

Ces professeurs ordinaires, le premier des lettres latines et le second d’histoire, ont choisi,
sous le titre : « Science et conscience au service de la nation. Hommage à Isidore Ndaywel è
Nziem », d’offrir au Professer Ndaywel, des Mélanges littéraires élaborés comme une
évaluation historiographique et un bilan bibliométrique, webométrique, lexicométrique et
scientométrique de ses publications.

C’est un grand livre de plus de 530 pages. Avec son titre séminaristique, cet ouvrage est un
phénomène littéraire inédit. Un florilège d’exceptionnels hommages fait par
d’exceptionnels contributeurs, introduits par Abdou Diouf, ancien Président du Sénégal et
ancien Secrétaire Général de la Francophonie.

Il a été relayé par l’inusable Professeur Emérite et inoxydable historien des mentalités
KAMBAYI BWATSHIA, par le vénérable Professeur Ordinaire et Doyen Pamphile MABIALA
MANTUBA-NGOMA, par l’icône de la presse écrite et audiovisuelle congolaise Michel
MUSEME DIAWE, et par le célèbre Professeur Emérite et Directeur Général Honoraire de
l’INA André YOKA LYE MUDABA.

Au total, 25 éminents intellectuels, certainement dictés par la gratitude et l’admiration, ont


daigné prendre leurs plumes pour rédiger de textes d’hommage poignants à celui que le
Professeur Ordinaire KIANGU Sindani présente comme étant un homme qui « refusant
finalement de vivre l’histoire avec une courte conscience, un bornage de l’esprit qui ne va pas
au-delà d’une ou de deux générations, a été un savant jésuite devenu intellectuel digne de
Hannah Arendt, puisqu’à la perspicacité de son analyse sociale, il a joint le courage de ses
positions sans chercher une position de niais caressant les autres dans le sens des poils. C’est
ce qui désormais fait du Professeur Isidore Ndaywel un grand-maître dans le sillon de ses
devanciers : Cheik Anta Diop le Sénégalais et Théophile OBENGA le Congolais d’en face ».

Qu’il plaise à tous ces distingués mémorialistes et illustres médiologues, présents dans
cette salle, de bien vouloir se lever, pour recevoir nos plus chaleureuses ovations…

Professeur Isidore Ndaywel,

Quiconque parcourt ces deux ouvrages finit par ne plus savoir ce que l’on doit admirer le
plus chez vous … Est-ce l’étonnante variété de vos connaissances ? La netteté de votre
mémoire ? La rigueur de vos raisonnements ? La fermeté de vos analyses ontologiques,
anthropologiques et historiographiques ? Vos dons exceptionnels d’intelligence, lesquels,
selon Abdou Diouf, ancien Président du Sénégal et ancien Secrétaire Général de la
Francophonie, font de vous « un réel patrimoine panafricain et francophone », comme il en
fait le témoignage dans la préface de « Science et conscience au service de la Nation » ?

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Peu d'hommes, même éminents, peuvent s'enorgueillir d'avoir fait l'histoire de leur pays.
Lui, à force de si bien écrire l’histoire, avec sa si belle, agréable et prolifique plume, et sa
manière unique de patriotiser l’histoire et de la faire vivre, il a fini par y entrer lui-même. Et
aujourd’hui, il incarne un combat exemplaire, qui fait de lui, à la fois « un guerrier
intellectuel », « un savant militant » et « un écrivain combattant » !

Ce combat exemplaire, c’est le co-leadership citoyen du « Comité Laïc de Coordination »


(CLC), en 2017, relayé par trois livres qui sont une somme d’érudition dédiée à l’éveil
intellectuel et civique national. Il y a d’abord « La saison sèche est pluvieuse : l’audace de
dresser le front pour un autre Congo-Kinshasa », en 2017. Ensuite, « Que viennent les temps
des chenilles. Prières sur la tombe des Ancêtres », en 2018. Et enfin, « Le Congo dans
l’ouragan de l’histoire : combats pour l’Etat de droit des femmes et des hommes de foi et de
bonne volonté », en 2019.

Très chers organisateurs et distingués invités,


Pardonnez-moi l’intrusion d’une mention personnelle, car je ne peux retenir le cri de ma
reconnaissance. Jamais je n’oublierai l’impression si cathartique que fit sur ma personne ce
professeur d’Histoire d’une impressionnante envergure.

Après lui avoir arraché la précieuse dédicace sur son livre emblématique « Histoire générale
du Congo : de l'héritage ancien à la République démocratique », paru en 1998, je le priai de
bien vouloir accepter de prendre la direction de ma thèse de doctorat en Histoire. Il me
répondit brutalement :

« Didier, ta plume est déjà si docte que tu n’as pas besoin du titre de docteur en histoire.
Tu écris si bien l’histoire, en libre historien, que tu es déjà plus qu’un docteur en histoire.
Vas-y, tu as ma bénédiction ».

Impossible de vous relater ce qui se passa au plus intime de mon âme, en ce jour du 23 mai
2005, au Grand-Hôtel de Kinshasa, où j’ai eu droit à une exhortation doctorale
exceptionnelle de la part d’un Maître jésuite laïc hors pair. Depuis lors, je me considère
comme un historien autodidacte, consacré par le plus grand historien du pays. Merci
Maître è Nziem !
Puisqu’il n'est pas possible de résumer, en une vingtaine de minutes, près de cinquante ans
de combat contre l'ignorance et pour l’éveil historique, patriotique et cognitif national, je
me retourne vers le ministre de l’Enseignement Supérieur et Universitaire, Haut
représentant de l’Etat congolais en cette circonstance particulière.

Monsieur le Ministre,

Fondée en 1957, l’Université de Dakar est devenue « Université Cheikh Anta Diop » en 1987,
en hommage à l’illustre historien. Depuis décembre 2015, l'université de Ouagadougou est
renommée « Université Joseph-Ki-Zerbo », en hommage à l'historien burkinabé.

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Monsieur le Ministre,

S'il est un mot qui donne le sens de ce qu’est la vie de Isidore Ndaywel è Nziem, ce mot
c'est l’université. Alors, pour que la société congolaise puisse rendre hommage avec
exactitude à toute l’importance de son labeur scientifique, pour que son engagement, son
idéal et sa droiture inspirent à jamais tous ceux et toutes celles qui choisissent l’université, la
pensée, la recherche scientifique et la littérature comme carrière, vocation et passion, qu’il
vous plaise, Monsieur le Ministre, de tout faire pour que l’Université Pédagogique Nationale,
dès le 22 septembre de cette année 2024, à l’occasion de la commémoration du 63ème
anniversaire de sa création, puisse dorénavant porter le nom de l’Université Isidore
Ndaywel è Nziem.

Professeur Isidore Ndaywel, comment ne pas être fier de vous… Magistralement, vous
avez développé à un haut degré les possibilités de ce qu’il y a de plus noble et de plus
semblable à Dieu dans l’homme : la pensée ainsi que l’usage systématique et perfectionné
de l’intelligence. Merci à Dieu de vous avoir fait Congolais.

Mesdames et Messieurs les membres du gouvernement,


Mesdames et Messieurs les Députés et les Sénateurs,
Eminents Professeurs,
Mesdames et Messieurs en vos grades, titres et qualités…

En espérant vous avoir bien rendu, en ces quelques phrases, le « fonds humain » que j'ai
perçu en l’illustre Professeur Isidore Ndaywel, bienheureux que je suis de l'avoir pratiqué :
je vous remercie d’avoir prêté une si admirable attention à mon intervention.

Kinshasa, le 6 avril 2024


Didier MUMENGI
Ecrivain

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