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Résilience d’infrastructures critiques face à l’aléa « mouvement de terrain » :


application à l’axe autoroutier A30

Conference Paper · October 2017

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4 authors:

Christian Bouffier Abla Mimi Edjossan-Sossou


Implenia France RESALLIENCE
7 PUBLICATIONS 37 CITATIONS 36 PUBLICATIONS 79 CITATIONS

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Alheib Marwan Romuald Salmon


Institut national de l'environnement industriel et des risques Institut national de l'environnement industriel et des risques
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Colloque SHF : « RDT 2017, Paris 10-11 octobre 2017 »
C. Bouffier, A. M. Edjossan-Sossou, M. Alheib, R. Salmon – Évaluation de la résilience de l’autoroute A30

Résilience d’infrastructures critiques face à l’aléa « mouvement de


terrain » : application à l’axe autoroutier A30

Christian BOUFFIER1, Abla Mimi EDJOSSAN-SOSSOU2, Marwan AL HEIB1


Romuald SALMON1
1
INERIS Institut National de l’Environnement Industriel et des Risques) – Parc Technologique ALATA, BP 2, 60550 Verneuil-en-
Halatte – christian.bouffier@ineris.fr

2
Université de Lorraine, GeoRessources, UMR 7359, Ecole des Mines de Nancy, Campus Artem, CS 14234, Nancy Cedex, F-
54042, France

Le projet Européen H2020 IMPROVER, dont l’objectif est d’améliorer la résilience des infrastructures critiques, a
proposé une méthodologie d’évaluation de la résilience basée sur un diagnostic objectif d’un aléa identifié. Dans le cadre
de l’application opérationnelle de cette méthodologie, l’INERIS collabore avec les services de la DIREst (Direction
Interdépartementale des Routes de l’Est) chargée de l’exploitation de l’autoroute A30 (Richemont-Belgique). Cet axe de
transport transfrontalier est d’une grande importance économique régionale et la garantie de la continuité de son
fonctionnement est nécessaire. De ce fait, l’autoroute A30 constitue un cas d’étude répondant pleinement aux objectifs
du projet.
L’aléa identifié a pour origine un mouvement de terrain susceptible d’endommager une partie de l’autoroute. La région
Lorraine est exposée à l’aléa « mouvement de terrain » sur une partie importante de son territoire, notamment à cause
de son riche passé minier. L’A30 doit non seulement faire face à des enjeux de sécurité immédiate pour ses usagers, mais
aussi veiller à assurer un service fonctionnel de qualité en toute situation.
Cet article décrit la méthodologie mise au point pour l’évaluation de la résilience : analyse et gestion des risques d’un
point de vue général, rôle du monitoring et solutions palliatives en cas d’occurrence des phénomènes redoutés. Elle
présente ensuite une application à la partie de l’autoroute A30 située aux voisinages de la commune de Neufchef et
exposée à un aléa de mouvement de terrain.
Mots-clefs : Résilience, infrastructure critique, mouvement de terrain, surveillance, gestion de risque.

Critical Infrastructure resilience with regard to ground movement


hazards: A30 highways case study
The « H2020 » European Project titled « IMPROVER », which aims at improving Critical Infrastructure Resilience
(CIR), has suggested a methodology for evaluating the resilience of critical infrastructure. INERIS works together with
DIREst (Interdepartmental Direction of Eastern Roads, the highway stakeholder) to implement the methodology on a
section of the A30 highway. The later, a transboundary motorway axis, plays a major role in the Lorraine region and the
guarantee of its continuous operating is fundamental. Thus, the A30 highway represents an example of Critical
Infrastructure and falls within the problematic of the project.
The identified hazard is a ground movement due to underground mine likely to impact a section of this highway. Indeed,
a large extent of the territory of the Lorraine region is exposed to mining subsidence resulting from the intensive
exploitation of the iron basin. Despite this hazard, the DIREst mission is to ensure the immediate safety of the travellers
using the A30 highway as well as a continuous functional service.
This article describes briefly the developed methodology for the CIR assessment: risk assessment and management from
a general point of view, monitoring role and schedules in case of disturbance occurrence. Then it presents an application
of the suggested methodology to the A30 highway section crossing the commune of ‘Neufchef’ and located in hazard zone.
Key words: Resilience, critical infrastructure, ground movement hazard, monitoring, risk management.

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Colloque SHF : « RDT 2017, Paris 10-11 octobre 2017 »
C. Bouffier, A. M. Edjossan-Sossou, M. Alheib, R. Salmon – Évaluation de la résilience de l’autoroute A30

I INTRODUCTION
Le projet européen H2020 IMPROVER (Improved risk evaluation and implementation of resilience concepts
to critical infrastructure) vise à améliorer la résilience des infrastructures dites « critiques ». Les infrastructures
critiques (ou IC) regroupent tout équipement, système ou partie d’un système dont le fonctionnement est
essentiel au maintien des fonctions sociétales vitales (Theocharidou et al., 2016 ; Moteff, 2012). Les réseaux
de transport (aérien, routier, etc.), les réseaux d’électricité et de distribution d’eau ou de gaz, les services
médicaux, les serveurs informatiques, etc. sont considérés comme des IC.
Lorsqu’elles sont sujettes à des situations de crise, les fonctions vitales assurées par les IC doivent être
restaurées ou adaptées aussi rapidement que possible pour revenir à un niveau minimum de fonctionnement
requis. Cette capacité à maintenir ou à rétablir un fonctionnement minimum malgré des perturbations renvoie
au concept de la résilience. Il est alors nécessaire pour les gestionnaires des IC de déterminer la résilience de
ces IC face à différents évènements critiques afin d’identifier des actions d’amélioration possibles. La notion
de résilience tend à prendre de plus en plus une place importante dans la gestion des IC au même titre que la
sécurité. La connaissance de la capacité de résilience des IC nécessite donc de s’intéresser non seulement à la
sécurité des utilisateurs et des riverains, mais aussi aux conséquences sociétales et économiques que peuvent
engendrer une interruption durable de services.
Cet article présente la méthodologie formelle développée dans le cadre du projet IMPROVER pour
l’évaluation de la résilience des IC et l’illustre en considérant le cas d’une infrastructure critique de transport
routier : l’autoroute A30. Le choix de cet axe autoroutier critique se justifie par le fait qu’il est soumis à un
aléa de mouvement de terrain et qu’il a fait l’objet durant plusieurs années d’une surveillance mise en place
par l’INERIS (Institut National de l’Environnement Industriel et des Risques), acteur français historique pour
l’évaluation et la gestion des risques.

II APPROCHE D’ÉVALUATION DE LA RESILIENCE DEVELOPPEE


L’analyse de l’état de l’art a permis de démontrer que la résilience est appréhendée par une grande variété
d’indicateurs, souvent peu formalisés, sur lesquels aucun consensus ne s’est dégagé. Certaines méthodologies
d’évaluation de la résilience peuvent être retrouvées dans la publication de Hosseini et al. (2016), où un état
de l’art non exhaustif de méthodes d’évaluation qualitatives (comme celle proposée par Kahan et al. (2009))
et quantitatives (comme celle de Bruneau et al. (2003)) est présenté.
Un des axes de recherche du projet IMPROVER a porté sur le développement d’une méthodologie
d’évaluation des résiliences sociétales, organisationnelles et technologiques pour tout type d’IC ; et ceci, quel
que soit l’aléa auquel sont exposées les IC. Cette évaluation doit permettre de mesurer les capacités d’une IC
à résister ou à disposer d’une résistance résiduelle minimale pendant un événement critique naturel ou
anthropique exceptionnel.
Dans le cadre du projet IMPROVER, Pursiainen et al. (2016) ont proposé une méthodologie holistique
nommée CIRI (Critical Infrastructure Resilience Index) pour évaluer la résilience globale. Cette méthode vise
à estimer la résilience des IC en prenant en compte le contexte défini par les paramètres suivants :
- le domaine de résilience étudié (organisationnel, sociétal ou technologique) ;
- le type d’aléa considéré (naturel, anthropique, acte de malveillance, etc.) ;
- les facteurs de situation (pic de consommation, période de l’année, saison, etc.).
Cette méthodologie s’appuie sur la conceptualisation de la résilience des IC sous forme d’une structure
hiérarchique avec au sommet (niveau 0) le CIRI qui est ensuite subdivisé au niveau 1 en 7 indicateurs
représentant la résilience associée à chaque phase/aspect de la gestion des risques ; à savoir : évaluation des
risques, prévention, préparation aux situations de crise, systèmes de surveillance et d’alerte, réponse aux
situations de crise, rétablissement de l’infrastructure et apprentissage post-crise (UNISDR, 2009). Ces 7
indicateurs de niveau 1 sont à leur tour décomposés au minimum en 2 sous-niveaux (2 et 3), de manière à
décrire le plus finement possible leurs domaines d’application génériques et les rendre ainsi plus faciles à
mesurer. Si besoin, le niveau de décomposition peut être augmenté pour pouvoir appliquer les indicateurs
génériques à un secteur ou à un ouvrage (par exemple, un pont spécifique d’une autoroute) et/ou à un scénario
(par exemple, un accident sur une pile de pont).
La décomposition des indicateurs principaux est délicate car elle doit viser, sauf pour son plus bas niveau, à
l’exhaustivité de l’application des concepts. La flexibilité accordée par le plus bas niveau permet d’adapter la

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méthode à toutes les situations et à tous les types d’IC. La méthodologie proposée par Pursiainen et al. (2016)
est caractérisée par une certaine souplesse des décompositions génériques dans des contextes très différents.
Le présent article se concentre sur l’indicateur de niveau 1 « Systèmes de surveillance et d’alarme », pour
lequel l’INERIS a établi une décomposition en indicateurs génériques de niveau 2 et 3 (Figure 1). Toutefois,
il convient de préciser que tous les indicateurs génériques de niveaux 2 et 3 peuvent ne pas être forcément
applicables à tous les cas étudiés.
Indicateur de
niveau 0

Indicateur de
Systèm es de surveillance et
niveau 1
d’alarm e

Indicateur de
Exh au stivité d es Q u alité d e la Seu ils d e Résilien ce d es systèmes niveau 2
Gestio n d es alarmes
p aramètres su ivis su rveillance effectu ée d éclench emen ts de su rveillan ce

Surveillance des Fréquence Compatibilité des Taux de Indicateur de


données d’acquisition seuils avec le fonctionnement niveau 3
d’exploitation fonctionnement de Qualification des
l’infrastructure alarmes
Surveillance des
paramètres liés aux Maintenance
aléas majeurs Précision de Compatibilité des préventive
mesures seuils avec la sécurité
immédiate des Communication interne
sur les alarmes
Surveillance des usagers Maintenance
paramètres curative
secondaires
Archivage /
traçabilité des Communication externe
Surveillance des aléas données de Considérations sur les alarmes Résilience aux
régionaux surveillance temporelles crises

Figure 1 : Décomposition de l’indicateur de résilience « Systèmes de surveillance et d’alarme » (Pursiainen et al., 2016)

L’évaluation de la résilience commence au niveau de décomposition le plus détaillé obtenu (niveau n). Le
cas d’étude est alors analysé au regard de chacun des indicateurs de ce niveau et la valeur de chaque indicateur
est obtenue en fonction des méthodologies existantes pour évaluer ces indicateurs. Les indicateurs du niveau
n ayant des unités variables, les valeurs obtenues sont transformées en notes allant de 0 à 5 (5 étant la note
correspondant à la résilience maximum dans le domaine considéré) sur la base de grilles de notation
prédéfinies. Le tableau 1 présente l’exemple d’une grille de notation pour l’indicateur de niveau 3
“Considérations temporelles”, utilisée dans le cas d’étude illustratif. A cette étape, il y a lieu de faire un travail
important de définition des grilles de notation qui traduisent le plus fidèlement possible les valeurs estimées à
l’aide des méthodologies d’évaluation utilisées.
Tableau 1 : Grille de notation pour le critère de niveau 3 “Considérations temporelles”
Notation Quotient « temps de réaction » sur Commentaire
« cinétique estimée du phénomène surveillé »
0 <1 La surveillance ne permet pas d’anticiper la crise
1 Entre 1 et 3 Seules des mesures urgentes peuvent être prises
2 Entre 3 et 7 Le périmètre peut être sécurisé
3 Entre 7 et 30 La crise peut être anticipée
4 Entre 30 et 60 Une remédiation peut être initiée avant la crise
5 Supérieur à 60 Une remédiation peut être appliquée avant la crise

Partant de l’hypothèse que la notation des indicateurs est appliquée au niveau 3, la performance associée à
chacun des 7 indicateurs principaux est calculée par une agrégation successive par moyenne arithmétique
pondérée des notes obtenues par les indicateurs de niveau 3 puis ceux de niveau 2 (voir éq. [1] et [2] où wi et
vj correspondent respectivement aux coefficients de pondération de l’indicateur i de niveau 3 et de l’indicateur
j de niveau 2). Les 7 performances de niveau 1 sont à leur tour agrégées par obtenir la résilience globale (éq.
[3] où uk correspond au coefficient de pondération de l’indicateur k de niveau 1). Chacun des indicateurs de
niveau n est pondéré selon son importance dans la construction de l’indicateur du niveau n-1.

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Le présent article applique la méthodologie définie par Pursiainen et al. directement bien que d’autres choix
d’agrégations restent possibles. Il appartient au gestionnaire de choisir d’agréger les indicateurs avant une
analyse globale ou alors de se concentrer sur les indicateurs à chacun des niveaux de la structure hiérarchique ;
cette dernière approche pouvant être plus informative pour identifier les lacunes en matière de résilience. Le
tableau 2 présente un exemple de la signification qui pourrait être donnée aux valeurs de performance obtenues
pour l’indicateur de niveau 2 “Seuils de déclenchement”.

∑ ∗
= ∑
[1]

∑ ∗
= ∑
[2]

∑ ∗
= ∑
[3]

Tableau 2 : Grille de notation pour le critère de niveau 2 “Seuils de déclenchement”


Note Signification Description
0 Non existant Les seuils ne permettent pas de prévenir un danger
1 Initial / Ad hoc Les seuils sont dépassés lors de l’occurrence d’un danger
Reproductible Les seuils permettent d’anticiper un danger mais la gestion de crise est
2
mais intuitif réalisée en urgence
3 Processus défini Les seuils permettent une gestion de crise selon une procédure définie
4 Géré et mesurable Les seuils permettent de limiter l’impact d’un danger sur le service de l’IC
Les seuils permettent d’organiser une remédiation de sorte qu’aucun
5 Optimisé
impact sur le fonctionnement de l’IC ne soit observé

Une représentation sous forme de toile d’araignée permet d’avoir une illustration visuelle donnant
instantanément les points forts et les axes d’amélioration de l’IC. Dans l’exemple présenté par la figure 2,
représentant les indicateurs de niveau 1, l’IC présente d’importantes possibilités d’amélioration au niveau de
ses systèmes de surveillance et d’alarme et au niveau des moyens mis en œuvre pour l’apprentissage post-
crise ; en revanche, l’analyse de risque consiste un point fort.

A : Evaluation des risques


B : Prévention
C : Préparation aux situations de crise
D : Systèmes de surveillance et d’alerta
E : Réponse aux situations de crise
F : Rétablissement de l’infrastructure
G : Apprentissage post-crise

Vert Rouge
Bonne évaluation Mauvaise évaluation

Figure 2 : Exemple d’évaluation de la résilience d’une infrastructure (Pursiainen et al., 2016). La zone grisée représente
la situation du cas traité par rapport aux critères.

III CAS D’ETUDE ILLUSTRATIF


L’objectif de cet exemple est d’illustrer la méthodologie développée en l’appliquant à l’évaluation de
l’indicateur de niveau 1 « Systèmes de surveillance et d’alarme ». Partie intégrante des procédures de gestion
des risques, les systèmes de surveillance et d’alarme sont préconisés dans les concepts de résilience

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technologique pour leur apport dans toutes les phases de crise (NF ISO 31 000) : suivi continu, pré événements,
détection d’une crise et retour d’expérience sur la base des données enregistrées.

III.1 Établissement du contexte : aléa « mouvement de terrain » impliquant l’autoroute A30


Les autoroutes sont des infrastructures majeures dont le bon fonctionnement contribue à la santé des
économies régionales, nationale voire internationale. L’axe autoroutier A30 (ou autoroute de la Vallée de la
Fensch) relie Richemont (au nord de l’agglomération de Metz) à Longwy, à proximité de la frontière belge.
Elle contribue au désengorgement de l’axe autoroutier voisin A31 (Nancy-Metz-Luxembourg), également
transfrontalier et proche de la saturation. L’A30 traverse une région au passé industriel et minier important, la
Lorraine, dans laquelle des aléas résiduels de mouvements de terrains subsistent.
L’arrêt de l’exploitation minière, à la fin des années 1990, a en effet donné lieu à des effondrements et
affaissements dans des zones urbanisées à l’aplomb d’anciens travaux miniers souterrains. Ces événements
avaient alors conduit à la mise en œuvre d’une stratégie de gestion de risques, basée sur la surveillance
instrumentale permanente, pour identifier prévoir et sécuriser des zones d’aléa post-minières susceptibles de
présenter des risques pour les personnes, les biens et dans certaines conditions les IC.
C’est dans ce contexte que l’INERIS a surveillé de 2000 à 2015, la zone à risque R156E1 englobant une
portion de l’A30 à proximité de la commune de Neufchef. La surveillance en temps réel, par écoute
microsismique, avait pour but de détecter au plus tôt des ruptures dans les travaux miniers souterrains qui
seraient susceptibles d’être les précurseurs à un affaissement à grande échelle en surface, avec potentiellement
un impact important sur l’infrastructure : une coupure prolongée de la section autoroutière. Dans le cas présent,
il avait été estimé au démarrage de la surveillance que les effets en surface pourraient survenir plusieurs jours
à plusieurs mois après l’initiation de la dégradation des travaux miniers souterrains (GEODERIS, 2006 ; PPRM
Neufchef, 2015).
Le cas d’étude présenté correspond donc au contexte suivant :
- Domaine : résilience technologique (Pursiainen et al, 2016) ;
- Type d’aléa : post-minier.

La surveillance de cette zone à risque étant aujourd’hui terminée, cette étude permet de porter un regard
critique sur les choix retenus alors dans la gestion du risque, dans un contexte tendu puisque consécutif à des
événements traumatisants pour la région et la population. Elle résulte d’une analyse qui se veut la plus objective
et précise possible et en ce sens, l’implication de l’INERIS dans la surveillance entre 2000 et 2015 apporte des
éléments précieux. Cette implication peut néanmoins introduire aussi un biais, c’est pourquoi les résultats
présentés ci-après doivent être considérés comme une illustration de la méthode.

III.2 Évaluation de l’indicateur « Systèmes de surveillance et d’alarme »


L’établissement d’un critère de performance pour un axe autoroutier est délicat ; il peut s’agir du temps de
parcours de véhicules pour une distance définie, de la satisfaction d’un usager quant aux conditions de
transport, des conditions de sécurité de voyage, etc. La définition de ces performances a d’ailleurs fait l’objet
d’un rapport de l’OCDE « Indicateurs de performance pour le secteur routier » (Feypell-De La Beaumelle et
al., 2001) qui mène une analyse critique de 15 critères de mesure.
Dans le cas d’étude de l’A30, les principaux indicateurs de suivi étaient 1) la sécurité des usagers, menacée
par la présence de l’aléa post-minier, et 2) le temps de parcours moyen qui aurait été fortement impacté en cas
de mise en place d’une déviation pour une durée indéterminée. Comme les études de résilience portent sur un
seul critère de performance, nous considérons ici que les mesures de déviation de l’autoroute auraient été prises
dès lors que la sécurité des usagers aurait été menacée. Ainsi, le critère de mesure de performance proposé
dans ce contexte est lié au nombre de jours de fermeture de la section d’autoroute avant un retour à la normale.
En d’autres termes, il s’agit de quantifier l’influence du dispositif de surveillance mis en place sur la
réduction du temps d’interruption potentielle de service. Cela sera le cas si le dispositif permet d’anticiper
suffisamment en amont une maintenance curative (par exemple par des travaux de comblement) afin de limiter
les conséquences sur les conditions de circulation. Cela dépend donc non seulement du dispositif de
surveillance mais aussi (et surtout) du mécanisme redouté.
La procédure de surveillance prévoyait ainsi la mobilisation d’une cellule d’expertise dans le cas où 10
événements microsismiques sur une période glissante de 3 heures étaient enregistrés. Cette cellule disposait

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ensuite de quelques heures pour se prononcer sur l’origine de ces événements, et évaluer s’ils étaient
annonciateurs ou non d’une rupture des travaux au fond avec possibilité de remontée en surface. Ces critères
et délais étaient considérés comme suffisants pour organiser des investigations (levés de doutes, suivi
géomètre, réalisation des sondages, etc.) suffisamment en amont pour permettre une décision de remédiation
adaptée. Avec la grille de notation établie (voir tableau 1), l’indicateur « considérations temporelles » obtient
une note de 4/5. Les mesures prises par la société autoroutière (par exemple la réduction de la vitesse des
usagers sur la section) auraient dépendu de l’évolution ultérieure des déformations.
Cet exercice est répété pour chacun des critères de niveaux 3 énumérés dans la Figure 1, soit 17 critères au
total. Le format de cet article ne permettant pas d’expliciter la notation pour l’ensemble des critères, seul le
résultat de l’étude complète est présenté dans le Tableau 3. Les cases vertes représentent les points forts, et les
cases orangées les points à améliorer selon le code couleur de la figure 2. Les différents indicateurs sont
considérés comme ayant des poids identiques (équi-pondération).
Tableau 3 : Exemple de résultat de l’évaluation du critère de résilience « systèmes de surveillance et d’alarme ».
Surveillance des Fréquence Compatibilité des Qualification Taux de
données d’acquisition seuils avec le des alarmes fonctionnement
d’exploitation fonctionnement
3/5 5/5 5/5 4/5 3/5
Surveillance des Précision de Compatibilité des Communication Maintenance
aléas majeurs mesure seuils avec la sécurité interne sur les préventive
Niveau des usagers alarmes
3 4/5 4/5 5/5 3/5 4/5
Surveillance des Archivage / Considérations Communication Maintenance
paramètres traçabilité des temporelles externe sur les curative
secondaires données alarmes
2/5 5/5 4/5 5/5 3/5
Surveillance des Résilience aux
aléas régionaux crises
Hors sujet 3/5
Exhaustivité des Qualité des Seuils de Gestion des Résilience de la
Niveau paramètres suivis données déclenchement alarmes surveillance
2
3/5 4.75/5 4.75/5 4/5 3.25/5
NIVEAU 1 : Systèmes de surveillance et d’alarme : 3.95/5

IV DISCUSSIONS ET CONCLUSIONS

IV.1 Contribution des systèmes de surveillance et d’alarme à l’amélioration de la résilience de


l’autoroute A30 vis-à-vis de l’aléa « mouvement de terrain »
La note finale obtenue pour l’indicateur « systèmes de surveillance et d’alarme » sur la base de l’auto-
évaluation de l’INERIS est de 3,95/5, ce qui est un bon indicateur de performance. Cette note pourrait être
améliorée en travaillant sur les critères du tableau obtenant les valeurs 3 et inférieures.
Si un tel dispositif devait à nouveau être déployé, les points principaux d’amélioration porteraient, au vu des
résultats présentés sur :
- L’exhaustivité du système de surveillance qui reposait principalement sur des mesures indirectes de
l’état du sous-sol. Aujourd’hui lorsque cela est pertinent, la surveillance microsismique est couplée à
d’autres mesures, par exemple, des mesures de déplacements en surface et/ou des mesures géotechniques
en forages superficiels,
- La résilience du système de surveillance qui présentait un taux de fonctionnement inférieur à 100% et
un critère de performance de maintenance curative noté 3/5. Les équipements de surveillance installés
sur site étaient raccordés par des liaisons filaires aériennes qui étaient très vulnérables aux surtensions

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provoquées par les orages. Les technologies actuelles permettent entre autres de s’affranchir de ces
liaisons aériennes et d’améliorer significativement le taux de fonctionnement des dispositifs de
surveillance.
Avec l’évolution des technologies et le retour d’expérience opérationnel, les critères de performance relatifs
à la communication, la gestion des alarmes et la résilience aux crises seraient sans doute meilleurs aujourd’hui
aussi, avec la généralisation de solutions de « cloud monitoring » (Bigarre et al, 2011)
Notons aussi, pour ce cas d’étude spécifique, que de nombreux indicateurs dépendent du mécanisme
d’affaissement plus que du système de surveillance, qui permet uniquement d’anticiper des décisions. En effet,
si le mécanisme de dégradation de travaux miniers était plus rapide, l’influence des systèmes de surveillance
sur la résilience de l’infrastructure serait mineure (voire nulle), indépendamment du système mis en place, car
les circuits de décisions ne disposeraient pas d’assez de temps pour limiter les effets de ce mécanisme. Dans
ce cas, seule une remédiation de l’aléa en comblant les cavités ou en mobilisant des travaux de contournement
des vides souterrains aurait eu un effet majeur.
La décision de la mise en place d’un système de surveillance d’une part, et du choix de ce dispositif d’autre
part, est délicate pour des gestionnaires peu confrontés aux aléas de cavités abandonnées. Elle dépend des
mécanismes surveillés, des enjeux, des contraintes environnementales et des durées planifiées de surveillance.
Dans ce contexte, un guide de bonnes pratiques à destination des collectivités et des maîtres d’œuvre a
récemment été rédigé par l’INERIS pour le compte du Ministère de la Transition écologique et solidaire
(Franck et al., 2016).

IV.2 Points forts de la méthode CIRI


Lorsqu’elle est réalisée entièrement (cette étude se limitait à la notation d’un seul critère), la méthode CIRI
elle permet de visualiser à un instant donné l’état global de la résilience de l’infrastructure et d’identifier les
axes d’amélioration. La réactualisation régulière des résultats permet de voir l’évolution positive ou négative
de la résilience résultant soit de l’amélioration des méthodes de travail, soit de la dégradation de
l’environnement.

IV.3 Axes de progrès de la méthode CIRI


L’obtention de résultats fiables nécessite une mise en œuvre exhaustive de la méthode (extension aux 6 autres
indicateurs) pour chaque aléa identifié. Cette mise en œuvre représente un important investissement et conduit
à plusieurs dizaines ou plusieurs centaines de critères différents. Il est donc difficile d’identifier les critères les
plus pertinents. Une première évaluation de la résilience est obtenue en se limitant à trois niveaux de critères
génériques. Une étude plus poussée peut ensuite être réalisée sur les aléas les mieux identifiés.
Cette méthode privilégie les critères qualitatifs aux critères quantitatifs. L’échelle de notation doit être établie
avec soin sur la base de critères facilitant l’objectivité. Ces critères pourraient être définis dans un outil
informatique servant de guide et permettant une homogénéité de traitement par des opérateurs différents. Cet
outil est en cours de définition dans le cadre du projet IMPROVER.
L’équipe de recherche tente aujourd’hui de constituer un cadre formel pour cette évaluation qui s’inspire de
celui mis en place pour la gestion des risques (ISO 31000). A l’issue du projet, des données testées sur
différents sites pilotes seront des données d’entrées précieuses qui pourraient servir à des travaux futurs de
conception de normes sur l’application des concepts de résilience.

V REMERCIEMENTS
Ce projet a été financé par le programme de recherche et d’innovation Horizon 2020 de l’Union Européenne
sous l’agrément N°653390. Le contenu de cet article n’est pas lié à l’opinion officielle de l’Union Européenne.
La responsabilité des informations et des opinions exprimées ici sont entièrement à la charge des auteurs.
L’INERIS remercie la DIR EST et notamment le PCE autoroutier de Metz (en particulier M. Lefranc et M.
Sodoyer) pour leur collaboration dans le cadre du projet, ainsi que la DDT 57 (M. Welfringer et M. Cesar) et
la DREAL Grand Est (M Gelin et Mme. Dufour) qui ont fourni des données et leurs avis précieux.
Nos remerciements portent également aux partenaires du projet, et notamment le coordinateur SP (M. Lange)
et le responsable de l’étude sur les évaluations de la Résilience UiT (M. Pursiainen).

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VI REFERENCES
Bigarre P., Klein E, Gueniffey Y, Verdel T (2011) – Cloud monitoring: an innovative approach for the
prevention of landslide risks. The Second World Landslide Forum Rome, 2011, Abstracts Book L16, p 475.

Bruneau M., Chang S.E., Eguchi R.T., Lee G.C., O’Rourke T.D., Reinhorn A.M.(2003) – A framework to
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