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LES FOCUS

TECHNIQUES DE L’INGÉNIEUR

PRÉVENTION DU
RISQUE
SUR LES SITES INDUSTRIELS
novembre / 2020
SO
M
M
AI
SOMMAIRE
INTRODUCTION
LES LEÇONS DE LUBRIZOL
RE 2
3
4
• LUBRIZOL : RETOUR SUR LA GESTION DE L'INCENDIE ET DE SES CONSÉQUENCES 4
• LUBRIZOL : UN RETOUR D'EXPÉRIENCE INSTRUCTIF 6
• QUELLES ÉVOLUTIONS RÉGLEMENTAIRES POUR PRÉVENIR LE RISQUE SUR LES 8
SITES INDUSTRIELS ?
• « LA MAÎTRISE DES RISQUES PASSE PAR LA CONNAISSANCE DES ÉVÈNEMENTS 10
ET LE PARTAGE DES EXPÉRIENCES »
• COMMENT UTILISER UN RETOUR D'EXPÉRIENCE ? 13
POUR ALLER PLUS LOIN 16
• LE PDG DE LUBRIZOL MARTÈLE SANS CONVAINCRE L’ABSENCE DE TOXICITÉ 16
• EXPLOSIONS À BEYROUTH : LE NITRATE D’AMMONIUM, LE DRAME AVANT ET 18
APRÈS
• LES DONNÉES SENSIBLES DES SITES SEVESO RETIRÉES D'INTERNET 20
• SÉCURITÉ ET SÛRETÉ DES SITES INDUSTRIELS CHIMIQUES 21
INTRODUCTION
La prévention du risque sur les sites industriels est une charge de longue haleine. Formation,
expertise, audit… Les moyens sont nombreux pour améliorer la sécurité des sites industriels
et prévenir tous les types de risques. Aussi, et peut-être surtout, l’expérience et le retour
d’expérience quant aux accidents passés permet de réévaluer et d’ajuster les règlements
existants, dans un but d’amélioration continue.

A ce titre, l’incendie du site de Lubrizol, les 26 et 27 septembre 2019, est un bon cas d’étude.
L’accident en lui-même a eu un énorme écho pour les populations : en effet, les incertitudes sur
la toxicité des fumées, sur la présence d’amiante dans le panache ont créé confusion et peur,
surtout chez les populations alentour.

Plus d’un an après cet incident, les services compétents, l’Ineris principalement, ont analysé
le déroulement de l’événement, les décisions prises et les conséquences de cet accident pour
évaluer la qualité de la réponse fournie par les autorités et les pistes d’amélioration possibles.
De fait, ces analyses a posteriori ont permis, entre autres, de mettre en place une nouvelle
réglementation, à la lumière des lacunes relevées dans les process de gestion de crise existants.

Ces nouvelles réglementations, présentées récemment par la DGPR (Direction générale de


la prévention des risques), seront mises en application dès le début de l’année prochaine.
Ces textes renforcent d’une part les obligations des sites Seveso, ainsi que les prescriptions
relatives à la prévention des risques d’incendie et à la limitation de leurs conséquences, dans
les stockages de liquides inflammables et combustibles ainsi que dans les entrepôts. Cela inclut
entre autres l’interdiction de certains types de récipients mobiles fusibles, progressivement.

A y regarder de plus près, on comprend que les enjeux sont nombreux : coordination des
services, récolte des données, traitement de ces dernières… L’ensemble de ces mécanismes
permettant une approche plus efficiente des phases accidentelles et post-accidentelles.
LES FOCUS
TECHNIQUES DE L’INGÉNIEUR

LES LEÇONS DE LUBRIZOL

LUBRIZOL : RETOUR SUR LA


GESTION DE L'INCENDIE ET DE SES
CONSÉQUENCES
Lors d’un accident industriel, l’Etat mobilise ses chimiques et l’évaluation des risques pour la santé.
services pour assurer la gestion de crise. C’est Avec, comme on vient de le voir, une différence de tempo-
ainsi que l’Ineris est intervenu lors de l’accident de ralité entre la gestion de l’accident en lui-même et celle de
Lubrizol. Retour sur cet épisode. ses conséquences potentielles.
Lors d’un accident industriel comme celui de Lubrizol (26 La mise en action des compétences de l’Ineris s’est faite
et 27 septembre 2019), les services de l’Etat compétents par le biais de la cellule d’appui aux situations d’urgence,
sont mobilisés pour améliorer la gestion de crise et opti- la Casu, qui permet à l’Ineris de mettre à disposition ses
miser la réponse sur le terrain, en temps réel. Il s’agit éga- capacités d’expertise 24h/24. Le 26 septembre, dès 6
lement de prévenir au mieux les risques pouvant résulter heures, la Casu est sollicitée pour préciser les risques
de l’accident : risque sécuritaire, dispersion de substances immédiats, thermiques, toxiques ou de suraccident. A ce
toxiques, pollution atmosphérique… L’Ineris (Institut natio- moment-là les questions auxquelles doit répondre la Casu
nal de l’environnement industriel et des risques) a ainsi été sont nombreuses : quels sont les risques immédiats les
mobilisé, dès le 26 septembre vers 6 heures du matin, pour plus graves ? Quels effets irréversibles sur la santé ? Quels
apporter son expertise, à plusieurs niveaux. risques environnementaux ?
Lubrizol est un accident industriel de type chimique. En Thibaud Penelon, ingénieur d’astreinte au Casu, était en
effet, le 26 septembre 2019, l'usine de produits chimiques poste le 26 septembre au matin : « J’ai reçu vers six heures
appartenant à la société Lubrizol est victime d'un incendie, un appel d’un collègue qui m’a dit que la plateforme de
ravageant également l'entrepôt logistique appartenant à la Lubrizol était en feu. Une vingtaine de minutes plus tard,
société Normandie Logistique. L’Ineris a donc dû, très rapi- nous étions sollicités par la DREAL [Direction régionale
dement, fournir aux autorités une expertise technique pour et interdépartementale de l’environnement et de l’énergie,
gérer la crise sur le terrain, mais aussi une analyse à plus NDLR]. La première question à laquelle nous étions alors
long terme sur les risques de pollution et de danger pour confrontés était celle du pentasulfure de phosphore pré-
les populations et la biodiversité : c’est ce que l’on appelle sent sur le site. Si cette substance était prise dans l’incen-
la gestion post-accident. die, quels seraient les risques, cela pourrait-il entraîner un
La Casu immédiatement mobilisée risque explosif supplémentaire ? ».

Concrètement, l’Ineris a mobilisé dès le 26 septembre au Au-delà de cette question, la plus urgente, les probléma-
matin ses équipes, qui sont intervenues sur 4 thématiques : tiques à résoudre étaient nombreuses pour la Casu : «
• la dispersion des fumées évaluation du risque toxique en mode aigu, chronique ou
• l’analyse chimique des polluants contenus dans les dépôts subchronique, taux de suies émises et retombées au sol
de fumée et leur composition, distance de propagation du panache…
• la mise en sécurité du site Tout ceci afin d’évaluer les risques pour les personnes tra-
• l’évaluation des propriétés dangereuses des substances

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LA PRÉVENTION DU RISQUE SUR LES SITES INDUSTRIELS, UNE AFFAIRE D'AMÉLIORATION CONTINUE

vaillant sur la circonscription de l’accident, mais aussi pour complémentaires ont permis de produire une nouvelle
les populations avoisinantes, les écoles notamment. Dès modélisation du panache, sur une échelle faisant plusieurs
la fin de la première journée, nous avons pu déterminer la centaines de kilomètres.
quantité de polluants émise par unité de temps, à quelle
Enfin, l’Ineris a réalisé un travail important pour identifier
température, de façon à servir de données d’entrée aux
les substances présentes à Lubrizol, afin d’identifier celles
modélisations atmosphériques », précise Franck Prats,
qui pourraient se révéler dangereuses, pour l’environne-
également ingénieur Casu.
ment ou la santé.
Des résultats d'analyses obtenus très rapidement
Au final, l’épisode de Lubrizol, pour la Casu et l’Ineris, aura
L’Ineris a ainsi analysé, entre autres, plus de 120 lingettes été l'occasion de mettre en oeuvre les procédures d’ur-
et des canisters, qui sont des dispositifs sous vide, per- gence dont nous venons de parler. Et qui ont permis de
mettant d’aspirer l’air ambiant sur le site de l’incendie pour fournir, dans un laps de temps très limité, les informations
l’envoyer en analyse et ainsi évaluer les risques toxiques. dont les autres services impliqués ce jour là et les autorités
avaient besoin pour prendre des décisions. Une mission
Les premiers résultats de ces analyses sont arrivés le ven-
relevée avec succès, même si cet épisode est aussi l’occa-
dredi midi, soit en moins de 24 heures, permettant une
sion d’apprendre et de s’améliorer. Ainsi, Faustina Fuvel,
première modélisation des dangers. Le vendredi soir, la
technicienne à l’Ineris, regrette que l’Ineris n’ait pas pu
quasi totalité des résultats étaient connus. Avec l'ensemble
prendre en charge les prélèvements : « Nous avons une
de ces résultats, il a été possible d’effectuer une seconde
frustration au niveau du laboratoire, par rapport aux préle-
modélisation, plus fine et permettant de visualiser plus pré-
veurs, parce que les prélèvements auraient pu être effec-
cisément l’ensemble du panache de dispersion. Toujours
tués par l’Ineris. Cela aurait permis d’avoir immédiatement
dans le but de fournir aux autorités les informations les plus
des analyses plus efficaces et faciles à mettre en oeuvre ».
précises possible, pour une prise de décision optimisée.
Retrouvez, sur le site de l'Ineris, une vidéo retraçant la mise
La sécurité du site a également accaparé la Casu dans
en oeuvre de cette réponse de la Casu.
ces premières heures post explosion, car son évaluation
constituait une information importante pour les équipes Par Pierre Thouverez
d’intervention sur place. Benjamin Truchot, responsable de
l’unité DIEM (Dispersion incendie modélisation et expéri-
mentation) à l’Ineris : « Tout s’est accéléré avec la prise 19/11/2020
de décision de se rendre sur site, pour comprendre com-
ment avait pu se fracturer la toiture contenant de l’amiante,
et quel était le risque d’effondrement et donc de disper-
sion d’amiante dans l’atmosphère. Je me suis rendu sur
site le lundi matin et j’ai découvert une atmosphère un peu
irréelle : des dizaines de milliers de mètres carrés noircis
par les huiles, les suies, des barres d’acier tordues par la
chaleur… J’ai pu me rendre compte de la quantité d’infor-
mations disponibles sur le terrain : j’ai pu ainsi confirmer
que la rupture du toit était d’origine mécanique et pas ther-
mique, constater la présence de traces d’amiante dans le
panache de dispersion de l’incendie ». Ces informations

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LES FOCUS
TECHNIQUES DE L’INGÉNIEUR

LUBRIZOL : UN RETOUR
D'EXPÉRIENCE INSTRUCTIF
Lors de l’incendie de Lubrizol les 26 et 27 septembre Le timing d’intervention de la Casu
2019, les services de l’Etat sont intervenus pour Sollicitée dès le jeudi 26 à 6h30, la Casu a d’abord traité la
apporter une réponse coordonnée et efficace, d’abord phase d’urgence de l’accident, c’est sa mission première :
pour circonscrire l’incendie, puis pour évaluer les protéger les populations des risques létaux et irréversibles.
risques relatifs à la dispersion de substances dans
l’environnement. Une note réalisée par l’Ineris aide à Dès lors, la Casu s’est mobilisée sur la réponse post-acci-
comprendre ce qui a bien marché, et ce qui reste à dent, très rapidement : « l’Ineris a recommandé dès le jour
améliorer. de l’incendie d’engager cette seconde phase post-acciden-
telle et de suivre les préconisations fournies par la circu-
Parmi ses services, l’Ineris, via la Casu (cellule d’appui aux laire du 20 février 2012 ».
situations d’urgence), a été sollicité le 26 septembre, dès
6 heures du matin. La mission de la Casu ? Déployer les Si cette seconde phase post-accidentelle a été activée très
compétences de l’Ineris afin d’évaluer le plus rapidement rapidement, « l’Ineris s’est mobilisé au-delà des missions
possible les risques explosifs et chimiques liés à l’incendie de la Casu », constate la note. Cette mobilisation, pilote sur
et aux substances stockées sur le site. Pour dans un pre- certains points, a également fait émerger des fragilités sur
mier temps garantir la sécurité des services déployés pour les capacités actuelles de l’Ineris en situation de crise. En
lutter contre l’incendie. Ensuite la Casu est intervenue sur particulier en ce qui concerne les prélèvements.
la phase post-accident : évaluer les risques pour les popu- Améliorer les process de prélèvements
lations alentours et enfin modéliser le panache de fumée
Lubrizol constitue pour l’Ineris une première, dans le
(composition, température, dispersion) afin d’en mesurer
sens où c’est la première fois dans le cas d’un incendie,
les impacts potentiels sur les populations et l’environne-
en France, que des « prélèvements quasi-immédiats des-
ment.
tinés à la préparation de la phase post-accidentelle sont
L’intervention de la Casu a donné lieu à un retour d’expé- réalisés ». Ce qui explique certaines difficultés quant aux
rience, sous la forme d’une note transmise au Sénat et à méthodes de prélèvements employées par les intervenants
l’Assemblée nationale, afin d’évaluer l’efficacité de la mis- locaux sur place, les matériels utilisés, qui ont compliqué le
sion, et les points d’amélioration de ce dispositif exception- travail d’analyse de l’Ineris.
nel de gestion de crise.
Pour y remédier, l’Ineris entrevoit plusieurs possibilités :
La note réalisée transmise à l'assemblée nationale porte « équiper les acteurs locaux (RIPA, industriels, DREAL,
principalement sur les délais de mise en œuvre de l’ac- SDIS…) de moyens simples de prélèvement conserva-
tion de la Casu, sur les phases accident et post-accident. toires permettant d’obtenir des échantillons rapidement
L'accent a également été mis sur l’apport de la Casu sur la pour analyses en laboratoire et proposer des outils d’auto-
phase post-accidentelle : en effet, depuis une dizaine d’an- formation à leur mise en œuvre ; mettre en place un réseau
nées est développée une doctrine post-accidentelle, tra- de camions/containers de mesures en temps réel proje-
duite notamment dans la circulaire de 2012. Elle a connu table rapidement sur site. L’Ineris pourrait à la fois coordon-
son baptême du feu à l’occasion de l’incendie de Lubrizol. ner ce réseau et s’équiper pour être en mesure de couvrir

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LA PRÉVENTION DU RISQUE SUR LES SITES INDUSTRIELS, UNE AFFAIRE D'AMÉLIORATION CONTINUE

une zone prédéfinie du territoire. » Autre exemple, les effets cocktails : l’Ineris rappelle dans
sa note qu’il existe encore beaucoup d’incertitudes sur les
Un besoin d’informations difficile à satisfaire, dans
effets cocktails des substances présentes dans un panache
l’état actuel des connaissances
de fumée, et que la recherche doit absolument se pour-
Sur la question des données, l’Ineris constate que sur un suivre sur ce sujet.
site comme celui de Lubrizol, qui stocke de nombreux pro-
Pour revenir sur la thématique très importante de la récolte
duits en faible quantité, la complexité des phénomènes en
et du traitement des données, L’Ineris souligne que le
jeu lors de l’incendie ne permet pas, même avec tous les
volume très important d’informations échangées, les sup-
prélèvements effectués, d’avoir une connaissance com-
ports de diffusion utilisés ainsi que les formats de données,
plète des risques à l’œuvre.
peuvent être optimisés : « Des architectures de portail
L’étude des FDS, entre autres, a par contre permis, comme d’échange de données en situation d’urgence pourraient
prévu, d’identifier rapidement les pollutions mises en œuvre être préconstruites ainsi que leurs protocoles de gestion
par l’incendie, et leur toxicité pour les populations. afin qu’elles puissent être mises en ligne dès les premières
Des axes d’amélioration existent cependant, comme le pré- phases de gestion d’un accident majeur. »
cise la note de l’Ineris : « S’il ne semble pas envisageable La note de l’Ineris transmise à l’Assemblée nationale et au
à court terme de lever toutes les inconnues dans ce type Sénat est disponible ici dans son intégralité.
d’incendie, certaines améliorations sont envisageables, qui
Par Pierre Thouverez
supposeraient une évolution de la réglementation française
pour rendre disponible : - un suivi « fin » du stock : quan-
tité, risque associé et surtout formule chimique (…) ; - une
20/11/2020
évaluation de la composition des fumées dégagées lors de
la combustion des produits stockés (…) ; - une évaluation
de la quantité des éléments constitutifs des contenants (…)
mais aussi constituants des bâtiments (...) et de tout maté-
riau susceptible de produire des composés toxiques en cas
d’agression thermique. »
La difficulté actuelle pour lever toutes les zones d’ombre
sur un incident spécifique comme celui de Lubrizol a été
un objet de frustration pour les populations. S’y ajoute
nombre d'incompréhensions, à plusieurs niveaux. C’est le
cas par exemple en ce qui concerne les « valeurs seuils
» : « La nécessaire focalisation dans les premières heures
de l’accident sur la limitation de la mortalité ou de la morbi-
dité sévère conduit à des incompréhensions : les "valeurs
seuils" de toxicologie ont souvent été surinterprétées
comme une frontière absolue entre l’innocuité et le danger.
De nature parfois règlementaire, et souvent normative, ces
valeurs ont été prises pour des seuils "zéro risque" ou "zéro
effet". »

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TECHNIQUES DE L’INGÉNIEUR

QUELLES ÉVOLUTIONS
RÉGLEMENTAIRES POUR PRÉVENIR
LE RISQUE SUR LES SITES
INDUSTRIELS ?
Suite à l’accident industriel survenu le 26 septembre les obligations des sites Seveso et les prescriptions rela-
à partir de 2h40 du matin sur les sites de Lubrizol tives à la prévention des risques d’incendie (et à la limi-
et de Normandie Logistique, le Ministère de la tation de leurs conséquences). Ces prescriptions seront
transition écologique a élaboré un plan d’action, en vigueur dès le début de l’année prochaine, avec un
présenté le 11 février 2020. Ce plan s’appuie sur les échéancier de mise en conformité courant jusqu’en 2026.
retours d’expériences des services compétents, afin Renforcement des obligations des sites Seveso
d’améliorer la prévention et l’information quant aux
risques relatifs à l’exploitation de sites industriels. Un décret et un arrêté sont consacrés aux sites Seveso.
L’idée directrice est de réévaluer périodiquement les
Si le site de Normandie Logistique est un entrepôt, il est mesures de sécurité et les évaluations du danger, comme
important de rappeler que celui de Lubrizol est un établis- l’a expliqué Anne-Laure Fauquet, membre de la Direction
sement de production d’additifs pour les lubrifiants, classé générale de la prévention des risques (DGPR) et principale
Seveso haut. rédactrice de cet arrêté et de ce décret, lors d’une confé-
Le retour d’expérience suite à l’accident a permis de récolter rence en ligne – par précaution, en raison de la pandémie
des informations émanant de tous les services compétents de Covid-19 - organisée par la DGPR le 3 novembre der-
impliqués dans la gestion accidentelle et post-accidentelle, nier : « Lors du réexamen de l’étude de dangers, l’exploi-
permettant une analyse approfondie et la formulation de tant doit également recenser les technologies éprouvées
recommandations. Ce rapport a été remis aux autorités et adaptées qui, à coût économique acceptable, pourraient
en février 2020. Suivront d’autres travaux, comme la mis- permettre une amélioration significative de la maîtrise des
sion d’information réalisée par l’Assemblée nationale (rap- risques, compte tenu de l’environnement du site. »
port remis le 12 février 2020), la commission d’enquête du Par la suite, l’exploitant hiérarchise ces technologies, en
Sénat (rapport publié le 2 juin 2020), et enfin une seconde fonction, entre autres, de la probabilité, de la gravité et de la
mission inter-inspections, sur la gestion de la crise, dont les cinétique des accidents potentiels qu’elles contribueraient
résultats ont été publiés le 8 juillet 2020. à éviter, et du coût rapporté au gain en sécurité attendu. A
Le plan d’action présenté en février dernier et paru au jour- la suite de cela, l’exploitant se prononce sur les technolo-
nal officiel le 26 septembre 2020 contient une partie relative gies qu’il retient et précise le délai dans lequel il les met en
au renforcement de la réglementation en matière de pré- œuvre.
vention et de préparation à la gestion des accidents. Ces Par ailleurs, le décret et l’arrêté obligent désormais les éta-
textes – 2 décrets et 5 arrêtés - dont nous allons énumérer blissements Seveso seuil bas à établir un POI (plan d’opé-
les points les plus importants, renforcent significativement ration interne), à compter du 1er janvier 2023.

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En ce qui concerne l’information du public, obligation est réglementation ICPE.


faite à l’exploitant de mettre à disposition, en ligne, toute
Retrouver la liste exhaustive des réglementations post
une liste d’informations relatives au site Seveso en ques-
Lubrizol ici.
tion. Toutes les modifications, ayant par exemple pour
conséquence un passage « seuil haut » à « seuil bas »,
doivent également être publiques. La coopération entre 23/11/2020
établissements Seveso voisins, pour permettre la prise en
compte de la nature et de l’étendue du danger globale d’ac-
cident majeur, devient également une obligation.
Etat des matières stockées
Le volet concernant l’état des matières stockées du plan
d’action introduit une section spécifique dans l’arrêté minis-
tériel du 4 octobre 2010 relatif à la prévention des risques
accidentels au sein des ICPE soumises à autorisation.
L’objectif est double. Il s’agit « d’imposer de manière géné-
rique et transverse à l’ensemble des installations soumises
à autorisation les dispositions « de base » relatives à l’état
des stocks, mais également de définir des dispositions spé-
cifiques pour certaines catégories d’installations. »
Des dispositions spécifiques sur l’état des stocks – mise à
jour hebdomadaire, mise à disposition des autorités sani-
taires, des services d’inspection, des services de secours
et du public – sont également mises en place.
Liquides inflammables et combustibles
Ce volet du plan d’action réorganise les textes existants, en
créant un arrêté nouveau relatif au stockage des liquides
inflammables en récipients mobiles pour tous les sites à
autorisation.
Entrepôts de matières combustibles
En ce qui concerne les entrepôts, l’évolution de la régle-
mentation vise à « éviter le saucissonnage des entrepôts
et appréhender les risques à l’échelle d’un ensemble de
bâtiments de stockage, relever les seuils d’autorisation au
profit du régime d’enregistrement, et traiter en cohérence
le sujet de l’évaluation environnementale relative à l’artifi-
cialisation ».
Enfin, une partie des textes réglementaires présentés vise
à améliorer la sécurité des sites nouvellement soumis à la

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LES FOCUS
TECHNIQUES DE L’INGÉNIEUR

« LA MAÎTRISE DES RISQUES PASSE


PAR LA CONNAISSANCE DES
ÉVÈNEMENTS ET LE PARTAGE DES
EXPÉRIENCES »
Gesip, une organisation spécialisée dans la toxiques, incendie, explosion et la gestion de crise. Notre
prévention du risque, accompagne les entreprises vocation est de contribuer à améliorer les performances
dans l'amélioration de leurs performances en termes sécurité et de promouvoir une culture HSE forte.
de sécurité. Les réglementations post-Lubrizol Comment s'articule la demande de vos clients pour
font partie de ces améliorations, qu'il va falloir garantir la sécurité de leurs sites industriels ?
implémenter dans les prochaines années.
La maîtrise des risques passe par la connaissance des évè-
Créée en 1953, Gesip est une organisation experte en nements et le partage des expériences. C’est ce que nous
sécurité industrielle, qui fédère plus de soixante entreprises favorisons au sein de notre organisme. Gesip renforce la
collaborant pour améliorer la prévention et la sécurité des sécurité industrielle par la transmission des savoirs grâce
sites industriels et logistiques. à la formation et l’expertise. Dans le cadre de nos missions
Aujourd’hui Gesip propose des formations, des audits, des d’audit et de conseil, l’actualité, les mises à jour réglemen-
guides techniques et des prestations de service aux profes- taire, les innovations techniques guident les demandes de
sionnels de l’industrie et logistique visant à améliorer leurs nos clients et adhérents.
performances en termes de sécurité. Prenons l’exemple du POI (plan d’opération interne) : il est
Hélène Moumrikoff, déléguée générale de Gesip, a expli- destiné à gérer et encadrer les situations de crise. Il définit
qué aux Techniques de l’Ingénieur comment s’articule cette l’organisation, les méthodes d’intervention, d’information
démarche d’amélioration continue, notamment à la lumière des autorités et les moyens nécessaires, en cas d’accident,
des évolutions réglementaires actuelles. pour le maîtriser, protéger les personnes, les biens et l’envi-
ronnement.
Gesip partage d’ailleurs son expertise avec l’administration
dans le cadre de ces nouvelles réglementations, qui seront Les sites SEVESO seuil haut et bientôt seuil bas ainsi que
progressivement mises en place à partir de janvier 2021. ceux désignés par arrêté préfectoral doivent établir un POI
avant la mise en service de leur site. Ainsi, chaque industriel
concerné est dans l’obligation d’appliquer un POI adapté à
Hélène Moumrikoff : Nous concentrons notre mission sur sa structure. Une mise à jour doit être faite tous les 3 ans et
l’expertise en entreprise et la formation en situation réelle. des tests réalisés tous les ans pour les sites SEVESO seuil
Gesip accompagne aussi de nombreuses entreprises en haut. Les industriels devront en particulier mettre à jour leur
missions d’audit et de conseil pour l’élaboration et l’éva- POI et GESIP les accompagne dans cette démarche.
luation de plans d’urgence, de systèmes de management
Comment l’évolution des réglementations a-t-elle fait
de la sécurité et d’installations de défense incendie. Nous
évoluer vos missions ces dernières années ?
œuvrons dans le domaine de la maîtrise des risques

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LA PRÉVENTION DU RISQUE SUR LES SITES INDUSTRIELS, UNE AFFAIRE D'AMÉLIORATION CONTINUE

Nous travaillons avec les industriels dans le cadre de il est devenu évident que les composés perfluorés tels que
groupes d’échange et d’étude, au sein desquels Gesip le PFOS et le PFOA sont extrêmement persistants dans
recueille les positions des meilleurs experts sur les sujets l’environnement et des études toxicologiques ont établi un
de sécurité industrielle au cœur de l’actualité. lien entre ces substances chimiques et la survenue d’effets
néfastes graves sur la santé de l’être humain. Ces produits
Reconnue par les autorités, l’expertise et la neutralité de
et substances associés ont été introduits dans la liste des
Gesip permettent de retrouver nos guides méthodologiques
polluants organiques persistants dont l’utilisation doit être
cités comme références dans des textes règlementaires.
progressivement abandonnée. Ces molécules ont été peu
C’est par exemple le cas pour ceux concernant les POI ou
à peu remplacées par des composés perfluorés à chaîne
les pipelines.
plus courte, qui ne font pour l’instant l’objet d’aucune res-
Dernièrement, Gesip a également été sollicité par plusieurs triction, mais il est probable que cela finisse par être le cas.
syndicats professionnels pour élaborer un guide technique,
Pour cette raison, les fabricants d’émulseurs anti-incendie
« Accès des véhicules ADR à motorisation GNL/GNC au
investissent dans le développement de nouveaux émul-
poste de chargement/déchargement de marchandises dan-
seurs sans fluor améliorés. Il s’agit d’un grand défi, car
gereuses ».
les domaines à haut risque tels que l’industrie chimique
Nous participons actuellement aux consultations, menées et pétrochimique ont besoin de disposer d’émulseurs aux
par le ministère de la transition écologique et solidaire, sur meilleures performances. À l’heure actuelle, les fabricants
les projets de modification des six arrêtés des textes minis- mettent au point de nouvelles générations d’émulseurs
tériels, qui encadrent l'utilisation et le stockage des liquides sans fluor hautement performants et adaptés pour diverses
inflammables. applications.
Pourriez-vous nous donner un exemple concernant Avant d’être mis sur le marché, ces nouveaux émulseurs
une évolution réglementaire et la façon dont Gesip doivent être testés sur des feux réels dans des conditions
l’appréhende ? les plus proches possibles de la réalité. Or, à ce jour, il
Dans le domaine des émulseurs, Gesip dispose d’un proto- n’existe pas dans le monde, d’infrastructure permettant de
cole de test agréé suivant l’arrêté du 3 octobre 2010 modi- tester leur efficacité sur des feux réels de grande dimen-
fié, qui est reconnu par l’administration pour sélectionner sion. Dans le but de toujours améliorer la sécurité indus-
des émulseurs particulièrement performants. trielle, Gesip a construit une cuvette de 300 m² destinée
à tester l’efficacité de ces nouveaux émulseurs dans ses
L’équipement des installations incendies avec de tels émul- installations basées sur son site de Vernon.
seurs permet à la fois à l’industriel de s’assurer de l’effi-
cacité de ses moyens de défenses contre l’incendie tout Les dimensions hors norme de cette cuvette de 50 mètres
en diminuant substantiellement ses quantités d’émulseurs de long sur 6 mètres de large permettront d’étudier la pro-
stockés. gression de ces nouvelles mousses sur de grandes dis-
tances en présence ou non d’obstacle afin de simuler des
La réglementation concernant des émulseurs va être modi- scénarios de feu de nappes représentatifs. Cette cuvette
fiée en lien avec l’évolution des connaissances technolo- permettra aussi de tester de nouveaux matériels d’extinc-
giques et environnementales. En effet les émulseurs à base tion sur de grands feux.
de fluor contiennent des surfactants fluorés qui permettent
l’insertion d’un film entre la mousse et le liquide enflam- Vous parliez tout à l’heure des réglementations mises
mé. Celui-ci permet à la fois une meilleure couverture et en place depuis Lubrizol. Gesip a apporté son expertise
une progression plus rapide de la mousse. Aujourd’hui, ils à l’administration dans la préparation de ces réglemen-
sont donc les plus performants en extinction. Néanmoins, tations. Pouvez-vous nous en parler ?

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LES FOCUS
TECHNIQUES DE L’INGÉNIEUR

Un retour d'expérience a été fait sur l’incendie survenu il y de la DGPR, pour travailler à la compréhension de ces
a plus d’un an : un travail important d’analyse a été réalisé textes, et actuellement nous sommes en cours de rédaction
par différentes sociétés, mais aussi à travers l’enquête de d'un guide méthodologique.
la commission sénatoriale. Ces événements, aussi regret-
A l'issue de ce travail, qui n’est pas terminé, nous mettrons
tables soient-ils, constituent la source d’un apprentissage
en place des formations à distance ou en présentiel, en
et de nouvelles connaissances. Les industriels s’appro-
fonction des conditions sanitaires, pour donner une com-
prient l’ensemble de ces connaissances et l’administration
préhension et une explication orale des points les plus
fait évoluer les textes réglementaires.
importants dans le cadre de ces changements.
Gesip se positionne toujours sur un plan technique. Ces
L’accident de Lubrizol a également fait émerger un
textes réglementaires sont rédigés par l’administration fran-
besoin d’accès à l’information plus important venant
çaise, et comme cela se fait régulièrement sur des sujets
des riverains, et des populations alentour. Comment
techniques comme celui-ci, les syndicats professionnels
améliorer ce point ?
sont sollicités pour la relecture de ces textes. Gesip peut
également être sollicité, si le sujet du texte fait partie de La communication avec les riverains existait déjà dans le
notre champ d’expertise. cadre de la prévention des risques, mais les évolutions
technologiques doivent nous conduire à repenser ces
Il est important de noter que l’amélioration de la sécurité
transferts d’informations. Je donne un exemple : il y a 20
industrielle et les évolutions réglementaires se font de
ans, tout le monde n’était pas équipé d’un téléphone por-
façon continues même si cela est mis plus en lumière lors
table. Aujourd'hui on peut trouver plusieurs smartphones
d’incident fortement médiatisé.
dans chaque foyer, on peut donc tout à fait imaginer des
Quelle est votre mission ? moyens de communications plus rapides - envois de SMS
massifs, l’usage des réseaux sociaux. Ce sont toutes ces
Notre rôle est de participer à la relecture de ces textes et
nouveautés qu'il nous faut pouvoir intégrer à la communi-
s’assurer de leur bonne compréhension par les industriels.
cation actuelle avec les riverains, en particulier l’aspect ins-
Nous avons été associés pour ce travail, ce qui nous a per-
tantané.
mis de répondre aux interrogations des industriels que nous
fédérons. La situation était particulière, il faut bien le recon- Ensuite se pose la question : qui doit communiquer, quand ?
naître : l'administration française à souhaiter avancer le Nous ne sommes plus dans une communication telle qu'on
plus rapidement possible sur les évolutions réglementaires a pu connaître précédemment, ou finalement la première
pertinentes, à la lumière de ces nouvelles connaissances. information à laquelle le grand public avait accès était le
Ceci, afin de répondre aux attentes fortes de la population. soir au journal télévisé.
Concrètement, les syndicats professionnels - Gesip, le Aujourd’hui, nous devons choisir les bons modes de com-
Medef, entre autres - se sont coordonnés de façon extrê- munication, les bonnes cibles, et préparer, répertorier les
mement rapide pour procéder à la lecture de ces textes informations, pour les utiliser efficacement.
et transmettre les questions à l'administration pour qu'elle
Propos recueillis par Pierre Thouverez
puisse y répondre directement. Nous avons entre autres
pour mission de faire remonter à l’administration des sug- Crédits image de une : Annie Gozard
gestions, qu’elle est libre de retenir, ou pas, puisqu’elle reste
totalement maîtresse de décider ce qu’elle entend faire.
24/11/2020
Quoi qu’il en soit un dialogue se met en place : nous avons
eu beaucoup de réunions avec les différents représentants

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COMMENT UTILISER UN RETOUR


D'EXPÉRIENCE ?
Le retour d'expérience technique a pour objectif traitement qu'il faudra lui associer. On peut ainsi distinguer
de collecter, archiver et analyser les informations différents types de bases de données dans le domaine
spécifiques au comportement des installations et des industriel :
matériels importants. Il permet de mieux connaître les • les banques d'événements à caractère historique,
performances et de détecter les points faibles au sein associant des faits techniques ou humains (événements,
d'une entreprise. incidents, accidents, etc.) au temps, et qui concernent
plutôt les situations d'exploitation dans les installations ;
Extrait de l'article Retour d'expérience technique par André • les banques de défaillances qui nécessitent le recueil de
LANNOY défaillances, de dégradations, d'actions de maintenance
et de statistiques de fonctionnement, et qui concernent
Dans le domaine industriel, le retour d'expérience intervient
toutes les situations relatives aux matériels ;
à tous les stades de la vie d'un produit ou d'une installa-
• bien d'autres banques encore (de contrôle, surveillance,
tion, de l'avant-projet sommaire à la fin de vie, en passant
statistiques, connaissances, etc.) dont le traitement ne fait
par l'avant- projet détaillé, la réalisation, la mise en service, pas l'objet de cet article.
l'exploitation.
Ces banques contiennent des informations brutes de retour
L'expérience acquise au cours de ce cycle de vie est natu- d'expérience, relatant l'événement ou la défaillance. Ces
rellement reconduite, pour la définition de nouveaux pro- informations peuvent être structurées : elles sont codées
duits ou de nouvelles installations. Au cours de toutes ces ou narratives, faisant l'objet d'un texte libre écrit en langage
phases, l'utilisation des banques de données de retour naturel. Ces informations sont essentielles dans les pers-
d'expérience est un facteur d'optimisation : pectives de bonne gestion du cycle de vie, d'optimisation
• au niveau du respect des critères de sécurité, pour ce
de la maintenance et d'évaluation probabiliste de la sûreté.
qui concerne la fiabilité des matériels, l'analyse des
événements d'exploitation, les procédures de maintenance Le retour d'expérience est tout d'abord un outil utile aux
des matériels et d'exploitation ; ingénieries locales des sites industriels (exploitation,
• sur le plan de l'amélioration de la qualité des équipements conduite, maintenance, sûreté). Si le site est, bien évidem-
et de leur durée de vie ; ment, responsable de la rédaction des faits techniques, de
• afin de vérifier les critères économiques associés à la leur vérification et donc de la qualité des informations (il est
disponibilité, au contrôle, à la maintenance des matériels propriétaire des données), il est aussi le premier bénéfi-
et à l'approvisionnement des pièces de rechange.
ciaire d'un retour d'expérience qui l'aidera dans la maîtrise
Le retour d'expérience est un processus d'amélioration de ses propres enjeux.
continu, une composante importante au service du mana-
Il bénéficie également aux ingénieries centrales, nationales,
gement.
en particulier pour actualiser les politiques nationales de
Certains de ces objectifs peuvent se révéler contradic- sûreté et de maintenance et anticiper les problèmes géné-
toires. Il est donc important d'identifier précisément ce que riques liés aux installations et aux matériels.
l'on recherche avant de constituer une banque de données
Les concepteurs et les chercheurs sont également de
de retour d'expérience et de réaliser les outils d'accès et de
grands bénéficiaires d'un retour d'expérience de qualité,

13
LES FOCUS
TECHNIQUES DE L’INGÉNIEUR

dont l'analyse permet de prévoir les problèmes, de déve-


lopper des actions afin d'y remédier et de les éviter dans
le futur. Dans ce sens, le retour d'expérience est un outil
d'anticipation et de prospective.
Enfin, le retour d'expérience permet aux décideurs de défi-
nir, calculer et suivre l'évolution d'indicateurs de manage-
ment (production, coûts, taux d'accidents du travail, etc.).
Exclusif ! L’article complet dans les ressources documen-
taires en accès libre jusqu'au 9 décembre 2020 !
Retour d'expérience technique par André LANNOY

25/11/2020

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15
LES FOCUS
TECHNIQUES DE L’INGÉNIEUR

POUR ALLER PLUS LOIN

LE PDG DE LUBRIZOL MARTÈLE


SANS CONVAINCRE L’ABSENCE DE
TOXICITÉ
Ce mardi 22 octobre, la commission d’enquête du Les explications répétées du PDG sur l’absence de risques
Sénat sur la gestion des conséquences de l’incendie à moyen et long terme ne convainquent pas la commis-
de l’usine Lubrizol a auditionné Eric Schnur, PDG de sion. Ce patron américain se risque même à avancer que
Lubrizol. Malgré sa bonne volonté affichée, il peine à Lubrizol fait des simulations sur les fumées et qu’« il n’y a
convaincre. Résumé des principaux enseignements. pas de différence significative avec ce que l’on peut trouver
dans l’incendie d’une maison ». Des fumées qui seraient
Mardi matin, Eric Schnur était entendu par les députés
les mêmes, voire moins dangereuses que dans un incen-
dans le cadre de la la mission d'information de l'Assem-
die domestique ? « Cela n’est pas entendable pour les
blée nationale. Mardi après-midi, il était auditionné par les
personnes qui ont vécu l’incendie », a réagi Céline Brulin,
sénateurs pour la commission d'enquête parlementaire du
sénatrice de la Seine-Maritime. Mais le PDG l’affirme : les
Sénat sur la gestion des conséquences de l’incendie de
experts ont pu prédire les impacts sur la santé : « il n’y a
l’usine Lubrizol.
pas d’autres impacts sur la santé que l’irritation causé par
Devant les sénateurs, le PDG de l’entreprise américaine la fumée ».
a réitéré ses excuses à toutes les personnes touchées
L’entreprise veut se montrer coopérative
par cet incendie « au nom de nos 8700 employés dans
le monde ». D’après les informations connues à ce jour, Face aux doutes du public, le PDG veut se montrer coopé-
« l’incendie s’est déclenché en dehors du site, mais il faut ratif. « Nous allons continuer à soutenir les tests, l’échan-
encore en définir la cause », a-t-il prévenu. tillonnage, fournir des informations détaillées sur tous les
produits », prévient-il. Et l’entreprise fera en sorte que des
Une absence de toxicité à moyen et long terme ?
experts en toxicité indépendants puissent avoir les informa-
Selon un document publié sur le site de la préfecture, 5 tions nécessaires pour mener leurs propres études.
253 tonnes de produits chimiques ont brûlé dans l'usine
L’eau utilisée pour éteindre l’incendie a été confinée et va
classée « Seveso risque haut », ainsi que 4 252 tonnes
être traitée, assure Eric Schnur. Un plan de surveillance
de produits chez son voisin Normandie Logistique. Sur
sanitaire et environnemental qui regarde les effets à moyen
ce dernier site, 1 691 tonnes provenaient aussi de Lubri-
et long terme a été mis en place. Il poursuit en rappelant la
zol. Les substances stockées chez Normandie Logistique
volonté de travailler en toute transparence avec les autori-
étaient uniquement des « produits non dangereux selon la
tés et « agir en bon voisin ».
réglementation Seveso », a soutenu le PDG. « Nous pen-
sons pouvoir affirmer que tous les produits présents ne Des indemnisations à long terme
présentent pas de risques pour la santé », a assuré Eric Si le montant des indemnisations n’est pas encore connu,
Schnur, devant la commission. Depuis l’accident, plus de le PDG de Lubrizol insiste sur sa volonté d’accompagner
2000 échantillons auraient été prélevés, et ils n’ont pas les agriculteurs et les entreprises affectés, notamment
montré d’impact environnemental immédiat. dans le tourisme. Des dispositifs sont en cours de réflexion

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pour faire face aux besoins les plus immédiats, mais il n’y
a pas encore de système d’évaluation global. « Nous ne
savons pas quels seront les besoins à long terme mais
nous serons là », rassure-t-il.
En particulier, Lubrizol travaille avec la FNSEA pour indem-
niser en priorité les agriculteurs les plus touchés. L’entre-
prise est en lien avec la Préfecture pour gérer un fonds qui
répondra aux besoins des entreprises. Et elle finance des
opérations de nettoyage et les évaluations environnemen-
tales. Toutefois, rien n’a encore été discuté avec les autori-
tés locales pour l’indemnisation des communes qui ont dû
faire face à de nombreuses dépenses.
Un incendie commencé à l’extérieur
Comme tout le monde, Eric Schnur attend les résultats
de l’enquête pour savoir ce qu’il s’est passé. Lubrizol n’a
accès qu’aux images de surveillance vidéo sur son site.
Celles-ci montrent que l’incendie a commencé à l’extérieur,
puis s’est propagé sur le site.
Le système anti-incendie sur site a fonctionné pendant au
moins 2 heures et délivré au moins 2000 tonnes d’eau.
« Ce système est conçu pour éteindre un incendie dans les
lieux de stockage, analyse Eric Schnur. Si l’incendie vient
de l’extérieur, le système ne peut pas l’arrêter ».
Les opérations de traitement des fûts endommagés par
l’incendie sur le site de Lubrizol devraient commencer ce
mercredi et durer environ deux mois. « La partie production
du site n’étant pas impacté par l’incendie, nous allons étu-
dier la possibilité de le remettre en activité », fait savoir Eric
Schnur. En attendant la reprise de l’activité, les employés
continueront à être rémunérés.

23/10/2019

17
LES FOCUS
TECHNIQUES DE L’INGÉNIEUR

EXPLOSIONS À BEYROUTH : LE
NITRATE D’AMMONIUM, LE DRAME
AVANT ET APRÈS
Le mardi 4 août, deux immenses explosions Poussant notre réflexion plus loin, plus particulièrement
détruisent le port de Beyrouth et dévastent en partie sur la gestion de risques et d’accidents industriels, nous
la capitale libanaise. L’enquête se poursuit et la piste avons interrogé Marie-Astrid Soenen, responsable du pôle
de l’accident est privilégiée. En cause : la détonation substances produits et procédés, à la direction des risques
de 2 750 tonnes de nitrate d’ammonium stockées accidentels de l’Ineris (Institut national de l’environnement
depuis près de sept ans dans un entrepôt portuaire, industriel et des risques).
et provenant d’une cargaison saisie en 2013. Elles Marie-Astrid Soenen : Quand on regarde les films mon-
étaient transportées sur un navire en direction du trant les explosions au port de Beyrouth, on voit qu’elles
Mozambique, depuis la Géorgie, qui faisait escale au ont été précédées par un incendie à proximité du site où
port beyrouthin. ont éclaté les explosions. L’expérience en incidents indus-
Au moins 137 morts, 5 000 blessés, une dizaine de dispa- triels et l’accidentologie nous montrent que si des sources
rus, des dommages matériels estimés à plus de 3 milliards calorifiques - comme un incendie - sont proches du nitrate
de dollars, et jusqu’à 300 000 personnes privées de domi- d’ammonium et qu’on ne les contrôle pas, une explosion
cile fixe. Secouée le 4 août par deux gigantesques défla- s’en suit. Il est tout à fait plausible que l’incendie des feux
grations, Beyrouth est méconnaissable. d’artifice, qui reste à confirmer, soit derrière cette explosion.

My brother sent me this, we live 10 KM away from the Au moment de l’explosion, telle que montrée dans les
explosion site and the glass of our bldgs got shattered. vidéos, on voit monter un nuage de fumée rouge. Cette
#Lebanon pic.twitter.com/MPByBc673m couleur est due à la présence d’oxydes d’azote (des gaz
polluants à forte toxicité pulmonaire, ndlr.), dits NOx, issus
— Abir Ghattas (@AbirGhattas) August 4, 2020
de la décomposition d’une partie du nitrate d’ammonium.
Les NOx se caractérisent par cette couleur rousse. La
Devant ce paysage de désolation, les questions se posent tombée de pluies acides qui entraînent avec elles les NOx
d’elles-mêmes : comment une telle catastrophe a-t-elle pu est selon moi peu probable, car le nuage est visiblement
se produire ? Quelles explications ? Le nitrate d’ammonium, vite monté très haut et s’est mélangé avec l’air. Le nuage
vendu sur le marché comme engrais, devient très explosif de NOx dégagé n’est pas à hauteur d’homme pour être
sous certaines conditions. Le drame était-il évitable ? inhalé. Mais il faudrait certainement réaliser des scénarios
de dispersion de ce nuage afin de savoir où s’est dirigé ce
The before and after of #Beirut port. No words... dozens panache.
of firefighters were on site when the explosion happened...
#Lebanonpic.twitter.com/ySbkwiZ1GT Toutefois, il n’y a pas que les NOx. L’explosion a empor-
té avec elle des gravats qui pourraient contenir d’autres
— Abir Ghattas (@AbirGhattas) August 5, 2020 matières toxiques. Et là, tout dépend de ce qui se trou-
vait alentour. Cela peut par exemple s’agir de poussières

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d’amiante relâchées dans l’air, si les toitures arrachées et il doit avoir subi cela dans un pays comme le Liban où
contenaient de l’amiante. il peut faire très chaud. De plus, le nitrate d’ammonium
absorbe facilement l’humidité, et cela aussi perturbe ses
On peut ici citer des exemples historiques. Après la des-
caractéristiques. Donc, le vieillissement va conduire à ce
truction en septembre 2001 de l’usine AZF de Toulouse,
que les granulés d’origine vont se dégrader sous forme
par un stock de nitrate d’ammonium, il y a surtout eu l’im-
de poudre ou se solidifier en masse en présence de forte
pact physique de l’onde de choc, mais pas de toxicité per-
humidité, augmentant ainsi la sensibilité.
çue ; contrairement à l’explosion de nitrate d’ammonium en
Chine en 2015 qui avait eu des conséquences environne- Il existe des protocoles pour “inerter” les nitrates d’ammo-
mentales car des produits cyanurés stockés à proximité ont nium qui ne répondent plus aux critères techniques : les
été libérés lors de l’explosion. couper avec des substances inertes, qui ne présentent
pas de risques d’explosion, et on obtient dans ce cas un
En France, la directive Seveso comporte des recomman-
mélange stable. Ce mélange peut ensuite être retravaillé
dations qui précisent bien comment procéder au stockage,
en vue d’une valorisation, si cela est possible. L’une des
selon les conditions réelles dans lesquelles on se trouve.
substances inertes avec lesquelles on peut couper le
Concernant les engrais à haute teneur de nitrates d’ammo-
nitrate d’ammonium est le phosphate. On peut couper le
nium, la directive Seveso définit pour le stockage un clas-
nitrate d’ammonium avec jusqu’à 50 % de phosphates et
sement seuil bas de 1250 tonnes et un classement seuil
on parvient ainsi à annuler fortement le risque d’accident.
haut 5000 tonnes : selon le classement, des prescriptions
Et le phosphate peut ensuite servir dans la valorisation en
pour la sécurité du stockage sont à respecter. De plus,
engrais car il permet de produire un mélange nutritif à des-
selon les critères techniques pour le produit à stocker, les
tination des sols. Il y a encore d’autres moyens pour couper
seuils de classement sont différents. Pour pouvoir stocker
le nitrate d’ammonium : le dissoudre dans de gros volumes
ces produits en respectant les réglementations en vigueur,
d’eau, entre autres techniques.
il faut réaliser au préalable une étude de danger permettant
ainsi de dessiner les scénarios d’accidents. Dans les cas Image de une : Capture d'écran d'une vidéo diffusée sur
les plus graves, un plan de prévention des risques techno- Twitter par le compte @AbirGhattas et intégrée plus haut
logiques (PPRT) sera établi. dans l'article.
Au port de Beyrouth, il semble que ces 2750 tonnes de
nitrate d’ammonium proviennent d’un cargo de passage,
06/08/2020
venu de Géorgie, qui les transportait en direction du
Mozambique. Il n’est pas certain que les caractéristiques
de ce nitrate d’ammonium soient conformes aux exigences
attendues. Un stockage de plus de 6 ans, compte tenu des
variations de température et d’humidité, a certainement
dégradé le produit et donc renforcé sa sensibilité à la déto-
nation.
Le nitrate d’ammonium est un produit sous forme de cris-
taux qui présentent des transitions de phases (ces transi-
tions interviennent à des températures précises et modi-
fient la structure cristalline du composé, ndlr.). Le nitrate
d’ammonium possède une transition de phase vers 32 °C,

19
LES FOCUS
TECHNIQUES DE L’INGÉNIEUR

LES DONNÉES SENSIBLES DES SITES


SEVESO RETIRÉES D'INTERNET
Pour prévenir de nouvelles attaques terroristes, est notamment assurée par « inspection des installations
l'Union des Industries Chimiques (UIC) et le Ministère classées », une des sous-catégories du corps de contrôle
de l'Écologie se sont réunis le 17 novembre et ont dénommé Inspection de l'environnement, qui a reçu des
décidé de ne plus rendre accessible sur internet les consignes de sécurité renforcées. Selon Jean Pelin, direc-
informations jugées trop précises à propos des sites teur général de l'UIC : « le risque terroriste est ailleurs ».
classés Seveso. Par Sébastien Tribot
En tout ce sont 1 170 sites classés Seveso en France - les
établissements industriels présentant des risques d'acci-
dents majeurs - qui sont concernés. Les industriels pour- 09/12/2015
ront grâce à cette décision enlever « toutes les informations
à caractère sensible sur les stocks de produits dispersifs,
explosifs ou aux productions sensibles. ».
Si l'on peut s'étonner que ce genre d'information soit dis-
ponible, au regard de la sécurité des sites chimiques, cela
s'expliquait par la politique de transparence vis-à-vis des
riverains. Le directeur des affaires techniques de l'UIC
l'expliquait ainsi à l'Usine Nouvelle : « Bon nombre de par-
ties prenantes avaient l'impression que nous cachions des
choses […] Nous avions donc mis énormément de préci-
sions en libre accès sur des sites Internet, mais pour une
infime minorité de personnes qui voudrait nuire, c’est une
mine d’informations ». Il a donc été choisi de ne plus indi-
quer les lieux où résident les produits les plus dangereux ni
d'afficher une liste exacte de ces produits.
Après les attentats meurtriers du 13 novembre et les atten-
tats de Saint-Quentin-Fallavier (Isère) qui avait fait un
mort , et du site pétrochimique proche de l'étang de Berre
(Bouches-du-Rhône) qui avait conduit à l'incendie de deux
cuves, il ne fait aucun doute que la France est une cible
privilégiée des terroristes. Comme l'a dit Manuel Valls, « il
faut aujourd'hui ne rien exclure » et une attaque chimique
reste une éventualité qu'il faut prendre en compte.
Point de panique, cependant, même si le risque zéro
n'existe pas, la surveillance de ces sites est élevée. Elle

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SÉCURITÉ ET SÛRETÉ DES SITES


INDUSTRIELS CHIMIQUES
La récente actualité met à nouveau en exergue la d’être employées comme précurseurs d’armes chimiques,
nécessaire protection des sites industriels présentant d’explosifs ou de stupéfiants ou bénéficient d’un agrément
des risques, en particulier les établissements « en tant qu’opérateur économique. Les entreprises classées
Seveso », contre les menaces de malveillance et de SEVESO sont également soumises à des obligations de
terrorisme. sûreté (contrôle d’accès, protection des sites…).

En France, la sécurité industrielle de ces entreprises, c'est- Depuis la refonte du Plan Vigipirate en 2014, des recom-
à-dire l’évaluation et la maîtrise des risques accidentels, mandations sont communiquées aux sites industriels soit
a été prise en compte très tôt. Sans attendre la première par le biais de leurs organisations professionnelles soit
directive européenne en la matière, un dispositif législatif directement par les services du Haut fonctionnaire de
et réglementaire, assorti d’une inspection par les services défense des différents ministères lorsqu’il s’agit d’informa-
de l’Etat, a été mis en place au milieu des années 70 sur tions dont la diffusion est restreinte. Ces recommandations
la base de textes précédents datant du début du 19ème peuvent constituer un début dans la mise en place d’un
siècle. Plus récemment, à l’aune d’accidents technolo- système de gestion de la sûreté.
giques tels que la catastrophe de Toulouse en 2001, cette L’Union des industries chimiques dispose de lignes guides,
réglementation a été revisitée dans le but de rehausser à le Code de sûreté du programme « Responsible Care » qui
nouveau le niveau de sécurité de ces établissements, de décrit les bonnes pratiques de management afin de préser-
maitriser l‘urbanisation à leur voisinage et de mieux proté- ver la sûreté des sites et de la chaine logistique. Il est conçu
ger la population en cas d’accident. pour aider les entreprises à mettre en œuvre une boucle
Si cette réglementation a permis de réduire de manière d’amélioration continue de la performance « sûreté », en
significative la probabilité d’occurrence d’un événement à utilisant une approche fondée sur le risque, afin d’identifier,
caractère accidentel, elle ne prend pas en compte la surve- d’évaluer et de prendre en compte les vulnérabilités, de les
nue d’événements d’origine malveillante ou terroriste. Seul supprimer ou de les réduire, d’améliorer la formation et les
un nombre, très restreint, de ces sites est soumis aux dis- capacités de réponse.
positions du Code de la défense qui visent au maintien de L’INERIS, en partenariat avec les services de l’Etat, a éga-
certaines fonctions essentielles pour la continuité de l’Etat lement développé une méthodologie destinée à analyser la
en cas de conflit ou de crise. Il s’agit, par exemple, de cer- vulnérabilité des sites chimiques face aux menaces de mal-
tains organismes ou entreprises ayant des capacités parti- veillance et de terrorisme pour aider les entreprises dans
culières de production ou de fourniture dans les domaines, leur démarche de sûreté.
dénommés « Secteurs d’activités d’importance vitale », de
la santé, de l’industrie, du transport, de l’alimentation, de Cette méthode s’est aussi construite au travers de la colla-
l’énergie…. boration de l’INERIS avec plusieurs opérateurs, dans l’in-
dustrie chimique, au sein de plate-formes portuaires, dans
Certains sites sont par ailleurs tenus de respecter des stan- le transport de masse.
dards de sûreté imposés par des normes spécifiques car
ils produisent, ou utilisent, des substances susceptibles Ainsi, la méthodologie a été confrontée à des sites :
• implantés dans des environnements variés et denses

21
LES FOCUS
TECHNIQUES DE L’INGÉNIEUR

en activités économiques (zones industrielles, zones


portuaires) ; yant des enjeux économiques et stratégiques
différents : sites français appartenant à des groupes
internationaux, réseaux fortement maillés, réseaux d’eau
potable, transports publics…).
• l'application de cette méthodologie à des activités autres
que des sites chimiques, telles que les opérateurs de
zones portuaires, les opérateurs de transport de masse
ou encore les opérateurs de réseaux d’eau potable, a
permis de conforter la démarche tout en adaptant certains
paramètres d’évaluation aux cas de figure rencontrés.
En effet, ces différents opérateurs se distinguent par des
spécificités en termes :
• de typologies (milieu ouvert ou fermé, réseau maillé ou
concentré),
• d’enjeux (conséquences humaines, continuité d’activité,
attention médiatique, ..),
• de menaces (terroristes, activistes, criminels, etc.).
Aujourd’hui, il apparaît que cette évaluation de sûreté,
étape essentielle pour une protection des sites contre les
menaces de tous ordres, devrait être étendue aux sites
susceptibles de présenter des vulnérabilités.
Par François Fontaine et Denis Ropers, membres de
l'association AGENOME
François Fontaine (francois.fontaine@agenome.org)
coordonne les activités « Sécurité globale » de l’Institut
national de l’environnement industriel et des risques (INE-
RIS). Denis Ropers (denis.ropers@agenome.org), res-
ponsable sécurité/sûreté transport du groupe Dow Chemi-
cal en France, représente par ailleurs l’Union des industries
chimiques auprès des instances européennes pour les
questions de menaces Nucléaires, radiologiques, biolo-
giques, chimiques et explosifs (NRBCE). Tous deux font
partie de l’association AGENOME qui regroupe des spé-
cialistes de la gestion des risques et de la lutte contre les
menaces NRBCE.
Et aussi dans lesressources documentaires :
• Sécurité et gestion des risques

08/07/2015

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