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Le Quotidien n Lundi 04 Mars 2024

N° 6307 actualités 3
Par Madiambal DIAGNE Les Lundis de mdiagne@lequotidien.sn
MADIAMbAl

Maïmouna, notre mauvaise conscience


Le Sénégal est en émoi, suite à la tentative d’assassinat, dans la nuit du jeudi 29 milieux de l’Etat qui ont voulu faire croire, à travers certains canaux, que MNF n’au-
février au vendredi 1er mars 2024, dont a été victime notre consœur et amie, rait pas voulu d’une garde rapprochée qui lui aurait été proposée. C’est un gros men-
Maïmouna Ndour Faye, Directrice générale de la chaîne de télévision 7Tv et présen- songe, cela ne lui a jamais été proposé. C’est seulement le 31 mai 2023, jour de l’at-
tatrice de l’émission à succès «l’Invité de MNF». taque du domicile du maire de Dakar, Barthélemy Dias, que quelques éléments de la
gendarmerie avaient été mis en faction devant le domicile de MNF et devant le siège
Un acte d’un vulgaire détrousseur de dames ? Cela de sa télévision, du fait de menaces d’attaques planifiées par des militants du parti
Pastef. D’autres responsables de médias avaient également bénéficié du même
arrangerait bien de monde ! dispositif qui sera levé au bout de trois jours. Finalement, nous nous sommes trans-
Je n’ai pas voulu me faire compter parmi ces personnes qui, avec hypocrisie ou formés en de légendaires cow-boys du Far-West, obligés de sortir avec un pistolet
lâcheté, ne veulent pas voir que les militants de l’ex-parti Pastef de Ousmane Sonko chargé.
n’ont eu de cesse de la menacer de mort publiquement, à travers les réseaux sociaux Par ailleurs, Maïmouna peut aussi susciter de l’inimitié, de la jalousie même. C’est
et même à travers des médias qui ont pignon sur rue. Des personnes dûment identi- une jeune femme, une professionnelle aguerrie, qui a relativement réussi dans un
fiées comme des responsables de ce parti dissous l’ont pourfendue, vilipendée et ont secteur des médias sénégalais dans lequel la gent féminine ne joue pas les premiers
menacé de la tuer. Personne au Sénégal n’ose dire ignorer de telles menaces qui cou- rôles. Elle peut aussi avoir le tort de vivre dans une société où l’indépendance, le pou-
rent depuis plusieurs mois. La semaine dernière, les menaces étaient devenues plus voir ou une parcelle d’autorité ne sauraient être reconnus ou acceptés à la femme. On
pressantes, plus acharnées, quand Maïmouna Ndour Faye a eu le culot de dire son ne pouvait pas éviter un sourire triste, en apercevant certains journalistes, dans un
opposition à la libération de plusieurs centaines de personnes, arrêtées pour des rassemblement organisé par les professionnels des médias pour dénoncer cet atten-
actes de vandalisme et de sédition, et surtout contre le projet d’une loi d’amnistie tat. Dire que parmi eux, il y en a qui ont cherché à nous vendre la piste d’un crime
concocté par le gouvernement. Ces libérations procèdent de négociations politiques crapuleux, d’un banal fait divers, d’une agression comme une autre. En effet, penser
entre Ousmane Sonko et le Président Macky Sall, et dont les moindres détails ont été que MNF a été victime d’un malfrat qui chercherait à la détrousser peut soulager bien
révélés par les médias. Des personnes élargies de prison à cette occasion, se sont fait des consciences.
le devoir de menacer de tuer Maïmouna Ndour Faye, ainsi que quelques autres jour-
nalistes opposés à cet étonnant arrangement politique. Personne au Sénégal ne peut Les circonstances de la tentative d’assassinat
prétendre ignorer cela. Mieux, après cet ignoble attentat, qui a failli coûter la vie à
Il est d’abord à espérer que cette affaire ne finisse pas dans une vulgaire omerta,
celle que j’appelle amicalement la Oprah Winfrey du Sénégal, les mêmes personnes
comme cela avait été le cas par exemple, de l’enquête judiciaire sur l’attaque des jour-
se sont félicitées, avec jubilation, de cet acte et ont même regretté qu’elle n’ait pas pu
naux L’AS et 24 Heures en 2008, et de l’attaque contre le leader politique Talla Sylla
être tuée, et qu’il faudrait aller la trouver pour l’achever. L’assaillant n’en aurait pas
en 2003. Les premiers éléments de l’enquête conjointe de police et de gendarmerie
assez fait, à leur goût ! D’autres ont voulu banaliser les litres de sang qu’elle a perdus,
révèlent que l’ignoble acte contre MNF a été prémédité et planifié. Les habitudes de
les prenant, avec une ironie macabre ou morbide, pour du jus de bissap (oseille
la victime semblent avoir été bien cernées. Elle rentre tous les soirs, sur les coups de
rouge) versé sur son corps ! Comble de cynisme et de bestialité ! Personne au
3 heures du matin car, à la fin de son émission à 1 heure du matin, elle prépare avec
Sénégal, encore une fois, ne pourra dire ignorer ces réactions d’apologie d’un crime.
ses équipes le menu du jour. La journaliste ne parvenait plus, depuis quelque temps,
Sur le plateau de Futurs Médias, Diop Taïf, un extrémiste militant du parti Pastef dis-
à faire entrer sa voiture dans son garage du fait de travaux de pavage sur la voirie.
sous, vient d’exhiber avec assurance le calepin dans lequel il répertoriait, depuis sa
L’assaillant l’attendait à quelques mètres de son domicile. Il a été aperçu, dans des
cellule de prison, les noms des journalistes et de toutes les personnes qui avaient l’ou-
vidéos, en train de communiquer au téléphone, à dix minutes de l’arrivée de la jour-
trecuidance de parler en mal de son parti et de son leader Ousmane Sonko. Ces igno-
naliste sur les lieux. Parlait-il avec un complice qui l’alertait de l’arrivée de sa proie ?
bles vidéos de ce gus, élargi de prison il y a quelques jours à la faveur de l’arrange-
Maïmouna était au téléphone au moment où elle garait sa voiture. Elle en sortit tran-
ment entre Ousmane Sonko et Macky Sall, circulent partout. On regrettera toujours
quillement, le téléphone toujours collé à l’oreille, prit ses affaires pour refermer la
que des médias, au nom d’un équilibrisme de mauvais aloi, continuent d’élever à la
voiture derrière elle et se dirigeait vers sa demeure. Elle ne pouvait avoir de raison de
dignité d’interlocuteurs ce genre de personnes. Vous me direz que Amadou Clédor
nourrir la moindre crainte, à quelques mètres de son domicile. Le quartier est calme
Sène, assassin du juge constitutionnel Me Babacar Sèye en 1993, se compte parmi les
et le moindre acte de banditisme n’y a jamais été auparavant déploré. Les lumières
«personnalités» nuitamment reçues par le Président Macky Sall ! Farba Ngom en a
de la rue lui renvoyaient une ombre d’un homme, brandissant un poignard et qui se
fait la révélation, dans la dernière émission de Maïmouna Ndour Faye. Les partisans
dirigeait vers elle à pas de loup. Elle retourna la tête pour faire face à son assaillant
de Ousmane Sonko continuent de passer leur temps à chercher à salir la réputation
qui la placarda au sol. La journaliste, pugnace, se débattit et se releva, mais elle sera
de MNF et à la traîner dans la boue. Les rares personnes de leur camp qui se feraient
à nouveau placardée. L’assaillant lui asséna trois coups de couteau avec l’objectif
violence pour fustiger cet acte criminel, le font sur les réseaux sociaux avec, à l’appui,
manifeste de la tuer, et elle criait en perdant beaucoup de son sang. C’est ainsi qu’il
une de leurs propres photos sur laquelle ils affichent un sourire gai, comme satisfait.
ramassa le sac à main qu’il reviendra déposer plus tard derrière la voiture, non sans
On peut bien croire que c’est pour mieux la narguer, alors que ces proches de
avoir pris l’argent qui s’y trouvait. Il est curieux qu’un vulgaire malfrat, détrousseur
Ousmane Sonko sont pourtant des habitués de son émission ! Personne ne pourra,
de dames non accompagnées, laisse sa victime gisant dans du sang, sans lui ôter ses
non plus, déclarer ignorer les récurrentes et insistantes menaces proférées par
bijoux de valeur et ses téléphones portables. Les voisins ont pu accourir et porter
Ousmane Sonko, exhortant ses fidèles à s’en prendre physiquement aux journalistes.
assistance à la victime.
Oui, le crime contre Maïmouna Ndour Faye est signé par Ousmane Sonko et ses par-
MNF se remet de ses graves blessures. Des amis souhaitent lui organiser une
tisans ! Où étaient ces personnalités, qui ont vite accouru sur les plateaux de télévi-
convalescence dans un lieu plus tranquille mais, combative plus que jamais, elle refu-
sion pour dire leur indignation, suite à l’attentat au couteau, quand Ousmane Sonko
se systématiquement, tenant à retourner reprendre immédiatement l’antenne, faire
et ses partisans insultaient et menaçaient de mort MNF ? Où étaient ces gens quand
le boulot qu’elle a choisi et pour lequel elle a risqué sa vie. J’admire ton courage et ta
le siège de Futurs Médias avait été mis à sac et les véhicules des journalistes incendiés
ténacité, ma chère !
par les sbires de Ousmane Sonko. Depuis le 16 avril 2021, Maïmouna Ndour Faye,
qui vient de subir la furie assassine d’un homme qui s’est acharné sur elle, à coups de
poignard, continue d’alerter sur les menaces de mort qu’elle reçoit directement des Oserait-on toujours amnistier ces crimes terroristes ?
militants du parti Pastef. Déjà, le 15 avril 2021, un étudiant, militant du parti de Peut-on espérer que l’attentat terroriste contre MNF sonne le glas de la loi d’am-
Ousmane Sonko, Ansou Gallas Diédhiou, a posté un message sur Twitter pour dire : nistie concoctée par le Président Sall pour justement effacer des crimes de terroris-
«Maïmouna saytané bou mague nga (Ndlr : Tu es un esprit maléfique, entendez me, de sédition et d’atteinte à la sécurité de l’Etat ? Le projet de loi a été transmis à
une grande salope). Elle joue la carte. C’est une femme dangereuse. On doit l’abat- l’Assemblée nationale après son adoption assez curieuse à la réunion du Conseil des
tre.» Ce message était ignoré et c’était le début d’un déferlement de haine et de vio- ministres du mercredi 28 février 2024. Les membres du gouvernement ont adopté
lence contre la journaliste. L’Etat du Sénégal a failli, pour ne pas lui avoir assuré une un projet de loi qu’ils n’auront pas vu. Pourquoi autant de cachotteries ? Cette situa-
protection à laquelle elle avait bien droit. On a vu le Président Macky Sall s’émouvoir tion et surtout l’inopportunité de l’initiative mettent bien des ministres mal à l’aise.
de cet ignoble attentat. Assurément, son message sur le réseau social «X» aurait été, Pour autant, ils se sentent prisonniers du contexte. «On ne peut même pas protester,
à quelques mots près, le même si MNF avait perdu la vie dans cette attaque. Le encore moins démissionner, pour éviter de passer pour des rats qui quittent le navi-
Premier ministre Amadou Ba a été à son chevet, à la tête d’une délégation de plu- re. Nous avalons cette couleuvre de la loi d’amnistie sans broncher», déplorent plu-
sieurs ministres. Il aurait fait de même auprès de sa famille et rien de plus si MNF sieurs ministres. Le Président Macky Sall ne semble avoir cure des états d’âme de ses
était morte. Les autorités gouvernementales doivent bien être dans leurs petits sou- proches. Le vendredi 1er mars 2024, il a reçu les députés pour les exhorter à voter la
liers pour n’avoir rien fait pour protéger MNF et d’autres également dans le collima- loi d’amnistie. C’est après avoir fait un message de compassion à l’endroit de MNF,
teur de ces assassins qui cherchent à éradiquer du sol sénégalais toute personne qui quelques instants plus tôt. C’est dire que sa volonté d’amnistier est on ne peut plus
ne pense pas comme eux. Le ministre de l’Intérieur dont la mission est de veiller à la inébranlable ! Cette loi, si elle est adoptée, va effacer ce nouveau crime terroriste dont
sécurité des personnes, a le devoir d’offrir une «protection d’office» à toute personne MNF est victime, car l’amnistie est prévue dans le texte pour courir «la période
qui se trouve confrontée à une grave menace réelle quant à sa sécurité physique. allant de l’année 2021 à l’année 2024». Bizarrement, on se mettrait aussi dans une
D’ailleurs, une telle disposition a été prise pour assurer la sécurité de Adji Raby Sarr, logique d’amnistier potentiellement jusqu’à des faits qui ne sont même pas encore
menacée de mort par des partisans de Ousmane Sonko, depuis qu’elle avait déposé commis ! Dire que les Forces de défense et de sécurité, et des autorités du Parquet
une plainte pour abus sexuels contre le leader du parti Pastef. MNF n’a pas eu droit ont eu à exprimer leurs réserves, pour ne pas dire leur désapprobation de la vague de
à autant d’attention, peut-être qu’on a considéré, avec désinvolture, qu’elle pourrait libérations de centaines de détenus, mais elles ont été obligées de se plier à la volonté
se payer des services pour sa propre sécurité ! Cette carence embarrasse bien certains politique !

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