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Aile de Corbeau Le monde de Meg

Corbyn 3 1st Edition Anne Bishop


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Couverture
Page titre
Dédicace
Géographie
Calendrier
Carte des Lacs des Doigts ou des Plumes
Exergue
1. Vicki
2. Grimshaw
3. Eux
4. Vicki
5. Grimshaw
6. Vicki
7. Grimshaw
8. Ilya et Aggie
9. Julian
10. Grimshaw
11. Eux
12.
13. Vicki
14. Grimshaw
15. Vicki
16. Grimshaw
17. Ilya
18. Vicki
19. Grimshaw
20. Vicki
21. Grimshaw
22. Ilya
23. Vicki
24.
25. Grimshaw
26. Vicki et Aggie
27. Ilya
28. Grimshaw
29. Eux
30. Vicki
31. Grimshaw
32. Vicki
33. Ilya
34. Eux
35. Grimshaw
36. Julian
37. Ilya
38. Vicki
39. Grimshaw
40. Aiden
41. Eux
42. Vicki et Aggie
43. Grimshaw
44. Vicki
45. Grimshaw
46. Ilya
47. Vicki
48. Aggie
49. Grimshaw
50.
51. Julian
52. Grimshaw
53. Vicki
54. Grimshaw
55. Vicki
56.
57. Grimshaw
58. Ilya
59. Grimshaw
60. Julian
61. Vicki
62. Ilya
63. Grimshaw
64. Vicki
65. Grimshaw
66. Julian
67. Grimshaw
68. Vicki
69. Eux
70. Grimshaw
71.
72. Ilya
73. Grimshaw
74. Ilya
75. Grimshaw
76. Vicki
77. Julian
78. Grimshaw
79. Vicki
80. Aiden
81. Grimshaw
82. Julian
83. Vicki
84. Aggie
85. Ilya
86. Vicki
87. Aggie
88. Ilya
89. Vicki
90.
91. Eux
92. Vicki
93. Vicki
94. Ilya
95. Julian
96. Grimshaw
Épilogue. Vicki
Liste des personnages
Remerciements
Biographie
De la même autrice
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Achevé de numériser
Anne Bishop

Aile de Corbeau

Le monde de Meg Corbyn – tome 3


Traduit de l’anglais (États-Unis) par Sophie Barthélémy

Milady
À Jennifer Crowe
GÉOGRAPHIE

NAMID – LE MONDE

Continents/terres émergées
Afrik
Australe
Brittanie/Brittanie sauvage
Cel-Romano/Alliance des Nations Cel-Romano
Felidae
Îles de la Phalange
Îles Tempête
Thaisia
Tokhar-Chin
Zélandie

Lacs et rivières de Thaisia


Grands Lacs : Supérieur, Tala, Honon, Etu, Tahki
Lacs des Plumes/lacs des Doigts (ils ne sont pas tous cités dans ce
roman) : Silence, Crystal, Fourchu, Senneca
Rivière : Talulah/Talulah Falls

Montagnes
Addirondak
Rocheuses

Villes et villages mentionnés dans le roman :


Bennett : ville de l’Ouest située près des collines des Aînés
Bristol : ville humaine située sur la rive du lac Crystal
Crystalton : ville intuit située sur la rive du lac Crystal
Port-Batelier : village intuit de Great Island
Hubb NE (alias Hubbney) : ville sous contrôle humain ; c’est là que
siège le gouvernement de la région Nord-Est
Lakeside : ville sous contrôle humain située sur la pointe nord-est du
lac Etu
Putney : ville humaine située au bord du lac Fourchu
Ravendell : village humain et intuit situé au bord du lac Senneca
Boing : village humain situé près du lac Silence
Talulah Falls : ville humaine
Toland : ville sous contrôle humain de la côte Est
CALENDRIER

Jours de la semaine
Terredi (jour de repos consacré à la spiritualité)
Lunedi
Soldi
Ventdi
Thaisdi
Feudi
Eaudi

Mois de l’année
Janius
Febros
Viridus
Aprillis
Maius
Junio
Sumor
Messis
Frisco
Grau
Novembros
Dormente
LES LACS DES DOIGTS OU DES
PLUMES

Note : cette carte est l’œuvre d’une autrice disposant de


compétences limitées en représentation spatiale ; elle a fait de son
mieux pour dessiner les routes conformément au récit, mais ne
garantit pas le résultat.
Tu pourras toujours crier,
Tu pourras toujours croasser,
Si tu ne te tiens pas à carreau,
Corbemort te fera la peau.

Comptine Crowgard
1

VICKI
Avant soldi 30 grau

Ce n’était pas ma faute.


Bon, d’accord, ça l’était peut-être un tout petit peu, dans le sens
où j’aurais dû me douter que les Crowgard qui travaillaient pour moi
seraient tout excités à la perspective de participer à une fête
humaine du nom de « nuit des Farces » et voudraient absolument
mettre les mains, ou plutôt les ailes, à la pâte. J’aurais également pu
deviner qu’ils s’empresseraient de parler au reste des Corbeaux ainsi
qu’aux autres formes de terra indigene vivant au Patchwork de la
coutume humaine consistant à déambuler avec des déguisements et
des masques destinés à faire peur. Depuis des semaines, Aggie, Jozi
et Eddie Crowgard harcelaient tous les visiteurs humains du
Patchwork afin de savoir comment célébrer correctement la nuit des
Farces : quel costume choisir, quels bonbons proposer, ce qu’il fallait
dire, ce qu’il fallait faire, etc.
Wayne Grimshaw, le chef de la police de Boing, demeurait avare
de détails lorsqu’il passait prendre de mes nouvelles. Julian Farrow,
le propriétaire de Maux comptés, la librairie du village, se montrait
prudent dans ses explications. Paige et Dominique Xavier, en
revanche, se firent une joie de raconter aux Corbeaux leurs
aventures de jeunesse et de leur décrire ce qu’elles portaient
lorsqu’elles allaient frapper à la porte de leurs voisins en criant :
« Farce ou friandise ! »
Après avoir eu droit à l’un des regards sévères dont Grimshaw
avait le secret et qui donnaient un éclat d’acier à ses yeux bleu-gris,
Paige et Dominique s’empressèrent d’ajouter que les farces, bien sûr,
ne représentaient qu’un élément secondaire.
— Ce ne sera pas aussi catastrophique qu’on l’imagine,
marmonnai-je un après-midi à Ineke Xavier tandis que nous
attendions à côté de sa voiture que Paige et Dominique finissent
d’apporter quelques « explications » supplémentaires sur la nuit des
Farces à mes employés Crowgard. Tous mes clients, que ce soit dans
les bungalows au bord du lac ou les chambres de la maison, sont
des adultes sans enfants.
— Tu as prévu suffisamment de bonbons ? demanda Ineke avec
une vague curiosité, le mot « vague » étant un euphémisme chez
une femme qui portait sur la cuisse un tatouage proclamant
« J’enterre les problèmes ».
— Qui viendrait jusqu’au Patchwork pour un bonbon ?
— Pops Davies, à l’épicerie, m’a dit que tu n’étais pas passée
chercher les sachets de friandises qu’il avait mis de côté pour toi.
Des minibarres chocolatées.
Je cillai.
— Des barres chocolatées ? C’est vrai ?
Depuis les jours terribles de la Grande Prédation, l’année
précédente, où des partisans du mouvement les Humains Avant Tout
avaient déclaré la guerre aux terra indigene en tuant certains d’entre
eux, à la suite de quoi les Aînés et les Élémentaires avaient
drastiquement réduit la population humaine dans un déchaînement
de rage, il était devenu difficile de se procurer certains produits, dont
les minibarres chocolatées. J’aurais pu en offrir à mes clients et me
constituer une petite réserve pour me donner un coup de fouet les
jours où je n’avais pas la forme.
Il faudrait que j’appelle Pops pour lui dire que le chocolat
m’intéressait avant qu’il le vende à quelqu’un d’autre.
— Toutes tes chambres sont réservées avant la nuit des Farces et
après ? demanda Ineke avec le même soupçon de curiosité que
précédemment, m’arrachant à mes pensées chocolatées.
— Oui.
Comme le Patchwork était complet depuis des semaines, je n’avais
rien vu d’anormal à ces réservations. Après tout, la saison touristique
n’était pas encore tout à fait terminée et les séjours restaient fixés à
un minimum de trois jours. Je commençais néanmoins à me dire que
ce n’était pas pour rien si Grimshaw m’avait regardée de travers la
veille quand il était venu jouer au billard avec Ilya Sanguinati, mon
avocat, un vampire beau à tomber par terre.
— Chez moi aussi c’est complet, ajouta Ineke. C’est assez
inhabituel que des clients réservent trois jours en pleine semaine
pour être sûrs de pouvoir participer à la nuit des Farces. (Elle me
considéra avec compassion.) Les résidents du Patchwork vont avoir
des déguisements du tonnerre.
— Ils n’ont pas besoin de déguisements. La plupart…
La lumière se fit enfin dans mon esprit. Aggie, Jozi et Eddie
avaient une apparence humaine acceptable tant qu’ils ne s’excitaient
pas trop, auquel cas des touffes de plumes noires leur jaillissaient
partout sur le corps. Robert Panthera, alias Couguar, et Conan
Beargard aussi pouvaient passer pour des humains si l’on faisait
abstraction de la pilosité excessive de Conan et de leurs problèmes
de dentition. Ceux-ci commençaient à se résorber maintenant qu’ils
côtoyaient des humains de manière plus régulière, mais leur bouche
contenait toujours un mélange troublant de dents et de crocs. Quant
aux autres terra indigene du Patchwork…
La forme intermédiaire n’était ni tout à fait animale ni entièrement
humaine, et ne correspondait en aucun cas à la forme véritable des
terra indigene, qu’aucun humain n’a l’occasion de voir à moins d’être
le plat principal du dîner. Et encore. La seule fois où j’avais demandé
à Ilya pourquoi les Autres faisaient une telle histoire de leur forme
véritable, il m’avait répondu, sur un ton d’un calme surnaturel :
— Mieux vaut que vous ne le sachiez pas, et il est préférable que
vous ne posiez cette question à personne d’autre.
J’avais suivi son conseil et n’avais plus jamais abordé le sujet.
Les jours précédant la nuit des Farces, je jonglai entre les hôtes
qui séjournaient au Patchwork et ceux qui devaient arriver bientôt,
tout en donnant mon avis sur les « costumes » de mes résidents
permanents. Après avoir réussi à persuader Aggie, Jozi et Eddie
qu’une forme intermédiaire penchant trop vers le Corbeau risquait
de nuire à nos affaires, ils acceptèrent de se contenter d’une tête de
Corbeau à taille humaine et de quelques plumes sur les mains, de
quoi impressionner les visiteurs sans les terroriser tout à fait. Du
moins je l’espérais. Sous cette apparence, mes employés ne seraient
pas en mesure de parler aux pensionnaires ni de relayer leurs
éventuelles demandes mais, pour une soirée, je m’en
accommoderais. Quant aux autres terra indigene qui avaient envie
de profiter de la fête pour se mêler aux humains afin de les étudier…
Une femme avec des oreilles de renard, une queue touffue sortant
d’une fente de son corsaire, et des pattes aux doigts allongés lui
permettant de tenir son sachet de friandises. Mignon.
Un Lynx qui arborait le même aspect que lorsqu’il emmenait les
visiteurs faire le tour du Patchwork dans une charrette tirée par les
ânes ; en d’autres termes, plus félin qu’humain, mais capable de
mener une discussion. Enfin, plus ou moins. Son « costume » se
composait d’une courte cape que je le soupçonnais d’avoir dénichée
dans le carton d’objets trouvés que j’avais remisé dans l’une des
pièces du rez-de-chaussée dont je ne me servais pas actuellement.
J’étais sûre que certains pensionnaires abandonnaient
volontairement quelques affaires – un livre, un pull, une brosse à
cheveux – à l’intention des terra indigene. D’autres oubliaient
purement et simplement de vérifier s’ils n’avaient rien laissé dans la
penderie ou les tiroirs tant ils avaient hâte de se sauver.
Bizarrement, c’étaient les clients malpolis, excessivement
pointilleux ou trop « tactiles » avec Aggie, Jozi ou moi les plus
pressés de rentrer chez eux. Je ne demandais jamais ce qui motivait
leur départ, car autour du lac Silence vivaient des formes de terra
indigene plus effrayantes que les Panthères, les Ours noirs ou les
Sanguinati et je n’avais pas franchement envie de savoir si elles
étudiaient mes hôtes avec le même intérêt que ceux-ci portaient aux
Autres plus… bénins, dirons-nous.
Mais revenons-en aux costumes. Certains avaient opté pour une
combinaison d’humain et d’animal assez… cauchemardesque,
notamment Couguar et Conan, ce qui me contraignit à leur expliquer
qu’il existait plusieurs degrés dans l’épouvante et que, s’ils n’avaient
pas envie de déverser une bonne épaisseur de sable ou de litière
pour chat devant la porte pour absorber l’urine des enfants et des
adultes terrorisés, ils devaient quelque peu adoucir leur apparence.
Stoïque, j’assistai aux derniers ajustements de costume de six
garçons et levai les pouces lorsque j’estimai le risque de pipi
intempestif réduit. Après quoi je décrochai la clé du cabinet
contenant la réserve privée de whisky de Grimshaw et Julian,
attrapai la bouteille qui était ouverte sans regarder l’étiquette et me
servis une dose de courage suffisante pour tenir jusqu’à la fin de la
journée.

Les clients arrivaient à partir de 14 heures, et le Patchwork était


complet. Du moins les quelques chambres que je proposais. À cette
époque de l’année, je ne louais pas les bungalows « rustiques ». La
propriété comptait douze bungalows au total. Trois d’entre eux, au
bord du lac, avaient été rénovés, la plomberie ainsi que l’électricité
remises au goût du jour. Deux d’entre eux étaient disponibles à la
location, le troisième étant occupé par les trois Crowgard qui
travaillaient pour moi. Je disposais également de deux chambres
avec salle de bains privée dans la maison. L’un des deux bungalows
rénovés comprenait deux lits simples, et l’autre un lit double. Quant
aux chambres du bâtiment principal, elles comportaient chacune un
lit double auquel j’avais récemment ajouté un canapé convertible qui
permettait plus de souplesse, notamment quand les clients étaient
accompagnés d’un enfant ou d’un proche.
Tous mes hôtes de la nuit des Farces arrivèrent le 30 grau peu
avant 14 heures. Ils patientèrent en bavardant pendant que je
procédais aux formalités. C’étaient tous des adultes, comme je m’y
attendais. Fred et Wilma Cornley, un couple de jeunes mariés,
avaient réservé l’une des chambres de la maison. L’autre avait été
retenue par Ben Malacki et David Shuman, tous deux professeurs
dans l’une des universités des lacs des Doigts. J’imaginais qu’ils se
répartiraient le lit et le sofa à pile ou face. Jenna McKay occuperait le
bungalow aux deux lits simples ; elle avait réservé pour deux
personnes, mais l’amie qui devait l’accompagner avait annulé à la
dernière minute. Lorsqu’elle entendit Ian et Michael Stern, des
cousins qui avaient hérité du dernier bungalow, dire qu’ils allaient
décider par tirage au sort qui s’installerait par terre avec le matelas
gonflable et le sac de couchage qu’ils avaient emportés au cas où,
elle leur proposa d’échanger son bungalow contre le leur. Cet
arrangement convenait à tout le monde, de sorte que c’est de bonne
humeur que trois de mes clients se dirigèrent vers leur logement de
vacances, assistés de trois de mes employés Crowgard.
Je me moquais de savoir qui dormait où et avec qui tant que mes
hôtes n’en faisaient pas tout un plat et respectaient un minimum de
discrétion. J’avais pris les devants en affichant un écriteau à la
réception qui annonçait : « Si vous attirez l’attention par votre
comportement, vous devrez vous débrouiller pour vous justifier
auprès de quelqu’un qui est susceptible de vous dévorer. Bonne
chance. »
Comme le message n’était pas particulièrement subtil, la plupart
des clients faisaient attention, si bien que personne ne s’était fait
croquer depuis les événements déplaisants de l’été, au cours
desquels mon ex-mari et ses acolytes avaient tenté de m’expulser du
Patchwork en vue de le transformer en résidence de luxe.
Tandis que j’escortais les Cornley et les deux professeurs vers
leurs chambres respectives, je leur dressai la liste des activités
auxquelles ils auraient accès durant leur séjour, mettant l’accent sur
les festivités du lendemain puisque j’imaginais que c’était
essentiellement pour cette raison qu’ils étaient venus. Je n’oubliai
pas de souligner que la télévision était déjà réservée pour la soirée.
Étant donné qu’il n’y en avait qu’une pour l’ensemble de la clientèle,
il s’agissait d’un moyen assez diplomatique de dire : « Si vous
comptez essayer de changer de chaîne, rédigez votre testament. »
En vue de notre soirée « séries policières », j’avais commandé
suffisamment de pizzas et de salades à la Cahute à pizza de Boing
pour tout le monde, employés comme clients. En ma qualité
d’hôtesse, j’étais censée me tenir à la disposition de mes
pensionnaires en permanence, mais Conan et Couguar leur avaient
clairement fait comprendre que, s’ils voulaient conserver tous leurs
doigts, il valait mieux qu’ils évitent de nous déranger, moi et mon
personnel, pendant la diffusion de nos feuilletons.
De manière étonnante, tous les clients s’installèrent devant la
télévision avec nous, même le couple de jeunes mariés. Les hommes
mangeaient la pizza – sauf la spéciale carnivore, que les
grondements de Couguar et Conan les avaient dissuadés de
toucher – tout en répondant à diverses questions sur le
comportement des humains dans la série ou les publicités. Jenna et
Wilma s’étaient servi une assiette presque exclusivement composée
de salade, qu’elles faillirent renverser sur leurs genoux quand Aggie
se leva d’un bond pour crier à l’un des policiers à l’écran de faire
attention aux corbeaux dans les arbres qui, d’après elle, tentaient de
le prévenir que le vicieux humain venait de passer par là et
s’apprêtait à lui tendre une embuscade.
La coupure publicitaire qui suivit son intervention donna lieu à une
discussion animée destinée à savoir comment le policier, qui ne
parlait ni le corbeau ni le Corbeau, aurait pu comprendre cet
avertissement. Puis tout le monde se demanda si ce corbeau s’était
retrouvé perché dans cet arbre par hasard au moment où la scène
avait été tournée ou s’il était censé incarner un Crowgard.
Ce qui souleva un certain nombre de questions sur l’intérêt
d’envoyer une lettre à la production afin de suggérer d’engager un
Corbeau pour aider les policiers de la série, tout comme des
Crowgard aidaient les policiers de Boing.
Mes hôtes furent fascinés par cette proposition d’assistance. Je
mangeai ma pizza en remerciant tous les dieux que Grimshaw n’ait
pas décidé de passer à l’improviste. Je voyais d’ici le regard qu’il
m’aurait lancé si mes clients avaient commencé à l’interroger sur la
façon dont les Autres aidaient la police à appréhender les
malfaiteurs. Dire la vérité, à savoir que les malfaiteurs se faisaient
généralement dévorer si la police arrivait trop tard, ne serait pas bon
pour le tourisme. Ni pour mon chiffre d’affaires.
Grimshaw venait souvent lors de nos soirées « séries policières »,
non pour regarder la télévision, mais pour manger de la pizza. Julian
Farrow non plus n’était pas un amateur de ce genre de feuilletons : il
avait été policier, lui aussi, avant l’Incident qui avait signé la fin de sa
carrière, et il redoutait de raviver un souvenir traumatique. S’ils
participaient à ces soirées, c’était pour manger de la pizza et jouer
au billard. Du moins d’après ce qu’ils disaient. David Osgood, le
jeune assistant de Grimshaw, avait confié à Paige Xavier, qui me
l’avait ensuite répété, que Grimshaw avait glissé un jour que j’étais
un véritable aimant à problèmes, et que c’était en réalité pour cette
raison qu’il passait chez moi plusieurs fois par semaine. Il me
surveillait comme le lait sur le feu, en gros.
Pour ma part, je préférais penser qu’il s’agissait d’une manière
pour Grimshaw de justifier ses visites au Patchwork. Ilya Sanguinati
avait transformé l’une des pièces du bas en salle de billard privée
pour que Grimshaw ait un endroit où jouer. Mes clients avaient le
droit de l’utiliser mais, quand un écriteau à la porte indiquait
« Réservé », c’était que Grimshaw jouait, soit seul, soit avec Julian
ou Ilya, voire les deux. Un peu comme un club VIP, ce qui ne nous
rappelait pas forcément de très bons souvenirs, mais les trois
hommes aimaient avoir l’occasion de discuter dans un cadre
informel. Ils surveillaient le lait, attentifs à ce qui se passait au
village et chez l’aimant à problèmes, une étiquette que j’estimais
injustement attribuée puisque tout ce que j’avais fait la première
fois, en réalité, c’était appeler la police pour signaler la découverte
d’un cadavre après avoir empêché Aggie de réchauffer l’un de ses
yeux pour le déjeuner.
Et tout ce que j’avais fait cette fois-ci, c’était mentionner la nuit
des Farces. On ne pouvait donc pas franchement me faire porter la
responsabilité de tout ce qui se passa ensuite.
2

GRIMSHAW
Ventdi 31 grau

Même enfant, Grimshaw n’avait jamais compris l’intérêt de la nuit


des Farces. Pourquoi se balader dans les rues affublé d’un costume
ridicule et frapper aux portes pour recevoir des bonbons douteux
qui, pour la plupart, ne donnaient même pas envie ?
Les quelques fois où il y avait participé, forcé par ses parents qui
voulaient absolument qu’il se sociabilise, il s’était déguisé en justicier,
bien sûr. Une année, il avait incarné un shérif, une autre un détective
du siècle dernier en complet-veston et chapeau melon. La dernière
fois que ses parents l’avaient encouragé à faire le tour du voisinage,
il s’était habillé en policier infiltré, avec jean, tee-shirt blanc et veste
en cuir d’occasion, le tout porté d’un air bravache.
Pour qui l’avait connu enfant, son choix de carrière n’avait rien eu
de surprenant. Sa décision d’intégrer la brigade routière non plus. Il
avait le profil idéal pour sillonner les routes des espaces sauvages en
solitaire afin de porter secours aux citoyens en détresse et aux
victimes d’accident, ou d’appréhender les crétins qui pensaient
pouvoir provoquer les Autres et s’en sortir indemnes. Encore fallait-il
réussir à arrêter les crétins en question avant qu’ils se fassent
attraper par les formes de terra indigene les plus redoutables et se
retrouvent réduits en charpie, pour le plus grand bonheur des petits
carnivores qui se régalaient des lambeaux de chair généreusement
dispersés.
En revanche, même lui ne s’attendait pas à diriger le poste de
police de Boing, petit village situé à proximité du lac Silence, le plus
occidental des lacs des Doigts, également appelés lacs des Plumes
par certaines espèces. Il avait été envoyé à Boing quelques mois
auparavant pour une affectation qui devait n’être que temporaire,
après que Vicki DeVine avait contacté la police de Bristol pour
signaler un cadavre. Ce corps n’avait été que le premier d’une série
causée par un groupe d’hommes qui avaient entrepris de s’emparer
du Patchwork sur les conseils de l’ex-mari de Vicki DeVine. Celui-ci
pensait se débarrasser facilement de son ancienne épouse
psychologiquement fragile, mais avait omis un léger détail, à savoir
qu’elle s’était fait de nouveaux amis parmi lesquels figuraient
plusieurs Crowgard, une Panthère, un Ours, un avocat et une
experte-comptable Sanguinati ainsi que plusieurs Élémentaires, dont
la Dame du lac en personne.
Lui, Grimshaw, l’éternel solitaire, s’était alors retrouvé à faire
équipe avec Julian Farrow, un ancien camarade de l’école de police,
Ineke Xavier, l’intimidante propriétaire de la pension du village, ainsi
que tout un éventail de terra indigene pour protéger Vicki DeVine et,
par extension, l’ensemble des habitants de Boing. C’était à la suite
de ces événements qu’on lui avait proposé de devenir le chef de la
police locale.
Ce qui expliquait pourquoi il se trouvait là, dans la rue principale
d’un village dont la population s’élevait désormais presque à quatre
cents habitants – alors qu’elle en comptait seulement trois cents
lorsqu’il avait franchi le seuil du poste de police pour la première
fois –, à s’interroger sur une tradition qui encourageait les enfants à
sortir après la tombée de la nuit, déguisés de telle manière qu’il était
difficile, sans un examen dentaire, de savoir si c’étaient des humains
avec des costumes velus ou de jeunes velus profitant de l’occasion
pour se promener incognito.
Trois choix se présentaient à lui pour recueillir des informations au
village : les Xavier, à la pension, Helen Hearse, la gérante de C’est
prêt !, le snack local, et Julian Farrow, le propriétaire de Maux
comptés, librairie qui proposait également le troc de livres usagés.
Décidant qu’il avait plus de chances d’obtenir des réponses à ses
questions dans un laps de temps raisonnable avec Julian, il remonta
la fermeture Éclair de sa veste et traversa la rue, se préparant
psychologiquement à affronter les Boingueurs, les petites créatures
qui, malgré leur allure inoffensive de rongeurs enjoués et
bondissants, n’en restaient pas moins une forme de terra indigene
au venin mortel. Ils sautaient partout dans le village pour
quémander des morceaux de carotte ou de citrouille aux
commerçants et constituaient la principale attraction de Boing. Des
visiteurs affluaient de toute la région Nord-Est dans l’espoir de se
prendre en photo avec ces bestioles sautillantes à la mine joyeuse
avant d’acheter un tee-shirt « J’ les Boingueurs ».
À Thaisia, la zone de répartition des Boingueurs se limitait aux
alentours du lac Silence.
Il fallait rendre grâce aux dieux pour leurs menues faveurs.
Julian Farrow, un saladier à la main, distribuait des morceaux de
carotte devant la librairie.
À l’école de police, leurs instructeurs les appelaient souvent « Jour
et Nuit » tant leur apparence les opposait, lui avec sa forte carrure,
déjà à l’époque, ses cheveux blond foncé et ses yeux bleu-gris, et
Julian avec sa silhouette svelte, son visage aux traits sculptés, ses
yeux gris et ses cheveux bruns. À bien des égards, ils demeuraient
très différents. Grimshaw avait les cheveux courts, tandis que ceux
de Julian étaient assez longs pour paraître indisciplinés, rebelles, ou
il ne savait quel autre adjectif aimaient utiliser les femmes dans ce
genre de cas. Une fine cicatrice barrait la joue gauche de Julian,
sous la pommette, souvenir de l’agression qui avait signé la fin de sa
carrière de flic.
Il portait bien d’autres cicatrices, dont certaines n’étaient pas
visibles.
Les Boingueurs se déplaçaient par petits groupes, comme les
enfants qui passaient de boutique en boutique. Une rapide
estimation lui permit d’en dénombrer une cinquantaine, soit la moitié
de la population de Boing. Il préférait ne pas savoir où se trouvait
l’autre moitié.
Il continua à scruter les alentours depuis le bord du trottoir
pendant que Julian accueillait deux garçons affublés de bonnets et
de moufles velues, un bout de corde à linge épinglé à l’arrière de
leur jean, qui suivaient les Boingueurs en bondissant.
— Je n’ai que des carottes, annonça Julian aux enfants. Helen, au
snack à côté, distribue des brownies.
Les apprentis boingueurs sautillèrent en direction du snack, plus
alléchés par les gâteaux au chocolat que par les légumes.
Secouant la tête, Grimshaw rejoignit Julian.
— Un morceau de carotte ? lui demanda celui-ci en lui tendant le
saladier.
Grimshaw hésita avant de se servir.
— Pourquoi pas ?
— Il y a eu du rififi à l’épicerie de Pops Davies aujourd’hui. Tu as
bien failli être appelé. Deux touristes, des femmes qui espéraient
voir des Boingueurs de près, se sont chamaillées pour les dernières
carottes qui restaient. Heureusement, Osgood est arrivé avant
qu’elles en viennent aux mains et leur a fait remarquer que,
puisqu’elles séjournaient toutes les deux à la pension, elles
pouvaient participer au coût des carottes et des autres friandises que
les Xavier comptaient distribuer pour attirer les villageois costumés.
Grimshaw poussa un soupir.
— Nous ne sommes que deux, pour trois zones sensibles à
surveiller.
Le Patchwork était la première, la pension la deuxième. Il
considérait le village de Boing dans son intégralité comme la
troisième.
— Deux zones sensibles, rectifia Julian. Il paraît qu’Ineke est
entrée dans la salle à manger ce matin avec son costume, à savoir
un long imperméable en cuir, un haut ultracourt et un short à la
limite de la décence.
— De quoi donner un aperçu de ses tatouages à ses clients ?
— Mm-mmh.
Grimshaw hocha la tête. Ineke avait un revolver fumant tatoué sur
la cuisse gauche. La droite était ornée d’une caricature d’elle-même
avec de gros yeux, une pension miniature nichée au creux de ses
cheveux multicolores et un collier de pierres tombales autour du cou.
Sous son portrait figurait l’inscription « J’enterre les problèmes ».
Il n’y avait rien d’Autre chez les Xavier. Elles étaient parfaitement
humaines, mais leur côté femmes fortes pouvait paraître intimidant.
Et même parfois franchement effrayant.
Grimshaw se demandait ce que le fait qu’Osgood flirte avec Paige
Xavier disait sur la personnalité du jeune agent. Du moins Osgood
pensait-il qu’il s’agissait d’un flirt. Du point de vue de Grimshaw, son
jeune collègue se retrouvait dans la même posture qu’un poisson
accroché à un hameçon. Restait à savoir si Paige était plutôt du
genre à libérer ses prises ou à les ferrer dans l’intention de les
garder.
Il n’avait eu vent d’aucun ragot à propos de Dominique, la
troisième Xavier, mais peut-être ne s’était-il tout simplement pas
adressé à la bonne personne.
— Les gamins font leur tournée dans la rue principale cet après-
midi pour montrer leurs costumes, et ce soir ils resteront autour de
chez eux, c’est ça ? demanda Grimshaw, suivant des yeux quatre
jeunes gens qui s’approchaient lentement de Maux comptés.
Les deux garçons et l’une des filles étaient des adolescents d’âges
différents, accompagnés d’une fillette qui semblait avoir moins de dix
ans. Les filles portaient des robes noires qui leur arrivaient aux
chevilles, les garçons des costumes noirs avec une chemise gris clair.
Il aurait pu s’agir de jeunes humains déguisés, sauf qu’ils avaient
tous les cheveux noirs, les yeux sombres et le teint olivâtre. Ce qui
voulait dire : Sanguinati.
— Wayne…
Julian jeta un coup d’œil aux quatre jeunes gens avant de
regarder en direction des fenêtres du premier étage du poste de
police, qui abritait deux bureaux : celui de Paulo Diamante, l’unique
avocat humain du village, et un autre dont la porte ne présentait
aucune indication et dont les occupants exerçaient une grande
influence à Boing et autour du lac Silence, à commencer par le fait
qu’ils possédaient plusieurs bâtiments commerciaux ainsi que la
banque.
Ilya Sanguinati soutint le regard de Julian quelques secondes
avant de s’écarter de la fenêtre.
— Vous vous promenez ? demanda Grimshaw sur un ton amical.
— Oui… monsieur, répondit le plus jeune garçon. On… flâne.
De toute évidence, l’adolescent ne prononçait pas ce mot tous les
jours, et son manque de naturel donnait l’impression qu’il n’avait eu
que peu de contacts avec les humains.
— Et on observe, ajouta le plus vieux de la bande.
Celui-ci s’exprimait avec plus d’assurance… et son aplomb titilla un
instant l’instinct de flic de Grimshaw, puis la sensation se dissipa.
Peut-être ce garçon dégageait-il une impression de maturité parce
qu’il était tout simplement plus âgé que les autres. Ou alors…
Ou alors Grimshaw était de mauvaise humeur parce qu’il n’avait
aucune envie de savoir ce que lui réservait la nuit des Farces à
Boing, voilà tout.
Quand Ilya Sanguinati traversa la rue dans leur direction, les
quatre jeunes gens adoptèrent une posture alerte ; un changement
subtil, mais qui indiquait à Grimshaw qu’ils avaient l’habitude d’obéir
à leurs aînés. Ou au membre dominant de la famille, peut-être.
— La librairie est ouverte si vous voulez y faire un tour, suggéra
Julian.
Le regard des adolescents passa de Julian à Ilya, qui déclara :
— Vous pouvez y aller en attendant que Boris arrive avec la
voiture.
Julian s’écarta pour les laisser entrer.
Le sourire timide de la jeune fille ne cadrait pas avec la manière
dont elle jaugea Julian du regard avant de baisser pudiquement les
yeux et de pénétrer dans la boutique.
Les dieux nous préservent des adolescentes de cet âge, quelle que
soit leur espèce, songea Grimshaw.
Ce mélange de timidité et de calcul était-il à mettre uniquement
sur le compte de l’âge ? Il savait comment chassaient les Sanguinati.
Se trouvait-il en présence d’une adolescente qui commençait à se
sentir attirée par le sexe opposé, ou d’une prédatrice qui se servait
de son pouvoir de séduction pour appâter ses proies ?
Et comment pouvait-il poser cette question à Ilya Sanguinati sans
l’offenser ?
— Vous recevez de la famille ? demanda Julian.
— On peut dire ça comme ça, répondit Ilya avant de marquer une
hésitation.
Ils n’allaient pas tarder à savoir à quel point le Sanguinati leur
faisait confiance, devina Grimshaw.
— L’ombre des Sanguinati de Silence Lodge ne compte aucun
jeune actuellement, ajouta Ilya. Dans ce genre de circonstances, il
est courant d’accueillir des jeunes d’autres ombres afin de parfaire
leur éducation et de leur permettre d’acquérir des connaissances
auxquelles ils n’ont pas accès chez eux.
— Interagir avec des humains en qui les adultes Sanguinati ont
confiance, par exemple ? hasarda Julian.
— Exactement. Les jeunes ont rarement de telles occasions, et
Silence Lodge, tout comme l’Enclos de Lakeside, est considéré
comme un terrain d’apprentissage privilégié. Ce qui est un honneur.
Grimshaw avait pourtant la nette impression qu’Ilya ne se sentait
pas du tout honoré.
— Si vous laissez les filles acquérir des connaissances auprès de
Paige Xavier, vous en assumerez les conséquences tout seul.
Ilya eut l’air interloqué. Julian, lui, étouffa un rire.
— Je pensais les présenter à Victoria, avoua le Sanguinati au bout
d’un moment.
Oh, par tous les dieux ! songea Grimshaw. Vu ce que ça avait
donné quand Victoria s’était liée d’amitié avec une jeune Crowgard…
Son visage dut trahir ses pensées, car Ilya évita soudain son
regard.
— Ah ! voilà Boris.
Le Sanguinati paraissait soulagé. Et un peu pâle, non ?
Presque aussitôt, les adolescents sortirent en file indienne de la
librairie.
— Monsieur, est-ce qu’il est permis d’acheter des livres ? demanda
la plus jeune.
Les adultes, humains comme vampire, hésitèrent, probablement
parce qu’aucun d’eux ne savait à qui au juste s’adressait ce
« monsieur ».
— Oui, mais pas maintenant, finit par répondre Ilya. M. Farrow
ferme plus tôt que d’habitude pour la nuit des Farces. Nous
reviendrons demain.
Ils traversèrent la rue tandis que Boris, le chauffeur d’Ilya, ouvrait
la portière arrière de la luxueuse berline noire.
Un par un, les adolescents se changèrent en colonne de fumée et
se glissèrent à l’intérieur de la voiture. Lorsque les quatre furent
installés, Boris ferma la portière. Ilya s’assit sur le siège passager, et
Boris derrière le volant.
— Les adultes à l’avant, les enfants à l’arrière, commenta Julian.
Ils ne sont pas si différents de nous, finalement.
Grimshaw, lui, voyait toutes sortes de différences et redoutait le
moment où il lui faudrait demander à Ilya de veiller à ce que les
jeunes ne se servent pas des touristes comme goûter, ou quoi que
ce soit d’autre. Après tout, si les Sanguinati aidaient à maintenir
Boing à flot, c’était notamment pour bénéficier d’une source de
nourriture constamment renouvelée. Étant donné que les adultes
Sanguinati maîtrisaient à la perfection l’art de la séduction, la plupart
de leurs proies ne faisaient aucun lien entre un baiser et une
extraction de sang.
Ineke Xavier et Helen Hearse avaient d’ailleurs l’habitude de
proposer des plats riches en fer à leurs clients afin de contrer la
langueur qui faisait partie intégrante du repos et de la détente
qu’offrait Boing à certains visiteurs.
Elles lui avaient donné cette explication à plusieurs reprises, dans
des versions légèrement différentes, lors des occasions où il avait
fait remarquer un changement de comportement chez quelques
touristes auparavant hyperactifs. Mais seule Ineke avait mentionné le
sourire particulier qui flottait sur les lèvres des femmes, sourire qu’il
reconnaissait sans doute, du moins l’espérait-elle, en tant qu’homme
ayant joui à un moment ou un autre de sa vie d’une compagnie
féminine.
Il avait aussitôt dévié la conversation et n’avait plus jamais abordé
le sujet. En tout cas pas à proximité de l’une ou l’autre des Xavier.
— Je t’enverrais volontiers Osgood pour ne pas te laisser seul avec
les filles Sanguinati demain, mais il est déjà débordé.
— Je sais me montrer prudent, répliqua Julian. Avec les femmes,
du moins.
Grimshaw laissa ce commentaire flotter dans l’air avant d’ajouter,
d’un ton nonchalant :
— Tu vas au Patchwork ce soir ?
Julian acquiesça.
— Vicki m’a invité à la fête qu’elle organise pour ses clients. J’ai
cru comprendre que tous les résidents comptaient participer à la
distribution de friandises. Il paraît que les universitaires qui logent
dans les chalets de Mill Creek ont été invités eux aussi pour observer
les Autres, sauf qu’il était écrit sur leur carton « À la bonne
franquette ».
— Ce qui veut dire ?
— Que chacun doit apporter à boire et à manger.
— Ah ! d’accord.
Après un instant, Grimshaw demanda :
— Tu prévois d’apporter combien de pizzas ?
Sa question fit rire Julian.
— Quatre.
— Ça me paraît bien.
— Tu viens aussi ?
— Osgood s’occupera de la permanence téléphonique. Je me dis
que c’est au Patchwork que j’aurai le plus de chances de voir quel
genre de créatures sont susceptibles de croiser la route des humains
autour du lac Silence. Et puis, à titre officiel, je dois raccompagner
les chercheurs aux chalets de Mill Creek étant donné qu’ils rentreront
de nuit.
Boing avait beau être un village humain, il n’était pas contrôlé par
les humains, ce qui signifiait qu’il n’existait aucune frontière claire
avec les espaces sauvages. Même si le couvre-feu n’était plus en
vigueur, tous ceux qui avaient une once de bon sens évitaient de
s’attarder dehors après la tombée de la nuit.
— À tout à l’heure au Patchwork, alors, lança Grimshaw.
Il se trouvait au milieu de la rue quand Julian demanda :
— Tu seras déguisé ?
Grimshaw répondit par un geste sans équivoque qui arracha un
hoquet à deux femmes qu’il avait déjà croisées lors des semaines
précédentes. De nouvelles habitantes ? Quand il avait accepté ce
poste, il n’avait pas promis de travailler ses compétences en matière
de relations publiques. Du moins pas avec la population humaine.
Mais tout de même…
— Mesdames, les salua-t-il avec un signe de tête avant de
pénétrer à l’intérieur du poste de police.
Les locaux, bien que d’apparence vétuste, convenaient
parfaitement à ses besoins comme à ceux d’Osgood, et offraient
même assez d’espace pour accueillir un agent supplémentaire,
maintenant qu’ils avaient réussi à caser un troisième bureau et un
ordinateur. À supposer que quelqu’un veuille travailler dans un
endroit comme Boing. Jusqu’à présent, ils s’étaient assez bien
débrouillés à deux, d’autant que les sollicitations s’étaient calmées
depuis que les habitants avaient compris que divers « assistants »
curieux à crocs ou à poils étaient susceptibles de les accompagner
lors de leurs interventions.
Avec un peu de chance, il n’aurait à gérer aucun incident plus
grave que des chamailleries pour des carottes ou des bonbons. À
condition de surveiller Vicki DeVine de près. Elle était bien
intentionnée, et il fallait reconnaître que le retour d’une activité au
Patchwork avait profité à l’économie de l’ensemble du village, mais
c’était aussi par son intermédiaire qu’il en savait bien plus que les
autres humains des environs sur les terra indigene des alentours du
lac Silence. Des connaissances qui ne facilitaient pas le sommeil.
Certains croyaient à la béatitude de l’ignorance. Foutaises. À
choisir, il préférait dormir moins bien et avoir une chance de se
réveiller le lendemain.
3

EUX
Ventdi 31 grau

Son adversaire était là ! À Boing !


Ils s’étaient mis d’accord pour ne pas travailler en même temps au
même endroit. Les résultats d’un seul projet de recherche risquaient
déjà d’inquiéter les autorités, alors deux projets de la même nature
attireraient forcément l’attention. Cela faisait des semaines qu’il
préparait le terrain, pour ainsi dire, qu’il mettait en place tous les
éléments avec soin, méticulosité même, car cette étude se révélerait
bien plus dangereuse que si elle s’attachait uniquement aux
humains.
Les terra indigene n’étaient pas dépourvus de faiblesses ou de
défauts de personnalité, des vulnérabilités qu’il savait déceler et
exploiter chez n’importe quelle espèce avec un talent particulier.
Parfois, il suffisait de répéter inlassablement à quelqu’un que ses
pensées négatives étaient fondées et qu’il était tout à fait justifié de
faire du mal aux autres. D’autres fois, il fallait déployer davantage
d’efforts de persuasion pour obtenir le résultat désiré.
Tout était prêt. Aucun autre endroit ne pouvait accueillir cette
expérience singulière, il n’avait donc pas le choix. Il devait mettre
son plan en œuvre ce soir même et s’occuperait de toute
interférence éventuelle de la manière adéquate.
« Adversaire » n’était pas le terme approprié. Ce mot laissait
entendre qu’ils étaient de force et de compétences équivalentes, ce
qui n’était pas le cas. Cette rivalité durait depuis des années, et il
avait toujours été le meilleur. Toujours.
Ce n’était pas maintenant que ça allait changer.
4

VICKI
Ventdi 31 grau

Le soir de la nuit des Farces, les enfants commencèrent à arriver


au crépuscule. J’appris plus tard que des voitures étaient garées sur
toute la longueur de Lake Street dans les deux sens et qu’un homme
aux cheveux roux teintés de jaune et de bleu à la pointe dirigeait le
trafic, juché sur un cheval brun à la crinière et à la queue gris orage.
Il avait suffi qu’une tornade de feu apparaisse à la place du cavalier
et de sa monture à la suite de quelques coups de Klaxon rageurs
pour encourager tout le monde à rester poli et patient.
Ainsi, Aiden, l’Élémentaire du feu local, et Tourbillon, qui
ressemblait à un poney dodu quand il ne prenait pas des airs
d’étalon ou de tornade dévastatrice, jouaient les agents de
circulation tandis que quelques parents entreprenants possédant des
véhicules spacieux empruntaient la piste pour transporter les enfants
jusqu’au Patchwork, où Couguar et Conan distribuaient des
friandises.
Grimshaw, dehors près de l’entrée principale, observait chacun des
nouveaux arrivants et scrutait l’obscurité qui semblait engloutir la
lumière se déversant par les fenêtres et l’embrasure de la porte.
Julian, lui, était resté à l’intérieur pour m’aider à m’occuper de mes
clients et des universitaires des chalets de Mill Creek qui tentaient de
naviguer dans les tortueux méandres de l’échange de banalités avec
des créatures qui ne voyaient pas l’intérêt de ce genre de
bavardages.
Je trouvais que l’on se débrouillait plutôt bien quand dame
Renarde attrapa une friandise dans le saladier que Couguar
emportait vers la porte puis reprit une tête animale pour croquer une
souris.
Bizarrement, même lorsque son visage redevint humain, les
hommes qui avaient flirté avec elle en début de soirée se mirent à
l’éviter. Peut-être en raison de son haleine. Ou du minuscule bout de
queue coincé entre ses dents.
Pendant ce temps, je m’étais précipitée vers la porte, juste à
temps pour entendre Couguar demander « la tête ou la queue ? »
avant de présenter le saladier à un petit mâle d’espèce
indéterminée.
— Non ! glapis-je.
Grimshaw se tendit aussitôt.
— Pourquoi non ? s’étonna Couguar. On en a plein.
Les garçons – ou peut-être quelqu’un d’autre – s’étaient donné de
la peine pour collecter des friandises. Le saladier de Conan, grâce
aux dieux, était rempli de bonbons classiques. Celui de Couguar, en
revanche, contenait des souris et des écureuils proprement coupés
en deux auxquels on avait retiré les organes internes les plus
dégoûtants.
Couguar eut beau affirmer que Conan et lui savaient différencier
les jeunes humains des jeunes terra indigene, je me demandai
combien de parents hystériques appelleraient Grimshaw après avoir
découvert la contribution originale du Patchwork à la nuit des Farces
dans le butin déballé par leurs bambins sur la table de la salle à
manger.
Je pris en charge la distribution des friandises. Bonbons classiques
uniquement. Les derniers enfants s’apprêtaient à partir quand une
fillette et deux garçons sensiblement du même âge qu’elle
s’approchèrent, tous vêtus de noir. Sauf que deux d’entre eux
seulement donnaient l’impression d’être déguisés. La troisième,
elle… ressemblait à ce qu’elle était.
— Nous sommes des vampires ! annonça un garçon avec une
cape et des lèvres rouges indiquant qu’il avait fait une razzia dans la
trousse de maquillage de sa mère.
— Moi aussi, renchérit la fille.
— Ah oui ? Montrez-moi vos canines.
Irrésistiblement attiré par la perspective des friandises, le garçon
brandit son sac dans ma direction sans même regarder ce que j’étais
susceptible d’y mettre.
La voix d’Ilya surgit de la nuit :
— Il est impoli de montrer ses canines en public.
Sauf si on s’apprête à mordre, pensai-je.
Je savais que ce n’était pas tout à fait vrai, car Ilya dévoilait
souvent la pointe d’une canine lorsqu’il souriait – ou qu’il tentait de
menacer quelqu’un –, mais il n’avait sans doute pas envie que les
Sanguinati se donnent en spectacle.
« Donne-moi une pièce et je te montre mes crocs. »
Les jeunes vampires, les vrais comme les faux, battirent en
retraite. La voiture transportant les petits humains s’éloigna sur la
piste.
Trois autres Sanguinati approchèrent. Des adolescents. La fille
était à la fois splendide et un peu timide ; l’appât parfait pour le
genre d’hommes aux yeux desquels la timidité équivalait à une
incapacité à dire non. Si l’un des garçons avait des traits agréables,
l’autre, avec son physique, risquait fort d’ici quelques années de
rivaliser avec Ilya pour le titre de Mister Vampire.
Seul le garçon au visage agréable était venu avec un sac à
friandises. Alors que je m’apprêtais à lui donner des bonbons, Julian
arriva et laissa tomber quatre barres chocolatées dans le sachet.
— À partager, murmura-t-il en regardant les adolescents.
Ils le remercièrent et s’écartèrent de la porte lorsque Ilya
s’approcha.
— Aimeriez-vous vous joindre à nous avec Natasha ? demandai-je.
Natasha Sanguinati était ma comptable. Elle avait récemment
accepté Ilya pour compagnon, ce qui ne se savait pas beaucoup au
village, car les Sanguinati, comme toutes les autres formes de terra
indigene, se montraient peu enclins à divulguer des renseignements
sur les mœurs de leur espèce.
Julian prétendait qu’il existait un mot pour désigner ceux qui
faisaient preuve d’une curiosité excessive à l’égard des rituels
d’accouplement chez les vampires : « apéritif ».
Pour avoir rencontré les Aînés qui vivaient dans le lac Silence, je
savais qu’il n’essayait pas d’être drôle.
Ilya hésita un moment et tourna la tête, comme pour discuter
avec quelqu’un. Puis il reporta son attention sur moi et sourit en
prenant bien garde de ne dévoiler aucune canine.
— Merci. Nous serions ravis de participer à la soirée. Nous
ramenons les enfants à Silence Lodge et nous revenons tout de
suite.
Comme je n’entendis aucun bruit de moteur, je supposai que les
Sanguinati s’étaient transformés en brume pour traverser le lac.
Je refermais la porte, prête à vérifier que mes clients étaient
encore tous là avant de me trouver quelque chose à grignoter quand
quatre adolescents pénétrèrent en titubant dans la lumière de l’allée.
Ils étaient humains, je le savais. Mais ils me regardaient comme
les amis de mon ex-mari regardaient les femmes, ce qui faisait d’eux
les créatures les plus bestiales qui s’étaient aventurées au Patchwork
depuis le début de la soirée.
5

GRIMSHAW
Ventdi 31 grau

Lorsque son téléphone se mit à vibrer, Grimshaw s’écarta


suffisamment de la porte pour bénéficier d’une certaine intimité sans
pour autant compromettre ses chances de courir se réfugier à
l’intérieur si jamais l’un des résidents les plus redoutables du
Patchwork s’était tapi dans l’ombre pour observer le rituel humain
qu’était la nuit des Farces.
— Grimshaw.
— Chef ? lança Osgood. On vient de recevoir un message
inhabituel.
Voilà exactement ce qu’il n’avait pas envie d’entendre le soir de la
nuit des Farces.
— Et ? (Seul le silence lui répondit, si bien qu’il crut un instant que
la communication avait été coupée.) Osgood ? tu es là ?
— Oui, chef.
— Quel message ?
— « Citrouille-lanterne. » « Ossements. » « Plumes noires. »
« Queue de serpent à sonnette. »
Après une inspiration tremblante, Osgood ajouta :
— « Cercueil ».
Merde !
— De qui vient ce message ?
— Du capitaine Burke, de Lakeside. Il m’a dit que c’était de la part
d’une résidente de l’Enclos.
Par les dieux d’en haut et d’en bas… la résidente en question ne
pouvait être que la prophétesse du sang. Ce qui signifiait qu’il ne
s’agissait pas d’une farce.
— Burke n’a rien dit d’autre ?
— Il a précisé que la même question avait été posée à quatre
reprises. Pour Talulah Falls, Great Island et Lakeside, la réponse se
composait des quatre premières images. Le cercueil n’est apparu
que pour le lac Silence.
— Appelle Ineke Xavier. Dis-lui de surveiller ses clients, et sois
vigilant.
— Bien, chef.
Après avoir raccroché, il regagna la porte, qu’il atteignit en même
temps que quatre adolescents qui titubaient en lorgnant Vicki DeVine
avec une expression propre à effrayer toute femme dotée du
moindre bon sens. Les hommes agressifs ayant tendance à
provoquer chez Vicki de graves crises de panique, il adressa une
rapide prière à Mikhos, l’esprit gardien des policiers, des pompiers et
des soignants, pour le remercier de l’absence d’Ilya.
— Vous n’avez pas passé l’âge de réclamer des bonbons ?
demanda-t-il, s’efforçant de maîtriser le ton et le volume de sa voix
afin de paraître autoritaire sans pour autant affoler Vicki.
— Et toi ? rétorqua celui qui avait une fausse hachette plantée
dans le crâne.
Visiblement, ces garçons ignoraient qui il était, ce qui voulait dire
qu’ils n’étaient pas du coin. Ils avaient peut-être loué l’une des
caravanes à l’entrée du village dans l’intention de participer à la nuit
des Farces. Vu leur attitude, Ineke ne leur aurait pas laissé le temps
de déballer leurs affaires à la pension, et encore moins d’enfiler ces
costumes dignes de figurants de film d’horreur.
L’expression avec laquelle l’un d’eux regardait Vicki donna à
Grimshaw une furieuse envie de traîner ce crétin jusqu’au poste pour
vérifier s’il avait déjà été fiché pour agression sexuelle.
Grimshaw fit un pas de plus vers Vicki afin de la protéger de son
corps. Même si ça ne suffirait pas face à quatre jeunes hommes
pleins d’assurance, et probablement imbibés d’une substance
quelconque. Drogue ? Possible. Ils avaient dû laisser leur voiture à
l’entrée de la piste. Cela faisait un long chemin à parcourir à pied
dans la nuit. Surtout au Patchwork.
Tête de Hachette sourit.
— Tu gênes le passage.
C’était exactement ce qu’il cherchait à faire.
— Je vous conseille de partir.
— Pas avant d’avoir eu notre friandise. À moins que tu préfères
qu’on passe aux farces ?
Derrière lui, Vicki murmura :
— Sois forte, sois forte, sois forte.
Grimshaw avait envie de lui dire que ce n’était pas le moment de
se montrer forte, mais plutôt celui de fermer les portes à clé et
d’appeler la police avant que…
— Singe, chantonna une voix féminine dans le noir.
Une deuxième lui fit écho :
— Siiiiinge.
Grimshaw frissonna. Il avait espéré ne plus jamais entendre ces
voix.
— Venez faire des farces avec nous, singes, ânonna une troisième
voix.
Il y eut du mouvement derrière lui. Lorsqu’il jeta un coup d’œil en
arrière, Vicki avait disparu, remplacée par les silhouettes de Conan
et Couguar qui bloquaient le seuil.
— Wayne, rentre, conseilla Julian d’un ton calme. Tu ne peux rien
faire. Ces imbéciles sont dans les espaces sauvages.
— Je pourrais les arrêter et les coffrer pour la nuit, répondit-il.
— Nous arrêter ? ricana le troisième garçon. Pour quelle raison ?
— Parce que vous m’emmerdez. Comme je suis le chef de la police
locale et que c’est la nuit des Farces, c’est un motif suffisant.
Et, accessoirement, ça vous permettra de rester en vie.
Il sentit une pression contre son épaule et des moustaches lui
chatouillèrent la joue, puis les vibrations d’un son grave et furieux
dans son dos se répercutèrent dans sa poitrine.
— Ne te retourne pas, chuchota Julian.
Les adolescents avaient les yeux fixés sur la créature qui se tenait
tout contre lui. Soudain, les quatre petits cons arrogants se
transformèrent en gamins apeurés qui piaillèrent et perdirent le
contrôle de leur vessie avant de partir en courant sur la piste.
Un grondement satisfait se fit entendre.
Puis Vicki, des trémolos de panique refoulée dans la voix, souffla :
— Couguar ? C’est un visage trop effrayant pour notre soirée.
Couguar bouscula Grimshaw avant de disparaître dans l’obscurité,
au-delà des zones éclairées.
Conan poussa un soupir qui aurait suffi à renverser un enfant.
— Il faut se débarrasser de cette odeur, sinon tout le Patchwork
viendra marquer son territoire pour intimider les intrus.
Grimshaw frissonna en imaginant les Aînés marquer leur territoire
devant la porte d’entrée de Vicki alors que la maison était pleine
d’étrangers.
Des étrangers bien silencieux…
Il se retourna. Les humains s’étaient rassemblés d’un côté du
vaste hall d’entrée, les terra indigene de l’autre. Vicki se tenait au
milieu, soutenue d’un bras par Julian. Et tout le monde le regardait.
Il jeta un coup d’œil à Julian, qui secoua la tête.
Julian Farrow était un Intuit, une catégorie d’humains dotée d’une
sorte de sixième sens. Ils ne voyaient pas l’avenir comme les
cassandra sangue, mais avaient des pressentiments sur les gens ou
les lieux. Il faisait office de baromètre pour mesurer l’ambiance d’un
endroit. Il la sentait se dégrader quand une situation était sur le
point de mal tourner.
Grimshaw ignorait si ce signe de tête voulait dire qu’il ne pouvait
rien faire ou qu’il était déjà trop tard pour tenter quoi que ce soit.
Ilya et Natasha arrivèrent au fond. Ils avaient dû passer par la
cuisine en empruntant la porte de derrière.
Ilya, à son tour, le regarda en secouant la tête.
S’il ne retrouvait aucun cadavre, découvrirait-il assez d’éléments
pour fournir aux familles un formulaire « Décédé, lieu inconnu » ?
Ils avaient presque réussi à terminer la soirée sans aucun mort. La
prophétesse du sang avait raison à propos du cercueil.
Acceptant la fatalité, Grimshaw rentra à l’intérieur et ferma la
porte.
Tout le monde grignota du bout des dents et but un peu trop, ce
qui se comprenait compte tenu des circonstances. Ça ne posait pas
de problème pour tous ceux qui restaient au Patchwork. En
revanche, pour les quatre universitaires qui devaient retourner à Mill
Creek, c’était une autre histoire.
Lorsque Julian le rejoignit, Grimshaw fouilla aussitôt la salle du
regard à la recherche de Vicki.
— Les Corbeaux l’aident à préparer de nouvelles assiettes
d’amuse-gueules dans la cuisine, l’informa Julian.
— Elle va bien ?
— Elle est nerveuse, mais elle tient le coup.
— Tu restes dormir ici ?
Julian hésita, conscient du sens de cette question.
— Vicki n’est pas prête à recevoir ce genre d’invité, dit-il
finalement.
Vicki disposait d’un appartement de fonction dans le bâtiment
principal, avantage lié à son statut de propriétaire et gérante du
Patchwork. Grimshaw savait que Julian ne rentrait pas toujours au
chalet qu’il louait à Mill Creek, mais apparemment il dormait dans
une chambre d’amis quand il passait la nuit au Patchwork. Compte
tenu des traumatismes qu’ils avaient vécus tous les deux, Vicki et lui,
il n’était pas étonnant que leur histoire avance à un rythme de
tortue.
— Je suis assez sobre pour conduire, affirma Julian. Je prendrai le
minivan avec lequel deux des chercheurs sont arrivés. Ilya m’a dit
que Boris serait bientôt là. Il prendra l’autre voiture, à moins que les
invités préfèrent rester dormir ici dans les fauteuils ou sur les
canapés.
— Combien d’entre eux vont voter pour passer la nuit ici, à ton
avis ?
— La majorité. Louer les chalets de Mill Creek pour se mêler aux
Autres est une toute nouvelle aventure pour les scientifiques. J’ai le
sentiment qu’ils n’ont pas envie de voir ce que tu risques de
découvrir en partant.
— C’est une impression ou un pressentiment ?
— Plutôt une intuition d’ancien flic. Tu sais aussi bien que moi que
ces quatre garçons ne s’en sont pas tous sortis.
— Exact.
Et il n’aurait absolument rien pu faire pour l’éviter. Une cruelle
réalité qu’il était parfois difficile d’accepter.
6

VICKI
Ventdi 31 grau

Aggie, Jozi et Eddie reprirent un aspect totalement humain, ce qui


aida les convives à se détendre. L’alcool n’y était peut-être pas
étranger non plus. Julian m’avait versé un bon verre de relaxant
après le départ de ces quatre garçons, si bien que j’avais réussi à
faire croire que l’agressivité masculine me laissait indifférente.
Personne n’avait l’air de se douter que j’avais une peur bleue de les
voir revenir une fois la maison vide. Personne sauf Julian, bien
entendu. Et Grimshaw. Et Ilya.
Julian ne prononça aucune de ces paroles de compassion plus
blessantes que réconfortantes exprimant la surprise face au fait que
quelqu’un puisse nourrir des pensées lubriques pour quelqu’un
comme moi, une petite trentenaire potelée dont les cheveux bruns
frisés donnaient l’impression d’avoir été coiffés en plantant une
fourchette dans un appareil électrique. Julian ne me voyait pas de
cette façon, ce que je ne m’expliquais pas mais tentais d’accepter,
car je le considérais comme un ami proche. Il me semblait qu’il avait
envie de devenir plus qu’un ami, et parfois il me semblait en avoir
envie, moi aussi, mais, chaque fois que je me demandais quel effet
ça me ferait si je l’embrassais ou s’il le faisait, j’entendais soudain la
voix de mon ex-mari me conseiller de faire un bain de bouche car,
franchement, qui voudrait embrasser quelqu’un avec une haleine
pareille ? Étant donné que je me lavais toujours les dents avant de
me coucher et que Yorick ne le faisait pas, je n’avais jamais compris
pourquoi c’était moi qui sentais mauvais. Au bout d’un moment,
j’avais fini par saisir que ces remarques représentaient un moyen
supplémentaire de contrôler mes sentiments et de me rendre
vulnérable à d’autres formes de manipulation. Il n’en restait pas
moins que ces souvenirs m’empêchaient d’envisager une plus grande
proximité avec Julian.
Estimant avoir vu assez de monde pour la soirée, Fred et Wilma
Cornley, le couple de jeunes mariés, montèrent une assiette de pizza
et de friandises dans leur chambre. Deux Chouettes et deux
Faucons, accompagnés d’un Couguar à l’allure presque humaine,
vinrent terminer le saladier de queues et de têtes. Jenna McKay
s’entendit avec Lynx pour faire le tour du Patchwork avec les ânes le
lendemain. Ilya et Natasha, un verre de ce que j’espérais être du vin
rouge à la main, écoutaient deux hommes qui leur parlaient de… Eh
bien, je ne savais pas s’ils essayaient d’impressionner les Sanguinati
avec leurs références académiques ou s’ils tentaient de convaincre
Ilya d’investir dans un projet quelconque, toujours est-il que je
m’empressai d’aller trouver Grimshaw dans l’intention de lui
demander d’interrompre cette conversation avant que ces hommes
souffrent d’anémie aiguë.
« Boum ! Boum ! Boum ! »
Quelqu’un frappait à la porte.
Ilya et Natasha se tournèrent dans cette direction en même temps
que Julian et Grimshaw. Alors que je m’apprêtais à aller ouvrir, Aggie
et Jozi me dépassèrent en courant, criant joyeusement :
— Un autre amateur de bonbons !
Personne sur le seuil. Personne non plus dans la lumière des
fenêtres.
Une sorte de bruit de crécelle se fit entendre dans l’obscurité, et
Grimshaw jura en se précipitant vers la porte.
« Claclaclaclaclac ». Puis une silhouette émergea de la nuit.
J’entraperçus un plumage clairsemé et une tête de corbeau
décharnée aux orbites noires.
Aggie et Jozi prirent une brusque inspiration.
Une main couverte de plumes se tendit vers eux, et une voix
rêche déclara :
— J’vous ferai la peau !
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— On se sentään tämä Semmi siunattu mies! Kyllä Semmiä
muistetaan, kun tästä ajat muuttuvat.

Anshelmiin tuli taas henkeä ja elämää. Hän ei enää ollenkaan


nurissut, vaan ajoi mielellään »rikolta ja nahkoja kaartiin verstaan».
Hänellä oli nyt sopiva sivuhomma: sai auttaa pulassa olevia ihmisiä,
vieläpä vanhoja rakkaita herrojaan. Joka päivä, välistä
useampaankin kertaan, kulki Anshelmin mukana paketteja kasarmin
kellarikerroksen luukusta sisään. Myöhemmin niitä kuljetettiin
sisäpuolen kauttakin, kun sattui olemaan omanpaikkakuntalainen
kaartilainen vahdissa. Silloin jutteli Anshelmi pitkät lorut herrojen
kanssa, painoi tarkasti muistiin kaikki heidän tarpeensa, vei terveisiä
rouville ja toi seuraavalla kerralla pyydetyt tavarat.

Ja herrat vakuuttivat aina:

— Kyllä muistetaan Semmiä, kun täältä päästään.

II.

Kapina oli kukistettu, valkoiset joukot olivat tulleet kaupunkiin,


vankina olleet herrat pitivät nyt taas valtaa käsissään.

Anshelmi oli pannut hevosensa talliin, rahdinveto kasarmille oli


loppunut. Oikeastaan ei sitä olisi riittänyt niinkään kauaksi, jos
Anshelmi olisi pitänyt kiirettä. Mutta häntä oli haluttanut olla
mobilisoituna, koska herrat, joita hän oli tottunut palvelemaan, olivat
istuneet kopissa ja tarvinneet hänen apuaan, ja sen vuoksi hän oli
pitkittänyt ajoa mahdollisimman kauan.
Anshelmi lepäili nyt asunnossaan ja ajatteli, että antaa tämän
vallan vaihdosta seuranneen ensi hötäkän mennä ohitse, niin
nousee häntä sitten taas pukille entiseen tapaan ja alkaa kysellä
ajoa.

Ja tästä tämä kertomus sitten rupeaakin joutumaan loppuansa


kohden ankaralla vauhdilla. Kuten tunnettua, oli vauhti siihen aikaan,
jona tässä maassa suoritettiin n.s. kapinan jälkiselvittelyjä,
yleensäkin ankara. Ne, jotka kapinan kukistettua pääsivät valtaan ja
vaikutukseen, pitivät kapinallisten tilinmaksulla sellaista kiirettä, ettei
lähimainkaan aina tullut katsotuksi, oliko palkansaaja edes tehnyt
työtä tiliänsä vastaavan määrän.

Mitä muuten tähän entiseen nahkuriin, sittemmin pika- ja kuorma-


ajuri Anshelmi Keltaseen tulee, asetettiin hänetkin kapinallisten
palkannauttijain luokkaan. Hänen lepäillessään asunnossaan ja
miettiessään, että on sentään hyvä, kun palasivat nämä säännölliset
olot ja ihminen pääsee taas omaksi herrakseen eikä tarvitse kärrätä
ruokaa herroille kasarmille, ne kun ovat jälleen vapaina ja saavat
syödä kotonaan, tuli muutamia pyssymiehiä — tuttuja oman
kaupungin poikia — ja sanoivat, että punikki lähtee nyt tekemään tiliä
niistä kuormista, joita kauppaneuvoksen varastosta veteli.

Anshelmi oli aluksi vähän ihmeissään, sillä hän ei ollut mitään tiliä
odottanut, mutta hymähti sitten ajatellen, jotta tehdään tili, parempi
vaan kun maksavat vetopalkan. Tarpeenhan se on tässä yleisessä
niukkuudessa.

Vartiosto vei Anshelmin raatihuoneelle, jossa vanhastaan sijaitsi


myöskin kaupungin poliisilaitos. Siellä hänet tuupattiin putkaan
monien muitten joukkoon. Tällainen tilinteko tuntui Anshelmista
hiukan omituiselta. Hän ei ollut milloinkaan ennen joutunut siihen
paikkaan, minkä vuoksi mieleen hiipi epäilys, että nyt eivät asiat ole
kuvan tolalla.

Tämä tapahtui aamulla, ja illalla sitten vietiin Anshelmi ylös


poliisimestarin huoneeseen. Siellä istui muitten joukossa se sama
viskaali, joka oli hänet ensiksi huutanut luoksensa kasarmin pihalla
ja tilannut ruokia. Anshelmin jossain määrin laskeutunut hyvätuuli
kohosi taas. Ahaa, nyt ollaan oikeilla jäljillä. Kyllä nyt asiat
selvenevät, kun tämä mies istuu pöydän takana. Hänhän oli monet
monituiset kerrat luvannut muistaa Anshelmia, jota kutsui siellä
kasarmilla heidän kaikkien hyväntekijäksi.

— No, Keltanen, sanoppas nyt, kuinka paljon sinä varastit niitä


kankaita ja nahkoja kauppaneuvos Blixströmin varastosta? — jyrähti
viskaali pöydän päästä. Ja toisetkin herrat katsoivat häntä kuin jotain
ihme-elävää.

Viskaali oli nyt aivan toinen mies kuin kasarmilla. Siellä oli hänen
silmissään ollut samanlainen ilme kuin usein aikaisemmin, ennen
näitä selkkauksia, jolloin Anshelmi oli pitänyt viskaalia
kansanmiehenä. Se ilme oli kasarmilla ollut vielä lempeämpikin kuin
ennen, viskaali oli aina taputellut Anshelmia, jonka mielestä hän oli
vankina ollessaan vaikuttanut vähän »heeseliltä». Nyt oli hänen
katseensa kova, melkeinpä raaka.

Ja totta sen täytyy ollakin muuttunut joksikin toiseksi, kun tuollaista


kysyy Anshelmilta. Hänkö varastanut? Olisipa luullut tässä
kaupungissa tiedettävän, ettei Anshelmi Keltanen ollut koskaan
kättänsä toisen omaan laskenut. Rehellisellä työllä hän oli aina
koettanut itsensä ja perheensä elättää, ja palvella moitteettomasti
toisia, niinkuin oli palvellut kasarmillakin vankina olleita. Ja tuo mies
syyttää nyt häntä varkaaksi! Sanoisi sen edes jokin toinen, mutta kun
tuo… Anshelmin oli vaikeata uskoa korviansa, mutta kyllä se niin
sanoi.

Jonkin toisen veri olisi sellaisesta pahastikin kuohahtanut, mutta


Anshelmin mielen tasapaino ei vielä milloinkaan ollut horjahtanut.
Jos hän nyt joskus vertaiselleen ärjähtikin, kun asiaa enemmän
kertyi, mutta herrojen edessä oli hän tottunut kestämään terävänkin
pistoksen. Siksipä hän vastasikin rauhallisesti:

— Eipä ole tarvinnut iässäni varkaissa kulkea. Ja mitäpä minä


niillä kankailla… mopilisoivat, niin vedin kasarmille, kyllä kaiketi sen
herrat tietävät yhtä hyvin kuin minäkin.

Viskaali nyökkäsi omituisesti myhähtäen toisille herroille ikäänkuin


tahtoen sanoa, että kyllä nämä pahukset tiedetään… katsoppahan
tätäkin vintiötä, kun koettaa tekeytyä viattomaksi.

Sitten hän ärhenteli Anshelmille:

— Kyllähän te osaatte kierrellä, mutta se ei auta. Nyt tehdään lyhyt


loppu varkaista ja roistoista. Sinun puuhasi ovat tiedossa, ja
kauppaneuvos vaatii sinulle rangaistusta kankaitten varkaudesta.
Tunnusta pois.

Anshelmin sisällä sävähti omituisesti, ikäänkuin olisi pakkautunut


ylös jokin iso ja kova kimpale.

Hänen päässään ehti käväistä ajatus, että sanoisiko noille jotain,


muistuttaisiko niistä selityksistä, taputuksista ja lupauksista
kasarmilla, mutta häntä hävetti mennä sellaista puhumaan, minkä
vuoksi hän äänsi vain yksikantaan:

— Mitäpä tässä muuta tunnustamista kuin minkä jo sanoin…


Siitä seurasi sitten kopissa istumista muutamia päiviä, sen jälkeen
matka lääninvankilaan, taas odotusta ja lopuksi eräänlainen
oikeuden istunto, jossa Anshelmille annettiin kolme vuotta
ehdonalaista ja näpistettiin kunnia pois määrävuosiksi. Mutta sen
ensimmäisen ja ainoan kuulustelun ja oikeuden istunnon välille sopi
sellainen määrä henkistä kidutusta, että puhtaimmallakin tunnolla on
sitä vaikea kestää.

Anshelmi Keltanen on nyt jälleen kunniallisten ihmisten kirjoissa.


Hän istuu ajurinpukillaan ja häntä kutsutaan taas tuttavallisesti
Semmiksi. Hän ajaa herroja ja narreja, jokaista, joka kyytiä tarvitsee,
mutta herroihin hän suhtautuu nyt epäilevästi. Hänen mielestään
niitten menettelyssä työläistä kohtaan on jotain kieroa ja niitten
oikeus ei ole kohdallaan.
SAMMAKONKUTU

SATU

Vanha sammakko nosti varovaisesti päänsä lätäkön pintaan.

… Kah, olipa kevät taas kuin olikin… Koko lätäkkö samean-


sakeana kuin ennenkin… Ja laajalti sitä oli… piti oikein kurottaa
kaulaansa, ennenkuin näki toiseen laitaan. Eikä enää juuri
luntakaan, etäällä pellon ojassa vain lähjötti ikäänkuin likaantunut ja
lytistynyt valkea lakki. Koivukin tuolla tien vieressä on kuin
rakastunut neito, joka suunnittelee uutta vihreää kevätpukua… Ja
mikä se on tuo sävel: eikö maar kiurunen, Pohjolan aikainen
ilonpitäjä koettelekin ääntään. Jopa tottakin… Katsos, katsos,
västäräkkikin huiskuttelee saralla ylpeänä hännystakkiaan.

Kevät on… on… Ilmankos niin somasti hykähytti sydäntä. Se


vaatii vielä vanhanakin veri osansa…

Vanhan sammakon piti ihan heristää kuulumaan tajutakseen,


miten kevät soi ja sirkuttaa. Ja silmää täytyi siristää, ennenkuin erotti
huikeasta avaruudesta alas hyppelevät hauraat valonsäteet…
Mutta kun ei kuulu tuttu kurnutus, sammakoitten keväinen kieli…
On sittenkin tainnut vanha, raihnas ruumis liian tukevan talviunen
ottaa… toiset jo laulunsa laulaneet ja — lakanneet.

Tuossa paistaa punainen seinä. Sen vierellä on entinen


kutupaikka. Ei toki elähtäneenkään silmä niin pahasti vikaan
katsone.

Vanha sammakko ponnistaa pitkän hypyn ja pääsee kevätpuron


suuhun.

… Eikö yhtä sammakkosielua koko lakealla, eikö ainuttakaan


nuppia näy?

*****

Ujona pistäytyy pää vedenkalvoon vanhuksen vieressä.


Kolmannenkeväinen nuorukainen tämä.

— Mitä nyt, poika, onko luonto poikennut ladultaan, vai onko


vanhan uni pettänyt? Miksi ei kuulu keväinen laulu?

Arasti vastaa nuori:

— Ei nyt kutemista, ei ilonpitoa, vaari. Tämä meidän maailmamme


on mullin-mallin… Ihminen tappaa ihmisiä ja hautaa vainajat tänne
meidän suohomme.

— Eikö olekaan enää harmaita tuon punaisen tiiliseinän takana,


niitä, jotka huvikseen ja harjoituksekseen ampuivat.

— On harmaita, mutta ei niitä samoja, eivätkä nämä ammu kuvia,


vaan eläviä ihmisiä, omaa heimoaan murhaavat.
— Miksi, poikaseni, ne sellaista tekevät?

— Ne palauttavat järjestystä ja juhlivat vapautta. Sitä varten ne


veljiään suohon sortavat ja siksi emme me sammakot laula
lemmestä. Meillä on suru.

— Mutta kuulehan, poika, kuinka kiuru kilkattaa, ja västäräkki on


hännystakissa…

— Ne eivät ymmärrä, mutta me olemme samaa sukua, noidutusta


ihmisestä polveutuneita. Nyt ovat luomisen herrat itse noiduttuja: he
ovat saaneet vapauden… ihminen on heistä hävinnyt. Meidän
sukumme lähtee näiltä lätäköiltä. Me emme kude ihmisen veressä…

Molemmat katosivat punaiselta paistavan rykelmän seinustalta,


eikä sen perästä sieltä ole keväistä kurnutusta kuulunut.
HÄVÄISTY TEMPPELI

Se oli ihana paikka. Keväällä pälveili se ennen kuin mikään muu,


sillä auringon lämpimät huulet hyväilivät sitä pitkin pituuttaan aina
kehrän ylimmillään heloittaessa.

Ajatelkaa: pitkä, korkea harjanne, kapea ja jyrkkä kahtaanne,


aivan kuin taltalla muovailtu, taitavan mestarikäden ohjaamalla
taltalla.

Luonto vain voi olla niin suuri mestari.

Sen harjun hongat olivat ryhdikkäitä kuin nuori sulhanen. Väärä


käkkyräpetäjä ei sinne uskaltanut asettua; se osasi kaihtaa solakoita
valtiaita. Ja sammal sen harjun sivuilla oli pehmeä kuin
morsiusvuode, siihen upposi istuja ikäänkuin höyhenpatjaan.

Se oli luonnon suuri temppeli, jossa on pilari pilarin vieressä ja


jossa käyskentelevä ihminen tuntee syvästi ja parastaan. Hän tuskin
uskaltaa mennä sinne arkivaatteissaan, sillä hän tietää astuvansa
pyhättöön, jossa kävijällä pitää olla siisti näkö ja altis mieli.

Ja kun sen harjun kiireelle nousi, levittäytyi alla laakso, joka


pienempine pilareineen ikäänkuin kunnioittaen katseli kummun
ylhäistä rauhaa, ja siellä laakson pohjalla siinti soikea lampi kuin
tummansininen silmä.

Toisella sivulla, vähän matkan päässä, hääräili pieni yhteiskunta


omissa puuhissaan, mutta aina juhlapäivinä puki se pyhäpuvun
ylleen ja kulki harjulle hiljaisena ja hartaana, silmissä selittämätön
riemu ja onni. Pieni yhteiskunta rakasti harjuaan ja mainitsi siitä
ylpeydellä, ei kerskailevalla ja kovalla, vaan sisäisen, syvän tunteen
kirkastamalla.

Se harju oli keväästä, läpi kesän, syksyyn saakka pienen


yhteiskunnan pyhiinvaelluspaikka.

Kaikki Suomen metsien laulajat viihtyivät siellä, ja jo aikaisesta


aamusta harju soi ja helisi.

Siellä kävi kanssani vieraan maan mies, vaipui omituisesti


ajatuksiinsa ja onnesta säteillen sanoi:

— Teillä on kaunis maa ja teidän kukkuloillenne on luotu ikuinen


rauha.

— Niin on, Jumalan kiitos, muusta me olemmekin köyhiä.

Vieraan maan mies viipyi kauan kanssani harjun rinteellä ja


jälkeenpäin omasta maastaan kirjoitti kirjeitä, joissa hän aina palasi
sille samalle kukkulalle ja katseli sieltä leppoisaan laaksoon.

*****

Sitten tapahtui jotain kauheaa, sellaista, joka kyllä on piirretty


aikakirjoihin, mutta ei ole vielä täydellisesti selvinnyt luettavaksi. Kun
me koetamme ponnistaa siitä kuvan eteemme, niin se ehkä
onnistuu, mutta me emme osaa sitä kirjoittaa. Toistaiseksi me vain
tiedämme tajunnassamme, että hirveä onnettomuus on kulkenut
ylitsemme, raastanut, revellyt ja iskenyt meihin haavan, joka ei mene
kiinni, vaan polttaa ja pakottaa.

Me saatamme olla sanan ja kynän miehiä, mutta sen kaamean


turman edessä meidän kielemme mykistyy ja kynä käy raskaaksi.
Me kerromme kukin vain omasta onnettomuudestamme, haastamme
oman rintamme haavoista, vaikka meitä yhteinen kipu kirvelee.

Meillä onkin vielä iso urakka siinä, mitä aikaisemman taipaleemme


varrelta on jäänyt muistiin merkitsemättä. Älköön siis tuomittako
meitä, vaikka olemme ajan ankaran surun edessä heikkoja ja
kykenemättömiä, se kun meitä vuorena painaa. Ne, jotka meidän
jälkeemme tulevat, osaavat tehdä meille oikeutta ja sanoa sen
sanan, joka on salpautunut meidän huultemme taakse.

*****

Mutta yhden minä tiedän: kerran keväällä, kun päivän kultainen


juova ei enää löytänyt hangen hopeaa ja hongat kohahtelivat
auringon ylenemisen iloa, kun kiuru kiiti korkealla ja lauloi häitä ja
kaikkialla värähteli elämänriemu, kulki sen harjun vierteelle synkkiä
saattoja, jollaisia ei ennen niillä mailla ollut liikkunut. Niitä tuli sinne
joka ilta ja aina samat palasivat, toiset olivat jääneet harjun rinteelle,
josta he eivät ole tulleet, eivätkä koskaan tule kotiin.

Pieni yhteiskunta vähän matkan päässä harjun kupeella eli silloin


parhaillaan sitä suurta onnettomuutta, josta yllä mainittiin.

Muutamat päivät ja viikot tekivät silloin historiaa, joka, jos se


joskus oikein kerrotuksi tulee, sisältää enemmän kuin sukupolvien
uurastaminen.

*****

Sitten meni vuosia, jotka eivät olleet jaksaneet luoda umpeen


kuilua onnettomuuden ja sen muiston välillä.

Se sama vieraan maan mies, joka ennen oli harjulla innostuksen


huudahdukseen puhjennut, tuli taas ja vaati mukaansa entiselle
paikalle. Minä en voinut kieltäytyä, vaikka sydämessäni asui ankeus
ja tuska.

Vieraan maan mies kysyi:

— Mitä ovat nuo punaiset aitaukset rinteellä?

— Siellä makaa kuopattuna kukkuloittemme ikuinen rauha…

— Niin, teilläkin on ollut sota — teilläkin.

— Ei, vaan murha… murha meillä oli.

Vieraan maan mies tahtoi pois. Hän ei puhunut mitään. Vasta


myöhemmin hän kirjoitti, että siellä harjulla oli ilmojen orkesteri
lakannut soittamasta, hongat eivät huokuneet elämäniloa ja se
lammensilmä alhaalla tuijotti melkein kuin pääkallosta.
KERRAN KEVÄÄLLÄ

MUISTIKIRJAN LEHTINEN

Kevät!

Jokaisella ihmisellä on oma vuodenaikansa, jota hän


intohimoisemmin kuin muita rakastaa. Kesä koruineen on monien
unelma, omat ihailijansa ovat talvenkin lumisilla tanhuvilla, eikä pidä
luulla, ettei syksyn omituinen väririkkaus osaisi kiehtoa. Se on aivan
turhaa puhetta, että kelta on syksyn ainoa väri. Kyllä sillä on
muitakin, vielä tenhoavampia ja häikäisevämpiä. Ja mikäpä vetäisi
vertoja syksyn kireän-kuultavalle taivaalle, joka kaartuu yllämme kuin
moskean kupolikatto.

Mutta kevät! Sinua sittenkin useampi kaipaa. Keväässä on


optimismia, hyvänuskoa, ja harva toki mielessänsä yksin elämän
harmautta hautoo.

Kuta vanhemmaksi ihminen varttuu, sitä enemmän hän kaihoaa


kevättä. Hän haluaa siinä nähdä oman nuoruutensa innon ja uneksia
aina uudestaan entiset sadat toivonsa, jotka elämä vuodesta
vuoteen on jättänyt toteuttamatta.
*****

Minä olen kaikkien vuodenaikojen kannattaja, minulla ei ole


erityisiä suosikkeja. Minä löydän aina luonnosta sopusoinnun
sydämelleni ja virvoitusta väsyneelle mielelle. Minun sieluuni saapuu
aina kevät, kun minä astun luonnon, suuren tutun ja tuntemattoman
temppeliin.

Minua kalvaa usein kauhea tuska, kun minä kuljen


ihmisitsekkyyden keskellä ja näen, kuinka pienen pyyteen vuoksi
paljon uhrataan ja kuinka suuren haaveen ja onnen kaipuun
annetaan tallautua tantereeseen mitättömän itserakkauden takia.

Niin minä tunnen, enkä sittenkään ole sen parempi kuin muutkaan.
Ihminen, itsekkyydestä ja omanvoiton pyynnistä vapaa, on vain
minun salainen haaveeni. Itse olen minä hyvä ainoastaan humisevan
metsän pyhätössä, korkealla vaaralla, jonne alhaalta katsoo sininen
lampi kuin armaan silmä.

*****

Mutta mitäpä minä näitä haastelen, hullujani huutelen, minä, joka


olen kerran nähnyt oikean kevään, tai ainakin luullut näkeväni.

*****

Voi, kuinka minä olin sairas ja masentunut, kun juna minua kiidätti
yli rajan idästä Suomen puolelle!

Minä olin jättänyt taakseni meluavan suurkaupungin, jonka kansa


kulki jo kolmatta, vai lie ollut neljättäkin, viikkoa katselemassa kuulan
reikiä julkisissa rakennuksissa ikäänkuin suurta ihmettä, vaikka
pihoilla maleksi raajarikoiksi ammuttuja ihmisiä, joita monen
edelläkäyneen sotavuoden aikana oli tehty miljoonittain ja joissa olisi
ollut kylliksi katsomista, enemmänkin: auttamista.

Kansa ihmetteli oman historiansa hävitystä, ja eniten se oli


ihmeissään nähdessään pienen, nuhrautuneen punaisen lipun, jonka
sotamies oli sisään tunkiossaan ennättänyt pistää entisen
keisarillisen linnan portille.

Oli tapahtunut vallankumous, ja kansa katseli sen jälkiä.

Ihana asia se vallankumous! Lienen itsekin sen ylistystä laulanut.

Vapaus oli voitettu, olisi pitänyt olla iloinen, mutta sydämeen pisti
pahasti. Veli oli murhannut veljensä vapauden hinnaksi.

Tuleekohan tästä oikea vapaus?

Lähimmät kuukaudet vastasivat kysymykseen. Mikä oli vastaus…?

*****

Mutta minä olin jättänyt jälkeeni sen levottoman kaupungin, jonka


kansalaiset päivin kulkivat vallankumouksen jälkiä katselemassa, ja
öisin ase kädessä rosvosivat toisiaan hämärillä kaduilla. Minä tulin
kotimaahan.

Täällä oli iloista väkeä, laulua, soittoa ja kukkia. Kevättä ilmassa ja


samaa sydämissä. Kukaan ei etsinyt kuulan reikiä — silloin.

Se kevät pyyhkäisi kuin siivellä pois kaikki vuosien vaivat, pään


raskaus keveni kohta, ja sydän löi terveesti.

Kansa kulki onnellisena kaduilla ja puistoissa, ja jokaisen


kasvoista saattoi lukea riemuitsevan: katso, me ollaan nyt omia
itsiämme, ja nyt me ruvetaan luomaan sitä uutta Suomea, josta on
ollut niin paljon puhetta.

Minä yhdyin joukkoon ja ylistin vapautta, ja silloin minä todella


uskoin vapauteen, toisen kerran elämässäni alun toistakymmenen
vuoden väliajalla.

*****

Mutta sitten tuli kesä…

Tuli syksy…

Talvikin tuli…

Lienee koittanut kevätkin… Mutta missä oli vapaus?…

Sitä toista kevättä minä en jaksa muistella.

*****

Kohtalo, anna meille vielä kunnon kevät!…


OMAN ONNENSA SEPPÄ

Meillä lauletaan ylistystä neroille ja tietoviisaille, jotka tämän


maailman kehityksen vauhtipyörää muka liikkeessä pitävät ja joita
ilman me ei oltaisi niitä kuin nyt ollaan, vaan kuljettaisiin melkein yhtä
mölöinä kuin karhut metsässä. Ja tämä maailma olisi muka
tuntuvasti tökerömpää tekoa ilman näitä oppineita ja neroja, joitten
älynystyröistä herahtelee viisautta meidänkin puolestamme ja joitten
kallosta on kotoisin kulttuuri, sivistys ja valistus, niin että meidän ei
muuta kuin piehtaroida niissä.

Hyvä on: ei olla kitsaita, annetaan tunnustus opille ja nerolle,


semminkin jos se itsenäisenä ilmaiseikse; eihän tässä olla
sivistysvihollisia, ei toki. Mutta mikä on tulla älyniekaksi, kun suuria
kouluja käydään ja paljon kirjoja luetaan. Toista se on, kun pitää
ottaa oppi omista hyppysistään ja kokemuksen mutkaiselta tieltä
tietonsa kerätä.

Ne ovat neroja sellaisetkin, kansanmiehet, jotka eivät päivääkään


ole koulun penkkiä painaneet, eivätkä mestarien työpajoissa hihnaa
maistaneet opin alkajaisiksi, vaan on heistä sittenkin kehittynyt taito-
ja tietoniekkojakin, jotka voivat kerskata, jotta istukoon tuohon
opinkäynyt rinnalle, niin katsotaan, onko konstinsa ovelampi.
Voi, kuinka niitä on Suomen pitäjissä paljon sellaisia; kuka niitten
luvun tietääkään!

Otetaanpa yksi esille.

*****

Taavetti oli tämän pojan nimi, ja Taavetti taisi olla isäkin. Siinä oli
monta kakaraa pienessä mökissä, jota Särkäksi kutsuttiin, ja Särkkiä
se oli sitten koko sukukin. Tuskin tämä Taavetti oli vanhinkaan.
Lienee paremminkin ollut siinä keskivälillä, vaikka tästä vasta oli
muistettu tehdä isän kaima, jollainen ehdottomasti perillisten
joukossa oli oleva. Toisille oli sattunut allakasta löytymään muita
mukavia nimiä.

Taavetin elämän juoksu alkoi kuten muittenkin samanlaisten töllien


perillisten. Äiti oli jonain iltana lehmän lypsyltä paiskautunut
pitkälleen ja käskenyt hakea naapurin muijan saunaa lämmittämään
ja avittelemaan siinä puuhassa, jonka oli tuotava uusi suu perheen
vähitellen täyttyvään pöytään. Niin tuli sitten Taavetti tähän
maailmaan ilman lääkäreitä, kätilöitä ja pihtisynnytyksiä, joista
viimemainituista ei varsinainen kansa Suomen saloilla vielä
tänäkään päivänä tiedä mitään. Milloin pääsee vähemmällä, milloin
ottaa kovemmalle, ja jos on kuollakseen, niin kuolee. Muutaman
päivän perästä oli äiti taas lehmää lypsämässä, ja pieni tulokas
pilkisteli kapalostaan orteen kytketyssä kakskorvavakassa, joka jo oli
ehtinyt erinäisiä muitakin Särkkiä soudatella. Äiti imetti minkä hänen
kuivista rinnoistaan herui, ja loppua korvattiin lehmän utarien
antimilla. Särkän töllissä ei tunnettu Maitopisaroita ja Lastenseimiä
koelaseineen ja komppeineen. Siellä oli vain yksi lehmä, Punikki, ja
se oli sekä Maitopisarana että Lastenseimenä.
Särkän mökissä ei myöskään valitettavasti oltu tutustuttu pienten
lasten hoitoa käsittelevään kirjallisuuteen eikä luettu uusimpia
kasvatusteorioja, vaan meneteltiin näitten asioitten suhteen sillä
yleisellä tavalla kuin Suomen silloisen suuriruhtinaskunnan
maaseudulla oli totuttu menettelemään: annettiin lapsen kasvaa, jos
on kerran kasvaakseen. Särkän muorin kasvatusteoria ei ollut kovin
monimutkainen. Se kun ei yksi akkanen ihminen, jolla on
puolitusinaa penskoja ympärillään ja mökin työt hoidettavinaan,
kerkeä paljon kasvatusasioilla päätänsä vaivaamaan. Niin pian kuin
Taavetin koivet vähänkin rupesivat kannattamaan, pistettiin hänet,
kuten kaikki edeltäjänsä iässä, reikätuoliin, jonka Suomen kansan
keski-ikään ehtinyt enemmistö lapsuusajoiltaan vielä hyvin muistaa.
Tämä reikätuoli on kuulunut Suomen salojen pienten lasten hoitoon
välttämättömänä välineenä, vaikka lastenhoidon erikoislääkärit sitä
pitänevät vähemmän suositeltavana. Mutta Suomen kansan
suurimmalla osalla on kiire, ja se on osannut turvata vekaransa
parhaiten pistämällä hänet reikään seisomaan.

Kun Taavetti pääsi reikätuolista ja alkoi pysyä pöydän ääressä,


lopetettiin Punikin maitopisara kuin naulankantaan ja hänet siirrettiin
yhteisille aterioille. Mökkiläisen ruokalista ei silloin ollut kovin
vaatelias, eikä se Savon sydämessä ole vielä nytkään. Siihen kuului
leipää, suolakalaa — parhaimmassa tapauksessa muikkua —
potattihauvikkaita ja piimää silloin, kun viimemainittua sattui
olemaan. Muuten oli ryypättävänä vesi eli, kuten leikkisästi sanottiin,
Mustikin maito. Tarpeellinen vaihtelu saatiin sen kautta, että
suolakalan puutteessa kannettiin pöytään kalansuolavettä, joka,
luojankiitos, oli melkein puuttumaton. Niillä ruoilla sitä elettiin,
kasvettiin miehiksi ja naisiksi, naitiin ja kuoltiin, ja kasvatettiin taas
uutta polvea samanlaisilla sapuskoilla.
Ja mieheksipä tuo varttui Särkän Taavettikin. Varttui ja oli
akoittunutkin, vaikkei Luoja ollut siunannut hänen avioliittoaan
pienillä taaveteilla.

Hintelänpuoleinen oli sentään Taavetti tekojaan. Liekö johtunut


siitä, että liian nuorena sai tarttua aatran kurkeen ja viikatteen
varteen, vai liekö muuten ollut sellainen jo luonnostaan. Kasvoihan
noista muista saman mökin muoskista yhtäläisillä eväillä rotevia
miehiä. Ne olivat kuitenkin hajonneet kaikkeen maailmaan, ja tytöt oli
naitu pois, niin jotta Taavetille oli jäänyt tölli käsiin ihan väkisten.

Isä ja äitikin olivat silloin jo siirtyneet turpeen alle, ja oli isä vielä
viime vuosinaan uudistanut torpan kontrahdin ylen raskailla ehdoilla.
Ei ollut Taavetille mikään makupala tämä kontu, ja monesti ajatteli
hän katkerana, että senkö täytistä hänen piti jäädä tähän kitumaan,
kun toiset lensivät tiehensä ikään kuin aavistaen, että sillä paikalla
mies pian menehtyy.

Mutta kohtalonsahan se on kullakin, ja Taavetin kohtalona oli asua


tätä lapsuudenkotiaan niin kauan, että se yhtenä kauniina päivänä
mennä paukahti maksamattomista veroista.

Lähtiessään kotikonnultaan oli Taavetilla muutamia säkkejä


perunoita, pienoinen pönttö suolamuikkuja ynnä jokunen leivänkyrsä.
Niine eväineen painui hän vieraan tuvan karsinaan loisiksi. Ei sovi
sanoa, ettei hän olisi parastaan koettanut pysyäkseen kiinni maan
kamarassa. Ei hän ollut laiska eikä saamaton, vaikkakaan vartensa
ei ollut parhaan työjuhdan ruho, mutta kun kerran kohtalo laittaa
tokeensa tielle, niin siihen yritteliäinkin mies kompastuu. Ja kun
kerran kompastuu, niin tapahtuu se tavallisesti siksi perusteellisesti,
ettei jää miehelle muuta kuin kaksi kättä tyhjää täyteen.

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