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EN SOCILOGIE DU TRAVAIL
Christèle DONDEYNE
LEST - CNRS, 35 avenue Jules Ferry, 13 626 Aix en Provence cedex
( : 04 42 37 85 02, fax : 04 42 26 79 37
e-mail : Dondeyne@univ-aix.fr
Christèle DONDEYNE, LEST-CNRS
Changement organisationnel et recomposition du rapport à l'entreprise, mars 99, pour l'UDST.
La thèse CIFRE en cours se déroule dans le réseau français d'une entreprise de services
internationale dans le secteur de la restauration collective (Restocol). Sa structure est
fortement décentralisée par nature, la production se faisant en général chez le client (Voir
annexe 1, la structure de l'entreprise). C'est une grande entreprise (14 000 salariés en France),
de création relativement récente (1966).
La recherche a véritablement commencé en mars 1997, après une réponse à un appel
d'offres lancé par Restocol en décembre 1996, et a donné lieu à la signature d'une convention
CIFRE en juillet 1997. Cela fait donc près de deux ans que le travail de thèse se poursuit, et
une partie importante du temps a été consacrée au terrain. L'année à venir sera plus
"théorique", afin d'opérer une vraie distanciation, et dans l'optique de soutenir la thèse à la fin
de la prochaine année universitaire.
Notre questionnement de départ porte sur l'appropriation du changement
organisationnel, mais il a quelque peu évolué en fonction des résultats empiriques obtenus pour
se porter sur la recomposition du rapport à l'entreprise, et se centrer sur la population cadre,
acteur majeur du changement chez Restocol .
Avant de rentrer dans l'explication de nos questionnements actuels, nous allons
présenter en quoi ils sont liés en partie aux conditions institutionnelles dans lesquelles se réalise
la thèse, et quel a été le cheminement "intellectuel" suivi qui nous a conduit à notre
problématique d'aujourd'hui. Nous proposerons alors les premiers résultats.
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Christèle DONDEYNE, LEST-CNRS
Changement organisationnel et recomposition du rapport à l'entreprise, mars 99, pour l'UDST.
Un dispositif original a été mis en place dans l'entreprise pour encadrer la recherche. Ce
dispositif est né d'un apprentissage de la collaboration entre différentes équipes de chercheurs
et Restocol. Une première recherche en ethnologie dans les années 80 a donné lieu à une thèse
soutenue en 88 ; une thèse en convention CIFRE (92-95) soutenue en 97 sur le travail en
projets a donné lieu à une autre forme de collaboration. Enfin une équipe de sociologues de
l'innovation s'est intéressée à la politique qualité chez Restocol. Ces différentes expériences de
Restocol avec le monde la recherche l'ont conduit à mettre en place une structure
d'encadrement de la recherche.
Un comité de recherche composé de cadres appartenant aux comités de direction de
Restocol s'est créé avant même le lancement de l'appel d'offre et le recrutement du doctorant,
sous la responsabilité de la directrice adjointe de la stratégie du groupe. Ces cadres sont issus
de différentes fonctions : gestion des ressources humaines (GRH), achats, direction
opérationnelle des filiales, bureau des méthodes, et stratégie du groupe. Même si la recherche
ne concerne que les trois filiales françaises, deux personnes occupent un poste au niveau de la
direction du groupe (GRH et stratégie). La coordination de ce dispositif a été assurée par le
docteur en sociologie qui a réalisé sa thèse en CIFRE dans la même entrerise de 1992 à 1995
et qui poursuit ainsi une collaboration avec Restocol entamée depuis la thèse, ce qui donne à la
recherche une perspective de long terme.
Le mobile de l'entreprise pour mener la recherche actuelle est tournée en partie vers le
président fondateur de l'entreprise, figure mythique chez Restocol, et personnage important en
externe, très présent au CNPF et entretenant des relations avec des personnalités politiques.
S'il ne participe pas au comité de recherche, il sera présent lors de la restitution finale. C'est un
enjeu important pour tous les participants du comité de recherche, d'autant plus que se pose la
question de sa succession, qui pourrait entraîner des repositionnements importants au sein des
comités de direction. C'est à lui que sont destinés les résultats de la recherche.
Finalement, la doctorante et son directeur de thèse Michel Arliaud se sont intégrés à ce
comité de recherche, composé des six cadres des comités de direction et du docteur en
sociologie déjà familiarisés avec Restocol.
Dès le départ, le LEST a demandé des marges de manoeuvre afin de se sentir à l'aise
dans le processus de recherche. La problématique suivie a fait l'objet de discussions régulières
par les interlocuteurs de l'entreprise, ce qui a contribué à l'enrichir, même s'il a fallu affronter
des difficultés lorsque les résultats allaient à l'encontre de ce qui était attendu, ou remmettaient
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partiellement en cause les actions menées par nos interlocuteurs. Au cours des rencontres avec
le comité de recherche, et sous l'effet des premiers apports du terrain1, les échanges ont permis
que chacun des interlocuteurs trouve sa place dans le dispositif et dispose de marges
d'autonomie dans les réalisations à conduire et dans les propositions à formuler pour l'avancée
de la recherche. C'est en ce sens que l'on peut parler de co-production de la recherche.
La formulation de l'objet de la recherche a ainsi évolué, des "résistances ou freins au
changement", choisi par restocol, à l'appropriation du changement organisationnel, selon les
souhaits du LEST. Si l'effet de la reformulation était surtout symbolique au départ, puisqu'il ne
s'agissait pas de résultats, cela n'en était pas moins important. Les déplacements d'objets qui se
sont produit ensuite (voir deuxième partie) sont liés au travail de terrain réalisé par le
doctorant, et marquent la véritable appropriation de la recherche par l'apprenti-chercheur. Les
choix méthodologiques ont été effectués au départ par le chercheur coordonateur du projet, et
ont rencontré l'accord de tous. L'observation directe a ainsi été privilégiée, mais adaptée en
fonction des populations, et complétée par des entretiens. Seul le calendrier prévu a été
bousculé, tant les temporalités réduites s'avéraient irréalistes.
Ce travail est donc le résultat d'une double socialisation Restocol/LEST pour le
doctorant. L'enchainement des enquêtes de terrain successives et leur caractère intensif ont
permis de se familiariser rapidement avec l'univers mental et pratique de restocol. Ces périodes
d'enquêtes ont eu lieu dans différents sites de l'entrepise, et dans différentes régions de France.
La situation du doctorant était donc davantage celle d'un "électron libre" dans l'entreprise, sans
rattachement précis à un service ou à un bureau, et qui se trouvait chez restocol uniquement
pour des enquêtes de terrain ou pour une réunion, jamais comme lieu de travail quotidien, ou
comme lieu de réflexion ou d'écriture, qui reste le LEST. L'espacement des enquêtes de terrain
en 98 ont permis de renforcer cette socialisation (voir annexe 2, les étapes de la recherche).
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Le non recours initial à la littérature sociologique de manière systématique est lié aussi
à la nécessité de s'adapter aux modes de communication pratiqués dans l'entreprise, qui
utilisent des messages brefs, précis et univoques pour des soucis d'efficacité, afin d'en faciliter
la diffusion. J'ai préféré par souci pédagoqique (et pour les contraintes développées plus haut
!), utiliser le langage courant plutôt que des concepts théoriques parfois rébarbatifs pour les
non initiés.
Ce que j'ai vécu comme une contrainte négative se révèle avec du recul sous un jour
plus positif. La force de mon argumentation auprès des acteurs de l'entreprise à qui je rendais
des comptes réguliérement (cf calendrier des étapes de la recherche) a été puisée dans une
maîtrise très fine du terrain et m'a obligée à construire des "concepts locaux", qui ont évolué au
fur et à mesure de mes investigations empiriques puis surtout de ma prise de distance.
L'approfondissement théorique et l'aide de la littérature ne s'en révèlent que plus fructueux
aujourdhui, et surtout il me semble que j'ai écarté une bonne partie des risques de
surinterprétation de terrain, c'est à dire de faire dire à son terrain plus qu'il n'en dit.
L'aller-retour entre le terrain et la théorie et mise en cohérence des résultats a-
postériori
Des enseignements empiriques d'abord laissés de côté ont ensuite été repris à la lumière
de mes lectures et la progression de mes connaissances. La démarche suivie a donc un aspect
artisanal dans le tatônnement et les aller-retour entre le terrain et la théorie.
J'ai suivi plusieurs pistes de recherche, en fonction de demande de l'entreprise, qui
n'était pas univoque du fait du nombre de participants. Les résultats auxquels j'ai abouti ont été
mis en cohérence a-postériori, notamment au moment de la rédaction d'un rapport
intermédiaire de recherche, et vont l'être encore pour la rédaction à venir d'un rapport final
pour l'entreprise.
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En effet certains des cadres du comité de direction choisissaient des sites sur lesquels ils
voulaient "récupérer de l'information". Une première chose est de s'apercevoir de ce type de
stratégies, d'avoir conscience des risques portant sur les enquêtés "menacés" et de les évaluer.
Une autre est de déjouer ces stratégies, en maquillant le terrain2, tout en présentant les mêmes
résultats3.
Les interlocuteurs de terrain eux mêmes se méfiaient souvent de notre présence au
départ. Nous avons réussi, quand nous nous en sommes rendue compte, à éviter la plupart de
ces pièges, grâce à la construction de la confiance sur la durée avec les interlocuteurs de
terrain. La qualité et la richesse des récits livrés par les personnes rencontrées témoignent de la
confiance qui s'est progressivement installée, notamment auprès de l'encadrement.
Concrétement, nous passions environ un mois dans chaque direction régionale étudiée,
composée de dix à quinze cadres, la plupart responsables de secteur (RS), chargés de
superviser la gestion et le développement des restaurants de la région découpée en secteurs. Ils
sont accompagnés par un responsable des ressources humaines, et parfois un responsable du
marketing, et sont managés par un directeur régional. Nous avons passé deux jours avec
chacun de ces cadres, en les accompagnant dans leur travail quotidien. Ces deux jours étaient
préparés, en présentant l'objet de notre présence et de la recherche, en assurant les conditions
de confidentialité, et en leur demandant que dans ces deux jours il y ait des moments passés
avec les gérants des restaurants, et avec des clients. Si tous n'étaient pas spontanément
coopératifs, ils ne pouvaient guère dissimuler ou modifier leur comportement habituel en
présence d'interlocuteurs, et finissaient par s'habituer à ma présence, qui révélait parfois chez
certains un besoin de parler.
Lorsque l'enquête portait sur les restaurants, nous avons pratiqué l'observation
participante. La méthodologie n'a jamais rééllement posé problème. Il était relativement facile
d'observer quinze jours durant une activité assez semblable d'un jour à l'autre. Le plus difficile
était d'expliquer ce qu'était la recherche, la sociologie, à des personnes pour qui cela ne faisait
pas sens. L'identification en tant que stagiaire suffisait finalement à justifier une présence
extérieure dans le restaurant, d'autant que les stagiaires étaient nombreux.
La construction de notre rapport au terrain s'est donc fait avec beaucoup de
précautions, éthiques et déontologiques, pour les enquêtés, et pour la fiabilité des résultats.
Nous avons réalisé pour nous même des récits des conditions d'enquêtes, afin d'essayer de
neutraliser autant que faire ce peut l'effet de la relation d'enquête (Bizeul, 1998).
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Nous diposons au final d'un matériau très riche grâce aux enquêtes qualitatives
approfondies. Nous avons adapté les techniques d'enquêtes aux populations rencontrées. Nous
avons pratiqué de l'observation participante sur les restaurants, de l'observation directe auprès
de l'encadrement régional, et des entretiens ont été menès auprès des cadres du siège à l'origine
des changements mis en place. Chaque type d'enquête a eu lieu dans les trois filiales, et dans
plusieurs régions. La nature du dispositif mis en place avec le comité de recherche qui se réunit
au minimum tous les trois mois depuis deux ans donne une dimension longitudinale à ce projet
de recherche. Nous avons par contre rencontré des difficultés (toujours pas surmontées à
l'heure actuelle) dès qu'il s'agit d'obtenir des éléments chiffrés.
Nous disposons également d'un questionnaire réalisée par la SOFRES en 1996 chez
restocol sur la diffusion du changement et les perceptions des nouvelles orientations
stratégiques. Nous pouvons utiliser également les différents travaux de recherche menés chez
restocol qui donnent une perspective historique d'autant plus intéresssante que l'on étudie le
changement.
Au delà de l'inscription dans un contexte institutionnel, la recherche est le fruit du
mûrissement d'un projet, d'une réflexion. Chaque recherche connaît je pense ses périodes
d'enthousiasme et de découragement, de flottement et d'accélération. On met le doigt sur une
variable explicative, qu'on décortique, qu'on exploite, puis on découvre une autre variable, peut
être plus importante, et il arrive qu'on doute. La complexité du réél qu'on analyse impose des
choix quant à l'objet, mais qui dit choix dit renoncement, et un travail de deuil. Cela ne se fait
pas sans errements, sans déplacements d'objets ou de problématique.
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Croissance
- augmentation des objectifs de résultats, qui se décline à chacun des niveaux : comité de
direction de l'entreprise, direction de filiale, direction régionale, responsable de secteur, restaurant
- développement de l'offre alimentaire par un choix accru, développement de nouveaux services :
entretien des espaces verts, nettoyage, pour aller vers une prise en charge globale de l'infrastructure.
- segmentation poussée de la clientèle à l'intérieur de chaque filiale (municipal/privé en scolaire,
hôpitaux cliniques/maisons de retraite en santé, regroupement des clients selon leurs activités dans
un même secteur en entreprise).
Réduction des coûts
- centralisation des achats pour de plus grandes économies d'échelle, planification des menus que
les gérants doivent appliquer, menus établis en fonction de gammes de clientèle.
- GRH : flexibilité par la multiplication des temps partiels dans le cadre d'une rationalisation du
travail pour les employés de service, individualisation des statuts et des rémunération pour les
employés qualifiés , les agents de maîtrise. Les grilles de compétences, individualisées, remplacent
les anciennes qualifications.
Normalisation
- standardisation des produits, par les menus, par des fiches de présentation.
- normalisation des procédés de production.
- formalisation des pratiques de gestion, dans le relationnel client, dans les évaluations annuelles
du personnel ...
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forte décentralisation de l'entreprise. En même temps l'ampleur des changements qui les
concernent posent pour certains la question même de leur statut, avec un brouillage des
frontières entre l'encadrement intermédiaire et les agents de maîtrise, et une séparation accrue
entre cadres supérieurs et encadrement intermédiaire. Pour clarifier notre démonstration, nous
avons présenté les évolutions qui les concernent en trois temps. Le premier est consacré aux
évolutions du contenu de leur travail. Dans un deuxième temps nous regarderons quelles sont
les caractéristiques de leur fonctionnement collectif. Enfin nous examinerons la GRH des
cadres.
2.2.1 Rationalisation cognitive du travail des cadres ?
Les évolutions du travail des cadres peuvent s'apparenter à une rationalisation cognitive
(Gadrey 1994b). Un mouvement accru de formalisation s'étend aux différents domaines de leur
activité, mouvement emprunt d'une forme de prescription. En même temps, les aptitudes à
l'abstraction et au gouvernement de la relation de service échappent à ce mouvement.
La formalisation du travail est vécu par certains comme une remise en cause de leur
autonomie antérieure, car elle s'apparente à une prescription sur les moyens à mettre en
oeuvre. Ce mouvement de formalisation s'est vraiment développé dans les années 92-93. Les
cadres opérationnels chez Restocol avaient traditionnellement des objectifs en termes de
résultats, qui assuraient la régulation globale de l'entreprise, et qui servaient aussi de critères à
l'évaluation et régissaient l'accès aux carrières Ils disposaient d'une autonomie importante quant
aux moyens à mettre en place pour atteindre ces résultats. De nombreux outils et documents
sont maintenant élaborés régissant leurs différents domaines d'intervention : gestion
(indicateurs à suivre), management et formation de leur personnel, et relationnel client6.
Une part de leur travail échappe cependant à cette rationalisation. Les choix, en matière
de temporalités, à l'intérieur de ce qui est prévu par les budgets et les objectifs prévisionnels,
sont laissés à la discrétion du cadre, et sont d'ailleurs une source importante de son autonomie.
La relation de service, part importante de ce travail des cadres opérationnels, comporte une
dimension d'interaction verbale irréductible et impropre à une formalisation complète
(Grosjean, Lacoste 1998). L'aptitude des RS à intervenir sur les différents registres de
l'interaction verbale avec un langage soutenu et une capacité à l'abstraction7 les différencie des
gérants, qui interviennent davantage sur le registre technique et sur un mode relationnel plus
proche du monde domestique. C'est la capacité des RS à gouverner cette relation qui justifie
leur rôle dans l'organisation et leur confère un statut de cadre.
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L'âge et le niveau de diplôme des cadres rencontrés déterminent les positons adoptées
face au changement. La multiplication de documents écrits, qui sont souvent à renvoyer au
siège, paraît parfois incongrue pour des cadres opérationnels surtout familier d'une
communication orale. Les termes employés par eux pour décrire cette évolution vont de
"l'accroissement de la paperasserie", à "une bureaucratisation de leurs métiers". D'autres le
ressentent comme une prescription accrue et une nouvelle forme de contrôle. Ces attitudes
sont surtout le fait des anciens, cadres issus du terrain, pour qui les cadres fonctionnels ne sont
pas légitimes. Ce passage est vu favorablement par les jeunes diplômés qui y voient une
professionnalisation des métiers.
Les cadres opérationnels se sentent quelque peu dépossédés de la dimension
stratégique, comme si "on ne leur faisait plus confiance", et qu'ils étaient relégués à un rôle
d'exécutant. Ce sentiment ne touche pas seulement les RS, il se propage à certains directeurs
de région, haut placés dans la hiérarchie et au fait des stratégies. A cela s'ajoute, dans certaines
régions, la baisse du train de vie dans un but de réduction des coûts, qui nécessite parfois de
négocier sur des notes de frais, ce qui est nouveau et peut représenter une attaque au privilège
de cadre.
Les gérants et quelques employés qualifiés se voient confiés de plus en plus de responsabilités.
Cet élargissement des responsabilités, en matière de gestion pour les employés qualifiés, et en
matière de développement pour les gérants, correspond à un contrat tacite, le travail
supplémentaire qui en résulte correspond à une formation qui sera récompensée par une
promotion. Les critères d'embauches des gérants augmentent, pour construire des filières de
promotion de gérants à cadre, et en amont de cuisinier (employé qualifié) à gérant. Les gérants
tendent ainsi à se rapprocher des cadres opérationnels.
2-2-3- Les collectifs de travail en région, entre recherche d'autonomie et
coopération.
Une forme de concurrence régit les rapports sociaux entre les cadres des
directions régionales, puisque l'évaluation repose sur les résultats budgétaires. Le
changement réside cependant dans la hausse des objectifs des cadres opérationnels, qui
reposent de moins en moins sur leur propres prévisions de développement, mais davantage sur
les objectifs fixés par les directeurs de filiale, dans une logique "top-down". L'atteinte des
objectifs donne droit à une prime d'objectif, dont le montant représente 10 à 15 % du salaire,
selon les années. La prime d'objectif est la marque de la reconnaissance de l'entreprise. La
hausse parfois considérable des objectifs fixés en dépit de leurs propres prévisions ne permet
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ne sont pas "mariés à l'entreprise" ; si celle ci leurs propose des opportunités intéressantes, ils
s'en saisiront, mais dans le cas contraire, ils n'hésiteront pas à partir.
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L'activité évolue dans le sens d'une rationalisation , qui prend des formes différentes
selon les catégories de populations étudiées. L'activité de travail des cadres et des gérants se
caractérise par un mouvement de formalisation , qui tend à modifier leurs pratiques dans les
domaines administratif, et relationnels avec le client, mais aussi en interne à l'entreprise.
L'activité de travail des gérants et des équipes de restauration voit se généraliser la
standardisation des prestations dans les domaines de la production.
Le collectif de travail s'inscrit moins dans la durée, et se cristallise moins dans une
identité commune. On trouve dans les perceptions des intéréssés le sentiment que les équipes
de travail constituées dans les restaurants semblent moins stables, du fait de la rotation du
personnel et de phénomènes de mobilité géographique et professionnelle. En fonction du mode
de management du directeur régional, le collectif en région se caractérise par la solidarité
spontanée (entraide ponctuelle) et des formes de collaboration naissantes, ou par un retrait et
une individualisation du projet.
La perception qu'ont les salariés de leur avenir dans l'entreprise se caractérise par
davantage d'incertitude. Les expressions de cette incertitude se manifestent différemment selon
les groupes d'âge, le niveau de diplôme, et les attentes en termes de carrière. On peut voir trois
tendances se développer selon ces groupes. Les plus anciens peuvent se sentir dépassés par
rapport aux attentes de leurs responsables hiérarchiques et aux nouvelles politiques. Ils ont
l'impression que les opportunités de carrière se raréfient pour eux. Les jeunes diplômés
envisagent le passage dans l'entreprise comme une première expérience formatrice, une carte
de visite, mais ne savent pas s'ils vont attacher leur parcours individuel à celui de l'entreprise.
Les cadres confirmés pour qui Restocol n'est pas la première expérience développent une
attitude opportuniste, qui lie le séjour dans l'entreprise aux bénéfices qui y sont attachés
(niveau de poste et de responsabilité, salaire).
Ces trois dimensions sont interdépendantes, dans le sens où elles intéragissent les unes
sur les autres. Le résultat des effets combinés du changement sur ces trois rapports se retrouve
dans l'évolution du rapport des salariés à l'entreprise. La personnalisation de l'entreprise naît de
la force et de la durée de l'engagement réciproque entre les salariés et l'entreprise. Or les
conditions d'un engagement fort et durable semblent moins présentes dans les perceptions des
salariés. La modification du rapport à l'entreprise dans le sens d'un retrait, une forme de
désengagement individuel du projet collectif de l'entreprise est la tendance d'évolution la plus
marquante.
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Bibliographie
BERNOUX, La sociologie des entreprises, 1995
BOLTANSKI L. THEVENOT L. De la justification, Les économies de la
grandeur,collection Essais Gallimard, Paris, 1991
BONAMY J., MAY N., "Relation de service et relation d'emploi", La relation de
service au cœur de l'analyse économique, sous la direction de Louis REBOUD, L'Harmattan,
1997
BOUFFARTIGUE P. FERONI I."Rapport au travail et implication
gestionnaire.Enquête sur deux catégories de salariés : cadres infirmiers et ingénieurs.", Rapport
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octobre 1995.
BOYER,R., « Comment émerge un nouveau système productif », in Jean-Pierre
DURAND, Vers un nouveau modèle productif ?, Syros, 1993
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CORIAT,B., O.WEINSTEIN, Les nouvelles théories de l’entreprise, Le livre de
Poche, 1995
DONDEYNE C. "Eclatement des normes d'emploi et rapport à l'entreprise",
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DUBAR C., La socialisation. Construction des identités sociales et professionnelles,
Colin, 1991
DUBAR C., "La sociologie du travail de la qualification à la compétence", Sociologie
du travail, 1996.
GADREY J., "La modernisation des services professionnels, Rationalisation industrielle
ou rationalisation professionnelle ?" Revue française de sociologie, 1994a.
GADREY J., « Les relations de service et l’analyse du travail des agents », Sociologie
du travail, n°3, 1994b.
GAZIER B., Les stratégies des ressources humaines, La découverte, 1993.
GROSJEAN.M, LACOSTE.M, "L'oral et l'écrit dans les communications du travail ou
les illusions du tout écrit", Sociologie du travail, 1998.
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Annexes.
1- La structure de l'entreprise
Nous présentons la structure de l'entreprise de son sommet, le comité de direction, à la
base, c'est à dire les unités de restauration qui sont situées chez le client.
Un comité de direction France dirige l'activité restauration et services de Restocol,
qui est découpée en trois filiales, qui correspondent à trois grands segments de clientèle : les
entreprises et les administrations, Le scolaire et les collectivités territoriales, et la santé.
Chacune des trois filiales a un comité de direction, coordonnés par le comité de
direction France, et des services fonctionnels au siège.
Pour chaque filiale, il y a des directions régionales, managées par un directeur
régional. Elles sont composées de cadres, responsables de secteurs, reponsable ressource
humaine de la région pour la filiale, et parfois un responsable marketing de la région pour la
filiale.
Chaque région est découpée en secteurs, supervisés par un responsable de secteur.
Chaque secteur regroupe des unités de restauration, qui sont situées chez le client,
qui sont pilotées par un gérant, qui manage une équipe de cuisiniers et d'employés de service
(plongeurs, et préparateurs des entrées froides et service).
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Novembr L’évolution de la relation de service pour les cadres de direction 1 mois en DR de la filiale santé,
e97 régionale et les gérants. Marseille.
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Janvierv9 Le changement : les politiques et les outils au service d’un
8 objectif de croissance ; l’appropriation du changement par les
8 acteurs locaux
Février Séminaire de thèse au LEST.
98 L’appropriation du changement organisationnel dans une
9 entreprise de restauration collective.
communication discutée par Christian THUDEROZ (CRISTO,
Grenoble).
Février L’appropriation du changement dans la filiale scolaire. 1 mois en DR de la filiale
98 Hypothèse intermédiaire : le changement se diffuse inégalement scolaire à Paris.
Mars 98 selon les filiales, mais on observe des logiques d’acteurs similaires
d’une filiale à l’autre chez l’encadrement et les agents de maîtrise :
10 la logique professionnelle et la logique client.
Avril 98 Rapport au comité de recherche de l’entreprise : 2 fois 15 jours sur 2 restaurants
Juin 98 L’articulation de trois systèmes de règles sur les restaurants : les de la filiale scolaire, Paris.
11 règles du siège, contenues dans les politiques de changement, les
règles professionnelles de l’équipe et les règles du client.
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Dès la signature d'un premier contrat (CDD de trois mois pour le doctorant avant la mise en place de la convention
CIFRE), le travail de terrain a commencé, en mars dans un restaurant, en avril dans des directions régionales, et a
donné lieu à une première présentation au comité de recherche début mai 97.
2
Ces situations se sont rencontrées malheureusement à plusieurs reprises, et je ne m'en apercevais qu'une fois sur
place, lorsque j'avais gagné la confiance de mes interlocuteurs et qu'ils me confiaient leur sentiment quant à leur
propre position dans l'entreprise. Il était alors trop tard pour changer de site. J'aurais mis la personne en position
encore plus délicate. Les sites étaient choisis au départ sur des critères gégraphiques, sur des critères de taille, et
parfois en fonction de la personnalité du directeur restocol sur place, et ce dans le but que je sois bien accueillie. Ne
connaissant pas tous les sites et encore moins les histoires du personnel sur place, je ne pouvais guère anticiper ces
problèmes, ni en discuter avec le comité de recherche au grand jour, car cela aurait été révéler ou renforcer des
informations sur les positions délicates des enquêtés, ce qui était inconcevable.
3
J'ai fait face à des situations insurmontables, notamment une des personnes du comité de recherche était tellement
dans une volonté de personnaliser les informations et les résultats de terrain, que lorsque mon récit ne lui permettait
guère cela, elle se lançait dans des projections, et identifiait dans l'erreur, ce qui menaçait quand même une
personne, mais pas celle que j'avais repéré. Il n'y a jamais eu, à ma connaissance, de conséquences liées à mon
passage sur un site.
4
En plus des prestations de self, c'est à dire de production et service des repas quotidiens, il arrive que le client
demande au gérant des prestations annexes, qui sont souvent des buffets ou des repas de direction, plus
prestigieux et qui échappent à la standardisation.
5
La politique marketing est tournée vers le développement de l'offre, notamment en matière de restauration, qui se
traduit par un choix entre plusieurs plats, proposés dans des stands. Chaque cuisinier est responsable d'un stand.
Cette responsabilisation n'est pour le moment qu'informelle, mais elle a un effet sur les promotions. Le projet à
l'étude est que cette responsabilisation devienne financière.
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Christèle DONDEYNE, LEST-CNRS
Changement organisationnel et recomposition du rapport à l'entreprise, mars 99, pour l'UDST.
6
Par exemple des plans d'action marketing définissent des guides de bonne pratique pour gouverner le relationnel
client, qui vont jusqu'à préciser à quel moment il faut le rappeler, combien de document il faut lui envoyer, sous
quelle forme ... Les entretiens annuels d'évaluation que les cadres doivent réaliser avec leurs gérants sont de plus en
plus élaborés.
De plus, les services du siège demandent souvent par écrit, par notes, des renseignements sur une exploitation, ou
sur le personnel, à des fins d'analyse, pour construire les indicateurs de pilotage de l'activité.
7
L'usager ou le client ajuste sa demande en fonction de ce qu'il perçoit des caractéristiques sociales de l'agent, ou
de l'opinion qu'il a de l'organisation prestataire. Le RS joue ce rôle de constact avec une autre entreprise. "Un RS
doit avoir un certain niveau culturel pour pouvoir discuter avec un directeur d'établissement scolaire" (DRH scolaire).
Les caractéristiques sociales et/ou les compétences relationnelles sont donc primordiales, mais au delà il faut pouvoir
transformer le problème ou les questions du client en cas, c'est à dire les typifier, les regrouper avec d'autres
problèmes similaires et mobiliser des méthodes ou des routines pour les résoudre (Gadrey, 1994b).
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Un responsable marketing a des projets de développement sur différentes exploitations simultanément, et est ainsi
amené à travailler avec plusieurs responsables de secteur en même temps. Le responsable marketing travaille
généralement sur des aménagements du restaurant, qui sont bien sûr facturés au client. Ces aménagements sont
donc réalisés sur des restaurants qui s'y prêtent, et surtout auprès des clients qui y sont favorables, ce qui est
résumé sous le terme "configuration", sous entendu des relations avec le client et de l'architecture du restaurant.
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1. L'INSCRIPTION DE LA RECHERCHE DANS UN CONTEXTE INSTITUTIONNEL,
QUELLES CONSÉQUENCES SUR LE CHOIX DE L'OBJET ET DE LA
MÉTHODOLOGIE ? 1