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Annales de Géographie

La production de l'alfa en Afrique du Nord


Jean Célérier, André Cholley

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Célérier Jean, Cholley André. La production de l'alfa en Afrique du Nord. In: Annales de Géographie, t. 40, n°225, 1931. pp.
323-325;

doi : https://doi.org/10.3406/geo.1931.11269

https://www.persee.fr/doc/geo_0003-4010_1931_num_40_225_11269

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Les Belges, dans leur immense Congo, ont établi quelques plantations et
surtout expérimentent la culture avec leur méthode ordinaire : c'est ainsi
qu'ils ont constaté le développement d'une maladie cryptogamique.
Dans l'empire français, l'Afrique du Nord, Madagascar, l'A. O. F. peuvent
trouver dans la culture du sisal d'intéressants revenus. En Afrique du Nord,
les essais ne sont pas encore très satisfaisants. Le sisal, peu exigeant pour la
terre et la pluie, craint la gelée. Le Tell algérien est naturellement réservé
aux cultures riches, et les Hauts Plateaux ont un climat trop rigoureux. Les
conditions sont à peu près analogues au Maroc : une Société a cependant
demandé une concession très vaste et planté quelques hectares dans la région
de Guercif. La ferme expérimentale de Marrakech conclut que le Haouz a un
climat trop sec. La douceur atlantique du Sud-Ouest et de la steppe à arga-
niers conviendrait certainement mieux.
Madagascar est déjà une région de production, mais surtout à la mode
indigène, donnant des rendements médiocres, mais à bon marché. Outre le
sisal, l'île produit des agaves indigènes et le Fourcroya. Elle exporte 246 t.
de fibres, mais une partie de la production est absorbée par l'industrie locale :
158 t. pour la confection des chapeaux, 200 pour les cordages. La production
va s'accroître rapidement, car des plantations existent à Tuléar, Diego-Sua-
rez, dans les Gomores, et de vastes peuplements sont en cours au Nord-
Ouest, près de Mahajamba, et au Sud, près de Fort-Dauphin.
Dans les diverses colonies de TA. O. F., de vastes territoires, très secs une
grande partie de l'année, conviennent parfaitement au sisal, dont la culture
a fait l'objet d'un précieux Rapport du Gouverneur général. Il existe déjà
d'importantes plantations, en particulier celles de la Société de Diakandapé,
près de Kayes, qui couvrent déjà 2 400 ha., ont produit 1 850 t. en 1929 et
alimentent trois usines, celles, plus récentes, de la Société coloniale de
gérance et d'études, cinq centres en Haute-Volta, Guinée et Casamance,
formant un total de 5 000 ha. Le Gouvernement général étudie toute une série
de demandes de concessions. Mais le développement du sisal se heurte à une
double difficulté, de technique industrielle et d'ordre social. Les feuilles de
sisal doivent être traitées dans les vingt heures qui suivent la récolte : il
faut environ 1 000 ha. pour alimenter l'usine de décorticage. Cette usine,
onéreuse, avec des moyens rapides de transport, doit être installée à
proximité des plantations et suppose une concentration capitaliste.
Mais la culture et surtout la cueillette supposent aussi une concentration
de main-d'œuvre dans des territoires qui sont faiblement peuplés : les grandes
concessions entraînent une pression administrative sur les travailleurs noirs,
dangereuse et même contraire à une saine économie. Mr Carde préconise un
libre contrat entre petits propriétaires indigènes et les directeurs de la
concession et de l'usine. La culture industrielle du sisal rejoint le problème
fondamental du développement économique de l'A. O. F., l'éducation technique
et sociale du travailleur noir. — J. C. et A. C.

La production de l'alfa en Afrique du Nord1. — L'alfa


apparaît de plus en plus comme une richesse précieuse de notre Afrique du Nord.
1. D'après E. Payen, L'Alfa {L'Afrique française, février 1930, Renseignements
coloniaux, p. 97-105).
J

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Jusqu'à ces dernières années, les papeteries anglaises ont bénéficié d'un
véritable monopole pour le traitement de l'alfa, car leur position leur permet de
réduire au minimum les dépenses d'une fabrication que rendent onéreuse
les frais de transport de la matière première et la grosse consommation de
charbon et de soude. Mais l'industrie européenne accroît très rapidement ses
importations d'alfa, l'utilisation de cette plante se généralisant. La
diminution des réserves forestières, aggravée par la Guerre, oblige à limiter l'emploi
du bois pour la fabrication de la pâte à papier, au moment où notre
civilisation fait du papier une consommation effroyable.
Une Société française, I'Alfa, a créé à la Traille, près d'Avignon, une
puissante usine capable de fournir aux papeteries de la pâte d'alfa : ainsi
commence à finir ce paradoxe d'une matière première, d'origine française,
qu'une industrie étrangère réexportait dans la métropole sous forme d'un
produit fabriqué de haute valeur. Les Italiens, soucieux de trouver des
débouchés aux productions de la Tripolitaine, aménagent des usines pour employer
l'alfa dans la fabrication des cordages et des tissus grossiers.
Cette graminée trouve sur les Hauts Plateaux de notre Afrique du Nord,
au climat rude en hiver, sec en été, des conditions si favorables qu'elle
constitue, avec ses grosses touffes, l'élément caractéristique du paysage. Trop
dure comme plante fourragère, quoique un traitement approprié puisse en
faire une réserve alimentaire pour les ovins, son emploi industriel est une
véritable révolution pour des territoires jusque-là déshérités.
On évalue à 7 200 000 ha. la superficie totale recouverte par l'alfa Nord-
africain, dont 4 millions en Algérie, 2 millions au Maroc, 1 200 000 en Tunisie.
Un hectare, exploité rationnellement, peut produire chaque année plus d'une
tonne d'alfa sec ; mais le rendement réel est loin d'un taux aussi avantageux,
de même que le calcul des superficies est assez théorique. Les peuplements
alfatiers diffèrent beaucoup au point de vue de la hauteur et de la densité des
touffes. L'alfa redoute le séjour de l'eau sur ses racines, et, sur tous les points
privés d'un drainage rapide, l'armoise se substitue à l'alfa. Il faut aussi mettre
à part, parmi les peuplements alfatiers, ceux qui sont situés en forêt. Mais,
même en réduisant à un minimum de 2 qx la production moyenne par
hectare, l'Afrique du Nord pourrait disposer annuellement d'environ 1 500 000 t.,
représentant une valeur de 600 000 000 fr.
Ce revenu possible est fort loin d'être atteint. L'exploitation n'est
méthodiquement organisée qu'en Algérie : c'est à peine si elle commence
pratiquement au Maroc.
L'Algérie a vu renaître le courant d'exportation que la Guerre avait
presque tari. De 117 632 t. en 1912, l'exportation tomba en 1919 à 5 890 ;
remontée à 105 000 dès 1922, elle a atteint, en 1928, 213 000 t. et une valeur
de 85 273 000 fr. L'alfa de l'Aurès sort par Bône ; celui de Djelfa, très
renommé, par Alger ; la grosse production des vastes steppes oranaises s'écoule
par Oran ou Arzew. L'Angleterre absorbe toujours la plus grande partie de
cette production algérienne ; mais les importations de la France s'accroissent
rapidement : de 800 t. avant la Guerre, elles sont passées, en 1928, à 22 640.
En Algérie, l'exploitation de l'alfa a été réglementée par un Arrêté du
15 avril 1921, qui la rapproche du régime forestier, avec un cahier des charges
pour les concessionnaires, quelque peu variable suivant le propriétaire,
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domaines, Service forestier ou communes. En Tunisie, la cueillette, faite par
les indigènes, est libre, sauf une interdiction pendant quatre mois. Les sorties
ont lieu surtout par les ports de Sousse et de Sfax. L'exportation en 1928,
nettement déficitaire par rapport à 1927, a été de 63 769 t. : la part de la
France était de 2 810, celle de l'Angleterre, de 60 019 t.
Au Maroc, l'exploitation de l'alfa est encore paralysée par l'insuffisance
des moyens de transport, qui faisaient naguère complètement défaut sur les
plateaux alfatiers du Maroc oriental. Il faut noter, en effet, que l'alfa est
tout à fait rare dans le Maroc atlantique ; mais les peuplements de la Mou-
louya pénètrent largement dans les hautes plaines du Moyen Atlas, vers
l'Oued el Abid, vers la Sghina, où l'on voit des touffes hautes et drues-
Gomme pour les forêts, l'Administration a profité de. notre expérience Nord-
africaine. Le régime domanial a été étendu aux peuplements d'alfa que le
Service forestier reconnaît, délimite, dont il gère l'exploitation par des
lotissements adjugés pour un petit nombre d'années.
Les premières concessions, qui eurent lieu à Oujda en 1925, avaient surtout
pour but de fournir du travail et des ressources aux indigènes éprouvés par
la disette. En 1928 de nouvelles adjudications, portant sur vingt-huit lots
pour trois ans, ont atteint près d'un million de francs de location annuelle.
La prochaine mise en service du chemin de fer à voie normale d'Oujda à
Bou Arfa va certainement déterminer une exploitation intensive de l'alfa
marocain, qui doit assurer, avec les moutons et les minerais, un trafic
rémunérateur à cette ligne créée brusquement dans un pays presque vide.
J. С et A. G.

L'exportation des bois des colonies françaises d'Afrique1. —


Depuis la fin de la Guerre jusqu'en 1928, l'exportation des bois coloniaux
n'avait cessé de progresser, la production de l'Indochine et de la Guyane
restant presque négligeable à côté des ressources tirées de la forêt africaine.
L'exportation totale est passée de 36 138 t. en 1919 à 555 000 t. en 1928, dont
110 000 pour la Côte d'Ivoire et 369 500 pour le Gabon et Moyen-Congo. Ces
très intéressants résultats sont dus aux inquiétudes provoquées par les
dévastations des forêts métropolitaines pendant la Guerre, à une campagne
d'opinion, surtout à une organisation financière et technique des exploitations
coloniales. La France n'absorbe d'ailleurs qu'une partie de la production, un
peu plus des deux cinquièmes ; après elle, les principaux clients sont :
l'Allemagne (155 000 t. en 1928), la Hollande (57 000 t.), l'Italie (30 000 t.) qui
a augmenté ses fabriques de contre-plaqués d'okoumé.
Mais une crise, visible dès 1928, a éclaté en 1929 et s'est encore aggravée
en 1930. L'exportation est tombée à 500 000 t. en 1929, et cette baisse
d'environ 55 000 t. par rapport à l'année précédente s'augmente de l'importance
des stocks invendus.
Cette crise a des causes multiples, qui ne sont pas dues seulement aux
effets du malaise économique mondial. La surproduction tient moins à la
baisse générale de la consommation qu'à une insuffisante organisation du
marché d'une part, d'autre part au manque de liaison entre les catégories de la
production et les besoins. On aura vainement persuadé les intelligences fran-
1. D'après la Revue Internationale des Produits coloniaux, avril 1930.

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