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lntroduction

PROTOCOLE ET POU'l"QUE :
FORMES, RITUELS, PRESEANCES

Yves Déloye, Claudine Haroche, OlivÎCr lhl

"Au\ grandeun d'élabli>semenl nous (... ) devon.


des respects d·~t. blj ..em.nt, c'''''t l dire "",uinu
c~rémonie. utéricu r• • qui doivent être nb.nmoins
a ccomp.gn ~CI , •• len la r.ison. d'une
recenlUl iuance intérieure de la justice de cet ordre,
ma il qui ne no u" font pu concevoir quelque
qualité réelle en ce U~ que nous honorons de ecUe
.one ( ... ) C'ut une l ottise el une bu"e .... d'csprit
que de leur ",fuser ces devoirs ..:' (Po"cal).

Pourquoi s'intéresser au protocole? Des considérations


conjoncturelles certes y invitent. Telle cette déconcertante déclaration
du gouvernement nommé en mai 1995 qui annonce la suppression des
avions du GLAM ct encore la réduction des cortèges accompagnant les
voitures officielles, soulignant même que désormais les ministres
-comme tout ciloycn- seraient tenus de s'arrêtcr au;>;: feux rouges.
Rappelons aussi qu'avant leur entrée en fonction, Ics présidents de la
République annoncent une simplification du protocole. Intention vite
abandonnée après leur investiture, Le général de Gaulle s'était lui gardé
de faire de telles promesses : en 1944, il dép lorait que ses
contemporains aient perdu "le goût de l'antique déférence", "le respect
des règles d'autrefois" ; il tenait, en effet. le protocole pour
"l'expression de l'ordre dans la République", Il faut encore se souvenir
du président Mitterrand qui à l'aube de son premier septennat.
témoignait d'une attention vigilante à l'endroit du protocole, insistant
pour que soit disjointe sa fonction de sa personnc. VacJav Havel, quant
à lui, dans un entretien récent fait observer que ce qui séd uit dans

Il
l'exercice de la magistrature suprême, c'est sans do ute mo ins le
pouvoir, que ce dont il s 'accompagne: les limousines, les cortèges, les Maje,~tt des roys de Fran ce (1609), Théodore Godefroy . enfin, l'aute ur
belles demeures, les banquets, les cérémonies. le protocole. du Ceremonial de Fronce (16 19).
D'autres rdÎsons invitent à s'arrêter sur la question du protocole.
Avec l'apparition de l'État. des règlcs -dont les origincs sont ensevelies
depuis des sièclcs- sont venues classer et répartir les sujeL'i et les corps.
lors des cérémonies. Par là , le protocole instaure, préserve un ordre HONORER CERTAINS ÉTATS
visible. Il e ntend imposer le respect et l'obéissance notamment à
l'endroit de celui qui se trouve ~au dessus des autres" , le c hef,
l'empere ur, le ro i, le président. De multiples édits, o rdonnances, Tocqueville s ' est lo ngue me nt inte rrogé sur la question des
mémoires en révèlent l' importance; ainsi l'édit d' Henri U accordant la ronnes dans leurs rapports aux systèmes politiques, qu'i l faill e entendre
préséance aux princes du sang, ainsi encore l'ordonnance par laquelle par ce lenne les manières, la politesse, ou les cérémonies. Sa thèse
Henri III crée la charge de Grand maître des cérémonies en 1585. Cet centrale: "la tendance démocratique consiste à aller au fond des choses
ordre de préséance entend fi xer la place de chacun selon sa condition, sans faire attention à la forme". Faut-il , dnns ce conslal, aperce voir
son mng, sa fonction. Le protocole semble fondamentalement mû par ulle reaction à l'importance de l'étiquette ou encore de la civilité de cour
celle quête d' harmonie comme par ceUe volonté de pacification, Cedant sous. l'Ancien Régime? Un rejel dcs signes extérie urs qui indiquent e t
arma togoe. Dans le même temps. cette hiérarchie a été à l'origine de souhgnent la naissance, la condition, le rang? Peul· être même un refus
nombrcux conflits. L' histoire de l'étiquette et du protocole est jalonnée de l'hypocrisie, de la dissimulation au profil de la transparence de
d'i~cidents où se laissent devi ner les contours d'enjeux politiques l'authenticité et de la sincérité? Le constat revêt l'allure d'une scnt~nce
majeurs. pour Tocqueville: "( ... ) on peut dire que l'effet de la démocratie n'est
C 'est pourquoi. le pro tocole n' a cessé de retenir J'anenlion. point précisément de donner aux hommes certaines manières, mais
Pascal, Tocqueville, Durkheim. Mauss ou Simmellui ont consacré des d'empêcher qu'ils n'aient des manières"2. Même les formes considérées
passages étonnants. D'autres auteurs, peu connus, scribes de régimes co ~me nécessaires sont aisément tenues pour superficielles, fausses
disparus ou pontifes d'un code oublié, ont attaché leur nom à des VOlTe mensongères. Que l'on songe 11 celles qui structurent ct mellent
maximes ct des recueils officiels. Constantin Porphyrogénète, pour ~e ~ '~ rdre ; à celles qui imposent des égards dans les mpports entre
l'é liquette bYl.antine, avcc le Livre des cérémonies, un ouvrage qui mdivldus; à celles qui ne pouvantle..'i supprimer, voi lent la cruauté et
expose la codificalion du cérémonial impérial jusque dans les détails les la violence du lien entre hommes el États.
plus infimes . afin que ftl e pou voir impérial [apparaissel plus On l'aura compris: la queslioll du pro tocole amène 11 suivre
majestueux, grandit en prestige, et par là même, (fasse) l'admir3lio n e t d ifférentes approches, à mêler les sièc les, les cultures, à explorer les
des étrangers ct de nos propres sujels ft , L' Empereur, soucie ux d'ordre, espaces proches e t lointains . Un nom s'cst imposé à nous dans celle
de dignité, de splendeur, déclarait la nécessité de "parler de c haque rénexion : celui de Mauss. Il e n a g uidé la dé marche el inspiré les
cérémonie pour dire comment e t selon quelles règles il faut l'exécuter che mi~e me nts . ~n 1?09, !'anthroro.logue, co~sac ran~ un texle .superbe
et l'accomplir- I. De même, les ouvrages de la Renaissance sur les à la pnère, consuléralt qu une théone de la pnère él:1lt nécessaire à qui
manières des cours princières, Cortegiano de Ba lthazar Cas tiglio ne voulait comprendre "le sennent, le contrat solennel, les to urnures de
( 1528), Galoleo de Giovanni della Casa (1588), le..>; miroirs des princes phrases requises par l'étiquette, qu ' il s'agisse de chefs, de rois, de cours
consacrés à la form :ltÎon momie et politique des rois té moignent d'un OU de parlements, les appellations de la politesse". En'fe la courtoisie,
souci constant: dévelo pper, chez le Prince, la contenance, la majesté, les cérémonies, le protocole, les lo is juridiques ct politiques. Mauss
la gravité qui sied h un monarque. Il faut encore se souven ir de ces apercevait une con tinuité. "C'est surto ut à décrire que s'attache
a ute urs qui , dans le urs écrits, consignent un vaste savoi r s ur les J' hi s~ori en. Il ne rec herc h~ ni les principes ni les lo is. fi expose Cil quoi
cérémonies: Du Tille t, Recueil des roys de France, leur courOllne el conSiste le système de pnères dans telle ou telle reli gion. il n'étudie ni
maison ( 1580), Du Chesne. Antiquitez et recherches de la grandeur et Wle espèce de prières. ni la prière en général. Les rapports qu'il établit
e ntre les faits sont essentiellement, sinon excl usivement d'ordre

l. C. l'orphy'''g~n. ' e, Lnre <lez CirinlOlUU, P~ros, Le. lldl c.< I.ell "" . 1935. LIvre 1
p~f.cc. p 1
2. A. de Tocqueville, D~ la dI",ouati~ en ),mlriq~, l'ari •. J. Vrin , 19'Xl, p. 185.

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chronologique. Il délennine moins des causes que des antœédcnts"3. La RITUALISER LE POUVOIR
recommandation a été entendue: cet ouvrage s'est efforcé de consacrer
au pourquoi ct pas seu lement au comment.
Aulre fig ure éclair•.IOte, fondatrice: Pascal. Il y a plus de trois Le protocole est ainsi un ordre, un mode de répart ition des
siècles, le philosophe, plaidant pour son utilité, invitait à réOéchir sur corps, un dispositif contribuant à mettre en scène le pouvoir politique.
l' importance du cérémonial: "Que l'on a bien fait de dîslÎnguer les L'h istorien, le politiste, J'anthropologue, le juriste peuvent à son
hommes par l'extérieur, plutôt que par les qualités intérieures. C..) Qui propos retrouver des questions foodarnentales. Le protocole s'efforce
passera de nous deux? Qui cédera la place à l'autre 7", s' interrogeait·il. d 'éc~r r arbitraire ct l'aléatoire pour figer une hiérarchie par des règles
"Le moins habile 7 Mais je suis aussi habile que lui". Il en concluait : ~ ~Ie nséance. Il classe, partage, hiérarchise : il rassemble, agrège,
" II faudra se b.1Urc sur cela", ajoutant CIlCOrc "il a quatre laquais, el je IIls h~ue. Comment ces règles peuvent-elles lier les corps. les sujcts,
n'en ai qu'un: cela est visible; il n'y a qu 'à compter. C'est à moi à les citoyens à une communauté politique 7
céder, et je suis un sot si je le conteste". De là le philosophe concluait Au XVIIe siècle, le Dictionnaire Universel d 'A ntoine Furetière
à la venu d'ordre de l' étiquette ct du protocole. "Nous voilà en paix par mppelJe que le teone " protoco le ~ désigne un "fonnulaire de plusieurs
cc moyen"4. L'ordre imposé par le protocole répondait aux attentes du actes de justice pour instruire les novices en la pratique". C'est
philosophe: celles d' un ordre soc ial rendu vertueux par une géométrie également le ~ regiSlre relié de notaires, où ils doivent écrire tOutes les
indiscutable, celles d' un monde de passions enfin réconcilié avec les mi.nutes ~e leurs actes à la su ite les unes des autres, afin qu'clics ne
ex igences de la raison. Ces pages résonnen t encore co mme une SOient polll~ perdues. changées ni altérées". C'est enfin "cc lui qu'on
invitation à méditer sur le rapport entre les apparences, l'ordre elles appelle malllienant le souffleur, qui est derrière celui qui parle en
qualités authentiques dcs hommes. Elles nous invitent encore à élucider public, pour lui suggérer ce q u'il doit dire, au cas où la mémoire lui
le mppon du pouvoir à la pompe, à l'appardt, à nous interroger sur les manque". Ainsi défi ni, le mol "protocole" suggère un sens aujourd 'hui
fondernenlS des cérémonies, leur rôle dans le protocole. Le philosophe encore essentiel: gamntir la cont.inuité , préserver la mémo ire des
distinguait ainsi "grandeurs d'établissement" et "grandeurs naturelles". inst itutions politiques. Parce qu'i l fixe la liste des "rangs el des
Il établissa it une dirférence dans le respect qui leur est attac hée. préséances", la hiér:.trehie des fonctions politiques, parce qu' il rappelle à
disjoignant l'estime due aux hommes qui la méritent par leurs qualités, chacun la place qUI est la sienne, les gestes qu ' il doit accomplir. parce
des témoignages de déférence IOule extérieure. Or, les "grandeurs qu'il justifie la diSlfibution des corps dans l'espace politique, parce
d'établissement" sont précisément celles que l'on discerne et honore qu'il règle le mouvcment ct le rythme des cérémonies, le protocole
dans le protocole: elles "dépendent de la volonté des hommes, qui ont garantit l'expression de l'ordre en politique.
cru avec t'Jison devoir honorer certains états et y attacher certai ns L 'enjeu de la codification des règles protocolaires apparaît dans
respects. ( ...) Il n'esl pas nécessaire, parce que vous êtes duc, que je le Ceremonial de France (1619) de Théodore Godefroy: "fi xer li jamais
vous estime; mais "il eSI nécessaire que je vous salue. ( ...) Si vous par un ordre visible la hiér.trchie invisible de l'Ordre propre à chaque
êtes duc et honnêle homme, je rendrai ce que je dois à l' une et à l'aulre société". Considéré comme l'auteur du premier traité de protocole en
de ces qualités. ( ... ) Je ne vous refuser.t.i point les cérémonies que France, T. Godefroy établit la proximité qui existe entre "prolocolle" et
mérile votre qualité de duc, ni l'estime que mérite celle d' honnête "ceremonial". Temle que défini ssait ainsi A. Furet ière: "li vre où est
homme . Mais si VOus étiez duc sans être honnête homme, je vous contenu l'ordre des cérémonies M

ferah encore j ustice; car en vous rendant les devoirs extérieurs que Dès cette époque, le protocole fait partie des textes qui énoncent
l'ordre des hommes a attachés à votre naissance, je ne manquerais pas les fonnes .du pouvoi~. Il en expose le fondement ntualisé qu'elles
d'avoir pour vous le mépris intérieur que mériterait la bassesse de votre entendent IIls taurer. A toutes les époques, "il y a un céré monial
esprit"s. politique chargé de ~ n s qu'il appartient à l'historien de déceler et qui
c~ n s~i tuc l ' ~n des aspects les plus importunts dc J'histoire politique"6.
Amsl le RI/uel en lisage da/IS lOI/{ J'empire des Quins ( 1759),
regroupe+i1 so us le term e "protocole" des élément s qui ne
correspondent pas exactement à Îa définition occidentnlc du Icnnc. D'où
3. M. Mau ••. "L. pri~"," (1909). "'produ it da". M. M."",. O eu", ,~ (kli t ~ pot v. K.",dy).
"'.e.
!Orne l , f"nction •• ""i. I~, du •• cr.!", Plri., Minuit. 1%8. p . 362 .t 368. 6 .•J.I..eG~ff, "L'his!"i,.., politi~ue . eil.oIle tuujou ... l'épin. d""."le d~ j'hi' t"i ", ·1"(1971 ).
4. l'allCol,l'tttSUSlur 1" poli"·9ue, l'. ri. , Ri .. ge, 1992, p. 37.
~. Ibid., "2e di~ou ... our 1. ""ndit;"" de. grands" (1660) , p. 111·112.
dAna L ,,,,,,,,na,,.
mM.... ,,,!.
l'aris. G.llim. rd, 1985. p. 341.

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la nécessité d'étudier d'abord l'ensemble des rituels d'Étal dont la slmclUre hiérarchisée? Par une répartition solennelle des places et des
finalité est religieuse, à la différence de la Fr.mce de l'Ancien régime où rangs. Plusieurs contributions à ce livre tentent de monlfer qu'une
le souci majeur, s&:ulier est d'exhiber la majesté du pouvoir politique. sc ience des proportions et de la perspective est alors invoquée pour
Refusant de confondre protocole codifié et pratique protocolaire , introduire cette majesté dans le fonctionnement de l'appareil d'État.
l'observateur soulignera l'importance des usages cIontle protocole fait Ainsi, lorsque Louis XIV s'installe à la cour de Versailles, me Uant fin
l'objet. la diversité des significations dont il se voit revêtu. Le regard 1'1 la longue itinérance du pouvoir monarchique. toute une série de
se fait ici interprétatif au sens où l'entend Clifford Geertz. Ainsi au portraits gagne les principales villes du royaume. Leur mission vise à
Xxe s iècle. l'Inde connaît une situation originale: la politique du faire oublier une absence. Peintes ou sculptées, toutes ces eFfigies
protocole du Bri/ish Raj s 'inscrit dans un jeu d'innuences complexes serviront !li magnifier le visage du roi comme à sacraliser te corps de la
entre les cultures indienne el britannique. En adoptant certains tr.uts du royauté. Avec l'apparition d'une bureaucratie d'État, un lei ordre
protocole de l'empire moghol , les autorités britanniques e ntende nt hiérarchique se transfonne pour se muer en une véritable "mise en
légitimer leur domination sur l'Inde. La transposition des règles ra ngs des positions de pouvoir". Confirmé par la loi, fixé dans ses
protocolaires dans le contexte colonial fail alors naître de nouvelles moindres détails, le protocole reflète ct reforce la spécialisation et la
règles protocolaires. t:Cntr::.tIismion du pouvoir. Au point de relever, avec le développement
(Ic l'Elat-nation, d'une forme publique de coercition. celle qui organise
un Iype impersonnel de contrôle entre les di vers corps de
fOHClionnaires. Ses propriétés semblent, au moment de la rédaction du
LE GOUVERNEMENT PROTOCOLAIRE lIteret de messidor an XII, proprement vertigineuses: ramener une vaste
étc ndue à une échelle réduite, donner à voir le mouveme nt sous une
lorme statique, permettre à chaque service d'être apparent ct différent,
L'apprentissage, l'incorporation des sentiments el des émotions gouverner les conduites par des statuts et des honneurs.
qu'entend inculquer le protocole contraint acteurs et spcctat~u rs à Le xxe siècle continuera à y recourir comme à un véritable
certains gestes, à certaines postures, à certains mouvements, à certains ou til de gouvernement. Qu'il ait pour bul de renforcer la s uprém,lIie
silences. Le protocole s'efforce de gouverner en profonde ur d'un chef charismatique sur une foule ou de conforter la primauté de
comportements et sen timents : il renforce valeurs. croyances et l' inst itution présidentielle, l'organisation de l'État s'y réfère directement
conventions légitimam I"autorité politique. pour établir son autonomie. Dans ces deux cas, c'est un subtil dosage
Dans le même temps, le protocole est le lieu de multiples dc distance et de proximité, d'expression et de retenue qui gouverne les
querelles symboliques qui ont pour objet le pouvoir: le rang assi~né, émotions. li s'agit tantôt de consacrer la figure d'un ~c he r' qui . sous les
la place occupée, la position assise ou debout, la hauteur du Siège HV:llÎons, s'offre au contact fus ionnel du peuple, lantôt de rendre
attribué, la distance qui éloigne ou, au contraire, rapproclle de l'autorité fa milière ulle lointaine magistrature par Ic déploiement réglé d'ullc
politique cemra1e sont autant d'enjeux symboliques détenninants. C'est visite d'État. Cependant, des grandes messes fascistes, théâtralisant la
ici que les querelles de préséances prennent leur sens: parce que la silhouclle du Duce, aux sobres poignées de main des déplacements du
civilisation des moeurs a, en partie. pacifié les relations socirues et président Mitterrand, un même fil invisible parcourt le protocole et le
politiques, le langage protocolaire autorise une expression domestiquée pouvoir: montrer la hauteur et la différence, signifier le rapprochement
de connilS qui ne parviennent guère à remettre en cause l'ordre cl la distance.
recherché. L'ordre du protocole sc modifie néanmoins sous J' influence Pour instaurer la domination, pour en imposer le respect. pour
de certains faits historiques. C'est l'émergence puis l'affirmation de clllfCtcnÎf la loyauté el l'obéissance, le protocole, par des préceptes, des
l'État qui ont véritablement contribué au développement de la fonction directives ou des manuels, distingue, récompense, subordonne •
politique du protocole. .~anctionne. Bref, il recourt à un ensemble de relations d'autorité qu'il
À cela une raison simple: chaque État établit des classements contribue, en retour, à renforcer. Le protocole invile à l'obéissance
protocolaires qui définissent l'ordre d'entrée et de déplace ment, les politique, que Guizot désignait comme "un gouvernement des cspriL<;",
positions respectives des représentants du pouvoir. La vocation du œ lui qui exige d'abord une maîtrise des corps el des postures. JI s'agit,
protocole est de composer un tableau hiérarchique , une image en quelque sorte, de soumetlTe les conduites à des formes, de délimiter
prévisible, émouvante e t digne d'éloges. Comment s'établit cellC un espace d'actions ct de représentations au sein duquel les signes de la

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reconnaissance précèdent ct prolongent les distinctions sociales. C'est
en ce sens que le protocole penne! de comprendre la morphologie du
pouvoir. Dans les études rassemblées ici , on s'est donc efforcé de
retrouver cette histoire des profondeurs politiques qu'évoque Jacques Le
Goff, histoire remarque-t-il "partie de l'extérieur. des signes des
symboles du pouvoirH7 •

7. Ibid., p. 339.

!8
TABLE DES MATIÈRES

Avant-propos...................................................................... 7
Liste des auteurs.. .......................................... ....... .............. 9

Introduction
Protocole et politique: fonnes, ritucls, préséances
Yves Dé/oye. Claudine Haroche el Olivier thL.................... 11

Première partie

LE POUVOIR DU PROTOCOLE

Chapitre 1
Le pouvoir de la forme, Pour une approche psycho-anthropologiquc du
protocole
Pierre Ansarl. .......... .... ..... ............... ..... ......... .. .... .... 21

Chapitre 2
Perspectives psychanalyLiqucs et rituels politiqucs
Eug~1/e Enriquez ....................... ........ .... .. .. .. ... .. .. 33

Chapitre 3
Le protocole ou l'ombre du pouvoir politique. Sociologie historique de
l'obéissance politique en France
Yves Dé/oye ....... . 47

Deuxième partie

LE TEMPS ET L'ESPACE DU PROTOCOLE

Chapitre 4
Les éléments religieux dans les rituels d'Étai cn Chine au XIXc sÎècle
Marianne Baslid-BruguUre.... .............. 69

Chapitre 5
La politique des rites publics et du protocole de J'Empire britannique
des IlxIes
Max-Jean Zins SI

Chapitre 6
Curiali/as ou la fonction politique des bonnes manières (Xie_XIIIe
siècles)
Daniela Romagnoli ..... ................................................... 107

Chapitre 7
Le protocole de la découpe et du partage de la viande (XIIC_XV e siècles)
Cris/iano Gro//aneiii ............................ ........................... 125
TroÎsÎème partie

LE PROTOCOLE À L'ÉPOQUE MODERNE


(Xlve·XVllie SltCLES)

Cbapitre 8 Chapitre 16
Le cérémonial des modernes ct le triomphe des anciens. Modèles ct Le protocole vécu ou rhomme qui est là
pratiques de la Renaissance à Rome Bernard Moreau .............. .... .......................................... .. 297
A.medeo Quondam ........... ............................ ........ ... ... ...... 145
C hapitre 17
Chapitre 9 Le Hballet" diplomatique. Sur quelques usages du protocole dans les
Penser les règles du cérémonial dans la pcemière moiti~ du XVIIe relations franco- indiennes
siècle. Les incertitudes de l'érudit Théodore Godefroy Meredilh KinSsl on ... ............................ ............. ... .... ..... .... ... 309
Mj c h~/e FoStl ....... ......... ..................... ........ ........ ........... 155
Cbapitre 18
ChapUre 10 Les incertitudes protocolaires en Afrique noire
La reconstruction des rituels politiques au siècle de Louis XIV Jean-Pascal Daloz .... .. . 327
Peur Burle .................................................................... 171
C bapitre 19
Chapitre 11 Regard sur un rite d'institution: le protocole et la décentralisation
Protocole et imagerie royale en Fr.mce : les cérémonies d'action de Pi erre Male/ ............................... ..... ............. ......... ........ . 34 1
grâce pour la guérison de Louis XIV en 1687 et les inaugurations de
statues royales sous Louis XIV et Louis XV
Girard SabaIÎt r ................................. ............. ................. 185

Chapilre 12
L'ordre dans les corps : gestes, postures, mouvements. Éléments pour
une anthropologie politique des préséances (XVie-XVIIe siècles)
Claudine Haroche ........................................................... 2[3

Qualrième partie

LE PROTOCOLE CONTEMPORAIN
(XIXe_X xe SIÈCLES)

Chapitre 13
Les mngs du pouvoir. Régimes de préséances ct bureaucratie d'État dans
la Fr:mce des XIXe el XXc siècles
Olivier lhl.. ................................................................... 233

Chapitre 14
Le Président en voyage: rapprochement physique et distanciation
IXUlOColaire
Nicolas MariOl ............................................................... 263

Chap itre 15
Les cérémonies fascistes: le Duu et les masses
Emilio Gril/Ut.. .. .. ........... .. .... . ......... .... ...... 281

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