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L'avenir des réseaux passe par internet

L’agefi hebdo n°152 du 23 au 29 Octobre 2008


Epargne, courtage, services simples : chaque groupe français a sa recette pour 2009.
Capter une nouvelle clientèle sur internet, tous les groupes bancaires y réfléchissent. Et s’ils se révèlent peu
bavards sur le sujet, ce n’est pas seulement un effet de la crise. « Que le groupe recrute le patron d’ING Direct
en France, André Coisne, pour créer un nouveau site nous a impressionnés, avoue un salarié de Crédit Agricole
SA. Mais on se demande si c’est vraiment le moment de s’engager dans un lancement. » De fait, le projet porté
depuis des mois par les caisses du Crédit Agricole n’aura fait l’objet que de quelques phrases dans le discours
prononcé par Jean-Paul Chifflet, secrétaire général de la Fédération nationale du Crédit Agricole (FNCA), en
clôture du Congrès de la FNCA à Nice (20 et 21 octobre).

Si le contexte de crise peut limiter les effets d’annonce, la tendance est pourtant là. Même le rapprochement de la
Caisse nationale des Caisses d’Epargne (CNCE) et de l’organe central des Banques Populaires ne remet pas en
cause le projet de la première qui vise à « répondre au besoin de la clientèle par des produits simples et à bas
prix », explique un porte-parole. Pour les Caisses d’Epargne, il s’agit de lancer « un nouveau service, pas une
nouvelle banque ». Crédit Agricole, Crédit Mutuel, La Banque Postale, comme l’Ecureuil : tous ont leur projet. Et
chacun doit voir le jour dans les mois qui viennent. « Tout le monde s’épie », souligne un porte-parole de la
CNCE.

Des revenus en plus

Dans un marché mature de la banque de détail, les leviers de croissance relevés par l’étude de l’Efma (European
Financial Management and Marketing Association) et de ses partenaires sur les banques dans le monde, parue
en mars 2008, se retrouvent tous dans les projets en cours : innovation, internet et meilleure segmentation des
clients. Cela va au-delà de la politique multicanal déjà développée par les établissements français (lire l’encadré).
Car les services financiers en ligne pourraient représenter un tiers de la distribution de produits bancaires à
l’horizon 2012.

Chaque groupe veut profiter de ce supplément de produit net bancaire (PNB) généré par une clientèle différente
de celle des réseaux en place. Quitte à prendre des biais par rapport aux deux modèles qui se sont distingués
jusque-là. D’une part, celui qui a mené au succès de Boursorama (filiale Société Générale), le site financier le
plus visité en France : un courtier qui a progressivement élargi son offre à celle de la banque en ligne. D’autre
part, un modèle de banque « low cost » qui a jusqu’ici davantage inspiré les « assurbanques » d’Axa, Groupama
ou AGF.

Chez Crédit Mutuel Arkea, le premier s’est imposé. Prendre « des positions fortes sur le terrain de la banque en
ligne » est un des éléments du plan stratégique que Jean-Pierre Denis, président du groupe mutualiste, entend
mettre en œuvre d’ici à 2015 (L’Agefi Hebdo du 2 octobre 2008). L’offre s’installe petit à petit sur le site de sa
filiale de courtage Fortuneo. Même si aucune communication n’est prévue avant la fin d’année, voire début 2009,
un onglet « banque » y a pris place. Depuis près de deux semaines, on y trouve aussi bien des cartes bancaires
que la possibilité de réserver un Livret A. La distribution de ce produit défiscalisé, qui sera ouverte à tous au 1er
janvier, constitue d’ailleurs une opportunité pour les sites en ligne, alors que les particuliers cherchent des
produits sans risque et liquides. Crédit Mutuel Arkea poursuit ainsi la diversification de ses activités après le
rapprochement effectif, l’an dernier, des deux marques Symphonis (sa filiale dotée du statut de banque) et
Fortuneo (racheté en 2006) sous cette dernière bannière. Avec cet outil, qui revendique 120.000 comptes Bourse
et contrats d’assurance vie ainsi que 20 % de parts de marché en nombre de transactions, il estime disposer du
savoir-faire marketing nécessaire à la vente en ligne, ainsi que d’une marque forte.

Faute de disposer comme son concurrent d’un embryon, c’est un site de nature différente qui verra le jour au sein
du Crédit Agricole. On comprend dès lors tout l’intérêt de s’adjoindre les services d’André Coisne, l’homme qui a
lancé l’Epargne orange en France. Le concept semble assez proche de ce pionnier de l’internet. Il n’y aura ni
compte de dépôts, ni offre de banque au quotidien. « Les caisses vont lancer un établissement collecteur
d’épargne en ligne, sous une marque qui ne sera pas celle du Crédit Agricole », explique la FNCA. Cette dernière
soutient le projet pour les caisses, même si le véhicule coté du groupe, Crédit Agricole SA, prend une
participation minoritaire dans la structure. C’est donc dans ses locaux de la rue de la Boétie à Paris qu’André
Coisne planche sur une offre « distincte de celle des caisses », qui constituent pourtant déjà le premier réseau de
France et disposent aussi d’émanations en ligne. Destiné à une clientèle purement internaute, le nouveau site
devrait voir le jour « au-delà du premier trimestre 2009 ».

Un site spécifique, sous une marque distincte, c’est également ce que prépare La Banque Postale (LBP) avec
Easy Bourse. Racheté en avril dernier, ce portail d’informations financières qui comptabilise 200.000 visiteurs
uniques par mois doit pour sa part servir de base à une offre de courtage « complémentaire de celle déjà
proposée depuis novembre 2001 par labanquepostale.fr », explique Patrick Werner, président du directoire de
LBP. Ce dernier estime que c’est « le moment de le faire » pour son établissement, avec l’objectif de « satisfaire
les clients mais aussi, pourquoi pas, d’en faire un outil de conquête de nouveaux ». Les chiffres que vient de
publier l’Acsel (Association pour le commerce et les services en ligne) semblent d’ailleurs lui donner raison (voir
le graphique). Easy Bourse proposera ainsi du courtage en ligne au premier trimestre 2009 en s’appuyant sur
ProCapital (filiale de Crédit Mutuel Arkea) pour les transactions. « A trois ans, nous pouvons espérer 10.000
clients et 300 millions d’euros sous gestion », annonce Patrick Werner.

Une difficile rentabilité

Dans ce paysage, BNP Paribas semble finalement le seul aujourd’hui à ne pas franchir le pas, alors même que le
groupe dispose d’un leader du courtage en ligne avec Cortal Consors et d’une connaissance in situ des attentes
des clients dans d’autres pays européens et aux Etats-Unis.

La problématique est la même pour tous : faire coexister différents canaux de distribution dans un même groupe
sans que l’un cannibalise l’autre, adopter la bonne stratégie de marque et générer du trafic. Car les
investissements nécessaires, quelles que soient les économies obtenues par la dématérialisation des processus,
n’ont d’intérêt que si internet draine des flux importants. Il ne faudrait pas trop vite oublier les difficultés à
rentabiliser ce type de projets. Si Boursorama peut maintenant apparaître comme un modèle (voir le tableau), il
n’a trouvé une position bénéficiaire durable qu’à la fin 2003, après que la filiale de courtage de Société Générale,
Fimatex, l’eut racheté et adopté son nom, soit cinq ans suivant sa création. Tous les acteurs gardent en mémoire
cette époque de bulle internet qui s’est aussi illustrée par les échecs de Zebank ou d’Egg dans la banque en
ligne. « La logique n’est plus celle qui prévalait en 2001, lorsque certains pensaient disposer du modèle de
demain pour conquérir le monde, explique un professionnel. Internet ne remplacera pas les réseaux : il les
complète et fournit une alternative à une population qui, même lorsqu’elle se rend en agence, a désormais
l’habitude de réaliser ses opérations sur des automates. »

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