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Baudelaire, Charles

IX
LE MAUVAIS MOINE
Les clotres anciens sur leurs grandes murailles
talaient en tableaux la sainte Vrit,
Dont leffet rchauffant les pieuses entrailles
Temprait la froideur de leur austrit.
En ces temps o du Christ florissaient les semailles,
Plus dun illustre moine, aujourdhui peu cit,
Prenant pour atelier le champ des funrailles,
Glorifiait la Mort avec simplicit.

Mon me est un tombeau que, mauvais cnobite,


Depuis lternit je parcours et jhabite ;
Rien nembellit les murs de ce clotre odieux.
moine fainant ! quand saurai-je donc faire
Du spectacle vivant de ma triste misre
Le travail de mes mains et lamour de mes yeux !

X
LENNEMI

Ma jeunesse ne fut quun tnbreux orage,


Travers et l par de brillants soleils ;
Le tonnerre et la pluie ont fait un tel ravage
Quil reste en mon jardin bien peu de fruits vermeils.
Voil que jai touch lautomne des ides,
Et quil faut employer la pelle et les rteaux
Pour rassembler neuf les terres inondes,

O leau creuse des trous grands comme des tombeaux.

Et qui sait si les fleurs nouvelles que je rve


Trouveront dans ce sol lav comme une grve
Le mystique aliment qui ferait leur vigueur ?
douleur ! douleur ! Le Temps mange la vie,
Et lobscur Ennemi qui nous ronge le cur
Du sang que nous perdons crot et se fortifie !

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