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Osiris ou la fuite en Égypte

C’est la guerre c’est l’été


Déjà l’été encore la guerre
Et la ville isolée désolée
Sourit sourit encore
Sourit sourit quand même
De son doux regard d’été
Sourit doucement à ceux qui s’aiment
C’est la guerre et c’est l’été
Un homme avec une femme
Marchent dans un musée
Leurs pas sont les seuls pas dans ce musée désert
Ce musée c’est le Louvre
Cette ville c’est Paris
Et la fraîcheur du monde
Est là tout endormie
Un gardien se réveille en entendant les pas
Appuie sur un bouton et retombe dans son rêve
Cependant qu’apparaît dans sa niche de pierre
La merveille de l’Egypte debout dans sa lumière
La statue d’Osiris vivante dans le bois mort
Vivante à faire mourir une nouvelle fois de plus
Toutes les idoles mortes des églises de Paris
Et les amants s’embrassent
Osiris les marie
Et puis rentre dans l’ombre
De sa vivante nuit.

Avec un style très simple, J. Prévert mêle dans ce même poème les thèmes
récurrents du recueil Paroles. On y trouve en effet, dans une antithèse renforcée
par les rimes croisées, les thèmes de l’amour et de l’art mêlés à la mort et à la
guerre. Le poète raconte ici l’histoire de deux amants qui, l’été, malgré la guerre,
vont visiter le Louvre. Le fait que le musée soit vide montre que malgré leur
tentative de fuir mentalement la guerre, comme le laisse présager le titre, celle-
ci est toujours visible. Les amants aperçoivent les « merveille[s] de l’Egypte » que
l’on peut voir au Louvre, ce qui donne une forme de mystère à ce poème, avec
les références à la mythologie égyptienne. En effet, les amants s’embrassent
devant la statue du dieu Osiris, qui semble alors les marier.
C’est donc un poème qui procure chez le lecteur un sentiment d’évasion,
d’aspiration vers l’au-delà à travers la mythologie égyptienne. Écrit en 1945, à la
fin de la Seconde Guerre Mondiale, ce poème sonne comme une pause dans les
horreurs vécues collectivement les années précédentes. Il montre aussi, avec la
référence aux civilisations antiques, la prépondérance de l’éternel sur les choses
matérielles que représente la guerre, à laquelle les amants échappent le temps
d’une visite au musée.
Ces aspects en font un texte très agréable à lire, qui interroge par les mystères
qu’il soulève et qu’il est intéressant de placer dans son contexte, y compris pour
de jeunes lecteurs.

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