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TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE PARIS Motivations du jugement de la 32" chambre du 10 février 2016 transmettant a la Cour de cassation une question prioritaire de constitutionnalité déposée par M. Jéréme CAHUZAC et Mme Patricia MENARD épouse CAHUZAC (articles 1729 et 1741 du Code général des impdts afferents & l'impat de solidarité sur Ia fortune et & la contribution exeeptionnelle sur la fortune) Document de travail (seul fe jugement signé fait foi) Page 1/42 Plan du jugement = Sur la transmission de la question prioritai yustitutionnalité a ta Cour de cassation 2-1.- Sur Vapplicabilité au litige de la disposition contestée et & la procédure 2.1. L- Sur la procédure pénale fondée sur Varticle 1741 du Code général des impsts 2.1.2.+ Sur la procedure fiscale fondée sur Varticle 1729 du Code général des impéts 2.1.3.- Sur les conséquences dune éventuelle inconstitutionnalté et le critére de Vapplicabilité au litige 2.2 Sur le fait que la disposition n'a pas déja été déclarée conforme @ la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances 2.2.1. En ce qui concerne article 1729 du Code général des impots 2.2.2 En ce qui concerne Varticle 1741 du Code général des inpts 2.2.3. L'analyse portant sur un changement de circonstances de droit 2.2.3.1-Le droit de !'Union 2.23.2 Le droit de la Convention européenne des droits de Homme et de sauvegarde des Liberté fondamentales et la jurisprudence de Cour européenne des droits de ! Homme 2.23.2.1-L’évolution de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de !' Homme 2.2.3.2.2. La question de la réserve francaise au protocole n°7 2.23.3 Lajurisprudence de la Cour de cassation et du Conseil onsttutionnel, posterieurement ii arrét du mars 2014 (Grande Stevens) 22.3.3. 1.- La jurisprudence de la Cour de cassation postéricurement & Varrét du 4 mars 2014 (Grande Stevens) 22.3.3.2.- La jurisprudence du Conseil consttutionnel postérieurement & Marrét du 4 mars 2014 (Grande Stevens) 2.3.- sur le caractore sériewx de la question ~ Les eritéres posés par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 18 mars 2015 = Des critéres confirmés & Videntique par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 14 janvier 2016 2.3.1. les dispositions contestées tendent-elles & réprimer les mémes faits 2.3.2. les répressions protégent-elles les mémes intéréts sociauct 2.3.2.1, Sur la place des dispositions concernées dans le code général des impits 2.32.2. Sur la question des intéréts sociaux protégés dans la jurisprudence de la Cour européenne des Droits de Homme 2.3.2.3.-Sur la question des intéréts sociaux protégés dans fa jurisprudence de la Cour de cassation 2.3.2.2. Rappel de la jurisprudence de la Cour de cassation 2.32.2.2+ Pasition di tribunal sur la notion d'intéréts sociaux protégés 23.2.2.2.1-- Sur la finalité au sens de la décision du Conseil constitutionnel du 18 mars 2015 Page 2/42 2.3.2.2.2.2.- Sur le groupe social concerné 233- Les faits prévus par les articles doiventils etre regardés comme susceplibles de faire l'objet de sanctions qui ne sont pas de nature différente ? 23.3.1- Sur le niveau de sévérité de article 1741 du Code général des impos 2.3.5.2 Sur le niveau de sévérité de Varticle 1729 du Code général des impats 2.3.5.3.- Sur la mesure de l'équivalence de sévérité 23.4. La sanction encourue par lautew d'un manquement ou la sanction encourue par l'autewr d'un délit reldve-t-elle du méme ordre juridietionnel ? 2-5-5.- Sur Vargument tiré de Vabsence de décision définitive 3.--Sur les suites @ donner é la pr au fond 4. Sur le sursis d statuer et le renvoi Page 3/42 En application de l'article 61-1 de la Constitution, «lorsque, l'occasion d'une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu'une disposition legislative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut étre saisi de cette question sur renvoi du Conseil a'Etat ou de la Cour de cassation qui se prononce dans un délai déterminé», En application de l’article 23-1 de l’ordonnance n° 58 1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, «devant les juridictions relevant du Conseil d'Etat ou de la Cour de cassation, le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution est, & peine d'irrecevabilité, présenté dans un écrit distinct et motives. L'article R.49-25 du code de procédure pénale prévoit que « la juridiction statue sans délai, selon les regles de procédure qui lui sont applicables, sur la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité, apres que le ministére public et les parties, entendues ow appelées, ont présenté leurs observations sur la question prioritaire de constitutionnalité». En lespéce, aux termes de conclusions déposées le 8 février 2016 a audience et développées a oral, M. Jérme CAHUZAC demande que soit adressée la question prioritaire de constitutionnalité suivante «En matigre d'impét de solidarité sur la fortune et de contribution exceptionnelle sur la fortune, les articles 1729 et 1741 du code général des impéts, dans leurs versions applicables lors de la période de prévention, en ce quils autorisent, @ Vencontre de la méme personne et en raison des mémes faits, le cumul de procédures ou de sanctions pénales et fiscales, portent-ils atteinte auc principes constitutionnels de nécessité et de proportionnalité des délits et des peines découlant de Uarticle 8 de la déclaration des droits de I'Homme et du Citoyen ? » Dans des conclusions distinctes et déposées le méme jour, Madame Patricia MENARD épouse CAHUZAC a déposé également une question prioritaire de constitutionnalité rédigée en des termes similaires, A la seule différence qu'elle ne précise pas qu'il s'agit des textes « dans leurs versions applicables lors de la période de prévention» Le tribunal constate que cette circonstance découle nécessairement de lanalyse quill lui est demandé deffectuer et qu'il s'agit de la méme question, Le tribunal décide de joindre ces deux questions pour y répondre par un seul et méme jugement Page 4/42 Sur la recevabilité du moyen tiré de Vatteinte aux droits et libertés ‘garantis par la Constitution La question prioritaire de constitutionnalité a ét& présentée par M. Jérdme CAHUZAC et Mme Patricia CAHUZAC, dans deux éerits distinets et motivés, versés aux débats le 8 février 2016. Elle est fondée sur la méconnaissance des dispositions a valeur constitutionnelle de la Déclaration des droits de |'Homme et du Citoyen. Elle est en conséquence recevable. 2 Sur la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité @ la Cour de cassation L’article 23-2 de l'ordonnance précitée du 7 novembre 1958 prévoit que la juridiction statue sans délai par une décision motivée sur la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité a la Cour de cassation si les conditions suivantes sont remplies 1° La disposition contestée est applicable au litige et a la procédure, ou constitue le fondement des poursuites ; 2° Elle n’a pas déja été déclarée conforme a la Constitution dans les motifs et le dispositif dune décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances ; 3° La question n'est pas dépourvue de caractére sérieux. Le tribunal constate que la Direction générale des finances publiques et le Procureur de la République financier s'opposent a la transmission des questions prioritaires de constitutionnalité et que que M.M, BIDALOU, QUEGUINER et le Comité national de soutien & Guy GRALL demandent quiil soit suris statuer sur cette transmission pour que soit transmise leur question prioritaire de constitutionnalité supraconstitutionnelle. Larticle 1741 du Code général des impéts, dans sa rédaction résultant de la loi 1n°2009-526 du 12 mai 2009, applicable dans sa version en vigueur entre le 14 mai 2009 et le 11 décembre 2010 dispose que : Page 5/42 «Sans préjudice des dispositions particuliéres relatées dans la présente codification, quiconque s'est frauduleusement soustrait ou a tenté de se soustraire frauduleusement @ I'établissement ou au paiement total ou partiel des impots visés dans la présente codification, soit qu'il ait volontairement omis de faire sa déclaration dans les délais prescrits, soit qu'il ait volontairement dissimulé une part des sommes sujettes & l'impot, soit qu'il ait organisé son insolvabilité ou mis obstacle par d'autres manauvres au recouvrement de l'impét, soit en agissant de toute autre maniére frauduleuse, est passible, indépendamment des sanctions fiscales applicables, d'une amende de 37 500 euros et d'un emprisonnement de cing ans. Lorsque les faits ont été réalisés ou facilités au moyen soit d'achats ou de ventes sans facture, soit de factures ne se rapportant pas a des opérations réelles, ou qu'ils ont eu pour objet d'obtenir de I'Etat des remboursements injustifiés, leur auteur est passible d'une amende de 75 000 euros et d'un emprisonnement de cing ans Toutefois, cette disposition n'est applicable, en cas de dissimulation, que si celle-ci excéde le dixiéme de la somme imposable ou le chiffre de 153 euros. Toute personne condamnée en application des dispositions du présent article peut étre privée des droits civiques, civils et de famille, suivant les modalités prévues par Varticle 131-26 du code pénal. Le tribunal ordonnera dans tous les cas la publication intégrale ou par extraits des jugements dans le Journal officiel de la République francaise ainsi que dans les journaux désignés par lui et leur affichage intégral ou par extraits pendant trois mois sur les panneaux réservés & Vaffichage des publications officielles de la commune ot les contribuables ont leur domicile ainsi que sur a porte extérieure de l'immeuble du ou des établissements professionnels de ces contribuables. ‘Les frais de la publication et de l'affichage dont il s‘agit sont intégralement dla charge du condamné. Les poursuiles sont engagées dans les conditions prévues aux article L. 229 & L. 231 du livre des procédures fiscales ». Dans sa décision n°2010-72/75/82 QPC du 10 décembre 2010, le Conseil constitutionnel a déclaré contraire a la Constitution le quatriéme alinéa de larticle 1741 du Code général des imp6ts sur la publication du jugement Dans sa rédaction issue de la loi n°2012-354 du 14 mars 2012 et applicable jusqu'au 13 octobre 2013, l'article 1741 a prévu une amende de 500 000 euros, au lieu d'une amende de 37 $00 euros, passant 4 750 000 euros, au lieu de 75 000 euros, en cas dlusage de fausses factures. La peine de 5 ans demprisonnement est demeurée inchangéc. Liarticle 15 de la loi précitée du 14 mars 2012 a, en outre, complété le premier alinéa de l'article 1741 du Code général des impdts en prévoyant que « Lorsque les faits mentionnés & la premiere phrase ont été réalisés ou facilités au moyen soit de comptes ouverts ou de contrats souscrits auprés d'organismes établis dans un Etat ou un territoire qui n'a pas conclu avec la France, depuis Page 6/42 au moins cing ans au moment des faits, une convention d'assistance administrative permetiant léchange de tout renseignement nécessaire a Vapplication de la législation fiscale francaise, soit de interposition de personnes physiques ou morales ou de toul organisme, fiducie ou institution comparable établis dans l'un de ces Etats ou territoires, les peines sont portées 4 sept ans d'emprisonnement et & 1 000 000 € d'amende ». Larticle 1729 du Code général des impéts, dans sa rédaction résultant de la loi n°2008-1443 du 30 décembre 2008, dispose que : « Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ow un acte comportant Vindication d'éléments a retenir pour Uassiette ou la liquidation de Fimpét ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indiment obtenu de U'Etat entrainent Uapplication d'une majoration de a. 40% en cas de manquement délibéré ; b. 80 % en cas d'abus de droit au sens de Varticle L. 64 du livre des procédures fiscales ; elle est ramenée & 40 % lorsqu'il n'est pas établi que le contribuable a eu initiative principale du ou des actes constitutifs de Vabus de droit ou en a été le principal bénéficiaire ; ©. 80 % en cas de manceuvres frauduleuses ou de dissimulation d'une partie du prix stipulé dans un contrat ou en cas d'application de Varticle 792 bis. » 21. Sur Vapplicabitit é au litige et a la procédure des dispositions contestées 2.1.1. Sur la procédure pénale fondée sur Varticle 1741 du Code général des impots Par ordonnance du 17 juin 2015, M. Jéréme CAHUZAC est renvoyé devant le tribunal correctionnel de Paris notamment pour « s'étre, a Paris (7éme), ou en tout autre liew du territoire national, au cours des années 2010 & 2012, et en tout cas depuis temps non_prescrit, volontairement et frauduleusement soustrait @ l'élablissement et au paiement partiel des impéts dus au titre des années 2009 & 2012, notamment en souscrivant des déclarations susceptibles davoir été minorées en matiére d'impét sur le revenu au titre des années 2009 & 2011, d'impot de solidarité sur la fortune au titre des années 2010 & 2012 et de contribution exceptionnelle sur la fortune au titre de l'année 2012, avee la circonstance que les dissimulations présumées excédent le dixiéme de la somme imposable, faits prévus et réprimées par les articles 1741, 1742, 1743 et 1750 du code général des impéts ». Mme Patricia CAHUZAC est renvoyée devant le tribunal correctionnel, pour «sfétre @ Paris (7éme), ou en tout autre liew du territoire national, au cours des années 2010 & 2012, et en tout cas depuis temps non prescrit, volontairement et frauduleusement soustraite a U'établissement et au paiement Page 7/42 partiel des impots dus au titre des années 2009 @ 2012, notamment en souscrivant des déclarations susceptibles d'avoir été minorées en matiére d'impot sur le revenu au titre des années 2009 a 2011, d'impét de solidarité sur {a fortune au titre des années 2010 & 2012 et de contribution exceptionnelle sur la fortune au titre de Vannée 2012, avec la circonstance que les dissimulations présumées excedent le dixiéme de la somme imposable, faits prévus et réprimées par les articles 1741, 1742, 1743 et 1750 du Code général des impéts ». Aux termes de lordonnance de renvoi, « M. et Mme CAHUZAC, mariés sous le régime de la communauté légale, ont constitué des avoirs & V'étranger, non déclarés, provenant de revenus non déclarés. M. CAHUZAC a ainsi disposé depuis 1992 d'un compte & l'UBS, transféré chez REYL puis & Singapour. Mme CAHUZAC disposait d'un compte & I'le de Man depuis 1997. M. et Mme CAHZUAC ont aussi masqué des revenus en utilisant les comptes bancaires de Mme MAZIERES depuis 2003. Ces faits apparaissent constitutifs de fraude fiscale et de blanchiment de fraude fiscale. Les faits de fraude fiscale, au titre de Vimpat sur le revenu et TSE. sont imputables aux dewx époux qui avaient connaissance de la fraude et y ont participé a des degrés divers. La période non prescrite fiscalement porte sur les années 2009 & 2012. Les déclarations de M, et Mme CAHUZAC de 2010 & 2012 ne font aucunement état d'avoirs et de revenus &'étranger » Les faits pénalement reprochés a M. et & Mme CAHUZAC portent en conséquence et notamment sur absence de déclaration au titre de Fimpot de solidarité sur la fortune et au titre de la contribution exceptionnelle sur la fortune, 2.1.2. Sur la procédure fiscale fondée sur l'article 1729 du Code général des impots La défense de M. CAHUZAC fait valoir, sans que ce point ait été contesté par la Direction générale des finances publiques ou par le Procur République financier, qu’il a fait objet d'un examen contradictoire de sa situation fiscale, débuté le 5 avril 2013 et qu’a lissue de cette procédure, il a notamment regu le 20 décembre 2013 et le 5 septembre 2014 plusieurs propositions de rectification concernant son impét sur le revenu respectivement au titre des années 2009, 2010, 2011 et 2012. Sclon la défense, administration fiscale a reproché a M. CAHUZAC de ne pas avoir déclaré les revenus de capitaux mobiliers provenant des fonds détenus sur le compte bancaire dont il était bénéficiaire effectif ouvert au nom de la société Cerman group limited. Elle expose qu'en plus des droits résultant de la regularisation fiscale et des intéréts de retard, la DGFIP lui a infligé, pour les déclarations de 2010 4 2012, une majoration de 80 % « prévue a l'article 1729 du Code général des impéts au titre de rectification résultant de la détention Page 8 / 42 de la société seychelloise. Cerman group Ltd», «pour manoeuvres frauduleuses ». La défense ajoute que «M. Jéréme Cahuzac a accepté sans réserve ces propositions de rectification et s'est acquitté du paiement des droits provenant de cette rectification, iméréts de retard et pénalités. Cette sanction est done devenue définitive. » Dans leurs écritures et & l'audience, tant la Direction générale des finances publiques que le Procureur de la République financier soutiennent le caractére non définitif de cette sanction. Indépendamment du caractére établi ou non de cette circonstance qui sera discutée ultérieurement dans le jugement, le tribunal constate que les mémes fails reprochés & M. Jéréme CAHUZAC, ont donné lieu a une poursuite fiscale diligentée par le DGFIP et a des de sanctions fiscales en application de l'article 1729 du Code général des imp6ts, ainsi qu’ une poursuite pénale, fondée sur article 1741 du Code général des impots. .a méme analyse doit étre faite l'endroit de Mme Patricia CAHUZAC, pour laquelle il ressort des éléments du dossier quielle a fait Fobjet de procédures de rectification en application de Varticle 1729 du Code général des impdts avec application notamment d'une majoration de 80 %. 2.1.3.- Sur les conséquences d'une éventuelle inconstitutionnalité et le critére de Vapplicabilité au litige Ilya lieu de relever, ace stade, que le Procureur de la République financier, en pages 12 et 13 de ses observations, souléve la question de lapplication de la décision du Conseil constitutionnel au présent litige, et qu'il a précisé dans ses réquisitions orales, que cette circonstance pourrait avoir une incidence sur le critére tenant l'applicabilité au litige. Selon le Procureur de la République financier : «Dans sa décision du 18 mars 2015, le Conseil constitutionnel a reporté au 1° septembre 2016 les pleins effets de sa décision d'inconstituiionnalité afin de laisser au législateur le soin de prévoir un nouveau systéme de répression des abus de marché. Dans Vobjectif toutefois de faire cesser linconstitutionnalité constatée dés sa décision, et sans attendre le I septembre 2016, le Conseil constitutionnel a prévu, dans son considérant n°36, wn mécanisme —— meitant —_fin immédiatement au cumul de poursuites, dont les modalités. sont les suivantes "des poursuites ne pourront étre engagées ou continuées sur le [plan administratif] @ l'encontre d'une personne [non professionnelle] des lors que des premiéres poursuites auront déja été engagées pour les Page 9/42 mémes faits etd Vencontre de la méme personne devant le juge judiciaire Statuant en matiére pénale [...] ou que celwi-ci aura’ déja statué de maniére définitive sur des poursuites pour les mémes faits et a l'encontre de Ia méme personne "'; ©” que, de la méme maniére, des poursuites me pourront étre engagées ou continuées sur le [plan pénal] des lors que des. premieres poursuites auront déja été engagées pour les mémes faits et & Vencontre de la méme personne devant la commission des sanctions de U'Auiorité des marchés financiers L.] ou que celle-ci aura déjir statué de maniére définitive sur des poursuites pour les mémes faits @ l'encontre de la méme personne" Le Procureur de la République financier fait valoir « qu'en lespéce, s‘agissant d'une question de principe similaire & celle traitée dans ta décision du 18 mars 2015, il est raisonnable de penser que le Conseil constitutionnel, en cas de déclaration de non conformité des doubles poursuites en matiére fiscale, disposerait de la méme fagon » « Au cas présent, un réquisitoire supplétif des chefs de fraude fiscale & Vimpét sur le revenu, & V'impét de solidarité sur la fortune et a la contribution exceptionnelle sur la fortune a éé établi le 2 mai 2013, contre Jérome Cahuzac et son épouse, a la suite de la plainte de Vadminisiration du 26 avril 2013. Ce réquisitoire vaut poursuites sur le plan pénal ». «Sur le plan Jiscal, ensemble des propositions de rectification, _ mentionnant Vapplication de majorations, et constitutives d'actes de poursuite, ont &é établies aprés le 17 novembre 2013, la premiere émise portant sur des faits de la prévention datant du 18 novembre 2013, soit d une date postérieure aux poursuites pénales ». Le Procureur de la République financier soutient également, & Tinstar de Vadministration fiscale que «Ja procédure fiscale n'est pas terminée de maniére définitive », « bien que les époux Cahuzac aient réglé V'ensemble des sommes dues au titre de V'application des majorations prévues @ Varticle 1729 du code général des impéts », ds lors que « conformément aux. dispositions de Varticle R 196-3 du livre des procédures fiscales, dans le cas ot un contribuable fait Vobjet d'une procédure de reprise ou de rectification de la part de L'Administration fiscale, celui-ci dispose d'un délai égal & celui de L'Administration pour présenter ses propres réclamations » et qu’ «en pratique, le délai de réclamation expire le 31 décembre de la troisiéme année suivant celle oii les rectifications ont é£é notifiées, indépendamment des paiements effectués. En Vespéce, le délai de réclamation ouvert aux époux Cahuzac sur le plan fiscal prendra fin au plus 161 le 31 décembre 2016 ». Le Procureur de la République financier conclut de ensemble de ces éléments que «dans U'hypothése méme oi le Conseil constitutionnel constaterait Vinconstitutionnalité des doubles poursuites en matiere fiscale, une telle décision n'aurait pas d'incidence sur la procédure pénale dans la mesure oit # les poursuites pénales sont antérieures aux poursuites fiscales; ef oii l'administration fiscale n'a pas encore statué de maniére définitive, des réclamations et recours étant encore possibles. Page 10/42 La conséquence d'une éventuelle inconstitutionnalité serait dés lors & tirer seulement au niveau des décisions de l'administration fiscale et non sur un plan pénal ». Pour le tribunal, la question des conséquences @ tirer d'une éventuelle inconstitutionnalité ne saurait entrer en ligne de compte dans lanalyse de la condition lige a examen du critére tenant a lapplicabilité au litige de la disposition contestée et a la procédure, En effet, au titre du contenticux objectif que constitue la question prioritaire de constitutionnalité, il apparait, aux termes de la jurisprudence méme du Conseil constitutionnel, que les problématiques liges @ la constatation d'une inconstitutionnalité, d'une part, et a la question de l'applicabilité au litige de la disposition contestée, d'autre part, sont traitées de maniére autonome, ce qui implique nécessairement que les conséquences tirer d'une décision d'inconstitutionnalité, qui relévent au demeurant de la seule compétence du Conseil constitutionnel, ne sauraient entrer en ligne de compte comme a priori du raisonnement, En effet, en application du deuxiéme alinéa de l'article 62 de la Constitution, il appartient au Conseil constitutionnel de déterminer les effets dans le temps de cette declaration dinconstitutionnalité, d'une part, en fixant la date de Vabrogation et, dautre part, en déterminant les « conditions et limites dans lesquelles les effets que la disposition a produit sont susceptibles a'étre remis en cause ». Crest ainsi que, tirant les conséquences de cette disposition, le Conseil constitutionnel a jugé, danis deux décisions du 25 mars 2011 (n°2010-108 QPC et n°2010-110 QPC), que « si, en principe, la déclaration d'inconstitutionnalité doit bénéficier & Nauteur de la question prioritaire de constitutionnalité et la disposition déclarée contraire @ la Constitution ne peut étre appliquée dans les instances en cours a la date de la publication de la décision du Conseil constitutionnel, les dispositions de Uarticle 62 de la Constitution réservent a ce dernier le pouvoir tant de fixer la date de abrogation et reporter dans le temps ses effets que de prévoir la remise en cause des effets que la disposition a produits avant I'intervention de cette déclaration » Le Conseil constitutionnel avait déja considéré dans une décision n°2010-14/22 QPC du 30 juillet 2010, sur la garde vue, que le report de l'abrogation pouvait @tre justifié lorsque abrogation immédiate aurait des conséquences manifestement excessives. En conséquence de l'ensemble de ces considerations, le tribunal ne saurait, ainsi que le Procureur de la République financier I'y invite, apprécier le critére de 'applicabilité au litige de la disposition contestée en tenant compte des conséquences éventuelles d'une déclaration d'inconstitutionnalité de cette méme disposition. Page 11/42 wee Le tribunal constate que les dispositions contestées, tant de l'article 1741 que de larticle 1729 du Code général des impéts sont applicables au litige. 2-2.- Sur le fait que les dispositions contestées n'ont pas déja été déclarées conformes ii la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, 11 y a lieu pour le tribunal d'examiner si les dispositions contestées n'ont pas déja &16 déclarées conformes & la Constitution dans les motifs et le dispositif dune décision du Conseil constitutionnel. 2.2.1.- En ce qui concerne l'article 1729 du Code général des impdts Dans sa décision n°2010-103 QPC du 17 mars 2011, le Conseil constitutionnel a jugé conforme a larticle 8 de la Déclaration de 1789 le 1° de l'article 1729 du Code général des impéts, dans sa rédaction en vigueur avant ler janvier 2006 en considérant qu’ en instituant, dans le recouvrement de T'impét, une ‘majoration fixe de 40 % du momant des droits en cas de mawvaise foi du contribuable, Varticle 1729 du code général des impéts vise, pour assurer Végalité devant les charges publiques, ci améliorer la prévention et d renforcer la répression des insuffisances volontaires de déclaration de base a'imposition ou des éléments servant a la liquidation de Vimpot ; que le méme article prévoit une majoration de 80 % si le contribuable s'est rendu coupable de mancuvres frauduleuses ou d'abus de droit » et que «la disposition contestée institue une sanction financiére dont la nature est directement liée & celle de Vinfraction ; que la loi a elle-méme assuré la modulation des peines en fonction de la gravité des comportements réprimés ; que le juge décide, dans chaque cas, apres avoir exercé son plein contréle sur les faits invoqués et la qualification retenue par administration, soit de maintenir ow d'appliquer la majoration effectivement encourue au taux prévu par la loi, soit de ne laisser d la charge du contribuable que des intéréts de retard s'il estime que Vadministration n'établit pas que ce dernier se serait rendu coupable de maneeuvres frauduleuses ni qu'il aurait agi de mauvaise foi ; qu'il peut ainsi proportionner les pénalités selon la gravité des agissements commis par le contribuable ; que le tawx de 40 % n'est pas manifestement disproportionné. » Le tribunal constate que le considérant n°7 de la décision précitée du 17 mars 2011, en conclusion de son analyse sur les nouvelles dispositions modifiant Varticle 1729 du Code général des impéts, précise par ailleurs que «la disposition contestée n'est contraire & aucun droit ou liberté que la Constitution garantit » Le principe de la majoration de 40% ou de 80 % figurant a l'article 1729 du Code général des impots dans sa rédaction antérieure au 1°” janvier 2006, et Page 12/42 déclaré conforme a la Constitution en application de la décision précitée du 17 mars 2011 est demeuré inchangé dans les versions successives de article, résultant de lordonnance n°2005-1512 du 7 décembre 2005, de la loi n°2007- 211 du 19 février 2007, et, en demier lieu, dans la version applicable dans sa version résultant de la loi n°2008-1443 du 30 décembre 2008, applicable aux faits de Vespace. 2.2.2.- En ce qui concerne l'article 1741 du Code général des impéts Les dispositions de Varticle 1741 alinéa 2 4 7 et alinéa 11 ont été déclarées conformes a la Constitution dans la décision DC 2013-679 en date 4 décembre 2013, a Voceasion de l'examen de la loi 2013-1117 en date du 6 décembre 2013 relative a la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financiere. Si l'ensemble des dispositions de l'article 1741 du Code général des impats niont pas, en tant que telles, été déclarées conformes a la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, il pourrait étre considéré que Ja validation par le Conseil constitutionnel, aux considérants n°19 @ 24 des modifications apportées a l'article 1741 par larticle 9 de la loi n°2013-1117 du 6 décembre 2013, remplagant les deux derniéres phrases du premier alinéa de article 1741 par les alingas 2 a 7, impliquerait nécessairement que le Conseil constitutionnel aurait considéré, & l'occasion de leurs modifications, les dispositions du premier alinéa, qui en constituent le support nécessaire, comme conformes a la Constitution. En tout état de cause, et indépendamment méme de la question de la déclaration de conformité 4 la Constitution de l'ensemble des dispositions des les 1729 et 1741 du Code général des impéts, le tribunal constate un changement de circonstances de droit qui va étre analysé ci-aprés. 2.2.3.- Llanalyse portant sur un changement de circonstances de droit Le changement de circonstances de droit invoqué par M. et Mme CAHUZAC, et non contesté par le Procureur de la République financier (page 3 de ses écritures) et par la Direction générale des finances publique résulte des éléments suivants : 2.2.3.1- Le droit de l'Union Larticle 50 de la Charte des droits fondamentaux dispose que « mul ne peut étre poursuivi ou puni pénalement en raison d'une infraction pour laquelle il a déja été acquiué ou condamné dans l'Union par un jugement pénal définitif conformément di la loi » Dans un arrét rendu dans Iaffaire C-617/10 Aklagaren/Hans Akerberg Fransson, ta Cour de justice, le 26 février 2013 a rappelé que «le champ Page 13/42 d application de la Charte, pour ce qui est de l'action des Etats membres, est défini & Varticle 51, paragraphe 1, de celle-ci, aux termes duquel les dispositions de la Charte s'adressent aux Etats membres uniquement lorsqu ils -mettent en wuvre le droit de l'Union. » Elle a précisé que : « Lorsque, en revanche, une situation juridique ne releve pas dui champ d'application du droit de U'Union, la Cour n'est pas compétente our en connaitre et les dispositions éventuellement invoguées de la Charte ne sauraient, d elles seules, fonder cette compétence (voir, en ce sens, ordonnance du 12 juillet 2012, Curra e.a., C-466/11) Elle a ensuite précisé que « les Etats membres disposent d'une liberté de choix des sanctions applicables » et que «ce n'est que lorsque la sanction fiscale revél un caractére pénal, au sens de Varticle 50 de la Charte, et est devenue definitive que ladite disposition soppose & ce que des poursuites pénales pour les mémes faits soient diligentées contre une méme personne » (cons. 34), le caractére pénal de infraction s‘analysant au regard, d'une part, de la qualification juridique en droit inteme et, d'autre part, de la nature méme de infraction et, enfin, de la nature ainsi que du degré de sévérité de la sanction que risque de subir l'intéressé (arrét du 5 juin 2012, Bonda C-489/10). Pour la Cour, le cumul est contraire aux standards de la Charte, & condition que les sanctions restantes soient effectives, proportionnées et dissuasives (voir en ce sens, notamment, arrét Commission/Gréce du 10 juillet 1990 cité dans la décision Aklagaren/Hans Akerberg Fransson). A cet égard, le tribunal précise que saisi d'une argumentation tirée de application de a Charte pour ce qui concere limpét sur le revenu et limpot de solidarité sur la fortune, la présente 32" chambre du tribunal a jugé que, sfagissant de poursuites pénales fondées sur les articles 174] et 1752 du Code général des impéts, le régime de 'impét sur le revenu ainsi que de limpét de solidarité sur la fortune n'apparaissent pas régies par le droit de l'Union, 2.2.3.2. Le droit de la Convention européenne des droits de I'Homme et de sauvegarde des Libertés fondamentales et la jurisprudence de Cour européenne des droits de I'Homme 2.2.3.2.1.-Liévolution de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de U'Homme Le premier alinéa de l'article 4 du Protocole n°7 a la Convention de sauvegarde des droits de homme et des libertés fondamentales énonce que «nul ne peut Gire poursuivi ou puni pénalement par les juridictions du méme Etat en raison d'une infraction pour laquelle il a déja &é acquitté ow condamné par un Jjugement définitif conformément & la loi et d la procédure pénale de cet Etaty. La Cour européenne des droits de "homme a considéré, dans un arrét du 10 fevrier 2009 Serguei Zolotoukhine c. Russie (14939/03), que Varticle 4 du Protocole n°7 doit étre compris comme interdisant de poursuivre ou de juger Page 14/42 lune personne pour une seconde «infraction» pour autant que celle-ci a pour origine des faits identiques ou qui sont en substance les mémes, quelle que soit les qualifications qui ont pu leur étre successivement données et quelle que soit la nature de Morgane qui a statué sur les poursuites. Le 4 mars 2014, dans son arrét de section Grande Stevens et autres C/ Htalie (18640/10, 18647/10, 18663/10, 18668/10, 18698/10), la Cour européenne a examiné la réserve de Mtalie au Protocole, par laquelle elle a déclaré « que les articles 2 a 4 du Protocole ne s'appliquent qu'aux infractions, aux procédures et aux décisions qualifiées de pénales par la loi italienne » et a considéré qu’en raison « de absence dans la réserve en question d’un "bref exposé” de la loi ow des lois prétendument incompatibles avec Varticle 4 du protocole n° 7 », celle-ci « ne satisfait pas aux exigences de Varticle 57, § 2 de la Convention ». Ce faisant, la Cour a écarté la réserve ‘alienne et fait application de la jurisprudence précitée Zolotoukine c. Russie. Le 27 novembre 2014, dans un arrét Lucky Dev/Suéde (n°7356/10), la Cour a Jugé que les procédures impliquant des pénalités fiscales devaient étre considérées comme des affaires « pénales » au sens de l'article 4 du Protocole n° 7 et qu'en conséquence, tant la procédure fiscale que linstance pénale tombaient sous l'empire de cette disposition. La Cour rappelle que l'article 4 précité interdit de poursuivre ou de juger une personne pour une seconde «infraction » pour autant que celle-ci a pour origine des faits identiques ou des faits qui sont en Substance les mémes. Dans un arrét Case of Osterlund v, Finland du 10 février 2015, la Cour, dans sa quatrigme section, a réitéré sa jurisprudence en matiére fiseale. Dans un arrét BUTNARU et BEJAN-PISER c. ROUMANIE du 23 juin 2015, la Cour européenne des droits de homme a stigmatisé les doubles poursuites dans son considérant 33: «la Cour souligne que peu importe quelles parties des nowvelles accusations sont finalement retenues ou écartées dans la procédure ultérieure puisque Varticle 4 du Protocole n° 7 a la Convention énonce une garantie contre de nouvelles poursuites ou le risque de nouvelles poursuites, et non l'interdiction d'une seconde condamnation ou d'un second acquittement (Serguet Zolotoukhine, précité, § 83) » 2.2.3.2.2.- La question de la réserve francaise au protocole n°7 ly a licu de relever que la France a posé une réserve & la ratification de ce protocole. Aux termes de la réserve frangaise, « seules les infractions relevant en droit francais de la compétence des tribunawx en matiére pénale doivent étre regardées comme des infractions au sens des articles 2 et 4 du présent Protocole ». La Chambre criminelle de la Cour de cassation dans un arrét du 20 juin 1996 (n°94-85,796) a jugé que « la régle "non bis in idem" consacrée par Varticle 4 du protocole n° 7, additionnel @ la Convention européenne de sauvegarde des droits de "homme et des libertés fondamentales, ne trouve a s'appliquer, selon Page 15/42 les réserves faites par la France en marge de ce protocole, que pour les infractions relevant en droit francais de la compétence des tribunaux statuant en matiére pénale et n'interdit pas le prononcé de sanctions fiscales parallélement aux sanctions infligées par le juge répressif ». Saisie & plusieurs reprises de la question de l'application du principe Ne bis in Idem, sur le fondement du Protocole n°7 additionnel & la Convention européenne des droits de 'homme, la présente juridiction a jugé dans deux décisions devenues définitives (TC 32 chambre 12 mars 2015 et 18 mars 2015) que s'il appartient au juge d'interpréter une réserve a un traité, le principe de la séparation des pouvoirs rie lui permet pas d'apprécier la validité d'une telle réserve. Elle a jugé ainsi quiil n'appartenait pas au tribunal d’écarter la réserve formulée par l'Etat frangais en marge du Protocole n® 7 additionnel a la Convention européenne des droits de l'homme, étant rappelé que les organes de la Convention européenne des droits de homme se reconnaissent compétents pour se prononcer sur la conformité a la CEDH, notamment a son article 57, dune réserve, Si ces changements de circonstances de droit résultant des décisions tant de la Cour européenne des droits de Homme que de la Cour de Justice de 'Union européenne, n'ont pas eu diincidence directe dans la jurisprudence des juridictions du fond compte tenu des éléments développés précédemment, ces Evolutions ont cependant eu des conséquences en droit national. 2.2.3.3. La jurisprudence de la Cour de cassation et du Conseil constitutionnel, postérieurement a I'arrét du 4 mars 2014 (Grande Stevens) 2.2.3.3.1.+ La jurisprudence de la Cour de cassation postérieurement a Varrét du 4 mars 2014 (Grande Stevens) En matiére fiscale, la Cour de cassation a décidé, le 3 décembre 2014, dans une affaire of Je principe invoqué était celui de la nécessité des peines (n° 14- 90.040), de ne pas renvoyer au Conseil constitutionnel une question prioritaire de constitutionnalité portant sur les articles 1741 et 1743 du code général des impots, aux motifs que « Ja question pasée ne présente pas, @ l'évidence, un caractére sérieux, dés lors que, d'une part, la procédure administrative et la procédure pénale sont indépendantes l'une de Vautre et ont des objets et finalltés différents, d'autre part, en cas de cumul entre une sanction administrative et une sanction pénale, le juge judiciaire est tenu de respecter le principe, posé par le Conseil constitutionnel, selon lequel le montant global des sanctions éventuellement prononcées ne doit pas dépasser le montant le plus élevé de lune de celles encourwes ». Cet arrét s‘inserit dans une jurisprudence bien établie de la Cour de cassation, affirmée dans un arrét du 25 juin 2014 (Crim. 25 juin 2014, n°13-87.692), rappelant le principe posé par le Conseil constitutionnel selon lequel le principe de proportionnalité des peines implique qu’en tout état de cause, le Page 16/42 montant global des sanctions éventuellement prononeées ne dépasse pas le montant le plus ¢levé de I'une des sanctions encourues (Décisions n°97- 395 DC du 30 décembre 1997, § 41 ~n°2012-266 QPC du 20 juillet 2012 — n° 2014-418 QPC du 8 octobre 2014). Le tribunal observe cependant une évolution dans la jurisprudence de la Cour de cassation en décembre 2014. En effet, si le 3 décembre 2014, la Cour de cassation a refusé la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité portant sur la conformité des articles 1741 et 1743 du Code général des impats A l'article 8 de la Déclaration des Droits de I'Homme et du Citoyen de 1789, elle a jugé, le 17 décembre 2014 (n° N14-90.043), en matiére boursigre, que « la décision de la Cour européenne des droits de I'homme du 4 mars 2014 (Grande Stevens et autres c. Italie) est de nature & constituer un changement de circonstances ». La Cour de cassation transmettait ainsi une question prioritaire de constitutionnalité qui aboutissait a une décision n°2014-453-454 QPC et 2015- 462 du 18 mars 2015 qui sera développée ci-dessous, Au surplus, dans un arrét du 28 janvier 2015 (n°14-90049), la Cour de cassation, pour transmettre une question prioritaire de constitutionnalité en matiére boursiére au Conseil constitutionnel, a jugé que «la décision de la Cour européenne des droits de Uhomme du 4 mars 2014 (Grande Stevens et autres ¢. Italie) est de nature & constituer un changement de circonstances ». Le tribunal constate, en tout état de cause que, postérieurement a ces arréts précités du 17 décembre 2014 et du 28 janvier 2015, qui peuvent étre regardés comme une prise en compte de la jurisprudence résultant de Varrét Grande Stevens du 4 mars 2014, la Cour de cassation n'a pas eu l'occasion de se prononcer sur les conséquences & tirer de la décision du Conseil constitutionnel du 18 mars 2015 en matiére fiscale, s'agissant tout particuliérement de Vapplication des dispositions de larticle 1729 et de Marticle 1741 du Code général des impdts. 2.2.3.3.2- La jurisprudence du Conseil constitutionnel postérieurement Varrét du 4 mars 2014 (Grande Stevens) Le Conseil constitutionnel avait jugé, dans une décision n°89-269 du 28 juillet 1989 sur la loi sur les prix et les revenus que « si l’éventualité d’une double procédure peut ainsi conduire a un cumul de sanctions, le principe de proportionnalité implique, qu'en tout état de cause, le montant global des sanctions éventuellement prononcées ne dépasse pas le montant le plus élevé de l'une des sanctions encourues» ; «qu'il appartiendra donc aux autorités administratives et judiciaires compétentes de veiller au respect de cette exigence », Sai 2014 de ta question du cumul de poursuites pénales, disciplinaires et Page 17/42 administratives, le Conseil constitutionnel écartait ce grief dirigé contre ce cumul des poursuites en jugeant, dans sa décision n°2014-423 QPC du 24 octobre 2014 que « le principe de la nécessité des peines ne fait pas obstacle d ce que les mémes faits commis par une méme personne puissent faire l'objet de poursuites différentes aux fins de sanctions de nature disciplinaire ou pénale en application de corps de régles distincts devant leurs propres ordres de juridictions » Dans sa décision n°2014-453-454 QPC et 2015-462 du 18 mars 2015, saisi une nouvelle fois du grief tenant & un cumul de poursuites, le Conseil constitutionnel va, selon les propres commentaires du Conseil constitutionnel parus le méme jour a l'occasion de cette décision «modifi(er) son considérant de principe en ce qui concerne le cumul de poursuites dans la mesure ois les limites constitutionnelles dun tel cumul résultent tant du principe de nécessité des peines que de celui des délits », en jugeant que «Considérant qu’aux termes de Uarticle 8 de la Déclaration des droits de Vhomme et du citoyen de 1789: "La loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires, et mul ne peut étre puni quien vertu d'une loi établie et promulguée antérieurement au délit, et légalement appliquée " ; que les principes ainsi énoneés ne concernent p seulement les peines prononcées par les juridictions pénales mais s'étendent & foute sanction ayant le caractére d'une punition ; que le principe de nécessité des délits et des peines ne fait pas obstacle a ce que les mémes faits commis par une méme personne puissent faire Vobjet de poursuites différentes aux fins de sanctions de nature administrative ou pénale en application de corps de régles distincts devant lew propre ordre de Juridiction ; que, si V'éventualité que soient engagées deux procédures peut conduire dun cumul de sanctions, le principe de proportionnalité implique quien tout éiat de cause le montant global des sanctions éventuellement Prononcées ne dépasse pas le montant le plus élevé de l'une des sanctions encourues ». Liexamen au regard, non seulement du principe de nécessité des peines, mais également du principe de nécessité des délits, emporte une vision nouvelle des conditions posées par la jurisprudence afin dapprécier si les mémes faits peuvent faire l'objet d'un cumul de poursuites Le changement du prisme du contréle et de son intensité doit en conséquence tre regardé comme un changement de circonstance de droit Si précédemment, le Conseil ne s'en tenait qu'a Yexamen du cumul des peines et des sanctions, en s'assurant seulement du respect. du principe de proportionnalité, il étend désormais ce contrdle aux poursuites dont les peines procédent nécessairement. Le tribunal constate que le Conseil constitutionnel a confirmé sa jurisprudence dans une décision n°2015-513/514/526 QPC du 14 janvier 2016 rappelant, dans son considérant n°11, lattendu de principe de la décision précitée du 18 Page 18/42 mars 2015 et la double référence au principe de la nécessité des peines et celui de la nécessité des délits, Le tribunal constate en conséquence qu'un changement de cireonstances de droit est intervenu, résultant des décisions précitées du 18 mars 2015 et 15 janvier 2016 du Conseil constitutionnel, un tel changement de circonstances de droit pouvant pouvant en effet résulter de l'évolution de la propre jurisprudence du Conseil constitutionnel (voir notamment Aécision n°2013-331 QPC du 5 juillet 2013 Société Numéricable SAS et autres), 11 apparait en conséquence nécessaire de sinterroger la question, sur le caractére sérieux de 2. Sur le caractére sérieux de la question “Les criteres posés par le Conseil constitutionnel dans sa déc! 2015 ision du 18 mars Au regard du principe général exposé dans le considérant 19 de la décision précitée du 18 mars 2015, le Conseil constitutionnel a précisé les hypothéses dans lesquelles ne peuvent étre «engagées dewx procédures pouvant conduire & un cumul de sanctions». Au regard du principe de nécessité des délits et des peines, le Conseil constitutionnel a précisé les quatre critéres cumulatifs qui, s'ils sont remplis, ne permettent pas lengagement de deux procédures pouvant conduire a un cumul de sanctions cles dispositions contesiées doivent tendre a réprimer les mémes faits (considérant 24) ; -les répressions doivent protéger | s mémes intéréts sociaux (considérant 25) ; -les faits prévus par les articles doivent étre regardés comme s faire objet de sceptibles de tions qui ne sont pas de nature différente (considérant 26) ; -la sanction encourue par l’auteur d’un manguement ou Ja sanetion encourue par [auteur d'un délit doivent relever du méme ordre juridictionnel (considérant 27) ; Selon le Conseil constitutionnel, la réunion de ces quatre critéres ne permet pas «éventualité que soient engagées deux procédures (pouvant) conduire & un cumul de sanctions » ; *Des critéres confirmés a l'identique par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 14 janvier 2016 Page 19/42 Dans sa décision n°2015-513/514/526 QPC du 14 janvier 2016, le C constitutionnel @ confirmé dans son considérant n°11 les principes posés dans sa décision du 18 mars 2015, et ce, de maniére identique, reprenant ainsi les, ctitéres d'appréciation des doubles poursuites déja posés. A cet égard, la décision du 14 janvier 2016 doit étre regardée et analy comme siinscrivant dans la continuité de la décision du 18 mars 2015, confirmant a lidentique les criteres précités, Les commentaires parus par le Conseil constitutionnel l'oce: décisions confortent cette analyse. sion de ces én application de l'article 62 de la Constitution, il appartient en conséquence au tribunal correctionnel, pour examen du caractére sérieux de la question prioritaire de constitutionnalité, dapprécier Vapplication des quatre critéres posés 2.3.1. les dispositions contestées tendent-elles d réprimer les mémes faits ? L'article 1729 du code général des impots prévoit lapplication d'une majoration en cas d’« inexactitudes ou (d’Jomissions relevées dans une declaration ou un acte comportant Vindication d'éléments & retenir pour Vassiette ou la liquidation de V'imp6t ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indiment obtenu de I'Etal ». Le comportement incriminé par larticle 1741 du méme code est similaire, en désignant « quicongue s'est frauduleusement sousirait ou a tenté de se soustraire frauduleusement & Vétablissement ou au paiement total ou partiel des impéts visés dans la présente codification, soit qu'il ait volontairement omis de faire sa déclaration dans les délais prescrits, soit qu'il ait volontairement dissimulé une part des sommes sujettes & Vimpét, soit qu'il ait organisé son insolvabilité ou mis obstacle par d'autres manwuvres. aw recouvrement de limpor, soit en agissant de toute autre maniére frauduleuse » La Direction générale des finances publiques ne conteste pas dans ses éeritures le fait que les dispositions contestées tendent a réprimer les mémes fails. Lanalyse du Procureur de la République financier ayant porté exclusivement sur le troisiéme eritére, aucun avis n'a été émis sur cette premiére condition. Pour le tribunal, il résulte suffisamment du rapprochement des articles 1729 et 1741 du Code général des impdts qu'il s‘agit, pour le législateur, de viser les mémes faits liés au comportement de celui qui, soit omet de déclarer I'impot, soit dissimule une partie des sommes sujettes a Timpdt, soit établit des déclarations inexactes, le tout pour échapper a limpot, s'y soustraire totalement ‘ou particllement ou bénéficier de la restitution par I'Etat d'une créance de nature fiscale. Page 20/42 Les dispositions contestées tendant 4 réprimer les mémes faits, la premigre condition posée par le Conseil constitutionnel apparait en conséquence rempl 2.3.2- Les répressions protegent-elles les mémes intéréts sociaux ? Si la Direction générale des finances publiques a demandé au tribunal de juger, contrairement & ce qui est soutenu dans les questions prioritaires de constitutionnalité, que les intéréts sociaux protégés par les articles 1729 et 1741 du Code général des impéts sont distinets, le Procureur de la République financier n par Ie tribunal, formulé aucune observation sur ce point. 23.2.1 Sur la place des dispositions concernées dans le code général des impots En premier licu, le tribunal releve que les articles 1729 et 1741 du code général des impéts figurent dans le méme chapitre II: « Pénalités » du livre I: « Recouvrement des impéis » La Direction générale des Finances publiques argue cependant de ce que « s'il est exact que les deux articles précités font partie du méme chapitre intitulé « pénalités » du Code général des imp6ts, (...) figurent, toujours dans ce méme chapitre « pénalités », les dispositions des articles 1727 et 1727-0A du Code général des impéts, relatives aux intéréts de retard, dont il est incontestable quils ne constituent pas des sanctions et quiils n'ont pas pour finalité de dissuader les éventuelles candidats & la fraude fiscale » Cependant, le tribunal observe que dans le chapitre II : « Pénalités », figurent au sein d'une méme section A : « Dispositions communes » trois parties : A. Intérét de retard, B. Sanctions fiscales et C, Sanctions pénales, D. recouvrement et contentieux des pénalités et solidarité et E, Mesures diverses Pour le tribunal, cette différenciation démontre suffisamment la distinction faite par le Iégislateur entre ce qui reléve des sanctions proprement dites, quelles soient fiscales ou pénales, des autres aspects inhérents au recouvrement de limpét en cas de défaillance du contribuable. Cette différenciation se manifeste au surplus au premier alinéa de l'article 1727 du Code précité qui précise : «A cer intérét (de retard) s‘ajowtent, le cas échéant, les sanctions prévues au présent code » 2.3.2.2 Sur la question des intéréts sociaux protég la Cour européenne des droits de I'Homme is dans la jurisprudence de Selon 'administration fiscale, la Cour européenne des droits de Homme a considéré, dans un arréts SEGAME c/ FRANCE du 7 juin 2012 que « ce contentieux ne faisait pas partie du noyau dur du droit pénal au sens de la Page 21/42 Convention » (considérant 54), Le tribunal constate que objet de cet arrét, en visant le fait que «ce contentiewx ne faisait pas partie du noyau dur du droit pénal au sens de la Convention ») a été de déclarer conforme 4 la Convention européenne des Droits de I'Homme le dispositif des « amendes administratives », qualifiées par la Cour de « pénalités fiscales », relevant du juge administratif, lequel dispose notamment du pouvoir de modulation de la sanction. Cest ainsi que pour la Cour, « un systéme d’amendes administratives, telles les pénalités fiscales (...) n'est pas contraire @ Varticle 6 §1 de la Convention pour autant que le contribuable puisse saisir de toute décision ainsi prise @ son encontre un tribunal offrant les garanties de cet article ». Aussi, les développements de cet arrét semblent indifférents & la résolution de la question posée au tribunal sur la définition des intéréts sociaux protégés Au surplus, a Direction générale des finances publiques vise, a I'instar de Varrét SEGAME, Iarrét JUSSILA c/ FINLANDE, Le tribunal constate que, dans cette affaire, la Cour va, dans son considérant n°43, juger que « les majorations d'impét ne faisant pas partie du noyau dur du droit pénal, les garanties offertes par le volei pénal de UVarticle 6 ne doivent pas nécessairement s‘appliquer dans toute leur rigueur », pour juget conforme a l'article 6 §1, la procédure de redressement fiscal portant sur une majoration de 10 % des droits, soumise a l'appréciation du tribunal administratif. Le tribunal reléve surtout dans cette affaire que la Cour met en exergue le caractére pénal des sanctions fiscales et le fait que les procédures fiscales visent 4 empécher la réitération de comportement délietuels. Crest ainsi que dans son considérant n°38, la Cour va juger que «les majorations d'impét ne tendaient pas & la réparation pécuniaire d'un préjudice mais visaient pour Vessentiel & punir pour empécher la réitération des agissements incriminés », que « les majorations infligées étaient fondées sur une norme poursuivant un but @ la fois préventf et répressif » , pour conelure que « cette considération suffit @ elle seule & conférer & l'infraction infligée un caractére pénal ». administration fiscale argue encore de ce que « précédemment, la Cour Européenne des Droits de I'Homme avait expressément jugé, le 11 mai 2010, dans un arrét VERSINI e/ FRANCE (requéte n°11898/05), concernant une double poursuite et pénale, que ces deux procédures, indépendantes, « ont des objets et finalités différent ». Le tribunal observe que si la Cour européenne des droits de "Homme juge en effet que «la procédure administrative et la procédure pénale sont indépendantes et ont des objets et finalités différents », clest & la lumiére de argumentation tendant soutenir que kx cour d'appel avait statué sans attendre Ja résolution du litige devant le juge administrati. Ainsi, pour la Cour européenne des droits de !'Homme, la différence d'objets et Page 22/42 de finalités est a rechercher dans le fait que « le juge administratif est le juge de Vimpét », et quia il lui appartient de rendre une décision sur Vassiete et Vtendue de Vimposition », alors que «de son cété, le juge pénal est le Juge de la fraude » et «doit rechercher, selon les termes de la Cour de cassation, si l'intéressé a échappé ou a tenté d'échapper & limpet par des manceuvres répréhensibles », pour souligner encore que « les décisions du juge administratif n'ont pas Vautorité de chose jugée a Végard du juge pénal » et quil en résulte que ec demier peut condamner un prévenu pour fraude fiseale, alors méme que le juge administratif’ a prononcé la décharge des impositions correspondantes. Il résulte cn réalité de cette décision, contrairement & ce que soutient Ia Direction générale des finances publiques, que la notion « d'objets er finalités difjérents » visés dans cet arrét ne porte en réalité que sur les différences procédurales pouvant exister entre les deux ordres de juridictions au regard de Vindépendance de l'une par rapport a l'autre Pour le tribunal, la notion « d’objets et finalités différents », tel que jugé par la Cour européenne des droits de homme, n'apparait pas avoir la méme portée et la méme signification que la notion « d'intérét social protégé », au sens de la décision du 18 mars 2015 précitée du Conseil constitutionnel. 2.3.2.3.-Sur la question de Videntité des intéréts sociaux dans la jurisprudence de la Cour de cassation 2.3.2.2.1.+ Rappel de la jurisprudence de la Cour de cassation La Chambre criminelle de la Cour de cassation a jugé, le 3 décembre 2014, (n°14-90040) que, s'agissant du cumul des poursuites attachées aux articles 1741 et 1743 du Code général des impats, la question posée ne présente pas & évidence un caractére sétieux, « dés lors que, d'une part, la procédure administrative et la procédure pénale sont indépendantes l'une de l'autre et ont des objets et finalités différents, d'autre part, en cas de cumul entre une sanction administrative et une sanction pénale, le juge judiciaire est tenu de respecter le principe, posé par le Conseil constitutionnel, selon lequel le ‘montant global des sanctions éventuellement prononcées ne doit pas dépasser Je montant le plus élevé de l'une de celle encourues » Selon 'administration fiscale, cet arrét permet de considérer que la condition de Videntité d'intéréts sociaux n'est pas remplie. Le tribunal reléve que cet arrét s Cour de cassation depuis 1968, inscrit dans une jurisprudence constante de la Cest ainsi que la chambre criminelle, dans un arrét du 16 mai 1968 (B.C n°161 p. 391) a jugé que « Les poursuites pénales instaurées sur les bases de Varticle 1741 du Code général des impéts et la procédure administrative tendant a la fixation de Vassieute et de V'étendue des impositions sont par leur nature et leur objet différentes et indépendantes l'une de Vautre » et que « le Page 23 /42 Juge répressif saisi d'une infraction prévue et réprimée par ledit article 1741 n'a done pas & surseoir & statuer jusqu'a ce que la juridiction administrative ait rendu sa décision » Le 9 janvier 1969, la Chambre criminelle va encore juger que « Les poursuites exereées par l'administration fiscale (Contributions directes) sur la base de Varticle 1741 du Code général des impéts ex article 1835, ne sauraient Gteindre action de Vadministration pour les infractions spéciales qui ont pu concourir & caractériser matériellement les premidres poursuites » (B.C. n°20, p. 39) La Cour de cassation, dans un arrét du 9 avril 1970 (n°68-92282) a de nouveau jugé que : « les poursuites pénales instaurées sur les bases de Varticle 1741 du Code général des impéts et la procédure administrative tendant a la fixation de lassiette et de V’étendue des impositions sont, par leur nature et leur objel, différentes et indépendantes l'une de Vautre », et « que la mission du juge qui se prononce sur une poursuite intentée en vertu de Varticle 1741 se borne & rechercher si le prévenu a échappé ou a tenté d’échapper @ Vimpét par des mancuvres répréhensibles et pour des sommes dépassant la tolérance légale ; que si, avant qu'il se soit prononcé sur ces points, intervient une décision de la Juridiction administrative par laquelle sont définitivement annulés les titres de perception établis, sur rehaussements, par V'administration des impéts, cette décision ne fait pas obstacle & une condamnation par le juge répressif sur la base de Narticle 1741 susvisé ». La Chambre criminelle ajoute « gu’en effet la Juridiction administrative ne se prononce que selon les regles de preuve qui lui sont propres et quiau regard d'une imposition poursuivie sur un titre de perception, alors que dans les poursuites pénales, la dissimulation peut étre dtablie par tous les moyens de preuve concourant a former la conviction des juges : que dés lors la décision administrative ne peut avoir au pénal l'autorité de la chose jugée, qu'elle ne ‘impose pas aux juridictions correctionnelles, qui ne sauraient étre tenues d'en déduire que le contribuable ainsi exonéré n'en a as pour autant fraudé ou tenté de frauder » Ces différents arréts vont forger la jurisprudence de la Cour de cassation. Ainsi, peuvent étre mentionnés notamment les arréts du 27 février 1974 (B.C. n°85, p. 209) ou 20 juin 1996, (B.C. n°268, p. 806), espéce dans laquelle la Cour de ssation va confirmer une cour d'appel ayant jugé que « les poursuites pénales du chef de fraud fiscale, qui visent & réprimer des comportements délictueux tendant a la soustraction @ limpét, ont une nature et un objet différents de ceux poursuivis, par 'Administration, dans le cadre du contréle fiscal et qui tend au recowvrement des impositions éludées » Dans un arrét du 6 novembre 1997 (n°96-86127), cité par Administration fiscale dans ses conclusions (page 10), la Chambre criminelle réitére sa jurisprudence en jugeant une nouvelle fois que « les poursuites pénales du chef de fraude fiscale, qui visent a réprimer des comportements délictuewx tendant 4 la soustraction & V'impét, ont une nature et un objet différents de ceux des poursuites exereées par administration, dans le cadre du contréle fiscal, qui tendent au recouvrement des impositions éludées », Page 24 / 42 De cette indépendance des procédures, la Cour de cassation tirera les conséquences procédurales suivantes ~ dans un arrét du 9 avril 1970 (n°68-93615), elle énonce que « Le juge répressif, saisi de poursuites pour fraude fiscale, n'est pas tenu de prendre en considération les décisions des juridictions administratives qui déterminent lassiette et I'étendue d'impositions contestées », position quelle réitérera le 18 novembre 1976 (B.C. n°332, p. 847), ct le 10 mars 1986 (RJF 7/86, n°742), Dans un arrét du 23 novembre 1995, la Cour de cassation précise que « le juge pénal n'a pas d attendre la décision du juge administratif’ pour se Prononcer sur le délit de fraude fiscale et qu'il peut ainsi condamner le prévenu pour fraude fiseale alors méme que le juge administratif a prononeé la décharge des impositions correspondantes » (RIF 11/96. n°1353)(tous ces arréts sont cités dans la décision VERSINI a son considérant n°38), ~ dans un arrét du 12 mai 1976, la haute juridietion souligne que le juge pénal ne peut se contenter dasscoir sa décision « en fondant l'existence de ces dissimulations sur les seules évaluations que Vadministration a été amenée & faire, selon ses procédures propres pour établir des valeurs d'assiette en vue de rehaussemem doffice » (Cass. Crim, 12 mai 1976, n°75.91792), position réitérée dans un arrét du 27 février 1978 (B.C. 1979, n°74 p. 183), 2.3.2.2.2. Position du tribunal sur la notion d'intéréts sociaux protégés I résulte de l'ensemble de ces éléments rappelés ci-dessus que la jurisprudence de la Cour de cassation siinscrit dans une logique procédurale et dindépendance des procédures qui justifie qu’elles puissent chacune étre continuées sans que l'une puisse interférer sur le déroulement de l'autre et Permettant, dans le respect du principe de proportionnalité, le cumul des sanctions Le tribunal note en outre que la notion de finalité différente est apparue, pour la premiere fois, dans l'arrét du 3 décembre 2014 précité. Aussi, il n'apparait pas suffisamment que, par cet arrét, la Cour de cassation ait voulu marquer que Tindépendance des procédures impliquait une différence d'intérét social protégé, En effet, il apparait pour le tribunal que la notion d'intéréts sociaux protégés, telle qu'utilisée par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 18 mars 2015, dépasse la seule logique de procédure, pour s'inscrire dans une logique Iégislative destinée a mettre en lumiére, pour l'analyse des dispositions contestées devant lui, les intéréts sociaux que le législateur a entendu consacrer par l'adoption d'une loi. effet, le Conseil constitutionnel a jugé que « la répression du manquement dinitié et celle du délit dinitié poursuivent une seule et méme finalité de protection du bon fonctionnement et de l'intégrité des marchés financiers ; que Page 25 / 42 ces répressions d'atteintes portées d Vordre public économique s'exercent dans les deux cas non seulement & l'égard des professionnels, mais également & Végard de toute personne ayant utilisé illégalement une information privilégiée que ces deuce répressions protégent en conséquence les mémes intéréts sociaux » Pour le Conseil constitutionnel, et au regard de la décision du 18 mars 2015, Fintérét social s'identifie d'une part, en considération de la finalité des ordres sanctionnateurs et, d'autre part, en considération du champ dapplication aux personnes concernées. 2.3.2.2.2.1.- Sur la finalité au sens de la décision du Conseil constitutionnel du 18 mars 2015 Lorsque dans son considérant 25, le Conseil constitutionnel évoque la finalité poursuivie par les dispositions contestées devant lui en matiere boursiére, il inscrit cette notion dans l'ordre public qui est protégé par celle-ci, a savoir, en lespéce, ordre public économique. Il se déduit, sous ce prisme, de l'analyse des dispositions tant de l'article 1729 du Code général des impéts que de article 1741 du méme Code, que leur finalité, au sens de la décision du 18 mars 2015 du Conseil constitutionnel doit tre recherchée au regard de ordre public protégé, a savoir Vordre public fiscal, qui tend a prévenir et réprimer la fraude et l'évasion fiscale, En effet, tant les majorations prévucs a l'article 1729 du Code général des impéts que les infractions résultant de l'article 1741 du méme Code tendent a la prévention et la répression de la fraude fiscale, ae Cette analyse est confortée tant par | prudence du Conseil d'l:tat que par celle du Conseil constitutionnel, S'agissant de l'article 1729 du Code général des impéts, le tribunal reléve que le Conseil d'fitat a jugé que les pénalités fiscales répondent a des « objectifi le prévention et de répression de la fraude et de V'évasion fiscales (arrét du 23 juillet 2014 ~ n°359902 ; arrét du 23 juin 2014, n°352990 ; artét du 9 avril 2014, n°359913 ; arrét du 17 juillet 2013, n°356523 et n°360706). Le conseil constitutionnel, dans sa décision précitée n°2010-103 QPC du 17 mars 2011 a considéré, s‘agissant de la majoration de 40 % prévue a Varticle 1729 du Code général des impots que « l'article 1729 du code général des impots vise, pour assurer l'égalité devant les charges publiques, a améliorer la prévention et @ renforcer la répression des insuffisances volontaires de déclaration de base d'imposition ow des éléments servant & la liquidation de Iimpét » et que « la disposition contestée institue une sanction financiére dont Ja nature est directement liée & celle de Vinfraction » Page 26 / 42 Le tribunal note au surplus que cette analyse rejoint celle de la Cour européenne des droits de 'Homme dans sa décision précitée VERSINI dans laquelle elle juge que « les majorations d'impét ne tendaiem pas & la réparation pécuniaire d'un préjudice mais visaient pour l'essentiel & punir Pour empécher la réitération des agissements incriminés, qu’elles étaient fondées sur une norme de caractére général dont le but était @ la fois préventif et répressif ef que les montants exigés de ce chef revétaient une ampleur considérable » et celle du Conseil d'Etat, qui a considéré dans un avis du 31 mars 1995 que sont des sanctions fiscales, les pénalités, majorations ou amendes «qui présentent le caractére d'une punition tendant & empécher la réitération des agissements qu'elles visent et n'ont pas pour objet la seule réparation pécuniaire d'un préjudice». Si la vocation premiére des procédures fiscales est le recouvrement de l'impét, tcl n'est pas le cas des majorations prévues qui ne visent pas recouvrer limpot mais, dans ce processus de recouvrement, & dissuader, sanctionner et prévenir les comportements de fraude fiscale et d'évasion fiscale, ce qui constitue la méme finalité que les infractions pénales, Cette analyse rend en conséquence inopérante la distinction opérée par la DGFIP dans ses conclusions (page 11) selon laquelle, devant le juge pénal, «crest Vatteime auc intéréts de la société dans son ensemble qui est poursuivie » et devant Vadministration fiscale, « c'est atteine aw systeme Jiscal national et aux intéréts de l'Etat gui est poursuivie». Au surplus, la Direction générale des finances publiques soutient que la diffrence d'objet et de finalité résulte encore du fait que la procédure pénale se caractérise par la volonté du législateur de tui donner un caractere dexemplarité, du fait du caractére public de laudience, - qui s‘oppose au caractére secret de la procédure fiscale — et de la possibilité pour le juge pénal dordonner laffichage et la diffusion de sa décision, Pour le tribunal, si cette différence illustre encore les spécificités propres de chaque procédure, selon quielles soient conduites par Vautorité administrative ou par Tautorité judiciaire, elle ne saurait pour autant caractériser une diflérence dintérét social protégé. 2,3.2.2.2.2.- Sur le groupe social concerné Appliquant les critéres relevés dans le considérant n°25 de la décision précitée du 18 mars 2015, le tribunal reléve que les deux champs de répression ont vocation a stappliquer & toute personne, contrairement aux procédures isciplinaires ordinales ou administratives tendant A réguler un secteur et les seules personnes participant a l'activité de celle-ci. En définiti , les intéréts sociaux protégés par les sanctions fiscales, Page 27/42 prévues @ l'article 1729 du Code général des impéts, sont similaires aux intéréts sociaux protégés par l'article 1741 du Code de général des impéts, 4 savoir la prévention et la répression de la fraude fiscale et de lévasion fiscale. L objectif d'ordre con: itutionnel Dans sa décision 99-424 DC du 29 décembre 1999, s'agissant de l'article 1728 du Code général des impéts, le Conseil constitutionnel a jugé quil appartenait au législateur d'assurer la conciliation de lobjectif de valeur constitutionnelle de lutte contre la fraude fiscale, qui découle nécessairement de l'article 13 de la Déclaration de 1789, avec le principe énoncé par son article 8, aux termes duquel : «La loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires et nul ne peut étre pubi qu’en vertu d'une loi établie et promulguée antérieurement au délit, et légalement appliquée ». Lobjectif de valeur constitutionnelle de lutte contre la fraude fiscale a encore &té rappelé dans la décision 99-424 DC du 29 décembre 1999, 2001-457 DC du 27 décembre 2011, 2003-489 DC, du 29 décembre 2003, 2009-597 DC et 2009-598 DC du 21 janvier 2010, Dans sa décision 2010-16 QPC du 23 juillet 2010, le Conseil constitutionnel a également jugé que la lutte contre i'évasion fiscale constituait un objectif constitutionnel, précisant dans sa décision 2010-70 QPC du 26 novembre 2010, quil découlait de lobjectif de lutte contre la fraude fiscale. Le Conseil constitutionnel a par la suite inscrit cet objectif dans sa jurisprudence (voir les décisions 2011-638 DC, du 28 juillet 2011, 2012-236 QPC du 20 avril 2012, 2013-679 DC du 4 décembre 2013, 2013-684 DC du 29 décembre 2013). Le Conseil constitutionnel a récemment rappelé T'objectif a valeur constitutionnelle de lutte contre la fraude fiscale et l'évasion fiscale dans sa décision n°2015-481 QPC du 17 septembre 2015, 2.3.3.- Les faits prévus par les articles en cause doivent-ils étre regardés comme susceptibles de faire Vobjet de sanctions qui ne sont pas de nature différente ? Il importe, pour le tribunal, au regard des decisions précitées du Conseil constitutionnel des 18 mars 2015 et du 14 janvier 2016, d'examiner si les faits prévus par les articles 1729 et 1741 du Code général des impéts doivent étre regardés comme susceptibles de faire Vobjet de sanctions qui ne seront pas de nature différente. Sur la notion de « sanctions qui ne sont pas de nature différente », le tribunal releve les propres commentaires du Conseil constitutionnel & l'occasion de la décision précitée du 18 mars 2015 (page 23) selon lesquelles « ce n'est (..) Page 28 / 42 pas la coexistence de dewt arsenaux répressifs d'une grande sévérité qui suffit & considérer que les sanctions encourues ne sont pas de nature différente, mais le fait que chaque " ordre sanctionnateur "dispose de sanctions qui, quoique différentes, peuvent étre regardées comme d'une sévérité équivalente ». A Voccasion de la décision précitée du 14 janvier 2016, le Conseil constitutionnel a rappelé dans ses propres commentaires (page 20) la nécessité d'évaluer I'équivalence de sévérité, indépendamment du fait que coexistent deux arsenaux répressifs, en eux-mémes d'une grande sévérité, Le tribunal reléve, pour la période des faits concemés, soit au cours des années 2010 & 2012, que l'article 1741 du Code général des impats prévoit des niveaux de répression différents 2.3.3.1- Sur le niveau de sévérité de Warticle 1741 du Code général des imports du let janvier 2010 (en vigueur depuis le 14 mai 2009) jusqu'au 16 mars 2012 *37500 euros d'amende *emprisonnement de 5 ans *privation des droits civiques, civils et de famille “publication automatique du jugement (devenant & compter du 16 mars 2012 une possibilité pour le tribunal, suite a la déclaration d'inconstitutionnalité du 4éme alinéa de l'article 1741 du Code général des impéts) -du 16 mars 2012 au 31 décembre 2012 (en vigueur jusqu'gu 13 octobre 2013) *500000 euros d'amende (750000 euros si fausses factures) *emprisonnement de 5 ans La peine est aggravée a 1 000 000 euros d'amende ef 7 ans d'emprisonnement lorsque les faits ont été réalisés ou facilités au moyen soit de comptes ouverts ou de contrats souscrits auprés dorganismes établis dans un territoire qui n'a pas conclu avec la France, depuis au moins moment des faits, une convention dassistance administrative permettant Véchange de tout renseignement nécessaire & l'application de la législation fiscale frangaise, soit de l'interposition de personnes physiques ou morales ou de tout organisme, fiducie ou institution comparable établis dans l'un de ces Etats ou territoires *privation des droits civiques, civils et de famille *possibilité d'ordonner l'affichage de la décision Selon le Procureur de la République financier, en plus des sanctions prévues Farticle 1741 du Code général_des impéts, il _y a licu_de prendre en compte d'autres peines pouvant étre prononcées par le juge pénal : ~ Larticle 1750 du code général des impéts prévoit ainsi, & titre de peine Page 29 / 42 de complémentaire, et pour une durée may récidive : imum de trois ans, ou six ans en cas * linterdiction dexercer, directement ou par personne interposée, pour son compte ou le compte d'autrui, toute profession industrielle, commerciale ou libérale, ¢ la suspension du permis de conduire un véhicule automobile, en autorisant le cas échéant le condamné a faire usage de son permis pour Texercice d'une activité professionnelle. -Le Procureur de la République financier prévise également qulen application des dispositions de droit commun prévues a I'alinéa 1° de Varticle 131-21 du code pénal, la confiscation de tout bien immobilier ou mobilier peut étre prononeée et que par ailleurs, au titre de article 131-21, alinéa 5 du code pénal, lorsque une infraction, punie d'au moins cing ans d'emprisonnement, a procuré un profit direct ou indirect, la confiscation peut porter sur les biens meubles ou immeubles, quelle qu'en soit la nature, divis ou indivis, appartenant au condamné ou, sous réserve des droits du propriétaire de bonne foi, dont il a la libre disposition, lorsque ni le condamné, ni le propriétaire, mis en mesure de Seexpliquer sur les biens dont la confiscation est envisagée, n'ont pu en justifier Vorigine, ~ Le Procureur de la République financier ajoute qu’en eas de condamnation pénale pour fraude fiscale, la contrainte judiciaire prévue par larticle 749 du code de procédure pénale, s'applique et vient sanctionner lourdement le non paiement des amendes pénales. Pour le Procureur, « Si la contrainte judiciaire ne constitue pas en tant que telle une peine supplémentaire encourue, son existence est de nature a modifier séricusement le régime des sanctions financiéres encourues sur le plan pénal », - Le Procureur de la République financier expose enfin que d'autres sanctions sont encourues en cas de condamnation pour fraude fiscale conformément a article 8 de Tordonnance n° 2005-649 du 6 juin 2005 relative aux marchés passés par certaines personnes publiques ou privées non soumises au code des marchés publics, ne peuvent soumissionner a un marché passé par un pouvoir adjudicateur défini a 'article 3 ou par une entité adjudicatrice définie l'article 4, les personnes qui ont fait l'objet, depuis moins de cing ans, d'une condamnation définitive pour l'une des infractions prévues [...] par l'article 1741 du code général des impéts. Toute condamnation pénale de l'entreprise ou du chef d'entreprise pour fraude fiscale, en application de article 1741, entraine la caducité du plan dapurement obtenu en application des dispositions de l'article 32 de la loi n°2009-594 du 27 mai 2009 (loi sure développement économique des outre-mer). Page 30/42 2.3.3.2, impots Sur le niveau de sévérité de Varticle 1729 du Code général des Larticle 1729 du Code général des impdts prévoit lapplication d'une majoration de : - 40 % en cas de manquement délibéré ~ 80 % en cas dlabus de droit au sens de larticle L 64 du livre des procédures fiscales; elle est ramenée a 40 % lorsqu'il n'est pas établi que le contribuable a ¢u Finitiative principale du ou des actes constitutifs de Tabus de droit ou en a été le principal bénéficiaire ; cas de manceuvres frauduleuses ou de dissimulation d'une partie du dans un contrat ou en cas d'application de l'article 792 bis Le tribunal observe a ce stade du jugement que si le Conseil constitutionnel a 4 amené a statuer sur la question de la proportionnalité des amendes fiscales, il n'a pas, pour autant, examiné cette question sous I'angle des doubles poursuites Ainsi, le Conseil Constitutionnel a été saisi par le Conseil d'Etat d’une question priotitaire de constitutionnalité portant sur l'article 1736 du code général des imp6ts qui institue une amende fiscale égale 4 50 % des sommes déclaré destinge 4 sanctionner le non-respect d obligations de déclaration de versement mises A la charge de personnes identifiées par le Iégislateur comme des “tiers déclarants". La requérante faisait valoir que ce texte méconnaissait les Principes de nécessité, de proportionnalité et d’individualisation des peines garantis par larticle 8 de la Déclaration des droits de homme et du citoyen de 1789. Le Conseil a retenu, dans sa décision n°2012-267 QPC du 20 juillet 2012, que «la disposition contestée sanctionne le non respect d'obligations déclaratives permetiant @ Vadministration fiscale de procéder aux recoupements nécessaires au contréle du respect, par les bénéficiaires des versements qui y sont mentionnés, de leurs obligations fiscales, qu'en fixant 'amende encourue par Vauteur des versements en proportion des sommes versées, le législateur a poursuivi un but de lutte contre la fraude fiscale qui constitue un objectif de valeur constitutionnelle ; quil a proportionné la sanction en fonction de la gravité des manquements réprimés appréciée & raison de Uimportance des sommes non déclarées ; que le taux de 50 % retenu n'est pas manifestement disproportionné ; que, par suite, le grief tiré de la méconnaissance de Varticle 8 de la Déclaration de 1789 doit étre écarté » Saisi de deux questions prioritaires de constitutionnalité relatives aux majorations fiscales de 40% prévues par les articles 1728 et 1729 du CGI (en cas respectivement de non-déclaration aprés mise en demeure et de mauvaise foi du contribuable), et posant done Ja question des amendes a taux unigue et fixe, le Conseil, par deux décisions du 17 mars 201 1, a déclaré les articles en cause conformes a la Constitution, dans les termes quasiment similaires dans les deux décisions Page 31/42 «5. Considérant (..) que le principe d'individualisation des peines (...) implique que la majoration des droits, lorsqu’elle constitue une sanction ayant le caractére d'une punition, ne puisse étre appliquée que si V'administration, sous le contréle du juge, I'a expressément prononcée en tenant comple des circonstances propres d chaque espéce ; qu'il ne saurait toutefois interdire au législateur de fixer des régles assurant une répression efficace des infractions (...) »; « 7. Considérant que la disposition contestée institue une sanction financidre dont la nature est directement lige d celle de I'infraction ; que la loi a elle~ méme assuré la modulation des peines en fonction de la gravité des comportements réprimés ; que le juge décide, dans chaque cas, apres avoir exereé son plein contréle sur les faits invoqués et la qualification retenue par Vadministration, soit de maintenir la majoration effectivement encourue au taux prévu par la loi, soit de lui substituer un autre taux parmi ceux prévus par les autres dispositions de Varticle 1728 s'il Vestime légalement justifié, soit de ne laisser a la charge du contribuable que les intéréts de retard, s'il estime que ce dernier ne s'est pas abstenu de souscrire une déclaration ou de déposer un acte dans le délai légal ; qu'il peut ainsi proportionner les pénalités selon la gravité des agissements commis par le contribuable ; que le tae de 40 % n'est pas manifestement disproportionné ». wee Sur les majorations prévues 4 Varticle 1729 du Code général des impots, le Procureur de Ja République financier précise que : «Le montant des majorations au titre de Vimpét de solidarité sur la fortune demeure strictement proportionnel au montant des droits éludés, eux-mémes estimés au regard de Vimportance du patrimoine du contribuable Conformément aux dispositions de Varticle 885 U du code général des impéts, le tarif de Vimpot de solidarité sur la fortune est fixé aw regard d'un pourcentage de la valeur nette taxable du patrimoine, pourcentage qui s'éldve au maximum & 1,8 %, La majoration fiscale applicable atteint ainsi au maximum 1,44 % de la valeur nette du patrimoine. Il en résulte que la majoration fiscale ne constitue jamais une sanction de grande sévérité, dans la mesure oii elle représente toujours une fraction du patrimoine du contribuable, fraction qui ne peut jamais dépasser 1,44 % Méme si la majoration peut constituer en valeur absolue un ‘montant important, elle demeurera en tout état de cause faible au regard de la surface financiére et immobiligre de la personne ». 2.3.3.3. Sur la mesure de U'équivalence de sévérité Selon M. Jérome CAHUZAC, « en considération de sa décision du 14 janvier 2016, le conseil constitutionnel pourrait apprécier différemment les dispositions de Varticle 1741 du code général des impéts antérieures au 16 Page 32/42 mars 2012, et celles postérieures cette date qui prévoient une sanction Jusqu’a dix fois supérieure. En tout état de cause, les dispositions antérieures & cette date sont de toute évidence de meme sévérité que la sanction fiscale, et le conseil constitutionnel_n'a pas dégagé de seuil qui permetrait automatiquement de considérer que les dispositions postérieures ne le sont pas. Par principe, la majoration de 80% du montant éludé s‘avere étre particuligrement sévere, » La Direction générale des finances publiques soutient que « ces sanctions sont incontestablement de nature différente, puisque l'amende pénale n'est pas corrélée au moment de la fraude et est plafonnée, a inverse de la pénalité Aiscate, dont le montant dépend de l'impot redressé et peut done varier tres sensiblement », Le tribunal rappelle tes développements précédents selon lesquels il importe de mesurer si les sévérités institués par chacun des ordres sanctionnateurs peuvent étre regardées comme de sévérité équivalente. En effet, il ne résulte pas, en l'état des décisions du Conseil constitutionnel, que la seule différence tenant & ce que l'amende fiscale soit proportionnée et Ia sanction pénale, plafonnée, suffise & caractériser la difference de nature de sanction, Le Conseil constitutionnel mesure la gravité respective des deux arsenaux répressifs 'un par rapport a l'autre, et ce n'est que dans 'hypothese oit leur sévérité se révéle équivalente que les sanctions peuvent étre considérées comme étant de méme nature. A cet égard, le tribunal observe quien la matigre, lappréciation de léquivalence de sévérité est fonction de limportance des droits éludés, puisquelle conditionne le montant des majorations de article 1729 du Code général des impots ILy a lieu de relever, au demeurant, que le si le juge pénal, faisant application de article 1741 du Code général des impéts, a le devoir de personnaliser la peine prononcée en application du principe d'individualisation des peines, la Chambre commerciale de la Cour de cassation a jugé, le 29 avril 1997 (n295- 20001), s‘agissant de l'application de l'article 1729 du Code général des impdts que le juge judiciaire, lorsqu’il est compétent pour se prononcer sur cette majoration fiscale, doit moduler le montant des pénalités fiscales en considération des circonstances de I'espéce et du comportement du contribuable La Cour de cassation, a par la suite précisé, dans un arrét du février 2000 (Bull. IV, n° 39) «qu'il résulte de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de Vhomme qu'un systéme de majorations d'impét ne se heurte pas & Page 33/42 Varticle 6 de la Convention pour autant que le contribuable puisse saisir de toute décision ainsi prise & son encontre un tribunal offrant les garanties de ce texte ; que la majoration prévue par Varlicle 1728-3 du Code général des impots constitue une sanction ayant le caractére d'une punition ; que, des lors, bien que cette disposition n'ait pas institué Vencontre de la décision de administration un recours de pleine juridiction permettant au tribunal de se prononcer sur le principe et le montant de 'amende, il résulte de Varticle 6, paragraphe I,susvisé que U'application de article 1728-3 doit Gre dans cee mesure écartée et qu'il appartenait dés lors au tribunal, sur le fondement de Varticle 6, paragraphe 1, précité, de se prononcer en lespece sur le principe et le montant de l'amende » En tout état de cause, indépendamment méme de Ia période des faits 4 prendre en considération, & savoir du 1° janvier 2010 au 16 mars 2012 ou du 16 mars 2012 au 31 décembre 2012, le tribunal constate que la sévérité de larticle 1729 du Code général des impsts dépend de l'importance des droits éudés, sur la base desquels Ia majoration sera appliquée. “Sur la question de la prise en compte des sommes CAHUZAC ersées par M, et Selon les éléments communiqués par I'administration fiscale, la pénalité fiscale appliquée & M. et Mme CAHUZAC pour l'impat de solidarité sur la fortune Stest dlevée a 46 553 euros pour les trois années visées par la prévention. Pour 'administration fiscale, « un tel montant de pénalité est (...) sans rapport avec les peines encourues au plan pénal », précisant & Vaudience « qu'il y avait liew de tenir compte de la réalité d'un dossier ». Au titre de "examen d'une question prioritaire de constitutionnalité qui constitue un contentieux objectif, le tribunal ne saurait, pour l'examen d'une disposition législative, prendre en considération les seuls faits de Nespéce, et done les montants des sanctions fiscales prononcées i Nencontre de M. et de Mme CAHUZAC, mais se doit de procéder 4 un examen général de la norme dont la constitutionnalité est eontestée. En effet, s'en tenir a une appréciation lige strictement aux faits de la prévention ne serait pas conforme au réle que le Iégislateur organique a config au juge du fond dans le premier examen tenant au caractére sérieux du moyen de constitutionnalité “Sur la question de la disproportion ou de l'équivalence de sévérité entre les Sanctions prévues a Varticle 1741 du Code général des impéts et de Varticle 1729 Selon le Procureur de la République financier, « une personne poursuivie sur te plan pénal du chef de fraude fiscale & I'impét de solidarité sur la fortune et de contribution exceptionnelle sur ta fortune encourt, au minimum, sept Page 34 / 42 sanctions de nature différente : un emprisonnement de 5 ans (voire 7 ans), une amende de 37 500 € (voire jusqu’a un million d'euros), la privation des droits civiques, civils et de famille, Vinterdiction d'exercer toute profession, la suspension du permis de conduire, la confiscation de tous biens mobiliers et immobiliers et l'interdiction de postuler @ un certain nombre de dispositifs HI s‘agit de sanctions particuliérement attentatoires aux droits essentiels d'une personne (liberté d'aller et venir, droit de propriété, droit au travail et droit de Participer a la vie de la collectivité). Sur le plan fiscal, la personne poursuivie encourt uniquement une sanction de nature financiére, demeurant, quelle que soit 'hypothese, modérée au regard de l'étendue de son patrimoine » La Direction générale des finances publiques fait part 4 l'audience de ses interrogations quand a la mise en rapport entre une sanction pécuniaire et une peine demprisonnement. Sur cet argument, le tribunal rappelle que dans sa décision du 18 mats 2015, le Conseil constitutionnel a procédé a une telle mise en rapport, considérant qu’ un certain niveau de sévérité, une relation d'équivalence pouvait exister entre une peine demprisonnement et une sanction pécuniaire. A cet égard, le Procureur de la République financier a, dans ces réquisitions orales a indiqué, Sagissant de la décision du 18 mars 2015, que « 10 millions d'euros, pouvaient correspondre pour le Conseil constitutionnel @ 2 ans d'emprisonnement et 1, 5 millions deuros », reconnaissant qu'un rapport d'équivalence avait éé établi par le Conseil constitutionnel entre une amende et une peine d'emprisonnement Sragissant de l'argument avaneé tenant & la prise en compte de l'ensemble des peines complémentaires, le tribunal observe que le Conseil constitutionnel, dans ses décisions du 18 mars 2015 et 14 janvier 2016 n'a pas pris en considération ensemble de arsenal répressif encouru pour la mesure déquivalence. En effet, si la peine de dissolution de la personne morale a été prise en compte — au regard certainement de la peine d'emprisonnement pour la personne physique -, le Conseil constitutionnel n'a pas tenu compte notamment de la peine de confiscation En tout état de cause, et indépendamment méme de la question de la prise en compte de l'ensemble des sanctions de l'ordre sanctionnateur pénal, il apparait que l'analyse de I'équivalence de sévérité entre l'article 1729 du Code général des impots d'une part et Marticle 1741 de ce méme code d'autre part, se heurte 4 la variabilité des droits éudés dont dépend le montant des majorations. II n'est done pas possible de déterminer la sévérité intrinséque de article 1729 du Code général des impéts. En outre, l'argument selon lequel la majoration de 80 % ne peut atteindre que 1, 44 % de la valeur netle du patrimoine ne répond quimparfaitement la Page 35 / 42 question posée de I'équivalence de sévérité -la valeur d'un patrimoine pouvant étre d'une importance considérable, il ne saurait étre prétendu que 1, 44 % de cette valeur totale serait nécessairement inférieur aux sanctions pénales encourues, ~ procéder au rapport d'équivalence entre le patrimoine total d'une personne et le fait que la sanction ne correspond qu'a une inlime partie de ce pattimoine ne correspond pas & l'opération de mesure d'équivalence auquel le Conseil constitutionnel demande de procéder. En effet, il ne s'agit pas de comparer la sanction fiscale au patrimoine, mais la sanction fiscale la sanction pénale. En conséquence, le tribunal constate que si les sévérités respectives de deux ordres sanctionnateurs ne sont pas toujours équivalentes, compte tenu de Ia variabilité des droits éudés d'une situation a Mautre, elles peuvent cependant 'étre dans certaines situation: Lorsque le montant des droits éludés et le patrimoine du contribuable sont trés importants, l'application de la majoration de 40 % et de 80 %, méme plafonnées 4 1, 44 % du patrimoine en application de article 885-U du Code général des impéts, aboutit 4 une sévérité tout aussi équivalente que la peine d'amende et la peine d'emprisonnement prévues a l'article 1741, auxquels s'ajouteraient le cas échéant d'autres peines résultant de Varsenal répress Le tribunal doit done prendre en compte, dans son analyse, Ia potentialité de sévérité de l'article 1729 du Code général des impéts qui ne connait aucune limite théorique puisque le montant des droits éudés et le patrimoine d'une personne peuvent étre d'une ampleur exceptionnelle. Léquivalence de sévérité des sanctions peut done exister dans les hypothéses de répressions prévues a l'article 1741 du Code général des impéts dans sa version applicable au 16 mars 2012. Cette équivalence apparait aussi possible postérieurement au 16 mars 2012 - contrairement a ce que soutient administration fiseale s‘appuyant sur les commentaires d'un auteur - puisque, s‘agissant de la pénalité proportionnelle prévue a l'article 1729 du Code ge s impéts, elle peut se révéler d'une. extréme sévérité, au point que demprisonnement et d'amende encourues, assorties le cas échéant des peines complémentaires, pourront étre regardées comme d'une sévérité équivalente Au surplus, s'en tenir a argumentation de administration fiseale et du Parquet national financier s'attachant aux montants éludés des faits de Nespdce, non seulement est contraire A Mesprit de Minstitution de la question prioritaire de constitutionnalité, mais aboutirait A la si inguliére situation tenant a ce que, pour une méme version des textes applicables au méme moment, les doubles poursuites pourraient étre regardées, selon les procédures concernées, tant6t comme conformes a la Constitution, tantét Page 36 / 42 contraires a celle-ci, La constitutionnalité d'une disposition ne saurait dépendre des faits d'une espéce, sauf A admettre une forme de constitutionnalité a géométri variable. En cet état, le tribunal constate que les faits prévus et réprimés par les articles 1729 et 1741 du Code général des impéts, en ce quiils peuvent aboutir dans certains cas A des sévérité équivalentes, doivent étre regardés comme susceptibles de faire l'objet de sanctions qui ne sont pas de nature différente 2.3.4.- La sanction encourue par auteur d’un manquement ou la sanction encourue par Vauteur d’un délit reléve-t-elle du méme ordre juridictionnel ? Selon M. CAHUZAC et Mme CAHUZAC, en matigre dimpot de solidarité sur la fortune et de contribution exceptionnelle sur la fortune, le juge judiciaire est compétent pour prononcer la sanction pénale fondée sur Particle 1741 du code général des impéts, et pour juger le contentieux _opposant Padministration fiscale et le contribuable concernant l'application de Particle 1729 de ce code Stagissant de Varticle 1741 du Code général des impats : Le juge judiciaire est compétent pour prononcer la sanction pénale. Stagissant de Varticle 1729 du Code général des impé1s Il résulte de larticle L199 du Livre des procédures fiscales qu' «en matiére dimpéts directs et de taxes sur le chiffre d'affaires ou de taxes assimilées, les decisions rendues par administration sur les réclamations contentieuses et qui ne donnent pas entiére satisfaction aux intéressés peuvent etre portées devant le tribunal administratif. Il en est de méme pour les décisions intervenues en cas de contestation pour la fixation du montant des abonnements prévus & Varticle 1700 du code général des impéts pour les établissements soumis @ V'impét sur les spectacles. En matiére de droits denregistrement, de taxe de publicité fonciére, de droits de timbre, de contributions indirectes et de taxes assimilées a ces droits, taxes ou contributions, le tribunal compétent est le tribunal de grande instance. Les tribunaux de grande instance statuent en premier ressort. Un décret en Conseil d'Etat fixe les modalités d'application ». Liarticle 885 D du Code général des impots dispose que « l'impér de solidarité sur la fortune est assis et les bases d'imposition déclarées selon les mémes rrégles et sous les mémes sanctions que les droits de mutation par décés sous iserve des dispositions particuliéres du présent chapitre ». Enfin, selon article 4 de la loi n°2012-958 du 6 aotit 2012 de finances rectificative pour 2012 instituant la contribution exceptionnelle sur [a fortune, Page 37/42 «la contribution est établie, contrélée et recouvrée selon les mémes procédures et sous les mémes sanctions, garanties et priviléges que l'impot de solidarité sur la fortune ». Il résulte de ces dispositions que les sanctions fiscales _prononeées en application de l'article 1729 du Code général des impéts en matiére d'impot de solidarité sur la fortune et de contribution exceptionnelle sur la fortune releve, comme en matiére de droits d'enregistrement, du juge judiciaire En conséquence Vauteur d'une minoration frauduleuse d'une déclaration dimpéts de solidarité sur la fortune et de contribution exceptionnelle sur la fortune encourt dés lors des sanctions, en application de l'article 1741 du Code général des impéts d'une part et en application de article 1729 du Code général des impéts dautre part, qui relevent toutes deux du méme ordre de juridietion, II ressort de l'ensemble de ces éléments que, d'une part, les sanctions attachées a article 1729 du Code général des impéts et, d'autre part, les sanetions de la fraude fiscale issues de l'article 1741 du Code général des impéts, en ce qu'elles concernent l'impét de solidarité sur la fortune et Ja contribution exceptionnelle sur la fortune, apparaissent ne pas pouvoir Gtre regardées comme de nature différente en application de corps de ragles distinets devant leur propre ordre de juridietion, Il revient au tribunal, en ce état, de dire que la question qui lui est posée, n'est pas dénuée de sériewx et qu'en conséquence, il y a liew de la transmettre 4 la Cour de cassation. 2.3.5.- Sur argument tiré de I'absence de décision définitive La partie civile fait valoit que dans le cas d'espéce, et contrairement a celui qui a donné lieu a la décision du 18 mars 2015, il n’existe & ce jour aucune décision définitive rendue soit sur un plan fiscal soit sur un plan pénal. Ainsi, selon la Direction générale des impdts, M. et Mme CAHUZAC, bien quills aient « accepté et payé les redressements (...), reste(nt) en effet en droit de les contester d'une part dans le délai normal de réclamation, c'est-a-dire jusqu’a la fin de la deuxiéme année suivant celle au cours de laquelle les impositions ont &é mises en recouvrement (c'est-d-dire en 2014 et 2015 -application de Varticle R. 196-1 du Livres des procédures fiscales) et d’autre part dans le délai spécial prévu en cas de notification d'une proposition de rectification, jusqu'a la fin de la troisiéme années suivante cette notification (article R. 196-3 du Livre des procédures fiscales » I résulte en effet d'un arrét rendu le 21 octobre 2014 (n°25129/06, Lungu et a c/ Roumanie) que la Cour européenne des droits de l'homme a jugé que «le Page 38/42 déroulement simultané et en paralléle de(..) deux procédures indépendantes portant sur les mémes faits, qui a conduit la chambre pénale de la cour d’appel & une nowvelle appréciation de ces fails, radicalement opposée & l'arrét antérieur de la chambre commerciale de la méme cour, a porté atteinte au principe de la sécurité juridique », et, partant, qu’ en revenant sur un point en litige qui avait déja été tranché et qui avait fait objet d'une décision définitive, et ce en l'absence de motif valable, la cour d'appel a enfreint le principe de la sécurité des rapports juridiques » il ne résulte pas de la décision précitée du 18 mars 2015 que le constitutionnel ait posé une telle exigence, au regard d'une d définitive d'une des autorités concernées. En effet le Conseil constitutionnel a jugé que « des poursuites. ne pourront étre engagées ou continuées sur le fondement de larticle L. 621-15 du code monétaire et financier a l'encontre d'une personne auire que celles mentionnées au paragraphe II de Varticle L. 621-9 du méme code dés lors que des premieres poursuites auront déjd été engagées pour les mémes faits et & Vencontre de la méme personne devant le juge judiciaire statuant en matiore pénale sur Ie fondement de Varticle L. 465-1 du méme code ou que celui-ci aura déja statue de maniere définitive sur des poursuites pour les mémes faits et a U'encontre de la méme personne ; que, de la méme maniére, des poursuites ne pourront étre engagées ou continuées sur le fondement de larticle L. 465-1 du code monétaire et financier dés lors que des premieres poursuites auront déja été engagées pour les mémes faits et & Vencontre de la méme personne devant la commission des sanctions de l'Autorité des marchés financiers sur le fondement des dispositions contestées de Varticle L. 621-15 du méme code ou que celle-ci aura déja statué de maniére définitive sur des poursuites pour les mémes faits & Uencontre de la méme personne ; que, de la méme maniere, des poursuites ne pourront étre engagées ow continuées sur le fondement de l'article L. 465-1 du code monétaire et financier déx lors que des premieres poursuites auront déja &é engagées pour les memes faits et d l'encontre de la méme personne devant la commission des sanctions de l'Autorité des marchés financiers sur le fondement des dispositions contestées de l'article L. 621-15 du méme code ou que celle-ci aura déjé statué de maniére définitive sur des poursuites pour les miémes faits @ l'encontre de la méme personne», Il apparait ainsi que le Conseil constitutionnel prend soin d'organiser la période transitoire en interdisant une double poursuite non pas implement dans le cas oi l'une des deux procédures aurait abouti & une dcision définitive, mais dés lors que des poursuites auront été engagées soit sur le plan administratif soit sur le plan pénal. Aussi, 'argument relevé par la Direction générale des Finances publiques n'apparait pas de nature a faire cesser le doute sur linconstitutionnalité des dispositions en cause, Page 39 / 42 3: Sur les suites & donner A la procédure au fond Larticle 23-3 de lordonnance précitée du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel dispose que : “Lorsque la question est sransmise, la juridiction sursoit & statuer jusqu'a réception de la décision du Conseil d’Etat ou de la Cour de cassation ou, s'il a &é saisi, du Conseil constitutionnel”. 1 peut étre passé outre au sursis a statuer : = lorsqu'une personne est privée de liberté a raison de l'instance ~ lorsque l'instance a pour objet de mettre fin & une mesure privative de liberté ~ sila loi ow le réglement prévoit qu'elle statue dans un délai déterminé ou en urgence = ou, lorsque le sursis a statuer risquerait d'entrainer des conséquences irrémédiables ou manifestement excessives pour les droits d'une partie, la juridiction peut statuer sur les points qui doivent étre immédiatement tranchés Le tribunal constate qu’aticune cause légale n'autorise & passer outre au sursis & statuer, Le Procureur de la République financier a fait valoir limpact de la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité sur la bonne administration de la justice. Le tribunal souligne que le législateur organique ne permet pas au tribunal, pour des motifs liés a la bonne administration de la justice, de passer outre au uations ayant été strictement régiées & Varticle 23-2 de Fordonnance précitée Le wibunal est en conséquence tenu de surseoir a indépendamment des conséquene tuer, et ce, liges a Vorganisation des audiences, En effet I'analyse des dispositions combinées des articles 1729 et 1741 du Code général des impéts, au regard de la jurisprudence du Conseil constitutionnel, notamment dans ses décisions précitées du 28 mars 2015 14 janvier 2016 fait naitre un doute sérieux sur la constitutionnalité de dispositions qu'il n'appartient pas au tribunal de trancher. Le tribunal ayant la responsabilité, au premier chef, d'assurer la s juridique du procés, il importe que cette question qui n'est manifestement pas _dénuée d'un caractére sérieux, soit tranchée par la Cour de cassation, et le cas échéant, par le Conseil constitution Page 40/42 Sur le sursis A statuer et le renvoi Par un jugement du 6 janvier 2016, la 328me chambre de ce tribunal a transmis, une question prioritaire de constitutionnalité ainsi libel «En matiore de droits d’enregistrement, et plus particulirement de droits de succession, les articles 1729 et 1741 du Code général des impots dans leur version applicable a la date de prévention, en ce qu ils autorisent, @ lencontre de la méme personne et en raison des mémes fats, le cumul de procédures ou de sanctions pénales et fiscales, portent-ils atteinte aux _principes constitutionnels de nécessité et de proportionnalité des délits des peines découlant de Varticle 8 de la Déclaration des droits de Vhomme et du citoyen ? ». ce sont les mémes dispositions légales dont linconstitutionnalité est soulevée, le tribunal note cependant que dans la présente instance, Varticle 1729 du code général des impots porte, non sur les droits d'enregistrement plus particuligrement en matiére de successions, mais sur lmpot de solidarité sur la fortune et de contribution exceptionnelle sur la fortune, En conséquence, le tribunal estime quiil y a lieu de tansmettze les questions prioritaires de constitutionnalité déposées par M. Jérome CAHUZAC et Madame Patricia MENARD épouse CAHUZAC en matiére dimpot de solidarité sur la fortune et de contribution exceptionnelle sur la fortune. Le tribunal sursoit a statuer sur le fond jusqu'’ ce que la Cour de cassation et, éventuellement, le Conseil constitutionnel, se soient prononeés sur la question prioritaire de constitutionnalité posée par M. Jérome CAHUZAC et Mme Patricia MENARD épouse CAHUZAC. Le tribunal décide de renvoyer Vexamen de laffaire a Vaudience du 5 septembre 2016 a partir de 13H30 et précise que le procés se tiendra dans les conditions suivantes -lundi 5 septembre 2016 aprés-midi A partir de 13130 -mereredi 7 septembre 2016 matin 3 partir de 9H00 -jeudi 8 septembre 2016 aprés-midi A partir de 13130 -lundi 12 septembre 2016 toute la journée A partir de 9H00 -mereredi 14 septembre 2016 toute Ia journée a partir de 9H00 jeudi 15 septembre 2016 toute la journée & partir de 9H00. Page 41/42 Page 42/42

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