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TD DROIT CIVIL – SÉANCE 8

LA CAUSE

Document 1 :

CIV1, 18 Avril 1953.


En l’espèce, à la suite d’un décès, un généalogiste est chargé, par le notaire, de retrouver
l’héritière du défunt. Celui-ci la retrouve et lui fait signer une convention pour l’abandon d’une
quote-part importante de l’actif de la succession en échange qu’il s’engageait à lui révéler toute
succession venant à lui échoir. Cependant l’existence de l’héritière était connu par l’entourage du
défunt et du notaire, mais ce dernier avait, dans la hâte, chargé le généalogiste de retrouver
l’héritière. Cette dernière assigne le généalogiste pour défaut de cause de la convention.
La CA accueille sa demande et annule le contrat pour défaut de cause. Lé généalogiste se
pourvoit alors en cassation au motif que sans son intervention, il aurait été impossible de découvrir
le nom et l’adresse de ladite héritière.
La convention portant à ce qu’un généalogiste demande une quote-part d’une succession en
échange de la révélation de l’héritière de cette succession, alors connue de tous, est-elle dépourvue
de cause ?
A cette question la cour de cassation répond par la positive, rejetant le pourvoi et confirmant
l’arrêt de la Cour d’appel, et énonce que l’existence de la succession devait normalement parvenir à
la connaissance de l’héritière sans l’intervention du généalogiste, c’est donc à bon droit que la Cour
d’appel a prononcé la nullité de la convention pour défaut de cause.

Document 2 :

CIV1, 3 Juillet 1996.


En l’espèce, une société conclue un contrat de création d’un « point club vidéo » et de
location de cassettes avec des entrepreneurs d’une agglomération de plus de 1000 habitants.
La cour d’appel annule la convention pour défaut de cause en retenant que celle-ci était la
diffusion certaine de cassettes auprès de leur clientèle, qui était vouée à l’échec dans une
agglomération de 1314 habitants. La société se pourvoit en cassation au motif d’une part que dans
un contrat synallagmatique la cause de l’obligation d’une partie réside dans l’obligation de l’autre
partie, et d’autre part, les motifs déterminants ne peuvent constituer la cause du contrat que dans le
cas où ces motifs sont entrés dans le champ contractuel.
Le défaut de toute contrepartie réelle d’un contrat synallagmatique est-il susceptible
d’annulation pour défaut de cause ?
A cette question la cour de cassation répond par la positive, rejetant le pourvoi, et énonce
que l’exécution du contrat selon l’économie voulue par les parties était impossible, la cour d’appel en
a exactement déduit que le contrat était dépourvu de cause, dès lors qu’était constaté le défaut de
toute contrepartie réelle de l’obligation de payer le prix de location des cassettes.
Document 2 (suite) :

Ch. Com., 8 Fév. 2005.


En l’espèce, des particuliers se sont portés cautions d’autres particuliers pour l’exécution
d’un contrat de fourniture que ces derniers avait conclu avec une société en vue de l’exploitation
d’un fonds de commerce. Les exploitants ayant cédé leur fonds, et le nouveau acquéreur n’ayant pas
repris ce contrat, le fournisseur a actionné les cautions en paiement d’une indemnité contractuelle
de rupture.
La cour d’appel annule contrat d’approvisionnement exclusif pour défaut de cause. La société
se pourvoit alors en cassation selon le moyen que l’existence de la cause d’une obligation s’apprécie
à la date où elle est souscrite, les juges du fond ne pouvait fonder leur décision sur la circonstance
que le cautionnement n’avait pas eu à être mis en œuvre, en l’absence de défaillance du débiteur
principal.
L’engagement dérisoire du cocontractant est-il susceptible d’être annulé pour absence de
cause ?
A cette question la cour de cassation répond par la positive, rejetant le pourvoi, et énonce
que la cour d’appel a souverainement estimé que l’engagement pris par le brasseur était dérisoire, et
en a justement déduit que le contrat litigieux était nul pour absence de cause.

Document 3 :

Adjudication : vente aux enchères publique, dites aussi « vente forcée » qui a lieu, généralement après un
jugement condamnant le débiteur au paiement d’une somme d’argent que celui-ci n’a pas pu régler, ou n'a pas voulu
s'acquitter volontairement malgré la décision intervenue.

Ch. Com., 22 Oct. 1996.


En l’espèce, une société a confié, à deux reprises, un pli contenant une soumission à une
adjudication, à la société Chronopost. Ces plis n’ayant pas été livrés le lendemain, ainsi que la société
Chronopost s’y était engagée, la société assigne en réparation de ses préjudices la société
Chronopost. Celle-ci invoque alors la clause du contrat limitant l’indemnisation du retard au prix du
transport dont elle s’était acquittée.
La Cour d’appel déboute la demande la société au motif que la société Chronopost n’a pas
commis une faute lourde exclusive de la limitation de responsabilité du contrat.
Une clause limitative de responsabilité venant pallier un manquement à l’engagement est-
elle susceptible d’annulation ?
A cette question la cour de cassation répond par la positive, cassant et annulant l’arrêt de la
Cour d’appel, et énonce, au visa de l’article 1131 du Code civil, qu’en raison du manquement à
l’obligation essentielle, à savoir de livrer des plis dans un délai déterminé, la clause limitative de
responsabilité du contrat, qui contredisait la portée de l’engagement pris, devait être réputée non
écrite.

Art. 1150 du Code civil : « Le débiteur n’est tenu que des dommages et intérêts qui ont été prévus ou qu’on a pu prévoir lors du
contrat, lorsque ce n’est point par son dol que l’obligation n’est point exécutée ».
Art. 8 Loi n°82-1153 du 30 déc. 1982 « Tout contrat de transport public de marchandises doit comporter des clauses précisant la
nature et l’objet du transport, les modalités d’exécution du service en ce qui concerne le transport proprement dit et les conditions
d’enlèvement et de livraison des objets transportés, les obligations respectives de l’expéditeur, du commissionnaire ainsi que celui des
prestations accessoires prévues.
A défaut de convention écrite définissant les rapports entre les parties au contrat sur les matières mentionnées à l’alinéa
précédent, les clauses de contrats types s’appliquent de plein droit. Ces contrats types sont établis par décret, après avis des organismes
professionnels concernés et du Conseil national des transports ».
Art. 15 du Décret du 4 Mai 1988, « En cas de préjudice prouvé résultant d’un dépassement du délai d’acheminement du fait du
transporteur, celui-ci est tenu de verser une indemnité qui ne peut excéder le prix du transport (droit, taxes et frais divers exclus).
Le donner d’ordre a la faculté de faire une déclaration d’intérêt spéciale à la livraison qui a pour effet de substituer le montant de
cette déclaration au plafond de l’indemnité fixé à l’aliéna précédent.
Sans préjudice de l’indemnité prévue aux alinéas précédents, les pertes ou avaries à la marchandise résultat d’un retard sont
indemnisées conformément aux dispositions de l’article 14 ».

Ch. Com., 9 Juillet 2002.


En l’espèce, une société a confié à la Société Chronopost un pli en vue d’une soumission à
une adjudication de viande. Ces plis n’ayant pas été remis au destinataire le lendemain de leur envoi,
comme s’était engagé la Société Chronopost, la société n’a pu participer aux adjudications. Elle
assigne donc la société Chronopost en réparation de son préjudice, alors que cette dernière invoque
la clause du contrat limitant l’indemnisation du retard au prix du transport dont elle s’était acquittée.
La cour d’appel accueille la demande de la société au motif que le contrat comporte une
obligation particulière de garantie de délai et de fiabilité qui rend inapplicable les dispositions du
droit commun du transport.
Un contrat-type de messagerie est-il applicable en présence d’une obligation de garantie
particulière ?
A cette question la cour de cassation répond par la positive, cassant et annulant l’arrêt de la
Cour d’appel, et énonce qu’après avoir décidé que la clause limitative de responsabilité du contrat
pour retard à la livraison était réputée non écrite, ce qui entraînait l’application du plafond légal
d’indemnisation que seule une faute lourde du transporteur pouvait tenir en échec, la cour d’appel a
violé les textes relatif au contrat type de messagerie.

Art. 1131 du Code civil : « L’obligation sans cause, ou sur une fausse cause, ou sur une cause illicite, ne peut avoir
aucun effet ».

Ch. Com., 30 Mai 2006.


En l’espèce, une société a confiées deux objets à une société de transport qui les perd, lors
du transport. La société l’assigne pour la perte des objets et conteste la clause de limitation de
responsabilité qui lui a opposée la société de transport.
La cour d’appel la déboute de sa demande au motif que celle-ci avait nécessairement admis
le principe et les modalités d’une indemnisation limitée en cas de perte du colis transporté, en
déclarant accepter les conditions générales de la société de transport.
La clause limitative d’indemnisation peut-elle être réputée non écrite par l’effet d’un
manquement à une obligation essentielle du contrat ?
La cour de cassation répond par la positive, cassant et annulant l’arrêt de la Cour d’appel, et
énonce, au visa de l’art. 1131 du Code civil, que la clause limitative d’indemnisation dont se prévalait
la société de transport devait être réputée non écrite par l’effet d’un manquement du transporteur à
une obligation essentielle du contrat.
Document 4 :

CIV1, 12 Juillet 1989, Pirmamod.


En l’espèce, un parapsychologue a vendu à une autre parapsychologue divers ouvrages et
matériel d’occultisme. La facture n’ayant pas été réglée, le vendeur obtient une injonction de payer.
La cour d’appel le déboute de sa demande au motif que le contrat avait une cause illicite.
Celui-ci se pourvoit en cassation selon le moyen que la cause du contrat ne réside pas dans
l’utilisation que compte faire l’acquéreur de la chose vendue, mais dans le transfert de propriété de
cette chose.
Pour contrôler la licéité de la cause les juges doivent-il se référer à la cause de l‘obligation ou
à la cause du contrat ?
Le mobile déterminant doit-il être connu des deux parties ?
A cette question la cour de cassation répond par positive, rejetant ainsi le pourvoi, et énonce
que si la cause de l’obligation de l’acheteur réside bien dans le transfert de propriété et dans la
livraison de la chose vendue, en revanche, la cause du contrat de vente consiste dans le mobile
déterminant. La cour d’appel en a exactement déduit qu’une telle cause, puisant sa source dans une
infraction pénale, revêtait un caractère illicite.

Document 5 :

CIV1, 3 Fév. 1976.


En l’espèce, un président d’une société a souscrit une police d’assurance vie sur sa propre
tête au profit de sa maîtresse, et à défaut de celle-ci, de ses enfants. A la mort de l’assuré, la nouvelle
présidente de la société demande la nullité de la police pour cause illicite dans les rapports entre la
société et la bénéficiaire.
La cour d’appel fait droit à cette demande, il est alors fait grief à l’arrêt d’avoir déclarée nulle
l’assurance sans relever aucune circonstance de nature à établir que la libéralité aurait pour cause
impulsive et déterminante la rémunération des relations adultères en vue de leur maintien, et
d’autre part l’immoralité de la cause de la libéralité fait à la maîtresse saurait entacher la validité de
la libéralité faite aux enfants.
Une libéralité consentie en vue de maintenir des relations adultères est-elle susceptible
d’annulation pour cause illicite ?
A cette question la cour de cassation répond par la positive, rejetant le pourvoi, et énonce
que l’attitude du défunt avait en vue de servir le maintien de leurs relations adultères, et d’autre
part, la libéralité faite aux enfants avait la même cause que celle faite à leur mère, dès lors était
frappée de nullité pour cause immorale.

CIV1, 10 Janvier 1979.


En l’espèce, un particulier a demandé à son ancienne maîtresse le remboursement d’une
somme versée pour l’achat et l’aménagement d’un appartement.
La cour d’appel fait droit à cette demande au motif que la somme réclamée constituait la
restitution d’un don entaché de nullité pour cause immorale. L’ancienne maîtresse se pourvoit en
cassation selon le moyen d’une part que le seul fait que le disposant entretenait avec le bénéficiaire
de la libéralité des relations illicites et mêmes adultères ne suffirait pas à invalider l’acte, et d’autre
part, la cour d’appel n’aurait pu reconnaître au concubin le droit au remboursement des sommes
litigieuses et constater que cette qualité ne pouvait constituer aucune source de droit tant pour lui
que pour sa concubine.
Une libéralité consentie à l’occasion d’une relation adultère est-elle susceptible d’être
annulée ?
A cette question la cour de cassation répond par la positive, et énonce, au fondement de
l’article 1131 du Code civil qu’une libéralité est viciée lorsqu’elle a lieu entre personnes entretenant
des relations intimes hors mariage en vue de l’établissement et de la continuation intéressés de ces
relations.

Art. 1133 Code civil : « La cause est illicite, quand elle est prohibée, quand elle est contraire aux bonnes mœurs ou
à l’ordre public ».

CIV1, 3 Fév. 1999.


En espèce, un particulier décède en laissant sa succession à sa maîtresse.
La Cour d’appel déclare nulle la libéralité consentie au motif que la disposition testamentaire
n’avait été prise que pour poursuivre et maintenir une liaison encore trop récente.
La libéralité consentie afin de maintenir une relation adultère est-elle une cause contraire au
bonne mœurs ?
A cette question la Cour de cassation répond par la négative, cassant et annulant la décision
de la Cour d’appel, et énonce, dans un arrêt de principe et au visa de l’article 1131 et 1133 du Code
civil, que n’est pas contraire aux bonnes mœurs la cause de la libéralité dont l’auteur entend
maintenir la relation adultère qu’il entretient avec le bénéficiaire.

CIV1, 29 Janvier 2002.


En l’espèce, une homme et une femme entretenant une relation adultère ont acquis
indivisément pour moitié chacun une villa. L’homme faisant valoir que l’acquisition avait été
exclusivement financée par lui, assigne en nullité la donation.
La cour d’appel le déboute de sa demande et il se pourvoit en cassation selon le moyen
qu’une libéralité consentie avec la volonté de prolonger dans le temps les rapports entre le donateur
et la donataire et de l’inciter à la cohabitation est entachée d’immoralité.
La libéralité consentie par un concubin à sa compagne en vue de prolonger dans le temps la
relation adultère est immorale ?
A cette question la cour de cassation répond par la négative, rejetant le pourvoi, et énonce
que la CA a justement retenu que n’était pas immorale la libéralité consentie par une concubin à sa
compagne, fût-elle sous-tendue par la volonté du donateur de prolonger dans le temps le lien qui
l’unissait à la donataire.

Art. 900 du Code civil « Dans toute disposition entre vifs ou testamentaire, les conditions impossibles, celles qui
seront contraires aux lois ou aux mœurs, seront réputées non écrites ».

Ass. Plén., 29 Oct. 2004.


En l’espèce, un particulier décède après avoir institué sa maîtresse légataire universelle. La
veuve du testateur et sa fille ont sollicité reconventionnellement l’annulation de ce legs.
La Cour d’appel accueille leur demande et annule le legs universel au motif que celui-ci, qui
n’avait vocation qu’à rémunérer les faveurs de la maîtresse, était ainsi contraire aux bonnes mœurs.
La libéralité consentie afin de maintenir une relation adultère est-elle une cause contraire
aux bonnes mœurs ?
A cette question la cour de cassation répond par la négative, cassant et annulant la décision
de la cour d’appel, et énonce par un arrêt de principe au visa des articles 900, 1131 et 1133 du Code
civil, que n’est pas nulle comme ayant une cause contraire aux bonnes mœurs la libéralité consentie
à l’occasion d’une relation adultère.

Document 6 :

Art. 6 du Code civil : « On ne peut déroger, par des conventions particulières, aux loirsj qui intéressent l’ordre
public et les bonnes mœurs ».

TGI Paris, 8 Nov. 1973.


En l’espèce, un contrat est conclu entre un impresario et une agence de spectacle en vu de
l’exhibition du groupe de quatre musiciennes suédoises dont l’art comporte le déshabillage complet
en public. L’exhibition devenant de plus en plus difficile du fait des réactions locales, l’agence
artistique annule le contrat. L’impresario demande alors une indemnité devant le tribunal pour
rupture abusive du contrat.
Une convention de « strip-tease » est-elle contraire aux bonnes mœurs ?
A cette question le TGI de Paris répond par la positive et énonce que la convention « strip-
tease » est contraire aux bonnes mœurs dans le sens entendu par l’art. 6 du Code civil, tel acte n’a
pu être la source d’aucune obligation juridique de part ou d’autre.

Document 7 :

CIV1, 7 Oct. 1998.


En l’espèce, un mari a reconnu devoir à son épouse une somme d’argent. Après leur divorce,
la femme a accepté que le prêt lui soit remboursé sous forme d’une augmentation de la pension
alimentaire que lui verserait son ex-mari. Quelques années plus tard, elle assigne ce dernier en
remboursement du solde du prêt.
La cour d’appel accueille sa demande et annule pour cause illicite la convention
d’augmentation de la pension alimentaire. L’ex-mari se pourvoit alors en cassation selon le moyen
qu’une convention ne peut être annulée pour cause illicite que lorsque les parties se sont engagées
en considération commune d’un motif pour elles déterminant.
Un contrat peut-il être annulé pour cause illicite ou immorale quand bien même l’une des
parties n’a pas eu connaissance du caractère illicite du motif déterminant de la conclusion du
contrat ?
A cette question la Cour de cassation répond par la positive, rejetant le pourvoi, et énonce
qu’un contrat peut être annulé pour cause illicite ou immorale, même lorsque l’une des parties n’a
pas eu connaissance du caractère illicite ou immoral du motif déterminant de la conclusion du
contrat. L’arrêt ayant retenu que l’acte avait pour cause illicite en ce qu’il avait pour but de
permettre au mari de déduire es sommes non fiscalement déductibles, la femme était fondée à
demander l’annulation de la convention.

Doc 8 : revirement puisque la jurisprudence traditionnelle exigeait que le motif soit connu des deux
parties. La Cour de Cassation a entendu les critiques doctrinales qui visaient la protection de l’intérêt
général et des intérêts particuliers et modifie sa jurisprudence. On abandonne une condition
traditionnelle de nullité pour cause illicite. La mise en œuvre de la sanction est facilitée. On a donc un
contrôle renforcé de la licéité et de la cause. On est face à un contrôle très poussé des activités
privées. Le recul de l’illicéité de la cause était propre et ciblée à la question des libéralités hors
mariage.

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