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Printemps

haru oshimu kokoro hisureba oini keri


En secret
Le printemps me manque
Je vieillis

Seiho Awano

Hiashi nobu tsukue no shita ni nami no oto.


Le printemps est là.
J'entends le bruit des vagues
De dessous mon bureau

Sei Imai

Shunran no hana torisutsuru kumo no naka


Je cueille des fleurs d'orchis au printemps
Et les jette
Dans les nuages

Dakotsu Iidai

Yuki koso chi no shio nare ya ume mashiro


Que le courage soit
Le sel de la terre
Fleurs blanches du prunier

Kutsatao Nakaruma

Yamadera no to ni kumo asobu higan kana


Devant la porte du temple dans la montagne
Les nuages passent en se réjouissant.
Équinoxe de printemps.

Dakotsu Iida
Eté

Jour d'été en montagne

Paresse d'éventer avec des plumes blanches,


Tout nu au milieu de verdoyantes branches,
J'ôte mon pareo, l'accroche à la falaise
Le vent des pins balaie mon crâne nu à l'aise

Li Pai

Tempête d'été

Le vent presse la pluie qui noie les hauts remparts,


Sous l'orage le sol bruit de cent gouttelettes,
La pluie s'en est allée, le Dragon, nulle part ?
Dans l'étang isolé coassent les rainettes.

Li Paï
Le poète passe une nuit d’été
sous les arbres1
Etendu sous les grands arbres, où je trouve un refuge contre l’accablante chaleur,
Je contemple les nuages blancs, répandus sur l’azur du ciel :
Cette situation m’enchante ; mon cœur est ouvert à la joie ;
Je sens d’ailleurs, dans mes idées, l’influence d’un vin généreux.
La lune brille de tout son éclat ; une tiède rosée me pénètre ;
Le silence de la nuit n’est troublé que par le murmure de la source et le frémissement des
bambous.
Un vent frais se joue dans mes longues manches, et se glisse sous ma robe de soie ;
L’immense bien-être que j’éprouve, qui jamais pourrait l’exprimer

Li-y

La maison des champs

Si vous plantez des mûriers, au nombre d’environ cent pieds,


Si vous ensemencez de maïs trente meou1 environ,
Comme vous aurez en abondance le grain et la soie,
De temps en temps, vous pourrez réunir et fêter vos amis.
Quand vient l’été, on récolte le riz pour sa nourriture,
Quand vient l’automne, on cueille les fleurs de chrysanthème pour parfumer le vin2.
La matrone s’avance joyeusement au-devant des amis qu’on invite,
Les jeunes enfants s’empressent à leur rendre mille petits soins.
Au coucher du soleil, on prend son loisir dans la partie du jardin qui n’est pas en culture :
Elle est entourée d’ormes et de saules touffus ;
On boit jusqu’à l’ivresse, et puis chacun regagne, à la nuit, sa demeure,
Alors qu’un vent frais y pénètre, dissipant la chaleur du jour.
L’hôte, pour reprendre ses esprits, se promène au grand air en regardant le fleuve céleste3,
En admirant les étoiles, en parcourant des yeux le firmament ;
Puis il se dit : ma cave renferme toujours un bon nombre d’amphores ;
Qui donc m’empêcherait de m’enivrer encore demain !

Tchu-kouang-hi
Automne

Chant d'automne
I

Bientôt nous plongerons dans les froides ténèbres ;


Adieu, vive clarté de nos étés trop courts !
J'entends déjà tomber avec des chocs funèbres
Le bois retentissant sur le pavé des cours.

Tout l'hiver va rentrer dans mon être : colère,


Haine, frissons, horreur, labeur dur et forcé,
Et, comme le soleil dans son enfer polaire,
Mon coeur ne sera plus qu'un bloc rouge et glacé.

J'écoute en frémissant chaque bûche qui tombe ;


L'échafaud qu'on bâtit n'a pas d'écho plus sourd.
Mon esprit est pareil à la tour qui succombe
Sous les coups du bélier infatigable et lourd.

Il me semble, bercé par ce choc monotone,


Qu'on cloue en grande hâte un cercueil quelque part.
Pour qui ? - C'était hier l'été ; voici l'automne !
Ce bruit mystérieux sonne comme un départ.

II

J'aime de vos longs yeux la lumière verdâtre,


Douce beauté, mais tout aujourd'hui m'est amer,
Et rien, ni votre amour, ni le boudoir, ni l'âtre,
Ne me vaut le soleil rayonnant sur la mer.

Et pourtant aimez-moi, tendre coeur ! soyez mère,


Même pour un ingrat, même pour un méchant ;
Amante ou soeur, soyez la douceur éphémère
D'un glorieux automne ou d'un soleil couchant.

Courte tâche ! La tombe attend ; elle est avide !


Ah ! laissez-moi, mon front posé sur vos genoux,
Goûter, en regrettant l'été blanc et torride,
De l'arrière-saison le rayon jaune et doux !

Baudelaire
Chanson d’automne

Les sanglots longs


Des violons
De l’automne
Blessent mon coeur
D’une langueur
Monotone.
Tout suffocant
Et blême, quand
Sonne l’heure,
Je me souviens
Des jours anciens
Et je pleure ;
Et je m’en vais
Au vent mauvais
Qui m’emporte
Deçà, delà
Pareil à la
Feuille morte.

Paul Verlaine

Automne

A pas lents et suivis du chien de la maison


Nous refaisons la route à présent trop connue.
Un pâle automne saigne au fond de l'avenue,
Et des femmes en deuil passent à l'horizon.

Comme dans un préau d'hospice ou de prison,


L'air est calme et d'une tristesse contenue ;
Et chaque feuille d'or tombe, l'heure venue,
Ainsi qu'un souvenir, lente, sur le gazon.

Le Silence entre nous marche... Coeurs de mensonges,


Chacun, las du voyage, et mûr pour d'autres songes,
Rêve égoïstement de retourner au port.

Mais les bois ont, ce soir, tant de mélancolie


Que notre coeur s'émeut à son tour et s'oublie
A parler du passé, sous le ciel qui s'endort,

Doucement, à mi-voix, comme d'un enfant mort...

Albert Samain
Hiver
Soir d’Hiver

Ciel de brume ; la tempête


Tourbillonne en flocons blancs,
Vient hurler comme une bête,
Ou gémit comme un enfant,
Et soufflant soudain pénètre
Dans le vieux chaume avec bruit,
Elle frappe à la fenêtre,
Voyageur pris par la nuit.

La chaumière est triste et sombre,


Chère vieille, qu'as-tu donc
A rester dans la pénombre,
Sans plus dire ta chanson ?
C'est la bise qui résonne
Et, hurlant, t'abasourdit ?
Ou la ronde monotone
Du fuseau qui t'assoupit ?

Mais buvons, compagne chère


D'une enfance de malheur !
Noyons tout chagrin ! qu'un verre
Mette de la joie au cœur !
Chante comme l'hirondelle,
Doucement vivait au loin ;
Chante-moi comme la belle
Puisait l'eau chaque matin.

Ciel de brume ; la tempête


Tourbillonne en flocons blancs,
Vient hurler comme une bête
Ou gémit comme un enfant.
Mais buvons, compagne chère
D'une enfance de malheur !
Noyons tout chagrin ! qu'un verre
Mette de la joie au cœur !

Pouchkine
Soir d’Hiver à Yalta

Visage maigre et sec de levantin,


grêlé et décoré de côtelettes.
Quand ses doigts cherchent une cigarette
dans le paquet, l’anneau terni soudain
reflète deux cents watts et, son éclat
éblouissant mon cristallin, je fronce
sans doute les sourcils, car il prononce,
avalant sa fumée : « Excusez-moi.»

Janvier dans la Crimée. Sur le rivage


de la mer Noire, on dirait que par jeu
tombe l’hiver, car la neige ne peut
se maintenir au tranchant des agaves.
Les cafés sont déserts. On voit fumer
en rade, de crasseux ichtyosaures.
Partout, l’arôme des lauriers fanés.
« Breuvage infect ! Je vous en verse encore ? »

Sourire donc, crépuscule, flacon.


Dans le lointain le garçon, les mains jointes,
semble un jeune dauphin traçant des ronds
autour d’une felouque au ventre plein.
Carré d’une fenêtre. Fleurs en pot.
Flocons de neige qui nous font la nique.
Instant, arrête-toi ! Car tu es beau,
mais moins peut-être que tu es unique.

Joseph Brodsky

Sonnet

Je l’attends de nouveau, ta voix triste


au terrain vague ou les dogues aboient.
Cherchant ta trace aimée parmi la foule,
je reconnais Noël et ses sapins,
ses lumignons crépitant dans la neige.
Rien ne pourrait me dire ton adresse
Mieux que ce cri errant dans les ténèbres,
Cristal limpide et goutte de poison.

A mon tour de fêter le Nouvel An


au terrain vague en ronde silencieuse.
Les bougies du passé meurent en moi
et le vin de Tristan court sur mes lèvres,
pour la première fois sourd à l’appel…
Car depuis peu je vois aussi la nuit.

Joseph Brodsky

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