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Pourquoi nous appelons­nous « Casseurs de pub » ?

Sommes­nous des « casseurs », des gens « pas bien dans leur tête », comme s’emploient à le faire 
croire les publicitaires ? Non, bien sûr. Au contraire, nous menons un combat non­violent fondé sur 
l’argumentation. Si nous sommes des « Casseurs de pub », c’est parce que la pub est une machine à 
casser.
Une machine à casser la nature, l’humain, la société, la démocratie, la liberté de la presse, la culture 
et les cultures, l’économie ou encore l’éducation.
Mais la pub est aussi une machine à casser des choses plus importantes quoique moins perceptibles : 
le Verbe et le symbolique… Pardon ? Attendez, continuez à lire !
Nous nous « humanisons » grâce à certaines « valeurs » : les valeurs qui motivent notre engagement 
sont la liberté, l’égalité, la fraternité, comme il est écrit sur le fronton des mairies de notre pays, 
mais aussi l’amitié, le partage, la tolérance et le respect de la différence, ou encore le souci des plus 
faibles d’entre nous. Les seules valeurs de la pub ce sont le fric, la compétition, la loi du plus fort.
Ces valeurs que nous défendons font de nous des Hommes car nous sommes libres. Libres de 
choisir et de mettre ou pas en pratique ces valeurs, individuellement et collectivement. C’est ce libre 
arbitre qui définit notre conscience. Nous avons le choix entre ce qui nous semble bien ou mal, entre 
ce qui nous paraît plus ou moins bien ou plus ou moins mal. Sans conscience, nous serions réduits à 
l’état d’animal.
Toutes ces valeurs, nous ne pouvons pas les exprimer complètement avec des chiffres. Elles sont 
« immatérielles ». Nous les expliquons grâce à des mots, mais ces mots demeureront toujours des 
représentations de nos pensées. Les mots ne pourront jamais expliquer parfaitement nos valeurs. Ils 
tenteront simplement de s’en approcher le mieux possible. Les mots sont donc fragiles. Très 
fragiles. Les mots, tous les mots, sont des symboles.
Les symboles sont comme les mots. Nous les utilisons pour décrire et communiquer nos sentiments 
et nos valeurs. Ainsi Marianne symbolise­t­elle la république. Une balance symbolise la justice. Les 
mots (ce que les anciens appelaient le Verbe) et les symboles sont donc essentiels à notre humanité. 
S’en prendre aux mots et aux symboles, c’est s’en prendre à l’Homme lui­même.
C’est pourtant exactement ce que font les publicitaires. Ils déforment les mots. Ils piétinent le 
langage pour amener les gens à consommer toujours davantage. Ils détournent le sens originel des 
mots pour manipuler nos cerveaux. Pour déclencher l’envie d’achat chez le consommateur, ils 
utilisent des stratégies qui passent inaperçues. Ces stratégies sont faites pour nous séduire. La 
publicité, sous ses aspects festifs et joyeux, sympathiques et drôles, est une dangereuse propagande 
qui casse, image après image, le sens de la vie. Par exemple, « La vie, la vraie », est­ce que c’est 
vraiment être à Auchan ? Le chocolat Nutella, est­ce vraiment du « bonheur à tartiner » ?
Les publicitaires utilisent nos symboles pour rendre nos contemporains dépendants de la 
consommation. Ils manipulent les valeurs qui nous permettent de nous humaniser afin de nous faire 
acheter. C’est ainsi qu’ils réduisent notre citoyenneté à n’être qu’une citoyenneté d’achat. Nous 
sommes moins citoyens parce que nous respectons les valeurs de la république que parce que nous 
faisons des achats considérés comme citoyens. C’est ainsi qu’ils font basculer la société entière dans 
la consommation. Une société où la consommation n’est plus un moyen mais une fin en soi. Une 
société qui sacralise le profane – la science, la consommation ou l’argent, et qui profane le sacré, 
c’est­à­dire les valeurs : la Liberté, l’Égalité ou la Fraternité. La pub fait tout pour nous faire oublier 
que nous sommes des êtres humains. Elle nous réduit à l’état de consommateurs malades et toujours 
plus voraces. Rien d’étonnant alors à ce que de plus en plus de contemporains ne sachent plus faire 
la différence entre un Homme et un animal ou entre un adulte et un enfant. Rien d’étonnant encore à 
ce que de plus en plus d’entre eux pensent qu’il n’existe ni bien ni mal, des idées vieillottes qui 
seraient réservées à Georges Bush ou à d’archaïques religions !
Devant ce hold­up des symboles par les publicitaires, beaucoup de nos contemporains finissent par 
penser que les symboles, c’est de la pub. En refusant les symboles, ils deviennent incapables de 
parler des valeurs ou de communiquer leurs sentiments profonds.
Voilà ce que fait la pub. Elle capture et détruit les symboles. Elle casse et détourne les mots. En 
conséquence, elle détruit l’Homme. Un panneau publicitaire qui enlaidit un beau paysage se verra 
immédiatement, mais souvent ce qui ne se voit pas est plus grave que ce qui nous saute aux yeux 
immédiatement.
Pour nous manipuler les publicitaires affirment que nous sommes suffisamment intelligents pour ne 
pas être influencés par la pub. Dans ce cas, à quoi sert la pub, dont la raison d’être est de vanter un 
produit, d’influencer notre avis par la mise en scène de messages publicitaires savamment 
composés, si ce n’est à nous pousser à choisir telle marque plutôt que telle autre ? La rhétorique des 
publicitaires est la même que celle des fabricants de cigarettes, d’alcool ou d’armes, d’ailleurs les 
publicitaires travaillent souvent pour eux. Les publicitaires disent que ceux qui critiquent la pub 
prennent les gens pour des imbéciles. À nouveau, en utilisant ce type d’argument, les publicitaires 
s’en prennent directement à l’Homme. Car si ce qui définit l’Homme est sa liberté, sa faiblesse 
caractérise son humanité. Nous sommes humains donc manipulables, influençables, 
conditionnables. « À la soixante­quatre millième reprise, tout devient la réalité », disait l’écrivain 
George Orwell. Devenir adulte, c’est aussi prendre conscience de sa faiblesse. Or, les publicitaires 
veulent nous faire penser que nous sommes tout­puissants.
Vous savez de quoi ont le plus peur les publicitaires ? Des gens qui réfléchissent ! « Keep them 
simple and stupid » (« Maintenez­les simplets et stupides »), disait Bill Benbach, le patron de 
l’agence de publicité DDB. Les publicitaires veulent maintenir les gens dans l’état de petits enfants, 
à l’« âge du sein », c’est­à­dire à l’âge où l’on veut satisfaire de manière immédiate toutes ses 
pulsions. Ils veulent des adultes restés enfants qui se sentent tout­puissants, et non des citoyens 
critiques et responsables. C’est pour cela qu’ils nous parlent sans cesse de « désir » mais jamais de « 
volonté ».
Pour nous faire consommer, les publicitaires utilisent tous les moyens de la propagande. Leur 
« communication » repose sur des slogans martelés à l’infini afin de les inscrire dans l’inconscient 
des gens. Ils cherchent à toucher l’affect des gens pour susciter des « conduites réflexes ». Les 
techniques utilisées pour les marchandises sont les mêmes que celles employées par les tyrans. Du 
temps de l’URSS, il y avait de la pub pour les marchandises et de la propagande pour les dictateurs. 
Elles étaient réalisées par les mêmes publicitaires ! Car les publicitaires sont prêts à tout pour de 
l’argent : à rendre les enfants obèses comme à se mettre au service des despotes. Par exemple : le 
célèbre publicitaire français Jacques Séguéla n’a pas hésité à faire de la publicité pour le tyran 
togolais Gnassingbé Eyadema(1). C’est le même qui a dit : « Toucher à la pub, c’est toucher à la  
liberté de communiquer ; on en arrive au nazisme »(2). Car les publicitaires sont prêts à tous les 
mensonges et notamment à présenter leur propagande comme de l’information ! Comme les 
systèmes totalitaires, la publicité ne supporte pas la contestation. En Corée­du­Nord, les 
publicitaires font des affiches et des films à la gloire du dictateur stalinien Kim Jong­Il qui affame 
son peuple. Ensuite, les publicitaires claironnent que « la pub c’est la liberté ». Le pire, c’est que les 
journalistes le répètent ! Il faut dire que les journalistes sont aujourd’hui payés dans leur majorité 
par les publicitaires. Ces derniers financent désormais la plus grande partie des médias en y 
achetant de l’espace pour les publicités. Mais cela n’a pas toujours été ainsi. À la fin de la 
Deuxième Guerre mondiale, les résistants ont créé des lois pour empêcher les affairistes de 
s’approprier les médias. Malheureusement, depuis, la situation s’est tellement dégradée que 
d’anciens résistants comparent la situation actuelle à celle de l’avant­guerre !
Les publicitaires sont malins, ils sont souriants et bronzés et parlent de liberté pour mieux rendre 
des gens esclaves de la consommation. Quand ils parlent d’« éthique », c’est pour mieux continuer à 
faire leur sale boulot.
Revenons au début. Pourquoi la pub est­elle une machine à casser la nature ? Parce que la pub 
pousse les gens à consommer toujours plus. La publicité sert à inventer de faux besoins pour écouler 
la production toujours croissante d’objets du système industriel. La planète ne peut plus soutenir la 
boulimie des pays riches. Les ressources naturelles sont surexploitées pour produire ces objets qui 
deviendront autant de déchets polluants.
Les montagnes de tracts publicitaires encombrent les boîtes aux lettres et sont un gaspillage inutile. 
Les panneaux publicitaires dans nos paysages sont très souvent en infraction avec la loi, car les 
publicitaires pratiquent la délinquance économique à grande échelle.
La pub est une machine à casser l’emploi. La pub est au service de l’économie des entreprises 
géantes ou multinationales et non d’une économie à échelle humaine, plus respectueuse de 
l’environnement et qui emploie davantage de personnes. Par exemple, MacDo fait de la pub, 
contrairement aux restaurateurs indépendants de nos quartiers. Auchan, Leclerc, Carrefour, toute la 
grande distribution fait de la pub. Les maraîchers de notre marché du dimanche, eux, n’en font pas. 
La pub est au service d’une économie très productive et pauvre en emploi (il faut, par exemple, peu 
de personnel pour distribuer beaucoup de produits et d’aliments dans les grandes surfaces). La pub 
fait la guerre à une économie moins productive et plus riche en emplois. La pub est au service de la 
« maléconomie » comme de la « malbouffe ». La pub est une machine à fabriquer du chômage.
La pub est une machine à casser la démocratie et la politique. La pub « communique » de manière 
unilatérale : on ne peut pas lui répondre. Le citoyen n’a pas les moyens de contredire les 
multinationales qui dépensent des sommes gigantesques pour la pub. La pub envahit tout l’espace : 
il devient difficile de poser son regard sur un paysage libre de pub. La pub envahit tout le temps. 
Elle matraque ses messages sur les radios. Elle s’immisce dans les films diffusés à la télévision en 
les interrompant. Elle pénètre dans les films au cinéma car les entreprises payent les cinéastes pour 
y montrer leurs produits. La publicité ne supporte pas la contestation. Les publicitaires ont inventé 
le terme « publiphobe » pour qualifier ceux et celles qui lui résistent. La publicité décrit ses 
dissidents comme des « pisse­froid », des « coincés », des malades mentaux. La publicité « 
psychiatrise » ses opposants, comme le faisaient les régimes totalitaires. Devant le succès de la pub, 
les hommes politiques sont tentés d’utiliser ses armes. Pourtant, en faisant cela, ils se rabaissent au 
rang de simples produits. La pub, elle, ne cesse d’utiliser les valeurs du politique pour faire 
consommer ; résultat : elle fait de ces valeurs une marchandise. Résultat : le domaine politique 
relève bien souvent désormais de l’idéologie publicitaire. Le discours politique devient un discours 
publicitaire.
La pub est une machine à casser la liberté de la presse. Aujourd’hui, la presse, la radio, la télévision 
vivent de la pub que payent les multinationales pour y montrer leurs produits. Résultat : les 
journalistes ne critiquent que très exceptionnellement la pub ou la logique des multinationales. Les 
journalistes ou les intellectuels qui peuvent s’exprimer largement sont ceux qui collaborent à cette 
logique. Ceux qui la refusent n’ont plus la parole que dans des médias confidentiels. Pourquoi ne lit­
on plus d’articles comme celui­ci dans les journaux les plus connus ? Les journalistes des médias 
dominants décrivent ceux qui contestent la pub comme des « extrémistes ». Ainsi, la pub transforme 
la presse en catalogue publicitaire qui noie la presse libre et indépendante.
La pub est une machine à casser les cultures. La « culture pub » n’existe pas, la pub c’est 
l’anticulture. La culture nous humanise, elle réenchante le monde. La pub réduit l’Homme à un tube 
digestif dont l’unique fonction est de consommer. La diversité des cultures du monde dérange la pub 
dans son désir de gagner toujours plus d’argent le plus vite possible. La pub veut donc détruire les 
cultures en imposant des produits et des modes de vie standardisés sur toute la surface de la Terre. 
Chacun sur la planète devra consommer pareil et beaucoup. La pub ne supporte pas les peuples qui 
veulent faire de la diversité de leur culture une richesse. La pub veut créer un monde non pas 
universel, mais uniforme. Tout en glorifiant, de façon trompeuse, la différence, quand elle ne rêve 
que d’indifférenciation.
La pub est une machine à casser la société. La pub ne promeut pas des valeurs qui humanisent mais 
des antivaleurs qui détruisent. Elle nous dit de consommer tout, tout de suite, de céder à toutes nos 
pulsions et à toutes nos envies. Pas étonnant avec de tels messages que ça pète dans les banlieues les 
plus sensibles ! Plus nous sommes fragiles socialement, plus nous subissons de plein fouet les 
conséquences sociales des mensonges de la pub. Pas étonnant encore que cela soit difficile de vivre 
ensemble, dans le couple, en famille, à l’école, au travail, dans notre ville, notre pays… quand les 
seules valeurs qui unissent les gens sont l’argent et la consommation. C’est sûr, une société ne va 
pas très loin avec les valeurs de la pub !
La pub est une machine à casser la personne humaine. La pub ne veut plus d’humains, de citoyens, 
elle veut des consommateurs. Elle réduit chacun de nous à un moyen : la consommation. La pub 
nous impose la fausse idée que l’unique sens de la vie est la consommation.
La technique de la pub est de nous rendre malheureux pour ensuite nous proposer d’acheter afin de 
nous consoler. La pub nous dit, très clairement mais le plus souvent de manière plus sournoise, que 
ceux qui ne sont pas d’accord avec sa logique sont des idiots, des personnes tristes qui n’aiment pas 
la vie, des ringards, des tarés, des inadaptés… Pour ne pas avoir l’air d’être coincés, nous avons 
ensuite peur de dire du mal de la pub. C’est ainsi que la pub tue notre esprit de révolte et notre 
capacité à dire non.
Aujourd’hui, des publicitaires quittent ce métier en prenant conscience du mal qu’il fait aux gens. Ils 
disent qu’ils ne veulent pas être des salauds toute leur vie. Beaucoup de personnes conviennent 
maintenant que la publicité n’est pas un truc amusant et sans conséquences, mais qu’au contraire 
elle provoque des catastrophes. Malheureusement, la plus grande réussite de la publicité est que ces 
mêmes personnes n’imaginent pas que nous puissions nous passer de pub ! Or, si nous avons besoin 
de manger, d’avoir un toit, des amis, une famille, par contre nous pouvons très bien nous passer de 
la pub ! Nous avons même intérêt à nous en débarrasser très vite si nous ne voulons pas détruire le 
monde.
Des hommes et des femmes politiques, des associations, des intellectuels, des citoyens luttent depuis 
longtemps pour réduire l’emprise de la pub dans la société. Il ne faut pas hésiter à les rejoindre. 
Nous pouvons aussi entrer en résistance contre la société de consommation en pratiquant la 
simplicité volontaire, en cultivant notre personnalité, notre vie intérieure, en nous engageant en 
politique pour le Bien commun.
C’est comme ça que nous enrayerons la machine à casser.
Casseurs de pub.
1 ­ cité par Claude Got, dans l’Express du 24 mai 1989.
2 ­ Le Monde, 25­5­2000.

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