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Faculté des Sciences
Juridiques,Economiques et Sociales
Souissi, Rabat
Droits des travailleurs
dans une économie
mondialisée
A la lumière du Droit Social
Marocain
Etude élaborée par
Moulay Hassan Aboutahir
Pour l’obtention du Diplôme des Etudes
Supérieures de l’Université
Droit des Affaires et des Entreprises
Année universitaire 2007‐2008
ABRIEVIATIONS
2
INTRODUCTION
La mondialisation de l'économie présente une menace réelle pour les normes sociales. Cette
menace est de plus en plus forte du fait de l’ouverture des marchés, de l’interdépendance des
économies nationales et de l’exacerbation de la concurrence pour acquérir des parts de marché et
attirer l’investissement étranger. La montée de la concurrence puise ses fondements dans le concept de
l'économisme, c'est-à-dire une logique économique poussée à l'extrême, un système de valeurs dans
lequel les différentes sphères de la vie humaine sont subordonnées à des considérations d'ordre
purement économique, en particulier, aux exigences de la concurrence et de la compétitivité.
La mondialisation pose des défis économiques et sociaux par les mutations profondes qu’elle
engendre dans les relations industrielles et les modes de production et de distribution. Certes, la
mondialisation présente des opportunités mais également des risques d’exclusion pour les nations, les
entreprises et les individus qui n’arrivent pas à amortir les chocs d’un monde aux relations
purement compétitives. La montée du chômage, l’effritement de la protection sociale et le
développement du travail indécent seraient les traits saillants de cette menace.
Les impératifs de la concurrence, aussi bien sur les marchés que pour attirer et retenir des
investissements étrangers, font que les pouvoirs publics de nombreux pays sont tentés de recourir à
des mesures de réduction du niveau de la protection sociale pour pouvoir alléger les charges des
entreprises implantées sur leur territoire.1
Ainsi les remous de la mondialisation de l’économie présentent une sérieuse épreuve pour les
normes du travail dans tous les pays du monde, mais d’une manière plus aigue dans les pays en
développement. D’où l’importance d’analyser ces phénomènes et leurs implications sur le système des
normes sociales dans les Etats nationaux.
1
Alain EUZEBY, le financement de la protection sociale et l’emploi à l’épreuve de la mondialisation de l’économie,
étude présentée à la Conférence internationale de recherche en sécurité sociale « an 2000 », publications de
l’Association internationale de la sécurité sociale (AISS), Helsinki, Finlande, 2000, pp 10et 11.
2
Abdelkrim Ghali, droit social marocain, chapitre consacré à « la mondialisation de l’économie et la justice
sociale », partie de l’étude présentée au symposium scientifique « justice et équité » organisé par l’ISESCO et
l’ACCT à l’Institut National des Etudes Judicaires les 28, 29, et 30 octobre 1997, p.406
3
Le sujet de cette étude couvre des notions transversales. Il ne s’agit pas d’un sujet se
rapportant stricto sensu aux normes du travail abordées dans un contexte purement national. Il
s’agit plutôt d’appréhender les normes du travail en corrélation avec les effets de la mondialisation.
Nous essayerons de voir comment la mondialisation pourrait créer des tensions entre la compétitivité
économique et les normes sociales. Comment elle peut bousculer l’équilibre toujours recherché entre les
droits des travailleurs et les intérêts des employeurs. En fait, nous analyserons certains aspects de la
mondialisation en liaison avec leurs répercussions sur les normes du travail.
Nous utiliserons indifféremment les termes de normes du travail et de normes sociales même
si les secondes ont une portée en principe plus générale.
Pour des raisons d’ordre pratique, nous aborderons les effets de la mondialisation sur les
« normes du travail » d’une manière générale, et par souci de clarté, nous mettrons beaucoup plus
l’accent sur les « normes fondamentales du travail » lorsque nous avancerons des exemples qui nous
aideront à mieux voir les aspects de la problématique dans cette étude qui se veut appliquée au
Droit Social Marocain.
Nous nous proposons donc d’analyser les effets de la mondialisation sur les normes du
travail dans la Première partie et l’applicabilité des normes du travail dans une économie
mondialisée dans la deuxième partie. Nous présenterons à la fin des propositions dans le sens d’une
réconciliation entre la protection économique et la protection sociale.
4
PREMIERE PARTIE
5
Pour mettre la lumière sur les effets de la mondialisation sur les normes du travail, il est
utile de délimiter, de prime abord, la notion des « normes de travail » et celle de la
« mondialisation ».
Les normes du travail représentent les règles et les principes qui puisent leurs sources
dans la justice sociale et les droits de l’Homme et qui servent de base pour les règles du droit du
travail et de la protection sociale. Selon une étude de l’Organisation de la Coopération et du
Développement Economique (OCDE), les « normes de travail » sont les principes et les règles qui
régissent les conditions de travail et les relations professionnelles3. Pour la Commission des normes de
travail du gouvernement du Québec, les normes du travail (en anglais : Labour standards) sont les
règles qui régissent des conditions de travail fixées, par voie législative ou par voie réglementaire, et
qui prévoient des droits et des obligations minimales pour les parties d'un contrat de travail 4.
S’il existe des normes du travail sur une multitude de questions relatives aux relations et
aux conditions du travail, il n’existe pas un ensemble de normes du travail uniques et universelles.
Les gouvernements nationaux établissent différemment des normes de travail ayant force de loi.
Cependant, les normes du travail les plus largement acceptées sont celles définies dans les conventions
de l’Organisation Internationale du Travail (OIT)5 ayant un caractère contraignant pour les Etats
qui les ratifient. Le Maroc a ratifié plusieurs de ces conventions. Nous trouverons, en annexe 3, un
tableau récapitulatif des conventions de l’OIT ratifiées par le Maroc à la date de la présente étude.
Il convient également de préciser la notion des « normes fondamentales » de travail qui sont
définies par le consensus international 6 qui apparaît à travers « LA DECLARATION DE L'OIT
7
RELATIVE AUX PRINCIPES ET DROITS FONDAMENTAUX AU TRAVAIL» de 1998 . Cet
instrument déclare au paragraphe 2 de son dispositif que : « l'ensemble des Membres, même
lorsqu'ils n'ont pas ratifié les conventions en question, ont l'obligation, du seul fait de leur
appartenance à l'Organisation, de respecter, promouvoir et réaliser, de bonne foi et conformément à
3
Le commerce, l’emploi et les normes du travail: étude sur les droits fondamentaux des travailleurs et les
échanges internationaux, Organisation de la Coopération et le Développement Economique (OCDE), 1996, p. 27
4
Petit lexique, Commission des Normes du Travail, Québec.
Site Internet : http://www.cnt.gouv.qc.ca/fr/gen/lexique/index.asp
5
Les normes du travail de l’OIT sont contenues dans des conventions contraignantes pour les Etats qui les ont
ratifiées et des recommandations qui aident les pays membres de l’OIT dans leur politique sociale ; Article 19 de la
Déclaration de Philadelphie, Conférence de Philadelphie, 1944.
6
Echanges internationaux et les normes fondamentales du travail, OCDE, 2000, p. 20.
7
Base de données de l’Organisation Internationale du Travail, Genève, 1998.
6
la Constitution [de l’OIT], les principes concernant les droits fondamentaux qui sont l'objet desdites
conventions, à savoir:
Ces normes dégagent donc leur caractère « fondamental » du fait du minimum de protection
sociale qu’elles se proposent de procurer et surtout du consensus qui s’est dégagé autour d’elles à
travers les obligations qui découlent de la Déclaration de 1998 susmentionnée et qui engagent tous
les pays membres de l’OIT, abstraction faite de la ratification ou non des conventions
correspondantes.
Le phénomène de mondialisation est exacerbé par une révolution sans précèdent des
technologies de l’information qui a bouleversé profondément la vie des sociétés, modifié les modes de
production et de distribution et influé sur les relations individuelles et collectives, notamment dans le
monde du travail, ce qui n’est pas sans effets sur le système des normes sociales.
En raison de la libre circulation du capital à travers les frontières, l’ouverture des marchés et
la révolution technologique, la mondialisation de l'économie est aussi cette capacité qu'ont les
entreprises de transférer leurs activités de production au-delà des frontières nationales à la recherche
de plus de profit et moins de normes sociales. Ce transfert intervient dans le cadre des opérations
appelées habituellement « délocalisations ».
7
Dans ce climat de mondialisation dans le quel les normes sociales devront évoluer et
s’adapter, nous allons essayer de voir, dans un premier temps, quels effets la libéralisation du
commerce et de l’investissement pourrait avoir sur les normes du travail (chapitre I) et ensuite quelles
sont les implications des nouvelles technologies sur ces normes (chapitre II).
8
8
Australie, Belgique, Brésil, Birmanie, Canada, Ceylan, Chili,la République de Chine, Cuba,Etats‐Unis, France, Inde,
Liban,Luxembourg, Norvège, Nouvelle‐Zélande, Pakistan, Pays‐Bas, Rhodésie du Sud, du Royaume‐Uni,
Syrie,Tchécoslovaque et l'Union Sud‐africaine.
9
Ces développements ont eu un impact considérable sur les cursus juridiques et les systèmes des
normes sociales des Etats nationaux. L’exacerbation de la concurrence au niveau des marchés, due
à la libéralisation du commerce des biens et services, a donné lieu à des pressions sur les normes du
travail. C’est ainsi que les impératifs de compétitivité ont renforcé le besoin de réduire constamment
les coûts pour pouvoir s’aligner avec les prix les plus bas du marché. Ces réductions sont effectuées
soit par l’abaissement des normes sociales ou par le transfert des unités de production vers un lieu où
la main d’œuvre est abondante, de bon marché et de faible niveau de protection sociale.
Pour mieux cerner les effets de la libéralisation du commerce sur les normes du travail, nous
aborderons les relations d’interaction mutuelle entre le commerce et les normes du travail en mettant
l’accent sur les aspects économiques et sociaux des normes du travail (sous-section A). Nous
exposerons ensuite les enjeux du lien que certains proposent d’introduire entre le commerce et les
normes du travail, sous la fameuse dénomination : « clause sociale » (sous-section B).
Il n’existe pas, au niveau des recherches effectuées à ce sujet, une preuve qui puisse nous
aider à nous prononcer, d’une manière tranchée, positivement ou négativement sur l’impact de la
libéralisation du commerce sur les normes sociales. Certains sont prudents et essaient de mettre
l’accent sur les aspects négatifs de la libéralisation du commerce sur les systèmes de protection sociale,
tandis que les tenants du libre échange essaient de faire valoir plutôt les bienfaits de la libéralisation
du commerce sur les normes sociales.
Les premiers estiment que la protection sociale est souvent considérée par les libres échangistes
comme un poids qui pèserait très lourdement sur l’économie et qui ferait obstacle à l’emploi puisque
que les prélèvements y relatifs alourdissent le coût de la main d’ouvre et par là les coûts de
production. Cette analyse tend à poser un problème de tension entre la compétitivité économique et les
normes sociales.
10
Le problème se pose d’une manière plus complexe du fait que la compétitivité est une notion
économique clairement définie et élément moteur du commerce, alors que les normes sociales
paraissent moins claires, puisent leur source de légitimité dans les principes de l’équité, de la morale
et de la justice et porteraient le risque de devenir un frein à la concurrence dans des marchés de plus
en plus ouverts et compétitifs.
Ce problème est déjà très ancien, mais il se pose de manière très aigue sous la pression de la
mondialisation de l’économie qui nourrit la concurrence, prise sous les tenailles des théories du libre
échange et de la dictature des mécanismes du marché. Autrement dit, les échanges reposent
fondamentalement sur les exigences d’une concurrence internationale de plus en plus vive appelant
aux privatisations, à la déréglementation et au besoin d’un assouplissement des législations sociales.
En effet, les impératifs de compétitivité des entreprises dans un monde de libre échange
impliquent souvent des compressions de salaires et des charges sociales. Ils conduisent les entreprises à
réduire les salaires ou éliminer les emplois pour demeurer en mesure de vendre à de meilleurs prix et
augmenter les bénéfices en vue de disposer de ressources accrues pour financer les investissements.
Cette équation contraint les entreprises à rechercher, sans cesse, les coûts de production les
plus bas, en réduisant les coûts sociaux par l’instauration du travail précaire, le recours au travail
des enfants et au travail forcé, et par d’autres pratiques affectant les droits des travailleurs. Ces
phénomènes engendrent un net recul de la protection sociale et portent un sérieux coup au pouvoir de
pression des syndicats. La concurrence internationale et les politiques de compétitivité augmentent,
ainsi, les inégalités sociales, les situations de pauvreté et d'exclusion dans la plupart des pays,
notamment en développement.
En opposition à cette analyse, les défenseurs du libre échange pensent que la libéralisation du
commerce contribue au progrès économique qui contribue à son tour au progrès social. La
concurrence internationale est donc un facteur positif pour le progrès économique car elle incite les
entreprises à être plus dynamiques, à innover, à comprimer les coûts et les prix et à mieux s'adapter
aux désirs du consommateur. La richesse qui en découle à moyen et à long terme est redistribuée
pour servir la promotion du bien être social.
11
Ces thèses néo-libérales défendent en particulier l’idée que chaque pays a intérêt, dans le
cadre d’un commerce de plus en plus libre entre les nations, à se spécialiser dans les productions pour
lesquelles il bénéficie d'avantages relatifs et à importer les marchandises qui sont plus coûteuses à
produire chez lui.9.
Les études qui ont été menées à ce sujet par l’OCDE, organisation regroupant les pays
industrialisés, faut-il bien le rappeler, tentent de démontrer l’existence d’une relation d’interaction
positive, dans un cadre concurrentiel, entre la productivité (et par là la performance de l’entreprise) et
le niveau des normes du travail et ce pour défendre l’idée de l’impact positif du libre échange sur les
normes sociales.
Selon ces études, il existe une corrélation positive entre les normes du travail et la
productivité, car si par exemple les salariés des usines américaines sont considérablement mieux
payés que leurs collègues sud-coréens, il n’en demeure pas moins que la productivité du travailleur
américain constitue le double de celle du travailleur sud-coréen. Et puisque le travailleur américain
perçoit un salaire plus élevé et bénéficie de conditions de travail meilleures, son coût social est
largement compensé par sa productivité plus élevée.
Ainsi selon les tenants de cette théorie, le respect des normes du travail développe un climat
qui favorise l’innovation et la productivité10 et par conséquent l’aptitude de l’entreprise à s’adapter à
la concurrence dans les marchés. La libéralisation du commerce n’a pas, en conséquence, d’effets
négatifs sur les normes sociales. Bien au contraire, elle devrait favoriser leur promotion.
9
Cette recommandation s'appuie sur la théorie néo‐classique du commerce international, qui prolonge et
développe la fameuse «loi des avantages comparatifs» formulée au début du XIXe siècle par D. Ricardo et qui a
fourni des justifications au libre‐échange. Le noyau de cette théorie est représenté par le «théorème» d'Hechsher‐
Ohlin‐Samuelson, deux économistes suédois et un américain qui ont repris et approfondi au début du 20ème siècle
la théorie de Ricardo .
10
Etude de l’Organisation de la Coopération et le Développement Economique précitée, 2000, p. 35
12
pays, le contexte régional et international dans lequel ils évoluent et suivant la mise en oeuvre des
politiques commerciale et sociale11 supposées être cohérentes et équilibrées.
En tout cas, la libéralisation du commerce et l’ouverture des marchés pourraient avoir des
effets pervers sur les normes sociales. Les analyses schématisées que nous venons de citer conduisent
donc à des conclusions sur l’existence d’un risque tangible du recul des normes sociales. Que l’on se
place du côté de l’une ou l’autre théorie, le risque d’un moins disant social demeure réel et pourrait
résulter des politiques et stratégies des entreprises multinationales et des entreprises nationales qui se
trouvent en pleine compétition souvent sur la base des prix et dans des marchés ouverts.
Dans le but de pallier au risque de tiraillement vers le bas des normes sociales, certains
théoriciens, notamment du monde occidental, estiment que l’inclusion dans le régime commercial de
règles sociales contraignantes pourrait être une panacée. C’est ce qu’on a l’habitude d’appeler les
« clauses sociales ».
11
Les instruments des politiques commerciale et sociale d’un pays sont la vision, la stratégie, les lois, les
règlements et les institutions.
12
Pierre Berthaud et Michel Rocca, firmes globales et normes sociales, 2004, publications de « Annuaire Français
de Relations Internationales » (AFRI).
13
Pour saisir la notion des clauses sociales, il convient de distinguer, d’abord, les « normes
sociales » des « clauses sociales ». Les « normes sociales » définissent un ensemble de règles que les
gouvernements doivent faire respecter dans le cadre des relations du travail.
Une clause sociale, quant à elle, est une règle qui introduit un lien entre le commerce et les
normes sociales en conditionnant l’octroi de certains avantages au respect de ces normes. Ces
avantages, appelés aussi « concessions tarifaires», sont accordés par un pays, dans le cadre d’un
accord commercial, en forme d’accès au marché, aux marchandises d’un autre pays, en franchise ou
avec réduction des droits de douane13.
Ces derniers n'ont, cependant, pas réussi à rallier à leur discours les pays en développement,
malgré l'objectif déclaré de l’introduction dans les accords commerciaux d'un tel lien et qui consiste à
protéger les droits des travailleurs de ces pays.
13
Glossaire posté au site : http://training.itcilo.it/seminaire_quebec/manuel/chap07/toc.html
Consulté le 10 avril 2007.
14
Cycle de négociations commerciales entre les pays membres du GATT, déclenché en 1986 à Punta Del Este en
Uruguay et achevé à Marrakech en Avril 1994.
14
Pour les pays industrialisés, par contre, le but de la clause sociale serait double : garantir
certains droits aux travailleurs tout en évitant que les termes de la concurrence commerciale ne soient
faussés par la violation de ces droits. La clause sociale peut donc viser à préserver la concurrence
dans les marchés et prévenir des pratiques de dumping social tout en garantissant un niveau
minimum de normes sociales.
15
Charte signée en 1947, dans le cadre des Nations Unies. Elle prévoyait la création d’une organisation
Internationale du commerce (OIC). Cette Charte n’a jamais été ratifiée par les pays (notamment les Etats‐Unis) et
n’est donc jamais entrée en vigueur. Le GATT, avec sa portée très limitée, a pallié cette défaillance institutionnelle
jusqu’à la création de l’Organisation Mondiale du Commerce en 1994 à Marrakech.
16
Déclaration du Ministre Marocain des Affaires Etrangères et de la Coopération, M. Mohamed Benaissa, au nom
du Groupe des 77 et de la Chine, document de l’OMC sous la référence (WT/MIN (99)/ST/22), 1999. Dans cette
déclaration, les pays en développement reconnaissent l’importance des normes fondamentales du travail, les
prérogatives en la matière de l’OIT et non de l’OMC, l’inacceptation du lien entre le commerce et les normes
sociales et l’importance de l’avantage comparatif des pays en développement à bas salaire ne devant pas être
mis en question.
15
Il apparaît donc très difficile pour la clause sociale de trouver sa légitimité, du moins dans un
cadre multilatéral, puisqu’elle a été perçue par la majorité des pays membres de l’OMC comme
niant un avantage comparatif économiquement considérable et remettant en cause l’efficacité et le
progrès économique des pays en voie de développement.
Les grands défenseurs des clauses sociales, les américains, sont d’ailleurs largement
réfractaires à la ratification d'instruments juridiques internationaux à caractère contraignant, et
particulièrement à l’égard des conventions de l’Organisation Internationale du Travail17, ce qui
laisse planer le doute quant aux raisons réelles qui les poussent à proposer des clauses sociales. En
effet, il est clair que dans la vision américaine de la libéralisation des échanges, il s'agit
essentiellement de garantir les conditions d'une "concurrence loyale" et non de garantir la protection
des droits fondamentaux des travailleurs en tant que tels.
Ainsi, ceux qui sont pour l’inclusion des clauses sociales dans les contrats commerciaux
(Contrats avec les entreprises et Accords internationaux) estiment que le lien entre les normes
sociales et le commerce prémunit ce dernier des pratiques anti-concurrentielles déloyales et sauvegarde
certains droits fondamentaux aux travailleurs. Par conséquent, ce qui intéresse les défenseurs du
lien entre le commerce et les normes sociales ce n’est pas les droits des travailleurs en premier, c’est
plutôt la concurrence loyale sur les marchés qui est un impératif économique libre-échangiste
contrairement aux droits des travailleurs dont la légitimité reposent sur les principes de l’équité et la
justice.
Parmi les défenseurs des clauses sociales, certains pensent qu’au delà des soucis d’une
concurrence loyale sur les marchés, la politique des clauses sociales s’inscrit dans une stratégie à plus
long terme qui tend à préserver la paix sociale et la stabilité du commerce dans le cadre des valeurs
libérales du nouvel ordre économique international.
17
Des 185 conventions de l’OIT, les Etats‐Unis n’ont ratifié, à ce jour, que quatorze (14) dont deux (2) seulement
des huit (8) conventions contenant les « normes fondamentales du travail ».
16
libéralisation du commerce et l’ouverture des marchés ont des effets sur un grand éventail de normes
sociales.
Autrement dit, la notion de la clause sociale limite le champ et la portée des normes sociales
puisqu’elle vise à établir seulement un socle minimal de normes sociales et ne lui confère souvent de
légitimité que par rapport aux produits destinés à l’exportation et aux investissements étrangers
directs.
Le problème de l’insertion de la clause sociale dans les Accords de l’OMC n’ayant donc pas
été tranché au niveau multilatéral, les pays industrialisés tentent de l’introduire par le biais d’autres
instruments internationaux, tels que le Système Généralisé des Préférences (SGP)18, les accords
commerciaux bilatéraux, les accords de libre échange, les accords d’intégration régionale et les
instruments à caractère facultatif ou volontaire.
Des clauses sociales ont été ainsi insérées dans certains accords d’intégration régionale
(comme l’Accord de Libre Echange Nord Américain/ALENA) et dans des accords de libre
échange (tel que celui que les Etats-Unis ont signé en 2004 avec le Maroc). Des codes de conduite à
l’intention des entreprises des pays industrialisés ont été aussi établis par les Communautés
Européennes et l’OCDE.
C’est ainsi par exemple que des clauses sociales ont été insérées différemment dans tous les
instruments bilatéraux du SGP de l’Union Européenne et des Etats-Unis. Ce système à caractère
unilatéral, qui accorde des franchises en droit de douane pour des produits d’exportation de certains
pays en développement, exige de ces pays comme condition à cet octroi d’observer un minimum de
respect des normes sociales particulièrement dans le cadre de la production de ces produits.
Dans les accords de l’ALENA qui regroupent les Etats-Unis, le Canada et le Mexique,
la notion de la clause sociale n’est pas complète du fait d’abord que les pays membres de
l’ALENA ont opté pour un accord parallèle de coopération en matière de travail (ANACT) à
coté de l’Accord commercial, ce qui évacue dès le départ un quelconque lien direct entre le commerce
et les normes de travail. Ainsi, les normes sociales n’ont pas été insérées dans l’accord commercial
lui-même.
18
Le SGP constitue un cadre volontaire et unilatéral dans lequel les pays développés accordent des franchises en
droit de douane pour des produits de certains pays en développement, notamment les moins avancés parmi eux.
17
Ensuite, peu de normes sont concernées par une procédure pouvant aboutir à des sanctions.
Seulement celles relatives au travail des enfants et au salaire minimum peuvent faire l’objet de cette
procédure. De plus l’ANACT ne propose aucun contenu normatif commun et aucun socle
minimum puisqu’il prend comme référence les législations nationales de chacune des parties19 et non
les normes internationalement reconnues.
De plus, en stipulant clairement « qu’aucune des parties ne manquera pas de faire respecter,
de manière probante, ses lois sur le travail, par une action ou inaction soutenue ou récurrente, dont
l’effet nuirait au commerce entre les parties, après la date d’entrée en vigueur du présent accord.»,
l’Article (16.2. paragraphe 1.a) de l’Accord de libre échange Maroc/Etats-Unis établit un lien
direct et sans équivoque entre le commerce et les normes du travail. L’Article (16.2. paragraphe 2.)
ajoute un lien direct entre le commerce et l’investissement d’une part et les normes du travail
internationalement reconnues d’autre part en se référant à l’article (16.7) qui établit un socle
minimum de normes sociales en énumérant ses éléments constitutifs.
19
Sylvie Paquerot, juriste, Les clauses sociales dans l’ALENA, publications ATTAC/Québec, 12/01/2002, p.11.
20
Chapitre (16) de l’Accord de libre Echange Etats‐Unis/Maroc, intitulé « Déclarations d’Engagement Commun ».
18
Devant l’impertinence des clauses sociales dans les accords commerciales multilatérales,
certains trouvent que des instruments à caractère facultatif et volontaire pourraient être plus efficaces.
Il s’agit d’engagements que les entreprises multinationales pourraient prendre d’une manière
volontaire dans le but de sauvegarder un niveau adéquat de normes sociales applicables dans ces
entreprises. Ces engagements qui ne comportent que des obligations morales peuvent être pris dans le
cadre des codes de conduite établis, entre autres, par l’Organisation Internationale du Travail
(OIT), les Communautés Européennes et l’Organisation de Coopération et de Développement
Economique (OCDE).
C’est ainsi que l’OIT a adopté en 1977 une Déclaration de Principes Tripartite sur les
entreprises multinationales et la politique sociale qu’elle amendé en 2000. Cette Déclaration énonce
des principes de portée universelle destinés à guider les entreprises multinationales, les gouvernements,
les employeurs et les travailleurs dans des domaines tels que l’emploi, la formation, les conditions de
travail et de vie et les relations professionnelles. Ses dispositions s’appuient sur une série de
conventions et de recommandations internationales du travail que les partenaires sociaux sont
appliqués à appliquer (Voir Annexe 4).
S’agissant des Communautés Européennes, une résolution votée en 1999 par le Parlement
Européen encourage les codes de conduite volontaires des entreprises européennes opérant dans les
pays en développement22. Elle vise en premier lieu à établir un cadre morale de conduite pour les
entreprises européennes qui opèrent dans les pays en développement en vue de minimiser la tendance
vers le bas des normes sociales, protéger la main d’ouvre européenne de la concurrence « déloyale » des
travailleurs du monde en développement à bas salaire et proposer de nouvelles formules, bien que non
contraignantes, de clauses sociales.
Quant aux principes directeurs de l’OCDE, ils représentent des recommandations non
contraignantes adressées aux entreprises multinationales qui visent à garantir le respect des
politiques gouvernementales en matière de normes sociales notamment23. Selon l’OCDE, les efforts
21
Adam Mekkaoui, « Libre Echange Etats‐Unis/Maroc : il y a encore du travail », article publié par L’Economiste,
10 août 2004.
22
Normes applicables aux entreprises européennes opérant dans les pays en développement, Journal officiel des
CE, 1999, partie II.
23
Etude de l’OCDE, les échanges internationaux et les normes fondamentales du travail, OCDE, 2000, p 79.
19
volontaires pour définir et appliquer des normes appropriées de conduite des entreprises constituent
l’une des tendances les plus remarquables des dernières années.
Les normes sociales parviennent ainsi à être mises en œuvre dans le cadre de mécanismes
facultatifs comportant une sorte de clause sociale volontaire pouvant à terme acquérir une obligation
morale. Ces mécanismes sont assortis de systèmes de « rating » ou de « labelling », établis pour
renforcer leur l’efficacité.
Ces investissements ont été accélérés et renforcés par la libéralisation du commerce et la libre
circulation des capitaux à travers les frontières nationales et ont donné lieu d’une part à la montée
de la concurrence des pays en matière de l’attractivité et du maintien des investissements et d’autre
part à une latitude de plus en plus grande des entreprises multinationales de choisir leur lieux
d’implantation parmi les pays les plus offrants en matière d’incitation de différentes natures.
Le Maroc n’a pas échappé à cette tendance en procédant à une large réforme législative et en
introduisant un assouplissement marqué de certaines normes sociales dans le nouveau code du travail
contenu dans la loi n° 65-99 relative au Code du travail 24 , promulguée par le Dahir n° 1-03-
194 du 11 septembre 2003 et entrée en vigueur le 7 juin 2004.
24 Bulletin officiel ‐ Edition de traduction officielle, 2004‐05‐06, n° 5210, pp. 600‐658.‐‐ Le texte en langue
arabe a été publié dans l'édition générale du " Bulletin officiel " n° 5167 du 8‐12‐2003.
20
- Grandes facilités accordées à l'employeur pour les licenciements individuels et collectifs, même
arbitraires, des travailleurs; on signalera notamment la suppression par le code de toute
contrainte administrative quant au licenciement collectif ou la fermeture pour les entreprises
ayant moins de dix travailleurs et la suppression de toute peine de prison pour l'employeur
fermant l'entreprise de manière illégale.
- Transfert d’une partie de ses prérogatives au secteur privé, autorisé à créer des agences
d'emploi. Pour le gouvernement, l’intermédiation va permettre de structurer le marché de
l’emploi, de lui donner plus de visibilité et de rendre les recherches de l’emploi et de l’employé
plus aisées. Alors que certains syndicalistes voient dans cette nouvelle disposition un
désengagement de l'Etat dans le domaine de l'organisation de l'emploi et une légalisation des
25
Seddik Mouaffak, Maroc Hebdo international, pages electroniques,p. 12, archives No. 588, 2001.
26
Amine Abdelhamid, Analyse du nouveau Code du Travail marocain, Publications du CISL, 5/02/2005.
21
- Pour ce qui est des salaires, le code du travail, en conformité avec le credo sur la « flexibilité
des salaires » intègre des dispositions en totale contradiction avec la conception du salaire
comme revenu stable garantissant une vie digne: le code du travail envisage l'abrogation de la
loi d'octobre 1959 sur l'échelle mobile des prix des salaires sans la remplacer par des
stipulations permettant d'indexer obligatoirement l'évolution des salaires sur l'évolution du
coût de la vie. Au lieu de stipuler l'unicité du salaire minimum garantissant un minimum
de dignité, le code consacre la possibilité de fixer plusieurs niveaux de salaires minima pour
l'industrie, l'agriculture, l'administration, etc. Le code du travail permet à l'employeur de
diminuer les salaires proportionnellement à la diminution de la durée du travail ce qui
constitue une régression par rapport à la loi de 1936 relative à la fixation de la durée du
travail et qui interdit d'abaisser les salaires suite à une diminution de la durée de travail.
Les effets négatifs de la mondialisation sur les droits des travailleurs ont été,
auparavant, beaucoup plus flagrants dans le cadre du projet du code de travail de 1995 et ses
multiples expressions de recul par rapport aux acquis de la classe ouvrière. Ce projet ajusté
légèrement, par la suite, à travers le projet de 1999, reflétait des développements majeurs
essentiellement en faveur des employeurs. Ainsi, une grande souplesse a été introduite aux règles
de travail, ce qui n’a laissé aucune rigueur combien nécessaire pour protéger les travailleurs. Il
s’agit, entres autres, de27 :
- l’annulation des sanctions d’emprisonnement pour les délits commis par les employeurs,
- la stabilité de l’emploi et sa promotion ne sont pas garanties,
- la clause sociale n’est pas stipulée,
- le réduction du salaire suivant la réduction du temps de travail est permise,
- le jugement pour retour à l’emploi en cas de licenciement arbitraire n’est pas stipulé dans le
projet de 1995. Le projet de 1999 a remédié à cette situation.
- La fermeture de l’établissement en facilitant les licenciements généraux ou partiels, ce qui
n’est pas dans la même ligne avec la gestion des difficultés de l’entreprise que reflète la loi no.
15.95 dans le code du commerce, donnant ainsi priorité aux critères purement économiques.
Le projet de 1999 a remis les choses dans leur logique à travers ses articles 66 à 71
(autorisation du Gouverneur).
27
Abdelkrim Ghali, Du Droit Social Marocain, en arabe, pp. 409‐413.
22
- Le droit de grève a été vidé de son contenu dans le cadre du projet de 1995 et légèrement
redressé par le projet de 1999, bien que le problème reste en entier.
En plus de cette flexibilité imposée par le souci d’encourager les entreprises parfois aux
dépens des travailleurs et d’attirer les investissements étrangers directs, et qui se dégage de la
politique économique du pays, les sociétés multinationales, qui font recours aux travailleurs étrangers
au pays d’implantation, obligent par leurs pressions les pouvoirs publics, dans bien des cas, à
assouplir les procédures d’application des règles de travail, notamment celles régissant le recrutement
des étrangers.
Au Maroc par exemple, des firmes multinationales et des opérateurs des centres d’appel font
recours à des contingents d’employés étrangers, prétextant du fait de l’inexistence de ressources
humaines au Maroc répondant aux profils recherchés.
Devant cette situation et en face des pressions des sociétés multinationales, le Ministère de
l’Emploi et de la Formation Professionnelle explore actuellement les possibilités d’assouplir les
procédures de recrutement des étrangers qui, parait-il, pèsent lourdement sur ces multinationales.
Selon un Arrêté du Ministre de l’Emploi et de la Formation Professionnelle, l’employeur doit
apporter la preuve de l’inexistence, parmi les candidats de nationalité marocaine, du profil
recherché28.
La problématique posée dans le cadre de telles situations parait dans le conflit entre la
protection de la main d’œuvre nationale et les exigences de la mondialisation.
Cette situation démontre aussi que le processus d’assouplissement ne se limite pas aux lois
mais concernent aussi la réglementation et peut, par conséquent se poursuivre dans le temps chaque
fois que des multinationales exercent des pressions sur le gouvernement.
Par ailleurs, certains théoriciens marocains estiment que cette souplesse si elle est bien gérée
pourrait apporter ses fruits. Pour eux, la souplesse se trouve partout dans le code du travail, en
filigrane, mains ne doit pas être synonyme de précarité. Cette souplesse présente plusieurs avantages,
en particulier une meilleure gestion du temps de travail. Le droit de licenciement, quant à lui par
exemple, est plus attentif aux contraintes internes et internationales de l’entreprise marocaine29.
28
Editorial et Article intitulé “ Emploi des salariés étrangers: Mansouri se heurte aux réalités de la globalisation,
L’Economiste, 10 octobre 2006.
29
Professeur Ahmed Aouani, université Hassan II, Maroc Hebdo, propos recueillis par Seddik Mouaffak, pages
électroniques, archives 588, p. 12, 1991.
23
Pour les entreprises interviewées à ce sujet par les rédacteurs de l’étude de la Banque
Mondiale, les coûts élevés occasionnés par les licenciements économiques découragent les entreprises à
investir et à embaucher. Ils affirment aussi que le Maroc dispose d’un marché de travail plus rigide
par rapport aux autres pays en développement qui ont fait l’objet de ladite étude31.
La libre circulation du capital d’investissement a donc donné lieu à une grande liberté de
choisir le lieu d’investissement qui répond le mieux aux exigences des entreprises multinationales.
Les délocalisations fréquentes et instables et la multiplication des zones franches d’exportation
constituent les phénomènes les plus édifiants à ce sujet.
Les délocalisations se font dans l’objectif de construire un avantage concurrentiel reposant sur
l’exploitation des différences qui existent entre les pays. Ces délocalisations des unités de production
dépendent des incitations les plus fortes quant aux coûts de production. Les pays ou les lieux de
localisation ne sont pas nécessairement les lieux où l’on écoule ses produits mais du fait de la
libéralisation du commerce et de l’investissement, les entreprises multinationales peuvent écouler leurs
produits sur la base d’une distribution mondiale qui est assurée depuis le pays qui présente la
combinaison coût-avantage la plus optimale de production. Ce phénomène a donné lieu, à son tour, à
un effritement des normes sociales dans les pays en compétition pour attirer l’Investissement Etranger
Direct.
Les zones franches d’exportation (ZFE) sont souvent établis pour attirer l’investissent
étranger, dynamiser l’économie et créer l’emploi. Se sont des espaces dont le recours est devenu très
fréquent dans les pays en développement sous l’impulsion de la libre circulation du capital et des
marchandises dans une économie mondialisée.
30
Trade Liberalisation, factors Market flexibility and Growth: « the case of Morocco and Tunisia », working paper
no. 3857, March 2006, World Bank.
31
Tableau no. 4, document précité, p.7.
24
Les politiques industrielle et commerciale qui font recours aux ZEF reposent sur le besoin
des pays en développement en investissement étranger direct et constituent un cadre attractif pour les
entreprises multinationales et même nationales qui sont à la recherche de main d’œuvre moins chère
et de systèmes moins exigeants de normes sociales.
Ces ZFE présentent donc des avantages en tant que viviers d’emplois pour une main
d’œuvre à faible coût et peu qualifiée. Selon le Bureau International du Travail, certains pays,
comme le Bangladesh et le Pakistan, excluent les ZFE du champ d’application de la législation
nationale du travail. D’autres, comme le Panama, adopte une législation du travail spéciale aux
ZFE. Même dans les pays ou la législation nationale s’applique aux ZFE, le manque de moyens
d’inspection conduit à une dégradation des normes sociales. Au Mexique par exemple dans les
« machiadoras », les salaires sont inférieurs de moitié par rapport aux salaires hors zone franche.
Au Maroc, les moyens d’attirer les investisseurs dans les ZFE ne sont pas d’ordre social et
se limitent aux incitations financières, notamment fiscales. Autrement dit, il n’existe pas au Maroc
de loi sociale spéciale pour les ZFE. Ces ZFE ne sont pas, en droit, exclues du champ
d’application de la législation nationale du travail. Cependant, l’insuffisance de l’inspection du
travail laisse présager le risque davantage d’effritement des normes sociales dans les zones franches
d’exportation.
De plus, la présence des entreprises étrangères, en grande partie européennes, oblige les
entreprises nationales à se restructurer pour faire face à cette rude concurrence, ce qui n’est pas sans
conséquences sur les normes sociales en général et sur les conditions d’emploi en particulier.
25
Huit mois plus tard, la direction de l’entreprise a pu obtenir des concessions sur le plan des
conditions de travail et des garanties de paix sociale de la part du syndicat permettant ainsi la
réouverture de l'usine. La menace de délocalisation de la production vers les États-Unis a donc été
un bras de levier essentiel entre les mains de l'employeur. Dès que le syndicat et le gouvernement ont
compris que la menace de fermeture de l'usine allait se concrétiser et devenir une réelle décision, ils
ont du assouplir leurs exigences auparavant exprimées32.
Cette affaire montre jusqu’à quel point la mondialisation a modifié l’équilibre des forces
entre le syndicat et le patronat, ce qui n’est pas sans effets sur les normes du travail.
Les gouvernements et leurs systèmes de normes sociales restent donc prisonniers des frontières
nationales et les négociations collectives sont vidées de leur contenu dès lors que le pouvoir de mobilité
conféré aux entreprises par la libre circulation du capital d’investissement et la libéralisation du
commerce peut leur permettre de modifier les règles du jeu et imposer leur agenda.
Au Maroc, l’exemple d’une filiale du groupe irlandais « Fruit of the Loom » dans la ville
de Salé, qui emploie plus de 1.200 personnes, clarifie encore davantage la puissance des entreprises
multinationales à l’égard du pouvoir syndical et l’effet d’annulation que leur comportement peut
avoir sur les normes sociales même les plus fondamentales parmi elles et même si la loi les protège.
32
Marie‐Ange Moreau, Institut de droit des affaires, Université D'Aix‐Marseille III, France et Gilles Trudeau, école
de relations industrielles, université de Montréal, relations industrielles, 1998, VOL. 53, N° 1, pp 3,4.
33
CISL, Normes fondamentales du travail reconnues à l’échelon international, Maroc, rapport pour l’examen par
le Conseil Général de l’OMC des politiques commerciales du Maroc, juin 2003, p 2.
26
Gardant à l’esprit le pouvoir que la multinationale détient si elle voulait délocaliser ses
unités de production dans un autre lieu où la liberté syndicale n’existait pas, le représentant des
pouvoirs publics locaux à Salé a cru devoir soutenir la multinationale irlandaise, peut être, par souci
de vouloir maintenir des investissements créateurs d’emplois.
Nous allons voir, dans le chapitre suivant, comment la révolution technologique accentue ces
phénomènes et influe sur les relations de travail d’une manière particulière.
34
Le Maroc est membre de l’OMC, lié à l’Union Européenne par l’Accord d’association et aux Etats‐Unis par
l’Accord de Libre Echange.
27
La mondialisation est aussi cette révolution sans précèdent des technologies de l’information
et de la communication qui ont bouleversé les relations individuelles et collectives des sociétés,
provoqué des mutations profondes dans les modes de production et de distribution et ont modifié
d’une manière très marquée les relations du travail. Par leur impact sur l’emploi (Section I) et leurs
implications sur les relations de travail (Section II), nous essayerons de comprendre comment les
nouvelles technologies pourront affecter les normes sociales et quelles pourraient être les difficultés
juridiques qui en découleraient.
Les nouvelles techniques ont déstabilisé les prévisions en matière de création et de perte
d’emplois. D’une part, l’utilisation des nouvelles techniques d’embauche risque de porter atteinte
aux droits de la personne demandeur d’emploi et d’autre part l’introduction des nouvelles
technologies de l’information et de la communication (NTIC) comporte un risque réel de perte
d’emploi.
28
L’utilisation des ordinateurs recruteurs qui emploient des techniques telles la gestuologie, la
numérologie, l’analyse du sang, l’astrologie, l’horoscope, etc. peuvent avoir des effets négatifs sur les
droits du candidat à un emploi. Ces éléments sont incorporés dans des logiciels de recrutement et
d’évaluation.
Sans aucune garantie scientifique, certains recruteurs font appel à des méthodes relevant de
leurs convictions personnelles. Ainsi, les adeptes de l'astrologie affirment que celle-ci permet de
connaître les grands traits de la personnalité et le mode de fonctionnement d'un candidat... De même,
les numérologues fondent leur méthode sur les chiffres de la date de naissance, du nom et du prénom,
ce qui permettrait de savoir notamment si un candidat entre dans un bon cycle de vie.
Les tests génétiques aux Etats-Unis par exemple comportent le risque de violation des
libertés des personnes. A travers des HLA (Human Leucocythe Antigen), des laboratoires arrivent
à rechercher les faiblesses génétiques susceptibles d’entraîner un faible rendement, un accident de
travail ou une maladie professionnelle ».
Ces progrès techniques risquent de porter atteinte aux droits de la personne et ne sont pas
sans incidence sur le droit du travail. En effet, en l’absence de réglementation sur le respect des
libertés fondamentales de l’individu en matière d’embauche, il n’est pas exclu que de telles
techniques, pour le moins contestables, envahissent les pays en développement, notamment le Maroc.
Il est par conséquent nécessaire pour le législateur marocain de se pencher, dans le cadre de la
réglementation du travail, sur les questions d’embauche par le biais des nouvelles techniques
informatiques de recrutement, en vue d’identifier les risques qui pourraient en découler en ce qui
concerne les libertés individuelles et les droits du candidat à un poste de travail.
29
Aussi, dans une société en mutation technologique continue, le travail non qualifié ne trouve
plus ou trouve peu de place en raison des changements dans la manière de produire et du recours
accru au travail hautement qualifié. Le problème de l’employabilité et de la formation continue se
pose alors d’une manière très insistante. Nous verrons cette question dans la sous-section B.
Les nouvelles technologies ont aussi un impact direct sur la rupture du contrat du travail.
Dans le cadre des licenciements technologiques, le risque sur les normes du travail est plus grand
quand la législation comporte des ambiguïtés ou ne réglemente pas convenablement ce phénomène.
35
Mohamed Korri Youssoufi, la protection des travailleurs dans le cadre de la relation du travail au Maroc, 1999,
p.12.
36
J.Ellul, le bluff technologique, Paris, Hachette, 1988, p. 19
30
Les nouvelles technologies ont des répercussions sur de nombreux aspects des conditions du
travail. Nous nous limiterons à leur impact sur la durée du travail, la rémunération, et sur la
carrière et la formation. Nous essayerons aussi de relever les difficultés inhérentes à ces aspects.
La réglementation du temps du travail est dictée non seulement par le souci de permettre au
salarié de se reposer et avoir des loisirs, mais aussi par la volonté de distribuer le temps de travail
parmi la population active en vue de lutter contre le chômage.
Si le droit de travail peut contrôler l’effectivité de la durée du travail dans le cadre d’une
organisation classique du travail, il est très difficile, voire impossible de faire respecter cette norme du
travail en raison de la mobilité du salarié. En effet, les NTIC ont rendu possible la non nécessité de
la présence physique du travailleur sur le territoire de l’entreprise.
C’est ainsi que le développement du télétravail ou du travail à domicile rend très compliqué
l’application des normes sociales, en particulier celles relatives à la durée du travail. C’est le cas du
web master, traducteur ou concepteur de logiciel dont la présence en entreprise n’apporte aucun
avantage en termes de production. Il semble bien difficile d’imposer à ce télétravailleur, aussi bien le
respect de la durée du travail que des pauses régulières qui sont pourtant nécessaires en cas de travail
sur écran. Le travail de nuit, qui est fort utilisé dans ce genre de travail est aussi difficilement
contrôlable.
Le problème qui se pose en fait est de savoir comment délimiter le temps effectif du travail du
télétravailleur, partagé entre la quasi-indépendance et la quasi-dépendance vis-à-vis de son
employeur.
Les inspecteurs du travail, seuls habilités à contrôler l’application des normes du travail, ne
peuvent dresser des procès verbaux en cas d’infraction à ce sujet. La frontière entre le travail et le
temps de repos ou entre la vie professionnelle et la vie privée semble donc très mince sous l’effet des
nouvelles technologies d’information et de communication.
S’agissant de la rémunération du travail, les nouvelles technologies ont bouleversé les données
d’analyse en perturbant les règles traditionnelles du marché et en donnant ainsi un très grand
avantage à la main d’ouvre qualifiée aux dépens de la main d’oeuvre non ou peu qualifiée.
31
Ainsi, l’écart entre les salaires des travailleurs qualifiés et non qualifiés a augmenté du fait
de l’augmentation du coût de la main d’œuvre qualifiée et de la demande de celle-ci, et ce en raison
des nouvelles manières dont les entreprises produisent, profondément modifiée par le progrès
technique.
Quoique cette forme « d’inégalité des salaires » ne soit pas enfreignant les normes légales
nationales et internationales, elle présente cependant sur le plan de la morale et de l’équité une
injustice sociale causée par les impératifs de la compétitivité dans un monde en mutation
technologique continue.
Or, le problème se pose d’une manière plus aigue avec la révolution technologique qui exige
une réadaptation avec les nouvelles manières de produire. Le législateur marocain est resté muet à ce
sujet aussi bien dans le cadre de l’ancienne législation que dans le code du travail de 2003. Bien que
l’article 105 prévoit que la convention collective doit comporter des dispositions relatives aux
conditions du travail, dont les relations hiérarchiques relatives aux différentes qualifications
professionnelles. Mais là encore, cette précision semble concerner uniquement la préoccupation de
détermination des salaires38.
Un autre aspect d’une importance capitale des répercussions des changements technologiques
sur la garantie de l’emploi pour le travailleur, c’est celui de la formation. Le professeur Forquin et
Teyssié ont souligné que « la formation doit être permanente pour éviter l’obsolescence des
connaissances, facteur de perte d’emploi, pour assurer une promotion et permettre une reconversion.
A l’entreprise, elle assure des performances accrues, écho de la qualité des hommes qu’elle
37
Mohamed Tadili, la réforme de la législation sociale au Maroc, 2004, pp.375 et 376.
38
Mohamed Tadili, la réforme du droit social au Maroc, 2004, p. 377
32
emploie. »39. Avec l’évolution continue des technologies, ces propos deviennent plus que jamais
valables.
Dans une Déclaration sur « les aspects sociaux du changement technologique, l’OCDE
souligne la nécessité d’accorder des possibilités de promotions et une aide aux travailleurs par des
actions en matière d’enseignement et de formation. Dans la même déclaration, elle encourage les
syndicats des employeurs et des travailleurs à maximiser les possibilités offertes aux travailleurs par
les nouvelles technologies dans l’entreprise40.
Le Dahir du 21 juin 1996 portant promulgation de (la loi no. 36-96)44 a institué la
formation professionnelle alternée permettant ainsi aux entreprises qui le souhaitent d’organiser une
formation professionnelle au sein de leur entreprises en concluant des contrats avec l’OFPPT.
39
Mohamed Tadili, la réforme de la législation sociale au Maroc, 2004, pp. 303,304, et Bernard Teyssie, droit du
travail, deuxième édition litec.1993, p. 171
40
OCDE, acte en annexe au document C (86) 204, emploi, travail et affaires sociales, 19 novembre 1986, pp. 1 et
2.
41
Alain FINOT, l’analyse microéconomique des déterminants de la performance des entreprises, London University Press, 1992.
42
Mohamed Tadili, la réforme de la législation sociale au Maroc, 2004, p. 285.
43
Bulletin Officiel du 29 mai 1974, p. 893.
44
Bulletin Officiel no. 4428 du 7 novembre 1966, p. 725.
33
La loi no. 13.00 adopté par Dahir du 19 mai 200045 a institué la formation
professionnelle privée. Dans son article premier, la loi en question présente la formation
professionnelle privée comme étant un service public destiné, entre autres, à « l’adaptation des
connaissances acquises aux évolutions technologiques en relation avec les besoins du monde du
travail ».
Les implications des nouvelles technologies sur les relations du travail portent des risques
aussi bien sur les relations individuelles que collectives.
45
Bulletin Officiel no. 4800 du 1er juin 2000, p. 411.
46
Mohamed Tadili, la réforme de la législation sociale au Maroc, 2004, pp. 306 à 312.
34
Certaines entreprises utilisent le système GPS (Global Positioning System)47 pour localiser les
véhicules utilisés par leurs salariés.
Dans l’entreprise, le salarié doit bénéficier en tant que personne du droit au respect de sa vie
privée. Il s’agit des droits et libertés fondamentales tel que la protection de la liberté privée, protégée
par la constitution, la législation nationale et les conventions internationales.
Ce principe apparaît aussi dans l’article 17 du Pacte international relatif aux droits civils et
politiques de 1966 dont le Maroc en est devenu partie à la date du 03 mai 1979.
47
Le GPS (Global Positioning System) est un système de localisation par satellite mis en place par le département
américain de la défense dans les années 1970. Il permet de déterminer les coordonnées géographiques d'un point
situé n'importe où dans le monde 24 h sur 24 h.
48
http://www.legalis.net/jurisprudence-decision.php3?id_article=1614.
35
Ce phénomène rétrécit les milieux de recrutement des syndicats, rend difficile le maintien de
contacts entre leurs composantes et contribue au recul de leur pouvoir. Le monde d’aujourd’hui
assiste peut être au risque de disparition de l’entreprise comme lieu d’action, de motivation, de
revendication et d’influence des travailleurs, et au risque même du démantèlement des syndicats.
Et comme l’a souligné le Conseiller Fédéral Suisse en décembre 2000 49« Les syndicats sont
victimes de l’individualisation croissante du travail. Les NTIC, le télétravail et le outsoursing (sous-
traitance) favorisent le travail en solitaire. Ce phénomène est potentiellement dangereux, car
l’instinct de solidarité s’amenuise ».
L’usage d’internent et des intranets d’entreprises par les syndicats pose aussi plusieurs
questions qui touchent au rôle des syndicats et leur façon de s’organiser. Pour les employeurs, il s’agit
de ne pas trop donner de pouvoir de communications syndicales et pour les syndicats, le risque d’une
déshumanisation de la relation qui les éloigne des travailleurs est réel, bien que certains reconnaissent
que la communication sur réseaux apporte bien aux syndicats efficacité et efficience, notamment en
matière d’organisation de luttes ou de médiation de conflits.
Le même problème pourrait être posé sur un plan purement juridique si nous nous
interrogeons sur les droits et obligations de partenaires sociaux à l’égard de l’utilisation de l’internent
et des intranets d’entreprise par les syndicats. L’usage des intranets d’entreprises par les
organisations syndicales pose donc la question de l’adaptation du droit aux nouveaux moyens de
communications et d’information.
Concernant l’utilisation par les syndicats des réseaux intranet de l’entreprise, la question est
plus difficile à trancher. En l’absence d’une loi, mettre à la disposition des syndicats les réseaux
intranet de l’entreprise demeure soumis au bon vouloir de l’entreprise.
49
Pascal Couchepin, Conseiller Fédéral Suisse, chef du Département Fédéral de l’Economie, discours prononcé le
12 décembre 2000 lors de la 6ème réunion régionale européenne de l’OIT.
36
Les NTIC n’ont pas seulement pour effet le risque d’affaiblir les syndicats, elles ont
également des conséquences sur la principale arme de lutte des travailleurs : la grève. Avec la
réduction du nombre d’adhérents et leur force de négociation, l’isolement des travailleurs,
l’avènement du télétravail et du télétravail à domicile et l’inadaptation des syndicats aux nouveaux
outils de communication, les mouvements de grève trouvent difficilement leur place dans la plupart
des entreprises modernes.
La problématique qui se pose dans ce cadre est celle du principe d’accorder aux sections
syndicales des moyens en matériel et en formation pour faciliter la communication syndicale et la
mettre, d’un point de vue technologique, au niveau des autres activités de l’entreprise.
50
Journal Officiel, France, 1er février 1999.
37
En général les travailleurs doivent avoir le droit d’être consulté sur toute introduction de
nouvelles technologies affectant leurs conditions de travail.
La législation française impose aux entreprises de consulter les représentants des travailleurs
à ce sujet. L’Article L432-2 du code français du travail51stipule que le comité d'entreprise est
informé et consulté, préalablement à tout projet important d'introduction de nouvelles technologies,
lorsque celles-ci sont susceptibles d'avoir des conséquences sur l'emploi, la qualification, la
rémunération, la formation ou les conditions de travail du personnel.
Les membres du comité reçoivent, un mois avant la réunion, des éléments d'information sur
ces projets et leurs conséquences quant aux points mentionnés ci-dessus. Lorsque l'employeur
envisage de mettre en oeuvre des mutations technologiques importantes et rapides, il doit établir un
plan d’adaptation. Ce plan est transmis, pour information et consultation, au comité d'entreprise en
même temps que les autres éléments d'information relatifs à l'introduction de nouvelles technologies.
En outre, le comité d'entreprise est régulièrement informé et périodiquement consulté sur la mise en
oeuvre de ce plan.
Les nouvelles technologies ont induit une « révolution informationnelle » et ont donné une
place centrale à l’information, à la fois comme moyen de production et comme produit à part entière.
Ce phénomène a engendré une déstabilisation des analyses économique et juridique. Economique, en
ce sens que les NTIC sont devenues la base de la valeur à côté du travail et l’informatique une
source renouvelable. Déstabilisation des bases d’analyse juridique, puisque les NTIC perturbent les
règles connues du droit. Les technologies ne sont pas donc neutres, puisque elles menacent l’individu
dans ses droits les plus fondamentales qui sont la liberté et l’emploi. La façon dont on utilise les
51
(Loi n° 82‐915 du 28 octobre 1982 Journal Officiel du 29 octobre 1982)(Loi n° 82‐915 du 28 octobre 1982 art. 29
Journal Officiel du 29 octobre 1982 LOI AUROUX)(Loi n° 86‐1320 du 30 décembre 1986 art. 20 III 1° Journal
Officiel du 31 décembre 1986)(Loi n° 2001‐152 du 19 février 2001 art. 1 I Journal Officiel du 20 février 2001).
38
NTIC nécessite une protection juridique contre les risques des nouvelles technologies de l’information
et de la communication52.
Devant cette vague d'invasion technologique, le salarié a besoin des mesures protectrices
édictées par le Code du travail, notamment en matière de protection des libertés individuelles. S'il
n’est peut être pas nécessaire de faire naître à cet effet une branche autonome du droit du travail, il
n'en demeure pas moins que des difficultés spécifiques, attachées à l'inadaptation des règles en
vigueur, restent à résoudre. Afin d'éviter une fracture entre le droit et ses principaux protagonistes, il
convient d’explorer le meilleur équilibre entre les différents intérêts en présence, sachant que les
adaptations juridiques s'avèrent être aussi bien nécessaires au travailleur qu’à l'organisation et au
fonctionnement de l'entreprise elle même.
D’une manière générale, les NTIC font émerger de nouveaux modèles d’entreprise que la
réflexion politique, économique, sociale et juridique doit impérativement intégrer à plusieurs niveaux
pour que l’équilibre recherché entre droits des travailleurs et intérêts des employeurs soit sauvegardé.
Les problèmes qui se posent et les questions auxquelles la législation et la jurisprudence devront
répondre sont nombreux. On peut citer essentiellement ce qui suit :
- Protection des libertés des salariés dans le cadre de l’utilisation des nouvelles technologies.
- Droits des candidats au travail à l’épreuve des nouvelles méthodes technologiques de
recrutement.
- Rupture du contrat du travail et les licenciements technologiques.
- La nouvelle conception du lien de subordination entre l’employeur et le salarié et la remise en
cause de la notion classique du lien de subordination avec l'introduction des NTIC dans le
travail.
- l’adaptation du droit du travail au développement des télétravailleurs salariés à domicile.
- La nécessité de fixer des limites à la surveillance patronale exercée au moyen des NTIC et
les risques d'un contrôle illimité. L'existence de limites légales et constitutionnelles. ·
- Les NTIC : nouveau moyen d'expression des organisations représentatives des salariés.
- Les syndicats et les NTIC.
52
Ghali, 1997, publication précitée, p.410
39
Nous avons vu, dans la première partie, comment la mondialisation influe sur les
normes de travail et comment les impératifs de la concurrence et de la compétitivité, aussi
bien au niveau national qu’international, ont induit des mutations profondes sur les
relations industrielles en général et sur les relations de travail en particulier.
Nous avons également constaté que ces répercussions prennent des dimensions
internationales qui vont au-delà de la simple application locale ou nationale des règles
sociales. D’où la nécessité de faire appel aux règles du Droit international pour permettre
aux règles du Droit interne de s’adapter à ces phénomènes aux influences et retombées
transfrontalières.
40
DEUXIEME PARTIE
41
Comme nous l’avons pu constater au niveau de la première partie, les normes du travail
puisent leur source de légitimité dans les principes de l’équité et de la justice, c'est-à-dire dans des
concepts qui, bien que moralement solides, paraissent non quantifiables et peu précises. Leur
application se heurte souvent à des notions économiques mesurables et plus claires : la concurrence et
la compétitivité dont les fondements reposent sur la théorie libre-échangiste du libéralisme
économique.
Cette problématique se pose d’une manière encore plus aigue avec le processus de la
mondialisation dans le cadre duquel la concurrence et la compétitivité s’accentuent,
s’internationalisent et trouvent leur champ d’action et leur portée continuellement élargis. D’où le
problème de l’applicabilité des normes sociales dont le test repose sur la portée des réponses qu’elles
pourraient donner aux préoccupations des travailleurs d’une part, et sur la conformité des
législations nationales aux normes et pratiques internationales d’autre part.
Ainsi l’applicabilité des normes du travail rencontre souvent des difficultés inhérentes soit
aux politiques économique et sociale suivies par les gouvernements soit aux conflits des lois que pose
leur application.
Et même en supposant qu’elles puissent s’intégrer sans heurts au régime juridique interne,
chose qui n’est nullement aisée, ces normes du travail rencontrent dans la pratique de sérieux
obstacles dans leur application.
Dans cette deuxième partie, nous allons aborder les problèmes liés à l’applicabilité des
normes du travail à travers l’analyse du cadre général de son application qui est le droit
international du travail (Chapitre premier) et nous passerons ensuite en revue quelques aspects de
l’application effective de ces normes (deuxième chapitre), notamment au Maroc, en signalant certains
problèmes qui entravent leur application dans la pratique.
A cet égard, nous mettrons essentiellement l’accent sur les normes fondamentales du travail
telles qu’elles sont internationalement reconnues à travers la « Déclaration de l’OIT sur les principes
et les droits fondamentaux au travail » de 1998 et qui est citée dans l’introduction de la première
partie de cette étude.
42
Le contenu et les objectifs du droit international du travail ne sont pas toujours clairs. Il
comporte ainsi des difficultés de mise en œuvre à plusieurs niveaux. La compréhension de ses
implications dépend dans une large mesure de la délimitation de son contenu et d’une meilleure
compréhension de ses objectifs.
Comme expliqué plus haut la mondialisation exerce une forte pression sur l’action normative
de l’Etat à l’égard de la réglementation du travail. Cette pression donne lieu à une insuffisance du
droit national du travail. Ce qui interpelle un autre niveau de régulation sociale : le niveau
supranational. Autrement dit, la mondialisation affecte le contenu et l’efficacité des normes du
travail au niveau national et exige, en retour, un cadre d’application plus large : le droit
international du travail.
Le droit international du travail repose sur plusieurs sources. Nous nous intéressons, dans ce
cadre, surtout aux instruments et conventions des Nations Unies ainsi qu’aux Conventions et
Recommandations de l’Organisation Internationale du Travail. Nous aborderons le contenu des
règles du droit international du travail, leurs objectifs normatifs et leurs implications ainsi que les
difficultés de leur mise en œuvre dans le cadre du droit interne.
43
Le droit international du travail puise fondamentalement ses sources dans les instruments
des droits de l’Homme de l’Organisation des Nations Unies et des Conventions de l’Organisation
Internationale du Travail (OIT). Les premières sources se rapportent au cadre général des droits de
l’Homme des Nations Unies et comportent des normes du travail. Les secondes sources présentent
plutôt des normes sociales plus détaillées régissant d’une manière plus précise l’emploi, les relations
du travail, les relations professionnelles, les conditions du travail et la protection sociale.
Tout d’abord, il convient de souligner l’importance du rôle des Nations Unies dans la
promotion des droits de l’homme, qui englobent les droits des travailleurs. La défense et le respect des
droits de la personne et ses libertés fondamentales figurent parmi les obligations des Etats membres
des Nations Unies en vertu de la Charte des Nations Unies, adoptée à San Francisco en 1945, et
énoncés en plus de détail dans la Déclaration Universelle des droits de l’homme de 1948.
La portée juridique de la Déclaration universelle des droits de l’Homme n’est pas pleinement
établie. Il s'agit en fait d'une résolution de l'Assemblée générale des Nations Unies. Elle n'a pas la
valeur juridique d'un traité international et n'a donc pas de dimension contraignante et ne peut être
invoquée devant un juge53. C'est un texte dont la portée est avant tout morale et dont la légitimité
s'appuie sur l'autorité que lui confère la signature de la majorité des Etats du monde.
C’est pourquoi, il a été décidé d’établir des déclarations des droits ayant valeur juridique, de
manière à assurer plus efficacement le respect des libertés fondamentales sur le plan international.
Tel est l'objet des deux Pactes adoptés le 16 décembre 1966 : le premier relatif aux droits civils et
politiques et le second aux droits économiques, sociaux et culturels. Ces deux textes sont entrés en
vigueur pour le Maroc en 197954. Ils ont pour principal intérêt de reprendre, en détail, l'ensemble
des droits évoqués dans la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme de 1948 et de leur
53
Le Conseil d'État en France a affirmé qu'elle était dépourvue de valeur normative par un arrêt dénommé
« Roujansky » de 1984.
54
Le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels de 1966, ratifié par le Maroc le 3 mai
1979, traite notamment des droits des travailleurs relatifs à la non‐discrimination, à la liberté d’association et à la
liberté syndicale ; Le Pacte international relatif aux droits civils et politiques de 1966, ratifié par le Maroc le 3 mai
1979, traite notamment de droits des travailleurs tels que la liberté d’association, l’interdiction du travail forcé et
l’égalité devant la loi ;
44
conférer une valeur juridique contraignante. Ces Pactes n’ont cependant de valeur juridique que pour
les Etats qui les ont ratifiés.
Deux autres instruments des Nations Unies touchent directement aux droits fondamentaux
du travail. La Convention internationale relative aux droits de l’enfant de 198955 établit le
principe de la non exploitation de la main d’œuvre infantile et d’autres droits connexes. La
Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des
femmes du 18 décembre 197956 traite dans son article (11) de la non discrimination en matière
d’emploi et du travail.
Comme c’est le cas pour les deux Pactes des droits de l’Homme mentionnée plus haut, ces
conventions ne sont contraignantes que pour les Etats qui les ont ratifiés. Ces Etats ont l’obligation
de transposer les normes juridiques contenues dans ces instruments dans leur législation interne. Des
rapports périodiques sont présentés, à cet effet, par chaque Etat partie à ces instruments onusiens
devant des comités d’experts indépendants appelés à vérifier l’application de ces normes au niveau
national. A côté de ces instruments, les conventions de l’OIT constituent un véritable code
international du travail.
Les conventions de l’OIT sont ouvertes, après leur adoption par la Conférence générale de
cette organisation, à la ratification des Etats membres. Les recommandations n’appellent pas, quant
à elles, de ratification et visent à orienter la politique, la législation et la pratique nationale en
matière de normes sociales.
55
Le Maroc a ratifié cette convention le 21 juin 1993
56
Le Maroc a ratifié cette convention le 22 juin 1993
57
Base de données de l’OIT, « ILOLEX »,Genève, Suisse.
45
Par ailleurs les Etats membres qui ratifient une convention ont l’obligation d’en appliquer
les dispositions. L’application des conventions ratifiées est contrôlée par un système tout à fait
particulier. Elle est régulièrement examinée par des organes de contrôle de l’OIT58. Des procédures
relatives aux réclamations et aux plaintes peuvent être initiées contre les Etats membres qui ne
respectent pas les conventions qu’ils ont ratifiées.
Présentant un socle minimum de normes du travail, les huit conventions citées au paragraphe
précédant regroupent les quatre catégories de normes sociales les plus universellement reconnues. Les
Etats membres sont tenus de respecter ces normes dites fondamentales, même s’ils n’ont pas ratifié
les conventions correspondantes.
58
La Commission d’experts pour l’application des conventions, la Commission de la Conférence pour l’application
des normes et le Comité de la liberté syndicale.
59
Déclaration de l’OIT relative aux principes et droits fondamentaux au travail, Organisation Internationale du
Travail, Genève, 1998.
46
Le juge peut dans certaines situations se référer à ces engagements, bien qu’unilatérales, pour
constater le délit de violation des droits des travailleurs. En effet, le Juge américain considère ces
engagements comme ayant une force juridique contraignante malgré leur caractère unilatéral et
volontaire. Dans un arrêt de la Cour Suprême des Etats-Unis, il a été fait valoir du droit du
consommateur pour incriminer la non application du code de conduite de l’entreprise Sport Nike en
se basant sur la règle de l’interdiction de la publicité mensongère et en considérant que l’adoption par
l’entreprise en question d’un code de conduite et sa publication sans l’application de ses dispositions
est contraire au droit du consommateur 60.
D’une manière générale, les normes internationales du travail présentent des outils pour les
Etats qui cherchent à élaborer et à faire appliquer une législation du travail et une politique sociale
dans le respect des normes convenues à l'échelle internationale. C’est dire que ces normes n’ont de
valeur juridique que si elles sont acceptées par les Etats membres.
L’objectif des normes internationales du travail est multiple. Il consiste à protéger les
travailleurs contre les éventuels abus des employeurs dans une économie mondialisée d’une part, et
d’autre part, à épargner le marché des pratiques restrictives anticoncurrentielles et de dumping social.
Au delà de cette finalité de fond, quel objectif normatif visent-elles dans un monde de plus en
plus élargi et interdépendant ? Visent-elles l’unification des règles de droit régissant les relations
entre les travailleurs et les employeurs à travers le monde ? Visent-elles plutôt une harmonisation des
normes sociales appliquées dans différents Etats? Ou bien servent-elles, juste, à assurer l’application
de règles minima à reconnaître et à respecter par les Etats dans une économie mondialisée?
Avant d’essayer de répondre à ces questions, il est peut être utile de définir les différentes
notions juridiques en question.
60
Article, quotidien canadien LeDevoir, 28 juin 2003 relatant la décision rendu par la Cour Supême des Etats‐Unis
qui signifie que Spotif Nike pourrait être poursuivi en justice pour des publicités et des déclarations mensongères
sur la manière dont il fait travailler ses salariés dans les pays en développement.
http://www.ledevoir.com/2003/06/28/3078.html
Consulté le 28 juin 2008.
47
L’unification des normes consiste à substituer de manière obligatoire, dans les ordres
juridiques internes, une règle commune uniforme, aux règles antérieures qui sont divergentes d’un
Etat à un autre. La règle qui sera directement applicable dans les ordres juridiques internes ne
laissera aucune place aux particularismes juridiques nationaux.
Quant à l’harmonisation des normes, elle consiste à assurer une équivalence des règles
applicables dans des Etats à systèmes juridiques différents. La norme supranationale est transposée
dans l’ordre juridique interne sans toucher aux particularismes juridiques nationaux. La manière
dont il est fait effet de la norme internationale demeure de la prérogative de chaque Etat. Les règles
de droit dégagées de cette harmonisation doivent être proches mais pas nécessairement identiques61.
S’agissant d’assurer des règles minima dans des systèmes juridiques internes différents, cela
consiste à garantir un niveau normatif minimum de normes sociales applicables au-dessous duquel
l’Etat se trouve enfreignant les obligations qu’il a contractées. Dans ce cas, l’Etat peut assurer aux
travailleurs assujettis à son système juridique interne, un niveau plus élevé de normes sociales que
celui défini par les règles minima édictées par un instrument international. Ces prescriptions
minimales ou ce minimum commun imposé visent à assurer le respect du dénominateur commun le
plus bas de normes sociales. Elles risquent, cependant, de conduire à un alignement vers le bas des
normes sociales au niveau national.
Certains pays commencent par réviser leur législation et leurs politiques afin de les mettre en
conformité avec l'instrument international qu'ils souhaitent ratifier. D'autres ratifient les conventions
de l'OIT assez rapidement et s'efforcent ensuite d'harmoniser leur législation et leurs pratiques
nationales avec ces instruments.
Dans les deux cas, les normes internationales du travail servent alors d'objectifs à
l'harmonisation des lois et pratiques nationales dans le domaine des relations du travail.
D'autres pays encore décident de ne pas ratifier telle ou telle convention et alignent, quand
même, leur législation sur les dispositions de cet instrument. Les normes internationales leur servent
dans ce cas de modèle pour formuler des lois et des orientations politiques. Elles peuvent leur servir
aussi d’indicateur pour assurer des prescriptions minimales dans un domaine social particulier, sans
se lier les mains par des obligations juridiques internationales vis-à-vis des Etats membres.
61
Elizabeth Thomas, mémoire de DEA, Université de Lille II, école doctorale no. 74, 2003, p. 28.
48
L’unification des normes sociales telle qu’expliquée plus haut n’est donc pas l’objectif des
normes internationales du travail. Ces dernières visent souvent une harmonisation des normes
sociales nationales et laissent intactes les particularités juridiques nationales. Elles peuvent viser
dans les cas de non ratification la garantie du respect d’un socle minimum de normes sociales, tels
que celui établi par la Déclaration de l’OIT de 1998 sur les principes et droits fondamentaux du
travail, qui dégage des obligations de l’ensemble des Etats membres de l’OIT vis-à-vis de certaines
normes sociales, même dans l’absence de ratification des conventions correspondantes. Dans ce cas
l’objectif des normes internationales se limite à faire assurer le respect d’un niveau minimum de
normes sociales applicables au niveau national et restreindre la portée du dumping social et ses effets
sur la compétitivité des entreprises et la concurrence des marchés.
Les notions de souveraineté, de la hiérarchie des normes et de la primauté du droit
international sur le droit interne posent de nombreux problèmes en cas de conflits de lois. Des
solutions à ces conflits sont souvent expliquées par le pouvoir judiciaire dans le cadre de la
jurisprudence qu’il développe.
49
Certains Etats ont pu résoudre cette question par la constitutionnalisation des normes
internationales soit dans l’absolu, soit en conditionnant l’application des traités et conventions
internationales qu’ils ont ratifiés par la règle de réciprocité. La constitution Française par exemple
indique clairement que les traités et conventions internationaux ratifiés par la France sont
immédiatement appliqués en France à condition que l’autre partie en observe l’application. Ce qui
évacue dès le départ le problème de la souveraineté.
Comme nous l’avons vu, l’article 55 de la Constitution française stipule que « les traités ou
accords régulièrement ratifiés ou approuvés ont dès leur publication une autorité supérieure à celle des
lois, sous réserve, pour chaque accord ou traité, de son application par l’autre partie ». Les conflits
des lois sont aussi évacués dès le départ par la constitution.
Au Maroc, en l’absence d’une définition constitutionnelle claire sur la hiérarchie des sources
entre les traités internationaux et le droit interne, la jurisprudence semble pencher implicitement vers
la théorie dualiste62, et ce dans le cadre d’une remarquable évolution jurisprudentielle par laquelle le
juge marocain fait un recours direct à la norme internationale comme outil d’interprétation ou
d’application de la loi interne63.
62
La théorie dualiste, en opposition à la théorie moniste, consiste en l’existence de deux ordres juridiques interne
et international, avec la primauté du second sur le premier en cas de conflit des lois.
63
Professeur Amin Hajji, Faculté de droit de Casablanca, note de synthèse de l’exposé préparé à l’occasion du
séminaire sur « la justice marocaine : institution et fonction (Axe II/ : justice et mondialisation), 30 et 31 mai 2003,
p.1 »
50
figurant dans les normes internationales. C’est dans ce cadre que des difficultés purement judicaires
risquent d’entraver la mise en œuvre pleine et effective des normes internationales du travail.
Le problème se pose avec une plus grande ampleur dans les pays qui ne disposent pas d’une
justice spécialisée. C’est le cas du Maroc, par exemple, où le législateur n’a pas estimé, à ce jour,
nécessaire d’instituer une réelle magistrature sociale malgré l’accord conclu le 30 avril 2003 dans le
cadre du dialogue social entre le gouvernement et les partenaires sociaux et qui comporte parmi les
points sur lesquels on s’est accordé « l’examen de la possibilité de création de tribunaux sociaux »64.
Cette situation laisse la justice marocaine en souffrance d’une spécialisation et d’une expertise
nécessaires pour la promotion de l’application des normes internationales du travail à l’égard
desquelles le Maroc s’est engagé.
En formulant leurs politiques économiques dans une économie mondialisée, les Etats ont
tendance, comme on l’a déjà vu plus haut, à observer une certaine flexibilité dans leur législation
sociale pour s’assurer de l’attrait de l’investissement, créateur d’emplois, et assurer un certain
équilibre « approprié » entre les droits des travailleurs et la compétitivité des entreprises.
Cette flexibilité est reflétée soit dans l’inaction quant à la ratification des conventions
internationales, soit dans l’interprétation que les gouvernements donnent aux normes internationales
du travail ou encore dans la manière avec laquelle ces normes sont transposées au niveau du droit
interne.
Pour les pays qui ne ratifient pas une ou plusieurs conventions, il reste dans ses propres
prérogatives d’en appliquer ou non le contenu. Quant aux pays qui procèdent à la ratification, ils
n’appliquent pas de la même façon les conventions et traités internationaux qu’ils ont ratifiés.
Dans de nombreux pays, on interprète ces traités et conventions de la manière qui permet
leur incorporation dans les politiques socio-économiques qu’ils poursuivent. Dans d’autres pays, on
met en place des dispositions juridiques internes qui rendent difficile la mise en application réelle les
normes internationales du travail.
Si l’on prend le cas du Maroc par exemple, les difficultés qui relèvent des politiques
économiques et qui entravent la liberté syndicale sont nombreuses. La première difficulté qui nous
vient à l’esprit réside dans la longue hésitation observée par le gouvernement dans la ratification de
la convention no. 87 de l’OIT relative à la liberté syndicale. Le Maroc n’a pas à ce jour ratifié cette
64
Mohamed Tadili, la réforme du droit social au Maroc, 2004, p. 181.
51
convention qui fait partie des normes fondamentales du travail. La complexité et l’ambiguïté qui
entourent la législation marocaine en matière de liberté syndicale reflètent une autre difficulté. Une
autre difficulté est constatée dans la position du Maroc lors de la Conférence de l’OMC qui s’est
tenue à Singapour en 1996 et au cours de la quelle le Maroc a joué un rôle catalyseur dans
l’adoption dans la déclaration de l’OMC de Singapour un paragraphe historique65 sur les droits
fondamentaux du travail et qui a constitué une sorte de prélude à la Déclaration de l’OIT de 1998
sur les principes et les normes fondamentales du travail, dont la liberté syndicale fait partie
intégrante, et ceux en dépit de la position des pays en développement qui ne voulaient pas de
déclaration des droits des travailleurs au sein de l’OMC.
En analysant ces exemples et ces faits, nous pouvons retenir que la politique suivie par le
Maroc en matière de liberté syndicale n’est pas, pour le moins, claire et comporte certaines hésitations
dictées par les soucis d’une certaine politique économique.
Selon une analyse faite par le Secrétaire général de l'USF-UMT et président de l'AMDH
et publiée le 5 février 2005 66 , le nouveau code du travail n’a pas réglé les problèmes concernant la
liberté syndicale et présente toujours beaucoup de défaillances. Selon lui, le code du travail ignore
l'indispensable protection des représentants syndicaux -membres des bureaux syndicaux au niveau
des entreprises- et les facilités dont ils doivent bénéficier pour poursuivre une activité syndicale
normale. En revanche, le nouveau code du travail a renforcé les prérogatives des délégués des salariés
- qui ne sont pas forcement syndiqués - en les consacrant comme représentants des travailleurs au
niveau du comité d'entreprise, du comité d'hygiène et de sécurité et comme interlocuteurs uniques dans
plusieurs opérations de concertation prévues par le code.
65
Le paragraphe 4 de la déclaration se lit comme suit : « Nous renouvelons notre engagement d'observer les
normes fondamentales du travail internationalement reconnues. L'Organisation internationale du travail (OIT) est
l'organe compétent pour établir ces normes et s'en occuper, et nous affirmons soutenir les activités qu'elle mène
pour les promouvoir. Nous estimons que la croissance économique et le développement favorisés par une
augmentation des échanges commerciaux et une libéralisation plus poussée du commerce contribuent à la
promotion de ces normes. Nous rejetons l'usage des normes du travail à des fins protectionnistes et convenons
que l'avantage comparatif des pays, en particulier des pays en développement à bas salaires, ne doit en aucune
façon être remis en question. A cet égard, nous notons que les Secrétariats de l'OMC et de l'OIT continueront de
collaborer comme ils le font actuellement. »
66
Amine Abdelhamid, Annahjaddimoctrati, 2005. Site Internet :
http://www.annahjaddimocrati.org/francais/debat/code_travail.htm
52
En effet on peut constater cet état de fait à la lecture du code de travail, qui ne comporte
aucune disposition relative au droit de grève, à côté du fameux article 288 du code pénal réprimant
le droit de grève à travers le « délit de l’entrave à la liberté du travail ». La grève pourrait être
observée par une partie des salariés, sans une autre partie, avec l’objectif de défendre ou de
revendiquer certains droits que l’employeur refuse d’accorder. Dans ces cas, les grévistes pourraient
essayer de rallier l’autre partie des salariés à leur action afin de garantir l’unité de la grève ou sa
consolidation. Si cette action est entreprise par des moyens sains comme ceux de la conviction, elle
reste donc saine aux yeux de la loi. Mais si elle accompagnée de menace, de violence ou de fraude,
l’action serait passible de mesures coercitives selon le code pénal marocain67.
67
Abdelatif Khalifi, Jurisprudence en matière sociale, publication No. 1, Imprimerie et librairie nationale,
Marrakech, pp. 313‐323
53
Le régime social national avec toutes ses composantes demeure une œuvre commune de l’Etat
et des partenaires sociaux. Par le biais du dialogue social et de la négociation collective, les trois
acteurs du régime social arrivent à établir des règles régissant les rapports entre employeurs et
travailleurs.
Ce même schéma est transposé au niveau des institutions qui formulent le droit international
du travail, à savoir l’OIT dont les organes directeurs68 sont à composition tripartite regroupant les
représentants des gouvernements, des travailleurs et des employeurs. Les organisations représentatives
des employeurs et des travailleurs jouent un rôle essentiel dans le système des normes internationales
du travail. Elles participent au choix des thèmes des nouvelles normes de l'OIT et à l'élaboration
des textes. Leurs votes peuvent déterminer si la Conférence internationale du Travail adopte une
convention ou une recommandation.
Lorsqu'une convention est adoptée, les employeurs et les travailleurs peuvent encourager le
gouvernement à la ratifier. Si la convention est ratifiée, le gouvernement est tenu d'envoyer
régulièrement au BIT un rapport sur son application en droit et en pratique. Ce rapport doit
également être transmis aux organisations d'employeurs et de travailleurs représentatives qui peuvent
faire des commentaires sur son contenu.
Si un État ratifie la convention (n° 144) sur les consultations tripartites relatives aux
normes internationales du travail, 1976, comme l'ont fait à ce jour 119 pays, il est obligé
d'organiser des consultations tripartites sur les projets d'instruments qui seront discutés à la
Conférence, sur les instruments à soumettre aux autorités compétentes, sur les rapports concernant
68
L'OIT dispose de deux organes directeurs qui intègrent le principe de base de l'Organisation, le tripartisme
(gouvernement, employeurs, travailleurs). Il s’agit de la Conférence et du Conseil d’administration.
54
les conventions ratifiées, sur les mesures relatives aux conventions non ratifiées et aux
recommandations et sur les propositions de dénonciation de conventions ratifiées auparavant.
Le Maroc n’a pas à ce jour ratifié cette convention (144), mais dispose d’une législation qui
organise les consultations tripartites dans le cadre du dialogue social. Il s’agit du Dahir no. 1-95-78
du 26 juin 199569 et du dahir no. 1-94-297 du 24 novembre 199470 relatif au conseil consultatif
pour le suivi du dialogue social.
Par l’intermédiaire des consultations tripartites, les partenaires sociaux agissent donc aux
niveaux de l’élaboration des normes internationales du travail et de l’application de ces normes. Iles
interviennent dans la procédure de transposition d’une convention de l’OIT dans le cadre des lois,
des règlements et des conventions collectives.
Nous constatons ici que les acteurs privilégiés de la mise en œuvre des normes sociales ne sont
autres que les partenaires sociaux. Encore faudrait-il que ces partenaires sociaux auxquels une
importante partie de la fonction normative est déléguée soient suffisamment actifs dans tous les
secteurs des relations de travail et disposant d’une culture développée en matière de dialogue social et
des conventions collectives pour que ces normes puissent être pleinement et convenablement appliquées.
Or, nous constatons qu’au Maroc le dialogue social n’a commencé à se développer que très
récemment. La négociation collective, outil fondamental de l’action normative des partenaires sociaux
n’est pas développée au Maroc. Les syndicats notamment professionnels sont peu dynamiques sur ce
plan, le peu d’entrain des organisations d’employeurs et l’interventionnisme latent du pouvoir
exécutif dans l’élaboration de la législation du travail réduisent l’action des partenaires sociaux71.
Sur le plan juridique, un cadre global de la négociation collective n’a jamais été instauré au
Maroc. Des dispositions juridiques relatives au dialogue social qui déterminent le but, la périodicité
et les parties à la négociation ont jusqu'à très récemment fait défaut.
69
BO, 1995‐08‐02, no. 4318, p. 541
70
BO, 1995‐01‐18, no. 4290, pp. 18‐19
71
Abdallah Boudahrain, Droit Social Marocain, Sochepress, page 115.
55
Cependant, nous assistons ces dernières années à une évolution positive des relations du
travail avec la coopération du Bureau International du Travail (BIT) et de pays amis du Maroc72.
Des projets visant la promotion du droit à la négociation collective sont en cours d’exécution
avec l’assistance du BIT. Le projet financé par le Département du travail des États-Unis a
commencé au cours du deuxième semestre 2002 pour une durée de 3 ans. Il vise à fournir une
assistance technique pour améliorer le dialogue social au niveau sectoriel, prévenir et réduire les
conflits.
D’autres efforts sont pris en charge par certains acteurs de la société civile et qui visent à :
- Renforcer les capacités des leaders des organisations syndicales et patronales (ateliers de
formation, missions d’information en Europe),
- Vulgariser les normes nationales et internationales du travail (guide pratique de la nouvelle
législation sociale, présentation des normes et conventions internationales du travail),
- Former les partenaires sociaux aux techniques de la négociation collective,
- Intégrer les organisations nationales dans le réseau mondial des instances professionnelles,
syndicales et consultatives.
72
Mohamed Tadili, la réforme de la législation sociale au Maroc, page 163, 2004.
56
Cependant, quelques remarques sur la structure légale de la négociation collective telle que
stipulée par le Code marocain du Travail laisse présager le risque des mêmes effets négatifs que sous
l’ancien régime du Dahir du 17 avril 1957 relatif à la Convention collective du travail73.
Tant que la négociation collective n’est pas obligatoire au Maroc et que le manquement à
cette obligation n’est pas sanctionné par la législation, l’action des partenaires sociaux sera toujours
réduite et leur rôle normatif ne sera guère dynamique. Cette situation continuera d’affecter
négativement la mise en œuvre adéquate des normes sociales au Maroc.
73
Bulletin officiel du 23 août 1957, no. 2339, p. 1108.
57
Nous avons abordé dans le chapitre précédant les différentes difficultés de mise en œuvre
d’ordre juridique et politique des normes internationales du travail en mettant l’accent sur les
difficultés de leur insertion dan le système juridique interne. Nous allons à présent passer en revue
certains obstacles rencontrés lors de l’application dans la pratique des normes de travail (section I) et
essayer ensuite d’identifier les moyens qui existent pour une application effective de ces normes
(Section II).
Qu’ils soient de la part des gouvernements ou des employeurs, ces obstacles reflètent un
manquement aux engagements pris, aux obligations de droit qui découlent des normes sociales, c'est-
à-dire une violation des règles sociales convenues aux niveaux national et/ou international.
Le cas du Maroc et de quelques autres pays devraient clarifier nos propos à cet égard.
Il est intéressant de voir à ce propos les différentes manières d’appliquer les normes
internationales par les pays. Pour ce faire, nous prendrons quelques normes fondamentales du travail
et nous verrons les différences nationales dans leur application dans certains pays y compris le
Maroc. Ce comparatif d’application des normes fondamentales de travail nous donnera une idée des
conséquences qui pourraient en découler sur la mise en œuvre effective de ces normes dans la pratique.
58
En France par exemple, les statistiques montrent que les populations d’origine maghrébine
connaissent un taux de chômage bien supérieur à celles d’origine européenne. En Inde, les
travailleurs d’appartenance musulmane sont l’objet de discrimination par rapport aux hindouistes.
Le Maroc a ratifié les conventions 100 et 111 de l’OIT respectivement le 11 mai 1979 et
le 27 mars 1963. Le code du travail dans son article 9 interdit toute discrimination entre les
travailleurs basée sur l’origine, le sexe, la couleur, etc. susceptible de porter atteinte ou dénaturer le
principe de l’égalité des chances particulièrement dans l’embauchage et la rémunération.
Il y a lieu de signaler que l’une des conséquences de la mondialisation est la création des
agences d’emplois privées, innovation du code du travail marocain auxquelles il a interdit toute
discrimination. En effet, l’instauration de l’intermédiation privée dans l’embauchage, que nous
estimons essentielle dans une économie libéralisée et mondialisée, porte le risque d’amplifier la
discrimination.
Devant ce phénomène difficile à cerner, une législation, même très évoluée et complète, n’est
pas suffisante. Une culture de non discrimination doit être développée parmi les employeurs et les
intermédiaires d’embauchage. Les syndicats doivent être activement impliqués et le contrôle
administratif et judiciaire renforcé pour pouvoir détecter et remédier à toutes formes de
discrimination.
59
En Inde, les contrastes entre les situations syndicales d’une région à une autre sont très
marqués. Les contextes syndicaux d’une petite entreprise et celui d’une grande entreprise sont
incomparables. La liberté syndicale est aléatoire dans les entreprises ou régions où la culture
syndicale est peu ou pas implantée. Même les grandes entreprises orientées vers l’exportation, telle
Eastman-Exports qui emploie plus de mille travailleurs, ne disposent pas de syndicat et interdisent
le droit d’association74, bien que le code du travail indien stipule que « les syndicats sont obligatoires
dans les entreprises de plus de 50 personnes ».
En France, la présence d’un délégué syndical au sein de l’entreprise est obligatoire à partir de
50 salariés. Il est pourtant fréquent qu’aucun syndicat n’existe, même au sein de grosses entreprises
alors que la législation française l’exige75. L’entreprise Berg Electronics, située à Besançon, qui était
une société multinationale dont le siège social est américain et qui comptait parmi ses employés plus
de 600 personnes, a toujours refusé l’implantation d’une structure syndicale jusqu’en 1999 où elle a
été racheté par le Groupe français Framatome qui a alors toléré l’implantation d’une section
syndicale au sein de cette nouvelle filiale. C’est finalement une transformation culturelle dans
l’entreprise qui favorise l’application de la norme sociale et non la législation qui a permis cette
évolution.
Au Maroc, la situation n’est nullement différente. Le Maroc avait ratifié le 20 mai 1957
la convention no. 98 de l’OIT sur le Droit d’organisation et de négociation collective de 1949 et n’a
pas à ce jour ratifié la convention no. 87 sur la liberté syndicale, bien que celle-ci figure parmi les
normes fondamentales de travail édictées par la Déclaration de 1998 de l’OIT. L’article 9 de la
constitution garantit « la liberté d'association et la liberté d'adhérer à toute organisation syndicale et
politique de leur choix ». Le Dahir n° 1-58-376 du 15 novembre 1958 réglementant le droit
d'association76.
74
Effets sur les clauses sociales de l’application des normes fondamentales du travail, Thierry Brugvin,
« Multitudes », revue trimestrielle, édition électronique page 1, 2002, Web Site :
http://multitudes.samizdat.net/Effet‐sur‐les‐clauses‐sociales‐de.html
75
Loi no. 86‐845 du 17 juillet 1986 relative à l’exercice du droit syndical dans les entreprises.
76
Bulletin officiel, 1958‐11‐27, p. 1909
60
Le nouveau code interdit spécifiquement aux employeurs de licencier des travailleurs qui
auraient participé à une action de syndicalisation légitime, et les tribunaux ont le pouvoir de
réintégrer arbitrairement des travailleurs licenciés tout comme celui d'obliger les employeurs à payer
des indemnités et les arriérés de salaire.
77
Communiqué de presse no. BIT/97/18 du 19/06/1997,
http://www.ilo.org/public/french/bureau/inf/pr/1997/18.htm
78
Bulletin officiel, 2000‐03‐16, no 4778, pp. 133‐134
61
En Chine, il y avait en 1996, 1155 camps où étaient détenus six à huit millions de
prisonniers travaillant contre leur volonté pour l’exportation et sans recevoir de salaire80.
Le Maroc a ratifié les conventions no. 29 et 105 relatives au travail forcé, respectivement le
16 décembre 1957 et le 1er décembre 1966.
79
Conventions no. 29 et 105 de l’OIT.
80
Thierry Brugvin, Effets sur les clauses sociales de l’application des normes fondamentales de travail,
« Multitudes Web », mise en ligne octobre 2002.
81
Bulletin officiel, 2004‐01‐15, n° 5178, pp. 114‐118
82
On entend par travail forcé tout acte tendant à forcer un enfant à exercer un travail interdit par la loi ou à
commettre un acte préjudiciable à sa santé, à sa sûreté, à ses moeurs ou à sa formation (article 467‐2 du Code
Pénal Marocain).
62
Des enquêtes du Bureau International du Travail ont estimé que 25 à 40 % des enfants de
moins de 15 ans sont économiquement actifs dans les pays en développement. L’application de cette
norme sociale est difficile malgré les arsenaux juridiques existants en la matière en raison du recours
des employeurs à ce type de travail très bon marché. Les impératifs de compétitivité et de concurrence
internationale viennent aggraver cette situation déjà alarmante. Ce phénomène existe partout dans le
monde et son ampleur est plus élevée dans les pays en développement. Mais elle l’est aussi dans
certains pays développés par rapport à certains pays en développement. Le taux d’activité
économique des enfants au Portugal est deux fois plus élevé qu’au Venezuela. Il est plus élevé en
Italie qu’au Chili et à Cuba où le travail des enfants est considéré comme inexistant83.
Le travail domestique est une réalité sociale rencontrée presque dans la majorité des pays en
développement. Au Maroc, le phénomène a pris beaucoup d’ampleur. Selon plusieurs études
entreprises par des institutions nationales et internationales, des milliers de filles, dont l’âge varie
entre 7 et 15 ans, travaillaient comme des «bonnes» chez des familles. Elles travaillent environ 67
heures par semaine dépassant de loin les normes appliquées pour les adultes.
83
Le taux d’activité économique des enfants au Bangladesh (30,1%), Inde (14,4%), Chine (11,6%), Maroc (11%),
Mexique (6,73%), Portugal (1,8%) Venezuela (0,95%), Italie (0,38%).
63
Une autre convention de l’OIT comportant une norme fondamentale de travail et concernant
les enfants est celle no. 182, entrée en vigueur le 19 novembre 2000. Elle porte sur l'interdiction des
pires formes de travail des enfants.
Cette nouvelle convention vise explicitement la libération des enfants de toutes les formes
d'esclavage ou pratiques analogues, telles que la vente et la traite des enfants, la servitude pour dettes
et le servage ainsi que le travail forcé ou obligatoire, y compris le recrutement forcé ou obligatoire en
vue de leur utilisation dans des conflits armés, de l'utilisation à des fins de prostitution et de
pornographie et des activités illicites, notamment pour la production et le trafic de stupéfiants, et de
tous travaux susceptibles de nuire à leur santé, sécurité et moralité. Le Maroc a ratifié le 26 janvier
2001 la convention no. 182 sur les pires formes de travail des enfants.
Dans le cadre de la mise en œuvre de cette convention no. 182, le BIT fournit une assistance
technique aux pays dans leur lutte contre le travail des enfants par des programmes d'action à
travers son "Programme international pour l'abolition du travail des enfants" (IPEC). L'IPEC
fonde toute son action sur la volonté politique et l'engagement des Etats de lutter contre
l'exploitation du travail des enfants en collaboration avec les organisations d'employeurs et de
travailleurs et avec la société civile dans son ensemble, les ONG, les universités, les médias, etc. Les
pays concernés reçoivent un appui de l’OIT pour concevoir et appliquer des mesures visant à prévenir
le travail des enfants, soustraire les enfants des travaux dangereux en leur offrant des solutions de
remplacement.
64
Le Maroc a ratifié la Convention onusienne sur les droits de l’Enfant le 21 juin 1993 et la
Convention de l’OIT no. 138 sur l’âge minimum d’admission le 6 janvier 2000. Le Maroc a élevé,
dans le Code du Travail, l’âge minimum de 12 ans à 15 ans. Les adolescents de moins 18 ans
n’ont pas le droit de travailler dans des industries à risques. Il s’est ainsi aligné avec les normes
internationales en la matière.
Mais reste à parvenir à une application effective de ces normes. Les obstacles à cette
application sont multiples. Ils relèvent de la souffrance de la législation marocaine d’une part, du
laxisme de l’appareil judiciaire et de la défaillance du système de contrôle de l’administration.
Au Maroc l’appareil judiciaire est laxiste en ce qui concerne l’application des normes
sociales protégeant les enfants. Les juges font rarement appliquer les clauses de la législation du
travail et du Code Pénal sur les abus contre les enfants ou sur le travail forcé des enfants
travailleurs. Les parents ne sont pas actifs dans les poursuites souvent longues et coûteuses.
L’appareil judiciaire ne dispose pas de juges spécialisés ou formés pour détecter l’exploitation
économique des enfants et parvenir à une application effective des normes sociales.
84
R. Majjati Alami, le travail des enfants au Maroc: approche socioéconomique, septembre 2002, page 14.
65
Nous allons nous limiter dans cette section aux moyens qui nous paraissent indispensables
dans la bonne conduite des nouvelles relations professionnelles et du travail qui émergent de la
mondialisation. Il s’agit d’une part d’utiliser pleinement les moyens dont disposent les partenaires
sociaux au niveau national et relevant de leur fonction normative. C’est dans le cadre du dialogue
social et de la négociation collective que les partenaires sociaux pourraient évacuer, dans les règles de
l’art et dès le départ, toute possibilité de conflit ou de violation des normes. Il s’agit d’autre part
d’user des mécanismes de contrôle de l’Organisation Internationale du Travail par les organisations
syndicales qui disposent de l’arme des « plaintes auprès des organes du BIT » pour exercer une
pression sur les employeurs et les pouvoirs publiques lorsque ceux-ci observent un manquement à
leurs obligations.
Comme nous l’avons signalé plus haut, les partenaires sociaux sont appelés à contribuer à la
formulation et à l’application des normes sociales. L’expérience des pays développés a démontré que
le droit conventionnel est mieux à même d’éviter les conflits sociaux et de parvenir à une application
adéquate des normes sociales qui préserverait les droits des uns et des autres et l’équilibre entre leurs
intérêts respectifs.
Il faut d’abord identifier la différence entre les notions utilisées et qui sont le dialogue social,
la négociation collective, la convention collective et les consultations tripartites pour pouvoir situer
l’action normative et décisionnelle des partenaires sociaux.
66
Le dialogue social et les consultations tripartites sont deux notions utilisées pour déterminer
le cadre général des interactions entre les trois acteurs qui agissent dans le domaine des relations du
travail et qui sont les pouvoirs publics, les organisations des représentants des employeurs et les
organisations des représentants des travailleurs.
Le but du dialogue social consiste essentiellement à favoriser le consensus entre les trois
composantes de cette consultation sur toutes les questions liées au domaine du travail. Les
partenaires sociaux participent ainsi à l’action normative du législateur du droit interne.
Au Maroc, les Dahir no. 1-95-78 du 26 juin 1995 et no. 1-94-297 du 24 novembre
1994 relatif au conseil consultatif pour le suivi du dialogue social présentent le cadre juridique pour
les consultations tripartites en vue d’examiner tous les aspects des relations professionnelles et de
travail.
La convention no. 144 de l’OIT oblige les Etats qui l’ont ratifiée à organiser des
consultations tripartites sur les normes de travail de l’OIT entre le gouvernement et les représentants
des employeurs et ceux des travailleurs à toutes les étapes des activités normatives de l’OIT. Les
partenaires sociaux sont donc associés depuis la première phase de la formulation d’une convention
(questionnaires) jusqu’à la phase de dénonciation de la convention en passant par la phase de
ratification et de réexamen des conventions non ratifiées.
Ainsi, Les organisations représentatives des employeurs et des travailleurs jouent un rôle
essentiel dans le système des normes internationales du travail: elles participent au choix des thèmes
des nouvelles normes de l'OIT et à l'élaboration des textes; leurs votes peuvent déterminer si la
Conférence internationale du Travail adopte un nouveau projet de norme.
Lorsqu'une convention est adoptée, les employeurs et les travailleurs peuvent encourager le
gouvernement à la ratifier. Si la convention est ratifiée, le gouvernement est tenu d'envoyer
régulièrement au BIT un rapport sur son application en droit et en pratique. Ce rapport doit
également être transmis aux organisations d'employeurs et de travailleurs représentatives qui peuvent
faire des commentaires sur son contenu. Les organisations d'employeurs et de travailleurs peuvent
aussi envoyer directement au BIT des informations sur l'application des conventions.
67
Nous pouvons constater que les partenaires sociaux participent, par le biais de ces
consultations, à l’action normative du législateur du droit international.
Le Maroc n’a pas à ce jour (2008) ratifié cette convention (144) qui l’est jusqu’à
maintenant (2008) par 123 pays.
La négociation collective est une discussion entre les employeurs ou leurs représentants et les
syndicats représentatifs des travailleurs. Elle a pour objectif de réglementer les questions relatives aux
conditions de travail et aux garanties sociales, de revoir et d’adapter régulièrement le droit du travail
afin d’en améliorer les conditions et de parvenir à des accords collectifs ou à des conventions
collectives. L’accord collectif se limite à un seul aspect tel que le salaire, alors que la convention
collective porte sur un ensemble de questions et aborde tous les aspects des relations du travail.
La négociation collective ne se limite pas à la convention collective. Elle peut viser une
décision commune qui va au delà de la convention collective. La négociation collective conduit à
l’établissement de contrats qui ne s’appliquent qu’à leurs parties.
Devant le nouveau pouvoir des employeurs vis-à-vis des travailleurs, générée par la
mondialisation, et l’appel à l’assouplissement des législations du travail, l’un des moyes de rétablir
l’équilibre entre syndicat et patronat est de favoriser les négociations collectives qui pourrait offrir
aux travailleurs des moyens juridiques mieux adaptés au contexte économique mondialisé.
Cette approche ne diminuera en rien les prérogatives de l’Etat. Ses différents rôles législatif,
exécutif, administratif et judicaire continueront à se renforcer dans l’objectif de promouvoir un
meilleur système de protection sociale à côté d’un système économique ouvert et performant.
Cependant, en la présence d’une négociation collective considérablement développée, l’Etat doit rester
vigilant vis-à-vis du risque que des solutions négociées ne soient socialement inacceptables
68
Nous constatons donc, à travers ces développements, que les partenaires sociaux disposent de
plusieurs moyens pour contribuer à une meilleure application des normes sociales. Si ce potentiel est
légalement bien encadré et pleinement exploité dans la pratique, il présentera un moyen efficace pour
parvenir à une application effective des normes sociales d’une manière consensuelle et appropriée.
Dans un régime social adéquat dans le cadre duquel les partenaires sociaux disposent de
toutes leurs fonctions, y compris normatives et conventionnelles, et suffisamment encouragés à
dialoguer et à parvenir à des solutions satisfaisantes, il reste toujours un autre moyen de garantir
l’application des normes sociales qui est complémentaire aux moyens dont dispose les partenaires
sociaux : c’est les moyens de pression de l’Organisation Internationale du Travail.
69
Si la réclamation porte sur la liberté syndicale, elle est renvoyée au comité de la liberté
syndicale qui dépend du Conseil d’Administration. Le comité tripartite ad hoc examine la
réclamation. Le gouvernement concerné peut être contacté. Le Conseil d’Administration examine en
réunion à huis clos le rapport du comité tripartite. Le gouvernement concerné est invité à envoyer un
représentant qui pourra prendre part aux délibérations du Conseil d’Administration. Le Conseil
d’Administration peut décider de rendre publique la réclamation. Il peut également décider
d’entamer une procédure de plainte au titre de l’article 26 de la Constitution.
La procédure des plaintes (article 26) : Une plainte peut être déposée par tout pays membre
ayant ratifié la convention, par un délégué à la Conférence internationale du travail ou par le
Conseil d’Administration. Le Conseil d’Administration peut former une Commission d’enquête. Si
la plainte porte sur la liberté syndicale, elle peut être renvoyée au Comité de la liberté syndicale. La
Commission d’enquête, composée de personnalités indépendantes, étudie la plainte de manière plus
approfondie. Elle peut se rendre dans le pays concerné ; elle dépose un rapport sur ses conclusions,
formule des recommandations et fixe un délai pour l’application de ses recommandations. Le rapport
est rendu public et il est adressé au Conseil d’Administration et au gouvernement concerné. Le
Conseil d’Administration formule des recommandations à partir du rapport de la commission ; la
Commission d’experts pour l’application des conventions et recommandations assure le suivi de la
mise en œuvre des recommandations. Le gouvernement concerné peut renvoyer la plainte à la Cour
Internationale de Justice pour une décision finale.
C’est une procédure exceptionnelle en droit international : les plaintes en violation du droit
syndical peuvent être examinées même si le pays en question n’a pas ratifié les conventions sur la
liberté syndicale, sous réserve que ce pays y consent. Elle peut aussi examiner les plaintes en
violation de la liberté syndicale à l’encontre d’Etats qui ne sont pas membres de l’OIT, lorsque ces
plaintes sont transmises par l’ONU et que les pays mis en cause y consentent.
70
L’expérience a démontré que bien qu’ils soient dépourvus de sanctions à l’égard des pays
violant les normes sociales, ces mécanismes de contrôle sont efficaces à moyen et long terme. La
pression morale qu’ils exercent sur les pays peut les amener à la réadaptation de la réglementation
sociale et à l’amélioration de l’application des normes sociales.
Pour le cas du Maroc par exemple, et en plus des pressions exercées au niveau interne, les
pressions de l’OIT et de son Bureau international du travail ont joué un rôle crucial dans l’évolution
de la réglementation sociale au Maroc et son application. Il ressort des rapports du comité de la
liberté syndicale sur le Maroc que depuis 1960, soixante sept (67) cas de plaintes ont été examinés
dont 62 ont été closes et 5 sont en cours d’examen et n’ont, à ce jour, pas été élucidés.
71
CONCLUSION :
En définitive, ne faudrait-il pas rechercher un nouvel équilibre entre les partenaires sociaux
et explorer la possibilité d’une réconciliation entre la protection sociale et la protection économique.
La mondialisation est un ensemble de processus qui comportent plusieurs défis pour les
normes sociales. Ces défis disposent d’une grande capacité de nuisance rapide en raison du rythme
accéléré des mutations que la mondialisation provoque. Le droit du travail n’est pas une enclave
protégée car il subit continuellement, en premier lieu, les chocs de la mondialisation et ses règles sont
constamment bousculées par les impératifs de la compétitivité économique et la concurrence sur des
marchés ouverts et interdépendants.
Le droit du travail, avec ses technicités, ses principes juridiques et ses valeurs morales doit
pouvoir répondre aux secousses et menaces provoquées par la mondialisation. Mais du fait que les
phénomènes à réglementer dépassent, par leur effets, les frontières des Etats nationaux, le droit
interne, à lui seul, ne peut pas suivre les changements rapides et profondes et relever les défis de la
mondialisation. Un autre niveau de réglementation s’avère donc nécessaire : Le droit international
du travail.
Il est partout établi que le droit interne du travail et le droit international à connotation
sociale peuvent poursuivre leurs objectifs de protection du travailleur, même dans un environnement
de plus en plus mondialisé.
Une mondialisation du droit du travail paraît donc nécessaire pour s’ajuster aux mutations
provoquées par l’accélération de la libéralisation des échanges internationaux, la libre circulation des
flux de capitaux et la révolution technologique. Les mutations que provoque de la mondialisation de
l’économie et leurs effets transfrontaliers, affectent le contenu et l'efficacité du droit du travail.
Il est par conséquent crucial que le droit du travail ait une forte capacité d’adaptation. S’il
ne s’adapte pas continuellement et au rythme des mutations que subissent les relations industrielles
72
et technologiques, il ne saura maintenir son efficacité pour jouer son rôle dans le nouvel
environnement économique.
Sur cette toile de fond complexe et mouvante, l’action des partenaires sociaux est plus que
jamais vitale. Les actions normatives, de régulation et de supervision des gouvernements et des
organisations internationales risquent de demeurer lettre morte sans que les partenaires sociaux ne
soient particulièrement associés dans le cadre d’un droit conventionnel plus élargi.
Les règles sociales imposées par l’interventionnisme de l’Etat peuvent ne pas être efficaces
pour préserver les droits de chacun. Le droit conventionnel présente, par conséquent, un élément
fondamental dans un monde où se confrontent droits humains et intérêts économiques afin que
l’équilibre recherché entre les droits des travailleurs et les intérêts des entreprises puissent être
préservé.
73
Attendu que la création de l'OIT procédait de la conviction que la justice sociale est essentielle pour
assurer une paix universelle et durable;
Attendu que la croissance économique est essentielle mais n'est pas suffisante pour assurer l'équité,
le progrès social et l'éradication de la pauvreté, et que cela confirme la nécessité pour l'OIT de
promouvoir des politiques sociales solides, la justice et des institutions démocratiques;
Attendu que l'OIT se doit donc plus que jamais de mobiliser l'ensemble de ses moyens d'action
normative, de coopération technique et de recherche dans tous les domaines de sa compétence, en
particulier l'emploi, la formation professionnelle et les conditions de travail, pour faire en sorte que,
dans le cadre d'une stratégie globale de développement économique et social, les politiques
économiques et sociales se renforcent mutuellement en vue d'instaurer un développement large et
durable;
Attendu que l'OIT doit porter une attention spéciale aux problèmes des personnes ayant des besoins
sociaux particuliers, notamment les chômeurs et les travailleurs migrants, mobiliser et encourager les
efforts nationaux, régionaux et internationaux tendant à résoudre leurs problèmes, et promouvoir
des politiques efficaces visant à créer des emplois;
Attendu que, dans le but d'assurer le lien entre progrès social et croissance économique, la garantie
des principes et des droits fondamentaux au travail revêt une importance et une signification
particulières en donnant aux intéressés eux-mêmes la possibilité de revendiquer librement et avec des
chances égales leur juste participation aux richesses qu'ils ont contribué à créer, ainsi que de réaliser
pleinement leur potentiel humain;
Attendu que l'OIT est l'organisation internationale mandatée par sa Constitution, ainsi que
l'organe compétent pour établir les normes internationales du travail et s'en occuper, et qu'elle
bénéficie d'un appui et d'une reconnaissance universels en matière de promotion des droits
fondamentaux au travail, en tant qu'expression de ses principes constitutionnels;
Attendu que, dans une situation d'interdépendance économique croissante, il est urgent de réaffirmer
la permanence des principes et droits fondamentaux inscrits dans la Constitution de l'Organisation
ainsi que de promouvoir leur application universelle ;
La Conférence internationale du Travail
1. Rappelle:
(a) qu'en adhérant librement à l'OIT, l'ensemble de ses Membres ont accepté les principes et droits
énoncés dans sa Constitution et dans la Déclaration de Philadelphie, et se sont engagés à travailler à
74
la réalisation des objectifs d'ensemble de l'Organisation, dans toute la mesure de leurs moyens et de
leur spécificité;
(b) que ces principes et droits ont été exprimés et développés sous forme de droits et d'obligations
spécifiques dans des conventions reconnues comme fondamentales, tant à l'intérieur qu'à l'extérieur
de l'Organisation.
2. Déclare que l'ensemble des Membres, même lorsqu'ils n'ont pas ratifié les conventions en
question, ont l'obligation, du seul fait de leur appartenance à l'Organisation, de respecter,
promouvoir et réaliser, de bonne foi et conformément à la Constitution, les principes concernant les
droits fondamentaux qui sont l'objet desdites conventions, à savoir:
(a) la liberté d'association et la reconnaissance effective du droit de négociation collective;
(b) l'élimination de toute forme de travail forcé ou obligatoire;
(c) l'abolition effective du travail des enfants
(d) l'élimination de la discrimination en matière d'emploi et de profession.
3. Reconnaît l'obligation qui incombe à l'Organisation d'aider ses Membres, en réponse à leurs
besoins établis et exprimés, de façon à atteindre ces objectifs en faisant pleinement appel à ses moyens
constitutionnels, pratiques et budgétaires, y compris par la mobilisation des ressources et l'assistance
extérieures, ainsi qu'en encourageant d'autres organisations internationales avec lesquelles l'OIT a
établi des relations, en vertu de l'article 12 de sa Constitution, à soutenir ces efforts:
(a) en offrant une coopération technique et des services de conseil destinés à promouvoir la ratification
et l'application des conventions fondamentales;
(b) en assistant ceux de ses Membres qui ne sont pas encore en mesure de ratifier l'ensemble ou
certaines de ces conventions dans leurs efforts pour respecter, promouvoir et réaliser les principes
concernant les droits fondamentaux qui sont l'objet desdites conventions
(c) en aidant ses Membres dans leurs efforts pour instaurer un climat propice au développement
économique et social.
4. Décide que, pour donner plein effet à la présente Déclaration, un mécanisme de suivi
promotionnel, crédible et efficace sera mis en œuvre conformément aux modalités précisées dans
l'annexe ci-jointe, qui sera considérée comme faisant partie intégrante de la présente Déclaration.
5. Souligne que les normes du travail ne pourront servir à des fins commerciales protectionnistes et
que rien dans la présente Déclaration et son suivi ne pourra être invoqué ni servir à pareilles fins; en
outre, l'avantage comparatif d'un quelconque pays ne pourra, en aucune façon, être mis en cause du
fait de la présente Déclaration et son suivi.
EN FOI DE QUOI ont apposé leurs signatures, ce dix-neuvième jour de juin 1998:
Le Président de la Conférence, JEAN-JACQUES OECHSLIN.
Le Directeur général du Bureau international du Travail, MICHEL HANSENNE
75
CHAPITRE 16
TRAVAIL
1. Les Parties réaffirment leurs obligations en leur qualité de membres de l’Organisation internationale du travail
(OIT) ainsi que les engagements qu’elles ont pris en vertu de la Déclaration de l’OIT relative aux principes et droits
fondamentaux au travail et à son suivi (1998) (« Déclaration de l’OIT »).
Chaque Partie s’efforcera de veiller à ce que lesdits principes et les droits du travail internationalement reconnus énoncés à
l’article 16.7 soient reconnus et protégés par sa législation.
2. Les Parties reconnaissent le droit de chaque Partie d’adopter ou de modifier ses lois et standards nationaux relatifs
au travail. Chacune des Parties s’efforcera de veiller à ce qu’elle prévoit des normes de travail compatibles avec les droits du
travail internationalement reconnus qui sont énoncés à l’article 16.7 et veillera à les améliorer dans ce sens.
1. (a) Aucune des Parties ne manquera pas de faire respecter, de manière probante, ses lois sur le travail, par une
action ou inaction soutenue ou récurrente, dont l’effet nuirait au commerce entre les Parties, après la date d’entrée en vigueur du
présent Accord.
(b) Les Parties reconnaissent que chaque Partie garde un droit d’exercer une discrétion sur les questions
relatives aux enquêtes, à l’ouverture de poursuites, à l’application de la réglementation et au contrôle du respect des lois ainsi
que la prérogative de prendre des décisions sur l’affectation des ressources aux fins de faire respecter ses lois en ce qui concerne
d’autres questions du travail jugées d’une priorité supérieure. En conséquence, les Parties conviennent qu’une Partie se conforme
au sous paragraphe (a) lorsque l’action ou l’inaction correspond à l’exercice raisonnable de cette discrétion ou résulte d’une
décision d’affectation de moyens arrêtée de bonne foi.
2. Chaque Partie reconnaît qu’il est inapproprié d’encourager le commerce ou l’investissement en affaiblissant ou en
réduisant les protections que confère la législation nationale sur le travail. Par conséquent, chaque Partie s’efforcera de veiller à
ne pas déroger, ou contourner d’autre manière, ou à ne pas offrir de déroger, ou de contourner d’autre manière, ces lois d’une
manière susceptible d’affaiblir ou d’amoindrir le respect des droits du travail internationalement reconnus qui sont énoncés à
l’article 16.7, en guise d’encouragement à commercer avec l’autre Partie, ou en guise d’encouragement aux fins d’établir,
d’acquérir, d’élargir ou de conserver un investissement sur son territoire.
1. Chacune des Parties fera en sorte que les personnes ayant un intérêt juridiquement reconnu à l’égard d’une question
donnée, puissent avoir un accès adéquat à des instances administratives, quasi-judiciaires ou judiciaires impartiales et
indépendantes, en vue de faire appliquer sa législation du travail.
2. Chacune des parties fera en sorte que ses procédures d’application de la législation du travail soient justes, équitables
et transparentes. A cet effet, chaque partie fera en sorte que ces procédures soient conformes au principe de la primauté du droit,
76
ouvertes au public, excepté le cas où l’administration de la justice exige de procéder autrement et ne doit pas entraîner des
retards indus.
3. Chacune des Parties fera en sorte que les décisions définitives concernant ces procédures soient consignées par écrit, en
motivant les fondements sur lesquels elles reposent, soient mises, sans retard indu, à la disposition des Parties aux procédures ;
et, conformément à ses lois, à la disposition du public ; et s’appuient sur les informations ou les preuves au sujet desquelles les
Parties ont eu la possibilité d’être entendues, et susceptibles de révision et dans les cas justifiés, de correction conformément à sa
législation locale.
4. Chacune des Parties fera en sorte que les parties à ces procédures puissent chercher des recours (Comme des
ordonnances du tribunal, des accords sur le respect des droits, des amendes, des injonctions ou des ordres de fermeture d’urgence
de l’entreprise) en vue de faire respecter leurs droits conformément à leur droit du travail.
5. Chacune des Parties encouragera la sensibilisation du public à sa législation du travail, y compris ce qui suit :
(a) en veillant à ce que les informations concernant sa législation du travail ainsi que les procédures de respect
de ces lois soient à la disposition du public ; et
1. Chacune des Parties désignera un bureau au sein de son ministère du Travail qui sera le point de contact avec l’autre
Partie et le public, aux fins d’application des dispositions du présent chapitre. Le point de contact de chacune des Parties sera
chargé de présenter, de recevoir et d’étudier les communications émanant du public sur des questions relatives au présent chapitre
et de mettre ces communications à la connaissance de l’autre Partie, et, le cas échéant, à celle du public. Chacune des Parties
procédera à l’examen desdites communications, comme il se doit, conformément à ses procédures internes.
2. Chacune des Parties pourra réunir une commission consultative nationale de travail qui sera composée d’éléments du
public, y compris de représentants des organisations du travail,des affaires et d’autres personnes, en vue de lui donner conseil
sur les modalités de mise en œuvre du présent chapitre.
3. Chacune des décisions officielles des Parties concernant la mise en œuvre du présent chapitre sera rendue publique, sauf
si les Parties conviennent autrement.
4. Dans les cas jugés appropriés, les Parties prépareront conjointement des rapports sur des questions liées à la mise en
œuvre du présent chapitre et rendront ces rapports publics.
1. En reconnaissant que la coopération élargit les possibilités d’encourager le respect des normes principales de travail
qu’incarne la Déclaration de l’OIT ainsi que celui de la Convention 182 de l’OIT sur l’interdiction et la prise de
mesure immédiates aux fins d’éliminer les pires formes du travail des enfants (1999 «ILO Convention 182»)
et en vue de promouvoir davantage d’autres engagements communs relatifs à des questions du travail, les Parties établissent ainsi
un mécanisme de coopération en matière de travail tel qu’il a été énoncé à l’annexe 16-A.
77
2. Les parties peuvent entreprendre des activités de coopération dans le cadre du mécanisme de coopération en matière de
travail relatives à des sujets d’intérêt commun, comme : la promotion des droits fondamentaux et leur application effective ;
l’abolition des pires formes du travail des enfants ; l’amélioration des relations professionnelles ; l’amélioration des conditions de
travail ; le développement de programmes d’assistance contre le chômage et un réseau de programmes de sécurité sociale; la
promotion du développement des ressources humaines et de la formation continue ; et l’utilisation des statistiques de travail.
1. Une Partie peut solliciter des consultations avec l’autre Partie au sujet de toute question soulevée dans le cadre du
présent chapitre en délivrant une demande écrite au point de contact désigné par l’autre partie conformément à l’article 16.4.1.
Les Parties commenceront rapidement les consultations, après la réception de la demande.
2. Les Parties feront de leur mieux pour parvenir à un règlement de la question mutuellement satisfaisant et elles
pourront chercher conseil et assistance auprès de toute personne ou de tout organisme qu’elles jugent convenables.
3. Si les consultations n’arrivent pas à régler la question, et si un sous-comité sur les questions du travail a été établi en
application de l’article 19.2 (Comité mixte), chacune des Parties peut soumettre la question à la sous-commission en
remettant une notification écrite au point de contact de l’autre Partie. La sous-commission devra se réunir dans les 30 jours qui
suivent la remise par une Partie d’une notification, sauf accord contraire des Parties. Si les Parties n’ont pas établi un sous-
comité à la date de la délivrance d’une notification par une Partie, elles doivent y procéder durant la période de trente jours
décrite dans ce paragraphe. Le sous-comité s’efforcera de régler la question dans les plus brefs délais, y compris, dans les cas qui
s’y prêtent, en consultant des experts gouvernementaux ou non gouvernementaux et en recourant à des procédures telles que les
bons offices, la conciliation ou la médiation.
4. Lorsqu’une Partie estime que l’autre Partie a manqué d’exécuter ses obligations aux termes de l’article 16.2.1 (a), la
Partie peut solliciter des consultations conformément au paragraphe 1 ou à l’article 20.5 (Consultations).
(a) Lorsqu’une Partie sollicite des consultations aux termes de l’article 20.5 alors que les Parties ont engagé des
consultations sur la même question aux termes du paragraphe 1 ou lorsque le sous-comité s’efforce de régler la
question aux termes du paragraphe 3, les Parties suspendront les efforts menés en vue de régler la question au
titre du présent Article. Une fois que les consultations ont commencé aux termes de l’article 20.5, aucune
consultation ne peut être engagée au titre du présent article sur la même question.
(b) Lorsqu’une Partie sollicite des consultations au titre de l’article 20.5 après plus de 60 jours de la date de remise
d’une demande de consultation aux termes du paragraphe 1, les Parties peuvent à tout moment, convenir de
renvoyer la question à la Commission mixte conformément à l’article 20.6 (renvoi à la Commission Mixte).
5. Aucune Partie ne pourra avoir recours au règlement du conflit prévu dans cet Accord, pour toute question soulevée
dans le cadre du présent chapitre autre que celles de l’article 16.2.1 (a).
L’expression Législation du travail désigne les textes législatifs et réglementaires d’une Partie, ou des dispositions y
afférentes, qui sont directement liés aux droits du travail internationalement reconnus suivants :
a) droit d’association,
78
d) protections conférées aux enfants et aux mineurs qui travaillent, dont âge minimal pour l’emploi des enfants
ainsi que l’interdiction et l’élimination des pires formes de travail des enfants, et
e) conditions de travail acceptables en termes de salaire minimal, d’heures de travail ainsi que d’hygiène et de
sécurité au sein de l’entreprise.
Pour plus de clarté, rien dans cet accord ne saurait être interprétée comme imposant des obligations à l’une ou à l’autre Partie
au sujet de l’établissement d’un salaire minimal.
a) pour le Maroc : Dahirs ; lois adoptées par le Parlement, décrets, ou règlements administratifs et,
b) pour les Etats-Unis, les lois votées par le Congrès fédéral ou les règlements promulgués conformément à une loi
votée par le Congrès fédéral et applicable par voie de mesure prise par le Gouvernement Fédéral.
Annexe 16-A
1. Reconnaissant que la coopération bilatérale offre aux Parties des possibilités accrues d’améliorer les normes de travail
et de promouvoir d’autres engagements communs, concernant le domaine du travail, comprenant la Déclaration de l’OIT et
la Convention 182, les Parties ont établi un mécanisme de coopération en matière de travail.
2. Les fonctionnaires des ministères du travail des Parties et d’autres agences compétentes et des Ministères exécuteront le
travail nécessité par le mécanisme de coopération en matière de travail en développant et en poursuivant des activités de
coopération sur les questions de travail y compris en oeuvrant conjointement pour:
a) établir les priorités en matière d’activités coopératives sur les questions relatives au travail ;
c) échanger des informations sur le droit et les pratiques du travail de chaque Partie ;
d) échanger des informations sur les moyens d’améliorer le droit et les pratiques du travail, notamment, sur les
meilleures pratiques dans le domaine du travail ;
e) contribuer à une meilleure compréhension, au respect et à l’application effective des principes reflétés dans la
Déclaration de l’OIT ;
79
g) solliciter l’appui d’organisations et organismes internationaux en vue de faire avancer des engagements
communs relatifs aux questions du travail ; et
h) formuler des recommandations concernant les mesures à prendre par chaque Partie, et qui seront soumises à
l’examen du Comité Mixte.
3. Les points de contact désignés à l’article 16.4.1 supporteront les travaux du mécanisme de coopération en matière de
travail.
4. Les Parties peuvent entreprendre des activités de coopération à travers le mécanisme de coopération en matière de
travail portant sur tout sujet qu’elles jugeront approprié, y compris sur :
a) Les droits fondamentaux et leur application effective : législation et pratiques relatives aux
éléments fondamentaux de la Déclaration de l’OIT (liberté d’association et reconnaissance effective du droit à
la négociation collective, élimination de toutes les formes de travail forcé ou obligatoire, abolition effective du
travail des enfants et élimination de la discrimination en matière d’emploi et de profession) ;
b) Les pires formes de travail des enfants : législation et pratiques relatives au respect de la
Convention 182;
c) Les relations au travail : formes de coopération entre les travailleurs, la gestion et les gouvernements, y
compris la résolution des différends ;
d) Les conditions de travail : horaires de travail, salaires minimums et heures supplémentaires ; sécurité et
hygiène du travail ; prévention et indemnisation des blessures et maladies liées au travail; et conditions d’emploi ;
g) Les statistiques relatives au travail : développement de méthodes pour les parties en vue de produire les
statistiques comparatives du marché dans un temps raisonnable.
5. Les Parties peuvent mettre en œuvre les activités de coopération convenues au titre du mécanisme de coopération en
matière de travail, sous toute forme qu’elles considèrent appropriée, y compris par :
a) l’arrangement des visites d’études et d’autres échanges entre délégations gouvernementales, les professionnels
et les spécialistes ;
80
b) l’échange d’informations sur les normes, les règlements, les procédures et les meilleures pratiques, notamment
par l’échange de publications et monographies pertinentes ;
e) L’entreprise conjointe des projets de recherche, d’études et rapports, y compris en engageant des experts
indépendants ;
f) le recours à l’expertise d’institutions d’enseignement et autres situées sur leur territoire pour élaborer et
mettre en œuvre des programmes de coopération et par l’encouragement de coopération entre ces institutions
dans le domaine des questions techniques relatives au travail ; et
6. Lors de l’identification des domaines de coopération et de l’exécution des activités de coopération, les Parties tiennent
compte des points de vue des représentants de leurs travailleurs et employeurs respectifs.
81
C12 Convention sur la réparation des accidents du travail (agriculture), 20:09:1956 ratifiée
1921
C15 Convention sur l'âge minimum (soutiers et chauffeurs), 1921 14:03:1958 dénoncée le
06:01:2000
C17 Convention sur la réparation des accidents du travail, 1925 20:09:1956 ratifiée
C19 Convention sur l'égalité de traitement (accidents du travail), 1925 13:06:1956 ratifiée
C22 Convention sur le contrat d'engagement des marins, 1926 14:03:1958 ratifiée
C26 Convention sur les méthodes de fixation des salaires minima, 1928 14:03:1958 ratifiée
C27 Convention sur l'indication du poids sur les colis transportés par 20:09:1956 ratifiée
bateau, 1929
C30 Convention sur la durée du travail (commerce et bureaux), 1930 22:07:1974 ratifiée
C55 Convention sur les obligations de l'armateur en cas de maladie ou 14:03:1958 ratifiée
d'accident des gens de mer, 1936
C65 Convention sur les sanctions pénales (travailleurs indigènes), 1939 27:03:1963 ratifiée
C80 Convention portant revision des articles finals, 1946 20:05:1957 ratifiée
82
C94 Convention sur les clauses de travail (contrats publics), 1949 20:09:1956 ratifiée
C99 Convention sur les méthodes de fixation des salaires minima 14:10:1960 ratifiée
(agriculture), 1951
C101 Convention sur les congés payés (agriculture), 1952 14:10:1960 ratifiée
C104 Convention sur l'abolition des sanctions pénales (travailleurs 27:03:1963 ratifiée
indigènes), 1955
C108 Convention sur les pièces d'identité des gens de mer, 1958 15:10:2001 ratifiée
C116 Convention portant révision des articles finals, 1961 14:11:1962 ratifiée
C135 Convention concernant les représentants des travailleurs, 1971 05:04:2002 ratifiée
C145 Convention sur la continuité de l'emploi (gens de mer), 1976 07:03:1980 ratifiée
C146 Convention sur les congés payés annuels (gens de mer), 1976 10:07:1980 ratifiée
C147 Convention sur la marine marchande (normes minima), 1976 15:06:1981 ratifiée
C178 Convention sur l'inspection du travail (gens de mer), 1996 01:12:2000 ratifiée
C179 Convention sur le recrutement et le placement des gens de mer, 01:12:2000 ratifiée
1996
C180 Convention sur la durée du travail des gens de mer et les effectifs 01:12:2000 ratifiée
des navires, 1996
C181 Convention sur les agences d'emploi privées, 1997 10:05:1999 ratifiée
C182 Convention sur les pires formes de travail des enfants, 1999 26:01:2001 ratifiée
83
Annexe 4
DÉCLARATION DE PRINCIPES TRIPARTITE SUR LES ENTREPRISES MULTINATIONALES ET LA
POLITIQUE SOCIALE
Adoptée par le Conseil d’administration du Bureau international du Travail à sa 204e session (Genève, novembre
197), telle qu’amendée par le Conseil à sa 279e session (Genève, novembre 2000))
Le Conseil d’administration du Bureau international du Travail,
Rappelant que l’Organisation internationale du Travail s’occupe depuis de nombreuses années de certains problèmes sociaux liés aux
activités des entreprises multinationales;
Notant en particulier que diverses commissions d’industrie et conférences régionales ainsi que la Conférence internationale du Travail ont
demandé, depuis 1965 environ, que le Conseil d’administration prenne des mesures appropriées dans le domaine des entreprises
multinationales et de la politique sociale;
Ayant été informé des activités d’autres organisations internationales, en particulier la Commission des sociétés transnationales des Nations
Unies et l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE);
Considérant que l’OIT, du fait de sa structure tripartite unique, de sa compétence et de sa longue expérience dans le domaine social, a un
rôle essentiel à jouer en élaborant des principes pour orienter les gouvernements, les organisations de travailleurs et d’employeurs ainsi que les
entreprises multinationales elles-mêmes;
Rappelant qu’il avait convoqué, en 1972, la Réunion tripartite d’experts sur les relations entre les entreprises multinationales et la politique
sociale qui a recommandé un programme de recherche et d’études de l’OIT et, en 1976, la Réunion consultative tripartite sur les relations
entre les entreprises multinationales et la politique sociale, aux fins de passer en revue le programme de recherche de l’OIT et de suggérer une
action appropriée de l’OIT dans le domaine social et celui du travail;
Gardant à l’esprit les délibérations de la Conférence mondiale de l’emploi;
Ayant décidé par la suite de constituer un groupe tripartite chargé d’élaborer un projet de Déclaration de principes tripartite englobant tous
les secteurs du ressort de l’OIT qui ont trait aux aspects sociaux des activités des entreprises multinationales, y compris la création d’emplois
dans les pays en voie de développement, en tenant toujours compte des recommandations formulées par la Réunion consultative tripartite qui
s’est tenue en 1976;
Ayant également décidé de convoquer derechef la Réunion consultative tripartite afin qu’elle examine le projet de Déclaration de principes
que le groupe tripartite a élaboré;
Après avoir étudié le rapport et le projet de Déclaration de principes qui lui étaient soumis par la Réunion consultative tripartite convoquée
une nouvelle fois, Par les présentes, approuve la déclaration ci-après, qui sera dénommée Déclaration de principes tripartite sur les entreprises
multinationales et la politique sociale, adoptée par le Conseil d’administration du Bureau international du Travail, et invite les
gouvernements des Etats Membres de l’OIT, les organisations d’employeurs et de travailleurs intéressées et les entreprises multinationales
exerçant leurs activités sur leurs territoires à respecter les principes qu’elle contient.
_______________________________________________________________________
1. Les entreprises multinationales jouent dans les économies de la plupart des pays et dans les relations économiques internationales un rôle
important qui intéresse de plus en plus les gouvernements ainsi que les employeurs et les travailleurs et leurs organisations respectives. Ces
entreprises peuvent, grâce à leurs investissements directs internationaux et par d’autres moyens, apporter aux pays du siège comme aux pays
d’accueil des bénéfices tangibles en contribuant à l’utilisation plus efficace du capital, des techniques et de la main-d’oeuvre. Dans le cadre des
politiques de développement instaurées par les gouvernements, elles peuvent aussi contribuer largement à la promotion du bien-être économique
et social, à l’amélioration des niveaux de vie et à la satisfaction des besoins essentiels, à la création, directement ou indirectement, de
possibilités d’emploi et à la jouissance des droits fondamentaux de l’homme, y compris la liberté syndicale, dans le monde entier. Mais les
progrès réalisés par les entreprises multinationales dans l’organisation de leurs activités hors du cadre national peuvent conduire à des
concentrations abusives de puissance économique et donner lieu à des conflits avec les objectifs des politiques nationales et avec les intérêts des
travailleurs. En outre, la complexité des entreprises multinationales et le fait qu’il est difficile de discerner clairement la diversité de leurs
structures, de leurs opérations et de leurs politiques suscitent parfois des préoccupations dans les pays du siège, dans les pays d’accueil ou dans
les uns et les autres.
2. La présente Déclaration de principes tripartite a pour objet d’encourager les entreprises multinationales à
contribuer positivement au progrès économique et social, ainsi qu’à minimiser et à résoudre les difficultés que
84
leurs diverses opérations peuvent soulever, compte tenu des résolutions des Nations Unies préconisant
l’instauration d’un nouvel ordre économique international.
3. Cet objectif sera favorisé grâce à une législation, une politique, des mesures et des initiatives appropriées
qu’adopteront ou prendront les gouvernements, ainsi que par une coopération entre gouvernements et
organisations d’employeurs et de travailleurs de tous les pays.
Les paragraphes 1 à 7, 8, 10, 25, 26 et 52 (précédemment paragraphe 51) ont fait l’objet d’une interprétation
conformément à la procédure pour l’examen des différends relatifs à l’application de la Déclaration de principes
tripartite sur les entreprises multinationales et la politique sociale. On peut obtenir une copie des interprétations
en s’adressant au Bureau pour les activités des entreprises multinationales, Bureau international du Travail, 4,
route des Morillons, CH‐1211 Genève 22, Suisse, ou en consultant le site http://www.ilo.org.
4. Les principes énoncés dans la présente Déclaration sont préconisés à l’intention des gouvernements, des
organisations d’employeurs et de travailleurs des pays du siège et des pays d’accueil et des entreprises
multinationales elles‐mêmes.
5. Ces principes sont destinés à guider les gouvernements, les organisations d’employeurs et de travailleurs ainsi
que les entreprises multinationales en prenant telles mesures et initiatives et en adoptant telles politiques
sociales, y compris celles qui se fondent sur les principes énoncés dans la Constitution et dans les conventions et
recommandations pertinentes de l’OIT, qui soient de nature à encourager le progrès social.
6. Une définition juridique précise des entreprises multinationales n’est pas indispensable pour que la présente
Déclaration puisse répondre à son but; le présent paragraphe est destiné à mieux faire comprendre la
Déclaration et non à donner une telle définition. Les entreprises multinationales comprennent des entreprises,
que leur capital soit public, mixte ou privé, qui possèdent ou contrôlent la production, la distribution, les services
et autres moyens en dehors du pays où elles ont leur siège. Le degré d’autonomie de chaque entité par rapport
aux autres au sein des entreprises multinationales est très variable d’une entreprise à l’autre, selon la nature des
liens qui unissent ces entités et leur domaine d’activité et compte tenu de la grande diversité en matière de
forme de propriété, d’envergure, de nature des activités des entreprises en question et des lieux où elles
opèrent. Sauf indication contraire, le terme «entreprise multinationale», tel qu’il est utilisé dans la présente
Déclaration, se réfère aux diverses entités (société mère ou entités locales ou les deux, ou encore tout un
groupe) en fonction de la répartition des responsabilités entre elles, dans l’idée qu’elles coopéreront et
s’entraideront, le cas échéant, pour être mieux à même d’observer les principes énoncés dans cette Déclaration.
7.Dans la présente Déclaration sont exposés des principes concernant les domaines de l’emploi, de la formation,
des conditions de travail et de vie et des relations professionnelles qu’il est recommandé aux gouvernements,
aux organisations d’employeurs et de travailleurs et aux entreprises multinationales d’observer sur une base
volontaire; ses dispositions n’ont pas pour effet de restreindre ou de modifier en quoi que ce soit les obligations
découlant de la ratification d’une convention de l’OIT.
POLITIQUE GÉNÉRALE
8. Toutes les parties que la présente Déclaration concerne devraient respecter les droits souverains des Etats,
observer les législations et réglementations nationales, tenir dûment compte des pratiques locales et se
conformer aux normes internationales pertinentes. Elles devraient respecter la Déclaration universelle des droits
de l’homme et les Pactes internationaux correspondants que l’Assemblée générale des Nations Unies a adoptés,
de même que la Constitution de l’Organisation internationale du Travail et ses principes en vertu desquels la
liberté d’expression et d’association est une condition indispensable d’un progrès soutenu. Elles devraient
contribuer à la réalisation de la Déclaration de l’OIT relative aux principes et droits fondamentaux au travail et
son suivi, adoptée en 1998. Elles devraient également tenir les engagements pris librement par elles, en
conformité de la législation nationale et des obligations internationales acceptées.
9. Les gouvernements qui n’ont pas encore ratifié les conventions nos 87, 98, 111, 122, 138 et 182 sont
instamment priés de le faire et, en tout état de cause, d’appliquer dans la plus large mesure possible, dans le
cadre de leur politique nationale, les principes énoncés dans ces conventions et dans les recommandations nos
111, 119, 122, 146 et 1901. Sans préjudice de l’obligation incombant aux gouvernements de faire observer les
conventions ratifiées par eux, dans les pays où les conventions et recommandations citées au présent
paragraphe ne sont pas observées, toutes les parties devraient s’en inspirer dans leur politique sociale.
85
10. Les entreprises multinationales devraient tenir pleinement compte des objectifs de politique générale que se
sont fixés les pays où elles opèrent. Leurs activités devraient s’harmoniser avec les priorités du développement
ainsi qu’avec les structures et les objectifs sociaux du pays où elles s’exercent. A cet effet, des consultations
devraient avoir lieu entre les entreprises multinationales, le gouvernement et, le cas échéant, les organisations
nationales d’employeurs et de travailleurs intéressées.
11. Les principes formulés dans la présente Déclaration ne visent pas à instaurer ou à faire subsister des
différences de traitement entre entreprises multinationales et entreprises nationales. Ils traduisent de bonnes
pratiques pour toutes les entreprises. Chaque fois que les principes de la présente Déclaration sont applicables
tant aux entreprises multinationales qu’aux entreprises nationales, on devrait attendre des unes et des autres la
même conduite en général et les mêmes pratiques sociales en particulier.
12.Les gouvernements des pays du siège devraient encourager, conformément à la présente Déclaration de
principes, de bonnes pratiques sociales, compte tenu de la législation, de la réglementation et des pratiques
sociales dans les pays d’accueil, ainsi que des normes internationales pertinentes. Les gouvernements aussi bien
des pays d’accueil que des pays du siège devraient être prêts à avoir des consultations réciproques, chaque fois
que besoin en est, à l’initiative des uns ou des autres.
EMPLOI
Promotion de l’emploi
13. Pour stimuler la croissance et le développement économiques, relever le niveau de vie, faire face aux besoins
de main‐d’œuvre et remédier au chômage et au sous‐emploi, les gouvernements devraient formuler et
appliquer, comme un objectif essentiel, une politique active visant à promouvoir le plein emploi, productif et
librement choisi ‐Convention (no 87) concernant la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948;
convention (no 98) concernant le droit d’organisation et de négociation collective, 1949; convention (no 111)
concernant la discrimination (emploi et profession), 1958; convention (no 122) concernant la politique de
l’emploi, 1964; convention (no 138) concernant l’âge minimum d’admission à l’emploi, 1973; convention (no
182) concernant l’interdiction des pires formes de travail des enfants et l’action immédiate en vue de leur
élimination, 1999; recommandation (no 111) concernant la discrimination (emploi et profession), 1958;
recommandation (no 119) concernant la cessation de la relation de travail à l’initiative de l’employeur, 1963;
recommandation (no 122) concernant la politique de l’emploi, 1964; recommandation (no 146) concernant l’âge
minimum d’admission à l’emploi, 1973; recommandation (no 190) concernant l’interdiction des pires formes de
travail des enfants et l’action immédiate en vue de leur élimination, 1999.2 Convention (no 122) et
recommandation (no 122) concernant la politique de l’emploi, 1964.
14. Cela est particulièrement important dans le cas des gouvernements des pays d’accueil situés dans les
régions en développement du globe où les problèmes de chômage et de sous‐emploi revêtent le plus de
gravité. A cet égard, il convient de garder à l’esprit les conclusions générales adoptées par la Conférence
mondiale tripartite sur l’emploi, la répartition du revenu, le progrès social et la division internationale du
travail (Genève, juin 1976)3.
15. Les paragraphes 13 et 14 tracent le cadre dans lequel il devrait être dûment tenu compte, aussi bien dans les
pays du siège que dans les pays d’accueil, de l’impact des entreprises multinationales sur l’emploi.
16. Les entreprises multinationales devraient, surtout lorsqu’elles exercent leur activité dans des pays en
développement, s’efforcer d’accroître les possibilités et normes d’emploi, compte tenu de la politique et des
objectifs des gouvernements en matière d’emploi, ainsi que de la sécurité de l’emploi et de l’évolution à long
terme de l’entreprise.
17. Avant de commencer leurs activités, les entreprises multinationales devraient, dans tous les cas appropriés,
consulter les autorités compétentes et les organisations nationales d’employeurs et de travailleurs de manière à
harmoniser autant que praticable leurs plans concernant la main‐d’œuvre avec les politiques nationales de
développement social. Elles devraient poursuivre ces consultations, comme dans le cas des entreprises
nationales, avec toutes les parties intéressées, y compris les organisations de travailleurs.
18. Les entreprises multinationales devraient donner la priorité à l’emploi, à l’épanouissement professionnel, à la
promotion et à l’avancement des ressortissants du pays d’accueil à tous les niveaux, en coopération, le cas
86
échéant, avec les représentants des travailleurs qu’elles emploient ou des organisations de ces derniers et avec
les autorités gouvernementales.
19. Lorsqu’elles investissent dans des pays en développement, les entreprises multinationales devraient
prendre en considération l’importance de l’utilisation de techniques génératrices d’emploi soit directement, soit
indirectement. Dans toute la mesure possible, compte tenu de la nature du procédé et des particularités du
secteur économique en cause, elles devraient adapter les techniques aux besoins et caractéristiques des pays
d’accueil. Elles devraient aussi participer, lorsque cela est possible, à l’élaboration de techniques appropriées
dans les pays d’accueil.
20. Pour promouvoir l’emploi dans les pays en développement, dans le contexte d’une économie mondiale en
expansion, les entreprises multinationales devraient, chaque fois que cela est faisable, envisager de conclure
avec des entreprises nationales des contrats pour la fabrication de pièces et d’équipements, d’utiliser des
matières premières locales et d’encourager progressivement la transformation sur place des matières premières.
Elles ne devraient pas utiliser de tels arrangements pour éluder les responsabilités contenues dans les principes
de la présente Déclaration.
3 OIT, Conférence mondiale de l’emploi, Genève, 4‐17 juin 1976.
Egalité de chances et de traitement
21. Tous les gouvernements devraient poursuivre des politiques destinées à promouvoir l’égalité de chances et
de traitement en matière d’emploi afin d’éliminer toute discrimination fondée sur la race, la couleur, le sexe, la
religion, les opinions politiques, l’origine nationale ou sociale4.
22. Les entreprises multinationales devraient s’inspirer dans toutes leurs activités de ce principe général, sans
préjudice des mesures envisagées au paragraphe 18 ou des politiques gouvernementales conçues pour corriger
des situations historiques de discrimination et pour promouvoir ainsi l’égalité de chances et de traitement dans
l’emploi. Les entreprises multinationales devraient en conséquence faire des qualifications, de la compétence et
de l’expérience les critères du recrutement, du placement, de la formation et du perfectionnement de leur
personnel à tous les échelons.
23. Les gouvernements ne devraient jamais exiger des entreprises multinationales ou les encourager dans cette
voie – de pratiquer une discrimination fondée sur l’une des caractéristiques mentionnées au paragraphe 21. Ils
sont encouragés à fournir, dans des cas appropriés, une orientation continue en vue d’éviter une discrimination
de ce genre dans l’emploi.
Sécurité de l’emploi
24. Les gouvernements devraient étudier soigneusement l’impact des entreprises multinationales sur l’emploi
dans les différents secteurs industriels. Les gouvernements, de même que les entreprises multinationales, de
tous les pays devraient prendre des mesures appropriées pour faire face aux répercussions des activités de ces
entreprises sur l’emploi et le marché du travail.
25. Les entreprises multinationales devraient, au même titre que les entreprises nationales, s’efforcer d’assurer
par une planification active de la main‐d’oeuvre un emploi stable à leurs travailleurs et s’acquitter des obligations
librement négociées concernant la stabilité de l’emploi et la sécurité sociale. En raison de la souplesse que les
entreprises multinationales peuvent avoir, elles devraient s’efforcer de jouer un rôle d’avant‐garde dans la
promotion de la sécurité de l’emploi, en particulier dans les pays où la cessation de leurs activités serait
susceptible d’accentuer le chômage à long terme.
26. Les entreprises multinationales qui envisagent d’apporter à leurs activités des modifications (y compris celles
qu’occasionnent les fusions, rachats ou transferts de production) pouvant avoir des effets importants sur
l’emploi devraient signaler suffisamment à l’avance ces modifications aux autorités gouvernementales
appropriées et aux représentants des travailleurs qu’elles emploient, ainsi qu’à leurs organisations, afin que les
répercussions puissent en être examinées en commun et qu’en soient atténuées le plus possible les
conséquences défavorables. Cela est particulièrement important dans le cas de la fermeture d’une entité
entraînant des congédiements ou des licenciements collectifs.
Convention (no 111) et recommandation (no 111) concernant la discrimination (emploi et profession), 1958;
convention (no 100) et recommandation (no 90) en matière d’égalité de rémunération entre la main‐d’œuvre
masculine et la main‐d’œuvre féminine pour un travail de valeur égale, 1951.
87
27. Les procédures de licenciements arbitraires devraient être évitées5.
28. Les gouvernements devraient, en coopération avec les entreprises tant multinationales que nationales,
assurer sous une forme ou une autre la protection du revenu des travailleurs à l’emploi desquels il est mis fin6.
FORMATION
29. Les gouvernements devraient, en coopération avec toutes les parties intéressées, développer des politiques
nationales de formation et d’orientation professionnelles étroitement liées à l’emploi7. Tel est le cadre dans
lequel les entreprises multinationales devraient poursuivre leur politique de formation.
30. Les entreprises multinationales devraient veiller, en déployant leurs activités, à ce que leurs travailleurs
bénéficient à tous les niveaux, dans le pays d’accueil, d’une formation appropriée en vue de répondre aux
besoins de l’entreprise ainsi qu’à la politique de développement du pays. Cette formation devrait, dans la mesure
possible, développer des aptitudes utiles en général et promouvoir les possibilités de carrière. Cette
responsabilité devrait s’exercer, le cas échéant, en coopération avec les autorités du pays, les organisations
d’employeurs et de travailleurs et les institutions locales, nationales ou internationales compétentes.
31. Les entreprises multinationales exerçant leur activité dans des pays en développement devraient participer
de même que les entreprises nationales à des programmes, y compris des fonds spéciaux, encouragés par les
gouvernements des pays d’accueil et soutenus par les organisations d’employeurs et de travailleurs. Ces
programmes devraient viser à encourager l’acquisition et le développement de compétences ainsi qu’à fournir
une orientation professionnelle. Ils devraient être administrés en commun par les parties qui les soutiennent.
Autant que praticable, les entreprises multinationales devraient, à titre de participation au développement
national, fournir les services de personnel de formation qualifié pour aider à mettre en œuvre les programmes
de formation organisés par les gouvernements.
32. Les entreprises multinationales devraient, en coopération avec les gouvernements et dans la mesure
admissible pour ne pas entraver le fonctionnement efficace de l’entreprise, offrir dans l’entreprise tout entière des
possibilités pour élargir l’expérience des cadres de direction locaux
Recommandation (no 119) sur la cessation de la relation de travail à l’initiative de l’employeur, 1963.
Ibid.
Convention (no 142) et recommandation (no 150) concernant le rôle de l’orientation et de la formation
professionnelles dans la mise en valeur des ressources humaines, 1975.
CONDITIONS DE TRAVAIL ET DE VIE
Salaires, prestations et conditions de travail
33. Les salaires, prestations et conditions de travail offerts par les entreprises multinationales ne devraient pas
être moins favorables pour les travailleurs que ceux qu’accordent les employeurs comparables dans le pays en
cause.
34. Lorsque les entreprises multinationales opèrent dans des pays en développement où il peut ne pas exister des
employeurs comparables, elles devraient octroyer les meilleurs salaires, prestations et conditions de travail
possibles dans le cadre de la politique du gouvernement8. Ceux‐ci devraient être en rapport avec la situation
économique de l’entreprise, mais devraient être au moins suffisants pour satisfaire les besoins essentiels des
travailleurs et de leurs familles. Lorsque des entreprises multinationales font bénéficier leurs travailleurs
d’avantages essentiels tels que le logement, les soins médicaux ou l’approvisionnement en denrées alimentaires,
ces avantages devraient être d’un niveau correct9.
35. Les gouvernements, en particulier ceux des pays en développement, devraient s’efforcer d’adopter des
mesures appropriées afin d’assurer que les groupes à bas revenus et les régions peu développées profitent autant
que possible des activités des entreprises multinationales.
Age minimum
36. Les entreprises multinationales ainsi que les entreprises nationales devraient respecter l’âge minimum
d’admission à l’emploi ou au travail, en vue d’assurer l’abolition effective du travail des enfants10.
Sécurité et hygiène
88
37. Les gouvernements devraient faire en sorte que les entreprises tant multinationales que nationales fassent
bénéficier leurs travailleurs de normes adéquates en matière de sécurité et d’hygiène. Les gouvernements qui
n’ont pas encore ratifié les conventions de l’OIT (no 119) sur la protection des machines, 1963, la protection
contre les radiations (no 115), le benzène (no 136) et le cancer professionnel (no 139) sont instamment priés,
néanmoins, d’appliquer dans toute la mesure possible les principes énoncés dans ces conventions ainsi que dans
les recommandations correspondantes (nos 118, 114, 144 et 147). Les recueils de directives pratiques et les
guides figurant sur la liste des publications du BIT consacrées à la sécurité et à l’hygiène du travail devraient
également être pris en considération11.
Recommandation (no 116) concernant la réduction de la durée du travail, 1962.
Convention (no 110) et recommandation (no 110) concernant les plantations, 1958; recommandation (no 115)
concernant le logement des travailleurs, 1961; recommandation (no 69) concernant les soins médicaux, 1944;
convention (no 130) et recommandation (no 134) concernant les soins médicaux et les indemnités de maladie,
1969.
Convention no 138, art. 1; convention no 182, art. 1.
Les conventions et recommandations de l’OIT dont il est fait mention sont indiquées dans le Catalogue of ILO
Publications on Occupational Safety and Health, édition 1999, BIT, Genève. Voir aussi http://www.ilo.org
/public/english/protection/safework/publicat/index.htm.
38. Les entreprises multinationales devraient maintenir les normes de sécurité et d’hygiène les plus élevées,
conformément aux exigences nationales, compte tenu de leur expérience correspondante acquise dans
l’entreprise tout entière, y compris la connaissance de risques particuliers. Elles devraient aussi mettre à la
disposition des représentants des travailleurs dans l’entreprise et, sur leur demande, des autorités compétentes et
des organisations de travailleurs et d’employeurs de tous les pays où elles exercent leur activité des informations
sur les normes de sécurité et d’hygiène applicables à leurs activités locales qu’elles observent dans d’autres pays.
En particulier, elles devraient faire connaître aux intéressés tous les risques particuliers et les mesures de
protection correspondantes qui sont associés à de nouveaux produits et procédés. De même que les entreprises
nationales comparables, elles devraient être appelées à jouer un rôle prépondérant dans l’examen des causes des
risques en matière de sécurité et d’hygiène du travail et dans l’application, dans l’entreprise tout entière, des
améliorations qui en découlent.
39. Les entreprises multinationales devraient coopérer à l’activité déployée par les organisations internationales
qui s’occupent de préparer et d’adopter des normes internationales de sécurité et d’hygiène.
40. Les entreprises multinationales devraient, conformément à la pratique nationale, coopérer pleinement avec
les autorités compétentes en matière de sécurité et d’hygiène, les représentants des travailleurs et leurs
organisations et les organismes établis de sécurité et d’hygiène. Le cas échéant, les questions concernant la
sécurité et l’hygiène devraient figurer dans les conventions conclues avec les représentants des travailleurs et
leurs organisations.
RELATIONS PROFESSIONNELLES
41. Les entreprises multinationales devraient appliquer, en matière de relations professionnelles, des normes qui
ne soient pas moins favorables que celles qu’appliquent des employeurs comparables dans le pays en cause.
Liberté syndicale et droit d’organisation
42. Les travailleurs employés tant par les entreprises multinationales que par les entreprises nationales devraient
jouir, sans distinction d’aucune sorte, du droit, sans autorisation préalable, de constituer des organisations de leur
choix ainsi que celui de s’affilier à ces organisations, à la seule condition de se conformer aux statuts de ces
dernières12. Ils devraient également bénéficier d’une protection adéquate contre les actes de discrimination
tendant à porter atteinte à la liberté syndicale en matière d’emploi13.
43. Les organisations représentant les entreprises multinationales ou les travailleurs employés par elles devraient
bénéficier d’une protection adéquate contre tous actes d’ingérence des unes à l’égard des autres soit
directement, soit par leurs agents ou membres, dans leur formation, leur fonctionnement et leur administration.
‐Convention no 87, art. 2.
89
‐Convention no 98, art. 1.1.
‐Convention no 98, art. 2.1.
‐Convention no 98, art. 4.
‐Convention (no 135) concernant les représentants des travailleurs dans l’entreprise et les facilités à leur accorder,
1971.
44. Lorsque les circonstances locales s’y prêtent, les entreprises multinationales devraient donner leur appui à des
organisations d’employeurs représentatives.
45. Les gouvernements qui ne le font pas encore sont instamment priés d’appliquer les principes de la convention
no 87, article 5, étant donné l’importance qu’il y a, en relation avec les entreprises multinationales, à permettre
aux organisations représentant ces entreprises ou les travailleurs qu’elles emploient de s’affilier à des
organisations internationales d’employeurs et de travailleurs de leur choix.
46. Là où les gouvernements des pays d’accueil offrent des avantages particuliers pour attirer les investissements
étrangers, ces avantages ne devraient pas se traduire par des restrictions quelconques apportées à la liberté
syndicale des travailleurs ou à leur droit d’organisation et de négociation collective.
47. Les représentants des travailleurs des entreprises multinationales ne devraient pas être empêchés de se réunir
pour se consulter et échanger leurs points de vue, étant entendu que le fonctionnement des opérations de
l’entreprise et les procédures normales régissant les relations avec les représentants des travailleurs et leurs
organisations n’en pâtissent pas.
48. Les gouvernements ne devraient pas apporter de restrictions à l’entrée de représentants d’organisations
d’employeurs et de travailleurs qui viennent d’autres pays et sont invités par des organisations locales ou
nationales intéressées aux fins de consultations sur des questions d’intérêt commun, du seul fait qu’ils sollicitent
l’entrée dans cette capacité.
Négociation collective
49. Les travailleurs employés par les entreprises multinationales devraient avoir le droit, conformément à la
législation et à la pratique nationales, de faire reconnaître des organisations représentatives de leur propre choix
aux fins de la négociation collective.
50 Des mesures appropriées aux conditions nationales devraient, si nécessaire, être prises pour encourager et
promouvoir le développement et l’utilisation les plus larges de procédures de négociation volontaire entre les
employeurs ou leurs organisations et les organisations de travailleurs en vue de régler les conditions d’emploi par
le moyen de conventions collectives15.
51. Les entreprises multinationales, de même que les entreprises nationales, devraient fournir aux représentants
des travailleurs les moyens nécessaires pour aider à mettre au point des conventions collectives efficaces16.
52. Les entreprises multinationales devraient faire en sorte que les représentants dûment autorisés des
travailleurs employés par elles puissent, dans chacun des pays où elles exercent leur activité, mener des
négociations avec les représentants de la direction qui sont autorisés à prendre des décisions sur les questions en
discussion.
53. Lors des négociations menées de bonne foi avec les représentants des travailleurs sur les conditions d’emploi,
ou lorsque les travailleurs exercent leur droit de s’organiser, les entreprises multinationales ne devraient pas
menacer de recourir à la faculté de transférer hors du pays en cause tout ou partie d’une unité d’exploitation en
vue d’exercer une influence déloyale sur ces négociations ou de faire obstacle à l’exercice du droit d’organisation;
elles ne devraient pas non plus déplacer des travailleurs de leurs filiales dans des pays étrangers pour nuire aux
négociations de bonne foi engagées avec les représentants des travailleurs ou à l’exercice par les travailleurs de
leur droit de s’organiser.
54. Les conventions collectives devraient comporter des dispositions en vue du règlement des conflits auxquels
pourraient donner lieu leur interprétation et leur application et des dispositions assurant le respect mutuel des
droits et des responsabilités.
55. Les entreprises multinationales devraient fournir aux représentants des travailleurs les renseignements
nécessaires à des négociations constructives avec l’entité en cause et, lorsque cela est conforme à la législation et
90
à la pratique locales, elles devraient également fournir des informations de nature à leur permettre de se faire
une idée exacte et correcte de l’activité et des résultats de l’entité ou, le cas échéant, de l’entreprise dans son
ensemble17.
56. Les gouvernements devraient fournir aux représentants des organisations de travailleurs, à leur demande et
pour autant que la législation et la pratique le permettent, des informations sur les branches dans lesquelles
opère l’entreprise qui puissent leur être utiles pour définir des critères objectifs dans le cadre de la négociation
collective. A cet égard, tant les entreprises multinationales que les entreprises nationales devraient répondre
constructivement aux gouvernements qui leur demandent des informations pertinentes sur leurs activités.
Consultation
57. Dans les entreprises tant multinationales que nationales, des systèmes élaborés d’un commun accord par les
employeurs, les travailleurs et leurs représentants devraient prévoir, conformément à la législation et à la
pratique nationales, des consultations régulières sur les questions d’intérêt mutuel. Ces consultations ne
devraient pas se substituer aux négociations collectives18.
Examen des réclamations
58. Les entreprises multinationales, comme les entreprises nationales, devraient respecter le droit des travailleurs
qu’elles emploient de faire examiner toutes leurs réclamations de manière conforme aux dispositions suivantes:
tout travailleur qui, agissant individuellement ou conjointement avec d’autres travailleurs, considère avoir un
motif de réclamation devrait avoir le droit de présenter cette réclamation sans subir de ce fait un quelconque
préjudice et de faire examiner cette réclamation selon une procédure appropriée19. Cela est particulièrement
important lorsque les entreprises multinationales opèrent dans des pays qui n’observent pas les principes des
conventions de l’OIT relatifs à la liberté syndicale, au droit d’organisation et de négociation collective et au travail
forcé.
Recommandation (no 129) concernant les communications entre la direction et les travailleurs dans l’entreprise,
1967.
Recommandation (no 94) concernant la consultation et la collaboration entre employeurs et travailleurs sur le
plan de l’entreprise, 1952; recommandation (no 129) sur les communications dans l’entreprise, 1967.
Recommandation (no 130) concernant l’examen des réclamations dans l’entreprise en vue de leur solution, 1967.
Convention (no 29) concernant le travail forcé ou obligatoire, 1930; convention (no 105) concernant l’abolition du
travail forcé, 1957; recommandation (no 35) concernant la contrainte indirecte au travail, 1930.
Règlement des conflits du travail
59. Les entreprises multinationales, tout comme les entreprises nationales, devraient, de concert avec les
représentants et les organisations des travailleurs qu’elles emploient, s’efforcer d’instituer un mécanisme de
conciliation volontaire et adapté aux circonstances nationales, pouvant comporter des dispositions relatives à
l’arbitrage volontaire, afin de contribuer à prévenir et à régler les conflits du travail entre employeurs et
travailleurs. Ce système de conciliation volontaire devrait comporter l’égalité de représentation des employeurs et
des travailleurs.
Recommandation (no 92) concernant la conciliation et l’arbitrage volontaires, 1951.
Genève, 17 novembre 2000.
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Table des matières
INTRODUCTION ........................................................................................................................................ 3
Première partie: Les Normes De Travail A L’épreuve De La Mondialisation 5
Chapitre I : Les normes de travail face à la libéralisation du commerce et de l’investissement ........ 9
Section I : Les normes de travail et le commerce ............................................................................................................ 9
§ A. Les relations entre la libéralisation du commerce et les normes sociales ............................................................... 10
§ B. Les clauses sociales ................................................................................................................................. 14
Section II : Les normes de travail et l’investissement .................................................................................................... 20
Chapitre II: Les normes de travail et les nouvelles technologies .................................................... 28
Section I : L’impact des nouvelles technologies sur l’emploi ........................................................................................... 28
§ A. L’accès à l’emploi et la rupture du contrat de travail à l’épreuve des nouvelles technologies ...................................... 28
§. B. Impact des nouvelles technologies sur les conditions du travail ........................................................................... 31
Section II : Les implications des nouvelles technologies sur les relations de travail ............................................................... 34
§ A. Relations individuelles : Protection des libertés dans l’entreprise ........................................................................ 34
§ B. Relations collectives : Impact sur les syndicats ............................................................................................... 35
DEUXIEME PARTIE ................................................................................................................................. 41
APPLICABILITE DES NORMES FONDAMENTALES DU TRAVAIL DANS UNE ECONOMIE MONDIALISEE ........... 41
Chapitre I : Le droit international du travail comme cadre général pour l’application des normes
de travail au niveau national : vers une mondialisation du droit social ........................................... 43
Section I : Les objectifs des normes internationales de travail sous l’impulsion de la mondialisation ........................................ 43
§. A. Contenu des normes internationales du travail ................................................................................................... 44
§. B. objectifs des normes internationales du travail ..................................................................................................... 47
Section II : Les difficultés de mise en œuvre des normes internationales du travail dans une économie mondialisée ...................... 49
§. A. Les difficultés d’ordre juridique et les difficultés relatives aux politiques économiques conçues dans une économie
mondialisée ......................................................................................................................................................... 49
§. B. Les difficultés inhérentes à l’action des partenaires sociaux .............................................................................. 54
Chapitre II: Application effective des normes de travail dans un monde interdépendant ............. 58
Section I : Les obstacles à l’application effective des normes de travail ........................................................................... 58
§. A. L’application effective des règles de la lutte contre la discrimination ......................................................................... 59
§. B. l’application effective de la règle de la liberté syndicale ........................................................................................... 60
§. C. L’application effective de l’interdiction du travail forcé et du travail des enfants .......................................................... 62
§. D. L’application effective de l’interdiction du travail des enfants ................................................................................. 63
Section II : Les moyens possibles pour une application effective des normes de travail .......................................................... 66
§. A. Fonction normative des partenaires sociaux comme moyen d’une meilleure application des normes sociales ...................... 66
§. B. les moyens de pression de l’Organisation Internationale du Travail .......................................................................... 69
CONCLUSION : .......................................................................................................................................... 72
Annexe 1 : Déclaration de l'OIT relative aux principes et droits fondamentaux au travail et son suivi .......... 74
Annexe 2 : Chapitre 16 de l’Accord de libre échange Maroc – Etats-Unis ..................................................... 76
Annexe 3 : Conventions de l'Organisation Internationale du Travail (OIT) ratifiées par le Maroc ............... 82
Annexe 4 : Déclaration de principes tripartite sur les entreprises multinationales ......................................... 84
92