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SYNDROME DE COMPRESSION
ET TRAUMATISME
Michel OLIVIER, Domitille DEREU*
Toutes les parties du corps peuvent être gravement comprimées lors d’un
traumatisme. Les compressions thoraciques et abdominales étant traitées par
ailleurs, nous centrerons notre propos sur les compressions de membres.
I – PHYSIOPATHOLOGIE DE LA RHABDOMYOLYSE
TRAUMATIQUE
1 – L’ischémie :
2 - La reperfusion
Ces phénomènes peuvent ne pas être irréversibles, y compris les nécroses, s’il
l’ischémie n’est ni trop sévère, ni trop longue.
4 – L’insuffisance rénale :
L’insuffisance rénale est la plus fréquente des atteintes organiques. Elle est
secondaire à l’association d’une hypoperfusion de la médullaire rénale à la toxicité
directe de la myoglobine sur le rein. Il en résulte une nécrose tubulaire aiguë. Le
Tableau 2 résume les mécanismes induisant l’insuffisance rénale aiguë.
Au total :
• Première étape : ischémique locale avec libération de produits toxiques
cytoplasmiques, de facteurs de l’inflammation et augmentation de la
perméabilité capillaire responsable d’hypovolémie.
• Deuxième étape : reperfusion aggravant l’hypovolémie et diffusant les
facteurs toxiques dans tout l’organisme.
• Troisième étape : insuffisance rénale aiguë par hypovolémie et toxicité
directe de la myoglobine. Atteintes d’organes vitaux pouvant entraîner une
mort plus ou moins rapide par toxicité directe, réactions à l’inflammation ou
défaillance multiviscérale.
1- Clinique :
a. Lésions cutanées :
b. Lésions osseuses :
Les nerfs quant à eux souffrent lors de crush syndromes par ischémie ou
étirements, voire amputations partielles, les plus fréquemment touchés sont
les nerfs du plexus brachial, en particulier le radial et les branches du nerf
sciatique.
d. L’atteinte musculaire :
L’impression clinique de tension des loges peut être confirmé par la mesure
des pressions grâce à de petits appareils de mesure (Strycker®). La pression
normale se situe entre 0 et 8 mmHg. Une pression inférieure à 30 mmHg impose
une surveillance. Entre 30 et 40 mmHg, une aponévrotomie est nécessaire en
présence de signes cliniques (abolition des pouls en particulier). Si la pression
est supérieur à 40 mmHg ou si PSA Diastolique moins Pression des loges est
inférieure à 30 mmHg, l’aponévrotomie doit être réalisée d’urgence [14,15].
Crâne, rachis, thorax et abdomen peuvent être lésés dans le cadre d’un
écrasement. Nous insisterons plus particulièrement sur les fractures
hémorragiques du bassin qui accompagnent souvent les écrasements des
membres inférieurs. La recherche des ces lésions impose un examen clinique
rigoureux complété par une imagerie moderne et adaptée (tomodensitométrie
multibarette).
2- Biologie
Points -4 -2 0 1 2 3 4 6 8 10
Kaliémie (mmoles
(mmoles/l)
/l) - - - - 2,5 3,1 3,7 5,0 6,2 7,4
Albuminémie (g/l) 46 23 - - - - - - - -
b. Myoglobinémie / Myoglobiurie
La myoglobine est une petite molécule (133 acides aminés) éliminée par le
rein (1/2 vie 6 heures). Il y a 4 mg de myoglobine par gramme de muscle.
La myoglobinémie normale est inférieure à 18 ng ml -1.
La myoglobinurie est négative si la myoglobinémie est inférieure à 1,5 mg
dl-1 soit une lyse de 100 g de muscle. La coloration rouge rosée des urines, qui
doit être recherchée, correspond à une myoglobinurie importante (1000mg l-1)
dans des urines alcalines. En deçà de cette dose, la myoglobinurie infra clinique
(5 à 10 mg l-1) peut être détectée par les bandelettes urinaires utilisées pour
rechercher une hématurie. Lorsque l’urine est acide, ce qui est spontanément
le cas, l’urine est colorée en brun par dissociation de la myoglobine en globine
et ferrihémate. Le risque de précipitation tubulaire dépend de la quantité de
myoglobine dans les tubules et du pH urinaire (acide).
c. Enzymes musculaires
d. CIVD
e. Insuffisance rénale.
Par ailleurs, des bicarbonates veineux < 17 mmol l-1 à l’arrivée à l’hôpital
sont facteur de risque majeur d’insuffisance rénale [18].
III- TRAITEMENTS
1 – Préhospitalier
a. L’hypovolémie :
b. L’hyperkaliémie :
Si le garrot est posé avant la levée d’ischémies très longues, il doit l’être sur
décision médicale pour éviter au patient de mourir d’hyperkaliémie. Le garrot
ne doit être que veineux et une fois posé, il sera laissé serré.
2 – Au déchocage
a. Monitorage spécifique
L’expansion volémique massive n’est pas sans risque lorsqu’elle est associée
à une perméabilité capillaire pathologique et à un syndrome inflammatoire
majeur. La masse musculaire représente 40% du poids du corps et un
traumatisme sévère peut provoquer jusqu’à 12 litres de séquestration [22]. Ces
phénomènes expliquent les défaillances pulmonaires aiguës décrites dans le
crush syndrome ou les polytraumatismes. Ceci est une limite au remplissage
Cette réserve sur les risques de remplissage massif émise, la réduction du risque
d’insuffisance rénale s’appuie toutefois sur la correction de l’hypovolémie,
sur l’alcalinisation et parfois l’adjonction de Mannitol. Nous abordons ces
deux derniers points dans le chapitre ci-dessous.
Le pH sanguin ne doit toutefois pas dépasse 7,5 car une alcalose métabolique
importante provoque une acidose cellulaire et une hypercapnie.
e. Le mannitol :
f. Catécholamines :
a. L’antibiothérapie :
b. La transfusion sanguine :
Il s’agit d’une décision très difficile à prendre d’emblée de par ses conséquences
fonctionnelles et psychologiques. Elle impose une discussion pluridisciplinaire
préalable et s’appuiera :
- sur l’impossibilité d’une revascularisation du membre
- ou la présence de lésions trop graves pour être correctement traitées
chirurgicalement
- et souvent associées à la mise en jeu du pronostic vital par un saignement
persistant et un syndrome inflammatoire généralisé responsable de détresses
hémodynamique et respiratoire ne répondant plus à une réanimation
agressive.
d. L’oxygénothérapie hyperbare
Cet effet théorique bénéfique a été confirmé par un groupe d’expert se basant
sur l’analyse de travaux parus sur le sujet [24].
FiO2 0,21 1 1 1
Pression (ATA) 1 1 2 3
Les recommandations pour les séances d’OHB sont les suivantes : O2 100%,
2,5 ATA, 90 minutes, 2 séances/jour, 6 à 7 jours.
Par expérience, il n’est pas toujours facile d’amener, surtout le premier jour,
un malade instable au caisson d’OHB. Il apparaît toutefois utile, devant cet
intérêt reconnu de l’OHB, de se battre contre les difficultés pratiques pour
réaliser la première séance le plus tôt possible, et de continuer les jours suivants
les séances, matin et après midi.
IV – CONCLUSION
Ce phénomène induit :
• la diffusion de toxines du cœur (K+), du rein (myoglobine) et de facteurs
de l’inflammation pouvant induire une défaillance multiviscérale,
• la séquestration liquidienne dans le membre responsable d’une
hypovolémie délétère pour cœur et le rein et un syndrome compartimental
ischémique,
• un risque septique et hémorragique majeur compliquant la prise en
charge.
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