L’établissement des comptes annuels des entreprises
(constitués du bilan, du compte de résultat et de l’annexe) est un moyen de contrôle dont les enjeux sont importants (Pochet 1998). En effet, les états financiers annuels constituent une synthèse de l’activité de l’entreprise exploitable par l’extérieur. Ils servent aux différents acteurs dans une optique d'évaluation, de prise de décision ou de diagnostic pour les actionnaires, les comptes annuels servent à déterminer la valeur de leur participation dans l'entreprise, éventuellement par l'intermédiaire de cours boursiers, ainsi que la rémunération de cette participation par le versement de dividendes conditionnés par les résultats annuels ; les dirigeants voient de plus en plus leur rémunération déterminée, au moins pour partie, par les résultats financiers de l'entreprise qu'ils dirigent ; l'Etat et les autres autorités publiques utilisent les informations comptables comme base de calcul pour la détermination des impôts et taxes qui leur sont dus ; les relations d'affaires de l’entreprise (banquiers, clients, fournisseurs) analysent l'information financière afin de déterminer la solvabilité de leur partenaire. Si la nécessité de procéder à l’établissement et à la diffusion des comptes annuels dans un système économique capitaliste apparaît ainsi évidente, une telle situation pose néanmoins deux problèmes majeurs : le premier concerne la pertinence intrinsèque des données comptables pour refléter la performance d’une entreprise. Ce problème, qui a fait l’objet de multiples recherches dans le domaine de la comptabilité (Dupuy 1999), ne sera pas considéré ici ; le deuxième problème touche à la fiabilité des comptes annuels, c’est-à-dire la mesure dans laquelle ils sont fidèles aux normes comptables de constitution et de présentation, indépendamment de la pertinence intrinsèque de ces normes. C’est ce deuxième aspect qui fera l’objet de notre recherche. En effet, il se trouve que les comptes annuels sont largement établis par les personnes même que l’on cherche à contrôler : les dirigeants de l’entreprise. La latitude dont ils disposent peut laisser planer un doute sur la sincérité de l’information qu’ils diffusent, illustré tout particulièrement par la notion de « comptabilité créative » (Gillet 1998). L'importance de disposer de données fiables sur les comptes annuels explique alors l’apparition de moyens pour vérifier les états financiers produits par les dirigeants à destination de l'extérieur. Ces moyens se sont progressivement développés pour prendre leur forme actuelle : l'audit financier, c’est-à-dire « un examen critique destiné à vérifier que l’activité de l’entreprise est fidèlement traduite dans les comptes annuels conformément à un référentiel comptable identifié » (Mikol 1999). Aujourd’hui, l’audit financier – connu également sous le nom de vérification ou de révision comptable – est une obligation légale dans de nombreux pays pour les sociétés par actions, ainsi que pour certaines autres entreprises ou organisations en fonction de leur taille ou de leur statut.
Les étapes de la mission d'audit financier:
L’audit financier s’insère donc dans la relation d’agence
autour de l’entreprise en tant que processus de contrôle des comptes établis par l’entreprise pour lever l’asymétrie d’information entre les dirigeants et les autres intervenants. Les étapes de la mission d'audit financier:
Si l’audit a fait l’objet d’une formalisation conceptuelle
importante permettant de rationaliser ses principes généraux, la question de la mise en oeuvre concrète de cette conceptualisation reste posée. Il est facile, en effet, de parler de « risque » dans l’absolu, mais l’évaluation et l’interprétation de ce risque en situation doivent également – pour éviter toute apparence d’arbitraire – être justifiées. La démarche méthodologique à mettre en oeuvre au cours de chaque mission d’audit a donc également été formalisée par la profession. La première étape de cette mission a plusieurs noms selon les auteurs ; on présente d'abord cette dernière selon Olivier HERRBACH dans sa thèse sous le nom " Le comportement au travail des collaborateurs de cabinets d’audit financier : une approche par le contrat psychologique" La planification de la mission d'audit: La planification a pour objet de préparer l’exécution de la mission d’audit et se fait en trois étapes : la prise de connaissance générale de l’entreprise, le plan d’audit et la programmation. Ces trois étapes correspondent à une construction progressive de la mission d’audit : grâce à la prise de connaissance générale de l’entreprise on peut élaborer l’approche globale de la mission, qui va elle-même être déclinée en procédures à effectuer. D’une certaine manière, la planification représente une « répétition » (rehearsal) du travail d’audit qui sera réalisé (Humphrey & Moizer 1990). La prise de connaissance générale de l’entreprise a pour but de comprendre le contexte dans lequel elle évolue et de la situer dans son environnement économique, social et juridique. Cette étape est effectuée par l'intermédiaire d'entretiens avec les dirigeants, de l'étude de la documentation interne de l’entreprise (manuels de procédures, organigrammes, notes de service, etc.), de la revue des comptes annuels des derniers exercices et de la recherche de documentation externe sur l'entreprise et son secteur d'activité. Elle permet à l'auditeur d'assimiler les principales caractéristiques de l'entreprise, son organisation, ses responsables, ses spécificités de fonctionnement et de détecter les zones de risque éventuelles (Mikol 1999). Le plan d'audit – que l'on appelle également plan de mission ou plan stratégique – est le document qui regroupe de manière synthétique l'orientation de travail choisie pour la mission, ainsi que la justification de cette orientation. Il est destiné à être lu par tous les intervenants afin qu’ils puissent effectuer leurs travaux en ayant à l’esprit les caractéristiques de l’entreprise qu’ils contrôlent. Le plan d’audit précise l'identification des risques relevés et l'approche d'audit retenue pour y faire face. La planification est souvent considérée comme une phase essentielle de l’audit en raison de son impact sur la détermination des travaux à réaliser (Humphrey & Moizer 1990). L’évaluation des risques et le choix de l’approche d’audit qui en découle sont une décision majeure de l’auditeur. Sur la base du plan d'audit, on peut alors établir un programme de travail qui indiquera de manière plus détaillée – pour chaque cycle de l'entreprise auditée – les contrôles à effectuer en définissant la nature et l'étendue des travaux. Ces travaux vont dépendre du niveau et de la nature du risque associé à chaque cycle, ainsi que du seuil de matérialité général de la mission. Le choix des procédures d'audit spécifiques appliquées à un cycle va également être déterminé par les circonstances de la mission et par les normes de travail des cabinets. C’est sur la base du programme de travail que les auditeurs de terrain effectuent leurs tests de procédures et leurs contrôles de comptes. Pour chacune des trois phases de la planification, les cabinets – ainsi que la profession en général – ont développé des outils méthodologiques de planification et de programmation des travaux. Ces outils consistent en des manuels d’audit, des questionnaires de planification, des plans d’audit et des programmes de travail standardisés à adapter à chaque mission. L’aboutissement de cette tendance est le développement de systèmes experts d’audit censés pouvoir créer des plans d’audit et des programmes de travail pertinents à partir de questionnaires sur la société auditée (Bédard & Graham 1994). Les supports de planification sont conçus pour faciliter la tâche de l’auditeur et augmenter son efficacité, au prix toutefois d’une certaine limitation de son initiative (Francis 1994). Cependant, ils ne doivent pas faire oublier le rôle important de l’individu qui les utilise. Quel que soit leur degré de sophistication, les supports d’aide à la décision laissent une marge de liberté : à la fois parce que la prise de décision en audit repose sur des éléments situationnels et cognitifs qui les dépassent (Hogarth 1991), mais aussi parce que l’auditeur peut contourner leurs résultats (Mock & Wright 1999).