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FICHE DE LECTURE

Titre de l’ouvrage : Les conflits identitaires


Auteur-Edition : François THUAL- ellipses 1995
Réf. Bibliothèque : GEOP/THUA/692
Rédacteur : Capitaine Pap Momar MBOUP
Date de rédaction : 01-01-2018

1. PRESENTATION DE L’AUTEUR :
François THUAL est un géopoliticien français né en novembre 1944. Lorsque son père, résistant, est tué
lors de la seconde guerre mondiale, il a été adopté et en guise de reconnaissance il a préféré garder le nom
de famille de ses parents adoptifs. Ancien directeur adjoint de l’institut des relations internationales et
stratégiques de la France, il a enseigné la géopolitique des religions au collège interarmées de défense et à
l’Ecole Pratique des Hautes Etudes. Titulaire d’une maitrise de sociologie et d’histoire, il a été conseiller
technique pour les affaires stratégiques au sénat. La trentaine d’ouvrages qu’il a écrits ou co-écrits sont
essentiellement consacrées à la méthode géopolitique axée sur une refondation et son application dans
différents domaines.
2. SYNTHESE DE L’OUVRAGE :
Pour passer en revue tous les conflits de minorités nationales et les conflits religieux qu’il définit comme
les conflits identitaires l’auteur a procédé par un échantillonnage tiré des différents continents.
Selon lui tous les conflits impliquant des nations, des ethnies, des groupes religieux n’en sont pas pour
autant des conflits identitaires. Dans les conflits identitaires un groupe juge à tort ou à raison que sa survie
matérielle, psychologique, culturelle et politique est menacée par la présence d’un autre groupe. Ainsi, pour
ne pas disparaître, il faut détruire l’autre. C’est ce qu’il définit comme étant le syndrome de Caïn.
Après une présentation des conflits identitaires dans l’ex-monde communiste; François THUAL pose la
problématique de l’universalité de ce type de conflits à travers une étude sur les autres continents, avant de
développer une réflexion sur la géopolitique des conflits identitaires tout en battant en brèche la théorie du
choc des civilisations soutenue par Samuel Huntington.
D’abord, dans la première partie de l’ouvrage, l’auteur s’est particulièrement focalisé sur le
surgissement des conflits identitaires dans les anciens pays communistes. Ces conflits ont participé à
l’effondrement de l’URSS avec pour conséquence la réactivation des pires conflits : les conflits d’antériorité.
II démontre avec les exemples du Kosovo, de la Transylvanie et du Haut-Karabakh comment ces conflits sont
irrémissibles. Chaque partie convaincue que la survie de la nation dépend de la possession ou de la non-
possession d’un territoire, adopte une posture galvanisée par les medias modernes et aux conséquences
sanglantes. Si dans les Balkans ou dans les régions du Caucase, les pulsions identitaires collectives participent
substantiellement à l’apparition de fortes crises identitaires ou de conflits identitaires, en Asie centrale
notamment en Ouzbékistan et au Tadjikistan c’est le jeu de questionnement sur l’identité de chaque individu
qui constitue un risque pour la paix. Dans les pays baltes, précurseurs de la révolte contre l’URSS, le facteur
potentiel de risque de conflit est le critère linguistique imposé aux minorités russes vivant dans ces territoires
pour accéder à la citoyenneté.
Ensuite, dans la deuxième partie de l’ouvrage, il est fait état de l’étude de l’universalité ou de la non-
universalité des crises identitaires. C’est par une approche de prélèvement inspirée des méthodes de la
chimie ou de la médecine légale que l’auteur a fait le tour du monde pour analyser la spectrographie
identitaire dans tous les continents. Partant des conflits identitaires du Liban ou de la lancinante question de
la relation entre arabité et islam, ou encore du lien entre iranité et chiisme, l’auteur démontre comment des
entités en apparence uniformes peuvent présenter une pluralité profonde et des différences que la
simplification géopolitique ne saurait élucider. En plus, que ce soit le face-à-face identitaire entre musulmans
et hindous en Inde ou la prééminence de la religion bouddhiste en Asie orientale, les religions ont toujours
participé à la gestion de l’identitaire qui brasse tous les domaines de la vie sociale. Même l’Europe
occidentale avec la résurgence des mouvements régionalistes n’est pas épargnée par les crises identitaires.
Il soutient qu’en Afrique les conséquences sur le tracé de frontières héritées de la colonisation ont certes
participé à créer des conflits, mais c’est plus le primat de l’ethnicité dans la structure des sociétés, doublé de
l’impossibilité de développement qui sont les premières causes de crises identitaires.
Enfin, la troisième partie est une réflexion sur la géopolitique des conflits identitaires où il critique la
démarche trop simpliste qu’a adoptée Samuel Huntington pour définir sa théorie du choc des civilisations.
Toutefois, l’auteur propose d’affiner cette théorie en se basant sur les études d’Yves LACOSTE pour mieux
cerner la recrudescence des conflits identitaires. Il fait par la suite une réflexion sur le processus des conflits
identitaires en définissant un schéma à trois temps qui rythme tous les conflits identitaires et qui fonctionne
comme le mythe gnostique : jadis un âge d’or- ensuite l’apparition d’un élément perturbateur-une lutte pour
la réintégration de l’Etat primitif. Selon lui, le déclenchement d’une crise identitaire généralisée grâce aux
médias est tributaire de trois facteurs : la crise socio-économique, la crise de l’Etat et la crise d’hétérogénéité
ou de proximité. François THUAL conclut par un appel de prise de conscience sur le danger que constituent
les tendances au repli nationaliste et à la retribalisation de la planète en se demandant si cette situation ne
pourrait-elle pas restaurer l’Etat de barbarie ?
3. ANALYSE-AVIS DU REDACTEUR :
Ce livre paru en mai 1998 un mois avant le déclenchement de la guerre du Kosovo, analyse avec
pertinence et précision le caractère universel des conflits identitaires multiformes qui sévissent dans le
monde. Avec méthode, précision et une grande clarté dans l’écriture, l’auteur explique comment ces conflits
cadencent les sociétés actuelles. L’analyse de ce livre permet au lecteur de comprendre avec aisance
comment et pourquoi les conflits identitaires, à l’image des conflits d’antériorité comme le conflit israélo-
palestinien, peuvent s’avérer difficiles à résoudre. Qui plus est, comme une prémonition, l’auteur n’écartait
pas un possible surgissement de conflits identitaires en Europe et ce malgré son niveau de développement
et de démocratie. Aujourd’hui, si on analyse les velléités indépendantistes des leaders politiques catalans en
Espagne ou la fulgurance des partis nationalistes un peu partout dans ce continent, cette assertion est plus
que jamais confirmée par l’actualité. Dans la même veine, l’instabilité chronique dans les Balkans entretenue
par des revendications territoriales ethniques conforte la thèse selon laquelle les conflits identitaires sont les
plus difficiles à solutionner. Cependant, l’émergence au pays de l’oncle SAM de mouvements militants tels
que « black lives matter », qui se mobilisent contre la violence et le racisme systémique envers les noirs,
semble contredire l’analyse que François THUAL a faite sur les Etats-Unis. Surtout quand il soutenait que
l’Amérique avait pris la meilleure option d’aborder l’avenir en adaptant le discours identitaire. Enfin, la
réfutation du concept de choc des civilisations de Samuel HUNTINGTON reste bien fondée. En effet, comme
le soutient Hubert VERDRINE, c’est plutôt la théorie du choc des ignorances qui devrait être défendue. Un
choc des ignorances entre le monde musulman et le monde occidental qui se manifeste par la désinformation
et les mensonges sur l’histoire et sur l’actualité.
Donc à l’analyse, ce livre constitue une référence historique toujours en phase avec l’actualité à même
d’éclairer l’humanité sur les mécanismes et les causes profondes de déclenchement des conflits identitaires.

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