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De nombreuses personnes du monde entier ont été marquées par

l’histoire du Petit Prince. Et avant de lire le livre, beaucoup de lecteurs


pensaient qu’il s’agissait d’un conte de fées, de princes, de princesses et de
sorcières.
La grande surprise est d’y trouver une magnifique métaphore de l’amour,
de l’amitié et de la vie.
Mon passage préféré est la rencontre du Petit Prince avec le renard. Je l’ai
appris par coeur et je l’ai répété en entier à mon premier amour, ligne par
ligne, en dégustant cette sensation de fascination.
Il a pensé que je n’avais pas toute ma tête. Mais il s’en souvient toujours et il
dit que c’est peut être la raison pour laquelle nous sommes toujours amis,
après tant d’années.
Ce livre contient des passages extraordinaires, comme celui où le renard,
après avoir sondé le petit garçon, reste là, à le regarder et lui dit “s’il te
plait… apprivoise-moi”.
Cet “apprivoisement” auquel jouent le renard et le Petit Prince, est avant
tout une leçon de tact et de patience, qui consiste à apprendre à
s’approcher lentement de l’autre.
Cela n’a rien à voir avec ce que vivons en ces temps agités. Les relations
entre les personnes se font et se défont avec une facilité qui peut paraître
parfois déconcertante.
Les liens affectifs paraissent avoir acquis une certaine marque industrielle. Ils
sont mis en valeur pour leur utilité et sont rejetés dès lors qu’ils ne sont
plus rentables.
Cela est surtout vrai pour les relations de couple, qui sont
particulièrement instables aujourd’hui. Il n’y a pas beaucoup d’intérêt pour
ce parcours d’apprivoisement dont le Petit Prince parle au renard.
Le rapprochement lent est également vu comme une pratique obsolète. A quoi
bon attendre? Il y a une certaine voracité qui s’exprime par la soif de
posséder quelqu’un en une seule fois.
Dans ce même passage du Petit Prince, le thème du rituel est également
assez inspirant.
“C’est une chose trop oubliée” dit le renard. Et il ajoute que les rites sont
une manière de faire pour qu’un instant ne soit pas semblable à un autre,
et que les moments uniques atteignent leur véritable valeur.
Pas n’importe quand, à n’importe quelle heure ni de n’importe quelle manière.
Que le coeur puisse se préparer à ressentir avec intensité ce qui est sur le
point d’arriver. Que les sens soient en alerte. Que l’esprit soit ouvert aux
choses merveilleuses.
Cela n’est pas non plus très respecté par les temps qui courent, car les
rituels ont tendance à se standardiser.
Nous les avons convertis en moments de consommation. La Saint Valentin ou
Noël ont plus de rapport avec les achats, les cadeaux et les relations sociales
qu’avec de véritables commémorations.
Les commerçants mettent en place des plans d’action destinés à ces
occasions, et nous nous y adaptons sans nous poser les questions de leur
véritable sens.

Les rituels font que notre coeur bat plus fort seulement s’il y a une part
de découverte.

Quand nous avons l’occasion de faire un nouveau pas sur le chemin vers le
monde inexploré de l’autre, ou d’un groupe de personnes, cela a une vraie
signification dans notre vie.
Nous passons à côté de tant de bonheur à cause de notre hâte et des
automatismes de la vie.
La signification de l’au revoir est très belle dans ce chapitre du Petit
Prince. Aussi paradoxal que cela puisse paraître, la séparation est la colonne
vertébrale de ce parcours de rapprochement.
Pourquoi apprivoiser l’autre si, finalement, vous êtes de passage et qu’à un
moment donné vous devrez partir ? : “Alors tu n’y gagnes rien” dit l’enfant au
renard.
Mais une nouvelle fois, celui-ci le contredit : “J’y gagne, dit le renard, à cause
de la couleur du blé”.

Il ne se réfère pas aux blés des champs mais à la couleur des cheveux de son
nouvel ami.
Depuis le début, le renard avait averti que le blé, qui ne signifiait rien par
le passé, avec l’apprivoisement, allait se transformer en une rumeur, qui
se souviendra toujours du passage du Petit Prince.
Une belle métaphore pour dire que la signification du monde qui nous
entoure est donnée par les expériences qui nous y associent.
En d’autres termes, toute la planète et ce qui la compose n’a pas de sens,
dans sa solitude. Sa valeur et sa raison d’être est donnée par chaque
personne qui y vit.
C’est pour cela que la phrase “rien n’a de sens” est tout à fait vraie, car le sens
est donné par vous uniquement. Et, comme dans le Petit Prince, ce sens
apparaît souvent comme l’écho de quelque chose qui n’est déjà plus.
Ce chapitre du Petit Prince se termine par un au revoir. C’est à ce moment
que le renard offre son plus grand cadeau à celui qui a su l’apprivoiser :
une vérité.
“On ne voit bien qu’avec le coeur. L’essentiel est invisible pour les yeux”
lui dit-il.

Et l’enfant le répète pour le garder dans sa mémoire. Dans ce livre et dans la


vraie vie, c’est de cette façon que les liens qui perdurent toute la vie,
commencent.
Image de Ramiro Figueroa

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