Vous êtes sur la page 1sur 88

Cours de Troisième Cycle 1994/95 Université P. et M.

Curie (Paris VI)

TOPOLOGIE DES POINTS RATIONNELS

Sommaire

Topologie des Points Rationnels


Préface . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . iii

Notations . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . iv
par
I. – Introduction à la lecture de l’article de Mazur . . . . . . . . . . 1

§1 Variétés quasi-projectives . . . . . . . . . . . . . . . . 1
§2 La conjecture de Mazur . . . . . . . . . . . . . . . . 5
§3 Théorèmes d’approximation . . . . . . . . . . . . . . . 6
Michel WALDSCHMIDT §4 Exemples . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 8
§5 Une conjecture de P. Dèbes . . . . . . . . . . . . . . 13

II. – Sous-groupes de Rn . . . . . . . . . . . . . . . . . . 15

§1 Sous-groupes de R . . . . . . . . . . . . . . . . . 16
§2 Sous-groupes discrets de Rn . . . . . . . . . . . . . . 19
§3 Sous-groupes fermés de Rn . . . . . . . . . . . . . . 21
§4 Sous-groupes denses de Rn . . . . . . . . . . . . . . 22
§5 Sous-groupes minimaux de Rn . . . . . . . . . . . . . 30
§6 Sous-groupes de Cn . . . . . . . . . . . . . . . . 34
§7 Sous-groupes de type fini d’un groupe de Lie réel ou complexe . . . 37
ii Topologie des points rationnels Topologie des points rationnels iii

III. – Le problème de densité pour les groupes algébriques linéaires . . . 44

§1 Groupes de Lie réels de dimension 2 . . . . . . . . . . . 45


§2 Le théorème du sous-groupe linéaire . . . . . . . . . . . 58 Préface
§3 Indépendance algébrique de logarithmes et densité . . . . . . . 74
§4 Groupes algébriques linéaires sur C . . . . . . . . . . . . 87
§5 Le plongement canonique d’un corps de nombres . . . . . . . 101

IV. – Le problème de densité pour les groupes algébriques . . . . . . 103


Le texte qui suit est la rédaction d’un cours de troisième cycle donné à
§1 Courbes elliptiques sur un corps de nombres réel . . . . . . . . 103
§2 Groupes algébriques commutatifs sur R . . . . . . . . . . 106 l’Université P. et M. Curie (Paris VI) en 1994/95 dans le cadre du D.E.A.
§3 Produits de deux groupes algébriques de dimension 1 . . . . . . 116 (Diplome d’Études Approfondies) Algèbre et Géométrie de Mathématiques
§4 Variétés abéliennes sur R . . . . . . . . . . . . . . . 119 Pures.
§5 Extensions . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 123
§6 Groupes algébriques commutatifs sur C . . . . . . . . . . 129
Depuis trois ans que ces notes ont été rédigées, d’importants progrès ont
V. – Approximation simultanée dans les groupes algébriques . . . . . 137
été réalisés. En particulier un contre exemple à la conjecture initiale de Mazur
§1 Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 137 (qui est le thème central de ce cours) a été construit par J.L. Colliot-Thélène,
§2 Mesure de la densité des points rationnels sur une courbe elliptique . . 139 A.N. Skorobogatov et H.P.F. Swinnerton-Dyer. Néanmoins le cas particulier
§3 Répartition des points rationnels sur un groupe algébrique . . . . 140 de cette conjecture qui concerne les variétés abéliennes (et plus généralement
§4 Lemme de transfert . . . . . . . . . . . . . . . . 142
les groupes algébriques commutatifs) reste plausible.
§5 Irrationalité et transcendance . . . . . . . . . . . . . 153
§6 Approximation diophantienne dans les groupes algébriques . . . . 157
Merci à tous ceux dont les remarques m’ont permis d’améliorer le texte
Références . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 161 initial, notamment Valérie Callendreau, Vincent Bosser, Jean-Louis Colliot-
Thélène, Damien Roy, Joost van Hamel et beaucoup d’autres.

Index . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 168
Paris, Février 1998.

Michel WALDSCHMIDT.

World Wide Web http ://www.mathp6.jussieu.fr/∼miw/TPR.html


iv Topologie des points rationnels Topologie des points rationnels v

Notations

Z anneau des entiers rationnels, Q corps des nombres rationnels


Q corps des nombres algébriques (clôture algébrique de Q dans C)
R corps des nombres réels, C corps des nombres complexes
U groupe multiplicatif des nombres complexes de module 1 (cf. p. 17)
µn groupe des racines de l’unité d’ordre divisant n
K × groupe multiplicatif des éléments non nuls d’un corps K
e z et m z parties réelles et imaginaires d’un nombre complexe z (cf. p. 34)
Pn et An espaces projectifs et affines de dimension n (cf. pp. 1 et 2)
Ga , Gm groupes additifs et multiplicatifs (cf. p. 2)
℘, ζ, σ fonctions de Weierstraß (cf. pp. 3, 123 et 126)
TG , expG , G(C), G(R), G(R)0 (cf. pp. 4, 44 et 106)
G∗ (sous-groupe associé, réseau dual) (cf. pp. 28–31)
Matn×m (K) (espace de matrices de format n × m à coefficients dans K) (cf. p. 33)
 (cf. pp. 34, 89, 129)
G
m(G), mR (G), mR (G) (cf. pp. 39, 70, 108 et 110)
L, L(G), LK (G), expG,R (cf. pp. 45 et 108)
TA , χa (cf. p. 60–61)
TK/k , ResK/k (cf. pp. 91 et 130)
 R , mC (G)
GA , Ω  (cf. pp. 91–92)

ΩG , κC (G), G(C)0 , mC (G) (cf. p. 106)


α(G), ΩG,R , κR (G) (cf. p. 107)
G(K)tors (cf. p. 123)
ηV (H), ΨV (H), h (hauteur de Néron-Tate) (cf. pp. 137–138)
2 Topologie des points rationnels

I. – Introduction à la lecture de l’article de Mazur de P dans V ; son idéal maximal MP consiste des germes de fonctions qui s’annulent au
point P . L’anneau local OP est régulier si sa dimension (de Krull : c’est le plus grand
entier n tel qu’il existe une suite P0 ⊂ P1 ⊂ · · · ⊂ Pn d’idéaux premiers) est égale à la
dimension du OP /MP -espace vectoriel MP /M2P .
Exercice. Vérifier que la courbe d’équation affine y 5 = x3 + 6x2 y + 2xy 2 n’est pas régulière
au point (0, 0). Tracer le graphe de cette courbe.

Exemples.
1. L’espace projectif Pn (k) est une variété projective.
2. L’espace affine An est une sous-variété quasi-projective de Pn :
Dans ce premier chapitre, nous présentons les grandes lignes de l’article de Mazur [Maz  
An (k) = (1 : x1 : · · · : xn ); (x1 : · · · : xn ) ∈ k n ⊂ Pn (k);
1992]. Pour énoncer la conjecture principale, nous commençons par quelques préliminaires
de géométrie algébrique. Pour Mazur, une variété est un “schéma réduit de type fini sur un c’est le complémentaire du lieu des zéros du polynôme X0 ∈ k[X0 , . . . , Xn ].
corps (en général Q)”. Pour nous, ce sera plus simplement une “variété quasi-projective”. 3. Si P ∈ k[X0 , . . . , Xn ] est un polynôme homogène non nul, l’ensemble Z(P ) de ses zéros
Nous en donnons la définition dans le premier paragraphe. On trouvera tous les détails dans Pn (k) est un ensemble algébrique, appelé hypersurface de Pn . Si P est irréductible (ou
dans le chapitre I de [H 1977]. même seulement une puissance d’un polynôme irréductible), alors Z(P ) est irréductible :
c’est une variété algébrique.
§1. Variétés quasi-projectives 4. Pour k = Q et P (X0 , . . . , Xn ) = X02 +· · ·+Xn2 , on a Z(P ) = ∅ dans Pn (Q). On est amené
naturellement pour étudier la géométrie d’une variété à supposer le corps k algébriquement
Soient k un corps et n ≥ 1 un entier. L’espace projectif Pn (k) est l’espace des droites clos : par exemple k = C, ou bien k = Q (clôture algébrique de Q dans C : c’est le corps
vectorielles de k n+1 ; un point (x0 , . . . , xn ) ∈ k n+1 , distinct de (0, . . . , 0), définit une droite des nombres algébriques). Mais d’un autre côté on voudrait aussi étudier les points de la
  variété qui sont rationnels sur Q ou sur un corps de nombres, ou encore sur le corps R
(tx0 , . . . , txn ); t ∈ k = (x0 : · · · : xn ). des nombres réels. On sera ainsi amené à considérer pour une même variété V (c’est-à
dire pour un système d’équations données) les points de V dans différents corps k ; ceux-
Quand P ∈ k[X0 , . . . , Xn ] est un polynôme homogène de degré d, on a
ci seront notés V (k). Une propriété géométrique de V est une propriété des points de V
rationnels sur un corps algébriquement clos. Une variété sur un corps k est dite absolument
P (tx0 , . . . , txn ) = td P (x0 , . . . , xn ),
irréductible si elle est irréductible sur une clôture algébrique de k.
et pour (x0 , . . . , xn ) ∈ k n+1 , la condition P (x0 , . . . , xn ) = 0 ne dépend que de la classe 5. Le complémentaire de 0 dans A1 est une variété quasi-projective dont les points sur un
(x0 : · · · : xn ) de (x0 , . . . , xn ) dans Pn (k) ; on dira que (x0 : · · · : xn ) est un zéro de P . corps k forment l’ensemble k × = k \ {0} ; on peut aussi représenter le groupe multiplicatif
Un sous-ensemble de Pn (k) est un ensemble algébrique si c’est l’ensemble des zéros k × du corps k comme l’ensemble des points rationnels sur k de l’hypersurface affine H
d’un idéal homogène de k[X0 , . . . , Xn ] (c’est-à-dire un idéal engendré par des polynômes d’équation X1 X2 = 1 dans A2 (k), grâce à l’isomorphisme
homogènes). On définit une topologie sur Pn (k) en prenant comme fermés les ensembles
k× → H(k)
algébriques : c’est la topologie de Zariski.
x → (x, 1/x)
Un espace topologique Y est dit irréductible s’il est non vide et s’il n’est pas réunion
de deux fermés propres. Sur k aussi bien que sur k × on a une structure de groupe (additif dans le premier cas,
Une variété projective sur k est un sous-ensemble algébrique irréductible de Pn (k). multiplicatif dans le second). Le graphe de la loi de groupe est encore une variété :
Une variété quasi-projective est un ouvert d’une variété projective.  
(x, y, x + y); (x, y) ∈ k × k ⊂ A3 (k),
Pour énoncer la conjecture de Mazur on a besoin de la notion de variété lisse : cela
signifie que tous les points (géométriques, c’est-à-dire sur un corps algébriquement clos) de  
(x, y, xy); (x, y) ∈ k × × k × ⊂ A3 (k)
la variété V sont non singuliers : l’anneau local de V en ce point est un anneau régulier.
Voici les définitions de ces termes (cf. [H 1977]). respectivement.
Les fonctions régulières sur une variété V forment un anneau O(V ) ; l’anneau local On obtient ainsi deux groupes algébriques notés Ga et Gm respectivement, avec
d’un point P ∈ V (k) en V est l’anneau OP des germes de fonctions régulières au voisinage Ga (k) = k et Gm (k) = k × .
Chapitre I. – Introduction 3 4 Topologie des points rationnels

Définition. Un groupe algébrique sur un corps k est une variété quasi-projective, définie sur qui admet pour groupe de périodes un réseau Ω = Zω1 + Zω2 de C ; les éléments de Ω sont
k, munie d’une structure de groupe, telle que le graphe de la loi de groupe soit une variété aussi les pôles de ℘. Pour z1 et z2 dans C, on a ℘(z1 ) = ℘(z2 ) si et seulement si z1 − z2 ∈ Ω.
quasi-projective définie sur k. Ainsi l’application
C →  E(C) 
Un autre exemple de groupe algébrique est donné par le groupe linéaire général GLn . z → 1 : ℘(z) : ℘ (z)
On définit de manière naturelle la notion de sous-groupe algébrique (qui est à la fois un sous-
groupe et une sous-variété), et on dit qu’un groupe algébrique est linéaire s’il est isomorphe qui envoie Ω sur (0 : 0 : 1) induit un isomorphisme analytique entre le quotient C/Ω et
(comme groupe algébrique) à un sous-groupe fermé d’un groupe GLn . Par exemple Ga et E(C). On peut donc transporter la loi de groupe additif de C/Ω en une loi de groupe
Gm sont deux groupes linéaires — pour le premier considérer le sous-groupe de GL2 formé sur E(C) et on démontre que cette loi donne à E une structure de groupe algébrique
commutatif défini sur le corps k = Q(g2 , g3 ) : la fonction ℘ vérifie un théorème d’addition
des matrices  
1 x algébrique dont nous reparlerons. Cette loi de groupe a une description géométrique simple :
. la courbe E est une cubique (définie par un polynôme de degré 3), et une droite de P2 (C)
0 1
coupe la courbe en trois points ; alors trois éléments de E(C) ont une somme nulle dans
Tout produit de groupes algébriques linéaires en est encore un (car GLn × GLd est le groupe si et seulement s’ils sont alignés. Quand deux des points sont dans E(k), le
isomorphe à un sous-groupe algébrique de GLn+d ) ; en particulier un produit de copies troisième l’est aussi car l’équation à résoudre pour trouver ses coordonnées est de degré 1.
de Ga et de Gm est un groupe linéaire. On retrouve le procédé de la corde et de la tangente décrit par Bachet de Méziriac qui a
Nous nous intéresserons principalement aux groupes algébriques commutatifs. On fournit à Fermat la traduction de certains travaux de Diophante d’Alexandrie.
vérifie que tout groupe algébrique linéaire commutatif sur un corps algébriquement clos Plus généralement, on définit une variété abélienne comme un groupe algébrique dont
est isomorphe à un produit de copies de de Ga et de copies de Gm : la variété sous-jacente est projective (un tel groupe algébrique est alors commutatif). Une
variété abélienne est isomorphe au quotient de Cn (où n est la dimension de la variété) par
Gda0 × Gdm1 . un réseau (sous-groupe discret de rang 2n).
Enfin il existe encore des groupes algébriques commutatifs qui ne sont pas des produits
Il existe des groupes algébriques commutatifs qui ne sont pas linéaires. L’exemple le plus de copies de Ga , Gm et de variétés abéliennes ; mais (théorème de Barsotti-Chevalley) on
simple est fourni par les courbes elliptiques (voir par exemple [Sil 1986]). On les étudiera les obtient tous en prenant des extensions
sous la forme de Weierstraß :
  0 → Gda0 × Gdm1 → G → A → 0.
E(k) = (t : x : y) ∈ P2 (k); y 2 t = 4x3 − g2 xt2 − g3 t3 ,
Les points complexes d’un groupe algébrique G commutatif sur C forment un groupe
de Lie complexe ; l’algèbre de Lie de G(C) est l’espace tangent à l’origine TG (C) de G sur
où g2 et g3 sont deux éléments de k tels que le discriminant ∆ = g23 − 27g32 ne
C ; si d est la dimension de G, c’est un espace vectoriel sur C de dimension d ; on associe
soit pas nul. Cette condition sur le discriminant signifie que la variété est lisse ; on le
à G(C) une application exponentielle qui est un homomorphisme analytique :
vérifie en utilisant le critère jacobien : si f (T, X, Y ) ∈ k[T, X, Y ] désigne le polynôme
Y 2 T − (4X 3 − g2 XT 2 − g3 T 3 ), alors la condition ∆
= 0 équivaut à dire que le système expG : TG (C) → G(C)
d’équations
dont l’image est la composante neutre de l’origine G(C)0 (donc expG est surjectif quand
f (t, x, y) = (∂/∂t)f (t, x, y) = (∂/∂x)f (t, x, y) = (∂/∂y)f (t, x, y) = 0 G est connexe). Le noyau de cette application est un sous-groupe discret de TG (C). Pour
G = Ga , l’application exponentielle est l’identité C → C ; pour Gm , c’est l’application
n’a pas de solution (t : x : y) ∈ P2 . exponentielle usuelle z → ez de C sur C× ; pour une courbe elliptique E, l’application
Le corps k sera toujours de caractéristique nulle : ce sera souvent un corps de nombres. exponentielle C → E(C) est donnée par (1 : ℘ : ℘ ).
Alors le groupe E(k), appelé groupe de Mordell-Weil de E sur k, est un Z-module de type Quand le groupe algébrique G est défini sur R, ses points réels forment un groupe de
fini, donc isomorphe à Zr × E(k)tors , avec E(k)tors groupe fini. Le nombre r est le rang du Lie réel G(R), l’algèbre de Lie TG (R) est un sous-R-espace vectoriel de TG (C) de dimension
groupe de Mordell-Weil de E sur k. Dire que E(k) est infini revient à dire que son rang dim G, et expG : TG (R) → G(R) est un homorphisme analytique de noyau Ω ∩ TG (R) et
est ≥ 1. d’image la composante connexe de l’élément neutre G(R)0 de G(R).
On étudiera aussi les points réels ou complexes (si le corps k est plongé dans R ou C Cette application exponentielle permettra de linéariser certains problèmes : pour
respectivement) de E. Quand k = C, on définit une fonction méromorphe ℘ dans C telle étudier la densité de sous-groupes de G(C) (ou de G(R)), on pourra se ramener à étudier
que la densité de certains sous-groupes de Cd (ou de Rd ).
℘ = 4℘3 − g2 ℘ − g3 ,
2
Chapitre I. – Introduction 5 6 Topologie des points rationnels

§2. La conjecture de Mazur D’après la conjecture de Mazur, dès que V (Q) est Zariski dense, quand C est une
composante connexe de V (R), alors C ∩ V (Q) est soit vide, soit dense dans C. C’est en ce
Voici la conjecture 1 de [Maz 1992] :
sens que les points réels sont contagieux dans les composantes connexes.
Conjecture de Mazur. – Soit V une variété lisse sur Q telle que V (Q) soit Zariski dense
La motivation initiale de cette conjecture est l’analogue du 10-ème problème de Hilbert
dans V . Alors l’adhérence pour la topologie réelle de V (Q) dans V (R) est une réunion finie
(résolu par Matijasevic en 1972) pour des solutions rationnelles à des systèmes d’équations
de composantes connexes de V (R).
diophantiennes. Voir à ce sujet [Mat 1995].
L’hypothèse de lissité est nécessaire : pour le voir, on prend une variété V lisse sur Dixième problème de Hilbert. – Décider si une équation diophantienne est résoluble.
Q telle que V (R) ait deux composantes connexes, l’une sur laquelle les points rationnels Etant donnée une équation diophantienne en un nombre quelconque d’inconnues avec des
sont denses, l’autre qui ne contient aucun point rationnel. On fait subir à cette variété coefficients numériques entiers rationnels, décrire un procédé permettant de déterminer en
une transformation birationnelle sur Q — qui conserve les points rationnels — de telle un nombre fini d’opérations si l’équation est résoluble en entiers rationnels.
manière que l’image ne soit pas lisse. On peut s’arranger pour que la variété singulière
ainsi construite ne vérifie pas la conclusion. Le lien avec ce qui précède se fait par l’intermédiaire de la conséquence suivante de
Un exemple explicite est le suivant : la variété de départ est la courbe elliptique sur Q la conjecture de Mazur : si W est une variété définie sur Q, l’adhérence pour la topologie
d’équation y 2 = x3 + 6x2 + 2x ; le lieu des points réels E(R) a deux composantes connexes, réelle de W (Q) dans W (R) n’a qu’un nombre fini de composantes connexes.
l’une qui n’est pas bornée et sur laquelle les points rationnels sont denses (le point (1, 3) Ce dernier énoncé permettrait de démontrer que Z n’est pas “diophantien” au sens
est d’ordre infini), l’autre bornée qui ne contient pas de point rationnel (cet exemple, suivant : il n’existe pas de polynôme P (T, X1 , . . . , Xn ) ∈ Q[T, X1 , . . . , Xn ] tel que,
dû à A. Bremner, m’a été signalé par D. Masser ; voir [NZM 1991] p. 294, fin du §5.7). pour t ∈ R, on ait : t est entier si et seulement s’il existe (x1 , . . . , xn ) ∈ Qn tel que
On pose ensuite X = xy, Y = y ; on obtient une courbe singulière C sur Q, avec C(R) P (t, x1 , . . . , xn ) = 0.
connexe, mais l’adhérence dans C(R) des points rationnels n’est pas C(R). En revanche, si En effet, si un tel polynôme P existait, il définirait une hypersurface W = Z(P ) dans
on considère le complémentaire de (0, 0) dans C(R), on trouve 4 composantes connexes, et An+1 dont la projection par le morphisme π : An+1 → A1 , qui envoie (t, x1 , . . . , xn ) sur t
les points rationnels sont denses dans deux d’entre elles : ce n’est pas un contre exemple vérifierait  
à la conjecture ! Une construction légèrement différente est proposée dans [Maz 1995] à π W (Q) = Z ⊂ Q = A1 (Q),
partir de la surface de Swinnerton-Dyer :
et l’adhérence réelle W de W (Q) dans W (R) vérifierait π(W ) = Z ; donc W aurait une
x2 + y 2 = (4λ − 7)(λ2 − 2) infinité de composantes connexes.
Pour plus de détails, voir [Maz 1995].

que l’on “pince” pour identifier les deux points (x, y, λ) = (± 2, 1, 1). On obtient une
surface singulière dont les points réels ont deux composantes connexes, l’une lisse où les §3. Théorèmes d’approximation
points rationnels sont denses, l’autre ayant un seul point rationnel (singulier).
Le théorème d’approximation faible d’Artin–Whaples (voir par exemple Bourbaki,
L’hypothèse suivante dans la conjecture de Mazur est que V (Q) est Zariski dense dans Algèbre commutative, Chap. 6 §7, ou bien S. Lang [L 1993], Chap. 12 §1 th.1.2 p. 467)
V . Cela signifie que si un polynôme s’annule sur tous les points rationnels de V , alors il dit que si | · |1 , . . . , | · |s sont des valeurs absolues non triviales sur un corps
 k, qui sont
s’annule sur V tout entier. Quand V est une courbe, cette hypothèse signifie simplement deux-à-deux indépendantes, l’image de k par le plongement diagonal dans 1≤i≤s (k, | · |i )
que l’ensemble V (Q) est infini. En dimension supérieure, on demande que V (Q) ne soit est partout dense : pour tout > 0 et tout (x1 , . . . , xs ) ∈ k s il existe x ∈ k tel que
pas contenu dans un sous-ensemble algébrique W de V distinct de V ; si c’était le cas,
pour étudier la situation il suffirait d’appliquer la conjecture à chacune des composantes |x − xi |i < pour 1 ≤ i ≤ s.
irréductibles de W (ou plus exactement au lieu lisse de chacune de ces composantes). Le qualificatif “faible” est donné en comparaison avec l’énoncé suivant (cité seulement pour
On considère ensuite l’adhérence de V (Q) dans V (R) pour la topologie réelle de V (R) mémoire : nous ne l’utiliserons pas), appelé théorème d’approximation forte (voir Cassels
(qui est homéomorphe localement à un ouvert de Rd , avec d = dim V ). La conclusion de la et Fröhlich, Algebraic Number Theory, Chap. 2, §15 p.67, et O.T. O’Meara, Introduction
conjecture est que cette adhérence, qui est fermée par définition pour la topologie réelle, to Quadratic Forms, §36 G) :
est aussi ouverte, donc est réunion de composantes connexes réelles. Soit k un corps de nombres ; soit S un ensemble fini de places de k, et soit v0
∈ S une
Si V (R) est connexe, la conclusion signifie que V (Q) est dense pour la topologie autre place de k. Pour chaque v ∈ S, soit xv un élément du complété de k en v. Enfin
réelle dans V (R). Quand V (R) n’est pas connexe, les points rationnels peuvent se trouver soit > 0. Alors il existe α ∈ k × tel que
seulement dans certaines composantes, comme dans l’exemple ci-dessus de la courbe
elliptique y 2 = x3 + 6x2 + 2x. |α − xv |v < pour tout v ∈ S
Chapitre I. – Introduction 7 8 Topologie des points rationnels

et 3. Soit S un ensemble fini


 de places de k. On dit que la 
variété X est S-ouverte si l’adhérence
|α|v ≤ 1 pour tout v
∈ S, v
= v0 . de l’image de X(k) → v∈S X(kv ) est un ouvert de v∈S X(kv ).
Si une variété lisse X sur k possède la propriété d’approximation faible, alors X est
S-ouverte pour tout ensemble fini non vide S disjoint de T .
Exercice. Soient x un nombre réel, p1 , . . . , pm des nombres premiers deux-à-deux distincts,
Quand on prend k = Q et que S ne contient que la place archimédienne de Q, la
s1 , . . . , sm des entiers positifs, a1 , . . . , am des entiers rationnels, et un nombre réel positif.
condition que la variété X est S-ouverte signifie que X(Q) est ouvert dans X(R) : c’est la
a) Montrer qu’il existe deux nombres entiers non nuls u et v, premiers entre eux, tels que
conclusion de la conjecture de Mazur.
u

x − < et u ≡ ai v (mod psi i ) pour 1 ≤ i ≤ m. Ces propriétés d’approximation sont étroitement liées au “principe de Hasse” : une k-
v variété X satisfait le principe de Hasse si l’existence d’un point de X rationnel sur chaque
complété kv de k implique l’existence d’un point de X rationnel sur k (voir à ce sujet [CT
b) Montrer qu’il existe deux entiers n ≥ 0 et u tels que 1992]).


x − u < et u ≡ ai pn1 (mod psi i ) pour 2 ≤ i ≤ m. §4. Exemples
p1
n

Voici quelques-uns des exemples proposés par Mazur dans [Maz 1992].
Les définitions suivantes concernent une variété X lisse sur un corps de nombres k.
a) Courbes.
Définitions.
La conjecture de Mazur est vraie pour les courbes lisses sur Q. Pour le démontrer, on
1. On dit que X possède la propriété d’approximation faible sur k si le plongement diagonal
distingue trois cas :

X(k) → X(kv ) 1. La courbe est de genre 0. Si la courbe n’a pas de points rationnels, la question ne se
v pose pas : les hypothèses de la conjecture de Mazur ne sont pas vérifiées. S’il y a point
rationnel, le fait que le genre soit nul permet de se ramener à la droite projective P1 par une
a une image dense (dans le produit, v décrit toutes les places de k). transformation birationnelle (une courbe de genre zéro est une courbe rationelle, encore
Par exemple, si X est une variété affine plongée dans An , et si, pour u =(u1 , . . . , un ) ∈ appelée unicursale, i.e. que l’on peut “paramétrer” par des fractions rationnelles), et la
kvn , on note |u|v = max1≤i≤n |ui |v , alors, par définition de la topologie sur v X(kv ), dire densité est alors évidente.
que X possède la propriété d’approximation faible sur k signifie que pour tout ensemble
2. Le genre de la courbe est 1. Si la courbe n’a pas de point rationnel, l’hypothèse de la
fini S de places de k, pour toute famille (xv )v∈S avec xv ∈ X(kv ) pour tout v ∈ S, et pour
conjecture n’est pas vérifiée. Si elle a un point rationnel, grâce au théorème de Riemann-
tout > 0, il existe x ∈ X(k) tel que
Roch on montre que le choix d’un tel point permet de lui donner une structure de courbe
|x − xv |v < pour tout v ∈ S. elliptique. L’application exponentielle complexe induit un isomorphisme entre les points
complexes E(C) d’une courbe elliptique E et un tore C/(Zω1 + Zω2 ) ; on en déduit un
Ainsi la droite affine possède la propriété d’approximation faible, d’après le théorème isomorphisme entre E(R) et un tore R/Zω, qui est un groupe de Lie réel compact de
d’Artin–Whapples. dimension 1. On utilise alors un théorème d’approximation (Tchebychef-Kronecker) pour
conclure. Les détails seront donnés dans le cours.
2. La variété X possède la propriété d’approximation très faible sur k s’il existe un ensemble
Il ne faudrait pas croire d’ailleurs que cela répond à toutes les questions que soulève
fini T de places de k tel que, pour tout ensemble fini S de places de k avec S ∩ T = ∅,
le problème de la densité de E(Q) dans E(R). On s’interrogera sur l’approximation d’un
l’image du plongement diagonal
élément de E(R) par un élément de E(Q), en utilisant des mesures de transcendance pour

le quotient d’intégrales elliptiques (on rapprochera cette question de la discussion dans la
X(k) → X(kv )
section “Heights, measures and dynamics” de [Maz 1995]). On étudiera aussi l’adhérence
v∈S
de E(k) dans E(C) quand k est un corps de nombres plongé dans C.
est dense. 3. Sur une courbe de genre ≥ 2, un théorème de Faltings (anciennement conjecture de
Il est clair que si une variété lisse X sur k possède la propriété d’approximation faible, Mordell – voir par exemple [L 1991]) dit qu’il n’y a qu’un nombre fini de points rationnels
alors X possède la propriété d’approximation très faible (prendre T = ∅). sur Q. Les hypothèses ne sont alors pas vérifiées.
Chapitre I. – Introduction 9 10 Topologie des points rationnels

b) Fibrés en coniques sur P1 c) Hypersurfaces cubiques lisses


On considère ici des “familles” de courbes paramétrées par une variable λ ∈ P1 (Q). Swinnerton-Dyer a montré qu’une hypersurface cubique X dans PN avec N ≥ 3 (c’est
Pour chaque λ, la courbe d’indice λ est une conique, et la variation en λ est polynomiale. le lieu des zéros d’un polynôme homogène de degré 3), supposée lisse, est S-ouverte pour
Nous avons déjà mentionné l’exemple de Swinnerton-Dyer (1962) : tout ensemble fini S de places de k ; en particulier elle vérifie la conjecture de Mazur. Un
schéma de démonstration est donné dans [Maz 1992].
x2 + y 2 = (4λ − 7)(λ2 − 2);
le lieu réel a deux composantes connexes, et les points rationnels sont tous situés sur une d) Intersection complète de deux quadriques
de ces composantes, où ils sont denses. D’après Colliot-Thélène et Sansuc, si P1 et P2 sont deux polynômes homogènes de
Un exemple plus récent est celui de L. Wang : la surface degré 2 en N ≥ 6 variables à coefficients dans Q, et si X = Z(P1 ) ∩ Z(P2 ) est une
x2 + y 2 = (4λ − 7)(λ2 − 2)(2λ2 − 3) intersection complète (l’idéal (P1 , P2 ) est de codimension 2 dans Q[X0 , . . . , XN ]), pure,
géométriquement intègre et non conique, qui possède un point rationnel non singulier,
a trois composantes connexes réelles, une seule contient des points rationnels. alors X possède la propriété d’approximation faible, donc vérifie aussi la conjecture de
Les travaux de Colliot-Thélène, Salberger, Sansuc, Skorobogatov, Swinnerton-Dyer. . . Mazur.
permettent d’établir la conjecture de Mazur pour de telles surfaces ayant ≤ 5 fibres
dégénérées (i.e. au plus 5 “mauvaises” valeurs de λ), ainsi que pour les surfaces cubiques e) Surfaces elliptiques
lisses qui contiennent une droite rationnelle sur Q, et aussi pour les intersections lisses de
deux quadriques dans P4 . L’exemple suivant qu’étudie Mazur est celui d’une famille (Et )t∈P1 (Q) de courbes
elliptiques : pour tout t ∈ P1 (C) sauf au plus un nombre fini, Et est une courbe elliptique.
Colliot-Thélène et Sansuc ont fait intervenir dans ce contexte l’hypothèse (H) de Par exemple si g2 et g3 sont deux éléments de Q(t) tels que la fraction rationnelle g23 − 27g32
Schinzel en liaison avec les variétés définies par des équations de la forme ne soit pas identiquement nulle, alors
Qi (Xi1 , . . . , Xini ) = Pi (λ1 , . . . , λn ), (1 ≤ i ≤ r),
y 2 = 4x3 − g2 (t)x − g3 (t)
où Q1 , . . . , Qr sont des formes quadratiques en n1 + · · · + nr variables, chacune de rang
≥ 2, et les Pi appartiennent à Q(λ1 , . . . , λn ). définit une courbe elliptique Et pour tout t qui n’est ni pôle de g2 ou g3 , ni zéro de
Hypothèse (H). – Soient f1 , . . . , fs (avec s ≥ 1) des polynômes irréductibles de Z[X] g23 − 27g32 . L’équation écrite est celle de la partie affine de Et : on devrait écrire g2 et g3
dont le coefficient du terme de plus haut degré est > 0. On suppose qu’il n’existe pas comme quotients de deux polynômes homogènes G2 /D et G3 /D respectivement, et écrire
d’entier n > 1 qui divise tous les nombres dans P4
y 2 D(t)z a+1 = 4x3 D(t)z a − G2 (t)xz b − G3 (t)z c
f1 (k) · · · fs (k), (k ∈ Z).
avec a, b, c choisis pour que l’équation soit homogène (a + deg D + 3 = b + deg G2 + 1 =
Alors il existe m ∈ N tel que les s nombres f1 (m), . . . , fs (m) soient premiers. c + deg G3 ).
Si cette hypothèse (H) est vraie, alors sous les mêmes hypothèses il existe une infinité Considérons par exemple la famille de courbes elliptiques
d’entiers m ∈ N tel que les s nombres f1 (m), . . . , fs (m) soient premiers (remplacer X par
(Et ) y 2 = x3 + tx.
X + m + 1). Voir à ce sujet [S-S 1958].
Dans leur article, Schinzel et Sierpinski démontrent que l’hypothèse (H) implique
Pour t = 0 la courbe E0 n’est pas lisse ; pour toutes les autres valeurs de t c’est une courbe
l’existence d’une infinité de nombres pseudo-premiers de Carmichael(∗ ), et aussi que, pour
elliptique, ayant une composante connexe si t < 0, deux si t > 0. Pour t = 7 ou encore
tout a ∈ Z, |a| > 1 sans facteurs carrés, il existe une infinité de nombres premiers p
t = −1, le groupe Et (Q) est fini, tandis que pour t = 877 par exemple, E(Q) est dense
tels que a soit racine primitive modulo p (la classe de a modulo p est un générateur du
dans E(R).
groupe cyclique (Z/pZ)× ). De nombreuses autres conséquences de cette hypothèse (H) sont
connues. Définition. Une surface elliptique ou fibration elliptique S sur Q est une variété de dimension
2 sur Q, munie d’un morphisme ϕ : S → P1 sur Q, tel que, pour tout t ∈ P1 (C) en dehors
(∗ ) Un entier n > 1 est appelé pseudo-premier, ou encore nombre de Carmichael, si pour
d’un ensemble fini, la fibre Et = ϕ−1 (t) soit une courbe elliptique définie sur Q(t).
tout entier a premier à n on a an−1 ≡ 1 (mod n) ; c’est seulement en 1992 que Alford,
Granville et Pomerance ont montré qu’il existait une infinité de tels entiers qui ne sont pas Chacune des courbes elliptiques Et possède une origine Ot ∈ Et , et on a évidemment
premiers ; voir [Ri 1994]. ϕ(Ot ) = t pour t dans l’ouvert de Zariski où Et est une courbe elliptique. On définit une
Chapitre I. – Introduction 11 12 Topologie des points rationnels

application rationnelle π : P1 → S par π(t) = Ot qui est une section de ϕ, c’est-à-dire f) Variétés abéliennes
vérifie ϕ ◦ π = I. L’étude de la conjecture de Mazur pour les variétés abéliennes sera le thème central de
Une fibration sur Q est triviale si toutes les courbes Et sont isomorphes sur Q. ce cours. Plus généralement nous considérerons un groupe algébrique G commutatif défini
Soit S une surface elliptique sur Q. Désignons par T l’ensemble des t ∈ P1 (Q) tels que sur un corps de nombres k. Au lieu de prendre le groupe de tous les points rationnels G(k),
Et = ϕ−1 (t) soit une courbe elliptique et que le groupe Et (Q) soit infini (c’est-à-dire tels nous en prendrons un sous-groupe de type fini (pour une variété abélienne A, le groupe A(k)
que le rang du groupe de Mordell-Weil de Et sur Q soit ≥ 1). est de type fini d’après le théorème de Mordell-Weil). Nous étudierons en premier lieu les
groupes linéaires, en liaison avec la conjecture d’indépendance algébrique de logarithmes de
Lemme. –Soit S une surface elliptique sur Q. Si l’ensemble T est fini, alors S(Q) n’est nombres algébriques, puis les courbes elliptiques, ensuite les variétés abéliennes, enfin le cas
pas Zariski-dense dans S. général. Nous admettrons les théorèmes de transcendance qui seront nécessaires, mais nous
montrons précisément comment ils s’appliquent. Les méthodes transcendantes nécessitent
Démonstration. On suppose S plongée comme sous-variété quasi-projective de PN . Si Et (Q) “beaucoup” de points rationnels : on demande que le rang du groupe de Mordell-Weil de
est un ensemble fini en dehors de {t1 , . . . , tn }, on veut montrer que S(Q) n’est pas dense. A(k) soit ≥ d2 − d + 1, où d est la dimension de A. La question reste ouverte pour les petits
On utilise pour cela un théorème de Mazur [Maz 1978] : un point de torsion d’une courbe rangs. Un exemple de surface abélienne (d = 2) ayant un groupe de Mordell-Weil de rang
elliptique sur Q est d’ordre ≤ 16 (∗ ). Alors il existe un polynôme P ∈ Q[T, X0 , . . . , XN ], tel 1 est la Jacobienne de la courbe
que P (t, X) s’annule sur Et (Q) pour t
∈ {t1 , . . . , tn }. En multipliant par (T −t1 ) · · · (T −tn ) y 2 = x(x − 1)(x − 2)(x − 5)(x − 6);
on obtient un polynôme Q ∈ Q[T, X0 , . . . , XN ], tel que Q(ϕ(X), X) s’annule sur S(Q) mais
pas sur S. cf [G-G 1993]. D’autres exemples de “petits” rangs (0 < r < d) dus à W. McCallum,
concernent les jacobiennes des courbes
Proposition. – Si la conjecture de Mazur est vraie pour la surface elliptique lisse S sur y  = xs (x − 1);
Q, alors l’ensemble T est soit fini, soit dense dans R. voir [Maz 1995]. La conjecture de Mazur pour les variétés abéliennes a aussi été étudiée
par L. Wang dans [Wa 1995].
Démonstration. Supposons que T soit infini. Soit X l’adhérence réelle de S(Q). D’après la
conjecture de Mazur, X est une réunion de composantes de S(R). Soit S(R)0 la composante g) Surfaces de Kummer et surfaces K3
connexe qui contient l’image {Ot ; t ∈ P1 } de la section π considérée plus haut. Pour tout La fin de l’article [Maz 1992] décrit d’autres surfaces pour lesquelles des réponses
t ∈ P1 (R) en dehors d’un ensemble fini, Ot ∈ S(R)0 . Comme X contient ces Ot , X contient partielles sont connues. Il est intéressant de noter que ces surfaces ont “beaucoup”
S(R)0 . Alors les points rationnels de S sont denses dans S(R)0 , et par conséquent ils se d’automorphismes.
projettent sur un ensemble dense de P1 (R). Voici un exemple de surface de Kummer. On part de deux courbes elliptiques
(E1 ) : y 2 = x3 + ax + b et (E2 ) : y 2 = x3 + cx + d.
On ne connait pas d’exemple de fibration non triviale où l’ensemble T soit fini. D’autre
part Tate et Silverman ont montré que le rang de Et (Q) ne peut chuter qu’en un nombre On considère ensuite la surface X d’équation
fini de t ∈ P1 (Q). (t3 + ct + d)y 2 = x3 + ax + b.
Un cas particulier a été spécialement étudié : on fixe un polynôme g ∈ Q[X] de degré  
L’application (x1 , y1 ); (x2 , y2 ) → (x1 , y1 /y2 , x2 ) définit un morphisme
 surjectif  de E1 ×E2
3 et de discriminant non nul (i.e. ayant trois racines distinctes dans C), et on considère la
sur
 X : tout (x, y, t)
 ∈ X a deux antécédents ; si l’un est (x1 , y 1 ); (x2 , y 2 ) , l’autre est
surface
(x1 , −y1 ); (x2 , −y2 ) . Le changement de signe de y sur une courbe elliptique est l’opposé
pour la loi d’addition, correspondant au morphisme −I (où I est l’identité). C’est pourquoi
(Et ) y 2 D(t) = g(x); on écrit que X est le quotient de E1 × E2 par {±I}.
La conjecture de Mazur pour ces surfaces a fait l’objet de plusieurs études, notamment
la courbe Et est appelée “tordue quadratique” (“quadratic twist”) de la courbe y 2 = g(x). par Masato Kuwata et L. Wang [K-W 1993], [Wa 1994].
Pour plus de renseignements sur ce sujet, voir [Ro 1993], [K-W 1993] et [Maz 1995].
En 1997, Colliot-Thélène, Skorobogatov et Swinnerton-Dyer [CSS 1997] ont construit
un contre-exemple à la conjecture initiale de Mazur, et en ont proposé des modifications,
(∗ ) Une généralisation de cet énoncé aux corps de nombres a été obtenue par Loı̈c Merel : notamment la suivante : Soit V une variété lisse sur Q et soit U une composante connexe
Bornes pour la torsion des courbes elliptiques sur les corps de nombres. Invent. Math. 124 de V (R). On suppose que V (Q) ∩ U est Zariski dense dans V . Alors V (Q) ∩ U est dense
(1996), no. 1-3, 437–449. Zbl 960.24063 MR 96i:11057 dans U pour la topologie réelle.
Chapitre I. – Introduction 13 14 Topologie des points rationnels

§5. Une conjecture de Pierre Dèbes. Soit C une courbe (il y a un argument qui permet de se ramener à ce cas) définie sur Q
et U un ouvert non vide de C(R). On se donne aussi un diviseur Q-rationnel D∞ de la
La fin de ce chapitre est rédigée par Pierre Dèbes. courbe. La premère étape consiste à construire une fonction f ∈ R(C) telle que

UNE CONJECTURE GÉNÉRALISANT CELLE DE MAZUR. (f )∞ soit un multiple kD∞ de D∞
(∗)
(f )0 ne consiste qu’en des points réels contenus dans U
On note G(Q) = Gal(Q/Q) le groupe de Galois absolu de Q.
Notons {u1 , . . . , um } une base de LQ (kD∞ ). La fonction f s’écrit
CONJECTURE :

m
DONNÉES : Soit f : V → W un morphisme étale défini sur Q entre deux variétés lisses f= αi ui (α1 , . . . , αm ∈ R)
et irréductibles. Soit d ≥ 1 un entier. i=1

NOTATION : (1) L’ensemble des points w ∈ W (Q) tels que f −1 (w) contient un ensemble Ensuite, d’après un “lemme de continuité des racines”, il existe un voisinage O de
de cardinal d invariant sous G(Q) est noté Ad . (α1 , . . . , αm ) dans Rm tel que si a = (a1 , . . . , am ) ∈ O alors la fonction
(2) L’ensemble des points w ∈ W (R) tels que f −1 (w) contient au moins d points réels est
m
noté Bd . fa = ai ui
i=1
HYPOTHÈSE : On suppose que Ad est Zariski dense dans W .
vérifie aussi les conditions (*). Si on choisit a ∈ Qm , la fonction fa est définie sur Q. Ses
CONCLUSION : Soit C une composante connexe de Bd . Alors l’ensemble des points zéros sont réels et permutés par G(Q) et donc sont totalement réels.
w ∈ C ∩ W (Q) tels que la fibre f −1 (w) contient un ensemble de cardinal d, constitué En gros, l’idée est la même que dans la remarque (2) : déformer légèrement une fonction
de points réels et invariant sous G(Q) (et donc constitué de points totalement réels de qui n’a que des zéros réels de façon à ce qu’elle soit définie sur Q.
degré ≤ d), est, soit vide, soit dense dans C (pour la topologie réelle).
(4) Le résultat de Pop nous a permis(2 ), à M.Fried et moi, de démontrer le problème inverse
Remarques : (1) Cet énoncé contient la conjecture de Mazur : prendre V = W , f = Id de Galois sur Qtr (T )
et d = 1. [et aussi sur Qtp (T ) (Qtp désigne le corps des totalement p-adiques) car le résultat de
(2) Cet énoncé est vrai pour d = deg(f ) si la variété W vérifie la conjecture de Mazur, en Pop est vrai aussi en p-adiques.]
particulier si W (Q) est dense dans toute composante connexe de W (R) (e.g. W rationnelle). Mon but ensuite était de montrer que tout groupe est groupe de Galois d’un
Preuve. Pour d = deg(f ), on a Ad = W (Q) et Bd est l’ensemble des points w ∈ W (R) revêtement de P1 défini sur Qtr , avec la condition supplémentaire que les points de
dont tous les points de la fibre sont réels. Soit C une composante connexe de Bd . Par ramification soient rationnels (globalement). Cela se ramène en gros à trouver des points
hypothèse, Ad = W (Q) est Zariski-dense. Donc d’après la conjecture de Mazur, C est totalement réels sur une variété V avec la condition supplémentaire que l’image de ces
contenu dans l’adhérence (réelle) de W (Q). Mais comme Bd est ouvert, tout point w de points par un certain morphisme f : V → W doit être Q-rationnelle sur W . C’est le
W (Q) suffisamment proche d’un point de C est automatiquement dans C. La fibre au dessus sens la conjecture que je fais ici, qui est aussi assez similaire à une conjecture que j’avais
d’un tel w est constituée de points réels et est invariante sous G(Q). énoncée précédemment dans une note au CRAS(3 ) dans le cadre plus restreint des espaces
de Hurwitz.
(3) On peut voir un lien entre la conjecture de Mazur (et sa généralisation) et le théorème de
Florian Pop(1 ) qui affirme que “les points totalement réels d’une variété lisse et irréductible
définie sur Q sont denses dans les points réels”. L’argument est essentiellement le suivant. (2 ) Dèbes, Pierre ; Fried, Michael D. – Nonrigid constructions in Galois theory. Pacific
J. Math. 163 (1994), no. 1, 81–122. Zbl 788.12001 MR 95c:12008.
(1 ) Pop, Florian. – Fields of totally Σ-adic numbers, preprint, Heidelberg, 1992 ; voir (3 ) Dèbes, Pierre. – Critères de descente pour le corps de définition des G-revêtements
aussi : B. Green, F. Pop and P. Roquette, On Rumely’s local-global principle, Jahresber. de P1 . C. R. Acad. Sci. Paris Sér. I Math. 315 (1992), no. 8, 863–868.
Deutsch. Math.-Verein. 97 (1995), no. 2, 43–74. Zbl 857.11033 MR 96g:11065 Zbl 761.12001 MR 93m:12003.
16 Topologie des points rationnels

II. – Sous-groupes de Rn §1. Sous-groupes de R


Comme le groupe R est sans torsion, tout sous-groupe G de type fini de Rn est libre :
il admet une base g1 , . . . , g :
G = Zg1 + · · · + Zg ,
où g1 , . . . , g sont des éléments de G linéairement indépendants sur Z. Il s’agit de déterminer
si un tel sous-groupe est dense dans Rn . Dans cette section nous nous restreignons au cas
n = 1.
Soient g1 , . . . , g des nombres réels linéairement indépendants sur Z. Il est clair que, si
 = 1, le sous groupe G qu’ils engendrent est discret dans R. Nous allons voir inversement
que si  > 1, alors G est dense dans R. En prenant g1 comme base de R et en posant
Le but de ce chapitre est de donner des critères pour qu’un sous-groupe d’un groupe θ = g2 /g1 , le résultat que nous nous proposons d’établir s’énonce de la manière suivante
de Lie réel ou complexe soit dense. Le cas fondamental est celui d’un sous-groupe de Rn , (voir [H-W 1979] Th. 438 ; [Bo 1974] Chap. 5 §1 n◦ 1 prop. 1) :
où la réponse est obtenue grâce à un théorème de Kronecker (théorème 4.1).
Voici quelques indications bibliographiques concernant ce chapitre. Pour l’aspect Théorème 1.1 (Tchebychef ). – Soit θ un nombre réel irrationnel. Alors le sous-groupe
qualitatif, voir [Bo 1974] Chap. 7. Une autre référence de base est [H-W 1979] (en particulier Z + Zθ de R est dense dans R.
le chapitre XXIII pour le théorème de Kronecker, mais aussi le chapitre III pour les suites
Ainsi un sous-groupe de type fini de R est dense dans R si et seulement si son rang
de Farey, ainsi que le chapitre XI pour l’approximation de nombres irrationnels par des
sur Z est ≥ 2. L’hypothèse que le groupe est de type fini est évidemment nécessaire : Q est
nombres rationnels ; il faut noter cependant que certains arguments peuvent être simplifiés
dense dans R, et de rang 1 sur Z (mais de rang infini comme groupe abélien). Cela donne
en utilisant un minimum de langage algébrique). Deux autres références fondamentales
une classification simple des sous-groupes de type fini de R : ou bien ils sont discrets de la
pour tout ce qui concerne les approximations diophantiennes sont [Ca 1957]et [Sc 1980].
forme Zx, pour un x dans R, ou bien ils sont partout denses dans R. Cependant ce critère
Dans la rédaction qui suit, nous ne donnons des démonstrations que pour les énoncés n’est pas toujours “effectif” ; par exemple on ne sait pas si le sous-groupe Z + Zγ (où γ
qui seront utilisés dans la suite du cours. est la constante d’Euler) est dense ou non dans R. Il en est de même pour Ze + Zπ. Dans
On utilisera la notion de groupe topologique (voir [D 1972], t.1, Chap. 12 §8). D’autre le même ordre d’idées, le sous-groupe de R engendré par 1, e + π et eπ est dense dans R,
part on utilisera plusieurs notions de rang. Le rang d’un groupe abélien est le nombre donc il contient un sous-groupe de rang 2 sur Z qui est encore dense, mais on ne sait pas
minimal d’éléments d’un système générateur de ce groupe. Le rang rationnel d’un Z- en expliciter un !
module G, appelé encore rang de G sur Z ou sur Q, est le nombre maximal d’éléments de G
linéairement indépendants sur Q ; on le notera rangZ G. Rappelons le théorème de structure Pour démontrer le théorème 1.1 on établit deux lemmes préliminaires.
des Z-modules de type fini : si G est un Z-module de type fini, le sous-groupe de torsion
Lemme 1.2. – Un sous-groupe non discret de R est partout dense dans R.
Gtors de G est un groupe fini, le quotient G/Gtors est un Z-module libre, isomorphe à Zr ,
où r est le rang de G sur Z, et G est isomorphe au produit direct Gtors × Zr . En particulier Démonstration. Si G est un sous-groupe de R qui n’est pas discret, il existe une suite xn
pour un Z-module libre (i.e. sans torsion) le rang comme groupe abélien coı̈ncide avec le d’éléments de G, deux-à-deux distincts, qui a une limite dans R. Soit > 0 ; il existe
rang comme Z-module. un élément non nul x de G (de la forme xn − xm ) dans l’intervalle [− , ]. L’ensemble des
On va travailler avec des sous-groupes de Rn . La dimension de l’espace vectoriel sur R éléments nx, (n ∈ Z) de G a une intersection non vide avec tout intervalle de R de longueur
engendré par un tel sous-groupe G sera appelée le rang réel de G ; noter que la dimension > . Donc G est partout dense dans R.
de l’espace vectoriel sur Q engendré par un tel sous-groupe G n’est autre que le rang
rationnel du Z-module G. Lemme 1.3. – Les seuls sous-groupes fermés de R, distincts de R, sont les sous-groupes
Remarquons enfin que quand G et H sont deux sous-groupes de Rn avec H d’indice discrets, engendrés par un élément.
fini dans G, alors G est dense dans Rn si et seulement si H est dense dans Rn .
Démonstration. Les sous-groupes {0}, R et Zx, pour x > 0, sont des sous-groupes fermés
de R. Il s’agit de montrer qu’il n’y en a pas d’autre. Soit G un sous-groupe fermé de R
distinct de R. Le lemme 1.2 montre qu’il est discret. S’il n’est pas réduit à {0}, il contient
un élément non nul ainsi que son opposé, donc il contient un élément y > 0. L’intervalle
[0, y] est compact, donc l’intersection avec G est finie. Ceci montre que G possède un plus
petit élément x > 0. Soit maintenant g ∈ G ; on pose m = [g/x], de sorte que m est
Chapitre II. – Sous-groupes de Rn 17 18 Topologie des points rationnels

l’entier rationnel tel que mx ≤ g < (m + 1)x ; comme g − mx est un élément de G vérifiant Corollaire 1.4. – Soit Γ un sous-groupe de type fini de R× . Les deux conditions suivantes
0 ≤ g − mx < x, on peut conclure g = mx et G = Zx. sont équivalentes :
Démonstration du théorème 1.1. Le fait que θ soit irrationnel assure que l’adhérence G du (i) Γ est dense dans R× .
groupe G = Z + Zθ n’est pas de la forme Zx pour x ∈ R, donc G n’est pas discret (lemme (ii) Γ est de rang ≥ 2 sur Z, et Γ contient un nombre réel < 0.
1.3), et par conséquent G est partout dense (lemme 1.2).
Démonstration. Comme l’application exponentielle exp : R −→ R× + est un isomorphisme
Le théorème 1.1 dit qu’un sous-groupe de type fini de R/Z est soit fini (c’est-à-dire de groupes topologiques, Γ ∩ R× ×
+ est dense dans R+ si et seulement si G = exp
−1
(Γ) est un
×
est un groupe de torsion), soit dense dans R/Z (cf. [H-W 1979], Th. 439). sous-groupe dense de R, et le rang de G sur Z est le même que celui de Γ ∩ R+ . On déduit
L’application exponentielle x → e2iπx du groupe additif R dans le groupe multiplicatif du théorème 1.1 que Γ ∩ R× ×
+ est dense dans R+ si et seulement si G est de rang ≥ 2 sur Z.
C a pour image le groupe multiplicatif U = {z ∈ C× ; |z| = 1} des nombres complexes
× Enfin un sous-groupe fermé de R contenant R×
× × ×
+ est soit égal à R+ , soit égal à R .
de module 1 et pour noyau Z. Le groupe topologique R/Z est donc isomorphe au cercle Exemple Le sous-groupe de R×
+ engendré par 2 et 3
unité U. On appellera intervalle de R/Z l’image d’une partie connexe de U. Tout nombre
 
réel x se décompose en somme de sa partie entière [x] ∈ Z et de sa partie fractionnaire 2a 3b ; (a, b) ∈ Z × Z
{x} ∈ [0, 1) :
x = [x] + {x}, [x] ∈ Z, {x} ∈ [0, 1). est dense dans R× ×
+ ; le sous-groupe de R engendré par −2 et 3

Exercice. Vérifier les propriétés suivantes :  


(−2)a 3b ; (a, b) ∈ Z × Z

{−x} = 1 − {x} si x
∈ Z, est dense dans R× . Cela résulte de l’indépendance linéaire sur Z de log 2 et log 3.
0 si x ∈ Z.

{x1 } + {x2 } si {x1 } + {x2 } < 1, Nous appliquerons le théorème 1.1 de façon tout-à-fait analogue plus tard pour
{x1 + x2 } =
{x1 } + {x2 } − 1 si {x1 } + {x2 } ≥ 1. une courbe elliptique (l’application exponentielle sera remplacée par la fonction ℘ de
 Weierstrass).
{x1 } − {x2 } si {x1 } − {x2 } ≥ 0,
{x1 − x2 } =
1 + {x1 } − {x2 } si {x1 } − {x2 } < 0. Le théorème 1.1 est de nature qualitative. Kronecker en a donné une version quanti-
On trouvera d’autres démonstrations du théorème 1.1 dans le chapitre XXIII de [H-W tative (voir [H-W 1979], Th. 440) :
1979]. Un argument simple utilise la compacité du quotient R/Z : s’il existe un intervalle de Théorème 1.5. – Soit θ un nombre réel irrationnel. Pour tout x ∈ R et tout N entier
R/Z de longueur positive ayant une intersection vide avec l’ensemble S des {nθ}, (n ∈ Z), positif, il existe deux entiers n > N et k tels que
on montre qu’il existe un tel intervalle I de longueur maximale, et on remarque que pour
tout n ∈ Z, le translaté I + nθ est encore une intersection vide avec S ; le choix de I |x − k − nθ| < 3/n.
de longueur maximale garantit que les intervalles I + nθ ainsi obtenus sont deux-à-deux
disjoints ; mais on ne peut pas trouver une infinité d’intervalles disjoints de R/Z, de même Un énoncé bien plus fort existe pour l’approximation de 0 par des points de Z + Zθ
longueur > 0. (c’est un problème homogène, alors que le théorème 1.5 est inhomogène).
Une autre démonstration du théorème 1.1 (en dimension quelconque), attribuée à Bohr Théorème 1.6 (Dirichlet). – Soient θ et Q deux nombres réels, avec Q > 1. Il existe
par [H-W 1979], §23.9, utilise la fonction e2iπx . Cet argument analytique est à la base du deux entiers p et q avec 1 ≤ q < Q et
critère de Weyl (cf. [Rau 1976], Chap.1, §2.3) qui permet de montrer que les points {nθ},
(n ∈ Z), sont, pour θ irrationnel, “équirépartis” sur le cercle unité (voir aussi [H-W 1979], |qθ − p| ≤ 1/Q.
§23.10, Th. 445).
Démonstration. (Voir [Ca 1957], ChapI, Th.I, ainsi que [Sc 1980], Chap. 1, Th. 1A). On
Exercice. Soit R un rectangle dans le plan euclidien ; on considère une partition de R en
déduit le théorème 1.6 du théorème 4.2 (qui sera démontré ci-dessous) grâce à la remarque
petits rectangles dont les côtés sont parallèles à ceux de R. On suppose que chacun des
suivante : dans le théorème 1.6, il n’y a pas de restriction à supposer Q entier. En effet, si
petits rectangles a au moins un côté de longueur entière. Montrer que la longueur d’un au
Q n’est pas entier, on le remplace par [Q] + 1, et on remarque que pour un entier q ∈ Z,
moins des côtés de R est un nombre entier.
les conditions q < Q et q < [Q] + 1 sont équivalentes.
En utilisant encore l’application exponentielle, on déduit du théorème 1.1 un critère
pour qu’un sous-groupe de type fini de R× soit dense dans R× : Le théorème de Dirichlet fournit un critère d’irrationalité :
Chapitre II. – Sous-groupes de Rn 19 20 Topologie des points rationnels

Corollaire 1.7. – Soit θ un nombre réel. Les conditions suivantes sont équivalentes : Lemme 2.2. – Soit G un sous-groupe discret de rang réel r de Rn . Soient e1 , . . . , er des
(i) θ est irrationnel. éléments de G linéairement indépendants sur R. Soit
(ii) Il existe une infinité de p/q ∈ Q avec q > 0 tels que  
P = x1 e1 + · · · + xr er ; −1 ≤ xi ≤ 1 ;

p 1
θ − < .
q q2 Alors G ∩ P est un ensemble fini, qui engendre G comme Z-module. Tout élément de G
est combinaison linéaire à coefficients rationnels de e1 , . . . , er .

(iii) Pour tout > 0 il existe p/q ∈ Q tel que Démonstration. Comme G ∩ P est compact et discret, cet ensemble est fini. Soit x ∈ G ;
on peut écrire x = t1 e1 + · · · + tr er , avec des ti réels. Pour chaque entier m > 0, on pose
0 < |qθ − p| < .

r
r
zm = mx − [mti ]ei = (mti − [mti ])ei ∈ G.
i=1 i=1
Exercice.
1) Déduire le corollaire 1.7 du théorème 1.6. Comme 0 ≤ mti − [mti ] < 1, on a zm ∈ P . En particulier
2) Utiliser le corollaire 1.7 pour démontrer l’irrationalité du nombre

r
1 1 1 1 x = z1 + [ti ]ei ,
e = 1 + + + + ··· + + ···
1 2 6 n! i=1

avec z1 ∈ G ∩ P et ei ∈ G ∩ P , ce qui montre que G ∩ P engendre G comme Z-module.


D’autre part G ∩ P est fini et contient tous les zm , (m ≥ 1) ; par conséquent (principe
Remarque. Cette démonstration de l’irrationailté de e remonte à Fourier (1815) ;
des tiroirs !) il existe deux entiers positifs h
= k tels que zh = zk . En écrivant
l’irrationalité des nombres e et e2 avait été démontrée dès 1737 par Euler, utilisant les
fractions continues. C’est seulement en 1873 que Hermite a démontré la transcendance de

r
r
e hx − [hti ]ei = kx − [kti ]ei
i=1 i=1
Compléments. On peut aussi démontrer le corollaire 1.7 en étudiant les suites de Farey
(voir [H-W 1979], Chapitre III, et Schmidt, Chapitre I), ou encore à l’aide des fractions et en tenant compte du fait que les ei sont linéairement indépendants sur R, on conclut
continues (voir [H-W 1979], Chapitre XI, et Schmidt, Chapitre I). Le “spectre de Markoff” (h − k)ti = [hti ] − [kti ], ce qui montre que chacun des ti est rationnel.
apporte des précisions sur la condition (ii) du corollaire 1.7.
On trouvera aussi dans [H-W 1979], §23.3, une application du théorème de Kronecker Démonstration du théorème 2.1.
à un problème de billard (ou de miroir) ; (voir aussi [Rau 1976], Chap.1, §6.2). Première étape. On commence par montrer qu’un sous-groupe discret G de Rn de rang réel
Nous reviendrons bientôt sur ce sujet (voir le théorème 4.2 ci-dessous, ainsi que le  est contenu dans un sous-groupe discret de la forme Zy1 + · · · + Zy . Pour cela on choisit 
chapitre V). éléments e1 , . . . , e dans G linéairement indépendants sur R. Tout élément de G est, d’après
le lemme 2.2, de la forme t1 e1 + · · · + t e , avec des ti rationnels. On écrit ces coordonnées
pour chacun des éléments de l’ensemble fini G ∩ P (qui engendre G comme Z-module),
§2. Sous-groupes discrets de Rn et on désigne par d > 0 un dénominateur commun des ti ; enfin on pose yi = ei /d, et on
trouve G ⊂ Zy1 + · · · + Zy .
Si x1 , . . . , x sont des éléments R-linéairement indépendants de Rn , le sous-groupe G Deuxième étape. Pour terminer la démonstration du théorème 2.1, on utilise le théorème
qu’ils engendrent est de rang réel , de rang sur Q aussi égal à , et G est un sous-groupe de structure des modules sur un anneau principal (“facteurs invariants”) : le groupe
discret de Rn . Nous allons voir que tout sous-groupe discret de Rn est de cette forme. G0 = Zy1 +· · ·+Zy est abélien libre de type fini, et G en est un sous-groupe. Alors il existe
Théorème 2.1. – Tout sous-groupe discret G de Rn est de la forme Zg1 + · · · + Zg , où une base de G0 de la forme (x1 , . . . , x ) (ce qui signifie que les xi sont des combinaisons
g1 , . . . , g sont des éléments de Rn linéairement indépendants sur R. linéaires des yj à coefficients dans Z, et la matrice de passage a pour déterminant ±1),
et il existe des entiers positifs a1 , . . . , a , où ai divise ai+1 pour 1 ≤ i < , tels que
La démonstration va reposer sur le lemme suivant. (a1 x1 , . . . , a x ) soit une base du Z-module G. On pose enfin gi = ai xi , (1 ≤ i ≤ ).
Chapitre II. – Sous-groupes de Rn 21 22 Topologie des points rationnels

Corollaire 2.3. – Soient e1 , . . . , er des éléments R-linéairement indépendants de Rn La suite zn = kn xn a une valeur d’adhérence z ∈ Rn . Comme zn  ≤ M , on a z ≤ M ;
et t1 , . . . , tr des nombres réels ; on pose θ = t1 e1 + · · · + tr er . Alors le sous-groupe mais on a aussi
Ze1 + · · · + Zer + Zθ de Rn est discret dans Rn si et seulement si les nombres t1 , . . . , tr zn  > M − xn  avec lim xn  = 0,
n→∞
sont tous rationnels.
donc z = M . Enfin soit t ∈ R ; on a
Démonstration. Si Ze1 + · · · + Zer + Zθ est discret dans Rn , le lemme 2.2 affirme que
θ est combinaison linéaire à coefficients rationnels de e1 , . . . , er , donc (t1 , . . . , tr ) ∈ Qr . tz = lim [tkn ]xn et [tkn ]xn ∈ G,
n→∞
Inversement, si (t1 , . . . , tr ) ∈ Qr , on prend un dénominateur commun d > 0 de t1 , . . . , tr ,
et alors G est un sous-groupe du groupe discret Z(e1 /d) + · · · + Z(er /d). et G est fermé, donc la droite {tz; t ∈ R} est contenue dans G.
En particulier pour un sous-groupe discret de Rn , le rang réel coı̈ncide avec le rang Démonstration du théorème 3.1. Soit V la réunion des droites vectorielles contenues dans
rationnel : une famille d’éléments d’un sous-groupe discret de Rn est libre sur R si et G. Pour x ∈ V , y ∈ V et λ ∈ R, on a λx ∈ G et λy ∈ G donc λx + λy ∈ G ; ceci étant vrai
seulement si elle est libre sur Q (ou sur Z, cela revient évidemment au même). pour tout λ ∈ R, par définition de V on obtient λx + λy ∈ V , ce qui montre que V est
Quand on applique le corollaire 2.3 à la base canonique de Rn , on trouve un résultat un sous-espace vectoriel de Rn sur R ; ainsi V est le plus grand sous-espace de Rn contenu
dû à Kronecker (mais qui n’est pas “le” théorème de Kronecker dont il est question dans dans G. Soit W un supplémentaire de V dans Rn ; tout g ∈ G s’écrit g = v + w avec v ∈ V
l’introduction). et w ∈ W , donc w = g − v ∈ G ∩ W et
Corollaire 2.4. – Soient θ1 , . . . , θn des nombres réels. Les conditions suivantes sont G ⊂ V + G ∩ W ⊂ G.
équivalentes.
(i) Pour tout > 0 il existe des entiers p1 , . . . , pn , q, avec q > 0, tels que De plus V ∩ (G ∩ W ) ⊂ V ∩ W = 0, donc la somme V + G ∩ W est directe. Enfin W ∩ G
ne contient pas de droite vectorielle de Rn , donc (lemme 3.2) est discret dans Rn .
0 < max |qθi − pi | < .
1≤i≤n
Le théorème 3.1 montre que si G est un sous-groupe fermé de Rn , il existe une base
(e1 , . . . , en ) de Rn telle que G soit l’ensemble des
(ii) L’un au moins des n nombres θ1 , . . . , θn est irrationnel.
t1 e1 + · · · + tr er + nr+1 er+1 + · · · + n e ,
Terminons cette section par une définition : un réseau de Rn est un sous-groupe discret
de rang n. où (t1 , . . . , tr ) décrit Rr , tandis que (nr+1 , . . . , n ) décrit Z−r . Alors G est isomorphe à
Rr × Z−r , où  est le rang réel de G, et r la dimension du plus-grand sous-espace de Rn
§3. Sous-groupes fermés de Rn sur R contenu dans G.

Voici le résultat principal donnant la classification des sous-groupes fermés de Rn .


§4. Sous-groupes denses de Rn
Théorème 3.1. – Soit G un sous-groupe fermé de Rn , de rang réel r. Il existe un plus
grand sous-espace vectoriel V contenu dans G ; si W est un sous-espace vectoriel de Rn Nous déduisons du théorème 3.1 un résultat d’approximation bien connu qui joue un
supplémentaire de V , alors W ∩G est un sous-groupe discret de Rn , et G est somme directe rôle central dans la suite : il s’agit d’un théorème de Kronecker sur la densité de sous-
de V et de W ∩ G. groupes de type fini d’un R-espace vectoriel de dimension finie.
Une étape importante de la démonstration du théorème 3.1 est fournie par le lemme Exercice. Soient R un groupe topologique commutatif, V un sous-groupe fermé de R, G un
suivant : sous-groupe de R.
a) On suppose que G est dense dans R ; montrer que G/G ∩ V est dense dans R/V .
Lemme 3.2. – Un sous groupe fermé non discret de Rn contient une droite vectorielle.
b) On suppose que G ∩ V est dense dans V et que G/G ∩ V est dense dans R/V . Montrer
Démonstration. On choisit une norme  ·  sur Rn . Soit G un sous-groupe fermé non discret que G est dense dans R.
de Rn . Il existe un point g dans G, limite d’une suite d’éléments gn de G, avec gn
= g. c) Donner un exemple où G est dense dans R mais G ∩ V n’est pas dense dans V .
Alors xn = g − gn est une suite d’éléments non nuls de G de limite 0. Soit M la borne
supérieure des xn . Pour chaque n ≥ 1, soit kn l’entier ≥ 0 défini par Exercice. Soient R1 et R2 deux groupes topologiques commutatifs et soit R le produit
R1 × R2 .
kn xn  ≤ M < (kn + 1)xn . a) Si G1 est un sous-groupe dense de R1 et G2 un sous-groupe dense de R2 , montrer que
Chapitre II. – Sous-groupes de Rn 23 24 Topologie des points rationnels

G1 × G2 est dense dans R. linéaire (x1 , . . . , xn ) → a1 x1 + · · · + an xn sur Rn a pour noyau V , et l’image de V ⊕ D


b) Soit G un sous-groupe de R tel que {x ∈ R1 ; (x, 0) ∈ G} soit dense dans R1 et est un sous-groupe discret de R (isomorphe à D). On peut donc choisir une équation de V
{y ∈ R2 ; (0, y) ∈ G} soit dense dans R2 . Montrer que G est dense dans R. telle sorte que
c) Donner un exemple d’un sous-groupe de type fini de R2 dont la projection sur chacun  
des facteurs R × {0} et {0} × R est dense, mais qui n’est pas dense dans R2 . V ⊕ D ⊂ (x1 , . . . , xn ) ∈ Rn ; a1 x1 + · · · + an xn ∈ Z .
Soit G un sous-groupe de type fini de Rn ; si G est dense dans Rn , alors évidemment G Appliquons ceci au cas où G = Zn + Z(θ1 , . . . , θn ). Si G n’est pas dense dans Rn ,
contient une base de Rn sur R ; cela ne suffit pas : il faut au moins un point supplémentaire, il existe des nombres réels a1 , . . . , an tels que tout élément (x1 , . . . , xn ) ∈ G vérifie
donc le rang de G sur Z est au moins n + 1. Dans un premier temps supposons G de rang a1 x1 + · · · + an xn ∈ Z. On écrit d’abord que la base canonique de Rn appartient à G : on
n + 1 ; soit (e1 , . . . , en ) une base de Rn sur R appartenant à G, et soit en+1 ∈ G tel que trouve ai ∈ Z pour 1 ≤ i ≤ n. On écrit enfin que (θ1 , . . . , θn ) appartient à G : on obtient
le sous-groupe Ze1 + · · · + Zen+1 soit d’indice fini dans G. Ecrivons en+1 dans la base a1 θ1 + · · · + an θn ∈ Z. Donc 1, θ1 , . . . , θn sont linéairement dépendants sur Q.
(e1 , . . . , en ) :
en+1 = θ1 e1 + · · · + θn en ; Exercice. Soit G = Zg1 + · · · + Zgn+1 un sous-groupe de type fini de Rn engendré par n + 1
éléments g1 , . . . , gn+1 de Rn . Ecrivons les gj dans la base canonique de Rn :
alors le théorème de Kronecker (voir par exemple [Ca 1957], [H-W 1979], Th. 442 ; [Bo
1974] Chap. 7 §1 N◦ 3 corollaire 2 de la proposition 7)) affirme que G est dense dans Rn si gj = (g1j , . . . , gnj ), (1 ≤ j ≤ n + 1).
et seulement si les nombres 1, θ1 , . . . , θn sont linéairement indépendants sur Q.
Théorème 4.1 (Kronecker). – Soient θ1 , . . . , θn des nombres réels. Pour que le sous- Montrer que les conditions suivantes sont équivalentes :
groupe (i) G est dense dans Rn .
(ii) Les n + 1 nombres réels
 
Zn + Z(θ1 , . . . , θn ) = (s1 + s0 θ1 , . . . , sn + s0 θn ); (s0 , s1 , . . . , sn ) ∈ Zn+1 ⊂ Rn  
∆h = det gij 1≤i≤n , (1 ≤ h ≤ n + 1)
soit dense dans Rn , il faut et il suffit que les n + 1 nombres 1, θ1 , . . . , θn soient linéairement 1≤j≤n+1, j=h

indépendants sur Q.
sont linéairement indépendants sur Q.
Démonstration. Supposons dans un premier temps que les nombres 1, θ1 , . . . , θn sont (iii) Pour tout (s1 , . . . , sn+1 ) dans Zn+1 distinct de (0, . . . , 0), le nombre
linéairement dépendants sur Q : g
11 ··· g1,n+1 
a1 θ1 + · · · + an θn = a0 ,  .. .. .. 
det 

. . . 

gn1 ··· gn,n+1
avec (a0 , a1 , . . . , an ) ∈ Zn , (a0 , a1 , . . . , an )
= 0. Alors Zn + Z(θ1 , . . . , θn ) est contenu dans
s1 ··· sn+1
 
(x1 , . . . , xn ) ∈ Rn ; a1 x1 + · · · + an xn ∈ Z ,
n’est pas nul.
qui n’est pas dense dans R : si H désigne l’hyperplan d’équation a1 x1 + · · · + an xn = 0,
n
Le théorème de Kronecker peut être précisé de manière quantitative. D’une part on
la projection sur Rn /H est discrète. peut montrer (voir par exemple [Rau 1976] Chap.1, §6) que les points ({sθ1 }, . . . , {sθn }),
Inversement, si G est un sous-groupe de Rn qui n’est pas dense, alors il existe un (s ≥ 1) sont équirépartis dans (R/Z)n . D’autre part on peut préciser comment se fait
hyperplan V de Rn et un sous-groupe discret D de Rn isomorphe à Z tels que l’approximation de 0 par des éléments d’un sous-groupe dense de la forme Zn +Z(θ1 , . . . , θn )
de la manière suivante :
G ⊂ V ⊕ D.
Théorème 4.2 (Dirichlet). – Soient n et m deux nombres entiers positifs, Q un nombre
On écrit une équation de l’hyperplan V : réel > 1 et θji , (1 ≤ j ≤ n, 1 ≤ i ≤ m) nm nombres réels. Il existe des entiers p1 , . . . , pn ,
q1 , . . . , qm avec
a1 x1 + · · · + an xn = 0, 0 < max{|q1 |, . . . , |qm |} < Q

avec (a1 , . . . , an ) ∈ Rn , (a1 , . . . , an )


= 0 ; une telle équation n’est définie qu’à une constante et
multiplicative près (en fait (a1 , . . . , an ) est bien défini dans l’espace projectif). La forme max |q1 θj1 + · · · + qm θjm − pj | ≤ Q−m/n .
1≤j≤n
Chapitre II. – Sous-groupes de Rn 25 26 Topologie des points rationnels

Démonstration. Cet énoncé est démontré en appliquant un théorème de Minkowski sur est le corollaire 1.7.)
les formes linéaires, par exemple dans [Ca 1957], Ch.I, Th. VI, ou encore dans [Sc 1980], b) Montrer qu’il existe une infinité de (q1 , . . . , qn ) ∈ Zn avec
Chap. 2, Th. 3A (voir la remarque p.37 – en fait un énoncé un peu plus précis y est
 −n
démontré). Nous allons donner une démonstration plus simple, mais qui suppose que le q1 θ1 + · · · + qn θn  < max |qj | .
1≤j≤n
nombre N = Qm/n est entier (d’après [Sc 1980], Chap. 2, Th. 1E).
Pour chaque (t1 , . . . , tm ) ∈ Zm vérifiant 0 ≤ ti < Q, (1 ≤ i ≤ m), on considère le point
 c) Montrer que les deux conditions suivantes sont équivalentes :
  
t1 ϑ11 + · · · + tm ϑ1m , . . . , t1 ϑn1 + · · · + tm ϑnm (i) Les nombres 1, θ1 , . . . , θn sont linéairement indépendants
  sur Q.
(ii) Pour tout > 0, il existe une matrice carrée qji 1≤j,i≤n , à coefficients dans Z et de
dans le cube n-dimensionnel [0, 1]n ; en comptant aussi le point (1, . . . , 1) qui est dans déterminant non nul, telle que
ce cube, on obtient au moins Qm + 1 = N n + 1 éléments de [0, 1]n (qui ne sont pas
nécessairement deux-à-deux distincts). On divise [0, 1]n en N n cubes disjoints de côté 0 < max q1i θ1 + · · · + qni θn  < .
1≤i≤n
1/N ; deux des N n + 1 points considérés appartiennent au même petit cube : cela
signifie qu’il existe des entiers rationnels t1 , . . . , tm , s1 , . . . , sn , t1 , . . . , tm , s1 , . . . , sn , avec
Afin de donner des conditions nécessaires et suffisantes pour qu’un sous-groupe G de
(t1 , . . . , tm )
= (t1 , . . . , tm ), tels que la différence (x1 , . . . , xn ) entre les deux points
type fini de Rn soit dense dans Rn , on introduit la définition suivante : on appelle caractère
  de Rn tout homomorphisme continu de Rn dans U (ou dans R/Z, cela revient évidemment
t1 ϑ11 + · · · + tm ϑ1m − s1 , . . . , t1 ϑn1 + · · · + tm ϑnm − sn
au même).
et   Exercice.
t1 ϑ11 + · · · + tm ϑ1m − s1 , . . . , t1 ϑn1 + · · · + tm ϑnm − sn a) Vérifier que tout homomorphisme continu du groupe additif R dans lui-même est une
application R-linéaire, c’est-à-dire de la forme x → λx, pour un λ ∈ R. En déduire d’abord
vérifie que tout homomorphisme continu du groupe additif R dans le groupe multiplicatif R× est
max |xj | ≤ 1/N. de la forme x → eλx , ensuite que tout homomorphisme continu du groupe additif R dans
1≤j≤n
le groupe multiplicatif U est de la forme x → eiλx . En déduire que tout homomorphisme
Le résultat annoncé s’obtient en posant qi = ti − ti , (1 ≤ i ≤ m) et pj = sj − sj , continu χ : R → R/Z se factorise en χ = s ◦ h :
(1 ≤ j ≤ n).
h
Exercice. On désigne par  ·  la distance à l’entier le plus proche : pour x ∈ Z, R −−−−−→ R



χ s

x = min |x − a|.
a∈Z
R/Z
Soient n un entier positif et θ1 , . . . , θn des nombres réels.
où s : R → R/Z est la surjection canonique et h : R → R est une application linéaire.
a) Montrer que les trois conditions suivantes sont équivalentes :
b) Quand u est un élément de Rn , l’application ψu de Rn dans U donnée par x → e2iπu·x
(i) (θ1 , . . . , θn )
∈ Qn .
(où u · x est le produit scalaire standard dans Rn ) est un caractère de Rn . Vérifier qu’on
(ii) Il existe une infinité d’entiers q > 0 tels que
les obtient tous ainsi. Le noyau de ψu est {x ∈ Rn ; u · x ∈ Z}.
c) En déduire que l’application de HomR (Rn , R) dans le groupe des caractères de Rn qui,
0 < max qθj  < q −1/n .
1≤j≤n à une forme linéaire ϕ, associe χϕ : x → e2iπϕ(x) , est un isomorphisme de groupes. Le
noyau de χϕ est ϕ−1 (Z).
(iii) Pour tout > 0, il existe un entier q > 0 tel que Proposition 4.3. Soit G un sous-groupe de type fini de Rn . Les conditions suivantes sont
équivalentes.
0 < max qθj  < . (i) G est dense dans Rn .
1≤j≤n
(ii) Pour tout sous-espace vectoriel V de Rn distinct de Rn , on a

(L’équivalence entre (i) et (iii) est le corollaire 2.4. D’autre part le cas n = 1 de cet exercice rangZ (G/G ∩ V ) > dimR (Rn /V ).
Chapitre II. – Sous-groupes de Rn 27 28 Topologie des points rationnels

(iii) Pour tout hyperplan H de Rn , on a rangZ (G/G ∩ H) ≥ 2. Exercice. Soit G un sous-groupe de type fini de Rn qui contient Zn . Montrer que G
(iv) Pour toute forme linéaire non nulle ϕ : Rn −→ R on a ϕ(G)
⊂ Z. est dense dans Rn si et seulement si, pour tout hyperplan H de Rn rationnel sur Q, la
(v) Pour tout caractère non trivial χ de Rn , on a χ(G)
= {1}. projection G/G ∩ H de G sur Rn /H a une image dense.
(vi) Choisissons des générateurs g1 , . . . , g de G sur Z et écrivons les coordonnées des gj
dans la base canonique de Rn : Exercice. Soit G un sous-groupe de Rn . Montrer que les conditions suivantes sont
équivalentes.
gj = (g1j , . . . , gnj ), (1 ≤ j ≤ ); (i) G contient un sous-groupe de type fini qui est dense dans Rn .
(ii) Pour tout hyperplan H de Rn , on a rangZ (G/G ∩ H) ≥ 2.
pour tout (s1 , . . . , s ) dans Z distinct de (0, . . . , 0), la matrice (iii) Pour tout sous-espace vectoriel V de Rn distinct de Rn , on a rangZ (G/G ∩ V ) >
dimR (Rn /V ).
  (iv) Pour toute forme linéaire non nulle ϕ : Rn −→ R on a ϕ(G)
⊂ Q.
g11 · · · g1
 .. Indication. Voir M. Waldschmidt, Quelques aspects transcendants de la théorie des
 .
..
. .. 
.

  nombres algébriques, Cours de troisième cycle 1986/87, Publ. Math. Univ. P. et M. Curie
gn1 · · · gn (Paris VI), 89, lemme 3.12.
s1 · · · s
Exercice. Soient m et n deux entiers positifs, et soient ϑji , (1 ≤ j ≤ n, 1 ≤ i ≤ m) des
est de rang n + 1. nombres réels ; on pose
On peut remarquer que le cas n = 1 ne donne rien de nouveau par rapport au théorème γi = (ϑ1i , . . . , ϑni ) ∈ Rn , (1 ≤ i ≤ m)
1.1. et
Démonstration. δj = (ϑj1 , . . . , ϑjm ) ∈ Rm , (1 ≤ j ≤ n).
Notons déjà que l’implication (ii) ⇒ (iii) est triviale. Ainsi
(i) ⇒ (ii). Soient G un sous-groupe de type fini dense dans Rn , V un sous-espace de Rn Γ = Zn + Zγ1 + · · · + Zγm ⊂ Rn et ∆ = Zm + Zδ1 + · · · + Zδn ⊂ Rm
distinct de Rn et s : Rn → Rn /V la surjection canonique. Comme s est continue et que
G est dense dans Rn , s(G) = G/G ∩ V est dense dans Rn /V , donc rangZ (G/G ∩ V ) > sont les sous-groupes engendrés par les vecteurs colonnes des matrices
   
dimR (Rn /V ). 1 · · · 0 ϑ11 · · · ϑ1m 1 · · · 0 ϑ11 · · · ϑn1
.
 .. . .
. . .. .
.. . .. .
..  et  .. . . .
. . .. .
.. . .. .
..  .
(iii) ⇒ (i). Soit G un sous-groupe de Rn qui n’est pas dense. Montrons qu’il existe un
hyperplan H de Rn tel que rangZ (G/G ∩ H) ≤ 1. Désignons par G l’adhérence de G dans 0 · · · 1 ϑn1 · · · ϑnm 0 · · · 1 ϑ1m · · · ϑnm
Rn . Soit V le sous-espace vectoriel maximal de Rn contenu dans G. Etant donné que G Montrer que le sous-groupe Γ est dense dans Rn si et seulement si le sous-groupe ∆ est de
n’est pas dense dans Rn , on a V
= Rn . De plus (théorème 3.1) G/G ∩ V est discret dans rang n + m sur Z.
Rn /V . Soit H un hyperplan de Rn contenant V . Alors G/G ∩ H est discret dans Rn /H,
donc de rang ≤ 1 sur Z. La fin de cette section va être consacrée à une autre démonstration de l’équivalence
(iii) ⇔ (iv) L’application de HomR (Rn , R) \ {0} dans l’ensemble des hyperplans H de Rn (iv) ⇔ (i) de la proposition 4.3. On utilisera la notion de “sous-groupe associé” (voir [Bo
(qui, à une forme linéaire non nulle, associe son noyau) est surjective, et deux éléments ϕ1 , 1974] Chap. 7 §1 n◦ 3) qui sera encore utile au §5.
ϕ2 ont la même image si et seulement s’il existe x ∈ R× tel que ϕ2 = xϕ1 . Cette équivalence signifie qu’un sous-groupe de type fini G de Rn est dense dans Rn
L’équivalence (iv) ⇔ (v) résulte immédiatement de l’exercice ci-dessus qui établit un si et seulement si la seule forme linéaire ϕ : Rn → R qui envoie G dans Z est ϕ = 0. Noter
isomorphisme ϕ → χϕ entre HomR (Rn , R) et le groupe des caractères de Rn . que, tant qu’il s’agit de groupes de type fini, il revient au même de demander ϕ(G) ⊂ Z
ou ϕ(G) ⊂ Q.
(iv) ⇔ (vi) Dire que le rang de la matrice donnée dans la condition (v) est strictement De manière générale, quand G est un sous-groupe (pas nécessairement de type fini)
inférieur à n + 1 revient à dire qu’il existe des nombres réels c0 , c1 , . . . , cn , non tous nuls, de Rn , on définit le sous-groupe G∗ de HomR (Rn , R) associé à G par
tels que  
c1 g1j + · · · + cn gnj = c0 sj pour 1 ≤ j ≤ . G∗ = ϕ ∈ HomR (Rn , R); ϕ(G) ⊂ Z .
Proposition 4.4. – Soit G un sous-groupe de Rn ; l’adhérence G de G dans Rn est
Quand (s1 , . . . , s )
= (0, . . . , 0), on a (c1 , . . . , cn )
= (0, . . . , 0). L’existence de (c1 , . . . , cn )  
équivaut donc à celle d’une forme linéaire non nulle ϕ(x) = c1 x1 + · · · + cn xn telle que (G∗ )∗ = x ∈ Rn ; ϕ(x) ∈ Z pour tout ϕ ∈ G∗ .
rangZ ϕ(G) ≤ 1. Afin de démontrer la proposition 4.4 on établit deux lemmes.
Chapitre II. – Sous-groupes de Rn 29 30 Topologie des points rationnels

Lemme 4.5. – Si G est un sous-groupe de Rn , alors G∗ est un sous-groupe fermé de réseau G∗ est dual de G). Quel est le réseau dual de G∗ ?
HomR (Rn , R) et (G)∗ = G∗ . 3) Soient G1 et G2 deux réseaux de Rn , avec G2 ⊂ G1 . Vérifier que les deux groupes finis
G1 /G2 et G∗2 /G∗1 sont isomorphes.
Démonstration. Pour u et x dans Rn , notons (comme dans l’exercice précédent la propo-
sition 4.3) u · x ∈ R le produit scalaire standard. L’application de Rn dans HomR (Rn , R) Exercice. Soit G un sous-groupe de Rn .
qui envoie u sur x → u · x est un isomorphisme de groupes topologiques ; notons θ a) On suppose que pour tout hyperplan H de Rn , G/G ∩ H est dense dans Rn /H. Alors
l’isomorphisme inverse. Alors G est dense dans Rn .
  b) En déduire l’énoncé suivant : si G/G ∩ D est dense dans Rn /D pour toute droite D de
θ(G∗ ) = u ∈ Rn ; u · g ∈ Z pour tout g ∈ G ⊂ Rn Rn , alors G est dense dans Rn .
 
est intersection des fermés u ∈ Rn ; u · g ∈ Z , pour g décrivant G, donc est fermé dans
R .
n
§5. Sous-groupes minimaux de Rn
Pour ϕ ∈ G∗ , on a ϕ(G) ⊂ Z, et comme Z est discret dans R et ϕ continu, on a encore
ϕ(G) ⊂ Z, ce qui montre l’inclusion G∗ ⊂ (G)∗ . L’autre inclusion est banale : si G1 est un Dans [R 1990a] et [R 1990b], D. Roy introduit et étudie la notion de sous-groupe
sous-groupe de G2 , alors G∗2 est un sous-groupe de G∗1 . minimal dense de Rn : un sous-groupe de type fini G de Rn est dit minimal dense s’il
est dense dans Rn , et si aucun sous-groupe de G de rang strictement inférieur au rang
Lemme 4.6. – Soit G un sous-groupe fermé de Rn . Choisissons une base (e1 , . . . , en ) de
de G n’est dense dans Rn . Par exemple un sous-groupe de la forme Zn + Z(θ1 , . . . , θn )
Rn telle que
avec 1, θ1 , . . . , θn linéairement indépendants sur Q est minimal dense. Un autre exemple
G = Re1 + · · · + Rer + Zer+1 + · · · + Ze .
de sous-groupe minimal dense, de rang 2n, est donné par (Z + Zα)n , où α est un nombre
Désignons par (f1 , . . . , fn ) la base duale de (e1 , . . . , en ) : réel algébrique de degré 2 (quadratique). Si G est un sous-groupe minimal dense de Rn de
rang 2n, alors Roy montre qu’il existe une base u1 , . . . , un de Rn , et un corps quadratique
fi (ej ) = δij , (1 ≤ i, j ≤ n). réel k, tels que QG = ku1 + · · · + kun . De plus, tout sous-groupe minimal dense de Rn a
un rang ≤ 2n. Ceci est démontré dans [R 1990a], prop. 4.5.
Alors Nous démontrons dans cette section les résultats de D. Roy qui nous seront utiles
G∗ = Zfr+1 + · · · + Zf + Rf+1 + · · · + Rfn . dans la suite. Nous nous limitons au cas des deux corps Q ⊂ R qui interviennent pour la
densité, mais dans toute cette section on peut remplacer Q et R par deux corps k ⊂ K.
Démonstration. Toute forme linéaire sur Rn s’écrit de manière unique t1 f1 + · · · + tn fn ,
avec (t1 , . . . , tn ) ∈ Rn , et une telle forme linéaire envoie G dans Z si et seulement si on a Exercice. Soit α un nombre réel. Le sous-groupe G = (Z + Zα)2 de R2 est minimal dense
ti = 0 pour 1 ≤ i ≤ r et ti ∈ Z pour r < i ≤ . si et seulement si α est irrationnel quadratique.
Indication. Considérer les trois éléments (α, 0), (0, 1) et (1, α) de G.
Démonstration de la proposition 4.4. Si G est fermé, le lemme 4.6 donne facilement
(G∗ )∗ = G. Dans le cas général, on a G∗ = (G)∗ d’après le lemme 4.5, donc Nous utiliserons un résultat de D. Roy démontré dans [R 1992b], lemme 3.3, selon
 ∗ lequel, si G est un sous-groupe de type fini de Rn tel que tout sous-groupe de G de rang
(G∗ )∗ = (G)∗ = G. ≥ rangZ G − n + 1 soit dense dans Rn , alors il existe un sous-groupe de G de rang n + 1 qui
est dense dans Rn . Le résultat est un peu plus précis : on peut imposer aux sous-groupes
considérés de contenir un réseau G0 donné dans G. Ceci est d’ailleurs développé dans les
On déduit de la proposition 4.4 que G est dense dans Rn si et seulement si G∗ = {0}. travaux de Roy sous le nom de sous-groupe minimal relatif.
En effet, si G∗ = {0}, alors G = (G∗ )∗ = Rn et G est dense dans Rn . Inversement, si
Théorème 5.1 (Roy). – Soient G un sous-groupe de type fini de Rn et G0 un sous-
G = Rn , alors (G)∗ = {0}, et en utilisant le lemme 4.5 on peut conclure G∗ = {0}.
groupe de G discret dans Rn ; on suppose qu’aucun sous-groupe de G, contenant G0 , et de
Exercice. rang n + 1 sur Z, n’est dense dans Rn . Alors il existe un sous-groupe de G, contenant G0 ,
1) Soient G1 et G2 des sous-groupes fermés de Rn . Vérifier de rang ≥ rangZ G − n + 1, qui n’est pas dense dans Rn .

(G1 + G2 )∗ = G∗1 ∩ G∗2 et (G1 ∩ G2 )∗ = G∗1 + G∗2 . Par exemple le sous-groupe (Z + Z 2)n de Rn est de rang 2n, il est dense dans Rn ,
et il ne contient aucun sous-groupe de rang < 2n qui soit dense dans Rn .
Démonstration. On peut supposer que G est dense dans Rn , sinon la conclusion est banale.
2) Soit G un réseau de Rn . Vérifier que G∗ est un réseau de HomR (Rn , R) (on dit que le Il n’y a pas de restriction à supposer que G0 est un réseau de Rn (tout sous-groupe discret
Chapitre II. – Sous-groupes de Rn 31 32 Topologie des points rationnels

de G est contenu dans un réseau inclus dans G). Par hypothèse, pour tout g dans G, le Lemme 5.2. – Soient E1 et E2 deux Q-espaces vectoriels et F un sous-espace vectoriel
sous-groupe G0 + Zg de G n’est pas dense dans Rn ; la proposition 4.3 montre qu’il existe de HomQ (E1 , E2 ). On suppose que E1 et F sont de dimension finie. Soit S un élément de
une forme linéaire non nulle φ sur Rn telle que φ(G0 ) ⊂ Z et φ(g) ∈ Z. On introduit le F de rang maximal. Alors pour tout T ∈ F on a
réseau dual G∗0 de G0 :
T (Ker S) ⊂ Im S.
G∗0 = {φ ∈ HomR (Rn , R); φ(G0 ) ⊂ Z};
(voir la fin de la section 4). Ainsi pour tout g dans G, Dans la démonstration du théorème 5.1, on avait
X(g) = {φ ∈ G∗0 ; φ(g) ∈ Z}
E1 = QG∗0 , E2 = R/Q, F = θ(QG), S = θ(g1 ), T = θ(g).
est un sous-Z-module non nul de G∗0 .
On choisit d’abord g1 ∈ G tel que X(g1 ) soit de rang
minimal sur Z, puis φ1 ∈ X(g1 ), φ1
= 0, et on pose Comme φ1 ∈ Ker S, on obtient
G1 = {g ∈ G; φ1 (g) ∈ Z}.
φ1 (g) + Q = θ(g)(φ1 ) ∈ Im S = Im θ(g1 ).
Ainsi G1 est sous-groupe de G contenant G0 , et la forme linéaire non nulle φ1 vérifie
φ1 (G1 ) ⊂ Z, donc (proposition 4.3) G1 n’est pas dense dans Rn . Il ne reste plus qu’à Démonstration. Soient u un élément de Ker S et (u1 , . . . , ur ) une base d’un supplémentaire
vérifier que G1 a un rang sur Z au moins égal à rangZ G − n + 1. de Ker S dans E1 . L’image de S est le Q-espace vectoriel engendré par S(u1 ), . . . , S(ur ).
Il est plus commode de travailler avec des Q-espaces vectoriels qu’avec des Z-modules : On veut montrer que T (u) appartient à ce sous-espace, c’est-à-dire que les r + 1 éléments
on désigne par QG le Q-espace vectoriel engendré par G dans Rn :
QG = {x ∈ Rn ; il existe d ∈ Z, d > 0, tel que dx ∈ G}. S(u1 ), . . . , S(ur ), T (u)

On définit de même QG∗0 ⊂ HomR (Rn , R). Pour


chaque g ∈ QG, on définit une application sont linéairement dépendants sur Q.
Q-linéaire θ(g) de QG∗0 dans R/Q qui envoie φ
sur la classe de φ(g) modulo Q. Le noyau Pour tout x ∈ Q, le rang de S + T x est ≤ r, et par conséquent les r + 1 éléments
de θ(g) est QX(g). On obtient un homomorphisme
θ : QG −→ HomQ (QG∗0 , R/Q) (S + xT )(u1 ), . . . , (S + xT )(ur ), (S + xT )(u)
g −→ θ(g) : φ → φ(g) + Q.
sont linéairement dépendants sur Q. Comme S(u) = 0, on en déduit que pour tout x ∈ Q,
Le choix qui a été fait de g1 ∈ G avec X(g1 ) de rang minimal signifie que l’application
linéaire θ(g1 ) est de rang maximal. Comme 0
= φ1 ∈ Ker θ(g1 ), θ(g1 ) n’est pas injective (S + xT )(u1 ), . . . , (S + xT )(ur ), xT (u)
et la dimension sur Q de l’image de θ(g1 ) est < n. Le lemme suivant, encore dû à D. Roy,
donne, pour tout g ∈ QG,
sont linéairement dépendants sur Q. Pour x
= 0, cela veut dire que
φ1 (g) + Q = θ(g)(φ1 ) ∈ Im θ(g1 ).
(S + xT )(u1 ), . . . , (S + xT )(ur ), T (u)
Alors l’application
θ1 : QG −→ R/Q
sont linéairement dépendants sur Q. Ceci est encore vrai pour x = 0 : en effet, ces conditions
g −→ φ1 (g) + Q
s’expriment par l’annulation des mineurs (r + 1) × (r + 1) d’une matrice à coefficients dans
a une image contenue dans celle de θ(g1 ). En particulier l’image de θ1 est un Q-espace Q ; ces mineurs sont des polynômes en x, et le fait que le coefficient de x soit nul signifie
vectoriel de dimension ≤ n − 1. Des égalités que S(u1 ), . . . , S(ur ), T (u) sont linéairement dépendants sur Q.
dimQ Ker θ1 + dimQ Im θ1 = dimQ QG = rangZ G, Remarque. L’ensemble des S ∈ F de rang maximal forme un ouvert de Zariski de F .
on déduit (L’espace vectoriel F est de dimension finie sur Q ; un choix de base l’identifie à Qn , et la
dimQ Ker θ1 ≥ rangZ G − n + 1. topologie de Zariski sur F est induite par celle sur l’espace affine de dimension n sur Q).
En effet, si (T1 , . . . , Tn ) est une base de F sur Q, un choix de bases de E1 et E2 permet
Enfin Ker θ1 ⊂ QG1 , donc rangZ G1 = dimQ QG1 ≥ rangZ G − n + 1. d’associer à Ti une matrice Mi ; pour chaque entier m ≥ 0, soit Im l’idéal de Q[X1 , . . . , Xn ]
Il reste encore à établir le lemme suivant qui vient d’être utilisé (voir [R 1990a], lemme engendré par les mineurs m × m de la matrice X1 M1 + · · · + Xn Mn ; soit enfin r le plus
3.4) : grand entier tel que l’idéal Ir ne soit pas nul. Alors tout élément de F a un rang ≤ r, et les
Chapitre II. – Sous-groupes de Rn 33 34 Topologie des points rationnels

éléments de F de rang < r sont ceux de la forme a1 T1 + · · · + an Tn où (a1 , . . . , an ) ∈ Qn §6. Sous-groupes de Cn
est un zéro de Ir ; ils forment donc un fermé de Zariski.
Le théorème de Kronecker permet aussi de donner un critère pour qu’un sous-groupe
Exercice. Soient n et s des entiers positifs et M1 , . . . , Ms des matrices carrées n × n à de type fini Cn soit dense. On identifie C avec R2 (et donc Cn avec R2n ) en prenant la
coefficients rationnels. On désigne par partie réelle et la partie imaginaire : pour z ∈ C on écrit z = e z + im z. On travaillera
  plutôt avec le complexe conjugué (on désignera par z = e z −im z le complexe conjugué
F = M1 x1 + · · · + Ms xs ; (x1 , . . . , xs ) ∈ Qs de z ∈ C), ce qui revient fondamentalement au même, puisque
le sous-espace vectoriel de Matn×n (Q) engendré par M1 , . . . , Ms . On suppose que tout     
élément de F a un déterminant nul. On suppose aussi qu’il existe un élément S de F de z1 · · · zn 1 i e z1 · · · e zn
= .
rang n − 1. Soient u et v deux éléments de Qn tels que Su = 0 et vS = 0. Montrer que z̄1 · · · z̄n 1 −i m z1 · · · m zn
pour tout T ∈ F , on a vT u = 0.
N.B. Les relations Su = 0, vS = 0 et vT u = 0 s’écrivent respectivement Quand V et V sont deux espaces vectoriels sur C, un anti-isomorphisme est un isomor-
    phisme de R-espaces vectoriels τ : V −→ V qui vérifie
u1 0
. .
S  ..  =  ..  , ( v1 · · · vn ) S = ( 0 · · · 0 ) pour λ ∈ C et z ∈ V .
τ (λz) = λτ (z)
un 0  
L’application R-linéaire ϕ de V dans V × V , qui envoie z sur z, τ (z) , a pour image
et  
u1   
( v1
.
· · · vn ) T  ..  = ( 0 ) . ϕ(V ) = z, τ (z) ; z ∈ V ⊂ V × V ,
un
qui n’est pas un sous-C-espace vectoriel de V × V , mais qui est isomorphe à V comme
R-espace vectoriel.
Mode d’emploi des résultats des sections 4 et 5. On veut montrer que certains sous-groupes
G de Rn sont denses ; par exemple on s’intéressera aux sous-groupes engendrés par des  de V sur C, alors (e1 , . . . , en , ie1 , . . . , ien ) est une base de
Si (e1 , . .. , en ) est une base
V sur R, et τ (e1 ), . . . , τ (en ) est une base de V sur C. Pour z = z1 e1 + · · · + zn en ∈ V
points dont les coordonnées sont des logarithmes de nombres algébriques. Pour utiliser la
condition (iii) de la proposition 4.3, on est amené à rechercher une majoration du rang de avec (z1 , . . . , zn ) ∈ Cn , on a τ (z) = z 1 τ (e1 ) + · · · + z n τ (en ) ∈ V et
G∩H, quand H est un hyperplan de Rn , à savoir rangZ G∩H ≤ rangZ G−2. Pour certaines
n
 
classes de groupes G, on obtiendra une majoration de rangZ G∩H indépendante du rang de ϕ(z) = (e zν )ϕ(eν ) + (m zν )ϕ(ieν ) .
G ; alors il suffira de prendre un groupe G dans une telle classe de rang suffisamment élevé ν=1
pour conclure à la densité. De même, en appliquant le théorème 5.1, on pourra conclure  
que G contient un sous-groupe de rang n + 1 dense dans Rn . Ainsi ϕ(e1 ), . . . , ϕ(en ), ϕ(ie1 ), . . . , ϕ(ien ) est une base de ϕ(V ) sur R.
Corollaire 5.3. – Soient n,  et k trois entiers positifs et G un sous-groupe de type fini de Voici le lemme qui nous permettra de ramener le problème de la densité complexe à
Rn de rang  sur Z. On suppose que pour tout hyperplan H de Rn , on a rangZ G ∩ H ≤ k. une question diophantienne.
(i) Si  ≥ k + 2, alors G est dense dans Rn .
Proposition 6.1. – Soient V et V deux espaces vectoriels sur C, τ : V −→  V un anti-
(ii) Si  ≥ k + n + 1, alors G contient un sous-groupe de rang n + 1 qui est dense dans Rn .
isomorphisme et ϕ l’application R-linéaire de V dans V × V qui envoie z sur z, τ (z) . Soit
Démonstration. La propriété (i) résulte de l’équivalence (i) ⇔ (iii) dans la proposition 4.3 : G un sous-groupe de type fini de V ; on définit G  = ϕ(G) :
si rangZ G ∩ H ≤  − 2 pour tout hyperplan H de Rn , alors rangZ G/G ∩ H ≥ 2 et G est
  
dense dans Rn . =
G g, τ (g) ; g ∈ G ⊂ V × V .
Supposons maintenant rangZ G ∩ H ≤  − n − 1 pour tout hyperplan H de Rn . Soit
G un sous-groupe de G de rang ≥  − n + 1. On a Alors les quatre conditions suivantes sont équivalentes :

rangZ G ∩ H ≤ rangZ G ∩ H ≤  − n − 1, (i) G est dense dans V .
(ii) G est dense dans ϕ(V ).
donc rangZ G /G ∩H ≥ 2 pour tout hyperplan H de Rn , ce qui montre que tout sous-groupe (iii) Pour tout hyperplan complexe H de V × V on a
de G de rang ≥  − n + 1 est dense dans Rn . Le théorème 5.1 permet de conclure.
 
 G
rangZ G/  ∩ H ≥ 2.
Chapitre II. – Sous-groupes de Rn 35 36 Topologie des points rationnels

(iv) Choisissons une base (e1 , . . . , en ) de V sur C et des générateurs g1 , . . . , g de G sur Z ;


Remarque. On sait par la proposition 4.3 que la condition (i) équivaut à la suivante :
écrivons les coordonnées des gj dans la base (e1 , . . . , en ) :
(v) Pour tout hyperplan réel L de V , on a
gj = g1j e1 + · · · + gnj en , (1 ≤ j ≤ );  
rangZ G/G ∩ L ≥ 2.
pour tout (s1 , . . . , s ) dans Z distinct de (0, . . . , 0), la matrice Choisissons une base (e1 , . . . , en ) de V sur C. Pour chaque ϑ = (ϑ1 , . . . , ϑn ) ∈ Cn avec
g · · · g1  ϑ
= 0, on définit un hyperplan (complexe) Hϑ de V × V par
11
 .. .. ..    
 . . .   n n
n
n 
  Hϑ =  wj τ (ej ) ;
 gn1 · · · gn  
zj ej , ϑ j zj + ϑj wj = 0 .

 
 g 11 · · · g 1  j=1 j=1 j=1 j=1
 . .. 
 . .. 
 . . .  On va vérifier que la condition (v) est encore équivalente à :
 
g n1 · · · g n (vi) Pour tout ϑ ∈ Cn , ϑ
= 0, on a
s1 · · · s  
 G
rangZ G/  ∩ Hϑ ≥ 2.
est de rang 2n + 1.
Ecrivons pour cela une équation de L :
Remarque. La condition (iii) s’exprime aussi de la manière suivante : pour tout forme  
 ≥ 2.
linéaire complexe non nulle ϕ : V × V → C, on a rangZ ϕ(G)  n
n
n 
L = Lλ,µ = (xj + iyj )ej ; λj xj + µj yj = 0 ,
 
Démonstration. L’équivalence entre (i) et (ii) est claire : l’application linéaire ϕ est injective, j=1 j=1 j=1

elle induit un isomorphisme de V sur ϕ(V ), et on a posé G  = ϕ(G).


avec (λ, µ) = (λ1 , . . . , λn , µ1 , . . . , µn ) ∈ R \ {0}. On établit une bijection entre l’ensemble
2n
L’équivalence entre (iii) et (iv) est aussi facile : dire qu’il existe des entiers rationnels
des hyperplans complexes de V × V de la forme Hϑ , et l’ensemble de tous les hyperplans
non tous nuls s1 , . . . , s tels que la matrice de la condition (iv) ne soit pas de rang 2n + 1
réels de V , en faisant correspondre à Hϑ l’hyperplan Lλ,µ avec ϑj = λj − iµj , (1 ≤ j ≤ n).
revient à dire qu’il existe des nombres complexes ϑ1 , . . . , ϑn , κ1 , . . . , κn , non tous nuls, tels
Dans ces conditions, pour z ∈ V , on a z ∈ Lλ,µ si et seulement si ϕ(z) ∈ Hϑ . Donc
que, pour tout (z1 , . . . , zn ) dans G, on ait
   
rangZ G/G ∩ Lλ,µ = rangZ G/  G ∩ Hϑ .

n
n
ϑ j zj + κj z j ∈ Z;
j=1 j=1
Ceci montre que les conditions (i), (v) et (vi) sont équivalentes.
n n Remarque. Le fait que (vi) est conséquence de (iii) est évident. D’autre part, on peut
ceci signifie donc que l’hyperplan d’équation j=1 ϑj zj + j=1 κj z j = 0 dans V × V ne déduire directement (iii) de (vi) de la manière suivante. Supposons qu’il existe un hyperplan
vérifie pas la condition (iii). H de V × V tel que
Pour vérifier l’équivalence entre les condition (ii)et (iv), on utilise l’équivalence (i) ⇔  
rangZ G/ G ∩ H ≤ 1.
(vi) des conditions de la proposition 4.3, en prenant ϕ(e1 ), . . . , ϕ(en ), ϕ(ie1 ), . . . , ϕ(ien )
pour base de ϕ(V ), et on remarque que la matrice de la condition (iv) a le même rang que On choisit une équation de H de la forme
la matrice à coefficients réels   
 n
n
n
n 
 
e g11 · · · e g1 H=  zj ej , wj τ (ej ) ; ϑ j zj + κj wj = 0 ,
 
 .. .. ..  j=1 j=1 j=1 j=1
 . . . 
 
 e gn1 · · · e gn  (avec ϑ1 , . . . , ϑn , κ1 , . . . , κn nombres complexes non tous nuls), de sorte que, pour tout
 
 m g11 · · · m g1  z1 e1 + · · · + zn en dans G, on ait
 
 .. .. .. 
 . . . 
n
n
 
m gn1 · · · m gn ϑ j zj + κj z j ∈ Z.
s1 ··· s j=1 j=1
Chapitre II. – Sous-groupes de Rn 37 38 Topologie des points rationnels

On a alors aussi, en conjugant, Dans un premier temps on suppose que R (groupe de Lie réel commutatif) est
connexe : alors (par exemple d’après (19.7.9.2) dans [D 1972]) R est isomorphe à un produit

n
n
Rp × (R/Z)q , où p et q sont deux entiers ≥ 0, et p + q = n est la dimension de R (on peut
κ j zj + ϑj z j ∈ Z,
prendre cela comme définition de R). Cela veut dire qu’il existe un homomorphisme de
j=1 j=1
groupes de Lie surjectif h : Rn → R, dont le noyau est un sous-groupe discret H de Rn ,
donc avec rangZ H = q. Soit RH (resp. QH) le sous-espace de Rn sur R (resp. sur Q) engendré

n
n
par H. Alors H est un réseau de RH, h(RH) est le sous-groupe compact maximal de R,
(ϑj + κj )zj + (κj + ϑj )z j ∈ Z. isomorphe à (R/Z)q , tandis que h(QH) est le sous-groupe de torsion de R, isomorphe à
j=1 j=1
(Q/Z)q .
Si (ϑ1 , . . . , ϑn )
= −(κ1 , . . . , κn ), on pose ϑj = ϑj + κj , (1 ≤ j ≤ n) ; sinon, on pose
Quelques exemples. Le groupe multiplicatif R×
+ est un groupe de Lie réel connexe isomorphe
ϑj = iϑj . Dans les deux cas on voit que l’hyperplan Hϑ de V × V vérifie à R. Le groupe multiplicatif R× est un groupe de Lie réel non connexe isomorphe à
  R × (Z/2Z). Un groupe de Lie complexe a une structure naturelle de groupe de Lie réel.
 G
rangZ G/  ∩ Hϑ ≤ 1.
L’application exponentielle exp : C → C× dont le noyau est 2iπZ, induit un isomorphisme
entre C× et C/2iπZ. Quand on compose avec l’isomorphisme R2 → C qui envoie (x, y) ∈ R2
On va appliquer la proposition 6.1 en prenant pour V et V l’espace Cn et pour τ sur x + iy ∈ C, on obtient un morphisme surjectif h : (x, y) → ex+iy de R2 sur C× de
l’anti-isomorphisme donné par la conjugaison complexe sur chacune des n composantes ; noyau {0} × 2πZ, qui donne un isomorphisme de groupes de Lie réels entre R × (R/Z) et
on le notera encore z → z. C× . L’image par cet isomorphisme du tore R/Z est le sous-groupe compact maximal U de
C× .
Corollaire 6.2. – Soient n,  et k trois entiers
 positifs
 etG un sous-groupe de type fini
de Cn de rang  sur Z. On pose encore G  = g, g ; g ∈ G , et on suppose que pour tout
hyperplan complexe H de C2n , on a rangZ G  ∩ H ≤ k.
R n p q h H
(i) Si  ≥ k + 2, alors G est dense dans Cn .
(ii) Si  ≥ k + 2n + 1, alors G contient un sous-groupe de rang 2n + 1 qui est dense dans R d
d d 0 h(x) = x {0}
Cn .
(R×
+)
d
d d 0 h(x) = exp x {0}
Démonstration. La première affirmation résulte de l’équivalence entre les condition (i) et C d
2d 2d 0 h(x, y) = x + iy {0}
 ∩ H ≤  − 2n − 1
(iii) dans la proposition 6.1. Pour montrer la seconde, on suppose rangZ G
(C× )d 2d d d h(x, y) = exp(x + iy) ({0} × 2πZ)d
pour tout hyperplan complexe H de C2n . Soit G un sous-groupe de G de rang ≥ −2n+1.
On a
rangZ G ∩ H ≤ rangZ G ∩ H ≤  − 2n − 1,
Les caractères d’un groupe de Lie réel commutatif R sont les homomorphismes continus
donc rangZ G /G ∩ H ≥ 2 pour tout hyperplan complexe H de C2n , ce qui montre (grâce de R dans R/Z. Supposons de nouveau R connexe. Soit π : R → R/Z la projection
à la proposition 6.1) que tout sous-groupe de G de rang ≥  − 2n + 1 est dense dans Cn . canonique. Pour chaque caractère χ de R, χ ◦ h est un caractère du groupe additif Rn ,
Le théorème 5.1 (avec n remplacé par 2n) permet de conclure. donc il existe une forme linéaire φ : Rn → R telle que χ ◦ h = π ◦ φ :
h
Rn −−−−−→ 
R
§7. Sous-groupes de type fini d’un groupe de Lie réel ou complexe  
 
φ χ
Dans cette section on utilise les considérations précédentes pour étendre les résultats  
aux groupes de Lie commutatifs de dimension n ≥ 0. Les notions dont nous avons besoin R −−−−−→ R/Z
sur les groupe de Lie sont exposées par exemple dans [D 1972], t.3, Chap. 16, §9 et t.4, π
Chap. 19. Cela détermine un isomorphisme entre le groupe des caractères de R et le groupe additif
Un groupe de Lie réel est un groupe G muni d’une structure de variété différentiable des formes linéaires sur Rn qui appliquent H dans Z.
telle que les applications (x, y) → xy et x → x−1 soient de classe C ∞ . Un groupe de Lie
complexe est un groupe G muni d’une structure de variété analytique complexe telle que Lemme 7.1. – Soient R un groupe de Lie réel commutatif connexe et Γ un sous-groupe
les applications (x, y) → xy et x → x−1 soient holomorphes. de type fini de R. Les assertions suivantes sont équivalentes.
Chapitre II. – Sous-groupes de Rn 39 40 Topologie des points rationnels

(i) Γ est dense dans R. Exemple 1. Sous-groupes de type fini de (R× )n .


(ii) Si χ est un caractère non trivial de R, alors le noyau de χ ne contient pas Γ. On déduit du lemme 1.5 un critère de densité pour un sous-groupe multiplicatif Γ de type
fini de (R× )n de la manière suivante.
Démonstration. Posons G = h−1 (Γ) ; alors G est un sous-groupe de Rn qui contient H,
Commençons par considérer la composante connexe (R× n
+ ) de l’élément neutre dans
et Γ est dense dans R si et seulement si G est dense dans Rn . La proposition 4.3 montre
(R× )n . Soit Γ0 un sous-groupe de (R×+ )n
; on désigne par Y l’image inverse de Γ0 dans Rn
qu’une condition nécessaire et suffisante pour qu’il en soit ainsi est que G ne soit contenu
par l’application exponentielle :
dans aucun noyau d’un caractère non trivial de Rn .
Exercice. Vérifier qu’un sous-groupe Γ de R contient un sous-groupe de type fini dense Y = {y ∈ Rn ; exp(y) ∈ Γ0 } ⊂ Rn ;
dans R si et seulement si aucun caractère non trivial de R n’envoie Γ dans Q/Z.
comme l’application exponentielle établit un isomorphisme continu entre Rn et (R× n
+ ) , il
Dans le §2 de [R 1992b] est démontré le résultat suivant : le rang d’un sous-groupe × n
en résulte que Γ0 est dense dans (R+ ) si et seulement si Y est dense dans R . Choisissons
n
minimal dense de Rp × (R/Z)q est ≤ 2p + q (on a déjà vu le cas q = 0). La démontration
des générateurs γ1 , . . . , γ du Z-module Γ0 et écrivons les coordonnées des γj dans la base
nécessite l’étude des sous-groupes denses de Rn minimaux relativement à un sous-groupe
canonique de Rn :
discret H de Rn .
γj = (γ1j , . . . , γnj ), avec γνj > 0 pour 1 ≤ ν ≤ n, 1 ≤ j ≤ ,
Nous utiliserons la notation suivante [R 1992b] : si G est un groupe topologique
commutatif, le nombre m(G) désignera le plus petit rang (comme groupe abélien) d’un
de sorte que  !
sous-groupe de G dense dans G. Ainsi, quand G est un groupe abélien fini muni de la 
topologie discrète, le nombre m(G) est le rang de G. Si p et q sont des entiers ≥ 0 avec Γ0 = s1
γν1 · · · γν
s
1≤ν≤n
; (s1 , . . . , s ) ∈ Z .
p + q > 0, on a   D’après la proposition 4.3, Γ0 est dense dans (R× n
+ ) si et seulement si, pour tout (s1 , . . . , s )
m Rp × (R/Z)q = p + 1.
dans Z distinct de (0, . . . , 0), la matrice


Exercice. Soient a, b, c, d des entiers ≥ 0 avec a + b + c + d > 0. Vérifier que le groupe  


log γ11 · · · log γ1
de Lie réel  .. .. .. 
G = Ra × (R× )b × Cc × (C× )d  . . . 
 
log γn1 · · · log γn
est isomorphe à s1 ··· s
Rp × (R/Z)d × (Z/2Z)b
est de rang n + 1.
avec p = a + b + 2c + d. En déduire m(G) = a + b + 2c + d + 1.
Une fois qu’un sous-groupe Γ de (R× )n a une intersection Γ0 = Γ ∩ (R× n × n
+ ) avec (R+ )
Indication. On notera que G possède 2b composantes connexes ; si G0 est la composante × n
qui est dense, l’adhérence de Γ est une réunion de composantes connexes de (R ) ; en
connexe de l’élément neutre, le groupe quotient G/G0 est de rang – comme groupe abélien
particulier un tel sous-groupe Γ est dense dans (R× )n si et seulement s’il a un point dans
– égal à b ; on utilisera l’inégalité p + 1 ≥ b.
chacune des 2n composantes. Il suffit en fait de vérifier que l’intersection de Γ avec les n
Théorème 7.2 (Roy). – Soient R un groupe de Lie réel commutatif connexe de dimension composantes connexes
n et Γ un sous-groupe de type fini de R, de rang  sur Z. On suppose que tout sous-groupe  
de Γ de rang ≥  − n + 1 sur Z est dense dans R. Alors il existe un sous-groupe de Γ, de Cν = (x1 , . . . , xn ) ∈ (R× )n ; xν < 0, xµ > 0, (1 ≤ µ ≤ n, µ
= ν) , (1 ≤ ν ≤ n)
rang m(R) sur Z, qui est dense dans R.
n’est pas vide :
Démonstration. Désignons par q le rang du noyau H de h, et par G = h−1 (Γ) l’image
inverse de Γ dans Rn ; alors G est un sous-groupe de Rn de rang  + q qui contient H, et Lemme 7.3. – Soit Γ un sous-groupe de type fini de (R× )n dont l’intersection Γ ∩ (R×+)
n

tout sous-groupe de G de rang ≥  + q − n + 1 qui contient H est dense dans Rn . D’après avec (R×+ )n
est dense dans (R × n
+ ) . Les conditions suivantes sont équivalentes :
le théorème 5.1 de Roy, il existe un sous-groupe de G de rang n + 1 qui contient H et qui (i) Γ est dense dans (R× )n .
est dense dans Rn ; son image par h est un sous-groupe de Γ, de rang n + 1 − q = m(R), (ii) Pour 1 ≤ ν ≤ n, Γ ∩ Cν
= ∅.
qui est dense dans R.
Démonstration. Les images de C1 , . . . , Cn par la surjection (R× )n → (Z/2Z)n forment un
Exercice. Inversement, déduire le théorème 5.1 du théorème 7.2. système générateur du groupe (Z/2Z)n .
Chapitre II. – Sous-groupes de Rn 41 42 Topologie des points rationnels

Exercice. Soit G est un sous-groupe de (R× n


+ ) , dense et de type fini. Montrer qu’il existe Quand on se restreint aux (s1 , . . . , s , t1 , . . . , tn ) ∈ Z+n pour lesquels t1 = · · · = tn = 0, la
un sous-groupe Γ de (R× )n , dense et de type fini, tel que G soit contenu dans Γ et d’indice condition que l’on trouve exprime que la projection de Γ sur Rn (c’est-à-dire la projection
2n dans Γ. de Γ sur le quotient de (C× )n par le sous-groupe compact maximal) est dense dans Rn .

Exercice. En utilisant le théorème 7.2, donner une condition suffisante pour qu’un sous- Exercice. Soit Γ un sous-groupe de (C× )n de rang n+1 et soient γ1 , . . . , γn+1 des éléments
groupe de type fini de (R× )n contienne un sous-groupe de rang n + 1 qui soit dense dans multiplicativement indépendants de Γ. Choisissons des éléments xj et yj dans Rn avec
(R× )n .
γj = exp(xj + iyj ), (1 ≤ j ≤ n + 1).
Exemple 2. Sous-groupes de type fini de (C× )n .
On définit des nombres réels
On a vu que C× était isomorphe, comme groupe de Lie réel, à R × (R/Z) ; de plus C× est
 
connexe et m(C× )n = n + 1.
∆h = det xνj , (1 ≤ h ≤ n + 1)
Soient γ1 , . . . , γ des éléments multiplicativement indépendants de (C× )n ; on veut 1≤ν≤n
1≤j≤n+1, j=h
savoir si le sous-groupe Γ qu’ils engendrent est dense dans (C× )n . Ecrivons les coordonnées
et x x1,n+1 
des γj dans la base canonique :
11 ···
γj = (γ1j , . . . , γnj ), (1 ≤ j ≤ ).  .. .. .. 
δk = det 

. . . ,
 (1 ≤ k ≤ n).
On choisit ensuite des logarithmes g1 , . . . , g de γ1 , . . . , γ respectivement : xn1 ··· xn,n+1
yk1 ··· yk,n+1
gj = (g1j , . . . , gnj ), (1 ≤ j ≤ ). Vérifier que les conditions suivantes sont équivalentes :
Ainsi gνj est un nombre complexe vérifiant e = γνj , (1 ≤ ν ≤ n, 1 ≤ j ≤ ) ; ce nombre
gνj (i) Le sous-groupe Γ est dense dans (C× )n .
complexe n’est déterminé que modulo 2iπZ ; mais le sous-groupe (ii) Les 2n + 1 nombres réels

G = Zg1 + · · · + Zg + (2iπZ)n ⊂ Cn 1 1


∆1 , . . . , ∆n+1 , δ1 , . . . , δn ,
π π
ne dépend pas des choix de ces logarithmes : si exp : Cn → (C× )n désigne encore
l’application exponentielle, on a G = exp−1 (Γ). Par abus de notation on posera gνj = sont linéairement indépendants sur Q.
log γνj et on écrira log(γνj /γ νj ) au lieu de gνj − g νj (où z désigne toujours le nombre (iii) Pour s1 , . . . , sn+1 , t1 , . . . , tn dans Z non tous nuls, le déterminant des n + 1 vecteurs
complexe conjugué de z).
(x1j , . . . , xnj , t1 y1j + · · · + tn ynj + sj π), (1 ≤ j ≤ n + 1)
On en déduit que le sous-groupe Γ est dense dans (C× )n si et seulement si, pour tout
(s1 , . . . , s , t1 , . . . , tn ) ∈ Z+n différent de (0, . . . , 0), la matrice suivante a pour rang 2n+1 :
n’est pas nul.
 
log |γ11 | ··· log |γ1 | 0 ··· 0 Exemple (n = 1). Soient γ1 = ex1 +iy1 et γ2 = ex2 +iy2 deux nombres complexes. Les
 .. .. . . .. .. 
.
 . . .. .. .  conditions suivantes sont équivalentes :
 
 log |γn1 | ··· log |γn | 0 ··· 0  (i) Le sous-groupe
 
 log(γ11 /γ 11 ) · · · log(γ1 /γ 1 ) 2iπ · · · 0  Γ = {γ1s1 γ2s2 ; (s1 , s2 ) ∈ Z2 }
 
 
 ... ..
. ... ... ..
. ...  est dense dans C× .
 
 log(γn1 /γ ) · · · log(γn /γ ) 0 · · · 2iπ  (ii) Les 3 nombres réels
n1 n
1
s1 ··· s t 1 · · · tn x1 , x2 , (x1 y2 − x2 y1 )
π
Par combinaisons linéaires des lignes, on voit que cette condition équivaut à dire que, pour sont linéairement indépendants sur Q.
tout (s1 , . . . , s , t1 , . . . , tn ) ∈ Z+n différent de (0, . . . , 0), les  éléments suivants de Rn+1 (iii) Pour s1 , s2 , t entiers rationnels non tous trois nuls, le déterminant
engendrent Rn+1 :
 
  x1 x2
log |γ1j |, . . . , log |γnj |, 2iπsj + t1 log(γ1j /γ 1j ) + · · · + tn log(γnj /γ nj ) (1 ≤ j ≤ ). det
ty1 + s1 π ty2 + s2 π
Chapitre II. – Sous-groupes de Rn 43

n’est pas nul. III. – Le problème de densité pour les groupes algébriques linéaires
Exercice. En utilisant le théorème 7.2, donner une condition suffisante pour qu’un sous-
groupe de type fini de (C× )n contienne un sous-groupe de rang n + 1 qui soit dense dans
(C× )n .

Exemple 3. Un cas mixte : plongement canonique d’un corps de nombres.


Pour donner une colloration arithmétique à ce chapitre, nous allons terminer par un
exemple dans lequel on considère un sous-groupe engendré par des éléments algébriques
(aucun des autres énoncés ne faisait intervenir une telle hypothèse).
Soit k un corps de nombres de degré n sur Q : il existe un élément α de k tel que k
soit égal à Q(α). Désignons par f ∈ Q[X] le polynôme irréductible de α sur Q ; le degré Soient d0 et d1 deux entiers ≥ 0 avec d = d0 +d1 > 0. On considère le groupe algébrique
de f est égal à n. On désigne par α1 , . . . , αn les n racines (deux-à-deux distinctes, car f linéaire G = Gda0 × Gdm1 . Soient k un corps de nombres, Γ un sous-groupe de type fini de
est irréductible) de f dans C : G(k) = k d0 × (k × )d1 et v une place archimédienne de k. On désigne par kv le complété de
k en v (ce corps est R ou C suivant que la place v est réelle ou complexe). Notre but est de

n donner des conditions suffisantes pour assurer que l’image de Γ dans G(kv ) = kvd0 × (kv× )d1
f (X) = (X − αj ). est dense. Nous commençons par quelques exemples simples. D’abord quand le groupe de
j=1 Lie réel G(kv ) est de dimension 1, alors kv = R, et G est soit le groupe additif, soit le
groupe multiplicatif ; dans chacun des deux cas le problème de transcendance que nous
On choisit une numérotation de ces racines de telle sorte que les nombres α1 , . . . , αr1 soient étudions est complétement résolu par le théorème 1.1 du chapitre II : un sous-groupe de
réels, tandis que, pour r1 < j ≤ r1 + r2 , les deux nombres complexes αj et αr2 +j sont type fini Γ de R (resp. R× + ) est dense si et seulement si son rang sur Z est ≥ 2. En particulier
conjugués ; les entiers r1 et r2 ainsi déterminés ne dépendent pas du choix du générateur l’arithmétique n’intervient pas : on ne gagne rien à supposer que Γ est contenu dans le
α de k ; ils satisfont 0 ≤ r1 ≤ n, 0 ≤ r2 ≤ n et r1 + 2r2 = n. Le couple (r1 , r2 ) est la groupe des points dont les coordonnées sont des nombres algébriques.
signature du corps de nombres k. Dans la première section nous supposons que le groupe de Lie réel G(kv ) est
Pour chaque indice j dans l’intervalle 1 ≤ j ≤ n, il existe un unique homomorphisme de dimension 2. Il n’y a que trois groupes à envisager : (Ga × Gm )(R) = R × R× ,
de corps de k dans C qui envoie α sur αj ; on le note σj . L’image de σj est Q(αj ). Pour G2m (R) = (R× )2 et Gm (C) = C× . Dans le premier cas, le théorème de Gel’fond-Schneider
1 ≤ j ≤ r1 , le plongement σj est réel, tandis que pour r1 < j ≤ r1 +r2 , les deux plongements nous permettra de résoudre complètement le problème. Dans chacun des deux autres, on
complexes σj et σr2 +j sont conjugués. ramène la question de densité à un problème de transcendance qui n’est pas encore résolu :
 du corps de nombres k est l’application σ de k dans R ×C
r1 r2
Le plongement canonique
 le problème des quatre exponentielles ; un énoncé partiel en direction de cette conjecture,
qui envoie γ ∈ k sur σj (γ) 1≤j≤r1 +r2 . le théorème des six exponentielles, permettra de donner des éléments de réponse.
Le théorème d’approximation faible d’Artin–Whapples affirme que l’image de k par Pour étudier la densité, dans le groupe des points réels, de points rationnels sur des
σ est dense dans Rr1 × Cr2 . L’image par σ du groupe multiplicatif k × est aussi dense groupes linéaires commutatifs Gda0 × Gdm1 , il faut disposer de généralisations en plusieurs
dans (R× )r1 × (C× )r2 . Une des motivations de D. Roy dans [R 1990a], [R 1990b] et [R variables des deux énoncés de transcendance auxquels on vient de faire allusion. L’extension
1992b] était la question suivante, soulevée par Colliot-Thélène et Sansuc : existe-t-il un correspondante du théorème des six exponentielles est le théorème du sous-groupe linéaire.
sous-groupe de type fini de k × dont l’image soit dense dans (R× )r1 × (C× )r2 ? Avec la Le théorème principal de ce chapitre est le théorème 2.10 qui donne des conditions
question subsidiaire de Sansuc : si oui, quel est le rang minimal d’un tel sous-groupe ? suffisantes pour qu’un sous-groupe de type fini de G(Q ∩ R), où G = Gda0 × Gdm1 , soit
Le résultat final dans [R 1992b] est le suivant : il existe un sous-groupe de type dense dans G(R) = Rd0 × (R× )d1 . Pour la partie conjecturale, on fera appel à la conjecture
fini de k × , engendré par r1 + r2 + 1 éléments sur Z, dont l’image par σ est dense dans d’indépendance algébrique de logarithmes (le cas homogène suffira).
(R× )r1 × (C× )r2 , et il n’en existe pas de rang plus petit. Les points complexes du groupe algébrique linéaire G = Gda0 × Gdm1 forment le groupe
Comme le groupe topologique G = (R× )r1 × (C× )r2 est isomorphe au produit direct de Lie complexe G(C) = Cd0 × (C× )d1 , dont l’application exponentielle est
(Z/2Z)r1 × Rr1 +r2 × (R/Z)r2 , on a m(G) = r1 + r2 + 1 ; c’est pourquoi la borne de Roy est
optimale. expG : Cd → Cd0 × (C× )d1
(z1 , . . . , zd ) → (z1 , . . . , zd0 ; ezd0 +1 , . . . , ezd )

Le noyau de cette application est {0}d0 × (2iπZ)d1 . L’image inverse par expG du groupe
Chapitre III. – Groupes algébriques linéaires 45 46 Topologie des points rationnels

×
Lemme 1.1. – Si Γ est un sous-groupe dense de R × R×
d0 d0
G(Q) = Q × (Q )d1 est L(G) = Q × Ld1 , où L désigne le Q-espace vectoriel formé par + , alors pa (Γ) est un sous-groupe
les logarithmes de nombres algébriques non nuls : dense de R et pm (Γ) est un sous-groupe dense de R× . De plus, si Γ est de type fini, alors

×  × rangZ Γ ≥ 3, rangZ pa (Γ) ≥ 2 et rangZ pm (Γ) ≥ 2.


L = exp−1
G (Q ) = z ∈ C ; e ∈ Q
z
.

Ces conditions nécessaires ne sont évidemment pas suffisantes en général : si x1 , x2 , x3


Ainsi
sont trois nombres réels linéairement indépendants sur Q, le sous-groupe engendré par les
 ×  trois points (xj , exj ), (j = 1, 2, 3) dans R×R× + a pour adhérence la courbe {(x, e ); x ∈ R}.
x
L(G) = (β1 , . . . , βd0 ; λ1 , . . . ; λd1 ) ; βh ∈ Q, (1 ≤ h ≤ d0 ), eλi ∈ Q , (1 ≤ i ≤ d1 ) . Nous allons montrer que ces conditions sont suffisantes si Γ est un sous-groupe de type
fini dont les points ont des coordonnées algébriques.
Nous travaillerons souvent aussi avec le groupe des points réels de G, qui est un groupe de On désigne par K le corps Q∩R des nombres algébriques réels (le corps Q des nombres
Lie réel G(R) = Rd0 × (R× )d1 de dimension d ayant 2d1 composantes connexes ; celle de algébriques est K(i)). On notera K+ ×
le groupe multiplicatif Q ∩ R×+.
l’élément neutre est Rd0 × (R×
+)
d1
et l’application exponentielle, qui est la restriction de ×
expG à Rd , est un isomorphisme de groupes de Lie Proposition 1.2. – Soit Γ un sous-groupe de type fini de K × K+ . Les deux conditions
suivantes sont équivalentes :
(i) Γ est dense dans R × R× +.
expG,R : Rd → Rd0 × (R× +)
d1
(ii) On a rangZ Γ ≥ 3, rangZ pa (Γ) ≥ 2 et rangZ pm (Γ) ≥ 2.
(x1 , . . . , xd ) → (x1 , . . . , xd0 ; exd0 +1 , . . . , exd )
×
Quand Γ est un sous-groupe de type fini de K × K+ , on peut choisir un système
générateur (γ1 , . . . , γ ) ; chacun des γj s’écrit (βj , αj ), avec βj nombre algébrique réel et
Les résultats de transcendance dont nous aurons besoin (théorème de Gelfond-Schneider
αj nombre algébrique réel positif, et on peut écrire
1.3∗ , théorème des six exponentielles 1.7∗ , théorème du sous-groupe linéaire 2.6∗ , théorème
de Baker 2.8∗ ) seront formulés sans démonstration ; c’est pourquoi on leur affecte un ∗ .   
Γ= s1 β1 + · · · + s β , α1s1 · · · αs ; (s1 , . . . , s ) ∈ Z .

§1. Groupes de Lie réels de dimension 2 Alors pa (Γ) = Zβ1 + · · · + Zβ ⊂ R, et de même pm (Γ) est le sous-groupe de R×
+ engendré
par α1 , . . . , α . L’application exponentielle de G(R) est un isomorphisme de R2 sur la
Dans cette section nous considérons le problème mentionné dans l’introduction pour composante connexe de l’élément neutre de G(R) :
les groupes de Lie de dimension 2. Pour chacun des deux groupes additifs G2a (R) = R2 et
Ga (C) = C, le théorème de Kronecker résout le problème, sans faire intervenir de condition expG,R : R2 → R × R× +
arithmétique. (x, y) → (x, ey )
Exercice. Soient n un entier positif, k un sous-corps de R et Γ un sous-groupe de type fini
de k n . Montrer que Γ est dense dans Rn si et seulement si pour tout hyperplan H de Rn Pour 1 ≤ j ≤ , on définit yj ∈ R2 par yj = (βj , log αj ) (où log est le logarithme
rationnel sur k on a rangZ (Γ/Γ ∩ H) ≥ 2. usuel R× + → R). On désigne par Y le sous-groupe de R engendré par {y1 , . . . , y }. Alors
2

Y = exp−1 G,R (Γ), donc Γ est dense dans R × R ×


+ si et seulement si Y est dense dans R2 . On
Rappel. Quand K est un corps et k un sous-corps de K, un sous-espace vectoriel V de K n ramène ainsi le problème de densité dans R × R× + d’un sous-groupe Γ de K × K+ ×
à un
est rationnel sur k s’il vérifie les propriétés équivalentes suivantes : problème de densité dans R d’un sous-groupe Y de K × (L ∩ R).
2

(i) V possède une base formée d’éléments de k n . La démonstration de la proposition 1.2 va utiliser un résultat de transcendance : le
(ii) V est intersection d’hyperplans définis par des équations (linéaires homogènes) à théorème de Gel’fond-Schneider, qui résolvait (en 1934) le septième problème de Hilbert
coefficients dans k. (voir par exemple [G 1952], Chap. III, §2 ; [Sch 1957], Chap. II, Th. 14 ; [L 1966], Chap. III,
§1, Cor. 2 ; [L 1993], Appendice, Cor. 2 ; [W 1974], Chap. 2, Th. 2.1.1). Plus précisément
a) Sous-groupes de R × R×
+ : le théorème de Gel’fond-Schneider nous montrerons que la proposition 1.2 est équivalente au cas réel du théorème de Gel’fond-
Soit G le groupe algébrique Ga × Gm . Ses points réels forment le groupe G(R) = R × R× Schneider.
dont on va étudier la composante connexe neutre G(R)0 = R × R× + . On désignera par pa Nous énonçons ce théorème sous plusieurs formes équivalentes. Nous démontrons
la projection R × R×+ → R sur le facteur additif,
 et par pm la projection R × R× ×
+ → R+ sur l’équivalence entre les différents énoncés, mais nous ne démontrons pas les énoncés eux-
le facteur multiplicatif. Etant donné que m G(R)0 = 3 et m(R) = m(R× + ) = 2, on a : mêmes. Voici pour commencer l’énoncé complexe.
Chapitre III. – Groupes algébriques linéaires 47 48 Topologie des points rationnels

   
Théorème 1.3∗ (Gel’fond-Schneider). – tel que la colonne
βj
soit linéairement indépendante de
β1
sur Q. On a 1 ∈ L,
1 Soient 1 et 2 deux éléments de L qui sont linéairement indépendants sur Q. Alors 1 j 1
et 2 sont linéairement indépendants sur Q. j ∈ L, 1
= 0 et βj /β1 ∈ Q. Grâce à 3 et à l’indépendance linéaire sur Q des deux
2 Si α est un nombre algébrique non nul, log α une détermination non nulle du logarithme colonnes, on déduit j
= (βj /β1 )1 .
complexe de α, et β un nombre algébrique irrationnel, alors le nombre αβ , qui est défini 4 ⇒ 5 . Soit D une droite de C2 . Supposons que (β1 , 1 ) et (β2 , 2 ) soient deux éléments
par exp(β log α), est transcendant sur Q. Q-linéairement indépendants de D ∩ (Q × L). La matrice
3 Soient 1 , 2 et β trois nombres complexes, avec (1 , 2 )
= (0, 0), β irrationnel et  
2 = β1 . Alors l’un au moins des trois nombres e1 , e2 , β est transcendant. β1 β2
4 Soient β1 , . . . , . . . , βn des nombres algébriques non tous nuls et 1 , . . . , n des éléments 1 2
de L non tous nuls. On suppose que les vecteurs colonnes de la matrice
est de rang 1, et ses colonnes sont linéairement indépendantes sur Q. Alors ou bien
 
β1 · · · βn β1 = β2 = 0, auquel cas D = {0} × C, ou bien 1 = 2 = 0 et alors D = C × {0}.
1 · · · n 5 ⇒ 1 . On pose β = 2 /1 et on prend pour D la droite d’équation y = 1 x. Elle est
distincte de C × {0} et de {0} × C, et contient les points (1, 1 ) et (β, 2 ). On a même
engendrent dans C2 un espace vectoriel sur Q de dimension ≥ 2. Alors cette matrice est (1, 1 ) ∈ D ∩ (Q × L). Comme β est irrationnel, il résulte de 5 que D ∩ (Q × L) ne contient
de rang 2. pas (β, 2 ), donc le nombre β est transcendant.
5 Si D est une droite de C2 , D
= C × {0}, D
= {0} × C, alors la dimension sur Q de Nous appellerons cas réel du théorème de Gel’fond-Schneider les énoncés équivalents
l’espace vectoriel D ∩ (Q × L) est ≤ 1. suivant :

De cet énoncé on déduit la transcendance de nombres tels que (log 2)/(log 3), 2 2
, eπ . 1R Soient α1 et α2 deux nombres algébriques positifs multiplicativement indépendants.
Alors le nombre log α1 / log α2 est transcendant.
Remarque. On déduit aussi du théorème de Gel’fond-Schneider que si β1 et β2 sont deux
2R Si α est un nombre algébrique réel positif différent de 1 et β un nombre algébrique
nombres algébriques linéairement indépendants, alors l’un au moins des deux nombres
réel irrationnel, alors le nombre αβ = exp(β log α), est transcendant sur Q.
eβ1 , eβ2 est transcendant. Le théorème de Hermite-Lindemann affirme que chacun de ces
3R Soient 1 , 2 et β trois nombres réels, avec (1 , 2 )
= (0, 0), β
∈ Q et 2 = β1 . Alors
deux nombres est transcendants. En revanche le théorème de Gel’fond-Schneider n’est pas
limité à la base e pour l’exponentielle : il affirme en effet que pour tout nombre complexe l’un au moins des trois nombres e1 , e2 , β est transcendant.
non nul t, l’un au moins des deux nombres etβ1 , etβ2 est transcendant. 4R Soient β1 , . . . , . . . , βn des nombres algébriques réels non tous nuls et α1 , . . . , αn des
nombres réels algébriques positifs non tous égaux à 1. On suppose que les vecteurs colonnes
Exercice. de la matrice  
×
a) Montrer que le groupe additif K/Z est isomorphe au groupe multiplicatif Q ∩ U. Soit β1 ··· βn
×
×
f : K → C un homomorphisme de noyau Z et d’image contenue dans Q ∩ U. Montrer log α1 · · · log αn
que f n’est pas continu en 0. engendrent dans R2 un espace vectoriel sur Q de dimension ≥ 2. Alors cette matrice est
b) Montrer que le groupe additif K = Q ∩ R est isomorphe au groupe multiplicatif de rang 2.
× ×
K+ = Q ∩ R× ×
+ . Soit g : K → R+ un homomorphisme injectif d’image contenue dans 5R Si D est une droite de R2 , D
= R × {0}, D
= {0} × R, alors le Q-espace vectoriel
×  
K+ . Montrer que g n’est pas continu au point 0. D ∩ K × L est de dimension ≤ 1.
(Indication : Voir J. Dieudonné, Algèbre linéaire et géométrie élémentaire, Hermann,
Coll. Enseignement des Sciences, 1964, Annexe I p. 163–164.) Démonstration de l’implication 5R ⇒ Proposition 1.2.
On sait déjà (lemme 1.1) que la condition (i) de la proposition 1.2 implique (ii). Supposons
Démonstration des équivalences 1 ⇔ 2 ⇔ 3 ⇔ 4 ⇔ 5
maintenant que (ii) est vérifiée. On définit Y = exp−1 G,R (Γ) ⊂ K × (L ∩ R). Alors Y est
1 ⇒ 2 . On pose 1 = log α et 2 = β log α ; alors 1 ∈ L, 1 et 2 sont Q-linéairement
isomorphe à Γ, et en particulier est de rang ≥ 3. Soit ϕ une forme linéaire non nulle sur
indépendants, mais Q-linéairement dépendants. Donc 2
∈ L et le nombre e2 = αβ est
R2 . S’il existe λ ∈ R× tel que ϕ(x, y) = λx, alors rangZ ϕ(Y ) = rangZ pa (Γ) ≥ 2. De même
transcendant.
s’il existe µ ∈ R× tel que ϕ(x, y) = µy, alors rangZ ϕ(Y ) = rangZ pm (Γ) ≥ 2. Dans les
2 ⇒ 3 . On pose α = e1 et log α = 1 . Comme 2 = β1 , les nombres α, β et e2 = αβ autres cas on peut écrire ϕ(x, y) = λx + µy avec λ
= 0 et µ
= 0. La droite D = Ker ϕ
ne peuvent être tous trois algébriques. n’est pas un des axes de coordonnées et on déduit de 5R la majoration rangZ (Y ∩ D) ≤ 1.
3 ⇒ 4 . L’un des βi est non nul ; on peut supposer β1
= 0. Si 1 = 0, comme l’un des j Comme le rang de Y est ≥ 3, on peut conclure rangZ ϕ(Y ) = rangZ (Y /Y ∩ D) ≥ 2. Ainsi
n’est pas nul, la conclusion est triviale. Supposons 1
= 0 ; il existe un indice j, 2 ≤ j ≤ , (proposition 4.3 du chapitre II) Y est dense dans R2 .
Chapitre III. – Groupes algébriques linéaires 49 50 Topologie des points rationnels

Démonstration de l’implication Proposition 1.2 ⇒ 3R . sont Q-linéairement indépendants. Ces conditions nécessaires à la densité ne sont évidem-
On considère le sous-groupe Γ de R × R× engendré par les trois éléments (1, e1 ), (β, e2 ) ment pas suffisantes en général : si t est un nombre irrationnel et x1 , x2 , x3 trois nombres
et (1, e2 ). Son rang sur Z est 3, on a rangZ pa (Γ) = 2, rangZ pm (Γ) = 2, et Γ n’est pas dense entiers positifs tels que les six nombres x1 , x2 , x3 , xt1 , xt2 , xt3 soient multiplicativement
×
dans R × R× . Donc Γ n’est pas contenu dans K × K+ , et l’un au moins des trois nombres indépendants, le sous-groupe
β, e1 , e2 est transcendant.  s1 s2 s3 ts1 ts2 ts3 
(x1 x2 x3 , x1 x2 x3 ); (s1 , s2 , s3 ) ∈ Z3 ⊂ (R× +)
2

Remarque. Pour démontrer que le sous-groupe Y de R2 est dense, il faut vérifier que le 
rang de Y /Y ∩ D est ≥ 2 pour tout hyperplan D de R2 . Ici, grâce à l’hypothèse que Y est n’est pas dense dans (R× + ) , puisque son adhérence est la courbe analytique (x, x ); x ∈
2 t
×

contenu dans K × (L ∩ R), on a pu utiliser un théorème de transcendance ; il suffit alors R+ , et pourtant, pour tout (a, b)
= (0, 0), sa projection par φ(a,b) a pour image un
d’imposer cette condition pour les deux hyperplans R × {0} et {0} × R. Dans R2 , ces deux sous-groupe dense de R× +.
droites sont les images inverses, par l’application exponentielle expG,R : (x, y) → (x, ey ), On conjecture que ces conditions sont suffisantes si on suppose que les coordonnées des
des deux sous-groupes R×{1} et {0}×R× . Or Ga ×{1} et {0}×Gm sont, avec {0}×{1} et points de Γ sont des nombres algébriques. Cette conjecture est l’une des formes équivalentes
Ga ×Gm , les seuls sous-groupes algébriques connexes de Ga ×Gm (cf. lemme 2.4 ci-dessous). de la conjecture des quatre exponentielles réelles. Nous formulons d’abord l’énoncé dans
Ainsi le résultat de transcendance permet de vérifier la condition rangZ (Y /Y ∩ D) ≥ 2 le cas complexe — plus général, et qui sera bientôt utile — (voir [Sch 1957], Chap. V §4
chaque fois que l’hyperplan D n’est pas l’image inverse (par l’exponentielle) d’un sous- Problème 1 ; [L 1966], Chap. II, §1 ; [Ra 1968], p. 67 ; [W 1974], §2.3 ; [B 1979], Chap. 12
groupe algébrique de G. Nous allons retrouver ce phénomène dans l’exemple suivant, qui §1).
est sensiblement différent car G2m possède beaucoup plus de sous-groupes algébriques que Conjecture 1.5? (conjecture des quatre exponentielles). –
Ga × Gm .
1? Soient x1 , x2 deux nombres complexes linéairement indépendants sur Q, et soient y1 , y2
b1) Sous-groupes de (R× 2
+ ) : la conjecture des quatre exponentielles
deux nombres complexes linéairement indépendants sur Q. Alors l’un au moins des quatre
nombres
Soit G le groupe algébrique G2m . Ses points réels forment le groupe G(R) = (R× )2 dont la
ex1 y1 , ex1 y2 , ex2 y1 , ex2 y2
composante neutre est G(R)0 = (R× + ) . Pour chaque couple (a, b) ∈ Z × Z, (a, b)
= 0, on
2

désigne par φ(a,b) l’homomorphisme surjectif de groupes algébriques de G sur Gm qui envoie est transcendant.
(u, v) sur ua v b . Le noyaude φ(a,b) est le sous-groupe algébrique H(a,b) de G, intersection 2? Soit
  
de G avec l’hypersurface (u, v); ua v b = 1 . λ11 · · · λ1
  . .. 
Etant donné que m G(R)0 = 3 et m(R× + ) = 2, on a :
M =  .. ..
. .
λd1 · · · λd
Lemme 1.4. – Si Γ est un sous-groupe dense de (R× + ) , alors pour tout (a, b) ∈ Z × Z,
2

(a, b)
= 0, l’image φ(a,b) (Γ) est un sous-groupe dense de R× une matrice d ×  à coefficients logarithmes de nombres algébriques ; on suppose que deux
+ . De plus, si Γ est de type fini,
alors rangZ Γ ≥ 3 et au moins des  colonnes de M sont linéairement indépendantes sur Q et aussi que deux
au moins des d lignes de M sont linéairement indépendantes sur Q. Alors le rang de la
rangZ φ(a,b) (Γ) ≥ 2 pour tout (a, b) ∈ Z × Z, (a, b)
= 0. matrice M est ≥ 2.
3? Soit D un hyperplan de C2 ; on suppose D ∩ Q2 = {(0, 0)}. Alors le Q-espace vectoriel
D ∩ L2 est de dimension finie, et cette dimension est ≤ 1.
Supposons Γ de type fini ; soit  son rang sur Z, et soient γ1 , . . . , γ des éléments de
Γ, multiplicativement indépendants ; écrivons A propos de la condition 3? , noter que si un hyperplan D de C2 (c’est-à-dire une
droite vectorielle complexe) vérifie D ∩ Q2
= {(0, 0)}, alors le Q-espace vectoriel D ∩ L2
γj = (αj , βj ), (j = 1, . . . , ). est de dimension infinie, puisqu’il contient tous les (aλ, bλ), pour λ ∈ L et (a, b) ∈ D ∩ Q2 .

Pour (a, b) ∈ Z2 \ {(0, 0)}, la condition rangZ φ(a,b) (Γ) ≥ 2 signifie que deux au moins des Démonstration des équivalences 1? ⇔ 2? ⇔ 3?
 nombres 1? ⇒ 2? . Une matrice d ×  est de rang ≤ 1 si et seulement s’il existe des nombres
α1a β1b , . . . , αa βb complexes x1 , . . . , xd , y1 , . . . , y telle que
 
sont multiplicativement indépendants, ce qui revient à dire que deux au moins des  x1
.
nombres M = (xi yj ) 1≤i≤d =  ..  ( y1 · · · y ) .
1≤j≤
a log α1 + b log β1 , . . . , a log α + b log β xd
Chapitre III. – Groupes algébriques linéaires 51 52 Topologie des points rationnels

Si la matrice considérée dans 2? était de rang ≤ 1, on pourrait écrire λij = xi yj , avec On montre maintenant la conjecture des quatre exponentielles réelles est encore équivalente
Zx1 + . . . + Zxd sous-groupe de C de rang ≥ 2, et de même Zy1 + . . . + Zy sous-groupe de à l’énoncé suivant :
C de rang ≥ 2. En prenant deux xi linéairement indépendants et deux yj aussi, on déduit × 2
4?R Si Γ est un sous-groupe de type fini de (K+ ) , de rang ≥ 3 sur Z, tel que, pour tout
de 1? que les nombres eλij , (1 ≤ i ≤ d, 1 ≤ j ≤ ) ne peuvent pas tous être algébriques.
(a, b) ∈ Z × Z, (a, b)
= 0, rangZ φ(a,b) (Γ) ≥ 2. Alors Γ est dense dans (R× 2
+) .
2? ⇒ 3? . Supposons qu’il existe deux éléments (1 , 1 ) et (2 , 2 ) Q-linéairement
indépendants dans D ∩ L2 ; comme D est une droite, le déterminant de la matrice Démonstration de l’équivalence entre 3?R et 4?R
 
1 2 3?R ⇒ 4?R
 
1 2 On pose Y = exp−1 G,R (Γ) ⊂ L ∩ R . Il s’agit de vérifier que Y est dense dans R ,
2 2 2

ce qui revient à dire, d’après la proposition 4.3 du chapitre II, que pour toute forme
est nul. Les vecteurs colonnes de cette matrice sont Q-linéairement indépendants ; d’après linéaire non nulle ϕ sur R2 , on a rangZ ϕ(Y ) ≥ 2. Si la droite Ker ϕ est rationnelle
2? , les deux lignes doivent être linéairement dépendantes sur Q, ce qui signifie que D sur Q, c’est-à-dire si ϕ(x, y) = λ(ax + by) avec λ ∈ R× et (a, b) ∈ Z2 , (a, b)
= (0, 0),
contient un élément non nul de Q2 . alors rangZ ϕ(Y ) = rangZ φ(a,b) (Γ) ≥ 2. Si au contraire D = Ker ϕ n’est pas une droite
 
3? ⇒ 1? . La droite D = (u, v) ∈ C2 ; x1 v = x2 u a une intersection nulle avec Q2 , car rationnelle, c’est-à-dire si D ∩ Q2 = {(0, 0)}, alors on peut appliquer 3?R :
x1 et x2 sont Q-linéairement indépendants. Elle contient les deux points (x1 y1 , x2 y1 ) et
(x1 y2 , x2 y2 ) de C2 , qui sont linéairement indépendants sur Q, car y1 et y2 le sont. Utilisant
rangZ (Y ∩ Ker ϕ) ≤ dimQ (L2 ∩ D) ≤ 1.
3? , on déduit que ces points ne sont pas tous deux dans L2 .

Remarque. Sous les hypothèses de la conjecture des quatre exponentielles sous la forme 2? , Comme Y est de rang ≥ 3 sur Z, on trouve rangZ ϕ(Y ) ≥ 2.
on sait démontrer que la conclusion est vraie si on ajoute l’hypothèse que le corps obtenu 4?R ⇒ 3?R
en adjoignant à Q les d coefficients λij de la matrice a pour degré de transcendance 1 sur
Q. On conjecture (cf. §3 ci-dessous) que cette hypothèse supplémentaire ne peut jamais être On admet 4?R , on considère une droite D de R2 telle que D ∩ L2 a un rang ≥ 2 sur Z,
satisfaite, mais on sait tellement peu de choses sur l’indépendance algébrique de logarithmes et il s’agit de vérifier D ∩ Q2
= {(0, 0)}. On dispose de deux points (λ1 , λ1 ) et (λ2 , λ2 )
que cet énoncé a quand même quelques conséquences intéressantes. sur D ∩ L2 ; on choisit (λ3 , λ3 ) dans L2 ∩ R2 de la manière suivante : λ3 n’appartient
pas au Q-espace vectoriel engendré par λ1 , λ1 , λ2 , λ2 , tandis que λ3 n’appartient pas au

La conjecture des quatre exponentielles réelles est l’un des énoncés équivalents suiv- Q-espace vectoriel engendré par λ1 , λ1 , λ2 , λ2 , λ3 . On pose encore αj = eλj , αj = eλj ,
ants : γj = (αj , αj ), (j = 1, 2, 3), et on considère le sous-groupe Γ engendré par γ1 , γ2 , γ3 dans
1?R Soient x1 , x2 deux nombres réels linéairement indépendants sur Q, et soient y1 , y2 deux (K+ × 2
) . Alors Γ est de rang 3, et il n’est pas dense dans (R× 2 −1
+ ) , car Y = expG,R (Γ) =
nombres réels linéairement indépendants sur Q. Alors l’un au moins des quatre nombres   
Z(λ1 , λ1 ) + Z(λ2 , λ2 ) + Z(λ3 , λ3 ) vérifie rangZ (D ∩ Y ) = 2 et rangZ (Y /D ∩ Y ) = 1. D’après
4?R il existe (a, b)
= (0, 0) tel que rangZ φ(a,b) (Γ) ≤ 1. Grâce au choix de λ3 et λ3 on
ex1 y1 , ex1 y2 , ex2 y1 , ex2 y2
trouve d’abord aλ3 + bλ3
= 0, puis aλ1 + bλ1 = aλ2 + bλ2 = 0. Cela permet de conclure
est transcendant. (−b, a) ∈ D ∩ Q2 .
2?R Soient αij , (1 ≤ i ≤ d, 1 ≤ j ≤ ) des nombres algébriques positifs. On considère la Remarque. Les hypothèses rangZ φ(a,b) (Γ) ≥ 2 pour tout (a, b)
= (0, 0) permettent de
matrice d ×    vérifier la condition (iv) de la proposition 4.3 du chapitre II pour les sous-espaces vectoriels
log α11 · · · log α1
 .. ..  de R2 rationnels sur Q, tandis que la conjecture des quatre exponentielles permet de traiter
M = ..
. . .  les sous-espaces vectoriels de R2 qui ne sont pas rationnels sur Q.
log αd1 · · · log αd √
Exemple : plongement canonique du corps quadratique réel Q( 2).
on suppose que deux au moins des  colonnes de M sont linéairement indépendantes sur √ √ σ √
On désigne par α → ασ le plongement
√ de Q( 2) qui n’est pas l’identité : 2 = − 2.
Q et aussi que deux au moins des d lignes de M sont linéairement indépendantes sur Q ;
Le plongement canonique de Q( 2) est donné par
alors le rang de M est ≥ 2.
3?R Soit D un hyperplan de R2 ; on suppose D ∩ Q2 = {(0, 0)}. Alors le Q-espace vectoriel √
Q( 2) → R2
D ∩ L2 est de dimension finie ≤ 1. α → (α, ασ )
Chapitre III. – Groupes algébriques linéaires 53 54 Topologie des points rationnels


On s’intéresse à l’image du √ groupe multiplicatif Q( 2)× dans (R× )2 : on cherche un sous- Théorème 1.7∗ (théorème des six exponentielles). –
groupe de type fini de Q( 2) dont l’image soit dense dans (R× )2 .
×
√ 1 Soient x1 , . . . , xd des nombres complexes linéairement indépendants sur Q, et soient
Un nombre premier p congru à ±1 modulo √ 8 est décomposé dans le corps Q( 2) y1 , . . . , y des nombres complexes linéairement indépendants sur Q. On suppose d >  + d.
(cf. [H-W 1979], Th. 256) : il existe α ∈ Z( 2) tel que αα = ±p. Quand p est donné
σ
Alors l’un au moins des nombres
il y a quatre valeurs de α vérifiant cette propriété (on peut choisir le signe ±, et on
peut permuter α et ασ ), et ces quatre valeurs se répartissent dans les quatre composantes exi yj , (1 ≤ i ≤ d, 1 ≤ j ≤ )
connexes (quadrants) de (R× )2 . est transcendant.
≥ 2) des nombres premiers congrus à ±1 modulo 8. Pour
Soient p1 , . . . , p (avec  √ 2 Soit M une matrice d ×  à coefficients logarithmes de nombres algébriques ; on suppose
1 ≤ j ≤ , choisissons αj ∈ Q( 2) tels que αj αjσ = ±pj , (1 ≤ j ≤ ) avec que les d lignes de M sont linéairement indépendantes sur Q et aussi que les  colonnes de
α1 < 0, α1σ > 0, α2 > 0, α2σ < 0; M sont linéairement indépendantes sur Q ; si d > d + , alors le rang de M est ≥ 2.
3 Soit D un hyperplan de C2 ; on suppose D ∩ Q2 = {(0, 0)}. Alors le Q-espace vectoriel
ce choix est fait pour que les quatre couples (α, ασ ), pour α ∈ {α1 , α2 , α12 , α1 α2 }, soient D ∩ L2 est de dimension finie, et cette dimension est ≤ 2.
dans chacune des quatre composantes connexes de (R× )2 :
×
Exercice. On munit le groupe multiplicatif K+ de la relation d’ordre induite par celle de
ασ
R. Montrer que le seul automorphisme de ce groupe qui préserve la relation d’ordre est
α1 α12 α l’identité.
α1 α2 α2 (Indication. Montrer que si A et B sont deux sous-groupes non triviaux de R et φ un
homomorphisme de groupes de A dans B qui préserve l’ordre, alors il existe r ∈ R tel que
Ce choix assure que le sous-groupe de (R× )2 engendré par (αj , αjσ ), (1 ≤ j ≤ ), a une φ soit l’homothétie x → rx. Voir A.M.W. Glass and P. Ribenboim, Automorphisms of the
intersection non nulle avec chacune des composantes connexes ; pour qu’il soit dense, il ordered multiplicative group of positive rational numbers ; Proc. Amer. Math. Soc., 122
faut et il suffit que le sous-groupe de (R×
+ ) engendré par γj = (|αj |, |αj |), (1 ≤ j ≤ )
2 σ
(1994), 15–18.)
× 2
soit dense dans (R+ ) . Par exemple on peut prendre p1 = 7, p2 = 17, p3 = 23, p4 = 31,
On laisse en exercice la formulation du théorème des six exponentielles réelles, et sa
p5 = 41 . . . et
déduction de la proposition 1.6. On se contentera ici de déduire la proposition 1.6 du
√ √ √ √ √
α1 = 1 − 2 2, α2 = −1 + 3 2, α3 = 5 − 2 α4 = −1 + 4 2 α5 = 7 − 2 2, . . . théorème 1.7.
Démonstration de la proposition 1.6 comme conséquence de 3 .
Les nombres |α1 |, |α1σ |, |α2 |, |α2σ |, . . . sont alors multiplicativement indépendants. × 2
a) Soit Γ un sous-groupe de type fini de (K+ ) et de rang ≥ 4 tel que rangZ φ(a,b) (Γ) ≥ 2
Par conséquent, si la conjecture des quatre exponentielles est vraie, alors
 s1 s2 s3   pour tout (a, b) ∈ Z×Z, (a, b)
= 0. Soit ϕ une forme linéaire non nulle sur R2 . Pour montrer
α1 α2 α3 , (α1σ )s1 (α2σ )s2 (α3σ )s3 ; (s1 , s2 , s3 ) ∈ Z3 , que Γ est dense dans (R× −1
+ ) , il suffit de vérifier rangZ ϕ(Y ) ≥ 2 (où Y = expG,R (Γ)). Si
2

la droite D = Ker ϕ est rationnelle sur Q, on choisit (0, 0)


= (−b, a) ∈ Q ∩ D de sorte
2
sous-groupe de (R× )2 de rang 3, engendré par les √
images des nombres α1 , α2 , α3 via le que rangZ ϕ(Y ) = rangZ φ(a,b) (Γ) ; on peut alors utiliser l’hypothèse de la proposition 1.6.
plongement canonique du corps quadratique réel Q( 2), est dense dans (R× )2 .
Sinon, on a Q2 ∩ D = {(0, 0)} et on utilise 3 qui donne rangZ ϕ(Y ) = rangZ (Y /Y ∩ D) ≥ 2.
b2) Sous-groupes de (R× 2
+ ) : le théorème des six exponentielles b) Grâce à la partie a) et au lemme 1.8 ci-dessous, les hypothèses faites sur Γ assurent
On peut démontrer une version partielle de l’affirmation 4? ci-dessus : il suffit de supposer que tout sous-groupe Γ de Γ, de rang ≥  − 1, est dense dans (R× 2
+ ) . On utilise alors le

que Γ a un rang ≥ 4. théorème 7.2 du chapitre II avec R = (R× 2


+ ) , n = 2, m(R) = 3 pour conclure.

Proposition 1.6. – Soit Γ un sous-groupe de type fini de (K+ × 2


) . Lemme 1.8. – Soient G un groupe commutatif, H un sous-groupe, Γ un sous-groupe de
a) On suppose rangZ Γ ≥ 4 et rangZ φ(a,b) (Γ) ≥ 2 pour tout (a, b) ∈ Z × Z, (a, b)
= 0. Alors type fini de G de rang  et Γ un sous-groupe de Γ de rang  . Alors
Γ est dense dans (R× 2
+) . rangZ (Γ /Γ ∩ H) ≥ rangZ (Γ/Γ ∩ H) −  +  .
b) On suppose rangZ Γ ≥ 5 et rangZ φ(a,b) (Γ) ≥ 3 pour tout (a, b) ∈ Z × Z, (a, b)
= 0. Alors
Γ contient un sous-groupe de rang 3 qui est dense dans (R× 2
+) . Démonstration. La démonstration tient en une ligne :
L’énoncé a) est équivalent au cas réel du théorème des six exponentielles dont nous  − rangZ (Γ /Γ ∩ H) = rangZ (Γ ∩ H) ≤ rangZ (Γ ∩ H) =  − rangZ (Γ/Γ ∩ H).
allons parler maintenant. L’énoncé complexe est le suivant (voir [L 1966], Chap. II, §1, Th.
1 ; [Ra 1968], p. 67 ; [W 1974], Chap.2 Cor. 2.2.3 ; [B 1979], Chap. 12 Th. 12.3).
Chapitre III. – Groupes algébriques linéaires 55 56 Topologie des points rationnels

×
Exemple. Soit Γ un sous-groupe de (R× 2
+ ) engendré par  éléments (αj , βj ), où les 2 Théorème 1.10. – Soit Γ un sous-groupe de type fini de Q . On suppose rangZ p(Γ) ≥ 1.
nombres réels positifs αj , βj sont algébriques et multiplicativement indépendants. Si  ≥ 4, a) Si la conjecture des quatre exponentielles est vraie, alors Γ est dense dans C× si et
alors Γ est dense dans (R× + ) . Si  ≥ 5, alors Γ contient un sous-groupe de rang 3 qui est
2
seulement si rangZ s(Γ) ≥ 2.
dense dans (R× + )2
. b) Si rangZ s(Γ) ≥ 3, alors Γ est dense dans C× .
√ c) Si rangZ s(Γ) ≥ 4 et rangZ p(Γ) ≥ 2, alors Γ contient un sous-groupe de rang 2 qui est
Exemple : le corps Q( 2).
dense dans C× .
Considérons de nouveau les éléments
√ √ √ √ √ Démonstration. Soit  le rang de Γ et soient γ1 , . . . , γ des éléments multiplicativement
α1 = 1 − 2 2, α2 = −1 + 3 2, α3 = 5 − 2 α4 = −1 + 4 2 α5 = 7 − 2 2
√ indépendants de Γ ; grâce à la proposition 6.1 du chapitre II (voir le §7 du chapitre II),
du corps Q( 2). Le sous-groupe de (R× )2 de rang 4, engendré par les images √ des nombres on sait que Γ est dense dans C× si et seulement si, pour tout s ∈ Z+1 \ {0}, la matrice à
α1 , α2 , α3 , α4 via le plongement canonique
√ du corps quadratique réel Q( 2), est dense dans trois lignes et  + 1 colonnes
(R× )2 . De plus le sous-groupe de Q( 2)× , engendré par les 5 nombres α1 , . . . , α5 , contient  
un sous-groupe de rang 3 dont l’image par le plongement canonique est dense dans (R× )2 . 0 log |γ1 | ··· log |γ |
Cependant la démonstration ne permet pas de préciser un tel sous-groupe de rang 3.  2iπ log(γ1 /|γ1 |) · · · log(γ /|γ |) 
s0 s1 ··· s
Exercice. Soient α0 , α1 , α2 , β0 , β1 , β2 des nombres algébriques réels positifs. On suppose
• α0 et β0 sont multiplicativement indépendants ; est de rang 3 ; cette condition ne dépend évidemment pas du choix des logarithmes
• deux au moins des trois nombres α0 , α1 , α2 sont multiplicativement indépendants ; complexes log(γj /|γj |) (et on peut remplacer tous les log(γ/|γ|) par log(γ/γ) si on le désire).
• deux au moins des trois nombres β0 , β1 , β2 sont multiplicativement indépendants ; La condition que deux au moins des  nombres réels |γ1 |, . . . , |γ | soient multiplicativement
• le sous-groupe indépendants garantit le rang 3 pour la matrice quand s0 = 0. On considère maintenant
  le cas s0
= 0 ; il s’agit alors de vérifier que la matrice
Γ = (α0s1 α1t1 α2t2 , β0s2 β1t1 β2t2 ) ; (s1 , s2 , t1 , t2 ) ∈ Z4
 
de (R× 2 log |γ1 | ··· log |γ |
+ ) est de rang 4. M=
Montrer que Γ est dense dans (R× 2 s0 log(γ1 /|γ1 |) − 2iπs1 · · · s0 log(γ /|γ |) − 2iπs
+) .
est de rang 2.
c) Sous-groupes de C×
a) On admet la conjecture des quatre exponentielles. Les  colonnes de la matrice M
On désigne ici par G le groupe algébrique Gm , et on considère ses points complexes sont Q-linéairement indépendantes (car les  éléments de la première ligne le sont). Les
Gm (C) = C× . L’application de R2 dans C× qui envoie (x, y) sur ex+2iπy induit un deux lignes de M sont aussi Q-linéairement indépendantes, car d’une part la seconde ligne
isomorphisme de R × R/Z sur C× ; on note (s, p) : C× → R × R/Z l’isomorphisme inverse : n’est pas identiquement nulle (les quotients γj /|γj | ne sont pas tous racines de l’unité), et
s : C× → R p : C× → R/Z d’autre part les éléments de la seconde ligne de M sont imaginaires purs alors que ceux de
et
z → log |z| z → 1
2iπ log(z/|z|) la première sont réels. D’après l’énoncé 2? dans la conjecture 1.5? , la matrice M est de
Pour z ∈ C× , le nombre 2πp(z) est “l’argument” de z vu comme classe d’un nombre réel rang 2 dès que  ≥ 2.
modulo 2π. b) Supposons que trois au moins des nombres |γ1 |, . . . , |γ | sont multiplicativement
indépendants ; alors de la même manière on déduit de l’énoncé 2 dans le théorème des six
Etant donné que m(R) = 2, on a :
exponentielles que Γ est dense dans C× .
Lemme 1.9. – Si Γ est un sous-groupe dense de C× , alors s(Γ) est un sous-groupe dense c) Enfin, si quatre au moins des nombres |γ1 |, . . . , |γ | sont multiplicativement indépen-
de R et p(Γ) est un sous-groupe dense de R/Z. Par conséquent, si Γ est de type fini, alors dants, et si deux au moins des nombres γj /|γj |, (1 ≤ j ≤ ) sont multiplicativement
rangZ s(Γ) ≥ 2 et rangZ p(Γ) ≥ 1. indépendants, alors tout sous-groupe de Γ de rang  − 1 est dense dans C× (d’après b) et
le lemme 1.8), et par conséquent Γ contient un sous-groupe de rang 2 dense dans C× .
Quand Γ est de type fini, si  est son rang sur Z et si γ1 , . . . , γ sont des éléments de
Γ multiplicativement indépendants, alors la condition que s(Γ) est dense dans R× Exemple : le corps Q(i).
+ signifie
que deux au moins des  nombres réels |γ1 |, . . . , |γ | sont multiplicativement indépendants. On choisit  nombres premiers distincts congrus à 1 modulo 4, par exemple
La condition que p(Γ) est dense dans R/Z revient à dire que l’un au moins des  nombres 5, 13, 17, 29, . . .. Cela permet de trouver  éléments γ1 , . . . , γ de Q(i)× tels que les 2
γj /|γj |, (1 ≤ j ≤ ) n’est pas une racine de l’unité. nombres complexes γj , γ j , (1 ≤ j ≤ ) soient multiplicativement indépendants ; par exem-
Voyons maintenant ce qui se passe quand les coordonnées des éléments de Γ sont des ple
nombres algébriques. γ1 = 2 + i, γ2 = 2 + 3i, γ3 = 4 + i, γ4 = 5 + 2i.
Chapitre III. – Groupes algébriques linéaires 57 58 Topologie des points rationnels

Le sous-groupe de Q(i)× , de rang 3, engendré par γ1 , γ2 , γ3 est dense dans C× , et le sous- D’après le lemme 2.2 ci-dessous, le sous-groupe algébrique G est défini par des
groupe de Q(i)× , de rang 4, engendré par γ1 , γ2 , γ3 , γ4 contient un sous-groupe de rang 2 équations monomiales z1ai z2bi = 1, (1 ≤ i ≤ m), avec (ai , bi ) ∈ Z2 . On distingue plusieurs
dense dans C× . Si la conjecture des quatre exponentielles est vraie, alors le sous-groupe de cas.
rang 2 engendré par γ1 , γ2 est dense dans C× ; pour le démontrer inconditionnellement, il a) Si ai = bi = 0 pour tout i = 1, . . . , m, alors G = G2m et H = C× . On suppose
faudrait prouver que pour tout (λ, µ) ∈ Q2 , le déterminant maintenant (ce n’est pas restrictif) (ai , bi )
= (0, 0) pour tout i = 1, . . . , m.
  b) Si ai = bi pour tout i, alors H est l’ensemble des z ∈ C× vérifiant |z|2ai = 1, (1 ≤ i ≤ m),
det  log |γ1 |  log |γ2 | et alors H = U.
log γ1 /|γ1 | + 2λiπ log γ2 /|γ2 | + 2µiπ c) Si ai = −bi pour tout i = 1, . . . , m, les équations de H s’écrivent (z/z)ai = 1 ; pour
z ∈ H on a (z/|z|)2ai = (z/z)ai = 1, donc H ∩ U est le groupe des racines de l’unité ζ ∈ U
n’est pas nul. vérifiant ζ 2ai = 1, et on a H = {xζ; x ∈ R× + , ζ ∈ µ2ai , (1 ≤ i ≤ m)}. Par exemple on
Exercice. Construire un sous-groupe A de C× (remplaçant le groupe multiplicatif Q ) qui
× trouve
 le sous-groupe
 R× en prenant F = {1, −1}, alors que R× + n’est pas de la forme
vérifie : ϕ−1 G (C) (si une demi-droite {xζ; x ∈ R× + } est contenue dans H, alors la demi-droite
a) Si Γ est un sous-groupe de type fini de A, alors Γ est dense dans C× si et seulement si opposée {−xζ; x ∈ R× + } est aussi contenue dans H).
rangZ p(Γ) ≥ 1 et rangZ s(Γ) ≥ 2. d) Si ai
= ±bi pour un i, alors pour z ∈ H on a d’une part |z|ai +bi = 1, donc |z| = 1 et
b) Soit L = exp−1 (A) ; il existe une matrice 2 × 2 de rang 1 à coefficients dans L dont z = 1/z, d’autre part z ai −bi = 1, donc z est une racine de l’unité et H est fini. Enfin tout
les lignes sont Q-linéairement indépendantes et dont les colonnes sont Q-linéairement sous-groupe fini du groupe multiplicatif d’un corps est cyclique.
indépendantes. Remarque. On s’intéresse au rang de l’image de Γ dans C× /H ; si H 0 désigne la composante
Indication. On peut construire des exemples triviaux avec A ⊂ R× + se sorte que connexe de l’élément neutre de H, on a
rangZ (L/L ∩ R) ≤ 1. Un exemple non-trivial

est obtenu en prenant pour A le sous-groupe
de C× engendré par ex1 , ex2 et ei x1 x2 où x1 et x2 sont deux nombres réels positifs avec rangZ (Γ/Γ ∩ H) = rangZ (Γ/Γ ∩ H 0 ).
π, x1 , x2 algébriquement indépendants.
La liste
  des sous-groupes H 0 de C× qui apparaissent comme composantes connexes d’un
Remarque. Dans les deux exemples précédents (à savoir R × R× × 2
+ et (R+ ) ) nous avons ϕ −1
G (C) , avec G sous-groupe algébrique de G, est : C× , U, R×

+ et {1}.
vu que, grâce à un énoncé de transcendance, la seule hypothèse nécessaire pour assurer
la densité d’un sous-groupe formé de points algébriques faisait intervenir les sous-groupes
algébriques de Ga × Gm et G2m respectivement. Dans le dernier exemple C× , le sous-groupe §2. Le théorème du sous-groupe linéaire
algébrique sous-jacent est Gm dont les seuls sous-groupes algébriques sont Gm lui-même et
les sous-groupes finis. Pour comprendre ce qui se passe il faut regarder la proposition 6.1 Soient d0 et d1 deux entiers ≥ 0 avec d = d0 + d1 > 0. Soit Γ un sous-groupe de type
du chapitre II : on considère l’application ϕ de C× dans (C× )2 qui envoie z sur (z, z). Ce fini de Rd0 × (R× )d1 . Pour étudier la densité de Γ, on va, dans un premier temps, faire
sont les intersections de ϕ(C× ) avec les sous-groupes algébriques de G2m qui controlent la intervenir les sous-groupes algébriques de G = Gda0 × Gdm1 : si Γ est dense dans G(R), alors
situation. pour tout sous-groupe algébrique G de G, G
= G, l’image de Γ dans le quotient de G(R)
par G (R) est encore dense. On commence donc par étudier les sous-groupes algébriques
Lemme 1.11. – Les sous-groupes de C× de la forme et les quotients de G. Ensuite on énonce le théorème du sous-groupe linéaire qui permet
    de majorer le rang de Y /Y ∩ V quand Y = exp−1 G (Γ) et V est un hyperplan de R . Une
d
H = ϕ−1 G (C) = z ∈ C× ; (z, z) ∈ G (C) , telle estimation ne peut pas être valable pour tous les hyperplans V : il faut supposer que
V ne contient pas d’espace tangent à un sous-groupe algébrique G de dimension positive.
où G est un sous-groupe algébrique de G2m , sont les suivants : On appliquera ensuite ce théorème de transcendance au problème de densité pour donner
une réponse partielle (qui étend à tous les groupes algébriques linéaires commutatifs ce
C× , U = {z ∈ C× ; |z| = 1}, {xζ; x ∈ R×
+ , ζ ∈ µ2n }, µn ,
que nous avons fait au §1 dans le cas où le groupe de Lie réel est de dimension 2).
où n est un entier ≥ 1, et µn désigne le groupe cyclique formé de racines n-ièmes de l’unité a) Sous-groupes algébriques de G = Gda0 × Gdm1
dans C× .
  Soit K un corps algébriquement clos de caractéristique nulle. Nous allons déterminer
Démonstration. Chacun des groupes indiqués est clairement de la forme H = ϕ−1 G (C) tous les sous-groupes algébriques de G = G0 × G1 où G0 = Gda0 et G1 = Gdm1 . Si G est
pour un sous-groupe algébrique convenable G de G2m . Il reste à vérifier qu’il n’y en a pas un sous-groupe algébrique connexe de G alors G (C) est un sous-groupe de G(C), l’image
d’autre. inverse de G (C) par l’application exponentielle de G est un sous-espace vectoriel de Cd que
Chapitre III. – Groupes algébriques linéaires 59 60 Topologie des points rationnels

l’on notera TG (C), la restriction de expG à ce sous-espace est l’application exponentielle a2 ) Sous-groupes algébriques de G1 = Gdm1
de G (C), et enfin le groupe quotient G(C)/G (C) est le groupe des points complexes d’un
groupe algébrique linéaire commutatif G/G . Considérons maintenant le cas d0 = 0 : il s’agit d’étudier les sous-groupes algébriques
 (i) (i) 
de G1 . Si a(i) = a1 , . . . , ad1 , (1 ≤ i ≤ n) sont des éléments de Zd1 , le sous-groupe
a1 ) Sous-groupes algébriques de G0 = Gda0 multiplicatif de (K × )d1 défini par
Commençons par montrer que les sous-groupes algébriques de G0 sont les sous-espaces  (i) (i)

a
H1 = (x1 , . . . , xd1 ) ∈ (K × )d1 ; x1 1 · · · xd1d1 = 1, (1 ≤ i ≤ n)
a
vectoriels de G0 (K) = K d0 . Il y a un sens facile : si H0 est un sous-espace vectoriel de
K d0 , comme H0 est intersection d’hyperplans, il est défini par des équations polynomiales
(de degré 1), donc H0 est le groupe (additif) des points rationnels sur K d’un sous-groupe est le groupe des points rationnels sur K d’un sous-groupe algébrique G1 de G1 . On définit
algébrique G0 de G0 . La dimension δ0 du groupe algébrique G0 est égale à la dimension du un groupe algébrique quotient G1 /G1 dont les points rationnels sur K sont donnés par
K-espace vectoriel H0 . Le quotient K d0 /H0 est aussi le groupe additif des points rationnels l’image de l’application (K × )d1 → (K × )n :
sur K d’un groupe algébrique, G0 /G0 , isomorphe à Gda0 −δ0 . Enfin si k est un sous-corps
de K et si le K-espace vectoriel H0 est rationnel (∗ ) sur k, alors le groupe algébrique G0  a(i) a 
(i)

est défini sur k (c’est-à-dire peut être défini par des équations polynomiales à coefficients (x1 , . . . , xd1 ) → x1 1 · · · xd1d1 1≤i≤n
dans k).
Voici la réciproque :
Exercice. Vérifier que si le rang du Z-module engendré par a(1) , . . . , a(n) dans Zd1 est
Lemme 2.1. – Soit G0 un sous-groupe algébrique de G0 . Alors G0 (K) est un sous-espace d1 − δ1 , alors la dimension du sous-groupe algébrique G1 est δ1 , et G1 est isomorphe à un
vectoriel de G0 (K) = K d0 . produit de Gδm1 par un groupe fini (G1 n’est pas nécessairement connexe).
Vérifier ensuite que le quotient G1 /G1 est isomorphe à Gdm1 −δ1 .
Démonstration. Comme G0 (K) est un déjà un sous-groupe additif de G0 (K), pour montrer
que c’est un sous-espace vectoriel il reste à vérifier qu’il est stable par multiplication par Pour montrer que tout sous-groupe algébrique de G1 est de cette forme, nous
un élément de K. Soit x ∈ G0 (K) et soit λ ∈ K. Soit P ∈ K[X1 , . . . , Xd0 ] un élément de introduisons la notation suivante : quand A est un sous-groupe de Zd1 , on pose
l’idéal des polynômes qui s’annulent sur le sous-groupe algébrique G0 . Il s’agit de montrer  
TA (K) = (y1 , . . . , yd1 ) ∈ (K × )d1 ; y1a1 · · · yd1d1 = 1 pour tout (a1 , . . . , ad1 ) ∈ A
a
que P (λx) est nul. Or on a nx ∈ G0 (K) pour tout n ∈ Z, ce qui montre que le polynôme
P (tx) ∈ K[t] a une infinité de zéros, donc est identiquement nul.
Cela définit, comme nous venons de le voir, un sous-groupe algébrique TA de G1 .
Exercice. Sous les hypothèses du lemme 2.1, si k est un sous-corps de K sur lequel G0 est
défini, alors le K-espace vectoriel G0 (K) est rationnel sur k. Lemme 2.2. – L’application A → TA est une bijection entre les sous-groupes A de Zd1
et les sous-groupes algébriques TA de G1 .
Remarque. On a supposé que le corps K était de caractéristique nulle ; cette hypothèse
est intervenue pour dire que le polynôme P (tx) ∈ K[t], nul sur Z, a une infinité de zéros Remarque. Soient k un corps de caractéristique nulle et γ1 , . . . , γd des éléments non nuls de
dans K. Sur un corps de caractéristique finie il existe des sous-groupes algébriques de Gda0 k. Alors le sous-groupe multiplicatif Γ de k × engendré par γ1 , . . . , γd a pour rang sur Z la
qui ne sont pas des sous-espaces vectoriels, à cause des Frobenius z → z q . Cela donne lieu dimension du plus petit sous-groupe algébrique G de Gdm tel que (γ1 , . . . , γd ) ∈ G (k). En
à la théorie des modules de Carlitz et Drinfeld, où la transcendance fait aussi l’objet de effet, si A désigne le noyau de l’application Zd → Γ qui envoie (a1 , . . . , ad ) sur γ1a1 · · · γdad ,
nombreuses études. on a d − rangZ A = rangZ Γ et G = TA . L’exercice suivant montre que G (k) est l’adhérence
de Zariski du sous-groupe engendré par (γ1 , . . . , γd ) dans Gdm (k) = (k × )d .
Prenons maintenant K = C ; comme l’application exponentielle de G0 (C) est
l’identité, si G0 est un sous-groupe algébrique de G0 , alors l’application exponentielle de Exercice. Montrer que si G est un groupe algébrique sur un corps k de caractéristique nulle
G0 (C) est encore l’identité du C-espace G0 (C) dans lui-même. On notera alors TG0 (C) = et Γ un sous-groupe de G(k), alors l’adhérence de Zariski de Γ dans G(k) est le groupe des
G0 (C). Si G0 est défini sur R, alors TG0 (R) = G0 (R) et expG0 ,R : TG0 (R) → G0 (R) est points rationnels sur k d’un sous-groupe algébrique de G.
encore l’identité.
Pour démontrer le lemme 2.2 nous utiliserons le théorème d’indépendance linéaire des
(∗ ) Voir le rappel au début du paragraphe 1, p.45. caractères d’Artin (voir par exemple [L 1993], Chap.VI, Theorem 4.1) que voici :
Chapitre III. – Groupes algébriques linéaires 61 62 Topologie des points rationnels

Lemme 2.3. – Soient G un groupe commutatif, K un corps et χ1 , . . . , χn des homo- où R est un sous-ensemble fini de Nd1 et (pa )a∈R est une famille d’éléments de K. Soit R
morphismes deux-à-deux distincts de G dans K × . Alors χ1 , . . . , χn sont linéairement l’image de R par l’application canonique de Zd1 sur Zd1 /Φ(G1 ). Pour chaque a ∈ R, on
indépendants sur K. désigne par Ra l’image inverse de a dans R et par χa et χa les caractères de G1 (K) et
G1 (K) respectivement, à valeurs dans K × , induits par la restriction de χa pour a ∈ a :
Démonstration. Soient λ1 , . . . , λn des éléments de K non tous nuls tels que λ1 χ1 + · · · + ces caractères ne dépendent pas du choix de a. Alors la restriction de f à G1 (K) et G1 (K)
λn χn = 0. Parmi toutes les relations de cette forme, choisissons-en une pour laquelle le s’écrit respectivement
nombre d’indices i, (1 ≤ i ≤ n) avec λi
= 0 est minimal. Sans perte de généralité on peut
supposer que c’est la relation que nous avons écrite. Dans ce cas on a n ≥ 2 et λi
= 0 pour    
pa χa et pa χa .
tout i = 1, . . . , n. Soit x0 ∈ G ; pour tout x ∈ G on a
a∈R a∈Ra a∈R a∈Ra


n
n
λi χi (x) = 0 et λi χi (x0 x) = 0; Si f s’annule sur G1 (K), alors la somme à gauche est nulle, et comme les χa pour a ∈ R
i=1 i=1 sont des caractères distincts de G1 (K) à valeurs dans K × , le lemme implique qu’ils sont
linéairement indépendants sur K. On a donc
comme χi (x0 x) = χi (x0 )χi (x) par combinaison linéaire on peut écrire

pa = 0 pour tout a ∈ R,

n
 
λi χn (x0 ) − χi (x0 ) χi (x) = 0 a∈Ra

i=1
ce qui montre que la restriction de f à G1 (K) est aussi nulle.
pour tout x ∈ G. Le coefficient de χn (x) étant nul, cette relation est “plus courte” que Considérons maintenant un sous-groupe A de Zd1 ; posons A = Φ(TA ). On a A ⊂ A
celle dont nous étions parti. Donc λi χn (x0 ) − χi (x0 ) = 0 pour 1 ≤ i ≤ n − 1. Comme et TA = TA . Si A
= A , alors (voir exercice ci-dessous), puisque K est algébriquement
λi
= 0 pour tout i, on a χn (x0 ) = χi (x0 ) pour tout i = 1, . . . , n − 1, et ceci pour tout clos, il existe un caractère non trivial sur A qui est trivial sur A, et ce caractère s’étend
x0 ∈ G. Or les caractères χi sont deux-à-deux distincts. en un caractère c: Zd1 → K ∗ donné par
Démonstration du lemme 2.2. a
Pour chaque a = (a1 , . . . , ad1 ) ∈ Zd1 on définit un caractère χa : (K × )d1 → K × par c(a1 , . . . , ad1 ) = y1a1 · · · yd1d1

pour tout (y1 , . . . , yd1 ) ∈ (K × )d1 .


a
χa (y1 , . . . , yd1 ) = y1a1 · · · yd1d1 pour un élément y = (y1 , . . . , yd1 ) de (K ∗ )d1 . Par construction, on a y ∈ TA et y ∈
/ TA .
Cette contradiction montre que l’on doit avoir A = A .
On associe aussi à chaque sous-groupe algébrique G1 de G1 un sous-groupe Φ(G1 ) de Zd1 :
Exercice.
Φ(G1 ) = {a ∈ Zd1 ; G1 ⊂ Ker χa }. a) Si A est un groupe abélien de type fini non réduit à l’élément neutre, il existe un caractère
non trivial sur A à valeur dans K × .
Nous allons vérifier que l’application qui associe à un sous-groupe A de Zd1 le sous-groupe (Utiliser le théorème de structure des groupes abéliens de type fini, avec le fait que K est
algébrique TA de G1 , et l’application qui associe au sous-groupe algébrique G1 de G1 le algébriquement clos.)
sous-groupe Φ(G1 ) de Zd1 sont des bijections réciproques. Les inclusions G1 ⊂ TΦ(G1 ) et b) Si B est un groupe abélien de type fini et A ⊂ B un sous-groupe avec A
= B, il existe
A ⊂ Φ(TA ) sont évidentes. Il reste à montrer que ce sont des égalités. un caractère non trivial sur B mais trivial sur A.
Soit G1 un sous-groupe algébrique de G1 et soit G1 = TΦ(G1 ) . Par construction, si a (Appliquer a) à B/A.)
et b sont des éléments de Zd1 , alors χa et χb donnent par restriction à G1 (K) le même c) Si A est un sous-groupe de Zd et χ un caractère de A, il existe y = (y1 , . . . , yd ) ∈ (K ∗ )d
caractère dans K × si et seulement si a − b ∈ Φ(G1 ) ⊂ Zd1 , et dans ce cas ils donnent par tel que, pour (a1 , . . . , ad ) ∈ A, on ait
restriction le même caractère de G1 (K). Nous allons vérifier l’égalité G1 = G1 en montrant
que tout polynôme P (Y ) ∈ K[Y ] qui s’annule sur G1 (K) s’annule aussi sur G1 (K). En χ(a1 , . . . , ad ) = y1a1 · · · ydad .
fait la fonction f : (K × )d1 → K induite par un polynôme peut-être écrite comme une
combinaison linéaire
f= pa χa (Utiliser le théorème des diviseurs élémentaires : il existe une base (e1 , . . . , ed ) de Zd , et
a∈R des entiers r, δ1 , . . . , δr , tels que (δ1 e1 , . . . , δr er ) soit une base de A.)
Chapitre III. – Groupes algébriques linéaires 63 64 Topologie des points rationnels

Quand K = C, si A est un sous-groupe de Zd1 de rang d1 −δ1 et G1 = TA , l’application Lemme 2.4. – Soit G un sous-groupe algébrique de G = G0 × G1 . Alors il existe un sous-
exponentielle de G1 (C) est définie comme la restriction de expG1 au C-espace vectoriel groupe algébrique G0 de G0 et un sous-groupe algébrique G1 de G1 tels que G = G0 × G1 .
La démonstration va utiliser un lemme sur les polynômes exponentiels.

d1

TG1 (C) = (z1 , . . . , zd1 ) ∈ Cd1 ; ai zi = 0 pour tout a ∈ A . Lemme 2.5. – Soient K un corps de caractéristique nulle, α1 , . . . , αn des éléments de K ×
i=1 deux-à-deux distincts, et a1 , . . . , an des polynômes non nuls de K[X]. On désigne par di
Ce C-espace vectoriel est de dimension δ1 et rationnel sur Q ; inversement, tout sous-espace le degré de ai , (1 ≤ i ≤ n). Alors la fonction
W de Cd1 , rationnel sur Q, est de la forme TG1 (C) pour un sous-groupe algébrique G1 de F : Z → K
G1 : il suffit de définir G1 par G1 (C) = expG1 (W ) (ce qui donne même un sous-groupe n
m → i=1 ai (m)αim
algébrique connexe).
Comme G1 est défini sur Q, donc sur R, l’application expG1 ,R est toujours définie : ne peut pas s’annuler sur un ensemble de d1 + · · · + dn + n entiers consécutifs.

expG1 ,R : TG1 (R) → G1 (R)0 Démonstration. La démonstration se fait par récurrence sur l’entier d1 + · · · + dn + n.
Notons déjà que le résultat est banal si n = 1. On définit, pour m ∈ Z,
(x1 , . . . , xd1 ) → (e , . . . , exd1 )
x1


n
où Φ(m) = αn−m F (m) = ai (m)βim ,

d1
 i=1
TG1 (R) = (x1 , . . . , xd1 ) ∈ R ;d1
ai xi = 0 pour tout a ∈ A .
i=1 avec βi = αi /αn , de sorte que β1 , . . . , βn sont encore des éléments de K × deux-à-deux
distincts, et βn = 1. On écrit ensuite
Exercice. Soient θ1 , . . . , θr des nombres réels positifs multiplicativement indépendants et
bi , (1 ≤ i ≤ d, 1 ≤  ≤ r) des entiers rationnels. On définit (α1 , . . . , αd ) ∈ (R× d
+ ) par
n
Φ(m + 1) − Φ(m) = bi (m)βim ,

r i=1
αi = θ bi , (1 ≤ i ≤ d).
=1
avec bi (X) = βi ai (X + 1) − ai (X), (1 ≤ i ≤ n). Pour 1 ≤ i ≤ n − 1 le polynôme bi ∈ K[X]
est de degré di , tandis que bn est soit nul, soit de degré < dn . Dans tous les cas on peut
On désigne par H(R) l’adhérence de Zariski dans Gm (R)d du sous-groupe appliquer l’hypothèse de récurrence pour conclure que l’application m → Φ(m + 1) − Φ(m)
 s  ne peut pas s’annuler sur un ensemble de d1 + · · · + dn + n − 1 entiers consécutifs.
(α1 , . . . , αds ) ; s ∈ Z
Exercice.
engendré par l’élément (α1 , . . . , αd ). Montrer que la composante connexe de l’élément a) Vérifier que l’estimation donnée dans le lemme 2.5 est optimale : étant donnés un
neutre de H(R) est corps K de caractéristique nulle, des éléments α1 , . . . , αn de K × deux-à-deux distincts, des
entiers d1 , . . . , dn tous ≥ 0, et un ensemble E de d1 + · · · + dn + n − 1 entiers consécutifs,


r  ! montrer qu’il existe des polynômes non nuls a1 , . . . , an de K[X], avec ai de degré di ,
H(R)0 = H(R) ∩ (R× x d ; (x1 , . . . , xr ) ∈ (R×
d b
+) = xb 1 , . . . , +)
r
. (1 ≤ i ≤ n), tels que la fonction
=1 =1
F : Z → n K
m → i=1 ai (m)αim
a3 ) Sous-groupes algébriques de G0 × G1
s’annule sur E.
Après avoir étudié les sous-groupes algébriques de chacun des deux facteurs G0 = Gda0 b) Montrer que le lemme 2.5 peut s’énoncer de manière équivalente sous la forme suivante :
et G1 = Gdm1 , nous pouvons maintenant décrire les sous-groupes du produit G = G0 × G1 . Soient K un corps de caractéristique nulle, α1 , . . . , αn des éléments de K × deux-à-deux
Chaque fois que G0 est un sous-groupe algébrique de G0 et G1 un sous-groupe algébrique distincts, d1 , . . . , dn des entiers tous ≥ 0 et M un nombre entier. On ordonne l’ensemble
de G1 , le produit G = G0 × G1 est un sous-groupe algébrique de G, de dimension des d1 + · · · + dn + n couples (i, j) d’entiers vérifiant 0 ≤ j ≤ di , 1 ≤ i ≤ n, et on forme la
dim G0 +dim G1 , et le quotient G/G = (G0 /G0 )×(G1 /G1 ) est encore un groupe algébrique matrice  
linéaire. Nous allons voir que ces produits G0 × G1 épuisent la liste des sous-groupes M = mj αim .
0≤j≤di , 1≤i≤n
algébriques de G M +1≤m≤M +d1 +···+dn +n
Chapitre III. – Groupes algébriques linéaires 65 66 Topologie des points rationnels

Alors le déterminant ∆ de M n’est pas nul. Théorème 2.6∗ (théorème du sous-groupe linéaire). – Soient d0 et d1 deux entiers
c) Calculer explicitement le déterminant ∆. ≥ 0 avec d = d0 + d1 . Soit V un sous-espace vectoriel de Cd tel que
Indication. Voir U. Rausch, On a theorem of Dobrowolski about the product of conju-
 d0   
gate numbers, Colloquium Math. 50 (1985), 137–142. V ∩ Q × {0}d1 = {0} et V ∩ {0}d0 × Qd1 = {0}.

Démonstration du lemme 2.4. On pose Alors le Q-espace vectoriel V ∩ L(G) est de dimension finie majorée par
 
G0 = {x ∈ G0 ; (x, 1) ∈ G } et G1 = {y ∈ G1 ; (0, y) ∈ G }. dimQ V ∩ L(G) ≤ d1 (d − 1).

On a évidemment G0 × G1 ⊂ G . Pour montrer l’inclusion dans l’autre sens, on choisit  d0 
Il est important de remarquer que les conditions V ∩ Q × {0}d1 = {0} et
d’abord un élément (x, y) dans G , puis un polynôme P nul sur G , et on pose, pour  
V ∩ {0}d0 ×Qd1 = {0} signifient que si G est un sous-groupe algébrique de G défini sur Q
(m, n) ∈ Z2 ,
et de dimension > 0, alors le C-espace vectoriel TG (C) n’est pas contenu dans V. En effet,
f (m, n) = P (mx, y n ).
comme nous venons de le voir, un sous-espace vectoriel de Cd de la forme TG (C) (avec
Pour m ∈ Z on a (mx, y m ) ∈ G , donc f (m, m) = 0. Le lemme 2.5 implique alors G sous-groupe algébrique de G défini sur Q) s’écrit TG0 (C) × TG1 (C), avec TG0 (C) = W
f (m, n) = 0 pour tout (m, n) ∈ Z2 , donc f (1, 0) = f (0, 1) = 0. Ceci montre que (x, 1) sous-espace vectoriel de Cd0 rationnel sur Q et G1 = TA pour un sous-groupe A de Zd1 .
et (0, y) appartiennent à G . Si G est de dimension positive, alors ou bien W
= {0}, ou bien A
= Zd1 . Dans le premier
d0
cas W contient un élément non nul de Q , et TG (C) contient un élément non nul de
Dans le cas K = C, on a TG (C) = TG0 (C)×TG1 (C) ⊂ Cd et l’application exponentielle d0
de G (C) = G0 (C) × G1 (C) est la restriction à ce sous-espace de l’application exponentielle Q × {0} ; dans le second cas TG1 (C) contient un élément non nul de Qd1 , et TG (C)
d1

de G : contient un élément non nul de {0}d0 × Qd1 .


expG : TG (C) → G (C)
(z1 , . . . , zd ) → (z1 , . . . , zd0 ; ezd0 +1 , . . . , ezd ) Fixons d nombres complexes u1 , . . . , ud0 , v1 , . . . , vd1 , non tous nuls. On s’intéresse aux
solutions de l’équation
Dans Cd , les espaces tangents aux sous-groupes algébriques de G définis sur un sous-corps
k de C sont donc les produits V0 × V1 , où V0 est un sous-espace vectoriel de Cd0 défini sur β1 u1 + · · · + βd0 ud0 + λ1 v1 + · · · + λd1 vd1 = 0
k, et V1 est un sous-espace vectoriel de Cd1 défini sur Q.
Si G0 est défini sur R, alors TG (R) = TG0 (R) × TG1 (R) ⊂ Rd et où les inconnues sont (β1 , . . . , βd0 ; λ1 , . . . , λd1 ) ∈ Cd avec βh ∈ Q, (1 ≤ h ≤ d0 ), et
×
eλi ∈ Q (1 ≤ i ≤ d1 ). Le théorème 2.6∗ dit que, sauf cas triviaux, l’espace des solutions
expG ,R : TG (R) → G (R) est de dimension finie sur Q. Les deux cas triviaux sont les suivants.
(x1 , . . . , xd ) → (x1 , . . . , xd0 ; exd0 +1 , . . . , exd ) • S’il existe une solution non triviale pour laquelle λ1 = · · · = λd1 = 0 :

β1 u1 + · · · + βd0 ud0 = 0
b) Le théorème du sous-groupe linéaire
Soit V un sous-espace vectoriel de Cd sur Q. On s’intéresse au Q-espace vectoriel d0
avec 0
= (β1 , . . . , βd0 ) ∈ Q , alors pour tout β ∈ Q, (ββ1 , . . . , ββd0 ; 0, . . . , 0) est une
V ∩ L(G), où, rappelons-le, G = G0 × G1 , G0 = Gda0 , G1 = Gdm1 et solution.
  • S’il existe 0
= (b1 , . . . , bd1 ) ∈ Qd1 vérifiant
d0
L(G) = exp−1
G G(Q) = Q × Ld1 .
b1 v1 + · · · + bd1 vd1 = 0,
 d0 
Si V ∩ Q × {0} d1

= {0}, alors V ∩ L(G) est de dimension infinie sur Q car il
 d0  alors pour tout λ ∈ L, (0, . . . , 0; λb1 , . . . , λbd1 ) est une solution.
contient V ∩ Q × {0}d1 qui est un Q-espace vectoriel de dimension > 0. De même,
si V ∩ {0} d0
× Qd1 
= {0}, alors V ∩ L(G) contient λx pour tout λ ∈ L et tout Exercice. Montrer que si V un sous-espace vectoriel de Cd tel que

x ∈ V ∩ {0} × Qd1 , donc le Q-espace vectoriel V ∩ L(G) est encore de dimension
d0
 d0   
infinie. V ∩ Q × {0}d1 = {0} et V ∩ {0}d0 × Qd1 = {0},
Chapitre III. – Groupes algébriques linéaires 67 68 Topologie des points rationnels

alors il existe un hyperplan H de Cd contenant V tel que Corollaire 2.8∗ (théorème de Baker homogène). – Soient λ1 , . . . , λn des éléments
de L qui sont linéairement indépendants sur le corps Q des nombres rationnels ; alors ces
 d0   
H ∩ Q × {0}d1 = {0} et H ∩ {0}d0 × Qd1 = {0}. éléments sont linéairement indépendants sur le corps Q des nombres algébriques.

En déduire que, dans le théorème 2.6∗ , il n’y a pas de restriction à supposer que V est un Démonstration du corollaire 2.8∗ comme conséquence du théorème 2.6∗ .
hyperplan de Cd . On démontre 2.8∗ par récurrence sur n. Pour n = 1 le résultat est banal. Pour n = 2 il
est équivalent au théorème de Gel’fond-Schneider (énoncé 1 du théorème 1.3∗ ), et nous
On déduit de ce théorème 2.6∗ de nombreux corollaires. Pour commencer, le théorème
avons vu que le théorème 1.3∗ était équivalent au cas d0 = d1 = 1, d = 2 du théorème 2.6∗ .
de Gelfond-Schneider est équivalent au cas particulier d0 = d1 = 1, d = 2 (c’est la forme 5
On suppose donc que λ1 , . . . , λn+1 sont des éléments de L qui sont Q-linéairement
du théorème 1.3∗ ). Ensuite le théorème des six exponentielles équivaut au cas particulier
dépendants. On suppose aussi, comme nous le permet l’hypothèse de récurrence, que
d0 = 0, d1 = d = 2 (c’est la forme 3 du théorème 1.7∗ ). On peut aussi donner un corollaire
λ1 , . . . , λn sont Q-linéairement indépendants. Il existe alors une unique relation de
du théorème 2.6∗ (correspondant au cas particulier d0 = 0, d1 = d) qui généralise la forme
dépendance linéaire de la forme
2 du théorème 1.7∗ :
Corollaire 2.7∗ . – Soit M une matrice d ×  à coefficients dans L, avec  > d(d − 1). On β1 λ1 + · · · + βn λn = λn+1 ,
suppose que les  vecteurs colonnes de M sont linéairement indépendants sur Q. Alors le
C-espace vectoriel engendré par les vecteurs colonnes de M dans Cd contient un élément avec des nombres algébriques β1 , . . . , βn . On va utiliser le théorème 2.6∗ avec d0 = n,
non nul de Qd . d1 = 1, d = n + 1. Soit V l’hyperplan de Cn+1 d’équation zn+1 = λ1 z1 + · · · + λn zn .
n
Comme λ1 , . . . , λn sont Q-linéairement indépendants, on a V ∩ (Q × {0}) = {0}. On a
Dans ce corollaire 2.7∗ , on ne peut pas remplacer l’hypothèse  > d(d − 1) par aussi trivialement V ∩ ({0} × Q) = {0}. Enfin V contient les n + 1 vecteurs colonnes de la
 ≥ d(d − 1)/2. Voici en effet un exemple d’hyperplan V dans Cd qui vérifie V ∩ Qd = {0} matrice  
et dimQ (V ∩ Ld ) ≥ d(d − 1)/2 : on choisit d éléments λ1 , . . . , λd dans L, linéairement 1 ··· 0 β1
indépendants sur Q, et on considère l’hyperplan d’équation  .. . . . .. .. 
 . . . 
 
0 ··· 1 βn
z1 λ1 + · · · + zd λd = 0.
λ1 · · · λn λn+1
Comme λ1 , . . . , λd sont Q-linéairement indépendants, on a V ∩ Qd = {0}. Pour 1 ≤ i ≤ d Comme d1 (d − 1) = n, le théorème 2.6∗ montre que ces vecteurs colonnes sont linéairement
et 1 ≤ j ≤ d avec i < j, le point de coordonnées (z1 , . . . , zd ) avec dépendants sur Q, donc λ1 , . . . , λn+1 sont linéairement dépendants sur Q et β1 , . . . , βn sont
tous rationnels.
zh = 0 pour 1 ≤ h ≤ d, h
∈ {i, j}, zi = λj , zj = −λi
Remarque. L’énoncé 2.8∗ possède une version non-homogène :
appartient à cet hyperplan et aussi à L ; les d(d − 1)/2 points ainsi obtenus sont
d Si des éléments λ1 , . . . , λn de L sont Q-linéairement indépendants, alors les nombres
linéairement indépendants sur Q. 1, λ1 , . . . , λn sont linéairement indépendants sur Q.
Noter que, pour minorer le rang d’une matrice à coefficients dans L par un entier ≥ 3, Ce théorème, dû à Baker, est une conséquence d’une version plus précise du théorème 2.6∗ :
il n’est pas suffisant de supposer les lignes linéairement indépendantes sur Q et les colonnes Sous les hypothèses du théorème 2.6∗ , si W est un sous-espace de Cd , rationnel sur
linéairement indépendantes sur Q : considérer par exemple les matrices de la forme Q, de dimension t, contenu dans V, alors
 
 0 λ2 . . . λ  dimQ V ∩ L(G) ≤ d1 (d − t − 1).
 λ2 0 ... 0 
 . . 
 . .. ..
. .. 
. . L’existence de W n’est pas une hypothèse restrictive : on retrouve le théorème 2.6∗ en
λd 0 ... 0 prenant W = 0.
qui sont de rang 2. Démonstrations du théorème de Baker non homogène en utilisant la borne
D’autres minorations de rangs de matrices à coefficients dans L sont connues ; voir en  
dimQ V ∩ L(G) ≤ d1 (d − t − 1).
particulier [W 1983b], [W 1988], [R 1988b], [R 1992a].
Voici un autre cas particulier du théorème du sous-groupe linéaire.
Chapitre III. – Groupes algébriques linéaires 69 70 Topologie des points rationnels

Première démonstration. On écrit une relation c) Application au problème de densité


β1 λ1 + · · · + βn λn = βn+1 , On conserve les notations G = Gda0 × Gdm1 et K = Q ∩ R. De plus on pose
avec des nombres algébriques β1 , . . . , βn+1 et des éléments λ1 , . . . , λn de L qui sont mR (G) = d + 1 et mR (G) = d1 (d − 1) + 2.
linéairement indépendants sur Q (donc sur Q, d’après le théorème homogène). On va
utiliser le théorème 2.6∗ avec d0 = n, d1 = 1, d = n + 1. Soit V l’hyperplan de Cn+1  
Ainsi, avec la notation du chapitre II, §7, on a mR (G) = m G(R) . Le premier coefficient
d’équation zn+1 = λ1 z1 + · · · + λn zn . On vérifie, exactement comme dans la démonstration mR (G) nous sert à énoncer une condition nécessaire de densité, alors que le second donnera
n
du cas homogène, que l’on a V ∩ (Q × {0}) = {0} et V ∩ ({0} × Q) = {0}, et que V contient une condition suffisante.
les n vecteurs colonnes de la matrice
  Maintenant si Γ est dense dans G(R), alors pour tout sous-groupe algébrique G de
1 ··· 0 G, Γ/Γ ∩ G (R), qui est l’image de Γ dans le groupe des points réels du quotient G/G , est
.
 .. . .
. . .. 
  dense pour la topologie réelle dans G(R)/G (R).
 0 ··· 1 
Lemme 2.9. – Soit Γ un sous-groupe dense de G(R)0 = Rd0 × (R× d1 
+ ) . Soit G un sous-
λ1 · · · λn groupe algébrique de G = Gda0 × Gdm1 de dimension < dim G. Alors Γ/Γ ∩ G (R) est dense
 0
qui sont clairement linéairement indépendants sur Q (et même sur C). Comme d1 = 1 et dans (G/G )(R) . En particulier si Γ est de type fini, on a
n+1
d = n + 1, le théorème 2.6∗ entraı̂ne t = 0, c’est-à-dire V ∩ Q = {0} ; or (β1 , . . . , βn+1 )
n+1 rangZ (Γ/Γ ∩ G (R)) ≥ mR (G/G ).
appartient à V ∩ Q . Donc β1 = · · · = βn+1 = 0.
Deuxième démonstration. On écrit une relation Noter que la condition écrite dans la conclusion entraı̂ne, comme il se doit, rangZ Γ ≥
β0 + β1 λ1 + · · · + βn−1 λn−1 = λn , mR (G) (prendre G = {0}).
avec des nombres algébriques β0 , β1 , . . . , βn−1 et des éléments λ1 , . . . , λn de L. Par Théorème 2.10. – Soit Γ un sous-groupe de type fini de G(R)0 ∩ G(K).
récurrence sur n on peut supposer que les nombres 1, β1 , . . . , βn−1 sont Q-linéairement a) Si  
indépendants. On va utiliser le théorème 2.6∗ avec d0 = 1, d1 = n, d = n + 1. Soit V rangZ Γ/Γ ∩ G (R) ≥ mR (G/G )
l’hyperplan de Cn+1 d’équation zn = z0 + β1 z1 + · · · + βn−1 zn−1 . Comme les nombres βi
pour tout sous-groupe algébrique G de G, défini sur K, de dimension < dim G, alors
sont algébriques, on peut prendre W = V et t = n. On a trivialement V ∩ (Q × {0}) = {0} ;
Γ ∩ G(R)0 est dense dans G(R)0 .
d’autre part, comme les nombres 1, β1 , . . . , βn−1 sont linéairement indépendants sur Q,
b) Si
on vérifie V ∩ ({0} × Qn ) = {0}. Le théorème 2.6∗ entraı̂ne V ∩ (Q × Ln ) = {0} ; or
rangZ (Γ/Γ ∩ G (R)) ≥ mR (G/G ) + d − 1
(β0 , λ1 . . . , λn ) appartient à V ∩ (Q × Ln ). Donc β0 = λ1 = · · · = λn = 0.
Les énoncés de transcendance que nous venons de citer ne sont pas les plus généraux pour tout sous-groupe algébrique G de G, défini sur K, de dimension < dim G, alors Γ
connus, même pour la fonction exponentielle usuelle : on sait minorer le rang de matrices contient un sous-groupe de rang mR (G) qui est dense dans G(R)0 .
de la forme   
B0 B1 d0 Démonstration. Soit  le rang de Γ sur Z ; on définit
 
 ,
Y = exp−1
G,R (Γ) ⊂ R ;
d
B2 M d1
où B0 , B1 , B2 ont des coefficients
 algébriques, tandis que M a ses coefficients dans L. Les c’est un sous-groupe de type fini de Rd de rang , dont l’image par expG est Γ ∩ G(R)0 ;
vecteurs colonnes de
B0
engendrent sur C un sous-espace vectoriel de Cd rationnel sur dire que Γ ∩ G(R)0 est dense dans G(R)0 équivaut à dire que Y est dense dans Rd , donc
B2   (proposition 4.3 du chapitre II) que pour tout hyperplan réel V de Rd ,
B1  
Q, tandis que les vecteurs colonnes de engendrent sur Q un sous-espace vectoriel
M rangZ Y /Y ∩ V ≥ 2.
de L(G). Quand le rang de la matrice est < d, tous ces vecteurs colonnes se trouvent dans
un hyperplan de Cd . 1) On commence par établir le résultat suivant :
On trouvera dans les articles de Roy cités dans la bibliographie des résultats encore supposons  ≥ mR (G) ; supposons aussi
plus généraux concernant le rang de matrices dont les coefficients sont des combinaisons    
linéaires de logarithmes de nombres algébriques. V ∩ K d0 × {0}d1 = {0} et V ∩ {0}d0 × Qd1 = {0};
Chapitre III. – Groupes algébriques linéaires 71 72 Topologie des points rationnels

 
alors l’inégalité désirée rangZ Y /Y ∩ V ≥ 2 est bien vérifiée. Exercice. On considère un sous-espace vectoriel L de R sur Q et on note Q son image par
On démontre cela en utilisant le théorème 2.6∗ ; on écrit une équation de l’hyperplan réel l’application exponentielle :
V dans Rd et on considère l’hyperplan complexe V de Cd défini par la même équation, de  
sorte que V = V ∩ Rd . Les hypothèses sur V impliquent Q = exp L = eλ ; λ ∈ L ⊂ R×
+.

 d0   
V ∩ Q × {0}d1 = {0} et V ∩ {0}d0 × Qd1 = {0}. Soit θ : N → N une application. On suppose que pour tout entier d ≥ 1 et pour tout
hyperplan V de Rd satisfaisant V ∩ Qd = {0}, on a
Enfin, puisque Y ∩ V est contenu dans L(G) ∩ V, on peut utiliser le théorème 2.6∗ :
  dimQ (V ∩ Ld ) ≤ θ(d).
rangZ (Y ∩ V ) ≤ dimQ V ∩ L(G) ≤ d1 (d − 1) = mR (G) − 2;
  Soient d un entier positif, G le groupe algébrique Gdm , et Γ un sous-groupe de type fini de
on en déduit l’inégalité annoncée : rangZ Y /Y ∩ V ≥ 2. Qd .
2) L’hypothèse que nous avons faite (dans la première partie de la démonstration) sur a) On suppose que, pour tout sous-groupe algébrique G de G de dimension < d, on a
l’hyperplan réel V s’écrit : il n’y a pas de sous-groupe algébrique de G, défini sur K,  
de dimension positive, dont l’espace tangent soit contenu dans V . On ne fait plus cette rangZ Γ/Γ ∩ G (R) ≥ θ(δ) + 2,
hypothèse, mais on suppose
où δ est la dimension de G/G . Alors Γ est dense dans (R× d
+) .
  b) On suppose que, pour tout sous-groupe algébrique G de G de dimension < d, on a
rangZ Γ/Γ ∩ G (K) ≥ mR (G/G )


 
pour tout sous-groupe algébrique G de G défini sur K avec dim G < dim G. On considère rangZ Γ/Γ ∩ G (R) ≥ θ(δ) + d + 1,
le plus grand sous-groupe algébrique connexe G de G, défini sur K, tel que TG (R) soit
contenu dans V . Il est défini de la manière suivante : G = G0 × G1 , où  où δ est la dimension de G/G . Alors Γ contient un sous-groupe de rang d + 1 qui est dense
 G 0 (R) estle sous-
dans (R× d
espace vectoriel de G (R) engendré par la projection sur G (R) de V ∩ K d0
×{0}d1 , tandis +) .

 0  0
que G1 (R) = exp TG1 (R) , où TG1 (R) est le sous-espace vectoriel de TG1 (R) engendré par
 
  Corollaire 2.11. – Soient d0 ≥ 0, d1 ≥ 1 et  ≥ 1 des entiers, αij , (1 ≤ i ≤ d1 , 1 ≤ j ≤ )
la projection sur TG1 (R) de V ∩ {0}d0 × Qd1 . On vérifie que, dans l’espace tangent des nombres algébriques réels positifs multiplicativement indépendants et βhj , (1 ≤ h ≤ d0 ,
× d1

TG̃ (R) = TG/G (R) de G(R) = G(R)/G (R), l’hyperplan V = V /TG (R) vérifie la condition 1 ≤ j ≤ ) des nombres algébriques réels. On définit γ1 , . . . , γ dans K d0 × (K+ ) par
suivante : il n’y a pas de sous-groupe algébrique de G  = G/G , défini sur K, de dimension
γj = (β1j , . . . , βd0 j ; α1j , . . . , αd1 j ), (1 ≤ j ≤ ),
positive, dont l’espace tangent soit contenu dans V .
On applique le résultat démontré en 1) au sous-groupe Y = Y /Y ∩ TG (R) de TG (R), et on désigne par Γ le sous-groupe de K d0 ×(K+ × d1
) engendré par ces  éléments. On désigne
dont l’image par exp dans G(R)   = Γ/Γ ∩ G (K) :
est Γ aussi par Γ0 la projection de Γ sur K d0 : c’est le sous-groupe additif de K d0 engendré par

exp β1 , . . . , β , avec
Y ⊂ TG(R) −−−−G−→ G(R)
 ⊃ G(K) ⊃ Γ βj = (β1j , . . . , βd0 j ), (1 ≤ j ≤ ).
 
 
  Enfin on pose d = d0 + d1 .
 
a) On suppose que Γ0 est dense dans Rd0 . Si  ≥ d1 (d − 1) + 2, alors Γ est dense dans

Y ⊂ TG
expG̃
   Rd0 × (R×
(R) −−−−−→ (G)(R) ⊃ G(K) ⊃ Γ. d1
+) .
b) On suppose, pour tout sous-espace vectoriel V de Rd0 rationnel sur K avec V
= Rd0 ,
On peut donc conclure :
 
  rangZ Γ0 /Γ0 ∩ V ≥ d + 1.
rangZ (Y /Y ∩ V ) = rangZ Y /Y ∩ V ≥ 2.
Si  ≥ d1 (d−1)+d+1, alors Γ contient un sous-groupe de rang d+1 dense dans Rd0 ×(R× d1
+) .
3) Grâce au lemme 1.8, la partie b) du théorème 2.10 résulte maintenant de la partie
a) et du théorème de Roy (théorème 7.2 du chapitre II) avec R = G(R)0 , n = d et Démonstration du corollaire 2.11. L’hypothèse que les d1  nombres αij sont multiplica-
m(R) = mR (G). tivement indépendants assure que les sous-groupes algébriques G de G pour lesquels
Chapitre III. – Groupes algébriques linéaires 73 74 Topologie des points rationnels

Γ ∩ G (K)
= {0} sont de la forme G = G0 × G1 , avec G0 sous-groupe algébrique de
G0 ; pour un tel sous-groupe G , On choisit alors un nombre algébrique positif α0 tel que les n + 2 nombres α0 , . . . , αn+1
    soient multiplicativement indépendants et on applique le corollaire 2.11 avec d0 = n,
rangZ Γ/Γ ∩ G (K) = rangZ Γ0 /Γ0 ∩ G0 (K) . d1 = 1,  = n + 2, au sous-groupe de Rn × R×+ engendré par les n + 2 points

Pour démontrer la partie a) de l’énoncé, on utilise l’hypothèse que Γ0 est dense dans Rd0 : (δ1j , . . . , δnj ; log αj ), (1 ≤ j ≤ n),
quand G0 est un sous-groupe de G0 de dimension < d0 (ce qui ne concerne que le cas
d0 ≥ 1), on a  
(β1 , . . . , βn ; log αn+1 ) et (0, . . . , 0; log α0 ).
rangZ Γ0 /Γ0 ∩ G0 (K) ≥ mR (G0 /G0 );
mais G0 /G0 est de la forme Gδa avec δ ≥ 1, donc mR (G0 /G0 ) = δ + 1 ≥ 2, tandis que
§3. Indépendance algébrique de logarithmes et densité
mR (G0 /G0 ) = 2 ; l’inégalité
  Nous poursuivons l’étude, commencée dans le paragraphe 2, de la densité dans
rangZ Γ/Γ ∩ G (K) ≥ mR (G/G ) G(R) = Rd0 ×(R× )d1 d’un sous-groupe de type fini de G(K) = K d0 ×(K × )d1 , où K = Q∩R
est le corps des nombres algébriques réels. Nous étudions maintenant la situation d’un point
est donc bien vérifiée pour tous les sous-groupes algébriques G de G avec dim G < dim G de vue conjectural.
pour lesquels Γ ∩ G (K)
= {0} ; pour les autres, c’est-à-dire quand Γ ∩ G (K) = {0}, on a Les cas particuliers étudiés au paragraphe 1 pourraient laisser espérer que le coefficient
  mR dans le théorème 2.10 pourrait être remplacé par mR . Nous montrons pour commencer
rangZ Γ/Γ ∩ G (K) = rangZ (Γ) ≥ mR (G) ≥ mR (G/G ). qu’il n’en est rien. Nous énonçons ensuite la principale conjecture concernant les loga-
rithmes de nombres algébriques, puis nous montrons comment elle permet de donner une
Pour démontrer la partie b) du corollaire 2.11, on utilise l’hypothèse réponse complète (mais conjecturale !) au problème de densité pour les groupes algébriques
  linéaires.
rangZ Γ0 /Γ0 ∩ V ≥ d + 1
a) Un contre-exemple
pour tout sous-espace vectoriel V de R d0
rationnel sur K avec V
= R d0
; on en déduit Question : Un sous-groupe de type fini Γ de G(K) ∩ G(R)0 , dont la projection sur
  tout quotient (G/G )(K), avec G sous-groupe algébrique de G défini sur K de dimension
rangZ Γ/Γ ∩ G (K) ≥ d + 1 = mR (G/G ) + d − 1 < dim G, vérifie  
rangZ Γ/Γ ∩ G (K) ≥ mR (G/G ),
pour tout sous-groupe G de G défini sur K avec dim G < dim G et Γ∩G (K)
= {0} ; si G
est-il alors dense dans G(R)0 ?
est un sous-groupe algébrique de G défini sur K tel que dim G < dim G et Γ∩G (K) = {0},
Cela voudrait dire qu’un sous-groupe de type fini Γ de G(K)∩G(R)0 de rang ≥ mR (G),
  est dense dans G(R)0 si et seulement si pour tout sous-groupe algébrique G de G, défini
rangZ Γ/Γ ∩ G (K) = rangZ (Γ) ≥ mR (G) + d − 1 ≥ mR (G/G ) + d − 1,
sur K, vérifiant 0 < dim G < dim G, Γ/Γ ∩ G (K) est dense dans (G/G )(R)0 .
donc on peut appliquer la partie b) du théorème 2.10. La réponse est positive pour d1 = 0, d’après la proposition 4.3 du chapitre II. L’étude
que nous avons faite au paragraphe 1 montre que, si la conjecture des quatre exponentielles
Remarque. On déduit aussi du corollaire 2.11 le cas réel du théorème de Baker homogène, est vraie, alors la réponse est encore positive pour d = 2.
c’est-à-dire l’énoncé suivant :
Exercice. En utilisant le théorème 2.10, montrer que la réponse est positive quand d1 = 1,
si α1 , . . . , αn sont des nombres algébriques réels positifs multiplicativement indépen-
d0 ≥ 0.
dants, les n nombres log α1 , . . . , log αn sont linéairement indépendants sur Q.
Pour déduire cet énoncé du corollaire 2.11, on considère une éventuelle relation de Nous allons montrer que la réponse est négative pour G3m . Nous indiquerons ensuite
dépendance linéaire de longueur minimale ; il s’agit de vérifier : comment étendre ce contre-exemple aux groupes Gdm , d ≥ 3.
si α1 , . . . , αn+1 sont des nombres algébriques positifs et multiplicativement indépen- Le point de départ est la remarque suivante (déjà faite après l’énoncé du corollaire
dants et si β1 , . . . , βn sont des nombres algébriques réels tels que les nombres 2.7∗ ) : quand α1 , α2 , α3 désignent trois nombres algébriques réels positifs multiplicative-
1, β1 , . . . , βn soient linéairement indépendants sur Q, alors ment indépendants, l’hyperplan de R3 d’équation

β1 log α1 + · · · + βn log αn
= log αn+1 . x1 log α1 + x2 log α2 + x3 log α3 = 0
Chapitre III. – Groupes algébriques linéaires 75 76 Topologie des points rationnels

 
contient trois éléments de L3 linéairement indépendants sur Q, à savoir les trois vecteurs 0 −b3 b2
colonnes de la matrice antisymétrique Comme la matrice  b3 0 −b1  est de rang 2, l’espace des solutions (s0 , s1 , s2 , s3 ) ∈
  −b2 b1 0
0 − log α3 log α2 Q4 du système d’équations est de dimension 1 sur Q, engendré par (0, b1 , b2 , b3 ), ce qui
 log α3 0 − log α1  , démontre bien rangZ (Y ∩ V ) = 1 quand V est un hyperplan rationnel sur Q dans R3 . De
− log α2 log α1 0 plus on obtient aussi Y ∩ D = {0} quand D est une droite de R3 rationnelle sur Q (écrire
D comme intersection de deux hyperplans rationnels sur Q).
(voir à ce propos la remarque de M. Langevin citée dans [W 1983b], p. 1014 ; comparer
aussi avec le théorème 6 de [R 1992a]). On a donc rangZ (Y /Y ∩ V ) = 3 pour tout hyperplan de R3 rationnel sur Q, et par
Considérons maintenant six nombres réels algébriques positifs multiplicativement conséquent Y /Y ∩ V est dense dans R3 /V (qui est isomorphe à R). D’autre part si D
indépendants α1 , α2 , α3 , β1 , β2 , β3 , et posons est une droite de R3 rationnelle sur Q, alors Y /Y ∩ D est de rang 4 dans R3 /D (qui
est isomorphe à R2 ) ; un hyperplan de R3 /D, rationnel sur Q, s’écrit V /D, où V est
γ0 = (β1 , β2 , β3 ), γ1 = (1, α3 , 1/α2 ), γ2 = (1/α3 , 1, α1 ), γ3 = (α2 , 1/α1 , 1). un hyperplan de R3 , rationnel sur Q, qui contient D ; alors la projection de Y /Y ∩ D
sur (R3 /D)/(V /D) = R3 /V n’est autre que Y /Y ∩ V , qui est de rang 3. On peut donc
× 3 appliquer la partie a) de la proposition 1.6 pour conclure que Y /Y ∩ D est dense dans
Soit Γ le sous-groupe de (K+ ) de rang 4 engendré par γ0 , γ1 , γ2 , γ3 . Nous allons montrer :
× 3 R3 /D.
Γ n’est pas dense dans (R+ ) , mais pour tout sous-groupe algébrique G de G de dimension
1 ou 2, Γ/Γ ∩ G (K) est dense dans (G/G )(R)0 . En particulier cela implique que, pour
tout sous-groupe algébrique G de G tel que dim G < dim G, on a Cette construction se généralise à Rd de la manière suivante. Prenons 2d nombres
algébriques réels positifs multiplicativement indépendants α1 , . . . , αd ,β1 , . . . , βd , et con-
 
rangZ Γ/Γ ∩ G (K) ≥ mR (G/G ). sidérons le sous-groupe Γ de (R× + ) engendré par les d(d − 1)/2 + 1 points
d

 −δ 
Passons aux logarithmes : on définit un sous-groupe Y = Zy0 +Zy1 +Zy2 +Zy3 = exp−1
G (Γ)
γij = αjδhi αi hj 1≤h≤d = (1, . . . , 1, αj , 1, . . . , 1, αi−1 , 1, . . . , 1), (1 ≤ i < j ≤ d),
en posant
et
y0 = (log β1 , log β2 , log β3 ), y1 = (0, log α3 , − log α2 ),
γ0 = (β1 , . . . , βd ).
y2 = (− log α3 , 0, log α1 ), y3 = (log α2 , − log α1 , 0).
Lemme 3.1. — Pour tout sous-groupe algébrique G de Gdm de codimension δ > 0, on a
Il s’agit de vérifier : Y n’est pas dense dans R , mais pour tout sous-espace vectoriel V de
3
  1
R3 , rationnel sur Q, de dimension 1 ou 2, Y /Y ∩ V est dense dans R3 /V . rangZ Γ/Γ ∩ G (R) ≥ δd + 1 − δ(δ + 1);
2
Le fait que Y n’est pas dense dans R3 est facile : la forme linéaire ϕ : R3 → R qui
envoie (x1 , x2 , x3 ) sur x1 log α1 + x2 log α2 + x3 log α3 n’est pas nulle, et ϕ(Y ) ⊂ Zϕ(y0 ). mais Γ n’est pas dense dans (R× d
+) .
Nous allons maintenant vérifier que, pour tout hyperplan V de R3 , rationnel sur Q,
on a Ainsi, pour 1 ≤ δ ≤ d, le sous-groupe G de G défini par les équations z1 = · · · = zδ = 1
rangZ (Y ∩ V ) = 1. est de codimension δ, et il contient γij pour δ < i < j ≤ d, donc
En effet, si b1 z1 + b2 z2 + b3 z3 = 0 est une équation de V avec (b1 , b2 , b3 ) ∈ Q3 \ {0}, alors un   1
rangZ Γ ∩ G (R) ≥ (d − δ)(d − δ − 1)
élément s0 y0 + s1 y1 + s2 y2 + s3 y3 de Y , avec (s0 , s1 , s2 , s3 ) ∈ Z4 , appartient à l’hyperplan 2
V si et seulement si et
    1
b1 s0 log β1 − s2 log α3 + s3 log α2 ) + b2 s0 log β2 − s3 log α1 + s1 log α3 ) 1 1
rangZ Γ/Γ ∩ G (R) ≤ d(d − 1) + 1 − (d − δ)(d − δ − 1) = δd + 1 − δ(δ + 1).
 2 2 2
+b3 s0 log β3 − s1 log α2 + s2 log α1 ) = 0.

De l’indépendance linéaire des six nombres log α1 , log α2 , log α3 , log β1 , log β2 , log β3 on Démonstration. L’espace tangent à l’origine TG (R) de G est un sous-espace de TG (R) = Rd
déduit s0 = 0 et rationnel sur Q, de codimension δ ; on écrit des équations de ce sous-espace :
    
0 −b3 b2 s1 0
d
 b3 0 −b1   s2  =  0  . (k)
bh zh = 0, (1 ≤ k ≤ δ),
−b2 b1 0 s3 0 h=1
Chapitre III. – Groupes algébriques linéaires 77 78 Topologie des points rationnels

avec b(1) , . . . , b(δ) linéairement indépendants dans Zd , On a supposé que les éléments b(1) , . . . , b(δ) étaient linéairement indépendants. Quitte à
 (k) changer de système générateur du Z-module engendré par b(1) , . . . , b(δ) , on peut se ramener
(k) 
b(k) = b1 , . . . , bd ∈ Zd , (1 ≤ k ≤ δ). au cas où
(k) (k)
bi = 0 pour 1 ≤ i < k ≤ δ et bk
= 0 pour 1 ≤ k ≤ δ.
Soit
Y = Zyij + Zy0 (hk)
Alors cij est nul pour 1 ≤ i < k < h, tandis que pour 1 ≤ i = k < h, il vaut bk δhj . La
(k)

1≤i<j≤d (hk)
matrice des cij avec 1 ≤ k < h ≤ d et k ≤ δ d’une part, 1 ≤ i < j ≤ d et i ≤ δ d’autre
le sous-groupe de Rd engendré par part, est triangulaire, avec pour diagonale
  
yij = δhi log αj − δhj log αi 1≤h≤d , (1 ≤ i < j ≤ d) (1) (1) (δ) (δ) 
b1 , . . . , b1 , . . . , bδ , . . . , bδ ;
et
cette matrice est donc inversible, de rang
y0 = (log β1 , . . . , log βd ).
On a     δ(δ + 1)
(d − 1) + (d − 2) + · · · + (d − δ) = dδ − .
rangZ Γ/Γ ∩ G (R) = rangZ Y /Y ∩ TG (R) . 2
Un élément
sij yij + s0 y0 Il reste à vérifier que Γ n’est pas dense dans (R× d
+ ) , ce qui revient à dire que Y n’est
1≤i<j≤d pas dense dans Rd ; il suffit d’exhiber une forme linéaire non nulle ϕ : Rd → R telle que
rangZ ϕ(Y ) ≤ 1. On prend pour cela
de Y appartient à TG (R) si et seulement si l’élément s = (sij , s0 ) de Zd(d−1)/2+1 vérifie
  ϕ(x1 , . . . , xd ) = x1 log α1 + · · · + xd log αd ,
d
(k) 

bh sij (δhi log αj − δhj log αi ) + s0 log βh  = 0 pour 1 ≤ k ≤ δ.
de sorte que ϕ(Y ) ⊂ Zϕ(y0 ).
h=1 1≤i<j≤d
On remarquera que, pour d ≥ 3 et 1 ≤ δ ≤ d, on a dδ ≥ δ + (1/2)δ(δ + 1), donc
L’hypothèse d’indépendance linéaire des nombres log α1 , . . . , log αd , log β1 , . . . , log βd per-
1
met d’écrire ces conditions δd + 1 − δ(δ + 1) ≥ δ + 1 = mR (G/G ).
2

h−1
(k)

d
(k)
s0 = 0 et sih bi − shj bj =0 pour 1 ≤ h ≤ d et 1 ≤ k ≤ δ. Par conséquent pour chaque entier d ≥ 3 on trouve un contre-exemple à la réciproque du
i=1 j=h+1 lemme 2.9 pour Gdm .
Par conséquent le rang sur Z de Y /Y ∩TG (R) est égal au rang du système de δd +1 formes Exercice. Soit d un entier ≥ 3 et soit G = Gdm . Montrer qu’il existe un sous-groupe de type
× d
linéaires fini de G(K) = (K+ ) , de rang ≥ mR (G), dont la projection sur tout quotient (G/G )(K),
avec G sous-groupe algébrique de G vérifiant 0 < dim G < dim G, a une image dense

h−1
(k)

d
(k) dans (G/G )(R)0 , mais qui n’est pas dense dans G(R)0 .
L0 = X0 , Lhk = Xih bi − Xhj bj , (1 ≤ h ≤ d, 1 ≤ k ≤ δ)
Indication. Avec les notations du lemme 3.1, prendre un sous-groupe algébrique de
i=1 j=h+1
dimension maximale G de G, dim G < dim G, tel que Γ  = Γ/Γ ∩ G (R) ne soit pas dense
en les indéterminées X0 , Xij , (1 ≤ i < j ≤ d).   
dans G(R), où G désigne le quotient G/G . Vérifier rangZ (Γ) ≥ mR (G), et montrer que
Pour h et k entiers vérifiant 1 ≤ h ≤ d et 1 ≤ k ≤ δ, et pour i et j entiers vérifiant   
les projections de Γ sur les quotients de G (distincts de {0} et de G) sont denses dans les
(hk)
1 ≤ i < j ≤ d, le coefficient cij de Xij dans Lh,k est points réels.
 (k) Etant donné que, pour 1 ≤ δ ≤ d, on a
 −bj si h = i
(hk)
cij = (k)
1 1
 bi si h = j
δd − δ(δ + 1) ≥ δ(δ − 1),
0 sinon. 2 2
Chapitre III. – Groupes algébriques linéaires 79 80 Topologie des points rationnels

le groupe Γ que nous venons de construire satisfait Conjecture 3.3? (conjecture d’indépendance algébrique homogène réelle). –
  1  Soient α1 , . . . , αn des nombres algébriques réels positifs multiplicativement indépen-
rangZ Γ/Γ ∩ G (R) ≥ δ(δ − 1) + 2 ; dants. Si P ∈ Z[X1 , . . . , Xn ] est un polynôme homogène non nul, alors le nombre
2
P (log α1 , . . . , log αn ) n’est pas nul.
le théorème 2.10 montre qu’il n’y a pas d’exemple où le coefficient 1/2 soit remplacé par
× d
1 : si un sous-groupe Γ de (K+ ) vérifie c) Application au problème de densité
 
rangZ Γ/Γ ∩ G (R) ≥ δ(δ − 1) + 2 Soient , d0 et d1 des entiers ≥ 0 avec  > 0 et d = d0 + d1 > 0, αij et βhj des nombres
 algébriques réels, (1 ≤ h ≤ d0 , 1 ≤ i ≤ d1 , 1 ≤ j ≤ ), avec αij > 0 pour tout (i, j) ; on
pour tout sous-groupe algébrique G de Gdm de codimension δ ≥ 1, alors Γ est dense dans × d
définit γ1 , . . . , γ dans K d0 × (K+ ) par
(R× d
+) .

Exercice. Montrer que la conjecture 3.3? ci-dessous entraı̂ne la même conclusion sous γj = (β1j , . . . , βd0 j ; α1j , . . . , αd1 j ), (1 ≤ j ≤ ),
l’hypothèse
  1
rangZ Γ/Γ ∩ G (R) > δ(δ − 1) + 1 et on note Γ le sous-groupe de Rd0 × (R×
+)
d1
qu’ils engendrent :
2
  !
Indication. Voir le corollaire 2 p.278 de [R 1988b]. Γ= s1 βh1 + · · · + s βh ; αi1
s1
· · · αi
s
1≤h≤d0 ;1≤i≤d1
; s = (s1 , . . . , s ) ∈ Z .

b) La conjecture d’indépendance algébrique ×


On choisit une base (θ1 , . . . , θr ) dans K+ du sous-groupe multiplicatif engendré par les d1 
La principale conjecture dans ce domaine est la suivante (voir [Si 1949], p.84, fin du nombres αij et on écrit
chapitre III ; [G 1952], p.177, fin du chapitre III ; [L 1966], p.31, fin du chapitre III) :
Conjecture 3.2? (conjecture d’indépendance algébrique). – Soient λ1 , . . . , λn

r
αij = θρbijρ , (1 ≤ i ≤ d1 , 1 ≤ j ≤ ),
des éléments de L qui sont Q-linéairement indépendants ; alors ces éléments sont
ρ=1
algébriquement indépendants.
On ne sait pas encore démontrer qu’il existe deux éléments de L qui sont algébri- avec des bijρ dans Z.
quement indépendants ! Passons aux logarithmes : on définit encore un sous-groupe Y = Zy1 + · · · + Zy de
Exercice. La conjecture 3.2? implique trivialement les deux résultats suivants : Rd par
a) Si λ1 , λ2 , λ3 , λ4 sont quatre éléments de L linéairement indépendants sur Q, alors yj = (β1j , . . . , βd0 j ; log α1j , . . . , log αd1 j ), (1 ≤ j ≤ ).
λ1 λ2
= λ3 λ4 .
Lemme 3.4. – Si la conjecture 3.3? est vraie, les conditions suivantes sont équivalentes :
b) Si λ1 , λ2 , λ3 sont trois éléments de L linéairement indépendants sur Q, alors λ1 λ2
= λ23 .
(i) le sous-groupe Γ est dense dans Rd0 × (R× +)
d1
;
Vérifier que ces deux énoncés a) et b) sont aussi conséquences de la conjecture des quatre
(ii) le sous-groupe Y est dense dans Rd ;
exponentielles 1.5? . Démontrer ensuite la réciproque : les deux énoncés a) et b) impliquent
(iii) il existe (x1 , . . . , xr ) dans (R× r d0 × d1
+ ) tel que le sous-groupe de R × (R+ ) engendré par
la conjecture des quatre exponentielles 1.5? .
η1 , . . . , η , avec
Indication. On pourra utiliser l’identité
" #
(aX + bY + cZ)X − Y Z = (a + bc)X 2 − (Y − cX)(Z − bX).

r
b
ηj = β1j , . . . , βd0 j ; xbρ1jρ , · · · , xρd1 jρ , (1 ≤ j ≤ ),
ρ=1 ρ=1
Exercice. (D’après D. Roy). Montrer que la conjecture 3.2? est équivalente à l’énoncé
suivant : soit dense dans Rd0 × (R× +)
d1
;
Soient n un entier positif, X une sous-variété algébrique affine de Cn définie sur Q, P un (iv) il existe (ξ1 , . . . , ξr ) dans Rr tel que le sous-groupe de Rd engendré par
point de X dont les coordonnnées sont dans L et V le plus petit sous-espace vectoriel de
" #
Cn rationnel sur Q qui contient P . Alors V est contenu dans X.
r
r
β1j , . . . , βd0 j ; b1jρ ξρ , · · · , bd1 jρ ξρ , (1 ≤ j ≤ ),
Nous utiliserons le cas particulier suivant de la conjecture d’indépendance algébrique : ρ=1 ρ=1
Chapitre III. – Groupes algébriques linéaires 81 82 Topologie des points rationnels

soit dense dans Rd .


a) On suppose que α0 et β0 sont multiplicativement dépendants. Montrer que Γ est
Démonstration. L’équivalence entre (i) et (ii) d’une part, (iii) et (iv) d’autre part, provient dense dans (R× 2
+ ) si et seulement si les trois nombres α0 , α1 , β1 sont multiplicativement
du fait que l’application exponentielle attachée au groupe algébrique G = Gda0 × Gdm1 sur indépendants.
R: b) On suppose que α0 et β0 sont multiplicativement indépendants. Montrer que les deux
expG,R : (u1 , . . . , ud0 ; v1 , . . . , vd1 ) −→ (u1 , . . . , ud0 ; ev1 , . . . , evd1 ) conditions suivantes sont équivalentes
(i) Γ est dense dans (R× 2
+) .
établit un isomorphisme de groupes topologiques entre Rd et Rd0 ×(R× d1
+ ) . L’implication (i) (ii) Les deux nombres α0 , α1 sont multiplicativement indépendants, et les deux nombres
⇒ (iii) (resp. (ii) ⇒ (iv)) est banale : on prend x = θ (resp. ξ = log θ ) pour 1 ≤  ≤ r.
β0 , β1 sont multiplicativement indépendants.
C’est seulement pour établir l’implication (iv) ⇒ (ii) que la conjecture d’indépendance
algébrique homogène réelle va être utile. Le lemme 3.4 suggère une condition nécessaire et suffisante (conjecturale) pour
Supposons que le sous-groupe Y de Rd n’est pas dense : il existe une forme linéaire qu’un sous-groupe de type fini de G(K) ∩ G(R)0 = K d0 × (K+ × d1
) soit dense dans
non nulle ϕ : Rd → R telle que ϕ(Y ) ⊂ Z. On choisit une base z1 , . . . , zt de Y ∩ Ker ϕ : G(R)0 = Rd0 × (R×+ )d1
.



(τ )
Conjecture 3.5? (conjecture de densité pour les groupes algébriques linéaires
zτ = (zτ 1 , · · · , zτ d ) = sj yj , (1 ≤ τ ≤ t), commutatifs). – Soient Γ un sous-groupe de type fini de G(K) ∩ G(R)0 de rang  ; soient
j=1 γ1 , . . . , γ des éléments de Γ linéairement indépendants sur Z. On désigne par H l’adhérence
(τ )
de Zariski de Z(γ1 , . . . , γ ) dans G . Alors Γ est dense dans G(R)0 si et seulement s’il existe
avec des sj dans Z, et (η1 , . . . , η ) ∈ H(R) tel que le sous-groupe Zη1 + · · · + Zη soit dense dans G(R)0 .
t = rangZ (Y ∩ Ker ϕ) = rangZ Y − rangZ ϕ(Y ) ≥ rangZ Y − 1. Du lemme 3.4 nous allons déduire :
 
Comme ϕ(zτ ) = 0, la matrice zτ i 1≤τ ≤t;1≤i≤d a un rang < d. On écrit les coefficients de Lemme 3.6. – La conjecture 3.5? est équivalente à la conjecture 3.3? .
cette matrice : pour 1 ≤ τ ≤ t et 1 ≤ i ≤ d,
 Démonstration.
(τ )
sj βij pour 1 ≤ i ≤ d0 , Conjecture 3.3? ⇒ Conjecture 3.5?
zτ i = j=1 (τ ) r Si H est l’adhérence de Zariski du sous-groupe Z(γ1 , . . . , γ ) de (Gda0 × Gdm1 ) , engendré par
j=1 sj =1 bi−d0 ,j, log θ pour d0 < i ≤ d.
le point (γ1 , . . . , γ ), alors la composante connexe de l’origine de H(R) est
Etant donné que les nombres log θ1 , . . . , log θr ne vérifient pas de relation algébrique " 
#
homogène non triviale (grâce à la conjecture 3.3? que l’on admet), si ξ1 , . . . , ξr sont des 

r 
nombres réels et si on pose H(R)0 = x0 βhj ; xbρijρ ; (x0 ; x1 , . . . , xr ) ∈ R × (R×
+)
r
 
 (τ )
ρ=1 1≤h≤d0 ,1≤i≤d1 ,1≤j≤
sj βij pour 1 ≤ i ≤ d0 ,
ζτ i = j=1 (τ ) r
⊂ Rd0  × (R×
+)
d1 

j=1 sj =1 bi−d0 ,j, ξ pour d0 < i ≤ d,
  (voir l’exercice à la fin de la section a2 ) du paragraphe 2). Il suffit donc d’appliquer le
la matrice ζτ i 1≤τ ≤t;1≤i≤d a encore un rang < d. En renversant l’argument, on déduit que lemme 3.4.
le sous-groupe de Rd engendré par
Conjecture 3.5? ⇒ Conjecture 3.3?
" #

r
r Nous n’utiliserons la conjecture 3.5? que pour les groupes Gdm , avec d ≥ 2. On sup-
β1j , . . . , βd0 j ; b1jρ ξρ , · · · , bd1 jρ ξρ , (1 ≤ j ≤ ), pose que la conjecture d’indépendance algébrique homogène réelle n’est pas vraie : il
ρ=1 ρ=1 existe des nombres algébriques réels positifs multiplicativement indépendants, θ1 , . . . , θr ,
tels que les nombres log θ1 , . . . , log θr vérifient une relation de dépendance algébrique ho-
n’est pas dense et l’assertion (iv) n’est pas satisfaite. mogène non triviale. Soit P ∈ Q[X1 , . . . , Xr ] un polynôme homogène non nul tel que
Exercice. On admet la conjecture 3.3? . Soient α0 , α1 , β0 , β1 des nombres algébriques réels P (log θ1 , . . . , log θr ) = 0. Le lemme 3.7 ci-dessous affirme qu’il existe des nombres ra-
positifs. On pose tionnels
 
Γ = (α0k α1m , β0 β1m ) ; (k, , m) ∈ Z3 ⊂ (R× 2
+) . bij ∈ Q, (1 ≤ i ≤ d, 1 ≤ j ≤ d, 1 ≤  ≤ r),
Chapitre III. – Groupes algébriques linéaires 83 84 Topologie des points rationnels

tels que la matrice carrée Lemme 3.7. – Soient A un anneau commutatif unitaire et n un entier.
" r # a) Tout polynôme de l’anneau A[T1 , . . . , Tn ] est le déterminant d’une matrice carrée à
coefficients dans le A-module A + AT1 + · · · + ATn .
M (X1 , . . . , Xr ) = bij X ,
b) Pour tout polynôme homogène f de A[T0 , . . . , Tn ], il existe une matrice carrée de format
=1 1≤i,j≤d
d × d à coefficients dans le A-module AT0 + · · · + ATn dont le déterminant est T0d−deg f f .
à coefficients dans QX1 + · · · + QXr , ait pour déterminant X1d−deg P P . Ainsi la matrice M Démonstration.
est de rang d, mais le rang de la matrice a) On désigne par R = A[T1 , . . . , Tn ] l’anneau des polynômes à coefficients dans A en n
" r # indéterminées. Pour chaque entier d ≥ 1, on note Rd le sous-A-module de R formé des

M (log θ1 , . . . , log θr ) = bij log θ polynômes de degré total ≤ d. Ainsi R1 = A + AT1 + · · · + ATn , tandis que Rd est engendré
=1 1≤i,j≤d
comme A-module par les monomes T1a1 · · · Tnan avec a1 + · · · + an ≤ d. Quand E et F
sont deux sous-A-modules de R, on désigne par EF le sous-module de R engendré par les
est < d. produits xy, (x ∈ E, y ∈ F ). Donc Rd = R1 Rd−1 pour tout d ≥ 2.
On choisit des nombres algébriques réels positifs α1 , . . . , αd tels que les d + r nombres On remarque déjà que si une matrice M a ses coefficients dans EF où E et F sont
α1 , . . . , αd , θ1 , . . . , θr soient multiplicativement indépendants et on définit des éléments de deux sous-A-modules de R, alors il existe une matrice P dont les coefficients sont dans
× d
(K+ ) par E, et une matrice Q dont les coefficients sont dans F , telles que M = P Q. En effet on
" r # peut écrire M = M1 y1 + · · · + Mt yt , avec y1 , . . . , yt dans F , et les matrices M1 , . . . , Mt ont

toutes le même format que M , et sont à coefficients dans E. Si M est de format d × , on
γ0 = (α1 , . . . , αd ), γj = θ bij
, 1 ≤ j ≤ d.
=1
peut prendre par exemple P de format d × (t) et Q de format (t) ×  :
1≤i≤d
 
y1 I
Le sous-groupe de (R×
+)
d
engendré par γ0 , . . . , γd n’est pas dense, car les vecteurs colonnes  
de M (log θ1 , . . . , log θr ) appartiennent à un même hyperplan. P = ( M1 · · · Mt ) , Q =  ...  ,
Soient x1 , . . . , xr , ξ1 , . . . , ξd des nombres réels positifs dont les logarithmes sont yt I
algébriquement indépendants. On pose
" r # où I est la matrice identité  × .

On remarque ensuite que si P est une matrice p × q et Q une matrice q × p, alors
η0 = (ξ1 , . . . , ξd ), ηj = bij
x , 1 ≤ j ≤ d.  
=1 1≤i≤d Iq Q
det(P Q) = det .
−P 0
Pour montrer que le sous-groupe engendré par η0 , η1 , . . . , ηd est dense dans (R× d
+ ) , on utilise  
la proposition 4.3 du chapitre II : il s’agit de vérifier que pour tout (s0 , . . . , sd ) ∈ Zd+1 \{0}, Iq 0
Pour le voir il suffit de multiplier cette dernière matrice à gauche par la matrice
le déterminant de la matrice P Ip
 
  Iq Q
log ξ1 dont le déterminant est 1 ; le produit est dont le déterminant est égal à celui
 M (log x1 , . . . , log xr ) 0 PQ
.. 
.
M =  

 de P Q.
log ξd Ces deux remarques montrent que toute matrice carrée M à coefficients dans Rd , avec
s1 · · · sd s0 d ≥ 2, a le même déterminant qu’une certaine matrice carrée à coefficients dans Rd−1 .
n’est pas nul. Ce déterminant est un polynôme en log ξ1 , . . . , log ξd , dont le terme constant Par récurrence on déduit qu’il existe une matrice à coefficients dans R1 ayant le même
est s0 det M (log x1 , . . . , log xr ). Si s0
= 0, alors det M 
= 0. Si s0 = 0, alors on a déterminant que M .
(s1 , . . . , sd )
= (0, . . . , 0). On complète le vecteur (s1 , . . . , sd ) en une base de Rd avec d − 1 b) Soit f ∈ A[T0 , . . . , Tn ] un polynôme homogène. D’après a), il existe une matrice carrée
vecteurs lignes de la matrice M (log x1 , . . . , log xr ) ; si i est l’indice du vecteur ligne de cette M à coefficients dans A + AT1 + · · · + ATn telle que f (1, T1 , . . . , Tn ) = det M . On remplace
matrice qui n’a pas été utilisé, le coefficient de log ξi dans le déterminant de M  n’est pas dans M chaque coefficient de la forme a0 +a1 T1 +· · ·+an Tn par a0 T0 +a1 T1 +· · ·+an Tn .
nul. On obtient ainsi un contre exemple à la conjecture 3.5? pour le groupe Gdm .
La démonstration du lemme 3.6 a utilisé le résultat suivant, dû à D.Roy [R 1988a], Exercice. Soit P un polynôme de degré D en n variables ; montrer qu’il existe une matrice
Prop. 3 (voir aussi [R 1990b], Prop. 3.3) : carrée, de format d × d, avec d ≤ (n + 1)D−1 , à coefficients dans A + AT1 + · · · + ATn ,
Chapitre III. – Groupes algébriques linéaires 85 86 Topologie des points rationnels

dont le déterminant est P . Nous avons vu (dans la démonstration du lemme 3.6) que le cas particulier d0 = 0
Indication. Reprendre la démonstration, mais en utilisant la relation suivante, pour des de la conjecture 3.5? suffisait pour impliquer la conjecture 3.3? , qui à son tour implique la
matrices carrées M0 , M1 , . . . , Mn de même format k × k : conjecture 3.5? . Par conséquent les deux assertions suivantes sont équivalentes :
  (i) Pour tout entier d1 > 0, le groupe algébrique Gdm1 possède la propriété de densité.
−X1 Ik
 .  (ii) Pour tout d0 et d1 entiers ≥ 0 avec d = d0 + d1 > 0, le groupe algébrique Gda0 × Gdm1
Ink ..
det(M0 + M1 X1 + · · · + Mn Xn ) = det  
. possède la propriété de densité.
−Xn Ik  Ainsi la situation conjecturale contraste avec ce que l’on sait démontrer : dans le théorème
M 1 · · · Mn M0 2.10, les facteurs Ga recèlent des informations non redondantes.
Lemme 3.8. – La conjecture 3.5? est vraie dans le cas particulier d1 = 0.
(1) (m) (j)
Exercice. Soit S l’anneau A[X1 , . . . , Xn ]
des polynômes en mn inconnues (1 ≤ Xi , Démonstration. Quand d1 = 0 et d0 = d, le groupe G(R) des points réels du groupe
i ≤ n, 1 ≤ j ≤ m). Montrer que tout élément de S est le determinant d’une matrice M de algébrique G = Gda est le R-espace vectoriel Rd . Soit Γ un sous-groupe de type fini de
la forme
  Rd , de rang , et soit (γ1 , . . . , γ ) un système générateur de Γ comme Z-module. Si H est
M00 M01 l’adhérence de Zariski dans Gd a du sous-groupe Z(γ1 , . . . , γ ), alors H(R) est le sous-espace
 M10 M11  vectoriel de Rd engendré par ce point :
M =  ... ..   
.  H(R) = (γ1 x, . . . , γ x) ; x ∈ R .
Mm0 Mm1
Alors Zγ1 + · · · + Zγ est dense dans Rd si et seulement s’il existe x ∈ R tel que
où Mji a ses coefficients dans A si i ou j s’annule, tandis que, pour j = 1, . . . , m, Mj1 a Zγ1 x + · · · + Zγ x soit dense dans Rd .
(j) (j)
ses coefficients dans le sous-A-module Lj de S engendré par X1 , . . . , Xn .
Voici un exemple pour terminer cette section :
Exemple : tout polynôme dans l’anneau A[X1 , . . . , Xn , Y1 , . . . , Yk ] peut être écrit sous la
forme Corollaire 3.9. – Sous les hypothèses du corollaire 2.11, si on admet la conjecture 3.3? ,
 
M0 M0 alors pour que Γ soit dense dans Rd0 × (R×
+ ) , il faut et il suffit que l’on ait  ≥ d + 1 et
d1

det  M1 M1   que Γ0 soit dense dans R .


d0

M2 M2 Démonstration. Une implication est banale : si Γ est dense dans Rd0 × (R× d1
+ ) , alors d’une
où les matrices M0 , M1 , M2 , M0 ont leurs coefficients dans A, la matrice M1 a ses part la projection Γ0 de Γ sur le facteur Rd0 est dense et d’autre part on a  = rangZ (Γ) ≥
coefficients dans AX1 + · · · + AXn et M2 a ses coefficients dans AY1 + · · · + AYk . mR (G) = d + 1. Pour la réciproque, on utilise la conjecture 3.5? : le fait que les d1 
Indication (d’après D. Roy). Soit P ∈ S. D’après le lemme 3.7, P = det N où N est nombres αij soient multiplicativement indépendants assure que l’adhérence de Zariski H
une matrice à coefficients dans du sous-groupe deG = Gad0  × Gm d1 
engendré par le point (βhj ; αij )1≤h≤d0 ,1≤i≤d
 1 ,1≤j≤
vérifie H(R)0 = (x0 βhj ; xij )1≤h≤d0 ,1≤i≤d1 ,1≤j≤ ; (x0 , xij ) ∈ R × (R× +)
d1 
. Il reste à
A ⊕ L1 ⊕ · · · ⊕ Lm .
montrer qu’il existe (xij )1≤i≤d1 ,1≤j≤ ∈ (R× +)
d1 
tel que le sous-groupe Zη1 + · · · + Zη de
Donc on peut écrire N sous la forme Rd0 × (R×+)
d1
engendré par
  ηj = (β1j , . . . , βd0 j ; x1j , . . . , xd1 j ), (1 ≤ j ≤ )
I
I  soit dense dans G(R) = R ×0 d0
(R× On prend des nombres réels tij , (1 ≤ i ≤ d1 ,
d1
N = N0 + N 1 + · · · + N m = ( N0 N1 ... Nm )  .. 
 , +) .
. 1 ≤ j ≤ ), qui sont algébriquement indépendants (sur Q, donc sur K) et on pose xij = etij ,
I (1 ≤ i ≤ d1 , 1 ≤ j ≤ ). Il s’agit de vérifier que pour tout (s1 , . . . , s ) ∈ Z \ {0}, la matrice
 
où N0 a ses coefficients dans A tandis que Nj a ses coefficients dans Lj pour j = 1, . . . , m. β11 · · · β1j · · · β1
 .. .. . .. .. 
.
On désigne par I la matrice identité de même taille que N . On a  . . .. . 
     
0 0 . . . 0 −N  βd 1 · · · βd j · · · βd  
I I ... I 0  0 0 0 

 I 0 . . . 0 N0   I 0 . . . 0 N0  M =  t11 · · · t1j · · · t1 



     . 
det  0 I . . . 0 N1  = det  0 I . . . 0 N1  = ± det N.  . . . . .
. . . .  . . . .  
. . . .
. . . . 
.

 .. .. .. ..   .. .. .. ..   t d 1 · · · td j · · · td  
1 1 1
0 0 . . . I Nm 0 0 . . . I Nm s1 · · · sj · · · s
Chapitre III. – Groupes algébriques linéaires 87 88 Topologie des points rationnels

est de rang d + 1. Comme Γ0 est dense dans Rd0 , la matrice obtenue en ne conservant  = ϕ(Γ) ;
Quand Γ est un sous-groupe de type fini de Cd , on pose Γ
que les d0 premières lignes et la dernière est de rang d0 + 1 (c’est la proposition 4.3 du
 
chapitre II qui le dit). On considère un mineur non nul de M de format (d0 + 1) × (d0 + 1).  = (γ, γ) ; γ ∈ Γ ⊂ C2d .
Γ
Les d0 + 1 colonnes correspondantes de M sont linéairement indépendantes sur R. Comme
les nombres tij sont algébriquement indépendants sur K et que  ≥ d + 1, tout système Alors les conditions suivantes sont équivalentes :
de d + 1 colonnes de M contenant les d0 + 1 colonnes choisies est encore libre sur R. On
(i) Γ est dense dans Cd .
applique encore une fois la proposition 4.3 du chapitre II pour conclure.
(ii) Pour tout hyperplan complexe H de C2d , on a
Exercice. On considère un sous-espace vectoriel L de R sur Q et on note Q son image par
 
l’application exponentielle :  Γ
rangZ Γ/  ∩ H ≥ 2.
 
Q = exp L = eλ ; λ ∈ L ⊂ R× +.
Choisissons une base (γ1 , . . . , γ ) du Z-module Γ et posons γ
j = ϕ(γj ), (1 ≤ j ≤ ), de sorte
1. On fait l’hypothèse suivante :  = Z
que Γ γ1 + · · · + Z
γ . L’adhérence de Zariski Z de Z(  ) dans
γ1 , . . . , γ  (C ) = Ga (C)
2d  2d

toute famille Q-linéairement indépendante d’éléments de L est algébriquement libre
est le plus petit sous-espace vectoriel sur C de C2d contenant le point ϕ(γ1 ), . . . , ϕ(γ ) :
sur Q.
si on écrit γj = (βij )1≤i≤d , (1 ≤ j ≤ ), alors
Soient d un entier > 0, G le groupe algébrique Gdm , et Γ un sous-groupe de type fini de Qd
de rang  ; soient γ1 , . . . , γ des éléments multiplicativement indépendants de Γ. On désigne  
par H l’adhérence de Zariski de Z(γ1 , . . . , γ ) dans G . Alors Γ est dense dans (R× d Z = (zβij , zβ ij )1≤i≤d,1≤j≤ ; z ∈ C .
+ ) si et
seulement s’il existe (η1 , . . . , η ) ∈ H(R) tel que le sous-groupe Zη1 + · · · + Zη soit dense
dans (R× d L’intersection de Z avec l’image
 diagonale de ϕ  est le plus petit sous-espace vectoriel sur
+) .
R de C2d contenant le point ϕ(γ1 ), . . . , ϕ(γ ) :
2. Réciproquement, on suppose :
si d est un entier > 0, G le groupe algébrique Gdm , Γ un sous-groupe de type fini de Qd    
Z ∩ ϕ(Cd ) = (xβij , xβ ij )1≤i≤d,1≤j≤ ; x ∈ R .
de rang , γ1 , . . . , γ des éléments multiplicativement indépendants de Γ, si H désigne
l’adhérence de Zariski de Z(γ1 , . . . , γ ) dans G et s’il existe (η1 , . . . , η ) ∈ H(R) tel d
que le sous-groupe Zη1 +· · ·+Zη soit dense dans (R× d × d
+ ) , alors Γ est dense dans (R+ ) .
Quand Γ est contenu dans G(Q) = Q , ce sous-espace est rationnel sur K = Q ∩ R. On
Soient λ1 , . . . , λm des éléments Q-linéairement indépendants de L et P ∈ Q[X1 , . . . , Xm ] notera enfin que les conditions (i) et (ii) précédentes sont encore équivalentes à la suivante :
un polynôme homogène non nul. Vérifier P (λ1 , . . . , λm )
= 0. (iii) Il existe x ∈ R tel que Zxγ1 + · · · + Zxγ soit dense dans G(C) = Cd .
b) Sous-groupes de C×
§4. Groupes algébriques linéaires sur C On a vu (dans le paragraphe 1, section c)) que l’étude de la densité dans C× d’un sous-
d0 ×  ⊂ (C× )2 défini par
groupe de type fini Γ faisait intervenir le sous-groupe Γ
Soit Γ un sous-groupe de type fini de Q × (Q )d1 . On veut savoir si Γ est dense dans
C × (C× )d1 . Au groupe algébrique G = Gda0 × Gdm1 on associe un groupe algébrique G
d0   
 = (γ, γ) ; γ ∈ Γ .
Γ
défini sur R, dont le groupe des points réels est isomorphe à G(C). La réponse à la question

de densité fera intervenir les sous-groupes algébriques de G.
On pose
Le cas d1 = 0, G = Ga est facile, grâce à la proposition 6.1 du chapitre II. On
d
ϕ: C → C2 et φ : C× → (C× )2 .
reprendra l’étude des sous-groupes de C× , (G = Gm ) qui a été commencée dans la section
z → (z, z) t → (t, t)
c) du paragraphe 1 ; on l’étendra ensuite aux sous groupes de type fini de (C× )d , (G = Gdm )
avant de considérer le cas général. Le groupe algébrique G2m est linéaire ; on le plonge habituellement dans GL2 de façon
diagonale, mais il y a d’autres plongements. Considérons l’application
a) Sous-groupes de C d

Le problème de la densité de sous-groupes de type fini de Cd a fait l’objet de la θ: (C× )2 →  GL2 (C) 
proposition 6.1 du chapitre II. On définit une application ϕ : Cd → C2d par 2i (t1 − t2 )
1 1
2 (t1+ t2 )
(t1 , t2 ) →  .
ϕ(z1 , . . . , zd ) = (z1 , . . . , zd ; z 1 , . . . , z d ). − 2i (t1 − t2 ) 2 (t1 + t2 )
1 1
Chapitre III. – Groupes algébriques linéaires 89 90 Topologie des points rationnels

Le déterminant de la matrice est et

1 1 expG̃ = θ ◦ expG2m : TG̃ (C) = C2 −→ 


G(C)
(t1 + t2 )2 − (t1 − t2 )2 = t1 t2 .  
2i (e − e )
1 z1 1
z2 z1 z2
4 4 2 (e
+e )
(z1 , z2 ) → 
− .
L’image de θ est un sous-groupe de GL2 (C) : − 2i
1
(ez1 − ez2 ) 12 (ez1 + ez2 )
  $
  u v Comme θ est un isomorphisme, les noyaux de expG̃ et de expG2m sont les mêmes, à savoir
θ (C× )2 = ; (u, v) ∈ C2 , u2 + v 2
= 0 ⊂ GL2 (C). (2iπZ)2 :
−v u expG2
C2 −−−−− m
→ (C× )2

 de GL2 de la manière suivante : on écrit GL2 
On définit une sous-variété algébrique G expG̃  θ
comme l’hypersurface d’équation (X1 X4 − X2 X3 )X5 = 1 dans l’espace affine A5 et G  

est la sous-variété d’équations X1 = X4 , X2 = −X3 . On peut donc voir aussi G comme 
G(C).
l’hypersurface algébrique d’équation T3 (T12 + T22 ) = 1 dans A3 . Le groupe des points

La restriction de expG̃ au sous-espace ϕ(C) est l’application exponentielle de G(R). On
complexes du groupe algébrique G  est
écrira donc TG̃ (R) = ϕ(C) (qui est un R-espace vectoriel de dimension 2). Le C-espace
  vectoriel C2 admet comme base (1, 1) et (i, −i) ; on définit une R-structure sur C2 en

G(C) = θ (C× )2 .
considérant le R-sous-espace vectoriel engendré par ces deux éléments :
 
 est isomorphe sur C au groupe G2 , mais il n’y a pas C 2
= (z1 + iz2 , z1 − iz2 ) ; (z1 , z2 ) ∈ C2
Le groupe algébrique G m %
 est définie sur
d’isomorphisme sur R entre ces deux groupes algébriques. La variété G  
R (et même sur Q), et ses points réels forment le sous-groupe ϕ(C) = (x + iy, x − iy) ; (x, y) ∈ R2 .

  $ On a le diagramme commutatif (où expGm est l’application exponentielle usuelle z → ez ) :


 x y 
G(R) = ; (x, y) ∈ R2 , (x, y)
= {0, 0} ⊂ G(C) expG
−y x C
 −−−−−

m
C×
 
 
ϕ  θ◦φ
qui est isomorphe à C× par θ ◦ φ : pour x + iy ∈ C× on a  
expG̃,R
  (R) −−−−−→
TG̃& 
G(R)
x y &
θ ◦ φ(x + iy) = θ(x + iy, x − iy) = .
−y x exp

TG̃ (C) −−−−G̃−→ G(C).
Plus généralement, si K est un sous-corps de C, l’application Le noyau de expG̃,R est ϕ(2iπZ), sous-groupe de rang 1 de TG̃ (R).
   √  l’intersection G (R)
D’après le lemme 1.11, si G est un sous-groupe algébrique de G,
a b a + ib si i = −1
∈ K,  
−→ de G (C) avec G(R) est l’image par l’isomorphisme θ ◦ φ de l’un des sous-groupes suivants :
−b a (a + ib, a − ib) si i ∈ K
C× , U, R×
+ × µ2n , µn ,
donne un isomorphisme 

G(K)  K(i)× si i
∈ K, avec n entier ≥ 1.
K× × K× si i ∈ K.
Remarque. La construction qui vient d’être faite est un cas particulier de la restriction des

On obtient l’application exponentielle expG̃ de G(C) en composant avec θ l’application scalaires. Quand k est un corps de caractéristique nulle et A une k-algèbre commutative
exponentielle de (C× )2 : unitaire, ayant une base finie e1 , . . . , ed comme k-espace vectoriel, on peut définir une loi
interne sur l’espace affine de dimension d de la manière suivante :
expG2m : C2 → (C× )2  
(z1 , z2 ) → (ez1 , ez2 ) (x1 , . . . , xd )(y1 , . . . , yd ) = f1 (x, y), . . . , fd (x, y) ,
Chapitre III. – Groupes algébriques linéaires 91 92 Topologie des points rationnels

où les polynômes f1 , . . . , fd dans k[X1 , . . . , Xd , Y1 , . . . , Yd ] sont définis par : où 1 , . . . , d désigne la base canonique de Cd et j = ( j , − j ), (1 ≤ j ≤ d).
Comme groupe topologique, G(C)  
est isomorphe à (C× )2d et G(R) à (C× )d , ce qui
(x1 e1 + · · · + xd ed )(y1 e1 + · · · + yd ed ) = f1 (x, y)e1 + · · · + fd (x, y)ed . donne    

m G(C) = 2d + 1 et m G(R)  = d + 1.
En écrivant 1 = u1 e1 + · · · + ud ed , on obtient un élément unité u = (u1 , . . . , ud ). On montre
qu’il existe un polynôme D ∈ k[X1 , . . . , Xd ] ayant la propriété suivante : si B est une        
On pose mC G  = m G(C) et mR G  = m G(R)
 .
k-algèbre commutative, pour (x1 , . . . , xd ) ∈ B d , le système d’équations
Les sous-groupes algébriques de G  sont obtenus en prenant les images par θd des sous-
fi (x, y) = ui , (1 ≤ i ≤ d) groupes algébriques de G2d m ; ils sont donc indexés par les sous-groupes A de Z
2d
: l’image
par θd du sous-groupe TA (C) sera notée GA (C) :
a une solution (y1 , . . . , yd ) ∈ B d si et seulement si D(x) ∈ B × . On note TA le groupe
algébrique défini sur k, ouvert de Zariski de Ad défini par D(x)
= 0. Pour toute k-algèbre    
 ; ta1 · · · tad t a1 · · · t ad = 1
GA = (t1 , . . . , td ; t1 , . . . , td ) ∈ G pour tout (a, a ) ∈ A .
B, TA (B) est un groupe, et TA (k) = A× est le groupe des unités de A. 1 d 1 d

Par exemple si on prend pour A un corps K extension finie de k, le groupe algébrique 


Le groupe des points réels de GA est GA (R) = GA (C) ∩ G(R) :
ainsi obtenu, noté TK/k , est le tore associé à l’extension K/k. Le groupe TK/k (k) est K × ,
alors que TK/k (K) est (K × )d . On dit aussi que TK/k est le tore obtenu par restriction des 
GA (R) = (t1 , . . . , td ; t1 , . . . , td ) ; (t1 , . . . , td ) ∈ (C× )d ,
scalaires de Gm de K à k ; on note encore TK/k = ResK/k (Gm ). Nous reviendrons sur cette 
a a
question dans le chapitre suivant. ta1 1 · · · tadd t1 1 · · · tdd = 1 pour tout (a, a ) ∈ A .
×
c) Densité dans (C× )d de sous-groupes de (Q )d
Soit d un entier ≥ 1. On conservera la notation θ : (C× )2 → GL2 (C) pour l’application
L’espace  à l’origine de GA (C) est le plus grand sous-espace vectoriel contenu dans
 tangent
exp−1

GA (C) :
qui a été introduite ci-dessus, mais maintenant ϕ et φ désigneront les applications
'
ϕ : Cd → C2d et φ: (C× )d → (C× )2d 

d

z → (z, z) t → (t, t) TGA (C) = (z, z ) ∈ C 2d
; ai zi + ai zi ) 
= 0 pour tout (a, a ) ∈ A .
i=1
On pose
θd : (C× )2d −→  GL2d (C)  C’est un sous-espace vectoriel de C2d rationnel sur Q, et
(t1 , . . . , td ; t1 , . . . , td ) −→ diag θ(t1 , t1 ), . . . , θ(td , td )
'

d

L’image, qui est évidemment isomorphe à (C× )2d , est le groupe G(C) des points complexes TGA (R) = (z, z) ; z ∈ C , d
ai zi + ai z i ) 
= 0 pour tout (a, a ) ∈ A .
d’un sous-groupe algébrique G  de GL2d , de dimension 2d, défini sur Q. Ce sous-groupe i=1
algébrique est isomorphe sur C au groupe algébrique G2d m . L’application θ ◦ φ donne un
d
× d   On
isomorphisme de (C ) sur le groupe G(R) des points réels de la variété algébrique G. Le noyau de l’application exponentielle de GA (R) est
définit TG̃ (R) = ϕ(Cd ), qui est un R-espace vectoriel de dimension 2d, isomorphe à Cd par
ϕ, contenu dans TG̃ (C) = C2d , et on a encore un diagramme commutatif Ker expGA ,R = (2iπn, −2iπn) ; n = (n1 , . . . , nd ) ∈ Zd ,
expGd
C d
−−−−−

m
(C× )d
d
 !

  ai − ai )ni = 0 pour tout (a, a ) ∈ A ⊂ TGA (R).
  d
ϕ  θ ◦φ i=1
 
expG̃,R
(R) −−−−−→
TG̃& 
G(R) Si κ est son rang, alors d − κ est le rang de l’image de A dans Zd par l’application
&
(a, a ) → a − a .
TG̃ (C) −−−−G̃
−→
exp

G(C).  de codimension δ ; désignons par κ le rang sur
Soit G un sous-groupe algébrique de G
Z du noyau de expG ,R . La composante connexe de l’élément neutre de G (R) est isomorphe
Le noyau Ω de exp est (2iπZ)2d , tandis que celui de exp au quotient de R2d−δ par un sous-groupe de rang κ, donc
G̃ G̃,R est le sous-groupe suivant de
rang d de TG̃ (R) :
   
 R = ϕ (2iπZ)d = Z2iπ 1 + · · · + Z2iπ d ,
Ω mR (G ) = m G (R) = dim G − rangZ Ker expG ,R +1 = 2d − δ − κ + 1;
Chapitre III. – Groupes algébriques linéaires 93 94 Topologie des points rationnels

de même On pose V = H/TG (C) ; c’est un hyperplan de TG̃/G (C), qui ne contient pas de
    sous-espace de TG̃/G (C) rationnel sur Q de dimension > 0 (il ne contient pas de sous-
  ) = m G(R)/G
    ) − rangZ Ker exp
mR (G/G (R) = dim(G/G G̃/G ,R + 1 = δ − (d − κ) + 1. espace de la forme TG /G (C), avec G sous-groupe algébrique de G  contenant G et
   
de dimension > dim G ). On pose encore Y = Y /Y ∩ TG (R). C’est un sous-groupe de
Quand Γ est un sous-groupe de type fini de (C× )d , on définit Γ  = θd ◦ φ(Γ) ; c’est un sous-
type fini de TG̃/G (R) dont l’image par l’application exponentielle de G̃/G est contenue

groupe de G(R),  est dense dans G(R).
et Γ est dense dans (C× )d si et seulement si Γ  Si Γ   ×
dans G̃/G (Q)  (Q )δ , avec δ = dim G  − dim G . On est donc dans les conditions
est dense, alors pour tout sous-groupe algébrique G de G,  l’image de Γ  dans le quotient
  d’applications du théorème 2.6 :
G(R)/G (R) est encore dense, donc
  rangZ (Y  ∩ V) ≤ dimQ (Lδ ∩ V) ≤ δ(δ − 1).
 Γ
rangZ Γ/  ∩ G (R) ≥ mR (G/G
  ).

Comme Y  /Y  ∩ V et Y /Y ∩ H sont isomorphes, pour conclure à la densité de Γ dans


×
Soient γ1 , . . . , γ des éléments de (Q )d multiplicativement indépendants, et soit Γ (C× )d il ne reste plus qu’à vérifier la condition
le sous-groupe multiplicatif (de rang ) qu’ils engendrent. On veut donner des conditions
suffisantes qui entraı̂nent que Γ est dense dans (C× )d . rangZ Y  ≥ δ(δ − 1) + 2 où Y  = Y /Y ∩ TG (R) et dim G = 2d − δ.
Exercice. En s’inspirant des démonstrations des corollaires 2.11 et 3.9, établir le résultat
suivant. Soient αij (1 ≤ i ≤ d, 1 ≤ j ≤ ) des nombres complexes algébriques non nuls,  pour lesquels
On imposera cette condition pour tous les sous-groupes algébriques G de G
tels que les 2d nombres αij , αij soient multiplicativement indépendants. On désigne par  
× R = d − η
rangZ TG (R) ∩ Ω avec η = 0 ou 1 et δ ≤ d + η.
γj ∈ (Q )d le point de coordonnées (α1j , . . . , αdj ), (1 ≤ j ≤ ), et par Γ le sous-groupe de
× d
(Q ) qu’ils engendrent.
a) Si  ≥ 2d(2d − 1) + 2, alors Γ est dense dans (C× )d .  
Remarque a) : le cas η = 0. Un hyperplan H de C2d qui vérifie rangZ H ∩ Ω  R = d contient
b) On admet la conjecture 3.5? . Si  ≥ d + 1, alors Γ est dense dans (C× )d .  R , donc contient 1 , . . . , d (∗ ). Par conséquent il a une équation de la forme

Nous allons donner un résultat plus précis que celui proposé dans l’exercice précédent.
On définit
d
ϑk (zk + zk ) = 0,
Y = exp−1
Gd
(Γ) = Zy1 + · · · + Zy + Z2iπ 1 + · · · + Z2iπ d ⊂ Cd . k=1
m

On pose encore Y = ϕ(Y ) ; il s’agit de vérifier que pour tout hyperplan complexe H de avec (ϑ1 , . . . , ϑd ) ∈ Cd \ {0}. L’intersection d’un tel hyperplan H avec ϕ(Cd ) est l’image
par ϕ de
C2d , on a rangZ (Y /Y ∩ H) ≥ 2. Rappelons la notation '
d
  z∈C ; d
ϑk e zk = 0 .
 R = Ker exp
Ω d
= Z2iπ 1 + · · · + Z2iπ d .
G̃,R = ϕ (2iπZ) k=1

La condition
On remarque que Y contient Ω  R /Ω
 R ; si rangZ (Ω  R ∩ H) ≥ 2, alors l’inégalité à démontrer  
 R /Ω
 R ∩ H) est égal à 0 ou 1. rangZ Y /Y ∩ TG (R) ≥ δ(δ − 1) + 2
est claire. On peut donc supposer que le nombre η = rangZ (Ω
On considère le sous-espace de C2d engendré par Q2d ∩ H : c’est le plus grand sous- dans le cas Ω  R ⊂ TG (R) n’est autre que l’hypothèse qui est nécessaire pour pouvoir
espace de C2d rationnel sur Q contenu dans H, donc c’est le plus grand sous-espace de appliquer le théorème 2.6∗ et garantir la densité du sous-groupe de (R× d
 De la + ) engendré par les
la forme TG (C) qui soit contenu dans H, avec G sous-groupe algébrique de G. éléments

définition de TG on déduit que ΩR ∩ H est contenu dans TG (R) : plus précisément (|α1j |, . . . , |αdj |), (1 ≤ j ≤ ).
R = H ∩ Ω
TG (R) ∩ Ω  R.
(∗ ) Noter qu’un tel hyperplan H ne contient pas ϕ(Cd ), bien qu’il contienne l’image par
En particulier la dimension de G est ≥ d − η. ϕ d’une base de Cd ; mais ϕ n’est pas C-linéaire !
Chapitre III. – Groupes algébriques linéaires 95 96 Topologie des points rationnels

 
Remarque b) : le cas η = 1. L’hypothèse que nécessite le théorème 2.6∗ pour garantir la ce qui donne y ∈ ϕ (2iπZ)d = Ω R.
densité du sous-groupe de Ud engendré par les éléments   
Ainsi Y = Y /Y ∩ TG (R) a pour rang
(α1j /α1j , . . . , αdj /αdj ), (1 ≤ j ≤ )
rangZ Y  = rangZ Y − rangZ Ω
 R ∩ TG (R) =  + η.
provient des hyperplans ayant une équation de la forme
Enfin, comme η ≤ 1 et δ ≤ d + η, l’hypothèse  ≥ d2 + d + 1 entraı̂ne  + η ≥ δ(δ − 1) + 2.

d
Pour démontrer la partie c) de la proposition 4.1, on utilise le théorème 7.2 du chapitre
ϑk (zk − zk ) = 0, II pour R = (C× )d avec n = 2d. Il s’agit de vérifier, si  ≥ d(d + 3), que tout sous-groupe
k=1
Γ1 de Γ de rang 1 =  − 2d + 1 est dense dans (C× )d . Soient γ1 , . . . , γ 1 des éléments
avec (ϑ1 , . . . , ϑd ) ∈ Cd \ {0} et η = 1. Q-linéairement indépendants de Γ :
Voici un exemple :


γλ = (α1λ
   m
Proposition 4.1. – Soient αij , (1 ≤ i ≤ d, 1 ≤ j ≤ ) des nombres algébriques complexes , . . . , αdλ ), αiλ = αij jλ , (1 ≤ λ ≤ 1 , 1 ≤ i ≤ d),
non nuls. On suppose que si s1 , . . . , s , a1 , . . . , ad , a1 , . . . , ad sont des nombres entiers tels j=1

que  

d
 où la matrice entière mjλ 1≤j≤,1≤λ≤1 est de rang 1 . Alors pour a1 , . . . , ad , a1 , . . . , ad ,
a s a s
αiji j αiji j = 1, t1 , . . . , t1 dans Z, la relation
i=1 j=1

alors ou bien s1 = · · · = s = 0, ou bien a1 = · · · = ad = a1 = · · · = ad = 0. On définit

1

 ai tλ
× × (αiλ ) (αiλ )ai tλ = 1
γj = (α1j , . . . , αdj ) ∈ (Q )d , (1 ≤ j ≤ ) et on désigne par Γ le sous-groupe de (Q )d i=1 λ=1
engendré par γ1 , . . . , γ .
a) Si Γ est dense dans (C× )d , alors  ≥ d + 1. s’écrit
b) Si  ≥ d2 + d + 1, alors Γ est dense dans (C× )d .


a s a sj
c) Si  ≥ d2 + 3d, alors Γ contient un sous-groupe de rang d + 1 qui est dense dans (C× )d . αiji j αiji = 1,
  i=1 j=1
Démonstration. La partie a) de l’énoncé résulte de l’égalité m (C× )d = d + 1. Pour la avec
partie b), on remarque que si G est un sous-groupe algébrique de G  tel que dim G < dim G,

1

alors sj = mjλ tλ , (1 ≤ j ≤ ).


 R ∩ TG (R).
Y ∩ TG (R) = Ω λ=1

Pour le vérifier, on écrit qu’un élément Comme les conditions s1 = · · · = s = 0 et t1 = · · · = t1 = 0 sont équivalentes, on peut
utiliser b) pour conclure que Γ1 est dense dans (C× )d .


d
y= sj ϕ(yj ) + tk ϕ(2iπ k ) Problème. Sous les hypothèses de la proposition 4.1, et en admettant la conjecture 3.3? ,
j=1 k=1 peut-on déduire que Γ est dense dans (C× )d dès que  ≥ d + 1 ?

de Y appartient à un sous-espace de C2d rationnel sur Q : ×


Exercice. Soit Γ un sous-groupe de (Q )2 de rang 3. On suppose que Γ n’est pas dense
dans (C× )2 , mais que ses images par les applications (z1 , z2 ) → (z1 /|z1 |, z2 /|z2 |) et

d
(aν zν + aν zν ) = 0, (z1 , z2 ) → (|z1 |, |z2 |) sont denses dans U2 et (R× 2
+ ) respectivement. Montrer qu’il existe
ν=1 une matrice carrée 3 × 3, à coefficients dans L, de déterminant nul, dont les lignes sont
linéairement indépendantes sur Q, dont les colonnes sont aussi linéairement indépendantes

avec (a, a )
= (0, 0) ; on déduit de l’hypothèse d’indépendance multiplicative : sur Q, et qui n’est pas de la forme P M Q avec P et Q dans GL3 (Q) et M antisymétrique.

d
s1 = · · · = s = 0 et (aν − aν )tν = 0, Exercice. Soient α1 , α2 , α3 des nombres réels positifs et β1 , β2 , β3 des nombres complexes
ν=1 non nuls. On suppose que les six nombres α1 , α2 , α3 , |β1 |, |β2 |, |β3 | sont multiplicativement
Chapitre III. – Groupes algébriques linéaires 97 98 Topologie des points rationnels

 
indépendants, et que les trois nombres β1 /|β1 |, β2 /|β2 |, β3 |β3 | sont aussi multiplicativement Noter aussi que l’on a mC (G) = m G(C) = mR (G)  = 2d0 + d1 + 1.
indépendants. Montrer que le sous-groupe de (C× )3 de rang 4 engendré par     est un produit Gδa0 × Gδm1 ,
Si G est un sous-groupe algébrique de G, le quotient G/G
   −1       
où δ = δ0 + δ1 est la codimension de G dans G. Enfin on a
1 α3 α2 β1
 α3  ,  1  ,  α1−1  ,  β2   
  ) = dim(G/G
mR (G/G   ) − rangZ Ker exp
α2−1 α1 1 β3 G̃/G ,R + 1.

n’est pas dense dans (C× )3 , mais que ses images par les deux projections (z1 , z2 , z3 ) → On pose encore
(z1 /|z1 |, z2 /|z2 |, z3 /|z3 |) et (z1 , z2 , z3 ) → (|z1 |, |z2 |, |z3 |) sont denses dans U3 et (R×
+)
3
 
respectivement.  δ1 (δ − 1) + 2 si rangZ Ω ∩ TG (R) ≥ d1 − 1,
mR  ) =
G/G  R 
0 si rangZ Ω R ∩ TG (R) < d1 − 1.
d0 ×
d) Densité dans Cd0 × (C× )d1 de sous-groupes de Q × (Q )d1
On considère enfin le cas général où G est le groupe algébrique Gda0 × Gdm1 , de dimension Soit Γ un sous-groupe de type fini de G(C) et soit Y = exp−1 G (Γ) ⊂ C l’image inverse de
d
d = d0 + d1 . En combinant les situations examinées dans les sous-sections a) et c), on
 défini sur R, dont le groupe des Γ par expG ; alors ϕ(Y ) = Y = expG̃ (Γ)
−1  ⊂ T (R) est l’image inverse de Γ

 par exp , et
G̃,R
introduit un groupe algébrique linéaire commutatif G,
 on a équivalence entre les assertions
points complexes G(C) est isomorphe à G(C) × G(C), dont le groupe des points réels
  (i) Γ est dense dans G(C).
G(R) est isomorphe à G(C). On désigne par φ l’application de G(C) dans G(C) qui envoie (ii) Y est dense dans Cd .
 

t ∈ G(C) sur φ(t) = (t, t) ∈ G(C), 
de sorte que G(R) = φ G(C) . Pour Γ sous-groupe de
(iii) Y est dense dans TG̃ (R).
G(C), Γ = φ(Γ) sera l’image de Γ dans G(R).

(iv) Γ est dense dans G(R).

On note ensuite ϕ : Cd → C2d l’application qui envoie z ∈ TG (C) sur (z, z) ∈ TG̃ (C). Noter que Γ et Γ  ont le même rang, disons , tandis que Y et Y sont de rang  + d1 .

L’image de ϕ est l’espace tangent à l’origine TG̃ (R) de G(R). Enfin expG̃,R sera la restriction
Proposition 4.2. – Soit Γ un sous-groupe de type fini de G(Q).

à TG̃ (R) de l’application exponentielle de G. Quand on sépare la partie additive de la partie a) Si Γ est dense (pour la topologie complexe) dans G(C), alors pour tout sous-groupe
multiplicative, on écrit
algébrique de G  on a
 défini sur K = Q ∩ R vérifiant dim G < dim G,
  2 

G(C) = (u, v; u , v  ) ; (u, u ) ∈ (Cd0 )2 , (v, v  ) ∈ (C× )d1 ,  
 Γ
rangZ Γ/  ∩ G (K) ≥ mR (G/G
  ).
 
TG̃ (C) = (z0 , z1 ; z0 , z1 ) ; (z0 , z0 ) ∈ (Cd0 )2 , (z1 , z1 ) ∈ (Cd1 )2 ,
 défini sur K avec dim G < dim G,
b) On suppose, pour tout sous-groupe algébrique G de G 
et  

G(R) = (u, v; u, v) ; u ∈ Cd0 , v ∈ (C× )d1 ,  
 Γ
rangZ Γ/  ∩ G (K) ≥ m (G/G
  ).
  R
TG̃ (R) = (z0 , z1 ; z 0 , z 1 ) ; z0 ∈ Cd0 , z1 ∈ Cd1 .
Alors Γ est dense dans le groupe topologique G(C).
Le noyau de  défini sur K avec dim G < dim G,

expG̃ : TG̃ (C) −→  
G(C) c) On suppose, pour tout sous-groupe algébrique G de G

(z0 , z1 ; z0 , z1 ) −→ z0 , exp(z1 ); z0 , exp(z1 )
 
 
 Γ   ) + 2d − 1.
 ∩ G (K) ≥ mR (G/G
 2 rangZ Γ/
 C = {0}d0
est Ω × (2iπZ)d1 , sous-groupe discret de C2d de rang 2d1 tandis que celui de
Alors il existe un sous-groupe de Γ de rang mC (G) qui est dense dans G(C).
expG̃,R : TG̃ (R) −→ 
G(R)
  d) Supposons que la conjecture 3.3? est vraie ; soient γ1 , . . . , γ des éléments de Γ
(z0 , z1 ; z 0 , z 1 ) −→ z0 , exp(z1 ); z 0 , exp(z 1 ) linéairement indépendants sur Z avec  = rangZ Γ ; désignons par H l’adhérence de
Zariski dans G   du sous-groupe Z(γ1 , . . . , γ , γ 1 , . . . , γ  ). Alors Γ est dense dans G(C)
 R = {0}d0 × (2iπZ)d1 , sous-groupe discret de Cd de rang d1 . On en déduit
est Ω si et seulement s’il existe (η1 , . . . , η , η 1 , . . . , η  ) ∈ H(R) tel que Zη1 + · · · + Zη soit dense
    dans G(C).
 = m G(C)
mC (G)  = 4d0 + 2d1 + 1,  = m G(R)
mR (G)  = 2d0 + d1 + 1.
Chapitre III. – Groupes algébriques linéaires 99 100 Topologie des points rationnels

 défini sur R de
Exemple. Prenons d0 = 0, d1 = 1 ; pour un sous-groupe algébrique G de G Ainsi on peut conclure
dimension 1 (et de codimension δ = δ1 = 1), on a    
rangZ Y /Y ∩ H = rangZ Y  /Y  ∩ V ≥ 2
 ×

  ) = 1 si G (R)  R+ ,
0
mR (G/G   ) = 2,
mR (G/G c) La partie c) de la proposition 4.2 résulte de b), grâce au théorème 7.2 du chapitre II.

2 si G (R)  U, d) Si Γ est dense dans G(C), il suffit de prendre (η1 , . . . , η ) = (γ1 , . . . , γ ) pour vérifier
la condition énoncée. Supposons inversement que Γ n’est pas dense dans G(C). D’après la
tandis que pour un sous-groupe algébrique G de G de dimension 0 (et de codimension
proposition 6.1 du chapitre II, il existe des entiers (s1 , . . . , s ; t1 , . . . , td1 ), non tous nuls,
δ = δ1 = 2), on a tels que la matrice suivante soit de rang ≤ 2d :
  ) = 3,
mR (G/G   ) = 4.
mR (G/G  
y1 · · · y 2iπ 1 · · · 2iπ d1
Le lemme 1.11 permet alors de déduire les parties b) et c) du théorème 1.10 de la proposition  y 1 · · · y  −2iπ 1 · · · −2iπ d1 
4.2. s1 · · · s t1 ··· td1
Exercice. Soit Γ un sous-groupe de type fini de G(Q). On suppose qu’il existe des éléments On a noté, pour alléger l’écriture, yj pour le vecteur colonne de composantes
γ1 , . . . , γ , (avec  ≥  = rangZ Γ), qui engendrent un sous-groupe d’indice fini de Γ, et
qui vérifient la propriété suivante : (β1j , . . . , βd0 j , log α1j , . . . , log αd1 j ),
 
il existe (η1 , . . . , η , η 1 , . . . , η  ) ∈ H(R), où H désigne l’adhérence de Zariski dans G
y j a pour composantes les conjugués des coordonnées de yj , et 2iπ k est le vecteur colonne
du sous-groupe Z(γ1 , . . . , γ , γ 1 , . . . , γ  ), tel que Zη1 +· · ·+Zη soit dense dans G(C).
dont les composantes sont les coordonnées de 2iπ k .
Montrer que toute famille γ1 , . . . , γ d’éléments de Γ qui engendre un sous-groupe d’indice
Maintenant on choisit une base θ1 , . . . , θr+1 du Q-espace vectoriel engendré par 2iπ et
fini vérifie la même propriété.
les d1  nombres log αkj , (1 ≤ k ≤ d1 , 1 ≤ j ≤ ), avec θr+1 = 2iπ. On écrit chaque log αkj
Démonstration de la proposition 4.2. On désigne par Y ⊂ TG (R) l’image inverse de Γ comme combinaison linéaire de θ1 , . . . , θr+1 à coefficients rationnels :
par expG . Si Γ est de rang , alors Y est de rang  + d1 , car le noyau de expG , qui est
 R = {0}d0 × (2iπZ)d1 , est de rang d1 sur Z. Posons, pour 1 ≤ k ≤ d1 ,
r+1
Ω log αkj = bkj θ .
=1
k = (0, . . . , 0, δ1k , . . . , δd1 k ) ∈ {0}d0 × Zd1 .
Pour chaque x = (x0 , x1 , . . . , xr ) ∈ Cr+1 , on définit ξj (x) ∈ Cd par
Alors l’image inverse dans TG̃ (R) de Γ par expG̃,R est

r+1
r+1

 R. ξj (x) = (x0 β1j , . . . , x0 βd0 j , b1j x , . . . , bd1 j x )


Y = Zy1 + · · · + Zy + Z2iπ 1 + · · · + Z2iπ d1 = Zy1 + · · · + Zy + Ω
=1 =1

b) Pour vérifier que Y est dense dans TG̃ (R) on utilise la proposition 6.2 du chapitre II : avec xr+1 = 2iπ. La composante connexe H(R)0 du groupe des points réels de l’adhérence
il s’agit de vérifier que, pour tout hyperplan complexe de TG̃ (C), le rang de Y /Y ∩ H est de Zariski H à laquelle il est fait allusion dans d) est l’image par expG̃ ,R du sous-groupe
≥ 2. Comme Y contient Ω  R , on peut supposer que Ω  R /Ω
 R ∩ H est lui-même de rang ≤ 1,   
 R ∩ H est de rang ≥ d1 − 1. Dans ce cas soit G le plus grand sous-groupe ξj (x), ξ j (x) 1≤j≤ ; x ∈ Cr+1 ⊂ TG̃ (R) .
c’est-à-dire que Ω
algébrique connexe de G,  défini sur K, tel que TG (C) soit contenu dans H. Alors TG (R) La proposition 4.2 se déduit facilement de ces arguments.

contient ΩR ∩ H, et  Exercice. Déduire la proposition 4.1 de la proposition 4.2.
rangZ Ω R ∩ TG (R) ≥ d1 − 1.
 défini
Indication. Soit G = Gdm . Vérifier que pour tout sous-groupe algébrique G de G
Par hypothèse le rang du sous-groupe Γ = Γ/ Γ∩G
  
(K) de G(K)/G 
(K) est ≥ δ1 (δ−1)+2. sur R, on a
  )(R), de Y  = Y /Y ∩TG (R). Par conséquent   ) ≤ d2 + d + 2;
mR (G/G
Or Γ est l’image, par l’exponentielle de (G/G
on a  R , alors
de plus, si TG (R) contient Ω
rangZ Y  ≥ δ1 (δ − 1) + 2.
  ) ≤ d2 − d + 2.
mR (G/G
On applique maintenant le théorème 2.6 à V = H/TG (C) :
   
rangZ Y  ∩ V ≤ dimQ V ∩ L(G) ≤ δ1 (δ − 1).
Chapitre III. – Groupes algébriques linéaires 101 102 Topologie des points rationnels

§5. Le plongement canonique d’un corps de nombres Démonstration de la proposition 5.1. On peut commencer par remarquer que le cas r2 = 0
Une autre application concernant encore un groupe linéaire (tore non déployé) provient résulte du corollaire 2.11 avec d0 = 0, d1 = d, tandis que le cas r1 = 0 est une conséquence
de questions posées par Colliot-Thélène, Coray et Sansuc, et dont la solution a été donnée de la proposition 4.1.
Passons au cas général. On pose G (
 = Grm1 × G (
m , où Gm a été défini dans le paragraphe
r2 r2
par D. Roy dans [R 1992b].
4:
Proposition 5.1. – Soient k un corps de nombres, σ1 , . . . , σr1 des plongements distincts de G( × 2r2
m (C)  (C )
r2
, G( × r2
m (R)  (C ) .
r2
k dans R et σr1 +1 , . . . , σr1 +2r2 des plongements distincts de k dans C avec σr1 +r2 +i = σ r1 +i
pour 1 ≤ i ≤ r2 . On pose Ainsi

G(C)  (C× )r1 +2r2 , 
G(R)  (R× )r1 × (C× )r2 .
× × r1 × r2
σ = (σ1 , . . . , σr1 +r2 ) : k → (R ) × (C ) .
On a encore
Soient γ1 , . . . , γ des éléments de k × ; on suppose que les (r1 + 2r2 ) nombres
(C) = C ⊃ TG
(R)  R
r1 +2r2 r1 +2r2
TG .
σi γj , (1 ≤ i ≤ r1 + 2r2 , 1 ≤ j ≤ )
Le noyau de expG̃ est (2iπZ)r1 +2r2 , celui de sa restriction expG̃,R à TG
(R) est isomorphe à
×
sont multiplicativement indépendants. On désigne par Γ le sous-groupe multiplicatif de k r2 
(2iπZ) ; on notera ce dernier ΩR .
engendré par γ1 , . . . , γ et par σ(Γ) son image dans (R× )r1 × (C× )r2 .
On désigne par Y le sous-groupe de Rr1 × Cr2 de rang  + r2 qui est l’image inverse
par l’application exponentielle de σ(Γ). On définit ensuite Y ⊂ Rr1 +2r2 et on considère un
a) On suppose 
r1 (r1 − 1) + 2 si r2 = 0,
≥ hyperplan H de Rr1 +2r2 d’équation
(r1 + r2 )(r1 + r2 + 1) + 1 si r2 ≥ 1 ;
alors l’adhérence de σ(Γ) dans le groupe topologique (R× )r1 × (C× )r2 contient (R×
+)
r1
× t1 x1 + · · · + tr1 xr1 + u1 y1 + · · · + ur2 yr2 + u1 y1 + · · · + ur2 yr 2 = 0.
(C× )r2 .
b) On suppose (∗ ) Il s’agit de vérifier rangZ (Y /Y ∩ H) ≥ 2. On définit G comme le sous-groupe algébrique
 2  tel que TG (C) soit contenu dans H. Le rang de
r1 + 1 si r2 = 0, connexe de dimension maximale de G
≥  R sera noté r2 − η. On peut supposer η = 0 ou 1, sinon le résultat est banal, puisque
(r1 + r2 + 1)2 + r2 − 1 si r2 ≥ 1 ; H ∩Ω
 R ⊂ Y . De plus, si r2 = 0, alors η = 0. Comme TG (R) contient H ∩ Ω
Ω  R , la dimension de
alors il existe un sous-groupe de σ(Γ), de rang r1 + r2 + 1, dont l’image par σ est dense
dans (R× × r2 G est au moins r2 −η. Les hypothèses faites sur l’indépendance multiplicative des nombres
+ ) × (C ) .
r1

c) Si la conjecture 3.3? est vraie, pour que l’adhérence de σ(Γ) dans (R× )r1 × (C× )r2 soit σi (γj ) permettent de vérifier
réunion de composantes connexes, il faut et il suffit que l’on ait  ≥ r1 + r2 + 1.
Y ∩ TG (R) = Ω
 R ∩ TG (R).
On a toujours r1 + 2r2 ≤ [k : Q], avec égalité quand on prend tous les plongements de
k dans C (alors σ est le plongement canonique). On retrouve les exemples considérés dans Alors le rang de Y  = Y /Y ∩ TG (R) est  + η. Soit δ la codimension de G dans G
 : on
le paragraphe 1 en prenant r1 + 2r2 = [k : Q] = 2 :    Gδm avec δ ≤ r1 + r2 + η. On pose encore V = H/TG (C). Le théorème du
a G/G
∗ si le corps quadratique k est réel (r1 = 2, r2 = 0), alors sous-groupe linéaire assure
– le théorème des six exponentielles montre que pour  ≥ 4, l’adhérence de l’image de Γ dans rangZ (Y  ∩ V) ≤ δ(δ − 1).
(R× )2 contient (R× + ) ; de plus, pour  ≥ 5, le groupe Γ contient un sous-groupe de rang
2

3 dont l’image est dense dans (R× 2


+) ;
Mais d’une part on a
– la conjecture des quatre exponentielles implique que pour  ≥ 3, l’adhérence de l’image de  
Γ dans (R× )2 est ouverte ; rangZ Y /Y ∩ H = rangZ (Y  /Y  ∩ V),
∗ si k est imaginaire (r1 = 0, r2 = 1), alors
et d’autre part on déduit de l’hypothèse sur  et de la majoration δ ≤
 r1 + r 2 +
 η avec
– le théorème des six exponentielles montre que pour  ≥ 3, σ(Γ) est dense dans C× et pour
η = 0 ou 1 que l’on a  + η ≥ δ(δ − 1) + 2. On peut donc conclure rangZ Y /Y ∩ H ≥ 2.
 ≥ 4, Γ contient un sous-groupe de rang 2 dont l’image est dense dans C× ;
– la conjecture des quatre exponentielles entraı̂ne que pour  ≥ 2, le sous-groupe Γ de k × a
Remarques. Cela n’épuise pas le sujet. Il serait bon d’étudier le cas des groupes algébriques
une image dense dans C× .
linéaires plus en détail : d’une part voir ce qui se passe dans le cas des groupes commutatifs
(∗ ) Ceci corrige la remarque à la fin de la section 4c de [W 1994]. où (r1 + r2 + 1)2 + r2 − 1 non déployés, d’auéaires non commutatifs. Enfin nous reviendrons au chapitre V sur
a été malencontreusement remplacé par (r1 + r2 + 1)2 + 1 – voir [W 1995]. l’aspect quantitatif et les mesures de densité effectives.
104 Topologie des points rationnels

IV. – Le problème de densité pour les groupes algébriques §1, exemple 1.5. Un autre exemple semblable est celui de la courbe y 2 = x(x−3)(x+32)
illustré dans [R-H 1994].
• Il reste à donner un exemple d’une courbe elliptique sur Q ayant deux composantes
connexes, où les points rationnels sont denses seulement dans l’une d’elles. En réponse
à une question de N. A’Campo, D.W. Masser m’a indiqué la référence [NZM 1991]dans
laquelle on trouve (à la fin du §5.7, p.294) l’exemple attribué à A. Bremner de la courbe
y 2 = x3 + 6x2 + 2x qui a deux composantes connexes réelles, dont l’une, bornée, ne
contient pas de point rationnel, tandis que les multiples du point (x = 1, y = 3)
sont denses sur l’autre. Un autre exemple similaire m’a été indiqué par J-L. Colliot-
Thélène : sur la courbe y 2 = (x − 14)(x2 − 128), le point (x = 16, y = 16) est d’ordre
infini, mais la composante connexe bornée ne contient pas de point rationnel.
Dans ce chapitre on étend la discussion faite pour les groupes linéaires dans le chapitre
précédent à tous les groupes algébriques commutatifs. On commence par le cas facile des
Le tableau suivant résume certains de ces exemples ; dans la deuxième colonne, le
courbes elliptiques sur R. On continue avec le cas général (sur R), et on étudie ensuite
nombre N représente le nombre de composantes connexes de E(R), qui est l’indice de
plus en détail la situation pour les variétés abéliennes. La fin du chapitre est consacrée au
E(R)0 dans E(R).
problème de densité complexe.
On utilisera encore un résultat de la théorie des nombres transcendants — le théorème
2.3∗ (théorème du sous-groupe algébrique) — pour démontrer le théorème principal de ce
chapitre, le théorème 2.2. La situation conjecturale est moins facile que pour les groupes E N E(Q)
algébriques linéaires (cf. [Be 1995]). y 2 = x3 + 7x 1 fini

§1. Courbes elliptiques sur un corps de nombres réel y =x −x


2 3
2 fini
2 3
Soit E une courbe elliptique sur Q. Le groupe de Mordell-Weil E(Q) est soit fini (i.e. y = x + 877x 1 dense dans E(R)
de rang nul), soit infini (de rang ≥ 1). Le groupe E(R) est soit connexe, soit composé y = x(x − 2)(x − 10)
2
2 dense dans E(R)
de deux composantes connexes ; quand la courbe est écrite sous forme de Weierstraß
y 2 = 4x3 − g2 x − g3 , il y a deux composantes connexes si et seulement si le polynôme y 2 = x3 + 6x2 + 2x 2 dense dans E(R)0
4x3 − g2 x − g3 a trois racines réelles, ce qui revient encore à dire que le discriminant
∆ = g23 −27g32 est > 0. La composante connexe de l’élément neutre E(R)0 n’est pas bornée.
Les points rationnels de la courbe peuvent être en nombre fini, ou bien denses dans E(R), Le problème de Mazur est facilement résolu pour une courbe elliptique ; en fait
ou encore, quand il y a deux composantes connexes, être denses sur une seulement de ces l’arithmétique n’intervient pas (on utilise le théorème 1.1 du chapitre II, mais il n’est
deux composantes (et absents sur l’autre). Voici un exemple explicite de chacune de ces pas nécessaire de supposer que les points sont rationnels sur Q) :
situations.
• Pour p premier congru à 7 ou à 11 modulo 16, la courbe y 2 = x3 + px a une seule Proposition 1.1. – Soient E une courbe elliptique sur R, γ un point d’ordre infini sur
composante connexe, et un nombre fini de points rationnels (cf. [Sil 1986], Chap.10 E(R) et Γ = Zγ le sous-groupe qu’il engendre. Alors l’adhérence de Γ dans E(R) pour la
§6, p.314). topologie réelle est une réunion de composantes (donc soit E(R), soit E(R)0 ).
• La courbe elliptique d’équation y 2 = x3 − x a un groupe de Mordell-Weil sur Q En particulier, si k est un corps de nombres, alors E(k) est un groupe abélien de type
isomorphe à Z/2Z × Z/2Z, et possède deux composantes connexes réelles ; les points fini, donc E(k) est infini si et seulement s’il contient un élément d’ordre infini ; on peut alors
rationnels ne sont denses dans aucune des deux composantes. appliquer la proposition 1.1 : si E(k) est infini, c’est-à-dire si le groupe de Mordell-Weil
• La courbe elliptique y 2 = x3 + 877x a une seule composante connexe réelle, dans E(k) est de rang ≥ 1, son adhérence dans E(R) est soit E(R), soit E(R)0 .
laquelle les points rationnels sont denses ; cet exemple a été étudié par Bremner et Démonstration. Comme E(R)0 est un sous-groupe d’indice 1 ou 2 de E(R), l’hypothèse
Cassels ; le groupe de Mordell-Weil E(Q) est de rang 1 ; un générateur explicite est que Γ est infini montre que Γ0 = Γ ∩ E(R)0 est aussi infini. Commençons par montrer que
reproduit dans [Sil 1986], Chap.8 §10, p.235. Γ0 est dense dans E(R)0 .
• La courbe elliptique y 2 = x(x − 2)(x − 10) a deux composantes connexes réelles, et les On utilise la paramétrisation des points complexes de E par la fonction ℘ de
points rationnels sont denses dans chacune des deux composantes [Sil 1986], Chap.10 Weierstrass. Comme g2 et g3 sont réels, l’intersection du réseau Ω = Zω1 + Zω2 de C
Chapitre IV. – Groupes algébriques 105 106 Topologie des points rationnels

avec R est un Z-module de rang 1 ; on note ω le générateur positif. La restriction de b) Pour 1 ≤ i ≤ d, soit ui ∈ R vérifiant expE,R (ui ) = δi . On pose encore γ = (δ1 , . . . , δd ) ∈
l’exponentielle complexe (1 : ℘ : ℘ ) à R induit un isomorphisme de groupes de Lie entre Rd et y = (u1 , . . . , ud ) ∈ Rd , de sorte que γ = expA,R (y). Alors Γ = Zγ est dense
R/Zω et E(R)0 . L’image inverse de Γ0 est un sous-groupe G de R/Z engendré par un dans A(R)0 si et seulement si Y = exp−1 (Γ) = Zd ω + Zy est dense dans Rd . D’après
élément d’ordre infini ; il résulte alors immédiatement du théorème 1.1 du chapitre II que le théorème de Kronecker, cette condition s’écrit encore : les nombres ω, u1 , . . . , ud sont
G est dense dans R/Z, donc que Γ0 est dense dans E(R)0 . linéairement indépendants sur Q. Cela signifie aussi que les points δ1 , . . . , δd sont Z-
Si E(R) est connexe, alors Γ = Γ0 est dense dans E(R) = E(R)0 . Si E(R) n’est pas linéairement indépendants dans E(R).
connexe et que Γ possède un point dans E(R) \ E(R)0 (c’est la composante connexe de Nous reviendrons sur le cas elliptique dans la section 6 pour étudier la situation
E(R) qui ne contient pas l’élément neutre), alors de nouveau Γ est dense dans E(R). Enfin complexe, et dans le chapitre V quand nous nous intéresserons à l’aspect quantitatif.
si E(R) n’est pas connexe et que Γ ne possède pas de point dans E(R) \ E(R)0 , alors
l’adhérence réelle de Γ = Γ0 est E(R)0 .
Les deux exemples suivants, empruntés au livre de J.E. Cremona : Algorithms for §2. Groupes algébriques commutatifs sur R
modular elliptic curves, Cambridge Univ. Press., 1992, sont cités par L. Wang [Wa 1995] :
a) Notations
• Si E est√la courbe elliptique d’équation y 2 = x3 − 50x − 125 et K le corps quadratique
Soit G un groupe algébrique commutatif de dimension d défini sur C. Les points de G
réel Q( 10), alors les groupes de Mordell-Weil E(K) et E(Q) ont tous deux pour rang
dans le corps des nombres complexes forment un groupe de Lie commutatif complexe G(C),
1.
l’espace tangent à l’origine de G(C) est un C-espace vectoriel TG (C) de dimension d, et
• Soit E la courbe elliptique d’équation y 2 = x3 − 8x + 8 et soit K le corps quadratique l’application exponentielle expG : TG (C) → G(C) de G(C) est un morphisme analytique,
imaginaire Q(i). Alors les groupes de Mordell-Weil E(K) et E(Q) ont tous deux pour dont l’image est la composante connexe de l’élément neutre de G(C), et dont le noyau
rang 1. ΩG = Ker expG est un sous-groupe discret de TG (C). On notera κC (G) son rang sur Z.
Ces exemples montrent que la conjecture de Mazur ne s’étend pas sans précaution aux corps Nous avons déjà vu ce qui se passait dans le cas d’un groupe linéaire Gda0 × Gdm1 , où
de nombres. Le deuxième exemple montre que E(K) peut être dense pour la topologie de le noyau est engendré par d1 éléments linéairement indépendants sur C. Un autre exemple
Zariski dans E(C) sans être dense pour la topologie complexe. important est celui d’une variété abélienne, qui correspond au cas où le noyau ΩG est un
La conjecture de Mazur est triviale non seulement pour une courbe elliptique, mais réseau de TG (C) (sous-groupe discret de rang 2d).
aussi pour une puissance d’une courbe elliptique : D’après un théorème de Barsotti (voir [Se 1979]), un groupe algébrique commutatif
G possède un plus grand sous-groupe linéaire L et le groupe quotient G/L peut être muni
Proposition 1.2. – Soient E une courbe elliptique définie sur R et d un entier positif. d’une structure de variété projective qui en fait une variété abélienne A. Sur C, le groupe
On désigne par A la variété abélienne E d . linéaire L se décompose en produit d’un facteur unipotent Gua par un facteur de type
a) Si Γ est un sous-groupe de type fini de A(R), alors Γ ∩ A(R)0 est dense dans A(R)0 si multiplicatif (tore) Gtm . On a alors un diagramme commutatif
et seulement si la projection de Γ sur tout quotient (A/A )(R), A sous-variété abélienne
de A de dimension d − 1, est dense dans (A/A )(R)0 . 0 −→ TL(C) −→ TG(C) −→ TA (C)
 −→ 0
b) Un point (δ1 , . . . , δd ) de A(R)0 engendre un sous-groupe dense de A(R)0 si et seulement   
  
si δ1 , . . . , δd sont linéairement indépendants sur Z dans E(R).  expL  expG  expA
  
Démonstration. Soit expE,R : R → E(R)0 l’application exponentielle de E(R), et soit 0 −→ L(C) −→ G(C) −→ A(C) −→ 0,
ω ∈ R× un générateur du Z-module Ker expE,R .
a) Soient γ1 , . . . , γ des générateurs du Z-module Γ ∩ A(R)0 . Pour 1 ≤ j ≤ , choisissons avec TL (C) = Cu+t , TG (C) = Cd , TA (C) = Cg et L(C) = Cu × (C× )t . Le noyau de expL
yj ∈ Rd vérifiant expA,R (yj ) = γj , de telle sorte que l’image inverse par expA,R du sous- est {0}u × (2iπZ)t , celui de expA est un réseau ΩA de Cg de rang 2g, donc celui de expG
est de rang
groupe Γ ∩ A(R)0 de A(R)0 soit le sous-groupe Y = Zd ω + Zy1 + · · · + Zy de Rd .
κC (G) = t + 2g.
Ainsi Γ ∩ A(R)0 est dense dans A(R)0 si et seulement si Y est dense dans Rd . D’après
la proposition 4.3 du  chapitre II, cette condition s’écrit encore : pour tout hyperplan H Comme groupe topologique, G(C)0 est isomorphe au quotient
 de Cd  R2d par un sous-
de Rd , on a rangZ Y /Y ∩ H ≥ 2. Comme Y /Y ∩ H contient  Zd ω/Zd ω ∩ H, on peut groupe de rang κC (G), donc le nombre mC (G) = m G(C) vérifie
se restreindre aux hyperplans H pour lesquels rangZ Zd ω ∩ H = d − 1, c’est à-dire aux
hyperplans H qui sont rationnels sur Q ; un tel hyperplan s’écrit TA (R), où A est une mC (G) = 2d + 1 − κC (G) = 2u + t + 1.
sous-variété abélienne de A de dimension d − 1, et on a
    On ne sait malheureusement pas encore faire intervenir, dans les énoncés de transcendance,
rangZ Y /Y ∩ H = rangZ Γ/Γ ∩ A (R) . les entiers u, t et g, correspondant aux dimensions du plus grand sous-groupe unipotent
Chapitre IV. – Groupes algébriques 107 108 Topologie des points rationnels

de G, du plus grand tore linéaire contenu dans G, et de la variété abélienne quotient. Mais discret de TG (R). Si G est une variété abélienne, alors ΩG,R est un réseau de R, tandis que
on sait faire intervenir la dimension des plus grands quotients correspondants de G. On pour un groupe linéaire déployé Gda0 × Gdm1 , le noyau est réduit à {0}. Mais nous avons vu
notera d0 (resp. d1 ) le plus grand entier ≥ 0 tel que G possède un facteur isomorphe à Gda0 un exemple d’un groupe linéaire non déployé (le groupe G  du chapitre III, §4) pour lequel
(resp. à Gdm1 ) et on pose d2 = d − d0 − d1 . Ainsi on peut écrire G = Gda0 × Gdm1 × G2 où le noyau ΩG,R n’est pas trivial.
le groupe algébrique G2 est de dimension d2 et n’a pas de facteur linéaire non trivial. On Le groupe de Lie réel G(R)0 est encore un quotient d’un espace vectoriel de dimension
définit alors, comme dans [R 1991], d = dim G, à savoir TG (R), par un sous-groupe discret de rang κR (G). En posant

mR (G) = m G(R) , nous avons
α(G) = d1 + 2d2 .
mR (G) = d + 1 − κR (G).
Noter que l’on a d0 ≤ u et d1 ≤ t. Pour un groupe algébrique de dimension d, α(G) ≤ 2d ; Pour une variété abélienne A de dimension d, κR (A) = d et mR (A) = 1, tandis que pour un
si G est linéaire, α(G) ≤ d, avec égalité pour une puissance de Gm . Dans la suite, quand groupe linéaire déployé L = Gda0 × Gdm1 , on a κR (L) = 0 et mR (L) = d + 1, avec d = d0 + d1 .
le groupe algébrique G sera défini sur le corps Q des nombres algébriques, on demandera Soit G un groupe algébrique commutatif défini sur un sous-corps K de C de dimension
que les facteurs Gda0 , Gdm1 et G2 le soient aussi. d ; on désigne par
LK (G) = exp−1 G G(K) ⊂ TG (C)
Nous utiliserons (sans les démontrer) plusieurs faits relatifs aux sous-groupes algé-
briques. Soit G un groupe algébrique commutatif défini sur C, et soit G un sous-groupe le Z-module des logarithmes de points de G(K). Quand K est le corps Q des nombres
algébrique. L’espace tangent à l’origine TG (C) de G (C) est algébriques, on omettra l’indice Q : ainsi, comme dans le chapitre III, L(G) désignera le
 le plus grand sous-espace Q-espace vectoriel des logarithmes de points de G(Q). Par exemple quand G est un produit
vectoriel sur C de TG (C) qui soit contenu dans exp−1 G (C) . Si G et G sont définis sur
un sous-corps K de C, alors TG (C) possède une K-structure, et TG (C) est rationnel sur K. Gda0 × Gdm1 × A où A est une variété abélienne définie sur Q, on a
Le groupe quotient G(C)/G (C) est le groupe des points complexes d’un groupe algébrique L(G) = Q
d0
× Ld1 × L(A);
G/G , et son espace tangent à l’origine s’identifie au quotient TG (C)/TG (C).
si K est le corps Q ∩ R des nombres algébriques réels, on a
Quand le groupe algébrique G est un produit L × A d’un groupe linéaire L par
une variété abélienne A, alors tout sous-groupe algébrique connexe de G est un produit LK (G) = K d0 × (L ∩ R)d1 × LK (A).
L × A , avec L sous-groupe algébrique de L et A sous-variété abélienne de A. Une des Les nombres complexes que l’on considère ainsi sont des valeurs d’intégrales abéliennes. Les
démonstrations de cet énoncé consiste à montrer qu’il n’y a pas de morphisme de groupes plus simples s’expriment comme combinaisons linéaires à coefficients algébriques d’éléments
algébriques non trivial entre une variété linéaire et une variété abélienne, puis à utiliser le de L, comme ) 1
lemme de Goursat (voir par exemple [L 1993], 3rd Ed., Chap. I, §12, ex. 5). dx 1 π 
On a déjà vu dans le chapitre précédent (chap.3, §2) que les sous-groupes algébriques 3
= log 2 + √ .
0 1+x 3 3
de Gda correspondaient, via l’exponentielle, aux sous-espaces vectoriels de l’espace tangent ; On trouve ensuite des intégrales elliptiques de première espèce : la longueur de la lemniscate
on a vu aussi que les sous-groupes algébriques de Gdm correspondaient, dans l’espace √ √
(x2 + y 2 )2 = 2(x2 − y 2 ) est Γ(1/4)2 / π = 2 2ω, où (ω, iω) est une base du réseau des
tangent, aux sous-espaces vectoriels rationnels sur Q. périodes de la courbe elliptique y 2 = 4x3 − 4x, avec
Pour une puissance E d d’une courbe elliptique E, les sous-groupes algébriques ) ∞ )
dx 1 1 −3/4
correspondent, dans l’espace tangent, aux sous-espaces vectoriels rationnels sur le corps ω=2 √ = u (1 − u)−1/2 du
des endomorphismes de la courbe elliptique (qui est soit Q, soit un corps imaginaire 1 4x3 − 4x 2 0
quadratique). Plus généralement si A est une variété abélienne simple et r, s deux entiers, 1 Γ(1/4)Γ(1/2) Γ(1/4)2
= B(1/4, 1/2) = = √ .
tout morphisme de groupes algébriques As → Ar est donné par 2 2Γ(3/4) 2 2π
(Voir à ce sujet [Si 1949]). Un autre exemple d’intégrale elliptique de première espèce est

s

(x1 , . . . , xs ) −→ ij (xi ) 1≤j≤r la période réelle de la courbe y 2 = 4x3 − 4 :
) ∞
i=1 dx 1 Γ(1/3)3
ω=2 √ = B(1/6, 1/2) = √ .
où ij sont des endomorphismes de A (voir par exemple [SwD 1974], Chap. III §7, ou [LB 1 4x − 4
3 3 232π
1992], Chap. V, Cor. 3.8). Parmi les intégrales abéliennes plus générales, on trouve les intégrales Eulériennes qui
donnent les fonctions Beta et Gamma :
Soit maintenant G un groupe algébrique commutatif défini sur R. L’application ) 1
Γ(a)Γ(b)
exponentielle du groupe de Lie connexe G(R)0 est la restriction à TG (R) de expG ; son B(a, b) = ta−1 (1 − t)b−1 dt = .
Γ(a + b)
noyau est donc ΩG,R = ΩG ∩ TG (R). On désigne par κR (G) le rang de ce sous-groupe 0
Chapitre IV. – Groupes algébriques 109 110 Topologie des points rationnels

b) Plongement réel d’un sous-groupe de type fini Dans le cas G = Gda , le théorème de Kronecker montre que la réciproque est vraie. Dans
Soit K un corps de nombres plongé dans R, soit G un groupe algébrique commutatif le cas général, en supposant que K est un corps de nombres, une réciproque partielle peut-
défini sur K et soit Γ un sous-groupe de type fini de G(K) ; on demande à quelle condition être obtenue en remplaçant mR (G) par le nombre mR (G) (qui, pour un groupe différent de
l’image de Γ dans G(R) est dense (pour la topologie réelle) dans la composante neutre de Gda , est au moins égal à mR (G)), défini de la manière suivante :
l’origine. Il est évidemment nécessaire (comme dans la conjecture de Mazur) de supposer 
que Γ est Zariski-dense dans G.
mR (G) = α(G)(d − 1) + 2  si κR (G) = 0,
α(G) − κR (G) + 1 (d − 1) + 2 − κR (G) si κR (G) ≥ 1.
Exercice. Vérifier que l’adhérence de Zariski d’un sous-groupe Γ de G(K) est un sous-
groupe algébrique de G défini sur K Ainsi on a toujours mR (G) ≤ α(G)(d − 1) + 2 ; de plus
Indication. L’idéal des polynômes nuls sur Γ est le même que celui des polynômes nuls
sur l’adhérence de Zariski Γ. Soit P un élément de cet idéal ; pour x ∈ G(K), on notera mR (G) = d2 − d + 1 si G est une variété abélienne.
P (x + X) la fonction sur G(K) obtenue en composant l’application polynomiale P sur
G(K) et la translation : g → x + g. Vérifier que pour x ∈ Γ, la fonction P (x + X) est nulle Théorème 2.2 (théorème de densité). – Soit G un groupe algébrique commutatif de
sur Γ ; en déduire qu’elle est aussi nulle sur Γ. Montrer ensuite que, pour y ∈ Γ, P (y + X) dimension d défini sur un corps de nombres réel K. Soit Γ un sous-groupe de type fini de
est nulle sur Γ ; en déduire qu’elle est aussi nulle sur Γ. Conclure. G(K).
La condition de densité pour la topologie de Zariski se traduit donc ainsi : pour a) On suppose que, pour tout sous-groupe
 algébrique G de G défini sur K avec dim G <
tout sous-groupe algébrique G de G défini sur K avec dim G < dim G, le sous-groupe dim G, on a rangZ Γ/Γ ∩ G (K) ≥ mR (G/G ). Alors l’adhérence de Γ dans le groupe
Γ/Γ ∩ G (K) a un rang ≥ 1. La conjecture de Mazur restreinte aux groupes algébriques topologique G(R) contient la composante neutre G(R)0 .
commutatifs s’énonce donc de la manière suivante : b) On suppose, pour tout sous-groupe algébrique G de G défini sur K avec dim G < dim G,
? Si G est un groupe algébrique commutatif défini sur le corps Q des nombres rationnels,  
rangZ Γ/Γ ∩ G (K) ≥ mR (G/G ) + d − 1.
et si G(Q) n’est pas contenu dans G (Q) quand G est un sous-groupe algébrique de G
distinct de G, alors G(Q) ∩ G(R)0 est dense pour la topologie réelle dans G(R)0 . Alors Γ contient un sous-groupe de rang mR (G) dense (pour la topologie réelle) dans G(R)0 .
On peut ramener cette question au cas particulier des variétés abéliennes simples :
? Si A est une variété abélienne simple sur Q et si A(Q) est infini, alors A(Q) ∩ A(R)0 c) Le théorème du sous-groupe algébrique
est dense pour la topologie réelle dans A(R)0 . La démonstration du théorème 2.2 repose sur le Théorème du sous-groupe algébrique
([W 1988], Théorème 1.1 ; il nous suffit ici d’un cas particulier [W 1987], Théorème 4.1,
Nous allons considérer, plus généralement, un corps de nombres (à la place de Q), et un
[R 1991], Remarque 1 p. 270, que nous appelons quand même “Théorème du sous-groupe
sous-groupe Γ de G(K) (à la place de G(K) tout entier). La condition de densité pour la
algébrique”).
topologie de Zariski n’est pas suffisante dans ce cadre plus général : si l’image de Γ dans
G(R) est dense, pour tout-sous-groupe algébrique G de G défini sur K, avec G
= G, Théorème 2.3∗ (théorème du sous-groupe algébrique). – Soient G un groupe
l’image de Γ dans le quotient G(R)/G (R) est encore dense ; cela impose une contrainte algébrique commutatif défini sur Q et V un sous-espace vectoriel de TG (C) ; on suppose
sur le rang de Γ/Γ ∩ G (K) que nous allons expliciter. Nous verrons ensuite que cette que, si G est un sous-groupe algébrique de G défini sur Q de dimension > 0, V ne contient
contrainte n’est pas encore suffisante ; cela nous conduira à justifier la définition de la pas TG (C). On définit κ = rangZ (V ∩ ΩG ). Alors le Q-espace vectoriel V ∩ L(G) est de
propriété de densité. Nous expliciterons enfin les liens entre la propriété de densité pour les dimension finie majoré par
groupes linéaires déployés d’une part, la conjecture d’indépendance algébrique homogène    
de logarithmes de nombres algébriques d’autre part. dimQ V ∩ L(G) ≤ α(G) − κ (d − 1).
Voici déjà la condition nécessaire annoncée pour qu’un sous-groupe de type fini de On déduit de cet énoncé le théorème du sous-groupe linéaire (théorème 2.10 du chapitre
G(K) ∩ G(R)0 soit dense dans G(R)0 . III). Pour cela on prend simplement G = Gda0 × Gdm1 .
Lemme 2.1. – Soient K un sous-corps de R, G un groupe algébrique commutatif défini
sur K de dimension ≥ 1 et Γ un sous-groupe de type fini de G(K). On suppose que Nous allons déduire du théorème 2.3 quelques corollaires concernant les produits de
l’adhérence réelle de Γ dans G(R) contient la composante neutre G(R)0 . Alors, pour tout deux groupes algébriques de dimension 1. Pour Ga × Gm (resp. G2m ), on sait déjà (via
sous-groupe algébrique G de G défini sur K, le théorème du sous-groupe linéaire) que l’on obtient le théorème de Gel’fond-Schneider
  (resp. le théorème des six exponentielles). Il nous reste à regarder les groupes algébriques
rangZ Γ/Γ ∩ G (K) ≥ mR (G/G ). Ga × E, Gm × E et E × E ∗ , quand E et E ∗ sont deux courbes elliptiques.
Chapitre IV. – Groupes algébriques 111 112 Topologie des points rationnels

Corollaire 2.4. — Soient E une courbe elliptique définie sur le corps Q des nombres Une conséquence remarquable de cet énoncé porte sur la fonction modulaire j(τ ), qui est
algébriques, α1 , α2 , α3 des nombres algébriques non tous nuls et u1 , u2 , u3 des éléments de définie dans le demi-plan supérieur m τ > 0 par la condition suivante : si τ = ω2 /ω1
L(E) non tous nuls. On suppose que les trois colonnes de la matrice et si ℘ est la fonction elliptique de Weierstrass de réseau de périodes Zω1 + Zω2 , alors
  j(τ ) = 1728g23 /∆, où g2 et g3 sont les invariants de ℘ et ∆ = g23 − 27g32 .
α1 α2 α3 Soient τ ∈ Q satisfaisant m τ > 0. Alors j(τ ) est algébrique si et seulement si τ est
u1 u2 u3 quadratique.
Le résultat de Schneider sur l’indépendance de deux logarithmes elliptiques a été généralisé
sont linéairement indépendantes sur Q. Alors cette matrice est de rang 2.
par D. Bertrand et D.W. Masser [BeM 1980] : c’est l’analogue elliptique du théorème de
Démonstration. Soit G le groupe algébrique Ga × E. Les sous-groupes algébriques G de G Baker :
sont de la forme {(0, 0)}, Ga × F , {0} × F , {0} × E et G, où F est un groupe fini. Grâce à Soient E une courbe elliptique définie sur Q et u1 , . . . , un des éléments de L(E)
la fonction ℘, on identifie l’espace tangent à l’origine de G(C) = C × E(C) à C2 . Une droite linéairement indépendants sur l’anneau des endomorphismes de E. Alors 1, u1 , . . . , un
V de C2 , qui n’est pas l’un des axes {0} × C ou C × {0}, ne contient pas de sous-espace sont linéairement indépendants sur Q.
non nul de la forme TG (C). Comme α(G) = 2 on déduit du théorème 2.3 la majoration
dim V ∩ L(G) ≤ 2. Le corollaire 2.4 en résulte. Exercice. Dans le cas CM, déduire du théorème 2.3 l’indépendance linéaire sur Q des
nombres u1 , . . . , un . Dans le cas non C.M., déduire du théorème 2.3 que le Q espace
Remarque. Supposons que la courbe elliptique E admette des endomorphismes non vectoriel engendré par ces nombres a une dimension ≥ n/2.
triviaux : il existe λ ∈ C \ Q tel que, si Ω = Zω1 + Zω2 désigne le réseau des périodes de
℘, on ait λΩ ⊂ Ω (on dit que la courbe elliptique admet des multiplications complexes, ou Remarque. On peut déduire ce résultat de Bertrand-Masser d’un raffinement [W 1987] du
encore est de type C.M.). Dans ce cas le quotient τ = ω2 /ω1 est un nombre algébrique (de théorème 2.3 : sous les hypothèses du théorème 2.3, si V contient un sous-espace vectoriel
degré 2 sur Q : il est imaginaire quadratique). La matrice W de TG (C) qui est rationnel sur Q et de dimension t, alors
     
1 τ dimQ V ∩ L(G) ≤ α(G) − κ (d − t − 1).
ω1 ω2
Le cas particulier où V = W est dû à Wüstholz [Wü 1989] : sous les hypothèses du théorème
a ses deux colonnes Q-linéairement indépendantes ; la première ligne a ses composantes 2.3, si V est rationnel sur Q, alors V ∩ L(G) = {0}.
algébriques, la seconde a ses composantes dans L(E), et le déterminant s’annule. On ne Exercice. En utilisant ce résultat de Wüstholz, démontrer l’énoncé suivant : Soient
peut donc pas remplacer 3 par 2 dans le corollaire 2.4. λ1 , . . . , λm des éléments Q-linéairement indépendants de L. Soient E une courbe elliptique
On peut cependant améliorer le corollaire 2.4 dans le cas où la courbe elliptique E définie sur Q et u1 , . . . , un des éléments de L(E) linéairement indépendants sur l’anneau
n’a pas d’endomorphismes non triviaux. Plus précisément, on peut démontrer le résultat des endomorphismes de E. Alors les nombres 1, λ1 , . . . , λm , u1 , . . . , un sont linéairement
suivant : indépendants sur Q.
Soient E une courbe elliptique définie sur Q, α1 , α2 des nombres algébriques non tous
deux nuls et u1 , u2 des éléments de L(E) linéairement indépendants sur l’anneau des Passons maintenant au produit du groupe multiplicatif par une courbe elliptique.
endomorphismes de E. Alors le déterminant de la matrice Corollaire 2.5. – Soient λ1 , . . . , λ des éléments Q-linéairement indépendants de L. Soit
  E une courbe elliptique définie sur Q, et soient u1 , . . . , u des éléments non tous nuls de
α1 α2 L(E).
u1 u2 a) Si  ≥ 4, alors la matrice à deux lignes et  colonnes
 
n’est pas nul. λ1 . . . λ
Dans le cas C.M., cela se déduit du corollaire 2.4. Dans le cas non C.M., on utilise un autre u1 . . . u
résultat de transcendance, l’analogue elliptique du septième problème de Hilbert, dû à Th.
est de rang 2.
Schneider (voir [W 1979], corollaire 3.2.3) :
b) Si λ1 est un multiple rationnel de 2πi,et u1 une période de expE , alors la conclusion est
Soient E une courbe elliptique définie sur Q et u1 , u2 des éléments de L(E) encore vraie pour  = 3.
linéairement indépendants sur l’anneau des endomorphismes de E. Alors u1 , u2 sont
linéairement indépendants sur Q. De la partie b) du corollaire 2.5, Ramachandra déduit (voir [Ra 1968], p. 87) :
Chapitre IV. – Groupes algébriques 113 114 Topologie des points rationnels

Si a et b sont des nombres algébriques réels positifs différents de 1, avec log a/ log b est de rang 2.
irrationnel et a < b < a−1 , alors un au moins des deux nombres b) Si u1 est une période de ℘ et u∗1 une période de ℘∗ , alors le rang de la matrice est encore
" # 2 pour  = 4.

n3 an ∞

1 Ramachandra conjecture que la conclusion est encore vraie dès que  ≥ 2. C’est de
x= + (1 − an )−8 ,
240 n=1 1 − an n=1 nouveau un analogue elliptique de la conjecture des quatre exponentielles.

' ∞
6 1 n3 an (bn + b−n )
d) Démonstration du Théorème 2.2
y= − 1/2 − (1 − an )−8 , Soient G un groupe algébrique commutatif défini sur un corps de nombres réels K et Γ
(b1/2 − b−1/2 )4 (b − b−1/2 )2 n=1 1 − an n=1
un sous-groupe de type fini de G(K) et de rang  ; on définit
est transcendant.  
Y = exp−1
G (Γ) ∩ TG (R);
Ramachandra a conjecturé dans [Ra 1968] que la conclusion du corollaire 2.5 était encore
vraie sous l’hypothèse plus faible  ≥ 2. Cela signifierait qu’une matrice de la forme c’est un sous-groupe de type fini de TG (R) de rang  + κR (G), dont l’image par expG est
  Γ ∩ G(R)0 ; dire que Γ ∩ G(R)0 est dense dans G(R)0 équivaut à dire que Y est dense dans
log α log β TG (R), donc que pour tout hyperplan réel V de TG (R),
u v  
rangZ Y /Y ∩ V ≥ 2.
a un déterminant non nul. C’est un analogue de la conjecture des quatre exponentielles
(voir [D 1997]). Le seul cas particulier connu est celui où u et v sont des périodes de ℘, et Comme Y contient ΩG ∩ TG (R), cette inégalité est banale si on a déjà
log α = iπ : le résultat en question s’énonce :  
rangZ ΩG ∩ TG (R)/ΩG ∩ V ≥ 2;
Si ℘ est une fonction elliptique de Weierstrass d’invariants g2 et g3 algébriques et si ω1
et ω2 sont deux périodes Q-linéairement indépendantes de ℘, alors le nombre e2iπω2 /ω1 par conséquent il n’y a pas de restriction à supposer
est transcendant.  
En posant τ = ω2 /ω1 , q = e2iπτ , J(q) = j(τ ) = 1728g23 /∆, on voit en effet qu’une rangZ (ΩG ∩ V ) ≥ max κR (G) − 1, 0 .
formulation équivalente de cet énoncé est le théorème de K. Barré-Sirieix, G. Diaz, F.
Gramain et G. Philibert [BDGP 1995] : 1) On commence par établir le résultat suivant :
Si q est un nombre complexe algébrique avec 0 < |q| < 1, alors le nombre supposons  ≥ mR (G) ; supposons aussi que V ne contient pas de sous-espace vectoriel
de TG (R) de la forme TG (R), avec G sous-groupe algébrique
 de G de dimension ≥ 1
1 défini sur K ; alors l’inégalité désirée rangZ Y /Y ∩ V ≥ 2 est bien vérifiée.
J(q) = + 744 + 196884q + · · ·
q On démontre cela en utilisant le théorème 2.3∗ ; on écrit une équation de l’hyperplan réel V
dans TG (R) et on considère l’hyperplan complexe V de TG (C) défini par la même équation,
est transcendant. de sorte que V = V ∩ TG (R). Si G est un sous-groupe algébrique de G défini sur K de
dimension ≥ 1, TG (C) est un sous-espace vectoriel de TG (C) qui s’écrit comme intersection
Nous terminons cette série de corollaires en considérant un produit de deux courbes d’hyperplans définis sur K, donc sur R et TG (R) = TG (C) ∩ TG (R) ; l’hypothèse que V
elliptiques. ne contient pas TG (R) implique que V ne contient pas non plus TG (C). Comme V ∩ ΩG
contient V ∩ ΩG , on a rangZ (V ∩ ΩG ) ≥ max{κR (G) − 1, 0}. Enfin, puisque Y ∩ V est
Corollaire 2.6. – Soient E et E ∗ deux courbes elliptiques définies sur Q, attachées contenu dans L(G) ∩ V, on peut conclure
à des fonctions elliptiques de Weierstrass ℘ et ℘∗ respectivement. Soient u1 , . . . , u des
   
éléments Q-linéairement indépendants de L(E), et u∗1 , . . . , u∗ des éléments Q-linéairement rangZ (Y ∩ V ) ≤ dimQ L(G) ∩ V ≤ α(G) − max{κR (G) − 1, 0} (d − 1).
indépendants de L(E ∗ ). On suppose que les deux fonctions ℘(u1 z) et ℘∗ (u∗1 z) sont
algébriquement indépendantes. Le résultat annoncé résulte de la définition de mR (G).
a) Si  ≥ 5, alors la matrice   2) On ne fait plus d’hypothèse sur l’hyperplan réel V , mais on suppose
u1 . . . u  
u∗1 . . . u∗ rangZ Γ/Γ ∩ G (K) ≥ mR (G/G )
Chapitre IV. – Groupes algébriques 115 116 Topologie des points rationnels

pour tout sous-groupe algébrique G de G défini sur K avec dim G < dim G. On prend (ii) Il existe un point (η1 , . . . , η  ) dans H  (R) tel que Zη1 + · · · + Zη  soit un sous-groupe
pour G le plus grand sous-groupe algébrique connexe de G, défini sur K, tel que TG (R) dense de G(R)0 .
soit contenu dans V et on applique le résultat démontré en 1) au sous-groupe Y /Y ∩TG (R)
de TG/G (R), dont l’image par expG/G dans (G/G )(R) est Γ/Γ ∩ G (K) : Il est clair que la conjecture 3.5? du chapitre III peut s’énoncer : tout groupe algébrique
linéaire Gda0 × Gdm1 possède la propriété de densité. Un exemple de groupe algébrique qui ne
vérifie pas la propriété de densité est donné dans [Be 1995] (voir la fin du §5 ci-dessous).
exp
Y ⊂TG(R) −−−−G−→ G(R)
 ⊃ G(K) ⊃ Γ Exercice. Soient G un groupe algébrique défini sur Q et Y un sous-groupe de type fini de
 
  l’espace tangent TG (C) tel que expG (Y ) ⊂ G(Q). On définit r(Y, G) comme la dimension
 
  du sous-espace de TG (C) sur C engendré par Y . On définit un autre nombre rstr (Y, G)
expG/G
Y /Y ∩ TG (R) ⊂ TG/G (R) −−−−−→ (G/G )(R) ⊃ (G/G )(K) ⊃ Γ/Γ ∩ G (K). de la manière suivante : soient  le rang de Y , et soit y1 , . . . , y des éléments de Y qui
engendrent un sous-groupe d’indice fini dans Y . Soit TH (C) le plus petit sous-espace tangent
3) La partie b) du théorème 2.2 résulte maintenant de la partie a) et du théorème de D. d’un sous-groupe algébrique H de G , défini sur Q, tel que (y1 , . . . , y ) ∈ TH (C). On pose
Roy (chapitre II théorème 7.2 avec R = G(R)0 ).  
rstr (Y, G) = max dimC Cz1 + · · · + Cz ; (z1 , . . . , z ) ∈ TH (C) .
e) La propriété de densité
Il nous reste à décrire la situation d’un point de vue conjectural. Nous savons déjà
On dira que le groupe algébrique G vérifie la propriété (A.I.) si, pour tout sous-groupe de
(Chap. III, §3) qu’il existe des exemples de couples (G, Γ), où G est un groupe algébrique
type fini Y de L(G), on a rstr (Y, G) = r(Y, G).
commutatif défini sur Q et Γ un sous-groupe de type fini de G(Q), dont la projection
  a) Montrer que le nombre rstr (Y, G) ne dépend pas du choix de y1 , . . . , y .
sur tout
 quotient G/G , G sous-groupe algébrique de G de dimension > 0, vérifie b) Vérifier que les deux assertions suivantes sont équivalentes :
rangZ Γ/Γ ∩ G (Q) ≥ mR (G/G ), et pourtant Γ ∩ G(R)0 n’est pas dense dans G(R)0 . ×
Une première approche est fournie par la définition suivante. (i) Des éléments de L = exp−1 (Q ) linéairement indépendants sur Q sont algébriquement
indépendants sur Q.
Définition : propriété de densité. – Soient K un corps de nombres plongé dans R (ii) Pour tout entier d ≥ 1, le groupe algébrique Gdm vérifie la propriété (A.I.).
et G un groupe algébrique commutatif défini sur K. On dira que G possède la propriété c) Soient ℘ une fonction elliptique de Weierstraß d’invariants g2 et g3 algébriques, E la
de densité si pour tout sous-groupe de type fini Γ de G(K), les assertions suivantes sont courbe elliptique associée à ℘ et O l’anneau des endomorphismes de E. Montrer que les
équivalentes : assertions suivantes sont équivalentes :
(i) Γ ∩ G(R)0 est dense dans G(R)0 (i) Pour tout entier positif d, le groupe algébrique E d vérifie la propriété (A.I.).
(ii) si {γ1 , . . . , γ } sont des éléments de Γ qui engendrent un sous-groupe d’indice fini (ii) Si u1 , . . . , um des éléments de L(E) linéairement indépendants sur O, alors les nombres
de Γ et si H désigne l’adhérence de Zariski dans G du sous-groupe Z(γ1 , . . . , γ ), alors il u1 , . . . , um sont algébriquement indépendants sur Q.
existe un point (η1 , . . . , η ) dans H(R) tel que Zη1 + · · · + Zη soit un sous-groupe dense d) Montrer que si un groupe algébrique G défini sur Q ∩ R vérifie la propriété (A.I.), alors
de G(R)0 . il possède la propriété de densité.
L’implication (i) ⇒ (ii) est banale : si Γ ∩ G(R)0 est dense dans G(R)0 , il suffit de (Pour de plus amples informations, voir [W 1996])
prendre pour (η1 , . . . , η ) un multiple convenable de (γ1 , . . . , γ ). D’autre part si l’assertion
(ii) est vraie pour une famille {γ1 , . . . , γ } d’éléments de Γ qui engendrent un sous-groupe
d’indice fini, alors elle est vraie pour toute famille. Enfin la propriété de densité est attachée §3. Produits de deux groupes algébriques de dimension 1
au couple (G, K) plutôt qu’au groupe G tout seul, mais l’abus de notation allège le langage.
Dans cette section nous appliquons le théorème de densité (théorème 2.2) aux groupes
Exercice. Soient G un groupe algébrique commutatif connexe sur R, γ1 , . . . , γ , γ1 , . . . , γ  algébriques de dimension 2 qui sont produits de deux groupes algébriques de dimension
des éléments de G(R). On désigne par Γ le sous-groupe de G(R) engendré par γ1 , . . . , γ , 1. Nous avons déjà étudié en détail (au chapitre III) les groupes linéaires G2a , Ga × Gm et
et on pose de même Γ = Zγ1 + · · · + Zγ  . On suppose que Γ ∩ Γ est un sous-groupe G2m . Il nous reste donc à considérer les produits Ga × E, Gm × E et E × E ∗ , quand E et
d’indice fini dans Γ et aussi dans Γ . On désigne enfin par H l’adhérence de Zariski dans E ∗ sont deux courbes elliptiques.

G du sous-groupe Z(γ1 , . . . , γ ) et par H  l’adhérence de Zariski dans G du sous-groupe
 
Z(γ1 , . . . , γ ). Les propriétés suivantes sont équivalentes : a) Produit d’un groupe additif par une courbe elliptique
(i) Il existe un point (η1 , . . . , η ) dans H(R) tel que Zη1 + · · · + Zη soit un sous-groupe Les produits Ga × E font partie des rares groupes algébriques pour lesquels on connaı̂t un
dense de G(R)0 . énoncé de densité optimal.
Chapitre IV. – Groupes algébriques 117 118 Topologie des points rationnels

Proposition 3.1. – Soient E une courbe elliptique sur le corps K = Q ∩ R, G le groupe c) Produit de deux courbes elliptiques
algébrique Ga × E et Γ un sous-groupe de type fini de G(K) ∩ G(R)0 . Alors Γ est dense Voici ce que l’on connait sur le problème de densité pour un produit de deux courbes
dans G(R)0 = R × E(R)0 si et seulement si les deux projections de Γ sur R et sur E(R)0 elliptiques. Pour simplifier on traite le cas où les deux courbes ne sont pas isogènes ; cela
sont denses. signifie que si ℘ et ℘∗ sont les fonctions elliptiques de Weierstraß associées, pour tout
t ∈ C× les deux fonctions ℘(tz) et ℘∗ (z) sont algébriquement indépendantes.
Par exemple si β1 , β2 sont des éléments Q-linéairement indépendants de K et γ1 , γ2
des points de E(K) ∩ E(R)0 qui ne sont pas tous deux de torsion, alors le sous-groupe de Proposition 3.3. – Soient E et E ∗ deux courbes elliptiques définies sur K = Q ∩ R
K × E(K) engendré par les deux points (β1 , γ1 ) et (β2 , γ2 ) est dense dans R × E(R)0 . et non isogènes. Soient  un entier positif et γ1 , . . . , γ (resp. γ1∗ , . . . , γ∗ ) des éléments de
La proposition 3.1 se déduit de l’analogue elliptique du septième problème de Hilbert E(R)0 ∩ E(Q) (resp. de E ∗ (R)0 ∩ E ∗ (Q)) vérifiant
– théorème de Schneider cité plus haut (après le corollaire 2.4). a) γ1 , . . . , γ ne sont pas tous des points de torsion dans E(Q) ;
b) γ1∗ , . . . , γ∗ ne sont pas tous des points de torsion dans E ∗ (Q) ;
b) Produit d’un groupe multiplicatif par une courbe elliptique
c) le sous-groupe Γ de E(Q) × E ∗ (Q) engendré par les  points (γj , γj∗ ), (1 ≤ j ≤ ) est de
Le théorème 2.2 (ou bien le corollaire 2.5) permet de donner un résultat partiel sur la
rang .
densité dans R× ×
+ × E(R) de sous-groupes de type fini de K × E(K), quand E est une
0
Alors
courbe elliptique définie sur K = Q ∩ R.
1) si  ≥ 3, Γ est dense dans E(R)0 × E ∗ (R)0 .
Proposition 3.2. – Soient , 1 , 2 des entiers positifs, α1 , . . . , α des nombres algébriques 2) si E × E ∗ possède la propriété de densité, alors la même conclusion est vraie dès que
réels positifs, qui engendrent un groupe multiplicatif de rang 1 , E une courbe elliptique  ≥ 1.
sur le corps K = Q ∩ R et γ1 , . . . , γ des éléments de E(K) ∩ E(R)0 qui engendrent un
sous-groupe de rang 2 . On désigne par Γ le sous-groupe de R× + × E(R) engendré par les
0
Exercice. Démontrer la partie 1) de la proposition 3.3 :
 points (αj , γj ), (1 ≤ j ≤ ) et on suppose que Γ est de rang . a) à partir du thèorème 2.2 ;
a) On suppose  ≥ 4, 1 ≥ 2 et 2 ≥ 1. Alors Γ est dense dans R× + × E(R) .
0
b) à partir du corollaire 2.6.
b) On suppose  ≥ 5, 1 ≥ 3 et 2 ≥ 2. Alors Γ contient un sous-groupe de rang 2 dense Démontrer ensuite une variante de la proposition 3.3 correspondant au cas E = E ∗ .
dans R× + × E(R) .
0

c) Si le groupe algébrique Gm × E possède la propriété de densité, Γ est dense dans La conjecture de densité pour le produit E × E ∗ implique l’énoncé suivant, conjecturé
R×+ × E(R) si et seulement si on a 1 ≥ 2 et 2 ≥ 1.
0 par Ramachandra :
? Soient ℘ (resp. ℘∗ ) une fonction elliptique de Weierstraß d’invariants g2 , g3 (resp.
Pour apporter une réponse complète à la question, il faudrait démontrer l’énoncé
g2∗ , g3∗ ) algébriques ; soit ω (resp. ω ∗ ) une période non-nulle de ℘ (resp. de ℘∗ ), et soit
suivant, qui est encore une variante elliptique de la conjecture des quatre exponentielles
u ∈ L(E) (resp. u∗ ∈ L(E ∗ )) , avec u/ω et u∗ /ω ∗ irrationnels ; on suppose que les
et aussi un cas particulier d’une conjecture de Ramachandra ([Ra 1968], p. 87) citée plus
deux fonctions ℘(ωz) et ℘∗ (ω ∗ z) sont algébriquement indépendantes. Alors les trois
haut :
nombres
? Soient E une courbe elliptique définie sur un corps de nombres réels K, ω une u u∗
période réelle non nulle de expE , u ∈ R un logarithme elliptique d’un point d’ordre 1, , ∗
ω ω
infini de E(K) et α1 , α2 deux nombres algébriques réels positifs multiplicativement
indépendants. Alors les trois nombres sont linéairement indépendants sur Q.
En d’autres termes, selon cette conjecture, si s0 , s∗0 , s sont des entiers rationnels, le
log α1 u déterminant  
, , 1
log α2 ω ω 0 u
det  0 ω ∗ u∗ 
sont linéairement indépendants sur Q. s0 s∗0 s
Cet énoncé signifie que le sous-groupe de R× + × E(R) engendré par les deux points
0
ne peut s’annuler que si s0 = s∗0 = s = 0.
(α1 , expE u) et (α2 , 0) est dense pour la topologie réelle et cette condition s’écrit encore :
pour tout (λ, µ) ∈ Q2 ,  
log α1 log α2
det
= 0.
u + λω µω
Chapitre IV. – Groupes algébriques 119 120 Topologie des points rationnels

§4. Variétés abéliennes sur R Si A est une variété abélienne simple, définie sur un corps de nombres plongé dans
R, possédant la propriété de densité, et si ω1 , . . . , ωd−1 sont d − 1 périodes réelles
Nous appliquons le théorème de densité aux variétés abéliennes simples sur un corps linéairement indépendantes de expA , alors
de nombres réel. Nous étudions ensuite la propriété de densité pour des produits de
courbes elliptiques. Nous terminons en considérant plusieurs plongements réels d’un corps  
Rω1 + · · · + Rωd−1 ∩ L(A) ⊂ Qω1 + · · · + Qωd−1 .
de nombres sur lequel une variété abélienne simple est définie.
a) Variétés abéliennes simples
Pour une variété abélienne simple A définie sur un corps de nombres réel K, dont le groupe Quand on examine la situation conjecturale, il n’y a pas de raison, a priori, pour se
de Mordell-Weil A(K) est de rang ≥ 1, la propriété de densité (cf. §2, section e), si elle est limiter au cas réel, ni même à des périodes : cet énoncé suggère une extension aux variétés
vérifiée, implique que tout point de A(K) ∩ A(R)0 d’ordre infini engendre un sous-groupe abéliennes de la conjecture des quatre exponentielles :
dense de A(R)0 ; la conjecture de Mazur n’entraı̂ne un tel résultat que quand K = Q et Conjecture 4.2? . – Soient K un sous-corps de Q, A une variété abélienne simple sur K
quand le rang de A(Q) est égal à 1. de dimension d ≥ 1 et u1 , . . . , ud des éléments Q-linéairement indépendants de L(A). Alors
Etant donné que, pour une variété abélienne A de dimension d, on a mR (A) = 1 et u1 , . . . , ud sont linéairement indépendants sur C.
mR (A) = d2 − d + 1, on déduit immédiatement du théorème 2.2 :
Cet énoncé est banal pour d = 1. Pour d = 2, c’est un analogue abélien de la conjecture
Proposition 4.1. – Soient K un corps de nombres plongé dans R, A une variété abélienne des quatre exponentielles (∗ ). Pour d ≥ 3, même le cas où tous les ui sont des périodes
simple définie sur K de dimension d ≥ 1 et Γ un sous-groupe de A(K). est ouvert (et intéressant) ; d’un autre côté, d’après ce que nous venons de voir, afin de
a) Si le rang de Γ est ≥ d2 − d + 1, alors Γ ∩ A(R)0 est dense dans A(R)0 pour la topologie résoudre la conjecture de Mazur pour les variétés abéliennes simples (conjecture 5 de [Maz
réelle. 1992]— voir [W 1994]), il suffirait de considérer le cas où u1 , . . . , ud−1 sont d − 1 périodes
b) Si le rang de Γ est ≥ d2 , il existe un point de Γ dont les multiples engendrent un sous- de l’exponentielle de A, tandis que ud n’appartient pas au Q-espace vectoriel engendré par
groupe dense de A(R)0 . le réseau des périodes (c’est-à-dire que ud est un logarithme abélien d’un point d’ordre
c) Si la variété abélienne A possède la propriété de densité, le groupe Γ ∩ A(R)0 est dense infini de A(K)). Enfin de la conjecture 4.2? on déduit :
dans A(R)0 si et seulement si rangZ Γ ≥ 1.
Conjecture 4.3? . – Si A est une variété abélienne simple sur un corps de nombres K, de
Soit A une variété abélienne sur R ; le noyau ΩA,R de expA,R contient une base dimension d et si Γ est un sous-groupe de A(K) de rang  contenu dans un sous-groupe à
(e1 , . . . , ed ) de l’espace tangent TA (R) de A(R)0 . Pour u = x1 e1 + · · · + xd ed ∈ TA (R), une n paramètres de A(C), alors n ≥ min{d, }.
condition nécessaire et suffisante pour que γ = expA,R (u) engendre un sous-groupe dense
de A(R)0 est que les nombres réels 1, x1 , . . . , xd soient linéairement indépendants sur Q. En Un sous-groupe à n paramètres de A(C) est l’image par l’application exponentielle
posant Y = ΩA,R + Zu, cela s’écrit encore rangZ (Y /Y ∩ V ) ≥ 2 pour tout hyperplan V de d’un sous-espace vectoriel de dimension n de l’espace tangent.
TA (R). Il suffit évidemment de vérifier cette condition quand rangZ (ΩA,R /ΩA,R ∩ V ) ≤ 1, Cette conjecture 4.3? a déjà été proposée par S. Lang dans le cas particulier  = 2
c’est-à-dire quand l’hyperplan V est engendré par des éléments de ΩA,R . Ainsi Zγ est (voir [L 1971], p. 648). A cette époque le seul résultat connu ([L 1966], Chap. II, § 4, Th. 4)
dense dans A(R)0 si et seulement si, pour toute famille ω1 , . . . , ωd−1 d’éléments de ΩA,R était :
linéairement indépendants sur Q (ou sur R, cela revient au même), on a pour  ≥ 7 et d ≥ 2 on a n ≥ 2.
    On sait maintenant que l’on a d ≤ n( + 2d) (voir [W 1983b], Corollaire 1.2).
Rω1 + · · · + Rωd−1 ∩ Zu + ΩA,R ⊂ Qω1 + · · · + Qωd−1 ,
b) Produits de courbes elliptiques
ce qui s’écrit : pour tout entier n ≥ 1 et tout ω ∈ ΩA,R , les éléments nu + ω, ω1 , . . . , ωd−1 Nous considérons dans cette sous-section une variété abélienne sur le corps K = Q ∩ R
sont linéairement indépendants sur R(∗ ). qui se décompose en un produit de courbes elliptiques.
La partie c) de la proposition 4.1 signifie que, pour une variété abélienne simple A Exercice. Montrer que la propriété de densité est vraie pour une puissance d’une courbe
sur un sous-corps K de Q ∩ R possédant la propriété de densité, tout point d’ordre infini elliptique.
γ ∈ A(K) ∩ A(R)0 engendre un sous-groupe dense de A(R)0 . On peut donc écrire cette Indication : utiliser la proposition 1.2.
assertion de la manière suivante :
(∗ ) Dans [W 1994], il est dit que la conjecture 4.2 est facile quand d = 2 ; mais c’est

( ) Joost van Hamel m’a fait remarquer qu’on ne √
peut pas se restreindre à n = 1 et ω = 0, seulement quand d = 2 et que u1 et u2 sont des périodes, que le résultat est banal – voir
comme le montre l’exemple d = 2, u = (1/2)ω1 + 2ω2 . [W 1995].
Chapitre IV. – Groupes algébriques 121 122 Topologie des points rationnels

Proposition 4.4. — Soient E1 , . . . , Ek des courbes elliptiques sur K deux-à-deux non B1 × · · · × Br où chaque Bi est soit Ai , soit {0}. Un sous-groupe de type fini de B(K) est
isogènes. Soient n1 , . . . , nk des entiers positifs. On suppose que le groupe algébrique Zariski dense dans B si et seulement si pour tout i = 1, . . . , r, son image par la projection
G = E1n1 × · · · × Eknk possède la propriété de densité. Enfin soit γ ∈ G(K) ∩ G(R)0 . πi : B(K) → Ai (K) n’est pas contenue dans Ai (K)tors . On choisit  éléments γ1 , . . . , γ
Alors Zγ est dense dans G(R)0 si et seulement si, pour 1 ≤ i ≤ k, la projection de Zγ est de Γ, linéairement indépendants sur Z, avec  = rangZ Γ. Pour 1 ≤ i ≤ r, désignons
dense dans Eini (R)0 . par Mi le sous-Z-module de Z formé des s ∈ Z tels que γs = s1 γ1 + · · · + s γ vérifie
πi (γs ) ∈ Ai (K)tors ; comme Γ est Zariski dense dans B, Mi est un sous-groupe de Z de
Démonstration. Soit H l’adhérence de Zariski de Zγ dans G ; comme les courbes elliptiques rang ≤  − 1. Le nombre d’éléments de Mi dont les composantes sont majorées par N est
Ei sont deux-à-deux non isogènes, H est un produit H1 ×· · ·×Hk , où Hi est un sous-groupe O(N −1 ) quand N → ∞. Il en résulte (∗ ) que la réunion M1 ∪ · · · ∪ Mr est distincte de
algébrique de Eini . Comme la projection de Zγ est dense dans Eini (R)0 , on a Hi = Eini Z : soit s ∈ Z en dehors de cette réunion. Alors Zγs est Zariski dense dans B.
pour 1 ≤ i ≤ k, donc H = G. Enfin mR (G) = 1, ce qui permet d’appliquer la propriété de
Noter que le sous-groupe Γ = Z(γ, 0) + Z(0, γ) de A(K)2 est Zariski dense dans A2 si
densité.
γ est un point d’ordre infini de A(K), mais aucun sous-groupe de Γ de rang 1 n’est Zariski
Exercice. Etendre la proposition 4.4 à un produit de variétés abéliennes deux-à-deux non dense dans A2 .
isogènes. Remplacer aussi le sous-groupe Zγ de rang 1 par un sous-groupe de rang > 0 Nous traitons un exemple qui préfigure ce qui va se passer avec un plongement
quelconque. complexe (où il faudra considérer simultanément le plongement complexe conjugué).

Remarque. Soit G = G1 × G2 un produit de deux groupes algébriques ; on suppose que G Corollaire 4.5. – Soient K un sous-corps de R ∩Q, σ un automorphisme du corps K et A
n’admet pas d’autre sous-groupe algébrique connexe que les produits H1 × H2 ; soit Γ un une variété abélienne simple sur K de dimension d. On désigne par Aσ la variété abélienne
sous-groupe de type fini de G(R) ; même si G possède la propriété de densité, il ne suffit déduite de A en faisant agir σ, par γ → γ σ l’isomorphisme de groupes naturel de A(K)
pas que les projections de Γ sur chaque facteur soient denses pour assurer que Γ est dense : sur Aσ (K), par B la variété abélienne A × Aσ définie sur K, et par ϕ : A(K) → B(K)
par exemple le fait que les projections soient denses n’implique pas rangZ Γ ≥ mR (G). l’homomorphisme de groupes qui envoie γ sur (γ, γ σ ). Soit Γ un sous-groupe de A(K) de
rang .
c) Plusieurs plongements a) On suppose  ≥ 4d2 − 2d + 1. On suppose de plus, pour toute sous-variété abélienne B 
Un autre exemple d’application du théorème 2.2 provient d’une question posée par A. Ogg de B, définie sur K, de dimension d,
au M.S.R.I. de Berkeley en Mai 1992 : soit A une variété abélienne définie sur un corps de  
nombres K et soient σ1 , . . . , σr des plongements distincts de K dans R ; pour 1 ≤ i ≤ r, on rangZ ϕ(Γ)/ϕ(Γ) ∩ B  (K) ≥ d2 − d + 1.
a une variété abélienne Ai définie sur R et un plongement ϕi de A(K) dans Ai (R) associé Alors ϕ(Γ) ∩ B(R)0 est dense dans B(R)0 .
à σi ; on définit B = A1 × · · · × Ar . b) On suppose  ≥ 4d2 . On suppose de plus, pour toute sous-variété abélienne B  de B,
A quelle condition l’adhérence de l’image d’un sous-groupe Γ de A(K) dans B(R) par définie sur K, de dimension d,
ϕ = (ϕ1 , . . . , ϕr ) est-elle ouverte ?  
rangZ ϕ(Γ)/ϕ(Γ) ∩ B  (K) ≥ d2 + d.
Dans le cas où les variétés abéliennes A1 , . . . , Ar sont deux-à-deux non isogènes(∗ ), en
supposant que la variété abélienne B possède la propriété de densité, une condition Alors il existe γ ∈ Γ tel que Zϕ(γ) soit un sous-groupe dense de B(R)0 .
nécessaire et suffisante est encore que ϕ(Γ) soit Zariski dense dans B. Cela résulte de c) Si les variétés abéliennes possèdent la propriété de densité, une condition nécessaire et
la remarque suivante suffisante pour que l’adhérence pour la topologie réelle de ϕ(Γ) dans B(R) soit ouverte est
si une variété abélienne B sur un corps K est produit de variétés abéliennes simples que l’on ait  
deux-à-deux non isogènes, et si Γ est un sous-groupe de B(K) Zariski dense dans B, rangZ ϕ(Γ)/ϕ(Γ) ∩ B  (K) ≥ 1
il existe γ ∈ Γ qui engendre un sous-groupe Zγ Zariski dense dans B. pour toute sous-variété abélienne B  de B, définie sur K, de dimension d.
Démonstration. On écrit B comme produit de variétés abéliennes simples A1 , . . . , Ar La condition faisant intervenir les sous-variétés abéliennes B  s’explique facilement :
deux-à-deux non isogènes : un sous-groupe algébrique connexe B  de B est un produit il faut éviter, par exemple, que A soit définie sur le sous-corps {x ∈ K; xσ = x} et que les

(∗ ) Cette hypothèse a été omise dans [W 1994], mais elle est évidemment nécessaire : si (∗ ) Dans la section 4f de [W 1994], p. 346, est écrit : une réunion finie de sous-groupes de
B = A2 est le carré d’une variété abélienne A, et si η est un point d’ordre infini de A(K), Z distincte de Z est encore distincte de Z . Comme me l’a fait remarquer J-P. Serre, Z2 est
alors Γ = Z(η, 0) + Z(0, η) ⊂ A(K)2 est un sous-groupe de B(K) Zariski dense dans B, réunion de trois sous-groupes d’indice 2, par exemple (2Z)×Z, Z×(2Z) et Z(1, 1)+Z(1, −1).
mais il n’existe pas de γ ∈ Γ qui engendre un sous-groupe Zγ Zariski dense dans B – voir Mais une réunion finie de sous-groupes de Z de rang ≤  − 1 est distincte de Z – voir [W
[W 1995]. 1995].
Chapitre IV. – Groupes algébriques 123 124 Topologie des points rationnels

√ – cité au §1 –
éléments de Γ soient tous rationnels sur ce sous-corps. Un exemple concret de la fonction ζ et u ∈ L(E) un logarithme elliptique qui n’est pas de torsion :
est donné par la courbe elliptique y 2 = x3 − 50x − 125 avec le corps Q( 10). u
∈ Qω1 + Qω2 . On pose λu (ω) = ωζ(u) − ηu. Alors les trois nombres

λu (ω), ω, u
§5. Extensions
Nous étudions d’abord les extensions d’une courbe elliptique par Ga , puis les exten- sont linéairement indépendants sur Q.
sions par Gm , et enfin les extensions d’une variété abélienne par Gm . Il s’agit d’un analogue du théorème de Baker, dû à Wüstholz [Wü 1989], et que l’on peut
déduire de la version raffinée du théorème du sous-groupe algébrique (voir la remarque
a) Extension d’une courbe elliptique par le groupe additif avant le corollaire 2.5) appliquée à une extension non triviale d’une courbe elliptique par
(Voir [W 1979], Chap. 3, §2c). le groupe multiplicatif Gm .
Soit G un groupe algébrique commutatif connexe de dimension 2, extension non Théorème 5.1. – Soit G un groupe algébrique commutatif connexe de dimension 2 défini
triviale d’une courbe elliptique E par le groupe additif Ga . Le groupe algébrique G possède sur un corps de nombres réel K. On suppose que G est extension d’une courbe elliptique E
trois sous-groupes algébriques connexes, à savoir {0}, G, et un sous-groupe isomorphe à par le groupe additif Ga , et n’est pas isogène au produit Ga ×E. On note π : G(K) → E(K)
Ga . Soit ℘ la fonction elliptique de Weierstrass associée à E(C) ; on peut choisir une base de la projection de noyau Ga (K)  K.
l’espace tangent de G(C) et un plongement de G(C) comme sous-variété quasi-projective a) Tout point de G(K) ∩ Gc est d’ordre fini.
d’un espace projectif tels que l’application exponentielle de G(C) soit paramétrée par des b) Si Γ est un sous-groupe de type fini de G(K) ∩ G(R)0 vérifiant
fonctions complexes de deux variables (z1 , z2 ), parmi lesquelles se trouvent z2 − ζ(z1 ) et
 
℘(z1 ), où ζ est la primitive impaire de ℘. Comme ℘ est périodique, ζ est quasi-périodique : rangZ π(Γ) ≥ 1 et rangZ Γ ∩ Ga (K) ≥ 1,
si Ω = Zω1 + Zω2 désigne le réseau des périodes de ℘, il existe deux nombres complexes
η1 et η2 tels que alors Γ est dense dans G(R)0 .
ζ(z + ωi ) = ζ(z) + ηi , (i = 1, 2). c) Si Γ vérifie
rangZ π(Γ) ≥ 1 et rangZ Γ ≥ 5,
Ces nombres complexes sont reliés par la relation de Legendre :
0
alors Γ est dense dans G(R) .
ω1 η2 − ω2 η1 = ±2iπ d) Si G possède la propriété de densité, et si Γ vérifie

(le signe dépend du signe de la partie imaginaire de ω2 /ω1 ; voir par exemple [Sil 1986], rangZ π(Γ) ≥ 1 et rangZ Γ ≥ 2,
Chap.6, ex. 6.4). Si G est défini sur un sous-corps K de C, alors les invariants g2 et g3 de
℘ sont dans K, et LK (G) est la réunion de Ker expG = Z(ω1 , η1 ) + Z(ω2 , η2 ), et de alors Γ est dense dans G(R)0 .
  Démonstration.
(z1 , z2 ) ∈ C2 ; z1
∈ Ω, z2 − ζ(z1 ) ∈ K, ℘(z1 ) ∈ K .
a) Soit γ ∈ G(K) ∩ Gc ; on écrit γ = expG (u, v) ; l’hypothèse γ ∈ G(K) s’écrit u ∈ LK (E)
et α = −v + ζ(u) ∈ K. Le fait que γ appartienne au sous-groupe compact maximal Gc de
Si le groupe G est défini sur R, alors le noyau de expG,R est un sous-groupe de rang 1 de R2
G(R)0 signifie que (u, v) se trouve sur la droite R(ω, η). Alors λu (ω) = ωζ(u) − ηu = αω,
engendré par un élément de la forme (ω, η), avec ω = m1 ω1 + m2 ω2 et η = m1 η1 + m2 η2 ,
et le résultat de transcendance cité plus haut entraı̂ne que u appartient à Qω1 + Qω2 . La
((m1 , m2 ) ∈ Z2 ). Le sous-groupe compact maximal Gc de G(R)0 est l’image par expG de la
relation de Legendre donne alors u ∈ Qω, donc γ est un point de torsion de G(K).
droite vectorielle R(ω, η) engendrée par 0 c
 le noyau, et le quotient G(R) /G est isomorphe b) Si Γ contient un point non nul γ0 dans Ga (K) et un point γ tel que π(γ) ne soit pas de
à R. En particulier on a mR (G) = m G(R) = 2. Le sous-groupe de torsion de G(R) est
torsion dans E(K), alors Y = exp−1 G (Γ) est un sous-groupe de type fini de R qui contient
2

  trois éléments de la forme (0, β), (u, ζ(u) − α) et (ω, η), avec u ∈ LK(E) et α, β dans K,
G(R)tors = expG,R Q(ω, η) ⊂ Gc .

= 0. Les coordonnées
β  de (u, ζ(u) − α) dans la base (0, β), (ω, η) de R2 sont u/ω et
ζ(u) − α − (u/ω)η /β, et les trois nombres
Les parties a) et b) du théorème 5.1 ci-dessous proviennent de [Be 1995]. Elles utilisent le
résultat de transcendance suivant : βω, βu, ωζ(u) − αω − ηu
Soient E une courbe elliptique définie sur Q, ω ∈ Zω1 + Zω2 une période non nulle
de la fonction de Weierstraß ℘ associée à E(C), η la quasi-période correspondante sont linéairement indépendants sur Q.
Chapitre IV. – Groupes algébriques 125 126 Topologie des points rationnels

c) La partie c) du théorème 5.1 résulte du théorème de densité 2.2, compte tenu de l’égalité b) Extension d’une courbe elliptique par le groupe multiplicatif
mR (G) = 5. (Voir [W 1979], Chap. 3, §2e).
d) Grâce à b), on peut se limiter au cas où Γ ∩ Ga (K) = {0}. Soient γ1 et γ2 deux
éléments de Γ linéairement indépendants sur Z. Les hypothèses faites impliquent que tout Soit G un groupe algébrique commutatif connexe de dimension 2, qui est une extension
sous-groupe algébrique de G × G contenant le point (γ1 , γ2 ) se projette surjectivement sur d’une courbe elliptique E par le groupe additif Gm , et qui n’est pas isogène au produit
E × E. Par conséquent l’adhérence de Zariski de Z(γ1 , γ2 ) dans G × G est G × G. Il ne Gm × E. Le groupe algébrique G possède trois sous-groupes algébriques connexes, à savoir
reste plus qu’à utiliser l’égalité mR (G) = 2. {0}, G, et un sous-groupe isomorphe à Gm . Soient ℘ la fonction elliptique de Weierstraß
associée à E(C), Ω = Zω1 + Zω2 le réseau des périodes de ℘ et σ le produit canonique de
Exercice (Un analogue elliptique du problème des quatre exponentielles, d’après [Be 1995], Weierstrass associé à Ω (cf. [Sil 1986], Chap. 6 §3). On peut choisir une base de l’espace
question 3.) tangent de G(C) et un plongement de G(C) comme sous-variété quasi-projective d’un
Montrer que le groupe algébrique G considéré dans le théorème 5.1 possède la propriété de espace projectif, tels que l’application exponentielle de G(C) soit paramétrée par des
densité si et seulement si l’assertion suivante est vraie : fonctions complexes de deux variables (z1 , z2 ), parmi lesquelles se trouvent ℘(z1 ), et une
? Soient α et β deux nombres algébriques réels, et u, v deux nombres réels dans L(E), fonction
avec u, v, ω linéairement indépendants sur Q. Alors σ(z1 − u) z1 ζ(u)−z2
Fu (z1 , z2 ) = e ,
λu (ω) − αω λv (ω) − βω σ(z1 )σ(u)

= .
u v où u ∈ C. L’hypothèse que G n’est pas isogène au produit Gm × E se traduit par le fait
Indication. Montrer déjà que la propriété de densité pour G est équivalente à l’assertion que le point γ = expE (u) ∈ E(C) n’est pas de torsion, c’est-à-dire u
∈ Qω1 + Qω2 .
suivante : Quand le groupe algébrique G est défini sur R, le noyau de expG,R est un sous-groupe
? Soient u et v des éléments de L(E) ∩ R avec ω, u, v linéairement indépendants sur Q, de rang 1 de R2 ; la droite réelle engendrée a pour image par l’exponentielle le sous-groupe
et soient α et β deux nombres algébriques. On pose compact maximal Gc de G(R)0 et G(R)0 /Gc est isomorphe à R.
Si la courbe elliptique E est définie sur un corps de nombres K plongé dans R et
θu = λu (ω) + αu, θv = λv (ω) + βv. que le groupe de Mordell-Weil E(K) a un rang positif, alors à chaque point γ ∈ E(K)
correspond une extension Gγ de E par Gm , définie sur K, et Gγ (K) se projette sur E(K).
Alors les trois nombres ωθu , ωθv , uθv − vθu sont linéairement indépendants sur Q. Quand γ est d’ordre infini dans E(K), l’adhérence réelle de Gγ (K) dans Gγ (R) contient
En particulier on devrait avoir uθv
= vθu , ce qui est la condition annoncée. Dans l’autre Gγ (R)0 . En effet, comme Gγ (K) contient Gm (K)  K ∗ , si η est un point de Gγ (K) dont
sens, poser u = au + cω et v  = av − bω, et utiliser le fait que la fonction ζ(az) − aζ(z) la projection sur E(K) est γ, alors le sous-groupe de Gγ (K) engendré par 2, 3 et η, est
est elliptique, donc le nombre ζ(au) − aζ(u) est algébrique. dense dans Gγ (R)0 .
Nous allons voir qu’un sous-groupe de rang suffisamment élevé, dont la projection sur
Exercice. Soit G un groupe algébrique commutatif connexe sur Q, extension non triviale la courbe elliptique est dense, est alors dense, et contient même un sous-groupe de rang 2
d’une courbe elliptique E définie sur Q par Ga . Soient  un entier et (uj , vj ) (1 ≤ j ≤ ) qui est dense.
des éléments de L(G) linéairement indépendants sur Q, avec uj ∈ L(E). On suppose que
u1 , . . . , u ne sont pas tous dans Qω1 + Qω2 . Proposition 5.2. – Soient K un corps de nombres réel, E une courbe elliptique définie
1) On suppose  ≥ 5 ; montrer que la matrice sur K, γ un point d’ordre infini de E(K), Gγ l’extension de E par le groupe multiplicatif
  Gm attachée à γ, π : Gγ (K) → E(K) la projection de noyau Gm (K)  K × , et Γ un
u1 ··· u sous-groupe de type fini de Gγ (K) ∩ Gγ (R)0 , de rang . On note 1 le rang sur Z de π(Γ).
v1 ··· v a) Si  − 1 ≥ 2 et 1 ≥ 1, alors Γ est dense dans Gγ (R)0 .
b) Si  ≥ 5 et 1 ≥ 1, alors Γ est dense dans Gγ (R)0 .
est de rang 2. c) Si  ≥ 6 et 1 ≥ 1, alors Γ contient un sous-groupe de rang 2 qui est encore dense dans
2) On suppose  = 4 et (u1 , v1 ) ∈ Ker expG ; montrer que la matrice Gγ (R)0 .
  d) Si le groupe algébrique Gγ possède la propriété de densité, alors les deux conditions
u1 u2 u3 u4 suivantes sont équivalentes :
v1 v2 v3 v4 (i) Γ est dense dans Gγ (R)0 ;
(ii) on a  ≥ 2 et 1 ≥ 1.
est de rang 2.
Chapitre IV. – Groupes algébriques 127 128 Topologie des points rationnels

Démonstration. soient algébriques, alors les trois nombres


a) Le rang de Γ1 = Γ ∩ Gm (K) est  − 1 . Soit Y = exp−1
Gγ (Γ) et soitH un hyperplan de R2 .
 u1 v2 − u2 v1 , u1 ϑ − v1 ω, u2 ϑ − v2 ω
Si H = {0}×R, on utilise l’hypothèse 1 ≥ 1 pour en déduire
 rangZ Y /Y ∩H ≥ 1 +1 ≥ 2.
Si au contraire H
= {0} × R, alors en posant Y1 = Y ∩ {0} × K on a Y ⊃ Y1 et sont linéairement indépendants sur Q.
 
rangZ Y /Y ∩ H ≥ rangZ Y1 = rangZ Γ1 =  − 1 ≥ 2. Exercice. Soit G un groupe algébrique commutatif connexe sur Q, extension d’une courbe
elliptique E définie sur Q par Gm , qui n’est pas isogène au produit Gm × E. Soient  un
b) Si  ≥ 5 et 1 ≥ 1, alors les hypothèses de la partie a) du théorème 2.2 sont vérifiées, entier et (uj , vj ) (1 ≤ j ≤ ) des éléments de L(G) linéairement indépendants sur Q, avec
avec uj ∈ L(E). On suppose que u1 , . . . , u ne sont pas tous dans Qω1 + Qω2 .
d = d2 = 2, d0 = d1 = 0, α(Gγ ) = 4, κR (Gγ ) = 1, mR (Gγ ) = 5, 1) On suppose  ≥ 5 ; montrer que la matrice
donc Γ est dense dans Gγ (R)0 .  
u1 · · · u
c) Si  ≥ 6, les hypothèses de la partie b) du théorème 2.2 sont vérifiées, et Γ contient un v1 · · · v
sous-groupe de rang 2 qui est encore dense dans Gγ (R)0 .
d) L’implication (i) ⇒ (ii) résulte des égalités mR (Gγ ) = 2 et mR (E) = 1. Dans l’autre est de rang 2.
sens, on désigne par (ω, ϑ) ∈ R2 un générateur du noyau de expGγ : R2 → Gγ (R). Comme 2) On suppose  = 4 et (u1 , v1 ) ∈ Ker expG ; montrer que la matrice
ω
= 0, il existe des triplets (x, y, z) ∈ R3 tels que le sous-groupe de R2 engendré par les  
trois points u1 u2 u3 u4
(0, x), (y, z) et (ω, ϑ) v1 v2 v3 v4

soit dense dans R2 . Ainsi dans le sous-groupe (Gm × Gγ )(R) de (Gγ × Gγ )(R), il existe un est de rang 2.
point (u1 , u2 ) tel que Zu1 + Zu2 engendre un sous-groupe dense de Gγ (R)0 . Or l’hypothèse
(ii) signifie qu’il existe γ1 et γ2 dans Γ tels que l’adhérence de Zariski dans Gγ × Gγ du c) Extension d’une variété abélienne par un groupe multiplicatif
sous-groupe Z(γ1 , γ2 ) contienne Gm × Gγ . On peut donc utiliser la propriété de densité. (Voir [Be 1995])
Soit A une variété abélienne simple de dimension g sur un corps de nombres réel K, et
Remarque. La propriété de densité pour le groupe Gγ de la proposition 5.2 s’énonce de la
soit L le groupe Ga ou bien Gm . On considère un groupe algébrique commutatif connexe
manière suivante :  G, défini sur K, de dimension d = g + 1, extension de A par L, non isogène au produit
Pour le cas rangZ Γ ∩ Gm (K) ≥ 1 :
L × A. Les applications exponentielles font commuter le diagramme suivant :
? Si α est un nombre algébrique positif
= 1, si u et u0 sont deux éléments de L(E) ∩ R
qui n’appartiennent pas à Qω, et si v ∈ R est tel que le nombre 0 → TL(R) → TG(R) → TA(R) → 0
  
  
σ(u − u0 ) uζ(u0 )−v  expL,R  expG,R  expA,R
e   
σ(u)σ(u0 ) 0 → L(R)0 → G(R)0 → A(R)0 → 0
est algébrique, alors les trois nombres Comme ΩA,R = Ker expA,R est un réseau de TA (R)  Rg et que expL,R est injective,
le noyau ΩG,R de expG,R est un sous-groupe discret de TG (R)  Rd de rang g = d − 1.
u log α, ω log α, uϑ − vω L’hyperplan réel RΩG,R de TG (R) a pour image par expG,R le sous-groupe compact maximal
Gc de G(R)0 . En tant que groupe de Lie réel, Gc est isomorphe à Rg /ΩA,R , donc à A(R),
sont linéairement indépendants sur Q. mais Gc n’est pas un sous-groupe algébrique de G(R) : les seuls sous-groupes algébriques
 
Pour le cas rangZ Γ ∩ Gm (K) = 0 : connexes de G sont {0}, L et G.
? Soient u0 , u1 , u2 des éléments de L(E) ∩ R avec u0
∈ Qω et ω, u1 , u2 linéairement Proposition 5.3. [Be 1995]– Si G vérifie la propriété de densité, tout point de G(K) ∩ Gc
indépendants sur Q ; soient v1 et v2 deux nombres réels tels que les nombres est d’ordre fini.

σ(ui − u0 ) ui ζ(u0 )−vi Démonstration. Supposons qu’il existe un point γ ∈ G(K) ∩ Gc n’appartenant pas à
e (i = 1, 2)
σ(ui )σ(u0 ) G(K)tors . On choisit un point γ0 dans L(K) ∩ L(R)0 d’ordre infini. Le sous-groupe
Chapitre IV. – Groupes algébriques 129 130 Topologie des points rationnels

Γ = Zγ0 + Zγ de G(K) est de rang 2, sa projection sur A(K) est de rang 1. L’image 
Sur l’espace tangent du groupe de Lie G(C), le R-espace vectoriel
inverse Y de Γ par expG,R est le sous-groupe de TG (R) engendré par ΩG,R et Zu0 + Zu,  
quand u0 et u sont deux éléments de TG (R) satisfaisant expG,R (u0 ) = γ0 et expG,R (u) = γ. (R) = (z, z) ; z ∈ TG (C) ⊂ TG
TG (C) = TG (C) × TG (C)
Mais γ ∈ Gc , donc u ∈ RΩG,R , et la projection de Y sur TG (R)/RΩG,R a un rang ≤ 1. définit une R-structure.
Ceci montre que Y n’est pas dense dans TG (R), ce qui veut dire que Γ n’est pas dense Le groupe G est défini sur le corps K,
 intersection (dans C) de R avec le compositum
dans G(R)0 . de K et K ; quitte à remplacer K par son compositum avec K, on peut supposer
Soit H l’adhérence de Zariski du sous-groupe Z(γ0 , γ) dans G × G. Comme γ0 K = K (la seule modification qu’apporte une extension finie, ou même algébrique,
appartient à L(K), que la projection de γ dans A(K) est d’ordre infini, et que l’extension concerne l’hypothèse de simplicité pour une variété abélienne). Quand K est stable sous
G de A par L n’est pas isotriviale, on a H = L × G. On en déduit qu’il existe (η1 , η2 ) la conjugaison complexe,
dans H(R) tel que Zη1 + Zη2 soit dense dans G(R)0 : il suffit de prendre n + 1 nombres  = K (et alors, si dim G > 0, G(R) n’est pas dense dans G(C)) ;
– si K ⊂ R, on a K
réels, ou plutôt deux éléments x, z de TL (R)  R et un élément y ∈ TA (R)  Rg , tels que
le sous-groupe de TG (R)  TA (R) × TL (R) engendré par (0, x), (y, z) et ΩG,R soit dense – sinon, K = K ∩ R avec [K : K] = 2 et alors G = Res
 G.
K/K
dans TG (R). Par conséquent si G(K) ∩ Gc
⊂ G(K)tors , alors G ne vérifie pas la propriété
de densité. b) Application à la densité

Remarque. Dans [Be 1995], D. Bertrand construit une surface abélienne (variété abélienne Quand Γ est un sous-groupe de G(C), Γ  = ϕ(Γ) est un sous-groupe de G(R)  ; si
de dimension 2, quotient de la Jacobienne de la courbe modulaire X1 (29)), définie sur un Γ ⊂ G(K), alors Γ  ⊂ G(  K).
 Enfin Γ est dense dans G(C) si et seulement si Γ  est dense
corps de nombres totalement réel K de degré 4 sur Q, et une extension non isotriviale G de 
dans G(R) (la variante complexe ci-dessus du théorème de Kronecker correspond à la
A par Gm , telles que G(K) ∩ Gc contienne des points d’ordre infini. Ce groupe algébrique
situation où G est un groupe unipotent). Grâce à cela, on obtient l’énoncé suivant :
G, de dimension 3, ne vérifie donc pas la propriété de densité.
Si le groupe algébrique G  possède la propriété de densité, alors pour tout sous-groupe
Γ de type fini de G(K), les deux assertions suivantes sont équivalentes :
§6. Groupes algébriques commutatifs sur C
(i) Γ est dense dans G(C)
(ii) si γ1 , . . . , γ engendrent un sous-groupe d’indice fini de Γ et si H désigne
a) Restriction des scalaires  
l’adhérence de Zariski dans G   du sous-groupe Z ϕ(γ1 ), . . . , ϕ(γ ) , il existe un élément
Soient K un corps de nombres plongé dans C et G un groupe algébrique commutatif (η1 , . . . , η ) de H(R) tel que le sous-groupe Zη1 + · · · + Zη soit dense dans G(R). 
défini sur K. On définit un groupe algébrique G  sur R par restriction des scalaires de C
Voici un résultat de densité pour un plongement complexe, qui résulte immédiatement du
à R (cf. [We 1982], Chap. 1 §3, [Gr 1960], et la thèse de Johan Huisman [Hu 1992] pour théorème 2.2 combiné avec la version complexe du théorème de Kronecker.
la restriction relative à une extension galoisienne finie) : on a une application p : G→G
 Proposition 6.1. – Soit G un groupe algébrique commutatif connexe de dimension d
définie sur C qui donne un isomorphisme (p, p) : G → G × G sur C ; le groupe des points
 défini sur un corps de nombres K plongé dans C. Soit Γ un sous-groupe de type fini de
réels G(R) est isomorphe au groupe G(C).
G(K).
La conjugaison complexe permet de définir un sous-corps K de C, conjugué complexe  défini sur K
 avec dim G < dim G,

a) On suppose, pour tout sous-groupe algébrique G de G
de K, puis un groupe algébrique G défini sur K, un isomorphisme de groupes γ −→ γ
de G(C) sur G(C) puis un homomorphisme de groupes ϕ de G(C) dans G(C) × G(C)  
rangZ Γ/ Γ  ≥ m (G/G
 ∩ G (K)   ).
R
qui envoie γ sur (γ, γ), et enfin un C–isomorphisme θ de G(C)  sur G(C) × G(C). Si
s : G(C) × G(C) → G(C) × G(C) envoie (z, w) sur (w, z), on a s ◦ θ = θ : Alors Γ est dense dans le groupe topologique G(C).
 défini sur K
b) On suppose, pour tout sous-groupe algébrique G de G  avec dim G < dim G,


G(C)
θ
−−−−−→ G(C) × G(C)
  
  Γ
 ∩ G (K)
 ≥ mR (G/G
  ) + 2d − 1.
 rangZ Γ/
θ  s

Alors il existe un sous-groupe de Γ de rang mC (G) qui est dense (pour la topologie
G(C) × G(C) complexe) dans G(C).

de sorte que θ identifie G(R) avec l’image de ϕ : La proposition 6.1 permet de montrer que pour tout groupe algébrique commutatif
      connexe G défini sur Q, il existe un corps de nombres K tel que G(K) contienne un

θ G(R) = (γ, γ) ; γ ∈ G(C) = ϕ G(C) ⊂ G(C) × G(C). sous-groupe de rang mC (G) qui soit dense dans G(C).
Chapitre IV. – Groupes algébriques 131 132 Topologie des points rationnels

Remarque. On a dim G  = 2 dim G, α(G)


 = 2α(G) et κR (G) ≥ κC (G). La condition qui Le noyau de expA : TA (C) → A (C) est TA (C) ∩ ΩA — réseau de TA (C) (de rang 2d),
correspond au sous-groupe trivial G = {0} suggère d’introduire la notation suivante. tandis que le noyau de expA ,R : TA (R) → A (R) est TA (R) ∩ ΩA — réseau de rang d
Quand G est un groupe algébrique commutatif connexe défini sur C, on pose dans TA (R). Soient ω1 , . . . , ωd des éléments de ΩA avec (ωi , ωi ) ∈ TA (R) linéairement
 indépendants sur R, (1 ≤ i ≤ d), et soit W ∈ GLd (C) la matrice de (ω1 , . . . , ωd ) dans la
mC (G) = 
 2  si κC (G) = 0, base choisie de TA (C). On pose encore θ = W −1 ∈ GLd (C) ; ainsi
2α(G) − κC (G) + 1 (2d − 1) + 2 − κC (G) si κC (G) ≥ 1.
−1
ϕ ◦ θ−1 = ϕ ◦ W = ψ ◦ W = ψ ◦ θ .
La condition κC (G) = 0 signifie que G est unipotent, ce qui s’écrit aussi α(G) = 0.
De la définition de mC (G) on va déduire : Si (z1 , z2 ) ∈ TA(C) vérifie θz1 = θz2 , alors

 2(d − 1)α(G) + 2d + 1 si G est un groupe linéaire, −1

mC (G) ≤ 4d2 − 2d + 1 si G est une variété abélienne, ϕ(z1 ) = ϕ ◦ θ−1 ◦ θ(z1 ) = ψ ◦ θ ◦ θ(z2 ) = ψ(z2 ).

(3d − 2)α(G) + 2d + 1 dans le cas général.
Comme θz1 = θz2 définit un sous-espace de dimension d dans TA(C), on en déduit
Seule la dernière majoration mérite une explication : si G est extension d’une variété  
abélienne A de dimension g par un groupe linéaire Gua × Gtm et si G n’a pas de facteur Ga , TA (C) = (z1 , z2 ) ∈ TA(C) ; θz1 = θz2 .
alors u ≤ g ; on en déduit α(G) ≤ 2κC (G).
De plus, compte tenu de
 ≤ m (G), donc pour vérifier l’hypothèse a) (resp.
Avec cette notation, on a mR (G) C  
b)) de la proposition 6.1 pour le sous-groupe trivial {0}, il suffit d’imposer ΩA = (ω, ω  ) ; ω ∈ ΩA , ω  ∈ ΩA ⊂ TA(C),

rangZ Γ ≥ mC (G) (resp. rangZ Γ ≥ mC (G) + 2d − 1 ). on a  


Ker expA = TA (C) ∩ ΩA = (ω, ω  ) ; ω ∈ ΩA , ω  ∈ ΩA ; θω = θω  ,
c) Variétés abéliennes simples ce qui montre que
Soit A une variété abélienne simple sur C, de dimension d et soit γ un point de A(C) ;
 
une condition nécessaire et suffisante pour que le sous-groupe engendré par γ ne soit pas θΩ ∩ θΩ = θω ; ω ∈ Ω; il existe ω  ∈ Ω tel que θω = θω 
dense dans A(C) est qu’il existe 2d − 1 périodes ω1 , . . . , ω2d−1 de expA et un entier n ≥ 1,
tels que nγ appartienne au sous-groupe à 2d − 1 paramètres expA (Rω1 + · · · + Rω2d−1 ). Il est un sous-groupe d’indice fini de θΩ.
s’agit de voir quand cela peut arriver avec un point γ rationnel sur Q. On désigne par E(A) l’ensemble (éventuellement vide) des éléments θ ∈ GLd (C) tels
Soit K un sous-corps de Q et soit A une variété abélienne simple sur K de dimension que θΩ ∩ θΩ soit un sous-groupe d’indice fini de θΩ.
d. On note A la variété abélienne déduite de A par action de la conjugaison complexe et Pour chaque θ ∈ E(A),
on pose A  = ResC/R A. Pour appliquer la proposition 6.1 on est amené à décrire les sous-
 
variétés abéliennes de A définies sur R. Comme A(C)  est le produit des deux variétés (z1 , z2 ) ∈ TA(C); θz1 = θz2
abéliennes simples A(C) et A(C), les éventuelles sous-variétés de A  définies sur R et
 ont pour dimension d. On choisit une base de TA (C) sur C  définie sur R de dimension
est l’espace tangent sur C d’une sous-variété abélienne Aθ de A
distinctes de {0} et de A
de manière à identifier TA (C) à Cd , TA(C) à C2d , ΩA à un réseau Ω de Cd et ΩA au réseau d et on les obtient toutes ainsi.
conjugué Ω. Corollaire 6.2. – Soient K un sous-corps de Q, A une variété abélienne simple sur K de
 définie sur R de dimension strictement positive
Soit A une sous-variété abélienne de A dimension d et Γ un sous-groupe de A(K) de rang .
et inférieure à 2d. Alors A  n’est pas simple, donc A et A sont isogènes, et A est aussi a) On suppose  ≥ 4d2 − 2d + 1. On suppose de plus, pour tout θ ∈ E(A),
isogène à A ; en particulier la dimension de A est d, et il existe deux applications linéaires  
ϕ : TA (C) → Cd et ψ : TĀ (C) → Cd telles que  Γ
rangZ Γ/  ∩ Aθ (R) ≥ d2 − d + 1.
 
TA (C) = (z1 , z2 ) ∈ TA (C) × TĀ (C) ; ϕ(z1 ) = ψ(z2 ) ⊂ TA(C) Alors Γ est dense dans A(C).
b) On suppose  ≥ 4d2 . On suppose de plus, pour tout θ ∈ E(A),
et    
TA (R) = (z, z) ∈ TA (C) × TĀ (C) ; ϕ(z) = ψ(z) ⊂ TA(R).  Γ
rangZ Γ/  ∩ Aθ (R) ≥ d2 + d.
Chapitre IV. – Groupes algébriques 133 134 Topologie des points rationnels

Alors Γ contient un sous-groupe de rang 1 dense dans A(C). où Ω = Zω1 +Zω2 désigne le réseau des périodes de ℘. On désigne ensuite par Ω = Zω1 +Zω2
c) Si les variétés abéliennes possèdent la propriété de densité, une condition nécessaire et le réseau conjugué complexe de Ω, par ℘ la fonction elliptique de Weierstraß d’invariants
suffisante pour que Γ soit dense dans A(C) est g2 , g3 et de réseau de périodes Ω, et par E la courbe elliptique de Weierstraß associée.
La courbe E admet un modèle défini sur R si et seulement s’il existe θ ∈ C× tel que
 
 Γ
rangZ Γ/  ∩ Aθ (R) ≥ 1 θΩ = θΩ. Nous allons vérifier (comparer au lemme 5.2 de [Hu 1992]) que les conditions
suivantes sont équivalentes :
pour tout θ ∈ E(A). (i) la surface abélienne E  = ResC/R E n’est pas simple sur R.
(ii) l’ensemble    
d) Exemple : courbes elliptiques. E(E) = θ ∈ C× ; rangZ θΩ ∩ θΩ = 2
Soit E une courbe elliptique sur C et soit γ ∈ E(C). On choisit une base (ω1 , ω2 ) de
n’est pas vide
ΩE = Ker expE sur Z, ce qui fournit une base de l’espace tangent TE (C) sur R, et on
(iii) Il existe trois nombres entiers a, b, c dans Z tels que a2 + bc soit un carré non nul et
choisit un logarithme elliptique u = θ1 ω1 + θ2 ω2 de γ : on a expE (u) = γ et (θ1 , θ2 ) ∈ R2 .
que le nombre τ = ω2 /ω1 vérifie
Les conditions suivantes sont équivalentes :
(i) Zγ est dense dans E(C). b|τ |2 + a(τ + τ ) − c = 0.
(ii) Zω1 + Zω2 + Zu est dense dans C.
(iii) Les nombres réels 1, θ1 , θ2 sont linéairement indépendants sur Q.
(iv) Pour tout ω ∈ ΩE et pour tout entier n ≥ 1, on a nγ
∈ expE (Rω). Démonstration. Nous avons déjà établi l’équivalence entre (i) et (ii) dans le cadre plus
On remarquera que pour tout ω ∈ ΩE , ω
= 0, exp(Rω) est un sous-groupe fermé, général des variétés abéliennes. Montrons que (ii) implique (iii). De (ii) on déduit qu’il
isomorphe à R/Z, du tore C/ΩE  E(C) : c’est un sous-groupe à un paramètre réel. Tout existe des entiers m, a, b, c, d avec m > 0 satisfaisant
sous-groupe fermé infini de E(C) différent de E(C) est de cette forme.
Les conditions (i), (ii), (iii), (iv) ci-dessus impliquent les conditions équivalentes mθω1 = aθω1 + bθω2 ,
suivantes : mθω2 = cθω1 + dθω2 .
(a) γ
∈ E(C)tors .
(b) Les nombres complexes u, ω1 , ω2 sont linéairement indépendants sur Q. Alors
θω2
(c) (θ1 , θ2 )
∈ Q2 . c + dτ = m = τ (a + bτ )
θω1
Les conditions
√ (a), (b), (c) sont plus faibles que (i), (ii), (iii), (iv) : par exemple
et
pour u = 2ω1 , le sous-groupe Zγ n’est pas dense dans E(C). On peut même donner m θω1 a + bτ
un exemple avec une courbe elliptique E définie sur le corps des nombres algébriques, et = = .
a + bτ θω1 m
γ ∈ E(Q) : si γ est un point d’ordre infini de E rationnel sur un corps de nombres réel,
alors les conditions (a), (b), (c) sont vérifiées, mais pas les conditions (i), (ii), (iii), (iv). Comme τ n’est pas réel, de la relation b|τ |2 + a(τ + τ ) − c − (a + d)τ = 0 on déduit a + d = 0
et b|τ |2 + a(τ + τ ) − c = 0. Ce qui précède entraı̂ne m2 = a2 + bc + b(a + d)τ = a2 + bc.
Soit E une courbe elliptique sur Q ; on choisit un modèle de Weierstraß Enfin, supposons la propriété (iii) vérifiée : a2 + bc = m2 avec τ (a + bτ ) = c − aτ .
  Alors le nombre α = (a + bτ )/m vérifie
E(C) = (x : y : t) ∈ P2 (C); y 2 t = 4x3 − g2 xt2 − g3 t3 .
m2 αα = (a + bτ )(a + bτ ) = a2 + bc = m2 ,
Soit ℘ la fonction elliptique de Weierstraß d’invariants g2 et g3 :
donc |α| = 1, et il existe θ ∈ C× tel que αω1 /ω1 = θ/θ. On vérifie alors
2
℘ = 4℘ − g2 ℘ − g3 .
3
mθω1 = mαθω1 = aθω1 + bθω2
On identifie TE (C) à C par
et
  mθω2 = τ mθω1 = τ θω1 (a + bτ ) = cθω1 − aθω2 ,
℘(z) : ℘ (z) : 1 si u
∈ Ω,
expE (z) = 
0:1:0 si u ∈ Ω, d’où on déduit (ii).
Chapitre IV. – Groupes algébriques 135 136 Topologie des points rationnels

Remarque. Si les conditions sont vérifiées, les deux courbes E et E sont isogènes : en effet, Corollaire 6.4. – Soient u1 , . . . , u des éléments de C tels que les points γj = expE (uj ),
si on pose α = θ/θ, alors αΩ ∩ Ω est de rang 2 ; il existe donc une isogénie de module (1 ≤ j ≤ ), engendrent un sous-groupe Γ de E(Q) de rang . On pose Y = Zu1 + · · · +
1. Si τ + τ est rationnel, on peut choisir α = 1. Si τ + τ n’est pas rationnel, la relation Zu + Ω. Pour θ ∈ C× , on définit
b|τ |2 + a(τ + τ ) − c = 0 est unique (à un coefficient multiplicatif près). Il ne suffit pas qu’il  
existe une isogénie entre E et E pour que les conditions (i), (ii) et (iii) soient satisfaites. Yθ = θy − θy; y ∈ Y .
Par exemple si |τ | = 2 et τ + τ
∈ Q, alors α = τ vérifie αΩ ⊂ Ω, mais aucun α de module
1 ne possède cette propriété.
1. S’il existe θ ∈ E(E) tel que Yθ ∩ Ωθ soit un sous-groupe d’indice fini de Yθ , alors Γ n’est
Exercice. Soient Ω = Zω1 + Zω2 un réseau de C et soit x ∈ R, x > 0. On pose τ = ω2 /ω1 . pas dense dans E(C).
Vérifier que les propriétés suivantes sont équivalentes : 2. Supposons que pour tout θ ∈ E(E), Yθ ∩ Ωθ n’est pas un sous-groupe d’indice fini de Yθ .
(a) Il existe α ∈ C, |α| = x, tel que αΩ ∩ Ω soit un Z-module de rang 2. Alors
(b) Il existe des entiers a, b, c, d et m avec m > 0 tels que a) Si  ≥ 3, le sous-groupe Γ est dense dans E(C).
b) Si  ≥ 4, et si  
m2 x2 = a2 + bc et b|τ |2 + a(τ + τ ) − c = 0. rangZ Yθ /Yθ ∩ Ωθ ≥ 2
pour tout θ ∈ E(E), alors il existe γ ∈ Γ qui engendre un sous-groupe dense dans E(C).
c) Si la propriété de densité est vraie pour les variétés abéliennes, alors Γ est dense dans
Revenons au problème de densité. Supposons dans un premier temps E(E) = ∅ ; alors
E(C).
– si Γ est un sous-groupe de E(Q) de rang ≥ 3, le corollaire 6.2 montre que Γ est dense
dans le groupe topologique E(C) ;
Exercice. On admet la conjecture suivante de Ramachandra [Ra 1968] :
– si Γ ⊂ E(Q) a un rang ≥ 4, il existe γ ∈ Γ qui engendre un sous-groupe dense de E(C) ;
– d’après la propriété de densité, tout point d’ordre infini de E(Q) engendre un sous-groupe Soient ℘ et ℘∗ deux fonctions elliptiques de Weierstraß d’invariants g2 , g3 et g2∗ , g3∗
dense pour la topologie complexe de E(C). algébriques, E et E ∗ les courbes elliptiques associées, ω une période non nulle de ℘ et
ω ∗ une période non nulle de ℘∗ . On suppose que les deux fonctions ℘(ωz) et ℘∗ (ω ∗ z)
Corollaire 6.3. – Soit E un courbe elliptique définie sur le corps des nombres algébriques. sont algébriquement indépendantes ; si u ∈ C est tel que ωu ∈ L(E) et ω ∗ u ∈ L(E ∗ ),
On suppose que E n’est pas isogène à sa conjuguée complexe E. Soit Γ un sous-groupe de alors u est rationnel.
type fini de E(Q) de rang . Si  ≥ 3, alors Γ est dense dans E(C). Si  ≥ 4, alors il existe Sous les hypothèses de la partie 2) du corollaire 6.4, montrer que Γ est dense dans E(C).
γ ∈ Γ tel que Zγ soit dense dans E(C). Si E × E possède la propriété de densité, alors
tout sous groupe infini de rang fini de E(Q) est dense dans E(C). Exercice.
a) Donner un exemple de quatre nombres réels θ1 , θ2 , θ1 , θ2 , tels que les cinq nombres
Quand E(E)
= ∅, il faut travailler un peu plus. Soit θ ∈ E(E) ; le quotient Eθ du 1, θ1 , θ2 , θ1 , θ2 soient linéairement dépendants sur Q, mais que, pour tout (s, s ) ∈ Z2 ,
C-espace vectoriel (s, s )
= (0, 0), les trois nombres 1, sθ1 + s θ1 , sθ2 + s θ2 soient linéairement indépendants
 
TEθ (C) = (z1 , z2 ) ∈ C2 ; θz1 = θz2 sur Q
b) Soit E une courbe elliptique définie sur C et sans multiplication complexe. On désigne
par le réseau par Zω1 + Zω2 ⊂ C le noyau de expE , et par A la surface abélienne E 2 . On pose
 
Ωθ = (ω, ω  ); θω = θω  ⊂ Ω × Ω
 
γ = expE (θ1 ω1 + θ2 ω2 ), expE (θ1 ω1 + θ2 ω2 ) ∈ A(C),
est une courbe elliptique, que l’on peut aussi écrire comme le quotient de C par le réseau
  où θ1 , θ2 , θ1 , θ2 satisfont la condition énoncée en a). Montrer que Zγ n’est pas dense dans
ω ∈ Ω; θω ∈ θΩ ⊂ Ω.
A(C), mais que sa projection sur tout quotient (A/A )(C), A sous-variété abélienne de A
de dimension 1, est dense dans (A/A )(C).
 = ResC/R E par Eθ s’écrit aussi C/Ω , avec
Le quotient Eθ de la variété abélienne E θ

 
Ωθ = θω − θω  ; (ω, ω  ) ∈ Ω × Ω ⊂ C.

Ainsi on déduit du corollaire 6.2 :


138 Topologie des points rationnels

V. – Approximation simultanée dans les groupes algébriques tels que tout point de Z soit à une distance ≤ d’un point de V (K) de hauteur ≤ log H :

ηV (H) = inf > 0 ;

pour tout P ∈ Z, il existe Q ∈ V (K) avec h(Q) ≤ log H et dist(P, Q) ≤ .
Dire que V (K) est dense dans Z s’écrit
lim ηV (H) = 0.
H→∞

Majorer ηV (H), c’est montrer que les points rationnels sont “bien répartis” sur la variété.
Dans ce contexte, on pourrait aussi chercher à minorer la distance de deux points rationnels
distincts sur la variété, si possible en améliorant l’inégalité de type Liouville que voici : il
existe une constante C(V ) > 0 telle que, pour tout Q1 et Q2 dans V (K), on ait
Soit G un groupe algébrique commutatif défini sur un corps de nombres K plongé  
dans R, et soit Γ un sous-groupe de type fini de G(K) qui est dense dans G(R)0 ; on dist(Q1 , Q2 ) > exp −C max{h(Q1 ), h(Q2 ), 1} ;
étudie l’approximation des éléments de G(R)0 par des éléments de Γ. Nous savons déjà une amélioration de cette inégalité signifierait que les points rationnels sur une variété, qui
que Γ est dense dans G(R)0 si et seulement si Y = exp−1 (Γ) est dense dans TG (R). Par devraient être “contagieux” d’après Mazur, restent néanmoins éloignés les uns des autres.
le théorème de Kronecker, cette condition se traduit de la manière suivante : pour toute Cependant il ne semble pas que la recherche de telles minorations sur l’éloignement mutuel
forme linéaire non nulle ϕ : TG (R) → R, on a ϕ(Y )
⊂ Q. Il s’agit donc d’un problème de points rationnels soit une méthode efficace pour majorer ηV (H) : une minoration, même
d’irrationalité, sur lequel le théorème du sous-groupe algébrique nous a permis d’obtenir fine, de la distance mutuelle entre points rationnels, n’empêcherait pas ces points rationnels
des réponses partielles : si le noyau de ϕ ne contient pas de sous-espace non nul de la d’être concentrés dans une région de l’espace ; elle ne donnerait qu’une information locale,
forme TG (C), avec G sous-groupe
  algébrique de G défini sur K, et si Y est un sous- alors que ηV est une donnée globale.
groupe de LK (G) = exp−1 G(K) , alors on peut minorer le rang de ϕ(Y ) en fonction du D’un autre côté, si ψV (H) désigne le nombre de points de V (K) de hauteur ≤ log H,
rang de Y . En particulier si on obtient la conclusion rangZ ϕ(Y ) ≥ 2, alors on peut déduire on a
l’irrationalité de l’un des nombres ϕ(y), (y ∈ Y ), donc la densité de Γ. lim inf ψV (H)ηV (H)dim V > 0.
H→∞
Pour obtenir des énoncés effectifs, nous seront amenés à rechercher des mesures
d’irrationalité : si Y est engendré par des éléments y1 , . . . , ym comme Z-module, il s’agit Noter que l’inégalité ψV (H) ≤ CH dim V +1 est toujours vraie, avec une constante C ne
d’étudier l’approximation simultanée des nombres réels ϕ(y1 ), . . . , ϕ(ym ) par des nombres dépendant pas de H, donc on a toujours
entiers. Nous verrons que cette question est liée à un problème de transcendance : quand lim inf ηV (H) · H 1+(1/ dim V ) > 0.
H→∞
ϕ : TG (R) → R est une forme linéaire non nulle, montrer ϕ(Y )
⊂ Q. Là encore, le théorème
du sous-groupe algébrique va nous permettre de donner des résultats partiels, sous des Dans certains cas une estimation plus précise est connue ; ainsi, quand V est une variété
hypothèses convenables concernant Y (qui doit en particulier être de rang suffisamment abélienne A, on a
grand), et c’est essentiellement quand ces hypothèses seront satisfaites que nous pourrons ψA (H) ≤ C(log H)/2 ,
donner des réponses relativement satisfaisantes au problème de densité effective. où  est le rang du groupe de Mordell-Weil A(K), tandis que C est une (nouvelle) constante
indépendante de H. La démonstration de cette inégalité repose sur la quadraticité de la
hauteur de Néron-Tate (voir par exemple [L 1978], Chap. IV ou [Sil 1986], Chap. VIII §6
§1. Introduction et §9 pour les courbes elliptiques, et [L 1983], Chap. V §6, [Se 1989], §3.3 [L 1991], Chap.
III §3, [Hu 1993], §3 pour les variétés abéliennes) :
Soit K un corps de nombres admettant un plongement réel ; on considère K comme
un sous-corps de R ; soit V une variété lisse définie sur K, et soit Z l’adhérence (pour Soient A une variété abélienne sur un corps de nombres K et γ1 , . . . , γ des éléments
la topologie réelle) de V (K) dans V (R). Dans son article [Maz 1992] sur la topologie des de A(K). Il existe une constante C > 0 ayant la propriété suivante : si t1 , . . . , t sont
points rationnels, Mazur suppose K = Q et V (Q) Zariski dense ; il suggère alors que Z est des entiers rationnels, et si T est un nombre réel satisfaisant T ≥ max{1, |t1 |, . . . , |t |},
réunion de composantes connexes de V (R)). alors
h(t1 γ1 + · · · + t γ ) ≤ CT 2 .
Nous proposons ici une version quantitative de cette conjecture. Supposons V plongée,
comme variété quasi-projective, dans un espace projectif PN sur K ; désignons par h la
hauteur logarithmique absolue de Weil sur PN (K), et choisissons une métrique sur PN . Dans le cas d’une variété abélienne A de dimension g, on ne peut donc pas majorer ηA (H)
Pour chaque nombre réel H ≥ 1, on définit ηV (H) comme la borne inférieure des > 0 mieux que par une puissance (négative) de log H.
Chapitre V. – Approximation simultanée 139 140 Topologie des points rationnels

Conjecture 1.1? . — Soit A une variété abélienne simple de dimension g définie sur un ? pour tout > 0 il existe une constante Q > 0, ne dépendant que de , E, K, ω,
corps de nombres K plongé dans R ; désignons par  le rang sur Z du groupe de Mordell- y1 , · · · , y , ayant la propriété suivante : pour tout q, p1 , . . . , p entiers rationnels avec
Weil A(K). Pour tout > 0, il existe un nombre H0 > 0 (ne dépendant que de la variété q ≥ Q, on a
abélienne A, du corps de nombres K et de ) tel que, pour H ≥ H0 , on ait yj pj
max − > q −(1/)−1− .
1≤j≤ ω q
ηA (H) ≤ (log H)−(/2g)+ .
Ce dernier énoncé devrait être vrai pour une courbe elliptique sur un corps de nombres K
Cela signifie que tout point de A(R) devrait être à une distance ≤ (log H)
0 −(/2g)+ quelconque, sans supposer que K est plongé dans R. La meilleure mesure d’approximation
d’un point de A(K) de hauteur logarithmique ≤ log H. Nous verrons que cette conjecture simultanée connue pour les nombres yi /ω est due à N. Hirata-Kohno (cf. [HK 1993]) :
1.1? équivaut à un résultat d’approximation diophantienne, pour lequel nous donnerons Proposition 2.1∗ (Hirata-Kohno). — Soit E une courbe elliptique définie sur un corps
des résultats partiels. de nombres K, soit ω ∈ C une période non nulle expE , et soient y1 , . . . , y des nombres
complexes tels que expE (yj ) ∈ E(K) pour 1 ≤ j ≤ . On suppose que les nombres
Nous étudions d’abord le cas d’une courbe elliptique ; nous obtenons une mesure de ω, y1 , . . . , y sont linéairement indépendants sur Q. Alors il existe deux constantes c et
densité du sous-groupe des points rationnels en utilisant une minoration, due à N. Hirata, q0 , ne dépendant que de E, K, ω, y1 , · · · , y , telles que, pour tout (q, p1 , . . . , p ) ∈ Z+1
pour l’approximation simultanée de logarithmes elliptiques. Nous considérons ensuite le avec q ≥ q0 , on ait

cas plus général d’une variété abélienne ayant suffisamment de points rationnels. Les yj pj
démonstrations utilisent d’une part un lemme de transfert, d’autre part un résultat de max − ≥ exp{−c(log q)(log log q)1+(2/) }.
1≤j≤ ω q
transcendance (version effective du théorème du sous-groupe algébrique).
Remarque. – On peut prendre q0 = 3, quitte à remplacer c par une constante plus grande.
Quand le corps de nombres K est réel, on en déduira (au §5) une mesure de densité
§2. Mesure de la densité des points rationnels sur une courbe elliptique des points rationnels sur K dans E(R)0 :
Considérons la conjecture 1.1? dans le cas de dimension 1 : soit E une courbe elliptique Corollaire 2.2. —Pour une courbe elliptique E définie sur un corps de nombres K plongé
définie sur un corps de nombres réel K, soit ω ∈ R une période réelle de la fonction de dans R, il existe deux constantes C > 0 et H0 > 0 (ne dépendant que de E et K) telles
Weierstraß ℘ associée à E(C), et soient y1 , . . . , y des nombres réels, avec ω, y1 , . . . , y que, pour tout H ≥ H0 , on ait
linéairement indépendants sur Q, et ℘(yj ) ∈ K, (1 ≤ j ≤ ). On désigne par γj ∈ E(K)  
ηE (H) ≤ exp − C(log log H)(log log log H)−1−(2/) .
l’image de yj par l’application exponentielle de E(C). Rechercher une mesure de densité
pour le sous-groupe Zγ1 + · · · + Zγ dans E(R)0 revient à rechercher une mesure de densité Compte tenu de la définition de la fonction ηE , cela signifie que pour tout H ≥ H0 et
pour le sous-groupe Zω + Zy1 + · · · + Zy de R. Par conséquent la conjecture 1.1? , dans tout point P dans la composante neutre E(R)0 de E(R), il existe Q ∈ E(K) avec
 
le cas des courbes elliptiques, est conséquence de la suivante (où on n’a pas supposé que h(Q) ≤ log H et dist(P, Q) ≤ exp − C(log log H)(log log log H)−1−(2/) .
γ1 , . . . , γ engendre tout le groupe de Mordell-Weil E(K)) :
La fonction ηE est définie à partir du modèle de Weierstraß de E ; elle dépend aussi du
? pour tout > 0 il existe une constante T0 > 0, ne dépendant que de E, K, ω, y1 , · · · , y , choix d’une métrique sur le plan projectif ; donc C et H0 en dépendent tout autant.
ayant la propriété suivante : pour tout entier T ≥ T0 et pour tout ζ ∈ R, il existe des Si on en croit la conjecture 1.1? , le facteur C(log log log H)−1−(2/) dans la conclusion
entiers t0 , t1 , . . . , t dans Z vérifiant du corollaire 2.2 devrait pouvoir être remplacé par (/2) − pour H > H0 ( ).

max |tj | ≤ T et ζ − t0 ω − t1 y1 − · · · − t y ≤ T −+ . §3. Répartition des points rationnels sur un groupe algébrique
1≤j≤
Nous donnerons deux exemples d’énoncés qui précisent de façon quantitative la
densité de certains sous-groupes de points rationnels. Le premier va concerner les variétés
L’exposant  est évidemment optimal (comme il résulte de la discussion précédant l’énoncé abéliennes simples et la question de Mazur, le second portera sur le plongement canonique
de la conjecture 1.1? , ou bien du théorème 4.2 du chapitre II) ; c’est “l’exposant de d’un corps de nombres et les questions de Colliot-Thélène et Sansuc.
Dirichlet” de [W 1979], p.36. Un lemme de transfert (voir §4 ci-dessous) permet de formuler Voici déjà une minoration de ηA (H) pour une variété abélienne simple A sur K, de
cette question de façon équivalente en termes d’approximation simultanée de nombres réels dimension g, ayant suffisamment de points rationnels. Par translation, il suffit de considérer
(transcendants) par des nombres rationnels : la composante connexe A(R)0 de l’origine.
Chapitre V. – Approximation simultanée 141 142 Topologie des points rationnels

Théorème 3.1. — Soit A une variété abélienne simple sur un corps de nombres K ⊂ R, On peut donner des estimations qui sont moins précises en fonction de T , mais qui
de dimension g, plongée dans un espace projectif PN sur K. On choisit une métrique sur sont valables pour des valeurs plus petites de . Par exemple on démontrera le même énoncé
PN . On suppose que le groupe de Mordell-Weil A(K) a un rang > (2g − 1)g. Il existe alors avec la borne

trois constantes H0 , C et θ positives ayant la propriété suivante : pour tout H ≥ H0 et max ζi − γi1
t1 t
· · · γi ≤ c3 (log log T )−θ
tout point P dans la composante neutre A(R)0 de A(R), il existe Q ∈ A(K) avec 1≤i≤n

où
h(Q) ≤ log H dist(P, Q) ≤ exp{−C(log log H)θ }.
et 1 d
θ= − ,
  d +d−1
Nous obtiendrons ce résultat avec θ = 1 − 2g 2 /( + g) . En particulier quand  est
grand, θ est proche de la valeur conjecturale 1. Il est vraisemblable que l’on a une estimation ce qui donne un résultat non trivial dès que  ≥ d2 − d + 2.
de la forme
On conjecture que la conclusion du théorème 3.2 peut être remplacée par
ηA (H) ≤ exp{−C(log log H)θ }

dès que  ≥ g 2 − g + 1 (qui est la valeur à partir de laquelle on sait conclure à la (?) max ζi − γi1
t1 t
· · · γi ≤ c( )T 1−(/d)+ .
1≤i≤n
densité – voir le chapitre IV, proposition 4.1), mais cela semble difficile à établir avec les
méthodes actuelles. En revanche il ne devrait pas être difficile d’obtenir cette estimation
sous l’hypothèse  ≥ g 2 + 1. Pour les valeurs de  satisfaisant g 2 − g + 1 ≤  ≤ g 2 , les Un tel énoncé serait optimal.
méthodes actuelles permettent seulement d’espérer une estimation plus faible :
§4. Lemme de transfert
ηA (H) ≤ C(log log H)−θ .

En tout cas nous verrons que cette dernière estimation est valable au moins pour a) Une version quantitative du théorème de Kronecker
 ≥ 2g 2 − 3g + 2, avec On va utiliser une version quantitative d’un théorème de Kronecker. Rappelons déjà la
1 2g version qualitative (Chap. II, §4 ; voir aussi [Ca 1957], ainsi que les travaux de D.Roy ([R
θ= − .
g  + 3g − 1 1990a] et [R 1990b]) sur les sous-groupes minimaux). Soient m et n deux entiers positifs,
et soient ϑji , (1 ≤ j ≤ n, 1 ≤ i ≤ m) des nombres réels ; on pose
Dans le cas particulier d = 1, nous avons vu que le théorème 3.1 se ramène à une mesure
de transcendance de u/ω, quand ω est une période d’une fonction elliptique de Weierstraß γi = (ϑ1i , . . . , ϑni ) ∈ Rn , (1 ≤ i ≤ m)
d’invariants g2 , g3 algébriques, et u est un logarithme elliptique d’un point algébrique
d’ordre infini. Dans le cas général d ≥ 2, il faut établir un nouveau type d’estimation et
(théorème 6.1∗ ci-dessous). δj = (ϑj1 , . . . , ϑjm ) ∈ Rm , (1 ≤ j ≤ n).
Le deuxième énoncé de cette section fournit un résultat effectif de densité concernant Ainsi
un groupe multiplicatif formé de points à coordonnées algébriques.
Théorème 3.2. – Soient r1 et r2 des entiers ≥ 0 avec n = r1 + r2 > 0. On pose aussi Γ = Zn + Zγ1 + · · · + Zγm ⊂ Rn et ∆ = Zm + Zδ1 + · · · + Zδn ⊂ Rm
d = r1 + 2r2 . Soit Γ un sous-groupe de (R× +)
r1
× (C× )r2 , engendré par des éléments
(γij )1≤i≤n , (j = 1 . . . , ), où les d nombres sont les sous-groupes engendrés par les vecteurs colonnes des matrices
   
γij , (i = 1, . . . , n, j = 1 . . . , ) et γ ij , (i = r1 + 1, . . . , n, j = 1 . . . , ) 1 · · · 0 ϑ11 · · · ϑ1m 1 · · · 0 ϑ11 · · · ϑn1
 ... .. .
. ..
..
.
..
.
.
..  et  ... .. .
. ..
..
.
..
.
.
..  .
sont multiplicativement indépendants. On suppose  > d2 . Il existe des constantes positives
0 · · · 1 ϑn1 · · · ϑnm 0 · · · 1 ϑ1m · · · ϑnm
c1 et c2 possédant la propriété suivante: pour tout ζ = (ζ1 , . . . , ζn ) ∈ (R× × r2
+ ) × (C ) , et
r1

pour tout T ≥ c1 log max1≤i≤n 2 + |ζi | , il existe (t1 , . . . , t ) ∈ Z tel que



D’après la proposition 4.3 du chapitre II (voir l’exercice avant la proposition 4.4), Γ est
  dense dans Rn si et seulement si ∆ est de rang n + m sur Z. Un lemme de transfert de
max ζi − γ t1 · · · γ t ≤ exp −c2 (log T )1−(d /) .
2
max |tj | ≤ T et i1 i Khinchine permet de préciser ce résultat de la manière suivante.
1≤j≤ 1≤i≤n
Chapitre V. – Approximation simultanée 143 144 Topologie des points rationnels

Lemme 4.1. Soient ϑji , (1 ≤ j ≤ n, 1 ≤ i ≤ m) des nombres réels, T et S des nombres Pour montrer (i)⇒(ii), on utilise la partie B du lemme de transfert, avec C = ηS −1 et
réels positifs. X = T . Soit ζ ∈ Rn . Il suffit de vérifier, pour tout s = (s1 , . . . , sn ) ∈ Zn ,
 2
(i) On pose η = 2−n−m (n + m)! et on suppose que pour tout (s1 , . . . , sn ) ∈ Zn \ {0}  
1
vérifiant sζ ≤ max X max Mi (s) ; C max |sj | .
max |sj | ≤ S, 2η 1≤i≤m 1≤j≤n
1≤j≤n
Cette inégalité est vraie pour s = 0. Comme sζ ≤ 1/2, elle est aussi trivialement vérifiée
on a
−1 pour les s ∈ Zn tels que max1≤j≤n |sj | > S. Il ne reste plus qu’à considérer les s ∈ Zn pour
s1 δ1 + · · · + sn δn  ≥ ηT ,
lesquels 0
= max1≤j≤n |sj | ≤ S, et pour ceux-là on applique l’hypothèse (i) qui donne :
Alors pour tout ζ ∈ R , il existe (t1 , . . . , tm ) ∈ Z
n m
vérifiant η
max Mi (s) ≥ .
1≤i≤m X
max |ti | ≤ T,
1≤i≤m
Pour montrer (ii)⇒(i), on procède par l’absurde : supposons qu’il existe (s1 , . . . , sn ) ∈
et tel que Zn vérifiant 0 < max1≤j≤n |sj | ≤ S et
ζ − t1 γ1 − · · · − tm γm  ≤ ηS −1 . 1
s1 δ1 + · · · + sn δn  < .
2(n + m)T
(ii) On suppose que pour tout ζ ∈ Rn , il existe (t1 , . . . , tm ) ∈ Zm vérifiant
On choisit ζ ∈ Rn tel que sζ = 1/2, et on utilise la partie A du lemme de Khinchine,
 −1
avec C = 2(n + m)S et X = T : il n’existe pas de (t1 , . . . , tm ) ∈ Zm vérifiant
max |ti | ≤ T,
1≤i≤m max1≤i≤m |ti | ≤ T et
max Lj (t) − ζj  ≤ C.
et 1≤j≤n
1
ζ − t1 γ1 − · · · − tm γm  ≤ .
2(n + m)S
Remarque. Le théorème de Dirichlet (théorème 4.2 du chapitre II) montre que pour tout
Alors pour tout (s1 , . . . , sn ) ∈ Zn \ {0} vérifiant S réel > 1, il existe (s1 , . . . , sn ) ∈ Zn vérifiant

max |sj | ≤ S, 0 < max |si | ≤ S,


1≤j≤n 1≤i≤n

on a et
s1 δ1 + · · · + sn δn  ≥
1
. s1 δ1 + · · · + sn δn  ≤ S −n/m .
2(n + m)T
On en déduit que l’hypothèse de l’assertion (i) du lemme 4.1 ne peut pas être vérifiée avec
On a noté  ·  : un nombre T inférieur à ηS n/m . De même l’argument qui nous a permis de minorer ηV en
• la distance à Zm dans l’hypothèse de (i) et dans la conclusion de (ii), fonction de ΨV au paragraphe 1 montre que pout tout entier T ≥ 1, il existe ζ ∈ Rn tel
que, pour tout (t1 , . . . , tm ) ∈ Zm vérifiant
• la distance à Zn dans l’hypothèse de (ii) et dans la conclusion de (i).
C’est surtout la partie (i) qui nous sera utile : elle ramène la question de densité max |tj | ≤ T,
1≤j≤m
effective à un problème d’approximation diophantienne homogène. La partie (ii) montre
qu’il y a en fait équivalence entre les deux questions. on ait
1
Démonstration. On utilise un lemme de transfert de Khinchine (théorème XVII du chapitre (2T + 1)−m/n .
ζ − t1 γ1 − · · · − tm γm  ≥
V §8 de [Ca 1957]), pour les formes linéaires L1 , . . . , Ln , M1 , . . . , Mm définies par 2
Par conséquent, si l’hypothèse de la condition (ii) du lemme 4.1 est vérifiée, alors

m
n
Lj (x) = ϑji xi , (1 ≤ j ≤ n) et Mi (u) = ϑji uj , (1 ≤ i ≤ m). S≤
1
(2T + 1)m/n
i=1 j=1 (n + m)
Chapitre V. – Approximation simultanée 145 146 Topologie des points rationnels

Exercice.
a) Soient ϑji , (1 ≤ j ≤ n, 1 ≤ i ≤ m) des nombres réels. Montrer que les deux assertions (ii) Pour tout > 0, il existe un nombre réel T0 ( ) > 0 tel que, pour tout T ≥ T0 ( ) et
suivantes sont équivalentes pour tout ζ ∈ Rn , il existe (t0 , . . . , tn ) ∈ Zn+1 vérifiant |t0 | ≤ T et
(i) Pour tout > 0, il existe un nombre réel S0 ( ) > 0 tel que, pour tout S ≥ S0 ( ) et pour
tout (s1 , . . . , sn ) ∈ Zn vérifiant max |ζj − t0 ϑj − tj | ≤ T −(1/n)+ .
1≤j≤n
0 < max |sj | ≤ S,
1≤j≤n

on a Soient E un R-espace vectoriel normé de dimension n et soit Ω un réseau de E. On


s1 δ1 + · · · + sn δn  ≥ S −(n/m)− . note E ∗ = Hom(E, R) l’espace vectoriel dual de E, et Ω∗ le réseau dual de Ω (cf. Chap. II
§4). Il résulte de la proposition 4.3 du chapitre III qu’un sous-groupe de type fini Y de E
contenant Ω est dense dans E si et seulement si, pour tout ϕ ∈ Ω∗ non nul, on a ϕ(Y )
⊂ Z.
(ii) Pour tout > 0, il existe un nombre réel T0 ( ) > 0 tel que, pour tout T ≥ T0 ( ) et
Nous allons donner une version quantitative de cet énoncé. On fixe un entier m ≥ 1 et on
pour tout ζ ∈ Rn , il existe (t1 , . . . , tm ) ∈ Zm vérifiant  2
pose encore η = 2−n−m (n + m)! .
max |ti | ≤ T, L’énoncé qui suit fait intervenir une fonction réelle de variable réelle F : [S0 , ∞) → R+ ,
1≤i≤m
définie sur un intervalle [S0 , ∞) de R+ , et à valeurs positives. On suppose F strictement
et tel que croissante et non bornée : limS→∞ F (S) = ∞ ; on désigne par F −1 la bijection réciproque
ζ − t1 γ1 − · · · − tm γm  ≤ T −(m/n)+ . de F , on pose T0 = ηF (S0 ) et on définit une fonction G, croissante sur l’intervalle [T0 , ∞)
et à valeurs réelles positives, par
b) Soient ϑ1 , . . . , ϑm , des nombres réels. Montrer que les deux assertions suivantes sont F −1 (T /η)
équivalentes G(T ) = n .
η j=1 |ωj |
(i) Pour tout > 0, il existe un nombre réel Q0 ( ) > 0 tel que, pour tout (p1 , . . . , pm , q) ∈
Zm+1 vérifiant q ≥ Q0 ( ), on a Lemme 4.2. – Soient ω1 , . . . , ωn des éléments de Ω linéairement indépendants (sur Z ou
sur R, c’est équivalent), et soient y1 , . . . , ym des éléments de E. Soit F : [S0 , ∞) → R+ une
pi
max ϑi − ≥ q −(1/m)−1− . fonction strictement croissante. On suppose que pour tout ϕ ∈ Ω∗ non nul, si on pose
1≤i≤m q
S = max{|ϕ(ω1 )|, . . . , |ϕ(ωn )|; S0 },
(ii) Pour tout > 0, il existe un nombre réel T0 ( ) > 0 tel que, pour tout T ≥ T0 ( ) et
pour tout ζ ∈ R, il existe (t0 , . . . , tm ) ∈ Zm+1 vérifiant on a
max ϕ(yi ) ≥ 1/F (S).
1≤i≤m
max |ti | ≤ T,
1≤i≤m
Alors pour tout x ∈ E et pour tout entier T ≥ T0 , il existe ω ∈ Ω et (t1 , . . . , tm ) ∈ Zm
et vérifiant
|ζ − t0 − t1 ϑ1 − · · · − tm ϑm | ≤ T −m+ .
max{|t1 |, . . . , |tm |} ≤ T et x − ω − t1 y1 − · · · − tm ym ≤ 1/G(T ).

c) Soient ϑ1 , . . . , ϑn , des nombres réels. Montrer que les deux assertions suivantes sont On peut écrire la conclusion sous la forme suivante : il existe 0 > 0 tel que, pour tout
équivalentes x ∈ E et pour tout dans l’intervalle 0 < < 0 , il existe ω ∈ Ω et (t1 , . . . , tm ) ∈ Zm
(i) Pour tout > 0, il existe un nombre réel S0 ( ) > 0 tel que, pour tout S ≥ S0 ( ) et pour vérifiant
tout (s0 , . . . , sn ) ∈ Zn+1 vérifiant x − ω − t 1 y 1 − · · · − tm y m ≤

0 < max |sj | ≤ S, avec


1≤j≤n
n
max{|t1 |, . . . , |tm |} ≤ ηF (S), où S = −1 η |ωj |.
on a j=1
−n−
|s0 + s1 ϑ1 + · · · + sn ϑn | ≥ S .
Chapitre V. – Approximation simultanée 147 148 Topologie des points rationnels

Démonstration. Pour démontrer le lemme 4.2, on écrit y1 , . . . , ym dans la base ω1 , . . . , ωn de Ω + Y sur Z. Le lemme 1.3.7 de [W 1979] donne une majoration de ce coefficient
de E : introduisant des conditions algébriques, et non diophantiennes, sur la répartition de
n
Ω + Y dans Rn .
yi = ϑji ωj , (1 ≤ i ≤ m).  
• Le cas le plus fréquent est celui où F (S) = exp c(log S)κ , avecκ ≥ 1. Alors la
j=1
conclusion est vraie pour une fonction G de la forme G(T ) = exp c (log T )θ pour
On va utiliser la partie (i) du lemme 4.1. Soit S un nombre réel ≥ S0 et soit s ∈ Zn T ≥ T0 , avec θ = 1/κ.  
vérifiant 0 < max1≤j≤n |sj | ≤ S. On définit ϕ ∈ Ω∗ par ϕ(ωj ) = sj , (1 ≤ j ≤ n). Alors • Enfin dans les cas moins favorables on aura seulement F (S) = exp cS κ , avec κ > 0,
donc G(T ) = c (log T )θ avec θ = 1/κ.

n
ϕ(yi ) = ϑji sj , (1 ≤ i ≤ m). Exercice. En utilisant le lemme 4.1, établir la réciproque du lemme 4.2.
j=1
b) Exemple : variétés abéliennes
On a par hypothèse * * Soit A une variété abélienne définie sur R de dimension g. On prend E = TA (R) et
* n *
* * Ω = Ker expA . On considère un sous-groupe Γ de A(R)0 , et on désigne par Y l’image
max * ϑ s * ≥ 1/F (S), inverse de Γ par expA . Si  est le rang de Γ, on peut écrire Y = Ω + Zy1 + · · · + Zy , où
1≤i≤m * *
ji j
*j=1 * y1 , . . . , y sont des éléments de TA (R) linéairement indépendants modulo Ω. Pour avoir un
ce qui permet d’appliquer le lemme 4.1. Soit x ∈ E, soit T un nombre réel ≥ T0 , et soit S le énoncé de densité effectif de Γ dans A(R)0 , on est amené à rechercher des minorations de
nombre réel défini par F (S) = T /η. On écrit x = ζ1 ω1 + · · · + ζn ωn avec (ζ1 , . . . , ζn ) ∈ Rn .
max ϕ(yj )
Alors il existe t ∈ Zm vérifiant max1≤i≤m |ti | ≤ T et 1≤j≤

* *
*
m * pour ϕ ∈ Ω∗ , ϕ
= 0.
* *
max *ζj − ϑji ti * ≤ η/S. Supposons A définie sur un corps de nombres K plongé dans R ; soient ω1 , . . . , ωg des
1≤j≤n * *
i=1 périodes linéairement indépendantes de expA dans TA (R). La conjecture 4.2? du chapitre
IV, qui précise la conjecture de Mazur (conjecture 5 de [Maz 1992], correspondant au cas
Autrement dit il existe a = (a1 , . . . , an ) ∈ Zn tel que K = Q et A(Q) de rang 1), contient l’énoncé suivant :
( ?) si u ∈ TA (R) est un logarithme d’un point d’ordre infini de A(K), quand on écrit

m

max ζj − aj − ti ϑji ≤ η/S. u = ϑ1 ω 1 + · · · + ϑ g ω g ,
1≤j≤n
i=1

avec ϑi ∈ R, les nombres 1, ϑ1 , . . . , ϑg sont linéairement indépendants sur Q.


On pose alors ω = a1 ω1 + · · · + an ωn et on utilise la relation
Le lemme 4.1 montre que la conjecture 1.1? est équivalente à la suivante : soient
S y1 , . . . , y des logarithmes dans TA (C) d’une base du groupe de Mordell-Weil de A(K).
G(T ) = n .
η j=1 |ωj | Ecrivons
yj = ϑj1 ω1 + · · · + ϑjg ωg , (1 ≤ j ≤ ).
Conjecture 4.3? . – Pour tout > 0 il existe une constante C( ) > 0 ayant la propriété
suivante : si ϕ : TA (R) −→ R est une forme linéaire non nulle qui envoie tous les ωi dans
Remarque. Notons déjà que si l’hypothèse du lemme 4.2 est vraie pour une fonction F , Z, alors
alors elle est encore vraie pour toute fonction qui majore F . Il est quelquefois plus simple max ϕ(yj ) ≥ C( )S −(g/)− où S = max |ϕ(ωi )|.
d’énoncer la conclusion non pas pour la fonction G elle même, mais pour une fonction 1≤j≤ 1≤i≤g

minorant G. Plusieurs types de fonctions F interviendront. Le fait que la conjecture 4.3 équivaut à l’inégalité proposée dans la conjecture 1.1?
?
• Le cas le plus favorable est celui où l’hypothèse est vraie avec F (S) = cS κ pour S ≥ S0 sur la fonction ηA se voit en appliquant le lemme 4.1 avec
(où S0 , c et κ sont trois constantes) ; l’exposant κ est alors nécessairement ≥ n/m.
Dans ce cas on a G(T ) = c T θ pour T ≥ T0 avec θ = 1/κ et deux autres constantes

n = g, m = , F (S) = C( )S (g/)+ , G(T ) = C  (  )T (/g)− .
T0 et c . En particulier on a θ ≤ m/n. Dans ces circonstances, le nombre θ + 1 est le
coefficient de densité de [W 1979], Chap. I §3 ; il est majoré par /n, où  est le rang La hauteur de expA (t1 y1 + · · · + t y ) dans A(K) est ≤ CT 2 = log H.
Chapitre V. – Approximation simultanée 149 150 Topologie des points rationnels

Pour démontrer le théorème 3.1, il suffit de vérifier, sous les hypothèses de la conjecture Démonstration. Le sous-groupe Y = Zy1 +· · ·+Zy est dense dans Rn : en effet, l’hypothèse
4.3? , implique que pour tout ϕ ∈ HomR (Rn , R), ϕ
= 0, on a ϕ(Y )
⊂ Z. En particulier
max ϕ(yj ) > exp{−c(log S)κ }. {y1 , . . . , y } contient une base de Rn . Il n’y a donc pas de restriction à supposer que
1≤j≤
y−n+1 , . . . , y sont linéairement indépendants sur R. On pose m =  − n, ωi = ym+i ,
On aura alors la conclusion avec κ = 1/θ. Si on obtient seulement (1 ≤ i ≤ n) et Ω = Zω1 + · · · + Zωn . On va utiliser le lemme 4.2. Pour en vérifier
l’hypothèse, on considère un élément non nul ϕ de Ω∗ , et on pose S1 = max1≤i≤n |ϕ(ωi )|.
max ϕ(yj ) > exp{−cS κ }, On peut aussi écrire ϕ(x) = σ1 x1 + · · · + σn xn avec σi = ϕ(ei ), (1 ≤ i ≤ n), où (e1 , . . . , en )
1≤j≤
est la base canonique de Rn . Alors le nombre S = max1≤i≤n |ϕ(ei )| vérifie S1 ≤ c1 S,
on trouvera avec une constante c1 qui ne dépend que de y1 , . . . , y . On définit une fonction F1 par
ηA (H) ≤ C(log log H)−θ F1 (S1 ) = F (c1 S1 ), de sorte que
avec θ = 1/κ.
max ϕ(yj ) ≥ 1/F1 (S1 ).
Démonstration du corollaire 2.2. On utilise la proposition 2.1∗ pour vérifier l’hypothèse 1≤j≤
du lemme 4.2. Un élément ϕ de Ω∗ est déterminé par l’entier ϕ(ω) = q. Alors ϕ(yj ) =
qyj /ω, et la proposition 2.1∗ montre que toute fonction F croissante vérifiant Les hypothèses du lemme 4.2 sont donc vérifiées pour la fonction F1 . Par conséquent il
existe une constante c2 ≥ 1 telle que, pour tout T1 ≥ c2 et tout x ∈ Rn , il existe t ∈ Z
 
F (S) ≥ S −1 exp c(log S)(log log S)1+(2/) avec
max |tj | ≤ T1 et x − t1 y1 − · · · − t y ≤ 1/G1 (T1 ),
pour S ≥ S0 satisfait l’hypothèse du lemme 4.2. On en déduit que la conclusion est vraie 1≤j≤m

avec   avec une fonction G1 de la forme


G(T ) = exp c (log T )(log log T )−1−(2/)
G1 (T1 ) = c3 F −1 (c4 T1 ).
pourvu que l’on prenne c < 1/c. Enfin la quadraticité de la hauteur de Néron-Tate sur
les courbes elliptiques montre que T est minoré par une constante fois (log H)1/2 , ce qui On majore maxm+1≤j≤ |tj | par c5 (T1 + |x|) et on pose T0 = 2c2 c5 . Pour T ≥ T0 (1 + |x|),
donne le corollaire 2.2 à condition de prendre C < 1/2c. on peut appliquer ce qui vient d’être démontré avec T1 = T /2c5 .
c) Variante réelle du lemme de transfert Exercice. Soient y1 , . . . , y des éléments de Rn avec  > n. Vérifier que les deux conditions
Le lemme 4.2 est bien adapté au cas où l’espace réel ambiant contient un réseau suivantes sont équivalentes.
apparaissant de façon naturelle, comme l’espace tangent d’une variété abélienne sur R (i) Pour tout > 0, il existe une constante S0 telle que, pour tout nombre réel S ≥ S0 et
avec le réseau des périodes. Quand il n’y a pas de réseau naturel, on peut appliquer la pour toute forme linéaire non nulle ϕ : Rn → R s’écrivant
variante suivante. Nous allons donner d’abord un énoncé réel, puis nous l’utiliserons pour  ϕ(x) = σ1 x1 + · · · + σn xn avec
des nombres réels σ1 , . . . , σn vérifiant max |σ1 |, . . . , |σn | ≤ S, on a
un sous-groupe d’un produit de copies de R et de C. On désignera par | · | la norme
|x| = max1≤i≤n |xi | sur Rn ou sur Cn .
max ϕ(yj ) ≥ S −(n+)/(−n) .
1≤j≤
Lemme 4.4. – Soient y1 , . . . , y des éléments de Rn et F : [S0 , ∞) → R+ une fonction
réelle de variable réelle, croissante et non bornée. On suppose que pour tout σ =
(σ1 , . . . , σn ) ∈ Rn \ {0}, si on pose (ii)Pour tout > 0, il existe une constante T0 telle que, pour tout x ∈ Rn et tout nombre
  réel T ≥ T0 (1 + |x|), il existe t = (t1 , . . . , t ) ∈ Z vérifiant
ϕ(x) = σ1 x1 + · · · + σn xn et S = max |σ1 |, . . . , |σn |; S0 ,
max |tj | ≤ T et x − t1 y1 − · · · − t y ≤ T 1−(/n)+ .
on a 1≤j≤
max ϕ(yj ) ≥ 1/F (S).
1≤j≤

Dans ces conditions il existe des constantes T0 , C1 et C2 positives telles que, si on pose Remarque. L’hypothèse du lemme 4.4 fait intervenir tous les ϕ ∈ HomR (Rn , R), ϕ
= 0,
G(T ) = C1 F −1 (C2 T ) pour T ≥ T0 , alors pour tout x ∈ Rn et tout T ≥ T0 (1 + |x|), il tandis que celle du lemme 4.2 se restreint aux éléments non nuls ϕ de Ω∗ . En fait ce n’est
existe t ∈ Z avec pas différent : si on désigne par | · | la norme sur Rn définie par

max |tj | ≤ T et x − t1 y1 − · · · − t y ≤ 1/G(T ). |x1 ω1 + · · · + xn ωn | = max |xi |,
1≤j≤ 1≤i≤n
Chapitre V. – Approximation simultanée 151 152 Topologie des points rationnels

alors pour tout ϕ ∈ HomR (Rn , R) il existe ψ ∈ Ω∗ tel que On définit encore yj = ψ(yj ), (1 ≤ j ≤ ). On va vérifier l’hypothèse du lemme 4.4 pour
le sous-groupe de Rd engendré par y1 , . . . , y . Pour cela, soit σ  = (σ1 , . . . , σd ) ∈ Rd \ {0} ;

n
on définit σ = (σ1 , . . . , σn ) ∈ E par
ψ(x) − ϕ(x) ≤ |x| ϕ(ωi ) pour tout x ∈ Rn .  
i=1  σ
 1 ν 
 
 pour 1 ≤ ν ≤ r1 ,
2 σr1 +ν − iσn+ν pour r1 < ν ≤ n,
σν =
Exercice. Soient α0 , . . . , αn des nombres réels positifs multiplicativement indépendants. On 
  
1  
suppose qu’il existe une constante κ > 0 telle que, pour tout nombre réel S ≥ 2 et pour 2 σr1 +ν + iσn+ν pour n < ν ≤ d,
tout (s0 , . . . , sn ) ∈ Zn+1 satisfaisant 0 < max0≤i≤n |si | ≤ S, on ait de sorte que, si on définit ϕ : Rd → R par ϕ (x1 , . . . , xd ) = σ1 x1 + · · · + σd xd , on ait
s ϕ = ϕ ◦ ψ. L’hypothèse du lemme 4.5 concernant max1≤j≤ ϕ(yj ) permet donc de
α 0 − αs1 · · · αnsn ≥ S −κ .
0 1 vérifier l’hypothèse corresponsante du lemme 4.4 portant sur max1≤j≤ ϕ (yj ). On en
déduit que pour tout ξ ∈ E, si on pose x = ψ(ξ), alors pour tout T ≥ T0 (1 + |x|) il existe
Alors il existe une constante C > 0 telle que, pour tout x = (x1 , . . . , xn ) ∈ Rn+1 et pour tout t ∈ Z avec
nombre réel T ≥ max{2, |x|}, il existe (t0 , . . . , tn ) ∈ Zn+1 satisfaisant max0≤i≤n |ti | ≤ T
max |tj | ≤ T et x − t1 y1 − · · · − t y ≤ 1/G(T ).
et 1≤j≤
max xi − α0ti αit0 ≤ CT −1/κ . On peut conclure √
1≤i≤n
ξ − t1 y1 − · · · − t y ≤ 2/G(T ).
Remarque. D’après un théorème de N.I. Fel’dman (1968), l’hypothèse de cet exercice est
satisfaite si les nombres α0 , . . . , αn sont algébriques ; voir par exemple [B 1979], Th. 3.1.
Cette hypothèse est aussi vérifiée pour presque tout n+1-uplet (α0 , . . . , αn ) de Rn+1 (pour Remarque. Pour appliquer le lemme 4.5, on vérifiera une hypothèse apparemment plus
la mesure de Lebesgue) ; voir par exemple [Sc 1980], Chap. III Th. 3A. forte :
pour tout σ = (σ1 , . . . , σd ) ∈ Cd \ {0}, si on définit ϕ : Rr1 × Cr2 → C par
d) Variante complexe du lemme de transfert ϕ(ξ) = σ1 ξ1 + · · · + σn ξn + σn+1 ξ r1 +1 + · · · + σd ξ n
Soient r1 et r2 des entiers ≥ 0 avec (r1 , r2 )
= (0, 0). On pose n = r1 + r2 et d = r1 + 2r2 . et si on pose  
Pour ξ ∈ Rr1 × Cr2 on pose |ξ| = max1≤i≤n |ξi |. S = max |σ1 |, . . . , |σd |; S0 ,
Lemme 4.5. – Soient y1 , . . . , y des éléments de Rr1 × Cr2 et F : [S0 , ∞) → R+ une on a
fonction réelle de variable réelle, croissante et non bornée. On suppose que pour tout max ϕ(yj ) ≥ 1/F (S).
1≤j≤
σ = (σ1 , . . . , σn ) ∈ (Rr1 × Cr2 ) \ {0}, si on définit ϕ : Rr1 × Cr2 → R par

ϕ(ξ) = σ1 ξ1 + · · · + σn ξn + σ r1 +1 ξ r1 +1 + · · · + σ n ξ n En fait, malgré les apparences, cette condition n’est pas plus restrictive que celle qui
intervient dans l’hypothèse du lemme 4.5 (comparer avec la proposition 6.1 du chapitre
et si on pose II). En effet, partons de σ ∈ Cd et définissons, pour 1 ≤ j ≤ , j = ϕ(yj ) et
  sj = ϕ(yj ) − j ∈ Z. Soit M la matrice de format (d + 1) ×  à coefficients complexes
S = max |σ1 |, . . . , |σn |; S0 ,
dont la j-ème colonne (1 ≤ j ≤ ) a pour composantes les coordonnées de
on a  
θ(yj ), sj + j ∈ Rr1 × Cr2 × C.
max ϕ(yj ) ≥ 1/F (S).
1≤j≤ Comme ϕ(ξ) = σ1 ξ1 + · · · + σn ξn + σn+1 ξ r1 +1 + · · · + σd ξ n , la dernière ligne de M est
Il existe des constantes T0 , C1 et C2 positives telles que, si on pose G(T ) = C1 F −1 (C2 T ) combinaison linéaire des d précédentes (avec les coefficients complexes σ1 , . . . , σd ). Alors
pour T ≥ T0 , alors pour tout ξ ∈ Rr1 × Cr2 et tout T ≥ T0 (1 + |ξ|), il existe t ∈ Z avec la matrice M  de format (d + 1) ×  à coefficients réels, dont la j-ème colonne (1 ≤ j ≤ )
a pour composantes les coordonnées de
 
max |tj | ≤ T et ξ − t1 y1 − · · · − t y ≤ 1/G(T ). ψ(yj ), sj + e ( j ) ∈ Rd+1 ,
1≤j≤
a aussi un déterminant nul. On en déduit qu’il existe (σ1 , . . . , σn ) ∈ Rn tel que, si on pose
Remarque. Dans le cas r2 = 0, n = d = r1 , on retrouve le lemme 4.4. ϕ (ξ) = σ1 ξ1 + · · · + σn ξn + σ r1 +1 ξ r1 +1 + · · · + σ n ξ n ,
Démonstration. On désigne par E l’espace vectoriel réel normé Rr1 × Cr2 et on définit θ: on ait ϕ (yj ) = sj + e ( j ), (1 ≤ j ≤ ). Finalement, on utilise la majoration
E −→ Rr1 × C2r2 par θ(x, z) = (x, z, z) et ψ : E −→ Rd par ψ(x, z) = x, e (z), m (z) . |e ( j )| ≤ | j |.
Chapitre V. – Approximation simultanée 153 154 Topologie des points rationnels

§5. Irrationalité et transcendance b) Irrationalité.


Soient G un groupe algébrique commutatif de dimension d défini sur le corps Q, Y un En appliquant la majoration (5.1) au sous-groupe Y = ϕ−1 (Q) ∩ LQ (G) de TG (C), on
sous-groupe de LQ (G) et ϕ : TG (C) → C une forme linéaire. On étudie d’abord un problème déduit l’énoncé suivant :
d’irrationalité : a-t-on ϕ(Y ) ⊂ Q ? Pour répondre à cette question on étudiera le Z-module Proposition 5.2. – Soient G un groupe algébrique commutatif de dimension d défini sur
ϕ−1 (Q) ∩ LQ (G). Un problème un peu plus général (par lequel on commencera) consiste le corps Q et ϕ : TG (C) → C une forme linéaire. On suppose que le noyau de ϕ ne contient
à rechercher une minoration du rang sur Z de ϕ(Y ) ; si on trouve que ce rang est ≥ 2, aucun sous-espace non nul de TG (C) de la forme TG (C). Alors
on en déduit que ϕ(Y ) n’est pas contenu dans Q. C’est précisément une telle information    
rangZ ϕ−1 (Q) ∩ LQ (G) ≤ 1 + α(G) − κ (d − 1).
que fournit le théorème du sous-groupe algébrique. Une autre généralisation du problème
d’irrationalité est une question de transcendance : a-t-on ϕ(Y ) ⊂ Q ? Cette fois-ci, c’est Appliquons ce résultat à une variété abélienne simple. On utilise encore la remarque
l’étude du Q-espace vectoriel ϕ−1 (Q) ∩ LQ (G) qui permet d’obtenir une réponse. Nous suivante : si ω1 , . . . , ωk sont k périodes de ΩA , linéairement indépendantes sur Z, telles que
verrons que le théorème du sous-groupe algébrique s’applique encore, mais nécessite des ϕ(ωi ) ∈ Q pour 1 ≤ i ≤ k, alors κ ≥ max{0, k − 1}.
hypothèses un peu plus contraignantes que pour la question d’irrationalité, ce qui est bien Corollaire 5.3. – Soient A une variété abélienne simple de dimension g, ϕ : TA (C) → R
naturel. une forme linéaire non nulle et Y un sous-groupe de LQ (A) de rang m. On pose
 
a) Minoration du rang sur Z de ϕ(Y ) pour Y ⊂ LQ (G). k = rangZ Y ∩ ΩA . On suppose
Si le noyau de ϕ contient un sous-espace vectoriel de TG (C) de la forme TG (C), où G est 
un sous-groupe algébrique de G défini sur Q de dimension ≥ 1, on ne peut pas, en général, 2g 2 − g + 1 − k(g − 1) si k ≥ 1,
m≥
minorer le rang sur Z de ϕ(Y ) en fonction du rang de Y , mais il faut faire intervenir le rang 2g 2 − 2g + 2 si k = 0.
de Y /Y ∩ TG (C). Quitte à remplacer G par G/G , on se ramène à la situation suivante : Alors ϕ(Y )
⊂ Q.
(∗) On suppose que le noyau de ϕ ne contient aucun sous-espace de TG (C) de la forme
TG (C), G sous-groupe algébrique de G défini sur Q de dimension ≥ 1. Remarque. Le rang sur Z de Γ = expA (Y ) est  = m − k, et la condition sur m s’écrit
aussi : 
On rappelle la notation α(G) = d1 + 2d2 introduite au chapitre IV. On pose aussi 2g 2 − g + 1 − kg si k ≥ 1,
  ≥
κ = rangZ ΩG ∩ Ker ϕ , 2g 2 − 2g + 2 si k = 0.
où ΩG est le noyau de l’exponentielle de G(C). D’après le théorème du sous-groupe On a toujours k ≤ g ; dans le cas le plus favorable k = g, la condition s’écrit m ≥ g 2 + 1,
algébrique, sous l’hypothèse (∗) on a ou encore  ≥ g 2 − g + 1 ; on retrouve bien entendu l’hypothèse de la proposition 4.1 –
    partie a) – du chapitre IV.
rangZ Y ∩ Ker ϕ ≤ α(G) − κ (d − 1),
c) Transcendance.
ce qui implique
  Le corollaire 5.3 donne un résultat d’irrationalité ; il est naturel de poser la question de
(5.1) rangZ ϕ(Y ) ≥ rangZ Y − α(G) − κ (d − 1). la transcendance de l’un au moins des nombres ϕ(yj ), (1 ≤ j ≤ ). On obtient encore un
Par exemple si G = A est une variété abélienne simple de dimension g, il suffit de demander tel énoncé en utilisant le théorème du sous-groupe algébrique, non plus directement pour
que ϕ soit non nulle pour assurer que son noyau ne contient pas de sous-espace de la forme G, mais pour le produit Ga × G.
TG (C) de dimension > 0, et alors Proposition 5.4. – Soient G un groupe algébrique commutatif de dimension d défini sur
rangZ ϕ(Y ) ≥ rangZ Y − (2g − κ)(g − 1). le corps Q et ϕ : TG (C) → C une forme linéaire. On suppose que le noyau de ϕ ne contient
  pas de sous-espace non nul de TG (C) de la forme TG (C). On suppose aussi qu’il n’y a pas
Dans ce cas, le nombre κ = rangZ ΩA ∩ Ker ϕ vérifie 0 ≤ κ ≤ g − 1, donc si on pose
de morphisme non constant de groupes algébriques de Ga dans G. Soit κ le rang sur Z de
m = rangZ Y , on a toujours
ΩG ∩ Ker ϕ. Alors    
rangZ ϕ(Y ) ≥ m − 2g 2 + 2g, dimQ ϕ−1 (Q) ∩ LQ (G) ≤ α(G) − κ d.
tandis que pour κ = g − 1, on a Démonstration. On considère le groupe algébrique G∗ = Ga × G, qui est de dimension
rangZ ϕ(Y ) ≥ m − g + 1.
2 d∗ = d + 1 et satisfait α(G∗ ) = α(G). L’hypothèse Hom(Ga , G) = 0 assure que tout sous-
groupe algébrique connexe du produit Ga × G est de la forme {0} × G ou Ga × G , pour
La condition κ = g −1 est vérifiée quand il existe g périodes ω1 , . . . , ωg de ΩA = Ker expA ,
un sous-groupe algébrique (connexe) G de G. On définit un sous-espace V de TG∗ (C) par
linéairement indépendantes, dont les images par ϕ sont rationnelles : ϕ(ωi ) ∈ Q pour   
1 ≤ i ≤ g. V = ϕ(z), z ; z ∈ TG (C) .
Chapitre V. – Approximation simultanée 155 156 Topologie des points rationnels

Le rang de V ∩ ΩG∗ est encore κ. Le fait que le noyau de ϕ ne contienne pas de sous-espace Proposition 5.6. – Soient n et  des entiers positifs, yij , (1 ≤ i ≤ n, 1 ≤ j ≤ ) des
non nul de TG (C) de la forme TG (C) va nous permettre de vérifier que V ne contient pas éléments Z-linéairement indépendants de L, et ϕ : Cn → C une forme linéaire non nulle.
de sous-espace non nul de TG∗ (C) de la forme TG (C), avec G sous-groupe algébrique de Pour 1 ≤ j ≤  on définit yj ∈ Ln par yj = (y1j , . . . , ynj ), et on désigne par Y le sous-
G∗ défini sur Q. En effet, étant donné que V ne contient pas C × {0}, si G est un tel groupe de Ln engendré par y1 , . . . , y .
sous-groupe algébrique connexe, alors G s’écrit {0} × G , avec G sous-groupe algébrique a) On a
de G, et TG (C) est contenu dans le noyau de ϕ. Alors G = 0. Pour conclure on applique rangZ ϕ(Y ) ≥  − n2 + n.
le théorème 2.3 du chapitre IV, en remarquant que l’on a b) Si  ≥ n2 − n + 2, alors un au moins des  nombres ϕ(yj ), (1 ≤ j ≤ ), est irrationnel.
    c) Si  ≥ n2 + 1, alors un au moins des nombres ϕ(yj ), (1 ≤ j ≤ ), est transcendant.
LQ (G∗ ) = Q × LQ (G), et dimQ V ∩ LQ (G∗ ) = dimQ ϕ−1 (Q) ∩ LQ (G) .
Démonstration.
a) La partie a) de la proposition 5.6 se déduit du théorème du sous-groupe linéaire
(théorème 2.6 du chapitre III) de la manière suivante. Soit W le plus grand sous-espace de
Remarque. L’hypothèse Hom(Ga , G) = 0 de la proposition 5.4 est nécessaire : si on Cn , rationnel sur Q et contenu dans Ker ϕ. On désigne par d la codimension de W dans Cn
considère le groupe algébrique Ga × Gm et la forme linéaire ϕ(z1 , z2 ) = z1 + z2 , la condition et on identifie le quotient Cn /W avec Cd en choisissant une base de Cn /W rationnelle sur
sur le noyau de ϕ est bien satisfaite, et pourtant Q (c’est l’image par la surjection canonique Cn → Cn /W de d éléments de Qn linéairement
indépendants modulo W ). Soit V l’hyperplan (Ker ϕ)/W dans Cd . D’après le théorème du
ϕ−1 (Q) ∩ LQ (G) = ϕ−1 (Q) ∩ (Q × L) = Q × {0} sous-groupe linéaire (avec d0 = 0), on a
dimQ (V ∩ Ld ) ≤ d(d − 1).
n’est pas de dimension finie sur Q.
L’hypothèse d’indépendance linéaire des yij assure Y ∩ W = {0}, donc rangZ (Y /Y ∩ W ) =
Corollaire 5.5. – Soient A une variété abélienne simple de dimension g définie sur Q, Y rangZ Y =  et
un sous-groupe de de LQ (A) de rang m et ϕ : TG (C) → C une forme linéaire non nulle. On rangZ (Y ∩ Ker ϕ) = rangZ (Y /Y ∩ W ) ∩ V ≤ dimQ (V ∩ Ld ) ≤ d(d − 1) ≤ n(n − 1).
suppose que Y contient k éléments linéairement indépendants ω1 , . . . , ωk de ΩA tels que
ϕ(ωi ) ∈ Z pour 1 ≤ i ≤ k. On suppose enfin Par conséquent on a
rangZ ϕ(Y ) = rangZ Y − rangZ (Y ∩ Ker ϕ) ≥  − n(n − 1).

2g 2 + g + 1 − kg si k ≥ 1, b) La partie b) de la proposition 5.6 résulte de la partie a). On remarquera d’ailleurs qu’elle
m≥
2g 2 + 1 si k = 0. implique la partie a) du corollaire 2.11 du chapitre III dans le cas d0 = 0.
c) On va encore utiliser le théorème du sous-groupe linéaire, mais avec d0 = 1. On désigne
Alors ϕ(Y )
⊂ Q. encore par W le plus grand sous-espace de Cn , rationnel sur Q et contenu dans Ker ϕ ; si
d1 désigne la codimension de W dans Cn , le choix d’une base de Cn /W rationnelle sur Q
On peut énoncer l’hypothèse sur le rang en terme du paramètre  = m − k, qui est
revient à considérer une surjection s : Cn → Cd1 de noyau W vérifiant s(Qn ) = Qd1 . On
majoré par le rang sur Z de Γ = expA (Y ) :
considère l’hyperplan   
 V = ϕ(z), s(z) ; z ∈ Cn
2g 2 + g + 1 − k(g + 1) si k ≥ 1,
≥ de C × Cd1 . On a V ∩ (C × {0}) = {0} car W ⊂ Ker ϕ, et V ∩ ({0} × Qd1 ) = {0} car W a
2g 2 + 1 si k = 0.
été choisi maximal. On déduit du théorème 2.6 du chapitre III :
 
Quand k = g ; l’hypothèse s’écrit m ≥ g 2 + g + 1, ou encore  ≥ g 2 + 1. dimQ V ∩ (Q × Ld1 ) ≤ d21 .
d) Groupes linéaires. Comme Y ∩ W = {0}, le sous-groupe
  
En considérant des variétés abéliennes simples, nous avons évité les difficultés qui ϕ(y), s(y) ; y ∈ Y
apparaissent avec les sous-groupes algébriques : il suffit de supposer ϕ
= 0 pour assurer de V est de rang  ≥ n2 + 1 > d21 . Il n’est donc pas contenu dans Q × Ld1 , ce qui montre
que le noyau de ϕ ne contient pas de sous-espace non nul de la forme TG (C). Nous que ϕ(Y ) n’est pas contenu dans Q.
traitons maintenant un autre exemple pour montrer comment surmonter cette difficulté.
On travaille avec des logarithmes usuels de nombres algébriques : Exercice. Déduire le théorème des six exponentielles (Th. 1.7 du Chap. III) de la partie
a) de la proposition 5.6, et le théorème de Gel’fond-Schneider (Th. 1.3 du Chap. III) de
× la partie c) de la proposition 5.6.
L = LQ (Gm ) = {z ∈ C ; ez ∈ Q }.
Chapitre V. – Approximation simultanée 157 158 Topologie des points rationnels

§6. Approximation diophantienne dans les groupes algébriques alors


  
max ϕ(yj ) ≥ exp −C1 S κ1 .
a) Variétés abéliennes 1≤j≤m
Soient K un corps de nombres et A une variété abélienne simple sur K de dimension g.
On plonge A dans un espace projectif sur K, et on choisit aussi une base de TA (C). Soient ( ?) b) On suppose que l’ensemble {y1 , . . . , ym } contient {ω1 , . . . , ωg } ; si m ≥ g 2 + g + 1, il
y1 , . . . , ym des éléments de TA (C), linéairement indépendants sur Z, tels que les points existe deux constantes positives C2 et κ2 ayant la propriété suivante : si ϕ : TA (C) −→
γj = expA (yj ), (1 ≤ j ≤ m) appartiennent à A(K). Enfin soient ω1 , . . . , ωg des éléments C est une forme linéaire non nulle, si β1 , . . . , βm sont des éléments de K, et si on pose
linéairement indépendants de ΩA = Ker expA .
Théorème 6.1∗ .  
log B = max 1 , max h(βj ) ,
a) On suppose m ≥ 2g 2 − 2g + 2. Il existe une constante positive C1 , dépendant de A, 1≤j≤m

y1 , . . . , ym , ω1 , . . . , ωg et de K, ayant la propriété suivante : si ϕ : TA (C) −→ C est une


forme linéaire non nulle, et si on pose alors
  
  max |ϕ(yj ) − βj | ≥ exp −C2 (log B)κ2 .
S = max 2 , max |ϕ(ωi )| , 1≤j≤m
1≤i≤g

alors  
max ϕ(yj ) ≥ exp −C1 S κ1 , Démonstration du théorème
1≤j≤m  3.1. Si  est le rang du groupe de Mordell-Weil A(K), alors
le sous-groupe exp−1A,R A(K) de TA (R) est de rang m =  + g. On choisit des éléments
avec  
2g 3 linéairement indépendants ω1 , . . . , ωg , y1 , . . . , y dans exp−1
A,R A(K) avec ω1 , . . . , ωg dans
κ1 = g + .
m − 2g 2 + 2g − 1 ΩA,R = Ker expA,R et on pose

b) On suppose m ≥ 2g 2 +1. Il existe une constante positive C2 , dépendant de A, y1 , . . . , ym Y = Zω1 + · · · + Zωg + Zy1 + · · · + Zy .
et de K, ayant la propriété suivante : si ϕ : TA (C) −→ C est une forme linéaire non nulle,
si β1 , . . . , βm sont des éléments de K, et si on pose
On utilise le théorème 6.1∗ , partie b), avec y+j = ωj , (1 ≤ j ≤ g), en prenant pour βj un
 
log B = max 1 , max h(βj ) , entier à distance minimale de yj , (1 ≤ j ≤ ). Pour tout ϕ ∈ Ω∗ , ϕ
= 0, on a (avec les
1≤j≤m notations du théorème 6.1∗ )
alors  
max |ϕ(yj ) − βj | ≥ exp −C2 (log B)κ2 , max ϕ(yj ) ≥ 1/F (S)
1≤j≤m 1≤j≤m
avec
2g 2 avec F (S) = exp{C2 (log S)κ2 }. Le lemme 4.2 appliqué au R-espace vectoriel TA (R) permet
κ2 = 1 + .
m − 2g 2 de conclure.
Noter que l’on a
Remarque. Pour  ≥ 2g 2 − 3g + 2, la partie a) du théorème 6.1∗ donne
2
1 1 2g 1 2g
θ1 = = − et θ2 = =1− .
κ1 g m + 2g − 1 κ2 m max ϕ(yj ) ≥ 1/F (S)
1≤j≤m

Il est vraisemblable que l’on peut préciser le théorème 6.1∗ de la manière suivante :
avec F (S) = exp{C1 (log S)κ1 }. Alors le lemme 4.2 permet de conclure
( ?) a) On suppose que l’ensemble {y1 , . . . , ym } contient {ω1 , . . . , ωg } ; si m ≥ g 2 + 1, il
existe deux constantes positives C1 et κ1 ayant la propriété suivante : si ϕ : TA (C) −→
C est une forme linéaire non nulle, et si on pose ηA (H) ≤ C(log log H)−θ1
 
S = max 2 , max |ϕ(ωi )| , comme cela a été annoncé après le théorème 3.1.
1≤i≤g
Chapitre V. – Approximation simultanée 159 160 Topologie des points rationnels

b) Groupe multiplicatif log α1 , log α2 et K, ayant la propriété suivante : si β est un élément de K, et si B est un
Le lemme 4.5 ramène la démonstration du théorème 3.2 à un problème d’approximation nombre réel qui satisfait log B ≥ max{1, h(β)}, alors
diophantienne : il s’agit de minorer max1≤j≤ ϕ(yj ) quand ϕ est une forme linéaire non  
nulle sur Cn et y1 , . . . , y sont des éléments de Ln . |β log α1 − log α2 | ≥ exp −C(log B)2 .
Théorème 6.2∗ . – Soient yij (1 ≤ i ≤ d, 1 ≤ j ≤ ) des éléments de L linéairement
indépendants sur Q. On définit, pour 1 ≤ j ≤ ,
b) En déduire l’énoncé suivant. Soient α1 , α2 deux nombres algébriques réels positifs
multiplicativement indépendants. Il existe une constante c > 0 ayant la propriété suivante :
yj = (y1j , . . . , ydj ) ∈ L .
d
pour tout x ∈ R∗+ et pour tout nombre réel T ≥ log max{2, |x|}, il existe (t1 , t2 ) ∈ Z2
vérifiant max{|t1 |, |t2 |} ≤ T et
a) On suppose  ≥ d2 −d+2. Il existe une constante positive C1 ayant la propriété suivante :  
x − αt1 αt2 ≤ exp −c(log T )1/2 .
si S est un nombre réel ≥ 2, si σ1 , . . . , σd sont des nombres réels satisfaisant 1 2

0 < max |σi | ≤ S,


1≤i≤d Démonstration du théorème 3.2. Pour 1 ≤ j ≤ , on pose

et si ϕ : C −→ C désigne la forme linéaire (z1 , . . . , zd ) → σ1 z1 + · · · + σd zd , alors


d
yνj = log γνj , (1 ≤ ν ≤ r1 ),
 
max ϕ(yj ) ≥ exp −C1 S κ1 puis on choisit yr1 +1,j , . . . , ynj dans C tels que exp(yνj ) = yνj pour r1 < ν ≤ n. On pose
1≤j≤
encore yνj = y ν−r1 ,j pour n < ν ≤ d et 1 ≤ j ≤ . Les d nombres yνj , (1 ≤ ν ≤ d,
avec 1 ≤ j ≤ ) sont alors Q-linéairement indépendants. On peut appliquer le théorème 6.2∗
d3 (en prenant pour βj un entier à distance minimale de ϕ(yj )) pour vérifier l’hypothèse du
κ1 = d + .
 − d2 + d − 1 lemme 4.5. Soit ζ ∈ (R× × r2
+ ) × (C ) ; on pose zν = log ζν pour 1 ≤ ν ≤ r1 ; ensuite, pour
r1

r1 < ν ≤ n on définit zr1 +ν comme la détermination principale du logarithme de ζr1 +ν .


b) On suppose  ≥ d2 + 1. Il existe une constante positive C2 ayant la propriété suivante : Ainsi on a, pour 1 ≤ ν ≤ n,
si ϕ : Cd −→ C est une forme linéaire non nulle, si β1 , . . . , βm sont des éléments de K, et
si on pose  2  2
  |zν |2 ≤ log |ζν | + π 2 ≤ 22 log(2 + |ζν |) ,
log B = max 1 , max h(βj ) ,
1≤j≤m
et
alors   1 + |zν | ≤ 7 log(2 + |ζν |).
max |ϕ(yj ) − βj | ≥ exp −C2 (log B)κ2
1≤j≤
Le théorème 3.2 résulte alors du lemme 4.5.
avec
d2 Exercice. Si, dans l’énoncé du théorème 3.2, on remplace l’hypothèse  > d2 par  >
κ2 = 1 + .
 − d2 d2 − d + 1, alors on obtient la conclusion avec l’estimation
On notera que l’on a  − d2 + d − 1
max ζi − γi1
t1 t
· · · γi ≤ C(log log T )−θ et θ= .
1 1 d 1 d2 1≤i≤n d( + d − 1)
θ1 = = − et θ2 = =1− .
κ1 d +d−1 κ2 

Exercice.
a) Soient α1 , α2 deux nombres complexes algébriques non nuls. On choisit des détermi-
nations de leurs logarithmes, log α1 et log α2 , et on suppose que ces deux nombres log α1
et log α2 sont linéairement indépendants sur Q. Soit K un corps de nombres contenant α1
et α2 . Déduire du théorème 6.2∗ qu’il existe une constante C > 0, dépendant seulement de
162 Topologie des points rationnels

Références [D 1997] Diaz, Guy.— La conjecture des quatre exponentielles et les conjectures de D.
Bertrand sur la fonction modulaire. J. Théor. Nombres Bordeaux 9 (1997), no. 1, 229–
[B 1979] Baker, Alan.— Transcendental number theory. Cambridge University Press, 245.
London-New York, 1975. x+147 pp. MR 1 469 670
Second edition (Repr. of 1975 with additional material) Cambridge University Press, 1979.
[D 1972] Dieudonné, Jean.— Éléments d’Analyse. Cahiers Scientifiques, t. 1, Fasc. 28
x+164 pp.
(1972), t.2, 31 (1974), t.3, 33 (1974), t.4, 34 (1971), t.5, 38 (1975), t.6, 39 (1975) ;
Reissue by Cambridge Mathematical Library. Cambridge University Press, Cambridge,
Gauthier-Villars.
1990. x+165 pp.
MR 38 #4246, 38 #4247, 42 #5266, 50 #14507, 57 #7632, 57 #7633,
Zbl 297.10013, 497.10023, 715.11032 MR 54 #10163, 91f:11049
58 #13103, 58 #29825a, 83d:00002, 84a:57021
[BDGP 1995] Barré-Sirieix, Katia ; Diaz, Guy ; Gramain, François ; Philibert, Georges.—
[G 1952] Gelfond, Alexandre O.— Transcendentnye i algebraičeskie čisla. (Russian) Gosu-
Une preuve de la conjecture de Mahler-Manin. Invent. Math. 124 (1996), no. 1–3, 1–9.
darstv. Izdat. Tehn.-Teor. Lit., Moscow, 1952. 224 pp.
Zbl 853.11059 MR 96j:11103
Transcendental and algebraic numbers. Translated from the first Russian edition by Leo
[Be 1995] Bertrand, Daniel.— Points rationnels sur les sous-groupes compacts des groupes F. Boron, Dover Publications Inc., New York 1960. vii+190 pp.
algébriques. Exp. Math. 4 (1995), no. 2, 145–151. Zbl 090.26103 MR 15,292e, 22 #2598
Zbl 859.11046 MR 97h:14038
[G-G 1993] Gordon, Daniel ; Grant, David.— Computing the Mordell-Weil rank of Jaco-
[BeM 1980] Bertrand, Daniel ; Masser, David.— Linear forms in elliptic integrals. Invent. bians of curves of genus two. Trans. Amer. Math. Soc. 337 (1993), no. 2, 807–824.
Math. 58 (1980), no. 3, 283–288. Zbl 790.14028 MR 93h:11057
Zbl 425.10041 MR 81e:10032
[Gr 1960] Grothendieck, Alexandre.— Fondements de la géométrie algébrique ; Extrait du
[Bo 1974] Bourbaki, Nicolas.— Eléments de mathématiques. Première partie : Les struc- séminaire Bourbaki 1957–62, exp. n◦ 195, 12ème année, 1959/60 (Février 1960), (22 pp.) :
tures fondamentales de l’analyse. Livre III, Topologie générale ; chapitre V : Groupes à Techniques de descente et théorèmes d’existence en géométrie algébrique, II : le théorème
un paramètre. chapitre VII : Les groupes additifs Rn . Actualités Sci. Ind. 1029, Hermann, d’existence en théorie formelle des modules. Secrétariat Mathématique, 11, rue P. Curie,
Paris, 1947 et 1974. ii+132 pp. Paris 5ème.
Zbl 337.54001 MR 9,261a Zbl 234.14007 MR 26 #3566
General topology. Chapters 5–10. Translated from the French. Reprint of the 1966 edition.
[H-W 1979] Hardy, G.H. ; Wright, E.M.— An Introduction to the Theory of Numbers. Fifth
Elements of Mathematics. Springer-Verlag, Berlin-New York, 1989. iv+363 pp.
edition. The Clarendon Press, Oxford University Press, New York, 1979. xvi+426 pp.
Zbl 683.54004 MR 90a:54001b
Zbl 423.10001 MR 81i:10002
[Ca 1957] Cassels, J.W.S.— An Introduction to Diophantine Approximation. Cambridge
[H 1977] Hartshorne, Robin.— Algebraic Geometry. Graduate Texts in Mathematics 52,
Tracts in Mathematics and Mathematical Physics, No. 45, Cambridge University Press,
Springer-Verlag, New York-Heidelberg, 1977. xvi+496 pp. Corr. 3rd printing, 1983.
New York, 1957. x+166 pp.
Zbl 531.14001 MR 57 #3116
Reprint of the 1957 edition. Hafner Publishing Co., New York, 1972. x+169 pp.
Zbl 098.26301 MR 19,396h, 50 #2084 [HK 1993] Hirata-Kohno, Noriko.— Approximations simultanées sur les groupes algé-
briques commutatifs. Compos. Math. 86 (1993), no. 1, 69–96.
[CT 1992] Colliot-Thélène, Jean-Louis.— L’arithmétique des variétés rationnelles. Ann.
Zbl 776.11038 MR 94b:11067
Fac. Sci. Toulouse, VI. Sér., Math. 1 (1992), no. 3, 295–336.
Zbl 787.14012 MR 94i:11040 [Hu 1992] Huisman, Johan.— The underlying real algebraic structure of complex elliptic
curves. Math. Ann. 294 (1992), no. 1, 19–36.
[CSS 1997] Colliot-Thélène, Jean-Louis ; Skorobogatov, Alexei Nikolaı̌evitch ; Swinnerton-
Zbl 757.14030 MR 93i:14029
Dyer, Sir Peter.— Double fibres and double covers : Paucity of rational points. Acta Arith.
79 (1997), no. 2, 113–135. [Hu 1993] Huisman, Johan.— Heights on Abelian varieties ; in Diophantine Approximation
Zbl 863.14011 MR 98a:11081 and Abelian varieties,(Soesterberg, 1992), 51–61, Lecture Notes in Math., 1566, Springer,
Berlin, 1993.
Zbl 811.14026 MR 1 289 003
Références 163 164 Topologie des points rationnels

[K-W 1993] Kuwata, Masato ; Wang, Lan.— Topology of rational points on isotrivial [Maz 1994] Mazur, Barry.— Questions of decidability and undecidability in number theory.
elliptic surfaces. Internat. Math. Res. Notices (1993), no. 4, 113–123. J. Symbolic Logic 59 (1994), no. 2, 353–371.
Zbl 804.14008 MR 94a:11079 Zbl 814.11059 MR 96c:03091
[L 1966] Lang, Serge.— Introduction to Transcendental Numbers. Addison-Wesley Publish- [Maz 1995] Mazur, Barry.— Speculations about the topology of rational points : an up-date.
ing Co., Reading, Mass.-London-Don Mills, Ont. 1966. vi+105 pp. Columbia University Number Theory Seminar (New-York 1992), Astérisque 128 (1995),
Zbl 144.04101 MR 35 #5397 4, 165–181.
Zbl 851.14009 MR 96c:11068
[L 1971] Lang, Serge.— Transcendental numbers and Diophantine approximations. Bull.
Amer. Math. Soc. 77 (1971), 635–677. [NZM 1991] Niven, Ivan ; Zuckerman, Herbert S. ; Montgomery, Hugh L.— An Introduction
Zbl 218.10053 MR 44 #6615 to the Theory of Numbers. Fifth edition. John Wiley & Sons, Inc., New York, 1991.
xiv+529 pp.
[L 1978] Lang, Serge.— Elliptic curves : Diophantine analysis. Grundlehren der Mathe-
Zbl 742.11001 MR 91i:11001
matischen Wissenschaften 231, Springer-Verlag, Berlin-New York, 1978. xi+261 pp.
Zbl 388.10001 MR 81b:10009 [Ra 1968] Ramachandra, K.— Contributions to the theory of transcendental numbers. I,
II. Acta Arith. 14 (1968), 65–72, 73–88.
[L 1983] Lang, Serge.— Fundamental of Diophantine geometry. Springer-Verlag, New York-
Zbl 176.33101 MR 37 #165
Berlin, 1983. xviii+370 pp.
Zbl 528.14013 MR 85j:11005 [Rau 1976] Rauzy, Gérard.— Propriétés statistiques de suites arithmétiques. Le Mathéma-
ticien, No. 15. Collection SUP. Presses Universitaires de France, Paris, 1976. 133 pp.
[L 1991] Lang, Serge.— Number theory III. Diophantine geometry. Encyclopaedia of Math-
Zbl 337.10036 MR 53 #13152
ematical Sciences, Gamkrelidze, R.V.(ed.) 60, Springer-Verlag, Berlin, 1991. xiv+296 pp.
Zbl 744.14012 MR 93a:11048 [R-H 1994] Ribet, Kenneth A. ; Hayes, B.— Fermat’s last Theorem and modern arithmetic.
Survey of Diophantine Geometry. Transl. from the Russian. Corr. 2nd printing. Berlin : American Scientist 82 (1994), 144–156.
Springer, 1997. xi+298 pp.
[Ri 1994] Ribenboim, Paulo.— Nombres premiers : mystères et records. Mathématiques.
Zbl 970.22332
Presses Universitaires de France, Paris, 1994. xx+279 pp.
[L 1993] Lang, Serge.— Algebra. Third edition. Reading, MA : Addison Wesley, 1993. Zbl 842.11001 MR 95j:11004
xv+906 pp.
[Ro 1993] Rohrlich, David.— Variation of the root number in families of elliptic curves.
Zbl 193.34701, 712.00001, 848.13001 MR 33 #5416, 86j:00003
Compositio Math. 87 (1993), no. 2, 119–151.
[LB 1992] Lange, Herbert ; Birkenhake, Christina.— Complex Abelian varieties. Grund- Zbl 791.11026 MR 94d :11045
lehren der Mathematischen Wissenschaften [Fundamental Principles of Mathematical
[R 1988a] Roy, Damien.— Sur la conjecture de Schanuel pour les logarithmes de nombres
Sciences], 302, Springer-Verlag, Berlin, 1992. viii+435 pp.
algébriques. Groupe d’Études sur les Problèmes Diophantiens 1988-1989, Publ. Math.
Zbl 779.14012 MR 94j:14001
Univ. P. et M. Curie (Paris VI) 90, N◦ 6, 12 pp.
[Mat 1995] Matiyasevich, Yuri V.— Hilbert’s tenth problem. Translated from the 1993
[R 1988b] Roy, Damien.— Matrices dont les coefficients sont des formes linéaires. Séminaire
Russian original by the author. Foundations of Computing Series. MIT Press, Cambridge,
de Théorie des Nombres, Paris 1987–88, 273–281, Prog. Math. 81, Birkhäuser Verlag,
MA, 1993. xxiv+264 pp. (voir Smoryński, Craig ; book review in Bull. Amer. Math. Soc.
Boston, MA, 1990.
32 (1995), no. 1, 114–119).
MR 91c:11038
MR 94m :03002b
[R 1990a] Roy, Damien.— Sur une version algébrique de la notion de sous-groupe minimal
[Maz 1978] Mazur, Barry.— Rational isogenies of prime degree (with an appendix by D.
relatif de Rn . Bull. Soc. Math. Fr. 118 (1990), no. 2, 171–191.
Goldfeld). Invent. Math. 44 (1978), no. 2, 129–162.
Zbl 729.12014 MR 92c:11066
Zbl 386.14009 MR 80h:14022
[R 1990b] Roy, Damien.— Sous-groupes minimaux des groupes de Lie commutatifs réels,
[Maz 1992] Mazur, Barry.— The topology of rational points. Experiment. Math. 1 (1992),
et applications arithmétiques. Acta Arith. 56 (1990), no. 3, 257–269.
no. 1, 35–45.
Zbl 672.10024, 708.11033 MR 92f:11098
Zbl 784.14012 MR 93j:14020
Références 165 166 Topologie des points rationnels

[R 1991] Roy, Damien.— Transcendance et questions de répartition dans les groupes algé- [Sil 1986] Silverman, Joseph H.— The Arithmetic of Elliptic Curves. Graduate Texts in
briques. Approximations Diophantiennes et Nombres Transcendants (Luminy, 1990), 249– Mathematics 106, New York Springer-Verlag 1986. xii+400 pp. Corrected reprint, 1995.
274, de Gruyter, Berlin, 1992. Zbl 585.14026 MR 87g:11070, 95m:11054
Zbl 763.11031 MR 93h:11077 Advanced topics in the Arithmetic of Elliptic Curves. Graduate Texts in Mathematics 151.
Springer-Verlag, New York, 1994. xiv+525 pp.
[R 1992a] Roy, Damien.— Matrices whose coefficients are linear forms in logarithms. J.
Zbl 950.00161 MR 96b:11074
Number Theory 41 (1992), no. 1, 22–47.
Zbl 763.11030 MR 93d:11077 [SwD 1974] Swinnerton-Dyer, H.P.F.— Analytic theory of Abelian varieties. London
Mathematical Society Lecture Note Series, 14. Cambridge University Press, London-New
[R 1992b] Roy, Damien.— Simultaneous approximation in number fields. Invent. Math.
York, 1974. viii+90 pp.
109 (1992), no. 3, 547–556.
Zbl 299.14021 MR 51 #3180
Zbl 780.11060 MR 93f:11087
[W 1974] Waldschmidt, Michel.— Nombres transcendants. Lecture Notes in Mathematics
[R 1995] Roy, Damien.— Points whose coordinates are logarithms of algebraic numbers on
402. Springer-Verlag, Berlin-New York, 1974. viii+277 pp.
algebraic varieties. Acta Math. 175 (1995), no. 1, 49–73.
Zbl 302.10030 MR 50 #12931
Zbl 833.11031 MR 96i:11079
[W 1979] Waldschmidt, Michel.— Nombres transcendants et groupes algébriques. Appen-
[S-S 1958] Schinzel, André ; Sierpiński, Waclaw.— Sur certaines hypothèses concernant les
dices par Daniel Bertrand et Jean-Pierre Serre. Astérisque 69–70 , Société Mathématique
nombres premiers. Acta Arith. 4 (1958), 185–208 ; 5 (1958), 259 ; 7 (1961/1962), 1–8.
de France, Paris, 1979. 218 pp. Deuxième édition 1987.
Zbl 082.25802 MR 21 #4936, 24 #A70
Zbl 428.10017 MR 82k:10041, 88i:11047
[Sc 1980] Schmidt, Wolfgang M.— Diophantine Approximation. Lecture Notes in Math.
[W 1983a] Waldschmidt, Michel.— Dépendance de logarithmes dans les groupes algé-
785. Springer, Berlin, 1980. x+299 pp.
briques. In : Approximations Diophantiennes et Nombres Transcendants (Luminy, 1982),
Zbl 421.10019 MR 81j:10038
289–328, Progr. Math. 31, Birkhäuser, Boston, Mass., 1983.
[Sch 1957] Schneider, Theodor.— Einführung in die transzendenten Zahlen. Die Grund- Zbl 513.14028 MR 84k:10032
lehren der Mathematischen Wissenschaften 81, Berlin-Göttingen-Heidelberg : Springer-
[W 1983b] Waldschmidt, Michel.— Sous-groupes analytiques de groupes algébriques. Ann.
Verlag, 1957. v+150 pp.
of Math. (2) 117 (1983), no. 3, 627–657.
Introduction aux Nombres Transcendants. Traduit de l’allemand par P. Eymard, Gauthier-
Zbl 579.14039 MR 84j:10046
Villars, Paris 1959. viii+151 pp.
Zbl 077.04703 MR 19,252f, 21 #5620 [W 1988] Waldschmidt, Michel.— On the transcendence methods of Gel’fond and Schneider
in several variables. New advances in transcendence theory (Durham, 1986), 375–398,
[Se 1979] Serre, Jean-Pierre.— Quelques propriétés des groupes algébriques commutatifs.
Cambridge Univ. Press, Cambridge-New York, 1988.
Soc. Math. France, Astérisque 69/70 (1979), 191–202. Deuxième édition, 1987 (appendice
Zbl 659.10035 MR 90d:11089
de [W 1979]).
Zbl 428.10017 MR 88i:11047 [W 1987] Waldschmidt, Michel.— Dependence of logarithms of algebraic points. Number
theory, Vol. II (Budapest, 1987), 1013–1035, Colloq. Math. Soc. János Bolyai 51, North-
[Se 1989] Serre, Jean-Pierre.— Lectures on the Mordell-Weil theorem. Translated from
Holland, Amsterdam, 1990.
the French and edited by Martin Brown from notes by Michel Waldschmidt. Aspects of
Zbl 714.11043 MR 91g:11076
Mathematics E15. Braunschweig Wiesbaden : Friedr. Vieweg & Sohn, 1989. x+218 pp.
3rd ed. 1997. [W 1991] Waldschmidt, Michel.— Transcendental numbers and functions of several vari-
Zbl 676.14005, 863.14013 MR 90e:11086 ables. In : Advances in Number Theory (Kingston, ON, 1991), 67–80, Oxford Sci. Publ.,
Oxford Univ. Press, New York, 1993.
[Si 1949] Siegel, Carl Ludwig.— Transcendental Numbers. Annals of Mathematics Studies
Zbl 791.11032 MR 96i:11076
16, Princeton University Press, Princeton, N. J., 1949. viii+102 pp.
Zbl 039.04402 MR 11,330c [W 1994] Waldschmidt, Michel.— Densité de points rationnels sur un groupe algébrique.
Experiment. Math. 3 (1994), no. 4, 329–352.
Zbl 837.11040 MR 96h:11071
Références 167

[W 1995] Waldschmidt, Michel.— Densité de points rationnels sur un groupe algébrique.


Errata. Experiment. Math. 4 (1995), no. 3, 255.
Zbl 853.11057 MR 97d:11112
[W 1996] Waldschmidt, Michel.— Dependence of logarithms on commutative algebraic
groups. Symposium on Diophantine Problems (Boulder, CO, 1994). Rocky Mountain J.
Index
Math. 26 (1996), no. 3, 1199–1223.
Zbl 970.34897 MR 97k:11111
[W 1997] Waldschmidt, Michel.— Approximation simultanée par des produits de puis-
sances de nombres algébriques. Acta Arith. 79 (1997), no. 2, 137–162.
Zbl 863.11044 MR 98b:11083 Abélienne (variété) . . . . . . 4, 11, 107–108, 119–122, 148, 157–159
[W 1998] Waldschmidt, Michel.— Density measure of rational points on abelian varieties. Algébrique (groupe) . . . . . . . . . . . . 3, 58, 87, 106–160
Soumis ; Institut de Mathématiques de Jussieu, Prépublication 84 (Septembre 1996).
Approximation (théorèmes) . . . . . . . . . . . . . . . 6
[Wa 1994] Wang, Lan.— Rational points and canonical heights on K3 surfaces in P1 ×
Associé (sous-groupe) . . . . . . . . . . . . . . . . 28
P1 × P1 . Recent developments in the inverse Galois problem (Seattle, WA, 1993), 273–289,
Contemp. Math., 186, Amer. Math. Soc., Providence, RI, 1995. Artin (Indépendance des caractères) . . . . . . . . . . . . 60
Zbl 849.14010 MR 97a:14023
Artin–Whaples (théorème) . . . . . . . . . . . . . . 6, 43
[Wa 1995] Wang, Lan.— Brauer-Manin obstruction to weak approximation on abelian
Baker . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 68, 73
varieties. Israel J. Math. 94 (1996), 189–200.
Zbl 870.14032 MR 97e:11069 Bertrand . . . . . . . . . . . . 103, 112, 123, 125, 128–129
[We 1982] Weil, André.— Adèles and algebraic groups. With appendices by M. Demazure Caractères (d’un groupe de Lie) . . . . . . . . . . . . . 38
and Takashi Ono. Progress in Mathematics, 23, Birkhäuser, Boston, Mass., 1982. iii+126
Colliot-Thélène . . . . . . . . . . . . . 9–10, 43, 101, 104
pp.
Zbl 493.14028 MR 83m:10032 Dèbes (conjecture) . . . . . . . . . . . . . . . . 13–14
[Wü 1989] Wüstholz, Gisbert.— Algebraische Punkte auf analytischen Untergruppen Dense (sous-groupe) . . . . . . . . . . . . . . . . . 22
algebraischer Gruppen. Ann. of Math. (2) 129 (1989), no. 3, 501–517.
Densité complexe . . . . . . . . . 34–37, 41–43, 87–100, 129–136
Zbl 675.10025 MR 90g:11101
Densité (conjecture) . . . . . . . . . . . . . . . . . 82
Densité (mesure) . . . . . . . . . . . . . . . . . 139
Densité (propriété) . . . . . . . . . . . . . . . . 115
Densité (théorème) . . . . . . . . . . . . . . . . 110
Dirichlet . . . . . . . . . . . . . . . 18, 24, 139, 144
Discret (sous-groupe) . . . . . . . . . . . . . . 16, 19–21
Dual (réseau) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 30
Elliptique (courbe) . . . 8, 10–12, 103–106, 111–128, 133–136, 139–140
Elliptique (fonction) . . 3–4, 104–105, 108, 113–114, 118, 123–128, 133–136
Elliptique (surface) . . . . . . . . . . . . . . . . . 10
Topologie des points rationnels 169 170 Topologie des points rationnels

Exponentielle . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4 Ramachandra . . . . . . . . . . . . 112–114, 117–118, 136


Extensions (de groupes algébriques) . . . . . . . . . . 123–129 Rang . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3, 15
Fermé (sous-groupe) . . . . . . . . . . . . . . . . 21–22 Rationnel (sous-espace vectoriel) . . . . . . . . . . . . . 45
Faltings . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 8 Restriction des scalaires . . . . . . . . . . . . . . 90, 129
Gel’fond . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 47 Roy . . . . . . . . . . . . 30, 39, 67, 69, 71, 79, 83–85, 110
Hasse (principe) . . . . . . . . . . . . . . . . . . 8 Sansuc . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 43, 101
Hermite . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 19, 47 Schneider . . . . . . . . . . . . . . . . . 47, 111, 117
Hilbert (problèmes) . . . . . . . . . . . . . . . . 6, 46 Sigma (fonction de Weierstrass) . . . . . . . . . . . 126–127
Hirata-Kohno . . . . . . . . . . . . . . . . . . 140 Six exponentielles (théorème) . . . . . . . . . . . . . . 54
Huisman . . . . . . . . . . . . . . . . . . 129, 134 Sous-groupe algébrique (théorème) . . . . . . . . . . . 110
Hypothèse H de Schinzel . . . . . . . . . . . . . . . 9 Sous-groupe à n paramètres . . . . . . . . . . . . . 120
Indépendance algébrique . . . . . . . . . . . . 74, 80, 116 Sous-groupe linéaire (théorème) . . . . . . . . . . . . . 66
Khinchine . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 143 Swinnerton-Dyer . . . . . . . . . . . . . . . . . . 10
Kronecker . . . . . . . . . . . . . . . . 18, 23–24, 142 Tchebychef . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 16
Kuwata . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 11–12 Transfert . . . . . . . . . . . . . . . . . . 142–153
Lang . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 120 Variété . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1–2
Langevin . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 75 Wang . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 11–12
Lie (groupe) . . . . . . . . . . . . . . . . . 37, 45 Wüstholz . . . . . . . . . . . . . . . . . . 112, 124
Lindemann . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 47 Zariski (Topologie) . . . . . . . . . . . . . . . 1, 109
Linéaire (groupe algébrique) . . . . . . . 3–4, 44–45, 58–102, 159 Zeta (fonction de Weierstrass) . . . . . . . . . . . . 123–127
Liouville . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 138
Masser . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 104, 112
Mazur (Conjecture) . . . . . . . . . . . 5, 104–105, 120, 138
Merel . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 11
Minimal (sous-groupe) . . . . . . . . . . . . . . . . 30
Modulaire (fonction) . . . . . . . . . . . . . . . 112–113
Mordell . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 8
Multiplication complexe . . . . . . . . . . . . . . . 111
Plongement canonique . . . . . . . . . . . . . 43, 55, 101
Quatre exponentielles (conjecture) . . . . . . . . . . . . . 50

Vous aimerez peut-être aussi