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Siddha Medicine:

Historical, Social and Medical perspectives

Dans le passé, la médecine siddha a souffert d’un manque d’intérêt dû à la combinaison


de plusieurs facteurs : barrière linguistique, inaccessibilité des textes et leur contenu ésotérique
rédigé sous forme poétique, hégémonie de la biomédecine et prévalence de la médecine
ayurvédique dans le domaine des médecines traditionnelles. Cependant, de nos jours, elle
bénéficie d’un renouveau de popularité. Des praticiens, encouragés par le succès de la
médecine ayurvédique, cherchent à promouvoir le siddha sur le marché national et international
en développant des sites informatiques, en multipliant les ouvrages, en faisant patenter leurs
médicaments préparés à partir de formulations recueillies dans le cercle familial, auprès de
gurus ou issues de leur propre recherche. Le gouvernement, pour sa part, sur les
recommandations de OMS, favorise l’intégration des médecines traditionnelles au sein des
hôpitaux et des dispensaires. Pour l’état du Tamil Nadu, cette politique profite au
développement du siddha et le meilleur exemple d’investissement est la récente création d’un
vaste hôpital, le National Institute for Siddha, au sud de Chennai. La médecine siddha est inclue
dans les programmes de recherche gouvernementaux sur les médecines traditionnelles dont
l’objectif est d’améliorer les connaissances sur le materia medica, la pharmacopée et la
thérapie. Une importante part de la recherche consiste à répertorier, digitaliser, transcrire,
publier, traduire les manuscrits médicaux, pour les sauvegarder et les conserver en tant
qu’héritage culturel tamoul, pour découvrir de nouvelles formulations capables de contrôler les
maladies endémiques ou résistantes aux traitements biomédicaux, ainsi que pour diffuser ce
savoir hors des frontières du Tamil Nadu et de l’Inde.

Ce renouveau de popularité encourage à multiplier les études sur le siddha dans la perspective
de déterminer ses spécificités par rapport à l’ayurveda à laquelle elle est bien souvent assimilée
en s’intéressant à ses concepts, ses influences philosophiques, son materia medica, de définir
sa place dans le champ du pluralisme médical indien, d’analyser ses pratiques contemporaines
à différents niveaux de savoir et de compétence et d’envisager son avenir, non seulement au
Tamil Nadu et en Inde, mais aussi sur le marché international, et sa participation au combat
contre les maladies incurables et chroniques.

Ces différents thèmes de recherche ont été abordés au cours d’un séminaire organisé par le
département des sciences sociales de l’Institut Français de Pondichéry qui s’est tenu dans ses
locaux les 23 et 24 août 2007. Il a été divisé en quatre sessions intitulées respectivement :
‘Siddha medicine in the texts’, ‘Siddha medicine and its materia medica’, ‘Siddha medicine in
practice’, ‘Siddha medicine and the manufacturing and marketing of its drugs’.

La première session s’est ouverte sur une communication de Venki Sujatha (JNU, New Delhi),
Body and self: non dualism in siddha medicine qui s’est intéressée à définir l’approche du
corps dans la médecine siddha en opposition avec celle dans la biomédecine qui donne une
vision cartographiée basée sur les organes. Si les organes et leurs fonctions ont été bien
étudiés grâce aux techniques exploratoires mises au point par la biomédecine, les éléments
subtils du corps, tels que l’esprit, les émotions, les sensations, l’intelligence, restent inexplorés à
cause de la difficulté pour les matérialiser. En revanche, la médecine siddha tient compte de

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ces éléments subtils du fait que ce sont les yogis (cittarkal) qui ont développé cette médecine.
Leurs objectifs étant d’augmenter la durée de vie de manière à développer leurs pouvoirs
yogiques et ainsi mettre fin au cycle de vie et de mort, ils se sont davantage intéressés à la
prévention du corps et à son immortalité. Ceci a induit une discipline du corps et des règles de
vie, une médication permettant de lutter contre les maladies et la mort et de développer des
paramètres physiologiques assurant l’immortalité par la maîtrise de la faim, de la respiration, du
sommeil, de la sexualité, etc, ainsi qu’une considération pour l’esprit défini comme pourvu d’une
matérialité aussi concrète que celle des organes ou de l’enveloppe corporelle. Cependant, à
travers ses observations ethnographiques, Sujatha souligne que les études sur le siddha se
désintéressent des théories et des concepts et que la pratique de cette médecine tend à se
centrer sur la prescription de médicaments, négligeant l’importance de la communication
patient/praticien et les données empiriques. La seconde communication, The Tamil siddha
medical tradition: a biographical note on Pōkar, the alchemist, présentée par Kanchana
C.V. Nataraja, s’est intéressée au texte Pōkar elayiram, un texte de Pōkar, un des 18 cittarkal
définis par la tradition siddha tamoule. Quelques historiens qui ont étudié les textes de Pōkar
s’accordent pour reconnaître qu’ils émanent de trois auteurs qui auraient vécu à trois époques
différentes: Pōkartēvar, mentionné dans le texte Tirumantiram de Tirumūlar qui aurait été un
disciple de Kalańki ; un Pōkar qui aurait résidé dans les Caturagiri et se serait intéressé au
kāyasiddhi et un troisième qui aurait vécu au 17-18 ème siècle à Palani et serait l’auteur d’une
statue de Dandapani réalisée en navapaśanam (neuf poisons constitués de sels d’arsenic).
C’est sur le troisième Pōkar que se focalise la communication de Natarajan du fait que, à
l’image d’Iramatēvar, un autre cittar dont elle a précédemment étudié les écrits, il établit un lien
entre l’Inde et l’étranger. Alors qu’ Iramatēvar serait parti de l’Inde vers la Mecque à la
recherche du ‘réservoir de mercure’, Pōkar, grâce à ses pouvoirs surnaturels (siddhi) de ‘voler’
obtenus par ingestion de kulikai (boule de mercure solidifié) aurait de nombreuses fois voyagé
en Chine et au Moyen-Orient pour parfaire ses connaissances en médecine et en alchimie.
Cependant, Nataraja remarque qu’en dehors des nombreuses références aux pouvoirs
extraordinaires du cittar et à ses multiples voyages en Chine, les références géographiques,
environnementales et sociologiques sur ce pays y sont fort rares. Du point de vue
philosophique, le texte Pōkar elayiram considère qu’il existe trois réalisations qui sont
entièrement complémentaires les unes aux autres : l’art d’immortaliser le corps (kāyasiddhi) ;
l’art d’utiliser le matériel alchimique pour la fabrication des médicaments (vatasiddhi) ; l’union
avec Brahman (yogasiddhi). L’auteur fait remarquer que le texte abonde de références au
tantrisme, système philosophique indissociable des concepts alchimiques dans la tradition
siddha. L’alchimie tient dans ce texte une place non négligeable par ses mentions aux métaux
et aux sels, dont le fameux muppu, utilisés pour fabriquer des médicaments ou pour contrôler le
vieillissement du corps. Jothi Pandian (Central Research Institute for Siddha CRIS, Chennai)
est ensuite intervenu pour présenter une commnication intitulée A Pathway to Eternal Bliss:
Kāyakalpam in Siddha Medicine qui compare le traitement kāyakarpam proposé par trois
manuscrits attribués respectivement à Tirumūlar, Pōkar et Końkanavar. Kāyakarpam est défini
comme un processus de conversion du corps ‘kāya’, matière destructible, en ‘karpam’ matière
assimilable à la pierre. Ce processus est réalisé par des techniques (karpa yogam) et des
médicaments (karpa aviltam) qui ont la propriété d’allonger la vie et d’augmenter l’activité des
organes. Malgré que Tirumūlar soit considéré comme un des cittarkal les plus productifs en
matière d’écrits médicaux, celui-ci s’est surtout intéressé au karpa yogam et ce sont les textes
de Pōkar et de Końkanavar qui développent la médicamentation kāyakarpam. Le texte de Pōkar
recense 45 plantes ayant des propriétés antiveillissement et recommande tout particulièrement
de consommer des plantes noires (karuppu mūlikaikkal), certains minéraux, ainsi que sa
propre urine (amuritaranai). Il propose un certain nombre de formulations à base de plantes ou
combinant métaux et plantes, mais l’association du minéral et du végétal dans la pharmacopée
kāyakarpam a davantage été élaborée par Końkanavar qui est l’auteur d’un lēkiyam composé

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de minéraux et de plantes toniques. La dernière communication de cette session intitulée A
Few German Diary Reports on Siddha medicine in the Halle Mission Archives a été
proposée par C.S. Mohanavelu (U.G.C., New Delhi) qui a dépouillé les Archives de Halle.
Arrivés au Tamil Nadu au tout début du 18ème siècle, les missionnaires de Halle, essentiellement
d’origine allemande et danoise, se sont trouvés confrontés aux maladies qui sévissaient sous
ce climat tropical. Ceci les a conduit à s’intéresser à la médecine pratiquée par les vaittiyarkal.
Cette médecine n’est jamais définie sous l’appellation ‘siddha’ mais les détails qu’ils offrent sur
les concepts, les méthodes diagnostiques et la classification nosologique, sont très similaires à
ceux qui se réfèrent à la médecine siddha. Certes, la place de la médecine dans les écrits des
missionnaires ne concerne qu’une petite partie de la recherche de Mohanavelu qui avait pour
objet d’explorer les intérêts des missionnaires pour la langue et la culture tamoule, mais sa
richesse appellerait à une expertise beaucoup plus pointue des textes médicaux déposés à
Luther University.

La seconde session s’est ouverte sur cinq communications dont la première Social uses of
materia medica in Siddha system of medicine a été préparée par V. Veluchamy (Director,
CRIS) et présentée par un de ses collaborateurs. Elle a introduit le sujet en présentant les
éléments des règnes végétal, organique et minéral en médecine siddha, les différentes
propriétés pharmacologiques de ces éléments, ainsi qu’une classification des métaux et des
minéraux définie selon leurs propriétés de dissolution et de sublimation. La seconde
communication Systematization and identification of botanical materia medica of Siddha
medicine Sources, methods and implications a été présentée par J. Soundrapandi (PhD in
botany Christian College, Tambaram, Chennai). Partant de données collectées dans les
ouvrages secondaires traitant du materia medica et de pharmacopée (kunapātam,
nikantu, malai vākatam et kalpa sūttiram), auprès de praticiens siddha, et à travers un
recensement des espèces botaniques collectées par les tribus résidant dans les Ghats
occidentales et des plantes vendues sur le marché des plantes médicinales, J. Soundrapandi a
centré sa présentation sur les plantes médicinales utilisées dans la médecine siddha. Le
nombre de plantes identifiées en médecine siddha est plus faible que celui de l’ayuveda : 1121
contre 1769 ; parmi ces plantes, 763 sont communes aux deux médecines, et 56% sont
communes au siddha et aux médecines populaires, un chiffre un peu plus fort que pour
l’ayurveda dans lequel 41% d’espèces botaniques sont usitées dans les médecines populaires.
Outre ces données, J. Soundrapandi a présenté différents tableaux sur la classification des
plantes selon le siddha (arbre, arbustes, lianes, herbes), sur les différentes parties utilisées
(plante entière, racine, écorce, résine, fleurs, feuilles, fruits verts, fruits, graines), sur les
propriétés pharmacologiques des plantes, sur les espèces les plus communément utilisées,
ainsi que sur l’origine phytogéographique des plantes à travers lequel on observe qu’un petit
pourcentage d’espèces provient des régions himalayennes, mais aussi méditéranéennes et
latino-américaines. G. Gnana Sekari (CRIS) est ensuite intervenue pour présenter une
communication intitulée An effective tool in organising digital knowledge of Siddha
medicine. Celle-ci a concerné l’élaboration d’une base de données illustrées informatisée
(expert system) en langue anglaise et tamoule sur la médecine siddha dont objectif est
d’accumuler et d’organiser les connaissances collectées sur le siddha et de favoriser la
circulation des informations en les rendant disponible à un public aussi large que possible. La
base de données informatisée alimentée à partir de sources anciennes et contemporaines
(manuscrits et des textes médicaux, praticiens siddha, travaux de recherche) s’est intéressée à
définir 25 maladies et troubles à travers une description générale, leur symptomatologie et leur
traitement et à décrire de nombreuses plantes utilisées pour préparer les composés médicinaux
et quelques médicaments patentés. De plus de son aspect informatif, cette base de données
intègre des fonctions interactives et éducatives destinées aussi bien aux étudiants pour tester et
affiner leurs connaissances, qu’aux médecins siddha pour les aider dans leur pratique et aux

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praticiens non siddha, chercheurs etc. La troisième communication sur le materia medica a été
présentée par Stanly Paul (Gvt Siddha college, Palaiyamkottai). Intitulée Minerals in Siddha
medicine, celle-ci s’est intéressée au changement des minéraux utilisés dans la médecine
siddha et à son implication du point de vue des propriétés thérapeutiques. Ce changement se
serait effectué vers le 18ème siècle avec le développement de la chimie. Pour fabriquer leurs
médicaments à base de métaux et de minéraux, les praticiens auraient progressivement
abandonné les produits bruts de moins en moins commercialisés au profit des matériaux
vendus sous une forme pure. Partant de ce changement de matière première, la communication
montre que cette substitution peut impliquer une baisse des propriétés thérapeutiques du fait
que les impuretés telles que les traces de minéraux et les micro-organismes associés au
matériel brut pouvaient avoir un rôle thérapeutique. Il va s’en dire que cette étude portant sur la
médecine siddha est valable pour les autres médecines indiennes telles que ayurveda et unani
et, plus largement, pour toutes les médecines traditionnelles incorporant les minéraux dans leur
materia medica. La dernière communication sur le materia medica de la médecine siddha
intitulée The transformation in the practice, education and research on Siddha system of
medicine consequent of the social changes a été préparée par T. Anandan (CRIS) et
présentée par un de ses confrères du CRIS. Après avoir introduit le sujet en définissant les
différents types de médications et les techniques traditionnelles de fabrication, cette
communication a présenté les différents objectifs de la recherche sur les produits médicinaux
menés aujourd’hui par le Central Research Institute for Siddha de Chennai qui portent sur
l’amélioration de l’innocuité et de l’efficacité des médicaments et leur adaptation au marché
international, sur l’accroissement de la collecte de données sur les plantes utilisées dans le
siddha, sur l’amélioration de la qualité et de la valeur de la recherche siddha et sur la
popularisation du siddha auprès des consommateurs de tout profil sociodémographique. Pour
mener ces objectifs, le CRIS a privilégié quatre domaines spécifiques : l’étude botanique
(source, collection, identification, culture), la recherche phytochimique, la recherche
pharmacologique (pharmacognosie, pharmacocynétique, toxicologie) et les évaluations
cliniques.

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La troisième session concernant la pratique de la médecine siddha a été introduite par une
thérapie particulière qui est le varmakkalai (accupression). Cette thérapie, très répandue
dans l’extrême sud du Tamil Nadu, a été présentée par T. Rajendran (praticien traditionnel
siddha) à travers deux communications Varma point induction experiences with
traditional practitioners et Practice of varmatherapy. Les varmańkal sont définies
comme des centres où l’énergie pranique est concentrée. L’art de les identifier aurait été
enseigné par Shiva qui, se promenant dans la forêt en compagnie de Sakti, découvrit le
corps d’un chasseur blessé et aida à ranimer le blessé en indiquant à son épouse les
endroits particuliers du corps (varmam) où elle devait appuyer son bâton en or. Rappelons
que selon la tradition, Shiva est à l’origine des connaissances en médecine siddha, c'est-à-
dire qu’il est le guru suprême, dans le système d’enseignement guru/śiśya. Dans cette
méthode d’enseignement, la formation dure en principe douze ans et les connaissances
transmises dépendent des qualités du disciple (intelligence, discipline, humilité, générosité,
persévérance) et de la bienveillance du maître à accepter de dévoiler ses secrets en
matière de savoir thérapeutique. Ayant cherché à améliorer ses connaissances auprès de
nombreux gurus ou ācān spécialisés en thérapie varma, en kalari payattu (art martial
fondé sur la connaissance des points de varma pour neutraliser l’adversaire), en yoga, en
préparation des médecines, en médecine siddha, Rajendran a présenté quelques
stratégies utilisées par les praticiens pour empêcher la diffusion de leurs secrets sur
lesquels ils fondent leur réputation de thérapeute. Sa seconde intervention a porté sur les
principes du varmakkalai qui concernent trois champs : la thérapie, le combat, le yoga.
Concernant la thérapie, ses principes fondamentaux consistent à éliminer les toxines du
corps et à réguler le flux d’énergie pranique à l’aide de thérapies internes à base de
médication spécifique, de diète et de procédés de purification et de thérapies externes à
base de préparations médicinales, de divers types de massage et d’accupression. Les
deux communications suivantes, Bonesetters in Tirunelveli region et Siddha practices
in Kongu region, Tamil Nadu ont été présentées respectivement par M. Ramakrishnan
et R. Maruthakutti (Sociology, Manonmanian Sundaranar University, Tirunelveli). Le
bonesetting est une médecine populaire qui se trouve associée à la médecine siddha du
fait que les praticiens sont spécialisés dans les maladies rhumatismales dont une large
partie est attribuée au déséquilibre de l’humeur vāta et qu’il est pratiqué par les spécialistes
varma. Cette communication a porté sur une comparaison des pratiques entre cinq
bonesetters pour y observer les changements et les innovations et elle s’est attachée à
montrer le rôle important que ces praticiens jouent dans les villages, par leur accessibilité et
leurs tarifs qui ne s’appliquent qu’à la médication. Le faible coût de la médecine siddha est
aussi une des conclusions à laquelle R. Maruttakkuti aboutit à l’issu de son exploration de
plusieurs praticiens de la région Coimbatore-Palani-Erode. La médecine siddha est
rarement choisie en premier recours mais bien souvent après plusieurs tentatives de
traitement par la biomédecine qui n’ont pas abouti. Les troubles en question sont aussi
variées que les maladies de peau, les ulcères, les maladies rhumatismales, maux de tête,
en fait toutes sortes de maladies chroniques et somatiques. La médecine siddha a ses
propres méthodes diagnostiques dont la lecture du pouls est l’élément le plus important,
cependant elle ne dénie pas l’intérêt des outils de la biomédecine car la plupart des
praticiens utilisent le stéthoscope et ordonnent des analyses de laboratoire, des
radiographies, etc. Si les praticiens privilégient encore leurs outils diagnostiques, il convient
d’insister sur le décalage existant entre les recommandations des auteurs de textes
classiques et la pratique contemporaine. Pour prendre deux exemples : le diagnostic n’est
jamais sur les huit critères définis par la tradition mais s’appuie le plus souvent sur la seule
lecture du pouls; les heures appropriées pour faire la lecture du pouls ne sont respectées
que par de très rares praticiens traditionnels du fait que les horaires de consultation des
cliniques ou des consultants privés sont calqués sur ceux des spécialistes de biomédecine.

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Enfin, la quatrième et dernière session sur la médecine siddha a comporté deux
communications sur l’industrie pharmaceutique et les modalités d’exportation. La fabrication
des médicaments à été abordée par N. Lalitha (GIR, Ahmedabad) dans une communication
intitulée Manufacturing Siddha Medicines: Issues in Standardisation and Procurement.
Celle-ci s’est essentiellement intéressée à la manière dont les lois des GMP (Good
Manufacturing Practices) qui ont récemment amendé le Drugs and Cosmetics Act, 1940, et
Rules, 1945, sont observées dans l’industrie pharmaceutique siddha. Ces pratiques concernent
la construction et l’agencement des bâtiments, le contrôle et le stockage des matières
premières, l’hygiène des locaux et la sauvegarde des contaminations, la gestion de l’eau et des
déchets, l’emballage et le stockage des produits finis, la réglementation du personnel du point
de vue de l’hygiène et de sa protection sanitaire face aux matériaux utilisés, les contrôles de
qualité etc. L’objectif de cette réglementation est d’adapter les produits pharmaceutiques aux
normes internationales. Cependant, la mise en place de cette réglementation ne peut être
généralisée du fait de facteurs limitatifs, notamment le coût élevé des mesures et leur
inadaptabilité en fonction de la taille des entreprises. La seconde partie de la communication
s’est focalisée sur une des réglementations importantes du GMP visant à améliorer la
standardisation des médicaments qui concerne la matière première, et plus précisément la
disponibilité des plantes à long terme. S’appuyant sur les méthodes d’acquisition de la matière
première utilisée par deux importantes manufactures TAMPCOL et IMPCOMPS financièrement
supportées par le gouvernement du Tamil Nadu, Lalitha souligne l’absence d’une politique
ferme en matière des espèces botaniques utilisées en pharmacologie qui permettrait de
préserver certaines plantes en voie d’extinction et d’assurer le marché en produits d’une qualité
constante. Il existe certes quelques initiatives émanant aussi bien du gouvernement que d’ONG
ou de fabricants pharmaceutiques pour cultiver des espèces les plus usitées en pharmacie ou
les plus demandées sur le marché local et international, mais celles-ci restent trop faibles et ne
concernent que quelques espèces. La dernière communication A clash of practices: Siddha
medicine exportation and foreign laws on drug quality présentée par Brigitte Sébastia
(IFP/EHESS Toulouse), pour sa part, s’est intéressée à l’exportation de la médecine siddha en
dépit de deux obstacles qu’elle doit affronter : la compétition de l’ayurveda dont le circuit
commercial est mieux organisé et un materia medica qui priviligie les métaux pour ses
propriétés thérapeutiques. Le second point est particulièrement important car ces dernières
années, les médicaments ayurvédique font régulièrement l’objet d’alertes sanitaires de la part
des pays occidentaux pour leur teneur élevée en métaux lourds (mercure, plomb, arsenic,
cadmium). Les dénonciations sur la mauvaise qualité des médecines ont forcé le gouvernement
indien à durcir sa politique en faveur des lois du GMP et à amender le texte pour une meilleure
transparence de l’étiquetage des produits. Néanmoins, les manufactures siddha possédant le
certificat GMP qui leur permet de commercialiser leurs produits à grande échelle et d’exporter
sont très rares du fait des lourdes dépenses suscitées pour appliquer la réglementation. Malgré
toutes ces difficultés, les médicaments siddha parviennent à passer les frontières et sont
exportés dans certains pays asiatiques et arabes où résident une large communauté tamoule.
Les sites commerciaux informatiques constituent un outil non négligeable pour faire connaître
ces produits à l’extérieur et il est remarquable que les formulations des médicaments offerts à la
vente comportent rarement des métaux. Ces précautions à l’égard de l’intoxication sont
également bien observées par les praticiens qui reçoivent une clientèle étrangère constituée
soit de Tamouls établis à l’étranger qui profitent d’un retour au pays, soit d’étrangers qui se
tournent vers cette médecine pour soigner une maladie rebelle aux autres traitements. Bien qu’il
soit difficile de l’apprécier, cette forme indirecte d’exportation des médicaments dénommée
‘suitcase export’ est importante et en pleine expansion du fait de l’augmentation du tourisme
médical, de l’attraction pour les médecines traditionnelles et de la promotion des praticiens
siddha à travers les media indiens diffusés à l’étranger. Enfin, un autre moyen permettant
d’exporter les médicaments siddha et de faire connaître cette médecine hors du Tamil Nadu est

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celui des ashrams fondés ou développés par des praticiens siddha. Leur nombre n’est pas très
important mais leur rôle n’est certes pas négligeable si on considère les moyens financiers et la
rapidité d’expansion de certains d’entre eux.

En réunissant des intervenants issus de diverses disciplines des sciences sociales et exactes et
du monde médical, ce séminaire a permis à chacun de compléter ses connaissances sur la
médecine siddha et d’alimenter le débat de très nombreux échanges d’idées et d’informations.
Le sujet qui s’est particulièrement illustré au cours de ces deux journées concerne le materia
medica et ce thème a été proposé pour une future rencontre autour de la médecine siddha qui
inviterait à élargir la recherche à travers une confrontation aux autres médecines traditionnelles,
indiennes, chinoises, arabes, etc.

Un appel à publication d’un ouvrage collectif recueillant des articles sur les différents thèmes
abordés au cours de ce séminaire a été lancé. Il permettra d’intégrer les travaux de quelques
chercheurs qui n’ont pu être présents au séminaire.

Brigitte Sebastia, IFP.

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