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CHAPITRE 2 : Pouvoirs de sanctions des régulateurs comparés

Afin de pouvoir réprimer les actes frauduleux, à savoir les opérations d’initié, les
manipulations des cours et les informations fausses et trompeuses, il faut que le régulateur
possède deux éléments clés et indissociables qui lui permettrons de réprimer.

Tout d’abord, il doit se doter des moyens nécessaires afin de pouvoir débusquer les délits.
Parce que sans débusquassions, il n’y aura pas de fait à réprimer. En suite, en supposant que
le régulateur a les moyens nécessaires qui lui permettront de débusquer les délits, sans
pouvoirs d’enquête et de sanction, celui-ci ne pourra pas sanctionner.

D’où l’importance de mettre l’accent d’une part sur le pouvoir de sanction de la SEC, la FCA
et l’AMF et d’autre part sur leurs pouvoirs de sanction. Pour ce faire, on traitera dans une
première section les pouvoirs d’enquêtes des régulateurs financiers aux Etats-Unis, en
Grande-Bretagne et en France et dans une deuxième section les pouvoirs de sanction de ces
derniers.

 Section 1 : Prérequis aux pouvoirs de sanction : Pouvoirs d’enquête comparés

Les travaux de surveillance des marchés menés par la SEC, la FCA et l’AMF sont à l’origine
de la quasi-totalité des enquêtes d’abus de marché. Une fois l’enquête ouverte, commence la
phase de collecte de l’information. A ce stade, le pouvoir d’enquête des régulateurs financiers
diffère.

Aux Etats-Unis, le Congrès a délégué à la SEC le pouvoir de mener des enquêtes, lorsqu'elle
juge nécessaire de déterminer si une personne a violé, viole ou est sur le point de violer les
lois sur les valeurs mobilières. La Commission a le pouvoir de déterminer la portée de ses
enquêtes et les personnes et entités faisant l'objet d'une enquête. Les décisions de la
Commission visant à mener une enquête ne font pas l'objet d'un contrôle judiciaire1.

Les enquêtes sur les éventuelles violations des lois sont réalisées par la Division de
l’Exécution (Division of Enforcement) 2 . Les faits sont développés dans toute la mesure
possible grâce à une enquête informelle, à l'interrogatoire des témoins, à l'épanouissement des

1
Sec Insider’s Guide, « A Guide to the SEC’s Investigative and Enforcement Process », P.8.
2
La Division de l'Exécution recommande à la Commission d'entreprendre des enquêtes sur les violations des lois
sur les valeurs mobilières et d'intenter des actions civiles en justice fédérale ou devant une loi administrative et
elle poursuit ces affaires au nom de la Commission. De plus, la Division de l'Exécution travaille en étroite
collaboration avec les organismes chargés de l'application des lois dans les États-Unis et dans le monde entier
pour intenter des poursuites pénales, le cas échéant.
dossiers de courtage, à l'examen des données de transaction et à d'autres méthodes. Dans le
cadre d'une enquête formelle, la Division de l'Exécution (Division of Enforcement) bénéficie
de pouvoirs étendus. Elle peut obliger le témoin à assigner pour témoigner et produire des
informations, des dossiers et d'autres documents pertinents 3 qui ne peuvent pas être
communiqué volontairement en raison de leurs confidentialités4.

Le pouvoir d’assignation (Power of Subpoena) de la Division de l'Exécution est un outil


puissant pour enquêter les opérations en valeurs mobilières et est utilisé dans presque toutes
les enquêtes formelles de la SEC5. Les tribunaux américains imposent des sanctions sévères
en cas de non-respect d'une assignation, ce qui peut inclure l'emprisonnement de la personne
non conforme. En revanche, bien que l’AMF n'ait pas de pouvoir d’assignation comparable,
elle peut faire respecter ses ordres par des mesures coercitives, par exemple en prenant les
mesures nécessaires elle-même ou par une application directe, par exemple avec l'aide des
tribunaux6.

Le pouvoir des enquêteurs de l’AMF7 est cependant renforcé par la Loi de séparation et de
régulation des activités bancaires du 26 juillet 2013 qui leur permet d’avoir accès aux données
des opérateurs téléphoniques et d’obtenir tous les documents qu’ils demandent aux personnes
et sociétés concernées, sous peine de délit d’entrave.

Alternativement, la FCA a des pouvoirs d'enquête en vertu de la Loi de 2000 sur les Services
Financiers et Marchés (Financial Services and Markets Act –FSMA-) et, depuis le 1er avril
2015, la Loi sur les Entreprises de 2002 (Enterprise Act). La FCA peut nommer des
enquêteurs et, ce faisant, avoir accès aux pouvoirs énoncés aux articles 171 et 172 de la
FSMA. Grâce à ces dispositions, une fois que la FCA a des motifs raisonnables de soupçonner
une infraction, elle peut utiliser divers pouvoirs de collecte d'informations8.

3
Les documents demandés peuvent inclure des «courriels, des dossiers de voyage, des rapports de dépenses et
d'autres documents». Même si ces documents contiennent des informations personnelles, ils doivent être
communiqués à la SEC.
4
Sec Insider’s Guide, « A Guide to the SEC’s Investigative and Enforcement Process », P.7.
5
Abraham TABAIE ; « Protecting Privacy Expectations and Personal Documents in SEC Investigations ».
6
Dans une enquête sur des violations potentielles, une amende coercitive est régulièrement examinée. Si
l'amende coercitive n'est pas payée, l’AMF peut demander au tribunal compétent d'ordonner l'emprisonnement
sous certaines conditions. Si une personne ne se conforme pas à une ordonnance exécutoire de l’AMF pour
produire des documents ou comparaître à une audience, l’autorité peut, en outre, imposer une amende
administrative.
7
L’AMF exerce un pouvoir d’enquête en vertu de l’article L. 621-9 I, du Code monétaire et financier.
8
Article 165 de la FSMA.
Elle peut émettre des demandes d'informations et documents écrits, effectuer des entretiens
obligatoires avec un individu lié à une entreprise faisant l'objet d'une enquête, entrer dans les
locaux commerciaux et domestiques, exiger la production des documents et prendre des
copies de documents. Une telle inscription peut être avec ou sans mandat (un mandat sera
requis pour entrer dans les locaux domestiques). Si la FCA a obtenu un mandat, elle peut
chercher et saisir des documents9.

En examinant si la description des documents est suffisamment claire, les règles strictes
concernant la rédaction d'une assignation ne s'appliquent pas. La description sera acceptable à
condition que le destinataire puisse identifier les documents qu'il doit produire. Notons que la
FCA a les mêmes pouvoirs de collecte d'informations et d'accès que la FSA10.

Néanmoins, il existe des limites aux pouvoirs d'investigation de la FCA. Par exemple, elle ne
peut exiger la production ou la divulgation de communications juridiquement privilégiées et
ne peut pas obliger une entreprise à fournir des réponses qui nécessiteraient l'admission
d'avoir enfreint la loi 11 . En revanche, en vertu de la FSMA, la FCA n'est pas empêchée
d'obliger les sujets d'entrevues à fournir réponses qui peuvent les incriminer 12 (même si
l'article 174 de la FSMA l'empêche d'utiliser les déclarations d'abus de marché et procédures
pénales contre le créateur sauf dans certaines circonstances limitées).

En d’autres termes, en Grande-Bretagne, le suspect n’a pas le droit de garder le silence pour
sa défense. Toute personne devant être interrogée conformément aux pouvoirs statutaires de la
FCA est formellement obligée d'assister et de répondre aux questions. Le fait de ne pas le
faire est traité comme un outrage au tribunal et présente donc un risque d'emprisonnement.
Alternativement, aux Etats-Unis, la SEC a les mêmes pouvoirs. Le Vème amendement qui
permet de garder le silence, ne s’applique pas avec la SEC.

En France, les personnes interrogées peuvent toutefois opposer aux enquêteurs de l’AMF les
secrets protégés dans le cadre d’une procédure pénale classique ainsi que le droit à ne pas
s’auto-incriminer (droit au silence) 13 . Par ailleurs, ce droit n’est pas toujours connu des
9
« The FCA's new competition enforcement powers » ; Clifford Chance.
10
« The Financial Conduct Authority An overview » ; Allen & Overy.
11
« The FCA's new competition enforcement powers » ; Clifford Chance.
12
Elly Proudlock, David Rundle ; « FCA Powers Used at the Request of Overseas Regulators: A practical
summary ».
13
La reconnaissance par la Cour européenne des droits de l’Homme du droit au silence, conduit à l’appliquer
aux procédures de l’AMF en raison de leur caractère répressif et des suites pénales qu’elles peuvent comporter.
L’AMF respecte ce droit dans le cadre des auditions.
personnes sollicitées dans le cadre d’une enquête et il n’est pas évoqué dans la charte de
l’enquête qui leur est remise.

Si une procédure pénale est ouverte en vertu du droit du marché des capitaux, les pouvoirs
d'enquête des autorités de poursuite pénale, qui sont également de grande envergure, entrent
en jeu. Bien que la SEC n’ait qu’autorité sur le volet civil, elle travaille en étroite relation
avec les organismes pouvant agir sur le plan pénal. Aux États-Unis, la poursuite des crimes
financiers et les enquêtes sont menées simultanément par le DOJ (Department Of Justice) et la
SEC14.

Le traitement par la SEC des procédures civiles ressemble de plus en plus au traitement par le
DOJ des affaires criminelles. Plus précisément, au cours de la phase d'enquête, jusqu'à son
achèvement, les procédures civiles de la SEC comportent maintenant des outils et des
techniques plus traditionnellement associés aux procédures pénales15. En 2011, la Division de
l'Exécution a obtenu l'approbation, pour la première fois, pour obtenir les écoutes
téléphoniques du DOJ16.

Parallèlement en France, les auteurs d’un délit boursier s’exposent à des poursuites pénales et
de l’Autorité des marchés financiers (AMF) mais le pouvoir d’enquête de cette dernière est
moins étendu. L’AMF a un pouvoir d’enquête mais pas de pouvoir coercitif17. Néanmoins,
l’enquêteur pénal n’a quasiment aucune limite dans le cadre du Code de procédure pénale, y
compris l’audition et la garde à vue.

En effet, l’excroissance judiciaire que représente la sollicitation du juge dans une procédure
administrative est nécessaire pour donner à l’AMF les moyens de documenter avec un
maximum d’efficacité. L’AMF peut demander en justice l’autorisation d’effectuer des visites
domiciliaires ou des saisies18 et peut accéder aux locaux à usage professionnel19.

14
« Patterns In Parallel Proceedings: SEC Actions, DOJ Tools ».
15
« Patterns In Parallel Proceedings: SEC Actions, DOJ Tools ».
16
Durant l'affaire du hedge funds Galleon, le juge fédéral a ordonné à l’initié Raj RAJARATNAM-fondateur de
Galleon- de transmettre les écoutes téléphoniques qu’il avait reçues du DOJ.
17
L’AMF dispose de la compétence technique, mais non pas des puissants moyens de coercition dévolus à la
seconde comme les interpellations, les écoutes téléphoniques, la sonorisation, la garde à vue, etc. Ils sont rapides,
discrets et surprennent les suspects.
18
Lorsque l’enquête porte sur les principaux délits boursiers, l’article L. 621-12 du Code monétaire et financier
autorise le secrétaire général de l’AMF à demander au juge des libertés et de la détention (JLD) du tribunal de
grande instance où sont situés les locaux à visiter, d’autoriser par ordonnance les enquêteurs de l’AMF à
effectuer des visites en tous lieux ainsi qu’à procéder à la saisie de documents.
Le pouvoir de demander des visites domiciliaires appartenait auparavant à la COB. En effet,
celle-ci disposait depuis la loi du 2 août 1989, d’un pouvoir de perquisition et de saisie20,
soumis à une autorisation judiciaire préalable.

Dans le cadre de leurs visites dans des locaux à usage professionnel, les enquêteurs de l’AMF
procèdent parfois, avec le consentement des personnes concernées, à des auditions
officieuses. Ces auditions ne sont pas interdites. Toutefois, elles sont soumises à des
conditions strictes.

Autre point qu’il convient de souligner, l’AMF et le parquet national financier (PNF) n’ont
échangent de façon soutenue sur les sujets communs, y compris au stade de l’enquête, dans le
cadre légal existant. L’AMF opère un signalement de droit commun dès lors que, dans le
cadre de ses investigations, elle est amenée à suspecter la commission d’une infraction
pénale21.

S’agissant plus précisément des abus de marché, l’AMF signale également au pénal toute
situation, identifiée en cours d’enquête, susceptible d’être frappée par la prescription afin que
des éventuelles suites pénales puissent être apportées22.

De la même façon, si, en cours d’enquête AMF, des faits de délit d’initié commis en bande
organisée, par exemple, sont identifiés, le pénal et l’administratif dialogueront très en amont.
L’autorité judiciaire mènera les opérations intrusives avec un champ plus large et une
coloration coercitive plus prononcée que l’AMF. Clairement, cela doit intervenir lorsque les
moyens pénaux et la réponse pénale sont plus adaptés.

L’AMF est donc amenée à alimenter le pénal au moyen de toute une série de flux
d’information. Depuis 2014, l’échange d’information s’opère également du pénal vers l’AMF
au stade de l’enquête. La réciprocité est donc devenue totale et permet d’exploiter une
information croisée, documentée et utile.

Pour éviter les doublons et se coordonner au mieux, les services s’informent réciproquement
des mesures et actes d’enquête qu’ils souhaitent mener et qu’ils ont effectués sur les dossiers

19
L’exercice de ce pouvoir par l’AMF est néanmoins conçu de manière restrictive. Outre un champ
d’application limité à certaines infractions, l’opération doit s’effectuer en présence d’un officier de police
judiciaire et sous le contrôle du juge qui l’a autorisée.
20
Code monétaire et financier, art. L. 621-12.
21
Code de Procédure Pénale, art 40.
22
« Une nouvelle enquête sur les délits et les manquements boursiers », Bulletin Joly Bourse.
d’intérêt commun. Il n’y a alors pas de redondance ou de confusion entre les pouvoirs
judiciaire et administratif. Bien au contraire, il y’a une complémentarité et une juste
proportionnalité dans la mise en œuvre de ces prérogatives administratives23.

Par ailleurs, toute opération qui a une incidence sur le commerce interétatique est susceptible
d’être surveillée. Cela concerne toute opération initiée ou conclue aux Etats-Unis, en Grande-
Bretagne et en France, ou qui est exécutée ou produit des effets dans ces pays24.

Dans le cas des sociétés ou entités dont le siège social n’est pas situé en France mais qui font
appel public à l’épargne sur le territoire français, celles-ci désignent suite à la loi LSF de
2003, un correspondant établi en France habilité par elles à lui transmettre tous documents
répondant à toute demande d’information formulée par l’Autorité. De plus, l’AMF peut
obtenir l’assistance d’homologues étrangers 25 . Elle peut aussi demander l’assistance d’une
autorité étrangère hors de tout accord de coopération.

En ce qui concerne le repérage de possibles abus de marché, ce sont évidemment les services
d’enquête des régulateurs qui sont les véritables moteurs. D’où l’importance, d’une part, de la
qualité de leurs automates et, d’autre part, du caractère coercitif de leurs moyens
d’investigation.

Les régulateurs financiers en France, en Grande Bretagne et aux Etats-Unis disposent du


pouvoir d’enquête en vue de vérifier si des irrégularités ou infractions ont été commises. Mais
des différences sont mises en évidence dans les situations où il faut utiliser ces informations et
procéder à une sanction.
 Section 2 : Comparaison du pouvoir de sanction des régulateurs

Les marchés financiers ne peuvent pas fonctionner efficacement sans confiance. Parmi les
différents éléments qui participent à cette confiance, l’un d’entre eux concerne la capacité à

23
Selon la loi du 21 Juin 2016, Côté AMF, avant de notifier des griefs, l’AMF, qui aura par définition, à ce
stade, finalisé son enquête, sollicite le procureur de la République financier (PRF), pour savoir s’il renonce à
mettre en mouvement l’action publique contre les personnes susceptibles d’être mises en cause et pour les faits
exposés. Côté pénal, le principe défini par loi est la mise en mouvement de l’action publique : avant toute mise
en mouvement de l’action publique, le PRF informe l’AMF de son intention.
24
Deux principes permettent de justifier une telle position : la territorialité subjective relative aux actes
incriminés ayant eu lieu dans un Etat américain, anglais ou français alors que l’opération a été réalisée à
l’étranger, et la territorialité objective qui se concentre sur les effets des actes accomplis à l’étranger ayant un
impact aux Etats-Unis, en Grande-Bretagne ou en France.
25
Cette assistance doit être fournie au titre des directives européennes, mais aussi au titre d’accords de
coopération bilatéraux, ou au titre du Multilateral Memorandum of Understanding (MMoU) de l’Organisation
internationale des commissions de valeurs mobilières (OICV).
sanctionner efficacement et rapidement, non seulement les manquements commis par les
acteurs de marché dans l’observation des règles professionnelles qui leur sont applicables,
mais aussi les atteintes portées par quiconque au bon fonctionnement des marchés au travers
des abus de marché.

Il est absolument nécessaire qu’une autorité de régulation soit dotée d’un pouvoir de sanction,
sans lequel son pouvoir général serait sans consistance, car il y a un continuum entre ses
pouvoirs ex ante (agrément, contrôle, etc.) et ses pouvoirs ex post (sanction, composition
administrative, etc.). A ce stade, le pouvoir d’enquête des régulateurs financiers diffère.

Aux Etats-Unis, la SEC dispose d’un pouvoir de sanction original. Rappelons brièvement la
procédure. Tout d’abord, il revient à sa Division de l’Exécution (Division of Enforcement) de
se renseigner lorsqu’une possible violation de la réglementation financière est signalée par ses
propres membres qui surveillent les activités de marchés, par des dénonciations et plaintes des
investisseurs, ou par les entreprises de marché, etc.

Puis, à la demande de la Division de l’Exécution, le Conseil des commissaires 26 décide s’il


faut ouvrir officiellement une enquête. À la fin de cette phase, la Division de l’Exécution
présente les résultats de ses investigations au Conseil des commissaires. Celui-ci a la
possibilité – originalité du système américain – soit d’introduire une action civile devant les
cours fédérales (civil action), soit de lancer, en interne, une procédure de sanction
administrative (administrative action)27.

Cependant, la SEC peut agir devant les tribunaux fédéraux de première instance (US district
Court) dans le cadre d’une procédure civile afin que des sanctions soient prises. La SEC peut
solliciter des injonctions28 qui sont très souvent utilisées. Cette sanction traditionnelle est
relativement légère mais toute violation ultérieure des dispositions concernées est sanctionnée
pénalement. La SEC peut aussi solliciter le gel temporaire des avoirs (freeze of assets) d’une
personne dont elle craint un transfert hors des Etats-Unis.

26
La SEC compte cinq commissaires nommés par le président des États-Unis. Le conseil des commissaires de la
SEC, l'équivalent du collège de l'AMF, est toutefois l'instance d'appel des décisions des Administrative Law
Judge (ALJ).
27
Le conseil des commissaires se décide du choix de la procédure de sanction selon des critères variés. Quand le
manquement le justifie, la Commission engage, le plus souvent, deux actions. Dans nombre de cas, la
Commission et le mis en cause transigeront.
28
En cas de violation du Securities Act de 1933 et de l’Exchange Act de 1934, la SEC peut agir en justice pour
obtenir des injonctions.
La SEC peut demander en plus à un tribunal fédéral, le déboursement des profits réalisés
(disgorgement)29. Le déboursement n'est pas une sanction ni même une réparation mais vise
simplement à priver l'auteur de l'acte du profit réalisé. La SEC peut néanmoins l'affecter à
l'indemnisation des investisseurs ou au Trésor.

Depuis plusieurs réformes intervenues dans les années 1980 et 1990, la SEC peut également
demander des sanctions pécuniaires civiles (civil monetary penalties) devant un tribunal
fédéral, en cas de violation des lois30. Elle a le droit de demander, en cas de délit d'initié, des
sanctions pécuniaires civiles de trois fois les profits réalisés ou de la perte évitée31.

Dans les autres cas32, la loi distingue selon qu'il s'agit d'une personne physique ou morale et
établit une échelle de trois niveaux selon que les faits impliquent une fraude ou non et qu'ils
ont causé ou non des risques ou des pertes aux investisseurs ou ont permis à leur auteur de
réaliser un bénéfice important33.

En cas de profit réalisé, le tribunal peut fixer la sanction au montant du profit réalisé 34. Par
ailleurs, la SEC peut affecter le produit des sanctions pécuniaires à l'indemnisation des
investisseurs dès lors que la personne concernée a également été soumise à un
déboursement35. Cette primauté accordée à la réparation constitue une nouveauté.

La SEC dispose également d’un pouvoir de sanction direct. En effet, la procédure


administrative diffère de la procédure devant les juridictions fédérales. Cependant, la SEC se
doit de respecter les principes garantissant un procès équitable36 (Due process clause).

29
La SEC a obtenu pour la première fois une mesure de disgorgement, en 1968, à l'occasion de la première
grande affaire de délit d'initié soumise aux tribunaux fédéraux.
30
C’est seulement à partir de l’Insider Trading Sanctions Act de 1984 que la SEC a été autorisée à demander aux
tribunaux des sanctions financières (civil monetary penalties) à l’encontre de l’auteur d’un délit d’initié.
31
L’Insider Trading and Securities Fraud Enforcement Act de 1988 permet à la SEC d’engager également la
responsabilité de l’auteur du délit et de lui demander une sanction d’un montant d’un million de dollars et même
au-delà jusqu’à trois fois le gain réalisé ou la perte évitée (Section 21 A (a) (2) du Securities Exchange Act).
32
La Securities Law Enforcement Remedies and Penny Stock Reform Act de 1990 habilite la SEC à demander
aux tribunaux fédéraux de prendre des sanctions pécuniaires (civil fines) contre toute personne ayant violé toute
disposition du Securities Act ou de l’Exchance Act et des règlements que la SEC a adoptés (Section 21 (a) (3) du
Securities Exchange Act).
33
Section 21 (a) (3) B. i, ii, iii of the Securities Exchange Act. Pour une personne physique, la sanction
maximale encourue est de 5 000 dollars en l’absence de fraude, 50 000 dollars en cas de fraude et 100 000
dollars si, en plus de la fraude, une perte ou un risque substantiel a été causé à autrui. Pour une personne morale,
la sanction maximale encourue est de 50 000 dollars en l’absence de fraude, 250 000 dollars en cas de fraude et
500 000 dollars si, en plus de la fraude, une perte ou un risque substantiel a été causé à autrui.
34
Section 21 (d) (3) du Securities Exchange Act.
35
Article 308 de la loi Sarbanes-Oxley de 2002.
36
À la fin de la phase d’enquête, avant que le Conseil des commissaires ne prenne la décision de poursuivre ou
non, les personnes suspectées par la SEC ont la possibilité de présenter leur défense par écrit (Wells
Il revient au juge interne à la SEC, appelé « juge administratif » (Administrative Law Judge –
ALJ-)37, de prendre l’éventuelle décision de sanction38. Cette séparation interne des pouvoirs
se veut une garantie supplémentaire des droits de la défense.

Notons que la procédure administrative devant la SEC présente plusieurs avantages. Tout
d’abord, les juges administratifs sont des experts du droit financier et connaissent mieux cette
matière que les juges fédéraux. La procédure administrative est plus rapide. Elle permet
d’alléger les rôles des tribunaux fédéraux pour le bien des justiciables. Par son effet dissuasif,
elle incite le mis en cause à transiger.

Malgré ces pouvoirs de sanction considérables, la SEC a recours, dans la presque totalité des
affaires 39 qu'elle traite à une transaction (settlement) 40 . Celle-ci présente l’avantage
d’épargner les frais d’un long procès 41 et, pour le mis en cause, de limiter la mauvaise
publicité qui l’accompagne42.

Le recours quasi-systématique à la transaction, confère à la SEC un pouvoir de fait en matière


de sanction pécuniaire civile. En effet, la transaction est acceptée par le conseil de la SEC, qui
détermine ainsi, à la place d'un juge fédéral, le montant de la sanction. Dans ce système, le
juge, qui n'exerce qu'un contrôle limité, est en réalité dépossédé au profit de la SEC de son
pouvoir de sanction.

Submission). La Division of Enforcement les informe de cette possibilité en leur indiquant les faits reprochés et
l’analyse retenue.
37
Les Administrative Law Judge existent dans de nombreuses agences et administrations fédérales. Ils se
distinguent des juges fédéraux par le fait que leur existence n'est pas prévue par la Constitution et résulte
simplement de la loi de procédure administrative (Administrative Procedure Act) de 1946.
38
Le juge administratif rend sa décision (initial decision) qui inclut le rappel des faits, de la règle de droit, ainsi
que la solution et la sanction qu’il préconise. Le Conseil des commissaires statue en deuxième instance soit sur
auto-saisine, soit sur appel du mis en cause. Le Conseil peut alors modifier, en tout ou en partie, la décision
initiale y compris la sanction imposée. Il peut aussi demander le renvoi de l’affaire devant la Division of
Enforcement afin d’obtenir des mesures d’investigation supplémentaires.
39
Le pourcentage d'affaires où au moins l'une des parties poursuivie accepterait une transaction serait ainsi de
l'ordre de 90 % et la pratique de la transaction semble plus élevée en matière de poursuites disciplinaires que
judiciaires.
40
Cette pratique est ancienne. Elle s'est développée à une époque où la SEC ne disposait que d'un pouvoir limité
au « disgorgement ». Elle a alors constitué pour la SEC un moyen de renforcer sa capacité de sanction en
obligeant les personnes mises en cause à adopter volontairement des mesures contraignantes. La Division de
l’Enforcement utilise trois critères pour se décider à transiger : la force des éléments de preuve et des moyens de
défense, le délai pour restituer les fonds aux investisseurs lésés, les ressources exigées pour le procès.
41
L'immédiateté des sanctions envoie un message fort de dissuasion. L'action rapide de l'application de la loi
communique à d'autres auteurs répréhensibles potentiels que ceux qui violent la loi sont confrontés à des
sanctions rapides et certaines. À l'inverse, plus le temps entre l’acte frauduleux et les sanctions est long, plus le
message dissuasif est dilué.
42
R. Khuzami, Testimony on « Examining the Settlement Practices of U.S. Financial Regulators », May 17,
2012.
Dans le cadre d’une transaction, le mis en cause accepte la transaction « sans confirmer ni
contester les faits » qui lui sont reprochés (neither admit nor deny). Toutefois, la tendance
actuelle est de limiter le champ d’application des transactions ne confirmant ni contestant les
faits. La SEC exige même que le mis en cause reconnaisse son inconduite lorsque
l’acceptation de sa responsabilité va dans le sens de l’intérêt public43.

Aux Etats-Unis, ce sont les procureurs fédéraux (United States Attorneys) qui sont chargés
des poursuites pénales devant les tribunaux fédéraux44. La SEC ne s’est pas vu reconnaître de
pouvoir en la matière. La Commission peut transmettre au Département de la Justice
(Department of Justice – DOJ-), des éléments de preuves susceptibles d’avoir une coloration
pénale 45 . Ces dernières années la collaboration s’est renforcée entre la Commission et le
Département de la Justice46.

Enfin, on peut se demander dans quelle mesure il est possible de cumuler les sanctions
administratives et pénales (règle non bis in idem). Rappelons que la Double Jeopardy
Clause qui figure dans le 5e amendement de la Constitution prévoit que personne ne peut être
puni deux fois pour la même infraction.

En Grande-Bretagne, la FCA est titulaire de pouvoirs législatifs (par délégation du Parlement)


et réglementaires. Elle a quatre objectifs : contrôler les marchés financiers, maintenir la
confiance dans le système financier britannique, combattre le blanchiment d'argent et traquer
les tentatives de manipulations des marchés et les délits financiers.

La FCA peut suspendre ou retirer un agrément à des personnes physiques ou morales,


connaître des infractions au marché, même non intentionnelles, réprimer la publicité
mensongère. Pour remplir ses missions, elle contrôle et sanctionne. Elle inflige et applique
des sanctions disciplinaires et pécuniaires aussi bien aux sociétés qu'aux dirigeants, apprécie
la gravité des infractions, et, le cas échéant, décide de poursuivre les personnes devant les
tribunaux.

43
SEC, For immediate Release 2013-264, Dec. 17, 2013.
44
Est passible de sanction pénale la violation intentionnelle (willfully) non seulement du Securities Act et de
l’Exchange Act, mais aussi des règles, régulations et instructions adoptées par la SEC (section 24 du Securities
Act et section 32 (a) de l’Exchange Act).
45
Section 21 (d) de l’Exchange Act.
46
A Resource Guide to the US Foreign Corrupt Practices Act, By the Criminal Division of the U.S. Department
of Justice and the Enforcement Division of the U.S. Securities and Exchange Commission, Nov. 14, 2012.
La FCA a le pouvoir d'imposer des sanctions pour abus de marché de la même manière que la
FSA47. Elle a notamment le pouvoir d’engager des poursuites pénales pour les opérations
d'initiés et la manipulation du marché48.

Les articles 123A à 123C de la Financial Services and Markets Act 2000 (FSMA) habilitent la
FCA à imposer des sanctions en cas d'abus de marché49. L'abus de marché dans ce contexte
est une violation des articles 14 ou 15 du Règlement sur les abus de marché, qui interdisent
ensemble les opérations d'initiés, la divulgation illégale d'informations privilégiées et la
manipulation du marché.

La peine maximale pour les personnes reconnues coupables d'un délit d'initié ou l'une des
infractions de manipulation du marché est une peine d'emprisonnement de sept ans et / ou une
amende illimitée50. Une société reconnue coupable de manipulation du marché est passible
d'une amende illimitée. Il n'y a pas de lignes directrices publiées sur la détermination de la
peine pour les infractions liées à l'abus de marché.

S’agissant de la question du non bis in idem dans le système britannique, il faut reconnaître
que l’articulation entre l’administratif et le pénal est bien meilleur. Leur système pénal est très
différent. Il n’y a pas de juge d’instruction et c’est la FCA qui joue le rôle d’autorité de
poursuite au pénal à l’aide des preuves qu’elle a recueillies au cours de son enquête. Le
système pénal est très répressif et rapide, malgré un niveau de preuve élevé, et peut être
précédé d’une transaction. En pratique, il n’y a pas de cumul. Les Britanniques ne sont donc
pas confrontés aux mêmes difficultés que les français51.

Dans le contexte français, l'AMF exerce un pouvoir de sanction disciplinaire et


administratif52. Le pouvoir de sanction administrative de l’AMF a été hérité de la COB qui
l’avait reçu en 1989, sans l’avoir d’ailleurs demandé, à la suite de l’affaire Péchiney-
Triangle53.

47
« The Financial Conduct Authority An overview » ; Allen & Overy.
48
Idem.
49
Christopher David, Elly Proudlock, Alison Geary, Lloyd Firth and Michael Roach, WilmerHale; « Financial
crime in the UK (England and Wales): overview ».
50
Idem.
51
Audition sur les pouvoirs de sanction des régulateurs financiers ; Compte-rendu de la Commission des finances
du 28 janvier 2015 sur les pouvoirs de sanction des régulateurs financiers.
52
Art. L. 621-15 du Code monétaire et financier.
53
Le Conseil constitutionnel avait jugé qu’un pouvoir de sanction pouvait être confié à une autorité
administrative indépendante « dès lors, d’une part, que la sanction susceptible d’être infligée est exclusive de
toute privation de liberté, et, d’autre part, que l’exercice des pouvoirs de sanction est assorti par la loi de mesures
destinées à sauvegarder les droits et libertés constitutionnellement garantis ».
La Commission des sanctions54 statue sur les griefs qui lui sont transmis par le Collège de
l’AMF et dispose d’une totale autonomie de décision. Elle peut prononcer des interdictions
professionnelles55 et des sanctions pécuniaires56.

L'AMF a un rôle de plus en plus important dans la répression des abus de marché. Certes, elle
ne dispose pas du pouvoir d'emprisonner les personnes qui mettent en danger la santé des
marchés financiers. Mais, son action, de part les conséquences financières et professionnelles
qu'elle implique, se révèle très efficace. C'est pourquoi l'AMF joue un rôle clé dans la
répression de ces pratiques. Elle n'hésite pas, d'ailleurs, à utiliser ses prérogatives pour exercer
sa mission. Preuve en sont les sanctions très lourdes qu'elle n'hésite pas à infliger dans
certains cas57.

Notons que le pouvoir de sanction du régulateur de marché a été encadré et renforcé au fil du
temps et de la pratique à la suite des décisions des juridictions nationales et européennes et
des dispositions législatives nouvelles.

Le renforcement de pouvoirs de l’AMF en matière de sanction des acteurs du marché


financier, a été conforté par la loi de Régulation Bancaire et Financière de 2010 (RBF). Une
des innovations majeures de la loi de 2010 consiste en la possibilité accordée au Collège de
l’AMF de proposer une transaction 58 aux personnes poursuivies, afin de régler plus
rapidement et plus simplement les « petites » affaires59.

54
Le champ d’intervention de la Commission des sanctions est déterminé par la combinaison des articles L621-
14-I et L621-15-II et du Code monétaire et financier. La Commission peut prononcer une sanction à l’encontre
de toute personne qui, sur le territoire français ou à l’étranger, s’est livrée à tout manquement de nature à porter
atteinte à la protection des investisseurs et au bon fonctionnement du marché. Notons que les procédures devant
la commission des sanctions sont rapides, entre 9 et 18 mois (après une enquête qui dure en moyenne 1 an).
55
Les sanctions professionnelles sont classiques : avertissement, blâme, interdiction à titre temporaire ou
définitif de l’exercice de tout ou partie des services fournis, etc.
56
A titre d’exemple, le délit d’initié est passible d’une amende de 1,5 millions d’euros ou de 10 fois le profit
réalisé. La seule communication d’une information privilégiée est passible de 150 000 euros d’amende.
57
Elle a par exemple requis 20 millions d'euros d'amende à l'encontre d'un ancien responsable de salle des
marchés du Crédit du Liban accusé de manquement d'initié dans le cadre de l'offre publique d'achat de Geodis
par SNCF Participations. Il s'agit là d'un record historique pour une sanction contre un individu. La sanction
s'élèvera finalement à14 millions d'euros, ce qui reste une première dans le domaine.
58
Selon Michel Prada, président de l'Autorité des marchés financiers de 2003 à 2008, une telle réforme
permettrait, à la France de s'aligner sur les montants des amendes prononcés aux États-Unis ou en Grande-
Bretagne.
59
La possibilité d’une transaction reste circonscrite au contentieux disciplinaire et ne s’applique pas en cas de
manquement d’initié, de manipulation de cours et/ou de fausse information financière.
Néanmoins, le recours à des moyens alternatifs à la sanction a été récemment renforcé 60. Le
législateur, convaincu de l’intérêt de la procédure de composition administrative (transparence
et rôle pédagogique)61, a en effet souhaité l’étendre à l’ensemble des manquements aux règles
que l’AMF est susceptible de sanctionner, y compris les abus de marché.

La procédure de « composition administrative » désormais mise en place permet ainsi au


Président du Collège de l’AMF, d’adresser une proposition d’entrée en voie de composition
administrative à la personne concernée, en même temps qu’il lui notifie les griefs. L’accord
« transactionnel » sera soumis au Collège puis, s’il est validé, à la Commission des sanctions,
qui pourra décider de l’homologuer. Cette décision est susceptible des mêmes recours que
ceux prévus à l’encontre des décisions de sanction de l’AMF.

Une autre nouveauté majeure résultant de la réforme est la multiplication par dix du plafond
des sanctions, qui passe désormais de 10 à 100 millions d’euros pour les entités ou personnes
physiques professionnelles relevant du contrôle de l’AMF, et de 1,5 à 15 millions d’euros
pour les personnes physiques non professionnelles placées sous l’autorité des entités
contrôlées par l’AMF.

Cette augmentation considérable du montant des sanctions se justifie, selon le législateur, par
le caractère peu dissuasif des anciens plafonds, au regard des profits que certaines pratiques
peuvent engendrer au bénéfice des acteurs du marché boursier ne respectant pas la
réglementation financière. La Commission est donc incontestablement invitée par la
législateur à « durcir le ton ».

Pour les dossiers d’abus de marché, il existe dorénavant trois issues possibles après l’enquête
de l’AMF ; le dossier pourra être orienté soit vers la commission des sanctions, soit vers la
composition administrative soit vers la voie pénale dans les cas les plus graves (après
arbitrage, le cas échéant, du procureur général près la cour d’appel de Paris en cas de
désaccord avec le parquet national financier).

60
La loi du 21 juin 2016 a ouvert le champ de la composition administrative aux abus de marché, aux
manquements à des obligations destinées à en prévenir la survenance ainsi qu’aux manquements en matière
d’information financière.
61
La procédure de composition administrative présente en outre le mérite d’être rapide. Un accord mettant un
terme définitif à la procédure de poursuite est ainsi conclu dans un délai d’environ 7 mois. Tous les accords sont
publiés in extenso sur le site internet de l’AMF. La procédure est donc totalement transparente, ce qui contribue
au rôle pédagogique des accords de transaction auprès des mis en cause mais aussi de la place financière dans
son ensemble qui peut en tirer des enseignements très précis en matière de conformité.
L’évolution récente du pouvoir de répression des abus de marché permettant de respecter à la
lettre les exigences de la Cour européenne des droits de l’Homme et du Conseil
constitutionnel est majeure pour l’AMF. Cette évolution du droit impose en effet dans chaque
dossier d’abus de marché un choix entre sanction administrative et sanction pénale et renforce
la nécessité d’une coopération renforcée avec le juge pénal.

Une meilleure articulation entre les procédures pénale et administrative doit ensuite être
recherchée. La coopération avec la justice pénale est essentielle et s’organise à travers des
liens renforcés. La loi du 6 décembre 2013 est venue renforcer l’efficacité de cette
coopération avec la création du procureur de la République financier.

En effet, les critiques contre le cumul possible en droit français entre une sanction prononcée
par le juge pénal (amende et/ou prison) et une pénalité financière prononcée par la
commission des sanctions de l’AMF sont anciennes. La loi du 21 juin 2016 réformant le
système de répression des abus de marché a ainsi introduit dans le Code monétaire et financier
un nouveau système de répression des abus de marchés assurant le non-cumul des poursuites
et des sanctions administratives et pénales pour des mêmes comportements boursiers. Le
cumul des poursuites pénales et administratives est ainsi dorénavant prohibé pour l’ensemble
des abus de marché (opération d’initié, manipulation de marché ou diffusion de fausses
informations).

Afin de déterminer le mode de poursuite le plus approprié, il est prévu une concertation
préalable à l’engagement des poursuites entre le procureur de la République financier et
l’AMF ainsi que la désignation, en cas de désaccord entre eux, de l’autorité qui pourra exercer
les poursuites, par le procureur général près la cour d’appel de Paris. La loi du 21 juin 2016
fixe les modalités de la concertation entre le procureur de la République financier et l’AMF en
précisant les éléments qui doivent faire l’objet d’échanges, le formalisme de cette concertation
et le mode de computation des délais.

Lorsque le procureur général près la cour d’appel de Paris est saisi, il lui appartient d’arbitrer
entre les intentions du procureur de la République financier et de l’AMF pour désigner
l’autorité de poursuite qui sera habilitée à engager ces dernières62.

La solution ainsi retenue consiste à désigner le procureur général près la cour d’appel de Paris
comme autorité chargée de trancher le conflit positif de compétence entre le procureur de la

62
La décision d’aiguillage du procureur général près la cour d’appel interviendra dans des délais compatibles
avec le temps des marchés, gage d’efficacité de la répression des abus de marché (délais de 2mois).
République financier et l’AMF. Elle devrait permettre de choisir la voie répressive la plus
adaptée, la voie pénale devant être réservée aux infractions les plus graves et devant
sanctionner plus sévèrement les intentions frauduleuses qui heurtent les valeurs de la société,
la répression administrative devant sanctionner des comportements portant atteinte au bon
fonctionnement des marchés.

Les ordres boursiers circulent à travers le monde entier et les opérateurs, aidés par des
ordinateurs, réagissent une milliseconde après avoir reçu une information, privilégiée ou non.
Les enquêteurs doivent donc être dotés d’une compétence technique très élevée pour déceler
les abus de marché. Cette question de la recherche et de la constatation des délits et
manquements a suscité un débat sur les moyens respectifs des régulateurs financiers.

En effet, la SEC, la FCA et l’AMF disposent d’un pouvoir d’enquête en vue de vérifier si des
irrégularités ou infractions ont été commises. Mais des différences sont mises en évidence
dans les situations où il faut utiliser ces informations et procéder à une sanction.

La répression financière n’est qu’un outil parmi d’autres pour satisfaire les exigences du bon
fonctionnement des marchés financiers. Il est inconcevable que le régulateur ne soit pas doté
d’un pouvoir de sanction. Par l’exercice de ce pouvoir, il affirme son autorité sur les
opérateurs et injecte de l’information dans le marché.

Toutefois, les sanctions que prend un régulateur doivent être étroitement corrélées à la finalité
pour laquelle il a été institué. Autrement dit, la sanction doit servir le secteur économique
dans lequel l’opérateur sanctionné agit. Par exemple, la sanction infligée par un régulateur
financier est un outil objectif de régulation financière, parmi d’autres.

A ce stade, on essaiera d’établir une analyse comparative d’établissement de sanction de la


SEC, la FCA et l’AMF et ce pour détecter les différences entre ces autorités.

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