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A D Y A S H A N T I

La fin de
votre monde

La vraie nature de l’illumination

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Titre original anglais :

The end of your world
Uncensored straight talk on the nature of enlightenment
By Adyashanti
© 2008, Sounds True

© 2010 Ariane Édition Inc.

1209, av. Bernard O., bureau 110, Outremont, Qc, Canada H2V 1V7
Téléphone : 514-276-2949, télécopieur : 514-276-4121
Courrier électronique : info@ariane.qc.ca
Site Internet : www.ariane.qc.ca
Tous droits réservés

Traduction : Marie-Blanche Daigneault

Révision : Martine Vallée
Révision linguistique : Monique Riendeau
Graphisme et mise en page : Carl Lemyre
Première impression : octobre 2010

ISBN : 978-2-89626-080-5
Dépôt légal :
Bibliothèque et Archives nationales du Québec, 2010
Bibliothèque et Archives nationales du Canada, 2010
Bibliothèque nationale de Paris

Diffusion
Québec : ADA Diffusion – 450-929-0296
www.ada-inc.com
France et Belgique : D.G. Diffusion – 05.61.000.999
www.dgdiffusion.com
Suisse : Transat – 23.42.77.40

Gouvernement du Québec — Programme de crédit d’impôt

pour l’édition de livres — Gestion SODEC

Imprimé au Canada
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D é d i c a c e

Ce livre est dédié aux montagnes Sierra, en

Californie. Dans vos sommets, là où se raréfie
l’air, j’ai découvert mon église et ma cathédrale
naturelles.
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Ta b l e d e s m a t i è r e s

Remerciements .................................................................................ix
Introduction de l’éditrice ..................................................................1
1 La vie après l’éveil ............................................................... 5
2 L’éveil authentique et la désorientation qui s’ensuit..........17
3 Je l’avais, je l’ai perdu ..........................................................29
4 Le nirvana par la voie du samsara.......................................49
5 Sortir de sa cachette ........................................................... 59
6 Illusions, pièges et objets de fixation ..................................75
7 Le reflet que nous renvoie la vie ........................................93
8 La composante énergétique de l’éveil..............................107
9 L’éveil sur les plans mental, affectif et viscéral.................117
10 L’effort ou la grâce ............................................................143
11 L’état naturel......................................................................149
12 Les épousailles...................................................................157
13 Une entrevue avec Adyashanti .........................................161
À propos de l’auteur ......................................................................193
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R e m e r c i e m e n t s

De chaleureux remerciements à Tami Simon. Sans vos incitations

et vos encouragements, ce livre n’aurait jamais vu le jour. Seul votre
amour du dharma surpasse votre ouverture et votre confiance, et le
tout s’associe à de formidables talents d’éditrice. Grands remercie-
ments par ailleurs à Kelly Notaras, pour vos révisions précises et
inlassables.
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I n t r o d u c t i o n
d e l ’ é d i t r i c e

J
’ai rencontré Adyashanti à l’automne 2004 et j’ai été frappée
par la fraîcheur et l’originalité de ses enseignements sur l’éveil
spirituel. Bien qu’il rende hommage à son affiliation zen, il
souligne l’importance de ne pas dépendre d’un maître ou d’une
méthode spécifiques pour atteindre la réalisation. Il insiste plutôt
sur le fait de sonder notre expérience directe et d’explorer avec
intrépidité le territoire de notre vie. Par ailleurs, il déconstruit le
mythe voulant que l’éveil spirituel soit un phénomène rare, acces-
sible exclusivement à quelques élus, tels les ermites ayant médité
dans une grotte des décennies durant ou ceux qui portent des vête-
ments religieux distinctifs. Il spécifie que ce mythe sur la rareté de
l’éveil peut entraver notre processus de découverte, car nous accor-
dons alors foi à une limite factice qui nous est imposée.
À postériori, je crois qu’Adya (comme l’appellent ses amis et
ses disciples) s’exprimait depuis l’angle de celui qui chevauche la
crête d’une vague : une vague qui déferle peu à peu dans notre vie.

1
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2 La fin de votre monde

Comme le précise Adya dans le premier chapitre, un nombre crois-

sant de gens issus de milieux variés et qui ont des antécédents reli-
gieux divers se mettent à décrire « des éveils spirituels » – la
réalisation inébranlable de notre unicité avec toute existence –
comme la transformation primordiale de leur destinée. Au cours
des dernières années, la perception collective de ce qui est possible
s’est modifiée. En effet, l’éveil spirituel n’est plus l’apanage de pra-
tiquants d’élite ; il est désormais accessible à tous.
En tant qu’éditrice qui diffuse beaucoup d’enseignements de
sagesse spirituelle depuis deux décennies, je suis enchantée de cette
vague nouvelle de curiosité concernant l’éveil, mais préoccupée par
la confusion potentielle, les malentendus et les déformations au
sujet de l’idée de réalisation. Au départ, l’expression éveil spirituel
revêt plusieurs connotations. Je me demande souvent si on com-
prend ce qu’on acquiert par ce processus, mais également – et peut-
être surtout – ce qu’on perd. Par ailleurs, du fait que l’éveil spirituel
se démocratise, j’ai constaté que plusieurs abordent leur illumina-
tion depuis une perspective égoïque, récupérant ainsi cette préten-
tion de l’éveil pour se sentir mieux, « plus éveillés » que les autres.
Ce qui me perturbe davantage cependant, c’est cette tendance à
rejeter tout – colère, dépression, problèmes familiaux –, ce qui
vient contredire leur image de ce qu’est un être éveillé.
Il y a un peu plus d’un an, au cours d’une conversation télé-
phonique, je faisais remarquer ce phénomène à Adya, à savoir tous
ces gens qui semblent avoir mal compris l’éveil spirituel et qui se
distancient de leur expérience synchronique sous prétexte d’être
éveillés. Adya m’a alors répondu qu’il enseignait précisément sur le
sujet – les méprises, les écueils et les illusions qui surgissent après
une expérience initiale d’illumination. Enthousiasmée, je l’ai aussi-
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Introduction de l’éditrice 3

tôt prié de livrer une série de conférences sur le thème afin que
Sounds True puisse les publier sous formes audio et manuscrite. Il a
accepté, et voici le résultat : La fin de votre monde / La vraie nature de
l’illumination.
Comme le spécifie Adya dans le premier chapitre, rares sont
les ressources s’offrant à ceux qui ont vécu une expérience première
de l’éveil spirituel et qui souhaitent comprendre la suite et le
déroulement du processus. Puisse cet ouvrage constituer un guide
précieux et un autre catalyseur propulsant cette merveilleuse aven-
ture.
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L a v i e a p r è s l ’ é v e i l

N
otre société voit aujourd’hui un phénomène inédit se
répandre. Un nombre croissant de gens s’éveillent – ils
vivent l’expérience authentique, bien tangible de la réa-
lité. Cela signifie qu’ils émergent de leur sentiment d’identité fami-
lier et de leur perception habituelle du monde, qu’ils accèdent ainsi
à une réalité beaucoup plus vaste, à quelque chose qui va au-delà de
leurs plus délirantes utopies.
Ces expériences d’éveil diffèrent d’un individu à l’autre. Chez
quelques-uns, cet éveil perdurera, tandis que chez d’autres il n’est
qu’entrevu, parfois même de manière fugitive. Mais alors, le senti-
ment d’un « moi » disparaît totalement chez ces méditants. Leur
perception du monde s’altère et ils sont affranchis de tout senti-
ment de séparation entre eux et le reste du monde. L’impression est
analogue à celle du réveil d’un rêve, un rêve dont vous ignoriez
l’existence jusqu’à ce que l’on vous en extirpe.
Lorsque j’ai commencé à enseigner, la plupart des gens qui
venaient me consulter étaient en quête de réalisations spirituelles
plus profondes. Ils aspiraient à se réveiller du sentiment d’un moi,

5
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6 La fin de votre monde

circonscrit et isolé, auquel ils s’étaient identifiés. Cette aspiration

sous-tend toute quête spirituelle, laquelle consiste à découvrir pour
nous-mêmes ce que notre intuition sait déjà, soit que la vie est bien
davantage que nos perceptions actuelles.
Au fil du temps néanmoins, un nombre croissant de personnes
ont déjà entraperçu cette réalité plus vaste. C’est à elles que s’adres-
sent les propos de ce livre.

À l’aube de l’éveil

La découverte à laquelle je fais allusion est traditionnellement dési-

gnée par l’expression éveil spirituel, car l’être se réveille du rêve de
séparation élaboré par le mental égoïque. Nous réalisons, parfois
subitement, que notre sentiment d’un moi constitué et fabriqué par
nos idées, nos croyances et nos représentations ne correspond pas à
ce que nous sommes. Cette position ne nous définit pas ; elle n’a
aucune base. L’ego puise son existence dans un chapelet de pensées
fugitives, de croyances, d’actions et de réactions passagères, mais il
n’a aucune identité intrinsèque. En définitive, l’ensemble des repré-
sentations que nous avons de nous-mêmes et de notre monde n’est
qu’une opposition aux choses telles qu’elles sont. Ce que nous nom-
mons ego n’est que la stratégie employée par notre mental pour
résister à la vie telle qu’elle est. L’ego est en quelque sorte davantage
une expression de la pensée qu’un objet. Il résiste à ce qui est. Il
repousse ou s’attache. Cette dynamique – saisie et rejet – constitue
le sentiment d’un moi distinct, séparé du monde qui l’entoure.
À l’aube de l’éveil, pourtant, cet univers extérieur s’effondre
peu à peu. La disparition de ce sentiment d’un moi entraîne
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La vie après l’éveil 7

l’anéantissement du monde tel que nous le connaissions. À cet ins-

tant – qu’il s’agisse d’une vision fugitive ou d’une expérience pro-
longée –, nous réalisons avec une incroyable clarté que nous ne
sommes en rien circonscrits à la minuscule conception d’un moi à
laquelle nous nous étions identifiés.
Il est très difficile d’évoquer cet éveil à la vérité ou à la réalité,
car le phénomène transcende la parole. Il est toutefois utile de
l’aborder pour tracer l’itinéraire. Dans son expression la plus
simple, la connaissance expérientielle de l’éveil est un changement de
perception. Voilà l’essence de l’éveil ; une transformation de percep-
tion qui passe de l’individu isolé, s’il advenait qu’un tel sentiment
d’identité personnel persiste après ce changement, à un être beau-
coup plus universel – toute chose, tout le monde et tout partout
simultanément.
Cette métamorphose n’est pas révolutionnaire. C’est un peu
comme de vous regarder dans la glace un matin et de sentir intuiti-
vement que le visage reflété est le vôtre. L’expérience n’est pas mys-
tique ; elle demeure toute simple. En vous regardant dans la glace,
vous vous reconnaissez : « Tiens, c’est moi. »
Lorsque ce changement de perception que l’on nomme éveil
survient, tout objet qui entre en contact avec nos facultés senso-
rielles est éprouvé comme étant nous-mêmes. Comme si, au sujet
de tout ce que nous rencontrons, nous nous disions : « Tiens, c’est
moi. » Nous ne nous vivons plus sous la forme d’un ego, d’une per-
sonne ou d’une entité distincte. Il s’agit davantage du sentiment de
l’Un qui se reconnaît lui-même ou de l’Esprit qui se retrouve.
L’éveil spirituel est une souvenance. Il ne s’agit pas de devenir
ce que nous ne sommes pas ni de nous transformer ou de nous
métamorphoser. C’est la mémoire de ce que nous sommes, tel que
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8 La fin de votre monde

nous le savions naguère, un souvenir que nous avions oublié. Cette

souvenance, si elle est authentique, n’est pas conçue comme per-
sonnelle. Il n’existe pas vraiment d’éveil « personnel », car ce terme
sous-entend une séparation. « Personnel » signifierait qu’un
« moi », un ego, s’éveille ou atteint l’illumination.
Lors d’un éveil authentique, cependant, on réalise avec parfaite
lucidité que cet éveil n’a rien de personnel. L’Esprit universel, ou
conscience universelle, s’éveille à lui-même. Au lieu du « moi » qui
s’éveille, nous nous éveillons du moi. Notre être véritable s’éveille
du chercheur spirituel. Ce que nous sommes s’éveille de la quête.
Le problème par rapport à toute définition de l’éveil, c’est que
le mental élabore une représentation de chacune de ces descriptions,
une idée de ce qu’est la vérité, ou réalité, ultime. Dès que ces repré-
sentations se forment, notre perception est une fois encore défor-
mée. Ainsi, il est pratiquement impossible de décrire la nature de la
réalité ; on ne peut qu’affirmer qu’elle est au-delà de toutes nos
conceptions et qu’elle ne correspond à rien de ce qu’on nous a
enseigné. À vrai dire, nous sommes incapables d’imaginer ce que nous
sommes. Notre nature se situe littéralement au-delà de tout imagi-
naire. Ce que nous sommes, c’est ce qui observe – cette conscience
qui nous observe tandis que nous prétendons être une personne dis-
tincte. Notre nature essentielle goûte invariablement l’ensemble de
toute expérience, elle est éveillée à chaque instant, sans exception.
Lors de l’éveil, une chose se révèle à nous : nous ne sommes ni
une chose, ni une personne, ni une entité. Nous sommes ce qui se
manifeste sous la forme de toute chose, toute expérience, tout être.
Nous sommes ce qui rêve l’univers tout entier et lui accorde ainsi
l’existence. L’éveil spirituel ne révèle que ce qui est ineffable et
indéfinissable. Voilà en vérité ce que nous sommes.
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La vie après l’éveil 9

L’éveil immuable et l’éveil éphémère

Comme je l’ai spécifié déjà, l’expérience d’éveil peut n’être qu’en-

traperçue ou elle peut se prolonger. D’aucuns objecteront alors que
si l’éveil n’est qu’éphémère, alors ce n’est pas l’éveil. Certains pen-
sent que lors de l’éveil authentique, la perception s’ouvre sur la
nature essentielle de la réalité et ne se referme jamais. Je com-
prends ce point de vue puisque, somme toute, la quête spirituelle
nous conduit à l’éveil parachevé. L’éveil parfait consiste simplement
à percevoir sans cesse depuis la perspective de l’Esprit, celle de
l’unité. De cette perspective éveillée, aucune séparation n’existe
nulle part, ni au sein du monde, ni dans l’univers, ni dans l’en-
semble des univers. La vérité réside partout et nulle part, conti-
nuellement, au sein de toutes les dimensions, chez tous les êtres. Il
s’agit d’une réalité qui est source de tout ce qui ne sera jamais objet
d’expérience – d’une vie à l’autre, dans cette dimension ou n’im-
porte quelle autre.
Depuis l’angle de l’ultime, vraiment tout – des dimensions
supérieures ou inférieures, ici ou là, hier, aujourd’hui ou demain –
est une manifestation de l’Esprit qui s’éveille. En définitive, l’itiné-
raire que parcourt chaque être, à son insu ou non, aboutit à l’éveil
parachevé, à l’omniscience, à une cognition expérientielle absolue
de ce qu’il est, de l’unité, de l’Un.
L’instant d’éveil n’induit pas forcément une expérience per-
manente. Nous l’avons précisé, d’aucuns affirment qu’à moins
que l’expérience ne persiste, il ne s’agit pas de l’éveil authentique.
En tant que guide spirituel, je sais toutefois que celui qui entre-
voit momentanément au-delà du voile dualiste et celui qui obtient
la réalisation permanente, « immuable », voient et goûtent un seul
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10 La fin de votre monde

et même phénomène. Le premier le vit de manière passagère,

l’autre, sans cesse. L’objet de cette expérience, s’il s’agit vraiment
de l’éveil authentique, est unique : tout n’est qu’un. Nous ne
sommes pas une entité ni un être singulier localisable en un
espace spécifique ; nous sommes à la fois tout et rien, simultané-
ment.
Ainsi, à mon sens, peu importe que l’éveil soit momentané ou
constant. Ce qui compte, c’est qu’il y ait une trajectoire. Nul ne
connaîtra de gratification absolue jusqu’à ce que cette cognition
depuis l’angle de la vérité soit perpétuelle. Cependant, ce qui est
perçu est un éveil, qu’il soit durable ou éphémère.
Un aperçu fugitif de l’éveil, que je nomme éveil éphémère, se
produit désormais avec une fréquence croissante. Le phénomène
durera un instant, un après-midi, un jour, une semaine, voire un
mois ou deux. La conscience s’ouvre, le sentiment d’un moi distinct
s’estompe, et alors, telle une lentille de caméra, la conscience se
referme. Soudainement, la personne qui avait auparavant perçu la
non-dualité authentique, l’unité vraie, est curieusement de retour à
la perception duelle de « l’état de rêve ». Dans cet état onirique, elle
retrouve le sentiment d’un moi conditionné, l’impression d’être un
individu circonscrit, isolé.
Heureusement, une fois que cette vision limpide est survenue,
la lentille de votre conscience ne se referme jamais tout à fait. Elle
peut paraître refermée, mais elle ne l’est jamais totalement. Au tré-
fonds de votre être, impossible de l’oublier. Même si vous n’avez
qu’entraperçu la réalité, quelque chose en vous aura changé à
jamais.
Telle une arme nucléaire, la réalité est incroyablement puis-
sante et douée d’un pouvoir inconcevable. Vivre un éclair fugitif de
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La vie après l’éveil 11

réalité durera une fraction de seconde, mais cet éclair accordera au

méditant une force et une énergie qui bouleverseront sa vie. Un
infime instant d’éveil déclenche la dissolution du sentiment falla-
cieux d’un moi et, subséquemment, celle de notre perception du
monde.

L’éveil ne correspond pas à vos chimères

Concrètement, il est beaucoup plus juste de préciser ce que l’on

perd avec l’éveil, non pas ce que l’on acquiert. Non seulement nous
délestons-nous de nous-mêmes, de l’identité à laquelle nous
croyions, mais nous perdons aussi notre perception du monde. La
séparation n’est qu’une perception ; en fait, notre univers, notre
monde, n’est qu’une perception. Si ces assertions paraissent à priori
négatives, il est beaucoup plus utile à mon sens de parler de l’éveil
spirituel en termes de ce que nous perdons – de ce dont nous nous
éveillons. Nous abordons donc la dissolution de l’image de nous-
mêmes, et cette déconstruction de notre identité est extrêmement
déconcertante lors de l’éveil.
Elle est en effet ahurissante, car elle ne correspond en rien à ce
que nous imaginions. Aucun de mes disciples n’est jamais revenu
me dire : « Vous savez, Adya, j’ai entrevu au-delà du voile de la dua-
lité et c’est à peu près ce que j’imaginais. Cela correspond plus ou
moins à ce qu’on m’avait décrit. » Généralement, la personne
déclare plutôt : « Ce n’est rien de ce que j’avais imaginé. »
Le fait est particulièrement intéressant, car plusieurs des per-
sonnes à qui j’ai enseigné s’adonnent aux pratiques spirituelles
depuis des années et se sont souvent forgé des idées très complexes
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12 La fin de votre monde

sur ce que sera l’éveil. Lorsqu’il survient pourtant, il ne correspond

jamais à leurs attentes. À plusieurs points de vue, il est plus gran-
diose, mais à d’autres, il est plus simple. À dire vrai, s’il est authen-
tique et réel, l’éveil devrait être différent de nos représentations.
Car toutes nos conceptions de l’éveil appartiennent au paradigme
du rêve. Il est impossible de se représenter quelque chose qui n’ap-
partient pas à cet état onirique tant que notre conscience y
demeure immergée.

Ce qui change ensuite…

L’éveil entraîne une restructuration totale de notre vision de la vie.

Le début d’une réorganisation du moins, car en dépit de sa beauté
et de son caractère exceptionnel, l’éveil en soi provoque une déso-
rientation. Même si, en tant que l’Un, vous êtes éveillé, votre struc-
ture humaine – votre corps, votre mental et votre personnalité –
demeure. Et pour cette structure humaine, l’éveil peut s’avérer
déroutant.
C’est donc le processus qui succède à l’éveil que je souhaite
examiner. Nous l’avons dit, chez un nombre réduit de gens, l’éveil
sera parachevé. Il sera final, et tout processus ultérieur sera super-
flu. C’est peut-être que ces gens avaient un poids karmique excep-
tionnellement léger ; même s’ils ont connu des souffrances
extrêmes avant de s’éveiller, leur héritage karmique, le condition-
nement qu’ils avaient à gérer, n’était pas si lourd à l’évidence. Le
phénomène est cependant rarissime. Un nombre infime de per-
sonnes au sein d’une même génération atteindront un éveil après
lequel aucun processus ultérieur ne sera requis.
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La vie après l’éveil 13

Je dis toujours ceci aux gens : n’espérez pas être du nombre.

Mieux vaut présumer que vous serez comme la majorité, ce qui
suppose que vous subirez un processus après cet éveil initial. Celui-
ci ne marquera pas le terme de votre parcours. J’espère ici vous
orienter vers un itinéraire qui vous sera utile et vous guider à l’aube
de ce voyage. Comme le disait mon maître, c’est en quelque sorte
franchir le seuil d’entrée. Toutefois, ce n’est pas parce que vous
avez franchi le seuil que vous avez pour autant allumé les lumières,
que vous saurez naviguer dans cet univers nouveau auquel vous
vous êtes éveillé.
Je suis heureux que ce livre, inspiré d’une série de mes confé-
rences, m’offre l’occasion d’aborder le sujet, à savoir ce qui se passe
après l’éveil. L’information existante sur la vie après l’éveil demeure
généralement privée. Elle se transmet le plus souvent de maître spi-
rituel à disciple. Cette approche est problématique, car bon
nombre de personnes connaissent aujourd’hui ces instants d’éveil et
n’ont accès qu’à très peu d’enseignements cohérents à ce propos.
En ce sens, ce livre se veut un mot de bienvenue à cet univers inex-
ploré, à cet état d’unité nouveau.
Ici, j’aimerais m’adresser aux lecteurs qui affirment ne pas avoir
vécu cette expérience, ne pas s’être éveillés. D’autres ignorent si
leur expérience relève de l’éveil ou pas. Peu importe où vous en
êtes sur la voie, cette information sera à mon sens pertinente, car il
s’avère que ce qui se produit après l’éveil a également trait à ce qui
survient avant.
En effet, le processus spirituel est le même avant l’éveil, et
après. Seulement, après l’éveil, le processus se déroule depuis un
point de vue différent, un peu comme une vue à vol d’oiseau par
rapport à une vision depuis la terre ferme. Avant l’éveil, nous igno-
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14 La fin de votre monde

rons qui nous sommes. Nous avons l’impression d’être des per-
sonnes distinctes, isolées, habitant des corps particuliers et évoluant
dans un monde dissocié de nous-mêmes. Après l’éveil, nous évo-
luons toujours dans cet univers, mais nous savons que nous ne
sommes pas circonscrits à des corps particuliers ou à des personna-
lités spécifiques et que nous ne sommes pas distincts du monde qui
nous entoure.
Il est important de noter également que nous ne sommes pas
pour autant à l’abri de perceptions fallacieuses parce que nous
avons entrevu l’éveil. Certaines fixations, certains conditionne-
ments persisteront même après avoir connu l’espace d’unité. La
voie après l’éveil est alors un processus de dissolution des fixations
résiduelles – nos complexes, si l’on veut. Le processus ne diffère pas
essentiellement de la voie menant à l’éveil, une voie qui consiste à
dissoudre nos illusions, nos tendances à nous contracter. Toutefois,
il se distingue en ceci : avant l’éveil, l’organisation de notre person-
nalité est beaucoup plus contraignante, plus pesante, plus dense, car
notre identité tout entière est assujettie à notre conditionnement.
Après l’éveil, nous savons que ce conditionnement de notre corps-
esprit n’a rien de personnel, qu’il ne nous définit pas. Cette prise de
conscience, cette vérité vivante, permet d’affronter sans heurt l’ef-
fritement des illusions sans se sentir menacé.
Ce que nous faisons avant l’éveil et après est donc très simi-
laire. Avant l’éveil, nous l’accomplissons simplement depuis une
autre perspective, depuis l’angle de la séparation. Après l’éveil,
nous le faisons depuis un point de vue non duel. Toutefois, l’ap-
proche, le processus, est intrinsèquement analogue. On peut dire
qu’il se déroule sur un plan différent d’existence. Ainsi, presque
tout ce que j’éluciderai dans les chapitres qui suivent sera appli-
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La vie après l’éveil 15

cable au stade où vous en êtes maintenant et à votre propre expé-

rience.

La volonté de tout remettre en cause

Je le répète souvent à mes disciples, mes enseignements ne sont pas

des assertions sur la vérité, car il est futile de tenter d’articuler la
vérité en paroles. C’est l’approche que nous empruntons générale-
ment avant l’éveil – nous conceptualisons la vérité pour ensuite
adhérer à ce concept. Plutôt que d’inculquer une théologie ou une
philosophie, mes enseignements visent à fournir des stratégies pour
atteindre l’éveil et aider à vivre la suite.
Toutes mes paroles servent d’indications. L’approche zen dit
ceci : « Ne confondez pas le doigt qui indique la lune et la lune elle-
même. » On nous le répètera mille fois, mais nous avons toujours
tendance à commettre la même erreur, encore et encore. Bien que
j’emploie des termes, que je définisse des contextes ou que je fasse
appel à des métaphores, n’oubliez jamais qu’il faut vous éveiller à
tout ce que j’enseigne. Vous devez le vivre pour le rendre vrai. Rien
de ce que j’explique ne remplacera l’expérience tangible, directe de
ce que vous êtes vraiment. Vous devez être disposé à tout remettre
en cause, à vous interroger : « Est-ce que je sais vraiment ce que je
crois savoir ou ai-je simplement adopté les croyances et les opi-
nions d’autrui ? Qu’est-ce que je connais vraiment et qu’est-ce que je
veux croire ou imaginer ? Qu’est-ce que je sais avec certitude ? »
Cette dernière question possède une puissance formidable. Si
vous l’examinez à fond, elle anéantit votre univers. Elle annihile
votre sentiment d’un moi, ce qu’elle est censée faire. Vous en arrivez
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16 La fin de votre monde

à voir que tout ce que vous croyez connaître à votre sujet et sur le
monde se fonde sur des conjectures, des croyances, des opinions,
des idées auxquelles vous adhérez parce qu’on vous les a inculquées
ou qu’on vous a persuadé qu’elles étaient vraies. À moins de percer à
jour ces perceptions fallacieuses, la conscience demeure captive au
sein de l’état de rêve.
Parallèlement, dès que nous consentons à comprendre – « Dis
donc ! je ne sais pratiquement rien. Je ne sais pas qui je suis.
J’ignore ce qu’est le monde. Je ne sais pas si telle ou telle chose est
vraie » –, quelque chose en nous s’ouvre. Si nous sommes disposés
à passer en territoire inconnu et aux insécurités qu’il soulève, sans
chercher à nous protéger ni à trouver du réconfort, si nous consen-
tons à affronter sans broncher la tempête qui s’élève, alors nous
pouvons enfin découvrir notre nature essentielle.
Après l’éveil, examiner plus à fond la question « Que sais-je
avec certitude ? » constitue également un procédé fort utile.
S’interroger ainsi permet de dissoudre les limites et les idées, ainsi
que la tendance à se fixer – qui persistent toutes après l’éveil.
Peu importe le stade où vous en êtes sur la voie, c’est cette dis-
position à vous interroger courageusement et à demeurer ouvert et
sincère quant à vos découvertes qui prévaut avant tout. Sur cette
volonté reposent entièrement votre éveil et votre vie après celui-ci.