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On pourrait penser qu'avec de tels chiffres, le monde est bien nourri. Nous savons
biens que ce n'est pas le cas, mais la situation est peut-être encore pire que ce que vous
pourriez penser.
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28/11/2018 Les recommandations de 130 académies pour changer ce qu'on mange
Le constat, accablant, est détaillé dans un rapport que vient de publier le réseau mon-
dial des académies des sciences et de médecine, l'InterAcademy Partnership (IAP). 130
académies nationales, réunies pour plancher sur un même sujet et faire valoir l'exper-
tise scientifique pour résoudre le casse-tête de la nutrition dans un contexte de change-
ment climatique que nous n'avons pas encore réussi à ralentir.
"Nos systèmes alimentaires sont en train de nous faire défaut." Le constat de l'IAP est
brutal, mais a le mérite de la clarté à la veille de la COP24, la conférence internationale
sur le climat qui va se tenir à partir du 3 décembre à Katowice (Pologne).
Une personne sur trois sur la planète est mal nourrie, un chiffre qui pourrait passer à
une sur deux d'ici 2030 si nous continuons sur la même voie. Il y a aussi de plus en
plus d'obèses danse le monde, et ils sont aujourd'hui plus nombreux que les personnes
d'un poids insuffisant. Mais obèse ne veut pas dire bien nourri : c'est le résultat de la
consommation de régimes riches en calories, mais pauvres en nutriments, les éléments
indispensables pour vivre en bonne santé.
La malnutrition, ce n'est pas seulement les famines. "De plus en plus de gens souffrent
de carences en micro-éléments" (comme le fer, l'iode, le fluor, essentiels au corps mais
à très petites doses) et de troubles associés au surpoids où à l'obésité", précise l'IAP.
"La poursuite des calories dans la production de nourriture provoque des problèmes
de santé".
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Le secteur de l'élevage produit presque autant de gaz à effet de serre que celui des
transports (Carolyn Parsons / Wikimedia Commons)
Désireuse de "faire entendre la voix de la science lorsqu'on aborde les priorités socié-
tales", l'IAP propose dans son rapport une longue série d'orientations, pour mieux
nous nourrir demain.
Parmi celles-ci, le fait de situer l'alimentation dans un cadre global. Comme l'explique
le professeur Tim Benton, spécialiste de sécurité alimentaire (Chatham House et uni-
versité de Leeds), il est inévitable "d'internaliser les coûts extérieurs" de la nourriture.
Pour l'IAP, il faut également passer à des "systèmes alimentaires qui s'adaptent intelli-
gemment au climat," en sachant que "limiter les émissions de gaz à effet de serre de
l'agriculture ne sera pas suffisant pour faire face à l'impact des systèmes alimentaires
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Pour l'IAP, le problème de l'alimentation est à prendre de façon globale. "Ce n'est pas
seulement l'environnement qui est en jeu, mais aussi la santé, la nutrition, le com-
merce, les emplois et l'économie," résument ces chercheurs. Il est donc nécessaire d'as-
surer à tout être humain sur la planète un accès (abordable) à un régime alimentaire
qui soit "soutenable environnementalement et culturellement."
Pour cela il ne faut pas agir seulement sur le système, mais aussi sur le comportement
des consommateurs, à condition de leur en donner les moyens. Grâce à l'éducation,
bien sûr, mais aussi avec un étiquetage plus transparent des aliments, qui mette en
avant les choix soutenables et bons pour la santé.
Cela peut aussi passer par des "incitations", positives ou négatives. Agir sur le prix. Des
taxes sur la viande, principalement la viande rouge, dans les pays gros consomma-
teurs, par exemple.
"Il est vital que nous changions notre relation à la viande rouge," assure le professeur
Benton. "D'un point de vue climatique, le secteur de l'élevage produit presque autant
de gaz à effet de serre que celui des transports, il faut faire quelque chose de manière
radicale. Personne ne dit que le monde devrait être végétarien ou vegan, mais le pro-
blème est de manger moins de viande rouge."
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tiques, pour "voir comment on peut obtenir plus de nourriture des océans et des éten-
dues d'eau douce de manière soutenable, en évitant les erreurs de la surexploitation et
des atteintes à l'environnement."
Pour réussir, il faut "inciter les consommateurs à modifier leur régime alimentaire,"
tant pour le bien de la planète que celui de la santé publique. Mais il faut trouver les
bonnes incitations, et ça, c'est l'affaire des responsables politiques, qui devront "aider
les consommateurs à comprendre et à peser les implications environnementales de
leurs choix alimentaires."
Manger des insectes, pourquoi pas ? (T.K. Naliaka / Wikimedia Commons)
Si l'expérience de la taxe carburants en France et la révolte des Gilets Jaunes nous ap-
prend quelque chose, c'est bien que l'environnement ne peut se décréter au détriment
de la justice sociale, et qu'il faut avant tout des mesures pour accompagner les catégo-
ries les moins favorisées de la population.
L'IAP reconnaît la "nécessité de se focaliser sur les groupes les plus vulnérables," sans
pour autant avoir de solution miracle. "Le problème est de savoir s'il faut subvention-
ner la nourriture pour tout le monde afin de garder les prix artificiellement bas, ou s'il
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faut prendre le taureau par les cornes et trouver des moyens d'offrir aux pauvres un
soutien social sans subventionner la nourriture de manière globale.", résume le profes-
seur Benton. "Ce sont des problèmes complexes."
La lutte contre le gaspillage doit aussi être une priorité. Cela devrait aller de soi, si l'on
considère que la nourriture gaspillée chaque année dans le monde pourrait nourrir 2
milliards de personnes, et que celle gaspillée en Amérique du Nord et dans l'Union Eu-
ropéenne équivaut à la totalité de la production d'Afrique sub-saharienne.
Pour l'IAP, il faut "explorer les nouvelles opportunités dans les sciences et technologies
pour la transformation des aliments, pas seulement pour réduire le gaspillage, mais
pour renforcer les aliments de base, étendre la disponibilité saisonnière et la conserva-
tion en rayons, développer des structures de nourriture bonnes pour la santé dans les
produits transformés et faciliter la préparation de repas pour satisfaire les exigences
des clients".
Elle plaide aussi pour l'établissement d'un calendrier de recherche pour le développe-
ment agricole et rural, qui comprenne une intervention concertée de la science, de la
technologie et de l'innovation, tout cela étant en harmonie avec les politiques menées,
y compris celle de la santé.
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Ce qui semble aujourd'hui évident c'est que nous devons changer notre alimentation
pour le bien de notre santé, de l'humanité et de la planète (et pas forcément dans cet
ordre). Ce qu'il y a dans notre assiette est en partie responsable du changement clima-
tique, et le changement climatique va changer ce qu'il y a dans notre assiette.
"L'agriculture et les choix des consommateurs sont des facteurs majeurs qui entraînent
un désastreux changement climatique," détaille le professeur Joachim von Braun, co-
président du projet IAP sur la nourriture et l'agriculture. "Nous avons besoins d'une
réponse politique forte et ambitieuse pour remédier aux effets désastreux sur le climat
de l'agriculture et des choix des consommateurs, et les scientifiques ont un rôle majeur
à jouer. Notre nouveau rapport est un signal d'alarme pour les responsables." L'enten-
dront-ils à Katowice ?
Jean-Paul Fritz
Jean-Paul Fritz
Journaliste
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