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leur gang tient sur une mobylette.

On parle des ' SOS-RACISME ET LES GHETTOS


zoulous dans la presse, alors ils se prennent tous
pour des zoulous. »
Cet été, c'est vrai, les journaux et les télévisions
Harlem Désir : "Leur révolte est morale"
ont beaucoup parlé de ces bandes de jeunes noirs. "Les hommes politiques qui étaient censés s'occuper d'eux tapent dans la caisse,
Venus d'Afrique francophone, installés en France eux ils tapent dans les vitrines"
depuis peu de temps, ils n'ont pas encore eu le Le Nouvel Observateur. — La violence des rent souvent créer leurs propres organismes
temps de s'intégrer. De l'avis de nombreux jeunes des banlieues ne montre-t-elle pas les pour se donner l'illusion de faire quelque chose
spécialistes des banlieues, ils ne sont pas représen- limites de votre action et n'est-elle pas en tout en évitant les risques de turbulences et de
tatifs de l'ensemble de la jeunesse immigrée ou quelque sorte le signe de votre échec ? contestations.
issue de l'immigration. « Vous vous êtes focalisé Harlem Désir. — Si un clochard meurt de
faim, on va dire que les Restaurants du Coeur ne N.O. — Les casseurs ont donc raison ?
sur eux, accuse un animateur de Sarcelles. Parce Harlem Désir. — Ils ont des raisons. Cette
qu'ils sont folkloriques, parce qu'ils ont le sens du font pas leur boulot? La misère du tiers monde,
est-ce la faute de Médecins Sans Frontières ? révolte n'a pas de stratégie, elle peut être
spectacle et de la frime. Si vous regardez les jeunes choquante sur la forme. Mais sur le fond, je
des banlieues à travers le phénomène zoulou, vous Faut pas rigoler I Nous ne sommes pas là pour
•éteindre les incendies sociaux. Notre travail est serais tenté de dire qu'elle est saine parce
chaussez les mauvaises lunettes. Vous êtes à côté qu'elle rappelle la société à ses devoirs. On a
de la plaque. » •d'alerter les pouvoirs publics et d'aider les gens
à s'organiser pour faire valoir leurs droits. Nous essayé de colmater la misère à coups de stages,
Pour le sociologue Adil Jazouli, qui observe les le faisons tous les jours. Et nous le ferons de TUC, de RMI. On est arrivé aux limites des
banlieues depuis plus de dix ans, « l'américanisa- notamment le week-end prôchain en organi- politiques de replâtrage tous azimuts. Cette
tion de la société française » est un slogan vide de sant les premiers états généraux de l'intégra- crise repose la question de l'égalité sociale. Elle
sens. Les guerres ethniques ne menacent pas les tion. Une cinquantaine d'associations face aux est un appel au secours, à la morale. Les jeunes
cités. La preuve ? Le 12 novembre, aucun casseur directeurs des principaux ministères concer- des cités ont peur de rester toujours à la marge
n'a crié « A bas les blancs I » ou « Black power I ». nés. Et là, pas de discours idéologique, du et de ne jamais être repris dans le circuit. Dans
«La plupart de ces jeunes, explique Jazouli, ne se concret, sur des dossiers précis, chacun devra une société qui est aussi peu morale à leur
posent plus la question de savoir s'ils sont français prendre ses responsabilités. égard, comment s'étonner de leur violence ?
ou non. Pour eux, cela va de soi, ils le sont. Et s'ils Aujourd'hui, si de nombreux quartiers sont Les hommes politiques qui étaient censés
se révoltent, ce n'est pas parce qu'ils sont noirs ou devenus des déserts associatifs, c'est parce qu'il s'occuper d'eux tapent dans la caisse, eux ils
arabes, c'est parce qu'ils sont exclus. Nous assis- est parfois impossible de trouver sur le terrain tapent dans les vitrines. C'est leur réponse. Ils
tons à la naissance d'une nouvelle classe populaire des.interlocuteurs se remboursent en nature.
dans les banlieues. Par la force des choses, il se . , institutionnels.
. . Les. hommes
, „
politiques se méfient et les municipalités prefe- Propos recueillis par Henri Guirchoun
trouve qu'elle est plutôt basanée. Mais ce n'est pas
cela qui est important. Ces jeunes annoncent
l'apparition douloureuse d'un nouveau proléta-
riat, urbain, multiracial, en mal de reconnais- cl/ut feeto
sance. «Des prolétaires sans partis politiques, sans
syndicats, sans leaders. Les banlieusards révoltés
n'ont pas trouvé leur Karl Marx. Pour se faire
au
entendre, ils n'ont que la « culture de l'émeute ».
Ce qu'ils expriment, c'est la déglingue sociale. Pour d'un seul geste, sentir
Comme les apaches du début du siècle, ces jeunes
des faubourgs qui habitaient aux portes de Paris.
bon, se sentir bien, adoucir
eflic.1 zir etu
Dynamisante.
Ils semaient la panique dans la capitale. Ils se
contentaient de montrer leurs fesses aux bour-
geois, sur les boulevards. Pourtant, ils expri-
maient aussi, à leur manière, la révolte ouvrière. La première
« Les casseurs de banlieue sont nos nouvelles
classes dangereuses, dit François Dubet, qui est
d'accord sur ce point avec Adil Jazouli. Il va falloir
apprendre à vivre avec. Il va falloir négocier avec
Eau
eux. Il va falloir les aider à transformer leur colère
en revendication. Nous devons en faire des inter-
locuteurs. Même si leur idéologie n'est pas tou-
jours très acceptable. Les ouvriers en France ont Toilette de
. mis des années pour se faire reconnaître. Du
temps de Zola, ils faisaient peur. Les bourgeois les
voyaient comme des tarés, des alcooliques, des
brutes. Comme les casseurs d'aujourd'hui. e Des
zoulous dans les conseils municipaux, des cas-
Beauté.
seurs dans les comités de prévention de la délin-
quance ? Les éducateurs sociaux et les animateurs
de quartier, s'ils en avaient encore l'envie, éclate-
raient de rire. La plupart ont l'impression de
ramer dans un bateau qui a déjà coulé. Bien sûr,
les jeunes qui parviennent à s'intégrer profitent
des équipements sociaux, des MJC, des murs
d'escalade. Mais les autres ? Les « politiques
sociales » glissent sur eux sans jamais les accro-
CLARINS
PARIS
cher. Pendant que les animateurs s'épuisent à
22-28NOVEMBRE1990/83

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