Vous êtes sur la page 1sur 8

1

Le concept de nation dans les éditoriaux des newsmagazines français : concept idéologique et mot-argument
Céline Lambert

L’analyse du discours des éditorialistes du Point et de L’Express sur la nation révèle une appréhension spécifique de
cette notion politique qui a tout au long de son histoire été convoquée pour accompagner ou justifier un ordre de
domination. Prôner l’importance de la France comme grande nation est certes un élément doxique qui traverse les
champs constituant la société française, mais son usage dans les éditoriaux des newsmagazines, lieu discursif
stratégique, est au service d’un argumentaire idéologique qui tend à imposer « la réforme » générale du pays comme
une nécessité. Cet appel constant au changement économique se fait selon divers fonctionnements langagiers
caractéristiques de l’idéologie, de la répétition à l’usage de préconstructions, qui constituent ici autant d’effets
d’évidence.
1L’objet de ce travail est le discours des éditorialistes des magazines hebdomadaires L’Express et Le Point1, dans une
période clé de l’histoire récente : les deux ans qui lient le référendum sur la Constitution européenne de mai 2005 et
l’élection présidentielle de mai 2007. Si la question de l’identité nationale est à l’heure actuelle un ressort régulier de la
politique gouvernementale, la thématique était en sommeil jusqu’à la promesse électorale de Nicolas Sarkozy, en février
2007, de créer un ministère chargé simultanément de l’immigration et de l’identité nationale. Or, en effectuant des
relevés statistiques sur le corpus d’éditoriaux, nous avons pu établir le caractère dominant du motif national. Ce résultat
nous a intriguée et conduite à analyser les ressorts de cet usage par les éditorialistes de ces deux magazines.
1. Les usages du mot nation
 2 Cf. Nora P. (1986) Les lieux de mémoire, T2 La Nation III, Les France I. Gallimard, Coll. Quarto. (...)
2Le but de cet article n’est pas de faire l’historique des usages du mot nation. Nous tenons cependant à souligner qu’il
s’agit d’un concept politique à la fois extrêmement chargé et très plurivoque. On le voit introduit au Moyen-Âge par les
rois pour construire la base unitaire affective d’un discours permettant de rassembler des forces pour la défense du
territoire ; le mot apparaît de plus en plus régulièrement au fur et à mesure que la France et l’Angleterre se construisent
parallèlement l’une et l’autre comme entités géographiques politiquement unifiées2.
 3 Sieyès E.J. (1988 [1789]) Qu'est-ce que le Tiers État ? Paris : Flammarion. Champs.
 4 Cf. Thiesse A.-M. (2001) La création des identités nationales. Paris : Seuil.
3La période révolutionnaire constitue un tournant pour le contenu sémantique du mot nation. Elle en fait un véritable
concept politique, le seul être politique légitime. À partir de cette époque, l’usage pose la nation en équivalent de peuple
souverain3 accompagnant l’abolition de la société d’ordres. Après un siècle de grandes polémiques autour de l’identité
politique du pays, la Troisième République finit de constituer le mythe d’une unité politique qui transcende les différences
sociales : son discours, puissamment diffusé à travers l’école devenue obligatoire, institue les grands hommes et les
succès marquants comme ceux mêmes qui fondent une entité nationale homogène, en visant à unifier un peuple encore
très marqué par les spécificités locales.4
 5 On peut en revanche affirmer qu’elle est proprement exclue par les « extrêmes gauches », communist (...)
 6 Cf. Guillon J.-M. (2003) « Droites et gauches dans la France des années trente et quarante : crise (...)
 7 Cf. Noiriel G. (2007) À quoi sert "l'identité nationale". Marseille : Agone, Passé & présent. (...)
4Le vingtième siècle, héritier des gloires et des défaites militaires, et de fortes transformations politiques, vit de manière
très diverse le sentiment d’attachement que l’on appelle identité nationale. Cette inclination identitaire, qui semble
n’appartenir en propre à aucune formation idéologique5, se fait sous différents modes : d’un côté un même attachement
à la République réunit par exemple des instances portées par le rejet d’un nationalisme xénophobe véhiculé par le
régime de Vichy, la fierté de la Résistance, les luttes sociales pour l’égalité des droits6 ; et de l’autre les déchirements de
la décolonisation, ou encore le progressif retour à des discours réactionnaires développent plutôt des revendications
d’ordre nationaliste7.
 8 Les dictionnaires reprennent presque systématiquement la dichotomie entre les deux définitions de (...)
 9 Cf. S. Rémi-Giraud (1996) « Le micro-champ lexical français. Peuple, Nation, État, Pays, Patrie » (...)
5Héritières de cette histoire politique, incarnées et figées par les définitions de la nation « à la française » dans le sillon
de Renan, ou « allemande » suite aux écrits de Fichte ou Herder, les caractérisations actuelles du terme nation posent
en traits dominants mais dans une grande difficulté définitoire l’appartenance à un territoire et/ou le partage effectif ou
ressenti de certains critères (linguistique, religieux, historique, politique…) par une communauté géographique donnée8.
S. Rémi-Giraud9 distingue les traits spécifiques attachés aux mots d’usage très proches, tels que « peuple », « pays »
ou « patrie ». Elle montre que ce qui caractérise « nation », dans cet aspect comparatif, c’est une centration sur le trait
d’unité du groupe humain qualifié (« la signification de ce mot se présente comme un devenir continu du groupe (A1) à la
communauté (A3) » (Rémi-Giraud, 1996 : 29)). Nous considérerons donc que le recours au concept de nation peut
relever d’un appel identitaire argumentatif sous le mode du pathos. Nous retiendrons également que le mot nation est
fortement chargé de mémoire discursive qui peut être réinvestie très différemment à chaque usage. Ce qui nous
intéresse ici est ce qu’il recouvre dans le discours d’un certain type de locuteurs. À notre sens, ses différentes
significations relèvent toutes de la doxa, et de certains usages de l’idéologie. Commençons par distinguer ces deux
derniers termes.
2. Idéologie et doxa
 10 Thompson J.B. (1990) Ideology and modern culture: Critical Social Theory in the Era of Mass Communi (...)
6Bien que relativement récent, le terme idéologie a une histoire prolifique qui lui a attaché diverses significations,
suffisamment hétérogènes pour qu’il soit le lieu d’importantes querelles théoriques. Apparu au dix-huitième siècle dans
les écrits de Destutt de Tracy pour désigner la science des idées, il est rapidement devenu un terme polémique qui
oppose toujours à une vérité ou une réalité un ensemble cohérent d’idées et de pratiques orienté, totalisant, et considéré
en ce sens comme néfaste. En effet, comme le remarque le sociologue britannique J.B. Thompson dans son historique
de la notion: « To characterize a view as ‘ideological’ is, it seems, already implicitly to criticize it, for the concept of
ideology seems to convey a negative, critical sense »10. Que ce soit dans l’héritage marxiste ou dans un usage plus
répandu qui caractérise comme idéologie tout système de pensée saisissant l’ensemble des aspects politico-
2

économiques d’une société, l’idéologie désigne de manière négative un système qui vise la domination et qui est
trompeur.
7Cependant, au niveau théorique, les deux conceptions de l’idéologie que nous venons d’énoncer s’opposent. Dans son
acception marxiste, l’idéologie est ce qui travaille à la légitimation de la domination, et c’est ainsi qu’elle est encore
entendue par de nombreux chercheurs11. Une autre posture théorique, en cohérence avec l’épistémologie du terme,
travaille sur la pluralité des idéologies. Les chercheurs n’ont d’autre choix que de se positionner face à ces deux
appréhensions qui engagent sur des voies distinctes. Nous nous situerons dans la première de ces conceptions,
réservant le terme « idéologie » à ce qui relève de la domination économico-politique.
8À un niveau distinct, le terme est employé dans le discours même des éditorialistes que nous étudions, comme
manière de qualifier péjorativement toute thèse qui n’irait pas dans le sens de ce que leur interprétation de l’histoire les
pousse à énoncer : c’est l’antienne de « la fin des idéologies ». Ce discours, proprement idéologique lui-même, s’est
développé comme instrumentalisation politique de la faillite historique du bloc communiste, pour défendre la thèse que le
système libéral est un système naturel, et le seul possible. C’est sur ce type de discours idéologique que nous centrons
notre analyse.
 12 Bourdieu P. (1997) Méditations pascaliennes. Paris : Seuil, p.145.
9Le terme de doxa est également un terme qui est investi de différentes manières, toutes héritières des écrits d’Aristote.
Il dénote, comme l’idéologie, un phénomène de naturalisation du sens commun. Il nomme des représentations du
monde que personne ne songe à remettre en cause. Mais nous distinguons doxa et idéologie dans le sens où la notion
de doxa n’est pas englobante comme celle d’idéologie. Aussi bien pour les chercheurs qui la considèrent comme simple
type de fonctionnement argumentatif et comme facteur constitutif d’unité sociale, que pour ceux qui la voient comme
ressort discursif de l’idéologie, elle constitue un sens commun plus restreint, plus local que l’idéologie. C’est dans sa
connotation bourdieusienne de lieu de « persuasion clandestine » que nous l’entendrons. Bourdieu la considère surtout
comme base idéelle du fonctionnement symbolique des champs12, comme constitutive de l’unité du champ. En nous
appuyant sur l’analyse bourdieusienne du fonctionnement de la société en champs, nous dirons donc que les doxas ont
un fonctionnement local (qui peut éventuellement circuler entre différents champs, comme c’est le cas pour
l’investissement doxique du terme « nation ») et ne servent la domination que dans le sens où elles peuvent être agents
de la reproduction sociale, tandis que l’idéologie relève, elle, du fonctionnement des champs du pouvoir (politique,
économique, médiatique, par exemple) comme domination souveraine.
 13 cf. C. Lambert (2010) « Questions sur l’expression du sentiment national dans le discours d’éditor (...)
10L’utilisation qui est faite du mot nation dans le corpus a de complexes rapports avec le nationalisme, mais cette
ambiguïté ne sera pas ici exposée13. Ce qui nous intéressera en revanche, c’est la manière dont le recours doxique à
« la nation » peut devenir un vecteur idéologique au service d’un argumentaire économique. C’est cette analyse que
nous présenterons ici, et c’est avec les outils de l’analyse de discours et de la linguistique de l’énonciation que nous
étudierons le fonctionnement discursif et linguistique de la circulation de la doxa à propos de la nation, et sa finalité
idéologique. Mais avant tout nous rappellerons ce qui fait la particularité d’un éditorial dans un journal, et plus
généralement de la position qu’occupe un éditorialiste dans le champ médiatique.
3. L’éditorial : une place de choix pour faire circuler la doxa
 14 Passeron J.-C., Bourdieu P. (1979), La distinction, Paris : Minuit. Le sens commun ; Rieffel R. (1 (...)
11En tant que telle, la place d’éditorialiste est potentiellement un « bon » support de circulation doxique. La constitution
du champ médiatique (Bourdieu)14 à la période choisie révèle une position de domination relative des trois éditorialistes
dont nous étudions le discours.
 15 Bourdieu P. (1992), Réponses, Paris : Seuil, p.76.
 16 Cf. Tableaux Statistiques de la Presse, résultats annuels 2007, établis par la Direction du dévelo (...)
12Plusieurs éléments permettent d’apprécier la position d’un agent dans le champ : la place de son organe et sa place
au sein de l’organe par exemple15. Connaître les différents « systèmes de dispositions », ainsi que les valeurs
symboliques dominant le champ éclaire également le travail des agents. Le Point et L’Express ont tous deux un lectorat
en hausse sur la période choisie16. La concurrence au sein du même type de presse, bien que plus forte que dans
d’autres pays (États-unis, Grande-Bretagne par exemple), est très limitée puisque seuls cinq titres sont répertoriés
comme newsmagazines en France et tous ont une orientation politique différente (sauf les deux magazines étudiés qui
ont quasiment le même type de lectorat).
 17 Rieffel R. (1994), L'élite des journalistes, Paris : Seuil.
 18 Alain Duhamel cité par Emmanuelle Duverger : http://www.revue-medias.com/Vive-la-transgression, 34 (...)
13Les éditorialistes des newsmagazines français font partie de ce que R. Rieffel appelle l’élite des journalistes17. Leur
influence ne se mesure pas qu’à l’aune de leur lectorat. Avant tout, les trois éditorialistes étudiés sont ou ont été
directeurs de rédaction, voire directeurs généraux, donc cadres dans leurs entreprises, et responsables du contenu
rédactionnel. Leur position dans le champ les amène à être en lien très étroit, au sein d’influences inter-champs, avec
les hommes politiques. Pour exemple, Claude Imbert est membre du club très sélect Le Siècle (club qui rassemble des
hommes d’affaire, des hommes politiques de gauche, de droite et des journalistes connus du champ médiatique) ;
Christophe Barbier explique quant à lui passer « la moitié de ses déjeuners avec les hommes politiques ». Si de
nombreux journalistes, qui ont essuyé de sévères critiques pour ce type de connivences, objectent désormais que
« reprocher aux journalistes de déjeuner avec les politiques, c’est comme reprocher à un journaliste sportif d’assister à
un match »18, les relations des journalistes dominants le champ sont bien moins développées avec d’autres catégories
d’acteurs sociaux. Nous les considérerons donc comme des agents qui font partie du champ du pouvoir.
 19 Le Bohec J. (2000), Les mythes professionnels des journalistes. L'état des lieux en France, Paris (...)
14En tant qu’éditorialistes ils sont passeurs d’idées, eux qui, seuls dans un champ où l’objectivité est le « mythe phare
de la profession » (Le Bohec19, 2000 : 230), ont symboliquement le droit d’exprimer leur opinion. Or les représentations
professionnelles des journalistes, partagées très amplement dans le champ, sont très puissantes et en constituent les
repères normatifs, d’autant plus que « ce sont surtout les journalistes dominants qui s’en instituent le réceptacle sacré »
(Le Bohec, 2000, p. 11). Par leur travail de synthèse de l’actualité, ce sont eux qui tiennent le rôle de guides de ce qui
3

est « à retenir » ou non. Éditorialiser c’est mettre en avant, parmi le flux d’information quotidien, ce qui paraît avoir de
l’importance, à la lumière de la « ligne éditoriale ».
 20 Cf : http://www.ozap.com/actu/christophe-barbier-internet-option/114840. On constate dans les médi (...)
15Les trois éditorialistes du corpus sont des journalistes qui à un moment donné ont mis en scène une position
d’indépendance face au pouvoir politique, soit concrètement (démission de Claude Imbert de la rédaction de L’Express
pour raisons politiques), soit verbalement : « Le Point est de droite, L’Obs de gauche, c’est leur droit. Nous, nous
sommes indépendants. Ni à gauche, ni à droite, on ne roule pour personne (Christophe Barbier20) ».
 21 Voir par exemple Le Bohec, 2000 : 56-62.
16À l’instar de la majorité de leurs collègues, ils considèrent cette forme d’indépendance comme fondamentale et ne
questionnent pas (tout au moins publiquement) les autres formes de dépendances qui existent dans le champ et
relativement à leur position dans le champ21. Rassurer en répétant qu’« on n’est plus au temps de l’ORTF » ou que les
rédactions « ne reçoivent jamais de coup de fil » est souvent une porte de sortie aux questionnements auxquels peuvent
les soumettre leurs publics. Ainsi le mythe de l’indépendance découle-t-il lui aussi du fonctionnement idéologique de
l’évitement : les dominations symboliques ou les adhésions considérées comme évidentes oblitèrent le caractère orienté
de la dépendance économique (volontaire ou non) des organes de presse.
 22 Riutort P. (1997) «"Au nom du nom" ou comment investir son poste. Le cas des éditorialistes d’Euro (...)
 23 Notamment lors de l’affaire des caricatures de Mahomet, ou encore pour défendre la composition du (...)
 24 « Mon édito est adapté au web. Est-il adapté au téléphone portable ? Qualité sonore, qualité d’ima (...)
17Les auteurs des éditoriaux que nous étudions sont à ce titre trois journalistes assez différents. On constate en effet un
changement dans l’investissement de la fonction éditoriale entre la génération des éditorialistes exerçant depuis plus de
quarante ans, et la nouvelle génération incarnée par Christophe Barbier. p. Riutort22 a montré comment les premiers ont
construit au long de leur carrière un ethos dont le centre était leur nom, associé à certaines caractéristiques liées au
« professionnalisme ». Ainsi Denis Jeambar a-t-il pu investir l’autorité liée à cet ethos pour s’opposer en certaines
occasions aux propriétaires de L’Express23. Le nouvel éditorialiste, plus jeune que les deux autres, formé par eux, a été
choisi par le repreneur du magazine, Roularta, non pas comme incarnation d’une figure garante du sérieux et du
professionnalisme, mais pour être représentant du journal, et ainsi le « vendre » dans les autres médias. Pris dans ce
jeu, il a pour obsession le renouveau « marketing » des formes journalistiques, se considère comme « ambassadeur de
la marque Express », et affiche les mêmes ambitions commerciales que l’actionnaire Rik de Nolf24.
 25 Herman Th., Jufer N. (2001), « L’éditorial, "vitrine idéologique du journal" ». In Semen 13, Adam (...)
18Malgré ces positions hétérogènes, les trois hommes n’en restent pas moins éditorialistes. Si certaines études
montraient comme une tendance lourde un effacement de la prise en charge énonciative des éditorialistes25, nos
travaux nous amènent néanmoins à considérer cette place comme une plate-forme d’interpellation permanente, depuis
laquelle les trois locuteurs fabriquent une interlocution « idéale », tenant à la fois le rôle d’énonciateur et celui de co-
énonciateur, toujours là pour répondre à leurs propres questionnements rhétoriques, sans les risques réels du débat.
4. La « grandeur de la France » : une valeur phare
 26 Voir la page de présentation et de téléchargement d’Astartex réalisée par J-M Viprey sur : http:// (...)
19Nous ne pouvons, dans les limites de cet article, faire un exposé méthodologique des travaux que nous menons. Il
nous faut nous contenter d’exposer le fait que nous utilisons un logiciel de lexicométrie et de statistiques textuelles :
Astartex26, qui nous livre un dictionnaire des occurrences de notre corpus et qui nous permet de visualiser très
nettement celles qui sont statistiquement en suremploi. Ces résultats établis, nous retournons au texte pour analyser les
énoncés dans lesquels ils figurent.
20Les relevés statistiques effectués grâce au logiciel montrent une répartition thématique très claire. En se penchant
simplement sur le dictionnaire des mots-pleins, on constate que les mots « France », « F/français/e/s », « N/nation »,
« pays », « peuple », sont en tête de listes.
 27 Les formes graphiques ont été lemmatisées, c'est-à-dire catégorisées grammaticalement.
 28 Sur la base d’un calcul de l’écart-réduit à l’équidistribution.
21La dominante des lemmes27 « français » et « France » n’est a priori pas très étonnante dans des magazines dont une
des matières principales est la vie socio-politique nationale (bien qu’on pourrait s’attendre à plus d’occurrences relevant
de politique internationale dans des magazines qui ont avant tout une visée généraliste). Mais la confrontation des
données à un corpus étendu aux éditoriaux des quatre principaux newsmagazines français (outre Le Point et L’Express :
Le Nouvel Observateur et Marianne) montre un suremploi28 du terme « nation » notamment dans Le Point, tout comme
un suremploi du terme « France », comme l’attestent les deux graphiques de macro-distribution ci-dessous :

Agrandir Original (png, 35k)


22Le chapitre suivant montrera que les qualités attachées à la France ne sont pas toutes de l’ordre de la glorification.
Mais malgré les critiques nombreuses qui sont faites au pays, l’appel à la grandeur de la France est un leitmotiv dans le
discours des trois éditorialistes, qui considèrent que « cette œuvre qu’est la France » (D. Jeambar, 15/09/2005) doit
garder « plumes et panache » (C. Imbert, 15/06/06) ; elle « continue à inspirer le respect autour de nous » (D. Jeambar,
15/09/05). Lorsque Christophe Barbier dit : « Depuis que le monde envie la France » (15/03/07), il pose le prédicat « le
monde envie la France » comme un préconstruit qui n’est pas l’objet d’une possible mise en cause intersubjective.
4

23Cette idéalisation de l’identité nationale se fait généralement au passé, dans des formules du type : « La France était
une vérité », « plus personne n’aime la France comme elle le mérite. » que l’on trouve au sein de sections déplorant un
changement de statut entre passé et présent, qui fonctionnent sur une distinction systématique entre deux repérages
énonciatifs T0 et T-1 ou T0 et T1, où le repère le plus antérieur est toujours constitué positivement, et le repère postérieur
tend toujours vers « ne pas/plus être une grande nation » :
(E1) La défaite du pays est certaine. Quelle défaite ? Celle d’une nation qui disparaîtra de l’avant-scène qu’elle occupe
depuis des siècles, incapable de porter plus longtemps sur ses épaules tombantes le fardeau de son Histoire et le poids
des défis qu’elle a toujours su relever dans le passé. La France était une vérité. Elle pourrait devenir une stèle visitée par
les touristes. Ci-gît un grand pays. (Jeambar 06/04/06)
(E2) Si le pouvoir tourne si souvent à vide, c’est que son levier ne pèse que sur un appui branlant. Il ne rencontre plus
un corps national compact propre à exécuter une volonté générale. Il ne trouve face à lui que des segments, des partis,
des communautés, des classes d’âge, des catégories... La France ne les transcende plus. A trop oublier la France, à ne
s’adresser qu’à des Français d’une nation décomposée, le pouvoir s’est décomposé. (Imbert 15/03/07)
 29 Renan E. (1997 [1882]) Qu'est-ce qu'une nation ? Paris : Mille et une nuits, p.31.
24L’attachement à ce qui structure la nation se fait aussi par le biais de références nombreuses à des figures nationales
influentes ; les éditorialistes semblent en phase avec ces considérations d’E. Renan : « Le culte des ancêtres est de tous
le plus légitime ; les ancêtres nous ont faits ce que nous sommes. Un passé héroïque, des grands hommes, de la gloire
(j’entends de la véritable), voilà le capital social sur lequel on assied une idée nationale. »29 Ils sont héritiers de ces
grands récits, et les prennent comme tels au mépris de ce que la science historique peut en dire, comme le montre dans
ce même numéro Claire Blandin. Ainsi Claude Imbert met-il à plusieurs reprises en avant les « légendes » qui
construisent le sentiment national :
(E3) S’il fallait abolir les lieux de mémoire qui honorent les combats et les légendes qui les enjolivent, que resterait-il de
la mémoire nationale, sinon le miroir brisé d’une France mélancolique... (Imbert 08/12/05)
(E4) Il est, sans nul doute, une légende dorée de l’histoire de France. Va-t-on, par pénitence collective, lui substituer une
légende noire tout aussi légendaire ? (Imbert 27/10/05)
25L’éditorialiste n’hésite cependant jamais à se revendiquer du prestige qu’ont dans le champ certains intellectuels
médiatiques, lorsqu’ils plaident pour un arrêt de la repentance, une mémoire louable de l’histoire nationale, usant comme
les éditorialistes de citations d’autorité :
(E5)« Il est bon qu’une nation soit assez forte de tradition et d’honneur pour trouver le courage de dénoncer ses propres
erreurs. Mais sans oublier les raisons qu’elle peut avoir de s’estimer elle-même. Il est dangereux de lui demander de
s’avouer seule coupable, et de la vouer à une pénitence perpétuelle... (1) Albert Camus, cité par Max Gallo in « Fier
d’être français » (Fayard). (Imbert 09/02/06)
 30 Cf. Aprile S. (coord.) (2007) « L’histoire par Nicolas Sarkozy : le rêve passéiste d’un futur nati (...)
26Les renvois au crédit symbolique acquis par certaines figures historiques sont très fréquents dans le discours
politique30. Ici ils sont multiples, et ce sont les références au 18e siècle et à la période gaullienne qui dominent. Deux
moments qui sont construits, chacun à sa manière, comme des lieux mémoriels d’indépendance et de puissance de la
France.
(E6) La France n’est plus l’État qu’elle fut encore jusqu’au rêve gaullien. (Imbert, 06/04/06)
(E7) Bayrou y croit qui se souvient qu’un tel déferlement servit de Gaulle. Oui... mais c’était de Gaulle. Une première fois
en libérateur glorieux de la Nation, une seconde fois en sauveteur du naufrage algérien. (Imbert 08/03/07)
 31 Fuchs C., Le Goffic P. (2005) « La polysémie de comme ». In Soutet O. (2005) La polysémie. Paris : (...)
27Le soutien doxique des anciens se fait sous différents modes, par exemple avec des analogies énonciatives
introduites par comme Q (« comme Q, P ») où le verbe de Q est toujours un verbe de parole au passé, et où comme
pose « une analogie entre les circonstances d’énonciation, ou les conditions de vérité »31 de To et T-1, pour lesquels le
contenu propositionnel P est également valable, posant ainsi la parole des figures historiques comme atemporelle :
(E8) Le passé a montré que les Latins que nous sommes sont tout aussi capables que les Anglo-Saxons de relever les
défis du monde moderne. S’il en était autrement, nous serions un pays sous-développé. Comme l’a écrit Raymond
Aron : "Nous avons souvent dégringolé après être montés, mais, mystérieusement, nous avons toujours réussi à
ressusciter." (Jeambar 22/06/06)
28Ainsi, selon ces journalistes, la France est en mal de suprématie. Les références à la nation sont en effet
majoritairement construites dans des formules comparatives historiques ou géopolitiques qui posent la France comme
une nation « en déclin », thème récurrent chez les éditorialistes de droite, en attribuant les valeurs détrimentales au
présent, et les objets de fierté au passé :
(E9)Quand elle sombre dans le désarroi, la France s’accroche à des mots magiques pour essayer de retrouver des
rêves grandioses (Jeambar 13/06/05)
29Cette fierté et cette dignité perdues, dans le discours des éditorialistes, sont posées comme pourtant normalement
constitutives de son identité. Certains évènements sont invoqués dans la continuité doxique construite par l’histoire de
France dans laquelle au moins les deux éditorialistes les plus âgés ont été instruits :
(E10) Notre pays souffre d’une pathologie de la mémoire - qui le dissuade de célébrer le bicentenaire d’Austerlitz
(Jeambar 05/01/06)
(E11) Sans compter la dignité nationale. On censure Austerlitz et salue Trafalgar. Dans une Histoire dépiautée par la
repentance, une mémoire maniaque ne ramène plus que des épaves. (Imbert 23/02/06)
(E12) quel crève-cœur de voir notre République sombrer de plus en plus dans son gâtisme repentant : elle ne
commémore que ses remords... Au diable, donc, le flamboyant, le tonnant, le glorieux ! Austerlitz, Corneille, même
charrette ! (Imbert 15/06/15)
 32 Voir la mise au point de Marie-Anne Paveau sur la distinction entre les deux termes par exemple da (...)
30On constate une forte présence de répétitions, dans un mouvement interdiscursif, ou peut-être dialogique32, que l’on
retrouve dans des classes d’occurrences de différentes notions proches : « Francité », « sentiment national », « socle
identitaire de la Nation », « identité nationale » / « fierté », « cœur français », / « dignité nationale », dont il ne faut pas
« rougir ». Ces répétitions et ces thèmes récurrents martèlent un refrain : la situation géopolitique de la France doit
5

toujours se penser non en terme d’« être-nation », mais toujours sous le mode « être-grande nation », position qui relève
à notre sens de la doxa, et qui traverse les discours de nombreux champs de manière plus ou moins forte à l’heure
actuelle.
5. La suite de l’argumentation : une grande nation est une nation qui a une économie « moderne »
31Mais à quoi correspond une « fierté nationale » ? Que veut dire être ou continuer à être « un grand pays » ? Si la
dignité perdue est un motif récurrent du corpus, il l’est à des occasions bien précises qui plaident non pour l’unité
nationale, pour un sentiment identitaire comme on pourrait s’y attendre avec un tel recours au pathos, mais pour un
changement d’orientation économique. Après l’appel pathémique à la nation, la suite de l’argumentaire devient fortement
idéologique, plaidant pour le renforcement d’une orientation économique déjà dominante en le posant comme une
nécessité : la France ne sera une nation qui compte que lorsqu’elle aura entamé de manière radicale un tournant libéral.
Les exemples ci-dessous sont extraits du corpus, à titre représentatif de la manière dont l’idéologie travaille le discours.
Nous les donnons d’abord en nombre avant d’en expliciter les fonctionnements :
(E13) : La vérité grelottante qui sort enfin du puits, c’est que la France en Europe devient un vieux navire rêvant
d’anciens parapets. Plutôt que d’affronter le grand large de la mondialisation, elle choisit le cabotage avec, à bâbord, la
dette, à tribord, le chômage. (Imbert 05/01/06)
(E14) : En France, une énorme vérité cherche à sortir du puits. La voici : « Une nation industrielle n’est pas un parc de
loisirs où les retraités sont de plus en plus jeunes, les étudiants de plus en plus âgés, les horaires de travail de plus en
plus réduits, et les congés de plus en plus longs (1)... » Hélas, cette plate évidence gigote encore à la margelle du puits.
La France des 35 heures ne veut toujours pas voir que les libéralités exorbitantes consenties par l’État providence - ou
arrachées de force à son insigne faiblesse - sont en train de couler la nation. (Imbert 16/02/06)
(E15) : Elle apprendra donc que la France n’est plus l’État qu’elle fut encore jusqu’au rêve gaullien. Dans l’économie de
marché, elle ne sauvera son statut ébranlé qu’en quittant ses illusions. L’Etat-mamma ne l’a que trop endormie par ses
berceuses. Si la France est le premier consommateur mondial d’antidépresseurs, son État, à sa manière, en fut le
dealer, voire le grossiste.
Par peur de la vérité, pour protéger l’Ancien Régime, il précipite, une fois encore, la Nation dans l’antique pancrace
droite-gauche. Mais, désormais, à fronts retournés. La droite conduit mal le changement qu’elle sait nécessaire. Quant à
la gauche, elle n’en tire avantage qu’en s’enfonçant dans le conservatisme de l’avantage acquis, de la réduction du
travail et de l’encoconnement généralisé. Tandis que la mondialisation entre par portes et fenêtres... (Imbert 06/04/06)
(E16) : Quant à notre pays, souhaitons-lui, pour commencer, de s’ouvrir tout simplement... au bon sens. Le bon sens
n’est plus si partagé qu’on dit. Nos esprits forts, volontiers, le méprisent. Il faut dire qu’ils ne se trompent, eux, que sur
l’essentiel, tandis que le prosaïque bon sens ne va qu’à l’essentiel. Combien de fois, dans notre vie publique, aurons-
nous perdu, en vingt ans, le sens commun ! Commun, en tout cas, à toutes les nations d’Occident ? (Imbert05/01/06)
(E17) : La France s’offre un faux débat national au moment où elle devrait mordre dans le boulot comme un chien
enragé et ne plus lâcher cette prise que se dispute la planète entière. Sinon nous finirons en réserve de Sioux, connue
pour son passé glorieux, visitée par les nouveaux maîtres nantis de la planète. Si notre objectif est de devenir une
armée de gardiens du parc de loisirs « France », continuons comme ça, la route est toute tracée. La France, pourtant,
mérite mieux que ce pétainisme qui la gagne, spirale du renoncement et de l’abaissement dans laquelle sont emportés
le goût de l’effort, la prise de risque et nos principes fondateurs. Abandonnons un instant tout esprit polémique et
posons-nous simplement cette question : cette peur nationale du CPE est-elle raisonnable (…) ? (Jeambar 16/03/06)
(E18) Ainsi vivons-nous dans une sorte de guerre civile froide dans laquelle plus personne ne négocie avec personne.
L’interruption de cet échange social explique l’échec constant des tentatives, si modestes soient-elles, de réformes. Il
faut donc refonder ce pacte républicain en rétablissant un dialogue entre toutes les parties prenantes de la nation, seule
manière de donner un contenu dynamique à la notion de progrès. Faute de choisir cette voie de la modernisation, le
social continuera de se résumer à la défense de droits acquis qui finiront tout simplement par disparaître le jour où nous
n’aurons plus les moyens de les financer. Cela signifie aussi que le pays a besoin d’inventer les conditions d’une
croissance saine et durable. Notre redressement passe, qu’on le veuille ou non, par un rebond économique, le choix de
la compétitivité et, donc, le consentement des Français à un effort collectif équitablement réparti. Il y a bien longtemps
que nous aurions dû l’entreprendre, car chaque jour qui passe en rend l’ampleur plus grande. (Jeambar 25/05/06)
(E19) (...) la France a de la ressource. À preuve, celle qui bosse, caracole et réussit, mais s’épuise à traîner l’autre, la
rechigneuse, la gémissante, la sédative ou la tire-au-flanc. Pour secouer la traînarde, il ne faut que lucidité sur notre état
véridique et courage pour en changer. Tous nos voisins l’ont fait. Pourquoi pas nous ? (Imbert 04/01/07)
(E20) Résultat, quand on leur demande un effort qu’ils ne comprennent pas, faute d’un langage de vérité sur le monde
tel qu’il est et d’une répartition équitable des sacrifices, les Français se cabrent ou se rebellent. (Jeambar 23/03/06)
32Quelques fonctionnements caractéristiques parmi d’autres se dégagent des extraits ci-dessus :
 33 Ducrot O. (1972) Dire et ne pas dire. Principes de sémantique linguistique. Paris: Hermann. Bourdi (...)
 34 Sériot P. (1986) « Langue russe et discours politique soviétique : analyse des nominalisations ». (...)
 35 Culioli A., Fuchs C. & Pêcheux M. (1970) « Considérations théoriques à propos du traitement formel (...)
33• C’est avant tout en posant certains termes comme des évidences, c’est-à-dire comme des éléments qui seraient
directement issus d’un réel (la naturalisation étant le processus idéologique par excellence d’une idéologie qui se cache
ou s’ignore), que l’idéologie se façonne. L’évidence travaille de différentes manières, pour que les choses n’aient pas l’air
d’être dites, ne pouvant ainsi être contredites33. L’effet d’évidence (Sériot34) est possible grâce à l’existence des
préconstruits. Le discours fonctionne avec de nombreuses occurrences dont l’existence est pré-assertée35, et toutes
ces occurrences ne relèvent pas de l’idéologie. Mais c’est un fonctionnement qui permet de dissimuler que l’existence de
l’occurrence en question est posée quelque part, qui n’est pas dans l’énoncé même, et qui donc parait « naturelle »,
« évidente », etc. Ainsi en va-t-il par exemple de « la modernisation en cours de toute la social-démocratie » où
modernisation n’est pas défini. Idem pour « le conservatisme de l’avantage acquis, de la réduction du travail et de
l’encoconnement généralisé (E15) » ou « l’échec constant (…) des tentatives de réforme (E18) ».
 36 Cf. Franckel J.-J., Lebaud D. (1990) « Les figures du sujet. À propos des verbes de perception, se (...)
34• Outre des évidences, la langue permet de construire des nécessités. La circularité de la formule « le monde tel qu’il
est » (E20), où l’attribut qualifiant par identification le sujet, redoublé par la relation attributive, permettent de gloser par
6

« le monde est tel que le monde est », ce qui induit une sorte de fatalité, qui relève de la contingence mais qui sert
d’argument de nécessité : on doit prendre acte de ce qui constitue une réalité, et agir dans le seul sens que nous permet
cet état du monde. Ainsi, « qu’on le veuille ou non » (E18), on « sait » le changement « nécessaire » (E15). Le verbe
savoir implique que son complément soit prédiqué de manière indépendante : « Q a une existence indépendante de sa
fonction de complément de savoir »36. On a encore une fois une préconstruction, c’est-à-dire un effet d’évidence qui de
surcroît porte sur une nécessité. Après cela, il reste peu de place pour l’indépendance subjective du lecteur… Ceci étant,
le recours à la nécessité ne se fait pas automatiquement par implicite. Les occurrences de marqueurs de nécessité sont
extrêmement prolifiques et nous ne pouvons ni toutes les analyser, ni même toutes les mentionner. Mais dans les
exemples suivants (voir aussi E19), elles sont par exemple prises en charge par le locuteur qui ne dissimule pas cette
responsabilité énonciative :
(E21) : Nous n’avons pas compris - ou pas encore admis - que la mondialisation était le cadre inévitable de notre avenir.
(Jeambar 22/06/06)
(E22) : Ne faut-il pas agir avec plus d’habileté dans le pays le plus rétif du monde au système de la libre entreprise et à
l’économie de marché ? Seule nation à rejeter le capitalisme, la France, de toute évidence, nécessite un traitement
attentif et lourd pour éviter de se retrouver dans un isolement suicidaire. (Jeambar 30/03/06)
35• Le recours au mot vérité, notamment avec la formule « la vérité sort du puits » (E13, E14), utilisée par Claude Imbert
à six reprises dans la période étudiée, marque également une prise en charge explicite. En effet, le terme « vérité », bien
qu’il ait l’air de ne pas laisser le choix au co-énonciateur sur l’existence d’une vérité incontestable, n’est pas un terme
dissimulateur, et se pose en tant que tel comme prise de position. Dans (E15), la mention de « la vérité », avec article
défini, est le résultat d’un fléchage vers une valeur absolue du terme. Ici « la vérité » n’accepte pas de demi-mesure. Il y
a soit un intérieur, ontologique, soit un extérieur, qui correspond à l’état actuel de la France, déploré. On retrouve
exactement le même comportement dans des occurrences où le terme « vérité » fait l’objet d’un parcours de la notion :
« toute vérité est une "rupture" » (Imbert 28/09/06), reprend le même thème : toute occurrence de la notion, de manière
indéterminée, donc globale également, correspond à « autre chose que l’état actuel de la France ». Même lorsqu’elle est
qualifiée et donc discrétisée par d’autres actualisations possibles (E13), elle se pose comme terme-origine, constructeur,
d’une valeur détrimentale de la France. Mais quoi qu’il en soit c’est toujours l’énonciateur qui se pose comme repère-
origine et donc comme celui qui valide l’existence de cette vérité, qu’elle soit préconstruite (E15) ou non.
 37 Sauvage C., (1988) Journaliste, une passion, des métiers. CFPJ, Paris, coll. Connaissance des médi (...)
36On a pu lire, dans un manuel explicatif des métiers de l’information37, sous-titrant en gros caractères le chapitre
consacré à « L’éditorialiste » : « Les éditorialistes traquent la vérité ». Cette quête de « la vérité » ontologique, est bien
présente dans l’écriture des éditorialistes de notre corpus.
37• Les articles donnent à lire des actants concurrentiels : les élites et le peuple, la nation et l’opinion, la rue et les urnes,
actants qui sont réinvestis à chaque fois comme deux faces d’une France aimée et maudite à la fois. Nous ne nous
attarderons pas sur ce point mais on peut noter, malgré une grande variabilité des valeurs (positives ou négatives)
attribuées à chaque actant en fonction des circonstances, que certaines positions gardent des attributs fixes : on a déjà
montré comment certaines qualités positives de la nation étaient construites comme nécessaires par des arguments
historicisants ; l’État, quant à lui, est toujours construit comme un agent passif, ce qui renvoie à certains traits que lui
assigne l’idéologie libérale. La « rue » est, elle, montrée comme une entité « antidémocratique », source de peur pour le
pouvoir, toujours opposante majeure à l’avancée des réformes économiques posées comme « nécessaires ».
 38 « Réforme » est un terme non discrétisé dans 81% des usages dans le corpus du Point et 61% des usa (...)
38• Enfin, évoquons un ressort argumentatif important du corpus : une forme de séquence récurrente pour presser le
pouvoir d’en venir à « la réforme »38, réside dans la comparaison avec les pays analogues : par exemple dans (E16) où
le « nous » est opposé à « toutes les nations d’Occident », ou encore dans les extraits suivants :
(E23) : Il y a désormais pire que le fossé entre le pouvoir et l’opinion, c’est le fossé grandissant entre la France et les
grandes démocraties d’Occident. (Imbert 30/03/06)
(E24) : La nouveauté à la fois cruelle et bénéfique, c’est que la vérité sort peu à peu du puits : sur l’état réel de la nation,
le référendum a déchiré les voiles de la cafardise officielle. Les Cassandre françaises ne sont plus seules à dire, dans
notre pays même, que la nation dévisse. Et sur la « France qui tombe », l’opinion internationale parle comme Baverez !
(Imbert 23/06/05)
(E25) : la terre entière rigole, travaille et creuse les écarts avec nous (Jeambar 16/03/06).
 39 Muller B. (2007) Cahier du GEMDEV n°31, La mesure de la mondialisation. Disponible sur : http://ww (...)
39Cet argument vise à faire autorité, comme si d’un côté le fossé était avéré entre les économies des pays en question
et la nôtre, et d’un autre côté comme si cette différence prouvait en elle-même un défaut de l’économie française. L’appel
aux notions de « réforme » ou de « modernisation » dans le discours dominant du capitalisme est à l’heure actuelle fait
sous le motif de la nécessité imposée par les lois internationales du marché (totalement désincarnées, comme si toute
responsabilité humaine était transcendée par ces « lois »)39, et camoufle comme le dit Alain Bihr une véritable révolution
idéologique, un retour sur les acquis sociaux des 19e et 20e siècles (voir à titre d’illustration les exemples 14, 17 ou 18).
40Peu représenté dans les extraits choisis ci-dessus, le discours de Christophe Barbier est un peu différent de celui de
ses confrères. Officiant comme éditorialiste depuis 2007, il prône lui aussi « la réforme », mais par d’autres chemins
doxiques : il travaille systématiquement en parallèle les ethos endossés par les « présidentiables » – leur image
médiatique, et les potentialités de réformes économiques que ces postures recèlent. Le telos idéologique de Christophe
Barbier est néanmoins le même que celui de ses confrères, et les ressorts langagiers très similaires.

* *
*
41Ces marqueurs linguistiques et discursifs de l’idéologie dans le corpus sont, comme le montrent les extraits présentés
ici, beaucoup plus nombreux que ceux sur lesquels s’est arrêtée notre étude. Nous aurions par exemple pu montrer
comment le fait de nommer une proposition « une évidence » la pose justement comme un objet de contestation
potentiel (sur le même modèle que « la vérité »), ou comment poser le sens d’abord comme « bon » (E16) ou
7

« commun » oblige à le poser comme unique représentant de la notion ( « ? un bon sens », « ? un sens commun »).
L’étude stimulante de ces objets langagiers est en cours et ne pouvait être ici qu’effleurée.
6. Conclusion
 40 Cf Rabatel A., Chauvin-Vileno A., (Dirs.) (2006) Semen 22, Énonciation et responsabilité dans les (...)
 41 http://www.institutmontaigne.org/comment-communiquer-la-reforme-2801.html.
42C. Sauvage, le journaliste auteur du chapitre sur les éditorialistes mentionné ci-dessus, délivrait une définition assez
intéressante de l’éditorial, qui ferait « état d’un point de vue », se limitant à constater le délabrement de la société sans
en faire une analyse. C’est une définition intéressante en ceci qu’elle décrit effectivement le comportement langagier des
éditorialistes étudiés, mais ici encore l’image est dissimulatrice de la responsabilité du journaliste40. Ainsi, qu’il soit fait
sous le mode de la nécessité ou sous celui de l’évidence, par de nombreux marqueurs langagiers et discursifs, le
discours des éditorialistes du Point et de L’Express sur la nation appelle l’analyste du discours à deux types de
commentaires, si l’on accepte la distinction que nous avons posée entre idéologie (à l’origine des discours légitimant la
domination) et doxa (véhicule de sens commun plus local). Longtemps au service de l’unification territoriale, puis
appuyant l’idéologie xénophobe de l’extrême droite ou certaines mesures populistes gouvernementales, l’appel à la
nation est un élément doxique très largement convoqué dans le corpus. Un de ses contenus doxiques, largement
répandu dans notre pays, est de prôner la naturalité de la grandeur de la France. Cette teneur doxique est cependant
investie ici au service de l’ordre idéologique majeur de notre époque : l’accélération des mesures en faveur du
néolibéralisme économique. En tout état de cause, elle est une notion politique ambigüe du fait qu’elle est toujours
convoquée pour accompagner ou justifier un ordre de domination, par le fait que son trait distinctif d’unité de la
communauté lui donne un fort potentiel identitaire, utilisé ici comme recours argumentatif au service d’une conclusion
« nécessaire » : la France doit garder une place décisive sur la scène géopolitique mondiale, elle est donc obligée de
prendre des mesures plus radicales en faveur de l’économie de marché. Le discours éditorial, prenant comme argument
la nation, tente ainsi de masquer les intérêts distincts des différents agents sociaux, et investit ainsi un projet idéologique
sous-jacent d’affrontement social. C’est un fonctionnement que l’on retrouve prôné par les groupes d’influence, qui, à
l’instar de l’Institut Montaigne dans sa plaquette « Comment communiquer la réforme »41, conseillent de « bannir tout
vocabulaire d’affrontement ou de gagnants-perdants ».

Notes
1 Claude Imbert au Point et Denis Jeambar puis Christophe Barbier à L’Express.
2 Cf. Nora P. (1986) Les lieux de mémoire, T2 La Nation III, Les France I. Gallimard, Coll. Quarto. p.1695 ; Burdeau G. Article Nation-
« L'idée de nation », Encyclopedia Universalis, http://www.universalis-du.com/recherche /sujet/5832/
3 Sieyès E.J. (1988 [1789]) Qu'est-ce que le Tiers État ? Paris : Flammarion. Champs.
4 Cf. Thiesse A.-M. (2001) La création des identités nationales. Paris : Seuil.
5 On peut en revanche affirmer qu’elle est proprement exclue par les « extrêmes gauches », communistes et anarchistes.
6 Cf. Guillon J.-M. (2003) « Droites et gauches dans la France des années trente et quarante : crises, recompositions et tradition
républicaine », in Les courants politiques et la Résistance : continuités ou ruptures ? Actes du colloque international, Esch-sur-Alzette,
avril 2002, Grand -Duché du Luxembourg, (collectif). Luxembourg : Édition Archives Nationales.
7 Cf. Noiriel G. (2007) À quoi sert "l'identité nationale". Marseille : Agone, Passé & présent.
8 Les dictionnaires reprennent presque systématiquement la dichotomie entre les deux définitions de la nation. Voir par exemple le
TLFI : http://www.[a-z]nrtl.fr/definition/nation.
9 Cf. S. Rémi-Giraud (1996) « Le micro-champ lexical français. Peuple, Nation, État, Pays, Patrie » in Rémi-Giraud S., Rétat P., (Dirs.)
(1996) Les mots de la nation. Lyon : Presses universitaires de Lyon.
10 Thompson J.B. (1990) Ideology and modern culture: Critical Social Theory in the Era of Mass Communication.Cambridge: Polity
Press, p.5. « Considérer un point de vue comme idéologique, c’est, semble t-il, déjà le critiquer, car le concept d’idéologie semble porter
un sens négatif, critique » (notre traduction).
11 Voir par exemple O. Voirol (2008) « Idéologie : concept culturaliste et concept critique », in Actuel Marx 1/2008 (n° 43), p. 62-78.
Disponible sur www.cairn.info/revue-actuel-marx-2008-1-page-62.htm. ; ou encore les travaux de Ruth Wodak au sein de la CDA.
12 Bourdieu P. (1997) Méditations pascaliennes. Paris : Seuil, p.145.
13 cf. C. Lambert (2010) « Questions sur l’expression du sentiment national dans le discours d’éditorialistes de la presse généraliste »,
in Komur-Thilloy, Greta. En collaboration avec Agnès Celle, Discours du nationalisme en Europe, Paris : L’improviste (Actes du colloque
à paraître).
14 Passeron J.-C., Bourdieu P. (1979), La distinction, Paris : Minuit. Le sens commun ; Rieffel R. (1994), L'élite des journalistes, Paris :
Seuil ; Bourdieu P. (1996), Sur la télévision, Paris : Raison d’agir.
15 Bourdieu P. (1992), Réponses, Paris : Seuil, p.76.
16 Cf. Tableaux Statistiques de la Presse, résultats annuels 2007, établis par la Direction du développement des médias – Bureau du
régime économique de la presse et des aides publiques – Département Statistiques, visibles sur :
http://www.ddm.gouv.fr/IMG/pdf/TSP_2007_avec_donnees_de_cadrage.pdf.
17 Rieffel R. (1994), L'élite des journalistes, Paris : Seuil.
18 Alain Duhamel cité par Emmanuelle Duverger : http://www.revue-medias.com/Vive-la-transgression, 345.html.
19 Le Bohec J. (2000), Les mythes professionnels des journalistes. L'état des lieux en France, Paris : L'Harmattan communication.
20 Cf : http://www.ozap.com/actu/christophe-barbier-internet-option/114840. On constate dans les médias en général que le partisan,
ce n’est jamais soi-même. Franz-Olivier Giesbert, nouveau directeur du Point, déclare lui aussi : « Je ne roule pour personne, je ne suis
pas un militant ni un petit soldat » : http://www.revue-medias.com/Vive-la-transgression,345.html.
21 Voir par exemple Le Bohec, 2000 : 56-62.
22 Riutort P. (1997) «"Au nom du nom" ou comment investir son poste. Le cas des éditorialistes d’Europe 1 ». In Scalpel 2-3, p.79-105.

23 Notamment lors de l’affaire des caricatures de Mahomet, ou encore pour défendre la composition du conseil de surveillance du
journal, évènements qui ont conduit Dassault à se défaire du magazine. Cf. par exemple les articles en ligne : A. de Rochegonde,
« Crise entre la rédaction de L'Express et l'actionnaire majoritaire du magazine, Serge Dassault ». RFI, 04/06/2005, disponible sur
http://www.rfi.fr/actufr/articles/066/article_36615.asp, ou « Festraëts M. Jeambar témoigne pour Charlie », L’Express.fr, 08/02/2007,
disponible sur http://www.lexpress.fr/actualite/societe/jeambar-temoigne-pour-i-charlie-i_462780.html.
24 « Mon édito est adapté au web. Est-il adapté au téléphone portable ? Qualité sonore, qualité d’image, c’est compliqué » :
Christophe Barbier interrogé par Clémence Pène sur http://www.ozap.com/actu/christophe-barbier-internet-option/114840.
25 Herman Th., Jufer N. (2001), « L’éditorial, "vitrine idéologique du journal" ». In Semen 13, Adam J-M, Herman Th., Lugrin G. (coord),
Genres de la presse écrite et analyse de discours. Besançon : PUFC.
8

26 Voir la page de présentation et de téléchargement d’Astartex réalisée par J-M Viprey sur : http://laseldi.univ-
fcomte.fr/document/viprey/page_JMV.htm. Voir aussi : Viprey J.-M. (2004) « Analyse séquencée de la micro-distribution lexicale ». In
JADT 2004. 7èmes Journées Internationales d'Analyse statistique des données textuelles. Disponible sur http://www.cavi.univ-
paris3.fr/lexicometrica/jadt/jadt2004/pdf/JADT_115.pdf.
27 Les formes graphiques ont été lemmatisées, c'est-à-dire catégorisées grammaticalement.
28 Sur la base d’un calcul de l’écart-réduit à l’équidistribution.
29 Renan E. (1997 [1882]) Qu'est-ce qu'une nation ? Paris : Mille et une nuits, p.31.
30 Cf. Aprile S. (coord.) (2007) « L’histoire par Nicolas Sarkozy : le rêve passéiste d’un futur national-libéral ». Disponible sur
http://cvuh.free.fr/spip.php?article82.
31 Fuchs C., Le Goffic P. (2005) « La polysémie de comme ». In Soutet O. (2005) La polysémie. Paris : Presses de l'Université de
Paris-Sorbonne. Disponible sur http://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-00067939/en/.
32 Voir la mise au point de Marie-Anne Paveau sur la distinction entre les deux termes par exemple dans : Paveau M.-A. (2010)
« Interdiscours et intertexte. Généalogie scientifique d'une paire de faux jumeaux », In Kastberg-Sjöblom M. & Ablali D., Actes du
colloque Linguistique et littérature. Cluny, 40 ans après, Besançon. PUFC, p.93-106.
33 Ducrot O. (1972) Dire et ne pas dire. Principes de sémantique linguistique. Paris: Hermann. Bourdieu P. (1996) Sur la télévision.
Paris: Raison d’agir.
34 Sériot P. (1986) « Langue russe et discours politique soviétique : analyse des nominalisations ». In Langages 81, p.25.
35 Culioli A., Fuchs C. & Pêcheux M. (1970) « Considérations théoriques à propos du traitement formel du langage ; tentative
d’application au problème des déterminants ». In Document de linguistique quantitative n°7. Paris : Centre de linguistique quantitative
de la faculté des sciences de l’université de Paris, Dunod.
36 Cf. Franckel J.-J., Lebaud D. (1990) « Les figures du sujet. À propos des verbes de perception, sentiment, connaissance ». Gap:
Ophrys. L'homme dans la langue, p.99. Leur analyse montre que Q à un complément de type prédicatif.
37 Sauvage C., (1988) Journaliste, une passion, des métiers. CFPJ, Paris, coll. Connaissance des médias.
38 « Réforme » est un terme non discrétisé dans 81% des usages dans le corpus du Point et 61% des usages dans L’Express. Cet
usage ontologique, qui généralise le terme et le porte en étendard, est spécifique à notre corpus, si on le compare par exemple avec
des discours de personnalités politiques : http://sites.univ-provence.fr/veronis/Discours2007/, ou encore avec le discours général d’un
journal de même tendance politique, sur la même période. Nous n’avons malheureusement pas eu la ressource de faire des
comparaisons plus précises avec d’autres corpus comparables.
39 Muller B. (2007) Cahier du GEMDEV n°31, La mesure de la mondialisation. Disponible sur :
http://www.gemdev.org/publications/cahiers/pdf/31/Cah_31_MULLER.pdf.
40 Cf Rabatel A., Chauvin-Vileno A., (Dirs.) (2006) Semen 22, Énonciation et responsabilité dans les médias, Besançon : PUFC.
41 http://www.institutmontaigne.org/comment-communiquer-la-reforme-2801.html.

Bibliographie
Aprile Sylvie (coord.) (2007), « L’histoire par Nicolas Sarkozy : le rêve passéiste d’un futur national-libéral », disponible sur
http ://cvuh.free.fr/spip.php ?article82
Bourdieu Pierre (1992), Réponses, Paris : Seuil
Bourdieu Pierre (1996), Sur la télévision, Paris : Raison d’agir
BourdieuPierre (1997), Méditations pascaliennes, Paris : Seuil
Burdeau Georges, Article Nation - L’idée de nation, Encyclopedia Universalis, http://www.universalis-edu.com/recherche/sujet/5832/
Culioli Antoine, Fuchs Catherine & Pêcheux Michel (1970), « Considérations théoriques à propos du traitement formel du langage ;
tentative d’application au problème des déterminants », Paris : Centre de linguistique quantitative de la faculté des sciences de
l’université de Paris, Dunod. Document de linguistique quantitative n° 7.
Ducrot Oswald (1972), Dire et ne pas dire. Principes de sémantique linguistique. Paris : Hermann.
Franckel Jean-Jacques & Lebaud Daniel (1990), « Les figures du sujet. À propos des verbes de perception, sentiment, connaissance »,
Gap : Ophrys. L’homme dans la langue.
Fuchs Catherine & Le Goffic Pierre (2006), « La polysémie de comme. halshs-00067939, version1-9 mai 2006 ». In Soutet, Olivier
[2005] La polysémie : Presses de l’Université de Paris-Sorbonne. Disponible sur <http://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-
00067939/en/>.
Guillon Jean-Michel (2003), « Droites et gauches dans la France des années trente et quarante : crises, recompositions et tradition
républicaine », in Les courants politiques et la Résistance : continuités ou ruptures ? Actes du colloque international, Esch-sur-Alzette,
avril 2002, Grand -Duché du Luxembourg, (collectif). Luxembourg : Edition Archives Nationales.
Herman Thierry & Jufer, Nicole (2001), « L’éditorial, "vitrine idéologique du journal" ». In Semen 13, Genres de la presse écrite et
analyse de discours. Besançon : PUFC, coll. Annales littéraires.
Le Bohec Jacques (2000), Les mythes professionnels des journalistes. L’état des lieux en France, Paris : L’Harmattan communication.
Muller Birgit (2007), Cahier du GEMDEV n° 31, La mesure de la mondialisation. Disponible sur :
http://www.gemdev.org/publications/cahiers/pdf/31/Cah_31_MULLER.pdf
Nora Pierre (1986), Les lieux de mémoire, T2 La Nation III, Les France I, Gallimard, Coll. Quarto. p. 1695 ;
Noiriel Gérard (2007), A quoi sert "l’identité nationale". Marseille : Agone, Passé & présent.
Passeron Jean-Claude & Bourdieu Pierre (1979), La distinction, Paris : Minuit. Le sens commun.
Rabatel Alain & Chauvin-Vileno Andrée (Dir.) (2006), Semen 22, Énonciation et responsabilité dans les médias, Besançon : PUFC.
Rémi-Giraud Sylviane & Rétat Pierre (Dir.) (1996), Les mots de la nation, Lyon : Presses universitaires de Lyon.
Rieffel Rémy (1994), L’élite des journalistes, Paris : Seuil.
Sauvage Christian (1988), Journaliste, une passion, des métiers. Paris : CFPJ, coll. Connaissance des médias.
Sériot Patrick (1986), "Langue russe et discours politique soviétique : analyse des nominalisations". In Langages 81. p. 11-41.
Sieyès Emmanuel Joseph (1988 [1789]), Qu’est-ce que le Tiers État ? Paris : Flammarion. Champs.
Thiesse Anne-Marie (2001), La création des identités nationales. Paris: Seuil.
Thompson John B. (1990), Ideology and modern culture: Critical Social Theory in the Era of Mass Communication. Cambridge: Polity
Press.
Viprey Jean-Marie Astartex : http://laseldi.univ- fcomte.fr /document /viprey/page_ JMV.htm.
Viprey Jean-Marie (2004), « Analyse séquencée de la micro-distribution lexicale ». In JADT 2004. 7èmes Journées Internationales
d’Analyse statistique des données textuelles. Disponible sur http://www.cavi.univ-paris3.fr/lexicometrica/jadt/jadt2004/pdf/JADT
_115.pdf.

Vous aimerez peut-être aussi