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Le groupe est une enveloppe qui fait tenir ensemble des individus.
Tant que cette enveloppe n’est pas constituée, il peut se trouver un agrégat humain, il n’y a
pas de groupe.
Il faut quelques séances avant qu’un ensemble de personnes réunies, même avec un but
commun annoncé, ne devienne un groupe.
Une enveloppe vivante, comme la peau qui se régénère autour du corps, comme le moi qui
s’efforce d’englober le psychisme est une membrane à double face. L’une tournée vers la
réalité extérieure, physique et sociale, que le groupe va considérer comme une alliée, une
ennemie ou neutre. Par cette face l’enveloppe groupale édifie une barrière protectrice contre
l’extérieur : « sans les réunions de groupe je ne tiendrai pas au travail, personne ne m’y
comprend ni ne me demande comment je vais ».
L’autre face est tournée vers la réalité intérieure des membres du groupe. Par sa face interne,
l’enveloppe groupale permet l’établissement d’un Soi de groupe : le groupe a un Soi propre.
Ce Soi est imaginaire. Il est le contenant à l’intérieur duquel une circulation identificatoire va
s’activer entre les personnes : « nous sommes des sœurs de chagrin » déclare une participante
à un groupe de veuves.
C’est lui qui rend le groupe vivant.
C’est K.Lewin, l’inventeur de la dynamique des groupes, a mis en évidence la nécessité pour
les membres du groupe, s’ils veulent assurer entre eux un fonctionnement démocratique, de
substituer aux mois individuels ce que l’on peut appeler un moi de groupe conscient. Le
groupe peut trouver son enveloppe psychique dans un moi idéal commun : c’est le phénomène
de l’illusion groupale : « vous ne vous lassez pas de faire des groupes de parole ?…vous allez
oublier ce groupe ? : tentative de ré-assurement auprès des animateurs sur le fait que ce
groupe là est plus mémorable que les autres , qu’ils ont constitué un « bon » groupe aimable
pour l’animateur..
- unité de lieu : les séances se déroulent dans la salle qui leur est affectée et ne change
pas de séance en séance
- unité d’action : le groupe se réunit autour d’un projet commun : parler de la personne
disparue. Cette tâche est leur unique activité pendant les séances, même si différents
outils sont utilisés : parole, chant, art, danse, silence …
C’est un système opératoire, doté d’une cohérence interne apte à susciter des effets de
changement chez les participants. Il opère en tant qu’institution symbolique.
Tout groupe est une mise en commun dont l’imagerie populaire propose une réponse
idéalisée : mise en commun des énergies, des enthousiasmes, des capacités par le moyen
d’une discipline librement consenties. Si les antipathies dépassent un certain seuil et
s’adressent notamment aux responsables de groupe, l’entente et l’énergie seront basses. Si les
sympathies sont nombreuses, largement réparties, si les responsables en ont leur part, elles
seront élevées.
Comment ces impressions affectives se renforcent-elles, se modifient elles ? Lewin constate
qu’une décision de groupe, quand le groupe se sent libre et solidaire peut être plus forte que
les préférences individuelles qui pousseraient les membres à agir séparément en sens inverse.
Autrement dit le stimulus c’est l’appartenance au groupe, la réponse c’est la modification des
habitudes individuelles.
Les intellectuels aussi bien que les gens les plus simples ne cultivent-ils pas la rêverie
nostalgique d’une vie groupale où les gens s’entendraient, se comprendraient, s’aimeraient, se
dévoueraient à l’objectif commun, s’articuleraient les uns aux autres en un tout solide et
souple ? Ne s’indignent ils pas à bon compte des tensions, des malentendus, des drames,
ostracismes dont tout groupe vivant et efficace ne manque pas d’être le lot ? Nous sommes
toujours surpris d’apprendre qu’à l’intérieur d’un groupe politique, pourtant uni par le même
but sociétal s’entredéchire dans des querelles internes et est traversé de profondes inimitiés
Un groupe d’endeuillés, c'est-à-dire de personnes en grande souffrance, ne diffère en rien
d’un autre groupe. Donc s’il y a un absent , c’est le moment d’être vigilant et de ne pas
s’autoriser à parler « sur » lui.
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Les animateurs de groupe partagent les émotions communes aux participants. S’ils
parviennent à s’analyser eux-mêmes, ils pourront d’après leurs sentiments juger quelle est la
situation vécue par le groupe d’où l’extrême importance de la supervision. Ils ressentent plus
que les autres membres les frustrations car ils sont chargés de faire travailler ce groupe et s’en
sentent responsables ; le groupe ne s’aperçoit pas, par exemple qu’il sabote le travail, mais
l’animateur, plus sensible à ces sortes de fuite de tâche reconnait le véritable climat (cf
semaine avec Groupe Mornay, refus de faire tel ou tel exercice). L’animateur a à prendre du
recul et à être à la fois dans et hors du groupe.
Difficultés possibles :
Le groupe pense l’animateur comme un étranger : il n’est pas des nôtres ; il ne peut pas
connaître nos problèmes comme nous qui les vivons tous les jours ; il y a des choses qu’il ne
pourra jamais sentir. D’ailleurs il ne s’intéresse pas à nous pour nous-mêmes mais parce qu’il
est ravi d’appliquer ses méthodes ou ses théories. Notre groupe n’est pour lui qu’un terrain
d’expérience… cf groupe Mornay, « rébellion » du troisième jour
La situation de groupe en face à face avec des partenaires qu’on connaît à peine peut être
vécue comme une menace pour l’unité personnelle, comme une mise en question du moi. La
convergence sur moi d’une demi-douzaine ou d’une dizaine de désirs différents n’est pas
simple ! Chacun se sent sujet et cherche à obtenir la reconnaissance et la satisfaction de
certains de ses désirs. Nicole qui veut être reconnue comme celle qui a le deuil le plus
difficile, Carole qui veut être reconnue, malgré son évidente dépression comme la rigolote,
Marie-Claude qui veut être reconnue comme la plus isolée etc.
Dans les débuts de réunion, quand chacun est gêné, que les uns se retirent sur leur île
intérieure et que d’autres foncent et essaient d’accaparer le groupe, ce sont deux façons
opposées d’arriver au même but : se préserver, car alors l’image commune au groupe est
encore celle de l’image du corps morcelé. Chacun participe à cette image et est effrayé par
elle. Le groupe n’a d’existence comme groupe que lorsqu’il a réussi à supprimer cette image
en la dépassant. C’est une des raisons pour laquelle , dans le cadre d’un groupe d’endeuillés,
déjà au proie à un grand chaos intérieur, il me semble important que le nombre de séances
( 10-12) soit en nombre suffisant pour permettre l’apaisement de cette sensation de
morcèlement..
On voit ainsi des individus, figés et absents pendant la réunion, ressusciter et bavarder dans
les couloirs ou au café, à la sortie ou à la pause. D’autres meublent les silences à tout prix,
réclament un programme et font souvent des propositions…
Lorsqu’un groupe a réussi à dépasser cette angoisse de morcellement, c’est qu’il a enfin
éprouvé une émotion commune qui le lie, à l’occasion d’activités telles que parler, rire ou
manger ensemble. Même dans un groupe d’endeuillés on rit !!! Importance du petit rituel du
goûter de fin de groupe, où chacun amène à tour de rôle, rituel qui unifie le groupe.
Le groupe met en œuvre alors un autre type de relation imaginaire : je viens chercher la
présence d’autres qui n’exercent sur moi ni contrainte, ni critique, d’autres qui me sont
semblables. L’image impliquée ici est ma propre image mais décuplée, renforcée, justifiée par
ce que le autres sont : c’est une image narcissique rassurante. L’endeuillé, souvent atteint
dans son estime de soi trouve, et uniquement dans le groupe, une forme de renforcement
narcissique dont il a bien besoin.
Cette illusion groupale est une phase inévitable et nécessaire dans la vie des groupes.
A la différence des groupes de thérapies, les membres peuvent se voir entre chaque rencontre
sans avoir à « rapporter au groupe ».