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Développement n◦ 70/74 Benjamin Groux

Théorème des invariants de similitude

Mon développement
Dans ce développement, E désigne un K-espace vectoriel. Pour f ∈ L(E) et x ∈ E, on
note Πf le polynôme minimal de f , Lf = {P (f ), P ∈ K[X]}, Px le polynôme minimal de
x et Ex = {P (f )(x), P ∈ K[X]}. De plus, si F est un sous-espace stable par f , on note
fF l’endomorphisme induit par f sur F . Enfin, on note C(P ) la matrice compagnon d’un
polynôme P ∈ K[X].

Théorème. Soit f ∈ L(E). Il existe r ∈ N∗ et des sous-espaces vectoriels F1 , . . . , Fr de E


tels que :
(i) F1 , . . . , Fr sont stables par f ,
(ii) E = F1 ⊕ . . . ⊕ Fr ,
(iii) pour tout i ∈ J1, rK, l’endomorphisme fFi , noté fi (utile ?), est cyclique (on note Pi son
polynôme minimal),
(iv) pour tout i ∈ J1, r − 1K, Pi+1 divise Pi .
De plus, l’entier r et les polynômes P1 , . . . , Pr ne dépendent pas de F1 , . . . , Fr mais unique-
ment de f . Ces polynômes sont appelés invariants de similitude de f .

Existence.
On note k = deg(Πf ). On sait qu’il existe x ∈ E tel que Px = Πf , que le sous-espace vecto-
riel Ex est de dimension k et stable par f , et qu’une base de Ex est (x, f (x), . . . , f k−1 (x)). On
note F = Ex et (e1 , . . . , ek ) la base précédente. On complète celle-ci en une base (e1 , . . . , en )
de E. On note (e∗1 , . . . , e∗n ) la base duale associée,

Γ = e∗k ◦ f i , i ∈ N = t f i (e∗k ), i ∈ N
 

et G = Γ◦ . G est en fait l’ensemble des x ∈ E pour lesquels la k-ième coordonnée de f i (x)


est nulle pour tout i ∈ N. C’est un sous-espace vectoriel de E stable par f .
Pp
Soit y ∈ F non nul. Il existe p ∈ J1, kK et y1 , . . . , yp ∈ K tels que yp 6= 0 et y = i=1 yi ei .
On a donc
p p
! !
X X
t k−p ∗
f (ek )(y) = e∗k yi f k−p (ei ) = e∗k yi ek−p+i = yp 6= 0
i=1 i=1

donc y n’appartient pas à Γ◦ = G.


On a donc
F ∩ G = {0} . (1)
Ensuite, l’application
Lf → L(E)
ϕ:
g 7→ e∗k ◦ g
est linéaire et Im(ϕ) = Vect(Γ) par définition de Vect(Γ).
De plus,
Pp soiti−1 g ∈ Lf non nul. Il existe p ∈ J1, kK et g1 , . . . , gp ∈ K tels que gp 6= 0 et
g = i=1 gi f . On a donc
p
! p
!
X X
e∗k ◦ g(f k−p(x)) = e∗k gi f k−p+i−1(x) = e∗k gi ek−p+i = gp 6= 0
i=1 i=1

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donc ϕ(g) = e∗k ◦ g n’est pas nul. ϕ est donc injective.


D’après le théorème du rang, on a donc dim(Vect Γ) = dim(Lf ) = k. G étant aussi égal à
(Vect Γ)◦ , on a donc

dim(G) = n − dim(Vect Γ) = n − k = n − dim(F ) . (2)

Finalement, d’après (1) et (2), on a E = F ⊕ G. De plus, F et G sont tous deux stables


par f , fF est cyclique et en notant P1 et P2 les polynômes minimaux de fF et fG , on a
Πf = P1 , donc P2 | P1 .

En réitérant au plus n fois ce procédé, l’existence du théorème est ainsi démontrée.

Unicité.
On suppose qu’il existe (F1 , . . . , Fr ) et (G1 , . . . , Gs ) vérifiant les propriétés (i) à (iv).
Pour tous i ∈ J1, rK et j ∈ J1, sK, on note Pi = ΠfFi et Qj = ΠfGj . On a P1 = Πf = Q1 par
minimalité de Πf et (iv).
On suppose que (P1 , . . . , Pr ) 6= (Q1 , . . . , Qs ).
L’entier j = min{i ∈ N∗ | Pi 6= Qi } est bien défini, que ce soit dans le cas r = s (évident)
ou dans le cas r 6= s, puisque
r
X r
X s
X s
X
deg(Pi ) = dim(Fi ) = n = dim(Gj ) = deg(Qj ) .
i=1 i=1 j=1 j=1

D’après (iv), pour tout k ∈ Jj, rK, on a Pj (f )(Fk ) = {0}, donc d’après (i) et (ii) :

Pj (f )(E) = Pj (f )(F1 ) ⊕ . . . ⊕ Pj (f )(Fj−1) .

De même,
Pj (f )(E) = Pj (f )(G1) ⊕ . . . ⊕ Pj (f )(Gs ) .
On a donc
s j−1
X X
dim Pj (f )(Gi ) = dim Pj (f )(E) = dim Pj (f )(Fi ) .
i=1 i=1

Or, pour tout i ∈ J1, j − 1K, Pi = Qi donc fFi et fGi sont semblables (elles ont une matrice
commune, la matrice compagnon C(Pi ) = C(Qi )), donc

dim(Pj (f )(Fi )) = dim (Im Pj (fFi )) = dim (Im Pj (fGi )) = dim(Pj (f )(Gi )) .

Ainsi, pour tout i ∈ Jj, sK, on a dim(Pj (f )(Gi )) = 0, donc en particulier Qj | Pj .


De même, on montre que Pj | Qj , donc Pj = Qj , ce qui est absurde.
On a finalement (P1 , . . . , Pr ) = (Q1 , . . . , Qs ), c’est-à-dire l’unicité du théorème.

Corollaire (réduction de Frobenius). Soient f ∈ L(E) et P1 , . . . , Pr ses invariants de


similitude. Il existe une base de E dans laquelle f a pour matrice
 
C(P1 )
..  .
.
 

C(Pr )

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En effet, il existe des sous-espaces vectoriels F1 , . . . , Fr de E vérifiant les propriétés (i)


à (iv). Pour tout i ∈ J1, rK, il existe une base Bi de Fi dans laquelle fFi a pour matrice la
matrice compagnon C(Pi ). La concaténation des bases B1 , . . . , Br convient alors.

Corollaire. Deux endomorphismes sont semblables si et seulement si ils ont les mêmes
invariants de similitude.

En effet, d’après le corollaire précédent, si deux endomorphismes ont les mêmes invariants
de similitude, alors ils ont une matrice en commun donc ils sont semblables. La démonstration
de la réciproque utilise exactement les mêmes arguments que l’unicité du théorème ci-dessus.

Références
J’ai utilisé [Gou09, p. 289]. On peut aussi consulter [BMP05, p. 293].

Leçons correspondantes
J’utilise ce développement pour les leçons 119, 120, 124, 125, 132.

Remarques
– Les propriétés classiques des sous-espaces cycliques sont utilisés sans cesse dans le
développement, elles sont donc à rappeler dans le plan. Voir [Gou09, p. 289].
– Éventuellement, on peut aussi rappeler les notations sur la dualité.
– Il n’est pas avantageux de détailler la réciproque du corollaire, qui est en tout point
similaire à ce qui est fait précédemment et prend du temps.
– Il est possible d’adapter d’autres points de vue pour démontrer ce théorème. Cela peut
être intéressant si on souhaite l’utiliser pour d’autres leçons (notamment la leçon 111).
– Le théorème des invariants de similitude a des conséquences intéressantes, dont la
réduction de Jordan.

Questions possibles
1. Citer un autre moyen de démontrer le théorème des invariants de similitude.
2. Rappeler le principe de la démonstration de l’existence d’un élément x ∈ E tel que
Px = Πf .
3. Montrer que les invariants de similitude sont invariants par extension de corps.
4. Déterminer les invariants de similitude de la matrice
 
0 0 1 0 0
1 0 0 0 0
 
0 1 0 0 0 .
 
0 0 0 0 1
0 0 0 1 0

5. Donner la réduction de Frobenius d’un endomorphisme ayant pour polynôme ca-


ractéristique X 3 .

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Références
[BMP05] Vincent Beck, Jérôme Malick et Gabriel Peyré : Objectif agrégation. H & K,
2005.
[Gou09] Xavier Gourdon : Algèbre. Ellipses, 2009.

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