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Décès de Marcel Detienne - Le Carnet Et Les Instants PDF
Décès de Marcel Detienne - Le Carnet Et Les Instants PDF
Le Carnet et le Intant
Revue de Lettre elge francophone
Décè de Marcel Detienne
Nou apprenon le décè de l’hellénite et anthropologue Marcel Detienne, né en 1935. Profeeur émérite
de l’univerité John-Hopkin à altimore, il laie une oeuvre écrite d’ampleur, en partie élaorée en com-
pagnonnage avec Jean-Pierre Vernant.
La Bande Passante
Le Carnet et le Intant n° 176 (avril – mai 2013) conacrait un portrait à Marcel Detienne, ou la plume de
Michel Grodent.
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Marcel Detienne, profeeur d’étrangeté
Comment faire an le Grec ? La quetion ne e poait pa dè lor que le iècle de Lumière avait élevé
la Grèce au rang d’origine aolue de l’urope. Le Grec ancien étaient no ancêtre, point final. Depui le
milieu du XXe iècle, on et moin catégorique. Comment faire avec le Grec ? Telle et de no jour la
quetion de anthropologue. t parmi eux, en onne place, Marcel Detienne, infatigale « détricoteur » de
mthe, qu’il mettent en cène Diono ou le imécile heureux qui e croient né de la terre même.
t-ce que je me trompe i je outien que Marcel Detienne n’et pa homme à e laier portraiturer trop faci-
lement et préfère la dicuion cientifique à tout interrogatoire indicret qui vierait à faire apparaître le
racine de on moi ? À ma connaiance (je n’ai pa lu toute e interview), il ne ’et livré à aucune forme
tématique d’ego-hitoire, ce genre qui conite pour l’hitorien à « éclairer a propre hitoire comme on fe-
rait l’hitoire d’un autre » et auquel e ont eaé, ou la houlette de Pierre Nora, de pointure comme
Pierre Chaunu, George Du ou Jacque Le Goff. L’idée doit quelque peu faire ourire un franc-tireur de on
epèce, un Ancien elge de a trempe qui ne me emle pa le moin du monde avoir acqui la nationalité
françaie pour le eul et unique plaiir d’entonner la Mareillaie et de e mettre au garde à vou devant un
défilé du 14 juillet.
Un pieux diciple de ourdieu émettrait an doute l’hpothèe qu’un certain haitu contracté en elgique,
une elgitude ironique, prédipoe au choix de la marginalité, à tout le moin à la remie en quetion de e-
ence éternelle (voez le urréalime de Magritte) et je fai oerver que Detienne ’et eaucoup intéreé à
de figure prolématique du panthéon grec, comme Diono ou comme Orphée. Au premier qu’il qualifie
d’« étrange tranger » ou d’« étranger de l’intérieur » répond en écho le econd : « trangeté d’Orphée, avec e
trangreion, le excè expérimenté entre la decente aux nfer, la mort tragique quand une meute fu-
rieue de femme le déchire, e écriture théogonique délirante, enfin e interdit alimentaire et e fan-
tame exuel. »
L’hpothèe de la elgitude vaut ce qu’elle vaut et l’on ne aurait chercher une explication définitive. Dan le
ca de Detienne, né dan no province en 1935, a compté aui le fonctionnement du champ univeritaire lié-
geoi où il a fait e première arme. Titulaire de la chaire Francqui en 2002-2003, alor qu’il était revenu dan
on Alma Mater auréolé d’un pretige international, il confiait avoir voulu « échapper à l’oracle de tel profe-
eur de l’époque elon lequel nou étion né trop tard et qu’il n’ avait plu rien à découvrir, le Allemand
aant déjà prétendument tout fait… » Chacun reconnaîtra le ien et j’ai ma petite idée ur ce profeeur,
mai peu importe. Toujour et-il que Detienne allait ientôt e retrouver à Rome, pui à Pari, à l’cole pra-
tique de haute étude, où il fit « deux rencontre (…) déciive », celle de Loui Gernet, l’auteur de l’Anthropo-
logie de la Grèce antique, et celle de Jean-Pierre Vernant qui, diparu en 2007, nou a laié une œuvre im-
mene, nourrie de l’eneignement d’Ignace Meeron, grand défeneur de la pchologie hitorique.
On ne dira jamai aez ce que le hellénite doivent à ce dernier qui a critiqué « la croance dan le caractère
immuale de fonction et de catégorie de l’eprit. » À chaque période, à chaque ociété, a manière de pen-
er au en technique du terme. elon le temp et le lieux, la comparaion fait apparaître de variation
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auxquelle une viion dogmatique de la penée ne aurait rendre jutice. Detienne, à traver Vernant, e met-
tra à l’école de ce relativime et de ce comparatime pchologique et cela nou vaudra, en 1965, on premier
grand livre, Le maître de vérité dan la Grèce archaïque. Ce qui emle à peu prè évident de no jour ne
l’était pa néceairement dan le année oixante ou commençait à peine de l’être. On n’avait pa encore pri
le pli de tout mettre en perpective. Pour reprendre une formule d’Althuer, populariée à l’époque, Detienne
enregitre une « coupure épitémologique », une rupture logique, le paage d’une penée fondée ur une pa-
role efficace, quoique trè amiguë, magico-religieue ou « poétique » au en étmologique, puiqu’elle a la
prétention, en tant que « réalité naturelle », de créer (poïein) le choe, à une autre forme de parole, laïque, dé-
liérante, « parole-dialogue » qui ’adree à une ociété guerrière formée d’égaux. C’et aini qu’un proceu
de laïciation va de pair avec un proceu de démocratiation.
De Maître de vérité aux ouvrage qui oulèvent la quetion de l’identité nationale, le parcour de Detienne
qui finira par eneigner aux tat-Uni, à l’univerité John Hopkin, et tié de grand moment d’anale
tructurelle (Le jardin d’Adoni ou Apollon, le couteau à la main, pour ne citer que deux livre phare) dont
on ne peut qu’admirer la virtuoité, fondée ur une maîtrie parfaite de doier. Detienne nou a appri à
lire le mthe grec an le rapporter mécaniquement à un molime oi-diant univerel qui n’et jamai
que la projection de no idéologie compoite ur le ociété ancienne, il nou a appri à traiter le dieux
non pa comme de « eence éternelle », mai comme de fonction dan un tème. Citon le commen-
taire de Jean-Pierre Vernant, on vieux complice, auteur avec lui d’un autre claique de la philologie, Le
rue de l’intelligence, centré ur la mèti de Grec : « chaque dieu e définit par le réeau de relation qui
l’unit ou l’oppoe aux autre divinité au ein d’un panthéon particulier ; un élément d’un récit mthique n’a
de en que par la place qu’il occupe dan un tème ordonné dont fait partie le mthe auquel il appartient. »
À force de l’inventorier, Detienne a compri toute l’étendue de ce que Marc Augé,
l’africanite, a i jutement nommé « le génie du paganime ». Toute l’étendue et
tou le avantage, i l’on en juge, dan Le dieux d’Orphée, par cette attaque en
règle – plutôt rare chez un avant qui préfère généralement la piqure ironique –
contre « la mauvaie nouvelle » : « je veux parler de la verrue monothéite, ouvent
cancérigène et qui continue de produire ou no eux le guerre et le maacre
entre le ‘croant d’un eul vrai dieu’ ’affrontant au nom du ien contre le Mal. »
Héla, troi foi héla, il emle aui difficile de e déarraer de cette verrue que
de cette autre excroiance non moin nocive : le nationalime excluivite et on
grand culte de mort, ojet de toute le interrogation et de toute le inquié-
tude du plu récent Detienne.
J’avoue que la lecture de page où le mthologue tente de démêler le ecret de l’identité nationale me
poue parfoi à conclure que, décidément, il n’ a pa de progrè. t je note en parallèle que, depui quelque
année, on et moin catégorique chez le pécialite ur ce paage du magique au rationnel, ce changement
de mentalité ou de paradigme – comme dient le hitorien de cience –, cené caractérier notre « rave
new world ». Plutôt que de parler d’oppoition tranchée entre magie et rationalité, ne erait-il pa dè lor pré-
férale de pener en terme de contant va-et-vient ?, e demandait en utance Richard uxton en 2001.
Marcel Detienne pourrait-il ’incrire en faux contre cette idée d’une contamination réciproque du mthe et
de la raion? La religion ne perite-t-elle pa à parler en nou à traver la Nation, cette entité, ou plutôt cette
peronne, célérée en période de crie aux quatre coin du continent européen? Autrement dit, le nationa-
lime erait-il le dernier refuge de magicien ? Franchiant allègrement quarante année d’enquête philolo-
gique, j’aurai donc tendance à relier le premier Detienne au dernier. Derrière la Nation e diimulent de trè
vieille haitude dont le lien avec l’animime ne fait guère de doute, mai qui ont fini, de Ancien à no
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jour, par e analier et ’appauvrir dan la rhétorique pratiquée par toute orte de poète, homme de
théâtre et homme politique. On connaît chez Platon la proopopée de Loi et chez Aritophane le Démo,
le Peuple incarné. Dan La Nature de dieux (2, 61), Cicéron pointe la coutume latine de conférer un tatut di-
vin à de notion dont la valeur et i grande, dit-il, qu’elle ne peut pa ne pa être « contrôlée par un dieu ».
La diviniation de atraction ne préjuge pa de la mentalité de celui qui e ert de cette technique : dan
quelle meure, en effet, croit-il réellement au pouvoir de la divinité dont il invoque la préence ? Il a là, re-
connaion-le, de quoi ’étonner grandement. urtout i la croance emle émaner de avant qui ont la
carrure de Fernand raudel. Que veut dire ce dernier lorqu’il affirme au euil de L’Identité de la France que
« l’hitorien n’et de plain-pied qu’avec l’hitoire de on propre pa (dont) il (…) comprend preque d’intinct
le détour, le méandre, le originalité, le failee » ? Detienne cite la phrae dan le deux ouvrage –
dont l’un et le remaniement de l’autre – qu’il a conacré ce dernière année au national, ce mtère qui
contient, renchérit-il, « un je ne ai quoi d’inexplicale pour la raion humaine, celle de l’hitorien qui et au-
i la nôtre. »
L’hitorien anthropologue n’aura pa trop de on avoir démtificateur pour démonter l’illuion que d’au-
cun nourrient d’être incomparale, « autochtone », c’et-à-dire (reton à Athène), « orti d’une terre
dont le haitant ont reté identique, le ‘même’, depui le origine. » n cette elle illuion volontier
entretenue par de politicien qui en ont acrément eoin pour exiter, le comparatime a pour rôle de faire
aillir la parfaite étrangeté. « Mettre ce repréentation en perpective dan le temp et dan l’epace, énonce
Detienne, conduit à comprendre comien la plupart de no évidence en matière d’identité ont étrange et
improale pour qui e décide à le conidérer d’ailleur, et ouvent du plu loin. »
ref, le déplacement auxquel nou convient le avant réuni pour confronter leur
oervation nou plongent tôt ou tard dan la perplexité. « Le ociété à maque où
l’identité et an cee en devenir, contate le profeeur de dépaement, ignorent le
oi, le ujet ou l’ipéité du moi qui, pour nou, ignifie le maintien de oi à traver le
changement d’intention et revendique, avec la promee ou le erment, une haute va-
leur éthique. » Dè que l’on ’et réolu à faire de l’hitoire autre choe qu’un intrument
pour annexer le paé et flatter le paion nationale, il faut e faire une raion de la
diverité de la raion identitaire. À cet exercice mental qui n’ira jamai an leure
narciique, il incomerait que chaque peuple ’adonne. t, oon lucide, ce n’et pa
gagné d’avance.
iliographie élective de Marcel Detienne
Homère, Héiode et Pthagore. Poéie et philoophie dan le pthagorime ancien, Latomu, 1962.
De la penée religieue à la penée philoophique. La notion de Daïmôn dan le pthagorime ancien, elle
Lettre, 1963.
Le maître de vérité dan la Grèce archaïque, Mapero, 1967.
Le jardin d’Adoni, Gallimard, 1972.
Jean-Pierre Vernant et Marcel Detienne, La cuiine du acrifice en pa grec, Gallimard, 1979.
L’invention de la mthologie, Gallimard, 1981.
Le rue de l’intelligence. La méti chez le Grec, en collaoration avec Jean-Pierre Vernant, Flammarion, 1989.
La vie quotidienne de dieux grec, Hachette, 1989.
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L’écriture d’Orphée, Gallimard, 1989.
Trancrire le mthologie, Alin Michel, 1994.
Diono mi à mort, Gallimard, 1996.
Comment être autochtone ?, euil, 2003.
L’identité nationale, une énigme, Gallimard, 2010.
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Cette entrée a été puliée dan Événement, et marquée avec Marcel Detienne, nécrologie, le 21/03/2019
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