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Résumé
Le roman est publié en sept tomes :
1. Du côté de chez Swann (à compte d’auteur chez Grasset en 1913, puis dans une version
modifiée chez Gallimard en 1919 ; texte sur Wikisource)
2. À l'ombre des jeunes filles en fleurs (1919, chez Gallimard ; reçoit le prix Goncourt la
même année)
3. Le Côté de Guermantes (en deux volumes, chez Gallimard, 1920-1921)
4. Sodome et Gomorrhe I et II (chez Gallimard, 1921-1922)
5. La Prisonnière (posth. 1923)
6. Albertine disparue (posth. 1925 ; titre original : La Fugitive)
7. Le Temps retrouvé (posth. 1927)
En considérant ce découpage, son écriture et sa publication se sont faites parallèlement, et la
conception même que Proust avait de son roman a évolué au cours de ce processus.
Alors que le premier tome est publié à compte d’auteur chez Grasset en 1913 grâce à René
Blum (Proust en conserve la propriété littéraire), la guerre interrompt la publication du deuxième
tome et permet à Proust de remodeler son œuvre, cette dernière prenant de l'ampleur au fil des
nuits de travail qui l'épuisent. L'auteur retravaille sans cesse ses dactylographies autant que ses
brouillons et ses manuscrits, et souhaite mettre fin à sa collaboration avec l'éditeur1. La Nouvelle
Revue française, dirigée par Gaston Gallimard, est en pleine bataille éditoriale avec Grasset
depuis 1914 mais a commis l'erreur de refuser en 1913 de publier Du côté de chez Swann par
l'entremise d'André Gide, figure dominante du comité éditorial de la NRF qui juge que c'est un
livre de snob dédié à Gaston Calmette, directeur du Figaro2,3. La NRF qui se prétend le fleuron du
renouveau des lettres françaises aggrave son cas le 1er janvier 1914 lorsqu'un de ses
fondateurs Henri Ghéon juge Du côté de chez Swann « une œuvre de loisir dans la plus pleine
acception du terme »4. Pourtant des écrivains de renom comme Lucien Daudet, Edith
Wharton et Jean Cocteau ne tarissent pas d'éloges sur ce premier tome. André Gide reconnaît
vite son erreur et supplie Proust de rejoindre la NRF qui a retrouvé des moyens d'imprimer, au
contraire de Grasset1. Proust fait part à Grasset de son intention de le quitter en août 1916, et
après un an de règlement du problème (question des indemnités, des compensations, solde des
droits sur Swann), Gaston Gallimard lance la fabrication de deux volumes et rachète à son
concurrent en octobre 1917 les quelque deux cents exemplaires de Swann qui n’ont pas été
vendus : il les revêt d’une couverture NRF et d’un papillon de relais avant de les remettre en
vente5.
Le Côté de Guermantes
Le Côté de Guermantes : Ce volet est divisé en deux parties, dont les événements se déroulent
essentiellement à Paris : les parents du narrateur y changent de logement et vivent désormais
dans une partie de l’hôtel des Guermantes. Leur bonne, la vieille Françoise, regrette ce
déménagement. Le narrateur rêve au nom des Guermantes, comme jadis il rêvait aux noms de
pays. Il aimerait beaucoup pénétrer dans le monde des aristocrates. Pour tenter de se rapprocher
de madame de Guermantes, qu’il importune à force de la suivre indiscrètement dans Paris, il
décide de rendre visite à son ami Robert de Saint-Loup, qui est en garnison à
Doncières : « L’amitié, l’admiration que Saint-Loup avait pour moi, me semblaient imméritées et
m’étaient restées indifférentes. Tout d’un coup j’y attachai du prix, j’aurais voulu qu’il les révélât
à Madame de Guermantes, j’aurais été capable de lui demander de le faire. » Il rend donc visite à
son ami qui le reçoit avec une très grande gentillesse et est aux petits soins pour lui. De retour à
Paris, le héros s’aperçoit que sa grand-mère est malade. Saint-Loup profite d’une permission
pour se rendre à Paris ; il souffre à cause de sa maîtresse, Rachel, que le narrateur identifie
comme une ancienne prostituée qui travaillait dans une maison de passe. Le narrateur fréquente
le salon de madame de Villeparisis, l’amie de sa grand-mère ; il observe beaucoup les personnes
qui l’entourent. Cela donne au lecteur une image très fouillée du faubourg Saint-Germain entre la
fin du dix-neuvième siècle et le début du vingtième. Le narrateur commence à fréquenter le salon
des Guermantes. La santé de sa grand-mère continue à se détériorer : elle est victime d’une
attaque en se promenant avec son petit-fils.
Sodome et Gomorrhe
Le titre évoque deux villes bibliques détruites par Dieu pour punir les habitants, infidèles et
immoraux (Sodome et Gomorrhe). Dans ce volet, le narrateur découvre que l’homosexualité est
très présente autour de lui. Un jour, il découvre celle de monsieur de Charlus ainsi que celle de
Jupien, un giletier qui vit près de chez lui. Charlus n’est pas seulement l’amant de Jupien ; riche
et cultivé, il est aussi son protecteur. Le narrateur, après la découverte de l’inversion sexuelle de
Charlus, se rend à une soirée chez la princesse de Guermantes. Cela lui permet d’observer de
près le monde de l’aristocratie du faubourg Saint-Germain, et de se livrer à des considérations
sur cette partie de la société. Après cette longue soirée, le narrateur rentre chez lui et attend la
visite de son amie Albertine ; comme celle-ci se fait attendre, le héros s’irrite et devient anxieux.
Finalement, Albertine arrive et la glace fond. Cela dit, le cœur du narrateur est instable. Il lui
arrive de ne plus ressentir d’amour pour Albertine, ce qu’il appelle « les intermittences du cœur ».
Il fait un deuxième séjour à Balbec. Cette fois-ci, il est seul, sa grand-mère est morte. Cela
l’amène à faire des comparaisons avec son premier séjour dans cette station balnéaire. En se
déchaussant, il se souvient qu’alors, sa grand-mère avait tenu à lui ôter elle-même ses souliers,
par amour pour lui. Ce souvenir le bouleverse ; il comprend seulement maintenant qu’il a perdu
pour toujours sa grand-mère qu’il adorait. Ce séjour à Balbec est rythmé par les sentiments en
dents de scie que le héros éprouve pour Albertine : tantôt il se sent amoureux, tantôt elle lui est
indifférente et il songe à rompre. Il commence d’ailleurs à avoir des soupçons sur elle : il se
demande si elle n’est pas lesbienne. Mais il n’arrive pas à avoir de certitudes. À la fin de ce
second séjour, il décide d’épouser Albertine, pensant que, ce faisant, il la détournera de ses
penchants pour les femmes.
La Prisonnière
La Prisonnière : Le narrateur est de retour à Paris, dans la maison de ses parents, absents pour
le moment. Il y vit avec Albertine, et Françoise, la bonne. Les deux amants ont chacun leur
chambre et leur salle de bains. Le narrateur fait tout pour contrôler la vie d’Albertine, afin d’éviter
qu’elle donne des rendez-vous à des femmes. Il la maintient pour ainsi dire prisonnière chez lui,
et lorsqu’elle sort, il s’arrange pour qu’Andrée, une amie commune aux deux amoureux, suive
Albertine dans tous ses déplacements. L’attitude du narrateur est très proche de celle de Swann
avec Odette dans Un amour de Swann. L’amour, loin de le rendre heureux, suscite une
incessante méfiance, et une jalousie de tous les instants. Le héros se rend compte aussi que
malgré toutes ses précautions, Albertine lui est étrangère à bien des égards. Quoi qu’il fasse, elle
reste totalement un mystère pour lui. Cette vie en commun ne dure pas longtemps. Un jour,
Françoise annonce au narrateur qu’Albertine est partie de bon matin.
Albertine disparue
Albertine disparue : Dans certaines éditions, ce volet est intitulé La Fugitive (titre originellement
voulu par Proust mais que portait déjà un autre livre), titre qui correspond aussi très bien au
contenu de cette partie (et qui fait diptyque avec La Prisonnière). Albertine s’est enfuie de chez le
narrateur alors que celui-ci commençait à ressentir la plus complète indifférence pour elle. Cela
provoque un nouveau revirement de son cœur. Il fait tout pour retrouver sa maîtresse, et veut
croire qu’il sera très vite en sa présence. Hélas, il apprend par un télégramme qu’Albertine est
morte, victime d’une chute de cheval. Elle lui échappe ainsi définitivement. Son cœur oscille entre
souffrance et détachement au fil du temps. Il se livre, auprès d’Andrée, à un travail d’enquêteur
pour savoir si oui ou non elle était lesbienne et découvre bientôt que c'était effectivement le cas.
Il se rend chez la duchesse de Guermantes et y croise son amour d’enfance, Gilberte Swann,
devenue mademoiselle Gilberte de Forcheville : Swann est mort de maladie, et Odette s’est
remariée avec monsieur de Forcheville. Swann rêvait de faire admettre sa femme dans les
milieux aristocratiques : à titre posthume, son souhait est exaucé par le riche remariage d’Odette.
Le narrateur fait un voyage à Venise avec sa mère. Au retour, il apprend le mariage de Gilberte
avec son ami Robert de Saint-Loup. Quelque temps après, il se rend à Tansonville, non loin de
Combray, chez les nouveaux mariés. Gilberte se confie au narrateur : elle est malheureuse car
Robert la trompe. C’est exact, mais elle croit que c’est avec des femmes alors que Robert est
attiré par les hommes.
Le Temps retrouvé
Le Temps retrouvé : Le début de ce dernier volet se passe encore à Tansonville. Le narrateur,
qui voudrait devenir écrivain depuis qu’il est enfant, lit un passage du Journal des Goncourt avant
de s’endormir, et cela l’amène à croire qu’il n’est pas capable d’écrire. Il décide de renoncer à
devenir écrivain. Nous sommes en pleine Première Guerre mondiale. Le Paris de cette période
montre des personnages globalement germanophobes, et totalement préoccupés par ce qui se
passe sur le front. Charlus est une exception : il est germanophile. Saint-Loup s’est engagé et il
est parti combattre. Il se fait tuer sur le champ de bataille. Après la guerre, le narrateur se rend à
une matinée chez la princesse de Guermantes. En chemin, il a de nouveau conscience de son
incapacité à écrire. Il attend la fin d’un morceau de musique dans le salon-bibliothèque des
Guermantes et le bruit d’une cuiller, la raideur d’une serviette qu’il utilise déclenchent en lui le
plaisir qu’il a ressenti autrefois en maintes occasions : en voyant les arbres d’Hudimesnil par
exemple. Cette fois-ci, il décide d’approfondir son impression, de découvrir pourquoi certaines
sensations le rendent si heureux. Et il comprend enfin que la mémoire involontaire est seule
capable de ressusciter le passé, et que l’œuvre d’art permet de vivre une vraie vie, loin des
mondanités, qu’elle permet aussi d’abolir les limites imposées par le Temps. Le héros est enfin
prêt à créer une œuvre littéraire.
Analyse
Il est difficile de résumer la Recherche. Mais l'on peut se reporter à des études portant sur
l'œuvre de Proust comme l'essai de Gérard Genette : « Comment le petit Marcel est devenu
écrivain » (Figures) ou le livre de Jean-Yves Tadié, « Proust et le Roman ». Dans celui-ci Jean-
Yves Tadié pense que l'œuvre « a pour sujet sa propre rédaction6. » Dans l'article Marcel
Proust de l'Encyclopædia universalis, il précise : « Proust a caché son jeu plus qu'aucun autre
romancier avant lui, car, si l'on entrevoit que le roman raconte une vocation, on la croit d'abord
manquée, on ne devine pas que le héros aura pour mission d'écrire le livre que nous sommes en
train de lire7. » Pour Tadié, La Recherche est mouvement vers l'avenir de la vocation auquel « se
superpose la plongée vers le passé de la remémoration : le livre sera achevé lorsque tout l’avenir
de l’artiste aura rejoint tout le passé de l’enfant8. »
Éléments de réflexion
La démarche de Proust est paradoxale : dans la Recherche, dont sa vie personnelle a beaucoup
influencé le roman, les événements sont décrits dans les moindres détails, dans un milieu très
spécifique (la haute bourgeoisie et l'aristocratie française du début du XXe siècle) ce qui lui permet
d'accéder à l'universel : « J’ai eu le malheur de commencer mon livre par le mot « je » et aussitôt
on a cru que, au lieu de chercher à découvrir des lois générales, je m’analysais au sens
individuel et détestable du mot », écrit Marcel Proust9.
Influence
La philosophie et l'esthétique de l'œuvre de Proust ne peuvent cependant être extraites
complètement de leur époque :