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BOUVINES

(12'14)

La monarchie capétienne commence, avec Phi-


lippe-Auguste, él. triompher des grands vassaux. La
Normandie, l' Anjou, la Guyenne ont été reconquises
sur les Anglais, la Flandre est entamée, la BOUT-
gogne et la Champagne soumises. Philippe est
devenu bien décidément le roi de France, etil "j
. ~
, incarne le pays en sa personne. .. '~~

Aussi un fait sans précédent se produit-il: a la


_" J

guerre féodale, él. la luLte du roi contre ses grands


vassaux, se substitue une guerre nationale. L'em-
pereur d'Allemagne Othon s'allie au roi d'Angle-
terre et aux vassaux révoltés du roi de France, el ils
vont [usqu'á signer un traité de partage de la France.
es v. y e La coaJition comprend, avec le roi d'Angleterre et

~ l'empereur, le comte de Flandre Ferdinand ou Fer- 'r


r,

..
"".,.1'••••
~
t!: rand, le cornte Renaud de Boulogne. Les vassaux qui
accompagnaient l'empereur étaient surtout ceux de
.;

. la région néerlandaise, ducs de Brabant etde Lim-


bourg, corntes de Hollande et de Namur.
Jean aurait peut-étre pu rejoinclre les alliésen ,
Flandre avec toutes ses troupes, mais il semble .¡

FIG. 8. - Campagne de 1214.


avoir formé des projets plus ambitieux et plus COI11-
pliqués, consistant. a opérer un débarquement entre >
¡
.i
50 - LES GRAl\DES DATAILLES DE L'HISTOIRE
BOUVINES 51
la Gironde et la Loire et exécuier sur Paris une I

marche convergente en mérrie temps que les alliés. 20 juillet, il atteignit Valenciennes ; mais, á cette
Si les Francais, dans de pareilles conditions, avaien 1 date, toute la France était en armes.
été vaincus, c'en était fait de lamonarchie capé- Son armée était formidable. S'il amenait avec lui
tienne. Mais c'est la; comme on sait, le genre de peu de barons alIemands, le comte de Flandre lui
combinaisons qui ne réussit jamais a la guerreo fournissait une nombreuse cavalerie et le comte de
Jean sans Terre débarque a La Roehelle le Salisbury une grosse troupe de mercenaires. Ce con-
15 Iévrier 1214 avec une armée de mercenaires; il tin~ent ~anquait un peu d'homogénéité : Salisbury
appelle a lui le contingent féodal de Guyenne. 11 ~vaIt pris au service d'Angleterre, avec des cheva-
franchit la Loire et occupe l'Anjou en mars. liers de Hollande et des transfuges francais, comme
Philippe-Auguste rassemble a la háte une armée, Renaud de Boulogne et Hugues de Boves, des Bra-
en prend le commandement avec son fils Louis et bancons et e,nfin ?es sergents d'armes montés (rner-
marche sur Saumur et Chinon pour menacer la cenan-es mOlI1S bien armés que les chevaliers).
retraite des Anglais, qui se dérobent précipitam- C!lacune des deux armées pouvait comprendre
ment sur Limoges. Jean san s Terre espérait ainsi environ 1.500 chevaliers, 5.000 sergents d'armes
attirer son ennemi loin de la Flandre, mais Phi- et 12.000 a 15.000 gens de pied. On arrive a ces
lippe-Auguste ne se laisse pas détourner des opéra- nomb,res par conjecture, en tenant compte de divers
tions principales: il ne suit pas les Anglais dans le renseignernents de détail ou indices : les documents
Lirnousin, laisse son fils dans le Berry avec une précis font défaut. 11 semble bien que les alliés eus-
dizaine de mille hommes en observation et revient sen,t quelques ,eavaliers de moins que les Francais,
dans le Nord. mais une certaine supériorité en infanterie.
Jean sans Terre renouvelle l'invasion de l'Anjou Philippe, ay~nt concentré son armée pres de
au commencement de juin, mais il se laisse attarder Péronn~ le 20 juilIet, prit l'offensive, et s'empara de
par le siege: d'une bicoque; Louis, se portant vive- I'ournai le 26. Il apprit alors l'arrivée des AlIemands
ment contre lui, le trouve mal préparé a combattre dans le Hainaut, pres de Valenciennes. Sa lizne de
et lui fait encore repasser la Loire le 3 juillet. retraite étant menacée, Philippe-Auguste se ~it en
L'empereur d'Allemagne avait agi trop tard pour ~arche ,,,ers le, Sud-Ouest,. pour se replacer entre
proflter de la diversiou opérée par son allié. Il avait . 1 enn~ml et Paris ; des le 27 juillet, il marcha sur
atteint Aix-la-Chapelle le 23 mars et il aurait pu Bouvines pour gagner Lens ét Péronne.
atteindre la Champagne ou la Picaidie pendant que ?thon, bien renseigné, se porta contre lui avec l'es-
Philippe-Auguste était encore sur la Loire. II perdit poir ~~ le surprendre au passage du pont de Bouvines.
le temps a lever de nouvelles troupes, a négocier Philippe-Auguste avait fait élargir ou doubler ce
avec ses alliés des Pays-Bas et it célébrer son propre po~t p~r s:s ingénieurs de maniers a pouvoir fran-
mariage avec la fille da duc de Brabant. C'est seule- chir tres vite les bas-fonds de la Marque, II n'avait
ment en juin qu'il se remit en marche et le 12 juillet ~as 15 kil,ometres a faire pour atleindre ce point cri-
qu'il se réunit, pres de Nivellcs, avec ses alliés. Le tique, et il espérait l'avoir dépassé avant d'étre en
présence de l'ennemi.
52 LES GRANDES BATAILLES DE L'I1ISTOIRE

comtes de Dreux et d'Auxerre, et tous ceux du Nord-


Une flanc-garde observait les alliés ; elle avertit le Ouest, chevalerie et milices.
roi que l'on n'aurait sans doute pas le temps de Le~ alliés avaient a leur gauche, pres de la voie
franchir la Marque avant leur arrivée. romams, la chevalerie de Flandre et du Hainaut ,
Philippe-Auguste résolut aussitót de faire face a
l'ennemi et de livrer bataille en avant du pont, et
í ' il se mit a ranger son armée, face au Nord-Est, @~
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entre la route et le village de Gruson, sur un front \ €t(J. <n'
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d'environ 1.000 rnetres. t}Q.
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L'empereur d'AlIemagne arriva bientót et prit a q¡
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son tour ses dispositions, pendant que la partie des
troupes francaises qui avait déjá franchi la Marque
le matin revenait prendre sa place de bataille.
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En attendant que tout fút en ligne, l'armée fran- " ~
caise n'était pas assez nombreuse pour opposer a rñ
l'ennemi un front égal au sien. <l>
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L'évéque de Senlis, Garin, qui était en quelque ;:j
sorte le major gériéral de cette armée, parcourut
rapidement la ligne, ordonnant de prendre de grands
intervalles et de s'étendre pour n'étre pas débordé.
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Au moment oü cet ordre achevait de s'exécuter, Cj e,;


I'infanterie rej oignait; c'étaient les milices des villes
du Norcl: Corbie, Amiens, Arras, Beauvais, Com-
le
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piegne, etc. L'oriflamrne rouge de Saint-Denis était '@


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portée au milieu d'elles, tandis que le fanion bleu ""


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du roi de France était tenu pres de lui, au milieu I:r..

de la cavalerie francaise ,
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L'ordre de bataille était le suivant: á droite, l'an-
cienne flanc-garde, comprenant les contingents ss'"'"
féodaux de Bourgogne, .de Champagne, el du Nord-
Est.
Au centre, autour du roi, ses vassaux de l'Ile-ds- commandée par le comte Ferrand. Au centre l'énorme
France et le contingent du comte de Bar, aiusi que masse de l'infanterie fournie par la Flandre et les
70 chevaliers normands. La plus grande partie des Pays,~Bas, ce qu'on appelait alors des Brabancons.
contingents normands était á l'armée du prince Derriera cette infanterie, l'empereur lui-méme avec
Louis, sur la Loire.
ses chevaliers allemands, les contingents des ducs de
L'aile gauche comprenait les contingents des
5.
-'. .
.r "'. • .• ' ~!.'F. V)~:~'(¡&;"":' .~f.~:.;

GRANDES BATAILLES DE LHISTOIRE

Brabant et de Limbourg, des comtes / de Namur et


chargés presque aussitót parIe roi de France et ses
de Hollande.
chevaliers. Ceux-ci entrerent sans difflculté dans la
A la droite, les troupes a la solde de l' Angleterre,
masse des fantassins, et se miren! a la sabrer mais
les chevaliers et sergents d'armes des co~te$ .de
Salisbury et de Boulogne. Le front de l'armee alliée
étaitd'environ i .800 métres.
.
ils se trouvaient presque noyés
tout en la massacrant,
. dans cette coh'ue , et
avaient grand'peine a ne pas
succornber sous le nombre. C'est ainsi que Phi-
Derriére l'empereur, sur un char a quatre che-
hppe-Auguste lui-rnéme fut renversé de cheval et
vaux, on 'portait la banniere impéri~le en forme. de
faillit étre tué. Enfin cette échauffourée se termina; .
dragon, dont la hampe se terminait par une aigle
l~s ~asses brabanconnes, éventrées, sabrées, s'épar-
d'or.
pIllerent dans toutes les directions et la chevalerie
Les alliés avaicnt projeté une attaque c?nvergente
francaisa se trouva en face de l'em'pereur et de son
sur le centre francais : l'empereur devait charger escorte. .
de front avec sa chevalerie allemande et ses Bra-
, Si le roi de Franceavait été sauvé par le dévoue-
bancons ; Renaud de Boulogne et Ferrand de Flan-
ment et l'ardeur de ses vassaux, du moins il s'en
dre devaient se rabattre en méme temps sur les
était montré digne par son courage et sa fermeté.
deux flancs de la troupe royale. . , '
Son adversairo trouva le méms dévouement aut.our
Mais ils n'eurent pas le temps de passer a 1 exe-
de lui, mais n'y répondit pas par la méme énero-ie
cution. Sous l'énergique imfu~s~or: de l'é;eque de et la meme constance. e
Senlis les Francais prirent I'initiative de ~attaql~e.
Ouelques chevaliers francais résolurent d'aller
L'é;eque de Senlis lanca d'ahord d~ l'aile droite
attaquer l'empereur Iui-mérne parrní son' escorte
300 sergents d'armes contre les chevaliers flamands.
de s'attacher a lui et de le prendre. Ils réussirent ;,
Ceux-ci dédaignant de tels adversaires, les recurent
tuer son cheval et a le renverser, mais les cheva-
de piecl' ferme et eurent vite fait de les bousculer.
liers saxons accoururent en foule pour le défendre.
Aussitót apres ils se porter.ent en av~nt, et l~ .combat
Une lutte terrible s'engagea; un Saxon, Bernhard
s'engagea entre l'aile droite francaise et 1aile g~u-
von Horstmar, réussit a tirer l'empereur de la
he des alliés. Ce fut un ensemble de combats sin-
b~garre et a le remettre 'en selle, mais le souverain
~uliers, une sorte de ~aste tour~,oi, qui se prolongea
n en profita que pour prendre la fuite tanclis que
longtemps sans solution. ..' ses défenseurs continuaient la lutte. '
Les milices communales arrivaient a peID~, au
momcnt oü la lutte s'engageait. Elles ~e dáployerent .Otho,n n~ s'arréta qu'á Valenciennes. Une pareilIe
fmte réglaít le sort de la journée et donnait bataille
au centre et, sans s'arréter, se porterent en avant
gagnée au roi de France. Les AlIemands tinrent
contre la masse des Brabaneons. Le ~hoc. ne fu~ pas
de longue duré e : les miliciens, m.oms mstrUlt~ et encore quelqu~ te~p~, mais la chevalerie des Pays-
Bas.renonca bientót a la lutte, et s'échappa avec le
moins disciplinés que Jeurs ad;ersalres, furent bien- duc de Brabant.
tót rompus et rejetés en arriére. Les .BrabanC,ons
~'.' ~e combat tournait d'ailleurs en faveur des Fran-
victorieux avancerent a leur tour, mais pour etre cais aux deux ailes. ·
LES GRANDEi BATAILLES DE

Au Sud-Est, sur la voie romaine, la melée et les BOUVINES 57


combats singuliers avaient pris fin. Les comtes de
Saint-Pol et de' Melun avaient formé une troupe ~enaud de Boulogne. Une troupe de 3.000 sergents
d armes cerna et assaillit de tous cótés a la fois le
compacte et chargé a fondo Les Flama!1ds s'étaient
cercle formé par les 700 Brabancons du comte de
ralliés et un combat sérieux s'était engagé. Le comte
Boulogne, et réussit a le rompre. Renaud de Bou-
de Flandre avait été renversé , blessé et pris. Plu-
lo.gne e~ ses derniers défenseurs, enveloppés et ris
sieurs des chefs de la chevalerie flamande avaient
la. batadle. fut terminée. Elle semble avoir ~nré
été. tués ou pris. Les Francais restaient maitres du pres de trois heures.
champ de hataille sur ce point en mérne temps
qu'au centre.
A~ point de vue militaire, Bouvines est bien une
A l'aile opposée, les alliés avaient essayé d'exé-
b~t~l~le féodale : la chevalerie seule y joue un róle
cuter le planconvenu, et un de leurs chefs, Renaud
d~CISlf; elle a bon marché des mercenaires, sergents
de Boulogne, s'était détaché de la droite pour se
d ar.mes ou Brabaneons, et les milices communales
rabattre sur le centre francais.
ne tIennent pas devant les uns ou les autres. C'est
Le comte de Dreux l'avait aussitót pris en flanc,
ent~e les conti,ngents Iéodaux que se joue la partie.
et le combat s'était étendu de proche en proche. Les
mercenaires de Salisbury et de Hugues de Boves
e e.st donc a grand tort que l'on veut voir dans
Bouvm~s une victoire des milices communales; mais
avaient engagé un combat acharné avec les contin-
lá. ?~taI11e n'en est pas moins une victoire nationale,
gents féodaux de Picardie. Les mercena.ires ne tin~ent
qU.I·mtéresse toute la France, et dont tous les Fran-
pas longtemps. devant la .chevalerie francaise ;
calS ont ressenti l'importance. Bourgeois et paysans
I'évéque de Beauvais abattit leur chef, Guillaume
. tous ont su le danger que courait la patrie ; ils out
Longue-Epée, d'un coup de son terrible gourdin,
~onnu ,!es menac~s des alliés, et ils ont salué
et des lors ils abandonnerent la partie.
l.annonce de la vlctoire avec des cris d'enthou-
Au contraire, le comte de Boulogne, rebelle a la
SIasme. Dans tous les villages que traverse le vain-
couronne, soutint, la lutte avec acharnement et avec
q,ueu.r, les rues, les maisons, les routes mérne sont
habileté jusqu'á la fin de la journée , Il avait formé
¿.; pavOIséesd'étoffes btillantes, de fleurs et de feuil-
en cercle une troupe de 700 Brabancons, qui, leurs
\:Ja.B,e~.;:les yaysans,' les moissonneurs interrompent
longues piques croisées, oflraient un r~fu~e aux __
)e.ur~it.rav;aux pour acclamer le roi. París lui fait"une
chevaliers apres chaque charge. 11 put ainsi, avec
}~~~t~on:'~riomphale : les bourgeois, et surtout la
une poignée de gens d'armes, tenir téte longtemps
aux comtes de Dreux et d'Auxerre.
~ . é,~~~e: .~es étudiants, des c1ercs et du peuple
'-:..-9li~t;'~,~~a renc?ntre en chantant des hymnes el
Une partie des chevaliers qui avaient mis en fuite
les mercenaires anglais se rabattit sur le centre, ~~~a~.~\'t~~~:. ~a ,vdle demeure illuminée pendant
' .. p:l~sJ~é.BUlte. .
et concourut au succes décisif.
Les troupes du centre revinrent ensuite a la
., ·?\9~: :~~d~t.eín~.ht,populaire manifeste nettement
;;:.·r:ll!.~e~,s~tolé ~\l~~~ntimEmt national ; la. nation avait pris
gauche, oü l'on n'avait pas encore réussi a vaincre
;.~~op.~I,~é'~~,e.d el~e-T?émea mesure que le pouvoir
,Jl?~:~~:::s~. ,c.~Psol.ldaIt, et opérait la fusion des pro-
\}!:~U;~<
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BATAILLES DE L'lllSTOIBE
58 LES GRANDES

ier danger grave cou ru par la


vihces, et le ~rem f ..tous aquel point la gran-
France avait íait sen Ir a . . '.
deñr de la patrie leur tenalt au creur. .
ts olitiques et de grandes
De grands événemen lP e et le xvn' siecles.
r
batailles ont. leu.,
entre e XIll .
cours des Croisades, SI
.
ROCROI
Mais les batallles hvrees au les écrivains militaires,
elles sont importantes ?o~r téresser la plupart des (.'1643)
: .l
ne semblent pas devoír né par les Anglais dans .
'lecteurs. Les batailles gagpn't~S s Crécy. Azincourt .. ¡

d Cent Ans 01 ier , '


la guerre e . ' t en parler encore sans
men
~ont célebres, mais com revanches dont elles On ne saurait dire que la vicloire de Rocroi a
mentionner les nom?reuses rel iusqu'á Castillon, . sauvé la France. La situation n'était pas compro-
ont été suivies, depUlS ~oc,heont J« bouté l' Anglais
mise a ce point que la défaite d'une petite armée
et par lesquelles nos peres. de nombreuses dans une clairiere des Ardennes consornmát la perte
. F ce"» De rneme,
hors de . ran . uerres d'Italie, Forn~ue, du royaume. Mais la victoire remportée par le duc
batailles livrées dans les. g C' 'soles etc. seralent d'Enghien changea la fortune de la France. Victoire
Iari n Pavle en , ' .
Ravenne, ~ angna , "t mais il fallait savorr complete, écrasante, elle ruina pour toujours le
. ·plus d'un tI re, t
intéressan t es a . devoir passer ou re prestige des armes espagnoles; matériellernent, elle
t nous avons CI u ., e
se borner, e.. b t 'He de 'Rocroi, la premler affaiblitá tel point l'infanterie espagnole, qu'il
our en vemr a la a al
suffira d'une seconde victoire, a Lens, pour l'anéantir.
~ictoire de la France moderne.
Jusqu'á Rocroi, les arrnées francaises ont lutté péni-
hlernent, avec des alternatives de succes et de revers
dont l'histoire garde a peine le nom ; Rocroi ouvre
un siecle de gloire et de grandeur militaires, que les
victoires de Condé, de Turenne, de Luxembourg,
de Berwick, Catinat, Vendóme, V,illars et Maurice de
. Saxe coritinu=ront presque sans interruption jusqu'á
Fontenoy, Raucoux et Lawfeld.

L - La concentration.

Pendant le xv" el le XV¡C siecle, la France, agitée


guerres civiles, se dégage péniblement des
226 LES GRANDES BATAILLES DE L'mSTOInE

pendant toute la journée, se mit tranquilIeme~t a


table a'7 heures et accepta la défaite sans érnotion.
Le général de Ladmirault renda~1t compte qu'~l
tenait toujours fortement a Arnanvillers et pensaít
reprendre la lutte le lendemain, Bazaine IUl
répondit :
• « Il s'agit bien de cela! Nous devions nous en
aller demain matin ; nous nous en irons ce soir, MOUKDEN
voilá tou t ! »
Il ne comprenait pas que le sort de la France
venai t de se j ouer. . .
Aprás cette victoire, les Alleinands eurent vite fait 1. - Le théátre des opérations.
de tenir l'armée francaiss investie dans Metz !
Bientót le D'ouyernement trompé par les fausses La guerre de 1904-1905 entre lo Japón et la
nouvelIes de °Bazaine se l~issa entrainer a diriger Russie a un théatre des plus restreints. Toutes
vers Montmédy les dernieres troupes régulieres qu'il les rencontres ont eu lieu, soit dans la presqu'Ile
avait pu rassembler, et ce fut le désastre de Sedan. de Liao-Toung, soit dans une partie de la Mand-
Malgré la perte totale de deux arm~es, la ~rance '.chourie, qui n'a pas plus de 200 kilometres dan s
pouvait luttcr encore, non sans espoir de vaincre ; "chaqua sens.
mais la cause de ses défaites, l'insuffisance du La chaine monLagneuse qui forme I'aréte de la
commandem ent subsistait, et rendit vains ses efTorts presqu'ile du Liao-Toung, et la couvre de ses rami-
p~~ur reprendre l'avantage. fications, est l'extrémité d'une longue chaíne qui
court da Nord-Est au Sud-Ouest, entre les régions
de Mandchourie et de Corée, séparant les bassins elu
, Liao-I-Io et du Yalou.
Ces deux fleúves, qui ont joué un róle ímportant
dans la campagne, coulent dans eles valIées a fonel
large et plat.oü ils forment des bras innombnlbles.
Le Yalou, que suit la limite nord-ouest de la Corée,
a une largeur de plusieurs kilometres en approchant
de son embouchure; la ri ve gauche est hasse, sa
rive droite est dominée par des collines. .
Le Liao-Ho, qui se jette dans la baje du Pe-tchi-Li,
- au nord du Liao- Toung, coule dans une plaine Iarge
' de 100 kilometres; ses nombreux affluents el sous-
affluents l'y accompagnent souvent pendant long-
LES GRANDES BATAILLES DE L'HISTOIRE

temps avant de le rejoindre. Parmi ses affluents,


les deux plus importants sont le Houn-Ho, qui
passe pres de Moukden, et le Tal-tse-Ho; qui passe
prés 'de Liao- Yang. Ce dernier recoit sur sa droite,
par coriséquent dans la région comprise entre
Moukden et Liao-Yang, le Cha-Ho. Celui-ci recoit, a
son tour, sur sa gauche, le Chi-li-Ho.
La route mandarine et la voie ferrée de Port-
Arthur a Kharbine, longeant le pied des montagnes
par Tachitchao, Hal-Tcheng, Liao-Yang, Moukden,
Tieling, marquent la limite de la plaiue et de la
zone montagneuse. A l'est de cette ligne, les cours
- d'eau descendent de la montagne, suivant une
direction est-ouest; a l'Ouest, ils s'infléchissent vers CD

le Sud, saufle Chi-li-Ho, qui sejette presque aussitót 'C


::l
o
dans.ls Cha-Ho , ..el
<.>
'O
La plaine est rigoureusement plate, couverte de i:l
cd
gaolian, genre de millet aux tiges tres élevées (elles ;;S
j
atteignent parfois 3 metr es), Par le mauvais temps, ~ 'O
CD

cette plaine est impraticable; par la gelée, elle ~ •..


CD

.devient d'autant plus praticable que tous les cours- O) ii:i


IQ ::l
d'eau sont gelés; mais le froid est des plus péni- z¡ C!l

bles, et se maintient longtemps aux environs de I


20° au-clessous de zéro. o
~
La région montagneuse commence immédiate- c5
....
ment a l'est de la voie ferrée ; elIe prend vite le ~
caractére d'une véritable montagne a pentes raides
et escarpements rocheux, de sorte que dans les
grandes batailles de Liao-Yang, du Cha-Ho et de
Moukden, on a combattu en partie dans la plaine,
en partie dans une région accidentée, en partie
enfln dans la montagne.
L'armée du général Kouroki, tenant la droite des
armées japonaises, a opéré. sans cesse en mon-
tagne, ce qui a donné ases opérations un caractere '/
spécial. Le petit nombre et le peu de largeur des ~
.•..~ti

'·.::-L,.:" ..•••

230 LES GRANDES BATAILLES DE L'mSTOIRE MOurCDEN


23i
zoñes praticables l'obligent a embrasser des régions au delá de 4.000 rnetres soit 1.000 metres environ
tres étend ues et a se morceler. Il serai t illusoire de moins que la fusée ru~se» 1.
de calculer la densité moyenne de ses troupes .Les canons japonais tiraient aussi un obus explosif a
dans la bataille en divisantleur eiTectif par le fusée percuta.nte anaIogue á notre obus a mélinite.
nombre de metres du front OU elles sont engagées. Les J~pon~ls .employerent en cutre des canons de
gros cal~bre a tir cOl~rbe et des canons de montagne
p:u .pmssants, mais tres mobiles. Les Russes
II. - Les armées. n avalent qu'uns douzaine de batteries de mon-
tagne.
Le matériel d'artillerie en usage dans les armées Au moment oú se Iivra la bataille de Moukden
russe el japonaise en 1904 el 1905 était infini- les deux armées étaient munies de mitrailIeuses en
ment supérieur a celui que les Allemands avaient grand ,.nombre., aussi bien dans· la cavalerie que
employé en 1870, mais ce n'était pas encore le dans 1 mfantefle.
matériel á tir rapide el á boucIiers, dont les arrnées
européennes sont dotées. Les Japonaís n:employerent que des troupes soli-
« Au mo ruent OU éclata la guerre, la Russie deme~t, organ.lsees, encadrées et instruites' les
venait d'adopter un nouveau canon de campagne, deux ~le,rs de l'mfa.nteri~ ~taient des troupes acÚves,
non pas a tir rapide, mais ;'t tir accéléré, qui pou- orgalllSe~s en trelze divisions- le dernier tiers se
vait donner utilement de quatre a six coups par C~!DP.osaIt d~ treize brigades de réservs. Soit par
rn inute. Il n'était pourvu que d'un seul modele de plInCJ~e, . soít ~a~ suite du défaut de caclres, le
projectiles, un shrapuell, dont la fusée permettait nomb,l e des unitás de réserve ne fut jamaís aug-
le tir fusant jusqu'á 5.300 metrss environ. C'était m,en.te; les h?mmes de complément envoyés des
1.000 metres au delá de la portée de la fusée du depo~s furent ~ncorporés dans les unités actives et
shrapnell japonais. d~ reserve eXIstantes, OU l'eiTectif des compagnies
« La proportion de canons qui tend, en Europa, depassa souvent le chiITre réglementaire.
á aLteindre six pieces par hatai llon , ne fut que de L~ ca.val.eT~ejaponaiss était peu nombreuse; elIe
2,5 par batail lori pour l'ensemble de l'armée. se :edmsaIt a lrOIS escadrons par division d'infan-
« En raison de cette faible proportion, le 1'61e de terie, plus cleux. brigades indépendantes. Les che-
l'artilleric russe, dans la bataille, ne put, en Mand- vaux et les c.avalIers. étaient médiocres, et pourtant
chourie, attcindre la moitié de celui auquel on peut cett; cav.aJen:' .re~dlt d'exceIJents services a cause
s'attendre dans une guerre en Europe.» de 1 esprit qUI 1 anirnait et du bon emploi qu'on e
Chez les J aponais, « la proportion d'artillerie était fit. n
supéricure a celle des Russes. Chaque división dis- L'organis(ltioÍl des états-majors et des services était
posait de trois pieces par bataillon. Leur canon de
campagne était comparable au canon russe ; mais 1. Général SILVESTRE. Considé1'ations
la. fusée fusanLe perrnettait le tir du shrapnell peu Mandchou1'ie, Paris, '1910. sur la campaqne de
232 LES GRANDES BATAILLES DE L'HISTOIRE

parfaite,. et leur fonctionnement fut des plus régu .


liers ; mais ce qui fut plus important, c'est que l'es-
prit guerrier du vieux Japon animait la troupe et
ses chefs, dont la conduite fut a la fois tres métho-
dique el franchement offensive ,
H "e"l -h~ . r

Les troupes russes ne présentaient certes pas


toutes les qualités qui se renconlraienl chez leurs
adversaires. Un certain nombre des grandes unités
ne furent organisées que pour laguerre ; la troupe
fut constiluée en grande partie de réservistes, les
uns pris dans la population sibérienne, parfois tres
ágés. et en grande partie sans instruction, les
autres appelés d'Europe et méconlents de marcher
avant les trou pes actives pour cette guerre dont
la raison leur échappai t.
Malgré ces causes d'infériorité manifeste par rap-
port aux troupes japonaises, il semble bien que la
-valeur du soldat russe ait été toujours digne d'élo-
ges. C'est plutót une instruction défectueuse des
cadres qui mit quelquefois les troupes russes en état
d'infériorité vis-a-vis de leurs adversaires. En réa-
lité, c'est le commandement qui, a tous les degrés,
sernble s'étre trouvé inférieur a sa tache et avoir
causé la défaite des Russes. Les résultats obtenus
{.
chaque fois que les troupes ont été conduites avec
vigueur et sans arriere-pensée prouvent qu'elles
étaient capables de vaincre, malgré leurs défauts,
si elles avaient été généralement mieux comman-
dées.

L'armée japonaise, une fois débarquée, recut ses


renforts et se ravitailla en munitions par voie de
mero La traversée était cl'au moins 1.500 kilornetres,
it peu pres I'équivalent de celle de Marseille a Casa-
FIG. 41. - Théúll'e des opérations.
blanca.

20.
,.

234 LES GRANDES BA1'AILLES DE L'HISTOIRE JlfOUImEN 235

L'armée russe se renforca sans cesse et se ravi- de Port-Arthur, mais il en laisse 30.000 a. Vladi-
tailla en munitions et en matériel par le Transsi- vostok.
bérien, long de 6.500 kilorn etres. Il garde le gros de ses forces autour de Liao-Yang,
« Le rendement de la voie, qui était au début de ét porte deux détachements en avant, sur le Yalou
la guerre de 6 trains par j our dans chaque sens, et vers le port d'Inkéou, a. l'embouchure du Liao-Ho.
fut porté successivernent a 7, 8~ 11, 13 el enfin Le détachernent de Sassoulich, sur le Yalou, est
16 trains, en muItipliant les croisements et en disséminé sur les 40 kilornetres du front it garder;
augmentant le matériel ». Quand on songe a ce il ne peut pas étre réuni en temps utile quand les
qu'était la voie unique du Transsibérien avant la Japonais attaquent avec 50.000 hommes (bataille du
., guerre, ce chiffre de i6 trains par jour est pro di- Yalou, 29 avril-I er mai) .
gieux. Cependant, les Russes ne parvinrent pas a Ce premier succes des Japonais produit un effet
transporter de grandes quantités de troupes en moral considérable. C'est l'analogue de Saalfeld en
Mandchourie, une tres grande partie des transports 1806,de Wissernbourg en 1870.
étant absorbée par le matériel. L'armée de Kouroki débouche de Corée en Mand-
chourie. Elle s'avance peu, se bornant a couvrir la
4e armée (Nodzou) qui débarque a. l'Ouest du Yalou,
1II. - Les opérations. et les 2e et 3c armées (Okou et Nogui) qui débar-
quent dans la presqu'ile de Liao- Toung, non loin. de
Dans la nuit du 8 au 9 février 1904; sans décla- Port-Arthur,
ration préalable , la Ilotte japonaise attaque les Toutes sont prétes a. marcher 'dans la deuxierne
navires russes Tchemulpo et dans la rade de Port-
á moitié du mois de mai. La 2e armée se porte vers le
Arthur. Elle procure ainsi la sécurité la plus com- Nord, laissant la place a. Nogui, lequel investit Port-
, plete aux transports entre le Japon et le continent. Arthur. .
Les débarquements commencent presque aussi- Kouropatkine, résolu d'abord it ne cornbattre
tót, mais.la division qui arrive la prerniere (i2e divi- qu'apres étre devenu supérieur en nombre aux Japo-
sion, dé l'armée de Kouroki) met a. peu pres un nais, a préparé le long de la voie ferrée une série de
mois débarquer en trois points de la cóte coréenne;
á fortiflcations entourant chacun des points impor-
elle n'est concentrée a. Séoul qu'en mars. Le reste tants : Tachekiao, Haítcheng, Liao- Yang, Moukden,
de la ire armée débarque aussi enCorée sous la Soit de son propre mouvement, soit pour obéir a.
protection de cette division, puis se forme en colonne des ordres supérieurs, il laisse toujours deux déta-
pour marcher sur le Yalou. chernents en face de Kouroki et d'Okou , avec des
Les Russes n'avaient, au mois de f'évrier, que .instructions presque impossibles a. mettre en pra-
40 hataillons d'infanterie, 3.000 cosaques et 200 bou- tique :
ches a. feu en Mandchourie, A la fin d'avril, le géné~ « J e donne mission au corps du Sud, dit-il a
ral Kouropatkine dispose de iOO.OOOhommes, non -Stackelberg, d'attirer sur soi, par un mouvement
compris les 30.000 hommes qui forment la garnisori ofJensif dans la direction de, Port-Arthur, le plus
, LES GRANDES DATAILLES DE L'mSTOIRE
IIIOUImEN 237
possible des forces de l'adversaire, et d'afTaiblir
ainsi I'armés qui opere dans le Kouan-Toung. .\' -sont arrivées devant les positions avancées des
« Pour obtenir ce résultat, votre mouvement Russes autour de Liao-Yang. La lutte s'y engage
contre le rídcau placé au ord doit étre exécuté sur deux ehamps de bataille distincts entre lesquels
rapidement et avec décision en recherchant l'écra- les Russes pourraient exécuter des navettes capables
sement rapide des fractions avancées de l'ennemi, si de leur assurer une grosse supériorité sur une des
elles se montrent faibles. _ ailes.
« Contre des forces supérieures, il ne faut pas Les Japonais nese portent a l'attaque que le'
engager d'action décisive, et ne jamais se Iaisser 24 aoút, Quand Kouroki a tourné l'extréme aile
aller employer la réserve tout entiere pendant le gauche le 27 Kouropatkine ordonne de se retirer
sur une , seconde , la retraite se Iait. 1e z98 ,
á

combat, tant que la situation n'est pas éclaircie. » position;


Le général Stackelberg, ne devant ainsi ni pren- et le 29 commence la lutte sur la position princi-
dre franchement l'offensive, ni se tenir sur la défen- pale. Elle dure encore trois jours, mais un mouve-
sive en la préparant, est battu á Vafangou les 14- ment rnenacant de Kouroki décide eneore Kouropat-
15 juin par les forces supérieures d'Okou, qui kine a ordonner la retraite le 31 aoút. Elle s'exécute
débouche ensuite de la presqu'ile du Liao-Toung et a partir du 1 septembre, malgré les nombreuses
el'

se porte á la hauteur de Kouroki et Nodzou. Les réserves intactes dont disposent les Russes.
trois armées japonaises sont ainsi déployées entre Les Japonais, épuisés, ne poursuivent pas. Les
l~ Yalou et le Liao-Ho, couvrant la presqu'ile de Russes se retirent sur le Cha-Ho. .
LlaO-Toung. ElIes vont marcher concentriquement Un inois apres la batailJe de Liao-Yang, les R~ls~es
sur Liao-Yang. ont recu des renforts qui leur donnent la supériorité
A la fln de juin , Kouroki enleve le col de Motien- numérique, el le général Kouropatkine essai~ de
ling, point essentiel de la route du Yalou a Liao- Yang, prendre l'offensive. Les Japonais, établis sur la ligne
que les Russes n'ont pas occupé assez fortement. Yentaí, Pensihou, sont attaqués a Pensihou par des
Les Russes en comprennent trop tard l'impor- forces tres supérieures, mais les Russes commettent
tance, et essaient en vain de le reprendre. tant de fautes d'exécution qu'ils sont repoussés le
Les Japonais ne continuent leur offensive que le 13 oelobre, aprés quatorze jours de combat.
18 juilIet. Une des dívisions de Kouroki déloge, en Le-rnaréchal Oyama a pris l'offensive, de son cóté,
la débordant, la division qui forme l'extréme-gau_ avee son centre el sa gauehe et, du 11 au 13, il a
che des Russüs. ramené les Russes sur le Cha-ho en forcant leur
Les 24 et le 25, c'est Okou qui chasse deux corps centre en méme ternps qu'il les débordait a l'Ouest.
d'armée russes de Tachekiao; quelques jours plus Pendant quatre mois, les Russes se fortifient
tard, il remporte un nouveau succes a Haltcheng, .1 autour de Moukden. Pendant le mois de janvier, ils
tandis que Kourcki fait encore tomber, par un envoient le général Mitchenko faire un raid sans
mouvement débordant, de nouvelles défenses des objet bien déterminé avec quatre-vingts escadrons
Russes dans la montagne. Les armées japonaises et vingt-d eux piéces, puis ils essaie~t d'en!ever ~e
vrllage de Sandepou, a l'ouest de la vore ferree, mais
\
: ,'1., 1.-" .

/
LES GRANDES BATAILLES DE L'HlSTOIRE
iUOUIWEN 239
ils échouent aprés avoir renouvelé leurs attaques
pendant quatre jours (25-28 janvier 1905). a 40 kilornetres au sud-ouest de Moukden, a portée
de. fusil des postes japonais de Sandepou, puis elle
se recourbait vers le Nord-Est pour aller rejoindre le
IV. - Bataille de Moukden. Cha-Ho pres de la voie ferrée; elIe remontait le
I cours du Cha-Ho en s'infléchissant vers le Sud-Est et
Au moment oü va se livrer la bataille de quittait la riviere a Baniapoutsa pour remonter au
Moukden, les. Iorces russes (300.000 hommes) sont Nord-Est dans les montagnes.
réparties en trois armées : Au premier coup d'ceil jeté sur le tracé de cette
A droite, la 2e armée, commandée par le général longue ligne, il apparait que la partie située a l'Ouest
Kaulbars, comprenant quatre corps d'armée et le s'avance brusquement vers l'ennemi et que son aile
corps mixte de Rennenkampf (une division de extérieure est sans appui. Cette partie de la position
cosaques, une brigada de cavalerie, une brigade est condamnée a tornber tres vi te par la force des
d'infanterie) ; choses.
Au centre, la 3e armée, commandée par le général
Bilclerling, comprenant trois corps d'armée; L'armée japonaise, depuis la prise de Port-Arthur,
A gauche, la 1re arrnée, commandée par le général comprenait cinq arrnées.
Liniévitch, comprenant quatrc corps d'armée. La r= armée (Kouroki) tenait toujours la droite de
En outre, a l'extréme gauche, le général Alexeief la prerniére ligne. Elle se composait de trois divi-
commande un détachement indépendant, composé sions actives et trois brigades de réserve.
d'une division d'infanterie et d'une division de La 4e árrnée (Nodzou), au centre, comprenait deux
cosaques; deux petits détachements indépendants divisions actives: une division de réserve et trois bri-
opéraient encore plus a l'Est dans les montagnes. . gades de .réserve, avec une brigade d'artillerie indé-
Le général Kouropatkine garde en réserve un pendante. .
corps d'armée (le 16 ); il garde en outre a sa dis-
e La ~e armée (Okou) comprenait trois divisions
position un corps de l'armée de droite, une division actives, deux brigades de reserve, le corps de For-
-de l'armée du centre et un régiment de l'arrnée mose et une brigade de cavalerie .
de gauche. .Deux armées, la 3e et la 5e, u'étaicnt pas encere
Le général Kour.opatkine avait fait ~ortifier depuis entrées en ligne et les Russes n'en connaissaient pas
longtemps la position sur laquelle ¡J comptait se la situation.
défendre, mais les travaux, entrepris a l'origine pour La 5e armée (Kawamoura), comprenant une divi-
couvrir la ville de Moukden et non pour constituer sion active et trois divisions de réservc, se trouvait ú
un vaste charnp de bataille défensif, avaient donné a I'extréme droite, en marche vers le .ord ú travers
la ligne de défense une forme peu appropriée au les monlagnes, prete á s'engager á la droite de Kou-
nouveau róle qui lui incombait. . roki.
La ligne des tranchées russes traversaitle Houn-Ho La~:&earrnée (Nogui), destinée a l'attaque la plus
importante, d evait se porter i l'extrérne gauche pour
240 LES GRANDES BATAILLES DE L'HISTOIRE lIIOUI<DEN 241
/
déborder la droite russe. Elle comprenait trois divi-
sions actives, une brigade de réserve, une brigade a). L'attaque déinonstratioe a l'Est,
d'artillerie indépendante et une brigade de cavalerie.
Le maréchal Oyama gardait en réserve générale Le général Kouropatkine avait eu l'intentionde
I une división active et trois brigades de réserve. pr~ndre l'oITensive, mais il fut prévenu par les Japo-
Chacune des divisions japonaises comprenait nais.
16.000 hommes environ. Le total des forces japo- Le maréchal Oyarna mit d'abord en mouvement
naises approchait donc de 325.000 hommes. son extreme droite : sa 5" armée apparut, le
24 février, sur 'le cours supérieur du Ta'i-tse-Ho, a
Les forces russes avaient été réparties de la 75 kilornetres a l'est de Pen-si-Hou, qui marquait la
rnaniere suivante : droite des positions occupées par Kouroki. Le
L'armée de droite, avec HO.OOO hommes, occupait général Kawamoura, qui la commandait, marcha
la partie des retranchernents qui s'avancait jusqu'á obliquement par rapport au front des deux armées,
Sandepou. ElIe occupait un front de 35 kilornetres prenant son point de clirection 20 kilornetres
á á

avec 80.000 ho m'mes, ayant environ 30.000 hommes l'est de l'extrérne gauche des Russes. Il rencontra
en réserve a 15 kilornetres en arriere de sa droite. sur son chemin les détachements que le général
ElIe avait donc une densité de 2,5 a 3 hommes par Kouropatkiue avait envoyés de ce cóté pour s'éclai-
rnetre, suivant que l'o n tient compte ou non de la rer et il les clélogea facilement dans les combats
réserve. clu 24', du 25, du 27, du 28 février et du 1 mars. el'

Au centre, sur un front de 15 kilornetres a peine, A cette derniere date, la 5e armée japonaise avait
les 80.000 hommes de l'armée du centre avaient débordé la gauche russe. "
encore derr iere eux les 30.000 homrnes de la réserve A partir clu 26 février, l'armée du général Kouroki
générale, soit une densité de 5 7 hommes.
á suivit le mouvement de sa voisine en prenant l'offen-
A l'Est , dans la région montagneuse, les sive sur le cours supérieur du Cha-Ho ,
100.000 hommes de Liniévitch, sur une étendue de L'armée clu général Noclzou se mit bombarder
á

40 kilornetres, oITraient une densité moyenne de 2 a le centre russe sans procéder ú une atraque
2,5 hommes par rnetr e et, par conséquent, une den- sérieuse.
sité de 4 a 5 hommes dans les parties tres restreintes Craignant de se voir tourné par sa gauche , le
oü l'on pouvait combatlre. général Kouropatkirie y envoya promptement des
Ainsi, la partie la moins fortemen t occupée de renforls : un corps d'arrriée, quelques régiments qui
beaucoup était la plus importante, soit pour la venaient cle débarquer Moukden et le détachement
á

défensive, soit pour l'ollensive : la droite, qui s'éten- de Rennenkampf.


dait dans la plaine, en saillie et sans point d'appui. Le corps d'armée (1 Sibérien) n'alla pas jusqu'á
el'

Le centre, naturellement fort, était occupé par les destinatiori. Les autres renforts suffiirent arréter
á

troupes les plus nornbreuses. l'armée de Kawamsu ra.


11 • résulta de ce faux mouvernent que toute la
21
242 LES GRANDES BATAILLES DE L'HlSTOInE
lIfO UI<DE N 243
cavalerie russe se trouva réunie a la gauche, dans corps entier dorit il dispose it Moukden, le 16e•
la région montagneuse. n- en envoie une brigade vers Sin-min- Ting, contre la .
cavalerie japonaise ; les trois autres brigades, avec
b) L'aitaque de l'Ouest. deux brigades prélevées sur les deux divisions d'un
autre corps d'arrnée (le 10e) descendent la rive
Des le 26 févri er , des forces japonaises avaient droite du Houn-Ho. Deux divisions, enlevées a deux
été signalées au général Kouropatkine comme remen- autr.es corps (5e et 17e) suivent en se conde ligne.
tant le cours du Liao-Ho, et se trouvant a
peu pres Enfin, le 1 corps sibérien,
el' qui avait été porté
a bauteur de Liao-Yang, a 50 kilornetres a l'ouest versI'Est et qui était déjá parvenu a 40 kilornetres
de cette ville. de Moukden, revient sur sespas.
Le 28 février, cette armée japcnaise (c'était Nogui, Il est impossible de trouver un exemple plus
arrivant de Port-Arthur) est hauteur de Sandepou
á

. frappant de cette désorganisation oü Napoléon


et tourne vers la droite pour attaquer les Russes voyait le premier résultat du mouvement tournant.
entre le Houn-Ho et le Liao-Ho , L'attaque se produit En mérne temps qu'il porte ces forces bigarrées
«: le 1 mars, préparée depuis un ou deux jours par
droite du Houn-Ho, Kouropatkine
el"
sur larive replie
l'offensive que l'arrnée du général Okou prononce sa droite de maniere a faire disparaitre le saillant
entre le Houn-Ho et le Cha-Ho , Peu a
peu, la moitié de Tchan- Tan. Le 3 mars, la ligne russe, s'appuyant
de cette dernier e passe sur la rive occiclentale du toujours sur le Cha-Ho, a l'ouest de Chahopou,
,.'.•.. Houn-Ho pour renforcer Nogui.
est
orienté e du Sud au Nord, sur une étendue de
En méme temps, la cavalerie japonaise accorn- 25 kilornetres. La ligne russe, ainsi refusée, entoure
pagne le mouvement 60 kilornetres en dehors de •
á

Moukden, dont elle se trouve distante d'environ


l'aile marchante, et atteint Sin-min-Ting, débordant 15 kilornetres. .
sensiblement les lignes russes et Moukden mérne. Durant les journées du 2 et du 3 mars, le cernbat
Pendant la journée du 1 e,' mars, les Russes est soutenu avec peu d'ardeur de part et d'autre.
tiennent bon á Tchan- Tan, leur point le plus avancé Les Russes organisent leurs nouvelles positions et y
au Sud-Ouest, sur la rive droite du Iloun-Ho ; mais rétablissent les batteries de gros calibre en toute
il apparnit nettement que les positions russes de tranquillité. Il en est de méme au centre. Il semble
cette région succomberont forcément it l'enveloppe- qlle les Japonais attendent le résultat de leur mou-
ment et qu'il est urgent de dégnger leur droite. vement débordant pour reprendre l'offensive avec
Ce jour-Iá, le" mars, la bataille est engagée sur vigueur.
tout le front, el le cornbat est acharné au centre
aussi bien qu'aux cleux ailes.
Pour parer au danger qui menace sa droite, le 'C) Le mouoement débordant,
général Kouropatkine forme en toute háte des corps Dans la journée du 3 mars, le général Nogui est
provisoires avec des éléments tirés de tous ses parvénu a étendre son aile gauche au delá des
corps d'urmée, mais, en revanche, il morcelle le seul derniers éléments de la ligne russe. Il attaque alors,
/

LES GRANDES BATAILLES DE L'HlSTOIRE

en J'enveloppant, la 25e división, qui forme l'extré-


- mité de eette ligne, et la rejette promptement
jusqu'á quelques kilornetres de Moukden, pres des
tombeaux des empereurs.
Il se trouve alors plus de 80.000 Japonais sur la
,
rive droite du Houn-Ho pour assaillir 60.000 Russes
sans liens organiques, sans eommandement supé- ,
rieur, sans point d'appui pour l'aile extérieure. \

Si 1'0n tient cornpte, en outre, de la passivité


o
dont faisaient preuve la plupart des généraux russes,
on eoneevraque le généralNogui ait pu,~ tout en
entretenant le eombat sur la ligne de feu, déplaeer _
latéralement le gros de ses brigades, de proehe en '-e :l
o
proehe, de la droite vers la gauehe, de maniere a /O
!C
·-e
déborder de plus en plus l'extrérne droite russe, III
e
et a s'étendre progressivement jusqu'a la voie ferrée, o../O
au nord de Moukden.
Le général Kouropatkine projetle une eontre-
~
attaque pour le 5 mars, mais les Japonais ne lui CI}
laissent pas le temps de l'exéeuter. Ce mérne jour, c::
Cl
de tres bonne heure, ils prennent vivementl'ofTensive
sur lout le front ouest, tandis que leur extreme
:SI
V}

gauehe s'allonge jusqu'á 20 kilornetres au nord- '-


U"i
o
Q.
ouest de Moukden , débordant de 5 kilomstres les el: ~-
derniers éléments russes. I .•.
Le lendemain 6, le général Nogui retire le gros de I +
ses divisions en arriere pour les faire encore appuyer I +
vers le Nord ; la eontre-attaque russe, qui se produit I +
ee jour-la, trouve done des eireonstanees tres favo- 1 +
rables ; mais, entamée seulement vers 11 heures, et I i"
avee trop peu de vivacité, elle éehoue. I +"
Le lendernain, la gauehe japonaise atteint la voie
ferrée au nord de Moukden. La retraite et les eom-
munications des Russes sont menaeées; le géné-
ral Kouropatkine donne l'ordre de battre en retraite FIG. 42, - Bataille de Moukden.
'sur tout le front.
21.
LES GRANDES BATAILLES DE L'HISTOIRE 247

Pendant que les Japonais débordent la droite russe, , Le général Kouroki apprécie qu'en marchantdroit
la lutte a été acharnée sur le front. Des deux cótés, , - / devant lui ou en appuyant a droite, il n'obtiendra
une artillerie formidable, de campagne et de siége, que de médiocres résultats : l'extrérne gauche des
avait été accumulée sur les rives du Cha-Ho, entre Busses est trop éloignée pour qu'on la déborde
Fendiapou et Linsipou. Le terrain était sillonné de assez vite, et toute la gauche russe est dans une
retranchements. région montagneuse OU il est aisé de retarder la
Les Russes avaient organisé surtout la défense poursuite.
des deux collines dites de Poutilow et de Novogrod, Le général Kouroki fait done resserrer la plus
ainsi que du village de Chahopou. Toutes les grande partie de ses troupes vers la gauche, et il
attaques des Japonais contre ces trois points .mene la chasse de ce cóté avec la plus grande
échouent, de nuit comme de jour; on se bat vigueur.
furieusement par un froid glacial, sous des tour- La retraite des Russes se fait en bon ordre dans
mentes de neige. ea et la, les assaillants réussissent la montagne, et le corps mixte du général Rennen-
a prendre pied dans un bout de tranchée avancé, karnpf', notarnrnent, parvient sur ses nouveUes
mais en s'y terrant sous le feu de la défense, et positions sans étre inquiété. La gauche russe s'éta-
sans pouvoir pousser plus avant. Des contre- blit sur le Houn-Ho, depuis Yin-Pan jusqu'á Fou-
attaques tres énergiques prononcées par les Russes Choun, et y fait téte ,
n'ont pas plus de succes. Au centre, I'arrnée du général Bilderling, épuisée
A l'Est, le général Kouroki réussit, apres des par plusieurs jours de combats acharnés, ne se
attaques tres vigoureuses, a entamer aussi les posi- retire pas en aussi bon ordre ; elle est emmenée a
tions avancées des Russes; le général Kawamoura quelque distance au nord de la riviere, oü elle ne
peut s'emparer de quelques postes dans la montagne ; laisse que ses arriere-gardes. Or, c'est précisérnent
rnais, d'une maniere générale, ces faibles avantages la que le général Kouroki prononce son principal
locaux n'ont pour effet que de rogner les saillants etTort. II suit les Russes sur les talons, atteint le
de la ligne de défense. Houn-Ho dans la soirée du 8 mars, attaque le 9 des
la premiere Jieure, déloge les arriere-gardes russes
d) La retraite des Russes . de la position oü les gros auraient pu tenir, puis
atteint et refoule les colonnes principales. Le 9 au.
Le général Kouropatkine ordonne, le 7 mars au soir, les éléments les plus avancés ont dépassé le
soir, d'évacuer toutes les positions occupées jusqu'á Houn-Ho de 6 ,kilometres, /
et cette armée s'enfonce
cette date pour s'établir sur le Houn-Ho. Le mou- comme un coin entre les colonnes russes en retraite.
vement commence du 7 au 8. Ce qu'il y a de plus grave, c'est qu'elle menace
Les Japonais se mettent a la poursuite des Russes d'envelopper cornpletement toute la partie des
des que la retraite leur est révélée. La maniere armées russes qui combat autour de Moukden, et
dont la poursuite est dirigée est digne de remarque, qui est déjá cernée aux trois quarts par les généraux
et donne les résultats les plus considérables. Npdzou, Okou et ogui. .
.' LES GHANDES ~ATAILLES DE t.'mSTOIRE

Le maréchal Oyama a engagé de ce cóté, a l'ouest


- de Moukden, les troupes de sa réserve générale,
pour boucher l'intervalle entre l'armée d'Okou et
celle de Nogui, et permettre a celui-ci d'étendre tou-
jours davantage son mouvement débordant autour
de Moukden.
La sont entassés environ huit ou neuf corps russes \
\
qui, entourés de tous cótés, tres a l'étroit dans la
banlieue de Moukden, obligés de s'échapper pa: un
étroit couloir entre la gauche de Nogui et la droite
• +
. +
·c
, III
l.,
::;J+
\
ro ~
de Nodzou, ne peuvent pas suivre le mouvernent du \ '¡:j
'0+ \ ~' rn
1-0
centre et de la gauche. Kouropatkine espérait arré- , ;'~+ l'- ::l
'., .. :l. o
ter ses armées sur le Houn-Ho et y reprendre la ,', 0+ \ o-
»" u... ~ !ti <ti
lutte; la poursuite vigoureuse de Kouroki n'en ....., ...::l
laisse pas le temps, et il faut ordonner le 9 a toutes •..."
J' 11)
les armées russes de continuer la retraite. + (ij ~
Q)

C'est beaucoup plus loin seulement qu'elles pour- + III "O


11) ~::l
ront se reformer; mais cet ordre de retraite, lancé ::, o
le 9 au soir, c'est la condamnation des corps d'ar- ~ ::s
Q)
"O
mée laissés autour de Moukden. Ils seront cernés lfI tr)
l.,
le 10, quand la gauche de Kouroki rejoindra celle ~ ~ ~
C) ro '@
de Nogui entre la route mandarine et la voie ferrée, -- ~ ~ id
a 20 kilo metres au nord de Moukden. ' '"
•...
1Il
O) c::>
""'- I
¡:Q

Le reste des armées russes a continué la retraite C)


e, -...!ti QJ .".;
en d.ésordre penclant la nuit du 9 au 10 mars. Le 14, ....., ""
clles s'arrétent el se reforment a Tieling, mais les .. &.:'"'
Japonais ayant repris la poursuite et menacant de +
déborder les deux ailes de l'armée russe, la retraite t
est continuée jusqu'au 22 mars, sous le cornmande- +
+
ment du général Liniévitch, qui a remplacé Kouro-
patkine.
11 est assez difficile de cormaitre les pertes des
deux armées dans cette longue bataille; onadmet
comme probable que les Japonais ont eu 40.00é> a
50.000 hommes hors de combat, et les Russes plus
de 100.000 tués, blessés et prisonniers.
250 LES GRANDES BATArLLES DE L'HISTOInE
l\IOUImEN
251
Nous avons crudevoir donner de cette bataille
destiné d'abord trop de troupes a la défense du
une relation tres sommaire, ayant surtout pour
.front, et qu'il ne s'est plus trouvé assez de forces
objet d'en faire apercevoir clairement les grandes
disponibles pour s'opposer au mouvement tournant
lignes; elles ressortent, en effet, assez difficilement des J aponais par l'Ouest.
dans les récits plus détaillés, a cause de l' énormité La cause laplus décisive de la défaite russe, selon
de cette lutte, prolongée sU{ un espace de 80 kilo-
toute apparence, c'est l'incapacité du général Kou-
metres et pendant une duré e de quinze jours
. ropatkine a se décider franchement pour l'offensive
(24 février-f O mars), et a cause du caractere exo-
chaque fois qu'il eut la veIléité d'attaquer; ainsi que
tique des noms propres, OU nous nous égarons.
nous avons essayé de le montrer en citant les ordres
Apres cet apercu d'ensemble, on pourrait aborder
. 9.onné~ au général Stackelberg pour Vafangou, Kou-
une foule d'études de détail, ayant par exemple pour
sujets: . ropatkme ne donne jamais l'ordre d'attaquer sans y
méler une foule de restrictions el. de recommanda-
Les combats en montagne;
tions défensives; au moment d'éperonner sa mon-
Les attaques de postes, les formations de combat
tUl:~, i~ tire sur les rénes, et il finit par tirer plus
de I'infanteria, la duré e des attaques;
qu 11 n éperonne. Il ne veut pas risquer toutes ses
Les luttes sur les positions fortifiées du centre, les
forces dans une attaque, est plein d'appréhensions
eITets obtenus par les canons lourds des deux par-
tis ; pour toutes les parties de son front et de ses com-
munications.
Les manCBuvres des différents éléments de l'armée Et ce reproche, faitá propos de l'offensive , vaut
de Nogui, leurs rencontres avec' les détachements '

lUUSSI po u!' la défensive, car il faut autant de déci-


russes envoyés au-devant d'eux ;
sion e~ de netteté dan s la volonté pour préparer et
'\ Les opérations de la cavalerie, etc.
conduire la défense d'une position que pour atta-
De pareilles études, purement techniques, rern- quer.
pliraient un volume. I ous nous contenterons d'indi-
Le général KOllropatkine ne sait pas repartir ses
quer quelques caractéristiques des opérations dans
forces pour la défensive, avec des réserves générales
leur ensemble.
et partiellss nombreuses et bien groupées, prétes á

On a reproché aux Russes l'éteridue de leur front; la nposte, pas plus qu'il ne sait lancer toutesses
nous nous bornerons a faire observer que ce repro- troupes á corps perdu dans une attaque. Ses appré-
che serait justifié par l'événement, si le front ávait hensions lui íont employer d'abord trop de íroupes
été rompu en quelque endroit; mais il se trouve sur la prerniere ligne, et en garcler trop peu de di&-
précisément que ce front n'a été rompu en aucun de
ponibles; c'est seulernent par la suite qu'il est amené
ses points, mérne quand il présentait de grands
par la force des cho ses retirer <;:á el lit d u front
saillants comme a Baniapoutsa ou a Chahopou ;
á

des troupes qui s'y montrent superfluas, pour les


l'exemple est donc mal choisi pour incriminer l'ex- lancer goutte á goutte, ou en masses incohérentes ,
.
tension des fronts. Au contraire, une des causes les contra les attaques concerLées el bien dessinées de
plus apparentes de la défaite russe, c'est qu'il a été l'ennemi.

LES GRANDES BATAILLES DE L'HISTOIRE

Rernarquons aussi l'influence exereée par Moukden.


Pour entourer et eouvrir eette ville a distance, les
lignes de défense sont déformées, présentent des
sailIants oü l'on ne peut pas tenir, et ne sont pas
disposées pour opposer la résistance la plus effieaee
en appuyant leurs ailes el de sérieux obstacles. C'est
l'irífluenee politigue aeeordée ú tort a Moukden qui
est cause des r'Mraites prématurées des premiers
LÜ LE-BOURGAS
jours, et de la retraite tardive de la fin.
Insistons enfin sur ee point que nulle batailIe,
peut-étre, ne rnet plus nettement en évidenee l'effi-
cacité des mouvements tournants ou débordants,
et la nature de leurs effets. C'est en eherehant .tou- I. - Premiéres opérations.
jours l'enveloppement que les Japonais obtiennent
la victoire contre un ennemi supérieur ; et si les La Bulgarie et ses alliés ont déclaré la guerre a
H.usses ne parviennent pas a repousser les attaques la Turquie le 18 octobre 1912. La mobilisation,
débordantes de Nogui, c'est beaucoup paree que les décrétée le 30 septembre, était completernent ache-
détachemenls envoyés eontre lui le eontre-attaquent vée. Il n'en était pas de mérne dans l'armée turque.
toujours de front, sans ehereher a gagner son flane Cette derniere fait cependant sa concentration
déeouvert. a proximité immédiate de la frontiere. L'armée de
Dans la poursui te, au contraire, e' est le eou p droit Thrace, formée de quatre corps, a son front sur la
qui, seul, permet de gagner l'ennemi de vitesse, et ligne Andrinople-Kirk-Kilissé, a une marche de la
procure les plus grands résultats. , frontiere bulgare; les trois groupés de l'armée de
Apres Moukden, les hostilités sont interrornpues. Macédoine, a Uskub, Scutari et Janina, sont a une
Les Japonais n'ontrien a gagner; les Russes sentent ou deux marches des frontieres serbe, monténé-
'. que la valeur et le nombre des soldats ne rarneneront grine et grecque. Aussi les Turcs sont-ils assaillis de
pas la vietoire sous leurs drapeaux, faute de bons toutes parts avant d'avoir réuni leurs forces et orga-
généraux. Ils laissent done aux Japonais la gloire nisé leurs services.
d'avoir vaincu une puissance européenne. L'avenir Sur la frontiere de Thrace, le poste turc de Mus-
seul montrera ce qu'il faut penser du péril jaune. , tapha-paeha est attaqué et pris par les Bulgares le
19 octobre.

La valeur des armées cette date était tres diffé-


á

•.rente. -
"L Les Bulgares avaient fait des efforts considérables
. " pour préparer a la guerre tous les hommes soumis
. ;,.1\ 22
'.
. ~ .. (:
LES GRANDES BATAILLES DÉ L'mSTOIRE

aux obligations militaires. Un des points les plus


.remarquables de cette préparation est qu'ils exécu-
taient chaque· année de grandes' manceuvres avec
des troupes a l'effectif de guerre, ce qui rendait tres
fréquentes les périodcs d'instructiori des réser-
vistes. Aussi trouvera-t-on, au cours de la guerre, que
les l.niLés de réserve ont a peu pres la méme valeur
que les unités actives, et peuvent étre employées
exactement de la mérne facon sur les champs de
bataille. La discipline y est parfaite. Le fanatisme
patriotique que tous les citoyens apportent él. cette
guerre natioriale ne se traduit pas par un enthou-
siasme désordonné; l'ardeur qu'ils portent dans
l'offensive se concilie avec une soumission parfaite a
la discipline. La gravité et la lucidité, qui nous
apparaissaient déjá depuis longtemps. comme les
caractéristiques du tempérament bulgare, se retrou- "!
-,
vent d ans l'esprit des troupes qui envahissent la '¡
Thrace. (
Les services ont été organisés de la maniére la
plus sérieuse. Dans ce pays, OÜ il n'y a ni routes ni
\\
.
I
i
chevaux, et ou la seule voie ferrée est interceptée
par la forteresse turque d'Andrinople, le ravitaille-
\ .
"J
!
ment sera toujours assuré, Toutes les voitures et
tous les bceufs de la Bulgarie ont été requis, jusqu'a
ce qu'on ait la certitude d'organiser des convois
assez nornbreux pour porter chaque jour les vivres
el munitions a 300 kilometres de la base formée par
la voie ferrée de Stara-Zagora a Bourgas. Le soin
avec lequel ces services ont été organisés 8Ut cer-
tainernent une tres grande influence sur les succes
de l'arrnée bulgare, de mérne que I'insufllsance de
l'organisation et du ravitaillement fut une des causes
essentielles des cléfaites turques. "

Dans ton t le théátre cl'opérations de la Thrace, il


n'y a pour ai nsi dire pas de routes ; les chemins son


',,256 LES GRANDES BATAILLES ós L'HISTOIRE LULE-BOURGAS, 257
\

exclusivement des chernins de terre : dans la saison « Aucune discipline, équipement insuffisant, aucune
oú avaient lieu les hostilités, par ud temps affreux instruction, et officiers mauvais. Les troupes en
ces chemins 'é~aient dev~nus impraticables. « n n'; marche semblent une migration de peuples », dit
en a. pas, un, dit un officier allemand, qui ne serait un officier allernand.
consider-é en Allemagne comme impraticable a n faudrait dégager les troupes actives de eette
l'artillerie ». Et ces chemins si mauvais sont en' cohue pour conserver leur valeur intacte; mais le
olBtre, extrérnement rares; il Y en a si peu que les nombre des réguliers, qui a suffi en 1897 pour corn-
colonnes seront obligées bien souvent de marcher battre l'armée grecque seule, ne suffirait pas contre
a travers pays ; les hommes et les chevaux enfonce- la eoalition des quatre puissances balkaniques.
ront jusqu'au genou dans la terre grasse. C'est dans La cavalerie turque est un peu plus nombreuse
?,e pareilles conditions que les troupes turques auront que eelle des Bulgares, et parait excellente. Pourvue
a supporter
, ,
touLes les privations , les services admi- d'artillerie et de mitrailleuses, elle pourrait rendre
nistratifs n'ayant pas été organisés dans l'armée de bons services. La cavalerie bulgare est bien mon-
ottomane. tée, mais peu nombreuse.
Or, la ~ajorité des hommes dont se compose L'armement des deux armées parait a peu pres
cette arm~e ne sont pas a I'épreuve des privations équivalent. Les fusils sont du calibre de 8 mi m,
et des fatigues, Ils ne sont ni enthousiastes ni in s- a grande vitesse initiale, avec une portée efflcace de
tr?its, rii disciplinés. L'armée active a prouvé' maintes 2.000 metres, etá chargeurs.
fois, en 1877, en 1897, sa solidité, son endurance; Le canon de eampagne bulgare est un canon du
~ul doute. qu'elle conserve en 1912 les mérnes qua- calibre de 75 m/m construit par le Creusot, a l'imi-
lités ; mais elle est noyée dans la foule des réser- tation du canon de l'artillerie francaise.Jl possede un
vistes. Au 3e corps, par exemple, une division com- frein qui absorbe en grande partie la force du recul,
prend en grande majorité des troupes régulierss et auquel est adjoint un réeupérateur qui ramene le
avec quelques bataillons seulement de réserviste~ canon á sa position normale. L'afTút demeure rigou-
(ré~~fs) ; mais les deux autres divisions sont presque reusement immobile pendant le tiro Cette irnmobilité
entieremsnt formées de réservistes. assure la fixité de la ligne de mire dirigée sur un .
, Le gouvernemont turc a cru pouvoir appliquer a point quelconque du terrain, aussi bien en arriere
1 ernpire ottoman le systerne de la naticn arrnée : qu'en avant. On fait donc du tir indireet et masqué.
~ais l'h?mogé~é,ité. et le patriotisme, ainsi qu~ Enfin, ce canon est pourvu d'un boucJier qui pro-
1 ínstruction militaire , manquent trop dans cet tege les servants.
empire pour que ses bataillons de réservistes aient L'artillerie turque emploie un canon analogue,
la moindre valeur. Ceux qui arrivent des provinces avec un bouclier un peu plus grand , mais une immo-
asiatiques sont parfaitement indifférents a la lutte bilité moins parfaite.
qui se déroule en Europe; ils sont d'ailleurs dépour- - Les Bulgares ont employé, en outre, un groupe
vus de civilisation, d'éducation militaire; et on ne d'artillerie lourde, de 120 uilu: e, faisant du tir
leur a donné ni les cadres ni le matériel nécessaires : 'plongeant avec des obus de 20 kilos.
22,
258 LES GRANDES BATAILLES DE L'HISTOIRE

L'armée turque destinée a opérer en Thrace


comprend quatre corps d'armée a trois divisions, et
úne forte division de cavalerie a quatre brigades,
dotée de trois groupes d'artillerie cheval et six
á

compagnies de mitrailleuses.
Les quatre corps se réunissent l'est de la ligne
á

1\irk-Kilissé-Hafsa, ayant en avant d'eux la place


d'Andrinople et la division de cavalerie. La garnison
d'Andrinople se compose de trois divisions, dont
une prélevée sur I'arrnée ; la cavalerie a quelques
soutiens cl'infanterie.
L'organisation de quatre corps de réserve n'est ,
...2
encore qu'á l'état de projet. ,
o
i~

Les armées bulgares, prétes marcher, se réu-


á

nissent á proximité immédiate de la frontiére , entre


la mer [oir e et la Maritza ; l'une (Il") sur la Maritza,
autour de Tirnovo ; elle est destinée á marcher sur
Andrinople par le Nord-Ouest; une autre U"e) sur la
Toundja, Kizil-Agatch, pour se porter sur Andri-
á

nople par le [ord-Est, et en méme ternps sur la


partie occidentale du front Andrinople-Kirk-Kilissé.
Enfin, une troisierne armée, destinée marcher surá
Q

Kirk-Kilissé et déborder la. droite turque, est con-


á

centrée en arriere et it gauche, en tre Karnabat et


Jamboli; elle est masquée par la précédente et par
la division de cavalerie, qui borde la frontiere, Il
semble que l'existence de cette troisierne armée
échappe aux Turcs.
:'
A l'Ouest, dans les Rhodopes, deux divisions '1,
,
isolées assurent l'occupation du pays et la liaison (

avec les Serbes et les Grecs. L'une marchera de -,


Philippopoli sur Dede-Agatch ; l'autre de Kustendjil
sur Salonique.
Chacune des clivisions bulgares a, en infanterie,
:
la force d'un de nos corps cl'armée; en artillerie et
260 LULE-BOURGAS 261 "
LES GRANDES BATAILLES DE L'HlSTOIRE
' ..
en cavalerie, une force moitié moindre. Elle est un tres de Kirk-Kilissé, et se trouve vite réduit a la
"
peu inférieure, numériquement, a un eorps d'armée défensive le 22 octobre.
turco Chacune des trois armées bulgares eomprend Devant Kirk-Kilissé, le terrain était absolument
trois divisions ; l'une des divisions de l'armée de la montagneux et d'une défense facile. Le 3e eorps ture
Maritza est gardée .d'abord a Philippopoli, préte a se y résiste le 22 et le 23 aux attaques de front de la
"

porter sur un point queleonque du théátre des opé- Il l" armée bulgare, qui, en méme temps, le débor- .(

rations. Elle rejoindra les autres quand les divisions dait par les deux ailes. Dans la nuit du 23 au 24, .l.

indépendantes du Rhodope et les armées alliées par un temps effroyable, les Bulgares tentent une
auront fait assez de progres pour dissiper toute attaque de nuit ; une panique saisit les troupes, en
inquiétude. grande partie improvisées de Mouktar-Pacha, et tout
son corps d'armée se débande, laissant sur les ehe- \

La guerre est déclarée le 18 octobre ; le 19, les mins .la plus grande partie de son matériel.
armées bulgares franehissent la frontiere sur tous A l'aile opposée, apres quelques eombats heureux,
les points. L'armée de la Maritza (Il") enleve le les Bulgares procedent a l'investissement d' Andri-
poste turc de Mustapha-Pacha ; celle de la Toundja nople.
(¡re) bouscule un délachement turc ; l'une et l'autre
arrivent le 22 devant Andrinople, et la Il l" armée
devant Kirk-Kilissé. II. - La bataille de Lüle-Bourgas.
Les Turcs avaient poussé des détachements sur la
ligne Andrinople- Kirk- Kilissé , et des eombats Apres les eombats des 22 et 23 octobre, les Turcs
d'avant-gardes acharnés sont livrés durant eette battent en retraite vers l'Est; pour les suivre dans
journée. eette direction, il faut que les armées bulgares exé-
L'intention des Tures était d'abord de laisser cutent une large conversión autour de Kirk-Kilissé.
pénétrer les Bulgares entre Kirk-Kilissé et Andri- La 11 e division (de réserve) est venue grossir le corps
nople, puis de déboueher en masse de Kirk-Kilissé d'investissement d'Andrinople, et l'on porte vers
pour rejeter l'ennemi sous les murs d'Andrinople. l'Est, avec la Il l" armée, deux divisions de la Il" armée
L'exécution de ee plan comportait d'abord une (i re et 1Oe)) qui seront bientót renforeées par une
défense prolongée du corps d'armée stationné a partie de la 3e division.
Kirk-Kilissé (3e eorps, Yrouktar-Par.ha). Les deux La supériorité numérique des Bulgares sera peu
ouvrages construits devant eette ville (mais qu'on prononcée, et ils seront tres inférieurs en artillerie,
venait de désarmer) pouvaient fournir un appui ne disposant, selon toute probabilité, que de i80 a
sérieux a eette défense. 200 bouches a feu contre 300 a 400.
Au moment OÜ l'approche des Bulgares est signa- La cavalerie bulgare se porte le 25 sur Baba-Eski,
lée, Mouktar-Pacha recoit subitement I'ordre de .!' et de lb. sur la route de Constantinople,pour déter-
prendre 'l'offensive, mais il renccntre les avant- miner la position oü s'arréte la gauche de I'ennerni.
gardes de la lIle arrnée bulgare a quelques kilorne- Le 26 oetobre, les Bulgares atteignent le front
'.-
262 LES GRANDES BATAILLES DE L'HlSTOIRE

Uskub-Haskor, c'est-á~dire que la droite est en-


retrait de 40 kilometres sur la gauche si 1'on consi-
sidere la direction de Constantinople. n y aurait
done lieu, si l'on suppose l'ennemi disposé a tenir
a hauteur de Lüle-Bourgas, d'imposer un arrét de
deux jours a la gauche (Hl" armée, général Dimi-
trief), mais, d'autre part, il serait facheux de ne pas
exploiter l'état désastreux de la droite turque apres
sa panique de Kirk-Kilissé. Le général Dimitrief
.1'"

reprend done l'offensive le 27 sans plus attendre.


Des le 27, une de ses avant-gardes arrive a Bounar-
Hissar. Le 28, elle franchit la riviere du Kara-
Agatch et s'engage dans la foret de Soudjak. Ellé
s'y heurte aux avant-gardes du 3e corps turc, que . 'J

Moukhtar-Pacha a reformées, et qu'il reporte en


avant.
Le reste de la Il I" armée ne devait arriver a hau-
teur de Bounar-Hissar que le lendemain 29, et les
corps de la lrc armée, malgré des efIorts énormes,
ne parurent pas le 30 aux environs de Lüle-Bourgas.
. .~

C'est sur les bords du Kara-Agatch que les Turcs


et les Bulgares se rencontrent a partir du 28 octobre.
Les Turcs, qui ont fait leur concentration un peu a
l'Est, se sont reportés en avant et atteignent le cours
du ruisseau dans la journée du 29.
3e corps en face de Bounar-Hissar.
2c corps a Kara-Agatch.
i er corps a Turk-Bey.
4e corps a Lüle-Bourgas (ce corps détache une
division active a Constantinople).
Et division de cavalerie unpeu au Sud; sur l'Er-
gene.
Le quartier général du général en chef Abdullah
Fra. 46_ - Bataille de Lüle-Bourgas.
est a Sakiskoí, a iO kilornetres en arriero de Lüle-
Bourgas. Il est au centre de son armée, mais sans
· LES: GRANDES BATAILLES DE L'mSTOInE 265

aucun moyen de communication. 11 ne dirigera pas midi, et en est chassée le soir par une contre-atta-
la bataille. Les ordres qu'il a donnés sont de tenir a que des Turcs.
gauche sur la ligne formée par le ruisseau, et de Deux autres divisions, dirigées vers les deux ailes,
prendre l'oITensive droite pour rejeter les Bulgares
á
doivent arriver le 31. L'une d'elles, au Nord, pare-
vers le Sud-Ouest. rait aun mouvement débordanL de la elroite turque ;
Les Bulgares, de leur cóté, se portent en avant l'autre, au Sud, décidera la victoire en eléborelant la
out en conversant, ou plutót font une marche oblique gauche ennemie.
la gauche en téte. Une división de la IIP armée a Ne pouvant pas vaincre par le feu, les Bulgares ont
déja fait franchir le ruisseau a son avant-garde le 28, recours aux attaques de nuit, comme a Kirk-Kilissé. ~
les divisions voisines paraitront le 29, et celles de la Une brigade franchit le ruisseau prés de Turk-
I'" armée, vers Lüle-Bourgas, ne s'engageront qu'á Bey, se jette dans un petit bois a l'est ele ce village,
partir du 30. en chasse l'ennemi a la baYonnette, sans tirer un
La division de gauche de larmée bulgare avait coup de fusil, et y tient contre tous les efTorts du
pour mission « de retenir l'ennemi et de lui résister 1er corps. Quelques pieces d'artillerie viennent la
jusqu'a l'entrée en ligne des autres divisions )). Une rejoindre.
partie seulement de celte división avait franchi le Le 31 octobre, dans la matinée, les Bulgares
ruisseau le 28 et s'était engagée dans la forét de reprennent Lüle-Bourgas, et cette fois en restent
Soudjak. Elle s'y trouve en présence de forces tur- maitres. Cependant, ni elevant Turk-Bey, ni devant
ques tres supérieures et, la situation se trouvant Lülo-Bourgas, iIs ne peuvent déboucher et entamer
éclairée, revient prendre position sur la rive droite, la principale position des Turcs.
ou elle tíent contre toutes les attaques des Turcs Des attaques débordantes sur les deux ailes leur
daris les journées suivantes. procurent la victoire elans cette mérne journée.
Dans l'apres-rnidi du 29, les deux autres divisions Arrivant du siege d'Andrinople, la 10e elivision a
de la 3e armée viennent se déployer sur la droite, et droite, la 3e a gauche, . débordent les deux ailes de
attaquent vers Kara-Agatch et Turk-Bey les 2c et l'armée turque.
i e r corps turcs. La 10" division passe au sud de la riviere Ergene,
La bataille continue sans interruption pendant déloge la division de cavalerie, et prend en flanc
toute la nuit du 29 au 30 et toute la journée du 30. toute l'artillerie du 4" corps turc avec ses batteries.
L'artillerie bulgare, relativemenl peu nombreuse et Toute la gauche turque, elésorgariisée, bat en retraite
trouvant peu de couverts a proximité du ruisseau, sur Tchorlou, mais la droite tient encore.
avait dú prendr e position a grande distance des Pour la rompre, le général Dirnitrief prend la d er-
batteries turques et vs'éparpiller. Elle no peut pas niere brigade disponible de son armée, et se lance
écraser l'ennemi sous son feu. L'infanterie se creuse sur le village de Kara-Agatch. Devant cette attaque,
des tranchées et entretient le combat. , menée avec la plus extreme vigueur, les Turcs sont
Une division de la 1re armée arrive le 30 devant obligés de céeler; la gauche ele la masse formée par
Lüle-Bourgas,l'attaque et s'en empare dans l'apres- les 2e 'et 3e corps se rabat sur la lisiere de la forét.
23
LES GRANDES BATAILLES DE L'HISTOIRE
, .
Le 1 novembre, le général Dimitrief pouss.e .l'~n-
el'

nemi avec fureur : en mérne temps, la 3" divisíon


arr ive a la Iisiere nord de la forét. De tous cótés;
les Turcs sont rejetés dans le bois, oü ils opposent
une résistance désespérée, et tentent mems quel-
ques retours oITensifs. . .
II en est fait un véritabls massacre, et les débris
du 3 corps turc se retiren t a ?rand'peine
e
dans la
nuit du 1"" au 2 novembra sur Viza.
. II semble que les Turcs aient perdu, dans. les LA BATAILLE DE L'AVENIR
cinq jours de combat sur le Kara-Agatch, environ
30.000 hommes, et les Bulgares 15.000.
« La lutte avait été dure a. ce point que, par suite
d'épuisement. faute aussi de munitions » 1, le corn- Il est une bataille que nous attendons tous, la
mandement bulgare dut ordonner un stationnement seule a laquelle nous pensons tous depuis que nous .
de trois jours. . avons l'age d'homme, la seule aussi que nous ne
On s'cxplique facilement 1'état· de fatigue des voyons jamais se produire. Et tandis que nos étu-
armées bulgares, si ron songe qu'elIes ont sur- des, nos exercices continuent en vue de cette bataille
monté it force d'énergie les cli.fficultés énormes 0'ppo- idéale, voici que d'autres luttes éclatent a l'impro-
sées par le terrain, qu'elIes étaient peut-étre infé- viste dans toutes les parties du monde. O'est au
rieures numériquement a leurs ad:ers~lres,. et Transvaal, c'est en Mandchourie, c'est en IVtacédoine
qu'elles avaient a coup súr une artIllel'le rnoms 'qu'on se bat, et la guerre y prend des formes sensi-
nornbreuse ,
blemsn] difIérentes de celles que nous supposons a
Le G les Bulzares reprennent le mouvement vers .la bataille de la Vesle, de Morhange ou de la
Woevre.
l'Est· ¡ls
alTive~t le 12 devant les formidables lignes
de T~hataldja. lci, il u'y a plus d'hérolsmé ni ~l'ha- Nous le savons, et nous n'imaginons pas la bataille
bileté qui tienne. Des hauteurs aux abords dec?u- tant attendue a l'image de Colenso ou de Moukden;
verts avec un champ de tir étendu, les deux ailes mais celles-ci nOllS permettent, avant cl'imaginer les
appu~ées ti la mer et couvertes par des étangs, des particularités de la bataille vosgienne ou arclennaise,
ouvrazes de fortiflcation permanente occupant tous de déterminer certains trai ts des batailles pro-
., .
les so~mets, telIes sont les lignes de Tchataldja, el chaines, en quelque pays qu'elles aient lieu, par
on ne peut en venir a bout qu'avec une nombreuse comparaison avec celles d'autrefois.
artillerie de gros calibre, a moins que le défenseur Toutes les batailles livrées depuis un quart de
perde courage. siécle ont une physionomie qui se reproduira pen-
1. PENENNHUN, p. 96. dant au moins un demi-siec1e encare, si considé-
rables que soient les perfectionnements qu'on appor-
..: tera aux armes dur.ant cette période. Les combat-

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