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52-59
Cette causalité signifiante du sujet est constituée par la paire signifiante S1 – S2, le S
désignant le sujet qui en est l’effet.
Le sujet n’est pas un être – être un –, il est la coupure, il est sujet à s’identifier. Si le
S1 désigne le signifiant qui le saisit, il ne le représente qu’à s’articuler à S2 : « Le
signifiant représente le sujet pour un autre signifiant . »
S’appuyant sur les travaux de Claude Lévi-Strauss, et sur ceux des philosophes Kant
et Aristote, Lacan propose une conception non rationaliste de la causalité.
Dans l’« Essai sur les grandeurs négatives », Kant pose la question suivante :
« Peut-on assimiler la cause à la raison ? » C’est la raison qui l’invente pour ordonner
la raison. Se référant à la physique, il constate la discontinuité entre la cause et l’effet.
« À cause de B » est un jugement universel qui excède les données de la perception.
La logique, c’est nous qui l’ajoutons, afin d’ordonner la raison. Entre la cause et
l’effet, il y a une béance ; ce qui vient la remplir n’est pas indéterminé pour Lacan,
mais reste un concept inanalysable pour Kant.
En effet, Kant signifie aux fondateurs d’une ontologie que les concepts les plus subtils
n’abolissent ou n’engendrent jamais un existant, et que depuis Newton, l’espace, le
temps, le mouvement ne peuvent plus être ce qu’ils étaient pour Descartes.
Quelle est la conception de Lacan ? « La cause, pour nous, toute modalité que Kant
l’inscrive dans les catégories de la raison pure, plus exactement, il l’inscrit au tableau
des relations entre l’inhérence et la communauté, la cause n’est pas pour autant
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Lacan donne une définition de son automaton et de sa tuché ; tout en restant dans le
champ du déterminisme, il aménage une place au sujet dans la rencontre avec le réel.
Cette rencontre, qui se produit comme par hasard, est déterminée. Ainsi l’aléatoire
lui-même est-il prisonnier du déterminisme.
L’analyse se définit d’une praxis qui s’inscrit au cœur de l’expérience, qui est le
« noyau du réel ». Si la tuché est une rencontre du réel, ce réel, où le rencontrons
nous ?
Il s’agit d’une rencontre essentielle avec un réel qui se dérobe, un réel au-delà de
l’automaton, du retour, de l’insistance des signes tel qu’il est commandé par le
principe de plaisir.
Ce réel qui gît derrière l’automaton, tel est le sens de la recherche de Freud, dans
l’Au-delà du principe de plaisir, en 1920. Qu’est-ce qui conduit Freud à poser
l’existence d’une pulsion de mort ? Il prend en considération, dans des registres
divers, les phénomènes de répétition qui ne se laissent pas réduire à la recherche
d’une satisfaction libidinale ou à une tentative de maîtriser les expériences
déplaisantes. Freud y voit la marque du « démoniaque » d’une force irrépressible,
indépendante du principe du plaisir et susceptible de s’opposer à lui.
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« Le rôle étiologique relatif de chacune doit être évalué dans chaque cas particulier et
chez tout individu . » Ainsi, il n’y a pas de destin type chez Freud, mais une série de
cas, où le destin se joue certes entre le constitutionnel et l’accidentel, mais toujours
dans des figures métaphoriques, telle la Gradiva, où le destin apparaît comme
métaphore de l’inconscient.
Ce qui se répète est quelque chose qui se produit comme au hasard, d’où le rapport
entre la répétition et la tuché. L’analyse travaille sur ce qui achoppe, sur ce qui
cloche ; elle introduit un nouveau déchiffrage des rapports du sujet à sa condition.
Quelle est la fonction de la tuché pour Lacan ? « C’est la rencontre en tant qu’elle peut
être manquée, qu’essentiellement elle est la rencontre manquée . » Il va ainsi
articuler rencontre du réel et trauma.
Lacan introduit la rencontre du réel, ce rien, hors signifiant dans la syntaxe. Ce rien
surgit, comme rencontre du réel, mise à l’épreuve du sujet sous les formes du retour.
Ce ne sont pas des effets statistiques imprévisibles, mais la structure même du réseau
qui implique les retours. « C’est là la figure que prend pour nous à travers
l’élucidation de ce que nous appelons les stratégies, l’automaton d’Aristote .»
Les jeux syntaxiques sont à observer dans le monologue infantile, ils relèvent du
champ préconscient. La syntaxe est préconsciente mais elle est en rapport avec « la
réserve inconsciente du sujet », ce qui lui échappe.
Qu’est-ce qui commande la syntaxe du sujet ? Elle est de plus en plus serrée par ce
que Freud appelle un noyau. Ce noyau est-il quelque chose de traumatique ? Lacan
distingue de la résistance du sujet, cette première résistance du discours quand il
procède au resserrage autour du noyau : « Le noyau doit être désigné comme du réel
en tant que l’identité de perception est sa règle .»
Ce noyau se fonde sur ce que Freud pointe comme une sorte de prélèvement qui nous
assure que nous sommes dans la perception par le sentiment de la réalité. Selon
Lacan, du côté du sujet, cela s’appelle l’éveil.
La réalité qui détermine l’éveil, n’est-ce pas ce qui s’exprime au fond de l’angoisse du
rêve « Père, ne vois-tu pas, je brûle », c’est-à-dire le plus intime de la relation du père
au fils et qui surgit non pas de la mort mais au-delà, « dans son sens de destinée » ?
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« Le réel peut se représenter, par l’accident » : c’est une réalité cachée derrière le
manque de ce qui tient lieu de représentation. Le sujet est une discontinuité dans le
réel. En ce sens, la constitution du sujet suppose une élaboration du sujet à partir des
rencontres dans le réel ; le sujet est mis à l’épreuve du réel.
Afin d’illustrer cette élaboration du sujet dans les rencontres du réel, Lacan reprend
le jeu du Fort-Da chez Freud, en un sens nouveau.
Pour Freud, dans le jeu du Fort-Da, l’enfant réitère, tamponne l’effet de la disparition
de sa mère en s’en faisant l’agent. Pour Lacan, ce phénomène est secondaire.
Lacan, comme Wallon, souligne que l’enfant porte sa vigilance « au point même où
elle l’a quitté ». C’est là, en ce point, que Lacan situe la béance causale : l’absence de
la mère est la cause de la béance. Cette bobine, c’est un petit quelque chose du sujet
qui se détache, ce serait l’objet (a). C’est ce qui de lui se détache dans cette épreuve.
Le jeu de la bobine est la réponse du sujet à l’absence de la mère. « C’est un petit
quelque chose du sujet qui se détache tout en étant encore bien à lui, encore retenu.
C’est le lieu de dire, à l’imitation d’Aristote, que l’homme pense avec son objet ».
Ici, Lacan articule la causalité signifiante et l’objet (a). Si le signifiant est la première
marque du sujet, c’est dans l’objet (la bobine) que se constitue le sujet.
Si l’homme pense avec son objet selon Aristote, le sujet se divise avec son objet pour
Lacan. D’Aristote à Lacan, il s’agit d’un passage d’une pensée de l’être à un sujet
divisé par son objet. « À cet objet, nous donnerons ultérieurement son nom d’algèbre
lacanien, le petit (a). »
Lacan va faire jouer la tuché dans le développement à partir d’une critique des stades
chez l’enfant. Le développement lui-même s’anime tout entier de l’accident, de
l’achoppement, de la tuché.
« Tuché et automaton » est une création signifiante qui fait apparaître une
anticipation de l’objet (a), un objet nouveau, et une causalité du sujet comme
causalité d’une absence, un sujet mis à l’épreuve du réel.
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Quelle est la part prise par le sujet dans la rencontre avec le réel, au sens où cette
rencontre est la rencontre avec l’objet (a) ? Cet objet (a) qui divise le sujet n’est pas
freudien, Lacan interprète Freud à partir de théories, de références qui lui sont
propres.
Cette lecture est une interprétation de Freud à partir des mathématiques modernes,
de Claude Levi-Strauss, de Kant et d’Aristote.
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