Vous êtes sur la page 1sur 159

Le culte des citoyens bienfaiteurs dans les cités

grecques d’Asie Mineure au Ier siècle a.C.


Fondements cultuels et sociopolitiques

Mémoire

Isabelle-Sandra Fraser

Maîtrise en Études anciennes


Maître ès arts (M.A.)

Québec, Canada

©  Isabelle-­‐Sandra  Fraser,  2015


 
 
 
 
 
 
 
 
Le culte des citoyens bienfaiteurs dans les cités
grecques d’Asie Mineure au Ier siècle a.C.
Fondements cultuels et sociopolitiques

Mémoire

Isabelle-Sandra Fraser

Sous la direction de :

Patrick Baker
Résumé
 
Le mémoire propose l’étude du culte civique des citoyens bienfaiteurs, dont l’apogée se
situe au Ier siècle a.C., particulièrement en Asie Mineure, et d’en établir les fondements
cultuels et sociopolitiques. Il ressort de l’étude que l’émergence de cette pratique a été
rendue possible grâce à des éléments déjà établis par la longue tradition religieuse grecque.
Le culte incorporait des éléments du culte des héros fondateurs (hérôon, titre de ktistès,
sépulture privilégiée), du culte des dieux (temple, autel, sacrifices, prêtrise), et du culte des
souverains (jour sacré, association à un dieu, isothéoi timai). Du point de vue politique, le
déclin des royaumes hellénistiques a permis la montée d’une élite locale, qui reprenait alors
les charges de l’euergésia royale. Dans les tourmentes du Ier siècle — guerres
mithridatiques, invasion parthe sous Labiénus, guerre civile romaine —, ce groupe de
citoyens apparut graduellement comme un outil essentiel de négociation avec le nouveau
pouvoir de Rome. En devenant amici des imperatores, parfois même citoyens romains et
grands-prêtres du culte impérial, les grands évergètes obtenaient des bienfaits
extraordinaires pour leur patrie, comme l’obtention de la liberté. C’est en leur qualité
d’euergétai, pour les bienfaits octroyés, que les membres de cette élite étaient honorés d’un
culte par leur cité. C’est également en raison de leur euergésia héréditaire qu’ils avaient le
pouvoir d’intercéder auprès des Romains et d’obtenir d’eux des privilèges exceptionnels au
bénéfice des cités. Dans le contexte de l’Asie au Ier siècle, encore plus critique qu’en Grèce,
le besoin des cités envers les actes d’évergétisme devenait de plus en plus grand. Par
conséquent, la reconnaissance envers cette euergésia y était plus marquée. À des bienfaits
hors du commun devaient correspondre des honneurs tout aussi grands, et c’est ainsi qu’au
culte des souverains succéda le culte des citoyens évergètes.

  iii  
TABLE DES MATIÈRES
Résumé..................................................................................................................................iii
Table des matières ...............................................................................................................iv
Remerciements....................................................................................................................vii
Introduction .......................................................................................................................... 1
Contexte, corpus et visée .................................................................................................... 1
État de la question............................................................................................................... 7
a) Évergétisme et culte des évergètes ............................................................................. 7
b) La question de la religiosité ....................................................................................... 9
Intérêt du sujet et méthodologie ....................................................................................... 13
Chapitre I : Présentation du corpus ................................................................................. 15
1Α : Extrait d’un décret honorifique de retour d’ambassade : prescriptions pour le culte
de Diodôros Pasparos de Pergame (85-73 a.C.) ....................................................... 15
1Β : Extrait d’un décret pour la gymnasiarchie de Diodôros Pasparos : honneurs pour
Héroïdès de Pergame (première moitié du Ier siècle, après 69 a.C.)......................... 16
1C : Extrait d’un décret relatif à la gymnasiarchie de Diodôros et aux Nikephoria :
sacrifices auprès de son agalma (première moitié du Ier siècle, après 69 a.C.) ....... 17
1D : Extrait du décret de sortie de gymnasiarchie de Diodôros Pasparos : sacrifices à
l’agalma de Diodôros, auprès de l’agalma de Philétairos (première moitié du
Ier siècle, après 69 a.C.)............................................................................................. 18
1E : Extraits d’un décret concernant la gymnasiarchie de Diodôros
Pasparos : prescriptions cultuelles (première moitié du Ier siècle, après 69 a.C.)..... 19
2 : Honneurs pour Iollas de Sardes (entre 50 a.C. et 25 a.C.) .......................................... 27
3A : Caelestes honores pour Théophane de Mytilène : Tacite, Annales, VI, 18 ............. 30
3B : Dédicace triple en l’honneur de Pompée, Théophane et Potamôn (milieu du
Ier siècle a.C.-début du Ier siècle p.C.)....................................................................... 31
3C : Monnaies portant l’effigie de Théophane (règne de Tibère) .................................... 32
4 : Honneurs cultuels pour Potamôn de Mytilène (fin du Ier siècle a.C.-début du
Ier siècle p.C.) .............................................................................................................. 35
5 : Honneurs cultuels pour Artémidôros de Knide (sous Auguste).................................. 38
6 : Honneurs à Cyzique pour Asklépiadès, Oiniadès et Démétrios (entre 15 a.C. et
15 p.C.)........................................................................................................................ 44
7A : Dédicace pour le Milésien Gaios Ioulios Apollônios II (fin du Ier siècle a.C.) ........ 48
7B : Dédicace pour le Milésien Gaios Ioulios Épikratès II (fin du Ier siècle a.C.) ........... 49
8 : Honneurs cultuels pour Euthydème et Hybréas de Mylasa (fin du Ier siècle a.C.)...... 54
9 : Honneurs cultuels pour Athénodôros de Tarse (Pseudo-Lucien, Makrobioi, 21)....... 60
10 : Honneurs cultuels pour Xénon de Thyatire (sous Auguste, peut-être 5 a.C.) ........... 62
11 : Honneurs cultuels pour Mènogénès de Sardes (fin du Ier siècle a.C.-début du
Ier siècle p.C.) ............................................................................................................ 65
Conclusion ........................................................................................................................ 66
Chapitre II : Fondements cultuels .................................................................................... 68
Remarques préliminaires : les isothéoi timai.................................................................... 68
I. Contexte cultuel d’émergence....................................................................................... 74
a) Le culte des héros ..................................................................................................... 74
b) Le culte des souverains ............................................................................................ 78
II. Le culte des citoyens bienfaiteurs ................................................................................ 85

  iv  
a) Origines et premières formes.................................................................................... 85
b) Forme concrète du culte ........................................................................................... 90
Conclusion ...................................................................................................................... 106
Chapitre III : Contexte sociopolitique d’émergence ..................................................... 111
I. De l’évergétisme des rois à celui des grands citoyens bienfaiteurs ............................ 111
a) Les prémices : déclin des royaumes et montée en puissance de Rome.................. 111
b) L’émergence d’une élite locale .............................................................................. 114
II. L’enjeu d’être ami avec Rome.................................................................................. 118
a) Des amis des rois aux amis des Romains .............................................................. 118
b) Les privilèges de l’amitié avec Rome .................................................................... 121
c) L’exercice de la prêtrise du culte impérial ............................................................. 124
Conclusion ...................................................................................................................... 126
Conclusion générale.......................................................................................................... 129
Bibliographie..................................................................................................................... 134

  v  
«  Zeus est mort »

La mort de Paul Desmarais n’est pas seulement celle d’un homme


riche, d’un milliardaire comme les autres. Il régnait sur un empire
financier tentaculaire, mais c’est son influence politique, d’une
portée considérable, qui l’avait placé dans la mythologie canadienne.
C’était l’homme le plus puissant du Québec. L’un des plus influents
au Canada.

Michel Hébert
Journal de Québec
9 octobre 2013

  vi  
REMERCIEMENTS
 
Je tiens tout d’abord à remercier mon directeur de recherche, M. Patrick Baker, qui fut le
premier à me donner le goût de l’épigraphie grâce à son enthousiasme contagieux. Ses
conseils et sa rigueur méthodologique furent de précieux outils tout au long de mon
cheminement. Je lui suis particulièrement reconnaissante pour son soutien et pour la grande
confiance qu’il a témoignée à mon égard. Il m’a semblé qu’il avait souvent plus foi en moi,
que moi-même. Merci de m’avoir encouragée, pour les diverses opportunités que vous
m’avez offertes, pour votre humour qui m’a souvent permis de faire redescendre la
pression, et pour bien plus encore. Εὐχαριστῶ περὶ πάντων !

Ma gratitude va également à M. Alban Baudou qui, par ses remarques éclairées, a su


m’accompagner lors de l’étape cruciale de l’élaboration du projet de mémoire. Ma
reconnaissance va aussi à M. Gaétan Thériault de l’UQÀM, qui a accepté d’être mon
prélecteur et membre du jury. Son point de vue enrichissant sur le sujet et ses conseils
quant à l’établissement du corpus et à la religiosité furent plus que bienvenus. Merci à
M. Léopold Migeotte, membre du jury, avec qui j’ai eu le privilège de collaborer et qui m’a
inculqué de nombreuses notions d’édition. Merci également à Mme. Anne-France Morand,
pour ses suggestions quant à l’approche de la religion grecque.

Je souhaite aussi remercier le Conseil de recherches en sciences humaines du Canada et


la Faculté des lettres et des sciences humaines de l’Université Laval, grâce auxquels j’ai pu
bénéficier d’un soutien financier afin de me concentrer sur ma recherche, de même que les
professeurs qui m’ont appuyé dans le processus des demandes de bourses.

Enfin, un grand merci du plus profond de mon cœur à ma famille et mes amis qui, même
s’ils ne comprenaient pas toujours ce que je faisais, ont su m’encourager et être présents
dans les moments les plus difficiles. Un dernier clin d’œil tout spécial à mes collègues de
bureau avec qui il faisait bon se défouler en groupe lorsque les nerfs nous lâchaient.
 

  vii  
INTRODUCTION

Contexte, corpus et visée

Dans l’un de ses comptes rendus de cours (1948-1949), L. Robert écrivait qu’ils avaient
fait revivre, ses étudiants et lui, une destinée typique des IIe et Ier siècles a.C. : « le grand
bienfaiteur, souvent rhéteur ou littérateur, qui s’entremet auprès des autorités romaines
(Sénat, Pompée, César, Auguste) pour obtenir la liberté de sa patrie, qui reçoit de Rome le
droit de cité et qui est honoré dans sa patrie, comme un "nouveau fondateur", avec un culte
et avec une sépulture dans l’intérieur de la ville, à l’agora ou au gymnase ». Le savant
posait ainsi les éléments essentiels à l’étude du culte du citoyen bienfaiteur dans les cités
grecques 1.

L’émergence de ce phénomène, dont l’apogée est à situer au Ier siècle a.C.,


particulièrement en Asie Mineure, fut rendue possible par la conjoncture de plusieurs
facteurs et évènements de la fin du IIe siècle et du Ier siècle. Au IIe siècle, les Séleucides
contrôlaient presque tout le territoire d’Asie occidentale, jusqu’à ce que Rome entre en jeu.
Celle-ci vainquit tout d’abord les Antigonides, en 197 a.C., puis vint la campagne contre
Antiochos III. En 191 a.C., Rhodes se déclara contre celui-ci pour appuyer Rome, qui avait
prévenu le roi de ne pas intervenir en Europe, sous peine de s’opposer à lui pour la liberté
des Grecs. Malgré cet avertissement, Antiochos débarqua en Grèce et la guerre éclata. Elle
se conclut, en 188 a.C, par le traité d’Apamée, imposant au Séleucide de se retirer hors de
l’Asie Mineure, au-delà du Taurus 2. Au lendemain de la Paix d’Apamée s’ouvrit une
période, de 188 à 133, qu’A. Bresson nomme le « siècle d’or » et qu’il qualifie de
« particulièrement faste »3. Selon J.-L. Ferrary, le IIe siècle fut témoin d’une importante
transformation qu’il explique en ces mots : « au polycentrisme de l’époque des grandes

                                                                                                               
1
L. Robert, Hellenica VIII, p. 96.
2
Pour la succession des évènements majeurs, voir J.-L. Ferrary, « Rome et les cités grecques », p. 93-106.
Pour les conséquences du traité d’Apamée, voir S. M. Burstein, AJAH, 5, 1980, p. 1-12. Pour une étude
comparant les troubles du IIIe siècle au « siècle d’or », voir A. Bresson, « La conjoncture du IIe siècle a.C. »,
p. 11-16. Voir également, G. Le Rider, « Sur un aspect du comportement monétaire », p. 37-62 à propos de
la reprise de la frappe de monnaie lors de cette période, et K. Sion-Jenkins, « La disparition du
mercenariat », p. 19-35, sur le disparition du mercenariat en Asie Mineure occidentale au IIe siècle a.C.
3
A. Bresson, « La conjoncture du IIe siècle a.C. », p. 13.

  1  
monarchies hellénistiques a succédé un système politique nouveau, avec une seule
superpuissance, Rome, qui hésite à s’engager militairement, mais dont il est toujours risqué
de braver les ordres, parce qu’elle est en mesure, si elle le veut, de les imposer par la
force » 4. Après plusieurs conflits dans la seconde moitié du IIe siècle, — guerre contre
Persée, révolte des Galates, dépossession des pouvoirs de Rhodes et de Pergame — Rome
n’affirmait plus de manière discrète, mais bien nette, son pouvoir. En 133 a.C.,
lorsqu’Attale III décéda et légua le royaume de Pergame à Rome, celle-ci entra en guerre
une dernière fois, contre Aristonikos qui contestait le choix d’Attale III, et la guerre se
conclut avec la création de la Province d’Asie 5.

La première organisation de la Province d’Asie est mal connue, on sait toutefois qu’elle
mena à une distinction entre cités libres et cités provinciales 6. En 123 a.C., C. Gracchus
transforma le système de prélèvement du tribut, réglementé par la lex Sempronia, à la fois
des cités libres et sujettes. Ce système permit à Rome de s’enrichir, mais le résultat pour
l’économie des provinces s’avéra désastreux en raison des abus fréquents des
gouverneurs 7. Ces réformes donnèrent toutefois aux Romains les moyens financiers de
lutter contre la piraterie, qui était un réel problème en Méditerranée orientale, de plus, le
culte de la déesse Rome fut rapidement ajouté par les cités parmi leurs cultes civiques 8. Il
n’en demeure pas moins que les cités n’étaient plus capables de se libérer de leurs dettes, et
c’est pourquoi plusieurs d’entre elles accueillirent comme une belle opportunité l’initiative
de Mithridate VI Eupatôr de marcher contre Rome, en 88 a.C. En effet, Mithridate rejeta

                                                                                                               
4
J.-L. Ferrary, « Rome et les cités grecques », p. 93.
5
Ibid., p. 94-98.
6
Pour une étude sur la définition des cités libres dans le cadre de la domination romaine, voir J.-L. Ferrary,
« Le statut des cités libres », CRAI, 135, 1991, p. 557-577. Pour l’organisation de la Province d’Asie à la
suite de la guerre contre Aristonikos, voir R. M. Kallet-Marx, Hegemony to Empire, p. 109-122.
7
Selon la lex Sempronia, le montant à verser était fixé à Rome tous les cinq ans. Éd. Will, Histoire politique,
p. 462-463; D. Magie, RRAM, p. 164 et 1056. Voir également R. M. Kallet-Marx, Hegemony to Empire,
p. 125-153 pour l’administration proconsulaire de l’Asie de 148-89 a.C.
8
Sur la lutte des Romains contre les pirates entre 102 et 88 a.C., voir Cl. Nicolet, Rome et la conquête du
monde méditerranéen, p. 780-781. À Mytilène, par exemple, Potamôn joua un rôle important dans
l’instauration du culte de la déesse Rome et du culte impérial, voir R. W. Parker, ZPE, 85, 1991, p. 115-129;
IG XII, 2, 272. Xénon de Thyatire fut également grand-prêtre de la déesse, infra nº 10, l. 6-7.

  2  
l’ordre de Rome qui lui interdisait de s’attaquer à Ariobarzane et Nicomède IV, à la suite de
quoi le conflit éclata.9

L’armée pontique se fit des alliés parmi les pirates, mais surtout parmi les populations
des cités d’Asie Mineure sous domination romaine qui voyaient en Mithridate l’occasion de
se défaire du joug romain. Cependant, les cités réalisèrent peu à peu qu’elles avaient tout
simplement changé de maître; Mithridate installa des tyrans à sa solde et des garnisons en
plusieurs endroits sur le territoire. Son règne s’avérait alors pire que celui des Romains.
Dans la période d’entre-deux-guerres, Mithridate, menacé par la conquête de la Bithynie du
général Fimbria, conclut avec Sylla, en 85 a.C., la paix de Dardanos 10. Les années
suivantes furent marquées par les provocations de L. Licinius Murena, qui tenta d’envahir
le Pont, et par la conquête de la Cappadoce par Mithridate. En 74 a.C., Nicomède IV de
Bithynie mourut, léguant son royaume à Rome : l’événement provoqua la troisième et
dernière guerre mithridatique, qui se conclut, après plusieurs interventions romaines de
Lucullus et de Pompée, par le suicide de Mithridate en 63 a.C.

Pompée organisa l’Anatolie en trois provinces : l’Asie, la Bithynie-Pont et la Cilicie.


Ainsi, pour la première fois, l’Anatolie tout entière était sous la tutelle de Rome 11. La paix
semblait rétablie, mais les cités d’Asie Mineure allaient se trouver une fois de plus au
centre des conflits romains. Lors de la guerre civile, le territoire se trouva sous la tutelle des
imperatores qui se partageaient le pouvoir, soit Pompée, César, Brutus et Cassius, ainsi
qu’Antoine. Dans ce contexte, les cités grecques comprirent la nécessité d’établir des liens

                                                                                                               
9
Les détails de la politique d’expansion de Mithridate et le récit des trois guerres se trouvent chez Éd. Will,
Histoire politique, p. 472-498; R. M. Kallet-Marx, Hegemony to Empire, p. 261-304. Voir également
l’étude de Fr. de Callataÿ, L’histoire des guerres mithridatiques, p. 281-388, qui propose un récit détaillé
fondé sur l’étude du monnayage.
10
D’après le récit de Plutarque, Sylla, 22, 8-10, le roi pontique dut se plier aux conditions suivantes : « [il]
devait renoncer à l’Asie et à la Paphlagonie, restituer la Bithynie à Nicomède et la Cappadoce à
Ariobarzane, verser aux Romains deux mille talents et leur livrer soixante-dix vaisseaux cuirassés avec
l’équipement approprié; de son côté, Sylla [lui] garantirait ses autres États et lui ferait accorder le titre
d’allié des Romains ». Texte établi et traduit par R. Flacelière et É. Chambry, Paris, Les Belles Lettres,
2003, 350 p., en partie doubles.
11
Pour l’organisation pompéienne de l’Asie Mineure, voir Éd. Will, Histoire politique, p. 499-517; D. Magie,
RRAM, p. 351-378; R. M. Kallet-Marx, Hegemony to Empire, p. 311-334 et C. Eilers, « A Roman East :
Pompey’s settlement », p. 90-102.

  3  
avec les dirigeants romains, et un système de clientèle entre les riches notables et les
imperatores s’est alors formé. Sous Pompée, l’Anatolie demeura assez stable pendant une
quinzaine d’années, puis après sa défaite et son assassinat, en 48 a.C., elle tomba sous le
contrôle de César, qui maintint en place l’essentiel des hommes de Pompée, tout en taxant
ceux qui avaient soutenu son adversaire. Il instaura une politique de fondation de colonies,
il allégea la dîme d’Asie, octroya la liberté à certaines cités, comme Knide, et abolit le
système de perception par les sociétés fermières 12.

Après l’assassinat de César aux Ides de Mars, la guerre recommença en Asie et, en
43 a.C., les assassins de l’imperator, Cassius et Brutus, exigèrent des cités un tribut de dix
ans, payable en deux temps 13. Les « Libérateurs » furent impitoyables envers les cités qui
leur résistaient en leur imposant des amendes, et certaines cités, comme Xanthos, furent
détruites. Même après la mort de Cassius et Brutus lors de la bataille de Philippes en
42 a.C, les cités n’étaient pas sorties d’affaire. Q. Labienus, un général mis en place par les
« Libérateurs », alla chercher du soutien chez les Parthes pour marcher contre la Carie 14.
Prenant conscience du danger que représentaient les Parthes, plusieurs notables locaux,
comme Hybréas de Mylasa, incitèrent leur cité à la résistance. Si certaines cités s’en
sortirent, d’autres, comme Mylasa, furent complètement dévastées 15. De 39 à 31 a.C., ce
fut au tour d’Antoine d’être le maître de l’Orient. Lors de cette période de paix, il
réorganisa le territoire en implantant un système politique de clientèle qui plaçait ses
hommes à la tête des gouvernements des différentes cités, mais le financement de ses
nombreuses campagnes militaires coûta cher aux cités dont les finances étaient précaires 16.

Ainsi, après une période de prospérité à la fin du IIe siècle, les cités d’Asie Mineure, au
Ier siècle, furent successivement ravagées par les publicains romains, les troupes de
                                                                                                               
12
Pour la Guerre civile, voir D. Magie, RRAM, p. 405-426; C. Eilers, « A Roman East : Pompey’s
settlement », p. 90-102.
13
Appien, Guerre civile, V, 2 et 5.
14
Dion Cassius, XLVIII, 24-27 et 39-40. Le problème des Parthes est également étudié chez Éd. Will,
Histoire Politique, p. 539-543.
15
F. Canali de Rossi, EA, 32, 2000, p. 172 et 178; F. Delrieux et M.-C. Ferriès, REA, 106, 2004, p. 500-504.
16
Pour plus de détails sur l’organisation antonine de l’Orient, voir Éd. Will, Histoire politique, p. 543-553;
D. Magie, RRAM, p. 427-440; C. Eilers, « A Roman East : Pompey’s settlement », p. 90-102.

  4  
Mithridate et de Fimbria, puis par les différents imperatores lors de la guerre civile qui eut
des retombées jusqu’en Asie. Plusieurs cités furent dévastées et leur endettement ne cessait
d’augmenter 17. Dans ce contexte de crise, et ne pouvant plus compter sur l’aide des
souverains en raison du déclin progressif des royaumes à partir du IIe siècle, les cités
devinrent de plus en plus dépendantes à l’égard de leurs riches citoyens pour assumer les
grandes dépenses publiques. L’arrivée des Romains avait aussi modifié la dynamique
qu’entretenaient les cités avec le pouvoir en place : Rome établit graduellement un réseau
de clientèle formé de l’élite civique des cités, qui devenait alors le lien entre leur patrie et
Rome. Par leur générosité et leur influence auprès des imperatores, les riches notables amis
des Romains obtinrent parfois des privilèges exceptionnels pour leur cité, comme la liberté
et l'autonomie, tout en assurant fidélité à Rome. En retour, signe manifeste de
reconnaissance envers ces grands citoyens et nouveaux membres de la nobilitas, les cités
votaient des honneurs cultuels : au culte des souverains succéda bientôt le culte des
évergètes 18.

Tous les bienfaiteurs n’obtinrent pas les mêmes honneurs, mais quelques éléments
semblent ressortir. Tout d’abord, la pratique du culte est caractérisée par la diversité.
L’identité des bienfaiteurs, quant à elle, apparaît assez constante : tous étaient des notables
proches du pouvoir romain. Dans la présente étude, il s’agira alors d’établir les fondements
cultuels de ce phénomène, à partir de la longue tradition religieuse qui le précède, mais
aussi d’identifier les éléments du contexte sociopolitique local qui ont pu contribuer à son
émergence, et ce, lors de son apogée qui est à situer au Ier siècle a.C., particulièrement dans
la région de l’Asie Mineure.

                                                                                                               
17
Plusieurs documents épigraphiques et littéraires témoignent de l’endettement des cités : tribut de dix ans
imposé par Cassius et Brutus , Appien, Guerre civile, V, 2 et 5; mise en gage de bâtiments importants,
Guerre de Mithridate, IX, 63; R. K. Sherk, Rome and the Greek East, 95; I. Kyme 17; Strabon; XIII, 3,6.
Tentative de reporter le remboursement de la dette, Cicéron, Fam., XIII, 56,1 et 3,1; L. Migeotte, Emprunt
public, nº 106.
18
Ph. Gauthier, Bienfaiteurs. Le culte lui-même est plus précisément traité aux pages 60-66. Les cités firent
également appel à l’aide de magistrats romains, ainsi, parallèlement au culte des évergètes, se constitua un
culte des magistrats romains, étudié par G. Thériault, « Remarques sur le culte des magistrats romains »,
p. 85-95 et « Culte des évergètes », p. 377-388.

  5  
Ce culte est connu en majeure partie par les sources épigraphiques, et quelques
témoignages littéraires, archéologiques et numismatiques. En dehors de l’Asie Mineure, des
honneurs cultuels pour des citoyens sont déjà attestés depuis la deuxième moitié du
IIIe siècle, mais de façon sporadique. Il est alors difficile d’en déterminer les origines et les
modalités 19. Au IIe siècle, les honneurs cultuels étaient presque tous reçus du vivant de
l’évergète, pour des bienfaits concernant surtout la construction ou la reconstruction du
gymnase, ou toute autre activité en lien avec cette institution centrale dans la vie du corps
civique. Les néoi ou la cité leur accordaient ainsi statues, autels, proédrie, funérailles
publiques, sacrifices, concours et processions 20. Au Ier siècle, surtout en Asie Mineure et à
partir des années 50, les honneurs octroyés étaient semblables, mais le contexte et les
bienfaits désormais différents. Les bienfaiteurs usaient de leur influence auprès des
autorités romaines afin d’obtenir pour leur cité des privilèges qui dépassaient souvent le
cadre de la seule institution du gymnase. Notre corpus se concentrera alors sur les cas du
Ier siècle en Asie Mineure, puisque c’est à ce moment que le culte atteint son apogée, en
lien avec le contexte difficile de cette époque et la présence romaine forte en Orient.

Le corpus se limitera également aux bienfaiteurs citoyens, car les cultes des magistrats
romains ou des tyrans nécessitent, selon nous, une étude à part 21. Ainsi, nous traiterons les
cas d’Héroïdès de Pergame, de son fils Diodôros Pasparos, d’Iollas de Sardes, de
Théophane et Potamôn de Mytilène, d’Artémidôros de Knide, d’Asklépiadès de Cyzique,
d’Apollônios II et son fils Épikratès II de Milet, d’Euthydème et Hybréas de Mylasa,
d’Athénodôros de Tarse, de Xénon de Thyatire et de Mènogénès de Sardes. La sélection
s’inspire de celle de J. H. M. Strubbe, qui se limite aux cas qui sont, selon lui, clairs et

                                                                                                               
19
Ph. Gauthier, Bienfaiteurs, p. 63-66. Ces cas seront discutés plus en détails à l’intérieur du deuxième
chapitre.
20
Ces éléments ressortent du résumé effectué par J. H. M. Strubbe, « Cultic Honours », p. 315-320. Il
présente les cas de Lysôn de Xanthos, vers 197-193 a.C. (Ph. Gauthier, REG, 109, 1996, p. 1-27 avec
traduction, commentaire et photographie; J. Ma, Antiochos III, p. 325-327, 24 avec traduction); Anticharis
de Kyaneai, IIe siècle a.C. (R. Heberdey et E. Kalinka, Denkschriften der Österreichische Akademie, 1897,
p. 28-29, 28; L. Robert, Études anatoliennes, p. 399-405 avec restitutions); Parasitas de Knide, vers le
IIe-Ier siècles a.C. (I. Knidos 606; A. Chaniotis, EBGR, 1992, 25); le fils anonyme de Drakon de Kéramos,
basse époque hellénistique (I. Keramos 9; Ph. Gauthier, BE, 1988, 21).
21
Parmi les tyrans de cette époque, Nikias de Kos fut honoré à titre de théos patrôos et de hèrôs dans une
vingtaine de documents, soit sur de petits autels soit sur de minces plaques. La liste complète se retrouve
chez K. Buraselis, Kos Between Hellenism and Rome, p. 154-155.

  6  
assurés 22. Toutefois, nous avons tenu à ajouter l’un des cas que ce dernier avait rejeté, celui
de Mènogénès de Sardes, en l’appréhendant sous un nouveau jour. Une étude récente sur
Asklépiadès de Cyzique a aussi permis de revoir le cas de ce citoyen qui n’avait pas
totalement convaincu J. H. M. Strubbe, mais à qui ce dernier réserva tout de même une
entrée dans son article 23. Trois autres cas, ceux d’Iollas de Sardes, de Potamôn de Mytilène
et d’Athénodôros de Sardes, ne figurent pas dans la liste de J. H. M. Strubbe, mais
présentent des éléments intéressants pour l’étude de ce culte 24.

État de la question

a) Évergétisme et culte des évergètes

L’évergétisme dans les cités grecques représente un domaine de recherche vaste, qui a
fait l’objet de nombreuses études, dont les excellentes synthèses de P. Veyne (1978) et de
Ph. Gauthier (1985) 25. Le premier favorisait une approche sociologique tout en opposant
les époques classique et hellénistique, tandis que le second proposait une analyse fine de la
question des honneurs civiques, en tenant compte des différences entre haute et basse
époque hellénistique. En outre, les articles de L. Migeotte et P. Fröhlich pour les aspects
économiques et politiques, ainsi que ceux de J. L. Ferrary pour les conséquences de la
conquête romaine permettent d’avoir une vue d’ensemble du phénomène et de mieux
comprendre le rôle de l’évergétisme dans les cités grecques 26.

                                                                                                               
22
J. H. M. Strubbe, « Cultic Honours », p. 315-316.
23
L’étude en question est celle d’É. Chiricat, « Funérailles publiques », p. 207-223. J. H. M. Strubbe traite
rapidement d’Asklépiadès dans son « Cultic Honours », p. 324-325 pour conclure en écrivant : « Personally,
I wonder whether these games, organized in gratitude, are a sufficent indication of cult ». Pour Mènogénès
de Sardes, il le rejette en p. 316, n. 4, en le plaçant dans les cas qui sont, selon lui, douteux.
24
Nous tenons à remercier Gaétan Thériault pour ses conseils éclairés quant à la constitution du présent
corpus, particulièrement pour les cas d’Héroïdès de Pergame, d’Euthydème de Mylasa, d’Iollas de Sardes,
d’Athénôdoros de Tarse et de Mènogénès de Sardes.
25
P. Veyne, Le pain et le cirque; Ph. Gauthier, Bienfaiteurs.
26
L. Migeotte, « L’évergétisme des citoyens », p. 183-196; J.-L. Ferrary, « De l'évergétisme hellénistique à
l'évergétisme romain », p. 199-212; P. Fröhlich, « Dépenses publiques et évergétisme », p. 225-256. Ceux-ci
prennent également tous en considération les différences qui existent entre la haute et la basse époque
hellénistique.

  7  
Les quelques recherches qui mentionnent le culte des évergètes à l’époque hellénistique
le présentent en général comme le successeur du culte des héros et de celui des souverains,
et comme prédécesseur du culte impérial, sans approfondir sur le culte en lui-même. En ce
qui concerne de façon plus directe le culte des évergètes, quelques spécialistes, tels
H. Hepding et L. Robert, avaient certes rassemblé une masse de documents épigraphiques
qui témoignaient de ce culte dans le but d’analyser le phénomène dans son ensemble, mais
aucun de ces projets n’a été mené à terme. Leur contribution à la question, bien que
significative, prend donc la forme de commentaires épars à travers leurs ouvrages. Dans sa
monographie, Ph. Gauthier fournissait une brève synthèse de six pages des acquis
jusqu’alors et il en profitait pour exprimer le souhait d’une étude d’ensemble, souhait plus
récemment repris par L. Migeotte 27.

Quant aux inscriptions, l’état des recherches est variable. Certaines furent seulement
publiées dans des corpus épigraphiques géographiques, tandis que d’autres, à propos de
Diodôros Pasparos, d’Hybréas de Mylasa, ou de Théophane de Mytilène, ont suscité et
suscitent encore plus d’intérêt, et font donc l’objet de commentaires développés 28.
Récemment, G. Thériault est revenu sur le cas de Théophane de Mytilène afin d’éclairer
celui de son compatriote, Potamôn, et il a également publié une analyse détaillée de la
famille knidienne d’Artémidôros 29.

Très peu de travaux, outre les notes éparses de L. Robert, traitent directement du culte
des bienfaiteurs. J. H. M. Strubbe et G. Thériault sont parmi les seuls à avoir réfléchi à la
question. En 2004, Strubbe étudia dans un court article les cas les plus connus de culte des
évergètes en Asie Mineure, dont la plus grande part est consacrée aux cas du IIe siècle et,
pour le Ier siècle, à Diodôros Pasparos. Les autres bienfaiteurs, quant à eux, sont présentés
chacun dans un bref paragraphe. Ce survol des cas principaux a pour avantage de donner

                                                                                                               
27
Ph. Gauthier, Bienfaiteurs, p. 60-66 et n. 179; L. Migeotte, ibid.
28
Pour Diodôros Pasparos, voir l’étude récente de C. P. Jones, Chiron, 30, 2000, p. 1-14; pour Hybréas de
Mylasa, celle de F. Delrieux et M.-C. Ferriès, REA, 106, 2004, p. 49-71; 499-515; pour Théophane,
G. Thériault, CEA Suppl. 1, 2011, p. 55-64.
29
G. Thériault, Phoenix, 57, 2003, p. 232-256.

  8  
une bonne vue d’ensemble du phénomène, mais se confine à la surface du problème 30. Les
études de cas de G. Thériault demeurent les plus complètes à ce jour, car elles abordent ces
personnages en fonction du culte qui leur a été accordé. Les autres travaux de ce chercheur
portent plutôt sur le culte des magistrats romains, à même époque, dans lesquels il est
quelquefois fait mention du culte des bienfaiteurs grecs 31.

b) La question de la religiosité

À partir de la seconde moitié du XXe siècle, l’étude des pratiques religieuses de la Grèce
antique a suscité un intérêt croissant 32. Dans les années 1950, l’étude d’E. R. Dodds, The
Greeks and the Irrational, marquait la tendance à aborder la religion grecque en terme de
rationalisme et d’irrationalisme. L’ouvrage a connu un tel succès que cette méthode persiste
encore. Il devient alors aujourd’hui nécessaire de reconsidérer le réel apport de l’approche
du rationalisme grec. Quelques années plus tard, le chercheur M. Nilsson — qui dominait la
discipline dans la première moitié du XXe siècle avec son approche comparative focalisée
sur le rituel — affirmait que tous les outils conceptuels de base à l’étude de la religion
grecque avaient été forgés de 1875 à 1900, et qu’ils n’avaient pas changé depuis 33. Les
années 1960-1970 allaient contredire Nilsson avec l’arrivée des chercheurs de l’École de
Paris. Tous reliés à l’École des hautes études, J.-P. Vernant, M. Detienne et
P. Vidal-Naquet innovent en adaptant la méthode d’anthropologie structuraliste de
C. Levi-Strauss à l’étude de la religion grecque. P. Bonnechère, dans sa revue
bibliographique du périodique Kernos en 2012, explique bien le phénomène qui s’est
produit autour de ce trio de savants qui ont influencé toute une génération.

                                                                                                               
30
J.H.M Strubbe, « Cultic Honours », p. 315-330.
31
G. Thériault, « Remarques sur le culte des magistrats romains », p. 85-95 et « Culte des évergètes »,
p. 377-388.
32
Pour le bilan historiographique et le résumé des concepts de la tendance actuelle, voir
notamment : I. Gradel, Emperor Worship, p. 1-8; l’épilogue d’ A. Erskine dans Gods of Ancient Greece,
p. 505-510; R. Parker, On Greek Religion, p. vii-xiii; H. S. Versnel, Coping With the
Gods; A. S. Chankowski, « Le culte des souverains », p. 1-14; P. Iossif et C. Lorber, « More Than Men,
Less Than Gods », p. 691-710; S. G. Caneva, Kernos, 25, 2012, p. 75-78; P. Bonnechère, Kernos, 25, 2012,
p. 304-317.
33
M. Nilsson, Geschichte, 6-10.

  9  
Pendant longtemps, de l’extérieur, Paris semblait héberger un centre de
recherches très homogène, avec et autour de ses trois maîtres, J.-P. Vernant et
M. Detienne inséparables, et P. Vidal-Naquet distinct des deux autres (voir par
exemple La cuisine du sacrifice en pays grec en 1979). À cause de l’isolement
des chercheurs en fonction de leur obédience intellectuelle, l’image réelle et
évidemment plus nuancée, au début inaccessible, mit du temps à s’imposer 34.

À pareille époque, l’approche moderne d’enquêtes ethnologiques sur le sacrifice grec de


W. Burkert est également à considérer parmi les nouvelles méthodes en matière de
recherche. Aujourd’hui, la tendance est à la nuance et à la prise de recul par rapport aux
maîtres fondateurs du domaine, dont les théories peuvent parfois être qualifiées de
« radicales » et les conclusions de « généralisations hâtives ». Leurs contributions
demeurent toutefois inestimables, puisqu’ils « sont les géants qui nous portent sur leurs
épaules » 35.

L’une des avancées par rapport aux générations antérieures concerne le supposé pouvoir
de sanction de la cité sur les pratiques marginales, comme la magie, les cultes à mystère et
l’orphisme. Sous l’influence du Rameau d’or de J. G. Frazer, les études tendaient alors à
distinguer ces pratiques de la religion de la cité et de la médecine. Les premières, parce
qu’elles se trouvaient à l’écart de la religion de la cité, étaient condamnables par l’État 36.
Cette vision influencée par le christianisme a de quoi rendre sceptique. Aujourd’hui, on
considère que la religion de la cité « était tout sauf un ensemble de rites et de croyances
qu’il serait impératif de respecter […] Collective et dynamique, la religion de la cité
n’exclut en rien la piété réelle et ses nombreux échelons de religiosité individuelle, puisque
l’une et l’autre procèdent de la tradition que protège la polis et sont, pour l’essentiel
irrémédiablement intégrées » 37. Les pratiques privées ne faisaient en réalité l’objet de
restrictions que par les conventions sociales, ou lorsqu’elles risquaient de déstabiliser la
paix des dieux.
                                                                                                               
34
P. Bonnechère, Kernos, 25, 2012, p. 306, n. 2.
35
Les trois expressions sont empruntées à P. Bonnechère, mentionné ci-dessus. Parmi les « maîtres sacrés », il
compte « W. Robertson Smith, J. G. Frazer, M. Nilsson, E. R. Dodds, W. Burkert, J. Girard, J. Rudhardt,
M. Detienne et autres Vernant ».
36
Sur l’influence de J. G. Frazer dans le traitement de ces pratiques, notamment la magie, voir Fritz Graf, La
magie dans l’Antiquité gréco-romaine, p. 17-29.
37
P. Bonnechère, Kernos, 25, 2012, p. 309.

  10  
Une autre tendance marquée était de se concentrer sur la religion à l’époque classique, à
Athènes, en posant cette période comme la norme. Il en résulta une vision déformante de la
religion grecque, puisque l’on considérait tout ce qui suivait Alexandre comme une
dégénérescence de la religion traditionnelle. Les études plus récentes traitent toutefois de la
période hellénistique, non pas comme d’un déclin, mais comme une période de
transformations. En effet, l’une des caractéristiques principales de cette époque est
l’interaction entre des éléments de continuité et d’autres aspects qui ont évolué pour donner
place à de nouvelles formes. À l’intérieur même de la cité, les structures religieuses de base
demeuraient quant à elles essentiellement inchangées. Il est vrai qu’après Alexandre,
l’apparition de nouvelles pratiques et de nouveaux dieux se fit plus marquée, mais nous
aurions tort de voir en cela un signe de déclin ou une nouveauté significative en matière de
religion, puisque la cité grecque a toujours eu la capacité d’accueillir de nouveaux dieux.
Plus encore, le concept grec du dieu a toujours eu le potentiel d’inclure un mortel, si le
contexte s’y prêtait. Ainsi, toute la tradition cultuelle antérieure, de pair avec le nouveau
contexte d’expansion sociopolitique, a permis de modeler un contexte qui se prêtait à une
pratique plus prononcée de la divinité mortelle 38.

L’un des plus grands dangers guettant l’historien moderne qui tente de reconstruire les
détails des rites religieux de l’Antiquité est de se laisser influencer par la vision du
christianisme sur ces pratiques 39. Il existe pourtant des différences fondamentales à ne pas
négliger. Alors que le christianisme imposait des limites au monde divin, les Grecs
naviguaient dans un système ouvert à des milliers de possibilités. D’ailleurs, on devrait
plutôt parler « des religions grecques » plutôt que de « la religion grecque »; leur monde
divin comportait autant des pratiques communes que des diversités locales. La vie des
Grecs était « guidée non par un texte révélé qui leur di[sait] quoi faire, mais par une
tradition qui leur montr[ait] le chemin » 40.

                                                                                                               
38
D. Potter, « Hellenistic Religion », p. 407-408 et 426; A. Erskine, dans son épilogue de Gods of Ancient
Greece, p. 505-510; S. G. Caneva, Kernos, 25, 2012, p. 75-78.
39
I. Gradel, Emperor Worship, p. 3.
40
P. Bonnechère, Kernos, 25, 2012, p. 307-308; voir aussi A. Erskine, « Epilogue », p. 506.

  11  
La définition de la religion en elle-même pose problème, car aujourd’hui encore, les
historiens de la religion ne s’entendent pas sur laquelle adopter. En ce qui concerne les
pratiques païennes, il nous semble que la définition avancée par I. Gradel est celle qui
convienne le mieux, si l’on demeure à l’affût des pièges qu’elle est susceptible de tendre.

The most useful definition, in my view, interprets the concept of « religion » as


defined by action of dialogue — sacrifice, prayer, or other forms of establishing
and constructing dialogue — between humans and what they perceive as
« another world », opposed to and different from the everyday sphere in which
men function. Typically, this « other world » is a realm of gods or God. […]
Such a view of « religion » recommends itself, I believe, to the study of pagan
practice : it stresses the action as constituing factor, and avoids christianizing
concepts such as « belief » or « emotion » as déterminants 41.

Bien que cette définition évite les pièges de la foi, de la croyance et des émotions, la
distinction entre les « deux mondes », l’un pour les dieux et l’autre pour les hommes, reste
problématique. Cette dichotomie, logique à première vue, est une création moderne
largement influencée par le christianisme. Le culte des souverains hellénistiques, par
exemple, a fait couler beaucoup d’encre parce que le phénomène de la divinité mortelle, à
mi-chemin entre le monde des dieux et des hommes, ne se fondait pas dans le moule de
cette dichotomie 42.

L’une des façons de contourner cet obstacle ontologique serait de repenser notre
compréhension de ce que les Grecs considéraient comme cet « autre monde ». Dans son
épilogue du collectif Gods of Ancient Greece, A. Erskine proposait déjà de réviser le
concept grec du dieu 43. La contribution d’A. Henrichs, dans le même collectif, relevait les
trois caractéristiques principales du dieu grec : l’immortalité, l’anthropomorphisme et le
pouvoir. Ainsi, à première vue, le souverain hellénistique, en tant que mortel, n’était pas un

                                                                                                               
41
I. Gradel, Emperor Worship, p. 5.
42
Ibid., p. 5-8.
43
A. Erskine, « Epilogue », 508-509.

  12  
dieu puisqu’il ne remplissait pas toutes les conditions 44. Cependant, selon A. Chaniotis,
une autre caractéristique pourrait jouer un rôle important dans la définition du dieu grec,
encore plus essentielle que l’immortalité : la capacité de répondre aux prières et d’être une
source de bienfaits 45. L’étude du culte des souverains, selon A. Erskine, représente alors un
potentiel certain pour redéfinir le concept du dieu grec. Dans le même esprit, nous
ajouterions que l’étude des autres cultes divins accordés aux mortels, comme celui des
bienfaiteurs entourant la cour du roi (officiels, généraux, philoi), et après la chute des
royaumes, des citoyens évergètes et des généraux et empereurs romains, serait également
bénéfique à la compréhension de cet « autre monde » grec. Il faut en permanence garder à
l’esprit que pour les anciens, la démarcation entre dieux et hommes n’était pas aussi
tranchée que nous le pensons actuellement 46.

Même s’il semble aujourd’hui permis de rationaliser les comportements religieux grecs
en une série de décisions humaines qui font de l’instauration de nouveaux cultes un
phénomène politique plutôt que religieux, cela constitue à notre avis une erreur 47. D’abord
parce que dans le monde grec, politique et religion formaient un tout 48. Puis, comme
l’illustre bien la définition d’I. Gradel, parce que c’était l’expérience qui comptait vraiment,
la relation entre l’honoré et l’honorant. Toutefois, le culte étant aussi le produit de la
société qui le vit, il faut se garder de négliger le contexte sociopolitique dans lequel il fut
forgé et trouver le juste milieu entre une explication purement politique et rationnelle, et
une explication qui ne considère que la religiosité grecque 49.

Intérêt du sujet et méthodologie

Jusqu’à maintenant, la tendance en recherche fut de mentionner le culte des évergètes


comme le successeur ou le prédécesseur d’un autre, par nature mieux documenté; on s’y
                                                                                                               
44
A. Henrichs, « What is a Greek God ? », p. 19-39.
45
A. Chaniotis, « Divinity of Hellenistic Rulers », p. 432.
46
A. D. Nock, Essays I, p. 145.
47
D. Potter, « Hellenistic Religion », p. 412.
48
I. Gradel, Emperor Worship, p. 4.
49
Ibid., p. 5; R. Parker, On Greek Religion, p. 116-123.

  13  
réfère souvent, certes, mais à titre comparatif. Les bienfaiteurs, lorsqu’ils font l’objet
d’études de cas, ne sont que très peu traités sous l’angle cultuel. Il est vrai que l’étude de
J. H. M. Strubbe représente à cet effet une assise solide, mais elle écarte parfois trop
rapidement des cas qui pourraient s’avérer essentiels à la compréhension globale du
phénomène. Afin de pousser les recherches plus loin, il apparaît alors pertinent de traiter de
ces cas, mais aussi d’aborder le culte des bienfaiteurs comme un phénomène en-soi, résultat
d’une longue tradition cultuelle adaptée pour répondre aux besoins du nouveau contexte
sociopolitique, qui en a favorisé l’émergence. En ce qui concerne les documents formant le
corpus, plusieurs d’entre eux ne possèdent pas, à ce jour, de traduction française. Il s’avère
dès lors nécessaire d’en offrir une, qui favorisera la diffusion du corpus vers un plus large
public d’historien généraliste, par exemple.

Le premier chapitre présente le corpus, formé des documents ou des extraits de


documents concernant le culte des bienfaiteurs sélectionnés pour l’étude; il comporte des
documents épigraphiques, littéraires et numismatiques, classés en ordre chronologique. Les
textes sont proposés en langue originale, avec une traduction française et un
commentaire 50. Les inscriptions, comme il se doit, sont accompagnées d’un lemme et d’un
apparat critique. Le second chapitre s’intéresse au contexte cultuel d’émergence du culte
des bienfaiteurs, à savoir le culte des héros et le culte des souverains. Il se concentre ensuite
sur la forme concrète du culte, dont la présentation s’inspire du traitement par Ch. Habicht
du culte civique des rois hellénistiques 51. Le dernier chapitre étudie le contexte
sociopolitique d’émergence, avec les prémices du IIe siècle et la période trouble du
Ier siècle. Les questions du déclin des monarchies, de la montée de l’évergétisme civique et
de la nécessaire amitié à l’égard des Romains sont également abordées.

                                                                                                               
50
À moins d’indication contraire, les traductions françaises sont de l’auteure. Les références au corpus se
feront en gras, en chiffrse arabes précédés de l’abréviation nº.
51
Ch. Habicht, Gottmenschentum, p. 138-160.

  14  
CHAPITRE I : PRÉSENTATION DU CORPUS

1Α : Extrait d’un décret honorifique de retour d’ambassade : prescriptions pour le


culte de Diodôros Pasparos de Pergame (85-73 a.C.)

Support :
Deux fragments de marbre bleu formant une stèle, découverts dans le gymnase de Pergame.
Hauteur : 0.63 m. Largeur : 0.56 m. Épaisseur : 0.15 m. Hauteur des lettres : 0.007 m.

Éd. :
H. von Prott et W. Kolbe, MDAI(A), 1902, 68, pour le plus petit fragment; H. Hepding, MDAI(A),
1907, 4, photographie (IGR IV, 292; L. Robert, Études anatoliennes, 1970, 45-50, commentaire et
restitutions; ISE III, 190, trad. italienne).

Cf. :
A. Wilhelm, SAWW, 1932, 21-40; Pour l’hypothèse de la célébration posthume du culte, F. Taeger,
Charisma, 1957, 368 et B. Virgilio, Gli Attalidi di Pergamo, 1993, 85 et « Fama », 1994, 156-157;
Pour la datation, D. Kienast, RE, suppl. XII, 1970, 224-232; C. P. Jones, Chiron, 4, 1974, 185-205;
B. Virgilio, Athenaeum, 82, 1994, 299-314; A. S. Chankowski, BCH, 122, 1998, 159-199; D. Musti,
RFIC, 126, 1998, 5-40; C. P. Jones, Chiron, 30, 2000, 1-12; Traduction française des lignes 37-39,
Ph. Gauthier, Bienfaiteurs, 1985, 63; Pour les honneurs cultuels, Ph. Gauthier, Bienfaiteurs, 1985,
62-63; F. Canali de Rossi, EA, 31, 1999, 83-86; J. H. M. Strubbe, « Cultic Honours », 2004,
320-323.


36 6g=2: 5} ;2D = k45„8= D?– S@?<<I=‚?E μ8=ƒB d6A{=, T= Š@6A K@ƒ D’B
[@A6C36‚[2B] 6cB D = @„<:= 6cC’<96=  46=~C92: 5} ;2 FE< = 2rD?– T@ˆ=Eμ?= CE446=:; = @A?C-
[84]?A‚2= [VG?EC2= *2C@2A8‚52  ;29‚CD2C92: 5} 2rD?– ;2 d6A~2 T= D2•B KAG2:A6C‚2:B, oD2=
;2 ?d O<<?: d6A6•B D›= 6r6A46D›=, ;2 T@:4A|F6C92: T@ D›= CE=GA8μ2D:7?μ~=I= μ6D{
40 Dƒ= &2=‚?E d6A~2, FE<2CC?μ~=8B ;2 D2†D8B D’B D:μ’B 6cB Dƒ= P@2=D2 GA„=?=  K=6•=2: 5}]
2rD?– ;2 D6μ~=?B T= /:<6D2:A6‚2:, k=?μ|C2=D2B :?5ˆ5IA6:?=, T= z: ;2D2C;6E2C9’=2:]
=2ƒ= <‚9?E <6E;?–, 6cB m= K=2D69’=2: Dƒ O42<μ2  T= Š 5’O= \μ~A2: 4‚=8D2: \ ;29:~AIC:B]
2rD?– CD2<’=2: @?μ@ = T; D?– @AED2=6‚?E 6cB Dƒ D~μ6=?B 2rD?– @?μ@6E„=DI= D?– D6]
44 @AED|=6IB ;2 DI= d6A~I= ;2 32C:<~I= ;2 D?– 4Eμ=2C:|AG?E μ6D{ D?– r@?4Eμ=2C:-]
[|AG?E ;2 D›= TF€3I= ;2 D›= @2:5?=„μI= μ6D{ D›= @2‚5I=, CE=@?μ@6E„=DI= 5}]
[;2 :?5ˆA?E ;2 ou μ6D{ D›= @2‚5I=, @2A2CD296‚C8B 9EC‚2B xB ;2<<‚CD8B T@ D?– 3Iμ?– (?)]
[s@? D?– 5€μ?E, D69’=2: K4›=2B @2‚5I= D6 ;2 TF€3I= ;2 K=5A›=, D?•B 56 ⎯⎯
48 ⎯⎯⎯μ6A:C9~=DI= 6cB D{ V@29<2 D›= K@ƒ D’B 9EC‚2B ⎯⎯
⎯⎯⎯;29’ W;2CD?= T=:2EDƒ= T= D’: 2rD’: \μ~A2:, oD2= ⎯⎯
⎯⎯⎯⎯6r4€AIB D?…B 5:256>2μ~=?EB ⎯⎯
⎯⎯⎯⎯:2= K@?<:@‡= 6cB Dƒ GA6‡= μ6D2<<|>8:⎯⎯
52 ⎯⎯⎯T= D“ T= /:<6D2:A6‚2: K4?AŒ: T{μ ⎯⎯⎯
⎯⎯⎯⎯D’B T@:4A2F’B oD: l 5’μ?B TD‚μ8C6= :„5IA?= bAˆ:5?E
⎯⎯⎯⎯D = K=24„A6EC:= ⎯⎯⎯
⎯⎯⎯⎯464?=ƒB ⎯⎯⎯


 !
Apparat critique :

L. 45-46 : restitution de L. Robert. Pour lui, la double mention des @2•56B (mentionnés juste avant)
est illogique; la répétition de CE=@?μ@6E„=DI= montre bien la présence d’un groupe de participants
distincts de ceux déjà énumérés. Il serait alors préférable d’y voir Diodôros et ses enfants, comme
c’est le cas à Milet pour Eudémos et son fils. Selon lui, on pourrait retrouver, entre :?5ˆA?E et D›=
@2‚5I=, autant ;2 que μ6D{. Hepding CE=@?μ@6E„=DI= . . . ] DI= @2‚5I=. Lafaye
CE=@?μ@6E„=DI= D›= @?<:D›= ;2] D›= @2‚5I=. Canali de Rossi CE=@?μ@6E„=DI= D›= @?<:D›=
μ6D{ D›= @]2‚5I=. L. 51 : restitution de L. Robert qui fait référence, selon lui, à la mort de
Diodôros. Il arrive à cette conclusion en rapprochant ce texte d’une inscription de Kymè, CIG,
3524, et d’un décret de Delphes sur des honneurs funèbres, Fouilles de Delphes, III 1, 466. La
restitution a également été adoptée par F. Canali de Rossi. Hepding et Lafaye GA6‡[= . . . T= D“ }=
/:<]6D2:A6‚2. L. 53 : restitution de F. Canali de Rossi. Hepding, Lafaye et Robert l 5’μ?B TD‚μ8C6=
. . . ] D = K=24„A6EC:=].

Traduction :

…et que le huitième jour du mois d’Apollônios soit sacré, celui-là même où il (Diodôros) entra
dans la cité, revenant de son ambassade; que soit créée sa propre tribu éponyme, ayant le nom de
Pasparéide; que soit désigné pour lui un prêtre dans les Assemblées électorales, lorsque le sont
également les autres prêtres des bienfaiteurs, et que son nom soit inscrit après celui du prêtre de
Manius, cet honneur lui étant préservé pour toujours; que soit érigé pour lui un téménos dans le
district de la Philétaireia, qu’ils appellent (ce téménos) Diodôreion, dans lequel doit être construit
un temple de marbre blanc, dans lequel une statue cultuelle sera consacrée. Lorsque le jour de la
consécration a lieu, qu’une procession religieuse soit envoyée du prytanée jusqu’à son téménos,
dans laquelle marchent le prytane, les prêtres, les magistrats, le gymnasiarque avec le sous-
gymnasiarque, les éphèbes, les enseignants avec les enfants, et marchant dans la procession avec
eux, les citoyens avec leurs enfants. Que le sacrifice le plus beau possible soit offert sur l’autel par
le peuple et que soient organisés des concours de jeunes gens, d’éphèbes et d’adultes, et aux […]
étant divisées en vue des prix des (?) venant du sacrifice […] et à chaque année, le même jour,
lorsque […] qui jouit d’une belle vieillesse, chez ceux qui ont reçu […] partant vers l’inévitable
[…] dans l’Agora de la Philétaireia […] de l’inscription que le peuple a honoré Diodôros, fils
d’Héroïdès […] la proclamation publique […] a été […]

1Β : Extrait d’un décret pour la gymnasiarchie de Diodôros Pasparos : honneurs pour


Héroïdès de Pergame (première moitié du Ier siècle, après 69 a.C.)

Support :
Trois fragments de stèle se raccordant ensemble. Le premier a été découvert dans le gymnase des
néoi, et les deux autres dans les secteurs 8 et 9 des thermes Est. Hauteur : 0.30 m.
Largeur : 0.367 m. Épaisseur : 0.101 m. Hauteur des lettres : 0.06 m.

 "
Éd. :
L’un des trois fragment avait déjà été publié par H. Hepding, MDAI(A), 1907, 9; H. Hepding,
MDAI(A), 1910, 3, pour les trois fragments réunis (A. S. Chankowski, BCH, 122, 1998, 162-163, II
et édition des lignes 17-20, 190 n. 122).

Cf. :
Pour la chronologie du décret, D. Kienast, RE suppl. XII, 1970, 224; Sur le culte d’Héroïdès,
Ph. Gauthier, Bienfaiteurs, 1985, 63; A. S. Chankowski, BCH, 122, 1998, 190; J. H. M. Strubbe,
« Cultic Honours », 2004, 321.

[τῆι] τε ἕκτῃ ἀπιόντος τοῦ Δ[εί]ου µηνὸς ἐν τῇ ψηφισθίσῃ ἡµέρᾳ ῾Ηρώιδου [τοῦ πατρὸς αὐτοῦ]
[παραστήσας θυσίας ὡς καλλίστας ἐκ τοῦ ἰδίου παρὰ τῷ κ]αθιδρυµένωι αὐτοῦ ἀγάλµατι ἐν τῶι
20 γυµνασίωι ἐπετέλεσεν γυµν[ικὸν ἀγῶνα καὶ διαδροµὰς παίδων τε καὶ ἐφήβων καὶ ἀνδρῶν καὶ]
[τὰς λ]αµπάδας

Apparat critique :
L. 17-20 : Restitutions de H. Hepding. L. 20 : A. S. Chankowski, BCH, 122, 1998, p. 190, n. 122
omet le τὰς, on lit alors : ἀνδρῶν καὶ λ]αµπάδας.

Traduction :
… et le 26 du mois Dios, au jour décrété pour son père Héroïdès, lui ayant offert les plus beaux
sacrifices possible à ses frais auprès de son agalma érigé dans le gymnase, où il a organisé des
concours gymniques et des courses aux flambeaux de paides, d’éphèbes et d’andres…

1C : Extrait d’un décret relatif à la gymnasiarchie de Diodôros et aux Nikephoria :


sacrifices auprès de son agalma (première moitié du Ier siècle, après 69 a.C.)

Support :
Fragment d’une stèle de marbre blanc, trouvé au près de la stoa nord du temple d’Athéna.
L’inscription est très endommagée sur les côtés droit et gauche et les lettres sont très petites.
Hauteur : 0.39 m. Largeur : 0.22 m. Épaisseur : 0.015 m.

Éd. :
I. Pergamon 256, dessin; A. S. Chankowsi, BCH, 122, 1998, 171-175.

Cf. :
Pour l’identification du nom « Pasparos », H. Hepding, MDAI(A), 1907, 243, 4; Pour la
chronologie, D. Kienast, RE, suppl. XII, 1970, 224, III et A. S. Chankowski, BCH, 122, 1998, 163
et 195; Pour les sacrifices et l’agalma, J. H. M. Strubbe, « Cultic Honours », 2004, 322.

  17  
[ - - - - - - ca 61-63 - - - - - παρὰ δὲ το ἄ]γαλµα παρασταθῆναι [θ]υσίαν αὐτῶ[ι - - ca 4-6 - - ]
[ - - ca 37-40 - - ποιεῖσθαι δὲ µετάδοσιν ἀπὸ θυσίας π]άσης ὑπό τε τοῦ γυµνασιάρχου καὶ τοῦ
ὑ[πογυµνα-]
16 [σιάρχου εἰς ἔπαθλα τοῖς τε ἐφήβοις καὶ νέοις εἴς τε διαδροµὰς καὶ τοὺς τῶν ὅπλων ἀγωνας (?)]
I (?) καὶ καθ’ ἕκαστον µῆνα τῆι αὐτῆι ἡµ[έραι]
[ - - - - - - - - - - - - - - ca 68-71 - - - - - - - - - - - - - - α]ὐτοῦ τοῦ ἀγάλµατος ἅµα τοῖς λοιποῖς [ἀ-]
[γάλµασιν - - - - - - ca 22-25 - - - - - ταινιοῦσθαι δὲ αὐτοῦ τὸ ἄγαλµα ὅταν τὰ ἄλλα ἀγ]άλµατα
ταινιῶνται · στεφανοῦσθαι [δὲ]
[αὐτοῦ τὸ ἄγαλµα ὅταν τὰ ἄλλα ἀγάλµατα στεφανῶνται · στεφανοῦσθαι δὲ καὶ αὐτὸν ἐν το]ῖς
Ἐ[ρµ]αίοις τῶι ἀριστείωι καὶ ἀϊδίωι σ[τεφά-]
20 [νωι - - - - - - - - - - - - - ca 68-70 - - - - - - - - - - - - -]ΝΙ µετὰ Ἡρῷδην τὸν πατέρα αὐτοῦ, κ[αὶ]

Apparat critique :
Le premier éditeur avait lu comme nom du destinataire un certain ᾿Υ[π]άσ[τ]αρος, mais en publiant
de nouveaux décrets pour Diodôros, H. Hepding réalisa qu’il s’agissait plutôt de [Π]άσ[π]αρος.
Comme le texte fut publié avant la découverte des autres décrets, les restitutions de l’editio princeps
ne tiennent plus, c’est donc plutôt l’édition d’A. S. Chankowski qui est présentée ici. H. Hepding
avait remarqué que l’inscription honorifique MDAI(A), 1907, 313, 36 était citée à l’intérieur de ce
décret, mais n’a pas proposé de nouveau texte pour I. Pergamon 256. A. S. Chankowski fonde ainsi
ses restitutions sur les remarques de H. Hepding et sur la comparaison des autres décrets publiés en
l’honneur de Diodôros Pasparos. L. 15-16 : πά]σης Frankël; π]άσης Chankowski, mais sur le dessin
de l’editio princeps, le Α est bien visible. La tournure proposée par A. S. Chankowski revient à
plusieurs reprises dans les autres décrets : IGR IV, 294, l. 23-24; 29, avec les corrections de
L. Robert, Études anatoliennes, p. 48 et MDAI(A), 1910, 409-411, 3, l. 15; 20; 23. L. 16 : si
M. Frankël a bien vu un I au début du texte conservé à la ligne 16, il devrait y avoir un autre mot
entre ἀγωνας et καὶ. Cependant, selon A. S. Chankowski, la ligne est trop courte pour la restitution
ἐπιµεληθηνα[ι de Frankël. Ansi, il se pourrait que l’auteur du décret ait seulement écrit τοῖς νέοις.

Traduction :
[...] qu’un sacrifice (soit offert) auprès de l’agalma qui a été érigé, avec ceux […]; que la
distribution de tous (les morceaux) venant du sacrifice soit faite par le gymnasiarque et le
sous-gymnasiarque, en vue des prix aux éphèbes et aux néoi, et en vue des diadromai et des
concours d’armes (?) I (?); et à chaque mois, lors du jour (en son honneur) […] de son agalma, en
même temps qu’au reste des agalmata […]; que son agalma soit paré de rubans, lorsque le sont
aussi les autres agalmata; que son agalma soit couronné, lorsque le sont aussi les autres agalmata;
que celui-ci (Diodôros) soit couronné lors des Hermaia de la couronne perpétuelle de la valeur
[…]NI avec son père Héroïdès et…

1D : Extrait du décret de sortie de gymnasiarchie de Diodôros Pasparos : sacrifices à


l’agalma de Diodôros, auprès de l’agalma de Philétairos (première moitié du Ier siècle,
après 69 a.C.)

Support :
Fragment d’une dalle de marbre blanc découvert au gymnase des néoi, dans l’une des pièces du côté
Nord de la cour. Hauteur : 0.51 m. Largeur : 0.51 m., Hauteur des lettres : 0.013 m.

  18  
Éd :
W. Kolbe, MDAI(A), 1904, 1, photographie (OGIS 764; IGR IV, 294; F. Canalli de Rossi,
Ambascerie, 1997, 347, l. 30; H. Kotsidu, Erhungen, 2000, *352, restitution et trad. allemande l. 35
et suiv.

Cf. :
Sur la référence aux 29e Nikèphoria aux lignes 12 et 26, L. Robert, BCH, 54, 1930, 337 (= OMS I,
156); Restitutions à la ligne 35, L. Robert, Études anatoliennes, 1970, 68; Sur les lignes 56-57,
P. Jacobsthal, MDAI(A), 1908, 383; Sur les lignes 9 et 33, J. Delorme, Gymnasion, 1960, 180 n. 3 et
183 n. 5 et 7; Pour la chronologie, D. Kienast, RE, suppl. XII, 1970, 224, I et A. S. Chankowski,
BCH, 122, 1998, 162, 173 n. 49 et 195; Sur les sacrifices et l’agalma, S. R. F. Price, Rituals and
Power, 1984, 48 et J. H. M. Strubbe, « Cultic Honours », 2004, 322 n. 28 et 29.

36 (…) ;29:5AE;„DI= Dƒ H8F:C9}= s@’ 2rD›= O42<μ2 T= D’: T>~5A2: T= a: Dƒ D?– /:<6D2‚A?[E]
[O42<μ2 ;29‚5AED2: ⎯ ⎯ ⎯ ⎯ T@6E>|μ6=?B @2A‚C-]
D2C92: μ}= s@’ 2rD?– ;2 s@ƒ Dƒ= D’B K=29~C6IB ;2:Aƒ= 9EC‚2= xB ;2<<‚CD8=, D69~=D?B 5}
D?– K4|<μ2D?B (…)

Apparat critique :

L. 36 : T@6E>|μ6=?B, restitution de Kotsidu. L. 37 : D = ;2<<‚CD8= Schröder et Lafaye, xB


;2<<‚CD8= Kotsidu.

Traduction :

(… les néoi) ayant érigé l’agalma qu’ils lui avaient voté, dans l’exèdre, là où l’agalma de
Philétairos a été érigé (….) s’étant engagé d’offrir par ses soins, et au moment de la consécration, le
plus beau sacrifice possible, une fois l’agalma érigé.

1E : Extraits d’un décret concernant la gymnasiarchie de Diodôros


Pasparos : prescriptions cultuelles (première moitié du Ier siècle, après 69 a.C.)

Support :
Colonne (« Säule ») de marbre blanc conservée en quatre fragments (a, b, c, d), découverts dans le
sous-sol du stade, environ 8 m. à l’ouest du coin Sud-Est du Gymnase. Les décrets sont disposés en
deux colonnes. L’extrait présenté ci-dessous appartient au fragment « a », col. II, l. 1-42.
A. S. Chankowski, BCH, 122, 1998, p. 164 illustre bien la façon dont les décrets étaient placés sur
la colonne et identifie chacun des fragments avec le numéro correspondant à la chronologie de
Kienast, en ajoutant une lettre pour les distinguer. Il attribue au présent fragment le nº VI4. Il
existait un deuxième exemplaire de ce décret, dont trois fragments furent publiés par H. Hepding,
MDAI(A), 1910, 5. Fragment « a » : Hauteur : 0.89 m. Diamètre : 0.60 m. Hauteur des
lettres : 0.008 m.

Éd. :
H. Hepding, MDAI(A), 1907, 8 (IGR IV, 293; F. Canali de Rossi, Ambascerie, 347; F. Canali de
Rossi, ISE III, 191, trad. italienne)

 %
Cf. :
Sur la chronologie, D. Kienast, RE, suppl. XII, 1970, 225, VI et A. S. Chankowski, BCH, 122,
1998, 164-166 et 195; Sur les honneurs cultuels, C. P. Jones, Chiron, 4, 1974, 198-199;
S. R. F. Price, Rituals and Power, 1984, 48 n. 110 et 112 et J. H. M. Strubbe, « Cultic Honours »,
2004, 323 n. 33.

L. 16-19
16 (ὁ δῆµος) γεινώσκων δὲ τοῖς ἀγαθοῖς ἀνδράσιν οὐδὲν µεῖζον ὑπάρχου αἰδίου
[µ]νήµης, ταύτης µὲν αὐτῷ µετέδωκ<ε>ν δὶ ὧν ἐψηφίσαντο τειµῶν ἔµπροσθεν να-
οῖς καὶ ἀγάλµασιν καὶ τῇ καθιερωµένηι πρὸς ἀθανασίαν τιµῆι <εἰ>ς αὐτὸν, βουλόµε-
νος δὲ καὶ νῦν (…)

L. 37-39
(…) ὅπως ὡς ἐν τῷ λοιπῷ χρόνωι γέγονεν τῆς πόλεως ἀγα-
θὸς κηδεµὼν, καὶ νῦν ἰσοθὲων ἠξιωµένος τιµῶν ἐκτενέστερος γίνη-
ται τῇ προθυµίᾳ κοµιζόµενος τῶν εὐεργεσιῶν ἀξίας τὰς ἀµοιβάς ·

Apparat critique :
L. 17 : µετέδωκαν le lapicide, voir A. S. Chankowski, BCH, 122, 1998, p. 165. L. 18 : Lafaye τιµῆι
(εἰ)ς. Canali de Rossi τιµῇ ἰς.

Traduction :
L. 16-19 : (le peuple) reconnaissant que pour les hommes de bien rien n’est plus grand que la
mémoire éternelle, lui en a déjà accordé une part par les honneurs votés précédemment, sous forme
de temples, statues cultuelles et de l’honneur qui lui a été dédié en vue de l’immortalité; voulant
maintenant (…) 52.

L. 37-39 : (…) afin que, de la même façon que dans le reste du temps il fut un bon défenseur de la
cité, et maintenant jugé digne des isothéoi timai, il devienne plus assidu dans son zèle, ayant obtenu
des récompenses à la hauteur de ses bienfaits.

Commentaire :

Diodôros Pasparos de Pergame est souvent considéré par les modernes comme le plus
bel exemple d’évergète des cités grecques hellénistiques et du culte des bienfaiteurs. À ce
jour, une dizaine de décrets en son honneur sont connus, ce qui, en comparaison avec les
autres évergètes, est exceptionnel. En effet, alors que la pratique courante consistait à
attendre la sortie de charge de l’évergète pour voter un long décret relatant tous ses
bienfaits, les citoyens de Pergame ont choisi d’honorer Diodôros après chacun d’entre eux,
dont trois fois pour sa seule gymnasiarchie 53. De plus, il est l’un des rares bienfaiteurs dont

                                                                                                               
52
Traduction d’A. S. Chankowski, BCH, 122, 1998, p. 165.
53
A. S. Chankowski, ibid., p. 196.

  20  
le culte fut décidé et peut-être célébré de son vivant 54. La datation de ces divers décrets
demeure une question complexe. Selon la recension de A. S. Chankowski, le premier décret
voté pour Diodôros fut celui des prescriptions cultuelles adopté après son ambassade à
Rome, entre 85 et 73 a.C (nº 1A). Un autre décret pour sa contribution aux Nikèphoria,
probablement adopté après 69 a.C. pendant sa gymnasiarchie, mentionne un sacrifice pour
Diodôros auprès de sa statue cultuelle (nº 1C). Une hypothèse voudrait qu’il ait également
exercé une deuxième gymnasiarchie. Le moment fort de l’activité de Pasparos se situerait
après 69 a.C., au moment de la réinstauration de la fête des Nikèphoria. Dans tous les cas,
Diodôros était encore vivant lorsque le culte fut voté 55.

Ainsi, Pasparos aurait œuvré entre la fin de la première guerre de Mithridate et avant la
troisième. À cette époque, Pergame était assujettie et dut absorber les contrecoups d’une
deuxième guerre, à la suite de laquelle les légions fimbriennes restèrent en Asie, ravageant
le territoire et alourdissant le fardeau des cités 56. Lors de cette période, plusieurs mesures
furent prises par les Romains pour leur venir en aide, comme les réformes de Lucullus en

                                                                                                               
54
S. R. F. Price, Rituals and Power, p. 48 : « The text [IGR 293, l. 12 et suiv. et l. 37 et suiv. = nº 1E] also
explains that the honours, which were given to Diodorus in his lifetime, were designed to encourage him to
even greater efforts on behalf of the city. » et Ph. Gauthier, Bienfaiteurs, p. 62 : « Enfin, le culte est parfois
décidé et créé du vivant du bienfaiteur. […] Mais, ici encore, les documents les plus évocateurs sont les
décrets de Pergame pour Diodoros Pasparos. », contra B. Virgilio, Gli Attalidi di Pergamo, p. 85: « la
definitiva divinizzazione e la effettiva pratica del culto sarebbero avvenute dopo la morte dell’evergete »
(propos repris dans « Fama », p. 156-157) et F. Taeger, Charisma, p. 368 : « Auch hier sind diese Ehrungen
also so etwas wie eine Vorwegnahme von Akten, die ihren konkreten religiösen Gehalt erst nach dem
Abscheiden erhalten werden ». Les décrets ne sont pas assez explicites pour trancher la question, mais le
nº 1E, l. 37-38 sous-entend que Diodôros s’est déjà vu octroyer les isothéoi timai, dans l’espoir qu’il
poursuive son action bienfaitrice. De plus, selon la chronologie d’A. S. Chankowsi, BCH, 122, 1998, p. 195,
le décret d’ambassade contenant les détails des honneurs cultuels (nº 1A) fut le premier à être voté (vers
85-75 a.C.), parmis tous les autres décrets (après 69 a.C.). Cela faisait donc plusieurs années que le culte
avait été voté lors du rappel des isothéoi timai en nº 1E, décret que Chankowski considère comme le
dernier, en septième position. Ph. Gauthier, Bienfaiteurs, p. 62 considérait aussi Artémidôros de Knide
comme l’un de ces rares cas, mais cela ne fait pas l’unanimité. Un débat persiste toujours quant à savoir si le
culte était célébré de son vivant. Pour plus de détails sur ce débat, voir infra nº 5.
55
A. S. Chankowski, BCH, 122, 1998, p. 168-169 et 196.
56
  Dans son article « Diodoros Pasparos and the Nikephoria of Pergamon », Chiron, 4, 1974, p. 203-205,
C. P. Jones relate le contexte de Pergame à cette époque. Il indique que la plupart des chercheurs admettent
qu’en 129 a.C., la cité de Pergame était libre et fédérée, ainsi désigné par Manius Aquilius, organisateur de
la Province d’Asie. Elle a dû perdre ce statut par la suite, puisque selon les inscriptions IGR IV, 433 et
1682, elle le recouvra, vers 48 a.C., grâce à Jules César et à l’intervention de son ami pergaménien
Mithridatès. En 85 a.C., à l’achèvement de la Première guerre mithridatique, plusieurs cités ayant supporté
Rome furent récompensées, et d'autres sanctionnées. Comme Pergame se rallia au roi du Pont lors de cette
guerre, elle perdit sa liberté et certains de ses droits à ce moment, à l’instar de Mytilène en 80 a.C.

  21  
Asie en 74 puis en 71-70 a.C., mais aussi de la part des notables des cités, au moyen
d’ambassades auprès de Rome 57.

Diodôros Pasparos comptait parmi ces riches citoyens qui jouaient de leur influence au
Sénat pour alléger le fardeau des dettes de leur cité. Pour son ambassade à Rome, il obtint,
entre autres, la remise du tribut imposé à Pergame et un dédommagement pour les abus et
la violence des troupes romaines installées sur le territoire 58. L. Robert propose qu’à cette
occasion, Diodôros aurait rapporté le traité d’amitié et d’alliance entre Rome et Pergame,
au lendemain de la guerre contre Aristonikos 59. Outre ces succès, Diodôros dépensa de
grosses sommes d’argent dans le cadre de sa prêtrise héréditaire de Zeus Mégistos 60, mais
surtout pour la rénovation du gymnase des néoi, devenu désuet et inutilisable, qu’il orna
d’un portique lors de sa gymnasiarchie. Il réinstaura également des festivals interrompus
par les récentes guerres, dont les Nikèphoria 61. Pour ses actions, il reçut comme honneurs
les mégistai timai, la couronne d’or de la valeur, plusieurs statues désignées soit comme
eikônes, soit comme agalmata et se vit offrir la proédrie dans tous les festivals triennaux,
les Panathénées et autres concours, ainsi que le privilège de se voir brûler de l’encens lors
des assemblées 62.

L’ultime honneur, celui qui le différenciait des autres grands évergètes de son époque, se
retrouve dans IGR IV, 292 (nº 1A). Le conseil et le peuple décidèrent d’honorer Diodôros
de la mémoire éternelle et immortelle en raison de ses vertus, du salut qu’il offrit à sa cité
par son ambassade à Rome, et en sa qualité de bon citoyen et bienfaiteur 63. Ce privilège


57
C. P. Jones, ibid., p. 203-205.
58
IGR IV, 292, l. 1-15.
59
L. Robert, Études anatoliennes, p. 49. Pour le traité d’alliance, voir Syll3 694.
60
IGR IV, 292, l. 28-30 : [l] | 5’μ?B TD‚μ8C6= :„5IA?= bAˆ:5?E, Dƒ= 5:{ 4~=?EB c6A~2 D?– :ƒB D?–
μ64‚C[D?E] | ;2 KAG:6A~2, 464?=„D2 5:{ @A?4„=I= 6r6A4~D8= ;2 @?<<{ ;2 μ64|<2 6r6A46D€C[2=]|D2 D =
@2DA‚52 
61
IGR IV, 293, Col. I.
62
IGR IV, 292, l. 30-35 : @2A2CD29’=2: 5} ;2 @2A’ ^= M= 3?†<8D2: D›= 6c;„=I= ] Dƒ O42<μ2 C[D€]|<8=
<‚9?E <6E;?–, 6cB ^= K=24A|H2: D„56 Dƒ H€F:Cμ2  ;2<6•C92: 5} 2rDƒ= ;2 6cB @A?65A‚[2=] | Tμ @|C2:B D2•B
@2=84†A6C:= ;2 DA:6D8A‚C:= ;2 @2=298=2‚?:B ;2 D?•B O<<?:B K4›C:=  T@[:]|9†6:= 2rDƒ= ;2 Dƒ= <:32=IDƒ=
V= D6 D2•B 3?E<2•B ;2 D2•B T;;<8C‚2:B D2•B T==„μ?[:B, | oD2=] @2A2DE4G|=8: 
63
Pour la mémoire éternelle et immortelle, voir nº 1E, l. 16-19.

 
prit alors la forme d’un culte, dont les prescriptions sont présentées dans les quelque vingt
dernières lignes du décret présenté ci-dessus.

La liste des prescriptions cultuelles s’ouvre sur la décision voulant que la date
anniversaire du retour d’ambassade de Diodôros devienne un jour sacré (l. 36-37). La
pratique de décréter un jour sacré pour des raisons autres que des concours et fêtes
consacrées aux dieux n’était pas rare, comme en témoignent plusieurs documents
épigraphiques 64. À Pergame, par exemple, le jour de retour de l’ambassade d’Attale III au
cours de laquelle fut consacré le traité avec Rome devint une hiéra hèméra 65. Les lignes
38-40 spécifient ensuite qu’il fallait désigner un prêtre pour Pasparos, en Assemblée,
lorsque l’étaient également les prêtres des autres bienfaiteurs. Le nom de l’élu figurerait
dans les listes, au-dessus de tous les autres, mais en seconde position après celui de Manius
Aquilius, l’organisateur de la province. La position du prêtre de Diodôros dans la liste,
après celui de Manius Aquilius, et le fait que cet honneur lui soit conservé pour toujours,
témoignent de l’importance de cet homme à l’intérieur de sa cité 66.

Les lignes suivantes (l. 40-42), qui indiquent d’autres composantes du culte grec
traditionnel, comme le téménos, le temple et la statue cultuelle consacrée, mentionnent que
le téménos portait le nom de Diodôreion. Cette appellation n’est pas sans évoquer d’autres
lieux du même type, comme le Prépélaion, l’Aratéion, le Xénôneion et le Mènogéneion,
« monuments contemporains élevés en l’honneur de grands évergètes qui ont tous fait
l’objet d’honneurs cultuels » 67. Les lignes 37-38 mentionnent aussi la création d’une tribu
éponyme, Pasparéide. Par ailleurs, pour la ligne 51, L. Robert a démontré qu’elle faisait
référence à la mort de Diodôros, notamment à sa sépulture sur l’agora de la Philétaireia.

64
L. Robert, Hellenica II, 1946, p. 59.
65
OGIS, 332, l. 13-14 : D = 5}  45„8=, = a: @2A64~=6D? | 6cB *~A42μ?=, d6A|= D6 6g=2: [6c]B P@2=D2 Dƒ=
GA„=?= ;2 T= 2rD’: T@:D6<6•C92: (…). Ph. Gauthier, Bienfaiteurs, p. 62.
66
C’est également en deuxième position, après Manius Aquilius, que les vœux sacrés pour Diodôros sont
prononcés par le héraut dans IGR IV, 293, col. II, 23-24 : Tμ μ}= D›: @AED2=6‚I: Dƒ= d6A?;€AE;2 μ6D{
&|=:?= S;†<<:?= T@6†G6C|92: ;2 :?5ˆAI: bAˆ:5?E *2C@|AI: 6r6A4~D8: (…).
67
G. Thériault, CEA Suppl. 1, 2011, p. 63. Avec les références aux documents. Aratéion : Plutarque, Aratos,
53, 4-5; Pausanias II, 8,1 et 9,4; Ph. Gauthier, Bienfaiteurs, p. 61. Prépélaion : J. et L. Robert, Claros I,
p. 63 (l. 23 et 36) et p. 77-85; D. Potter, « Hellenistic Religions », p. 417. Mènogéneion : Sardis VII1, 17,
l. 15; W. H. Buckler et D. M. Robinson, AJA, 18, 1914, p. 321-362; L. Robert, Hellenica IX, p. 9.

 
Par les bienfaits que son ambassade à Rome apporta à sa cité, « il eut alors bien mérité
d’être, comme un nouveau fondateur, enterré dans la ville même, sur l’agora ou au
gymnase » 68.

Dans le Diodôreion « doit être construit un temple de marbre blanc, dans lequel une
statue cultuelle lui sera consacrée » (l. 41-42). Ici, le texte grec emploie agalma pour
désigner la statue. Or, pour parler de cet objet, le grec possédait deux termes : agalma et
eikôn. Bien qu’il y eût des exceptions, le terme agalma désignait, la plupart du temps, une
statue de nature cultuelle 69. Les lignes 19-35 apportent un éclaircissement : que les statues
soient « érigées dans les lieux sacrés et publics opportuns, celles dorées sur un socle de
marbre, celles de marbre également sur une base de marbre, et l’agalma dans le temple qui
sera construit ». Une distinction entre lieux sacrés et lieux publics est présente, et bien que
l’emplacement de chacune des statues ne soit pas indiqué, l’agalmaà la ligne 42 devait être
une statue de nature cultuelle, non seulement parce qu’elle se situait dans un temple, mais
aussi parce que le vocabulaire qui l’entoure, « K=2D:9~=2: » et « ;29:~AIC:B », appartenant
au champ lexical de la consécration, évoque également cette nature. De plus, l’agalma en
question était de marbre, matériel privilégié pour les statues cultuelles 70. Mis à part cet
agalma, le bienfaiteur de Pergame se vit attribuer plus d’une statue cultuelle, mais dans le
cadre d’autres activités.


68
L. Robert, Études anatoliennes, p. 48-50. Comme autres exemples, il nomme « Heropythos, libérateur
d’Éphèse, ou comme Artémidôros de Knide, ami de César et fils de ce Théopompe qui obtint de César la
liberté de sa patrie. » Dans IGR IV, 293, Col. II, l. 60-62, Diodôros porte d’ailleurs le titre de deutéros
ktistès : ;2 K;μ = T@’6r6A46C‚2: 5[:?]:;?Eμ~=?:B 6rG|A:CD?=, ;2 T@6: D?– D›= =~I= | 4Eμ=2C‚?E
;2D6F92Aμ~=?E D6<6‚IB 46=„μ6=?B ;29|@6A 6eB D:B 56†D6A?B | ;D‚CD8B (…).
69
 L’opposition entre ces deux termes, du point de vue religieux, constitue une cause de débat.
A. S. Chankowski, BCH, 122, 1998, p. 173, n. 46, note qu’une tendance voudrait que l’agalmadésigne la
statue cultuelle, tandis que l’eikôn la statue hors contexte cultuel. L. Robert, REA, 62, 1960, p. 316-324
(= OMS II, 832-840) avait pourtant relevé des occurrences de l’utilisation d’eikôn dans un contexte cultuel.
Selon S. R. F. Price, Rituals and Power, p. 172-188 et n. 60, autant l’agalma que l’eikôn pouvaient être
vénérés, la nature de l’opposition résidant plutôt dans l’emplacement de ladite statue. D. Damaskos,
Untersuchungen, p. 304-309, après avoir recueilli le témoignage de plusieurs statues, dont celles de
Diodôros Pasparos et d’Iollas de Sardes, écrit que l’emplacement importait peu, que le culte pouvait être
célébré à l’agora ou au gymnase. Selon lui, « es gibt also weder Grund dafür, den Ehrencharakter eines
6c;ˆ= noch den kultischen Charakter jedes O42<μ2 zu leugnen […] Sowohl die literarische als auch die
epigraphische Überlieferung lässt daher keinen Zweifel an der festgelegten Deutung des Begriffes
O42<μ2 ». Bref, il semble que, même s’il existait des exceptions, l’agalma désignait de manière générale
une statue cultuelle.
70
D. Damaskos, Untersuchungen, p. 309.

  
L’un des trois décrets pour sa gymnasiarchie (nº 1E, l. 16-19), indique que le peuple lui
avait déjà donné une part de la mémoire éternelle par des temples, des statues cultuelles et
« l’honneur dédié en vue de l’immortalité ». Pour A. S. Chankowski, cela représente une
référence directe au culte de Diodôros, tel que prescrit dans le nº 1A (l. 36-55), voté à la
suite de son ambassade. L’auteur note cependant qu’alors que ce décret ne mentionne qu’un
temple et qu’une statue cultuelle, le nº 1E emploie plutôt ces mots au pluriel, ce qui
impliquerait des honneurs cultuels accordés à un autre moment 71. La réponse pourrait se
trouver dans une autre inscription concernant sa gymnasiarchie (nº 1C, l. 14-16), énonçant
un sacrifice (thusia) pour Diodôros auprès d’un agalma, voté pendant son activité de
gymnasiarque, après 69 a.C.72 L’inscription concernant sa sortie de charge de
gymnasiarchie (nº 1D, l. 37-37), quant à elle, fait mention de sacrifices auprès d’un agalma
situé à côté de la statue pour le culte de Philétairos, fondateur de la dynastie attalide. Les
statues en l’honneur de Diodôros portaient l’inscription : « Le peuple a honoré Diodôros,
fils d’Héroïdès, prêtre héréditaire de Zeus Mégistos, grand-prêtre, qui a été bienfaiteur par
tradition ancestrale et qui a rendu de nombreux et grands bienfaits à sa patrie » 73. Cet
élément est crucial pour la compréhension du lien qui existait entre les honneurs reçus et les
bienfaits : c’est en sa qualité ancestrale d’évergète et pour ses bienfaits envers sa patrie que
Diodôros était honoré de la sorte. Le nº 1E (l. 37-39) indique d’ailleurs que non seulement
des honneurs lui avaient été octroyés à la hauteur de ses bienfaits, les isothéoi timai, mais
aussi dans l’espoir que le Pergaménien continue ses actes d’évergésie. Les décrets
honorifques qui le concernent ne cessent d’ailleurs de rappeler, soit son titre d’euergétès,
comme épithète, soit son euergésia 74.


71
A. S. Chankowski, BCH, 122, 1998, p. 165-166.
72
Ibid.; J. H. M Strubbe, « Cultic Honours », p. 322
73
IGR IV, 292, l. 28-30; IGR IV, 293, col. I, l. 45-47; col. II, l. l 5’μ?B TD‚μ8C6= :„5IA?= bAˆ:5?E, Dƒ=
5:{ 4~=?EB c6A~2 D?– :ƒB D?– μ64‚CD?E ;2 KAG:6A~2, 464?=„D2 5:{ @A?4„=I= 6r6A4~D8= ;2 @?<<{ ;2
μ64|<2 6r6A46D€C[2=]|D2 D = @2DA‚52.
74
IGR IV, 292, l. 21-21; IGR IV, 293, col. I, l. l. 33; col. II, l. l. 24; 41-42; 50-51; 60; frag. b, col. II, l. 5;
I. Pergamon, l. 3.

 !
Les prescriptions cultuelles se poursuivent avec une procession et des concours. Vient
ensuite le sacrifice, thusia, effectué sur un autel surélevé, bômos, ce qui correspond au
sacrifice classique grec 75. Comme le veut la tradition, le sacrifice présenté dans
l’inscription comporte un découpage des morceaux de viande, évoqué dans les restes de la
ligne 48 : « […] étant divisées en vue des prix des (?) venant du sacrifice […] ». Ici, les
portions semblent partagées et offertes comme prix aux gagnants du concours organisé
(l. 47) 76.

Somme toute, le culte de Diodôros Pasparos était organisé à l’image des cultes
traditionnels grecs en l’honneur des dieux : un jour sacré, un prêtre, un téménos, un temple,
une statue cultuelle, une procession, un autel et une thusia. Le phénomène de se voir
octroyer des honneurs égaux à ceux des dieux correspondait à une réalité bien précise pour
les Grecs, les isothéoi timai, dont Diodôros fut l’objet, probablement de son vivant (nº 1E,
l. 37-39), ce qui constitue la particularité même du cas de Pasparos.

Le nº 1B, quant à lui, est l’extrait d’un décret pour la gymnasiarchie de Diodôros
Pasparos. En ce qui concerne la datation, A. S. Chankowski situe l’inscription après le
décret pour sa contribution aux Nikèphoria voté pendant la première gymnasiarchie, après
69 a.C. 77 Le passage sélectionné sous-entend qu’il existait à Pergame un culte pour le père
de Diodôros, Héroïdès. En effet, on y mentionne des festivités organisées en l’honneur de
ce personnage, mais plus important encore, des sacrifices offerts par son fils auprès de

                                                                                                               
75
  Selon J. Rudhardt, Notions fondamentales, p. 250-266, la tradition des lexicographes et des scholiastes
distingue deux types de sacrifices : l’un destiné aux morts, aux héros et aux divinités chtôniennes,
caractérisé par l’emploi du verbe énagizein et d’un autel creux eschara ou bothros, l’autre, destiné aux
dieux olympiens, caractérisé par l’emploi du verbe thuein et d’un autel surélevé bômos. Si thusia désignait
presque exclusivement le sacrifice sanglant, la restriction de son destinataire aux dieux olympiens pourrait
cependant ne pas être aussi simple. En effet, J. Rudhardt a relevé quelques occurrences de l’utilisation de
thusia pour des dieux autres que ceux de l’Olympe. L’auteur admet qu’il était rare d’employer thuein pour
les sacrifices héroïques ou funèbres, et qu’effectivement, à plus forte fréquence, il désignait un contexte
olympien, mais il s’adressait aussi « fort souvent à des dieux qu’il serait abusif de classer parmi les
Olympiens, aux Euménides par exemple ». Le sacrifice thusia pouvait être offert à tous les dieux, de sorte
que le type sacrificiel ne se caractérisait pas par son destinataire, mais par les actes rituels le constituant,
eux-mêmes présentant plusieurs variantes.
76
A. S. Chankowski, BCH, 122, 1998, p. 174.
77
Ibid., p. 195.

  26  
l’agalma érigé dans le gymnase 78. La ligne 18 précise à quel moment avaient lieu ces
festivités. À Pergame, comme dans bien d’autres cités, les mois étaient divisés en trois
décades. La première était désignée ἐικάς, et la dernière, ἀπιόντος. Comme il est question
du sixième jour de la dernière décade, il s’agit ici du 26 du mois Dios 79. Selon
Ph. Gauthier, Héroïdès eut également un prêtre attaché à son culte. Au Ier siècle, les
Pergaméniens désignaient « les prêtres des bienfaiteurs » lors des archairésiai, formule qui
incluait à la fois les prêtres des Attalides, des Romains honorés depuis 129 et des grands
évergètes citoyens, parmi lesquels on comptait Héroïdès 80. Ainsi, père et fils furent honorés
d’un culte à Pergame, mais les circonstances qui ont mené à l’instauration du culte pour
Héroïdès demeurent inconnues à ce jour 81. On sait tout de même qu’Héroïdès reçut, comme
son fils, les honneurs pour son évergésie, puisque les inscriptions sur les statues de
Diodôros parlent de l’euergésia ancestrale, et qu’il comptait parmi les « bienfaiteurs » pour
lesquels on désignait un prêtre.

2 : Honneurs pour Iollas de Sardes (entre 50 a.C. et 25 a.C.)

Support :
Piédestal cylindrique de marbre bleu, découvert en avril 1910 au bas des marches de la stoa de
Sardes. Hauteur : 1.00 m. Diamètre supérieur : 0.81 m. Diamètre inférieur : 0.83 m. Hauteur des
lettres entre 0.015 m. et 0.02 m.

Éd. :
W. H. Buckler et D. M. Robinson, AJA, 17, 1913, 29-47, 2, photographie, commentaire et
trad. anglaise; W. H. Buckler et D. M. Robinson, Sardis VII1, 1932, 27 (IGR IV, 1757; F. Canali de
Rossi, Ambascerie, 1997, 336-337, 379; M. Paz de Hoz, Die lydischen Kulte, 1999, 182-183, 10.2;
ISE III, 197, trad. italienne).

Cf. :
Pour l’hypothèse d’Iollas étudiant auprès d’Antiochos d’Ascalon, Ch. Habicht, ZPE, 74, 1988,
215-218.

                                                                                                               
78
J. H. M. Strubbe, « Cultic Honours », p. 321.
79
A. E. Samuel, Greek and Roman Chronology, p. 127.
80
Ph. Gauthier, Bienfaiteurs, p. 63; nº 1C, l. 20 et supra nº 1A, l. 38-40.
81
J. H. M. Strubbe, « Cultic Honours », p. 321.

  27  
Ὁ δῆµος ἐτίµησεν
Ἰόλλαν Ἰόλλου χρυσοῖς στεφάνοις ἀριστή-
οις δυσὶν καὶ ἰκόνι χρυσῇ καὶ ἄλλῃ χρυσῇ κολοσ-
4 σικῇ καὶ ἄλλῃ χρυσῇ ἐφίππῳ καὶ ἄλλαις χαλκαῖς Δ’
καὶ ἀγάλµασιν µαρµαρίνοις τρισὶν καὶ ἄλλαις
γραπταῖς Δ’ ἄνδρα ἀγαθὸν καὶ φιλόπατριν ὄντα
καὶ πολλὰς πρεσβείας τελέσαντα ἐπιτυχῶς καὶ πολ-
8 λοὺς κινδύνους καὶ ἀγῶνας καὶ ἐγδικασίας ὑπὲρ τοῦ
δήµου ἀναδεξάµενον καὶ κατορθώσαντα, καὶ στρα-
τηγήσαντα Ε’ κάλλιστα καὶ πολλὰ καὶ µέγαλα τῶν συν-
φερόντων περιποήσαντ<α> τῇ πατρίδι, καὶ γυµνασιαρχήσαν-
12 τα ἐκ τοῦ ἰδίου βίου ἐπιφανέστατα καὶ ἀγωνοθετή-
σαντα Παναθήναια καὶ Εὐµένηα παρ’ἑαυτοῦ, καὶ γενό-
µενον ἱερέα τῆς Ῥώµης καὶ καλλίστας ποιήσαντα θυ-
<σί>ας τοῖς θεοῖς πολλάκις ὑπὲρ τῆς τοῦ δήµου σωτη-
16 ρίας, καὶ τὰ ἀπὸ τῶν θυσιῶν πάντα διανίµαντα
πᾶσι τοῖς πολίταις καὶ ξένοις ἐν τῇ ἰδίᾳ οἰκίᾳ καὶ
ἐν τῷ γυµνασίῳ καὶ τὰς ἄλλας ἄρξαντα ἀρχὰς
τὰς µεγίστας καὶ ἐν πάσαις ἀναστραφέντα ἀνδρήως
20 καὶ καθαρήως καὶ δικαίως καὶ πολλὰς ἐν παντὶ τῷ
βίῳ ποιησάµενον ἐπιδόσεις τῇ πατρίδι, πάσης
ἀρετῆς ἕνεκεν καὶ εὐεργεσίας τῆς εἰς ἑαυτὸν.

Apparat critique :
L. 14-15 : ΘΥ|ΑΣ sur la pierre.

Traduction :
Le peuple a honoré Iollas, fils de Iollas, de deux couronnes d’or de la valeur, d’une eikôn dorée,
d’une autre, colossale dorée, d’une autre équestre en or, de quatre autres en bronze, de trois
agalmata de marbre et quatre autres portraits peints, lui qui fut un homme de bien et aimant de sa
patrie, qui a accompli plusieurs ambassades avec succès, qui a pris sur lui de nombreux dangers et
conduit heureusement de nombreux procès et poursuites judiciaires pour son peuple, qui a tenu cinq
fois le rôle de stratège de la meilleure façon, qui a procuré de nombreux et grands avantages à sa
cité, qui a exercé la gymnasiarchie à ses frais de la façon la plus illustre, qui a organisé par
lui-même les Panathénées et les Euménèia, qui fut prêtre de Rome et a effectué les plus beaux
sacrifices aux dieux à de nombreuses occasions pour la salut du peuple, qui a distribué toutes les
parts des sacrifices parmi tous les citoyens et les étrangers dans sa propre maison et au gymnase, qui
occupa les autres magistratures les plus grandes, et en toutes celles-ci, se comporta avec vigueur,
mesure et justice, qui fut à l’origine pendant toute sa vie de nombreuses largesses envers sa patrie;
tous ceci en raison de son mérite et des bienfaits envers les siens.

Commentaire :

La datation de ce décret peut être établie entre deux limites assez certaines. La mention
du festival pour Eumène ainsi que celle du culte pour Rome révèlent que le culte

  28  
d’Auguste, répandu largement dans les cités grecques d’Asie peu après 27 a.C., n’était pas
encore établi à Sardes au cours de la carrière d’Iollas. Ainsi, les évènements relatés dans
l’inscription devaient précéder le règne d’Auguste. Le style de la gravure permet à son tour
de resserrer les possibilités. En effet, l’omission de l’iota adscrit, encore utilisé
fréquemment à Priène vers 80 a.C., ainsi que l’allongement du « ει » en « η » devant les
voyelles, indiquent une datation près du règne d’Auguste. Ainsi, selon les premiers
éditeurs, l’inscription ne peut être plus ancienne que 50 a.C., ni plus récente que 25 a.C. Par
conséquent, la carrière d’évergète d’Iollas est à situer à l’intérieur des trente années qui
précédaient ces limites 82.

À la différence de l’inscription concernant Diodôros Pasparos, on ne retrouve pas, pour


Iollas de Sardes, un indice direct de l’existence d’un culte en son honneur. Cependant,
plusieurs éléments de la carrière de ce bienfaiteur et des honneurs qu’il reçut ensuite
pointent dans cette direction. En ce qui a trait à sa carrière, Iollas a conduit plusieurs
ambassades avez succès, probablement à Rome ou devant des magistrats romains, comme
l’ont vu W. H. Buckler et D. M. Robinson 83. Le Sardien exerça aussi la prêtrise de Rome,
fonction souvent réservée à quelques privilégiés qui possédaient des liens avec les plus
hauts dirigeants romains. Potamôn de Mytilène (nº 4), Épikratès II de Milet (nº 7B),
Hybréas de Mylasa (nº 8) et Xénon de Thyatire (nº 10), qui firent tous l’objet d’un culte,
occupèrent cette fonction de prêtre du culte impérial. La datation, quant à elle, indique que
la carrière d’Iollas se situait lors de la période trouble du Ier siècle pour les cités d’Asie
Mineure, période qui correspond à l’apogée du phénomène du culte des grands citoyens
bienfaiteurs.

Pour ce qui est des honneurs, Iollas se vit octroyer un grand nombre de statues, dix au
total, dont certaines d’une grande valeur. Parmi celles-ci, on trouve une statue colossale
dorée, et une autre équestre, honneur rarement décerné puisque réservé aux rois et aux plus
grands des bienfaiteurs, dont il faisait partie 84. À celles-ci s’ajoutent quatre autres statues
                                                                                                               
82
W. H. Buckler et D. M. Robinson, AJA, 17, 1913, p. 33-34.
83
Voir l’apparat critique, l. 8.
84
W. H. Buckler et D. M. Robinson, AJA, 17, 1913, p. 38.

  29  
de bronze et trois agalmata qui, même s’ils ne correspondaient pas toujours à des statues
cultuelles, étaient souvent employés pour les cultes 85. Peu de bienfaiteurs eurent le
privilège de recevoir autant de statues de cette nature. Le décret de l’ambassade de
Diodôros, par exemple, présente une combinaison semblable, avec une eikôn dorée, une
eikôn équestre, deux eikônes colossales en bronze, et un agalma cultuel de marbre 86.
Artémidôros de Knide, qui fit également l’objet d’un culte, reçut pour sa part trois eikônes
dans chacun des matériaux, soit dorée, en bronze ou en marbre, ce qui était
exceptionnel (nº 5, l. 2-4).

Les circonstances exactes qui auraient pu mener à l’instauration d’un culte sont difficiles
à déterminer, puisque l’inscription se présente sous forme d’un résumé des fonctions
exercées et des honneurs octroyés, sans entrer dans le détail. Cependant, les références à la
période trouble à la ligne 8 et aux nombreuses ambassades réussies permettent d’émettre
l’hypothèse qu’il obtint, lors de ses missions à Rome ou auprès de magistrats romains, des
privilèges exceptionnels pour sa cité. Ceux-ci devaient dépasser largement le cadre habituel
des évergésies. Les dernières lignes, quant à elles, mentionnent que « tous ces (honneurs lui
ont été conférés) en raison de son mérite et des bienfaits envers son (peuple) » 87. Encore
une fois, le lien entre les bienfaits exceptionnels et les honneurs reçus est explicite.
Reconnaissants, les citoyens de Sardes votèrent probablement ces honneurs typiques des
grands hommes ayant reçu un culte, en leur qualité d’évergète.

3A : Caelestes honores pour Théophane de Mytilène : Tacite, Annales, VI, 18

Tacite raconte ici l’exil prononcé contre Pompeia Macrina et le suicide de son père et de
son frère, avant leur condamnation à mort, en spécifiant :

… datum erat crimini quod Theophanen Mytilenaeum proauum eorum, Cn. Magnus inter
intimos habuisset quodque defuncto Theophani caelestes honores Graeca adulatio tribuerat.

                                                                                                               
85
Voir le cas de Diodôros Pasparos pour une discussion sur la différence entre l’eikôn et l’agalma.
D. Damaskos, Untersuchungen, p. 297-298 et 304-309 considère les agalmata d’Iollas cultuelles.
86
IGR IV, 292, 19-35.
87
L. 21-22.

  30  
Traduction :

On leur avait fait grief de l’intimité qui avait uni leur bisaïeul, Théophane de Mytilène, à
Cn. Magnus et des honneurs divins qu’avait décernés à Théophane défunt l’adulation des
88
Grecs.

3B : Dédicace triple en l’honneur de Pompée, Théophane et Potamôn (milieu du


Ier siècle a.C.-début du Ier siècle p.C.)

Support :
L’inscription, en dialecte éolien, provient d’un petit monument de marbre gris découvert à Mytilène
et elle est conservée au British Museum (1855,1030.10). Elle est présentée en trois colonnes : (A)
une dédicace pour Pompée à gauche, (B) une dédicace pour Théophane au centre et (C) une
dédicace pour Potamôn à droite. Hauteur : 0.22 m. Largeur : 0.515 m. Épaisseur : 0.265 m. Hauteur
des lettres : 0.012 m.

Éd. :
C. T. Newton, Arch. Zeit, 1854, 515, 8; GIBM, 211; IG XII, 2, 163 (SGDI, 1270; Syll2 338-340;
IGR IV, 55; Syll3 752-754; D. Salzmann, MDAI(R), 1985, 245-260; G. Labarre, Les cités de Lesbos,
1996, 276-277, 19, trad. française ).

Cf. :
Datation, adulation grecque et carrière, L. Robert, CRAI, 113, 1969, 42-64 (= OMS V, 561-583);
Contexte et carrière, B. K. Gold, AJPh, 106, 1985, 312-327; G. Labarre, Les cités de Lesbos, 1996,
92-99; Honneurs cultuels, G. Thériault, CEA Suppl. 1, 2011, 55-58.

A B C

Γναίῳ Ποµπ[η-] [Θ]έῳ Δ[ίι Ἐλευθε-] Ποτάµωνι


ίῳ, Γναίῳ ὐίῳ, ρίῳ φιλοπάτριδι Λεσβώνακτο[ς]
Μεγάλῳ, αὐτο- Θεοφάνῃ τῷ σώ- τῷ εὐεργέτᾳ
4 κράτορι, τῷ εὐ- τηρι καὶ ε̣ὐεργέ- καὶ σώτηρ<ι>
εργέτᾳ καὶ σώ- τᾳ καὶ κτίστᾳ δευ- καὶ κτίστᾳ τᾶς
τηρι καὶ κτίστᾳ. τέρῳ τᾶς πάτριδος. πόλιος.

Apparat critique :

L. 3A : L. Robert, CRAI, 113, 1969, p. 49 (= OMS V, 568) Μεγίστῳ au lieu de Μεγάλῳ.

                                                                                                               
88
Texte établi et traduit par P. Wuilleumier, Paris, Les Belles Lettres, 2003, 129 p., en partie doubles.

  31  
Traduction :

A : À Gnaius Pompée le Grand, fils de Gnaius, imperator, bienfaiteur, sauveur et fondateur. B : Au


dieu Zeus Éleutherios, ami de la patrie, Théophane, sauveur, bienfaiteur et second fondateur de la
patrie. C : À Potamôn, fils de Lesbonax, bienfaiteur, sauveur et fondateur de la cité.

3C : Monnaies portant l’effigie de Théophane (règne de Tibère)

Série de monnaies de l’époque de Tibère présentant au droit l’effigie de Théophane et les mots
Θεοφάνης θεός. Au revers, un buste d’Archédamis, probablement la femme de Théophane 89, avec
les mots Ἀρχεδαµὶς θεά.

Fig. 1 : BMC Troas, Aeolis and Lesbos, p. 198, n. 158-160 av Pl. 39,1.

Commentaire :

Plusieurs auteurs anciens ont mentionné Théophane de Mytilène. Ainsi, grâce à eux,
nous savons qu’il était l’historien et l’ami de Pompée, qu’il accompagna et conseilla lors de
sa campagne en Asie (67-62 a.C.) 90. Plutarque attribue d’ailleurs à Théophane le conseil
qui influença Pompée à s’enfuir en Égypte plutôt que chez les Parthes 91. Le Mytilénien
obtint le droit de cité romaine avec les tria nomina de la part du général, au cours d’une
assemblée militaire 92. De plus, il fut nommé praefectus fabrum 93 et une lettre de Cicéron
témoigne de l’influence encore persistante de Théophane sur Pompée en 51 a.C. 94

                                                                                                               
89
L. Robert, CRAI, 113, 1969, p. 48 (= OMS V, 567); D. Salzmann, MDAI(R), 1985, p. 253.
90
Strabon XI, 2, 2 et XIII, 2, 3. Sur la carrière politique de cet évergète, voir également les études de
L. Robert, CRAI, 113, 1969, p. 42-64 (= OMS V, 561-583); G. Labarre, Tekmeria, 2,1996, p. 44-53 et Les
cités de Lesbos, p. 92-99.
91
Pompée, 76, 6-9; L. Robert, CRAI, 113, 1969, p. 45, n. 5 (= OMS V, 564) et G. Labarre, Les cités de
Lesbos, p. 98-99.
92
Cicéron, Pro Archia, X, 24; Valère Maxime, VIII, 14, 3; L. Robert, CRAI, 113, 1969, p. 47 (= OMS V,
566); J.-L. Ferrary, « Les Grecs des cités », p. 55-56. L’inscription du Syll3 755 témoigne du nom romain de

  32  
En 63 a.C., alors que Théophane faisait campagne auprès de Pompée, Mytilène était
encore possession romaine 95; elle avait en effet perdu sa liberté depuis 80/79 a.C. pour
avoir pris le parti de Mithridate 96. Toutefois, Velleius Paterculus et Plutarque ont
mentionné que Pompée lui rendit sa liberté par égard pour Théophane 97. Il est vrai que ce
dernier avait apporté des bienfaits à Mytilène au début de sa carrière en exerçant la
prytanie, avant même sa collaboration avec Pompée, mais l’obtention de la liberté pour sa
cité représente le plus grand exploit de Théophane 98. Ce haut fait fut d’ailleurs immortalisé
par une inscription, sur la base d’une statue monumentale, datée de 62-61 a.C., dans
laquelle le peuple honora Théophane pour avoir recouvré des Romains « la ville, le
territoire et la liberté ancestrale » et pour avoir rétabli « les sanctuaires ancestraux (les
cultes) et les honneurs des dieux » 99. Pour le récompenser de ces actions, ses concitoyens
lui rendirent l’ultime honneur, celui d’un culte posthume attesté par des documents de
nature littéraire, épigraphique et numismatique.

Le texte de Tacite est un autre témoignage de la place qu’occupait Théophane auprès de


Pompée : il faisait partie de son cercle intime, de ses amici. Mais l’intérêt premier de ce
passage provient du fait qu’il évoque aussi l’existence d’honneurs divins pour Théophane
de Mytilène, en spécifiant qu’ils furent célébrés après sa mort. L. Robert ne voit aucune
raison de ne pas suivre Tacite sur ce point, et c’est pourquoi il affirme que la triple dédicace
sur laquelle le bienfaiteur se voit divinisé serait postérieure à son décès, que G. Labarre
situe entre 46 et 33 a.C. L’extrait mentionne que les honneurs divins « lui avaient été
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                               
Théophane : « Γναίω Ποµπηΐῳ Ἱερότα υἱῷ, Θεοφάνῃ σωτῆρι καὶ εὐεργέτᾳ », « Gnaios Pompeios
Théophane, fils d’Hiéroitas, sauveur et bienfaiteur ».
93
Plutarque, Cicéron, 38, 4.
94
Ad Atticum, V, 11, 3 et II, 5, 1; 17, 3.
95
Cicéron, De Lege agraria, II, 16, 40.
96
L. Robert, CRAI, 113, 1969, p. 47 (= OMS V, 566); G. Thériault, CEA Suppl. 1, 2011, p. 56.
97
Velleius Paterculus, II, XVIII, 3; Plutarque, Pompée, 42, 8.
98
G. Thériault, CEA Suppl. 1, 2011, p. 57. Sa prytanie est indiquée dans une inscription publiée par
V. I. Anastasiadis et G. A. Souris, Chiron, 22, 1992, p. 377-382. Cette découverte vient contredire la vision
qui persistait depuis H. De la ville de Mirmont, REG, 18, 1905, p. 172-174, voulant que Théophane n’était
pas un citoyen très actif dans sa communauté avant Pompée. Selon G. Labarre, Les cités de Lesbos, p. 94, la
fonction de prytane fut assumée avant 67-66 a.C.
99
Photographie, traduction et commentaire chez L. Robert, CRAI, 113, 1969, p. 53-64 (= OMS V, 572-583)

  33  
décernés par l’adulation grecque ». Sur la question de l’adulation, L. Robert explique
qu’elle n’avait rien d’exagéré, puisqu’elle concernait un défunt 100. L’analyse de la dédicace
triple permet d’y voir plus clair.

Sur celle-ci, Théophane porte l’épiclèse de Zeus Éleuthérios, c’est-à-dire Zeus


Libérateur. Il faut donc, selon L. Robert, réduire la portée de l’adulatio graeca. C’est pour
avoir libéré sa patrie que Théophane a été fait « Zeus Éleuthérios ami de sa patrie,
Théophane », et non tout simplement « Zeus Théophane », auquel cas l’adulatio aurait eu
une plus grande portée. Théophane s’insère alors dans la tradition cultuelle de Zeus
Éleuthérios, protecteur des Grecs, dont le culte fut uni, entre autres, à ceux de Rome à
Abdère, d’Auguste en pays grecs et de Néron en Achaïe, tous pour avoir libéré leur patrie.
L’épithète triple reflète bien les raisons pour lesquelles Théophane reçut les honneurs
cultuels : en sa qualité d’évergète, il a pu octroyer à ses concitoyens de grands bienfaits,
comme celui de sauver sa patrie, le faisant ainsi sôter et deuteros ktistès. Sur la dédicace, il
se retrouve entre deux autres fondateurs : Pompée qui accorda la liberté et Potamôn qui la
conserva. Les titres de ktistès sont alors « bien mérités et nullement adulatoires. Il est
capital pour Mytilène qu’elle soit ville libre ou ville sujette de Rome. Théophane, en la
faisant devenir libre de nouveau, est bien comme un nouveau fondateur. C’est un sentiment
civique juste et authentique qui lui décerne ce titre » 101.

Une série de monnaies de l’époque de Tibère, dont la frappe a dû s’étendre de la mort de


Théophane (entre 44 et 36 a.C.) à 33 p.C., témoigne de la divinisation de Théophane
(nº 3C). Sur ces pièces, l’inscription « Θεοφάνης θεός » se lit aux côtés de son portrait,
confirmant le caractère divin du personnage avec l’épithète Théos. Le revers présente le
buste d’Archédamis, portant également l’épithète Théa. On ne sait rien de la vie de cette
femme, outre qu’elle fut probablement l’épouse de Théophane. Ainsi, elle devait porter
l’épithète Théa par assimilation avec son mari. Même s’il n’y a aucune spécification du
dieu avec lequel Théophane était associé, nous pouvons supposer, grâce à la dédicace triple,

                                                                                                               
100
L. Robert, CRAI, 113, 1969, p. 48-50 (= OMS V, 567-569); G. Labarre, Les cités de Lesbos, p. 93.
101
L. Robert, ibid., p. 50-51.

  34  
qu’il s’agissait peut-être de Théophane en tant que Zeus Éleuthérios, statut qui lui valut un
culte. L’idée d’un Théophane Théos a perduré jusqu’en 33 p.C., lorsque sa lignée tomba en
disgrâce auprès de l’Empereur 102. Il ne semble pas qu’il y ait eu par la suite un regain du
culte, car sur un deuxième groupe de monnaies datant de l’époque de Septime Sévère, la
mention Théos a disparu 103.

4 : Honneurs cultuels pour Potamôn de Mytilène (fin du Ier siècle a.C.-début du


Ier siècle p.C.)

Commentaire :

Aucun document ne prouve que le grammairien Potamôn de Mytilène faisait l’objet d’un
culte par ses concitoyens. Toutefois, dans un récent article, G. Thériault en regroupant toute
la documentation concernant cet évergète, est arrivé à la conclusion convaincante qu’il eut
droit aux plus grands honneurs 104. Nous reprendrons donc ici l’essentiel des arguments de
ce chercheur pour démontrer que Potamôn de Mytilène a bien sa place dans cette étude sur
le culte des bienfaiteurs.

Tandis que Théophane tint compagnie à Pompée dans ses campagnes, Potamôn œuvra
plutôt après la bataille de Pharsale. Comme César avait vaincu Pompée, et que Mytilène
était fidèle au parti pompéien, il devenait impératif pour la cité de se rallier à César pour
conserver les privilèges obtenus par Pompée et Théophane 105. La documentation
épigraphique témoigne qu’un citoyen, Potamôn, réussit à maintenir le statut de la cité. La
majorité des inscriptions qui le concernent se trouvaient sur un petit bâtiment, le
Potamôneion, aujourd’hui en ruines 106. Parmi ces inscriptions se trouvent les fragments de
trois lettres de César, adressées au Conseil et au peuple de Mytilène, datées entre août 48 et
février 45 a.C. On y apprend que Potamôn avait effectué des ambassades auprès de César
                                                                                                               
102
G. Labarre, Les cités de Lesbos, p. 93.
103
D. Salzmann, MDAI(R), 1985, p. 260.
104
G. Thériault, CEA Suppl. 1, 2011, p. 55-64.
105
Ibid., p. 59.
106
IG XII, 2, 23-41, 47, 49 et probablement 42-44 selon G. Labarre, Les cités de Lesbos, p. 110, n. 13; IG XII
Suppl. 6-10 et 12; S. Charitonidis, Συµπλήρωµα, 6, 7, 9, 11-15; deux autres inscriptions reconnues par
R. Hodot, EAC, 5, 4 et ZPE, 49, 1982, I, p. 187; un fragment inédit signalé par R. Hodot, Le dialecte éolien,
p. 275, MYT. 026, 8. Le nom du bâtiment se retrouve dans IG XII, 2, 51 : [ - - - Ποτα]µώνειον καλου[µέν -
-], restitution de C. Cichorius, MDAI(A), 1989, p. 257, 29.

  35  
pour préserver les privilèges de sa cité . La dernière lettre annonçait d’ailleurs le succès
107

des démarches et la réponse positive de César, renouvelant sa bienveillance, son amitié et


son alliance avec la cité, tout en maintenant les acquis de Mytilène 108.

La carrière de Potamôn se poursuivit à Rome, où il suivit César en 45 a.C. pour y


demeurer plusieurs années, mais ces faits demeurent à ce jour incertains 109. Potamôn
entretenait également d’excellentes relations avec Auguste, et lorsqu’il revint dans sa
patrie, le dirigeant romain lui remit des lettres prévoyant des conséquences pour
« quiconque oserait commettre des injustices envers Potamôn, fils de Lesbônax » 110. Deux
décrets du Sénat et un traité, datés de 25 a.C., témoignent aussi de la réussite des
ambassades et des négociations auprès d’Auguste, auxquelles Potamôn participa afin de
conserver l’indépendance de Mytilène 111. Trois autres inscriptions du Potamôneion
évoquent des négociations fructueuses, non pas avec Rome, mais avec d’autres cités, dont
Érétrie, Adramytion, et avec le koinon des Thessaliens. La dernière mentionne l’érection
d’une statue équestre en bronze à son image 112. À Mytilène même, une inscription indique
qu’il exerça la fonction d’agonothète, et une autre, que son activité évergétique ne se
limitait pas à la seule cité de Mytilène, mais à l’île de Lesbos toute entière . Selon
113

R. W. Parker, Potamôn joua également un rôle dans l’instauration des cultes de la déesse
Rome et d’Auguste, en tant que prêtre ou de grand-prêtre 114. Une inscription témoigne


107
IG XII, 2, 35 A et B, l. 1-35; R. K. Sherk, RDGE, 26; G. Labarre, Les cités de Lesbos, p. 277-284, 20. Ces
ambassades sont également mentionnées dans IG XII, 2, 24 et IG XII, 2, 24-25 et 30.
108
IG XII, 2, 35, B l. 6-35.
109
W. Stegemann, RE, 22, 1953, col. 1025.
110
Traduction de G. Thériault, CEA Suppl. 1, 2011, p. 60 de la Souda, s. v. *?D2μ›= : ;2 @?D6 2rD?– TB D =
@2DA‚52 T@2=:„=D?B, l 32C:<6…B TF?5:|76: D?:?•C56 4A|μμ2C:  *?D|μI=2 %6C3ˆ=2;D?B 6e D:B K5:;6•=
D?<μ€C?:, C;6H|C9I, 6e μ?: 5E=€C6D2: @?<6μ6•=. Même si ce passage de la Souda place l’événement sous le
règne de Tibère, la documentation épigraphique contredit cette chronologie. Selon W. Stegemann, RE, 22,
1953, col. 1024, la naissance de Potamôn se situe vers 75 a.C., et Pseudo-Lucien (Makrobioi, 23) écrit qu’il
est mort à quatre-vingt-dix ans, donc vers 15 p.C. G. Labarre, Les cités de Lesbos, p. 105, pour sa part, a
proposé plutôt 80 a.C. pour la naissance et 10 p.C. pour le décès, puisque les inscriptions permettent de
situer plus tôt la date de sa première ambassade.
111
IG XII, 2, 35, B, l. 36-43, C, D et E; également IG XII, 2, 44 pour l’ambassade auprès d’Auguste à
Tarragone, à laquelle il aurait participé.
112
Érétrie : IG XII, 2, 27; Adramytion : IG XII, 2, 42; koinon des Thessaliens : IG XII, 2, 43.
113
Agonothète : IG XII, Suppl., 7; activité évergétique : IG XII, Suppl., 9.
114
R. W. Parker, ZPE, 85, 1991, p. 115-129. IG XII, 2, 272 : [*?D]|μI= %6C3[≥ˆ=]2;D?B l 5:{ 3[•?E d6A6†B - ]
| "6› ,632CD› $2‚C2A:. Selon R. W. Parker, on pourrait aussi retrouver KAG:6A6†B au lieu de d6A6†B.

 "
d’ailleurs que son fils fut grand-prêtre d’Auguste (IG XII, 2, 656). La carrière évergétique
de Potamôn lui permit de figurer, selon Strabon, parmi les Mytiléniens qui marquèrent son
époque, et de recevoir plusieurs honneurs en retour pour ses bonnes actions 115.

L’un des décrets ornant le Potamôneion indique que le peuple a érigé à Potamôn une
eikôn en or dans le pronaos du temple d’Asklèpios Sauveur, une eikôn sur une colonne
dans le lieu le plus en vue de l’agora et une couronne d’or 116. Un autre fragment mentionne
une eikôn d’or, dressée sur une colonne 117. Dans IG XII, 2, 272, Potamôn se voit offrir la
proédrie, et plusieurs autres dédicaces ne provenant pas du Potamôneion le présentent en
tant que bienfaiteur, sauveur et fondateur de la cité, comme c’est la cas dans la triple
dédicace en l’honneur de Pompée, Théophane et Potamôn : « Ποτάµωνι Λεσβώνακτο[ς] |
τῷ εὐεργέτᾳ | καὶ σώτηρ<ι> | καὶ κτίστᾳ τᾶς | πόλιος » (nº 3B, col. C) 118.

La preuve de l’existence du culte réside, selon G. Thériault, dans la nature même du


Potamôneion, centre d’un culte héroïque 119. En effet, d’autres monuments de ce genre,
comme le Diodôreion, furent élevés en l’honneur de bienfaiteurs ayant joui d’un culte, sans
compter l’importance que devait avoir le Potamôneion au vu de la quantité de fragments
qui lui étaient associés 120
. Deux autres documents particulièrement révélateurs appuient
l’hypothèse du culte. Le premier est un fragment du Potamôneion (IG XII, 2, 29) contenant
le mot « ἡρωισµός » qui fait référence au culte héroïque, et le second est une dédicace
gravée sur ce que les chercheurs considèrent comme un autel à Potamôn 121.

                                                                                                               
115
Strabon, XIII, 2, 3.
116
S. Charitonidis, Συµπλήρωµα, 6, l. 8-10 : Π[οτάµωνι Λεσβώνακτος εἰκόνα χρυσίαν ἐν τῷ] προναύῳ τῶ
Σωτῆρος Ἀσκλαπιῶ. Ἀνασταθ[ήσεται δὲ ἡ εἰκὼν αὐτοῦ ἐν τῷ ἐπιφανεστάτῳ τό]πῳ τᾶς ἀγορᾶς ἐπὶ
στυλίδος διαξύστω (…).
117
IG XII, 2, 25, l. 4 : … καὶ εἰκόνα χρυσίαν ἐπὶ στ[υλίδος διαξύστ]|ω.
118
Pour d’autres dédicaces le présentant ainsi : IG XII, 2, 159-162; 163c; IG XII, Suppl., 43-44.
119
M. Rostovtzeff, Histoire économique, p. 581; S. R. F. Price, Rituals and Power, p. 50 et n. 20.
120
G. Thériault, CEA Suppl. 1, 2011, p. 63 et n. 50-56, note également le Prépélaion, consacré à Prépélaos,
stratège de Cassandre et de Lysimaque, l’Aratéion, consacré à Aratos, stratège de la Confédération
Athénienne, le Xénôneion, consacré à Xénon de Thyatire, héros et évergète, et le Mènogéneion, consacré à
Ménogénès, évergète de Sardes.
121
Ibid., p. 63 et n. 59. Le Liddell & Scott traduit ἡρωισµός par « worship of heroes », mais en raison de
l’état fragmentaire du texte, G. Thériault tente d’éviter toute conclusion hâtive, en précisant tout de même
que la probabilité qu’il s’agisse d’un culte héroïque est plutôt forte. Pour la dédicace d’autel : IG XII,

  37  
Considérés comme un tout, et comparés aux cas déjà étudiés, ces divers éléments
semblent confirmer l’hypothèse de G. Thériault sur l’existence d’un culte héroïque à
Potamôn. Tout d’abord, à l’instar des autres évergètes du corpus, Potamôn entretenait
d’étroites relations avec de hauts dirigeants romains qui lui permettaient d’obtenir de
grands bienfaits pour sa cité, comme l’itération par Auguste des privilèges acquis sous
Pompée et César. Il reçut les mégistai timai typiques des grands bienfaiteurs de la basse
époque hellénistique, dont plusieurs statues, et le nombre important d’inscriptions à son
sujet est comparable à celles dédiées à Diodôros. Il acquit lui aussi le titre de sauveur,
évergète et fondateur de la cité, et son nom se retrouvait sur une dédicace triple, au côté de
Théophane, divinisé pour des actes de bienfaisance semblables à ceux de Potamôn. Tout
comme ce dernier, c’est en sa qualité d’euergétès, pour ses bienfaits envers sa patrie, qu’il
obtint les titres de sôter et de ktistès. La plus grande partie des inscriptions à son sujet se
trouvait sur le Potamôneion, bâtiment souvent mis en parallèle avec le Diodôreion, enclos
sacré en l’honneur de Diodôros Pasparos. Sur ce Potamôneion, un fragment d’inscription
réfère à un culte héroïque, et les chercheurs semblent avoir identifié un autel dédié à
Potamôn.

5 : Honneurs cultuels pour Artémidôros de Knide (sous Auguste)


 

Support :
Bloc de marbre bleu, cassé dans le haut, légèrement abimé à gauche et à droite. Découvert dans un
gymnase, ou près du site supposé de celui-ci, par W. J. Hamilton qui l’a remis à C. T. Newton.
Selon A. Laumonier, Cultes indigènes, p. 661, l’emploi des parfaits ἑστάκει (l. 11) et τετιµάκει
(l. 19) montre sans doute que l’inscription provenait à l’origine de la tombe d’Artémidôros.
L’inscription, en dialecte dorien, est aujourd’hui conservée au British Museum (1859,1226.764).
Hauteur : 0.86 m. Largeur : 0.66 m. Épaisseur : 0.53 m.

                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                               
Suppl., 44 : Ποτάµωνι Λεσβώνακτος τῶι εὐεργέτᾳ καὶ κτίστᾳ τᾶς πόλιος et R. W. Parker, ZPE, 85, 1991,
p. 121, n. 25.

  38  
Éd. :
W. J. Hamilton, Researches in Asia Minor II, 1842, 459-460, 294; C. T. Newton, Discoveries II,
1863, 766-768, 52 et planche 93; Ph. Le Bas–W. H. Waddington, 1870, 387, 1572bis; GIBM, 787;
(SGDI, 3502; DGE, 265; I. Knidos 59; G. Thériault, Phoenix, 57, 2003, 243-244, trad. française).

Cf. :
Sur l’héroïsation d’Artémidôros, F. Deneken, Lexikon Roscher 1.2, 1886-90, 2547; L. Cerfaux et
J. Tondriau, Culte des souverains, 1957, 466; A. Laumonier, Cultes indigènes, 1958, 660-661;
D. Magie, RRAM I, 1950, 406 et II, 1262 n. 11; Ph. Gauthier, Bienfaiteurs, 1985, 62;
K. Höghammar, Sculpture and Society, 1993, 43-44, 20; F. Quass, Honoratiorenschicht in den
Städten, 1993, 145; Sur l’influence de la famille d’Artémidôros à Knide, G. Thériault, Phoenix, 57,
2003, 232-256; Pour un bref résumé, J. H. M. Strubbe, « Cultic Honours », 2004, 324; Sur les
funérailles, É. Chiricat, « Funérailles publiques », 2005, 212-213; Sur l’obtention de la ciuitas
romana, J.-L. Ferrary, « Les Grecs des cités », 2005, 57-58.

0 [ — — — — ]
[χρυσ]<έ>ωι θαλλοῦ στεφάνωι καὶ ἄλλοις
[χρ]υσέοις στεφάνοις τρισί, εἰκόσι
[χα]λκέαις τρισὶ καὶ µαρµαρίναις
4 [τρι]σὶ καὶ χρυσέαις τρισί, ἀναγορεύσεσ[ι]
[κα]ὶ στεφαναφορίαις καὶ προεδρίαις
[ἐ]ν̣ πᾶσι τοῖς ἀγῶσι καὶ αὐτῶι καὶ
[ἐ]κγόνοις, σιτήσει ἐν δαµιοργίωι
8 [ἇ]ς κα ζώηι · καὶ ἐπεί κα µεταλλάξηι
τὸν β̣ίον, ταφᾶι δαµοσίαι καὶ ἐνταφᾶι
κατὰ πόλιν ἐν τῶι ἐπισαµοτάτωι
τοῦ γυµνασίου τόπωι · ἑστάκει δὲ
12 [αὐ]τοῦ καὶ εἰκόνα χρυσέαν σύνναον
[τ]ᾶ̣ι Ἀρτάµιτι τᾶι Ἱακυνθοτρόφωι
[κ]αὶ Ἐπιφανεῖ, ἇς καὶ αὐτᾶς ἱερεὺς
[ὑ]πάρχει διὰ βίου · καὶ βωµὸν
16 ἱ̣δρυσά̣µενος καὶ θυσίας καὶ ποµπὰν
καὶ γυµνικὸν ἀγῶνα πένταετηρικὸν
ψαφ[ι]ξάµενος Ἀρτεµιδώρεια
τετιµάκει αὐτὸν τιµαῖς ἰσοθέοις

Apparat critique :
L. 1 : Hamilton . . . ΝΩΙ ΘΑΛΛΟΥ ΣΤΕΦΑΝΟΙ; Waddington χρυσέωι στε|φά]νωι θαλλοῦ
στεφάνῳ. Selon Hirschfeld, il semblerait étrange qu’une simple couronne d’olivier apparaisse parmi
des honneurs si prestigieux, c’est pourquoi il suggère plutôt χρυσέ]ῳ θαλλοῦ στεφάνῳ, d’après une
restitution de Boeckh dans une inscription de Lemnos (CIG, 2155). Les mots qui suivent, ἄλλοις
χρυσέοις στεφάνοις, feraient alors plus de sens. Aujourd’hui, l’inscription est plus endommagée
qu’à l’époque de l’editio princeps, de sorte qu’il est impossible de vérifier s’il y avait bel et bien un
Ν devant ΩΙ. L. 7 : le δηµιουργῖον, endroit où siégeaient les δηµιουργοί, était aux cités doriennes ce
que le prytanée était aux cités ioniennes. G. Hirschfeld, GIBM, 787, p. 3.

  39  
Traduction :
… par une couronne dorée de feuillage, trois autres couronnes dorées, trois statues de bronze, trois
de marbre et trois dorées, par des proclamations, des stéphanéphories et des proédries dans tous les
concours, pour lui et ses descendants, par la nourriture à vie au damiorgion; et à sa mort, par une
sépulture publique et un tombeau dans la cité, dans le lieu le plus en vue du gymnase; on lui a aussi
dressé une statue dorée synnaos d’Artémis Hyakynthotrophos et Epiphanès, dont il est prêtre à vie;
après lui avoir érigé un autel et décrété des sacrifices, une procession, et un concours gymnique
pentétérique, les Artémidoreia, on lui a décerné des honneurs isotheoi. 122

Commentaire :

Vers la même époque que Potamôn, sous Auguste, des honneurs cultuels étaient
accordés à Artémidôros, bienfaiteur de Knide. Son père, Gaios Ioulios Théopompos, fut
honoré dans cette même cité aux environs de 48-44 a.C. pour avoir obtenu de César, en
48 a.C., la liberté de la cité et l’exemption de taxes. En novembre 45 a.C, un traité
d’alliance scella ce statut, et les serments entre les deux cités furent échangés en présence
de Théopompos et de ses deux fils, en plus des ambassadeurs 123. Comme son père,
Artémidôros entretenait une amitié avec César, dont il fut l’hôte lors des évènements de
48 a.C. à Knide. Selon plusieurs auteurs anciens, il tenta en vain de prévenir César du
complot élaboré contre lui  et dut s’enfuir de Rome avec son père, vers Alexandrie, à la suite
du meurtre 124. En raison des évènements, sa famille et lui ne purent retrouver leur position
à Knide qu’après la victoire d’Auguste 125.

G. Hirschfeld supposa qu’Artémidôros avait obtenu d’Auguste — reconnaissant du


soutien du Knidien envers son oncle — le maintien des privilèges et du statut de Knide,
acquis par son père auprès de César . Pour ces loyaux services, ses concitoyens
126

l’honorèrent des mégistai timai : « (Le peuple des [K]nidiens) a honoré des plus grands
honneurs Gaios Ioulios Artémidôros […] et parce que dans toute son activité civique, il se
                                                                                                               
122
Traduction de G. Thériault, Phoenix, 57, 2003, p. 244.
123
I. Knidos 33, A l. 5-9.
124
Appien, Guerre civile, II, 116; Plutarque, César, 65; Appien, Guerre civile, II, 116; Dion Cassius, 44, 18;
Cicéron, Philippesques, 13, 33; G. Thériault, Phoenix, 57, 2003, p. 242.
125
K. Höghammar, Sculpture and Society, 20.
126
G. Hirschfeld, GIBM, 787, p. 3. Cette hypothèse est également soutenue par A. Laumonier, Cultes
indigènes, p. 660-661; S. R. F. Price, Rituals and Power, p. 49; K. Höghammar, Sculpture and Society, 20;
W. Blümel, I. Knidos 44; F. Quass, Honoratiorenschicht in den Städten, p. 145; G. Thériault, Phoenix, 57,
2003, p. 244.

  40  
montre homme de bien et n’a cessé, avec son père et son frère, de dire et de faire toutes
choses par lesquelles le peuple, ayant recouvré sa liberté ancestrale et étant autonome, vit
dans un régime démocratique. » 127 Or, cet honneur s’adressait également au père et au
frère d’Artémidôros, Hippokritos, pour qui un décret employant la même formulation fut
rédigé 128. Mais contrairement à son frère, Artémidôros se vit octroyer les isothéoi timai.

Pour la datation, les éditeurs s’entendent, sans plus de précision, pour la période du règne
d’Auguste. K. Höghammar ajoute toutefois qu’Artémidôros est connu comme un
contemporain de Strabon (60 a.C. – 21 p.C.). Alors que son père Théopompos recevait les
honneurs à Knide, Kos et Rhodes, vers 48-44 a.C., Artémidôros devait être âgé de 15 ou
20 ans, ce qui rend improbable qu’il ait reçu de tels honneurs à cette époque.
J. H. M. Strubbe semble tout de même dater l’inscription de cette période : « the inscription
then should be dated shortly after 48 BC, when Artemidoros was still alive » 129.

L’un des premiers éléments remarquables est l’attribution des statues (l. 2-4). On trouve
certes des attestations de trois statues pour un même homme, de matériaux identiques ou
différents, mais le cas de trois statues décernées pour chacun des matériaux, soit le bronze,
le marbre et l’or, est unique 130. Viennent ensuite les honneurs plus typiques de cette
époque : proclamations, stéphanéphories, proédries et nourriture au damiorgion (l. 5-8).

Aux lignes 8 à 11, les concitoyens d’Artémidôros lui offrirent des funérailles publiques
et un tombeau à l’intérieur des murs de la cité, dans l’endroit le plus en vue du gymnase. À
l’instar de Diodôros, il semble y avoir ici un lien entre le culte des bienfaiteurs et le
gymnase. J. Delorme affirme, à tort, que ce témoignage représente un indice de la
dégradation de la reconnaissance publique amorcée à cette époque, puisqu’Artémidôros
                                                                                                               
127
I. Knidos 55. Traduction de G. Thériault, Phoenix, 57, 2003, p. 243.
128
I. Knidos 54.
129
K. Höghammar, Sculpture and Society, 20; J. H. M. Strubbe, « Cultic Honours », p. 324.
130
G. Hisrchfeld, GIBM, 787, p. 3. Trois statues pour un même personnage : Démosthène, Sur la Couronne,
91; Athénée, V, 203 a et b. À Koloé, un homme reçoit une statue de bronze, une autre de marbre et un
portrait (A. M. Fontrier, BCH, 5, 1881, p. 325). Trois statues, chacune d’un matériel différent, sont
attestées à Téos (CIG, 3085), à Halicarnasse (GIBM, 893) et à Kymè (CIG, 3524).

  41  
n’aurait prodigué aucun bienfait particulier envers la communauté gymnasiale. Comme si
n’importe qui, pourvu qu’il appartînt à une famille de renom, pouvait aspirer à une
sépulture dans cet établissement 131. G. Thériault réfute cette affirmation, non seulement
parce qu’elle est liée à une mauvaise conception de l’adulation grecque, mais aussi parce
que rien n’empêchait les citoyens d’honorer au gymnase l’un de leurs évergètes pour ses
bienfaits envers la cité, qu’ils aient été ou non en lien avec l’institution du gymnase 132.
D’ailleurs, L. Robert a démontré que le gymnase jouait, à cette époque, le rôle d’une
seconde agora 133. G. Thériault, à propos du lien entre le gymnase et le culte d’Artémidôros
écrit :

Voué à l’éducation et à la formation de jeunes hommes formant l’élite du futur


corps civique et une source inestimable de bienfaiteurs potentiels, le gymnase
était un lieu de promotion par excellence pour l’évergétisme. Or, en mettant la
clientèle de l’établissement en contact permanent avec le tombeau d’hommes
ou de héros exceptionnels, elle suscitait manifestement chez elle un désir
d’émulation dont auraient à se réjouir les cités. Tel fut le cas pour Artémidôros
et il n’y a aucun risque à supposer que c’est également à cet endroit que furent
élevé l’autel et célébrés les sacrifices qui lui furent octroyés. On ne doute pas
non plus du rôle prépondérant de la communauté ‘’gymnasiale’’ dans
l’ensemble des célébrations : sacrifices, procession, concours gymnique
pentétérique 134.

Comme les premières lignes de l’inscription sont manquantes, il est impossible de dire si
Artémidôros y était présenté à titre d’euergétès, mais sa sépulture au gymnase, lieu de
promotion de l’euergésia pour les générations à venir, témoigne en elle-même du lien entre
les honneurs cultuels reçus et l’activité évergétique du Knidien. Pour d’autres, ce n’est pas
le lieu de la sépulture qui pose problème, mais plutôt de savoir si les citoyens de Knide
célébraient les honneurs cultuels à Artémidôros de son vivant. La plupart s’entendent sur le
fait que le culte fut décidé alors qu’il était en vie, puisqu’il n’était pas rare que ces décrets
                                                                                                               
131
J. Delorme, Gymnasion, p. 342.
132
G. Thériault, Phoenix, 57, 2003, p. 250. L. Robert, AntCl, 35, 1966, p. 422, n. 7 (= OMS VI, 46), avait déjà
réfuté lui aussi la théorie de J. Delorme. É. Chiricat, « Funérailles publiques », p. 212, note également que
ce n’est pas pour ses bienfaits envers le gymnase qu’Artémidôros reçut ces honneurs, mais bien en
récompense pour toute son action politique.
133
L. Robert, AntCl, 35, 1966, p. 422 et n. 7 (= OMS VI, 46).
134
G. Thériault, Phoenix, 57, 2003, p. 250. É. Chiricat, « Funérailles publiques », p. 222, considère lui aussi
comme l’une des finalités d’un tel honneur le désir de provoquer l’émulation chez les jeunes gens.

  42  
prévoyassent les funérailles et la sépulture, mais certains, comme A. Laumonier, L. Cerfaux
et J. Tondriau et F. Deneken pensent qu’il était célébré uniquement après la mort de
l’évergète. Ph. Gauthier, quant à lui, parlait d’un culte « décidé et créé du vivant du
bienfaiteur », comme celui de Diodôros Pasparos, et G. Thériault pense qu’il aurait pu tout
aussi bien être célébré de son vivant, et avoir perduré après son décès 135. Aucune preuve
décisive ne permet de savoir si le culte était célébré du vivant du bienfaiteur. Toutefois, les
chercheurs s’entendent au moins sur le fait qu’il fut décidé alors qu’il était encore en vie.

Le décret mentionne par la suite l’érection d’une statue dorée sunnaos d’Artémis
Hyakunthotrophos et Épiphanès, dont il était prêtre à vie (l. 11-15). Dans son étude
consacrée au concept de sunnaos, A. D. Nock a su démontrer le caractère exceptionnel de
cet honneur, le plus souvent réservé aux monarques. Un citoyen bienfaiteur recevait de
façon courante une statue dans un endroit public, mais le bienfaiteur d’un corps religieux
ou de la cité tout entière pouvait obtenir une telle représentation dans un temple 136. En tant
que prêtre à vie d’Artémis Hyakunthotrophos et Épiphanès et en tant que bienfaiteur de la
cité, il était donc naturel qu’Artémidôros fût associé à la déesse par sa statue sunnaos.

Artémidôros reçut finalement les honneurs divins traditionnels, comme Diodôros


Pasparos auparavant, soit un autel, bômos, des sacrifices, thusiai, une procession et un
concours gymnique (l. 15-19). À l’instar des autres évergètes du corpus, il sut faire bon
usage de ses relations avec les Romains, notamment César et Auguste, afin d’obtenir ou de
confirmer des privilèges exceptionnels pour sa cité.

                                                                                                               
135
G. Hirschfeld, GIBM, 787, p. 3, l. 8; A. Laumonier, Cultes indigènes, p. 660; L. Cerfaux et J. Tondriau,
Culte des souverains, p. 466; F. Deneken, Lexikon Roscher 1.2, 2547; Ph. Gauthier, Bienfaiteurs, p. 62-66;
G. Thériault, Phoenix, 57, 2003 p. 244-245.
136
A. D. Nock, Essays I, p. 231-236.

  43  
6 : Honneurs à Cyzique pour Asklépiadès, Oiniadès et Démétrios (entre 15 a.C. et
15 p.C.)
 
Support :

Plaque de marbre blanc, brisée dans le haut, où il devait y avoir un fronton. Elle a été découverte à
Bandırma, ancienne Panormos, qui était l’un des deux ports de Cyzique. Les 8 premières lignes et
les 9-10 dernières ont été endommagées, car l’inscription a été encastrée dans une fontaine.
Hauteur : 0.72 m. Largeur : 0.95 m. Épaisseur : 0.18 m.

Éd. :

H. G. Lolling, MDAI(A), 1884, 28-34 (F. W. Hasluck, JHS, 23, 1903, 89-91, commentaire et
nouvelle restitution pour la l. 13; IGR IV, 159; F. M. Kaufmann et J. Stauber, Asia Minor Studien,
1992, 63-67, 10; É. Chiricat, « Funérailles publiques », 2005, 214-223, trad. française).

Cf. :

Constatation des dommages sur la pierre après qu’elle ait été encastrée dans la fontaine et absence
de la ligne 24, W. Ruge, BPhW, 1892, 740; Commentaire sur les l. 19-20, Ad. Wilhelm, Wiener
Eranos, 1909, 133; F. W. Hasluck, Cyzicus, 1910, List of inscriptions, I 10; M. P. Nilsson, Die
hellenistische Schule, 1955, 65; Sur le couronnement annuel du bienfaiteur, J. et L. Robert, BE,
1964, 227; L. Robert, Hellenica VIII, 96 et Cours au Collège de France 1972-1973, 476 (= OMS V,
26); À propos du culte d’Asklépiadès, J. H. M. Strubbe, « Cultic Honours », 2004, 324-325;
É. Chiricat, « Funérailles publiques », 2005, 214-223.

  44  
[ - - ] -)' [ — — — — — — — — —]
[ - - ] ' *#,0  [ — — — — — — — — —]
1''###& # [ — — — — — — — — —]
4 ;2 D?…B O[<<?E]B [@]?[<‚D2B — — — — — — — —]
2rD›= *# [. . . .] /!, [. . . .] .# [ — — — — K=24?A6†?=D?B D?–]
;€AE;[?B D]|[56  l] 5’μ?B ;[2] ?[d] @A2[4μ2D6E„μ6=?: —Iμ2•?: CD6F2=?–C:= 8]-
μ€D[A]:?= )c=:|5[?]E KA6D[’B W]=[6;6= ;2 6r=?‚2B D’B 6cB 2rD?…B – ]
8 CD6F2=?–C92: 5} 2rDƒ= ;2 T= D?•B [;2D’T=:2EDƒ= K4?]μ~=?:B 4Eμ[=:;?•B K4›C:=]
D›= —[I]μ2‚I= [K]=24?[A]6[†]?=D?B [D]?– ;[€AE;?]B oD: [l] 5’μ?B CD6F2=?• [8μ€]-
DA:?= )c=:|5?[E @]|[C]8B K[A]6D’B W=6[;6=  lμ]?‚IB 5} CD6F2=?–C92: 2rDƒ= ;2
T= D?•B ;2D’V=:2EDƒ= D:96μ[~]=?[:B 6rG]2A:CD8A‚?:B K4›C:= bAš?:B Dœ @|@-
12 @I: 2rD?– SC;<8@:|58: D›: ?c;[‚CD8: ;2 D]?•B CE=24I=:C2μ~=?:B 2rD›: ;2D’ S-
<6>2=5A6‚2(=) T= D›: [;2]D[{] *D?[<6μ]2[•?= @?]<[~]μ™ μ6D{ D{B D?– @2DAƒB 2rD?–
;2 D?– 96‚?E CD6F2=ˆC6[:B K=24]?A6[†?=D]?B [D]?– ;€AE;?B oD: l 5’μ?B CD6F2=?•
8μ€DA:?= )c=:|5?E D?– SC;<8@:|5?E @|C8B 46=„μ6=?= O>:?= D:μ’B D’:
16 @2DA‚5:, K=2D69’=2: 5} 2rD›: 6c;[„=2 D6<6‚2=] 4A2@D = T= n@<I:
T@:GA†CI: ;2 [O4]2<μ2 μ2A[μ|A:=]?= [T= D]›: D?– SC;<8@:?– ;2 S@„<<I=?B d6A›[:]
uF’ N s@?4A|H2: oD: l 5’μ?B 8μ€DA:?= )c=:|5?E D?– SC;<8@:|5?E 5:{ D(’)B
V; D6 2rD?– ;2 D›= @A?4„=I= 6cB D = @„<:= 6r6A46C‚2B  O=2D69’=2:
20 5} ;2 CD€<8= [<6]E; [= <:9]6‚2= @Aƒ D?– 4Eμ=2C‚?E T= D’: ;2D2C;6E-
27?μ~=8: CD? [Dœ 5€μ]I: s@ƒ D?– K56<F?– 2rD?– :?=EC‚?E D?–
)c=:|5?E T; D?– c5‚?E 3‚?E TF’^= T= D’: CE=D6<?Eμ~=‘ s@ƒ D?– 5€-
μ?E ;2D25A?μ’: D?– @2DAƒB 2rD?– )c=:|5?E D?– SC;<8@:|5?E
24 [CD6F2=?–C92: 2rDƒ= μ6D{ Dƒ= @2D~A2 2rD?– T= D?•B K4›C: D?•B]
K4?μ~=?:B ;2D’T=:2EDƒ= s@ƒ D›= KAG„=DI= D?– 4Eμ=2C‚?E K@ƒ D?–
bAš?E, D?…B 5} =~?EB ;2 TF€3?EB ;2 @2•52B D = TC?μ~=8= CD6F|=I-
C:= 2rD?– @(2)A(2@)~(μ)[@6:]= (?) ;2 T@:C8μ?–C92: (?) K=24?A6†?=D?B D?– ;€AE;?B
28 oD: l 5’μ?B CD6F2=?• 8μ€DA:?= )c=:|5?E D?– SC;<8@:|5?E D’B 5:{
@A?4„=I= 6r[=]?[‚]2[B] 6cB Dƒ= 5’μ?= W=6;6=, @?:?Eμ~=?E D = T@:μ~<6:2=
D’B K=24?A6†C6IB D?– CD6F|=?E D?– ;2D’T=:2EDƒ= 4Eμ=2C:|AG?E,
K=24A2F’=2: 5} 6cB D = CD[€<8= ;2] K=D‚4A2F?= D?–56 D?– H8F‚C-
32 μ2D?B, Dƒ [5}] H€F:Cμ2 [6g=2: s@}A D’B C]ID8A‚2B D’B @„<6IB.

Apparat critique :

Nous adoptons ici l’édition d’É. Chiricat, qui tient compte des commentaires de L. Robert, BE,
1964, 227, et qui a comme point de départ l’édition de F. W. Hasluck. Les derniers éditeurs,
F. M. Kaufman et J. Stauber, avaient ignoré les remarques de L. Robert pour la l. 13. É. Chiricat
opte également pour une copie en majuscules des lettres incomprises des cinq premières lignes.

Traduction :

... le héraut proclamant : « le peuple et les Romains qui commercent dans la cité couronnent
Démétrios, fils d’Oiniadès, en raison de sa valeur et de sa sollicitude envers eux… »; qu’il soit
couronné aussi lors des concours gymniques des Rhômaia, célébrés tous les ans, le héraut
proclamant : « Le peuple couronne Démétrios, fils d’Oiniadès en raison de toute sa valeur »; de
même qu’il soit couronné dans les concours Hèrôa célébrés comme actions de grâce chaque année

 !
en l’honneur de son grand-père Asklépiadès, l’[oikistès], et de ceux qui ont combattu à Alexandrie
dans la guerre contre Ptolémaios, et ceci après les (cérémonies de) couronnement de son père et de
son oncle, le héraut proclamant : « Le peuple couronne Démétrios, fils d’Oiniadès, petit-fils
d’Asklépiadès, qui est digne de tout honneur auprès de la patrie »; qu’on lui consacre un portrait le
représentant en pied, peint sur un bouclier doré, et une statue en marbre dans le sanctuaire
d’Asklépios et Apollon, en dessous desquelles on inscrira « Le peuple (honore) Démétrios, fils
d’Oiniadès, petit-fils d’Asklépiadès, en raison de sa bienfaisance à l’égard de la cité, qui procède à
la fois de lui-même et de ses ancêtres »; que l’on érige également une stèle de marbre blanc devant
le gymnase, dans le portique construit à ses propres frais pour le peuple par son frère Dionysos, fils
d’Oiniadès, stèle auprès de laquelle il sera couronné lors de la katadromè dite de son père Oiniadès,
fils d’Asklépiadès, qui est organisée par le peuple lors des concours célébrés chaque année par les
magistrats du gymnase en partant de l’hèrôon; et que les néoi, les éphèbes et les paides
accompagnent la cérémonie de couronnement qui suivra et qu’ils manifestent leur vive approbation
(?) pendant que le héraut proclamera : « Le peuple couronne Démétrios, fils d’Oiniadès, petit-fils
d’Asklépiadès, en raison de sa sollicitude ancestrale envers le peuple »; prendra soin de la
proclamation de la couronne le gymnasiarque en fonction chaque année; que l’on retranscrive aussi
sur la stèle la copie du présent décret et que le décret soit pour le salut du peuple. 137

Commentaire :

Le décret honorifique pour Démétrios de Cyzique évoque également les honneurs que
son père, Oiniadès, et son grand-père, Asklépiadès, avaient reçus. Pour ce qui est de la date
du document, É. Chiricat propose l’intervalle entre 15 a.C. et 15 p.C. en prenant en compte
le fait que lors de l’akmè d’Asklépiadès, en 46 a.C, son petit fils Démétrios était présent, et
que lorsque le présent décret fut voté, son fils Oiniadès était encore en vie. Ainsi, « si une
génération correspond conventionnellement à trente ans, le délai maximum entre l’ἀκµή du
grand-père et celle du petit-fils est de 60 ans; ceci donne le terminus ante de ca 15 apr. J.-C.
Le terminus post quem est autour de 15 av. J.-C., au cas où Asklépiadès était déjà
grand-père au moment de sa bataille » 138. Ce document est placé aussi tôt dans le corpus
puisque c’est le culte d’Asklépiadès qui nous intéresse tout particulièrement.
J. H. M. Strubbe traita rapidement du cas de ce bienfaiteur pour ensuite l’écarter. Selon lui,
les concours en son honneur ne constituent pas une preuve assez convaincante pour
conclure à l’existence d’un culte 139. É. Chiricat publia cependant une étude convaincante en
faveur d’un culte pour Asklépiadès, dont les principaux arguments sont résumés ici 140.

                                                                                                               
137
Traduction d’É. Chiricat, « Funérailles publiques », p. 216-217.
138
Ibid., p. 221-222.
139
J. H. M. Strubbe, « Cultic Honours », p. 324-325.
140
É. Chiricat, « Funérailles publiques », p. 214-223.

  46  
Tout d’abord, le nom même des Hèrôa, concours célébrés annuellement en l’honneur
d’Asklépiadès et de ses compagnons d’armes, évoque d’emblée des honneurs de type
héroïques. Il est vrai que cet argument à lui seul est insuffisant pour attester l’existence
d’un culte à Asklépiadès, puisque les concours concernaient aussi les autres combattants de
la bataille d’Alexandrie, mais d’autres éléments indiquent qu’Asklépiadès tenait une place
de choix à l’intérieur de ces célébrations. En effet, selon É. Chiricat, le titre d’oikistès à la
ligne 12 ne fait pas référence à la fondation d’une colonie asklépiade à Poimanenon par le
bienfaiteur, comme l’avait proposé F. W. Hasluck, mais « au titre de κτίστης ou de
δεύτερος κτίστης accordé aux grands bienfaiteurs de la basse époque hellénistique, comme
Diodôros Pasparos de Pergame » 141. À cette liste de fondateurs s’ajoutent Théophane et
Potamôn de Mytilène, ainsi que Xénon de Thyatire, qui firent tous l’objet d’un culte.
Asklépiadès était alors honoré lors des Hèrôa en tant que fondateur, certainement pour ses
accomplissements militaires, car non seulement il fut le chef du contingent de Cyzique sous
le commandement de Mithridate de Pergame qui libéra César, mais il faisait également
partie des notables amis des Romains, comme en témoigne son engagement au côté de
l’imperator. Asklépiadès représentait alors la figure principale des combattants pour qui les
Hèrôa furent créés 142. Outre ces faits d’armes, l’évergète a procuré des bienfaits
exceptionnels à sa cité. Ph. Gauthier plaçait de fait Asklépiadès dans sa liste des
bienfaiteurs ayant obtenu la liberté pour leur patrie, mais selon J. H. M. Strubbe, Cyzique
était libre depuis la première guerre mithridatique et aurait plutôt obtenu, à l’époque
d’Asklépiadès, un élargissement de son territoire ou des privilèges fiscaux 143. Dans un cas
comme dans l’autre, les bienfaits accordés justifiaient le titre de fondateur et les honneurs
héroïques. L’inscription indique aussi que les magistrats du gymnase célébraient tous les
ans des concours « partant de l’hèrôon », enclos consacré au culte d’un héros,
probablement Asklépiadès, puisqu’il devait abriter sa tombe 144. Finalement, l’agalma de
marbre pour Démétrios à la ligne 17, également destiné à Asklépiadès et à son fils, va aussi
dans le sens d’un culte.

                                                                                                               
141
Ibid., p. 220. F. W. Hasluck, JHS, 23, 1903, p. 90, n. 3.
142
É. Chiricat, « Funérailles publiques », p. 221.
143
Ph. Gauthier, Bienfaiteurs, p. 61; J. H. M. Strubbe, « Cultic Honours », p. 325, n. 43.
144
É. Chiricat, « Funérailles publiques », p. 220-221.

  47  
Considérés ensemble, tous ces éléments — concours héroïques, titre de fondateur, hauts
faits d’armes, liens avec le pouvoir romain et présence d’un hèrôon — penchent en faveur
de l’hypothèse d’ É. Chiricat voulant que l’hèrôon ait été le « centre d’un culte héroïque en
l’honneur d’un personnage élevé au rang de fondateur de la cité et qui a reçu le privilège
d’être enterré dans le (ou près du) gymnase. […] Son culte dans le gymnase de Cyzique
symbolise en même temps l’attachement de la cité à l’alliance avec Rome et, peut-être, déjà
la nouvelle pax romana » 145. L’inscription représente aussi un bel exemple de la façon dont
pouvaient être liés les honneurs cultuels d’un évergète et ceux de sa descendance. De fait,
on apprend qu’il y avait une épreuve organisée pour Oiniadès, fils d’Asklépiadès, de son
vivant (l. 13-14), ainsi qu’une katadromè (l. 23). Démétrios, fils d’Oiniadès et petit-fils
d’Asklépiadès, reçut des honneurs semblables à ses aïeuls, puisque le décret honorifique
l’inclut dans les différentes festivités prévues pour son père et son grand-père. On lui
consacra un portrait le représentant en pied, peint sur un bouclier doré (l. 16-17), honneur
également octroyé à Iollas (nº 2) et Mènogénès de Sardes (nº 11), ainsi qu’un agalma de
marbre. Cet agalma, même s’il était dédié à Démétrios, concernait également Asklépiadès
et Oiniadès, puisque sa bienfaisance « procéd[ait] également de lui-même et de ses
ancêtres » (l. 17-19). On voit encore ici le lien unissant le culte et les bienfaits : c’est en
raison de leur évergésie héréditaire envers leur cité que les membres de cette famille
obtinrent des honneurs cultuels, dont un agalma 146.

7A : Dédicace pour le Milésien Gaios Ioulios Apollônios II (fin du Ier siècle a.C.)

Support :

Fragment d’architrave de marbre blanc; coupé sur le dessus et sur la droite, brisé à gauche.
Découvert sur le côté Est du 3?E<6ED€A:?=. Hauteur : 0.49 m. Largeur au haut : 0.50 m. Largeur au
bas : 0.44 m. Hauteur des lettres : 0.12 m.

Éd. :

K. Fredrich, Milet I, 2, 1908, 118, 15; P. Herrmann, MDAI(I), 1994, 231, photographie;
P. Herrmann, Milet VI, 1, 1997, 159, 15, corrections apportées à l’editio princeps.

145
Ibid., p. 221.
146
L. 18-19 : 5:{ D[’]B | V; D6 2rD?– ;2 D›= @A?4„=I= 6cB D = @„<:= 6r6A46C‚2B.

 $
Cf. :

Sur l’hypothèse d’une tombe de héros, L. Robert, AntCl, 35, 1966, 421 (= OMS VI, 45);
Commentaire détaillé sur le culte héroïque et restitutions, P. Herrmann, MDAI(I), 1994, 229-234;
P. Herrmann, « Milet unter Augustus », 1-18; Bref apparat critique et publication des corrections
apportées par P. Herrmann, SEG 44, 1997, 942 A; Résumé des honneurs cultuels, J. H. M. Strubbe,
« Cultic Honours », 2004, 325.

[ Ὁ δῆµος]
[Γαΐωι Ἰου]λίωι Ἐπι[κράτους]
[υἱῶι Ἀπο]λλων[ίωι ἥρωι]
[καθι]έρωσ[εν].

Apparat critique :

K. Fredrich fit de cette inscription une dédicace pour Épikratès en restituant plutôt : [ ̔Ο δῆµος] |
[Γαΐωι ̓Ιου]λίωι ̓Επι[κράτει] | [ ̓Ιουλίου Ἀπο]λλων[ίου ἥρωος] | [υἱῶι καθι]έρωσ[εν]. P. Herrmann,
MDAI(I), 1994, p. 231 souligne toutefois que cette restitution ne correspond pas à l’ordre habituel
des nomen et cognomen, et qu’il faut plutôt considérer Apollônios II comme destinataire. La forme
plus ancienne des lettres, comme le Π à hastes dissymétriques, par rapport au Π complet de la
dédicace pour Épikratès, appuie cette hypothèse. L’édition de 1997 rend cette version du texte
restitué.

Traduction :

Le peuple a consacré à Gaios Ioulios Apollônios, héros, fils d’Épikratès.

7B : Dédicace pour le Milésien Gaios Ioulios Épikratès II (fin du Ier siècle a.C.)
Support :

La dédicace est formée de six fragments de marbre bleu, découverts près du mur Nord du
bouleuterion. (a) Côté droit brisé. Hauteur : 0.295 m. Largeur : 1.02 m. Épaisseur : 0.50 m. Hauteur
des lettres : 0,095 m. (b) et (c) Hauteur des lettres : 0.09 m. (b) Côté droit brisé et endommagé.
Hauteur : 0.53 m. Largeur : 0.65 m. Épaisseur : 0.33 m. (c) Hauteur : 0.155 m. Largeur : 0.32 m.
Épaisseur : 0.60 m. (d) et (e) Hauteur des lettres : 0.085 m. (d) Côté droit brisé et côté gauche,
dessus et bas endommagés. Hauteur : 0.31 m. Largeur : 0.26 m. Épaisseur : 0.56 m. (e) Bord
inférieur brisé. Hauteur : 0.40 m. Largeur : 0.57 m. Épaisseur : 0.385 m. (f) Contour endommagé.
Hauteur : 0.21 m. Largeur : 0.28 m. Épaisseur : 0.20 m. Hauteur les lettres : 0.09 m.

  49  
Éd. :

K. Fredrich, Milet I, 2, 1908, 118, 6; P. Herrmann, MDAI(I), 1994, 232, avec photographie;
P. Herrmann, Milet VI, 1, 1997, 156, 6, corrections apportées à l’editio princeps.

Cf. :

Sur l’hypothèse d’une tombe de héros, L. Robert, AntCl, 35, 1966, 421 (= OMS VI, 45);
Commentaire détaillé sur le culte héroïque et restitutions, P. Herrmann, MDAI(I), 1994, 229-234;
P. Herrmann, « Milet unter Augustus », 1-18; Apparat critique et publication des corrections
apportées par P. Herrmann, SEG 44, 1997, 942 B; Résumé des honneurs cultuels, J. H. M. Strubbe,
« Cultic Honours », 2004, 325.

Ὁ δῆµ[ος]
Γαΐωι Ἰουλίωι Ἰου[λίου Ἀπολ]-
λωνίο[υ] ἥ̣ρ̣ωος [υἱῶι ?]
4 Ἐπικρά[τει φιλο]πά[τριδι]
τῶι δι̣[ὰ βί]ου ἀρχιερεῖ
[κ]αθιέρωσεν.

Apparat critique :

À la suite d’une révision des fragments en 1992, P. Herrmann, Milet VI, 1, 1997, 156, 6, a affirmé
qu’il y avait une forte probabilité que ceux-ci correspondissent tous à une seule inscription murale
concernant Épikratès. L. 3 : selon P. Herrmann, MDAI(I), 1994, p. 232, on pourrait retrouver, après
υἱῶι, soit ἥρωι, auquel cas l’emplacement serait inhabituel, ou le nom de tribu Φαβία, mais celui-ci
n’est pas attesté pour les autres membres de la famille.

Traduction :

Le peuple a consacré à Gaios Ioulios Épikratès, fils du héros Ioulios Apollônios, (?), ami de la
patrie et grand-prêtre à vie.

Commentaire :

À Milet, en 40/39 a.C., Gaios Ioulios Épikratès (Épikratès II) exerçait la stéphanéphorie
lors d’une période critique pour la cité. Milet, comme plusieurs autres cités en Asie
Mineure, était aux prises avec les invasions parthes sous Quintus Labienus. Selon
P. Hermann, Épikratès II, et possiblement son père Gaios Ioulios Apollônios
(Apollônios II), avaient pris part à la résistance, ce qui leur valut des honneurs. En
39/38 a.C., une ambassade envoyée à Rome se conclut par la restitution du statut de liberté

  50  
et d’autonomie de la cité, perdu à l’époque de Sylla, alors que Milet appuyait Mithridate 147.
Selon une hypothèse de J. H. M. Strubbe, Épikratès II et son père auraient fait partie de
cette ambassade 148.

On sait peu de choses de la vie du père, Apollônios II, si ce n’est qu’il occupa le poste de
stéphanéphore en 58/57 a.C., qu’il reçut les mêmes honneurs cultuels que son fils, et qu’il
obtint, comme lui, la citoyenneté romaine 149. Plus d’informations sont disponibles sur la
carrière d’Épikratès II, bienfaiteur important de Milet qui joua un rôle décisif dans
l’instauration du culte impérial dans la cité, et qui décéda peu après 6/5 a.C. 150 De
nombreuses inscriptions le présentent comme grand-prêtre du culte impérial, voire le
premier à Milet 151. Une inscription posthume indique que sa prêtrise ne se limitait toutefois
pas à sa cité, mais qu’elle s’étendait aussi au koinon d’Asie et à celui des Ioniens, et qu’elle
était à vie. Ce même texte indique qu’étant « ami » d’Auguste, Épikratès obtint pour sa cité
l’asulia du sanctuaire d’Apollon, l’octroi de territoires le long du Méandre et l’atéleia
« D›= :5Eμ6‚I= ;2 D›= =€CI= », sans compter son travail pour l’embelissement de la
patrie 152. Pour toutes ces raisons, Épikratès est alors honoré du titre de bienfaiteur de la


147
P. Herrmann, « Milet unter Augustus », p. 4.
148
J. H. M. Strubbe, « Cultic Honours », p. 325.
149
Cf. J.-L. Ferrary, « Les Grecs des cités », p. 58-59, pour qui la question de l’obtention de la citoyenneté
romaine soulève quelques interrogations. Dans la liste des stéphanéphores de Milet, ni Apollônios II, ni ses
deux fils, Épikratès II et Apollônios III, ne portent les tria nomina romains des C. Iulii, alors qu’ils sont
désignés comme tels plus tard, dans plusieurs inscriptions. J.-L. Ferrary propose ainsi des pistes de réponse
à cette contradiction. Soit la cité, lorsqu’elle établit ses listes, prit un certain temps avant de reconnaître leur
qualité de citoyen romain, soit Apollônios II et Épikratès II ne reçurent la citoyenneté qu’après l’exercice de
leur magistrature éponyme. Il envisage aussi une troisième possibilité : le principal bénéficiaire de la
citoyenneté romaine serait, dans les fait, Épikratès II, en récompense de sa fidélité lors de la résistance
contre Labienus. Ainsi, Apollônios II l’aurait obtenue seulement en sa qualité de père d’Épikratès, comme
ce fut le cas pour les parents et descendants de Séleukos de Rhosos. Pour le chercheur, cette hypothèse doit
être considérée sérieusement, et justifierait une datation plus basse, post-césarienne, de l’octroi de la
citoyenneté romaine, attestée dans cette famille pour les seuls Apollônios II et Épikratès II.
150
J. H. M. Strubbe, « Cultic Honours », p. 325.
151
Milet I, 2, 6 (P. Herrmann, MDAI(I), 1994, p. 232; Milet VI, 1, 156, 6; SEG 44, 942B); Milet I, 2, 7
(P. Herrmann, MDAI(I), 1994, p. 219-228 a republié les fragments et montré qu’il est bien question
d’Épikratès II et non de son frère Eukratès, qui n’a en réalité jamais existé; SEG 44, 940); SEG 39, 1255;
IG XII, 7, 418 (= IGR IV, 998; L. Robert, Études anatoliennes, p. 53-54 restore [ Ἐpikravt]ou~ comme
ajrcierevw~.); MDAI(I), 1994, p. 206-207 (P. Herrmann, « Milet unter Augustus », p. 2; SEG 44, 938); et
probablement MDAI(I), 1994, p. 228-229.
152
MDAI(I), 1994, p. 206-219, l. 2-14 : )r6A4:<‚?E $2@‚DI=?B, | F‚<?= [5-7]?= 46=„μ6=?=
rD?;A|D?A?B | $2‚C2[A?B 96]?– Ed?– 96?– ,632CD?– ;2 2cD8|C|μ6=[?= D€]= D6 KCE<‚2= D?– S@„<<I=?B
;2 | D = K@[?]42:[?E]μ~=8= GˆA2= s@ƒ D?– &2:|=5A?E | ;2 D?…B 42:6›=2B ;2 D = K[D]~<6:2= D›=

 !
patrie 153. Au même moment que sa prêtrise du culte impérial, il exerçait aussi la fonction
d’agonothète pour les Rhômaia Sébasta, encore une fois à vie 154. Il y a ici une
contradiction, car ces magistratures ne pouvaient se cumuler, s’exerçant plutôt sur une base
annuelle. P. Herrmann émit l’hypothèse qu’Épikratès II fut prêtre à vie lors de la phase
initiale du culte impérial, avant même que les règles sur la durée de la fonction ne soient
fixées, à la fin du Ier siècle a.C. 155. D’autres inscriptions attestent aussi qu’il fut prophète à
Didymes, entre 33/32 a.C. et 27/2 a.C. (ou 20/19 a.C.) 156. Il occupa la gymnasiarchie pour
tous les gymnases de Milet : « D›= =~I=, D’B 46A?EC‚2B (ou D›= @2D~AI=) et D›=
@?<6:D›= », puis ses concitoyens l’honorèrent en tant que « _AI?B F:<„@2DA:B », en sa
qualité d’euergétès de la cité, ce qui témoigne une fois de plus de la relation entre ce type
d’honneurs et les bienfaits 157. Une inscription en deux sections, republiée et corrigée par
P. Herrmann, témoigne de l’amour du milésien pour sa patrie et de ses bienfaits envers
Milet et toute l’Asie. Il accorda aussi des prêts d’argent sans intérêts, et fit profiter sa
communauté de ses liens d’amitié et d’hospitalité avec les autorités romaine, auprès
desquelles il acheva avec succès ambassades et procès. À cela s’ajoute l’embelissement de
la cité et des temples d’Apollon à Didymes et d’Auguste 158. Pour leurs bienfaits envers leur


:5E|μ6‚I= ;2 D›= =€CI=, KAG:6A~2 SC‚2B ;2 D›= | iˆ=?= 5:{ 3‚?E ;2 K4I=?9~D8= 5:{ 3‚?E
;2 | 4Eμ=C‚2AG?= @|=DI= D›= 4Eμ=2C‚I= | ;2 @|C2B D{B <6:D?EA4‚2B T@:D6<~C2=|D2 ;2 5:| D6 <„4I= ;2
VA4I= ;2 K=298|μ|DI= ;2 5IA6›= ;?Cμ€C2=D2 D = @2|DA‚52 ;2 T@:G[?A84€]C2=D2 (…). Voir aussi
P. Herrmann, « Milet unter Augustus », p. 2; SEG 44, 938; pour l’asulia, K. J. Rigsby, Asylia, p. 177-178.
153
MDAI(I), 1994, p. 206-219, l. 14-16 : 6r6A4~D8= | D’B @„<6IB ;[29‡]B D{ @6A 2rD?– H8|F‚Cμ2D2 @6A:~G6:.
154
Ibid., l. 9-10.
155
P. Herrmann, « Milet unter Augustus », p. 10; SEG 44, 938.
156
I. Didyma 159; 205 et 399.
157
Pour les gymnases de Milet, I. Didyma 258 et 339; Milet I, 7, 265.
158
MDAI(I), 1994, p. 219-228. Amour de la patrie, (I) l. 4-5 : |[J?B i?]†<:?B [i]?E<‚?E S@?<|<I=‚?E _AI?B
EdƒB X[@:];A|D8B [F:<]„@2DA[:]B | K= A ;2 DQ<<2 ;2<ƒB ;2 K429[ƒB] s@|AGI= (…); prééminence pour
toute l’Asie, (I) l. 8-10 : 5:{ @ŒC|= D6 KA6[D = D‚]μ:?B, ?r | μ„=?= T@ D’B @2[DA]‚5?B K<<[{ ;2 T]@[]
D’B | CE=@|C8B SC‚2B @AID6†I[=] (…); prêts sans intérêts, (II) l. 6-8 : [T]@:D‚μ?EB D6FE<[2 ……] ?r5} ?:
…….. | [D]’B ;?:=’B s@?CD|[C6IB, N μ}= D?†D]I= @2A’LD?– @A?[52|=6]‚7I= OD?;2, N 5} G2A[:7„μ6=?B
K=]2@„5?D2  VD: 5} ;D<. (voir également L. Migeotte, Emprunt public, nº 98); relations d’amitié et
d’hospitalité, (II) l. 12-13 : D2•B D6 D›= \4?Eμ~=I= F:<‚2:B D6 ;2 >6=‚2[:B | ;2]D2GAˆμ6=?B 6cB D{ D’B
@2DA‚5?B CEμF~A?=D2 (…); ambassades, procès et embellissement des temples, (II) l. 16-20 : 5:’z= D6
D6|<6• K5:2<6‚@DIB @A6C36:›= D6 ;2 T45:;:›=, T> z= CEμ32‚|=6: 6r>’C92: μ}= D{B D?– 96?– ;2 D?– 5€μ?E
@A?C„|5?EB s@’2rD?– ;2 ;6;?Cμ’92: K=29€μ2C: D„= D6 =[6]|‡ D?– S@„<<I=?B D?– :5Eμ~IB ;29‡B D?–
,632CD?– ;[2] | D = @„<:= (…).

 !
patrie, Épikratès II et son père firent l’objet d’honneurs cultuels dans deux dédicaces de la
fin du Ier siècle a.C. 159

Les deux inscriptions sont des dédicaces qui emploient la construction du verbe
kathierôsen avec le datif d’intérêt désignant la personne à qui la consécration s’adresse. Le
texte ne mentionne toutefois pas l’objet auquel le verbe fait référence. P. Herrmann, tout en
n’excluant pas l’hypothèse de statues, penchait pour une autre option 160. En effet, depuis
L. Robert, la tombe de héros élevée dans le bouleutèrion de Milet est associée à une famille
des Gaii Iulii, soit celle d’Épikratès et son père 161. Toutefois, selon P. Herrmann, la
situation s’avérait plus complexe. Si cette tombe correspondait à celle d’Épikratès et de son
père, on s’attendrait à ce que les inscriptions cultuelles les concernant aient été fixées au
tombeau lui-même, ce qui n’est pas le cas. Elles ont été découvertes dans le secteur du
bouleutèrion, et malgré les hypothèses avancées, il demeure impossible d’affirmer à quel
endroit elles avaient été à l’origine conservées. Par exemple, une hypothèse voudrait que
les inscriptions proviennent de la place entre le bouleutèrion et le marché Nord, là où
K. Fredrich situait le Sébasteion. Par contre, aucune installation de tombe n’a été

                                                                                                               
159
P. Grandinetti, dans son article « Le élites citadine », p. 81-102, accorde une section aux Gaii Iulii de Milet
(p. 94-97). Toutefois, il y a quelques incohérences lorsqu’elle aborde les inscriptions concernant le culte à
Gaios Ioulios Épikratès II et à son père Gaios Ioulios Apollônios II. P. Grandinetti écrit : « Il fratello,
C. Iulius Apollonios, viene ricordato in un’iscrizione incisa su diversi blocchi di un muro, in cui viene
riconosciuto dal popolo come ‘’eroe’’ e come archiereus a vita », puis insère comme référence en
n. 42 : « Milet I. 2, 6; ripubblicata da P. Herrmann, si veda SEG 44, 1994, 942 ». Toutefois, selon la
révision de P. Herrmann en 1997, il ne fait aucun doute que Milet, I, 2, 6 concerne Gaios Ioulios
Épikratès II : « Bei einer Revision der Inschriftenfragmente im Jahre 1992 hat sich ergeben, daß diese alle
mit hoher Wahrscheinlichkeit zu einer Wandinschrift gehören und daß diese dem C. Iulius Epikrates
gilt ». La mention de « fratello, C. Iulius Apollonios » est également difficle à saisir, puisqu’aucun autre
auteur n’attribue ces honneurs au frère d’Épikratès, Gaios Ioulios Apollônios III, dont on ne sait presque
rien, outre le fait qu’il occupa la stéphanéphorie en 39/38 a.C. P. Grandinetti poursuit en écrivant : « Allo
stesso modo viene onorato Epikrates e questo ha fatto ipotizzare allo Herrmann che esistesse un culto
eroico a Mileto per Apollônios ed Epikrates, comparabile allo Ξενώνειον per C. Iulius Xenon a
Thyateira », puis insère comme référence en n. 43 : « Milet, I. 2, 15 ». Pourtant, dans ses corrections de
1997, P. Herrmann indique qu’à la suite d’une révision des fragments en 1992, « daß es sich nicht um eine
Weihung für C. Iulius Epikrates handelt, sondern um eine solche für dessen Vater C. Iulius Apollônios,
die neben die dem Sohn geltende Weihinschrift n. 6 zu stellen ist. » La mention d’Épikratès dans cette
inscription correspond plutôt au père de Gaios Ioulios Apollônios II, Épikratès I, grand-père de Gaios
Ioulios Épikratès II. Finalement, ni dans ses références, ni dans sa bibliographie, l’auteure ne mentionne
l’article de P. Herrmann dans lequel il traite toutes ces questions en profondeur, avec édition des textes,
MDAI(I), 44, p. 229-234.
160
P. Herrmann, MDAI(I), 1994, p. 232-234.
161
L. Robert, AntCl, 35, 1966, 421 (= OMS VI, 45).

  53  
découverte à cet endroit. P. Herrmann souleva alors la possibilité d’un culte héroïque local,
qui n’existait pas sous forme de tombe, mais d’un téménos. L’espace entre le bouleutèrion
et le marché du Nord coïnciderait alors avec cette enceinte sacrée. D’ailleurs, la base d’un
monument d’environ 4.25 x 3.80 m, datant de la fin de l’époque hellénistique, fut
découverte dans les environs et pourrait être interprétée comme un petit temple (naïskos).
Malheureusement, un temple de l’époque trajane lui a immédiatement succédé et fut
construit par-dessus. Ce manque de preuves concrètes ne permet d’infirmer ni d’affirmer
cette hypothèse.

Cependant, P. Herrmann, en rassemblant ces divers éléments et en tenant compte du


parcours d’Épikratès, demeura convaincu qu’il y avait à Milet un culte héroïque pour
Apollônios et son fils, avec un Apollôneion ou un Épikrateion, à l’instar du Diodôreion
pour le Pergaménien Diodôros Pasparos et du Xénôneion pour Xénon de Thyatire. L’objet
auquel kathierôsen fait référence correspondait, selon lui, à ce téménos 162.

8 : Honneurs cultuels pour Euthydème et Hybréas de Mylasa (fin du Ier siècle a.C.)

Commentaire :

Une notice précieuse de Strabon à propos de la cité Mylasa en Carie relate la carrière de
deux de ses citoyens les plus influents à la fin du Ier siècle a.C., les rhéteurs Euthydème et
Hybréas 163. À ce témoignage s’ajoutent ceux de Plutarque, de Sénèque l’Ancien, de
Cicéron et de Valère-Maxime, ainsi que quatre inscriptions, dont une dédicace encore
inédite 164. Hybréas fut dirigeant de Mylasa au Ier siècle a.C. à titre de dèmagôgos,

                                                                                                               
162
P. Herrmann, MDAI(I), 1994, p. 232-234. Voir également S. Cormack, Space of Death, p. 245-246 pour
l’identification du naïskos comme un hèrôon pouvant contenir la tombe d’Épikratès II ou Apollônios II.
163
Strabon, XIV, 2, 24, mais aussi XIII, 4, 15 à propos de sa popularité. Voir également la notice de
L. Radermacher, RE, 9.1, 1914, col. 29-31 et les études de G. Marasco, Fra repubblica e impero, p. 37-59;
E. Noè, Italia sul baetis, p. 51-64; F. Delrieux et M.-C. Ferriès, REA, 106, 2004, p. 49-71 pour la première
partie, et p. 499-515 pour la seconde partie.
164
Pour Hybréas : Plutarque, Antoine, 24, 7-9; Sénèque l’Ancien, Suasoriae, IV, 5 et VII, 14; Valère-Maxime,
IX, 14, 2; trois inscriptions d’un culte funéraire (I. Mylasa 534-536). Pour Euthydème : Cicéron, Fam.,
XIII, 56,1 et 3,1. Pour Hybréas et Euthydème, conjointement : une dédicace inédite associant les deux
héros, Hybréas et Euthydème, à la divinité Sinuri. L. Robert évoque l’inscription pour la première fois
dans AJA, 39, 1935, p. 335, sans indiquer la prêtrise : « Un bail inédit mentionne un bail de Σινυρι. Cette

  54  
succédant ainsi à Euthydème, autre rhéteur connu à qui il s’opposait. Contrairement à ce
dernier, Hybréas ne provenait pas de l’élite, mais gérait un commerce de bois. Il aurait aussi
travaillé en lien avec le bâtiment des agoranomes et effectua sa formation en rhétorique à
Antioche du Méandre 165. Le Mylasien se lança ensuite en politique et établit sa réputation
en s’opposant de façon systématique au dirigeant en fonction, Euthydème. Ce dernier,
raconte Strabon, exerçait une sorte de tyrannie. Hybréas s’exclama d’ailleurs un
jour : « Euthydème! Tu es un mal nécessaire à la cité, car nous ne pouvons vivre ni avec toi
ni sans toi » 166. F. Delrieux et M.-C. Ferriès traitent alors du gouvernement d’Euthydème
comme de celui d’un « "tyran" évergète qui tolère la contestation » 167. La rhétorique prenait
une place centrale dans la stratégie politique de ces deux hommes, mais les prouesses
d’Hybréas semblent lui avoir valu une plus grande popularité 168. De fait, sa notoriété
s’étendit jusqu’aux élites romaines, comme en témoignent les anecdotes narrées par
Sénèque l’Ancien et Valère-Maxime 169. Malgré cette forte opposition entre les deux
rhéteurs mylasiens, la transition s’effectua en douceur, puisque Hybréas succéda à
Euthydème seulement après sa mort, entre 51/50 et 42 a.C. 170

À cette transition correspond une période de profonds changements pour Mylasa : crise
financière des cités grecques de l’Asie Mineure au Ier siècle a.C., contexte militaire difficile
des guerres mithridatiques et de celles contre les pirates, puis guerre civile romaine de
49 a.C. opposant César à Pompée. Une lettre de Cicéron au gouverneur d’Asie, Quintus
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                               
dernière inscription est précieuse aussi par la mention du héros Euthydème et du héros Hybréas, les deux
rhéteurs bien connus qui ont gouverné Mylasa au milieu du Ier siècle avant notre ère. » Plus tard, à propos
de son cours au Collège de France de 1947-1948 (= OMS IV, 103), il ajoute : « On a dégagé le rôle
éminent joué par le rhéteur Hybréas; derrière le rhéteur, nous avons trouvé l’homme politique, qui avait
obtenu le droit de cité romaine et exercé la grande prêtrise du culte d’Auguste et qui jouit lui-même après
sa mort d’un culte héroïque. » En 1966, dans AntCl, p. 420 (= OMS VI, 44), il précise qu’il « jouit d’un
culte héroïque, avec un prêtre attaché à son culte ». Finalement, à propos de son cours au Collège de
France de 1973-1974 (= OMS V, 53), il écrit : « Il devint, après la restauration de la ville […],
grand-prêtre du culte d’Auguste et, à sa mort, il fut divinisé et eut un prêtre de son culte, tout de même
qu’Euthydème (leur prêtre leur était commun). »
165
Strabon, XIV, 2, 24.
166
Ibid.
167
F. Delrieux et M.-C. Ferriès, REA, 106, 2004, p. 58.
168
Ibid., p. 49-71.
169
Sénèque l’Ancien, Suasoriae, IV, 5 et VII, 14; Valère-Maxime, IX, 14, 2.
170
F. Delrieux et M.-C. Ferriès, REA, 106, 2004, p. 58. Pour la datation de la mort d’Euthydème, voir
Ch. Habicht, BASP, 21, 1984, p. 70-71.

  55  
Minucius Thermus, relate qu’Euthydème devait envoyer des ecdici à Rome pour régler la
dette de Mylasa, mais il a plutôt envoyé des legati, qui n’avaient pas le pouvoir de négocier
avec Rome à ce sujet 171. Selon F. Delrieux et M.-C. Ferriès, Euthydème avait tout à gagner
à retarder les négociations pour le remboursement. En effet, en cette période de guerre
civile, soit Pompée gagnait et le butin le rendrait plus généreux, soit il perdait et la dette
avait de bonnes chances d’être supprimée. Alors qu’Euthydème devait travailler pour sa
cité de concert avec Pompée, Hybréas entra en fonction à la suite de la victoire de César.
En tant que nouveau venu sur la scène politique, et par conséquent peu associé à l’élite
pompéienne, le Mylasien a su profiter de cette opportunité et la faire jouer à son avantage.
Il se pourrait que César, pour asseoir son nouveau pouvoir, se soit appuyé sur Hybréas en
lui accordant la citoyenneté romaine, à l’instar d’Épikratès II et Apollônios II de Milet,
ainsi qu’Artémidôros de Knide. Toutefois, cela demeure une hypothèse, puisqu’il y aurait
tout autant de probabilité qu’il ait reçut le droit de cité romain plus tard, de la part
d’Octavien. Un fait demeure, les tria nomina Gaios Ioulios Hybréas sont attestés dans les
incriptions de son culte funéraire 172.

Hybréas incita Mylasa à l’opposition ouverte contre Labiénus, ce qui ne produisit


toutefois pas l’effet escompté, car la cité fut saccagée 173. Une lettre d’Octavien aux
Mylasiens indique que rien ne fut épargné, y compris les temples, les sanctuaires et la
chôra. Une autre lettre d’un magistrat anonyme, peut-être Antoine, laisse entendre qu’après
ce ravage, la cité eut de la difficulté à s’en remettre financièrement 174. La lettre qu’Octavien
envoya aux Mylasiens mentionne en outre l’envoi d’une ambassade auprès du dirigeant
romain afin d’obtenir de l’aide à la reconstruction de la cité. Elle reçut vraisemblablement
                                                                                                               
171
Cicéron, Fam., XIII, 56,1 et 3,1; L. Migeotte, Emprunt public, p. 329-330, nº 106.
172
I. Mylasa 534, l. 1-2; 535, l. 1-2; 536, l. 1-3. Pour les détails du contexte de Mylasa lors de cette période,
voir F. Delrieux et M.-C. Ferriès, REA, 106, 2004, p. 59-64. Pour la question de l’obtention de la
citoyenneté, B. Holtheide, Römische Bürgerrechtspolitik, p. 28 et F. Delrieux et M.-C. Ferriès, REA, 106,
2004, p. 63-64 penchent pour César, tandis que G. Marasco, Fra repubblica e impero, p. 52-53 et
J. H. M. Strubbe, « Cultic Honours », p. 327 optent pour Antoine. J.-L. Ferrary, « Les Grecs des cités »,
p. 60-61, pense que « les Grecs récompensés pour la loyauté qu’ils avaient manifestée en 40 ont pu
recevoir, pour les uns le nom d’Antonius et pour d’autres celui de Iulius », hypothèse aussi soulevée par
E. Noè, Italia sul baetis, p. 62-63.
173
Strabon, XIV, 2, 24.
174
Ces lettres ont été récemment restituées par F. Canali de Rossi, EA, 32, 2000, p. 172 et 178, puis reprises et
traduites en français par F. Delrieux et M.-C. Ferriès, REA, 106, 2004, p. 500-504.

  56  
une réponse positive, puisque le texte s’interrompt sur la reconnaissance des Romains 175.
Bien que la fin de la lettre manque, on peut émettre l’hypothèse qu’elle devait contenir les
mesures décidées pour récompenser la loyauté de la cité et un moratoire d’étalement de la
dette, comme c’était souvent le cas, à l’exemple de Milet, Stratonicée et Aphrodisias 176.

Selon certains spécialistes, Hybréas a joué un rôle crucial lors de cette ambassade et
c’est peut-être à cette époque que Mylasa obtint le statut de cité libre, ou un rappel de ce
statut avec de nouvelles concessions 177. À cette occasion, le rhéteur aurait pu se voir
accorder la citoyenneté romaine de la part d’Octavien, mais il demeure impossible de
trancher entre cette possibilité et celle de l’octroi plus tôt, par César. Si la cité éprouvait des
difficultés financières à la suite de l’épisode contre Labiénus, elle frappait néanmoins
monnaie et entreprit même la construction d’un temple du culte impérial 178. Les
inscriptions indiquent d’ailleurs qu’Hybréas occupa le poste de grand-prêtre héréditaire du
culte et laissent même entendre qu’il fut le premier à Mylasa 179. Selon F. Delrieux et
M.-C. Ferriès,

                                                                                                               
175
 «  ejf’ oἶς πᾶσιν συνε[ῖ|δον παθόντας] ταῦτα πάσης τειµῆς καὶ χάρι|τος ἀξίους ἄνδρας γενοµέν]ους ὑµᾶς
πε̣[ρὶ | Ῥωµαίους --- ] | --- », « pour ces choses, j’ai compris que vous, ayant supporté cela, étiez devenus
des hommes dignes de tout honneur et de toute reconnaissance de la part des Romains… » (traduction
de F. Delrieux et M.-C. Ferriès, REA, 106, 2004, p. 501).
176
Ibid, p. 503. Milet : Delphinion, 126; Stratonicée : R. K. Sherk, RDGE, 18; Aphrodisias : R. K. Sherk,
RDGE, 28.
177
Des privilèges semblables ont été accordés, en 39 a.C., aux autres cités qui résistèrent à Labiénus. Ce fut le
cas, comme nous l’avons vu, pour Milet. L. Robert, AntCl, 35, 1966, p. 420 (= OMS VI, 44) et
Ph. Gauthier, Bienfaiteurs, p. 61 affirment qu’Hybréas faisait partie des grands évergètes qui obtinrent la
liberté pour leur cité, mais G. Marasco, Fra repubblica e impero, p. 53-54 réfute cette hypothèse en
soulignant que Mylasa avait déjà le statut de cité libre à l’époque. J. H. M. Strubbe, « Cultic Honours »,
p. 327, propose qu’à ce moment, la liberté fut simplement rappelée par Octavien, et F. Delrieux et
M.-C. Ferriès, REA, 106, 2004, p. 504, qu’elle fut rappelée par les triumvirs, peut-être avec de nouvelles
concessions.
178
F. Delrieux et M.-C. Ferriès, REA, 106, 2004, p. 505-515.
179
I. Mylasa 534, l. 3; 535, l. 2-3 ; 536, l. 4-5. F. Delrieux et M.-C. Ferriès, REA, 106, 2004, p. 513, n. 170,
indiquent : « Le fait qu’Hybréas ait été prêtre héréditaire pose un problème de compréhension : soit cela
signifie que désormais on ne prend de prêtre du culte impérial que dans sa famille, et l’inscription
d’Aétiôn est dans ce cas antérieure au sacerdoce d’Hybréas; soit l’existence d’un prêtre héréditaire,
purement honorifique, n’empêche pas qu’on élise en même temps des prêtres annuels. La seconde solution
paraît la plus probable, car Hybréas semble le seul à l’avoir été à titre héréditaire. Cela incline à supposer
qu’il en fut le fondateur à Mylasa. » Le même type de contradiction s’appliquait à Épikratès II de Milet.

  57  
le culte a pu être instauré dans les premières années du Principat, à l’initiative
d’Hybréas, et, par la suite, a associé les héritiers désignés. Ce n’est que dans un
troisième temps que les Mylasiens construisirent le temple. En agissant ainsi, ils
témoignaient d’une ferveur particulière à l’égard d’Auguste, et donnaient à
Hybréas la première place dans cette manifestation 180.

Retracer les dernières années de la carrière d’Hybréas est une tâche difficile, puisque la
date de sa mort ne fait pas l’unanimité. Selon Ch. Habicht et C. P. Jones, le fait que son fils
homonyme, Hybréas, lui succéda et plaida devant le proconsul d’Asie, M. Tullius Cicero,
fils de Cicéron, constitue la preuve qu’Hybréas était déjà mort en 29 a.C 181. Cependant, les
carrières du père et du fils auraient pu se chevaucher, et des monnaies de l’époque
d’Auguste, peut-être vers 17-12 a.C., présentent le portrait d’un homme imberbe, avec la
mention « ΓΡΑΜΜΑΤΕΥΟΝΤΟΣ ΥΒΡΕΟ », qu’A. Akarca, identifie avec le célèbre
Hybréas de Mylasa de Strabon 182. A. Burnett, P. Amandry et P. P. Ripollès nuancent
toutefois le propos en précisant : « he may well just be a homonym, and it seems a little
dangerous to use this coin in the reconstruction of Hybreas’s later carreer » 183. F. Delrieux
et M.-C. Ferriès, quant à eux, maintiennent que les inscriptions plaident en faveur d’une vie
plus longue, puisqu’elles mentionnent Hybréas comme grand-prêtre du culte impérial,
attestant ainsi son existence au-delà de 29 a.C.184

Après sa mort, Hybréas fit l’objet d’un culte. Les documents qui le mentionnent comme
archiéreus correspondent aussi à des monuments à la mémoire d’Hybréas en tant que
hèrôos 185. Ceux-ci furent consacrés soit par une association de chasseurs, soit par un
groupe non structuré, soit par une famille 186. Toutefois, l’inscription qui atteste d’un culte
rendu à Hybréas et à Euthydème demeure à ce jour non publiée et son contenu n’est connu
qu’à travers les évocations qu’en fit L. Robert. Ce document épigraphique concernant le
                                                                                                               
180
F. Delrieux et M.-C. Ferriès, REA, 106, 2004, p. 513-514.
181
Ch. Habicht, BASP, 21, 1984, p. 71; C. P. Jones, Chiron, 13, 1983, p. 377. Pour l’audience du fils
d’Hybréas devant M. Tullius Cicero : Sénèque l’Ancien, Suasoriae, IV, 5 et VII, 14.
182
A. Akarca, Les monnaies grecques de Mylasa, p. 28 et 68, nº 44-45
183
A. Burnett, P. Amandry et P. P. Ripollès, Roman Provincial Coinage, p. 459-460, nº 2791.
184
F. Delrieux et M.-C. Ferriès, REA, 106, 2004, p. 509
185
Pour ce qui est du terme hèrôos, F. Delrieux et M.-C. Ferriès, ibid., p. 53, parlent d’un « culte funéraire
rendu au héros Caius Iulis Hybréas ». Il s’agirait alors d’un « héros » ou d’un « défunt héroïsé ».
186
Par association de chasseurs, kynèoi : I. Mylasa 534. Par un groupe non structuré : I. Mylasa 535. Par la
famille de Zôsimos, fils de Philomousos : I. Mylasa 536.

  58  
culte de Sinuri à Mylasa associe à cette divinité les héros Hybréas et Euthydème. Il
mentionne aussi un prêtre commun aux deux Mylasiens 187.

Les raisons de l’instauration de ce culte sont inconnues, mais les possibilités


nombreuses. G. Marasco émet l’hypothèse qu’Hybréas reçut les honneurs cultuels en tant
que magistrat ou évergète pour sa participation active à la reconstruction et au redressement
de l’économie de Mylasa 188. D’autres, comme L. Robert et Ph. Gauthier, pensent que ce
privilège provient du fait qu’il obtint la liberté pour sa cité 189. S’il participa bel et bien à
l’ambassade envoyée auprès d’Octavien, ses concitoyens ont pu l’honorer pour cet
accomplissement et pour les récompenses qu’il acquit pour Mylasa à ce moment 190.
F. Delrieux et M.-C. Ferriès expliquent que la gloire d’Hybréas était surtout patriotique. Par
son éloquence qui traversait les frontières, il représentait l’idée d’indépendance en
s’opposant aux oppresseurs de la cité (despote local, Antoine, Labiénus). Grâce à son aide
financière à la suite du passage de Labienus, Mylasa « jouissait de toutes les apparences de
la liberté et de l’autonomie et retrouvait un statut enviable en frappant monnaie ». Ajoutons
à cela l’honneur de participer au culte impérial et la construction d’un temple qui lui était
dédié, puis « la reconnaissance des Mylasiens envers ceux qui avaient été les artisans de
cette situation s’explique alors » 191. Il est plus difficile de comprendre la mention
d’Euthydème dans ce culte, car nous ignorons presque tout de ses accomplissements. Une
inscription en l’honneur de son petit-fils, Ménandros, témoigne toutefois de façon indirecte
de son titre d’euergétès et de l’arétè ancestrale de la famille, ses membres étant évergètes
de père en fils 192. J. H. M. Strubbe suppose qu’il fut associé à Hybréas, en tant qu’autre
homme politique influent et bienfaiteur de la cité 193. Comme les autres cas présentés dans

                                                                                                               
187
L. Robert, AJA, 39, 1935, p. 335; cours au Collège de France 1947-1948 (= OMS IV, 103); AntCl, 1966,
p. 420 (= OMS VI, 44); cours au Collège de France 1973-1974 (= OMS V, 53).
188
G. Marasco, Fra repubblica e impero, p. 54.
189
L. Robert, AntCl, 35, 1966, p. 420 (= OMS VI, 44) et Ph. Gauthier, Bienfaiteurs, p. 61.
190
J. H. M. Strubbe, « Cultic Honours », p. 327.
191
F. Delrieux et M.-C. Ferriès, REA, 106, 2004, p. 514-515.
192
I. Mylasa 402 : Ὁ δῆµος | Μένανδρον Οὐλι|άδου τοῦ Εὐθυδή|µου εὐεργέτην | τῆς πατρίδος καὶ | ἐξ
εὐεργετῶν | γεγονότα.
193
J. H. M. Strubbe, « Cultic Honours », p. 327.

  59  
le corpus, c’est donc principalement en raison des bienfaits envers ses concitoyens
qu’Euthydème reçut un tel honneur.

9 : Honneurs cultuels pour Athénodôros de Tarse (Pseudo-Lucien, Makrobioi, 21)

Ἀθηνόδωρος Σάνδωνος Ταρσεὺς Στωϊκός, ὃς καὶ διδάσκαλος ἐγένετο Καίσαρος Σεβαστοῦ


θεοῦ, ὑφ’οὗ ἡ Ταρσέων πόλις καὶ φόρων ἐκουφίσθη, δύο καὶ ὀγδοήκοντα ἔτη βιοὺς
ἐτελεύτησεν ἐν τῇ πατρίδι, καὶ τιµὰς ὁ Ταρσέων δῆµος αὐτῷ κατ’ ἔτος ἕκαστον ἀπονέµει ὡς
ἥρωϊ.

Traduction :

Athénodore, fils de Sandôn, originaire de Tarse et stoïcien, qui fut aussi précepteur du divin
César Auguste et grâce à qui la cité de Tarse put voir ses impôts allégés, mourut à l’âge de
quatre-vingt-deux ans dans sa patrie, et le peuple de Tarse lui rend des honneurs annuels
comme à un héros. 194

Commentaire :

Athénodôros de Tarse était un philosophe stoïcien de la fin du Ier siècle a.C. Il est né, au
plus tard, en 85 a.C., et mourut au plus tard en 13 a.C. Nous savons également qu’il était à
Rome en 50 a.C., où il enseignait la morale. Athénodôros quitta sa patrie pour tenter sa
chance à Rome, ce qui lui réussit, puisqu’il devint le précepteur du jeune Octavien 195.

Une notice de Strabon explique que le philosophe avait une forte influence auprès de
l’Empereur, qui le tenait en honneur. En effet, alors qu’il était un vieillard, Athénodôros
demanda à Auguste de retourner à Tarse, où il trouva une cité sous le contrôle d’un
mauvais citoyen, Boethos. Le philosophe tenta de raisonner ce dernier ainsi que ses
partisans, mais rien n’y fit. Athénodôros brisa alors le gouvernement en place grâce à
l’autorité qu’Auguste lui avait conférée. Il condamna alors Boethos et ses partisans à l’exil
et réforma ensuite l’administration de la cité 196. En donnant ainsi à son ancien maître un tel
pouvoir, Auguste faisait de lui plus qu’un simple particulier, il devenait « un véritable agent
                                                                                                               
194
 Texte établi et traduit par J. Bompaire, Paris, Les Belles Lettres, 2012, 348 p., en partie doubles.
195
P. Grimal, REA, 47, 1945, p. 268-269.
196
Strabon, XIV, 5, 14; Dion Chrysostome, XXXIII, 48.

  60  
politique du vainqueur, avec la mission de participer à la "reconquête" de l’Orient » 197.
Plutarque et Dion Cassius racontent également qu’il vivait dans l’intimité de l’Empereur,
au point qu’il se permettait de le reprendre sur sa conduite et ses excès de colère 198. Dans
son discours 34, Dion Chrysostome fait état des nombreux privilèges octroyés par Auguste
à la cité de Tarse, parmi lesquels on comptait un accroissement de territoire, de nouvelles
lois, différents honneurs et un contrôle sur le fleuve et la mer près de Tarse 199. Selon
C. P. Jones, c’est également à cet empereur, redevable envers les Tarsiens qui avaient
soutenu les Césariens en aidant Dolabella et ses troupes, que la cité devait son statut de
métropole et le renouvellement de sa liberté. Le chercheur souligne que les nombreuses
faveurs de la part d’Auguste envers Tarse ne furent pas simplement le résultat de la fidélité
de la cité, mais aussi celui de l’influence de son ami et professeur, Athénodôros 200.

L’extrait du Pseudo-Lucien, quant à lui, contient une information des plus


intéressantes : les concitoyens d’Athénodôros lui rendaient des honneurs héroïques annuels.
Le philosophe fait alors partie des grands bienfaiteurs qui reçurent un culte, posthume dans
ce cas. La raison exacte d’un tel honneur n’est pas mentionnée, mais le passage souligne
que l’évergète réussit à obtenir de la part de son ancien disciple, Auguste, un allégement
des phoroi pour sa cité. Comme nous l’avons vu, il libéra également sa cité d’un mauvais
gouvernement et, à l’instar des autres bienfaiteurs du corpus, obtint grâce à son amitié avec
l’Empereur d’immenses privilèges pour sa patrie, qui récompensa alors son évergésie du
plus grand des honneurs.

                                                                                                               
197
P. Grimal, REA, 47, 1945, p. 267-268.
198
Dion Cassius, LII, 36 et LVI, 43; Plutarque, Apopht. Reg., 207.
199
Dion Chrysostome, XXXIV, 8 : Τοιγαροῦν ἅ τις ἂν φίλοις ὄντως καὶ συµµάχοις καὶ τελικαύτην
προθυµίαν ἐπιδειξαµένοις κἀκεῖνος ὑµῖν παρέσχε, χώραν, νόµους, τιµήν, ἐξουσίαν τοῦ ποταµοῦ, τῆς
θαλάττης τῆς καθ’αὑτούς.
200
C. P. Jones, The Roman World of Dio Chrysostom, p. 72. Pour le témoignage du soutien de Tarse aux
Césariens et aux troupes de Dolabella, contre Longinus Cassius : Appien, Guerre civile, IV, 64; Dion
Cassius, XLVII, 30-31; Dion Chrysostome, XXXIV, 7.

  61  
10 : Honneurs cultuels pour Xénon de Thyatire (sous Auguste, peut-être 5 a.C.)

Support :

Plaque de marbre bleu. Hauteur : 0.41 m. Largeur : 0.52 m. Épaisseur : 0.105 m. Hauteur des
lettres pour l. 1-2 : 0.028 m. Hauteur des lettres pour l. 3-12 : 0.02 m. Style des lettres
correspondant au début de l’Empire. Découverte dans les appartements du prêtre, à l'extrémité du
porche.

Éd :

J. Keil et A. von Premerstein, Reise in Lydien, 1911, 41-42, 74, avec reproduction de la pierre
(IGR IV, 1276; TAM 5.2, 1098).

Cf :

W. H. Buckler et D. M. Robinson, Sardis VII1, 1932, 27; Mention comme grand-prêtre du culte
impérial, G. W. Bowersock, Augustus, 1965, 117; B. Forte, Rome and the Romans, 1972, 168;
F. Quass, Historia, 31, 1982, 212; L. Robert, AntCl, 35, 1966, 421 (= OMS VI, 45); Sur la prêtrise
simultanée d’Auguste et de Rome, C. Fayer, Il culto della dea Roma, 1976, 141-142; B. Holtheide,
Römische Bürgerrechtspolitik, 1983, 48; Datation, M. D. Campanile, I sacerdoti del koinon d’Asia,
1984, 31, 5; Sur le contexte, J. H. M. Strubbe, Ancient Society, 17, 1984-1986, 299; Traduction
française excluant la l. 12 et commentaires sur le culte, Ph. Gauthier, Bienfaiteurs, 1985, 61; Sur
l’aspect cultuel, S. R. F. Price, Rituals and Power, 1984, 50; J. H. M. Strubbe, « Cultic Honours »,
2004, 327.

p 5’μoB
Dƒ (6=ˆ=8?= ;2 D = T=Do-
[μ] = [;2]9:~AIC6= 2”I: i?E<‚I: S@?[<]-
4 [<I=‚]5?E Ed›: (~=I=: _AI: 6r6A-
4~D8: 464?=„D: KAG:6A6• Do–
[,]6[32CD?– $2‚C2A?B ;2 96ŒB —ˆ]-
[μ8B ;2 6v @6@?:8;„D: @ŒC2= D =]
8 SC‚2= D{ μ~4:CD2 ;2 ;2D{ @|[=]-
D2 CID’A: ;2 6r6A4~D8: ;2 ;D[‚]-
[CD8]: ;2 @2DA 464?=„D: D’B @2-
[DA‚]5?B, @AˆD™ Y<<€=I=. $2D[6]-
12 C[;6†2]C2= ?d <i>?E<:2C[D2‚].

Apparat critique :

L. 2-3 : TAM 5.2, 1098, T=D?μ = correspond peut-être au TD?μ‚B de Thessalonique signifiant tombe
ou sépulture (L. Robert, Études épigraphiques et philologiques, p. 220-223; RPh, 48, 1974,
p. 237-246 (= OMS V, 324-333). La proposition de restitution par T=D[2F€=] de Ph. Gauthier,
Bienfaiteurs, p. 61, n. 189 n’a pas paru convaincante à P. Herrmann. L. 5-7 : selon J. Keil et A. von
Premerstein, Reise in Lydien, p. 42, W. H. Buckler et D. M. Robinson, Greek and Latin

 "
Inscriptions, p. 27 et C. Fayer, Il culto della dea Roma, p. 141-142, il est possible que Xénon ait le
grand-prêtre du culte impérial pour le koinon, de 27 a.C. à 5 a.C., au temple situé à Pergame.
L. 6-7 : texte complètement détruit et restitué par les éditeurs, J. Keil et A. von Premerstein, Reise
in Lydien, p. 41-42. Selon eux, une restitution également possible serait 6v @?:€C2=D:. L. 10 : J. Keil
et A. von Premerstein, Reise in Lydien, p. 42 ont soulevé le fait que le titre de « père de la patrie »
est devenu, à partir de 2 a.C., exclusif à Auguste et ses successeurs. À partir de ce moment, souligne
L. Robert, AntCl, 35, 1966, p. 421, n. 5 (= OMS VI, 45), on préfère pour les citoyens le titre de
« père de la ville », @2D A D’B @„<6IB. Dans l’inscription, le titre représente donc un terminus ante
quem pour la datation. L. 11 : J. Keil et A. von Premerstein, Reise in Lydien, p. 42 et L. Robert,
AntCl, 35, 1966, p. 421, n. 6 (= OMS VI, 45) indiquent qu’il s’agit des Hellènes de la province
d’Asie. L. 12 : )#).%#, sur la pierre.

Traduction :

Le peuple a consacré le Xénôneion et la tombe à Gaios Ioulios Xénon, fils d’Apollonidès, héros
bienfaiteur, qui fut grand-prêtre de César Auguste et de la déesse Rome, qui a rendu les plus grands
bienfaits à toute l’Asie, qui en toutes choses fut sauveur, bienfaiteur, fondateur et père de la patrie,
premier des Hellènes. Les Iouliastai (m’)ont construit.

Commentaire :

L’inscription concerne Xénon de Thyatire, en Lydie. On sait peu de choses de la carrière


de cet évergète et du contexte qui a mené à l’instauration d’un culte en son honneur. En
tenant compte de la mention du poste de grand-prêtre du culte impérial, du style d’écriture
et du titre de « père de la patrie », M. D. Campanile propose de dater l’inscription de
5 a.C 201. L’inscription est assez éloquente quant à la place de l’évergésie dans la carrière de
Xénon et du rôle qu’elle a pu jouer dans l’établissement des honneurs cultuels. En sa
qualité de bienfaiteur (euergétès), il fut nommé « héros » (l. 4-5), il rendit « les plus grands
biens (τὰ μ~4:CD2) et, encore une fois en tant qu’euergétès, il obtint les titres de
« sauveur », « fondateur », « père de la patrie » et « premier des Hellènes ». Xénon exerça
également la grande-prêtrise du culte de César Auguste et de la déesse Rome. En 24 a.C., la
cité de Thyatire avait été détruite et Suétone raconte que Tibère « se fit au Sénat le porte-
parole des habitants de Laodicée, de Thyatirène et de Chio, ruinés par un tremblement de
terre et qui imploraient des secours » 202. Selon J. H. M. Strubbe, Xénon aurait pris part à
l’ambassade auprès de l’Empereur afin de demander le soutien des Romains pour la


201
M. D. Campanile, I sacerdoti del koinon d’Asia, p. 31-32.
202
Suétone, Tibère, VIII.

 "
reconstruction de la ville. L’auteur fait de cette hypothèse l’une des raisons pour lesquelles
les citoyens de Thyatire auraient instauré le culte à Xénon 203.

L’inscription évoque également un honneur remarquable, celui de la consécration au


défunt Xénon de Thyatire d’un Xénôneion. Ce téménos, comparable au Diodôreion, au
Potamôneion et au Mènogéneion, logeait peut-être la tombe du bienfaiteur 204. Il fut
construit par les Iouliastai, « c’est-à-dire une association formée pour célébrer le culte de ce
héros » 205. Bien que l’hypothèse de J. H. M. Strubbe — selon laquelle Xénon aurait joué
un rôle important dans l’ambassade qui avait permis la reconstruction de la cité à la suite du
tremblement de terre — soit séduisante, il est impossible, faute de preuves concrètes,
d’identifier sûrement les raisons de tels honneurs conférés à l’évergète de Thyatire.
L. Robert et Ph. Gauthier l’incluaient dans leur liste des bienfaiteurs qui ont obtenu un culte
pour avoir libéré leur patrie 206, ce que J. H. M. Strubbe contesta car, à sa connaissance,
Thyatire n’avait jamais eu le statut de cité libre 207.

Nous pensons toutefois, en comparant le cas de Xénon aux précédents, que des
privilèges comme un enclos sacré, une association cultuelle et l’accumulation de titres
honorifiques correspondaient à la mesure de ses bienfaits. Ceux-ci pouvaient alors prendre
la forme de l’obtention de la liberté pour la cité ou sa confirmation, de la restitution de
privilèges perdus ou de l’allégement de taxes et d’un soutien financier et matériel à la
reconstruction ou la rénovation de bâtiments importants de la cité.

                                                                                                               
203
J. H. M. Strubbe, Ancient Society, 17, 1984-1986, p. 299 et « Cultic Honours », p. 327, n. 53.
204
Voir apparat critique, l. 2-3.
205
L. Robert, AntCl, 35, 1966, p. 420-421 (= OMS VI, 44-45)
206
Ibid.; Ph. Gauthier, Bienfaiteurs, p. 61.
207
J. H. M. Strubbe, « Cultic Honours », p. 327.

  64  
11 : Honneurs cultuels pour Mènogénès de Sardes (fin du Ier siècle a.C.-début du
Ier siècle p.C.)

Parmi les différents édifices de la ville de Sardes vers 200 p.C., se trouvait un
Mènogéneion 208. Cette dénomination n’est pas sans rappeler les enclos sacrés construits
pour le culte de grands bienfaiteurs, comme le Diodôreion, le Potamôneion et le
Xénôneion. Selon W. H. Buckler et D. M. Robinson, L. Robert et G. Thériault, il s’agirait
de l’enclos de l’évergète Mènogénès, fils d’Isidôros, connu par une stèle sur laquelle furent
gravés une lettre d’Auguste et onze décrets, datés entre 5 a.C. et 2 p.C., émanant
respectivement du peuple de Sardes, de sa gérousie et du koinon des Hellènes 209.
J. H. M. Strubbe, quant à lui, exclut le cas de Mènogénès de Sardes, car il lui semble moins
certain que le Mènogéneion soit une preuve suffisante à l’existence d’un culte en l’honneur
de ce bienfaiteur 210.

Plusieurs éléments, outre l’enclos sacré, confortent toutefois l’hypothèse du culte. Parmi
les honneurs que Mènogénès reçut, on trouve des portraits peints sur des boucliers dorés,
une eikôn de bronze et des agalmata de marbre, qui suggèrent un culte 211. Au milieu du
siècle, rappelons qu’Iollas de Sardes reçut des honneurs semblables, qui comprenaient
quatre portraits peints et plusieurs eikônes et agalmata (nº 2, l. 3-6). De plus, comme
l’avait remarqué L. Robert, Mènogénès fut honoré pour une ambassade heureuse qu’il
mena auprès d’Auguste en 5 a.C., avec Iollas, fils de Mètrodôros. Cette ambassade, stipule
la lettre d’Auguste, fut chargée de discuter avec l’Empereur, non seulement au sujet des
intérêts de la cité, mais aussi de toute l’Asie 212. Les nombreux honneurs accordés à
Mènogénès et leur caractère exceptionnel suggèrent que les Sardiens réussirent à obtenir
des privilèges de la part de Rome au terme de cette ambassade. D’ailleurs, dans la même

                                                                                                               
208
Sardis VII1, 17, l. 15.
209
W. H. Buckler et D. M. Robinson, AJA, 18, 1914, p. 321-362; L. Robert, Hellenica IX, p. 9; G. Thériault,
CEA Suppl. 1, 2011, p. 63 et n. 56. L’inscription a notamment été reprise dans IGR IV, 1756; Sardis VII1,
8; M. Paz de Hoz, Die lydischen Kulte, 7.20; ISE III, 198.
210
J. H. M. Strubbe, « Cultic Honours », p. 315-316 et n. 4.
211
Supra nº 11. Pour les portraits peints : l. 48; 71; 79; 86; 95; 109; 114; 129 et 137. Pour l’eikôn en bronze :
l. 128. Pour les agalmata de marbre : l. 48.
212
L. 19-20 : τὸ ἀντίγραφον ἐσφραφισµένον τῆ δηµοσία σφραγῖδι, διαλεξοµένους τε τῶι Σε|βαστῶι περὶ τῶν
κοινῆ συµφερόντων τῆ τε Ἀσίαι καὶ τῆι πόλει. Καὶ ἡρέθησαν πρέσβεις Ἰολλασ Μητρο|δώρο[υ] (…).

  65  
lettre, Auguste mentionne des « bienfaits » accordés à la cité 213. La réputation et le prestige
de Mènogénès, quant à eux, débordaient largement le cadre de sa patrie, puisqu’il fut prêtre
de Rome et d’Auguste à Pergame, et ekdikos du koinon à plusieurs reprises 214. La quantité
de décrets en son honneur est également remarquable et fait bien ressortir la reconnaissance
envers les actions bienfaitrices de Mènogénès. Dans le présent corpus, seuls les cas de
Diodôros et de Potamôn sont comparables. Bien que les « Hellènes d’Asie » ne l’honorent
pas explicitement à titre d’euergétès dans les décrets, ils soulignent à plusieurs reprises
l’aretè et l’eunoia de Mènogénès 215. Ainsi, la datation du Ier siècle pour la carrière de
Mènogénès, la présence d’un Mènogéneion, l’accumulation d’honneurs incluant plusieurs
agalmata, la quantité des décrets, l’ambassade heureuse auprès de Rome et l’amitié avec
Auguste et le prestige du Sardien sont tous autant d’éléments qui correspondent à la figure
type du grand citoyen bienfaiteur honoré d’un culte à la basse époque hellénistique.

Conclusion

Le culte des bienfaiteurs en Asie Mineure au Ier siècle a.C. ne s’éloignait pas beaucoup
des premières manifestations du IIe siècle. À cette époque, les cultes étaient souvent reçus
du vivant de l’évergète, en raison des bienfaits envers l’institution du gymnase. Les néoi de
la cité accordaient alors aux bienfaiteurs des statues, des autels, la proédrie, des funérailles
publiques, des sacrifices, des concours et des processions 216. Grâce au riche contenu des
inscriptions concernant les cultes de Diôdoros et d’Artémidôros, nous constatons que les
honneurs reçus étaient plus nombreux et plus impressionnants. Ceux-ci étaient toutefois
décrétés plus rarement du vivant de l’évergète; la plupart l’étaient à titre posthume. La
proximité avec l’institution gymnasiale se retrouve encore avec Diodôros, Artémidôros et
Épikratès II, mais à cela s’ajoutent d’autres fonctions découlant du contexte romain
nouveau. Ainsi, au Ier siècle, les décrets mettaient de plus en plus en valeur les bienfaits,

213
L. 26-27 : T@2:=› ?v= sμŒB F:<?D6:μ?Eμ~=?EB K=9’ z= 6r6A46|D’C96 s@’ Tμ?– 6rG2A‚CD?EB LD?…B 6eB D6
Tμ} ;2 D?…B Tμ?…B @|=D2B T=56‚;=EC92:.
214
Prêtre du culte impérial à Pergame, l. 127-128 : (…) TF’ ?hB P@2C:= \ 3?E|< T@2:=~C2C2 2rDƒ= ;2 T@ D›
d6A?@A6@›B D = *6A42μ8=›= d6A›C†=8= OA>2: V;A:=6 D:μ’C2: ; ekdikos du koinon : l. 40; 77; 93; 106;
122.
215
Aux lignes 110-112 et 115-117, par exemple.
216
J. H. M. Strubbe, « Cultic Honours », p. 315-320.

 ""
maix ceux-ci ne concernaient plus seulement le gymnase : ils s’étendaient à l’ensemble de
la cité et de la patrie. Par leur euergésia et par le truchement de relations diplomatiques
avec Rome, ces notables obtinrent alors des privilèges extraordinaires pour leurs
concitoyens, qui les récompensèrent d’honneurs à la hauteur de leurs bienfaits, les honneurs
cultuels.

La pratique d’honorer d’un culte un citoyen bienfaiteur semble s’arrêter quelque temps
après le cas de Lucius Vaccius Labeo de Kymè, entre 2 a.C. et 14 p.C. 217 Les citoyens de
Kymè lui votèrent en effet un temple, des statues, des funérailles publiques, une sépulture
au gymnase et le titre de ktistès pour la reconstruction du gymnase, mais celui-ci refusa ce
qu’il considérait comme des honneurs strictement réservés aux dieux et aux hommes
semblables aux dieux. Cet événement correspond d’ailleurs à la période où Auguste refusa
lui-même les honneurs divins de son vivant, et où l’influence du culte impérial se faisait de
plus en plus sentir dans les cités grecques 218. Cela coïncide également avec l’inderdiction
d’Auguste de rendre des honneurs aux gouverneurs des cités 219.

                                                                                                               
217
Ibid., p. 328. Il existe un cas plus tardif, celui de Cn. Vergilius Capito, citoyen romain de Milet, préfet
d’Égypte sous Claude. Sous le règne de Commode, des fêtes éponymes sont attestées, les Capitôneia,
ainsi que des sacrifices (I. Didyma 278, l. 5-6; N. Ehrhardt, MDAI(I), 1984, p. 379).
218
I. Kyme 19. Selon J. H. M. Strubbe, « Cultic Honours », p. 329, la pratique de conférer le titre de ktistès
perdura après cette époque, mais sans l’aspect cultuel.
219
Dion Cassius, LVI, 25, 6; S. R. F. Price, Rituals and Power, p. 51.

  67  
CHAPITRE II : FONDEMENTS CULTUELS

Ce chapitre abordera le premier des deux aspects du culte des bienfaiteurs : l’aspect
religieux. Il traitera le phénomène comme le résultat d’éléments de continuité et
d’adaptation avec les périodes précédentes. Ainsi, dans un premier temps, il sera question
du contexte cultuel d’émergence avec le culte des héros et le culte des souverains. La
deuxième partie s’intéressera directement au culte du bienfaiteur, plus particulièrement à
ses origines et à la forme concrète qu’il prenait. Quelques remarques préliminaires
s’imposent toutefois sur le concept de divinité mortelle, dont dépend le culte civique des
citoyens bienfaiteurs.

Remarques préliminaires : les isothéoi timai

Les termes tels que « culte des souverains », « culte dynastique », « divinisation »,
« culte des bienfaiteurs », et leurs nombreuses déclinaisons, se rejoignent tous en ce qu’ils
représentent une infime portion du phénomène complexe de la divinité mortelle. Toutefois,
aucun d’entre eux ne parvient à rendre toute la valeur du terme grec isothéoi timai,
qu’ A. Chaniotis traduit par « honneurs dignes d’un dieu » 220. Le but poursuivi ici n’est pas
d’établir une définition du concept ou même de proposer une nouvelle terminologie, mais
de présenter ses usages, autant dans les sources anciennes que dans les études modernes,
afin de parvenir à une meilleure compréhension de ce phénomène.

Le concept de la divinité mortelle a longtemps été critiqué, autant par les auteurs anciens
que par les historiens de la première moitié du XXe siècle. Ainsi, si l’on en croit les dires
d’Arrien, Callisthène qualifiait les honneurs divins accordés à des hommes de « dignité
surfaite » (ἐξ σχῆµα ὑπέρογκον) et d’ « humilité choquante » (ἐξ ταπεινότητα οὐ
πρέπουσαν) pour les dieux. Ces honneurs étaient le lot exclusif des dieux, tandis que
l’éloge était celui des hommes. Des comportements barbares, empruntés aux Perses,

                                                                                                               
220
A. Chaniotis, Kernos, 20, 2007, p. 155.

  68  
comme ceux de l’épisode de la proskynèse de Bactres, transgressaient les limites et
paraissaient déraisonnables 221. Plus tard, Hypéride s’indignait de voir l’empressement avec
lequel on établissait des honneurs cultuels pour des hommes, à quelle vitesse l’audace
macédonienne avait aboli les lois divines 222. Dans son article « Humor at the Expense of
the Ruler Cult », K. Scott dresse un portrait des principaux témoignages du culte divin
rendu aux hommes — Lysandre, Alexandre, Démétrios Poliorcète et plusieurs empereurs
romains — pour en arriver à la conclusion suivante : « Our evidence seems to point to the
existence of a reading public which had no genuine religious faith in the ruler cult, and we
can hardly be mistaken in thinking that the most cultivated Greeks and Romans had as
much belief in the apothesis of a ruler as the same educated class would today » 223. Le
scepticisme à l’égard de tels cultes transparaît également dans le chapitre « Die kritik am
Herrscherkult » de l’ouvrage Charisma de F. Taeger., ainsi que dans l’article de
J. Tondriau, « L’avis de Lucien sur la divinisation des humains » 224. Dans ce dernier, le
chercheur mène une enquête sur la vision des faits de Lucien, mais aussi des lettrés du
IIe siècle p.C. Il en ressort, selon lui, que « pour un être intelligent, la seule divinisation
tolérable d’un humain est celle qui n’excède pas la portée d’une comparaison
artistique » 225.

Dans les faits, le scepticisme, dans l’Antiquité, était surtout présent chez les membres de
l’élite littéraire et philosophique. P. Veyne, dans son ouvrage qui se posait la question si les
Grecs croyaient ou non en leurs mythes, montre bien que même à l’intérieur de cette élite,
certaines croyances étaient rejetées d'emblée, et d’autres, acceptées. Il parle d’une
« oscillation entre deux critères du vrai, dont l’un était le rejet du merveilleux et l’autre la
persuasion qu’il était impossible de mentir radicalement. La fable est-elle vraie ou fausse ?
Elle est suspecte; d’où leur mouvement de mauvaise humeur » 226. Ainsi, s’il est vrai que

                                                                                                               
221
Arrien, IV, 11, 2-4; 8-9.
222
Hypéride, Épitaphios, 21-22. Sur ce passage voir l’étude d’E. J. Bickerman, Athenaeum, 41, 1963,
p. 70-85.
223
K. Scott, CPh, 27, 1932, p. 317-328.
224
F. Taeger, Charisma, p. 397-415; J. Tondriau, BAGB (Lettres d’humanité), 7, 1948, p. 127-139.
225
J. Tondriau, BAGB (Lettres d’humanité), 7, 1948, p. 138.
226
P. Veyne, Les Grecs ont-ils cru à leurs mythes ?, p. 61.

  69  
certains Grecs pouvaient être réticents au concept de divinité mortelle, d’autres devaient y
croire avec authenticité.

Le concept d’isothéoi timai se comprend d’abord par la notion de timai chez les Grecs.
P. Chantraine indique qu’elles sont souvent l’ « apanage de la condition royale »; chez
Homère, une « "considération" qui procure des avantages matériels […], en ionien-attique,
"égards", parfois "présents, fonction honorifique"; en parlant de choses "valeur, prix,
estimation" » 227. La timè désigne alors autant un trait de personnalité, l’honorabilité,
présente chez certains hommes, comme les rois, que ce qu’entraîne ce trait, soit la
considération de la part des autres. Cette dernière peut prendre la forme de présents et de
fonctions honorifiques, qui sont de façon analogue désignés en tant que timai 228. Un
passage de la Rhétorique d’Aristote s’avère particulièrement révélateur au sujet du
caractère polysémique de la timè grecque : « Les honneurs sont l’indice d’une avantageuse
réputation de bienfaisance; on les accorde justement et surtout à ceux qui ont fait du
bien; mais on les décerne aussi à celui qui a la faculté d’en faire […] » 229. Les timai sont
alors indubitablement liées aux bienfaits, ce qui explique pourquoi les décrets honorifiques
mettent l’accent sur les qualités de l’évergète et sur les bonnes actions qu’il effectua envers
sa cité. Selon Aristote, il semble plus juste d’accorder ces timai en récompense pour un
bienfait, mais il arrive de les décerner en vue de l’obtention de celui-ci. D’après J. Rudhart,
la valeur de l’individu n’est pas conférée par l’octroi de la timè : « elle le précède et le
justifie […] Quand la valeur d’un individu ne correspond pas à l’honneur qui lui est
décerné, les Grecs tiennent cet honneur pour illégitime » 230. Ainsi, souverains et notables se
voyaient offrir de façon régulière des timai par décret, jumelées à une requête de la cité,
puisque ces personnages importants avaient, de manière intrinsèque, la capacité de procurer
des bienfaits.

                                                                                                               
227
P. Chantraine, Dictionnaire étymologique grec, « τιµή ».
228
Dans le même sens, voir aussi J. Rudhardt, Kernos Suppl. 11, 2001, p. 18 : « la timè peut être une
situation dans l’ordonnance religieuse de l’univers, un caractère, un ensemble de fonctions ; elle peut être
tout ce qui définit un dieu, tout ce qui définit un homme ».
229
Aristote, Rhétorique, 1361a, 27-37. Texte établi et traduit par M. Dufour, Paris, Les Belles Lettres, 1967.
230
J. Rudhardt, Kernos Suppl. 11, 2001, p. 18.

  70  
Plus loin dans le même passage, le philosophe s’attarde à la nature de ces timai
accordées aux hommes, qui correspondent, pour la plupart, aux honneurs octroyés aux
dieux : « Les parties des honneurs sont les sacrifices, les commémorations en vers et en
prose, les privilèges, les enclos consacrés, les préséances, les tombeaux, les statues, la
nourriture aux frais de l’État, les pratiques barbares, comme de se prosterner et céder sa
place, les présents appréciés chez chaque peuple » 231. D’un point de vue linguistique,
Aristote n’établit aucune distinction entre les honneurs aux hommes et ceux aux dieux.
Dans l’Antiquité, il n’incombait pas de différencier l’action de rendre un culte de celle de
rendre honneur; les timai englobaient ces deux réalités, sans que cela ne portât à confusion
dans l’esprit grec 232. Selon R. Parker, il est possible de voir les honneurs comme un
« continuum » dans lequel ceux de type isothéoi représentaient l’échelon le plus élevé,
accordé à ceux qui, à l’instar des souverains, avaient le pouvoir de conférer des bienfaits
supérieurs que ceux offerts par les bienfaiteurs ordinaires 233. Comme les rois hellénistiques,
les évergètes de notre corpus, en comparaison avec les autres notables de l’époque, avaient
la capacité d’accorder des bienfaits hors du commun, telles la liberté et l’autonomie. Par
conséquent, ils se voyaient accorder le plus haut grade d’honneurs.

Les timai qui nous concernent sont de type isothéoi. Dans son Dictionnaire
étymologique de la langue grecque, sous la rubrique « ἴσος », P. Chantraine indique que
parmi les nombreux composés avec « ἰσο- », on retrouve notamment, chez Homère,
« ἰσόθεος », « égal aux dieux » 234. Dans son discours À Nicoclès, Isocrate écrivit : « quand
ils prennent en considération ceux qui détiennent les honneurs, les richesses et la puissance,
absolument tous tiennent pour égaux aux dieux (isothéoi) ceux qui exercent le pouvoir
monarchique » 235. Dans un ouvrage attribué à Denys d’Halicarnasse, il est dit que depuis
longtemps, on honorait comme des dieux (hôs théoi) de nombreux hommes considérés
isothéoi 236. Chez Dion Cassius, lorsque Livia explique à Auguste que sa position le rend

                                                                                                               
231
Aristote, Rhétorique, 1361a, 27-37.
232
A. D. Nock, Essays I, p. 241.
233
R. Parker, On Greek Religion, p. 280.
234
P. Chantraine, Dictionnaire étymologique grec, « ἴσος ».
235
Isocrate, Nicoclès, 5.
236
Pseudo-Denys d’Halicarnasse, Ars Rhetorica, VII, 7.

  71  
vulnérable aux complots, celui-ci lui répond qu’ils devraient être égaux aux dieux
(isothéoi), au-dessus de tout homme, pour n’éprouver ni trouble, soucis ou peur 237. Chez le
même auteur, on apprend que c’est la vertu qui a élevé plusieurs hommes à la condition
d’isothéos, mais qu’aucun d’entre eux n’est jamais devenu un dieu par un vote populaire 238.
Ces quelques exemples convergent tous vers un point : le terme isothéos rapproche son
sujet du divin, sujet caractérisé par un état hors du commun, supérieur à la normale.
L’isothéos était au-dessus des autres hommes, un être exceptionnel doté d’une puissance
hors du commun. Il n’était pas tout à fait un dieu, mais il n’en demeure pas moins que l’on
croyait qu’il possédait des qualités divines, au-delà de l’échelle humaine.

Les isothéoi timai n’étaient pas octroyées aux dieux traditionnels du panthéon. Diodore
de Sicile mentionne que des sacrifices, prenant parfois la forme de ceux que l’on offrait aux
dieux (isothéois) ou aux héros (hèrôikais), étaient attribués aux héros, aux demi-dieux et à
plusieurs hommes de bien pour les bénéfices obtenus, et dont ils faisaient profiter tous les
hommes 239. D’ailleurs, l’auteur de la Bibliothèque historique emploie souvent le terme
isothéoi timai pour des personnages mythologiques, comme Hippolyte, Tirésias ou
Aristée 240. Dion Cassius explique que plusieurs empereurs qui ont régné avec droiture se
virent accorder de tels honneurs après leur mort 241. Dans les documents épigraphiques, le
terme se retrouve, entre autres, à propos de souverains hellénistiques, de citoyens
bienfaiteurs, de généraux et d’empereurs romains 242. Dans l’inscription où Lucius Vaccius
Labeo de Kymè refuse les honneurs cultuels, ils sont présentés comme étant réservés aux
dieux (théoisi) et aux hommes semblables aux dieux (isothéoisi) 243. Il s’agit des mêmes
honneurs, mais l’on distingue deux types de destinataires : le mortel et le dieu. La plupart

                                                                                                               
237
Dion Cassius, LV, 15, 2.
238
Ibid., LII, 35, 5.
239
Diodore de Sicile, IV, 1, 4.
240
Ibid., IV, 62, 4; 67,1; 81, 3.
241
Dion Cassius, LI, 20, 8.
242
Par exemple, IG XII, 7, 506 pour Ptolémée Ier Sôter; IK 43, 54 pour Pompée; IvO 53 pour Auguste; voir
aussi Diodôros Pasparos, nº 1E et Artémidôros de Knide, nº5, dans le premier chapitre.
243
I. Kyme 19, l. 14-17 : τὰν | µὲν ὑπερβαρέα καὶ θεοῖσι καὶ τοῖς ἰσσοθέοισι ἁρµόζοι|σαν τᾶς τε τῶ ναύω
κατειρώσιος τὰς τε τῶ κτίστα | προσονυµασίας τειµὰν παρῃτήσαντο (…).

  72  
du temps, on ne retrouve pas de mention textuelle des isothéoi timai dans les inscriptions,
mais la nature des honneurs accordés, en fonction du contexte, ne fait aucun doute.

Chez les chercheurs modernes, la tendance veut que même si des mortels recevaient des
honneurs réservés aux dieux, ils n’étaient pas de véritables dieux, mais assimilés à ces
derniers par les honneurs reçus 244. Récemment, dans un article sur la divinité mortelle
d’Antiochos III, A. Chaniotis a expliqué toute la complexité de ce phénomène.

Des actions rituelles telles que la consécration et le sacrifice assimilaient roi et


dieu d’une manière subtile et indirecte sans diviniser explicitement le roi
mortel. Pour désigner cette pratique, les Grecs hellénistiques, pour de bonnes
raisons, n’utilisaient pas le terme d’apothéose, mais celui d’« honneurs dignes
d’un dieu » (isotheoi timai). Cela signifie l’adoption de rites appartenant au
culte des dieux et leur emploi dans la vénération du roi (« transfert de rites »)
sans effacer, pourtant, les différences insurmontables entre homme et dieu ; car
les rois étaient mortels et, malgré la plénitude de leurs pouvoirs, ils n’étaient
pas tout-puissants. L’expression des « honneurs dignes d’un dieu » (isotheoi
timai) permettait aux Grecs hellénistiques de se familiariser avec le paradoxe de
la divinité mortelle des rois 245.

À noter que ce « paradoxe », dont parle A. Chaniotis, n’en est un que pour nos yeux
modernes, influencés par le christianisme 246. Déjà, en 1978, C. Préaux insistait sur la
distinction nécessaire entre sacralité et divinité. Dans l’Antiquité, « un homme, mort ou
vivant, peut être l’objet de manifestations cultuelles, sans pour autant être tenu pour
dieu » 247.

                                                                                                               
244
Voir, entre autres, A. D. Nock, Essays I, p. 151 et 244; Ch. Habicht, Gottmenschentum, p. 196;
F. W. Walbank, « Monarchies and Monarchic Ideas », 1984, p. 95; C. Préaux, Monde hellénistique I,
p. 246; A. Chaniotis, « Divinity of Hellenistic Rulers », p. 433; R. Parker, On Greek Religion, p. 281.
245
A. Chaniotis, Kernos, 20, 2007, p. 158.
246
Pour une discussion sur la signification de « religion » et sur la distinction entre Christianisme et cultes
païens, voir I. Gradel, Emperor Worship, p. 4-8.
247
C. Préaux, Monde hellénistique I, p. 238.

  73  
I. Contexte cultuel d’émergence

a) Le culte des héros

Bien qu’il soit le représentant typique de son époque, forgé par les changements du
contexte sociopolitique, le culte des évergètes demeure l’héritier d’une longue tradition
cultuelle dans laquelle il s’inscrit en continuité. Une brève étude des cultes prédécesseurs, à
savoir le culte des héros et le culte des souverains, permettra de comprendre le contexte
religieux déjà établi qui a permis l’émergence du phénomène.

Avant même de s’aventurer sur le terrain du culte héroïque, il s’avère essentiel de savoir
à quoi le terme grec hèrôs faisait référence. L’étymologie de hèrôs ne fait pas l’objet d’un
consensus dans la communauté scientifique, mais l’on peut retracer certaines de ses plus
anciennes attestions, à commencer par son usage au datif dans les tablettes mycéniennes de
linéaire B. Celles-ci employaient le terme à la fois dans son sens cultuel et profane. La
poésie homérique utilisait quant à elle hèrôs pour désigner des êtres vivants qui se
retrouvaient dans l’Hadès une fois morts, et donc opposés aux dieux par leur condition de
mortels. Le terme y serait également employé comme forme de politesse. Aucune de ces
deux utilisations homériques ne recèle alors d’implication religieuse, toutefois attestée
après Homère. Chez Hésiode, par exemple, on employait hèrôs pour parler de
« demi-dieu » ou de « dieu local ». Le poète classique Pindare, quant à lui, utilisait les deux
valeurs, religieuse et non-religieuse, du terme hèrôs. Lorsqu’il est question du culte
accordé au héros, il s’agissait le plus souvent d’un humain divinisé ou héroïsé après sa
mort, et donc d’un culte funéraire. Le héros pouvait à la fois être une figure mythologique,
comme les guerriers de l’Iliade, dont Achille représente le plus bel exemple, ou une figure
historique contemporaine, comme les athlètes victorieux ou les fondateurs de cités 248. Selon
A. D. Nock, en contexte cultuel, hèrôs ne qualifiait pas seulement « a man who lived and
died and subsequently received veneration », mais pouvait aussi correspondre à une
« minor deity ». Ce sont des dieux mineurs, souvent locaux, ou même des figures

                                                                                                               
248
Pour la définition et l’emploi du terme hèrôs, voir P. Chantraine, Dictionnaire étymologique grec,
« ἥρως »; B. Currie, Cult of Heroes, p. 60-70 et R. Parker, On Greek Religion, p. 103-123.

  74  
surnaturelles comme les Nymphes, qui étaient plus proches des hommes ordinaires que ne
l’étaient les Olympiens 249.

Les origines du culte héroïque créent elles aussi une dissidence parmi les chercheurs.
Dans son cinquième appendice, R. Parker résume les diverses hypothèses émises jusqu’à
présent, en soulignant qu’il demeure impossible de trancher la question dans l’état actuel
des recherches 250. Il en ressort que le cœur de la problématique de l’origine du culte
provient du fait qu’il n’y en a presque aucune référence chez Homère. Il devient alors
difficile de trancher entre une émergence avant le VIIIe siècle, à partir du VIIIe siècle, sous
l’impulsion de l’œuvre homérique, ou après le poète épique, mais le phénomène est du
moins attesté depuis l’époque archaïque 251.

La pratique du culte héroïque se caractérise par sa diversité. La tradition des scholiastes


distingue d’un côté le culte aux Olympiens, caractérisé par une cérémonie de jour, la
crémation, un autel surélevé et un sacrifice thusia, et d’un autre côté les cultes aux dieux
chtôniens et aux héros, célébrés le soir, avec un sacrifice sanglant et un autel creux 252. De
nos jours, les spécialistes traitent plutôt d’un culte oscillant entre celui accordé aux morts et
celui accordé aux dieux mineurs 253. De façon générale, le culte impliquait la création d’un
tombeau particulier, hèrôon, séparé des autres tombes. Un banquet, auquel le héros était
présent, accompagnait le sacrifice, et parfois, lorsque les accomplissements du héros étaient
exceptionnels, on célébrait un festival semblable à celui que l’on accordait aux dieux 254.

                                                                                                               
249
A. D. Nock, Essays II, p. 593-596, suivi par B. Currie, Cult of Heroes, p. 161. R. Parker, On Greek
Religion, p. 110 et 292, emploie une formule semblable : « Heroes are biographically dead mortals,
functionally minor gods ».
250
R. Parker, ibid., p. 287-292.
251
Sur ce débat, voir également A. Snodgrass, « Les origines du culte des héros », p. 100-118 et B. Currie,
Cult of Heroes, p. 47-60.
252
A. D. Nock, Essays II, p. 581-582; J. Rudhardt, Notions fondamentales, p. 250-266.
253
R. Parker, On Greek Religion, p. 110.
254
D. Potter, « Hellenistic Religion », p. 418. Pour une étude complète et aproffondie des rituels entourant le
culte des héros, voir G. Ekroth, The Sacrificial Rituals of Greek Hero-Cults.

  75  
Pour ce qui est de la procédure d’héroïsation, à l’époque classique, elle était souvent
sanctionnée par l’oracle de Delphes ou celui d’un autre sanctuaire, mais aussi par un décret
de l’Assemblée et quelquefois par un particulier. À l’époque hellénistique, l’héroïsation se
voyait confirmée la plupart du temps par décret, ou bien par de petits groupes
d’associations 255. Le culte au défunt Hybréas de Mylasa, par exemple, fut décerné par trois
différents groupes de citoyens 256. La question du lieu du culte, pour sa part, demeure
problématique en raison de la supposée relation existant entre le culte des héros et les
tombes. Le culte pratiqué à la tombe doit-il être assimilé au culte des morts, et à l’inverse,
doit-on considérer qu’un héros était honoré à la manière d’un dieu lorsque le culte
s’effectuait dans un petit sanctuaire ? L’incertitude demeure, mais reflète encore une fois le
caractère mixte des héros et de leur culte, « mortals by biography, small gods in power » 257.

Ce flottement relève principalement du fait qu’on honorait les héros pour la même raison
que l’on honorait les dieux : les bienfaits qu’ils prodiguaient. Pour les Grecs, ce n’était pas
le héros en tant qu’idée qui importait, mais plutôt le héros en tant que pouvoir procurant du
bien 258. La communauté, en instituant un culte héroïque pour un récent défunt,
récompensait son action bienfaitrice, et une fois le culte instauré, s’attendait à recevoir du
nouveau héros les mêmes bénéfices que procuraient les autres héros et dieux existants. Bien
que cette motivation fût au cœur de la mise en place du culte héroïque, il existait d’autres
raisons qui poussaient une communauté à poser ce geste. En effet, une motivation politique
pouvait s’ajouter, pour mettre de l’avant certaines valeurs civiques. L’héroïsation des
fondateurs, des guerriers morts au combat et des dirigeants répondait à cette volonté de
véhiculer des valeurs bien précises. Toujours d’un point de vue politique, un culte pouvait
être instauré en tant que preuve d’engagement politique, lors d’un changement
d’allégeance, par exemple 259.

                                                                                                               
255
B. Currie, Cult of Heroes, p. 5.
256
Voir le commentaire du nº 8 au premier chapitre.
257
R. Parker, On Greek Religion, p. 292.
258
Ibid., p. 110-116.
259
Ibid., p. 4.

  76  
C. Bérard, quant à lui, fait de l’héroïsation un problème strictement politique, et non
religieux. Selon lui, la simple présence d’un hèrôon dans une cité était le signe de son
émergence politique, et pas seulement à l’époque de la formation des cités. Il affirme
qu’une cité « peut se redéfinir politiquement à la faveur de n’importe quel changement de
régime, et qu’il lui est donc possible de récupérer n’importe quand, au gré des
circonstances, la mort d’un prince   » 260. Cette interprétation, chère aux historiens modernes,
gomme toutefois la religiosité du phénomène. Pour R. Parker, aucune explication politique
n’aura plus d’importance que l’expérience du citoyen qui visitait le lieu de culte et le
bienfait que le héros, en tant que dieu mineur, pouvait lui procurer. Il est vrai que la
décision d’héroïser un nouveau mort était presque toujours chargée politiquement, mais
cela n’exclut pas de facto le sentiment religieux, puisque le culte était, d’abord et avant
tout, un phénomène religieux 261.

B. Currie soutient que la communauté n’était pas la seule à trouver son intérêt dans
l’instauration d’un culte héroïque, et que, dès le Ve siècle, des individus, majoritairement
des athlètes, auraient fait, de leur vivant, la promotion de leurs futurs honneurs posthumes.
Le statut de héros était certes enviable. Physiquement plus grand que nature, il conservait le
pouvoir d’intervenir dans le monde des vivants, il était vénéré par toute une communauté
qui assurait le caractère durable de ses honneurs, il habitait les confins les plus désirés du
monde des morts et tous ses privilèges étaient transférés aux membres de sa famille et aux
futurs descendants 262. Il arrivait aussi que la cité prodiguât un traitement religieux à des
hommes d’exception, sans que ce fût un culte proprement dit 263. Il existe même de rares cas
où un culte héroïque fut décerné du vivant de l’honoré, mais selon R. Parker, il faut
relativiser ce phénomène, car les cas sont « aberrant if they occured at all » 264. Un

                                                                                                               
260
C. Bérard, « Récupérer la mort du prince », p. 90-91.
261
R. Parker, On Greek Religion, p. 116-123.
262
B. Currie, Cult of Heroes, p. 5-9.
263
Ibid., p. 160-172. Le chercheur compte parmi ces cas Empédocle, le général spartiate Brasidas et le tyran
Gélon de Syracuse.
264
Ibid. Parmi ces mortels ayant reçu des honneurs héroïques de leur vivant, B. Currie inclut l’Athénien
Hagnon, en tant que héros fondateur, Dion de Syracuse, le boxeur Euthymos, Alexandre le Grand par les
Sambastai, Démétrios Poliorcète à Sicyone et trois de ses philoi royaux à Athènes: Bourichos, Adeimantos
et Oxythemis; R. Parker, On Greek Religion, p. 104.

  77  
traitement religieux spécial, sans nécessairement prendre la forme d’un culte, pouvait donc
être envisagé du vivant.

Dans cette perspective, il existait alors une situation intermédiaire entre les honneurs
posthumes rendus à un mortel en tant que héros, et le culte des vivants. L’attitude religieuse
envers un vivant ne serait donc pas une nouveauté typique de l’époque hellénistique, mais
une réalité, certes plus prononcée, en continuité avec la période classique 265. En ce qui
concerne le culte héroïque, l’un des changements les plus marqués dans les pratiques
religieuses de l’époque hellénistique est la large diffusion de l’héroïsation de défunts
contemporains; le culte devient accessible à une plus large tranche de la société. Les
premiers indices de ce développement se trouvent d’ailleurs dès après la guerre du
Péloponnèse, alors que l’héroïsation des guerriers morts au combat se multipliait 266.

b) Le culte des souverains

Un autre développement religieux important dans l’histoire de la religion grecque est


l’apparition du culte des rois hellénistiques. À partir du IIIe siècle a.C., il devint pratique
commune pour les souverains de royaumes de recevoir un culte divin de leur vivant 267.
Actuellement, la tendance en recherche est de considérer ce culte comme découlant de la
tradition, plutôt que de considérer les deux pratiques comme rivales. D’Homère à la montée
du christianisme, il était fréquent d’accorder aux dirigeants un statut divin; le culte
hellénistique des rois n’est pas une anomalie ou une dégénérescence. D’ailleurs, le concept
grec d’un dieu a toujours eu le potentiel d’inclure un mortel, si le contexte s’y
prêtait 268. Grâce aux nombreuses contributions apportées au sujet du culte des souverains, il
est aujourd’hui possible d’en retracer les grandes lignes 269.

                                                                                                               
265
B. Currie, Cult of Heroes, p. 10.
266
Ibid., p. 87-88.
267
Ibid., p. 9.
268
A. Erskine, « Epilogue », p. 505-510; S. G. Caneva, Kernos, 25, 2012, p. 75-78.
269
Pour n’en citer que quelques-unes : Ch. Habicht, Gottmenschentum; S. R. F. Price, Rituals and Power;
F. W. Walbank, « Monarchies and Monarchic Ideas », 1984, p. 84-100; D. Potter, « Hellenistic Religion »,

  78  
Plusieurs éléments établis du contexte religieux ont favorisé l’émergence du culte des
rois. Aristote mentionnait déjà que des honneurs tels les sacrifices, les statues, les enclos
sacrés, les hymnes et les tombeaux pouvaient être octroyés à des hommes en récompense
pour leurs bienfaits 270. Ici, le philosophe ne considérait pas ces gestes comme une
divinisation, mais comme un signe de reconnaissance.271. Nous l’avons vu, dès l’époque
classique, un traitement s’approchant du culte pouvait être envisagé envers un homme
d’exception, et ce, même de son vivant 272. Avec le temps, la question se posa alors de
savoir quels honneurs décerner lorsqu’un individu avait la capacité d’aller bien au-delà de
ce que l’on attendait du bienfaiteur habituel. Les honneurs divins, sous forme de culte,
s’imposèrent comme réponse, et des hommes comme le navarque spartiate Lysandre, par
exemple, reçurent un tel traitement de leur vivant 273. Il n’y avait plus qu’un pas à franchir
entre ce culte divin des mortels et le culte divin des souverains hellénistiques. Ces deux
phénomènes sont toutefois distincts et prirent des directions différentes, le premier était
restreint au contexte civique, et le second s’étendait à plusieurs sphères 274. De plus, il
existait des différences entre le culte divin des mortels et le culte des dieux, sur lequel était
modelé celui des souverains. Dans la pratique du premier, on ne trouvait aucune référence à
une statue cultuelle ou à un enclos sacré, et sa durée était éphémère 275.

La continuité entre le culte des héros et celui des rois est plus difficile à saisir, puisqu’il
était essentiellement question, d’un côté, d’un culte à un défunt, et de l’autre, d’un culte à


p. 406-430; A. Chaniotis « Divinity of Hellenistic Rulers », p. 431-445 et Kernos, 20, 2007, p. 153-172;
R. Parker, On Greek Religion, p. 279-282, ainsi que les nombreuses contributions de A. D. Nock.
270
Aristote, Rhétorique, I, 1361A.
271
C. Préaux, Monde hellénistique I, p. 242.
272
B. Currie, p. 160-172, avec les exemples d’Empédocle, du général spartiate Brasidas et du tyran Gélon de
Syracuse.
273
D. Potter, « Hellenistic Religion », p. 416-417. Plutarque, Lysandre, 18, 5 : « *AˆD™ μ}= 4|A, xB dCD?A6•
?–A:B, Y<<€=I= T;6‚=™ 3Iμ?…B 2d @„<6:B K=~CD8C2= xB 96œ ;2 9EC‚2B V9EC2=, 6cB @A›D?= 5} @2:Œ=6B
‰C98C2=, z= U=ƒB KAG = K@?μ=8μ?=6†?EC: D?:|=56 […], « Il fut, en effet, à ce que rapporte Douris, le
premier grec à qui les villes dressèrent des autels et offrirent des sacrifices comme à un dieu, le premier
aussi en l’honneur de qui on chanta des péans, dont l’un commençait, dit-on, par ces vers […] » (édité et
traduit par R. Flacelière et É. Chambry, Paris, Les Belles Lettres, 2003); Douris, FrGrHist 76 F 71 et 26.
274
D. Potter, ibid., p. 416-419.
275
A. Chaniotis, « Divinity of Hellenistic Rulers », p. 434.

 #%
un roi vivant. La communauté honorait les deux pour les bienfaits qu’ils pouvaient offrir,
mais l’on attendait la protection du héros après sa mort, et celle du souverain, pendant son
règne 276. Depuis ses tout débuts, le culte des rois avait pour modèle celui des dieux, et non
celui des héros 277. Même lorsque le souverain décédait, le culte posthume demeurait de
type divin, puisqu’on ne sacrifiait pas sur un hèrôon, mais dans un sanctuaire. Dans le cas
contraire, l’accent serait mis sur la mortalité du destinataire, ce qui remettrait en question
son aspect divin. De plus, le modèle du culte aux dieux, contrairement au culte héroïque,
avait l’avantage de conférer un pouvoir plus vaste à l’honoré 278. Le culte des souverains
hellénistiques n’était donc pas un dérivé du culte héroïque, mais ce dernier constituait l’un
des éléments de son contexte d’émergence. Avec le culte des morts héroïsés, il devenait
envisageable d’accorder des honneurs cultuels à des mortels contemporains. La continuité
se fait particulièrement sentir avec le culte des fondateurs. Aux périodes précédentes, il
était coutume d’héroïser les fondateurs des cités après leur mort, et à l’époque hellénistique,
à partir d’Alexandre, tous les souverains qui ont fondé ou refondé une cité y étaient honorés
à titre de fondateur 279.

Si le culte des souverains ne dérivait ni du culte des mortels vivants, ni du culte des
héros — ceux-ci représentant plutôt le contexte d’émergence —, est-il possible de trouver
son prédécesseur immédiat ? Parmi les cultes modelés sur celui des dieux, deux en
particulier pourraient correspondre : le culte d’Alexandre le Grand et le culte de deux rois
macédoniens, Amyntas III et Philippe II, qui avaient un ou des enclos sacrés 280. Pour

                                                                                                               
276
Ibid., p. 432; Kernos, 20, 2007, p. 158.
277
S. R. F. Price, Rituals and Power, p. 32; F. W. Walbank, « Monarchies and Monarchic Ideas », 1984,
p. 88; A. Chaniotis, « Divinity of Hellenistic Rulers », p. 438; Kernos, 20, 2007, p. 158-161.
278
S. R. F. Price, Rituals and Power, p. 32-35.
279
F. W. Walbank, « Monarchies and Monarchic Ideas », 1984, p. 88; A. Chaniotis, « Divinity of Hellenistic
Rulers », p. 434 et 436; R. Parker, On Greek Religion, p. 280. Pour une étude complète et approfondie du
phénomène de l’oikistès et du ktistès, de la période de la colonisation à l’époque hellénistique, voir
W. Leschhorn, « Gründer der Stadt ».
280
Amyntas III à Pydna, scholie de Démosthène, Ol. 1, 5 : ἔφυγον ἐπι τὸ Ἀµύντειον. Κολακαεύοντες γὰρ
αὐτοῦ τὸν πατέρα οἱ Πυδναῖοι ἱερὸν αὐτοῦ ἐποίησαν. Ὅµως δ’οὐδ’ ἐκεῖσε καταφυγόντων ἔφεισε.
Mention d’un temple chez Aelius Aristide, Orat., 38, 480 : οὔθ᾽ ὑπερβάλλοισθ’ ἂν Ἀµφιπολίτας καὶ
Πυδναίους, ὧν οἱ µὲν ἔθυον ὡς θεῷ, οἱ δὲ τοῦ πατρὸς αὐτοῦ νεὼν εἶχον δεικνύναι. Ἀλλ’ ὄµως τοὺς µὲν
ἐξέβαλε […] τοὺς δ’ ἐν τῷ νεῷ τοῦ πατρός. Téménè de Philippe II à Philippes : SEG 38, 658, l. 5-6 ;
L. Migeotte, « L’aliénation de biens-fonds », p. 287-290: εἴκοσι ὀβολὸν τεταρτηµόριον | καὶ ἄλλου
τεµένους Φιλιππου χιλίας δέκα ἐπώνιον […].

  80  
F. W. Walbank, le culte d’Alexandre est le précédent qui a permis d’établir, dans les
décennies qui suivirent, les honneurs aux nouveaux dirigeants. Avant cela, les autres cas de
divinisation étaient exceptionnels et surtout concentrés en Macédoine, avec Amyntas III et
Philippe II, par exemple. Sans les écarter, il considère que ces cas étaient trop sporadiques
pour être considérés comme l’élément déclencheur du culte des souverains, qui s’étendait à
beaucoup plus grande échelle. Le réel changement, selon le chercheur, s’est produit avec
Alexandre, qui reçut plusieurs cultes à travers l’Asie Mineure. Ainsi, avant même de
prendre le titre royal, les diadoques, à l’instar d’Alexandre, reçurent des honneurs divins de
leur vivant, et la pratique devint courante, voire systématique, chez les rois successeurs 281.
Pour A. Chaniotis, au contraire, le culte d’Alexandre, très complexe, était non représentatif
et différait trop de celui de ses prédécesseurs et successeurs pour être considéré comme
l’élément déclencheur du phénomène. La plus grande différence entre ce culte et celui des
mortels ou des souverains consistait justement en sa large diffusion, sa popularité et sa
persistance dans le temps. Le prédécesseur immédiat serait plutôt le culte d’Amyntas III à
Pydna et de Philippe II à Philippes, qui sont les premiers cas à recevoir des honneurs sur le
modèle du culte des dieux : un enclos sacré leur était dédié de leur vivant. Le cas de
Philippe II est évidemment particulier, puisqu’il était honoré à Philippes en tant que
fondateur, coutume qui sera reprise par les rois hellénistiques 282. Difficile de trancher entre
les deux hypothèses, mais un fait demeure : le contexte cultuel était bien établi pour
permettre l’émergence du culte des souverains.

À l’origine, l’idée d’instaurer un culte divin pour des rois relevait de l’initiative des
cités. S’ils recevaient de tels honneurs, du moins dans les premiers temps, c’était pour leurs
accomplissements et leurs bienfaits, non pas pour de petites actions, mais pour des gestes
qui affectaient directement l’existence même et la liberté de la cité 283. Les différentes
                                                                                                               
281
F. W. Walbank, « Monarchies and Monarchic Ideas », p. 89-92. Les différentes variantes du culte à
Alexandre sont répertoriées par Ch. Habicht, Gottmenschentum, p. 17-36 : Ligue des Ioniens, Priène,
Éphèse, Érythrée, Téos, Bargylia, Magnésie du Méandre, Ilion, Rhodes et Thasos. Le monde grec
traditionnel, où il fut parfois honoré en tant que héros, et Alexandrie, où il fut honoré en tant que
fondateur, sont des cas particuliers.
282
A. Chaniotis, « Divinity of Hellenistic Rulers », p. 434.
283
R. Parker, On Greek Religion, p. 280-281 fait ici un résumé des points qui font généralement l’objet d’un
consensus parmi la communauté scientifique au sujet des honneurs accordés aux mortels. Cette vision,
souligne-t-il, est le point central de l’œuvre de Ch. Habich, Gottmenschentum.

  81  
épithètes, Sôter, Épiphanès, Kallinikos, Euergétès reflètent d’ailleurs ce phénomène 284. Un
décret de Skepsis en Troade, en l’honneur d’Antigonos le Borgne, montre bien que le culte
reposait sur les « bienfaits » du souverain. Ainsi, afin qu’Antigonos soit honoré à la hauteur
de ses actes et que le peuple se montre reconnaissant des bienfaits (ἀγαθῶν) reçus, la cité
lui a octroyé un téménos, un autel et une statue cultuelle 285. Sur le lien entre le titre royal et
les bienfaits, Ph. Gauthier expliquait que « c’est l’aptitude à accomplir de nombreux et
grands bienfaits qui « révél[ait] » la nature royale d’un individu (aux yeux d’une
communauté civique s’entend) et qui justifi[ait] éventuellement l’accès à la royauté » 286.
Des historiens comme Ch. Habicht, E. J. Bickerman et C. P. Jones ont même émis
l’hypothèse qu’il n’y eut pas de « culte des souverains », mais seulement un « culte des
bienfaiteurs » 287.

Les cités, pour s’assurer la protection du nouveau dirigeant, devaient concevoir ce


pouvoir par elles-mêmes. La méthode qui convenait le mieux pour dépeindre un pouvoir
externe dont la cité dépendait, mais qui demeurait tout de même grec, était le culte divin 288.
Le roi reçut alors les isothéoi timai de la part des cités reconnaissantes de ses bienfaits, ce
qui permettait à la communauté d’égaliser le dirigeant avec les dieux, tout en affirmant
qu’il n’en était pas un, même s’il recevait les mêmes honneurs 289. Les deux parties étaient
conscientes des bénéfices de cet échange. Les rois, qui faisaient la promotion de leur propre
culte, répondaient à ces honneurs en termes de promesses faites aux cités, et en tenant leur
parole, ils confirmaient leur statut divin 290. L’hymne à Démétrios Poliorcète représente le


284
A. Chaniotis, « Divinity of Hellenistic Rulers », p. 433.
285
OGIS, 6, l. 14-23 : T@2:=~C2: | μ}= S=D‚4?=?= ;2 CE=8C9’=2: 2rD›: | T@ D?•B @6@A24μ~=?:B : CE=8C9’=2:
5} | D = @„<:= ;2 D?•B Z<<8C:= oD: T<6†96|[A]?: ;2 2rD„=?μ?: n=D6B T= 6cA€=8: | [6cB] Dƒ <?:@ƒ=
5:|>?EC:= : o@IB 5’M= S=D‚|4?=?B D:μ89’: ;2D2>‚IB D›μ @6@A24μ~|=I= : ;2 l 5’μ?B F2‚=8D2: G|A:=
K@?5:|5?…B z= @A?6‚<8F6= K429›= : KF?A‚C2: | 2rD›: D~μ6=?B ;2 3Iμƒ= @?’C2: ;2 O42<μ2 | CD’C2: xB
;|<<:CD?= […].
286
Ph. Gauthier, Bienfaiteurs, p. 40.
287
Cf. M. Sartre, L’Orient romain, p. 105 et n. 6; C. P. Jones, Phoenix, 31, 1977, p. 80. C’est d’ailleurs le
propos du Gottmenschentum de Ch. Habicht, qui a fait ressortir que les cités honoraient les rois parce
qu’ils étaient des sauveurs et bienfaiteurs, et non pas parce qu’ils portaient le titre de « roi ».
288
S. R. F. Price, Rituals and Power, p. 29.
289
A. Chaniotis, « Divinity of Hellenistic Rulers », p. 433.
290
Ibid., p. 440; R. Parker, On Greek Religion, p. 281; K. Bringmann, « The King as Benefactor », p. 16-17 :
dans la promotion de leur culte, il arrivait que les rois défrayaient eux-mêmes les coûts des honneurs que
la cité lui donnait (construction de bâtiments, financement des festivals, etc.)

 $
plus bel exemple pour comprendre de quels besoins relevait l’assimilation des souverains
hellénistiques aux dieux.

Les plus grands des dieux et les plus chers à notre cité sont présents : les
circonstances ont en effet conduit ici ensemble Déméter et Démétrios. Elle, elle
est venue célébrer les mystères solennels de sa fille, lui, joyeux comme il sied à
un dieu, et beau, et souriant, est là. Il apparaît comme quelque chose de
solennel, tous ses amis en cercle, tels les étoiles, et lui, le soleil, en leur milieu.
Ô fils du très puissant dieu Poséidon et d’Aphrodite, salut ! D’autres dieux sont
très loin, ou n’ont pas d’oreilles, ou n’existent pas ou ne font pas du tout
attention à nous. Toi en revanche, nous ne te voyons là, ni de bois, ni de pierre,
mais bien réel. Aussi nous te prions. D’abord apporte-nous la paix, toi qui nous
es si cher, parce que tu es le maître 291.

Dans la première partie, l’hymne chanté par les Athéniens affirme la présence des dieux
dans la cité, avant de la mettre en doute dans la seconde. À cause de ce paradoxe, les
chercheurs ont longtemps interprété cet hymne comme une preuve de dénégation des dieux
traditionnels à l’époque hellénistique. Pourtant, ce type de paradoxe ne devrait pas
surprendre dans un texte grec religieux. Ici, ce qui rend Démétrios divin, c’est sa volonté
d’écouter les prières des Athéniens et son pouvoir de les protéger en retour. Cela
correspond exactement à la caractéristique essentielle de la divinité grecque. La divinité
mortelle répondait alors à un besoin de communication directe, de présence visible et de
protection 292.

Le culte civique instauré par les cités n’était pas la seule forme du culte aux souverains;
un culte dynastique s’ajouta peu à peu. Celui-ci se présentait sous deux types : une
divinisation du roi défunt qui émanait habituellement des membres vivants de la famille ou
de l’administration royale, et une divinisation du roi vivant, instaurée par lui-même 293.
L’association du roi avec le dieu, quant à elle, pouvait s’effectuer de plusieurs façons.

                                                                                                               
291
Douris, FrGrHist 76 F 13; cf. Demochares, FrGrHist 75 F 2. Traduction de B. Le Guen-Pollet, Vie
religieuse dans le monde grec, p. 177. Voir également l’étude d’A. Chaniotis, « The Ithyphallic Hymn for
Demetrios », p. 157-195.
292
A. Chaniotis, « Divinity of Hellenistic Rulers », p. 431-432 et Kernos, 20, 2007, p. 150-151; 170.
293
C. Préaux, Monde hellénistique I, p. 255-259; F. W. Walbank, « Monarchies and Monarchic Ideas », 1984,
p. 84-85; A. Chaniotis, « Divinity of Hellenistic Rulers », p. 436-437.

  83  
L’une d’entre elles était d’ériger dans le temple une statue pour le roi à côté de celle du
dieu. Ainsi, Attale III avait sa statue colossale à Pergame dans le temple d’Asklépios Sôter,
et une autre, équestre, à côté de l’autel de Zeus Sôter. À Téos, les statues du couple
Philadelphe et de Dionysos étaient toutes trois destinataires d’actions rituelles.
Antiochos III et Laodikè devinrent alors copropriétaires du temple, et les honneurs jadis
réservés à Dionysos s’adressaient également à eux. Ce processus par lequel on associait un
roi à un dieu grâce à sa statue qui partageait le même temple que celle d’un dieu,
correspond au terme grec sunnaos, processus surtout répandu en Égypte 294. Les monnaies
qui présentaient le portrait du roi avec les attributs caractéristiques d’un dieu
correspondaient aussi à une autre manière d’assimiler le souverain avec un dieu, tout
comme les légendes d’enlèvement sacralisant. En dehors du culte civique et du culte
dynastique, il arrivait que le roi fût honoré par des groupes privés, qui l’incluaient dans les
célébrations pour les autres dieux 295. À mi-chemin entre le culte privé et le culte public
existait également un culte du roi au gymnase, souvent célébré dans un gymnase ayant fait
l’objet de bienfaits royaux 296.

Concrètement, outre les variantes locales, le culte comportait sensiblement les mêmes
éléments que le culte des dieux, à l’exception que les temples étaient rarement dédiés aux
rois. Les seules sources qui y font référence sont littéraires et elles concernent toutes le
culte civique 297. La pratique du culte comportait alors des hymnes , des sacrifices, un autel,
un périmètre sacré (téménos), qui convenait à la fois à un dieu et à un homme, des festivals
éponymes, une procession, des concours athlétiques ou dramatiques, une tribu ou un mois
éponyme, des statues et une prêtrise 298. Lorsqu’il était célébré du vivant du roi, le rituel
avait lieu le jour anniversaire de la naissance, et lorsqu’il était célébré après son décès, le
culte se pratiquait le jour anniversaire ou à la date de sa mort. L’ascension au trône, la date

                                                                                                               
294
C. Préaux, Monde hellénistique I, p. 251-252; F. W. Walbank, « Monarchies and Monarchic Ideas »,
1984, p. 8-88; A. Chaniotis, Kernos, 20, 2007, p. 160. Pour une étude complète du concept de sunnaos
théos, voir aussi A. D. Nock, Essays I, p. 202-251.
295
C. Préaux, Monde hellénistique I, p. 252-264.
296
Ibid., p. 265-266; A. Chaniotis, « Divinity of Hellenistic Rulers », p. 442.
297
A. Chaniotis, Ibid., p. 438-439.
298
La seule hymne ayant survécu dans une forme complète jusqu’à nous est l’hymne des Athéniens à
Démétrios Poliorcète. Cf. S. R. F. Price, Rituals and Power, p. 38.

  84  
anniversaire d’une victoire, d’un accomplissement ou d’un bienfait particulier pouvaient
aussi représenter des occasions pour un sacrifice extraordinaire. La fête tenait un rôle
crucial dans la sacralisation du roi; son instauration établissait la communauté qui la
célébrait, assurant ainsi la régularité de la vénération et le souvenir permanent du statut
exceptionnel du souverain et de ses bienfaits. La prêtrise, quant à elle, revêtait un caractère
héréditaire : les charges demeuraient dans quelques familles privilégiées 299.

Le culte des souverains avait des retombées économiques et culturelles, puisqu’il


nourrissait tout un monde d’artistes — architectes, sculpteurs, poètes, chanteurs, acteurs et
maîtres d’athlétisme — qui y trouvaient leur compte. Le culte des souverains hellénistiques
a aussi renforcé le lien qui existait déjà entre un sujet et l’objet de bienfaits, ce qui a
inévitablement influencé la relation qu’entretenait la cité envers ses bienfaiteurs non
royaux, qui firent aussi l’objet de cultes de différentes natures. Tout d’abord envers ceux
qui gravitaient autour de la cour, et plus tard, après la chute des royaumes, envers des
citoyens bienfaiteurs et envers les généraux romains. Les répercussions du culte royal se
firent même sentir dans les honneurs divins que reçurent César, Marc-Antoine et Octavien,
puis dans le culte impérial, tel que les cités grecques les pratiquaient 300.

II. Le culte des citoyens bienfaiteurs

a) Origines et premières formes

Le culte des citoyens bienfaiteurs en Asie Mineure tire ses origines de cette longue
tradition cultuelle. Du culte des héros au culte des souverains hellénistiques, tous les
éléments religieux nécessaires à l’émergence de ce phénomène se sont progressivement mis
en place. Le culte héroïque avait déjà établi qu’il était possible d’offrir un culte posthume à
des figures contemporaines ayant accompli des choses exceptionnelles. Parmi ces figures,
                                                                                                               
299
Pour les divers éléments de la forme concrète du culte civique, voir C. Préaux, Monde hellénistique I,
p. 250-262; F. W. Walbank, « Monarchies and Monarchic Ideas », 1984, p. 93; A. Chaniotis, « Divinity of
Hellenistic Rulers », p. 438-439 et Kernos, 20, 2007, p. 160.
300
C. Préaux, Monde hellénistique I, p. 250-270; F. W. Walbank, « Monarchies and Monarchic Ideas », 1984,
p. 92-93; A. Chaniotis, « Divinity of Hellenistic Rulers », p. 428-439 et 442-443; Kernos, 20, 2007,
p. 15-161.

  85  
l’une d’entre elles aurait une influence certaine sur le développement du culte des citoyens
bienfaiteurs : le ktistès. L’accomplissement pour lequel le fondateur contemporain était
récompensé pouvait être autre que la fondation directe d’une cité. Une action à l’origine
d’un changement, comme l’établissement d’un nouveau régime, par exemple, pouvait être
considérée en tant que nouvelle fondation 301. Le fondateur, qui surpassait ses concitoyens
par ses actions, était considéré comme un héros; son culte correspondait alors à une sorte de
culte héroïque 302.

Le « culte héroïque du fondateur » ou « culte du héros fondateur », se caractérisait


principalement par une sépulture à l’agora ou à proximité 303. Ces honneurs étaient souvent
accordés en signe de reconnaissance envers l’évergésie dont ces fondateurs faisaient preuve
à l’égard de leur patrie. Par exemple, en 365 a.C. après l’assassinat à Thèbes du tyran
Euphrôn, les Sicyoniens rapportèrent sa dépouille pour l’enterrer sur l’agora et l’honorer en
tant que fondateur de la cité 304. Le cas d’Euphrôn illustre également le lien entre ce genre
de traitement et les bienfaits, puisque Xénophon ajoute : « Voilà comment, à ce qu’il paraît,
la foule détermine que ses bienfaiteurs sont de grands hommes » 305. C’est parce qu’il était
un grand évergète qu’Euphrôn eut le privilège d’une sépulture à l’agora. Suivant la
tradition, les souverains hellénistiques furent aussi honorés à titre de ktistès dans les cités
grecques qu’ils avaient fondées ou refondées 306. Des dirigeants alliés des rois reçurent
également ce titre pour leurs victoires. Aratos de Sicyone, allié d’Antigonos III Dôsôn et
ensuite dirigeant de la ligue achéenne, fut enterré intra muros en tant que sauveur et
fondateur dans un endroit nommé Aratéion, un hèrôon οù lui étaient offerts des

                                                                                                               
301
C. Bérard, « Récupérer la mort du prince », p. 91-96.
302
J. H. M. Strubbe, Ancient Society, 17, 1984-1986, p. 290.
303
Ph. Gauthier, Bienfaiteurs, p. 60.
304
Ibid.; Xénophon, Helléniques, VII, 4, 12.
305
Ibid., texte établi et traduit par J. Hatzfeld, Les Belles Lettres, 2006 : Οἱ µὲν οὖν Θηβαῖοι ταῦτα
ἀκούσαντες ἔγνωσαν δίκαια τὸν Εὔφρονα πεπονθέναι · οἱ µέντοι πολῖται αὐτοῦ ὡς ἄνδρα ἀγαθὸν
κοµισάµενοι ἔθαψάν τε ἐν τῇ ἀγορᾷ καὶ ὡς ἀρχηγέτην τῆς πόλεως σέβονται. Οὕτως, ὡς ἔοικεν, οἱ
πλεῖστοι ὁρίζονται τοὺς εὐεργέτας ἑαυτῶν ἄνδρας ἀγαθοὺς εῖναι.
306
F. W. Walbank, « Monarchies and Monarchic Ideas », 1984, p. 88; A. Chaniotis, « Divinity of Hellenistic
Rulers », p. 434 et 436; R. Parker, On Greek Religion, p. 280.

  86  
sacrifices 307. D’après le récit de Polybe, c’est « en raison aussi du nombre et de la grandeur
des services rendus à la nation, [qu’] Aratos reçut après sa mort, tant dans sa patrie que
dans la confédération achéenne, les honneurs qu’il méritait » 308. Aux IIe et Ier siècles, sans
faire l’objet d’un culte, de grands citoyens bienfaiteurs reçurent les honneurs funèbres
typiques des fondateurs. Leur cité avait en fait prévu un enclos funéraire réservé aux
euergétai 309. Vers la fin de cette même période, certains des grands citoyens bienfaiteurs
étaient honorés en tant que nouveaux fondateurs pour leurs bienfaits envers leur patrie et
leurs accomplissements auprès de dirigeants romains, et recevaient un culte après leur mort.
C’est le cas de Théophane et Potamôn de Mytilène (nº 3B et nº 4), d’Asklépiadès de
Cyzique (nº 6), d’Hybréas de Mylasa (nº 8), et de Xénon de Thyatire (nº 10) 310.

D’autres reçurent des honneurs divins, parfois de leur vivant. Dès l’époque classique,
une attitude religieuse envers un mortel en vie était envisageable, jusqu’à ce qu’on en
vienne, avec Lysandre, à accorder un réel culte divin à un vivant. À partir d’ici, plusieurs
hommes reçurent les honneurs divins avant ou après leur mort. L’un des principaux
stratèges de Cassandre et Lysimaque, Prépélaos, avait par exemple son sanctuaire à
Kolophon, le Prépélaion 311. Le culte des souverains, quant à lui héritier de ce phénomène,
prit une autre direction. De fait, il s’en distingua notamment parce qu’il s’étendait plus loin
que la seule sphère civique. Le culte divin des mortels ne s’arrêta pas pour autant et se
développa en parallèle à celui des souverains, l’un influençant l’autre. C’est ainsi que des
bienfaiteurs non royaux, mais qui gravitaient autour du roi, se virent offrir différents
honneurs cultuels. Déjà au début de l’époque, trois philoi de Démétrios Poliorcète,

                                                                                                               
307
Plutarque, Aratos, 53, 4-5; Pausanias II, 8,1 et 9,4; Polybe, VIII, 12, 7-8; Ph. Gauthier, Bienfaiteurs, p. 61,
G. Thériault, CEA Suppl. 1, 2011, p. 63 et n. 53.
308
Polybe, VIII, 12, 7 (texte établi et traduit par R. Weil, Les Belles Lettres, 2003) : Οὗτος µὲν οὖν καὶ διὰ τὸ
πολλάκις τῆς ἀρχῆς τετευχέναι παρὰ τοῖς Ἀχαιοῖς, καὶ διὰ τὸ πλῆθος καὶ διὰ τὸ µέγεθος τῶν εἰς τὸ ἔθνος
εὐεργεσιῶν, µεταλλάξας τὸν βίον ἔτυχε πρεπούσης τιµῆς καὶ παρὰ τῇ πατρίδι καὶ παρὰ τῷ κοινῷ τῶν
Ἀχαιῶν.
309
I. Kyme, 13, I, l. 11-14. Ainsi, à Kymè, la bienfaitrice Archippè (I. Kyme 13, 1, l. 11-14), à Priène,
Thrasyboulos (I. Priene 99, l. 12-23); Moschiôn (I. Priene 108, l. 344-375), Héroïdès (I. Priene 109,
l. 263-269 et Zôsimos (I. Priene 113, l. 110-118), à Anaphè, Archônidas (IG XII, 3, 249, l. 36-38).
310
Ph. Gauthier, Bienfaiteurs, p. 61. Diodôros Pasparos reçut le titre de fondateur, mais de son vivant.
311
J. et L. Robert, Claros I, p. 63, 77-85; G. Thériault, CEA Suppl. 1, 2011, p. 63 et n. 52. D. Potter,
« Hellenistic Religion », p. 417 traite plutôt d’un temple, mais l’inscription, en ligne 23, ne mentionne que
« Πρεπέλαιον τὸπων » et non « ναός ».

  87  
Bourichos, Adeimantos et Oxythémis, reçurent de leur vivant, non pas des honneurs divins
dans ce cas, mais des honneurs héroïques 312. L’officier séleucide Larichos reçut plusieurs
honneurs parmis lesquels on comptait une statue de bronze placée à côté de celles des rois
Séleukos I et Antiochos I, et une autre statue, probablement associée à la divinité civique
Dèmos 313. Plus tard, vers 267 a.C., les habitants de Neon Teichos et de Kiddiou Komè
instituèrent des honneurs divins pour Achaios, membre de la famille royale séleucide, et
pour deux de ses officiels, Banabelos et Lacharès. Pour leurs victoires militaires et leurs
bienfaits, un bœuf était sacrifié annuellement pour Achaios Sôter dans le sanctuaire de
Zeus, et trois béliers étaient sacrifiés dans le sanctuaire d’Apollon pour Banabelos et
Lacharès, à titre d’ Euergétai 314. Vers 183/2 a.C., une tombe sur l’Agora, un autel de
marbre, des sacrifices et des concours furent instaurés de manière posthume pour
Philopoemen de Mégalopolis, stratège de la ligue achéenne et allié d’Antiogonos III Dôsôn,
pour sa valeur et son euergésia. Selon Diodore de Sicile, des hymnes étaient également
chantés pendant le sacrifice annuel d’un taureau en son honneur 315.

Dans la même période, à Xanthos en Asie Mineure, un certain Lysôn, fils de


Démosthénès, se voyait honoré d’un culte de son vivant. Deux autels, l’un de Zeus Sôter, et
l’autre de Lysôn Euergétès ou Ktistès, furent érigés dans le gymnase, et un sacrifice annuel
d’un bœuf devait être effectué sur l’autel de Lysôn. À ce jour, le cas de Lysôn demeure le
premier exemple d’honneurs cultuels pour un simple citoyen bienfaiteur en Asie
Mineure 316. La pratique se poursuivit et plusieurs autres cas s’ajoutèrent à la liste. Toujours
au IIe siècle, ainsi qu’au début du Ier siècle, Anticharis de Kyaneai, un citoyen inconnu de
Sunnada, Parasitas de Knide et le fils d’un certain Drakon à Kéramos obtinrent presque
tous un culte de leur vivant 317. Leurs bienfaits concernaient surtout la construction ou la
                                                                                                               
312
Démocharès, FrGrHist 75 F 1 (= Athénée, VI, 62, 253a); A. Chaniotis, « Divinity of Hellenistic Rulers »,
p. 442; B. Currie, Cult of Heroes, p. 5-9.
313
I. Priene 18; Ph. Gauthier, JS, 1, 1980, p. 35-50.
314
I. Laodikeia 1; A. Chaniotis, « Divinity of Hellenistic Rulers », p. 442.
315
Syll3 624; Diodore de Sicile, XXIX, 18; Plutarque, Philopoemen, 21; Ph. Gauthier, Bienfaiteurs, p. 61.
316
J. H. M. Strubbe, « Cultic Honours », p. 316-317. Pour l’édition de l’inscription, voir Ph. Gauthier, REG,
109, 1996, p. 1-27.
317
Pour Parasitas, il n’est pas certain si les sacrifices avaient lieu de son vivant ou de façon posthume,
cf. J. H. M. Strubbe, « Cultic Honours », p. 319. Pour le fils de Drakon, J. H. M. Strubbe, ibid, p. 320
place le culte de son vivant, tandis que Ph. Gauthier, BE, 1988, 21 parle d’honneurs posthumes.

  88  
reconstruction du gymnase de leur cité et leur culte était célébré par les membres de cette
institution 318. Au Ier siècle, ce sont de grands citoyens évergètes près du pouvoir romain qui
obtinrent un culte pour leurs accomplissements. Aux Héroïdès de Pergame, Iollas de
Sardes, Théophane et Potamôn de Mytilène, Asklépiadès de Cyzique, Apollônios II et
Épikratès II de Milet, Hybréas et Euthydème de Mylasa, Athénôdoros de Tarse, Xénon de
Thyatire et Mènogénès de Sardes qui reçurent un culte posthume, s’ajoutent Diodôros
Pasparos de Pergame et Artémidôros de Knide, qui furent honorés des isothéoi timai de leur
vivant 319. Pasparos représente d’ailleurs le tout premier témoignage en Orient, avant les
campagnes de Pompée, de la création d’un culte pour un citoyen de son vivant, à titre
public, et non limité à une institution 320.

En dehors de l’Asie Mineure, des honneurs cultuels pour des citoyens bienfaiteurs sont
déjà attestés depuis la dernière moitié du IIIe siècle, mais de façon sporadique. Il est alors
difficile d’en déterminer les origines et les modalités. À Kalymna, à la fin du IIIe siècle, un
décret mentionne la célébration de concours à la fois « pour les dieux et pour les
bienfaiteurs », en tant que groupe 321. À Athènes, probablement vers 220 a.C., les citoyens
instaurèrent un culte à Diogénès pour avoir libéré la cité de la garnison macédonienne
instaurée au Pirée. Le culte comportait des fêtes, Diogéneia, des sacrifices de taureaux et un
téménos 322. Un graffito tardif révèle une prêtrise pour le culte de Diogénès, mais aussi,
selon la restitution d’A. N. Oikonomidès, l’épithète d’ Euergétès, plaçant ainsi les bienfaits
au premier plan parmi les raisons de l’instauration du culte 323. À partir de 177/6 a.C., les
inscriptions éphébiques d’Athènes font état de sacrifices adressés « aux dieux et aux

                                                                                                               
318
À l’exception de Parasitas de Knide et du fils de Drakon à Kéramos.
319
Les honneurs furent votés du vivant des deux évergètes, mais le débat est encore ouvert quant à savoir si le
culte était célébré alors qu’ils étaient en vie.
320
M.-T. Couilloud-Le Dinahet, « Les rituels funéraires », p. 84. Les cas de Lysôn, d’Anticharis et de
l’anonyme de Sunnada sont tous trois célébrés par des membres de l’institution gymnasiale. Pour Parasitas
et le fils de Drakon, le culte est de plus grand portée, mais il n’est pas certain qu’il ait été instauré de leur
vivant.
321
M. Segre, Tituli Calymnii, 52.
322
IG II2 1011; Ph. Gauthier, Bienfaiteurs, p. 64-66.
323
SEG XXXII, 330 : Ἱεροθύτου Διογένο̣[υ]ς̣ τοῦ [Εὐεργέτου] φιλοκρά̣[το]υς Ἑ̣ρ̣µ̣οδώρου;
A. N. Oikonomidès, « The cult of Diogenes », ZPE, 45, 1982, p. 118-120.

  89  
bienfaiteurs » 324. Le phénomène est à ce jour mieux représenté en Asie Mineure,
principalement en raison de la situation politique en Orient. Selon G. Thériault, la situation
en Asie au Ier siècle a.C. — guerres mithridatiques, répressions de Sylla, invasion parthe
sous Labiénus, guerre civile romaine — plus critique qu’en Grèce, nécessitait plus d’actes
d’évergértisme. Par conséquent, la reconnaissance envers cette euergésia, notamment sous
forme de culte, était plus marquée dans cette région du monde grec 325.

b) Forme concrète du culte

Pour le culte des bienfaiteurs, contrairement au culte des souverains, il n’existe encore
aucune étude analysant la forme concrète de la pratique cultuelle. La typologie qui suit
s’inspire alors des nombreuses recherches sur le culte royal, particulièrement celle de
Ch. Habicht, Gottmenschentum, afin d’établir le modèle du culte des bienfaiteurs à partir
des informations livrées par le corpus 326.

Sacrifice, autel et lieu de culte :


Le sacrifice de victimes est l’élément le plus frappant pour témoigner de l’existence d’un
culte 327. Malheureusement, tous les cas du corpus ne font pas état d’un sacrifice, en raison
du caractère parfois lacunaire de la documentation ou du manque de sources parallèles.
Ainsi, au Ier siècle, Héroïdès, Diodôros Pasparos, et Artémidôros sont les seuls bienfaiteurs
pour lesquels le témoignage du sacrifice a été conservé. Héroïdès recevait des sacrifices,
thusiai, les plus beaux possible, de la part de son fils, Diodôros (nº 1B, l. 19). Ce dernier
recevait aussi des sacrifices de ce type qui impliquaient le découpage de morceaux de
viande, mais sans plus de précision sur la nature de la victime (nº 1A, l. 48). L’inscription
d’Artémidôros, quant à elle, spécifie seulement l’instauration du sacrifice, thusia (nº 5,
                                                                                                               
324
  IG II3 1313; IG II2 1006; 1008; 1011; 1027; 1028; 1029;   Ph. Gauthier, Bienfaiteurs, p. 63-66;  
J. H. M. Strubbe, « Cultic Honours », p. 316, n. 5; L. Migeotte, Économie et finances II, p. 134
(Post-scriptum).
325
G. Thériault, « Culte des évergètes », p. 384.
326
Outre l’étude de Ch. Habicht : C. Préaux, Monde hellénistique I, p. 250-262; F. W. Walbank, « Monarchies
and Monarchic Ideas », p. 93; A. Chaniotis, « Divinity of Hellenistic Rulers », p. 438-439 et Kernos, 20,
2007, p. 160.
327
Ch. Habicht, Gottmenschentum, p. 138.

  90  
l. 15-16). La présence de prêtres, même s’ils n’officiaient pas toujours eux-mêmes, laissait
entendre l’existence de sacrifices. Dans ce cas, Hybréas et Euthydème de Mylasa, ainsi que
Xénon de Thyatire, devaient recevoir des sacrifices, puisqu’une prêtrise leur était rattachée.

La mention d’un autel ne présume pas nécessairement la construction d’un temple pour
la personne honorée, puisque les autels pouvaient être érigés partout. Toutefois, lorsqu’un
autel n’est attesté ni dans les inscriptions, ni dans les sources littéraires ou archéologiques,
on peut en déduire l’existence s’il y a des sacrifices, puisqu’il représente l’élément essentiel
à la pratique du sacrifice 328. Dans le corpus, les attestations d’autel concernent Diôdoros
Pasparos (nº 1A, l. 46) et Artémidôros de Knide (nº 5, l. 15). En ce qui concerne Potamôn
de Mytilène, les chercheurs pensent avoir identifié un autel portant une dédicace qui
présente le bienfaiteur comme fondateur de la cité 329.

En ce qui a trait au lieu du culte, il y a peu de références à un temple à proprement parler


(naos). C’est d’ailleurs l’une des plus grandes différences entre le culte des dieux et le culte
des souverains hellénistiques. Les temples étaient rarement dédiés aux rois, à l’exception
d’Alexandre à Athènes, de Séleukos I à Lemnos et de Ptolémée II à Byzantion, et
seulement dans le cadre du culte civique. Ce phénomène peut facilement s’expliquer par le
fait que la construction d’un temple nécessitait des coûts très élevés pour la cité et que cette
dernière n’en avait pas toujours les moyens 330. Ainsi, un seul naos est attesté pour les
citoyens bienfaiteurs d’Asie Mineure, celui de Diodôros Pasparos de Pergame (nº 1A,
l. 42). L’inscription concernant Lucius Vaccius Labeo de Kymè avait également prévu


328
Ibid., p. 141-143; A. Chaniotis, « Divinity of Hellenistic Rulers », p. 438.
329
 G. Thériault, CEA Suppl. 1, 2011, p. 63. Pour la dédicace d’autel : IG XII, Suppl., 44 : *?D|μI=:
%6C3ˆ=2;D?B D›: 6r6A4~D2 ;2 ;D‚CD2 DŒB @„<:?B et R. W. Parker, ZPE, 85, 1991, p. 121, n. 25.
330
Naos d’Alexandre à Athènes : Hypéride, Épitaphios, 21, en faisant référence à « l’insolence des
Macédoniens » : 9EC‚2B μ}= K=9Aˆ@?:B 4[:4=?]μ~=2B TF?AŒ=, K42<μ[2D2 5}] ;2 3Iμ?…B ;2 =2?…B D?•[B
μ}=] 96?•B Kμ6<›B, D?•B 5} K=9Aˆ[@?:B] T@:μ6<›B CE=D6<?†μ6=2, ;2 D?…B <D?†>DI= ?c;~D2B yC@6A _AI2B
D:μŒ= \μŒB K=24;27?μ~=?EB. Naos de Séleukos I à Lemnos : FrGrHist 81 F 29 : ?d %8μ=„96= S98=2•?: ?r
μ„=?= =2?…B ;2D6C;6†2C2= D?– ,6<6†;?E… Ptolémée II à Byzantion : Denys de Byzance, Anaplus
Bospori, 41 : &:;Aƒ= 5} s@}A 2rD?–, =6‡B *D?<6μ2‚?E D?– /:<25~<F?E  D?–D?= TD‚μ8C2= gC2 96œ
E7|=D:?:, μ642<?FA?C†=8B D6 2rD?– ;2 D:μ’B D’B @6A D = @„<:= K@?<2†C2=D6C  ;2 4{A GˆA2= T@ D’B
SC‚2B 5IA6•D2: ;2 C‚D?E @?<<{B μEA:|52B ;2 3~<8 ;2 GA€μ2D2. Voir également A. Chaniotis, « Divinity
of Hellenistic Rulers », p. 438-439; Ch. Habicht, Gottmenschentum, p. 143.

 %
l’érection d’un temple, mais il l’avait refusé, comme on l’a vu, avec tous les autres
honneurs 331.

Il arrivait plus fréquemment que le lieu de culte consistât seulement en un enclos ou


espace sacré délimité (téménos) qui portait le nom de l’honoré 332. Grâce à l’inscription
concernant Diodôros, nous savons aujourd’hui que ce nom ne désignait pas seulement le
bâtiment cultuel, mais tout le périmètre sacré. De fait, un téménos qui portait le nom de
Diodôreion était consacré au bienfaiteur, et dans celui-ci se trouvait un temple, avec une
statue cultuelle et un autel (nº 1A, l. 40-42). Le cas de Diodôros est aussi particulier
puisque les informations sur la localisation du périmètre sacré sont fournies, alors que,
même lorsqu’il s’agissait du culte des souverains, elles se faisaient rares 333. Le téménos du
Pergaménien se trouvait dans le district de Philétaireia, qui correspondait à l’Agora de la
haute ville (nº 1A, l. 41). À Mytilène, nous avons toutes les raisons de penser que le
bâtiment sur lequel plusieurs décrets concernant Potamôn ont été découverts correspondait
à un périmètre sacré pour le culte du bienfaiteur. Son nom, Potamôneion, attesté par un
fragment d’inscription (IG XII, 2, 51), fait écho aux téménè en l’honneur des souverains
hellénistiques, mais aussi à l’enclos héroïque du stratège Aratos, l’Aratéion, au sanctuaire
du stratège Prépélaos, le Prépélaion, au téménos de Didodôros, le Diodôreion et, plus tard
vers 200 p.C, au Mènogéneion à Sardes 334. Le Potamôneion serait, comme l’Aratéion, un
enclos de type héroïque, en l’honneur du bienfaiteur, sauveur et fondateur mytilénien 335.
Asklèpiadès de Cyzique avait également un hèrôon en son honneur (nº 6, l. 25-26), dans le
gymnase de la cité ou près de celui-ci 336. À Milet, l’espace près du bouleutèrion est souvent

                                                                                                               
331
I. Kyme, 19, l. 16; J. H. M. Strubbe, « Cultic Honours », p. 328-329.
332
Ch. Habicht, Gottmenschentum, p. 140 et n. 12; A. Chaniotis, « Divinity of Hellenistic Ruler », p. 438.
333
Ch. Habicht, Gottmenschentum, p. 141.
334
Aratéion : Plutarque, Aratos, 53, 4-5; Pausanias II, 8,1 et 9,4; Ph. Gauthier, Bienfaiteurs, p. 61;
G. Thériault, CEA Suppl. 1, 2011, p. 63 et n. 53. Prépélaion : J. et L. Robert, Claros I, p. 63 (l. 23 et 36) et
p. 77-85; G. Thériault, CEA Suppl. 1, 2011, p. 63 et n. 52; D. Potter, « Hellenistic Religions », p. 417.
Mènogéneion : Sardis VII1, 17, l. 15; W. H. Buckler et D. M. Robinson, AJA, 18, 1914, p. 321-362;
L. Robert, Hellenica IX, p. 9; G. Thériault, CEA Suppl. 1, 2011, p. 63 et n. 56.
335
Pour la nature héroïque du Potamôneion, voir M. Rostovsteff, Histoire économique, p. 581; S. R. F. Price,
Rituals and Power, p. 50 et n. 20; G. Thériault, CEA Suppl. 1, 2011, p. 55-64. Un fragment d’inscription,
IG XII, 2, 29 contient le terme « ἠροΐσµος », et Potamôn fut honoré du titre de ktistès (supra nº 3B, col. C;
IG XII, 2, 159-162, 163c; IG XII, Suppl., 43-44).
336
Cf. É Chiricat, « Funérailles publiques », p. 220-221.

  92  
considéré comme une enceinte héroïque sacrée pour Apollônios II et Épikratès II, et il
pourrait même y avoir un petit temple (naïskos) qui leur était dédié 337. L’inscription
concernant Xénon de Thyatire, quant à elle, mentionne la consécration par les Iouliastai
d’un Xénôneion, espace sacré en l’honneur du citoyen sauveur, évergète et fondateur,
peut-être de type héroïque 338. Le gymnase apparaît aussi, à cette période, comme un lieu de
culte. En continuité avec les cas du IIe siècle, Diodôros Pasparos reçut une seconde série
d’honneurs au gymnase, que nous verrons plus loin avec les nombreuses statues qu’il se vit
octroyer 339.

Statues cultuelles :
La plupart des bienfaiteurs de notre corpus reçurent des statues, parfois plusieurs.
Toutefois, il n’est pas toujours facile de savoir s’il s’agissait de statues cultuelles ou de
simples statues honorifiques 340. Nous l’avons vu, le terme d’agalma ne présume pas
nécessairement une activité cultuelle, même si c’était souvent le cas. C’est plutôt le lieu où
elle se trouvait et le contexte qui servent d’indication 341. Ainsi, l’algama d’Héroïdès de
Pergame était sans aucun doute cultuel, puisque Diodôros effectuait des sacrifices pour son
père auprès de celle-ci, érigée dans le gymnase (nº 1B, l. 19-20). Il est impossible de dire si
les agalmata pour Iollas et Mènogénès de Sardes étaient de nature cultuelle, mais les autres
mégistai timai qu’il reçurent sont comparables à celles de Diodôros Pasparos et
d’Artémidôros, pour qui les cultes sont confirmés. L’inscription concernant Artémidôros de

                                                                                                               
337
P. Herrmann, MDAI(A), 1994, p. 232-234; S. Cormack, Space of Death, p. 149 et 245-246.
338
J. Keil et A. von Premerstein, Reise in Lydien, p. 41 n’hésitent pas à parler de « Heroisierung » et d’un
« Temenos »; B. Holtheide, Römische Bürgerrechtspolitik, p. 48, parle d’un « Heroenkult » ; S. Cormack,
Space of Death, p. 149 explique que le terme « "heroon" might be reserved to indicate those burial spaces
in which the deceased was regarded as a "hero" or "hero-like" ». Nous n’avons malheureusement aucune
indication sur la forme architecturale du Xénôneion, mais selon la chercheure, il pourrait s’agir d’un
hèrôon, étant donné que Xénon fut honoré, entre autres, à titre de hèrôs et de ktistès, et que l’inscription
présume que sa tombe se trouvait dans le Xénôneion. Avec plus de réserve, L. Robert, AntCl, 35, 1966,
p. 421 (= OMS VI, 45 ) indique un « sanctuaire »; Ph. Gauthier, Bienfaiteurs, p. 61, traduit hèrôs par
« défunt » et classe Xénon dans la catégorie des nouveaux fondateurs; J. H. M. Strubbe, « Cultic
Honours », p. 327 traite d’un « téménos » et G. Thériault, CEA Suppl. 1, 2011, p. 63 n. 55 d’un
« sanctuaire ».
339
Au IIe siècle, Lysôn de Xanthos et Anticharis de Kyaneai furent honorés au gymnase : voir
J. H. M. Strubbe, « Cultic Honours », p. 317.
340
A. Chaniotis, « Divinity of Hellenistic Rulers », p. 439.
341
Sur ce débat, voir L. Robert, REA, 62, 1960, p. 316-324, (= OMS II, 832-840); S. R. F. Price, Rituals and
Power, p. 172-188 et n. 60; A. S. Chankowski, BCH, 122, 1998, p. 173 n. 46.

  93  
Knide mentionne qu’il reçut le privilège d’une statue sunnaos (nº 5, l. 12). Cet honneur
exceptionnel, le plus souvent réservé aux monarques, représentait d’ailleurs l’un des
moyens d’associer le roi à un dieu 342. Ici, nous avons la chance de connaître la déesse avec
laquelle il partageait les lieux : Artémis Hyakunthotrophos et Épiphanès. Cette indication
fournit un élément essentiel du culte du Knidien, puisque l’épithète de la déesse exprime
également les qualités du destinataire de la statue dont il est sunnaos 343. L’épithète
Épiphanès, lorsqu’accordée à un dieu, fait allusion à son apparition parmi les hommes,
mais dans d’autres occasions, elle signifie aussi « illustre ». Lorsque portée par un mortel,
comme un souverain, elle souligne alors le caractère divin de l’individu en tant que « dieu
présent » 344. Par conséquent, en faisant Artémidôros sunnaos d’Artémis Épiphanès, ses
concitoyens confirmaient son statut divin, également reflété par l’octroi des autres isothéoi
timai.

Diodôros Pasparos avait quantité de statues en son honneur. Parmi les statues cultuelles,
on compte celle érigée dans son naos pour le culte lié à ses accomplissements lors de
l’ambassade à Rome (nº 1A, l. 41). Une autre inscription, mentionnant l’existence de
temples et de statues cultuelles, évoque l’institution d’un culte différent, à un autre moment
(nº 1E, l. 16-19). En effet, le dossier épigraphique de Pasparos révèle qu’il aurait obtenu
une seconde série d’honneurs, au gymnase. Une statue cultuelle fut érigée dans l’une des
pièces du gymnase qui contenait également la statue cultuelle de Philétairos (nº 1D,
l. 36-37). Ce choix d’emplacement n’est pas anodin, puisqu’il associait Diodôros au
fondateur de la dynastie, et il est attesté que le Pergaménien possédait le titre de second
fondateur 345. Un décret voté pendant sa gymnasiarchie, après 69, fait également mention de
sacrifices auprès d’une statue (nº 1C, l. 14-16) 346.


342
C. Préaux, Monde hellénistique I, p. 251-252; F. W. Walbank, « Monarchies and Monarchic Ideas »,
p. 87-88; A. Chaniotis, Kernos, 20, 2007, p. 160. Pour une étude complète du concept de sunnaos théos,
voir aussi A. D. Nock, Essays I, p. 202-251.
343
A. Chaniotis, Kernos, 20, 2007, p. 160.
344
C. Préaux, Monde hellénistique I, p. 250-251.
345
IGR IV, 293, Col. II, l. 60-62 : ;2 K;μ = T@’6r6A46C‚2: 5[:?]:;?Eμ~=?:B 6rG|A:CD?=, ;2 T@6: D?– D›=
=~I= | 4Eμ=2C‚?E ;2D6F92Aμ~=?E D6<6‚IB 46=„μ6=?B ;29|@6A 6eB D:B 56†D6A?B | ;D‚CD8B (…).
346
Pour les différentes séries d’honneurs accordés à Diodôros Pasparos, voir A. S. Chankowski, BCH, 122,
1998, p. 165-166; S. R. F. Price, Rituals and Power, p. 48.; J. H. M. Strubbe, « Cultic Honours », p. 322.

 % 
Toujours dans le gymnase, il y avait une statue de Diodôros « C†=9A?=?B a: D?•B ;2D{
@2<2‚CDA2= 96?•B », qui n’est pas sans intérêt 347. Le terme sunthronos pose quelques
difficultés pour comprendre la valeur sacrée de cet agalma et peu de spécialistes ont prêté
attention à ce problème. A. S. Chankowski lui a toutefois dédié un appendice, voyant
l’importance que le terme pouvait revêtir en regard de la « signification religieuse des
honneurs cultuels accordés à Diodôros Pasparos », dont les principaux arguments suivent
ici 348. Un passage de Diodore de Sicile mentionne une procession de statues des douze
dieux, parmi lesquelles Philippe avait la sienne, sunthronos 349. Une inscription, concernant
Antiochos de Commagène, décrit sa statue érigée à Nimrud Dagh en la qualifiant de
sunthronos 350. Heureusement, cette dernière est partiellement conservée et représente le roi
assis sur un trône, à côté de plusieurs divinités, elles aussi assises. Au Bas-Empire, le terme
sunthronos correspondait à une réalité matérielle : une statue du gouverneur assis sur son
siège en compagnie de Dikè, Thémis et Eunomia. Toutefois, à l’époque impériale, le terme
était aussi employé dans les épigrammes pour son sens figuré, notamment à propos des
gouverneurs en leur qualité d’hommes justes.

Il faut alors se demander si, de l’époque hellénistique jusqu’au Bas-Empire, sunthronos


désignait toujours un type particulier de statue, ou si, en fonction du sens figuré, ce type
d’agalma devint un phénomène nouveau à partir du Bas-Empire, et par conséquent, ne
possédait aucun lien avec les honneurs cultuels de l’époque précédente. Dans le premier
cas, cela impliquerait l’érection d’une statue de Diodôros où il serait représenté assis sur un
trône, accompagné des dieux de la palestre, Hermès et Héraklès. Dans le deuxième cas, cela
signifierait que sunthronos a été employé au sens figuré, et non pas pour spécifier l’objet
matériel et son type. Selon A. S. Chankowski, la première option voulant que les
Pergaméniens aient accordé un tel honneur à un homme vivant, est peu probable. Le


347
IGR IV, 293, Col. I, l. 43-45 : T= D?†DI: ;2 | [2rDƒB 5:{ D?†D?E D]?– K4|<μ2D?B C†=9A?=?B a: D?•B ;2D{
@2<[2]‚CDA2= | [96?•B, 46=?μ~=8B Vμ@A?C9]6= D?– K4|<μ2D?B T@:4A2F’B (…).
348
A. S. Chankowski, BCH, 122, 1998, p. 198-199.
349
Diodore de Sicile, XVI, 93, 5.
350
OGIS, 383, l. 57-63 : $?μμ248=’B 96?@A6|@’ D2–D2 K4|<μ2D2 ;29:5AEC|μ8= | K@„ D6 <:96‚2B μ:ŒB
52‚μ?C:= T@8;„?:B | C†=9A?=?= G2A2;D’A2 μ?AF’B Tμ’B | CE=2=~98;2 ;2 D†G8B =~2B \<:;:›|D:= KAG2‚2=
96›= μ64|<I= D:μ = T@?:|8C|μ8= (…).

 %!
chercheur opte pour la seconde hypothèse, tout en laissant le débat ouvert à des recherches
plus poussées.

Nous ne saurions départager ces deux emplois pour l’inscription de Diodôros Pasparos,
mais l’idée d’une statue de type sunthronos ne semble pas improbable, même du vivant de
Diodôros. Le culte du Pergaménien a été influencé par celui des Attalides, notamment
Philétairos et Attale III 351. Or, on sait qu’Attale III avait l’une de ses statues dans le temple
d’Asklépios Sôter à Élaia, port de Pergame, afin qu’il soit « C†==2?B Dœ 96œ » 352. De retour
sur le territoire de Pergame, fort de ses succès en campagne militaire, le roi s’était arrêté à
cet endroit pour se reposer. Le peuple de Pergame l’honora donc d’une statue dans ce
même temple, en sa qualité de roi victorieux, l’associant ainsi à Asklépios Sôter. Les
termes sunnaos et sunthronos ne sont pas synonymes, puisque le second représente
principalement un personnage assis. Toutefois, ils possèdent la même fonction d’associer le
destinataire à un dieu, par le biais d’une statue 353. On ignore si Attale III a continué
d’occuper une place dans le temple d’Asklépios, mais la tradition de partager l’espace sacré
d’un dieu est également attestée à Pergame au Ier siècle p.C. 354 En effet, deux inscriptions
du temple d’Athéna Polias et Nikèphoros mentionnent une prêtresse du culte d’Athéna et
de Julia, sunthronos, « nouvelle Nikèphoros » 355. Une statue cultuelle de cette nouvelle
Athéna fut introduite dans le temple, mais la pratique du culte conjoint n’aurait pas
perduré 356.


351
Ph. Gauhtier, Bienfaiteurs, p. 62-63.
352
OGIS, 332, l. 7-9 : ;29:6A›C2: 5} 2rD?– ;2 O42<μ2 @6=D|@8GE D69IA2;:Cμ~|=?= ;2 3638;ƒB T@ C;†<I=
T= D›: =2›: D?– ,ID’A?B SC;<8@:?–, f=2 `[:]| C†==2?B D›: 96›: (…); L. Robert, BCH, 109, 1985, p. 469.
353
A. Chankowski, BCH, 122, 1998, p. 198. Pour la fonction d’association à un dieu : C. Préaux, Monde
hellénistique I, p. 251-252; F. W. Walbank, « Monarchies and Monarchic Ideas », p. 87-88; A. Chaniotis,
Kernos, 20, 2007, p. 160.
354
A. D. Nock, Essays I, p. 220.
355
I. Pergamon 497, l. 4-6 : (b 3?E< <:> ;2 l 5’μ?B TD:μ[8C2=]…) ;2 | i?E<‚2B CE=9A„=?E, =~2B
':;8[F„A?E, 6Aμ2]|=:;?– $2‚C2A?B 9E42DA„B […]; 498 : [p 5’μ?B] T[D‚μ8C6= D = 56•=2 D = D?– 56•=?B
9E42D~A2] | d~A6[:2= D’B ':;8F„A?E ;2 *?<:|5?B S98=ŒB ;2] | i?E<‚2[B, =~2B ':;8F„A?E ….
A. D. Nock, Essays I, p. 220 : la Julia en question est Julia Lavilla, sœur de Caligula, et l’inscription est
datée entre 37 et son exil en 39, puisqu’après cela, Caligula interdit toute forme d’honneurs envers les
membres de sa famille.
356
A. D. Nock, Essays I, p. 220.

 %"
Un décret stipule que, pour sa gymnasiarchie, une exèdre serait construite à Diodôros
dans le gymnase des néoi. Dans celle-ci, une statue cultuelle de marbre lui serait consacrée
afin qu’il soit sunthronos des dieux de la palestre 357. Un autre décret spécifie que les
bienfaits de Diodôros envers le gymnase des néoi ont fait de lui son deutéros ktistès, et que
pour ces raisons, une exèdre contenant une statue cultuelle de marbre serait construite 358.
Ainsi, une statue de Diodôros assis aux côtés des dieux de la palestre en tant que deutéros
ktistès du gymnase se trouvait peut-être dans l’exèdre. À première vue, cela peut paraître
une réponse démesurée à des bienfaits tels que la rénovation du gymnase, mais le bâtiment
était totalement détruit avant l’intervention du Pergaménien et, à l’époque hellénistique,
cette institution était d’une importance capitale pour les cités, puisqu’elle jouait le rôle
d’une « seconde agora » 359. Comme Attale III avant lui fut associé avec une statue sunnaos
à Asklépios Sôter en tant que vainqueur, Diodôros aurait pu être associé avec une statue
sunthronos aux dieux du gymnase, Hermès et Héraklès, en tant que nouveau fondateur du
bâtiment. Plus tard, Julia Lavilla fut d’ailleurs associée avec statue sunthronos à Athéna
Nikèphoros avec qui elle partageait le culte en tant que nouvelle Nikèphoros.

Il n’existe, à ce jour, encore aucune preuve matérielle de l’existence d’une telle statue,
et par conséquent, il demeure impossible de trancher la question. Il ne semble pas
inconcevable qu’un homme qui se vit accorder de son vivant les isothéoi timai — parmi
lesquelles on comptait un téménos éponyme et un temple — ait eu également, au gymnase,
sa statue sunthronos qui l’associait aux dieux de la palestre en tant que second fondateur.
Ainsi, la première proposition d’A. S. Chankowski ne serait pas à rejeter si rapidement,
même si tout ceci demeure hypothétique.


357
IGR IV, 293, Col. I, l. 43-45 : T= D?†DI: ;2 | [2rDƒB 5:{ D?†D?E D]?– K4|<μ2D?B C†=9A?=?B a: D?•B ;2D{
@2<[2]‚CDA2= | [96?•B, 46=?μ~=8B Vμ@A?C9]6= D?– K4|<μ2D?B T@:4A2F’B (…).
358
IGR IV, 293, Col. II, l. 60-65 : ;2 K;μ = T@’6r6A46C‚2: 5[:?]:;?Eμ~=?:B 6rG|A:CD?=, ;2 T@6: D?– D›=
=~I= | 4Eμ=2C‚?E ;2D6F92Aμ~=?E D6<6‚IB 46=„μ6=?B ;29|@6A 6eB D:B 56†D6A?B | ;D‚CD8B , @A?6=„8C6=
F:<?D:μ„D2D2 D?– D6 @6A 2rDƒ ;„Cμ?E ;2 D’B T@:9[6]|A2@6‚2B ;2 T@:C;6E’B 2rD?–
;2D2C;6E2C96‚C[8B] | T>~5A2B μ2Aμ2A‚=8B ;2 T= 2rD’: 46=?μ~=?E 9IA2;6‚?E lμ?‚IB μ2A[μ2]|A‚=?E (…).
359
L. Robert, AntCl, 35, 1966, p. 422 et n. 7 (= OMS VI, 46). Expression reprise, entre autres, par
Ph. Gauthier, Bienfaiteurs, p. 61 et É. Chiricat, « Funérailles publiques », p. 223. G. Thériault, Phoenix,
57, 2003, p. 249-251 a également bien montré l’importance de l’institution gymnasiale à l’époque
hellénistique.

 %#
Prêtrise :

Pour qu’un culte prenne une forme concrète, il fallait une communauté pour le pratiquer.
Le prêtre ne pratiquait pas nécessairement le sacrifice, puisque des membres du corps
civique avaient aussi la capacité de le faire. Toutefois, la présence même d’un prêtre laissait
entendre l’existence de sacrifices. Parfois, les prêtres qui s’occupaient des autres cultes de
la cité pouvaient assumer cette tâche  . Dans d’autres occasions, l’individu honoré avait sa
propre prêtrise 360. Selon Ph. Gauthier, il y aurait de fortes raisons de penser qu’un prêtre
était rattaché au culte d’Héroïdès de Pergame. Hybréas de Mylasa jouissait, d’après
L. Robert, d’un prêtre de son culte, en commun avec Euthydème. À Thyatire, les Iouliastai
furent formés dans le but de célébrer le culte de Gaios Ioulios Xénon (nº 10, l. 12) 361.
L’action de prendre soin d’un temple (naos), contrairement à la pratique du sacrifice,
nécessitait, dans la plupart des cas, l’intervention d’un prêtre; si un temple était consacré en
l’honneur d’un bienfaiteur, une prêtrise y était rattachée 362. Ainsi, même si c’était le peuple
qui offrait les sacrifices à Diodôros, un prêtre lui était tout de même désigné, au moins pour
l’entretien du naos.

Fêtes, concours et processions :

La fête, par sa célébration périodique, assurait le souvenir permanent de l’honoré et de


ses bienfaits. Elle, souvent éponyme comme la plupart des festivals pour les dieux,
comprenait une procession et des concours. Lorsqu’un sanctuaire était consacré au
destinataire du festival, les célébrations y prenaient habituellement place, et lorsque ce
n’était pas le cas, elles avaient lieu à l’endroit où se trouvait l’autel 363. Les célébrations
pour Héroïdès de Pergame, qui comprenaient des concours gymniques et des courses aux
flambeaux, de paides, d’éphèbes et d’andres (nº 1B, l. 20), avaient lieu au 26e jour du mois

                                                                                                               
360
Ch. Habicht, Gottmenschentum, p. 145.
361
Héroïdès : Ph. Gauthier, Bienfaiteurs, p. 63 et nº 1C, l. 20. Hybréas : L. Robert, à propos de son cours au
Collège de France de 1973-1974 (= OMS V, 53). Xénon : L. Robert, AntCl, 35, 1966, p. 421 (= OMS VI,
45).
362
Ch. Habicht, Gottmenschentum, p. 145; A. Chaniotis, « Divinity of Hellenistic Rulers », p. 439.
363
Ch. Habicht, Gottmenschentum, p. 147-148; A. Chaniotis, « Divinity of Hellenistic Rulers », p. 438 et
Kernos, 20, 2007, p. 160.

  98  
Dios, au gymnase, mais l’on ignore à quel évènement particulier la date faisait référence 364.
Pour Diodôros, elles avaient lieu le jour anniversaire de son retour d’ambassade de Rome,
le huitième jour du mois Apollônios (nº 1A, l. 36-37)  365. C’était l’occasion de rappeler ses
bienfaits, soit la remise du tribut imposé à Pergame et un dédommagement pour les abus et
la violence des troupes romaines installées sur le territoire. Les Hèrôa pour Asklépiadès,
qui comprenaient une cérémonie de couronnement (nº 6, l. 14), servaient à commémorer les
victoires de ce bienfaiteur sur le champ de bataille, alors qu’il participait à la libération de
César assiégé dans Alexandrie 366. Les festivités pour Artémidôros de Knide comportaient
des concours gymniques pentétériques éponymes, les Artémidôreia, mais aucune indication
temporelle n’est fournie quant au moment des célébrations (nº 5, l. 17-18).

La procession, quant à elle, était un rituel social qui reflétait l’image que la cité entendait
véhiculer, en vue de la cohésion sociale. Elle créait « l’occasion de célébrer en groupe des
valeurs communes, car lors de son déroulement, les participants représentent l’ordre même
de la société et son organisation politique » 367. Dans la procession pour Diodôros, qui
débutait au prytanée pour s’achever au téménos, marchaient le prytane, les prêtres, les
magistrats, le gymnasiarque et le sous-gymnasiarque guidant les éphèbes, les paidonomoi
guidant les paides, ainsi que Diodôros avec ses enfants (nº 1A, l. 43-46). La place
honorifique de Pasparos dans sa procession est exceptionnelle. À Kos, vers la seconde
moitié du IIIe siècle, Pytoklès tenait une place honorifique dans le cortège sacrificiel des
Pytokleia, ainsi que ses descendants après sa mort, mais cela s’explique puisqu’il exerçait
la prêtrise 368. À Milet, vers 200/199 a.C., un décret pour la fondation d’Eudémos prévoyait
une place au fondateur lui-même à l’occasion de certaines fêtes, mais la procession était
exclusivement organisée par les paides de la palestre et leurs magistrats. Les célébrations

                                                                                                               
364
J. H. M. Strubbe, « Cultic Honours », p. 321. Pour l’établissement du moment des célébrations, voir
A. E. Samuel, Greek and Roman Chronology, p. 127.
365
Ph. Gauthier, Bienfaiteurs, p. 62 y voit ici un lien étroit avec le culte des Attalides, puisque les célébrations
pour Attale III avaient également lieu le jour anniversaire de son retour à Pergame.
366
É. Chiricat, « Funérailles publiques », p. 215, l. 11-14.
367
A. S. Chankowski, « Processions et cérémonies d’accueil », p. 185-190.
368
I. Cos ED 82; pour la datation et la prêtrise, voir S. M. Sherwin-White, ZPE, 24, 1977, p. 214, n. 34;
commentaires sur la procession, A. S. Chankowski, « Processions et cérémonies d’accueil », p. 195-197 et
203.

  99  
demeuraient internes à la communauté gymnasiale et la communauté civique n’y prenait
pas part 369. « La participation de Diodôros à une procession, à côté des magistrats et des
prêtres qui représentent la cité, est un honneur qui semble être une nouveauté » 370. Cette
place honorifique s’inscrit alors en continuité avec les autres honneurs exceptionnels que
lui ont accordés ses concitoyens. Les festivités en son honneur comportaient également des
concours de paides, d’andres et d’éphèbes, pour lesquels des parts du sacrifice étaient
distribuées comme prix entre les gagnants (nº 1A, l. 47-48). Le seul autre évergète du
corpus pour qui nous avons une mention de procession est Artémidôros de Knide, mais
l’inscription ne précise pas ses participants (nº 5, l. 16-19).

Tribus et jours sacrés :

La pratique de nommer une tribu au nom d’un dirigeant était courante dans le culte des
souverains hellénistiques, puis la tradition s’est poursuivie surtout à Pergame, enfin avec
les empereurs romains. Avant l’époque hellénistique, les tribus éponymes devaient leur
nom à des ancêtres mythiques, archégètai, qui recevaient alors un culte héroïque. Le culte
de cet ancêtre se fondait sur une idée très similaire à celle du culte du fondateur. Comme la
cité devait son existence au ktistès, la tribu la devait à l’archégètes. Le rituel de l’éponyme,
qu’il fût un dieu ou un héros, a donc continué chez les souverains. Contrairement à ce que
l’on pourrait penser, le culte n’était pas célébré uniquement au sein de la tribu. L’exemple
des Antigonides a montré que le fait de nommer une tribu éponyme au nom d’un individu
était une récompense honorifique de la cité envers cet homme, pour ses accomplissements.
Dans le cas des rois, la tribu éponyme se trouvait la plupart du temps dans les cités qu’ils
avaient fondées, et qui étaient également éponymes. Le lien avec le culte du fondateur se
fait alors encore sentir, et lorsqu’un nouvel éponyme prenait la place, celui-ci remplaçait
tout simplement l’ancien 371.

                                                                                                               
369
E. Ziebarth, Aus dem griechischen Schulwesen. Eudemos von Milet, p. 1-29; Delphinion, 145; Syll3 577.
Voir aussi les notes bibliographiques de P. Herrmann, Milet VI, p. 178. Pour ce qui est des finances, voir
R. Bogaert, Banques et banquiers, p. 259; J. D. Sosin, Tyche, 16, 2001, p. 166-175. Traduction française
par M. Sartre, L’Anatolie hellénistique, p. 130-131. Pour les mécanismes administratifs qui ont été mis au
point par la cité de Milet à l’occasion de la fondation d’Eudèmos, voir L. Migeotte, Phoenix, 66, 2012,
p. 1-10. Pour la procession, voir A. S. Chankowski, « Processions et cérémonies d’accueil », p. 203.
370
A. S. Chankowski, « Processions et cérémonies d’accueil », p. 203.
371
Ch. Habicht, Gottmenschentum, p. 153-154; J. Rudhart, Notions fondamentales, p. 132-133.

  100  
La seule attestation de tribu éponyme dans le présent corpus est celle de Diodôros
Pasparos : la Pasparéide (nº 1A, l. 37-38). Par ses accomplissements lors de l’ambassade,
Diodôros fut tenu pour nouveau fondateur pour la cité. Sa statue située dans l’emplacement
du gymnase consacré au culte de Philétairos, qui l’associait ainsi au fondateur de la
dynastie Attalide, et le titre de deutéros ktistès du gymnase des néoi, allaient ainsi de pair
avec l’honneur d’une tribu éponyme pour le nouveau fondateur. Le jour où il revint de son
ambassade, quant à lui, fut décrété jour sacré. Le culte de Diodôros s’inscrit ici une fois de
plus en continuité avec celui des Attalides. De fait, le jour où Attale III est revenu sur le
territoire de Pergame en tant que vainqueur devint hiéra hèméra 372.

Épithètes et titres honorifiques :

Les épithètes portées par des mortels qui recevaient un culte civique ne constituaient pas
en soi un nom cultuel, mais reflétaient plutôt le trait de caractère ou l’accomplissement
pour lequel l’individu était honoré d’un culte 373. L’épithète euergétès était un terme grec
commun pour le bienfaiteur d’une cité, qui pouvait se trouver autant en contexte profane
qu’en contexte cultuel 374. Selon Ph. Gauthier, à propos de Xénon de Thyatire, « sans être
une épiclèse cultuelle, le terme semble expliquer ou justifier les honneurs décernés au
personnage » 375. Ainsi, Héroïdès possédait l’euergésia ancestrale et faisait partie des
bienfaiteurs pour qui un prêtre était nommé lors des assemblées. Les statues de Diodôros
portaient toute une inscription mettant en valeur la qualité d’euergétès du Pergaménien,
sans compter les nombreuses mentions de son évergésie à travers les décrets. L’inscription


372
OGIS, 332, l. 13-14 : D = 5}  45„8=, = a: @2A64~=6D? | 6cB *~A42μ?=, d6A|= D6 6g=2: [6c]B P@2=D2 Dƒ=
GA„=?= ;2 T= 2rD’: T@:D6<6•C92: (…). L. Robert, Études anatoliennes, p. 48-50; Ph. Gauthier,
Bienfaiteurs, p. 62-63 note également comme similitude entre les deux cultes le fait que le héraut sacré
prononçait les vœux officiels pour Diodôros en tant que « bienfaiteur ». Au IIIe siècle, les stratèges
sacrifiaient aussi à Eumène Ier en sa qualité de « bienfaiteur ». De plus, plusieurs honneurs accordés à
Diodôros étaient calqués sur ceux de Manius Aquilius, organisateur de la province, qui eux-mêmes
présentaient plusieurs analogies avec le culte des Attalides.
373
Ch. Habicht, Gottmenschentum, p. 157-159; Ph. Gauthier, Bienfaiteurs, p. 62.
374
A. D. Nock, Essays I, p. 154; Ch. Habicht, Gottmenschentum, p. 157-159. Voir également l’étude de
K. Bringmann, « The King as Benefactor », p. 7-24 pour la relation qu’entretenaient les cités avec celui
qui portait le titre de « bienfaiteur ».
375
Ph. Gauthier, Bienfaiteurs, p. 62.

 
qui concerne Iollas indique de façon explicite que « tous ces (honneurs lui ont été conférés)
en raison de son mérite et des bienfaits (euergésias) envers son (peuple) » 376. Théophane et
Potamôn, en leur qualité d’euergétès, furent honorés des titres de sôter et de ktistès. Les
noms d’Asklépiadès de Cyzique, de son fils et de son petit-fils, figurent sur un agalma de
marbre, en raison de leur euergésia ancestrale. Épikratès II de Milet fut honoré, pour sa
part, du titre de « héros évergète ». Titre d’euergétès et eurgésia ancestrale également pour
Euthydème de Mylasa. Le décret pour Xénon de Thyatire mentionne à deux reprises son
titre d’euergétès et souligne qu’il rendit « les plus grands bienfaits » (τὰ µέγιστα) à toute
l’Asie. Ainsi, même si l’épithète euergétès n’avait pas en soi une valeur cultuelle, elle
témoignait du lien intrinsèque qui existait entre le culte des citoyens évergètes, et les
bienfaits.

Les épithètes Sôter et Théos, en revanche, se voyaient plus souvent dans le cadre d’un
culte. Selon Ch. Habicht, le prédicat Sôter implique toujours, aux IIe et Ier siècles, un culte
véritable et ce, même quand les témoignages font particulièrement défaut 377. Cependant,
A. D. Nock, A. E. Raubitschek, G. W. Bowersock et L. Robert refusent tout caractère
religieux à cette épithète, la classant dans la même catégorie qu’euergétès 378. D. Fishwick,
quant à lui, soutient : « The world originally applied both to gods and to men and continued
to be so used without any blurring of the distinction between the two; when accorded to a
mortal, it can denote cult in the proper context, though elsewhere it appears as a purely civil
epithet » 379. Comme pour les statues, c’est alors le contexte qui permet d’attribuer ou non
une valeur cultuelle à l’épithète sôter. Ainsi, pour avoir libéré la patrie, Théophane fut fait
Sôter, titre ensuite transféré à Potamôn qui préserva la liberté de sa patrie. Xénon de
Thyatire porta lui aussi ce titre, mais on ignore pour quel accomplissement. L’épithète
Théos, de son côté, indique la révélation de qualités tenues pour divines. Ce titre
honorifique était fréquent chez les Lagides et les Séleucides, mais uniquement à titre
posthume. Les seuls à l’avoir porté de leur vivant furent Antiochos II, Antiochos IV et
                                                                                                               
376
nº 2, l. 21-22.
377
Ch. Habicht, Gottmenschentum, p. 157-159 et « Augusteische Zeit », p. 97.
378
A. D. Nock, Essays II, p. 720-730 sur les titres de sôter et d’euergétès; A. E. Raubischek, JRS, 44, 1954,
p. 75; G. W. Bowersock, Augustus, p. 12, L. Robert, CRAI, 113, 1969, p. 49 et n. 2 (= OMS V, 568).
379
D. Fishwick, The Roman Imperial Cult, p. 27. Dans le même courant de pensée, voir J.-L. Ferrary, « De
l’évergétisme hellénistique à l’évergétisme romain », p. 207.

  102  
Démétrios II 380. Sur des monnaies datant de l’époque de Tibère, Théophane et sa femme
portaient cette épithète à mettre en lien avec le titre de Zeus Éleuthérios. Non seulement le
caractère divin du Mytilénien se voyait confirmé avec ces deux éléments, mais l’on précise
qu’il l’était à titre de libérateur. Le pouvoir de libérer la cité était ainsi comparable aux
pouvoirs des dieux, ce qui faisait de Théophane plus qu’un simple homme.

Certains des bienfaiteurs du corpus furent honorés en tant que hèrôs. Comme à cette
époque ce terme pouvait aussi signifier « défunt », il est parfois difficile de déterminer s’il
s’agissait d’un culte de type héroïque 381. Sans porter cette épithète, Asklépiadès de Cyzique
se vit consacrer un hèrôon et des Hèrôa étaient célébrés en son honneur. Présenté dans une
inscription de Milet en tant qu’ « ἥρωος φιλόπατρις », Épikratès II serait un « défunt
héroïsé ». Les inscriptions cultuelles qui concernent son père et lui les présentent tous deux
comme hèrôs, et ils faisaient probablement l’objet d’un culte héroïque local avec
téménos 382. À Mylasa, les monuments en la mémoire d’Hybréas en tant que hèrôs
correspondaient à un culte funéraire, et il fit aussi l’objet d’un culte héroïque conjoint avec
Euthydème, selon L. Robert 383. Le peuple de Tarse rendait à Athénodôros des honneurs
annuels « comme à un héros », et Xénon de Thyatire aurait lui aussi été honoré à ce titre 384.

Plusieurs évergètes obtinrent le titre de fondateur 385. Diodôros Pasparos, nous l’avons
vu, était le second fondateur du gymnase des néoi pour en avoir financé la reconstruction
complète. D’autres, qui avaient pour mission de négocier avec les hauts dirigeants romains
afin obtenir de l’aide pour leur cité, étaient honorés à titre de ktistai lorsque la mission était

                                                                                                               
380
Ch. Habicht, Gottmenschentum, p. 157-159; C. Préaux, Monde hellénistique I, p. 250-251.
381
Pour la signification de hèrôs en tant que « défunt », voir L. Robert, Hellenica XIII, 207.
382
Ibid., p. 232-234.
383
Voir F. Delrieux et M.-C. Ferriès, REA, 106, 2004, p. 53 pour le culte funéraire. Pour le culte héroïque,
L. Robert, AJA, 39, 1935, p. 335; cours au Collège de France de 1947-1948 (= OMS IV, 103); AntCl,
1966, p. 420 (= OMS VI, 44), cours au Collège de France de 1973-1974 (= OMS V, 53).
384
Pour la nature héroïque du culte de Xénon de Thyatire, voir la note le concernant dans la section Sacrifice,
autel et lieu de culte du présent chapitre.
385
Pour une étude complète sur le phénomène du ktistès et de l’oikistès, de la fondation des colonies à
l’époque hellénistique, voir W. Leschhorn, « Gründer der Stadt ».

  103  
réussie 386. Dans cette catégorie se retrouve Théophane, honoré comme deutéros ktistès pour
avoir obtenu la liberté de Mytilène en raison de son amitié avec Pompée. Potamôn, quant à
lui, a complété deux missions. Grâce à lui, César a reconnu la cité de Mytilène comme une
amie et alliée de Rome et, par la suite, il a obtenu la confirmation de ce statut par Auguste.
Potamôn reçut alors le titre de fondateur pour avoir réussi à maintenir les bienfaits ayant
fait de Théophane un fondateur avant lui, dans un contexte politique avec de nouveaux
dirigeants romains au pouvoir. Pour ses victoires militaires, Asklèpiadès de Cyzique obtint
le titre d’oikistès, à mettre en parallèle avec le titre de ktistès 387. L’inscription concernant
Xénon de Thyatire le présente, en plus des titres de sauveur, évergète, père de la patrie et
premier des hellènes, en tant que fondateur (nº 10, l. 9-11). Selon J. H. M. Strubbe, la seule
occasion pour Xénon d’avoir mérité cet honneur serait la reconstruction de la cité à la suite
du tremblement de terre de 24 a.C. Comme il obtint la citoyenneté romaine auprès de César
ou d’Auguste, il est fort probable qu’il ait joué un rôle crucial dans l’ambassade qui obtint
de Rome le soutien nécessaire à la reconstruction 388. Le cumul de tous ces titres suggère de
fait un rôle majeur de la part Xénon. Finalement, même si les restes de l’inscription
concernant Artémidôros de Knide ne le présentent pas comme ktistès, son parcours,
semblable aux autres cas mentionnés ci-dessus, donne à penser qu’il fut honoré à titre de
fondateur. D’ailleurs, sa sépulture ne se trouvait-elle pas à l’endroit le plus en vue du
gymnase, honneur autrefois réservé aux fondateurs 389
?

Sépulture intra muros :

À l’instar des épithètes, la sépulture ne constituait pas en soi un élément cultuel.


Cependant, l’enterrement intra muros était un privilège ancien, réservé aux héros
fondateurs depuis la période de formation de la polis. À partir de l’époque hellénistique, des
personnages importants, dans ce même esprit de culte héroïque au fondateur, reçurent des

                                                                                                               
386
Pour une liste détaillée de ces citoyens envoyés en mission à Rome et expliquant pourquoi chacun d’entre
eux fut honoré en tant que fondateur, voir J. H. M. Strubbe, Ancient Society, 17, 1984-1986, p. 289-302.
387
É. Chiricat, « Funérailles publiques », p. 220.
388
Ibid., p. 299 et « Cultic Honours », p. 327 n. 53.
389
Pour Artémidôros de Knide honoré en tant que fondateur, voir L. Robert, AntCl, 35, 1966, p. 420
(= OMS VI, 44) et Études anatoliennes, p. 50; J. H. M. Strubbe, Ancient Society, 17, 1984-1986, p. 299 et
É. Chiricat, « Funérailles publiques », p. 213.

  104  
honneurs funèbres particuliers à l’agora ou au gymnase. C’était un privilège rarissime et
prestigieux, accordé seulement aux plus grands des bienfaiteurs 390. La sépulture
intra muros « traduisait la volonté des communautés grecques de mettre à contribution la
présence "physique" dans la cité de ceux qui s’étaient déjà montrés de grands protecteurs de
leur vivant et qui devenaient, par leur dépouille intra muros, des dieux protecteurs, des
participants à la vie politique, garants des temps nouveaux et des nouvelles entreprises qui
requéraient désormais leur support » 391. Les funérailles publiques, quant à elles, étaient à
l’époque classique le privilège des citoyens morts à la guerre. Au début de la période
suivante, quelques citoyens seulement sont jugés dignes d’un tel honneur et ce n’est qu’à
partir de la fin du IIe siècle que la pratique connut davantage de faveur. Il ne s’agissait
certes plus de chefs militaires, mais plutôt d’hommes importants qui avaient engagé des
négociations complexes et lointaines auprès des Romains 392.

Dans le corpus, la documentation fournit six cas de sépulture intra muros. Tout d’abord,
l’inscription qui concerne Diodôros Pasparos prévoyait sa sépulture à l’agora de la
Philétaireia. Puis, Artémidôros eut son tombeau dans la cité, avec des funérailles
publiques, dans l’endroit le plus en vue du gymnase. Ce type de sépulture relevait d’un
besoin d’émulation; elle servait d’exemple constant pour les jeunes qui fréquentaient le
gymnase et créait un environnement propice à l’acquisition de bonnes valeurs et à la
reproduction des actes d’évergétisme 393. Selon É. Chiricat, la tombe d’Asklépiadès devait
se trouver dans l’ hèrôon, lui même situé dans le gymnase, ou à proximité de celui-ci 394.
Pour Apollônios II et Épikratès II de Milet, plusieurs indices laissent penser que leur tombe
se trouvait à l’intérieur des murs de la ville. En face du bouleutèrion, le fragment
d’architrave sur lequel se trouvait la dédicace pour Apollônios correspondrait à la façade

                                                                                                               
390
Ph. Gauthier, Bienfaiteurs, p. 60; G. Thériault, Phoenix, 57, 2003, p. 248-251; É. Chiricat, « Funérailles
publiques », p. 222-223; M.-T. Couilloud-Le Dinahet, « Les rituels funéraires », p. 83; D. Aubriet, « Le
mort dans le ville », p. 144; H. Schörner, « The Intra-Urban Burial », p. 228; C. Berns, « The Tomb as a
Node of Public Representation », p. 231 et 239.
391
G. Thériault, Phoenix, 57, 2003, p. 248.
392
M.-T. Couilloud-Le Dinahet, « Les rituels funéraires », p. 81-82.
393
G. Thériault, Phoenix, 57, 2003, p. 250; É Chiricat, « Funérailles publiques », p. 222-223; C. Berns, « The
Tomb as a Node of Public Representation », p. 236.
394
É. Chiricat, « Funérailles publiques », p. 221.

  105  
d’un naïskos, petit monument pouvant contenir une tombe, avec deux colonnes in antis 395.
L’inscription qui concerne Xénon de Thyatire, pour sa part, laisse entendre que la tombe du
bienfaiteur se trouvait dans le Xénôneion. Nous n’avons aucune information sur son
emplacement, mais en le comparant aux autres cas et en prenant en considération les titres
de fondateurs et de héros, on peut supposer que le Xénôneion était intra muros.

Conclusion

Il ressort de ce portrait que le culte des grands citoyens bienfaiteurs de l’Asie Mineure
au Ier siècle était caractérisé par une diversité de pratiques cultuelles qui s’inscrivait en
continuité avec les pratiques du culte des héros et du culte des souverains. Ainsi, l’une des
formes du culte des bienfaiteurs rappelle le culte héroïque. Nous l’avons vu, déjà à l’époque
classique, des êtres exceptionnels tels les athlètes ou les fondateurs étaient qualifiés de
héros, et leur culte comportait un tombeau particulier, l’hèrôon, situé en un lieu distinct des
sépultures ordinaires.

Théophane de Mytilène, par exemple, fut honoré à titre de second fondateur de la cité.
Le culte en l’honneur de Potamôn de Mytilène, pour sa part, comporte des éléments comme
une inscription qui fait référence au culte héroïque et un enclos sacré, le Potamôneion.
Potamôn fut également honoré à titre de ktistès, titre typique du héros fondateur. À
Cyzique, les Hèrôa étaient organisées en l’honneur d’Asklépiadès pour commémorer ses
victoires militaires. L’inscription qui le concerne mentionne aussi un hèrôon dans le
gymnase, ou à proximité, qui devait contenir sa tombe, et indique qu’il fut honoré à titre de
ktistès. Les honneurs rendus à Asklépiadès rappellent ainsi l’héroïsation des guerriers morts
au combat, phénomène qui prit de l’ampleur à l’époque hellénistique. Apollônios II et
Épikratès II de Milet furent également honorés à titre de héros, probablement avec leur
tombe dans un hèrôon, près du bouleutèrion. Le philosophe Athénodôros reçut, quant à lui,
des sacrifices « comme à un héros ». Culte héroïque encore pour Hybréas et Euthydème de
Mylasa. Parmi les différents titres honorifiques accordés à Xénon de Thyatire, on trouve,

                                                                                                               
395
P. Herrmann, MDAI(I), 1994, p. 232-234; S. Cormack, Space of Death, p. 245-246.

  106  
entre autres, les titres de héros et de fondateur. Le Xénôneion serait alors un hèrôon
consacré à ce héros fondateur. On attendait de ces nouveaux héros, divinités mineures,
qu’ils procurassent, après leur mort, des bienfaits à l’image de ceux qu’ils avaient offerts de
leur vivant.

Dans d’autres cas, la forme du culte rappelait celle du culte aux souverains. Ainsi,
lorsque Diodôros est fait second fondateur du gymnase, cet honneur semble aller plus loin
que le culte du héros fondateur. Il possédait sa statue dans le même endroit où l’on honorait
Philétairos, fondateur de la dynastie, et probablement une autre, sunthronos des dieux du
gymnase dont il était le deutéros ktistès. Les rois aussi étaient honorés en tant que
fondateurs, mais leur culte suivait toujours le modèle des honneurs aux dieux, et ce, même
après leur mort. Le Diodôreion est donc plutôt à l’image des enclos sacrés pour les rois
hellénistiques, puisqu’il comportait en son enceinte un temple, dans lequel était consacrée
sa statue cultuelle. D’ailleurs, même pour les rois, l’attribution d’un temple était très rare.
D’autres honneurs comme la tribu éponyme, le jour sacré et la prêtrise rappellent aussi le
culte des souverains. Les honneurs pour Diodôros étaient d’ailleurs calqués sur le culte des
Attalides. De plus, le Pergaménien fut l’un des seuls cas à recevoir les isothéoi timai de son
vivant. Le culte de son père, Héroïdès, avec la journée décrétée en son honneur et les
sacrifices auprès de sa statue au gymnase, rappelle le culte de son fils et devait avoir lui
aussi une forme s’approchant du culte des Attalides. Pour Artémidôros de Knide,
l’accumulation des statues, dont l’une sunnaos, s’approche aussi du culte des souverains,
sans compter le fait qu’il reçut peut-être les isothéoi timai de son vivant. Théophane de
Mytilène, quant à lui, fut divinisé après sa mort avec les cælestes honores, mais aussi par le
titre de Zeus Éleuthérios et par l’épithète Théos, fréquente chez les Lagides et les
Séleucides à titre posthume.

Les cas d’Iollas de Sardes et de Mènogénès sont difficiles à classer puisqu’on ne


possède pas assez d’informations sur la forme de leur culte. Pour Iollas, le seul élément
cultuel serait ses agalmata, mais l’accumulation des statues et d’autres honneurs comme la
couronne de la valeur, les portraits peints sur boucliers dorés et la quantité de décrets qui le
concernent rappellent les honneurs pour Diodôros Pasparos et Artémidôros de Knide.

  107  
Mènogénès de Sardes reçut des honneurs semblables à ceux d’Iollas et un Mènogéneion,
enclos sacré dédié à son culte, à l’instar du Diodôreion, du Potamôneion et du Xénôneion.

Les bienfaits, actions qui résultaient de l’euergésia, jouaient également un rôle crucial
dans l’attribution de ces honneurs cultuels. Nous l’avons vu, la notion de timai, déjà chez
Aristote, était indubitablement liée aux bienfaits 396. Les honneurs révélaient la qualité
intrinsèque de l’évergète, qu’il fût un souverain ou un citoyen, mais c’est à la fois en raison
de cette qualité qu’il se voyait accorder ces honneurs. Les timai isothéoi, quant à elles,
représentaient ni plus ni moins que le grade d’honneurs le plus élevé. Ainsi, seuls les
évergètes exceptionnels, procurant des bienfaits hors du commun, qui dépassaient le cadre
normal de l’évergésie, reçevaient des honneurs cultuels, correspondant à la grandeur de
leurs actes. La capacité même de répondre aux prières et d’être une source de bienfaits
serait d’ailleurs, selon A. Chaniotis, la caractéristique essentielle de la divinité grecque,
comme en témoigne l’hyme à Démétrios Poliorcète 397.

Les cultes de plusieurs évergètes présentent des éléments qui rappellent à la fois le culte
des héros et le culte des souverains, sans compter les éléments traditionnels du culte des
dieux. Les différentes pratiques coexistaient toutes ensemble sans que cela posât problème,
ce qui s’explique par le fait que les Grecs, lorsqu’ils instauraient un culte à l’un de leurs
concitoyens, ne pensaient pas à le faire entrer dans une catégorie prédéfinie, comme on est
aujourd’hui tenté de le faire. Ils puisaient dans toute une tradition cultuelle qui a formé le
contexte d’émergence du culte des bienfaiteurs. Finalement, comme la documentation est
parfois lacunaire ou manquante, cela peut donner une vision erronée et trop tranchée du
phénomène.

Pour ce qui est de la religiosité de la divinité mortelle, il est difficile de trancher : les
Grecs croyaient-ils vraiment que ces hommes possédaient un réel pouvoir divin, ou

                                                                                                               
396
Aristote, Rhétorique, 1361a, 27-37.
397
A. Chaniotis, « Dinivity of Hellenistic Rulers », p. 432; Kernos, 20, 2007, p. 150-151 et 170. Pour l’hymne
à Démétrios : Douris, FrGrHist 76 F 13; Demochares, FrGrHis 75 F 2 et l’étude d’A. Chaniotis, « The
Ithyphallic Hymn for Demetrios », p. 157-195.

  108  
instauraient-ils ces cultes dans le seul but d’encourager la poursuite des évergésies ? Cette
question demeurera probablement à jamais sans réponse, mais nous nous permettrons ici, à
la lumière de cette étude sur les fondements cultuels, d’émettre une hypothèse. Le concept
même d’isothéoi timai, par définition, « honneurs égaux à ceux accordés aux dieux »,
semble d’emblée rejeter la possibilité que les bienfaiteurs fussent réellement considérés en
tant que dieux. Cela est vrai dans la mesure où de tels honneurs n’étaient jamais octroyés
aux dieux olympiens, mais il n’en demeure pas moins que le terme était souvent associé
aux héros, aux demi-dieux, à des personnages mythologiques comme Hippolyte, Tirésias
ou Aristée qui, même s’ils n’étaient pas olympiens, étaient divins. P. Veyne, selon qui on
croyait à certains mythes, mais pas à d’autres, n’écrivait-il pas que les hommes de lettres
doutaient « beaucoup plus facilement des dieux que des héros » 398 ? L’hymne à Démétrios
Poliorcète montre que c’est justement parce que les divinités mortelles étaient plus près des
hommes que les Olympiens que leur pouvoir était plus important aux yeux des Grecs 399. Il
semblait plus facile pour un citoyen de communiquer, par le culte, avec un homme qui fut
son concitoyen et dont il avait vu ou connu les bienfaits réels qu’il avait rendus à sa
communauté. Comme on attendait la protection des héros après leur mort , on attendait
400

que le pouvoir bienfaiteur des évergètes se poursuive même après leur décès.

Certes, l’idée d’instaurer le culte, à la base, naissait souvent d’un intérêt politique, que
ce fut par la communauté gymnasiale pour provoquer l’émulation de l’euergésia chez les
jeunes, par les membres de la famille pour assurer leur honneur ancestral et héréditaire, ou
par tout autre groupe dans l’espoir d’obtenir d’autres bienfaits. Cependant, le phénomène
ne pouvait être entièrement politique. D’autres grands évergètes, comme ceux de Priène par
exemple, reçurent les mégistai timai, sans jamais se voir octroyer un culte 401. Pour que les
cités rendissent un culte, isothéoi timai, à une minorité de bienfaiteurs, elles devaient les
considérer supérieurs aux autres, voire divins. Diodôros Pasparos, par exemple, se vit ériger
                                                                                                               
398
P.Veyne, Les Grecs ont-ils cru à leurs mythes ?, p. 60.
399
A. Chaniotis, « Dinivity of Hellenistic Rulers », p. 432; Kernos, 20, 2007, p. 150-151 et 170. Pour l’hymne
à Démétrios : Douris, FrGrHist 76 F 13; Demochares, FrGrHis 75 F 2 et l’étude d’A. Chaniotis, « The
Ithyphallic Hymn for Demetrios », p. 157-195.
400
A. Chaniotis, « Dininity of Hellenistic Rulers », p. 432; Kernos, 20, 2007, p. 158.
401
Nous noterons ici les cas deThrasyboulous (I. Priene 99), de Moschiôn (I. Priene 108), d’Hérôdès
(I. Priene 109), et de Zôsimos (I. Priene 113), pour de citer que ceux-là.

  109  
un naos (nº 1A, l. 41-42), honneur très rare, même pour les souverains hellénistiques. On
ne possède pas beaucoup d’informations sur la durée de vie de ces cultes, mais l’on sait, par
exemple, que l’idée d’un Théophane et d’une Archédamis Théoi perdura presque un siècle
après leur mort 402. Ainsi, les honneurs exceptionnels rendus à ces évergètes trahissent,
selon nous, un sentiment religieux authentique, du moins pour une partie des citoyens.
Certains croyaient que ces bienfaiteurs étaient des divinités mineures, et d’autres non.

                                                                                                               
402
Théophane dédéda vers 44-36 a.C. et les dernières pièces de monnaies le représentant avec la mention
Théos sont datées de 33 p.C. Voir nº 3C.

  110  
CHAPITRE III : CONTEXTE SOCIOPOLITIQUE D’ÉMERGENCE

Comme on l’a vu, la pratique du culte des bienfaiteurs s’insérait dans une longue
tradition, s’inspirant des cultes rendus aux dieux, aux héros et aux souverains. Bien qu’il
représentât un phénomène essentiellement religieux, le culte des citoyens évergètes était
également le produit de la société qui le pratiquait, dans un contexte sociopolitique
particulier. De la même façon que le culte civique des rois était une réponse des cités pour
s’assurer la protection du nouveau dirigeant, le culte des bienfaiteurs répondait à un besoin
relié à un nouveau contexte : le déclin des monarchies et la montée en puissance de Rome.
Ce chapitre abordera, dans un premier temps, la mutation de l’évergétisme des rois vers
celui des citoyens bienfaiteurs qui s’est produite dans ce nouveau contexte, et qui a favorisé
l’émergence d’une élite locale. Dans un second temps, il sera question de l’enjeu
d’entretenir un lien d’amitié avec Rome, notamment par le biais de riches notables amis des
romains, et des nombreux privilèges que cette relation apportait, à la fois pour les cités et
pour les amici des imperatores.

I. De l’évergétisme des rois à celui des grands citoyens bienfaiteurs

a) Les prémices : déclin des royaumes et montée en puissance de Rome

Pour l’étude du déclin des souverains, un passage de Polybe est particulièrement


révélateur en ce qui concerne l’évolution de l’évergésie royale entre la haute et la basse
époque hellénistique. Après avoir cité les Rhodiens comme exemple de générosité, il
soulignait que les rois « d’aujourd’hui » étaient beaucoup moins généreux avec les cités que
ne l’étaient les rois « d’autrefois » 403. Or, il existe tout un monde entre les deux repères
chronologiques de Polybe, soit les évènements de Rhodes, vers 227-225 a.C., et le règne
des souverains qui lui étaient contemporains, c’est à dire vers 145 a.C., puisqu’il écrivit peu
avant 146 a.C. La situation des monarchies avait en effet bien changé durant cette période.
Dans le royaume de Macédoine, Antigonos Dôson et son épouse Chryséis figuraient parmi
les souverains les plus généreux en 227 a.C., alors que depuis 168 a.C., le royaume

                                                                                                               
403
Polybe, V, 90, 5-8.

  111  
n’existait plus. Chez les Lagides, Ptolémée III fut à l’origine de dons somptueux, en
227 a.C, tandis que vers 150 a.C., le royaume était en proie à des querelles à la cour et aux
prises avec des révoltes indigènes. Les Séleucides, quant à eux, avaient perdu leurs
possessions en Asie Mineure depuis le traité d’Apamée et devaient payer un lourd tribut à
Rome. Vers 145 a.C., la monarchie attalide se maintenait toujours, mais seulement pour
quelques années encore. Cette période vit alors le déclin des royaumes hellénistiques, qui
perdaient territoires et richesses, qui n’avaient plus les moyens de se montrer aussi
généreux qu’auparavant et qui ne possédaient plus le vrai pouvoir militaire, désormais entre
les mains de Rome 404.

Les deux phénomènes du déclin des rois et de l’arrivée des Romains représentent une
étape cruciale dans le développement de l’évergétisme civique. Au fil du IIe siècle, les cités
indépendantes ou autonomes n’étaient plus sous la protection des rois et ne bénéficiaient
plus de leurs interventions souvent utiles. De fait, jusque-là les souverains déboursaient
d’énormes sommes pour assurer la construction de bâtiments coûteux, et envoyaient même
parfois la main d’œuvre nécessaire à la réalisation des travaux. Ils finançaient « fondations
scolaires, gymnases, construction ou restauration de remparts, approvisionnement en grain,
règlements des dettes publiques, etc. » 405.

Au Ier siècle, les cités faisaient face à de lourds endettements. Au terme de la première
guerre mithridatique, l’indemnité imposée par Sylla en Asie Mineure en 84 « a provoqué un
tel endettement que les cités en ont payé le double aux prêteurs et que la dette totale a
atteint les 120 000 talents à cause des intérêts » 406. Les cités en vinrent à employer tous les
moyens possibles pour se sortir de ce gouffre d’endettement, comme le relate
Appien : « Les cités, démunies et empruntant à de gros intérêts, hypothéquaient au profit
des prêteurs, les unes leurs théâtres, les autres leurs gymnases ou un rempart ou des ports
ou tout autre bien public, car les soldats les pressaient avec violence » 407.

                                                                                                               
404
Ph. Gauthier, Bienfaiteurs, p. 54-55.
405
Ibid., p. 55.
406
L. Migeotte, Finances, p. 330. Plutarque, Lucullus, 20, 4.
407
Appien, Guerre de Mithridate, IX, 63. Traduction de L. Migeotte, Emprunt public, p. 340.

  112  
En 71 a.C., au début de son proconsulat en Asie, Lucullus interdit les intérêts composés,
abaissa le taux d’intérêt à 12% et interdit aux créanciers de conserver plus que le quart des
revenus des débiteurs 408. En 59, on apprend dans les correspondances de Cicéron que son
frère, Quintus, était parvenu à ce qu’aucune nouvelle dette n’ait été contractée par les
cités 409. En 51-50, Cicéron adopta des mesures semblables à celles de Lucullus en Cilicie et
intervint auprès de plusieurs cités, comme Nicée en Carie et Salamine à Chypre 410. Ces
tentatives de réformes de Sylla, Lucullus, César ou Cicéron n’apportèrent qu’un
soulagement temporaire aux cités, car dans les faits, les usuriers ne respectaient pas ces
taux et « n’hésitaient pas à imposer à leurs clients des taux d’intérêt allant jusqu’à
48% » 411. De plus, les exemptions fiscales dont bénéficiaient les plus riches citoyens, qui
étaient souvent des amis des Romains, privaient le trésor public de rentrées d’argent
importantes 412. Si certaines cités virent leurs dettes s’alléger par les différentes réformes,
d’autres, comme Mylasa, firent défaut de paiement. En effet, Euthydème avait tenté par
tous les moyens de reporter le remboursement de la dette 413.

En 47 a.C., lors de la guerre contre Pharnace II, le territoire des cités fut encore au centre
de conflits, ainsi qu’en 43-42 a.C. avec le passage des libérateurs et en 40 a.C., lors de
l’invasion des Parthes sous Labiénus. À la suite de la mort de César, Cassius et Brutus
réclamèrent aux cités, quant à eux, dix ans de tribut. Les campagnes militaires d’Antoine
coûtèrent également cher aux cités 414. À la veille d’Actium, les finances des cités se
retrouvèrent alors dans un état précaire, à la suite des divers conflits ayant ponctué la
première moitié du Ier siècle.

                                                                                                               
408
Plutarque, Lucullus, 20, 3; L. Migeotte, Emprunt public, nº 114 et Finances, p. 331.
409
Ad Quintum fratrem, I, 1, 25; L. Migeotte, Emprunt public, nº 115 et Finances, p. 332.
410
Cilicie : Cicéron, Ad Atticum, VI, 2, 4-5; L. Migeotte, Emprunt public, nº 116. Nicée : Ad Atticum, XII, 61;
L. Migeotte, Emprunt public, nº 111. Salamine : Ad Atticum, XIII, 56, 1-3; L. Migeotte, Emprunt public,
nº 106. L. Migeotte, Finances, p. 330-332.
411
L. Migeotte, Emprunt public, p. 340.
412
Par exemple, la demande d’exemption d’impôt de M. Féridius pour ses terres, qui privait ainsi sa cité des
taxes qui lui étaient dues. : Cicéron, Fam., VIII, 9, 4.
413
Cicéron, Fam., XIII, 56,1 et 3,1.
414
Appien, Guerre civile, IV, 74-75 et V, 2-5.

  113  
b) L’émergence d’une élite locale

Dans cette situation, et maintenant privées de l’aide des souverains, les cités se
tournèrent vers leurs plus riches citoyens. Un décret adopté vers 120 pour un citoyen de
Priène, Moschiôn, est particulièrement révélateur du changement qui s’opéra au
IIe siècle : « et, le peuple ayant voté autrefois la construction d’un gymnase dans la ville, et
cette construction ne pouvant être achevée par suite du renversement des rois qui avaient
promis (d’acquitter) les dépenses susdites, Moschiôn, constatant que ce serait pour la cité
un haut fait pour toujours s’il prenait à sa charge des constructions […] » 415. L’inscription
de Moschiôn est un bel exemple de la transition entre rois et évergètes, les derniers devant
maintenant endosser les dépenses des premiers. Même si les Romains représentaient le
nouveau pouvoir en place, « il est un aspect de l’évergétisme royal qu’ils ne reprirent pas à
leur compte, celui des largesses financières, et en particulier des grandes constructions
destinées à orner les cités » 416. Cela explique donc, en partie, les raisons pour lesquelles
cette charge revint, dans les faits, aux grands citoyens bienfaiteurs. Ainsi, avec des cas
comme celui de Moschiôn émergea, dès le IIe siècle, une élite locale composée d’hommes
riches dont la fortune dépassait largement celle du citoyen ordinaire 417.

Cette élite détenait « dans les faits sinon en droit, le monopole de la direction politique,
la naissance, la richesse, etc. étant la condition de leur disponibilité à gouverner et de la
perpétuation de ce privilège » 418. Selon Ch. Habicht, l’oligarchie des notables n’était pas
typique de l’époque hellénistique, puisque les démocraties grecques avaient toujours été
dirigées par un petit groupe de privilégiés. La nouveauté résidait plutôt dans le fait que les
cités, indépendantes ou sujettes, devaient également négocier avec les souverains 419.
L’étude de F. Quass, Honoratiorenschicht in den Städten, dans le même esprit que celle de
Ch. Habicth, montrait de quelle façon transparaissait le sentiment d’appartenance à une

                                                                                                               
415
I. Priene 108, l. 111-117. Traduction de Ph. Gauthier, Bienfaiteurs, p. 55-56.
416
J.-L. Ferrary, « De l’évergétisme hellénistique à l’évergétisme romain », p. 201.
417
Sur la question de l’élite civique et de son émergence, voir I. Savali-Lestrade, « Remarques sur les élites »,
p. 51-64; P. Hamon, « Élites dirigeantes », p. 79-100; H.-L. Fernoux, « L’exemplarité sociale »,
p.175-200.
418
I. Savalli-Lestrade, « Remarques sur les élites », p. 52.
419
Ch. Habicht, « Ist ein "Honoratiorenregime" », p. 87-92.

  114  
lignée de notables dans les décrets, qui remontaient parfois jusqu’à la cinquième
génération. Cependant, Ph. Gauthier a montré que ces cas étaient exceptionnels et que la
majorité appartenait à la basse époque hellénistique. De plus, le phénomène ne concernait
probablement qu’une minorité de notables : même à la basse époque, les citoyens qui
avaient pour seul accomplissement d’être bons magistrats se voyaient honorés
simplement 420. Cette élite se distinguait du reste de la population en tentant d’établir « un
ascendant, un "patronage" durable, irréversible et potentiellement héréditaire », par le biais
de l’évergétisme 421. Ces « grands bienfaiteurs », qui reprirent les dépenses décisives jadis
assumées par les souverains, qui posaient des gestes de générotisé spectaculaires et qui
avaient le pouvoir de sauver leur patrie, formaient en réalité un groupe restreint, que
Ph. Gauthier qualifiait de véritable « système de gouvernement » 422. Ces notables
insistaient à mettre en avant le caractère héréditaire de leurs qualités, et à ce sujet, L. Robert
évoquait l’émergence d’une « nouvelle aristocratie » 423. Le présent corpus comporte
quelques exemples de cette hérédité : Héroïdès de Pergame et son fils Diodôros, Potamôn
de Mytilène et son fils Diaphénès, qui obtint la citoyenneté romaine, la famille knidienne de
Théopompos et d’Artémidôros, la lignée d’Apollônios à Milet et celle d’Asklépiadès à
Cyzique. La procession pour Diodôros Pasparos représente d’ailleurs un cas unique de
« mise en scène publique de la lignée d’un bienfaiteur » 424.

Au Ier siècle, l’élite municipale était alors composée de Romains installés pour faire des
affaires, et des hommes, comme les bienfaiteurs du corpus, qui se constituèrent une fortune
si considérable qu’ils avaient les moyens de financer à leur frais la construction d’édifices
importants, comme les gymnases. Nous ignorons de quelle façon ils en arrivèrent, dans les
faits, à une telle fortune personnelle, mais des cas comme celui d’Hybréas de Mylasa
permettent d’établir que le commerce comptait parmi les moyens d’y parvenir 425. Ces
notables faisaient partie de la clientèle des imperatores, clientèle dont ceux-ci ne pouvaient

                                                                                                               
420
Ph. Gauthier, Bienfaiteurs, p. 56.
421
P. Hamon, « Élites dirigeantes », p. 89.
422
Ph. Gauthier, Bienfaiteurs, p. 56 et 72.
423
L. Robert, REA, 62, 1960, p. 325 (= OMS II, 841).
424
P. Hamon, « Élites dirigeantes », p. 97. Sur la famille Knidienne, voir G. Thériault, Phoenix, 57, 2003.
425
Voir nº 8. Hybréas de Mylasa gérait un commerce de bois.

  115  
se passer avec la nouvelle étendue de la politique romaine. La relation de ces grands
bienfaiteurs avec les Romains leur valut des privilèges personnels, comme l’exemption
fiscale (immunitas), la citoyenneté romaine ou le titre d’ami du peuple romain, mais aussi
des privilèges pour leur cité 426. L’un des aspects à ne pas négliger dans la montée en
puissance des grands évergètes est le rôle qu’ils ont joué dans l’économie des cités
grecques à partir de la basse époque hellénistique. Depuis P. Veyne, la tendance en
recherche est de considérer que les grandes dépenses évergétiques servaient surtout à orner
les cités. Selon L. Migeotte, cette vision très moderne déforme la réalité : certes, il y avait
là-dessous une fonction esthétique et une notion de prestige, mais il ne faut pas oublier
l’importance que les sanctuaires, les théâtres, les portiques et les gymnases avaient comme
lieux de culte, d’éducation, de réunion ou de commerce. De plus, même si l’objectif
premier de ces travaux n’était pas la création d’emploi, il n’en demeure pas moins que
ceux-ci faisaient travailler acteurs, commerçants, et en tout premier lieu, tous ceux qui
œuvraient à la conception et qui avaient pris part à la construction, incluant ouvriers,
artisans et fournisseurs de matériaux. Les cités étaient bel et bien conscientes de cela et en
étaient reconnaissantes 427.

Il faut cependant noter que les grandes évergésies étaient ponctuelles et « ne se


produisaient pas tous les jours, ni même tous les ans ni tous les dix ans, à moins de
circonstances exceptionnelles comme un tremblement de terre, une guerre ou une
disette » 428. Les grands bienfaiteurs, même s’ils étaient très riches, ne possédaient pas des
fonds illimités. De plus, ils constituaient une élite assez réduite. Les actes d’évergésies du
corpus étaient plutôt l’exception que la règle, puisqu’ils concernaient ces « circonstances
exceptionnelles ». Ils ont eu lieu dans les cités ayant le plus été touchées par les guerres
mithridatiques, la guerre civile romaine et l’invasion des Parthes, ou bien dans celles
ravagées par un tremblement de terre, comme Thyatire. L’évergétisme représentait un
complément aux moyens ordinaires des cités, qui suffisaient au quotidien. Les dépenses
courantes étaient limitées, et lorsqu’il était question de dépenses plus importantes ou
                                                                                                               
426
À ce sujet, voir I. Savalli-Lestrade, RPh, 72, 1998, p. 78-86; J.-L. Ferrary, « Les Grecs des cités »,
p. 54-55.
427
L. Migeotte, « L'évergétisme des citoyens », p. 193-195.
428
L. Migeotte, Finances, p. 256.

  116  
d’imprévus, la cité pouvait se tourner vers d’autres ressources complémentaires pour
soulager son budget, comme l’évergétisme, les souscriptions et emprunts publics et les
eisphorai 429. Ainsi, les évergésies présentées ici reflètent bien le contexte de crise dans
lequel les cités concernées se trouvaient au Ier siècle a.C.

Comme ces notables prirent en quelque sorte la place des rois, la cité, pour les honorer,
employait le même vocabulaire qu’avec les souverains. À partir du IIe siècle, les
bienfaiteurs étaient loués pour leur qualité intrinsèque à procurer des bienfaits 430
. Les
souverains partageaient aussi cette caractéristique, dont A. Chaniotis faisait un élément
important de la divinité mortelle 431.   De cette façon, les évergètes, comme les rois
précédemment, étaient élevés au-dessus du simple citoyen. Ils n’avaient pas besoin d’être
généreux pour assurer et légitimer leur pouvoir, mais en le faisant, ils établissaient cette
distance. Les honneurs reçus en retour, quant à eux, confirmaient cette supériorité et
assuraient sa pérennité, puisque figés sous forme de décrets 432. Les bienfaiteurs se virent
aussi attribuer les mêmes honneurs que leurs prédécesseurs. Avant 150 a.C., la couronne de
la valeur demeurait le privilège des rois. Peu à peu, elle fut accordée à quelques évergètes
privilégiés, comme Diodôros Pasparos ou Iollas de Sardes. Au Ier siècle surtout, ces grands
bienfaiteurs obtinrent, à l’instar des rois, plusieurs statues. Celles-ci étaient parfois en pied
ou équestres, en bronze, dorées ou en marbre 433. Ainsi, plusieurs statues furent consacrées à
Diodôros Pasparos (nº 1A-E), Iollas de Sardes (nº 2), Artémidôros de Knide (nº 5) et
Mènogénès de Sardes (nº 11). Avec les problèmes du Ier siècle, l’argent ne suffisait plus
pour se faire une place de choix au sein de la cité. Ainsi, les relations personnelles, les
talents de persuasion et l’habileté des ambassadeurs revinrent au premier plan. Par les
avantages qu’ils obtinrent au bénéfice de leur cité à l’aide de ses qualités, les bienfaiteurs
apparaissaient comme de nouveaux fondateurs. À ces bienfaits de plus en plus
                                                                                                               
429
Ibid., p. 298 et « L’évergétisme des citoyens », p. 192-195.
430
Ph. Gauthier, Bienfaiteurs, p. 57-58.
431
A. Chaniotis, « Divinity of Hellenistic Rulers », p. 432.
432
L. Migeotte, « L’évergétisme des citoyens », p. 187. P. Veyne avait déjà développé cette vision dans sa
monographie souvent critiquée, Le pain et le cirque, mais L. Migeotte croit qu’il a vu juste sur ce sujet
précis. Cependant, P. Veyne attribuait ce phénomène à toute l’époque hellénistique, ce que lui reproche
Ph. Gauthier, Bienfaiteurs, p. 7-10, qui a bien démontré qu’il était caractéristique de la basse époque
hellénistique.
433
Ph. Gauthier, Bienfaiteurs, p. 59.

  117  
remarquables étaient associés des honneurs de plus en plus spectaculaires, ce qui souligna
davantage la distanciation sociale entre ces évergètes et le reste des citoyens. Se forma alors
un groupe assez restreint composé d’évergètes tellement au-dessus des autres par les
bienfaits qu’ils pouvaient accorder et les honneurs qu’ils recevaient, qu’ils s’en garantirent
un statut divin. En réponse, les cités instaurèrent pour ces êtres d’exception le plus grand
des honneurs : celui de l’instauration d’un culte civique, phénomène dont l’apogée se situe
au Ier siècle a.C.

II. L’enjeu d’être ami avec Rome

a) Des amis des rois aux amis des Romains 434

La notion d’alliance entre les souverains hellénistiques et les cités était avant tout
formelle, et dépendait de la seule volonté du roi. La liberté octroyée était en réalité un
argument de propagande pour les rois en opposition les uns avec les autres. Depuis l’arrivée
des souverains hellénistiques, les Grecs avaient pris l’habitude de se tourner vers le pouvoir
en place pour lui demander de l’aide lors des conflits ou toute autre situation critique dans
laquelle ils se trouvaient. Les Romains remplacèrent tout simplement les rois, leur ayant
succédé à la tête de l’Asie Mineure. À l’origine, les Romains ne s’imposèrent pas,
l’initiative étant d’abord grecque. Dans les faits, les dirigeants de Rome évitaient les
conflits directs avec les cités grecques en ne s’impliquant pas dans de telles situations. Ils
préféraient maintenir en place leur liberté de décision et l’application de leurs propres
institutions.435 Le rôle de Rome lors de la campagne contre Pharnace Ier illustre bien ce
comportement discret. À la demande des opposants, le Sénat intervint, mais laissa à
Eumène II, mis à la tête du nouveau royaume de Pergame, le soin de faire respecter le traité
d’Apamée. À partir de ce moment cependant, la liberté, et éventuellement l’immunité,
étaient attribuées par Rome seule, selon ses propres intérêts 436. En 188, après Apamée, les

                                                                                                               
434
Expression empruntée à I. Savalli-Lestrade, RPh, 72, 1998, qui en fait son titre d’article.
435
Ce point de vue est notamment développé chez A. J. Marshall, Aufstieg und Niedergang der römischen
Welt, 1980, et chez E.S. Gruen, The Hellenistic World, en opposition aux tendances plus extrêmes
considérant les Romains soit comme de simples impérialistes opportunistes, soit comme les plus
admirables dirigeants des cités grecques.
436
S. M. Burstein, AJAH, 5, 1980, p. 1-12.

  118  
cités qui avaient résisté à Antiochos III reçurent la liberté, tandis que celles qui avaient pris
son parti, contre Rome, se virent annexées au nouveau Royaume de Pergame ou à la
puissance rhodienne 437. Le même scénario se produisit avec la révolte d’Aristonikos, à la
suite de laquelle Rome préserva la liberté pour Pergame et pour les autres cités qui s’étaient
battues à ses côtés. Ainsi, au Ier siècle, c’est en fonction de leur attitude envers Rome lors
des conflits que les cités se faisaient accorder ou supprimer leur liberté. Il fallait ainsi
qu’une cité soit en lien d’amicitia avec Rome pour profiter de privilèges 438.

Bien que cela représentât une nouveauté aux yeux des Grecs, pour les Romains, cette
pratique de l’amicitia faisait partie de leurs habitudes politiques entre États 439. Lorsqu’ils
arrivèrent en Asie Mineure, les Romains se trouvèrent en face d’un système qui ne
correspondait pas tout à fait à leur propre système d’amicitia et de clientélisme. Ils ont donc
tenté de concilier les deux méthodes. Les Grecs usèrent eux aussi de l’amicitia comme outil
stratégique. L’appel au Sénat dans le cadre de leurs litiges permettait aux cités de
renouveler leur amitié avec celui-ci, et si le jugement leur était favorable, elles se
retrouvaient dans les bonnes grâces de Rome. Selon E.S. Gruen, l’amicitia instaurée avec le
traité d’Apamée ne suffisait pas pour assurer des alliés politiques aux Romains. Il devint
alors dans leur intérêt de profiter des demandes des cités de la renouveler et d’user d’autres
moyens politiques, telle la publicité 440.

Un autre moyen pour consolider l’engagement des cités envers Rome fut le
développement d’un système de clientélisme avec des notables grecs influents, qui
devinrent les amici des imperatores. Ceux-ci peuvent se comparer aux philoi royaux, en ce
sens qu’ils se liaient d’amitié avec les représentants du pouvoir afin d’obtenir un certain
crédit politique. Les amis des Romains exploitaient cette liaison privilégiée avec Rome,

                                                                                                               
437
D. W. Baronowski, « The Status of the Greek Cities », p. 450-163. Dans cet article, le chercheur dresse un
portrait détaillé du statut des cités grecques d’Asie Mineure avant et après Apamée, en se fondant sur les
témoignages de Polybe (XXI, 24, 7-8; 46, 2-10) et de Tite-Live (XXXVII, 55, 5-6; 56, 2-6; XXXVIII, 39,
7-17).
438
J.-L. Ferrary, Philhellénnisme et impérialisme, p. 211-218.
439
A. J. Marshall, Aufstieg und Niedergang der römischen Welt, 1980, p. 650.
440
E.S. Gruen, The Hellenistic World, p. 91.

  119  
dans l’intérêt de leur cité et de leur position sociale. L’une des premières manifestations
d’amitié entre les notables grecs et le pouvoir romain fut l’hospitalité, cette notion
homérique qui se retrouva plus tard chez les philoi royaux et dans les systèmes de
clientélisme et d’amicitia romains 441. En effet, « les ambassades auprès du Sénat ou d’une
autorité sur place affermissent le "crédit" des notables, qui pourront par la suite être amenés
à rendre service aux dirigeants romains, de même qu’à leur cité, en les hébergeant à leurs
frais » 442. Artémidôros, par exemple, fut l’hôte de César alors que celui-ci était de passage
à Knide, en 48 a.C., pour octroyer la liberté à la cité, par égard pour son père,
Théopompos 443. Dans les dernières décennies de la République, apparaissent également des
amis qui sont, à l’instar des philoi royaux, des collaborateurs politiques des dirigeants
romains. Il s’agissait surtout de lettrés qui soutenaient la cause de tel ou tel imperator, qui
l’ont soutenu dans les combats ou qui se sont engagés auprès de lui à titre de conseillers 444.
Dans le contexte du Ier siècle, il devenait crucial pour une cité de se doter de « patrons »
afin d’établir ce lien de clientèle avec Rome, particulièrement lors des ambassades. Celui
qui acceptait ce rôle « assumait une lourde tâche : une longue mission, qui n’allait jamais
sans risques, qui exigeait courage, obstination et dévouement, sans compter des dépenses
qui n’étaient pas toutes couvertes » 445.

Deux différences avec les philoi royaux doivent être relevées. Tout d’abord, les
dirigeants romains publicisaient cette relation dans les poleis de façon plus systématique
que les souverains avec leurs philoi, en soulignant la chance qu’elle représentait pour la
cité. Cette attitude se retrouvait d’ailleurs dans la conception de l’amicitia politique de
Cicéron, lorsqu’il déclara que les discours publics avaient plus de poids s’ils référaient à
une connexion plus intime ou amicale 446. La durabilité est la seconde divergence. Le
contact entre le philos royal et la cité ne durait qu’un temps, après quoi il la quittait pour
une période indéfinie. Le lien entre l’ami des Romains et ceux-ci était durable. En raison de

                                                                                                               
441
I. Savalli-Lestrade, RPh, 72, 1998, p. 78.
442
Ibid., p. 81.
443
Voir nº 5 au premier chapitre.
444
I. Savalli-Lestrade, RPh, 72, 1998, p. 82.
445
J.-L. Ferrary, « Les ambassadeurs grecs », p. 121-122.
446
Cicéron, Ad Atticum, I, 12, 3 et 18, 1.

  120  
leur nouvelle réputation auprès des dirigeants de Rome, ces membres de la nobilitas,
lorsqu’ils revenaient dans leur cité, la faisaient bénéficier des privilèges acquis et
poursuivaient leur carrière politique. Par cette publicité et cette permanence, les amis des
Romains avaient plus d’influence que les philoi royaux. Cette pratique devint rapidement
coutume chez les notables grecs, comme l’était l’amicitia à Rome. Autant les Romains
publicisaient les contacts avec leurs philoi royaux, autant ils adoptaient cette stratégie pour
leurs cités amies. Ce type de campagne consolidait l’ordre romain en donnant prestige et
privilèges aux cités grecques qui étaient en lien d’amicitia avec Rome. Par cette publicité,
les Romains envoyaient une mise en garde : il était préférable pour une cité grecque d’être
l’amie de Rome que son ennemie 447.

b) Les privilèges de l’amitié avec Rome


 
La relation que Rome entretenait avec ses amici grecs fonctionnait de manière
semblable à l’amicitia politique entre États. Un imperator pouvait toujours, selon son bon
vouloir, accorder la liberté à une cité par égard pour l’un de ses amici grecs. En 62 a.C., par
exemple, Pompée octroya à Théophane la liberté pour sa cité, et César, en 45 a.C.,
l’accorda à Knide grâce à Théopompos, le père d’Artémidôros. Mylasa obtint également la
liberté d’Octavien lors de cette période. Toutefois, à cause de la guerre civile, les privilèges
octroyés par l’un des dirigeants romains risquaient d’être retirés par son rival vainqueur,
c’est pourquoi les notables des cités devaient s’assurer un lien d’amitié avec le nouveau
pouvoir en place et négocier le maintien des privilèges.

Alors que la liberté accordée par les rois ne représentait rien de plus qu’un argument de
propagande, la vision de ce qu’était la liberté formelle pour une cité était différente aux
yeux des Romains . Dans l’un de ses articles, J.-L. Ferrary a posé un regard nouveau sur le
statut des cités libres dans l’Empire romain, à la lumière des incriptions de Claros en
l’honneur de deux citoyens, Polémaios et Ménippos 448. L’étude des décrets d’ambassade a

                                                                                                               
447
I. Savalli-Lestrade, RPh, 72, 1998, p. 82-86.
448
J.-L. Ferrary, CRAI, 135, 1991, p. 557-577. Les deux décrets sont publiés chez J. et L. Robert, Claros I.

  121  
révélé plusieurs points quant à l’autonomie des cités grecques, reconnue pendant les années
qui suivirent l’établissement de Rome. Elle confirme, en premier lieu, qu’une cité libre
pouvait obliger les résidents romains à se soumettre aux lois de la cité. Cette modalité était
déjà présente dans un sénatus-consulte de 80 a.C. en faveur de Chios, mais le témoignage
représentait, à ce moment, un cas unique 449. En second lieu, il ressort de cette étude qu’il
n’existait pas encore, à l’époque de la carrière des deux citoyens, vers 130 a.C., de texte qui
fixait de façon claire et précise le statut des cités libres, dans leur ensemble. Ce statut ne se
serait que peu à peu constitué à partir de la seconde moitié du IIe siècle, surtout à la suite de
la création de la Province d’Asie. Dans les faits, il faut probablement attendre 59 a.C., avec
la loi Julia de repetundis, pour que les privilèges liés au statut de cité libre soient fixés par
écrit : avant cela, la question était réglée cas par cas par des sénatus-consultes. Finalement,
les textes illustrent la difficulté des cités à repousser l’ingérence romaine, car même lorsque
les principes étaient fixés par un sénatus-consulte, il demeurait nécessaire d’envoyer des
ambassades auprès des magistrats pour qu’ils respectassent les mesures décidées : « la
liberté était le fruit d'efforts constants, qu'il [s'agît] de la définir ou de la préserver » 450.

Le décret de Ménippos exprime bien ce que représentait le statut de cité libre sous le
règne de Rome : « en dehors de la province, il ne convient au gouverneur ni de juger, ni de
se mêler de tout » 451. La cité libre se trouvait juridiquement hors de la province; Rome ne
pouvait ainsi se mêler ni des affaires de la cité, ni des impôts provinciaux. Une cité libre,
mais non exemptée, devait cependant payer le tribut. L’exemption (immunitas) était un
privilège distinct de la liberté, qui concernait le tribut et des réquisitions diverses, et qui
était rarement accordé. Knide l’obtint en même temps que la liberté, et d’autres cités,
comme Aphrodisias, Tarse et les cités lyciennes, eurent ce privilège. Stratonicée et
Termessos, par exemple, étaient libres, mais non exemptes. Sur les cités non libres, Rome
avait cependant une autorité pleine et entière 452. On peut alors facilement comprendre à
quel point des privilèges comme la liberté et l’exemption étaient enviables, et par le fait
                                                                                                               
449
Le sénatus-consulte est publié chez R. K. Sherk, RDGE, 70.
450
J.-L. Ferrary, CRAI, 135, 1991, p. 576.
451
L. et J. Robert, Claros I, p. 63-104, col. II, l. 4-7.
452
Knide : I. Knidos 12. Aphrodisias : OGIS, 454. Tarse et les autres cités lyciennes : Appien, Guerre civile,
V, 7. Stratonicée et Termessos : A. H. M. Jones, « Civitates liberae et immunes », p. 116.

  122  
même, pourquoi les notables amici des Romains œuvraient auprès de ceux-ci pour obtenir
ces statuts pour leur cité. En ce sens, il est aisé de concevoir que les cités, reconnaissantes,
octroyaient les plus grands honneurs aux bienfaiteurs qui accomplissaient avec succès une
ambassade.

Plusieurs amici des Romains avaient la citoyenneté romaine, ciuitas romana, comme
privilège. Or, le processus d’octroi de la citoyenneté romaine a connu une évolution
intéressante au cours du Ier siècle. Au début de la période, celle-ci était souvent accordée
aux Grecs de l’Italie, qui ne retournaient pas dans leur cité. Pompée a d’ailleurs joué un
grand rôle dans l’accès à la citoyenneté romaine des Grecs en Sicile, mais en Orient, le seul
exemple dont nous disposons est celui de Théophane, qu’il gratifia de la ciuitas afin qu’il le
suive et le conseille lors de ses campagnes militaires. Celui-ci retourna à Mytilène
seulement après la mort de Pompée, mais n’oublia pas sa cité puisqu’il obtint pour elle,
auprès du général romain, la liberté. À ceux qui ne recevaient pas la citoyenneté parce
qu’ils préféraient retourner dans leur patrie à la suite de leurs ambassades, les Romains
permettaient d’échapper aux taxes et aux liturgies civiques. Rome leur garantissait, de plus,
une position de choix à l’intérieur de leur cité. En retour, l’ami des Romains mettait ses
relations privilégiées au service de sa cité par son évergétisme 453.

C’est seulement à partir des années de pouvoir de César, après Pharsale, qu’on assista à
une mutation. Les notables grecs qui avaient obtenu la citoyenneté romaine demeuraient
dans leur cité. La chronologie de la diffusion de la ciuitas romana est difficile à établir,
puisqu’un C. Julius pouvait avoir obtenu la citoyenneté de la part de César ou d’Octave
Auguste. On retrouve alors, parmi les C. Julii, Théopompos et Artémidôros de Knide,
Apollônios II et Épikratès II de Milet et Hybréas de Mylasa. Selon J.-L. Ferrary, avec les
honneurs que reçut Potamôn et son influence auprès de César et d’Auguste, celui-ci aurait
pu, s’il l’avait voulu, bénéficier de la citoyenneté romaine. Son fils Diaphénès l’obtint
d’ailleurs, mais il n’était pas un C. Julius, plutôt un C. Claudius 454. Avec les Grecs qui
reçurent la ciuitas pour leur fidélité à Rome devant l’invasion parthe, la citoyenneté
                                                                                                               
453
J.-L. Ferrary, « Les Grecs des cités », p. 51-55.
454
Ibid., p. 56; pour la citoyenneté du fils de Théophane : IG XII, 2, 656.

  123  
romaine faisait maintenant partie des privilèges offerts à des Grecs qui désiraient retourner
ou rester dans leur cité pour y exercer une activité civique. Ainsi, les cités et Rome ne
voyaient plus la ciuitas romana comme une diminution de la citoyenneté d’origine, mais
plutôt comme substitut de l’amicitia, qui indiquait que ces citoyens avaient le rôle
d’intermédiaire entre les cités grecques et Rome 455.

c) L’exercice de la prêtrise du culte impérial


 
Parmi les façons de témoigner son allégeance aux Romains, l’amicus grec s’impliquait
souvent dans le culte de Rome et dans le culte impérial 456. À l’origine, le grand-prêtre de ce
culte portait à la fois les titres de grand-prêtre d’Auguste et de Rome. Plus tard, le koinon
d’Asie ajouta à la titulature les titres de grand-prêtre de l’Empereur et de père de la patrie.
Xénon de Thyatire, par exemple, était archiereus de César Auguste et de la déesse Rome,
ainsi que père de la patrie (nº 10, l. 5-10). Il existait aussi, dès le principat d’Auguste, des
grand-prêtres civiques qui portaient seulement le titre d’archiereus, sans mention de l’objet
du culte : dans ces cas, ils exerçaient la prêtrise de l’Empereur seul, la plupart du temps au
niveau civique, et non du koinon 457.

Les origines de la spécialisation dans le culte impérial sont difficiles à retracer, mais le
phénomène peut s’expliquer en partie par l’émergence du culte des rois. De fait, dans le
monde grec, la grande-prêtrise naquit pour assurer le culte des souverains hellénistiques, et
à cette époque, l’exercice de cette fonction était surtout assuré par des fonctionnaires
royaux séleucides et lagides. Les premiers grand-prêtres relevant du corps civique furent
pergaméniens : ils étaient désignés par la cité plutôt que par les rois. En ce qui a trait à la
nomination, Pergame joua un rôle crucial dans le passage du cadre non-civique au cadre
civique : l’adoption par les cités du titre de grand-prêtre du koinon s’explique ainsi, selon
G. Frija, par le précédent pergaménien 458. D’ailleurs, la fonction de grand-prêtre continua

                                                                                                               
455
J.-L. Ferrary, « Les Grecs des cités », p. 70.
456
G. W. Bowersock, Augustus, p. 117.
457
G. Frija, Les prêtres des empereurs, p. 57 et 61.
458
Ibid., p. 59.

  124  
d’exister à Pergame même après la chute des Attalides, comme en témoigne le cas de
Diodôros Pasparos qui, en plus d’exercer la prêtrise de Zeus Mégistos, fut archiereus, sans
précision sur sa fonction exacte 459.

Les prêtres des empereurs provenaient du milieu dirigeant des cités, mais ils ne
s’intégraient que très rarement au sein de l’élite impériale. En effet, l’exercice d’une
prêtrise du culte provincial permettait d’intégrer la nobilitas romaine, ce qui n’était pas
toujours le cas avec la prêtrise civique, qui n’accordait pas plus de crédit que d’exercer
d’autres fonctions importantes. Néanmoins, le statut et la richesse des cités représentaient
des motifs pour l’octroi de la grande-prêtrise. Ce n’est qu’à partir de la mise en place des
cultes d’Auguste qu’une homogénéité transparut dans le groupe que formaient les
fondateurs et premiers prêtres du culte : tous entretenaient une relation avec les imperatores
ou Auguste, occupaient une fonction importante dans leur cité et obtinrent des honneurs
semblables 460. Avec leur fortune, ils organisaient ainsi des jeux en l’honneur de
l’Empereur, finançaient même une partie de la construction d’un temple du culte impérial,
et c’est surtout sur ces derniers que Rome comptait pour ses liens diplomatiques avec
l’Orient 461.

[Le culte des empereurs était] incontestablement une marque d’intégration à


l’empire, d’acceptation de la domination romaine et un geste de loyauté à
l’égard des empereurs. Mais l’intégration profonde de ce culte à la vie locale
montre que cette forme de "romanisation" des élites, puisqu’elle [assurait] une
des marques les plus visibles de l’appartenance à l’empire romain, [n’avait] rien
d’un détachement à l’égard des communautés locale et ne [constituait] pas un
changement d’identité 462.

L’exercice de la prêtrise représentait alors un élément de reconnaissance sociale entre les


membres de l’élite d’une polis. Rappelons d’ailleurs que, lors des premières années de
l’instauration du culte dans les provinces grecques, il s’agissait d’un honneur et d’un

                                                                                                               
459
IGR IV, 1682, l. 2-3.
460
G. Frija, Les prêtres des empereurs, p. 215-216.
461
G. W. Bowersock, Augustus, p. 117.
462
G. Frija, Les prêtres des empereurs, p. 216.

  125  
privilège pour une cité de recevoir en son sein le culte impérial, comme en témoigne le cas
de Mylasa 463.

Conclusion

Au IIe siècle a.C. s’amorçaient le déclin des monarchies hellénistiques et la montée en


puissance de Rome sur le territoire de l’Asie Mineure. Peu à peu, une élite locale dut
reprendre le rôle des rois en ce qui a trait aux grandes dépenses publiques, à l’euergésia
royale, puisque ceux-ci n’avaient plus les moyens ni la puissance d’antan. Malgré tout, la
fin du IIe siècle connut une relative période de prospérité au lendemain d’Apamée. Les
Romains et le royaume de Pergame assuraient leur mandat et arrivaient à conserver la
stabilité. Au Ier siècle, une période trouble s’ouvrait, jusqu’à la veille d’Actium. Les cités
se trouvèrent au centre des trois guerres de Mithridate, des guerres civiles romaines, du
passage des « Libérateurs » et de l’invasion parthe sous Labiénus. L’économie et
l’organisation des cités grecques s’en trouvèrent très affectées. La dette publique ne cessait
d’augmenter et le territoire était souvent ravagé et pillé par l’une ou l’autre des armées.
Dans ce contexte, les cités se tournèrent vers leurs plus riches citoyens qui, avec le temps,
s’étaient intégrés à la clientèle romaine et avaient parfois même obtenu la ciuitas romana.
Par leur statut d’amis des Romains, ceux-ci avaient le pouvoir d’obtenir pour leur patrie de
précieux bienfaits, comme la liberté ou l’exemption de redevances, par exemple. Leur
fortune considérable leur permettait également de financer la construction d’édifices
importants ou la rénovation de ceux-ci, endommagés lors des guerres. Plusieurs d’entre eux
jouèrent aussi un rôle de premier plan dans l’instauration du culte impérial dans les
provinces d’Asie, apportant ainsi du prestige à leur cité. Ainsi, comme les souverains
étaient autrefois honorés d’un culte en raison des bienfaits qu’ils procuraient à la cité,
certains évergètes locaux recevaient des honneurs cultuels pour leur capacité à accorder des
privilèges exceptionnels.

                                                                                                               
463
Voir le nº 8; F. Delrieux et M.-C. Ferriès, REA, 106, 2004, p. 513-515.

  126  
Tous les évergètes du corpus faisaient partie de cette élite locale. Nous ignorons les
liens qu’Héroïdès de Pergame (nº 1B) eut avec Rome, ou même le rôle qu’il joua pour sa
cité, mais il est mentionné parmi les bienfaiteurs de sa cité en 129 a.C., au lendemain de la
création de la Province d’Asie 464. Diodôros Pasparos (nº 1A-E), qui œuvra entre les deux
premières guerres de Mithridate, exerça la grande-prêtrise à Pergame et effectua une
ambassade au Sénat au terme de laquelle il obtint pour sa cité la remise du tribut imposé à
la cité et un dédommagement pour la violence des troupes fimbriennes installées sur le
territoire 465.

Iollas de Sardes (nº 2) fut prêtre de Rome et effectua de nombreuses ambassades


heureuses, probablement à Rome, lors de la période difficile des guerres civiles. Théophane
de Mytilène (nº 3A-C) était l’ami, l’historien et le conseiller de Pompée, qu’il accompagna
lors de sa campagne. Grâce à son influence auprès de l’imperator, il obtint pour lui-même
la citoyenneté romaine, et pour sa cité, la liberté. Potamôn (nº 4), à la suite de Théophane,
sut conserver les liens avec Rome en soutenant le nouveau pouvoir en place, d’abord avec
César, puis avec Auguste. Il conserva ainsi le statut de liberté pour sa cité, et fut prêtre ou
grand-prêtre de Rome et d’Auguste.

Artémidôros (nº 5), pour sa part, joua le rôle d’hôte pour César, maintint, sous Auguste,
le statut de liberté de Knide que son père avait jadis obtenu auprès de César, et se vit
octroyer la citoyenneté romaine. Lorsque César fut libéré d’Alexandrie par Mithridate de
Pergame, en 46 a.C., Asklépiadès (nº 6) menait le convoi de Cyzique qui appuyait la cause
césarienne. À ce moment, la cité obtint peut-être un agrandissement de territoire et un
privilège fiscal.

Apollônios II et Épikratès II de Milet (nº 7A-B), quant à eux, prirent part à la résistance
contre l’invasion des Parthes sous Labiénus. Ils jouèrent probablement un rôle important
dans l’ambassade de 39/38 a.C. qui avait été dépêchée à Rome pour la restitution du statut

                                                                                                               
464
nº 1C, l. 20.
465
IGR IV, 292, l. 1-15.

  127  
de liberté et d’autonomie de la cité. Les deux portaient les tria nomina romains, signe de la
ciuitas romana, et Épikratès fut grand-prêtre du culte impérial. Alors qu’Euthydème faisait
partie de l’élite pompéienne et a réussi à repousser le paiement de la dette de Mylasa,
Hybréas prit la relève en s’intégrant à l’entourage des nouveaux vainqueurs, César,
Antoine, puis Auguste (nº 8). Selon plusieurs spécialistes, il participa à l’ambassade pour
demander de l’aide à la reconstruction de la cité à la suite des guerres civiles 466. Hybréas
avait aussi la citoyenneté romaine et fut prêtre du culte impérial.

Le philosophe stoïcien Athénodôros de Tarse (nº 9) entretenait des liens privilégiés


avec Auguste, puisqu’il en était le précepteur. Grâce à son influence auprès de son ancien
élève, il obtint pour Tarse le pouvoir de la libérer d’un mauvais gouvernement, mais aussi
un allégement des impôts.

Xénon de Thyatire (nº 10), qui fut grand-prêtre du culte impérial, se vit certainement
octroyer la citoyenneté romaine, puisque l’association éponyme qui régissait son culte, les
Iouliastai, réfère à un C. Julius. De plus, il prit possiblement part à l’ambassade envoyée à
Rome pour la reconstruction de la cité après le tremblement de terre qui l’avait détruite.
Mènogénès (nº 11), finalement, conduisit une ambassade heureuse à Rome, en 5 a.C., et
devait être l’un des amici d’Auguste, comme en témoigne la lettre de l’empereur à lui
adressée, parmi les décrets de la stèle en son honneur.

                                                                                                               
466
Ph. Gauthier, Bienfaiteurs, p. 61; J. H. M. Strubbe, « Cultic Honours », p. 327; F. Delrieux et
M.-C. Ferriès, REA, 106, 2004, P. 504.

  128  
CONCLUSION GÉNÉRALE

L’introduction d’un nouveau culte se faisait rarement de manière spontanée. Après les
conquêtes d’Alexandre, il est vrai que l’apparition de nouvelles pratiques religieuses se
faisait plus marquée et, pour ces raisons, on a souvent considéré l’époque hellénistique
comme une période de dégénérescence de la religion grecque. En réalité, elle correspondait
plutôt à une période de transformations et d’interactions entre des éléments traditionnels qui
ont évolué pour céder la place à de nouvelles réalités. Celles-ci dépendaient essentiellement
du nouveau contexte géographique et politique du monde grec, au lendemain des conquêtes
d’Alexandre le Grand, jusqu’à la bataille d’Actium.

Le culte des citoyens bienfaiteurs ne faisait pas exception à la règle, et en ce sens,


reflétait bien l’esprit de l’époque hellénistique. Tel qu’il se présentait à son apogée, ce culte
était le résultat d’une longue tradition cultuelle, adaptée en réponse au nouveau contexte
romain. Il est vrai qu’un culte était d’abord et avant tout un phénomène religieux, mais il
n’en demeure pas moins qu’il était aussi le reflet de la société qui le pratiquait. Ainsi, le
culte était intimement lié au contexte sociopolitique dans lequel il s’insérait. Dans cette
optique, l’objectif de ce mémoire était d’établir les fondements cultuels et sociopolitiques
du culte des citoyens bienfaiteurs, en Asie Mineure, au Ier siècle a.C.

D’un point de vue religieux, il apparaît que les structures cultuelles de base demeurèrent
essentiellement les mêmes, même si, à première vue, la principale caractéristique de ce
phénomène, celle d’honorer d’un culte un citoyen mortel, apparaît comme une nouveauté.
Avec le culte du héros, il était déjà possible d’honorer un mortel, en plus des héros
mythologiques. En effet, le terme grec hèrôs pouvait désigner un contemporain d’exception
récemment décédé, comme un athlète victorieux ou un fondateur. Ces héros, comme les
dieux, recevaient des honneurs pour les bienfaits qu’ils pouvaient accorder, mais après leur
mort. La tradition d’honorer les héros fondateurs avec une sépulture particulière et un
hèrôon se perpétua tout au long de l’histoire de la religion grecque, chez les rois comme
chez les citoyens bienfaiteurs. Il faut noter que les cultes héroïques comportaient des

  129  
honneurs semblables aux cultes des dieux, comme des célébrations avec des concours et
des festivals, ou des sacrifices, et que la distinction entre les deux pratiques n’était pas
toujours claire. Cela s’explique par le fait que les héros étaient, dans les faits, des divinités
mineures. Il était alors logique qu’ils partageassent des honneurs semblables à ceux des
dieux du panthéon.

Non seulement on honorait les héros d’un culte, mais dès l’époque classique, il était
concevable d’accorder un traitement privilégié à des mortels, alors qu’ils étaient encore en
vie. Ainsi, des hommes d’exception, tel Lysandre, reçurent un culte complet de leur vivant.
La tendance se poursuivit avec le culte des souverains hellénistiques, qui furent souvent
divinisés pendant leur vie. Plusieurs moyens furent alors développés pour associer les rois
aux dieux, comme les épithètes, les statues sunnaoi, les hymnes et les monnaies portant
l’effigie du roi représenté sous les traits d’un dieu. Les honneurs rendus aux souverains
étaient calqués sur ceux que l’on accordait aux dieux : sacrifices, festivals éponymes,
autels, mois éponymes, jours sacrés, prêtrises, etc. Comme les héros, ils reçurent des
honneurs en tant que fondateurs, mais dans un sanctuaire plutôt que dans un hèrôon, afin de
mettre l’accent sur leur caractère presque divin. À l’inverse des héros, qui recevaient les
honneurs cultuels traditionnels après leur mort, les rois y avaient droit de leur vivant,
puisque l’on attendait de ceux-ci des bienfaits pendant leur règne.

Graduellement, des hommes qui ne représentaient pas directement le pouvoir se virent


octroyer divers honneurs cultuels parmi les honneurs héroïques, les honneurs divins et les
honneurs accordés aux rois, et ce, parfois de leur vivant, parfois après leur mort. Ainsi, au
Ier siècle, de grands citoyens bienfaiteurs faisaient l’objet d’un culte. Celui-ci prenait, en
pratique, la forme de toute la tradition cultuelle qui le précédait. Il partageait avec le culte
des rois certaines méthodes d’association avec les dieux, comme les épithètes, les statues
sunnaoi et les monnaies aux effigies d’un dieu. Comme les souverains, il arrivait que des
évergètes reçussent le culte de leur vivant. La plupart avaient également des honneurs
héroïques associés aux fondateurs, comme la sépulture particulière et un hèrôon, sans
compter le titre de hèrôs. Le culte est caractérisé par sa diversité, qui puise dans toutes ces
pratiques antérieures, puis dans les honneurs traditionnellement accordés aux dieux. Qu’ils

  130  
aient été héros, sauveurs ou fondateurs, ces grands citoyens bienfaiteurs avaient tous
quelque chose en eux qui, aux yeux de leurs concitoyens, les faisait paraître divins. Pour
certains Grecs, ils étaient plus que des hommes : à l’instar des héros, ils se situaient quelque
part dans le monde des divinités mineures. Pendant leur carrière, à cause de leur nature
intrinsèque d’évergètes, on attendait d’eux des bienfaits, que l’on confirmait en leur
instituant un culte. Ainsi, qu’ils reçussent les honneurs cultuels de leur vivant ou après leur
mort, la durabilité de leur pouvoir bienfaiteur était assurée.

Au regard de toute cette tradition cultuelle, l’idée d’un citoyen bienfaiteur honoré d’un
culte ne paraît plus si étonnante. La cité grecque a toujours eu la capacité d’accueillir de
nouveaux dieux, et plus encore, le concept grec du dieu a toujours présenté le potentiel
d’inclure un mortel, si le contexte s’y prêtait. C’est d’ailleurs ce qui s’est produit avec les
souverains. À la suite des conquêtes d’Alexandre, le monde grec tel qu’on le connaissait
avait radicalement changé, du moins du point de vue de l’étendue géographique et du
pouvoir politique. Le territoire était beaucoup plus vaste, divisé en royaumes dirigés par des
rois. Ainsi, pour répondre au besoin de se représenter ce nouveau pouvoir dépassant la
commune mesure, mais néanmoins grec, les cités instaurèrent un culte civique pour les
souverains, sur le modèle du culte des dieux. Le contexte s’y prêta à nouveau à la basse
époque hellénistique, avec le déclin des rois et la montée d’une élite locale. Alors que l’on
honorait encore les rois, les cités commencèrent aussi à honorer d’un culte leurs plus grands
citoyens, qui reprenaient graduellement les charges de l’euergésia royale que les souverains
n’étaient plus en mesure d’assumer. Au Ier siècle, tandis que les Romains représentaient la
nouvelle puissance internationale, les grands citoyens bienfaiteurs devinrent la figure locale
du pouvoir, mais aussi le lien entre les cités et Rome. Les Romains ne reprirent pas la tâche
des souverains d’assumer les grandes dépenses publiques et laissèrent plutôt ce volet aux
riches élites des cités.

Le nouveau contexte romain avait modifié la situation à bien des égards. Au cœur des
conflits internationaux, pendant des décennies, plusieurs cités grecques virent leur
économie et leur territoire ravagés. Les guerres de Mithridate, les guerres civiles et
l’invasion des Parthes sous Labiénus contribuèrent toutes à plonger les cités dans un état

  131  
précaire. Cependant, la présence de Rome permit à certains citoyens de se hisser dans la
sphère sociale et même d’intégrer le système de clientélisme romain. Ceux-ci, tout au long
de cette période trouble où la liberté et l’exemption devinrent des enjeux vitaux, œuvraient
pour leur cité afin de lui venir en aide. Grâce aux relations que ces bienfaiteurs
entretenaient avec les Romains, ils arrivaient ainsi à obtenir de précieux privilèges pour
eux-mêmes, comme la citoyenneté romaine, la prêtrise du culte de Rome ou du culte
impérial, mais aussi pour leur patrie : liberté, autonomie, exemption du tribut, allégement
des taxes, dédommagement pour la violence des troupes, maintien de privilèges, ainsi que
du financement pour la construction ou la rénovation d’importants édifices. Dans ce
contexte trouble, de tels gains représentaient pour la cité, non pas des accomplissements
mineurs, mais des bienfaits qui affectaient directement son existence politique. Ainsi,
comme les héros étaient honorés en tant que fondateurs mythiques ou contemporains pour
la création d’une nouvelle cité, comme les rois le furent également pour l’instauration de
nouvelles colonies, ces grands évergètes devinrent à leur tour ktistai de leur cité. Dans leur
cas, ce n’est pas pour avoir créé une nouvelle polis, mais bien pour lui avoir accordé une
seconde vie grâce aux nombreux bienfaits qu’ils arrivaient à obtenir de la part de leurs amis
romains influents. Un tel pouvoir les distinguait alors du commun des mortels, faisant
d’eux des êtres divins. Ils devaient, par conséquent, être honorés à la mesure de leurs
bienfaits, par le plus grand des honneurs : le culte. Une timè était toujours liée à un bienfait,
et les timai les plus convoitées, les isothéoi, devaient être reliées à des bienfaits tout aussi
exceptionnels. Les souverains étaient honorés pour leur capacité à procurer ce type de
privilèges, et les citoyens évergètes, qui reprenaient l’évergésie des rois en raison du
contexte sociopolitique du Ier siècle, l’étaient pour les mêmes raisons. Comme l’écrivait
Ph. Gauthier : « Pas d’honneurs cultuels, qui ne viennent sanctionner un bienfait capital
pour la communauté » 467.

                                                                                                               
467
Ph. Gauthier, Bienfaiteurs, p. 46.

  132  
Nous sommes consciente des limites du mémoire et du fait qu’il reste encore beaucoup à
faire pour bien saisir toute la portée du culte des citoyens bienfaiteurs. En effet. la présente
étude ne concerne qu’une partie du phénomène, le Ier siècle, et une région bien précise,
celle de l’Asie Mineure. Ainsi, le traitement n’est pas exhaustif, mais permet tout de même
une bonne représentation du phénomène, puisqu’il s’intéresse au moment de son apogée et
au contexte géographique pour lequel le plus de documents ont été préservés. Les données
concernant les différents évergètes sont aussi inégales, en raison du caractère souvent
lacunaire de la documentation, mais la comparaison des cas les uns avec les autres a permis
de dresser un portrait de la forme concrète que pouvait prendre le culte.

Parmi les voies de recherche possible, il faudrait approfondir, d’une part, les cas de la fin
du IIIe siècle et du IIe siècle et, d’autre part, ceux hors de l’Asie Mineure. En parallèle avec
le culte des citoyens bienfaiteurs se forma également un culte des magistrats romains dans
les cités grecques. Ce domaine a déjà fait l’objet de recherches par G. Thériault, mais il y a
encore place pour de futures études 468. Il serait alors intéressant, par exemple, de traiter ce
culte en parallèle avec celui des citoyens grecs bienfaiteurs, pour voir de quelle façon ils
s’arrimaient l’un avec l’autre dans l’univers religieux des cités grecques. Le culte des
évergètes a aussi souvent été considéré, comme le culte des souverains, en tant que
prédécesseur du culte impérial. Il faut toutefois faire attention, puisque le culte impérial
était un phénomène bel et bien romain, qui n’avait que très peu à voir avec les pratiques
grecques. Là où il a pu y avoir influence du culte des bienfaiteurs, c’est dans la pratique
grecque du culte impérial exporté dans les provinces, particulièrement en Asie Mineure. En
effet, les cités usaient d’un vocabulaire et de méthodes proprement grecques pour aborder
ce culte, qui différaient de la façon typiquement romaine de faire. S. R. F. Price a déjà
effleuré la question dans un article de 1984, mais d’autres recherches permettraient d’aller
plus en profondeur quant à l’influence possible du culte des citoyens bienfaiteurs 469.

                                                                                                               
468
G. Thériault, « Remarques sur le culte des magistrats romains », p. 85-95 et « Culte des évergètes »,
p. 377-388.
469
S. R. F. Price, JHS, 104, 1984, p. 79-95.

  133  
BIBLIOGRAPHIE

I. Sources

a) Auteurs anciens

APPIEN, La guerre de Mithridate dans Histoire romaine, tome VII, Livre XII, Texte établi
et traduit par P. Goukowsky, Paris, Les Belles Lettres, 2003, 186 p., en partie doubles.

APPIEN, Les guerres civiles à Rome dans Histoire romaine, tome XII, Livre V, Texte
établi par M. Étienne-Duplessis, Paris, Les Belles Lettres, 2013, 560 p., en partie doubles.

APPIEN, Les guerres civiles à Rome, tome II, Livre II, Texte établi par C. Voisin et
Ph. Torrens et traduit par J.-J. Combes-Dounous, Paris, Les Belles Lettres, 2014, 208 p.,
en partie doubles.

ARISTOTE, Rhétorique, tome I, Livre I, Texte établi et traduit par M. Dufour, Paris, Les
Belles Lettres, 1967, 143 p., en partie doubles.

ARRIEN, Anabasis of Alexander, tome I, Livres I-IV, Texte traduit par P. A. Brunt,
Cambridge, Harvard University Press, 1976, 547 p.

ATHÉNÉE, Les Deipnosophistes, Texte établi et traduit par A. M. Desrousseaux, Paris,


Les Belles Lettres, 2002, 384 p., en partie doubles.

CICÉRON, Atticus dans Correspondance, tome I, Texte établi et traduit par


L.-A. Constans, Paris, Les Belles Lettres, 1950, 297 p., en partie doubles.

CICÉRON, Atticus dans Correspondance, tome III, Texte établi et traduit par
L.-A. Constans, Paris, Les Belles Lettres, 1960, 268 p., en partie doubles.

CICÉRON, Famille dans Correspondance, tome IV, Texte établi et traduit par L.-A
Constans et J. Bayet, Paris, Les Belles Lettres, 1962, 254 p., en partie doubles.

CICÉRON, Philippesques dans Discours, tome XX, Texte établi et traduite par
P. Wuilleumier, Paris, Les Belles Lettres, 2002, 470 p., en partie doubles.

CICÉRON, Pour le poète Archias dans Discours, tome XII, Texte établi et traduit par
F. Gaffiot, Paris, Les Belles Lettres, 2002, 140 p., en partie doubles.

CICÉRON, Sur la loi agraire dans Discours, tome IX, Texte établi et traduit par
A. Boulanger, Paris, Les Belles Lettres, 2002, 154 p., en partie doubles.

DÉMOSTHÈNE, Sur la couronne dans Plaidoyers politiques, tome IV, Texte établi et
traduit par G. Mathieu, Paris, Les Belles Lettres, 2002, 358 p., en partie doubles.

  134  
DENYS DE BYZANCE, Anaplus Bospori, Texte établi par R. Güngerich, Berlin,
Weidmann, 1958, 45 p.

DENYS D’HALICARNASSE (PSEUDO), Ars Rhetorica dans Opusculorum, tome VI,


volume II, Texte édité par H. Vsener et L. Radermacher, Stuttgart, Teubner, 1965, 420 p.

DIODORE DE SICILE, tome II, Livres II,34-IV,58, Texte traduit par C. H. Oldfather,
Cambridge, Harvard University Press, 1953, 539 p.

DIODORE DE SICILE, tome III, Livres IV,59-VIII, Texte traduit par C. H. Oldfather,
Cambridge, Harvard University Press, 1952, 433 p.

DIODORE DE SICILE, tome VIII, Livres XVI,66 à 95-XVII, Texte traduit par C. Bradford
Welles, Cambridge, Harvard University Press, 1963, 484 p.

DIODORE DE SICILE, Bibliothèque historique. Fragments, tome III, Livres


XXVII-XXXII, Texte établi et traduit par P. Goukowsky, Paris, Les Belles Lettres, 2012,
512 p., en partie doubles.

DION CASSIUS, Histoire romaine, Livres XLVIII-XLIX, Texte établi et traduit par
M.-L. Freyburger et J.-M. Rodaz, Paris, Les Belles Lettres, 1994, 157 p., en partie
doubles.

DION CASSIUS, Roman History, tome IV, Livres XLI-XLV, Texte traduit par E. Cary,
Cambridge, Harvard University Press, 1987, 501 p.

DION CASSIUS, Roman History, tome VI, Livres LI-LV, Texte traduit par E. Cary,
Cambridge, Harvard University Press, 1980, 491 p.

DION CASSIUS, Roman History, tome VII, Livres LVI-LX, Texte traduit par E. Cary,
Cambridge, Harvard University Press, 1981, 449 p.

DION CHRYSOSTOME, Premier discours à Tarse (XXXIII) dans Œuvres, Texte établi et
traduit par C. Bost-Pouderon, Paris, Les Belles Lettres, 2011, 416 p., en partie doubles.

HYPÉRIDE, Épitaphios dans Discours, Texte établi et traduit par G. Colin, Paris, Les
Belles Lettres, 1946, 321 p., en partie doubles.

ISOCRATE, Nicoclès dans Discours, tome II, Texte établi et traduit par E. Brémond et
G. Mathieu, Paris, Les Belles Lettres, 2003, 358 p., en partie doubles.

LUCIEN, Makrobioi dans Œuvres, tome II, Opuscules 11-20, Texte établi et traduit par
J. Bompaire, Paris, Les Belles Lettres, 2012, 348 p., en partie doubles.

PAUSANIAS, Description of Greece, tome I, Livres I-II, Texte édité par J. Henderson et
traduit par W. H. S. Jones, Cambridge, Harvard University Press, 1992, 457 p.

  135  
PLUTARQUE, Antoine dans Vies, tome XIII, Texte établi et traduit par R. Flacelière et
E. Chambry, Paris, Les Belles Lettres, 2003, 385 p., en partie doubles.

PLUTARQUE, Apophtegmes de rois et de généraux dans Œuvres morales, tome III,


Traités 15-16, Texte établi et traduit par F. Fuhrmann, Paris, Les Belles Lettres, 1988,
564 p.

PLUTARQUE, Aratos dans Vies, tome XV, Texte établi et traduit par R. Flacelière et
E. Chambry, Paris, Les Belles Lettres, 2003, 405 p., en partie doubles.

PLUTARQUE, César dans Vies, tome IX, Texte établi et traduit par R. Flacelière et
E. Chambry, Paris, Les Belles Lettres, 2012, 546 p., en partie doubles.

PLUTARQUE, Cicéron dans Vies, tome XII, Texte établi et traduit par R. Flacelière et
E. Chambry, Paris, Les Belles Lettres, 2003, 163 p., en partie doubles.

PLUTARQUE, Lucullus dans Vies, tome VII, Texte établi et traduit par R. Flacelière et
É. Chambry, Paris, Les Belles Lettres, 2003, 312 p., en partie doubles.

PLUTARQUE, Lysandre et Sylla dans Vies, tome VI, Texte établi et traduit par
R. Flacelière et E. Chambry, Paris, Les Belles Lettres, 2003, 563 p., en partie doubles.

PLUTARQUE, Philopoemen dans Vies, tome V, Texte établi et traduit par R. Flacelière et
E. Chambry, Paris, Les Belles Lettres, 2003, 353 p., en partie doubles.

PLUTARQUE, Pompée dans Vies, tome VIII, Texte établi et traduit par R. Flacelière et
E. Chambry, Paris, Les Belles Lettres, 2003, 313 p., en partie doubles.

POLYBE, Histoires, tome V, Livre V, Texte établi et traduit par P. Pédech, Paris, Les
Belles Lettres, 2003, 318 p., en partie doubles.

POLYBE, Histoires, tome VII, Livres VII-IX, Texte établi et traduit par R. Weil, Paris, Les
Belles Lettres, 2003, 175 p., en partie doubles.

POLYBE, The Histories, tome V, Livres XVI-XXVII, Texte traduit par W. R. Paton,
Cambridge, Harvard University Press, 1960, 535 p.

SÉNÈQUE L’ANCIEN, Suasoriae dans Declamations, tome II, Texte édité par
J. Henderson et traduit par M. Winterbottom, Cambridge, Harvard University Press, 1974,
641 p.

STRABON, Géographie, tome VIII, Livre XI, Texte établi et traduit par F. Lasserre, Paris,
Les Belles Lettres, 2003, 278 p., en partie doubles.

STRABON, The Geography, tome VI, Livres XIII-XIV, Texte traduit par H. L. Jones,
Cambridge, Harvard University Press, 1989, 397 p.

  136  
SUÉTONE, Tibère dans Vies des douze Césars, tome II, Texte établi et traduit par
H. Ailloud, Paris, Les Belles Lettres, 1931, 418 p.

TACITE, Annales, tome II, Livres IV-VI, Texte établi et traduit par P. Wuilleumier, Paris,
Les Belles Lettres, 2003, 129 p., en partie doubles.

TITE-LIVE, Histoire romaine, tome XXVII, Livre XXXVII, Texte établit et traduit par
J.-M. Engel, Paris, Les Belles Lettres, 2003, 174 p., en partie doubles.

TITE-LIVE, Histoire romaines, tome XXVIII, Livre XXXVIII, Texte établit et traduit par
R. Adam, Paris, Les Belles Lettres, 2003, 218 p., en partie doubles.

VALÈRE MAXIME, Memorable Doings and Sayings, tome II, Livres VI-IX, Texte édité
et traduit par D. R. Shackleton Bailey, Cambridge, Harvard University Press, 2000, 462 p.

VELLEIUS PATERCULUS, Histoire romaine, tome II, Livre II, Texte établi et traduit par
J. Hellegouarc’h, Paris, Les Belles Lettres, 1982, 448 p.

XÉNOPHON, Helléniques, tome II, Livres IV-VII, Texte établi et traduit par J. Hatzfeld,
Paris, Les Belles Lettres, 2003, 483 p., en partie doubles.

b) Sources épigraphiques et numismatiques

AKARCA, A., Les monnaies grecques de Mylasa, Paris, A. Maisonneuve, 1959, 106 p.

Ancient Greek Inscriptions in the British Museum, Oxford, 1874-1916, 4 volumes.


Plusieurs éditeurs.
= GIBM

Archaeologische Zeitung, Berlin, 1843-1885. Plusieurs éditeurs.


= Arch. Zeit.

BLÜMEL, W., Die Inschriften von Mylasa, Bonn, 1987-1988, 2 volumes.


= I. Mylasa

BLÜMEL, W., Die Inschriften von Knidos, Bonn, 1992, 267 p.


= I. Knidos

« Bulletin épigraphique », REG, Paris, E. Leroux, (1938-1984, dir. L. et J. Robert ;


1987-2004, dir. Ph. Gauthier et alii. ; 2005 – en cours, dir. L. Dubois et alii.)
= BE

BUCKLER, W. H. et ROBINSON, D. M., Sardis VII. Greek and Latin Inscriptions, vol. I,
Leyden, 1932, 198 p.
= Sardis VII1

  137  
BURNETT, A. et al., Roman Provincial Coinage. From the Death of Caesar to the Death
of Vitellius (44 BC-AD 69), I, Londre-Paris, British Museum Press-Bibliothèque
Nationale, 1992, 724 p.

CANALI DE ROSSI, F., Le ambascerie dal mondo greco a Roma in età repubblicana,
Rome, 1997, 782 p.

CANALI DE ROSSI, F., Iscrizioni storiche ellenistiche III. Decreti per ambasciatori greci
al senato., Rome, Herder, 2002, 248 p.
= ISE

Catalogue of the Greek Coins of Troas, Aeolis and Lesbos, Bologne, A. Forni, 1964, 260 p.
= BMC Troas, Aeolis and Lesbos

CHARITONIDIS, S., Αἱ ἐπιγραφαὶ τῆς Λέσβου. Συµπλήρωµα, Athènes, 1968, 107 p.

COLLITZ, H., BECHTEL, F. et alii., Sammlung der griechischen Dialekt-Inschriften,


Göttingen, 1884-1915, 4 tomes en 5 volumes.
= SGDI

Corpus Inscriptionum Graecarum, Berlin, 1828-1877, 4 volumes. Plusieurs éditeurs.


= CIG

CORSTEN, T., Die Inschrisften von Laodikeia am Lykos, Bonn, 1997, 250 p.
= I. Laodikeia

Die Inschriften von Pergamon, Berlin, 1890, 3 volumes. (vol. 1-2, éd. M. Fränkel; vol. 3,
éd. Ch. Habicht)
= I. Pergamon

DITTENBERGER, W. et PURGOLD, K., Die Inschriften von Olympia, Berlin, 1896,


919 p.
= IvO

DITTENBERGER, W., Orientis graeci inscriptiones selectae. Leipzig, 1903-1905


(Hidelsheim, 1986), 2 volumes.
= OGIS

DITTENBERGER, W., Sylloge inscriptionum graecarum, (3e édition de F. Hiller von


Gaertringen), Leipzig, Hildesheim, 1960.

ENGELMANN, H., Die Inschriften von Kyme, Bonn, 1976, 251 p.


= I. Kyme

Fouilles de Delphes. III. Épigraphie, Paris, 1909-1985, 6 volumes. Plusieurs éditeurs.

  138  
GAERTRINGEN, H. von, Inschriften von Priene. Berlin, 1906, 312 p.
= I. Priene

HAMILTON, W. J., Researches in Asia Minor, Pontus and Armenia; With Some Account
of their Antiquities and Geology, Londres, John Murray, 1842, volumes.

HASLUCK, F. W., Cyzicus, Cambridge, Cambridge University Press, 1910, 326 p.

HEBERDEY, R. et KALINKA, E., Bericht über zwei Reisen im südwestlichen Kleinasien,


Wien, 45, 1896, 56 p.

HÖGHAMMAR, K., Sculpture and Society : Α Study of the Connection between the
Free-Standing Sculpture and Society on Kos in the Hellenistic and Augustan Periods,
Uppsala, University of Uppsala, 1993, 227 p.

Inschriften griechischer Städte aus Kleinasien, Bonn, 1972– en cours. Plusieurs volumes,
plusieurs éditeurs.
= IK

Inscriptiones Graecae, Berlin, Deutsche Akademie der Wissenschaften, 1906 – en cours.


Plusieurs éditeurs.
= IG

Inscriptiones Graecae ad Res Romanas Pertinentes, Paris, 1901-1927, 4 vol. Plusieurs


éditeurs.
= IGR

KEIL, J. et PREMERSTEIN, A. von, Berichte über eine Reise in Lydien, Wien, 1911,
161 p.
= Reise in Lydien

LABARRE, G., Les cités de Lesbos aux époques hellénistique et impériale, Paris, Boccard,
1996, 394 p.

LE BAS, P. et WADDINGTON, H. W., Inscriptions grecques et latines recueillies en Asie


Mineure, Hildesheim, G. Olms, 1972, 2 volumes.

Milet. I, 2. Das Rathaus von Milet (C. Fredrich, éd.), Berlin, De Gruyter, 1908, p. 100-124.
= Milet I, 2

Milet. I, 3. Das Delphinion in Milet (A. Rehm, éd.), Berlin, De Gruyter, 1914, p. 166-442.
= Delphinion

Milet. VI. Inschriften von Milet, Berlin, De Gruyter, 1997-2006, 3 volumes. Plusieurs
éditeurs.
= Milet VI

  139  
Mitteilungen des deutschen archäologischen Instituts. Athenische Abteilung, Berlin, 1876 –
en cours. Plusieurs éditeurs.
= MDAI(A)

Mitteilungen des deutschen archäologischen Instituts. Römische Abteilung, Mainz, 1886 –


en cours. Plusieurs éditeurs.
= MDAI(R)

Mitteilungen des deutschen archäologischen Instituts. Istanbul Abteilung, Tübingen,


1933 – en cours. Plusieurs éditeurs.
= MDAI(I)

NEWTON, C. T., History of Discoveries at Halicarnassus, Cnidus, and Branchidæ,


Londres, 1862-1863, 2 volumes.

PATON, W. R. et HICKS, E. L., The Inscriptions of Cos, Oxford, 1891, 407 p.


= I. Cos

PAZ DE HOZ, M., Die lydischen Kulte im Lichte der griechischen Inschriften, Bonn,
R. Habelt, 1999, 410 p.

REHM, A., Didyma. II. Die Inschriften, Berlin, 1958, 391 p.


= I. Didyma

RIGBSY, K. J., Asylia : Territorial Inviolability in the Hellenistic World, Berkeley,


University of California Press, 1996, 672 p.

SCHWYZER, E., Dialectorum Graecarum exempla epigraphia potiora, Hildesheim,


G. Olms, 1960, 463 p.
= DGE

SEGRE, M., Tituli Calymnii, Bergamo, Istituto Italiano d’Arti, Grafiche, 1952, 249 p.

SHERK, R. K., Roman Documents from the Greek East. Senatus Consulta and Epistulae to
the Age of Augustus, Baltimore, Johns Hopkins Press, 1969, 396 p.
= RDGE

SHERK, R. K., Rome and the Greek East to the Death of Augustus, Cambridge, 1984,
181 p.

Tituli Asiae Minoris, Vindobonae, 1901 – en cours. Plusieurs éditeurs.


= TAM

VARINLIOĞLU, E., Die Inschriften von Keramos, Bonn, 1986, 109 p.


= I. Keramos

  140  
Wiener Eranos : zur fünfzigsten Versammlung deutscher Philologen und Schulmänner in
Graz, Wien, A. Hölder, 1909, 346 p.

WILHELM, A., Neue Beiträge zur griechischen Inschriftenkunde V, SAWW, 214, 4, 1932,
p. 21-40.
= SAWW

II. Études

ANASTASIADIS, V. I. et SOURIS, G. A., « Theophanes of Mytilene: A New Inscription


to his Early Career », Chiron, 22, 1992, p. 377-383.

AUBRIET, D., « Le mort dans la ville : à propos de l’épitaphe et de la mémoire à Mylasa,


petite cité dans le monde grec », Le Mort dans la ville : pratiques, contextes et impacts
des inhumations intra-muros en Anatolie, du début de l'Âge du Bronze à l'époque
romaine, actes des 2e Rencontres d'Archéologie (O. Henry, éd.), Istanbul, IFEA, 2011,
p. 143-155.

BARONOWSKI, D. W., « The Status of the Greek Cities of Asia Minor after 190 B. C. »,
Hermes, 119, 1991, p. 450-463.

BÉRARD, C., « Récupérer la mort du prince : héroïsation et formation de la cité », La


mort, les morts dans les sociétés anciennes (G. Gnoli et J.-P. Vernant, éd.), Cambridge,
Cambridge University Press, 1982, p. 89-105.

BERNS, C., « The Tomb as a Node of Public Representation : Intramurial Burials in


Roman Imperial Asia Minor », Le Mort dans la ville : pratiques, contextes et impacts des
inhumations intra-muros en Anatolie, du début de l'Âge du Bronze à l'époque romaine,
actes des 2e Rencontres d'Archéologie (O. Henry, éd.), Istanbul, IFEA, 2011, p. 231-242.

BOGAERT, R., Banques et banquiers dans les cités grecques, Leyden, A. W. Stijthoff,
1968, 453 p.

BONNECHÈRE, P., « Comment aborder le système religieux des Grecs ? », Kernos, 25,
2012, p. 304-317.

BOWERSOCK, G. W., Augustus and the Greek World, Oxford, Clarendon Press, 1965,
176 p.

BRESSON, A., « La conjoncture du IIe siècle a. C. », Les cités d’Asie Mineure occidentale
au IIe siècle a.C. (A. Bresson et R. Descat, éd.), Paris, Boccard, 2001, p. 11-16.

BRINGMANN, K., « The King as Benefactor : Some Remarks on Ideal Kingship in the
Age of Hellenism », Images & Ideologies (A. Bulloch et al., éd.), Berkeley, University of
California Press, 1993, p. 7-24.

  141  
BUCKLER, W. H. et ROBINSON, D. M., « Greek Inscriptions from Sardes II », AJA, 17,
1913, p. 29-52.

BUCKLER, W. H. et ROBINSON, D. M., « Greek Inscriptions from Sardes V: Decrees of


League of the Greeks in Asia and of Sardians Honoring Menogenes », AJA, 18, 1914,
p. 321-362.

BURASELIS, K., Kos Between Hellenism and Rome : Studies on the Political,
Institutional, and Social History of Kos from ca. the Middle Second Century B.C. Until
Late Antiquity, Philadelphia, American Philosophical Society, 2000, 189 p.

BURSTEIN, S. M., « The Aftermath of the Peace of Apamea », AJAH, 5, 1980, p. 1-12.

CAMPANILE, M. D., I sacerdoti del koinon d’Asia (I sec. a.C.-III sec. d.C.) : Contributo
allo studio della romanizzazione delle élites provinciali nell’Oriente greco, Pisa, Giardini
e Stampatori, 1984, 230 p.

CANALI DE ROSSI, F., « Attalo III e la fine della dinasta pergamena : due note
epigrafiche », EA, 31, 1999, p. 83-93.

CANALI DE ROSSI, F., « Tre epistole di magistrati romani a città d’Asia », EA, 32, 2000,
p. 163-181.

CANEVA, S. G., « Queens and Ruler Cults in Early Hellenism », Kernos, 25, 2012,
p. 75-101.

CERFAUX, L. et TONDRIAU, J., Un concurrent du christianisme : le culte des souverains


dans la civilisation gréco-romaine, Tournai, Desclée & Co., 1957, 535 p.

CHANIOTIS, A., « Epigraphic Bulletin for Greek Religion 1992», Kernos, 9, 1996,
p. 347-400. (= EBGR)

CHANIOTIS, A., « The Divinity of Hellenistic Rulers », A Companion to the Hellenistic


World (A. Erskine, éd.), Oxford, Blackwell, 2005, p. 431-445.

CHANIOTIS, A., « La divinité mortelle d’Antiochos III à Téos », Kernos, 20, 2007,
p. 153-171.

CHANIOTIS, A., « The Ithyphallic Hymn for Demetrios Poliorcetes and Hellenistic
Religious Mentality », More than Men, Less than Gods (P. Iossif, A. S. Chankowski et
C. Lorber, éd.), Leuven-Paris-Walpole, Peeters, 2011, p. 157-195.

CHANKOWSKI, A. S., « La procédure législative à Pergame au Ier siècle av. J.-C. : à


propos de la chronologie relative des décrets en l’honneur de Diodoros Pasparos », BCH,
122, 1998, p. 159-199.

  142  
CHANKOWSKI, A. S. , « Processions et cérémonies d'accueil : une image de la cité de la
basse époque hellénistique ? », Citoyenneté et participation à la basse époque
hellénistique (P. Fröhlich et C. Müller, éd.), Genève, Droz, 2005, p. 185-206.

CHANKOWSKI, A. S., « Le culte des souverains aux époques hellénistique et impériale


dans la partie orientale du monde méditerranéen : questions actuelles », More than Men,
Less than Gods (P. Iossif, A. S. Chankowski et C. Lorber, éd.), Leuven-Paris-Walpole,
Peeters, 2011, p. 1-14.

CHIRICAT, É., « Funérailles publiques et enterrement au gymnase à l'époque


hellénistique », Citoyenneté et participation à la basse époque hellénistique (P. Fröhlich
et C. Müller, éd.), Genève, Droz, 2005, p. 207-223.

CORMACK, S., The Space of Death in Roman Asia Minor, Wien, Phoibos, 2004, 351 p.

COUILLOUD-LE DINAHET, M.-T., « Les rituels funéraires en Asie Mineure et en Syrie à


l’époque hellénistique (jusqu’au milieu du Ier siècle av. J.-C.) », L’Orient
méditerranéen : de la mort d'Alexandre aux campagnes de Pompée : cités et royaumes à
l'époque hellénistique actes du colloque international de la SOPHAU, Rennes, 4-6 avril
2003 (F. Prost, dir.), Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 2003, p. 65-95.

CURRIE, B., Pindar and the Cult of Heroes, Oxford, Oxford University Press, 2005,
487 p.

DAMASKOS, D., Untersuchungen zu hellenistischen Kultbildern, Stuttgart, F. Steiner,


1999, 363 p.

DE CALLATAŸ, Fr., L’Histoire des guerres mithridatiques vue par les monnaies,
Louvain-La-Neuve, Université catholique de Louvain, 1997, 481 p.

DE LA VILLE DE MIRMONT, H., « Théophane de Mytilène », REG, 18, 1905,


p. 165-206.

DELORME, J., Gymnasion : étude sur les monuments consacrés à l'éducation en


Grèce : des origines à l'Empire romain, Paris, Boccard, 1960, 537 p.

DELRIEUX, F. et FERRIÈS, M.-C., « Euthydème, Hybréas et Mylasa : Une cité grecque


de Carie dans les conflits romains de la fin du Ier siècle a.C. », REA, 106, 2004, p. 49-71 et
499-515.

EILERS, C., « A Roman East : Pompey’s settlement », A Companion to the Hellenistic


World (A. Erskine, éd.), Oxford, Blackwell, 2005 p. 90-102.

EKROTH, G., The Sacrificial Rituals of Greek Hero-Cults, Kernos suppl. XII, Liège, 2002,
429 p.

  143  
ERSKINE, A., « Epilogue », The Gods of Ancient Greece : Identities and Transformations
(J. N. Bremmer et A. Erskine, éd.), Edinburgh, Edinburgh University Press, 2010,
p. 505-510.

FAYER, C., Il culto della dea Roma : Origine e diffusione nell’Impero, Pescara, Trimestre,
1976, 326 p.

FERNOUX, H.-L., « L’exemplarité sociale chez les notables des cités d’Asie Mineure à
l’époque impériale », Aristocratie antique. Modèles et exemplarité sociale (H.-L. Fernoux
et Ch. Stein, éd.), Dijon, Éditions universitaires de Dijon, 2007, p. 175-200.

FERRARY, J.-L., Philhellénisme et impérialisme : aspects idéologiques de la conquête


romaine du monde hellénistique, de la seconde guerre de Macédoine à la guerre contre
Mithridate, Rome, Palais Farnèse, 1988, 690 p.

FERRARY, J.-L., « Le statut des cités libres dans l’Empire romain à la lumière des
inscriptions de Claros », CRAI, 135, 1991, p. 557-577.

FERRARY, J.-L., « De l'évergétisme hellénistique à l'évergétisme romain », Actes du Xe


Congrès international d'épigraphie grecque et latine (M. Christol et O. Masson, éd.),
Paris, Publication de la Sorbonne, 1997, p. 199-225.

FERRARY, J.-L., « Rome et les cités grecques d’Asie Mineure au IIe siècle », Les cités
d’Asie Mineure occidentale au IIe siècle a.C. (A. Bresson et R. Descat, éd.), Paris,
Boccard, 2001, p. 93-106.

FERRARY, J.-L., « Les Grecs des cités et l’obtention de la ciuitas romana », Citoyenneté
et participation à la basse époque hellénistique (P. Fröhlich et C. Müller, éd.), Genève,
Droz, 2005, p. 51-75.

FERRARY, J.-L., « Les ambassadeurs grecs au Sénat romain », L’audience. Rituels et


cadres spaciaux dans l’Antiquité et le haut Moyen Âge (J.-P. Caillet et M. Sot, éd.), Paris,
Picard, 2007, p. 113-122.

FISHWICK, D., The Imperial Cult in the Latin West, Leiden, Brill, 1987, 194 p.

FONTRIER, A. M., « Inscriptions de Méonie », BCH, 5, 1881, p. 325-326.

FORTE, B., Rome and the Romans as the Greeks saw them, Rome, American Academy in
Rome, 1972, 727 p.

FRIJA, G., Les prêtres des empereurs : le culte impérial civique dans la province romaine
d’Asie, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2012, 323 p.

  144  
FRÖHLICH, P., « Dépenses publiques et évergétisme des citoyens dans l’exercice des
charges publiques à Priène à la basse époque hellénistique », Citoyenneté et participation
à la basse époque hellénistique (P. Fröhlich et C. Müller, éd.), Genève, Droz, 2005,
p. 225-256.

GAUTHIER, P., « Les honneurs de l’officier séleucide Larichos à Priène », JS, 1, 1980,
p. 35-50.

GAUTHIER, P., Les cités grecques et leurs bienfaiteurs : IVe-Ier siècle avant J.-C.
Contribution à l’histoire des institutions, BCH suppl. 12, Athènes, École française
d'Athènes, 1985, 236 p.

GAUTHIER, P., « Bienfaiteurs du gymnase au Létôon de Xanthos », REG, 109, 1996,


p. 1-34.

GRADEL, I., Emperor Worship and Roman Religion, Oxford, Clarendon Press, 2002,
408 p.

GRAF, F., La magie dans l’Antiquité gréco-romaine : idéologie et pratique, Paris, Les
Belles Lettres, 1994, 322 p.

GRANDINETTI, P., « Le élites citadine di Mileto, Priene e Kyme », La cité et ses élites.
Pratiques et représentation des formes de domination et de contrôle social dans les cités
grecques (L. Capdetrey et Y. Lafond, éd.), Bordeaux, Ausonius, 2010, p. 81-102.

GRIMAL, P., « Auguste et Athénodore de Tarse », REA, 47, 1945, p. 261-273.

GRUEN, E. S., The Hellenistic World and the Coming of Rome, Berkeley, University of
California Press, 1984, 2 volumes.

HABICHT, C., Gottmenschentum und griechische Städte, München, C. H. Beck Verlag,


1956, 255 p.

HABICHT, C., « Die Augusteische Zeit und das erste Jahrundert nach Christi Geburt », Le
culte des souverains dans l’empire romain (W. den Boer, éd.), Vandoeuvres-Genève,
Hardt, 1973, p. 39-99.

HABICHT, C., « Zur Personenkunde des griechisch-römischen Altertums », BASP, 21,


1984, p. 69-75.

HABICHT, C., « Der Akademiker Iollas von Sardis », ZPE, 74, 1988, p. 215-218.

HABICHT, C., « Ist ein "Honoratiorenregime" das Kennzeichen der Stadt im späteren
Hellenismus ? », Stadtbild und Bürgerbild im Hellenismus (M. Wörrle et P. Zanker, éd.),
Munich, 1995, p. 87-92.

  145  
HAMON, P., « Élites dirigeantes et processus d’aristocratisation à l’époque hellénistique »,
Aristocratie antique. Modèles et exemplarité sociale (H.-L. Fernoux et Ch. Stein, éd.),
Dijon, Éditions universitaires de Dijon, 2007, p. 79-100.

HASLUCK, F. W., « Inscriptions from Cyzicus (Continued) », JHS, 23, 1903, p. 75-91.

HEINRICHS, A., « What is a Greek God ? », The Gods of Ancient Greece : Identities and
Transformations (J. N. Bremmer et A. Erskine, éd.), Edinburgh, Edinburgh University
Press, 2010, p. 19-39.

HERRMANN, P., « Milet unter Augustus. Erkentnisse aus einem Inschriften-Neufund »,


ΕΝΕΡΓΕΙΑ : Studies on Ancient History and Epigraphy Presented to H. W. Pleket
(J. H. M. Strubbe, R. A. Tybout et H. S. Versnel, éd.), Amsterdam, J. C. Gieben, 1996,
p. 1-18.

HODOT, R., « Notes critiques sur le corpus épigraphique de Lesbos », EAC, 5, 1976,
p. 17-81.

HODOT, R., « Deux notes sur des inscriptions de Mytilène », ZPE, 49, 1982, p. 187-189.

HODOT, R., Le dialecte éolien d’Asie : la langue des inscriptions VIIe s. a.C.-IVe s. p.C.,
Paris, Éditions Recherche sur les Civilisations, 1990, 328 p.

HOLTHEIDE, B., Römische Bürgerrechtspolitik und römische Neubürger in der Provinz


Asia, Freiburg, Hochschul, 1983, 500 p.

IOSSIF, P. et LORBER, C., « More than Men, Less than Gods : Concluding Thoughts and
New Perspectives », More than Men, Less than Gods (P. Iossif, A. S. Chankowski et
C. Lorber, éd.), Leuven-Paris-Walpole, Peeters, 2011, p. 1-14.

JACOBY, F., Die Fragmente der griechischen Historiker, Leiden, E. J. Brill, 1957 – en
cours. 3 parties en plusieurs volumes.
= FrGrHist

JONES, C. P., « Diodoros Pasparos and the Nikephoria of Pergamon », Chiron, 4, 1974,
p. 183-205.

JONES, C. P., « Book Review », Phoenix, 31, 1977, p. 77-81.

JONES, C. P., The Roman World of Dio Chrysostom, Harvard, Harvard University Press,
1978, 208 p.

JONES, C. P., « Diotrephes of Antioch », Chiron, 13, 1983, p. 369-380.

JONES, C. P., « Diodoros Pasparos Revisited », Chiron, 30, 2000, p. 1-14.

  146  
JONES, A. H. M., « Civitates liberae et immunes in the East », Anatolian studies presentes
to W. H. Buckler (W. M. Calder et J. Keil, éd.), Manchester, Manchester University Press,
1939, p. 103-117.

KAUFMANN, F. M. et STAUBER, J., « Poimanenon bei Eski Manas ? Zeugnisse und


Lokalisierung einer kaum bekannten Stadt », Asia Minor Studien, 8, 1992, p. 63-67.

KALLET-MARX, R. M., Hegemony to Empire : The Development of the Roman Imperium


in the East from 148 to 62 B.C., Berkeley, University of California Press, 1995, 428 p.

KIENAST, D., « Diodoros Pasparos », RE, Suppl. XII, 1970, p. 224-232.

LABARRE, G., « Théophane et l’octroi de la liberté à Mytilène : question de méthode »,


Tekmeria, 2, 1996, p. 44-54.

LAUMONIER, A., Les cultes indigènes en Carie, Paris, Boccard, 1958, 790 p.

LE GUEN-POLLET, B., La vie religieuse dans le monde grec du Ve au IIIe siècle avant
notre ère : choix de documents épigraphiques traduits et commentés, Toulouse, Presses
Universitaires du Mirail, 1991, 256 p.

LE RIDER, G., « Sur un aspect du comportement monétaires des villes libres d’Asie
Mineure occidentale au IIe siècle : leurs émissions de tétradrachmes de poids attique
frappées entre 188 et C. 140 », Les cités d’Asie Mineure occidentale au
IIe siècle a.C. (A. Bresson et R. Descat, éd.), Paris, Boccard, 2001, p. 37-62.

LESCHHORN, W., « Gründer der Stadt ». Studien zu einem politisreligiösen Phänomen


der griechischen Geschichte, Stuttgart, F. Steiner, 1984, 436 p.

MA, J., Antiochos III et les cités de l’Asie Mineure occidentale, Paris, Les Belles Lettres,
2004, 470 p.

MA, J., Statues and Cities : Honorific Portraits and Civic Identity in the Hellenistic World,
Oxford, Oxford University Press, 2015, 378 p.

MAGIE, D., Roman Rule in Asia Minor : to the End of the Third Century after Christ,
New-York, Princeton University Press, 1950.
= RRAM

MARASCO, G., « Ibrea di Milasa », Fra repubblica e impero, Viterbo, 1992, p. 37-59.

MARSHALL, J., « The Survival and Development of International Jurisdiction in the


Greek World under Roman Rule », Aufstieg und Niedergang der römischen
Welt : Geschichte und Kultur Roms im Spiegel der neueren Forschung, 2, 1980,
p. 626-661.

  147  
MIGEOTTE, L., L’emprunt public dans les cités grecques. Recueil des documents et
analyse critique, Québec-Paris, Sphinx-Les Belles Lettres, 1984, 436 p.

MIGEOTTE, L., « L'évergétisme des citoyens aux période classique et hellénistique »,


Actes du Xe Congrès international d'épigraphie grecque et latine (M. Christol et
O. Masson, éd.), Paris, Publication de la Sorbonne, 1997, p. 183-196.

MIGEOTTE, L., « À propos de la fondation d’Eudèmos à Milet : questions administratives


et numismatiques », Phoenix, 66, 2012, p. 1-10.

MIGEOTTE, L., « L’aliénation de biens-fonds publics et sacrés dans les cités grecques aux
périodes classique et hellénistique », Symposion 2013. Papers on Greek and Hellenistic
Legal History. Cambridge MA, August 26-29, 2013 (M. Gagarin et A. Lanni, éd.), Vienne,
2014, p. 287-301.

MIGEOTTE, L., « À propos du gymnasiarque de Délos », Économie et finances publiques


des cités grecques. Volume II. Choix d’articles publiés de 2002 à 2014 (L. Migeotte, éd.),
Maison de l’Orient et de la Méditerranée, Lyon–Québec, 2015, p. 127-134. (Première
publication de l’article, sans post-scriptum, en 2009).

MIGEOTTE, L., Les finances des cités grecques aux périodes classique et hellénistique,
Paris, Les Belles Lettres, 2014, 770 p.

MUSTI, D., « I Nikephoria e il ruolo panellenico di Pergamo », RFIC, 126, 1998, p. 5-40.

NICOLET, C., Rome et la conquête du monde méditerranéen, II, Paris, Presses


universitaires de France, 1978, 940 p.

NILSSON, M. P., Die hellenistische Schule, Munich, C. H. Beck, 1955, 104 p.

NILSSON, M. P., Geschichte der griechischen Religion, Munich, Beck, 1955, 2 vol.

NOCK, A. D., Essays on Religion and the Ancient World (Z. Stewart, éd.), tomes I et II,
Oxford, Clarendon Press, 1972.

NOÈ, E., « Un esempio di mobilità sociale nella tarda repubblica : il caso di Ibrea di
Milasa », Italia sul Baetis. Studi di storia romana in memoria di Fernando Gascó
(E. Gaba, P. Desideri et S. Roda, éd.), Torino, 1996, p. 51-64.

OIKONOMIDÈS, A. N., « The Cult of Diogenes "Euergetes" in Ancient Athens », ZPE,


45, 1982, p. 118-120.

PARKER, R., On Greek Religion, Ithaca, Cornell University Press, 2011, 309 p.

PARKER, R. W., « Potamon of Mytilene and his Family », ZPE, 85, 1991, p. 115-129.

  148  
POTTER, D., « Hellenistic Religion », A Companion to the Hellenistic World (A. Erskine,
éd.), Oxford, Blackwell, 2005, p. 406-430.

PRÉAUX, C., Le monde hellénistique : la Grèce et l'Orient de la mort d'Alexandre à la


conquête romaine de la Grèce, 323-146 av. J.-C., Paris, Presses Universitaires de France,
1978, 2 volumes.

PRICE, S. R. F., Rituals and Power : The Roman Imperial Cult, Cambridge, Cambridge
University Press, 1984, 289 p.

PRICE, S. R. F., « Gods and Emperors : The Greek Language of the Roman Imperial
Cult », JHS, 104, 1984, p. 79-95.

QUASS, F, « Zur politischen Tätigkeit der munizipalen Aristokratie der griechischen


Ostens in der Kaiserzeit », Historia, 31, 1982, 188-213.

QUASS, F., Die Honoratiorenschicht in den Städten des griechischen


Ostens : Untersuchungen zur politischen und sozialen Entwicklung in hellenistischer und
römischer Zeit, Stuttgart, F. Steiner, 1993, 451 p.

RADERMACHER, L., « Hybreas », RE, 9.1, 1914, col. 29-31.

RAUBITSCHEK, A. E., « Epigraphical notes on Julius Caesar », JRS, 44, 1954, p. 65-75.

ROBERT, L., « Rapport sommaire sur un premier voyage en Carie », AJA, 39, 1935,
p. 331-340.

ROBERT, L., Études épigraphiques et philologiques, Paris, Honoré Champion, 1938,


343 p.

ROBERT, L., Hellenica, recueil d'épigraphie de numismatique et d'antiquités grecques,


Paris, Maisonneuve, 1940-1965, 13 volumes.

ROBERT, L., « Recherches épigraphiques », REA, 62, 1960, p. 276-361.


(= OMS II, 792-877)

ROBERT, L., « Inscriptions d’Aphrodisias », AntCl, 35, 1966, p. 377-432.


(= OMS VI, 1-56)

ROBERT, L., « Théophane de Mytilène à Constantinople », CRAI, 113, 1969, p. 42-64.


(= OMS V, 561-583)

ROBERT, L., Opera Minora Selecta, Amsterdam, A. M. Hakkert, 1969-1990, 7 volumes.


(Recueil de ses articles parus dans des revues ou des volumes de mélanges depuis 1924).

ROBERT, L., Études anatoliennes : recherches sur les inscriptions grecques de l’Asie
mineure, Amsterdam, A. M. Hakkert, 1970, 620 p.

  149  
ROBERT, L., « Les inscriptions de Thessalonique », RPh, 48, 1974, p. 180-246.
(= OMS V, 267-333)

ROBERT, L., « Documents d’Asie Mineure XXXIV-XXXV », BCH, 109, 1985,


p. 467-484.

ROBERT, J. et L., Claros I. Décrets hellénistiques, Paris, Recherche sur les Civilisations,
1989, 110 p.

ROSTOVTZEFF, M., Histoire économique et sociale du monde hellénistique, Paris,


R. Laffont, 1989, 1430 p. — Traduction de Social and Economic History of the
Hellenistic World, Oxford, Clarendon Press, 1941.

RUDHARDT, J., Notions fondamentales de la pensée religieuse et actes constitutifs du


culte dans la Grèce classique : étude préliminaire pour aider à la compréhension de la
piété athénienne au IVe siècle, Genève, Droz, 1958, 344 p.

RUDHARDT, J., « Quelques remarques sur la notion d’aidôs », Kernos, Suppl. 11, 2011,
p. 1-21.

RUGE, W., « Inschriften aus Nordwest und Westkleinasien », RPhW, 12, 1892, p. 739-740.

SAMUEL, A. E., Greek and Roman Chronology : Calendars and Years in Classical
Antiquity, München, C. H. Beck, 1972, 307 p.

SARTRE, M., L'Orient romain : provinces et sociétés provinciales en Méditerranée


orientale d'Auguste aux Sévères (31 avant J.-C-235 après J.-C.), Paris, Seuil, 1991, 631 p.

SARTRE, M., L’Anatolie hellénistique de l’Égée au Caucase (334-31 av. J.-C.), Paris,
A. Colin, 2003, 317 p.

SAVALLI-LESTRADE, I., « Des "amis" des rois aux "amis" des romains », RPh, 72, 1998,
p. 65-86.

SAVALLI-LESTRADE, I., « Remarques sur les élites dans les poleis hellénistiques », Les
élites et leurs facettes. Les élites locales dans le monde hellénistique et romain
(M. Cébeillac-Gervasoni et L. Lamoine, éd.), Rome-Clermont-Ferrand, Presses
universitaires Blaise-Pascal, 2003, p. 51-64.

SCHÖRNER, H., « The Intra-Urban Burial Inside Greek Poleis in Asia Minor : The
Example of Termessos », Le Mort dans la ville : pratiques, contextes et impacts des
inhumations intra-muros en Anatolie, du début de l'Âge du Bronze à l'époque romaine,
actes des 2e Rencontres d'Archéologie (O. Henry, éd.), Istanbul, IFEA, 2011, p. 223-230.

SCOTT, K., « Humor at the Expense of the Ruler Cult », CPh, 27, 1932, p. 317-328.

  150  
SHERWIN-WHITE, S. M., « Inscriptions from Cos », ZPE, 24, 1977, p. 205-217.

SION-JENKINS, K., « La disparition du mercenariat en Asie Mineure occidentale au


IIe siècle a.C. : éléments de réflexion », Les cités d’Asie Mineure occidentale au
IIe siècle a.C. (A. Bresson et R. Descat, éd.), Paris, Boccard, 2001, p. 19-35.

SNODGRASS, A., « Les origines du culte des héros dans la Grèce antique », La mort, les
morts dans les sociétés anciennes (G. Gnoli et J.-P. Vernant, éd.), Cambridge, Cambridge
University Press, 1982, p. 107-119.

SOSIN, J. D., « Accounting and Endowments », Tyche, 16, 2001, p. 161-175.

STEGEMANN, W., « Potamon », RE, 22, 1953, col. 1024.

STRUBBE, J. H. M., « Gründer kleinasiatischer Städte : Fiktion und Realität », Ancient


Society, 17, 1984-1986, p. 253-304.

STRUBBE, J. H. M., « Cultic Honours for Benefactors in the Cities of Asia Minor »,
Roman Rule and Civic Life : Local and Regional Perspectives (L. De Ligt et al., éd.),
Amsterdam, J. C. Gieben, 2004, p. 315-330.

TAEGER, F., Charisma : Studien zur Geschichte des antiken Herrscherkultes,


W. Kohlhammer, Stuttgart, 1957, 460 p.

THÉRIAULT, G., « Remarques sur le culte des magistrats romains en Orient », CEA, 38,
2001, p. 85-95.

THÉRIAULT, G., « Évergétisme grec et administration romaine : la famille cnidienne de


Gaios Ioulios Théopompos », Phoenix, 57, 2003, p. 232-256.

THÉRIAULT, G., « Honneurs cultuels et évergétisme : le cas de Potamôn de Mytilène »,


CEA, Suppl. 1, 2011, p. 55-64.

THÉRIAULT, G., « Culte des évergètes (magistrats) romains et agônes en Asie Mineure »,
Stephanèphoros de l'économie antique à l'Asie Mineure. Hommages à Raymond Descat
(K. Konuk, éd.), Bordeaux, 2012, p. 377-387.

TONDRIAU, J., « L’avis de Lucien sur la divinisation des humains », BAGB (Lettres
d’humanité), 7, 1948, p. 127-139.

VERSNEL, H. S., Coping With the Gods : Wayward Readings in Greek Theology,
Leiden-Boston, Brill, 2011, 594 p.

VEYNE, P., Le pain et le cirque : sociologie historique d'un pluralisme politique, Paris,
Éditions du Seuil, 1976, 799 p.

VEYNE, P., Les Grecs ont-ils cru à leurs mythes ?, Paris, Seuil, 1983, 161 p.

  151  
VIRGILIO, B., Gli Attalidi di Pergamo. Fama, Eredità, Memoria (Studi Ellenistici V)
Giardini, Pise, 1993, 138 p.

VIRGILIO, B., « Fama, Eredità, Memoria degli Attalidi di Pergamo », Studi


Ellenistici IV : Aspetti e problemi dell’Ellenismo (B. Virgilio, éd.), Giardini, Pise, 1994,
p. 137-171

VIRGILIO, B., « The Hellenistic City and its Benefactors : Pergamum and Diodoros
Pasparos », Athenaeum, 82, 1994, p. 299-314.

WALBANK, F. W., « Monarchies and Monarchic Ideas », Cambridge Ancient History,


vol. 7, 1984, p. 62-100.

WILL, Éd., Histoire politique du monde hellénistique (323-30 av J.-C.), tome 2, Nancy,
Presses universitaires de Nancy, 1982, 626 p.

ZIEBARTH, E., Aus dem griechischen Schulwesen. Eudemos von Milet und Verwandtes,
Leipzig, Teubner, 1914, 178 p.

  152  

Vous aimerez peut-être aussi