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Espace géographique

Paşcani, ville industrielle de Roumanie : années de transition


Octavian Groza

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Groza Octavian. Paşcani, ville industrielle de Roumanie : années de transition. In: Espace géographique, tome 23, n°4, 1994.
pp. 329-341;

doi : https://doi.org/10.3406/spgeo.1994.3334

https://www.persee.fr/doc/spgeo_0046-2497_1994_num_23_4_3334

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Résumé
Résumé. — Le cas de Pa§cani est représentatif de la crise d'identité territoriale des villes petites et
moyennes ayant subi l'assaut de l'industrialisation et de l'urbanisation du régime dit «socialiste». Cette
crise est en train d'être dépassée par la définition spatiale de la ville elle-même, et de ses sous-
systèmes morphostructuraux. Les habitants reprennent les anciens projets transactionnels ou en
créent d'autres. Les industries, autrefois maîtresses incontestables de l'organisation de l'espace à
toutes les échelles, sont obligées de reconsidérer leurs relations avec les espaces locaux. La
population semble se regrouper selon les territoires d'origine, le mouvement pendulaire décroît, le
secteur agricole est mieux apprécié, l'aire d'attraction des villes se contracte et l'on cherche à réduire
les antinomies entre l'espace projeté (le programme) et l'espace réel (le territoire proprement dit).

Pagcani, oras industrial românesc: anii tranzitiei. — Cazul Pa§canilor este reprezentativ pentru criza
de identitate teritorialâ a ora§elor mici §i mijlocii care au suportat asaltul industrializârii §i urbanizârii
exercitat de un regim zis «socialist». Aceastâ crizâ este pe cale de a fi depâgitâ prin mecanismele de
redefinire spatjalâ proprii atât orasului ca entitate, cât §i fiecâruia dintre subsistemele sale
morfostructurale. Locuitorii reiau vechile proiecte tranzactionale sau creazâ altele noi. Industria,
altâdatâ stâpânâ incontestabilâ a organizârii spatiale, la toate nivelele, este obligatâ sâ-sj reconsidère
reladile stabilité eu spatiile locale. Populatia manifesta tending de a se redistribui conform locurilor de
origine, fenomenul navetismului scade în intensitate, sectorul agricol este re-valorizat, aria de atractie a
oraçelor se restrânge §i se cautâ reducerea antinomiilor dintre spariul proiectat (programul) §i spariul
real (teritoriul propriu-zis).

Abstract
Pascani, an industrial city in Romania: the transition years. — The case of Pascani is typical of the
territorial identity crisis of small and medium-sized cities which have suffered from the effects of
industrialisation and urbanisation under the so-called 'socialist' régime. This crisis appears less acute
however as the spatial definition of the city itself, and of associated morpho-structural subsystems, is
becoming a more pressing issue. The city's inhabitants are resuming their former transactions or
starting new ones while industries, which used to be the only and undisputed factor behind space
organisation at all scales, are having to reconsider their links with local spatial units. People seem to be
regrouping on the basis of their areas of origin; commuting is on the decline; the agricultural sector is
regaining favour; the cities' area of attraction is decreasing in size and efforts are being made to
reconcile space as a projection (i.e. programming) and real space (i.e. land as such).
Pa$cani, ville industrielle de Roumanie:

années de transition

Octavian Groza

Université Al. I. Cuza, lasi, Roumanie

Résumé.— Le cas de Pa§cani est représentatif de la crise d'identité stabilité eu spatiile locale. Populatia manifesta tending de a se
territoriale des villes petites et moyennes ayant subi l'assaut de redistribui conform locurilor de origine, fenomenul navetismului
l'industrialisation et de l'urbanisation du régime dit «socialiste». Cette scade în intensitate, sectorul agricol este re-valorizat, aria de
crise est en train d'être dépassée par la définition spatiale de la ville atractie a oraçelor se restrânge §i se cautâ reducerea antinomiilor
elle-même, et de ses sous-systèmes morphostructuraux. Les dintre spariul proiectat (programul) §i spariul real (teritoriul
habitants reprennent les anciens projets transactionnels ou en créent propriu-zis).
d'autres. Les industries, autrefois maîtresses incontestables de FRACTALI, ORA§, ROMANIA, TERITORIALITATE, URBANIZARE
l'organisation de l'espace à toutes les échelles, sont obligées de
reconsidérer leurs relations avec les espaces locaux. La population
semble se regrouper selon les territoires d'origine, le mouvement Abstract. — Pascani, an industrial city in Romania: the
pendulaire décroît, le secteur agricole est mieux apprécié, l'aire transition years. — The case of Pascani is typical of the
d'attraction des villes se contracte et l'on cherche à réduire les territorial identity crisis of small and medium-sized cities which
antinomies entre l'espace projeté (le programme) et l'espace réel (le have suffered from the effects of industrialisation and
territoire proprement dit). urbanisation under the so-called 'socialist' régime. This crisis
appears less acute however as the spatial definition of the city
FRACTALES, ROUMANIE, TERRITORIALITÉ, URBANISATION, VILLE itself, and of associated morpho-structural subsystems, is
becoming a more pressing issue. The city's inhabitants are
Rezumat. — Pagcani, oras industrial românesc: anii resuming their former transactions or starting new ones while
tranzitiei. — Cazul Pa§canilor este reprezentativ pentru criza de industries, which used to be the only and undisputed factor behind
identitate teritorialâ a ora§elor mici §i mijlocii care au suportat space organisation at all scales, are having to reconsider their
asaltul industrializârii §i urbanizârii exercitat de un regim zis links with local spatial units. People seem to be regrouping on the
«socialist». Aceastâ crizâ este pe cale de a fi depâgitâ prin basis of their areas of origin; commuting is on the decline; the
mecanismele de redefinire spatjalâ proprii atât orasului ca agricultural sector is regaining favour; the cities' area of
entitate, cât §i fiecâruia dintre subsistemele sale morfostructurale. attraction is decreasing in size and efforts are being made to
Locuitorii reiau vechile proiecte tranzactionale sau creazâ altele reconcile space as a projection (i.e. programming) and real space
noi. Industria, altâdatâ stâpânâ incontestabilâ a organizârii (i.e. land as such).
spatiale, la toate nivelele, este obligatâ sâ-sj reconsidère reladile CITY, FRACTALS, ROMANIA, TERRITORY, URBANISATION

Octavian Groza
La formation de la ville trois noyaux, sur la terrasse, s'est développé Pa§cani-Foire
ou Pagcani-Centre.
Dès l'arrivée du chemin de fer (1869), après quatre siècles
de vie rurale, Pa§cani, située au nord de la Moldavie Dès l'origine, le territoire urbain est donc éclaté en quatre
roumaine, commence à évoluer comme ville. L'implantation îles (fig. 1). Cette insularité est seulement morphologique,
des ateliers de réparation du matériel roulant et du dépôt de car on peut considérer que le territoire est homogène, étant
locomotives entraîne une croissance spectaculaire du gouverné par les mêmes lois de la propriété privée sur le
nombre des habitants (775 en 1835, 1 191 en 1860 et 3 816 bâti et sur la terre, par les mêmes Telations professionnelles
en 1899). Cela favorise le développement des industries (90% des salariés travaillant dans les industries
existantes (textiles, agro-alimentaires, petite chimie) et la ferroviaires) et par l'origine autochtone des habitants. Même
floraison des commerces et des services de proximité. Pa§cani-Centre, qui s'individualise en tant que noyau
L'essor enregistré vaut à la localité le statut de ville, administratif de la localité, reste dans les limites de cette
accordé pendant les années 1920. «homogénéité du territoire», car il est en fait le résultat
normal de l'évolution de la structure des relations du
L'évolution de la ville suit le rythme normal des villes de la pouvoir, développées dans le territoire.
fin du XIXe siècle et du début du xxe. La politique libérale
permet aux habitants de forger leur propre projet
transactionnel (1), cherchant à valoriser leur territoire en La ville «socialiste» centralisée et disjointe
conformité avec l'évolution du territoire national. La gestion de
l'espace appartient au pouvoir local, les entrées et les Avec la prise du pouvoir par le Parti communiste, le
sorties du territoire urbain concernant essentiellement les morcellement morphologique s'accentue et les structures
activités liées au chemin de fer. profondes du territoire commencent à éclater. Les industries
sont nationalisées, la propriété d'État s'étend sur les
L'espace urbain proprement dit s'est constitué à partir de logements construits par la compagnie nationale des
trois noyaux fondateurs, Pa§cani-Foyer, Pa§cani-Petites chemins de fer en collaboration avec les sociétés allemandes
Fontaines et Pa§cani-Gare, à l'origine trois localités rurales impliquées, et les services privés disparaissent, remplacés
séparées par la vallée marécageuse du Siret et le talus de par des services d'État ou coopératifs. Une insularité
35 m existant entre la terrasse de 245 m et la vallée structurelle a maintenant tendance à doubler l'insularité
alluviale. Dans le centre de gravité de l'espace esquissé par ces morphologique du territoire, et les habitants sont
contraints de reconstituer les repères de leur identité
territoriale.
(1) On a choisi le terme de «projet transactionnel»
(cf. Dupuy, 1987) en raison de son pouvoir intégrateur, car il Les structures profondes des quatre sous-espaces
signifie à la fois: a) une stratégie locale de construction du commencent à fonctionner selon des principes différents. Tandis
territoire («le territoire est généré à partir de l'espace, il est le résultat que, dans Pa§cani-Gare et dans Pa§cani-Centre, l'extension
d'une action conduite par un acteur syntagmatique — acteur de la propriété socialiste est très rapide et que la structure
réalisant un programme — à quelque niveau que ce soit», C. Raf- socioprofessionnelle change vite par la concentration de la
festin, 1981, p. 129); b) l'interaction spatiale par les flux
nouvelle population industrielle et des employés du
d'information, d'énergie, de matière entre ce territoire et
l'ensemble des territoires dont il fait partie. La circulation des tertiaire, dans les autres noyaux l'inertie est encore forte. La
flux doit être gouvernée par le principe d'échange (transaction) propriété privée reste le fondement de la pratique de
librement consenti entre tous les acteurs de ces espaces l'espace et la population active demeure surtout employée
territoriaux. Pendant le règne du Parti communiste, les projets dans les industries ferroviaires et dans l'agriculture.
transactionnels locaux n'ont fonctionné que comme modèles réduits du Simultanément, la structure par âge change aussi: la proportion
projet national, souvent contre les besoins, en ignorant les
qualités spécifiques des territoires, dont les acteurs réalisaient partout des jeunes s'accroît rapidement dans les quartiers Centre et
le même programme; la transaction avait perdu ses dimensions Gare tandis que les deux autres voient s'élever la
horizontales au profit des relations pyramidales, en plan vertical. proportion d'adultes et, plus tard, de personnes âgées.

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GISTESTI

Fig. 1. — L'esquisse du territoire urbain.


1. Noyaux fondateurs à expansion plus ou moins radiale. — 2. Le centre-ville (Pa§cani-Foire). — 3. Localités suburbaines assimilées à
la ville. — 4. Territoire urbain proprement dit. — 5. Terrains marécageux. — 6. Voie double électrifiée. — 7. voie simple
électrifiée. — 8. Axes routiers principaux.— 9. Abrupt de la terrasse. — 10. Limites suburbaines orientées vers la ville. — 11. Rivière.

Le pouvoir autoritaire essaie de centraliser l'activité de la données spatiales, mais aussi de propriétaire et de statut: le
ville en regroupant les services et les commerces dans le tertiaire privé est remplacé par l'État; les réseaux locaux
Centre, au rez-de-chaussée des bâtiments, en modernisant de clientèle sont dissous dans le réseau unique et centralisé
les voies de communication qui relient les quatre pôles et de la ville entière. D'autres repères sont détruits (maisons,
en entassant les habitants dans des blocs de HLM bâtis à la équipements édilitaires) ou modifiés (la voirie). Le
hâte. Cette centralisation imposée amène les repères usuels manque de services de proximité dans les périphéries de
(services, commerces) à changer non seulement de l'espace urbanisé, domaine des petites maisons privées,

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contraint les habitants à penser leurs déplacements habitants, qui n'avait que lentement évolué (10 521 en
journaliers en fonction de la distance entre leur logement et le 1966 et 11 936 en 1973), s'accroît brusquement: 19 819 en
Centre. En plus, le territoire d'appartenance est rapporté 1980, 34 037 en 1993 (fig. 2).
aussi à la distance séparant le logement du front des blocs
en construction, distance que l'on peut nommer «distance Afin de loger les nouveaux citadins, on accélère la
de sûreté»: on est d'autant plus sûr de sa propriété que l'on construction des HLM, surtout à Pa§cani-Centre et Pa§cani-
se trouve plus loin des HLM. Pour les habitants de la Gare, mais aussi à Pa§cani-Fontaines et Pa§cani-Foyer. Les
périphérie, le Centre devient un espace répulsif, aliénant et, blocs sont construits par tranches, au fur et à mesure que
plus encore, une sorte de barrière entre les trois autres l'on implante une nouvelle usine: la composition
«îles». Il n'est plus leur territoire: son fonctionnement est socioprofessionnelle des habitants de chaque bloc de HLM est
mystérieux, géré par une autorité extérieure, imposée, qui de la sorte homogène, tandis que les blocs diffèrent les uns
s'avère plutôt menaçante. En bref, c'est un espace des autres. Cette structure horizontale en mosaïque est
impersonnel, sans identité, dépourvu de signification pour les renforcée par le fait que les entreprises, qui en général
anciens citadins. financent la construction des blocs, restent chargées de la gestion
de leurs logements.
Ces fractures s'accentuent pendant les années 1970, avec
l'implantation de cinq grandes usines: tricotages et Ainsi les nouveaux arrivés, dépourvus de toute
rideaux (1972), traitement industriel des betteraves à représentation globale antérieure du territoire urbain, prennent leur
sucre (1975), entreprise intégrée de lin, chanvre et coton quartier pour «Pa§cani» tout entière. À l'intérieur de cette
(1976), machines-transferts et régulateurs (1977), outils «ville» amputée, ils définissent leur identité territoriale en
décapants spéciaux (1980), avec respectivement 3 890, rapport avec les autres groupements de blocs, habités par
730, 3 120, 2 245 et 2 360 salariés en 1989. Les nouvelles les employés des autres entreprises. Des relations
industries changent profondément les structures de la ville, conflictuelles latentes ou ouvertes s'ensuivent, concernant
par l'arrivée d'un flux massif de nouveaux venus, en l'utilisation des espaces publics (terrains de jeux pour les enfants,
provenance des communes environnantes; le nombre des commerces, services, crèches, maternelles ou écoles). La
situation gagne en complexité en raison de
l'omniprésence de l'industrie: les entreprises
possèdent leurs propres blocs, leurs centres
médicaux, patronnent chacune son école et
souvent gèrent leurs propres magasins,
alimentaires ou non.

Or le pouvoir économique et les stratégies


administratives des entreprises sont très
différentes, ce qui différencie beaucoup les espaces
qu'elles organisent, et donc les pratiques
spatiales des habitants. Par exemple, les
appartements, les crèches, les écoles maternelles
financés par l'Entreprise mécanique de matériel
roulant ou par l'Entreprise de tricotages et
I — • population totale actifs, dont: — en industrie rideaux sont plus grands, mieux équipés,
approvisionnés et chauffés que les installations de
l'Entreprise d'outils décapants spéciaux ou de
Fig. 2.— Évolution de la population urbaine.
l'Entreprise industrielle de la betterave à sucre.
Deux bifurcations après la guerre: 1972 (l'ouverture vers l'extérieur) et 1900
(l'enfermement). La population totale englobe la population des cinq localités Pour avoir accès à ces facilités, il faut
suburbaines intégrées à la ville. absolument être intégré dans l'espace de relations de

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l'entreprise gérante: soit être son employé, soit habiter l'un jusque-là aux habitants de la ville. Intégrée entre 1945 et
de ses blocs. Cet antagonisme entre l'espace projeté, 1989 dans un illusoire et fallacieux projet national, qui
idéologique, clamé comme propriété collective, et l'espace avait rendu floues les frontières et la morale de l'espace
pratiqué, en fait une sorte d'espace privé, rend le territoire territorial urbain, la ville se voit soudain face à elle-même.
amoral (2), étrange, étranger, voir aliénant. Quant aux Son système industriel, ouvert et relativement viable dans
habitants des noyaux initiaux, qui avaient élaboré une la chaîne des relations économiques étatiques, devient
représentation globale de la ville, ils la perdent ou la rejettent, se désormais encombrant parce que surdimensionné, et privé
contentant de s'identifier à leur propre espace d'habitat. de ses contacts extérieurs. La ville commence à se replier
sur elle-même à la recherche de son identité (3). Or
l'identité commence avec une nouvelle dimension de la morale
Le territoire urbain dans la transition du territoire.

Le tournant politique de décembre 1989 impliquait le Fermeture du territoire


démantèlement du projet transactionnel d'État, imposé
La surindustrialisation a contraint la ville à étendre son aire
d'attraction. En 1975, le nombre total d'emplois (12 079
(2) II ne s'agit pas ici d'une figure de style. Les qualificatifs dont 6 691 dans l'industrie) dépasse la population totale
de «moral» ou de «amoral» que l'on a ajoutés au «territoire» (12 075 hab.). Afin de justifier les nouveaux
sont employés dans leur pleine valeur sémantique. Une fois le investissements industriels, on fait alors appel à un artifice
territoire construit, il perd les traits d'absolu et de donnée a administratif, en englobant dans les limites du territoire urbain cinq
priori que semble avoir l'espace préexistant. Le territoire devient petits villages des alentours, ce qui élève le total de la
alors un artefact qui englobe non seulement du travail des
hommes (et implicitement des relations de pouvoir), mais aussi population à 21 000 habitants. Mais, bien que plus de
les hommes eux-mêmes. On peut alors parler de territorialité, au 3 600 habitants de ces villages aient leur travail à
sens donné par C. Raffestin, 1981, p. 145: «La territorialité Pa§cani, l'intégration est purement formelle: pas de
résume en quelque sorte la manière dont les sociétés satisfont, à continuité du bâti, pas d'équipements, les localités restant
un moment donné, pour un lieu donné, pour une charge profondément rurales. L'intégration des cinq villages ne peut
démographique donnée et un ensemble d'outils donné, leurs besoins en
pourtant résoudre le problème de la main-d'œuvre, car le
énergie et information. » La perception et la pratique du territoire
et le fonctionnement de ses territorialités dépendent du code total des emplois est passé de 12 079 en 1975 à 27 682 en
spatial mis en place par le groupe social. Ce code, relatif surtout au 1989 (pour 38 882 habitants). Le vide est rempli par le biais
dessin territorial et aux types de propriété conjointes (y compris d'un puissant mouvement de navetteurs (7 420 en 1980,
la panoplie de relations interpersonnelles), impose un certain dont 6 401 dans l'industrie). Les 15 communes soutenant le
comportement moyen des individus. Cette rétroaction territoire- flux pendulaire, étalées dans un rayon de 80 km autour de
individu est en fait la morale du territoire respectif. Il est clair
que cette morale ne peut exister qu'à une seule condition: que le la ville, perdent de cette manière entre 5% et 45% de leur
territoire soit le résultat de la mise en œuvre du projet (du population active, le reste se féminisant et vieillissant.
programme) que ces individus ont choisi. Si cette condition n'est pas
remplie, les rétroactions objet-sujet ne se produisent pas ou, si La fragilité des liens est manifeste après 1989: par suite
elles se produisent, c'est de façon indirecte, par l'intermédiaire des difficultés éprouvées par la ville proprement dite, et
de l'agent ayant imposé son propre projet au groupe territorial grâce à la loi foncière agricole de 1991, une grande partie
considéré. Dans un tel cas — ainsi en était-il du système
politique communiste — , l'espace-territoire idéal que l'on veut des 3 600 navetteurs suburbains sont forcés d'abandonner
imposer est en réalité remplacé par une multitude de territoires
semi-légaux, chacun ayant ses propres lois, conformément aux
désirs des petits chefs impliqués. Ces ersatz de territorialités, (3) II n'est pas question ici d'une intentionnalité explicite du
toujours en opposition les unes contre les autres, ne peuvent guère pouvoir local et des habitants de la ville. Il ne s'agit pas
être assimilées à des mécanismes d' autorégulation des davantage d'un animisme urbain qui a pu affecter des géographes à un
interactions établies entre les habitants et l'espace-territoire approprié. certain moment. On fait tout simplement appel à une métaphore,
Ouvert aux pires excès ou laissé à la plus grande indifférence des dont le pouvoir d'explication est parfois supérieur à une
pouvoirs publics, un tel territoire est amoral. argumentation soigneusement raisonnée en apparence.

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en 1992 et 1 850 en 1993). L'aire d'attraction
de Pa§cani subit les mêmes effets que le
territoire suburbain: croissance du taux de
chômage (nombre absolu: 2 576 en 1991 et 5 231
en 1993), diminution considérable du flux des
navetteurs (de 7 342 en 1990 à 2 460 en 1993,
dont respectivement 4 114 et 1 220 dans
l'industrie (fig. 3a).

La troisième facette du renfermement urbain est


révélée par la chute des valeurs du solde
migratoire qui, pour la première fois depuis 1975,
1970 72 74 76 78 1980 82 84 86 88 1990 92 deviennent négatives (fig. 3b). Ces valeurs,
71 73 75 77 79 81 83 85 87 89 91 1993
-m- total dont — ■— industrie plutôt faibles, reflètent moins une simple fuite
qu'un échange interurbain de «population
I

originaire» (4). Le système étatique de répartition


Évolution du flux des navetteurs. des diplômés de n'importe quelle forme
d'enseignement avait forcé les jeunes à aller là
où on les envoyait, souvent très loin de la
localité d'origine. Désormais, à l'échelle nationale,
la population urbaine tend à se redistribuer
selon l'ancienne appartenance identitaire à un
territoire. Les statistiques ne permettent pas une
évaluation exacte du phénomène, mais on peut
y parvenir indirectement, en interprétant les
ventes et les achats des appartements. Entre
1990 et 1993, Pa§cani enregistre plus de
600 ventes-achats d'appartements entre
particuliers. Un peu plus de 100 ventes ont pour raison
le déménagement définitif (les acheteurs étant
des autochtones); les autres, soit presque 500, se
font entre des parents et leurs enfants habitant la
ville (150), ou habitant d'autres villes et
envisageant de revenir à Pa§cani. Si l'on ajoute
75 échanges d'appartements entre Pa§cani et
Évolution du solde migratoire.
d'autres localités urbaines de Roumanie, on a
Fig. 3a, 3b.— Ouverture (1972) et fermeture (1989-1990) une image satisfaisante du processus: dans un
du territoire urbain.
intervalle de trois années seulement, la ville
perd 1 300 individus établis dans la localité

leurs emplois urbains, en revenant à l'agriculture (193 en


1990, 588 en 1991, 1 038 en 1992 et 1 783 en 1993). La
vraie limite de la ville se met à fonctionner comme
barrière: le nombre des habitants des cinq villages ayant (4) On entend par «population originaire» les individus
regagné le secteur agricole représente à peu près le nombre des habitant dans une unité spatiale autre que l'unité natale et qui sont
chômeurs de ces localités (18 en 1990, 842 en 1991, 1 063 susceptibles de regagner la ville ou la région d'origine.

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Phot. 1. — Des travaux f "" f '
gelés. ^-*"-**^_ y
(Cliché Groza)

après 1970 et gagne plus de 1 250 individus d'origine pasca- 1975 sont réengagés dans les industries et dans les services
nienne, revenus à la matrice territoriale initiale. des activités ferroviaires. On enregistre aussi des échanges de
travailleurs entre les diverses entreprises, car les nouveaux
La nouvelle morale de l'espace territorial urbain engagés sont recrutés en fonction de leur compétence, ce qui
permet une mobilité accrue de la main-d'œuvre. Ainsi, des
Derrière ses frontières physiques et surtout relationnelles, la gens travaillant avant 1989 dans l'Entreprise d'outils
ville est en train de trouver ou de retrouver les dimensions décapants spéciaux, par exemple, et habitant les blocs de cette
habituelles de la pratique du territoire. La disparition de l'étau entreprise, y habitent encore à présent, mais travaillent
administratif industriel, remplacé par les lois libérales d'après dorénavant dans l'Entreprise mécanique de matériel roulant
1989, permet d'abord le retour à l'homogénéité de la propriété (REMAR). La composition et l'appartenance d'entreprise des
sur le bâti et sur le terrain. Les appartements gérés par la habitants des blocs ne jouent plus dans les processus
RAGCL (Régie autonome de gestion communale et locative), d'identification territoriale. Bien sûr, l'ancienne organisation du
soit 61,5% du total, sont vendus aux locataires dans la territoire a encore ses effets, car le processus de reconstruction
proportion de 89%. Les logements administrés par les entreprises territoriale est long et pénible. Par exemple, les associations
(30,5% du total) sont achetés par les employés qui les de locataires des bâtiments habités par des individus
habitent. Les blocs financés par les entreprises et qui étaient en travaillant dans les entreprises les plus touchées par le chômage
construction en 1989 (5% du total) sont valorisés par des lici- ont du mal à payer leurs factures à la RAGCL (chauffage, eau
tations publiques. C'est bien la fin des repères identitaires de la chaude, eau potable, entretien des espaces communs, etc.).
propriété des entreprises sur les blocs de HLM. Le repère
central est désormais la ville car, au moins du point de vue de la Du moins a-t-on éliminé certaines distorsions entre la
propriété, les habitants ont la même représentation du territoire propriété et la pratique de l'espace. Les entreprises ont lâché
urbain. prise sur les écoles, les services, les espaces publics et
bientôt, après la réforme envisagée de l'assistance sanitaire, sur
L'industrie, qui avait homogénéisé verticalement l'habitation les services de santé. L'expansion des services de proximité
par blocs de HLM, est à présent en train de la rendre et leur recentrage multipolaire rendent caduc le rapport
hétérogène. Plus de 2 000 chômeurs des industries implantées après perpétuel des habitants des noyaux périphériques au centre-

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ville. L'abandon des projets de démolition des maisons radiale. Quatre moments sont pris en compte: 1956 (la fin
pour construire de nouveaux blocs et des routes de ceinture de la reconstruction de la ville détruite par la guerre), 1983
marque la normalisation des relations entre le citoyen et le (le plein essor industriel et édilitaire), 1989 (la fin de la
pouvoir local. L'espace commence à avoir les mêmes période étatique) et 1993. On peut considérer la situation
qualités pour tous. de 1956 comme l'image préétatique de la ville, car la
reconstruction a signifié seulement le remplacement, sur
L'identité territoriale et le «nouveau» projet les mêmes emplacements, des bâtiments et des industries
transactionnel anéanties par les bombardements. Le tableau I présente les
valeurs obtenues par la méthode du quadrillage pour la
L'appartenance à une certaine fraction du territoire urbain a dimension urbaine extérieure (les confins du bâti) et la
constitué, dans les conditions du projet étatique imposé, le dimension urbaine intérieure (limite de tous les espaces
point fort de l'identité territoriale. Parmi les facteurs qui ont occupés à l'intérieur du territoire).
eu le plus grand effet sur la formation des identités
territoriales (origine géographique, appartenance culturelle Tableau I
urbain-rural, catégories socioprofessionnelles, Dimension fractale de la ville.
disponibil tés psychiques), vient en premier rang la morphostructure
du territoire de la ville, qui constitue en effet le fondement 1956 1983 1989 1993
des structures relationnelles. D'où notre choix d'étudier les Extérieure 1,27 1,25 1,23 1,26
changements morphostructuraux du territoire urbain Intérieure 1,61 1,54 1,50 1,58
comme une clé pour déchiffrer les nouvelles identités
spatiales forgées au cours de ces trois dernières années.
On voit que les valeurs baissent jusqu'en 1989 pour
Nous avons fait appel pour cela à l'analyse fractale de la rebondir ensuite. Pour la dimension extérieure, la fluctuation
ville (5), en utilisant la méthode du quadrillage et l'analyse s'explique par le remplacement du projet transactionnel
initial par le projet étatique, qui a coupé net l'initiative privée
et a interdit l'expansion des maisons en surface. Le lissage
des bordures extérieures de la ville est dû en particulier à la
(5) Plusieurs ouvrages et articles proposent des méthodes construction des sous-espaces industriels, continus et
différentes d'analyse fractale. On a choisi les plus accessibles,
proposées par P. Franckhauser (1990, 1993). Pour la méthode du
quadrillage, le principe est le suivant: on construit une grille II est évident que le nombre d'itérations est limité, soit par les
rectangulaire, avec des carrés de côté /. Tout en variant la dimension seuils de signification des niveaux réels d'agrégation de l'objet
du côté / selon une progression stricte, on construit d'autres analysé, soit par les limites de la sensibilité humaine. Même dans
grilles, avec des carrés à côté, par exemple, 1/2, 1/4, 1/6, etc. En ces conditions, on peut observer certaines régularités pour
superposant les grilles sur la structure analysée, on compte, pour certains intervalles d'itération, ce qui rend légitime l'analyse
chaque dimension du côté des carrés du quadrillage, le nombre fractale, la seule méthode capable de détecter à l'intérieur des objets
de carrés N(/) contenant la structure à analyser. Si l'objet analysé complexes des changements structuraux très fins pendant des
est une fractale, on obtient log N(/) = al-a2 log/, où al et a2 sont périodes très courtes. Afin de se situer dans les limites de
des constantes sur le domaine de définition de la fonction. La l'objectivité, on a utilisé le terme de «dimension structurelle» à la place
pente de la droite d'ajustement détermine une valeur assimilée à de «dimension fractale».
la dimension fractale de l'objet. Pour l'analyse radiale, le Les cartogrammes ont été réalisés à partir de la carte
principe est identique, sauf que la grille est remplacée par des cercles topographique au 1/25 000, complétée avec des observations sur le
concentriques, construits selon une progression stricte de leur terrain, surtout pour la situation de 1993. La surface bâtie a été
rayon. La structure ainsi construite permet de dénombrer le «pixelisée» artisanalement, à la main, d'où l'échelle un peu
nombre de points (unités spatiales, pixels) occupés, N(d), à la grossière. On est persuadé que la forme tentaculaire de la ville a
distance dx, d2, d3, ..., dn, du centre, où dx = d + (dx -d),d2 = contrebalancé pendant l'analyse la légère surestimation de la
dx + (d2 - d^, etc. Si la relation entre les deux variables N(d) et surface occupée. Le traitement automatique des cartogrammes a été
d est décrite par une fonction de la forme log N(d) + a loge?, alors réalisé par l'intermédiaire du logiciel PASKART4, dont l'auteur
a peut être assimilée à la dimension fractale. est Claude Grasland, de l'Équipe P.A.R.I.S., URA CNRS 1243.

© L'Espace géographique, 1 994, n° 4


monoblocs. Après 1989 (fig. 4a), la reprise des
terres et la licitation organisée par la mairie
pour plus de 300 lots de terrain ont dentelé de
nouveau la ligne urbaine extérieure. Presque
toutes les nouvelles constructions,
commencées ou envisagées dans les périphéries,
appartiennent aux habitants de ces sous-espaces,
tandis que le lotissement valorisé par la mairie
a été acheté par les individus habitant la zone
centrale, dans les HLM des entreprises.

La diminution de la dimension fractale


intérieure entre 1956 et 1989 est due aux
démolitions des maisons, remplacées par des blocs
surdimensionnés, et par l'entassement des
Évolution de la dimension extérieure de la ville (1989-1993).
maisons privées, obligées de se développer sur DE(q) = a2 dans logN(l) = ax - a2Logl où N(l) = nombre des mailles
place. L'augmentation de la valeur pour les occupées en fonction de 1 et 1 = la largeur des mailles.
trois dernières années (fig. 4b) s'explique non
tant par la construction des maisons à l'intérieur
de la ville (une cinquantaine au total) que par
l'achèvement des petits blocs commencés avant
1989, et surtout par l'explosion des minuscules
constructions de garages privés, de bâtiments et
de kiosques destinés aux services et aux
commerces privés.

Le tableau II esquisse une synthèse de


l'évolution morphostructurale urbaine. Les valeurs,
obtenues par l'analyse radiale de la distribution
des unités spatiales occupées, donnent non
seulement une information sur l'évolution et
sur la tendance morphostructurale de la ville,
mais aussi sur la hiérarchie des sous-systèmes
morphostructuraux à un moment donné. Les Évolution de la dimension intérieure de la ville (1989-1993).
courbes de la distribution en surface du bâti DI(q) = a2 dans LogN(l) = ax - o2Logl.
privé (fig. 5) montrent pour 1983 et pour 1989
Fig. 4a, 4b.— Trois années de transition du territoire.
une dilution, marquée par plusieurs seuils. Les
irrégularités ont pour cause principale
l'extension de la surface bâtie en blocs, qui a induit une dilution Tableau II
rapide des unités occupées par les maisons individuelles. Dimension structurelle.
Les possibilités d'action des habitants de ces maisons étant
très limitées à l'époque, ils se sont contentés de 1956 1983 1989 1993
s'ag lomérer dans les sites difficiles (pente forte, sol marécageux) ou D(r) privé 1,78 1,69 1,70 1,71
à des distances de sécurité raisonnables face au front des D(r) HLM 1,24 1,59 1,71 1,74
D(r) individ. 1,14 1,43 1,50 1,50
HLM: la courbe indique alors une dilution régulière et
D(r) totale 1,91 1,84 1,96 1,98
moins accentuée. La courbe de 1993, bien que respectant

Octavian Groza
Distribution du privé 1956 Distribution du privé 1983 Fig. 5. — Évolution de la dimension du bâti privé
de la ville.
L'expansion horizontale du privé retrouve ses
dimensions présocialistes.
D(r)privé = a dans log N(d) = alog d
où log N(ûf) = nombre d'unités spatiales occupées en
fonction de d = la distance radiale par rapport au centre.

certains seuils de la distribution, tend à se «fractaliser», en


se lissant, ce qui rappelle la situation de 1956. À notre avis,
cela représente une sorte de retour dans le passé, en vue de
0,5 0 0,5 1 1,5 km copier ou de revaloriser l'ancien projet transactionnel par
une reconstruction quasi spontanée des structures profondes
du territoire.

Les courbes concernant la distribution des blocs (fig. 6a)


révèlent d'abord de premiers pas hésitants, avec plusieurs
fronts d'attaque (1956); puis une évolution globale, très
dynamique parce que sans opposition. La même chose est
valable aussi pour les courbes concernant l'industrie
(fig. 6b). Une comparaison entre les courbes sinueuses du
bâti privé et les courbes lisses des blocs ou de l'industrie
signifie qu'un projet transactionnel extérieur, privilégiant
les structures edilitaires et industrielles de type étatique, a
été imposé aux autochtones. En effet, ce n'est qu'après
1989 que ces structures autrefois privilégiées s'effacent: la
courbe des industries est gelée à 1,50 (on a abandonné
même les plans d'extension des entreprises existantes)
tandis que la courbe des blocs subit seulement un léger
ajustement, dû aux traces de l'ancien projet et surtout aux
Distribution du privé 1989 Distribution du privé 1993 évolutions du «nouveau» projet naissant. La courbe du
(en poussière-lotissements et
constructions nouvelles) privé s'avère plus dynamique et prend une allure semblable
à la courbe de 1956.

Ces observations légitiment l'hypothèse de la reprise de


l'ancien projet transactionnel local, vérifiée par le fait que
les agents les plus actifs du changement sont les
autochtones; les «nouveaux citadins», établis après 1975, se
remarquent plutôt par une sorte d'apathie, de déboussole-
ment devant le tourbillonnement qu'enregistre le territoire
qui les abrite. Le cas des services et des commerces est
assez éloquent. La distribution des services et des
commerces au fil du temps (fig. 7) met en évidence le
fonctionnement de deux modèles: le modèle centralisé,
étatique (1983, 1989) et le modèle dispersé (1956, 1993).

* <-***-! © L'Espace géographique, 1994;n°4


t i
L'industrie et les blocs
en 1956
(en noir les HLM)

Évolution de la dimension structurelle des îlots des HLM


de la ville.

L'industrie et les blocs


en 1983
(en noir les HLM)

Évolution de la dimension structurelle du bâti industriel.

L'industrie et les blocs


Fig. 6. — Évolution de la distribution des blocs et du bâti en 1989
(en noir les HLM)
industriel.
La dilution radiale monotone de 1983 et 1989 est dérangée par
les constructions financées par les particuliers. Les seuils
esquissés en 1993 rappellent étrangement la courbe de 1956.
L'expansion industrielle est stoppée: D(r)hlm et D(r)ind = a dans
LogN(d) = aLogd.

Octavian Groza
Distribution des services 1983 Distribution des services 1989 Il est frappant que, parmi les 418 sociétés
commerciales enregistrées en 1993, 94%
appartiennent aux autochtones, seulement
6% étant fondées par les nouveaux
citadins ou gérées par des sociétés mères dont
le siège central est ailleurs. Parce que les
sociétés commerciales sont surtout des
associations familiales, plus de 82% des
employés sont d'origine pascanienne. On
peut se demander si ce sont seulement les
conditions matérielles (terrain propre ou
0,5 0 0,5 1 1,5 km hérité, maison à soi, système des relations
familiales locales) qui sont à l'origine de
cette situation, ou si autre chose compte, à
Distribution des services 1956 Distribution des services 1993 savoir le sentiment d'enracinement, d'être
m chez soi et d'avoir le droit de valoriser un
territoire connu et pratiqué durant des
générations et des générations. Les
enquêtes de terrain semblent indiquer une
participation égale de ces deux groupes de
facteurs dans les processus de décision.

Les entreprises ont encore du mal à


s'adapter au nouveau projet. Confrontée à des
ruptures des flux bancaires, énergétiques ou de
matériaux à l'échelle nationale, et peu
internationalisée, l'industrie de Pa§cani cherche
une issue; ce n'est pas facile pour un
Fig. 7. — Un nouvel espace des services ou la réévaluation de l'ancien modèle?
système qui occupe 18 735 employés en 1989
(dont plus de 6 000 chômeurs en 1993).
D'autant plus que l'on passe à présent d'un
espace industriel de branche, ou national, à
un espace industriel d'entreprise. Même
avec une sérieuse injection de capital,
roumain ou étranger, il est difficile d'imaginer
que l'industrie de Pa§cani comptera de
nouveau presque 20 000 salariés.

Les industries de base, à savoir la


fabrication des wagons, la production de sous-
ensembles ferroviaires et les réparations de
matériel roulant, qui ont joué le rôle
principal dans la création du premier projet
transactionnel urbain, affrontent assez bien les
problèmes économiques de la transition.
Phot. 2. — L' esplanade vue d'en haut (cliché Groza). Les anciens ateliers ferroviaires (à présent

© L'Espace géographique, 1994, n° 4


REMAR) ont toutes les chances de redevenir le pivot du Références
projet local. D'ailleurs cette entreprise (avec 4 615, 4 620,
4 968, 5 100 et 5 250 salariés en 1989, 1990, 1991, 1992 et Batty M., Longley P. (1993). «The geometry of urban form and
1993) a embauché après 1989 plus de 1 200 chômeurs des the fractal nature of the urban growth». Chantilly: Sixth
autres usines. En plus, REMAR attire sur son orbite European Colloquium of Theoretical and Quantitative
l'Entreprise d'outils décapants spéciaux, qui a changé de Geography (1989). Montpellier: GIP Reclus.
profil, fabriquant de nos jours des pièces pour les wagons. Dupuy G. (1987). «Les réseaux techniques sont-ils des réseaux
Plus souples, les petites industries du bois et de l'agro-ali- territoriaux?». L'Espace géographique, n° 3, p. 175-184.
mentaire, ainsi que les ateliers en location de gestion Franckhauser P. (1990). «Aspects fractals des structures
arrachés aux grandes entreprises, sont mieux adaptées au urbaines». L'Espace géographique, n° 1, p. 45-69.
nouveau projet transactionnel urbain. Elles comptent Franckhauser P. (1993). Aspects fractals des réseaux de
aujourd'hui plus de 860 ouvriers, épargnés par le spectre du transport. Paris, Séminaire DEA-ATEG, Universités Paris I - Paris
chômage, et leur dynamisme semble affirmer que, pour les VIL
villes moyennes, l'avenir est celui des PME. Groza O. (1986). «Capacitatea de polarizare spa^iala a orasului
Pa§cani. (La capacité de polarisation spatiale de la ville de
Paçcani)». Travaux du Séminaire national de géographie
Conclusion «Dimitrie Cantémir». Iasj: Université Alexandru, p. 221-237.
Groza O. (1987). «Geodinamica populatiei orasului Pa§cani. (La
La transition implique des changements subtils, presque géodynamique de la population de la ville de Pagcani)». Bus-
insaisissables, des structures profondes sous-jacentes aux teni: IIe Congrès national de géographie.
espaces envisagés. Moins spectaculaire que le Raffestin C. (1981). Pour une géographie du pouvoir. Paris:
démantèlement et la transformation des macrostructures sociales, LITEC, 249 p.
économiques ou politiques, le changement des structures Teixeira J. (1986). «Experimental methods for studying fractal
locales profondes n'est pas moins intéressant, car il montre aggregates». In On Growth and Form, ed. by H. E. Stanley
comment les secousses globales sont absorbées par les & N. Ostrowsky, Dordrecht: Martinius Niijhoff Publishers,
transformations locales des composants territoriaux. 308 p. (p. 145-162).

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Soucieux de suivre de près l'actualité scientifique, de permettre aux nouvelles recherches de prendre date rapidement et
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Octavian Groza

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