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GBPress- Gregorian Biblical Press

Une incantation accompagnant la naissance de l'homme


Author(s): J. van Dijk
Source: Orientalia, NOVA SERIES, Vol. 42 (1973), pp. 502-507
Published by: GBPress- Gregorian Biblical Press
Stable URL: https://www.jstor.org/stable/43079424
Accessed: 03-07-2019 07:34 UTC

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502

ANIMADVERSIONES

Une incantation accompagnant la naissance de l'homme


J. van Dijk - Rome

« Quando texebar in profundis terrae »


(Ps. 138)
Dans Or 41 (1972) 339 et 342 nous avons cité une incantation
«munus-ù-tu-da», « pour la femme allant donner naissance », qui
résume en quelques lignes la pensée des peuples de l'antiquité demeurant dans
la Mésopotamie sur l'origine et le destin de l'individu et de l'espèce humaine.
Nous avons eu l'occasion d'analyser ailleurs 1 certains aspects de la pensée sumé-
rienne sur l'origine de la vie végétale et de la vie de l'homme. Si, à cette occasion,
nous avons parlé de la « pensée sumérienne », ce n'était pas notre intention de
revendiquer le « droit d'auteur » de certains mythologèmes pour le peuple sumé-
rien. L'humanité a existé bien longtemps avant d'entrer dans l'histoire par des
documents écrits et les peuples qui sont venus habiter dans la Mésopotamie
ont certainement reçu et partagé un héritage spirituel que d'autres ont possédé
avant eux 2. Le texte que nous voulons traiter cette fois n'est même pas écrit en
langue sumérienne, mais en accadien. Mais nous sommes convaincus qu'il n'est pas
possible d'assigner tel détail ou tel motif à la « pensée sumérienne » et tel autre
à celle des Babyloniens ou à celle d'une autre ethnie, sauf le cas où on peut
retracer méthodiquement la genèse de ces pensées qui, pensons-nous, remonte
en grande partie à la préhistoire 3.
Le texte en question est YBC 4603, écrit sur une tablette mesurant
13.5 X 5.5x2.5 cm; il contient deux incantations dont la seconde a été trans-
crite partiellement dans Or 41 (1972) 339, rem. 4 4. La tablette est légèrement
endommagée et nous n'en connaissons pas de doubles. Nous voudrions traiter
ce texte séparément, bien qu'il ait quelques motifs en commun avec VS 17, 33

1 AcOr (Havniae) 28, 1-2 (1964) 1 ss.


2 Cf. Syncretism (= Scripta Inst. Donneriani Aboensis III, ed. S. Hart-
mann [Stockholm 1969] 171 ss.): Les contacts ethniques dans la Mésopotamie
et les syncrétismes de la religion sumérienne.
3 Nous avons essaye dans AcOr (Havniae), I.e. 58, d'attribuer «en guise
d'hypothèse » aux milieux sédentaires le motif de la génèse « per formationem »,
le motif « per emersionem » aux milieux nomadiques. Nous croyons maintenant
que la perspective historique de cette hypothèse est trop courte: il me semble
que le motif de la naissance par émersion remonte à ces temps lointains où
les outils pour « former » n'existaient pas encore. Ces motifs peuvent appar-
tenir à deux niveaux culturels de l'humanité qui se sont succédés.
4 Mais lire à la première ligne: z ú z ú - k ú š uha- kam {Unni kuší).
Je saisis l'occasion pour remercier le Prof. W. W. Hallo pour la générosité
avec laquelle il m'a donné accès à ces tablettes. La copie sera publiée prochaine-
ment dans YOS XI.

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Une incantation accompagnant la naissance de l'homme 503

et ses doubles que nous étudierons plus tard dans cette revue: par ex. le voyage
en mer, l'enfant traversant l'océan agité par la tempête, motif bien connu
d'ailleurs5. Cependant, notre texte possède une forme littéraire qui ne peut
pas être comparée dans tous ses détails au groupe de textes que nous venons
de mentionner. Il y a des allusions directes aux motifs connus du poème d'Atra-
hasîs qui ne sont pas aussi explicites dans les autres incantations et cela justifie
à nos yeux cette brève étude séparée. Nous en donnons d'abord la transcription:

1 i-na me-e na-a-ki-im


ib-ba-ni e-sé-em-tum
i-na Ši-i-ir [ Ši]-ir-ha-ni-im
ib-ba-ni [l]i-il-li-du-um
5 i-na me-e a-ab-ba6 sa-am-ru-tim
pa- al- hu- Ú- tim
i-na me-e ti-a-am-tim ru-qú-ú-tim
a-šar se 1-eh-ru-um ku-us-sà-a i-da-a-éu
qî-ir-bi-is-sû la-a us-na-wa-ru
10 i-in sa-am-si-im
i-mu-ur-šu-ú-ma dasar-lú-hi ma-ri de n - k i

ip-tù-ur ma-ak-sí-i-šu
ku- us- sú- ru- ú- tim
tu-ů-da-am iš-ku-un-šum
15 pa-a-da-na-am ip-te-e-šum
[pu-uV^-tu-ku-um 8 tii-ú-du
pa-a-da-nu 9 u[s?- x - x -k]a?-ku-um
wa-aš-ba-at-ku-um 'x-i]l??-a?-ba-tum 10
ba-a-ni-a-at [x]-x -mi-i-i[m]
20 ba-ni-a-at ka-li-i-ni

a-na ši- g a- ri - im
ta-aq-ta-bi wu-us-su-r[a-a?'t 11
[ pa-a]t7-ru sí-ik-ku-ru[- ?]
'ru-um'-ma-a da-la-t[u- x?]
25 [li]- im- ha- as [. . . ]
ki-ma da-di-[im ]
šu-sí ra-ma-an-ka

inim-inim-ma-munus-ù-tu-da-kam

5 Cf. Or I.e. 341 sous B.


6 Stylistiquement il faut transcrire un synonyme de ti'amtum (1. 7); j
7 Le syllabaire des sibilantes dans ce texte est celui de l'école de Larsa.
Le signe SI est un peu trop long sur l'original et légèrement endommagé. Je
ne vois pourtant pas d'alternative.
8 II y a de la place au commencement pour deux signes courts ou un
signe plus long.
9 Incertain: t'u-' l'i-, et ensuite: -Ša'ik- ne sont pas exclus.
10 -i]l est le plus probable; -n] im et - m] ah ne sont pas exclus, a-ba-
tum semble être assez sûr; impossible de lire: š] h-a-zu-tum pour arriver à
une lecture de t/šabsūtum, bien que sur la tablette les signes BA et ZU soient
difficiles à distinguer.
11 Cette lecture est plus probable que: wu-uš-šu-r[a-t]a.

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504 J. van Dijk

Traduction :

a. Introduction mythologique:
1 « Dans les eaux de l'acte conjugal
l'ossature s'est faite;
dans le tissu de la musculature
le rejeton s'est fait.
5 Dans les eaux de mer tourbillonnantes
(et) effrayantes,
dans les eaux d'océan lointaines
là où les bras du petit (naissant) sont ligotés 12,
(l'endroit) 13 dont l'œil du Soleil
10 n'illumine pas les profondeurs,
là, le fils d'Enki, Asarluhi, a pu poser son regard sur lui ».

b. L' intervention d'Asarluhi (du médecin):


« Il dénoua les liens
qui le tenaient enchaîné,
il lui prépara le chemin,
15 il lui a ouvert la route ».

c. L'assistance de la déesse-mère (de la sage-femme):


« (Maintenant), les chemins t'ont été ou[verts?],
les routes t'ont été ... [. . . ].
Elle t'assiste, la [Déesse-mère], la ], 14

12 La construction de cette phrase est un peu enchevêtrée: i-da-a-su


ne peut pas être un verbe. José-M. Zubizaretta a attiré mon attention sur l
parallélisme avec la ligne 12: iptur maksīšu, ce qui rend pour la 1. 8: kussa
idāšu « les bras sont ligotés » obligatoire. Sur cet enchaînement de l'enfan
naissant et la délivrance, voir les citations de la littérature classique chez
M.-L. et H. Erlemeyer dans AfO 23 (1970) 56 s.
13 L'antecedent du suffix -šu de qi-ir-bi-is-su ne peut pas être: senrum
de la 1. 8, parce que l'auteur ne veut certainement pas dire que l'œil du Soleil
illumine l'intérieur du bébé, mais ou bien « l'intérieur » du lieu où il se trouve,
ou encore, ce qui est plus probable, l'intérieur, les profondeurs del'a-ab-ba
mentionné à la 1. 5.
14 On remarquera l'absence de la mimation des substantits: tuau et
dans les lignes 16 et 17 qui sont probablement au pluriel. Les verbes qui do
être des statifs ne correspondent pas à ceux des 11. 14 et 15. La restit
[putļtū est donc très incertaine.
Il faudra restituer à la 1. 18 le nom ou un épithète d'une déesse-
[dingir-m] ah serait tout indiquée, mais que faire alors de a-ba
[nļi-š[iļ a-ba-tum n'est pas exclu non plus, mais semble être grammatic
impossible. Il faut un génitif. J'ai cherché dans Atrahasîs, mais aucu
noms des déesses-mères mentionnées dans ce poème ne convient aux
En outre, qu'on me permette de remarquer que dm ami, que le p
d'Atrahasis compte parmi les déesses-mères, n'en est pas une, ce qui
quelques doutes sur les connaissances théologiques de son auteur et q
lumière sur la date de sa composition. La déesse-mère qui se trouve
liste de Nippur est dm ama. ma - mi est la terre-mère. Mamîtum
de la terre-mère », qui est l'épouse du Ciel, non sa fille comme le sont les
mères; cf. YBC 5622, 1-3: an lug al- à m ki nin9-àm / ilum-erra
lugal-àm dm a - m i ni n9- àm / den-ki lugal-abzu-ke4 etc. :

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Une incantation accompagnant la naissance de l'homme 505

celle qui a assisté à la formation du . ],


20 qui a assisté à la formation de nous tous
pour (porter) le joug (de la servitude).
Elle a dit15: 'tu [es] libre!',
les verrous sont dé [tachés],
les portes sont [ouv]ertes;
25 que le [. . . ] frappe [. . . ].
Comme l'enfant de prédilection 16
fais sortir toi-même ».

« Formule pour une femme allant donner naissance ».


Cette incantation se divise clairement en trois parties:
1. I/ introduction mythologique: le mythologème de la naissance de
l'homme ayant traversé l'océan obscur et probablement infernal (cf. l'ex-
pression connue: eleppu ina kār müti kalāt « le bateau étant retenu au quai
de la mort ») est actualisé dans la naissance de chaque individu humain.
2. ^'intervention d'Asarluhi (du médecin).
3. La troisième partie est, me semble-t-il, la plus intéressante et stylisti-
quement nouvelle: après l'intervention d'Asarluhi, donc après le traitement
médical dont le rituel est décrit dans bien d'autres incantations du même
genre 17, il y a un passage dans le discours direct qui raconte la délivrance faite
par la déesse-mère qui rappelle au nouveau-né la raison de son existence et
ce à quoi les dieux l'ont destiné.
Quant à la première partie, le motif du voyage en mer revient dans l
groupe de textes VS 17, 33 et leurs doubles. Ces récits sont mutuellement com-

« le Ciel est roi, la Terre est reine (!), Ilum-Erra est roi, Mami est reine. Enk
le roi de l'Abzu ... ». Cf. aussi StOr 7, 358 ss. J'ai transcrit: ilum-erra , ce qui
peut surprendre. Cf. pourtant YBC 9841 ( = inim-inim-ma ûar-da-at-
li-li-i-im), 1. 2: re-e-di-it i-li-im èr-ra «elle est " l'huissière " (sic! cet office
était apparemment aussi aux mains des femmes chez les Sumériens) d'Ilum-
Erra »; comme je ne connais pas une redît ilim aga-ús-dingir-r a
(cf. redi Hamas) et puisque an . èra est parallèle avec an comme dm a - m i
l'est avec ki (la Terre), je me demande si an. èra ne se distingue pas d'Erra
pour la même raison que an . dMAR . Tu se distingue de dm a r - t u . Voir
aussi AS 16 (1965) 43, 35 '-39e', une liste de noms propres qui distingue nette-
ment entre les noms du type: èr-ra-be-lum, donc sans le déterminatif divin,
et ceux du type: dingir. ŮRA-k a-si-id, qui par conséquent devrait être lu:
ilum-èra-ka-H-id. an . dMAR . Tu devrait être lu: ilum- dm a r - t u (= el-
martu). Ilum-erra, dans cette hypothèse, est donc l'aspect céleste ou astral
d'une divinité Erra chthonien. Cela est pouvé par le parallélisme: ilum-erra //
an comme dm a - m i // ki. Sur Erra, voir: J. J. M. Roberts, JCS 24
(1971) 11 ss. On devra donc transcrire: ilum-i$T> quand il s'agit de noms divins
sémitiques du type: an- dND et cette divinité Ilum sémitique doit être le dieu
El. Cela ne change donc pas l'explication théologique du phénomène que j'ai
donnée dans RIA III 536, mais la confirme plutôt. Il reste pourtant une diffi-
culté pour la transcription des noms divins sumériens du même type. Cf. aussi
E. Sollberger dans UET 8 (1965) 19 ad 86: J7dm a - m i -šar-ra-at et son com-
mentaire. On se demande également s'il ne faut pas lire dans Gud Stat B IX
25 s.: idim-bi an-na-erx [ÙR, cf. Sumer 1 1 (195'5) XVI 14: i b - t e -
re-ja]-rax (uruxa) hé-mi-gál šu na-ni-ba-re.
15 Cf. W. von Soden, GAG § 75 h.
16 Cf. CAD s.v. dadu II māru.
17 Cf. dans Or 41 (1972) 339 les textes mentionnés sub 1. et ceux
rem. 1 .

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506 J. van Dijk

plémentaires: le bateau chargé d


quai de la mort » (l'enfer, le mon
quai de la vie », la femme en partu
font partie d'un même complexe
Soleil n'illumine pas l'intérieur d
cas il ne veut pas dire que l'œil du
1. 10). Est-ce à dire que cet océan
pas en atteindre les limites ou qu
fondeurs de l'océan souterrain? No
cette seconde hypothèse. L'analog
« traverse » est un argument de
naissance primordiale de l'homm
trouve sa raison d'être, elle en p
sumérien était plutôt une identi
La meilleure illustration de cette
« actualisation » de la naissance primordiale me semble être le passage du
psaume 138 « ... lorsque (moi), je fus formé dans l'obscurité, lorsque je fus
composé dans les profondeurs de la terre, Tu as vu mes actes ... ». Il n'est
que trop évident que le psalmiste, lui aussi, fait allusion à cette naissance pri-
mordiale par « émersion » de la terre qu'on ne trouve pas dans les premiers
chapitres de la Genèse. Lui aussi, il a eu le sentiment que cette nouvelle naissance
actualisait celle des origines et il n'a nullement senti le besoin de faire remar-
quer qu'il ne voulait pas distinguer entre analogie et identité.
En ce qui concerne la seconde partie, l'intervention d'Asarluhi est ex-
primée dans quelques lignes narratives. Cela ne change pourtant pas la forme
authentique de l'incantation qui a certainement possédé la formule Asarluhi-
Enki in extenso. Cette formule n'est même pas absente dans les recensions
tardives des textes bibliographiés par W. G. Lambert dans Iraq 31 (1969) 34.
VS 17, 33 et ses doubles insèrent la formule. Il est bien vrai que la première
ligne de VS 17, 33 est une corruption méconnaissable: le double d'Ur III,
UM 29-15-367 se lit: [áb-e19] é-tùr amas-kù-ga ninda-zi
b a - u5 « dans l'étable, dans le pur bercail le taureau a monté [la vache] »
qui est une allusion claire au motif de « l'esclave de la lune ». Ces textes essayent

18 On me pardonnera cette expression un peu hardie dont je ne veux


pas abuser. Elle me semble la plus apte à exprimer ma pensée: « rituel » ne dit
rien et « magie » ou « magique » encore moins. La dernière expression en outre
n'est pas à sa place dans ce contexte. « Sacramentalité » a cette connotation:
« rendre présente » que « rite » ne possède pas. Cette « actualisation » qui est de
quelque manière une définition défective, parce que la connotation de l'idée
du « sacré » y manque, joue un rôle très important dans la pensée religieuse
sumérienne. Pour ne donner qu'un exemple: tous les temples sont des « actua-
lisations » des phénomènes cosmiques primordiaux, mythiques ou non, conti-
nuant à exister (comme par ex. la tempête) ou non, à un point tel que ces temples
participent même à l'anthropomorphisme de ces phénomènes cosmiques et de
leurs évolutions. C'est ainsi, me semble-t-il, qu'on peut expliquer cette expres-
sion mystérieuse à la fin des hymnes adressées aux temples: « dans ta 'physio-
gnomie (mùs)' (telle divinité) a pris place», c.à.d. s'est actualisée, s'est
rendue présente et qu'on peut donc parler à ces temples comme à des êtres vi-
vants. Cette « sacramentalité » a ses racines profondes dans l'histoire des reli-
gions et peut aider à comprendre la mise en scène du rituel exécuté par la « déesse-
mère ».
19 II n'y avait certainement pas [munus-e] dans la lacune.

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d'éliminer le mythologème qui donc a dû être connu à cette époque. Puisque


tous ces textes insèrent la formule Asarluhi-Enki, celle-ci ne peut avoir été
absente dans les recensions plus récentes que par simple omission et ces textes
ne sont donc pas stylistiquement nouveaux 20 .
Le discours direct à partir de la 1. 16 est surprenant: certes, nous possé-
dons les adresses des médecins-exorcistes, prononcées par eux tandis qu'ils
tenaient en main le bâton, le sceptre d'Eridu, le kiékanû 21, revêtus ainsi de
l'autorité du dieu Enki, personnifiant Asarluhi. Mais dans notre texte une
troisième personne est introduite ex abrupto. C'est une femme qui parle d'elle-
même à la troisième personne: wašbatkum « elle est assise pour toi/pour t'as-
sister ». Qui est cette femme? C'est sans doute la sage-femme, mais elle ne s'ap-
pelle pas ainsi. Nous avons fait remarquer que les traces après wašbatkum
(1. 18) ne peuvent en aucune manière s'interpréter comme: sabsütum. Une
telle interprétation, en outre, est contredite par les lignes qui suivent. La ligne
rappelle directement des passages d'Atrahasîs 22, par ex. I 189 (I.e. p. 56):
wa-aš-ba-at àb[e-li-it i-li ša-as-s]ú-ru, ainsi que les lignes suivantes de notre
texte rappellent I.e., 1. 195: bi-ni-ma lu-ul-la-a li-bi-il5 ab-ša-nam «forme
l'homme, qu'il porte le joug (que les " dieux travailleurs " devaient porter avant
la formation de l'homme) ». La personne qui s'adresse à l'enfant qui vient au
monde dit d'elle-même: « celle qui nous a tous formés pour le joug 23 ». D'une
part, elle se compte parmi ces humains, d'autre part elle s'identifie clairement
à la déesse-mère. Ainsi donc, comme le médecin personnifie et représente
Asarluhi, la sage-femme s'identifie à la déesse-mère et la personnifie. Il y a
même de l'ironie: « celle qui nous a tous formés pour le joug a dit: 'tu es libre!' »,
c.-à-d, délivré de l'enchaînement dans le sein maternel. Bile se moque un peu
de ce pauvre humain: « tu es libre de l'enchaînement, pour être enchaîné aux
travaux forcés qui sont la raison de ton existence ».
Les lignes qui restent sont assez connues des incantations citées plus
haut, le style seul diffère, la sage-femme s' adressant au bébé. En somme c'est
un compendium d'Atrahasīs: usurāti ša nīšīma ussar āmami « la déesse-mère
a réglé la naissance et la vie des humains » 24 . Ces lignes sont pourtant stylisti-
quement nouvelles et forment une vraie addition à l'étude d'A. Falkenstein
dans LSS NF 1, «Die Haupttypen der sumerischen Beschwörung».

20 II est possible que VS 17, 34 que j'ai étudié dans Or 41 (1972) 343 ss.
n'ait pas eu la formule Asarluhi-Enki; rien n'en suggère la présence.
21 Lire ainsi LSS NF 1, 26 (CT 16, 6, 209) : gis-kín-den-ki-ke4
šu-mu mu-un-da-gál «le sceptre (coupé) de l'arbre de vie d'Enki
est dans ma main», et non: giš-hur = usurtu. On comprend ainsi le
passage de l'AT dans lequel Giézi, le serviteur d'Elisée, allait poser le « bâton »
sur l'enfant mort (II Rois IV) et par conséquent la fonction de guérisseurs
exercée par les prophètes.
22 Ed. W. G. Lambert-A. R. Millard (Oxford 1969).
23 Voir aussi CAD s.v. abšānu.
24 I.e. 62, 24.

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