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LIVRE UNIQUE
NOUVEAU PROGRAMME 2011
Livre du professeur
Jean-Pierre AUBRIT Angélique LECLERCQ
Agrégé de Lettres classiques Agrégée de Lettres modernes
Lycée Stanislas (Paris) Lycée de la Tourelle (Sarcelles)
© BORDAS/SEJER 2011
ISBN 978-2-04-732811-8
Toute représentation ou reproduction, intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur, ou de ses ayants droit, ou ayants cause,
est illicite (article L.122-4 du Code de la Propriété intellectuelle). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit,
constituerait une contrefaçon sanctionnée par l’article L.335-2 du Code de la Propriété intellectuelle. Le Code de la Propriété intellectuelle
n’autorise, aux termes de l’article L.122-5, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non desti-
nées à une utilisation collective d’une part et, d’autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d’exemple et d’illustration.
Chaque texte est introduit par une brève section intitulée « Pour commencer »,
qui complète l’information littéraire donnée sur le livre de l’élève, et précise au
besoin la perspective pédagogique dans laquelle peut se situer l’étude du texte. Ces
suggestions n’ont rien de contraignant : là comme dans l’ensemble du manuel, nous
avons voulu laisser au professeur sa liberté de méthode et de progression.
Viennent ensuite les réponses aux questions « Observation et analyse » qui peuvent
être données aux élèves à titre de préparation à la maison. Elles s’efforcent d’être
concrètes et de s’appuyer sur un examen précis du texte. Les réponses aux questions
de la rubrique « Contexte et perspectives » permettent d’apporter des éclairages
originaux et des références complémentaires. La rubrique « Vers le Bac », en relation
avec les exercices écrits et oraux de l’E.A.F., fait toujours l’objet d’une réponse.
Dans le cas de l’écriture d’invention, soit nous proposons des versions rédigées, à
titre d’exemple, soit nous précisons les attentes du sujet, les compétences à mettre en
œuvre, les critères d’évaluation.
Enfin, une section « Pour aller plus loin » conclut l’examen du texte en suggérant
des prolongements à son étude : rapprochement avec d’autres textes du manuel pour
construire une séquence, élargissement à une lecture cursive ou à une adaptation
cinématographique, précisions bibliographiques, citation qui apporte un point de vue
original sur le texte ou l’auteur, etc.
Ainsi conçu, l’ouvrage doit vous permettre d’adapter le plus efficacement possible
les ressources du manuel à vos objectifs pédagogiques. Nous espérons qu’il satisfera
toutes vos attentes.
Les Auteurs.
xviiie siècle
1700-1740 : L’esprit libertin .................................... 15 2 Le roman et les réalités ............................... 39
1740-1770 : L’apogée des Lumières ...................... 15
1760-1800 : Sensibilité et vertu .............................. 16 1. Balzac, La Fille aux yeux d’or ........................... 39
2. Stendhal, Lucien Leuwen ..................................... 40
xixe siècle 3. Flaubert, Madame Bovary ................................... 41
1800-1848 : Le romantisme ..................................... 17 4. E. et J. de Goncourt, Germinie Lacerteux ....... 42
1830-1860 : Naissance du réalisme . ...................... 18 5. Zola, L’Assommoir ................................................ 44
1860-1870 : L’art au-dessus de tout ....................... 19 6. Maupassant, Pierre et Jean ................................. 45
1870-1900 : Zola et le naturalisme . ....................... 19 Vers l’œuvre complète : Pierre et Jean . ................ 46
Le symbolisme ..................................... 20
Histoire des Arts : Gustave Courbet,
xxe siècle l’irruption du réalisme .......................................... 47
1900-1936 : Belle Époque et Années folles ......... 21 7. Zola, La Terre ......................................................... 48
1916-1945 : La révolution surréaliste .................... 21 8. Huysmans, Les Sœurs Vatard . ............................ 49
1936-1945 : Le temps des engagements ............... 22
Prolongements : Breton, Queneau, Perec .............. 50
Sommaire 5
Sommaire 7
Programme 9
10
Programme 11
12
13
15
17
19
21
1 Roman et société
roturier de Lucien et de son entourage (« apothicaire »,
Balzac
1 Illusions perdues p. 81
« garde-malade », « travaille chez un imprimeur »).
L’hypocrisie va de pair avec la jalousie : elle se mani-
Pour commencer feste dans l’attitude de Lili, qui sous couvert de charité
Illusions perdues occupe une place à part dans La chrétienne, refuse de s’enthousiasmer afin de remettre
Comédie humaine : œuvre capitale selon son auteur, Naïs dans le droit chemin (l. 23-24).
l’une des plus longues, et qui faisait l’admiration de Du côté des hommes, ce ne sont que sarcasmes et
Proust. Il s’agit du roman d’apprentissage de Lucien, moqueries méprisantes où chacun cherche à se faire
victime de ses illusions, de son égoïsme et de son valoir par un bon mot (l. 17 à 21).
ambition mais aussi des mesquineries de la noblesse
2. Le registre dominant
de province, de la corruption du milieu parisien et,
de manière générale, du déclin des valeurs morales. Le registre qui domine est l’ironie (« quelque mot
Le livre est le récit d’une entrée dans la vraie vie : d’ironie aristocratique », l. 23). Les réactions s’ex-
celle où les illusions n’ont plus cours. priment en cascades, à travers une accumulation de
Situation immédiate du passage : voici comment l’au- répliques où chacun cherche à faire montre de son
teur présente l’ode de Lucien juste avant le début esprit. C’est un sentiment de vacuité qui finalement
de l'extrait : « Lucien avait essayé de déifier sa maî- domine puisque cette société semble n’avoir rien
tresse dans une ode qui lui était adressée sous un d’autre à faire que d’aligner médisances et platitudes.
titre inventé par tous les jeunes gens au sortir du col- 3. Un mépris affiché
lège. Cette ode, si complaisamment caressée, embel- Un exemple de ces « bons mots » est fourni par la
lie de tout l’amour qu’il se sentait au cœur, lui parut plaisanterie de Jacques, dont l’apparente légèreté
la seule œuvre capable de lutter avec la poésie de voile à peine la cruauté. La boutade fonctionne sur
Chénier. Il regarda d’un air passablement fat Mme une analogie : le père pharmacien vendait des biscuits
de Bargeton, en disant : « A ELLE ! (...) » vermifuges, Lucien étant considéré comme un para-
site, son père aurait dû lui en fournir pour le suppri-
Observation et analyse
mer. La plaisanterie repose aussi sur un jeu de mots
1. Les différentes réactions des personnages qui s’appuie sur l’homonymie du mot : le vers de la
De manière générale, les femmes sont vexées de poésie et le ver animal. Stanislas file la métaphore
ne pas avoir d’admirateur pour faire leur éloge, ce de la pharmacie en assimilant cette fois le poème à
qui explique leur compliment « glacial » (l. 4) voire une drogue, semblable à celles que pouvait vendre
hypocrite. le père de Lucien, peu agréable et indigeste (« j’aime
La jalousie se manifeste explicitement chez Lolotte mieux autre chose », l. 21). Dans les deux cas, la cible
(Madame Charlotte de Brebian) qui interdit à Adrien est l’origine sociale de Lucien, qui, roturier par son
de faire le moindre compliment (l. 5-6). De même père, n’a pas sa place dans ce salon aristocratique.
Zéphirine minimise la portée de ce poème par des
formules toutes faites (l. 7-8). L’envie anime égale- 4. Position du narrateur
ment Amélie du Châtelet qui rabaisse le compliment Le narrateur dépeint avec un regard critique la
en rappelant les origines modestes de Lucien, comme noblesse. Dans cet extrait, il montre que le jeu social
le souligne l’antithèse entre le terme d’« archange » est fondé sur l’hypocrisie, le mépris et la vanité. Le
pour désigner Naïs et la triple insistance sur le milieu point de vue de l’auteur s’exprime à travers :
1. Roman et société 23
1. Roman et société 25
1. Roman et société 27
1. Roman et société 29
1. Roman et société 31
1. Roman et société 33
1. Roman et société 35
1. Roman et société 37
3. Le discours direct
Le discours direct est particulièrement haché et mar-
Contexte et perspectives
qué par un vocabulaire et une syntaxe souvent fami- 6. Germinie et la Félicité d’Un cœur simple
liers (« chienne d’envie », « mioches », « oust », « Avec Comme Germinie Lacerteux, Félicité est au service
cela que chez vous autres », « grugeront ce que tu d’une femme seule, Mme Aubain, une veuve, qui
as »…) Le niveau de langue contraste donc avec celui s’est, à sa façon, attachée à elle. Toutes deux sont
qu’emploie le narrateur dans la suite du texte, avec du monde des « petits » : Félicité côtoie les com-
des termes précis et recherchés pour le portrait. Les merçants, les livreurs, le brocanteur, et Germinie
frères Goncourt réalisent en quelque sorte, ici, une est invitée par la sœur de l’épicier. Félicité a égale-
œuvre documentaire à deux niveaux : ils donnent la ment été malmenée par la vie et entre d’ailleurs au
parole aux personnages et laissent entendre le voca- service de Mme Aubain après une immense décep-
bulaire du peuple (Mlle de Varandeuil se mettant au tion amoureuse (« ce fut un chagrin désordonné »,
niveau de sa servante) tout en proposant ensuite une l. 1). Sa vie sera marquée par les séparations. On
étude naturaliste du personnage sur un ton objectif. retrouve la même simplicité chez les deux person-
nages « la jeune fille ne savait pas grand-chose, mais
4. La répartition de la parole
paraissait avoir tant de bonne volonté et si peu d’exi-
Germinie, alors qu’elle lance le dialogue en sol-
gences […] » (l. 7), écrit Flaubert. Enfin, les deux
licitant l’avis de sa maîtresse (« Voilà, mademoi-
sont laides et ont quelque chose d’animal : le nar-
selle !…. Regardez-moi », l. 1), n’a pour ainsi dire
rateur évoque un « caractère presque simiesque »
pas la parole ensuite. En effet, celle-ci est monopoli-
pour Germinie (l. 48) et Félicité a des réactions par-
sée par Mlle de Varandeuil qui la confisque aussitôt
fois proches de l’animal (son plus proche compa-
et se lance dans un long soliloque, parfois inaudible
gnon est d’ailleurs un perroquet qui finit empaillé).
(« elle mâchonna encore quelques vagues exclama-
tions entre ses dents », l. 28). Alors que Germinie
Vers le BAC : l’écriture d’invention
devrait être la reine du jour en raison de sa toilette
exceptionnelle, la répartition du dialogue montre 7. Portrait de Mlle de Varandeuil
bien la domination de Mlle de Varandeuil qui prend Le portrait pourra être développé en deux parties :
Germinie sous sa coupe. d’abord en donnant au discours direct la vision
4. Le rythme du passage
Le rythme est particulièrement haletant : il y a dans Pour aller plus loin
ce passage une forte tension dramatique qui tient le On peut faire référence à l’opéra de Georges Bizet.
Mercure
Observation et analyse
Adieu, quand tu voudras, ce bras à ton service
Te fournira toujours une heure d’exercice. 1. Un rapport de force ambigu
Dans cette ouverture de la scène 6 du troisième acte,
Sosie, seul la conduite du dialogue revient sans conteste à Mer-
Le Ciel, traître, sur toi répande ses bienfaits, cure. Ainsi la protestation de Sosie (v. 3) ne suscite
Et lui sois-tu l’objet des offres que tu fais. qu’un renchérissement de la menace, à laquelle le
Cesse, ma patience, éclate, ma colère, vouvoiement donne une force un peu solennelle.
Il m’est honteux de craindre, et lâche de me taire, L’échange montre toutefois un relatif équilibre,
Reviens, qui que tu sois, ou sorcier, ou démon, moins inégal en tout cas que chez Rotrou. Les deux
Reviens, oui, je soutiens que Sosie est mon nom. répliques suivantes sont assez symétriques : toute-
Ha ! de quelle fureur est mon âme saisie, fois l’interrogation redoublée dans celle de Mercure
Oui, je suis une, deux, trois, quatre fois Sosie, (v. 9-12) traduit un réquisitoire qui balaie la « sup-
L’oserais-tu nier ? que dis-tu là-dessus, pli [que] » (v. 6) de Sosie. Celui-ci trouve encore
Tu recules, poltron, et tu ne parais plus ? cependant la force de plaider (v. 13-17), avec un
[…] certain talent d’ailleurs, même si l’on se doute que
le combat est perdu d’avance.
Pour aller plus loin 2. Un débat sur l’identité
Pour montrer que les potentialités comiques du C’est Sosie (le principal intéressé) qui introduit
mythe d’Amphitryon ne tiennent pas seulement au le débat sur le moi et le toi, dans la réplique des
rôle de Sosie, on pourra étudier avec les élèves le vers 5-8. Il les distingue d’abord, en les répartis-
vase reproduit p. 187, qui témoigne du genre mixte, sant chacun dans un vers (v. 5 et 6), pour mieux
tragique et comique à la fois, appelé dans l’Anti- les confondre dans la répétition en miroir du nom
quité l’« hilarotragédie ». On les fera ainsi réfléchir de Sosie (v. 7) et dénoncer par là l’absurdité maso-
à la notion de burlesque, tel qu’il se développe dans chiste des coups assénés par Mercure : le tu est à
les parodies qu’Offenbach a proposées des dieux la fois sujet et objet au v. 8. Mais le dieu refuse de
de l’Olympe. se laisser enfermer dans cette logique nominale…
en interdisant à Sosie l’usage de son propre nom
(v. 9-12). Celui-ci contrattaque en proposant l’ar-
Molière, bitrage de l’opinion publique (v. 15) et un accord
3 Amphitryon p. 184 de réciprocité (v. 16-17), deux arguments qui pour-
raient être valides dans une logique judiciaire mais
Pour commencer qui n’ont aucune chance face à l’arbitraire du dieu.
On ne sait rien de la connaissance que Molière
avait des nombreuses pièces inspirées par le mythe 3. Un combat comique
d’Amphitryon depuis la Renaissance. Il semble Ce jeu du moi et du toi s’inscrit dans la tradition
qu’il ait retrouvé le théâtre de Plaute dans une tra- plautinienne, et Molière s’inspire ici plus précisé-
duction de l’abbé de Marolles parue en 1658. De ment de Rotrou (les vers 5-8 reprennent les trois
même, il est certain qu’il ait lu Les Deux Sosies, premiers vers des Sosies). Mais il en développe la
d’autant plus que le succès de la pièce avait été logique purement verbale avec une jubilation qui
prolongé par sa transformation en un somptueux frôle l’absurde : c’est ce qui lui donne son effica-
spectacle donné au Théâtre du Marais, La Nais- cité comique.
sance d’Hercule. La faveur était alors aux pièces
Racine reprend à Euripide son procédé majeur qui Croiser les textes
est celui du récit de sacrifice et du discours enchâssé ;
mais chez Racine le récit est assumé par Ulysse lui- 1. L’espace de jeu
même, et le discours enchâssé n’est pas celui d’Iphi- Corneille installe son héroïne dans les hauteurs : au
génie, prête à se sacrifier, mais celui de Calchas début de cette scène, elle était juchée sur un balcon
révélant le véritable objet demandé par les dieux. du palais, avant de s’envoler ici sur un char ailé,
Achille lui-même prend la parole chez Euripide, non envoyé par son aïeul le Soleil. Cette position de
pour défendre la vie d’Iphigénie, comme il le fait surplomb traduit et permet, vis-à-vis de Jason, une
dans la tragédie française (v. 5-8), mais pour offrir domination arrogante. Chez Anouilh, les deux époux
à Diane le sang de la victime et demander des vents sont au même niveau mais séparés par la double
favorables pour la traversée. Le dénouement enfin frontière de la roulotte et des flammes : le drama-
est très différent dans les deux pièces, puisque l’un turge enferme son héroïne dans un espace sacré, au
substitue un animal à la jeune fille tandis que l’autre sens étymologique, c’est-à-dire interdit à l’humain
propose une autre jeune fille à la place. (c’est bien ainsi d’ailleurs que le comprend Jason,
qui empêche ses soldats d’y accéder). C’est depuis
6. Comment sauver Iphigénie : le choix de cet espace sacré que Médée, qui n’appartient déjà
Racine plus à notre monde, profère ses malédictions. Quant
Plutôt que de s’en remettre totalement à un deux ex à Max Rouquette, il met les deux époux face à face,
machina qui sauverait Iphigénie au dernier moment dans un espace nu, mais ce n’est pas pour les faire
en lui substituant une biche, Racine préfère choisir, vraiment dialoguer, puisque la magicienne s’esca-
dans les personnages qu’il a mis en scène, une jeune mote derrière la couverture, abolissant les lois phy-
fille, qui se révèlera être la véritable Iphigénie, celle siques aussi sûrement que si elle s’était envolée :
Molière,
Contexte et perspectives 7 Le Misanthrope p. 232
7. Tartuffe le pharisien
Le chapitre 23 de L’Évangile de Matthieu est une Pour commencer
accusation contre les pharisiens : « Malheur à vous, Il s’agit ici d’approfondir la comédie de caractère à
scribes et pharisiens hypocrites », scande à sept travers l’exemple du Misanthrope et d’une des scènes
reprises le Christ, qui dénonce leurs pratiques reli- les plus emblématiques du « débat » qui constitue la
gieuses et leur comportement en société. Tartuffe matrice de la pièce : l’amour de l’humanité, incarné
peut être considéré comme un pharisien, puisque par Philinte, vs la haine des Hommes, incarnée par
que comme les prêtres de l’Évangile, Tartuffe pro- Alceste. Cette dialectique débouche sur une réflexion
fite de l’argent des autres, feint d’avoir la foi pour philosophique sur la condition humaine.
mieux jouir de bénéfices matériels de l’entourage
qu’il usurpe. Les détracteurs de la pièce n’ont pas
manqué de faire le lien entre cet épisode de l’Évan- Observation et analyse
gile et la personnalité du faux dévot. Le lien n’a fait 1. La faute de Philinte
qu’attiser la colère du clan des dévots contre la pièce Alceste reproche à Philinte d’avoir témoigné des
de Molière, qui les visait directement. signes d’amitié à un tiers dont il a oublié le nom
9 La poésie romantique
On peut citer « pareil à l’éclair » (v 2) ou « pareil
Alphonse de Lamartine,
1 « Bonaparte » p. 273
au fier Jacob » (v 14), comparaisons qui dévoilent
la très grande pugnacité de Napoléon, mais aussi
Pour commencer son efficacité et sa rapidité d’action. D’autres méta-
Le mythe napoléonien a influé sur toute la littérature phores vont dans la même direction sémantique :
romantique. Le grand homme, en franchissant monts « Tu foudroyas le monde avant d’avoir un nom ! »
et mers, a fait naître la possibilité d’une légende (v 3) ou encore la métaphore allégorique du vers 8.
moderne dans un siècle désacralisé. C’est ce nou- Ces figures de style renforcent l’idée selon laquelle
vel héroïsme que Lamartine s’attache à décrire dans Napoléon est un surhomme, un demi-dieu, et qu’il
ses vers. Il s’agit ici d’étudier la manière dont l’épo- rivalise avec les puissances terrestres et divines par
pée se renouvelle et comment Lamartine confère à son destin d’exception.
Napoléon le statut de héros. 4. Le complexe de Napoléon
« Profanateur sublime » est une alliance de mots
Observation et analyse qui font contraste, autrement dit un oxymore, de
1. La référence antique même qu’« impuissant délire ». Ces figures dévoi-
Plusieurs analogies avec le monde antique jalonnent lent la nature ambivalente et complexe de Napoléon
le poème : elles rattachent Bonaparte à la figure du qui, tout en rayonnant sur le monde, a commis des
héros. C’est d’abord l’Égypte, évoquée à travers la actions violentes, entraîné des guerres et provoqué
ville de Memphis et son fleuve, le Nil (v. 4). L’al- des morts, avant de terminer sa course prisonnier des
lusion à Brutus rappelle ensuite le héros qui défit Anglais à Sainte-Hélène. Aveuglé par sa propre puis-
Rome d’une royauté corrompue en 509 av. J.-C. pour sance, Napoléon a montré les limites de sa grandeur.
instaurer la république. Enfin, Lamartine cite Jacob,
5. Changement de mètre
une figure emblématique de l’Ancien Testament
Le changement de mètre (passage de l’alexandrin à
qui combattit l’Ange et regagna son pays après un
l’octosyllabe) intervient toujours en fin de strophe,
temps d’exil, ce que fit également Napoléon en 1815
marquant une pause forte au sein du poème. Cette
après son séjour sur l’île d’Elbe. Toutes ces réfé-
« chute » du sizain représente, par deux fois, à pro-
rences donnent à l’épopée napoléonienne un aspect
prement parler, une chute : celle du siècle au vers
légendaire et mythique.
12 (« Recula d’un pas devant toi »), celle du rêve
2. Les qualités d’un empereur au vers 24 (« Tombe devant la vérité »). Les deux
L’éloge de Lamartine met en valeur trois qualités autres octosyllabes mettent en valeur, l’un l’origine
principales de Bonaparte. La première est sa puis- inconnue – et donc quasi mythique – de Bonaparte
sance, conséquence de son immense courage (v. 3). (« Aux solitudes de Memnon ») et l’autre le monde
Ensuite, Bonaparte est désigné comme un guide, profanateur qui a précédé son arrivée au pouvoir
un héraut qui conduit les Hommes. Cette qualité (« Avec les vases de l’autel »).
est intrinsèquement liée à une troisième, la lucidité
(v. 13). Bonaparte, clairvoyant et pragmatique, a su Contexte et perspectives
diriger son destin et son peuple. 6. Vous serez comme des Dieux
3. Un destin d’exception Dans l’Antiquité, le héros est un être d’ascendance à
Nombreuses sont les comparaisons et les métaphores la fois divine et humaine. L’apothéose est une céré-
louangeuses qui vantent les qualités de l’empereur. monie religieuse au cours de laquelle un humain
148 partie IIi • La poésie aux xixe et xxe siècles : du romantisme au surréalisme
150 partie IIi • La poésie aux xixe et xxe siècles : du romantisme au surréalisme
152 partie IIi • La poésie aux xixe et xxe siècles : du romantisme au surréalisme
154 partie IIi • La poésie aux xixe et xxe siècles : du romantisme au surréalisme
156 partie IIi • La poésie aux xixe et xxe siècles : du romantisme au surréalisme
158 partie IIi • La poésie aux xixe et xxe siècles : du romantisme au surréalisme
160 partie IIi • La poésie aux xixe et xxe siècles : du romantisme au surréalisme
Contexte et perspectives
Prolongements
4. L’influence du roman noir
Comme on vient de le voir, Bertrand s’inspire des Lamartine, Heine, Baudelaire
lieux communs du roman noir et du roman gothique. p. 290
Ce genre littéraire connaît une fortune considérable à
la fin du xviiie siècle et dans les premières décennies Pour commencer
du xixe siècle. Les modèles du genre sont Les Mys- La plupart des poètes du xixe siècle ont réfléchi sur
tères d’Udolphe d’Ann Radcliffe (1797) et Le Moine leur place dans la société et sur la mission nouvelle
162 partie IIi • La poésie aux xixe et xxe siècles : du romantisme au surréalisme
164 partie IIi • La poésie aux xixe et xxe siècles : du romantisme au surréalisme
166 partie IIi • La poésie aux xixe et xxe siècles : du romantisme au surréalisme
168 partie IIi • La poésie aux xixe et xxe siècles : du romantisme au surréalisme
170 partie IIi • La poésie aux xixe et xxe siècles : du romantisme au surréalisme
4. Le O
Plusieurs raisons ont pu présider au choix du O
Rimbaud,
7 « Voyelles » p. 300
comme dernière voyelle : tout d’abord sa sonorité
plus poétique que le U, le « Ô » exclamatif faisant
partie intégrante de l’éloge poétique ; ensuite, pour
Pour commencer
un Rimbaud qui aime jouer avec les humanités, le
Rappeler la vie de Rimbaud et les différentes
fait que Oméga soit la dernière lettre de l’alphabet
périodes de sa production poétique jusqu’au silence
grec ; enfin, la résonance christique de l’Oméga
qui suivit les Illuminations.
(« Je suis l’Alpha et l’Oméga, le premier et le der-
nier, le commencement et la fin », Apocalypse 22,
Observation et analyse 13). Si le violet des yeux du vers 14 pourrait être
1. Structure ceux d’une jeune femme, la référence à l’« Oméga »
Les deux premiers vers présentent de manière géné- et la majuscule à « Ses Yeux » rendent néanmoins
rale toutes les voyelles. Puis, deux vers un quart sont présent l’intertexte biblique.
consacrés au A, un vers trois quarts au E, deux vers
au I, trois vers au U, trois vers au O. On observe Contexte et perspectives
donc une augmentation du nombre de vers relatifs
aux voyelles (à peu près de deux à trois) et surtout un 5. « Voyelles » et « Correspondances »
respect plus strict, au fur et à mesure, de la structure Au départ, semble-t-il, un même principe : celui
du sonnet (alors que le début affectionne les rejets). d’une lettre qui appelle une couleur puis des images.
En cela « Voyelles » serait l’illustration de « Cor-
2. Comparaisons respondances ». Mais à y regarder de plus près, les
Le A est comparé au « corset » des « mouches » et à correspondances rimbaldiennes semblent bien plus
des « golfes d’ombre » ; le E au blanc des « vapeurs » confuses et bien moins évidentes que celles de Bau-
ou des « tentes », à des glaciers, à des rois, à des delaire : Rimbaud joue sur la complexité, l’érudition,
fleurs ; le I, à du sang ou au rire ; le U aux mers l’obscurité. Ce poème est un poème de fulgurances,
vertes, à des pâturages, à des rides ; le O à un clai- dont le sens véritable échappe au lecteur.
ron et à des yeux. Le poème joue sur l’étonnement
du lecteur : il s’agit de tromper son attente. Rimbaud
complexifie d’ailleurs à l’envi ces images, leur ajou- Vers le BAC : la dissertation
tant qualificatifs ou propositions relatives qui font 6. La toute-puissance du poète
perdre le fil de la comparaison (v. 3-4, v. 10-11).
Ce n’est plus alors le point de départ qui importe Le poète aime à se croire tout-puissant, maîtrisant
mais la rêverie un peu folle qui s’élève dans l’es- son imagination et son verbe poétique. Les poètes
prit du poète et de son lecteur, convoquant fleurs, du xixe siècle ont porté cette conviction au plus haut
animaux, détails en tous genres (allant jusqu’aux point. Chez Baudelaire, cela prend la forme d’une
rides de l’alchimiste). gageure : proposer un paysage poétique urbain, puis
montrer que malgré tout il peut aussi écrire un pay-
3. Sonorités sage bucolique ; chez Rimbaud l’on atteint à la limite
Rimbaud joue également sur les sonorités pour du sens : les images et les sonorités s’entrelacent,
accroître le sentiment d’étrangeté, rendant parfois donnant accès à une vision, celle du poète, dont le
difficile la prononciation des vers : pour le A, collu- lecteur ne détient pas toujours la clef. Cette expé-
sion de nasales (« noir », « mouches », « éclatantes », rience, comme celle des surréalistes, se situe peut-
« bombinent », « puanteur ») ; pour le E, rencontre être à l’extrême limite du possible en poésie. Au-
des [f], des [s] et des [r] (« Lances des glaciers delà le lecteur perd tout repère et le poème sombre
fiers, rois blancs, frissons d’ombelles ») ; pour le dans l’indicible et l’illisible.
172 partie IIi • La poésie aux xixe et xxe siècles : du romantisme au surréalisme
174 partie IIi • La poésie aux xixe et xxe siècles : du romantisme au surréalisme
176 partie IIi • La poésie aux xixe et xxe siècles : du romantisme au surréalisme
178 partie IIi • La poésie aux xixe et xxe siècles : du romantisme au surréalisme
180 partie IIi • La poésie aux xixe et xxe siècles : du romantisme au surréalisme
182 partie IIi • La poésie aux xixe et xxe siècles : du romantisme au surréalisme
184 partie IIi • La poésie aux xixe et xxe siècles : du romantisme au surréalisme
186 partie IIi • La poésie aux xixe et xxe siècles : du romantisme au surréalisme
188 partie IIi • La poésie aux xixe et xxe siècles : du romantisme au surréalisme
190 partie IIi • La poésie aux xixe et xxe siècles : du romantisme au surréalisme
192 partie IIi • La poésie aux xixe et xxe siècles : du romantisme au surréalisme
194 partie IIi • La poésie aux xixe et xxe siècles : du romantisme au surréalisme
196 partie IIi • La poésie aux xixe et xxe siècles : du romantisme au surréalisme
198 partie IIi • La poésie aux xixe et xxe siècles : du romantisme au surréalisme
200 partie IIi • La poésie aux xixe et xxe siècles : du romantisme au surréalisme
202 partie IIi • La poésie aux xixe et xxe siècles : du romantisme au surréalisme
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212 partie IIi • La poésie aux xixe et xxe siècles : du romantisme au surréalisme
13 L’art oratoire
relle, qui feint de s’adresser à un autre maître que
Molière,
1 Dom Juan p. 359
le sien (l. 5 à la fin).
3. Un valet menacé de représailles
Pour commencer
Sganarelle choisit de mettre en scène un discours
Molière écrit Dom Juan pour répondre aux accusa-
fictif car il craint la fureur et les remontrances de
tions déclenchées par Tartuffe et régler ses comptes
son maître et, quoiqu’il en dise, n’ose pas lui faire
avec l’hypocrisie des dévots et la Compagnie du
de reproches directs. L’extrait nous renseigne sur
Saint-Sacrement. Il s’empare ainsi d’un personnage
les relations entre le maître et son valet : ce dernier
à la mode et dont la liberté de parole n’est pas sans
craint son maître car il dépend entièrement de lui
déplaire à son auteur, même si la censure l’oblige à
pour vivre. En effet, Dom Juan le paye, le nour-
le précipiter dans les flammes de l’Enfer au dénoue-
rit, l’héberge et peut le renvoyer à tout moment.
ment. Dom Juan est le séducteur par excellence et
C’est pourquoi Sganarelle formule ses reproches
cette séduction passe d’abord par une très grande
de manière détournée en utilisant le conditionnel
maîtrise de la parole et des outils de rhétorique. À
(« si j’avais un maître, je lui dirais fort nettement
l’inverse, Sganarelle est un piètre orateur dont le
en le regardant en face » l. 10-11) ou en utilisant la
bon sens finit toujours par tomber dans le ridicule.
modalité interrogative (« pensez-vous… qu’on n’ose
La pièce est jouée pour la première fois le 15 février
vous dire vos vérités », l. 20-21).
1665, d’abord censurée puis suspendue pour la trêve
pascale, elle n’ira pas au-delà de quinze représen- 4. Le portrait de Dom Juan
tations. Sur le plan moral, Dom Juan est un libertin, un
libre d’esprit, un athée et un impie ; sur le plan phy-
Observation et analyse sique, c’est un homme d’un certain rang (« de qua-
1. Les reproches de Sganarelle à son maître lité », l. 16), à l’allure soignée voire apprêtée (« une
Sganarelle reproche à son maître son libertinage, perruque blonde et bien frisée, des plumes à votre
c’est-à-dire sa liberté d’esprit et son mépris pour la chapeau, un habit bien doré, et des rubans couleur
religion, comme le soulignent les termes de « petits de feu », l. 16-19). Dom Juan attache de l’impor-
impertinents », « libertins », « esprits forts » (l. 8-9) et tance à son apparence, qui est fondamentale pour
les expressions « vous jouer au Ciel », « vous moquer un séducteur.
des choses les plus saintes » (l. 11-13). Il le met en 5. Un valet maladroit
garde contre le châtiment céleste (« le Ciel punit »,
La maladresse de Sganarelle se manifeste sur le
l. 22) qui entraînera « une méchante mort », c’est-
plan syntaxique, par des lourdeurs et des répétitions
à-dire à la fois une mort violente (certains libertins
(« c’est bien à vous », l. 13 ; « pour », l. 16 ; « pen-
furent emprisonnés voire condamnés à mort) et une
sez-vous », l. 16 ; « méchante » l. 2, 22, 23 ; l’écho
vie qui le destine aux Enfers.
« raillerie »/« railler » l. 2) qui trahissent la pauvreté
2. Des reproches voilés de son vocabulaire (« petit » et « méchant » sem-
Le pronom vous désigne Dom Juan de manière blent les seuls adjectifs qu’il connaisse). Les tour-
directe (l. 1 et 2) mais aussi de manière indirecte, à nures sont assez répétitives, les effets tombent à
l’intérieur de la mise en scène imaginée par Sgana- plat et le ton employé est trop sentencieux dans la
Hermione Phèdre
Naissance Violence de son amour pour Pyrrhus, Fatalité de la passion liée à son hérédité, à « ce
et manifestation continue à l’aimer malgré ses infidélités. sang déplorable » (sa mère Pasiphaé s’est unie à
de la passion un taureau et a donné naissance au Minotaure).
Passion qui apparaît comme la vengeance de
Vénus « toute entière à sa proie attachée ».
Violence du coup de foudre « Je le vis, je rougis,
je pâlis à sa vue ».
Un amour irrationnel Souffrance, jalousie à l’égard Lui fait perdre la raison, jalousie à l’égard
d’Andromaque, perte de tout amour d’Aricie, précipite la mort de son beau-fils.
propre, prête à accepter le mariage de
Pyrrhus avec Andromaque, un amour
destructeur, mépris pour Andromaque et
son fils. Ordonne à Oreste de tuer Pyrrhus.
Un amour impossible Pyrrhus inconstant, puis sur le point Incestueux, Hippolyte étant son beau-fils.
d’épouser Andromaque.
Une issue fatale Mort de Pyrrhus et suicide d’Hermione. Mort d’Hippolyte et empoisonnement de Phèdre.
Questions
Contexte et perspectives
1. Une composition complexe
5. La Rochefoucauld et Pascal
La toile s’organise en deux pyramides voisines.
Nos deux auteurs se rejoignent d’abord dans une L’une a pour sommet le visage du docteur, tandis
vision complexe de l’homme, qu’ils se proposent que l’autre est dessinée par quatre des spectateurs.
d’élucider. À chaque fois, le moraliste se présente La seconde est un pur effet de composition (dont on
comme celui qui voit le désordre régner sous l’ordre verra la pertinence), qui permet de représenter cha-
apparent, ou qui, au contraire, donne un sens à ce cune des personnes présentes, conformément à la
qui en paraît dépourvu. On retiendra également la commande. Quant à la première, elle isole et met en
vision d’un homme qui ne se conduit pas par la rai- valeur le docteur Tulp, acteur principal de la leçon.
son mais est gouverné par des affects ou des passions Malgré la précision de la représentation du bras
contre lesquels il est présenté comme impuissant. écorché, le tableau n’est pas une planche d’anato-
Dans les deux cas, nous sommes invités à suivre le mie, mais le portrait du professeur et du groupe qui
regard du moraliste qui observe des comportements l’entoure. La lumière ajoute à la composition, en ce
surprenants, dont il met au jour les lois. La pers- que le procédé du clair-obscur resserre considéra-
pective apologétique distingue toutefois l’ermite de blement l’image sur ses deux tiers gauches, c’est-à-
Port-Royal du familier des salons mondains – celui dire sur les pyramides de personnages. La lumière
de Mme de La Fayette entre autres. vient de la partie supérieure gauche ; on peut penser
que Rembrandt reprend l’éclairage fait, au moment
Vers le bac : l’écriture d’invention de la leçon, sur le cadavre. Pourtant, celui-ci semble
6. À la manière de La Rochefoucauld l’intéresser moins comme élément narratif que pour
L’écriture d’invention propose un pastiche du style l’effet pictural qu’il produit : la masse presque uni-
Pour commencer
Contexte et perspectives Ce dialogue a pour source les trois voyages effectués
7. Armande et le cartésianisme par le baron de La Hontan en 1684, 1685 et 1688
« L’empire que tient la raison sur les sens » : cette dans les actuelles provinces du Québec et de l’On-
déclaration seule suffit à faire d’Armande une héri- tario. Gentilhomme béarnais, c’est à 17 ans qu’il
tière du Descartes du Discours de la méthode (1637). s’est embarqué pour la Nouvelle-France, comme
Selon le philosophe, l’homme, substance pensante, officier de marine. Il fait véritablement œuvre d’eth-
ne peut accéder à la connaissance que par l’exer- nologue en étudiant l’organisation des Amérindiens
cice de la raison. Les sens nous tiennent en erreur, en nations. Dans son dialogue, il ne se contente pas
le corps relève d’une mécanique qui n’a aucun lien de lutter contre l’ethnocentrisme de son temps, mais
avec le fonctionnement de l’esprit. Nous retrouvons défend l’idée d’une supériorité des Amérindiens sur
ce mépris du corps dans le discours d’Armande : il les Européens dans les domaines de la morale ou
faut donc selon elle minorer son importance au pro- de la médecine. À son retour en France, il sera, à
fit de ce que sa sœur nomme les « productions d’es- partir de 1703, un auteur très lu et respecté jusqu’à
prit et de lumière ». sa mort en 1715.
Observation et analyse
Vers le bac : le commentaire
1. Les interrogations rhétoriques de La Hontan
8. L’argumentation d’Henriette
C’est avec scepticisme que l’auteur, qui se met ici
Henriette expose très vite sa thèse à sa sœur. Il s’agit,
en scène dans son œuvre, accueille l’idée de vivre
comme le montre sa première réplique, d’un par-
avec la tribu d’Adario. Il le manifeste par une série
tage : « Vous, du côté de l’âme et des nobles désirs/
de sept questions rhétoriques, auxquelles il apporte
Moi, du côté des sens et des grossiers plaisirs » (v.
lui-même une réponse définitive : « non » (l. 9). Le
7-8). L’héritage de leur mère serait donc d’un côté
lecteur doit aller dans son sens, et ainsi refuser des
incarné par Armande, qui prolongerait sa quête de
usages étrangers et donc supposés barbares : vivre
culture et de connaissance, et de l’autre par Hen-
sans poivre ni sel (l. 4), se peindre le visage (l. 4-5),
riette, qui procréerait. Les productions qu’elle évoque
ou encore ne boire que du sirop d’érable (l. 5). L’au-
– « qui sont de la matière » (v. 10) – sont en réalité
teur et son lecteur trouvent au premier abord absurde
les enfants qu’elle souhaite concevoir.
la proposition qu’émet ici Adario.
Comment va-t-elle convaincre Armande du bien-
fondé de ses projets ? Elle tente avec finesse et iro- 2. Un Adario à l’imitation du baron
nie de faire valoir l’importance du corps : sans lui, Le supposé sauvage reprend le même procédé : il mul-
et les « bassesses » (v. 20) qui l’accompagnent, point tiplie avec adresse les questions oratoires, mais en les
d’Armande ou de « petit savant qui veut venir au renversant : l’absurde n’est plus du côté des Indiens,
monde » (v. 22). Il faut donc bien reconnaître aux mais du côté des Européens. Il procède avec méthode,
« terrestres appas » (v. 4) du mariage un mérite : celui respectant l’ordre des interrogations du baron : les
d’avoir donné le jour à un grand esprit, celui d’Ar- raisonnements des Jésuites deviennent aussi abscons
mande. Henriette fait ici preuve d’un esprit qui, en que ceux des vieillards indiens (l. 18-20), le sel et les
faisant l’éloge du corps, met en échec les très stricts épices ruinent la santé (l. 26-27), les couleurs tribales
principes de sa sœur. sont bien inoffensives (l. 29-30)… C’est point par
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Exercice 1 p. 453
a. La proposition « Contrairement à ce qu’on pour-
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a. Au Louvre, j’ai vu de si beaux tableaux clas-
rait croire » permet au locuteur de prendre position
siques ! b. J’aime lire des romans contemporains qui
contre une opinion reçue ; « efficace » exprime un
racontent des histoires d’aujourd’hui. c. Le profes-
jugement favorable du locuteur. b. Le verbe devoir
seur nous a imposé la lecture d’un roman de Zola.
est un auxiliaire de modalité qui exprime la néces-
d. Ils habitent une maison ancienne qui m’a séduit.
sité. c. Le type interrogatif et le conditionnel per-
e. Je ne me plonge pas dans l’histoire de ce livre
mettent de mettre en doute le bien fondé d’une affir-
invraisemblable.
mation. L’auxiliaire de modalité devoir exprime un
jugement dont la validité sera examinée. d. « À mon
avis » est une locution qui exprime la subjectivité Exercice 5 p. 453
du locuteur. e. Le conditionnel et la forme interro- Les marques de modalisation « S’il fallait l’en
gative mettent à distance une opinion courante, qui croire », « disait-il », « probablement », « à ce qu’il
devra être justifiée, à tout le moins. f. La locution paraît » multiplient les doutes du narrateur à propos
verbale « il est nécessaire » exprime la conviction d’un personnage trouble. La suite du texte confirme
intime du locuteur. la piètre opinion du narrateur sur ce Thénardier ; l’ad-
verbe « mal », détaché par un point virgule à la fin
de la dernière phrase, est d’une redoutable efficacité.
Exercice 2 p. 453
a. La plupart des poèmes seraient écrits en vers.
b. Les philosophes des Lumières, pense-t-on, écrivent Exercice 6 p. 453
seulement pour transmettre leurs idées. c. La comédie 1. « On m’a dit » permet au personnage de rapporter
classique, semble-t-il, poursuit deux visées : plaire une rumeur flatteuse à propos de Nana. Les adjec-
et instruire. d. Le théâtre classique peut paraître tifs « délicieuse » et « excellente » expriment un
ennuyeux. e. Le réalisme, à en croire ses détrac- jugement élogieux. À l’inverse, les noms métapho-
teurs, serait une copie de la réalité. riques « seringue » et « paquet », empruntés à l’ar-
got, refusent tout talent de chanteuse et de comé-
dienne au personnage.
Exercice 3 p. 453
a. L’adverbe « hélas » exprime le regret. « Les valeurs 2. Nana est présentée en termes alternativement
des Lumières ont été trop vite oubliées. » b. L’ad- élogieux et dévalorisants. Cette contradiction peut
verbe « heureusement » exprime l’accord. « Le philo- traduire le conflit entre l’apparence et la réalité du
sophe des Lumières a légitimement combattu toutes personnage, sa séduction superficielle et sa vulga-
les superstitions. » c. L’auxiliaire de modalité devoir rité foncière.
et l’adverbe « certainement » expriment une hypo-
thèse. « Ce poème a sans doute ému de nombreux Exercice 7 p. 453
lecteurs ». d. L’adverbe « jamais » et la proposition 1. Voltaire affirme l’incohérence des charges rete-
finale expriment une assertion catégorique. « Cette nues contre Calas et son entourage et démontre l’er-
fable montre avec efficacité qu’il ne faut pas se reur judiciaire, fruit d’une justice aveuglée par l’in-
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Exercice 6 p. 547
a. p. 262, les didascalies de Courteline donnent
des indications de ton, de jeu, de déplacements,
d’éclairage.
b. p. 210, v. 2-3 : « Ma fortune va prendre une
face nouvelle ;/Et déjà son courroux semble s’être
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Exercice 1 p. 551
On veillera à ce que l’élève respecte la concision dans
son résumé, et distingue bien les faits et l’analyse.
Exercice 2 p. 551
Résumé Georges Duroy, ancien sous-officier hussard d’Afrique du Nord, décide de monter à Paris pour
y faire fortune. Un ancien camarade de régiment, Forestier, lui ouvre une carrière de journaliste
à La Vie française, et lui permet de découvrir les coulisses de la vie parisienne. Son absence de
dons est compensée par son charme sur les femmes, dont il use pour gravir les échelons. Il
quitte sa maîtresse Clotilde de Marelle, dont la fille lui donnera son surnom de « Bel-Ami »,
pour épouser Madeleine Forestier, devenue veuve. C’est elle qui lui suggère de changer son
nom en Du Roy de Cantel. Quand elle ne lui est plus utile, il s’en détache et séduit la femme
de son patron, Virginie Walter, qui lui révèle les fructueuses spéculations de son mari au
Maroc. Devenu baron et richissime, il obtient le divorce en prenant Madeleine en flagrant délit
d’adultère, afin d’épouser en grande pompe la fille du couple Walter, Suzanne.
Contexte de Les débuts de la IIIe République. Les scandales financiers sur fond de politique coloniale.
rédaction de Maupassant, quant à lui, est déjà un conteur célèbre (« La maison Tellier », 1881), mais un
l’œuvre romancier encore débutant, qui a seulement publié Une vie (1883).
Analyse À travers l’ascension d’un « héros » qui n’a pour tout atout que son pouvoir érotique et
son absence totale de scrupule, la peinture au vitriol d’une société en mutation, celle de
la IIIe République naissante, société ouverte, triviale, dynamique, amorale. Une écriture
impressionniste, sans jugement explicite, mais traduisant un profond pessimisme, fait de la
conscience tragique du temps qui passe et du néant.
Personnages Georges Duroy, l’arriviste dont le charme sans scrupule est le principal atout. Finit sous le nom
principaux de Baron Du Roy de Cantel.
Clotilde de Marelle, la première maîtresse de Georges, sans doute la seule femme qu’il aime
vraiment.
Charles Forestier, journaliste, ancien camarade de régiment de Duroy, qu’il introduit dans le
milieu de la presse.
Madeleine Forestier, épouse puis veuve de Charles ; initie au journalisme Duroy, qui devient son
amant puis son mari.
Norbert de Varennes, poète, ami de Duroy, dont le pessimisme amer est celui de Maupassant.
M. Walter, directeur du journal La Vie française, richissime financier.
Virginie Walter, son épouse, vieille maîtresse pathétique de Duroy.
Suzanne Walter, leur fille, jeune fille romanesque, qui se laisse enlever par Duroy pour forcer le
mariage.
Exercice 4 p. 551
On peut se reporter à une bonne analyse de ce fabliau
sur le site du collège Doisneau à Gonesse, dans
l’académie de Versailles : http://www.clg-doisneau-
gonesse.ac-versailles.fr/spip.php?article206
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Résumé Pour se venger du dédain que leur ont manifesté Cathos et Magdelon, deux cousines
provinciales installées depuis peu à Paris et qui se piquent de préciosité, La Grange et Du
Croisy leur envoient leurs valets, qui se font passer pour des aristocrates et de beaux esprits.
Malgré l’outrance de ces bouffons, Cathos et Magdelon tombent dans le panneau, jusqu’à
l’arrivée de La Grange et Du Croisy qui dévoilent la supercherie pour la plus grande confusion
des précieuses.
Contexte de Quand Molière revient à Paris en 1658, à 36 ans, après 13 années à parcourir la province, il
rédaction de conquiert la faveur royale, non dans la tragédie où il pensait briller, mais avec la petite comédie
l’œuvre du Docteur amoureux, qui lui vaut d’obtenir la salle du Petit Bourbon où il joue avec succès
L’Étourdi et Le Dépit amoureux. L’année suivante, il engage le célèbre farceur Jodelet ainsi que
les jeunes La Grange et Du Croisy : l’équipe est au complet pour créer le premier chef-d’œuvre.
Analyse Toute la nouveauté de la pièce tient à l’alliance de la satire des mœurs, sur un thème à la
mode (la peinture de la préciosité), et du comique farcesque, lui-même hérité des traditions
italienne et française mêlées.
Sources On a accusé Molière d’avoir plagié une comédie de l’abbé de Pure, Les Précieuses, inspirée du
Mystère de la ruelle, roman du même auteur. Mais Molière en vit sans doute la réduction à un
simple canevas de la Commedia dell’arte. Le dramaturge s’est aussi inspiré des comédies de
Scarron, comme Jodelet ou le Maître valet (1645).
Thèmes La préciosité excessive, critiquée non pas dans l’effort pour raffiner le langage et les mœurs,
mais en tant qu’antinature.
Réception Un succès éclatant, et par là, les premiers démêlés de Molière avec les éditeurs peu scrupuleux,
de l’œuvre les plagiaires et les jaloux de toute espèce.
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