Académique Documents
Professionnel Documents
Culture Documents
Transaction
Gilles LE CHATELIER
Conseiller d'État
avril 2019
Table des matières
Généralités 1 - 14
Bibliographie
1. La transaction est le contrat par lequel les parties à celui-ci mettent un terme
par voie amiable à un litige, ou en préviennent la survenance. Elle repose
fondamentalement sur un raisonnement qui privilégie la solution la plus proche
dans le temps, au risque d'obtenir moins que ce qu'une action devant le juge
aurait permis d'obtenir à une date ultérieure. Pour reprendre la formule de
DOMAT, il s'agit là d'une « convention que chacun préfère à l'espérance de
gagner, jointe au péril de perdre » (DOMAT, Les lois civiles, titre XIII, Des
transactions, section I, I).
4. Ces limites de principe ont rapidement cédé le pas devant les avantages
qu'offre la voie transactionnelle. En premier lieu, les textes ont évolué pour
accroître les possibilités, pour les personnes publiques, d'y recourir. Ainsi, les
ordonnances des 30 janvier et 13 février 1822 ont pleinement reconnu à
l'administration fiscale le pouvoir de transiger, après des hésitations. En second
lieu, la jurisprudence allait admettre que les ministres avaient le pouvoir de
transiger au nom de l'État, même si aucun texte ne le prévoit de manière
expresse (CE 23 déc. 1887, Évêque de Moulins c/ État, S. 1889. 3.57, concl.
M. Le Vavasseur de Précourt. – CE 17 mars 1893, Chemin de fer de l'Est et autres
c/ Min. de la Guerre, S. 1894. 3.119, concl. président Romieu. – CE 8 avr. 1921,
Cie de la N'Goko Sangha, Lebon 351).
11. Il est certain qu'il faut distinguer une catégorie particulière de transactions
qui présente sans aucun doute possible un caractère totalement unilatéral : c'est
celle où l'administration accepte, sous condition, d'alléger le poids de poursuites
pénales ou administratives. On est ici davantage en présence d'un « acte
condition » que d'un véritable contrat, même si certains auteurs défendent cette
dernière conception. Certes, la conclusion de la transaction dépendra de la
rencontre des volontés, mais le processus ne peut en général être lancé que par
l'administration, et sa finalisation se traduit par un acte à caractère unilatéral. Ce
type de transactions, contrairement à celles qui relèvent de l'article 2044 du code
civil, n'est d'ailleurs possible que si un texte le permet. Ainsi, l'article 6 du code
de procédure pénale prévoit que l'action publique peut s'éteindre par transaction
lorsque la loi en dispose expressément. Le Conseil constitutionnel a admis la
constitutionnalité de ce procédé qui ne méconnaît pas, en tant que tel, le principe
o
de séparation des pouvoirs (Cons. const. 30 mars 2006, n 2006-535-DC, AJDA
o
2006. 1961, note C. Geslot ). Saisi de la légalité de l'ordonnance n 2005-805
du 28 juillet 2005, le Conseil d'État a apporté d'utiles compléments sur le régime
de la transaction pénale. Ainsi, cette dernière touche aux modes d'exercice de
l'action publique et affecte à ce titre la séparation des pouvoirs et la garantie des
droits consacrées par l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du
citoyen. Dans ces conditions, d'une part, seul le législateur peut définir le champ
de cette procédure et les conditions de sa mise en œuvre, d'autre part, si l'action
publique a été mise en mouvement avant la conclusion de la transaction, seul un
magistrat du siège peut procéder à son homologation (CE, ass., 7 juill. 2006, req.
o
n 283178 , Assoc. France Nature environnement, RFDA 2006. 1261, concl.
M. Guyomar ; AJDA 2006. 2053, chron. C. Landais et F. Lenica ).
er
Chapitre 1 - Conditions de forme et de fond
re
Section 1 - Régularité formelle
er
Art. 1 - Règles de compétence
15. Selon le premier alinéa de l'article 2045 du code civil, « Pour transiger, il faut
avoir la capacité de disposer des objets compris dans la transaction ». Il convient
donc de vérifier que la personne publique qui s'apprête à transiger est bien dans
le champ de ses compétences pour intervenir et n'empiétera pas sur celui d'une
autre personne. Cette clause de compétence générale se double d'une autre
condition qui est celle de l'autorisation à transiger à laquelle sont soumises un
certain nombre des personnes publiques. La question de la compétence pour
signer une convention transactionnelle est de grande importance, puisqu'il s'agit
d'une question d'ordre public que le juge est tenu de soulever d'office, comme
chaque fois qu'est en cause la compétence du signataire d'un acte contractuel
engageant une collectivité publique (CE, sect., 28 janv. 1977, Min. de l'Économie
et des finances c/ Sté Heurtey, Lebon 50).
16. L'article 2045 du code civil, s'il n'est plus applicable aux collectivités locales
et à leurs établissements publics en tant qu'il prévoit que le recours à la
transaction doit faire l'objet d'une autorisation préalable, reste applicable aux
établissements publics de l'État conformément aux dispositions du dernier alinéa
de cet article, dans sa rédaction issue des dispositions de l'article 158 de la loi
o
n 2011-525 du 17 mai 2011. Comme l'a estimé le Conseil d'État, l'exigence
d'autorisation ainsi prévue, compte tenu de sa généralité, concerne l'ensemble
des activités de l'établissement, y compris celles qui s'exercent dans un cadre de
o
droit privé (CE, avis, 21 janv. 1997, cité supra, n 5). Celle-ci prend la forme d'un
o
décret du Premier ministre (CAA Paris, 19 janv. 1993, req. n 91PA01203 ,
Chambre d'agriculture de la Réunion, Lebon 416. – CE 14 déc. 1998, req.
o
n 146351 , Chambre d'agriculture de la Réunion, Lebon T. 729). La transaction
qui serait conclue sans que cette autorisation préalable ait été donnée est
inopposable aux parties à la convention transactionnelle. De même, compte tenu
des termes mêmes de l'article 2045 du code civil et de l'interprétation qu'en
donne le Conseil d'État, il semble que l'irrégularité tirée du défaut d'autorisation
préalable ne puisse pas être régularisée a posteriori.
19. Pour l'État, le pouvoir de transiger revient de manière générale aux ministres
(CE 23 déc. 1887, Évêque de Moulins c/ État, préc. – CE 17 mars 1893, Chemin
de fer de l'Est et autres c/ Min. de la Guerre, préc. – CE 8 avr. 1921, Cie de la
N'Goko Sangha, préc.). La circulaire du Premier ministre du 6 février 1995 estime
que les directeurs d'administration centrale sont habilités à conclure des
transactions un nom de leur ministre, du fait de la délégation générale de
signature dont ils bénéficient, au même titre que la faculté d'ester en justice, en
o
vertu du décret n 47-233 du 23 janvier 1947 (TA Melun, 4 déc. 2001, req.
o o
n 013402, Min. de la Défense, BJDCP n 23.302, concl. M. Jarrige). Sont ainsi
o
applicables les règles aujourd'hui prévues par le décret n 2005-850 du 27 juillet
2005 qui a abrogé ce texte et fixe désormais les règles applicables aux
délégations de signature consenties par les membres du Gouvernement. La
circulaire du 6 avril 2011 rappelle toutefois qu'une transaction ne peut être
conclue par un département ministériel sans l'aval de l'autorité chargée du
contrôle financier (§ 2.2.4).
21. L'article 24 de la loi du 10 août 2018 qui ajoute un article L. 423-2 au code
des relations entre le public et l'administration a prévu cependant un dispositif
d'encadrement venant brider la liberté de transiger des responsables de l'État,
pour sans doute tirer les leçons du fameux « arbitrage Tapie ». En effet, au-
dessus de 500 000 euros (CRPA, art. R. 423-3), la décision de transiger et le
montant proposé devront être préalablement soumis à un comité qui peut être de
niveau ministériel ou interministériel (CRPA, art. R. 423-4). Pour chaque
ministère, il est composé du secrétaire général du ministère, du directeur des
affaires juridiques, du directeur des affaires financières ou de leurs représentants
(CRPA, art. R. 423-5). En dessous de ce seuil, l'avis est facultatif ; mais il
convient de noter que le texte prévoit que si l'autorité administrative a saisi le
comité et suivi son avis, sa responsabilité personnelle et notamment pénale ne
peut être mise en cause à ce titre. Il sera intéressant de mesurer si la mise en
œuvre de ces dispositions sera de nature à limiter à l'avenir le recours à la
transaction par les autorités de l'État.
23. La question se pose toutefois de savoir quels sont les effets de la signature
par une autorité incompétente du protocole transactionnel. Depuis l'intervention
de la jurisprudence dite Béziers I (CE 28 déc. 2009, Cne de Béziers préc.), toute
irrégularité formelle n'est pas nécessairement de nature à rendre le contrat
inopposable aux parties, au nom du principe de loyauté contractuelle. À ce titre,
le juge peut accepter de considérer que le contrat doit continuer de produire ses
effets, même si son signataire est incompétent (CE 19 avr. 2013, CCI
o
d'Angoulême, req. n 340093 , Lebon 105). La jurisprudence a logiquement
étendu cette solution aux conventions transactionnelles, refusant toutefois de
valider un contrat affecté d'un grave vice de consentement, comme par exemple,
dans l'hypothèse où l'organe délibérant découvre ex post l'existence du protocole
o
(CAA Versailles, 28 sept. 2017, Institut français de Gestion, req. n 16VE02808,
AJDA 2017. 2119, note S. Mégret ). Dans la ligne de cette jurisprudence et
compte tenu des effets de la transaction, on peut s'attendre à ce que le juge soit
sans doute moins enclin à accepter qu'un protocole transactionnel continue de
produire ses effets alors que l'assemblée délibérante de la collectivité concernée
n'en aurait pas validé préalablement le contenu.
24. La transaction est normalement un contrat passé en bonne et due forme par
les parties à l'acte. L'article 2044 du code civil pose la condition d'un contrat
conclu par écrit et il en résulte donc que normalement l'existence de la
transaction ne se présume pas (CE 30 mars 1938, Derue, Lebon 332). De même,
les dispositions de l'article L. 423-1 du code des relations entre le public et
l'administration prévoient que la transaction est formalisée par un contrat écrit.
Dans l’hypothèse d’une transaction conclue par l’État et dont le montant
o
dépasserait 500 000 euros (V. supra, n 21), le comité prévu à l’article L. 423-2
du code des relations entre le public et l’administration se prononce dans un délai
d’un mois à compter de sa saisine. L’avis rendu est ensuite notifié à l’autorité à
l’origine de la saisine dans un délai de 7 jours (CRPA, art. D. 423-7). Cependant,
le juge accepte de prendre en compte l'intention des parties pour conclure
éventuellement à l'existence d'une transaction (CAA Nancy, 31 déc. 1997, req.
o
n 93NC01179 , Min. d'État, garde des Sceaux, Min. de la Justice, inédit). Un
simple échange de lettres peut suffire, si bien évidemment le litige à régler n'est
pas trop complexe. Ainsi, le juge accepte de considérer que le préfet qui signe le
courrier d'accompagnement d'une transaction emporte le consentement de l'État
à conclure le protocole, quand bien même ce dernier n'aurait pas été signé par le
o
préfet lui-même (CE 10 févr. 2014, SA Gecina, req. n 350265, AJDA 2014. 1900,
note A. Zarca ). Encore faut-il que le protocole transactionnel apparaisse comme
finalisé et non comme un simple projet soumis à un échange de courriers n'ayant
donné lieu à aucun accord des parties (CAA Douai, 13 nov. 2013, SA Screg Nord
o
Picardie, req. n 12DA00817). À cet égard, un acte unilatéral par lequel une
personne privée renonce à exercer une action indemnitaire contre l'administration
devant le juge administratif, dès lors qu'il n'a pas donné lieu à une acceptation ou
à une contrepartie formelle de la part de cette administration, ne constitue pas
une transaction liant ladite personne privée et lui interdisant de saisir le juge
d'une demande portant sur le même objet (CAA Nantes, 22 juin 2017, req.
o
n 17NT00465, AJDA 2017. 2137, note A. Durup de Baleine ). Il en va de même
o
de la transaction intervenue en cours d'instance contentieuse (V. infra, n 90). En
revanche, si un particulier demande le bénéfice d'une transaction, l'administration
n'a nullement l'obligation d'y faire droit (CE 19 juin 1953, Vernisse, Lebon 302. –
Crim. 8 janv. 1974, D. 1974. IR 33) ; il s'agit là, bien évidemment, de l'exercice
d'un pouvoir discrétionnaire de la part de l'administration.
27. Lorsque la transaction est conclue avec une personne incapable mineure ou
majeure, les règles édictées par le code civil (art. 389 s. et art. 488 s.) doivent
être appliquées, leur méconnaissance constituant un vice de nullité.
28. Plus généralement, comme tout contrat, une transaction entachée d'un vice
o
de consentement est nulle (CE 3 août 1910, req. n 29531, Gille, Brahic et
os
Thomas, Lebon 687. – CE 19 févr. 1919, req. n 42179, 44276 et 44587, Ville de
Nanterre c/ Jaccaz, Lebon 165. – TA Grenoble, 14 nov. 2003, Sté des autoroutes
o
Rhône-Alpes-AREA, RFDA 2004. 1179, note M. Sauveplane , cité infra, n 86).
30. C'est la raison pour laquelle le juge administratif vérifiera d'abord, comme le
fait lui-même le juge judiciaire, que la convention transactionnelle ne méconnaît
pas l'ordre public. De même, il s'assurera de l'existence de concessions
réciproques – condition majeure, selon la jurisprudence de la Cour de cassation,
pour reconnaître l'existence d'une transaction. Mais la plus grande originalité de
ce régime est certainement le contrôle approfondi effectué par le juge
administratif sur le montant même de la somme arrêtée par le protocole
transactionnel. Très distincte – au moins en apparence – du régime de la
transaction de droit privé, cette particularité traduit nettement le fait que la
transaction ne peut aboutir, pour l'administration, à renoncer à des sommes qui
lui sont dues.
er
Art. 1 - Respect de l'ordre public
er
§1 - Restrictions jurisprudentielles
33. Dans le même sens, une transaction ne peut venir procéder au licenciement
du directeur d'un établissement public communal, pas plus que régler la
détermination de ses éventuelles indemnités de licenciement, dès lors que ces
actes doivent normalement résulter de l'application de régimes légaux
er os
(CE 1 oct. 2001, req. n 221037 et 221038, Cne des Angles, Lebon T. 793 et
1025). De même, un agent public ne peut légalement conclure une transaction
qui méconnaîtrait les règles statutaires régissant l'admission à la retraite pour
invalidité (CAA Nancy, 23 mai 2017, Centre hospitalier de Sedan, AJDA 2018. 40,
note J. M. Favret). En revanche, aucune disposition d'ordre public ne fait
obstacle à ce que la commune mette fin, par transaction, à un litige portant sur la
réparation d'un préjudice né d'un licenciement illégal (CAA Versailles, 18 oct.
o o
2007, req. n 06VE01538, Cne d'Éragny-sur-Oise, JCP Adm. 2007, n 2317, note
G. Pellissier). L'administration n'a pas le pouvoir de s'écarter de ce que lui
commande le législateur, que ce soit à titre général ou par la voie de la
conclusion de transactions. Ainsi, lorsque la loi prévoit une procédure particulière
pour prendre une décision administrative, une transaction ne pourra venir y
suppléer.
36. Cette restriction a ainsi justifié dans un premier temps la solution selon
laquelle un particulier ne pouvait, par la voie d'une transaction, valablement
renoncer à son droit d'exercer un recours devant le juge à l'encontre d'un acte
administratif qui serait illégal. Cette solution, qui semble davantage fondée par
les affirmations de la doctrine que par une jurisprudence moins nette pendant
longtemps sur ce point (V. F. ALHAMA, Transaction et renonciation à l'exercice du
recours pour excès de pouvoir, RFDA 2017. 503 ) témoignait du « caractère
objectif » de cette voie de droit (CE, ass., 19 nov. 1955, Sieur Andréani,
o
Lebon 551. – CE 2 févr. 1996, req. n 152406 , Sté Établissements Crocquet,
Lebon 26) C'est en réalité une jurisprudence relativement récente des cours et
tribunaux administratifs qui semble en avoir fait un principe ne tolérant pas
d'exception (CAA Paris, 30 déc. 1996, Boyer c/ Cne de Boulogne-Billancourt, req.
o me
n 94PA02185 , Lebon. – TA Amiens, 24 avr. 2007, M Raskin, AJDA
2007. 2103 ).
37. Toutefois, cette solution, incontestable dans son principe, se heurtait à une
pratique selon laquelle la contrepartie offerte par une des parties au protocole
transactionnel résidait effectivement dans sa renonciation à l'exercice d'un tel
recours. C'est la raison pour laquelle la jurisprudence semble avoir évolué
aujourd'hui pour estimer qu'un tel engagement est possible sans méconnaître
aucune règle d'ordre public (TA Cergy-Pontoise, 8 janv. 2015, Sté Multi
Development France, AJDA 2015. 993, note S. Merenne ). Elle accompagne
ainsi des solutions résultant des textes, l'article L. 600-8 du code de l'urbanisme,
o
issu des dispositions de l'ordonnance n 2013-638 du 18 juillet 2013 ayant
nécessairement admis la possibilité de transactions par lesquelles les requérants
pouvaient se désister de leurs conclusions d'annulation dirigées contre certaines
décisions d'urbanisme. Toutefois, cette nouvelle approche ne nous paraît pas
strictement cantonnée au champ du droit de l'urbanisme et doit être étendue à
l'ensemble des recours pour excès de pouvoir, même si une confirmation
jurisprudentielle de principe serait sans doute la bienvenue sur cette question.
Bien évidemment, cette solution n'autorise pas les parties à la transaction à
méconnaître des règles d'ordre public en la concluant, en particulier dans
l'hypothèse où la renonciation à l'exercice d'un recours pour excès de pouvoir se
heurterait à un intérêt supérieur légalement protégé. De même, au nom du
respect du principe constitutionnel du droit au recours juridictionnel, il ne semble
pas qu'un particulier puisse par le biais d'une transaction renoncer à l'avance à
l'exercice de tout recours contre une décision qui ne serait pas encore intervenue.
44. On trouve ici une question controversée qui est encore une fois la marque de
l'originalité du régime de la transaction administrative (« Transaction : la question
des concessions réciproques » M. Yazi-Roman, AJCT 2017. 432 ). En effet, la
jurisprudence judiciaire a admis rapidement qu'un des critères de la transaction
était justement l'existence de concessions réciproques de la part des deux parties
à la convention transactionnelle (Civ. 3 janv. 1883, DP 1883. 1.457. – Soc.
o o
13 mai 1992, n 89-40.844 , Bull. civ. V, n 307 ; RTD civ. 1992. 783, obs. P.-
o o
Y. Gautier . – Soc. 19 févr. 1997, n 95-41.207 , Bull. civ. V, n 74, Soc.
o
7 févr. 2007 n 05-410623). L'enjeu est ici de distinguer la transaction de la
o
conciliation judiciaire (Soc. 28 mars 2000, n 97-42.419 , D. 2000. 537, note
o
Savatier ). L'article 10 de la loi n 2016-1547 du 18 novembre 2016 a tiré les
conséquences de cette jurisprudence pour inscrire à l'article 2044 du code civil
que le contrat de transaction résultait de l'existence de telles concessions.
46. La difficulté principale ici rencontrée aura trait à l'étendue des concessions
consenties par la personne publique. À la vérité, on aurait du mal à concevoir
qu'une partie privée accepte de transiger avec l'administration si elle n'y trouvait
pas son intérêt ; cette évidence implique bien qu'il y ait concession de la part de
l'administration. À l'inverse, une concession trop importante de la part de la
personne publique peut être synonyme d'une libéralité qui tombera sous le coup
o
de la censure du juge (V. infra, n 57). Le juge administratif fait néanmoins
preuve de pragmatisme dans l'appréciation de l'existence de concessions
réciproques. Ainsi, dans l'affaire dite des « emplois fictifs » de la ville de Paris, il a
accepté de prendre en considération le « montant de l'indemnisation prévue par
le protocole, l'état de la procédure pénale en cours à la date de la délibération
contestée et les incertitudes inhérentes à toute procédure juridictionnelle quant à
son issue, son coût et ses délais » pour admettre que les concessions faites par
chacune des parties n'étaient pas « dérisoires » (TA Paris, 28 juin 2011, Assoc.
Anticor, AJDA 2011. 1301, concl. N. Le Broussois . – Solution confirmée en
appel, CAA Paris, 2 avr. 2013, Assoc. Anticor, AJDA 2013. 1804, concl.
O. Rousset ).
er
§1 - Contrôle du juge judiciaire
50. De même, conformément à l'article 2053 du code civil, une erreur sur l'objet
de la transaction est une cause de nullité : pour une transaction conclue par des
parties qui ont cru, à tort, que le champ de leurs prétentions était limité (Soc.
o o
24 nov. 1998, n 95-43.523 , Bull. civ. V, n 515) ; pour une transaction
conclue pour mettre un terme à un litige né des désordres affectant une
construction, alors que les malfaçons appelaient en réalité une restauration
e
beaucoup plus importante que celle sur laquelle les parties ont transigé (Civ. 3 ,
o
24 mai 1978, Bull. civ. III, n 221), ou si les travaux promis dans une transaction
étaient totalement inefficaces compte tenu de l'état réel de l'ouvrage que l'on
e o
voulait assainir (Civ. 3 , 24 mars 1987, Bull. civ. III, n 251) ; ou encore, pour un
protocole signé sur la base d'une erreur de fait concernant le solde d'une
re e er
opération (Civ. 1 , 13 déc. 1972, Gaz. Pal. 1973. 1. 293. – Civ. 3 , 1 avr. 1971,
o
Bull. civ. III, n 242).
51. Plus généralement, le juge judiciaire refuse d'homologuer une transaction qui
ne préserve pas les droits de chacune des parties au protocole transactionnel
os o
(Soc. 18 juill. 2001, n 99-45.534 et 99-45.535, Bull. civ. V, n 279). Le
dernier alinéa de l'article 2053 du code civil prévoit également que la transaction
peut être rescindée en cas de dol ou de violence.
52. Dès les premières décisions rendues par le juge administratif sur les
transactions conclues par l'administration, a été affirmé le principe de son
contrôle sur le montant de celles-ci. Le président ROMIEU l'indique ainsi
clairement : « Les ministres ne peuvent engager les finances de l'État sans
aucune espèce d'obligation préexistante ; c'est, pour employer une expression
plus brutale, dire qu'ils ne peuvent pas faire de libéralités, les deniers de l'État ne
pouvant servir qu'à payer les services faits ». Une transaction qui aboutirait à ce
résultat serait entachée d'une nullité d'ordre public, devant être soulevée d'office
par le juge (CE 17 mars 1893, Chemins de fer du Nord, de l'Est et autres c/ Min.
de la Guerre, préc.).
53. La jurisprudence semble avoir encore durci le contrôle à effectuer par le juge.
Si, dans son premier état, la jurisprudence évoque la notion de libéralité, elle va
progressivement devenir plus exigeante pour considérer que les personnes
morales de droit public ne peuvent jamais être condamnées à payer une somme
qu'elles ne doivent pas. En conséquence, une transaction qui aboutirait à ce
résultat est entachée de nullité et il appartient au juge de soulever d'office un tel
o
vice (CE, sect., 19 mars 1971, req. n 79962 , Sieurs Mergui, Lebon 235, concl.
M. Rougevin-Baville ; AJDA 1971. I. 274, note Labetoulle et Cabanes).
L'expression est ici plus forte dans la mesure où elle semble indiquer que toute
concession de la part de la personne publique, à l'occasion de la conclusion d'un
protocole transactionnel, est susceptible d'entraîner la nullité de ce dernier.
57. Le juge contrôlera dès lors que les dépenses exposées par le cocontractant
auront été véritablement utiles à la collectivité publique ou qu'elles sont le
résultat du comportement fautif de l'administration ; il vérifiera également que la
partie privée aura effectué les concessions nécessaires (CE 29 déc. 1997, req.
o
n 154320 , Sté d'économie mixte de sécurité active et de télématique. – TA
os
Lille, 20 nov. 2001, req. n 01-263 et 01-1914, Préfet du Pas-de-Calais, BJDCP
o
n 23.302, concl. M. Lepers). S'agissant par exemple d'une transaction portant
sur la résiliation d'un contrat de délégation de service public, le juge vérifie que
les principes applicables à l'indemnisation des biens de retour de la délégation et
à l'indemnisation du gain manqué sont effectivement respectés (CAA Marseille,
o
14 mars 2013, Cne de Briançon, req. n 12MA04341, RFDA 2013. 1291, concl.
F. Salvage ). De même, le juge annule une transaction s'il considère que
l'indemnité versée à une entreprise évincée dans le protocole est sans cause,
compte tenu de l'absence de chance de succès de l'éventuelle action contentieuse
que ladite entreprise aurait pu engager suite à son éviction (CAA Versailles,
o o
13 mai 2015, Sté Amelier et Dubois, req. n 13VE03220, Rev. CMP 2015, n 186,
note J.-P. Pietri).
58. La jurisprudence semble avoir évolué pour préciser le principe retenu par la
jurisprudence « Mergui » et en atténuer la rigueur. Revenant aux origines, le
Conseil d'État a estimé qu'une transaction, pour être régulière, ne devait pas
constituer une libéralité de la part d'une collectivité publique (CE, avis, ass.,
o
6 déc. 2002, req. n 249153 , Synd. intercommunal des établissements du
second cycle du second degré du district de L'Haÿ-les-Roses et Sté CDI 2000,
Lebon 433 , RFDA 2003. 291, concl. G. Le Chatelier et 302, note B. Pacteau
, AJDA 2003. 280, note F. Donnat et D. Casas ).
60. Cette « balance » entre la valeur d'une créance ou d'un bien et des
considérations liées à l'intérêt général aboutit à une approche plus fine que la
seule jurisprudence « Mergui ». Ainsi, le Conseil d'État a validé la cession, par
une commune, d'un terrain à une entreprise pour un franc symbolique, dès lors
que cette opération était justifiée par un motif d'intérêt général et trouvait sa
contrepartie dans la création de plusieurs emplois sur le territoire communal (CE,
o
sect., 3 nov. 1997, req. n 169473 , Cne de Fougerolles, Lebon 391 ; CJEG
1998. 19, concl. L. Touvet ; AJDA 1997. 1010, obs. L. Richer ). S'agissant de la
régularité d'une transaction, le juge vérifiera qu'elle n'a pas pour effet de minorer
de manière manifestement disproportionnée l'indemnité due à une personne
o
publique, et donc d'appauvrir ladite personne (TA Paris, 5 mars 2002, req. n 01-
05496/6, Dpt des Hauts-de-Seine et Sté Les équipements de la Colline, BJDCP
o o
n 24.384, concl. M. Guedj, cité infra, n 96).
61. Aussi, la prise en compte de l'intérêt général devient un des éléments forts
d'appréciation de la régularité d'une transaction administrative. Cette dernière ne
doit pas être remise en cause, si une telle opération avait pour effet de porter
atteinte aux intérêts de la collectivité publique. Ainsi, en présence de la demande
d'un contribuable souhaitant être autorisé à agir au nom de la commune pour
introduire une action en nullité contre la transaction qu'elle avait conclue avec
une société concessionnaire de distribution d'eau potable, le Conseil d'État refuse
d'accorder l'autorisation requise, dans la mesure où l'action envisagée risquerait
d'aboutir à ce que la commune soit tenue de verser à son ancien cocontractant
une somme d'un montant supérieur à celui qu'elle s'était engagée à verser lors de
la conclusion du protocole transactionnel. Dans ces conditions, l'action ne
présente pas un intérêt suffisant pour que l'autorisation d'agir au nom de la
commune soit accordée au contribuable qui la demandait, en application des
dispositions de l'article L. 2132-5 du code général des collectivités territoriales
o o
(CE 29 déc. 2000, req. n 219918 , Comparat, Lebon 658 ; BJDCP n 17.337,
o
concl. P. Fombeur, cité infra, n 80).
64. L'exécution des contrats publics peut également donner lieu à des litiges
susceptibles d'être réglés entre les parties par la voie de la transaction, pour
permettre la mise en œuvre du contrat jusqu'à son terme. Se pose toutefois la
question de la liberté dont dispose les parties à cet effet au regard des règles de
la commande publique. La CJUE a eu l'occasion, en effet, de juger que « ni le fait
qu'une modification substantielle des termes d'un marché public soit motivée non
pas par la volonté délibérée du pouvoir adjudicateur et de l'adjudicataire de
renégocier les termes de ce marché, mais par leur volonté de trouver un
règlement transactionnel à des difficultés objectives rencontrées dans le cadre de
l'exécution dudit marché, ni le caractère objectivement aléatoire de certaines
réalisations ne sauraient justifier que cette modification soit décidée sans
respecter le principe d'égalité de traitement qui doit bénéficier à tous les
opérateurs potentiellement intéressés par un marché public » (CJUE 7 sept. 2016,
o
Finn Frogne A :S, aff. C-549/14, Rev. CMP 2016 n 257, note F. LLorens). Pour la
Cour de Justice, et conformément à sa jurisprudence sur ces questions, un
avenant, même issu d'une transaction, ne peut pas venir modifier un marché sur
des points qui, s'ils avaient été intégrés dès sa passation, auraient pu conduire à
retenir une autre offre ou à admettre d'autres soumissionnaires (CJCE 19 juin
2008, Pressetext, aff. C-454/06 . – CJUE 13 avr. 2010, Wall c/ Ville de
Francfort-sur-le-Main, aff. C-91/08 ).
65. Dans ces conditions, une transaction venant modifier un marché ou une
concession en cours d'exécution doit, pour être régulière, respecter les conditions
posées par ces régimes s'agissant de la régularité des avenants susceptibles
d'être conclus à un contrat, sans encourir le risque de procéder à une
modification substantielle de ce dernier (J.-D. DREYFUS, L'avenant
o
transactionnel : un compromis délicat, ACCP 2009, n 105, p. 62. – G. LE
CHATELIER, Liberté de transiger et respect des règles de la commande publique,
AJCT 2017. 435 ). Dans le même sens, il n'est pas possible aux parties de faire
revivre un contrat annulé pour avoir méconnu les règles de publicité et de mise
en concurrence lors de sa passation, en concluant une transaction reprenant
purement et simplement les obligations des parties telles qu'elles étaient prévues
dans le contrat initial (CAA Versailles, 26 nov. 2015, Cne de Corbeil-Essonnes,
o
req. n 14VE02778, AJCT 2016. 214, note P. Grimaud et O. Villemagne ). Est en
effet contraire à l'ordre public le fait de conclure une transaction pour se
soustraire aux règles du code des marchés publics (TA Lyon, 6 oct. 1999, Préfet
o
de la Région Rhône Alpes, Préfet du Rhône, BJDCP 2000, n 10, p. 215). En
revanche, l'avenant transactionnel est possible dans des situations où le pouvoir
adjudicateur n'est pas en mesure d'organiser une procédure de mise en
concurrence (CAA Marseille, 15 juin 2004, SIVOM de la région du Pic Saint Loup,
o
req. n 00MA01500, AJDA 2004. 2279, note S. Deliancourt ). À ce titre, la
conclusion d'une transaction pourrait être qualifiée de délit de favoritisme si elle
devait être interprétée comme ayant eu pour effet d'attribuer un marché ou une
concession sans respecter les règles de la commande publique (J.-D. DREYFUS,
Transaction et commande publique : les frontières avec le délit de favoritisme,
AJCT 2012. 243 ).
66. Selon l'article 2052 du code civil dans sa rédaction originale, les transactions
avaient, entre les parties, l'autorité de la chose jugée en dernier ressort. Il en
résulte très naturellement qu'une fois la transaction conclue, une des parties à la
convention ne peut revenir sur ce qui a été conclu contractuellement. C'est la
manifestation la plus évidente de l'effet extinctif de la transaction. L'article 10 de
o
la loi n 2016-1547 du 18 novembre 2016 a modifié la rédaction initiale dans un
sens plus explicite en disposant désormais que « la transaction fait obstacle à
l'introduction ou à la poursuite entre les parties d'une action en justice ayant le
même objet ». Cet effet extinctif se traduit d'abord par le désistement des parties
à la transaction, si ces dernières ont déjà engagé une action devant le juge, les
stipulations de cette dernière pouvant d'ailleurs expressément valoir désistement
o
si elles sont rédigées en ces termes (CE 28 janv. 1994, req. n 49518 , Sté
o
Raymond Camus et Cie, cité supra, n 38). Ainsi, est irrecevable une demande
portant sur le même objet que celui qui a donné lieu à la transaction, s'agissant
par exemple de conclusions indemnitaires (CE 8 juill. 1925, Sieur Renaud, préc. –
CE 8 févr. 1956, Dame Germain, Lebon 69. – CE 31 mars 1971, Sieur Baysse,
o
Lebon T. 1116. – CE 11 déc. 1987, req. n 76937 , Boulacheb et Khelfa,
o
Lebon 417. – CE 28 nov. 1990, req. n 30875 , Office public d'HLM de la Meuse,
Lebon T. 871).
68. Le juge n'a ici aucun pouvoir d'appréciation et il lui appartient d'office de
prononcer le non-lieu, même si les parties ne le lui demandent pas (CE 21 avr.
1967, Secr. d'Ét. au Budget c/ Mory, Lebon T. 894. – CE, sect., 7 avr. 1967, Min.
de l'Équipement c/ Moschein, Lebon 152). En revanche, si une des parties se
désiste en invoquant la conclusion d'une transaction, alors que cette dernière
n'est en fait pas intervenue, le désistement est considéré comme pur et simple
par le juge, l'erreur provenant, dans cette hypothèse, de la seule requérante
os
(CE 2 déc. 1988, req. n 57305 et 78068, Cne de Sedan c/ Entreprise Drogrey,
Lebon T. 961).
69. Cette solution de principe a été rappelée avec une certaine solennité par le
Conseil d'État (CE, avis, ass., 6 déc. 2002, Synd. intercommunal des
établissements du second cycle du second degré du district de L'Haÿ-les-Roses et
o
Sté CDI 2000, cité supra, n 54) qui a estimé qu'en vertu de l'article 2052 du
code civil, le contrat de transaction, par lequel les parties terminent une
contestation née ou préviennent une contestation à naître, a entre ces parties
l'autorité de la chose jugée en dernier ressort. Il est exécutoire de plein droit,
sans qu'y fassent obstacle, notamment, les règles de la comptabilité publique et
en particulier les dispositions d'interprétation restrictives édictées par la direction
o
de la comptabilité publique (V. infra, n 100).
73. Ce qui vaut pour les parties liées par les stipulations du contrat, ne vaut pas
pour les tiers, comme le rappelle l'article 2051 du code civil selon lequel la
transaction faite par l'un des intéressés ne lie point les autres intéressés et ne
peut être opposée par eux (CE 23 oct. 1970, Sieur Clot et Sté Oréfice, Sté
Herbert c/ Dame Tourmente, Lebon 617). Ainsi, une transaction conclue entre un
maître d'ouvrage et plusieurs constructeurs à l'occasion d'un litige mettant en
cause leur garantie décennale n'est pas opposable à ceux qui ne sont pas parties
à la convention (CE 28 nov. 1990, Office public d'HLM de la Meuse, cité supra,
o
n 60). De même, le juge lorsqu'il est saisi par l'ONIAM, subrogé dans les droits
de la victime, d'un litige portant sur la responsabilité du professionnel ou de
l'établissement de santé n'est en rien lié par le contenu de la transaction
intervenue entre l'ONIAM et la victime (CE 25 juill. 2013, ONIAM, AJDA 2013.
1600 ). Cette solution rejoint celle selon laquelle la circonstance qu'une
collectivité publique a procédé à l'indemnisation d'un préjudice par la voie d'une
transaction ne lui interdit pas d'engager une action récursoire contre le
responsable du dommage qui a commis une faute personnelle à l'origine de celui-
o
ci (CE 8 août 2008 M. Thierry A., req. n 297044 . – CE 12 déc. 2008, Min. de
o
l'Éducation nationale c/ MA, req. n 296982 ). En revanche, une personne qui
succède à une autre, partie à une transaction, se voit opposer ses termes sans
pouvoir les remettre en cause. Ainsi, la transaction comportant renonciation d'un
riverain du domaine public à demander une indemnité de dépréciation de la
parcelle dont il est propriétaire, est opposable au tiers acquéreur (CE 20 juill.
1910, Cie des chemins de fer PLM, Lebon 547).
74. Cependant, bien que revêtue de l'autorité de chose jugée entre les parties, la
transaction administrative ne bénéficie pas des voies d'exécution forcée prévues
par le livre IX du code de justice administrative, et en particulier de la procédure
er
d'astreinte (CE 1 févr. 1984, Sté de promotion et de réalisation hospitalière,
Lebon 32). De même, elle ne constitue pas un titre exécutoire aux termes de la
o
loi n 91-650 du 9 juillet 1991, contrairement aux décisions juridictionnelles
prises par le juge administratif. En revanche, et conformément au principe
figurant à l'article 2047 du code civil, la convention transactionnelle peut elle-
même prévoir les clauses visant à sa bonne exécution, y compris les sanctions
susceptibles d'être infligées à la partie qui ne la respecterait pas (CE, ass.,
o
11 juill. 2008, req. n 287354 , Sté Krupp Hazemag). Nul doute que
l'inexécution éventuelle du contrat de transaction puisse donner lieu à
intervention du juge, notamment au titre de la responsabilité contractuelle des
parties à la convention. En revanche, L'Administration peut engager une action
récursoire contre un de ses agents pour la faute personnelle qu'il a commise sur
la base de la transaction conclue pour indemniser la victime du préjudice subi
o
(CE 12 déc. 2008, req. n 296982 , Min. de l'Éducation nationale c/ M. H., AJDA
o
2009. 895, note C. Deffigier . – CE 6 août 2008, req. n 297044 , M. Mazière,
AJDA 2008. 1565 ).
75. Enfin, si elle met un terme à un litige présent ou à venir, elle ne peut avoir
pour effet de faire revivre un acte qui a disparu. Par exemple, une transaction
intervenue à la suite de l'annulation, par le juge, d'un marché public aura pour
effet de permettre le règlement des prestations effectuées et non de faire revivre
une garantie contractuelle, qui a disparu avec le contrat annulé, ou encore, la
garantie décennale qui ne pèse que sur les personnes qui ont été liées avec le
maître d'ouvrage par un contrat de louage d'ouvrage (CAA Nancy, 25 mai 2000,
o
req. n 99NC01807 , Sté Baudin Chateauneuf, Lebon T. 1104 et 1158).
Toutefois, le juge a pu estimer que la conclusion d'une transaction conclue entre
un maître d'ouvrage et une entreprise constituait un nouvel accord contractuel
autorisant alors ledit maître d'ouvrage à engager la responsabilité contractuelle
de l'entreprise en cas d'inexécution du protocole (CAA Marseille, 7 mai 2008,
OPAC Perpignan Roussillon, AJDA 2008. 2297 ). En tout état de cause, la
transaction a un effet récognitif : elle a pour objet non de faire naître de
nouveaux droits pour les cocontractants, mais de constater ceux dont ils étaient
déjà détenteurs avant la rédaction du contrat. Ainsi, lorsque le litige porte sur des
droits immobiliers, la transaction n'a pas à être transcrite (CE 20 juill. 1910, Cie
o
des chemins de fer PLM, préc. [supra, n 73]).
er
Art. 1 - Compétence juridictionnelle
76. La réponse à cette question suppose au préalable de se prononcer sur le
point de savoir si un protocole transactionnel constitue un contrat administratif ou
de droit privé. L'application des critères traditionnels plaide clairement dans le
sens de la deuxième solution : il serait difficilement admissible qu'il comporte des
clauses exorbitantes du droit commun ; quant à la participation à l'exécution d'un
service public, elle ne semble pas directe. C'est la raison pour laquelle une partie
importante de la doctrine s'est prononcée à l'origine pour le caractère privé des
contrats par lesquels l'administration transige (J.-M. AUBY, La transaction en
matière administrative, AJDA 1956. I. 1. – A. DE LAUBADÈRE, F. MODERNE et
o
P. DELVOLVÉ, Traité des contrats administratifs, t. 1, n 333 ; Y. GAUDEMET, Le
précontentieux : le règlement non juridictionnel des contrats, AJDA 1994. 84 ).
La jurisprudence devait confirmer, dans un premier temps, cette hypothèse
(CE 15 févr. 1833, Cne de Saint-Pierre-en-Val, S. 1834. 2.500. – CE 20 juill.
1850, Cne de Lanquinet, S. 1851. 2.58. – CE 6 juill. 1877, Cne de l'Étang-Vergu,
Lebon 666. – T. confl. 11 juill. 1908, Caisse d'épargne de Caen c/ Hospices civils
de Caen, Lebon 772).
83. Le juge de l'excès de pouvoir peut d'abord être saisi de la légalité d'actes
autorisant la conclusion d'une transaction. Il peut d'abord se prononcer sur la
légalité du décret autorisant un établissement public à conclure une transaction
o
déterminée (CE 23 avr. 2001, Ceccaldi-Raynaud, cité supra, n 17). Il peut aussi
être saisi, sur déféré du préfet ou de toute personne intéressée, de la légalité de
la délibération d'une assemblée délibérante autorisant son exécutif à conclure une
transaction (CE 8 déc. 1995, Cne de Saint-Tropez, préc. – CE 29 déc. 1997, Sté
d'économie mixte de sécurité active et de télématique, préc. – CE 17 oct. 2003,
Min. de l'Intérieur c/ Synd. intercom. d'assainissement Le Beausset, cité supra,
o
n 36). Le contribuable de la collectivité concernée disposera à l'évidence d'un
intérêt suffisant pour agir, dès lors que les finances de la collectivité sont
concernées (CE 29 mars 1901, Casanova, Lebon 333 . – CE 10 févr. 1992, req.
o
n 116582 , Courtet, Lebon T. 1196. – pour l'application à des transactions
CE 12 juill. 1918, Lefebvre, Lebon 698 . – CE 19 nov. 1926, Decuty,
Lebon 992).
85. Plus généralement, la voie du recours pour excès de pouvoir est largement
ouverte aux tiers à la convention transactionnelle qui pourront en contester tous
les actes détachables : décision de la conclure, refus d'y mettre un terme, refus
de la modifier et éventuellement actes d'application de la convention (CE 29 déc.
1905, Petit, Lebon 1014. – CE 8 déc. 1944, Lalos, S. 1945. 3.32 Toutefois, les
évolutions les plus récentes de la jurisprudence semblent désormais fermer cette
o
voie de droit aux tiers au profit d'un recours de pleine juridiction (V. infra, n 87).
86. Le juge administratif peut également être saisi d'une action en déclaration de
nullité de la transaction par une des parties à celle-ci, comme il peut l'être, dans
les mêmes conditions, pour tout contrat administratif (CE 19 févr. 1919, Ville de
o
Nanterre c/ Jaccaz, cité supra, n 28 ; CAA Nantes, 3 janv. 1999, req.
o
n 95NT01598, Cne de Clisson c/ Sté SMAC Aciéroïd, inédit. – TA Grenoble,
o
14 nov. 2003, Sté des autoroutes Rhône-Alpes-AREA, cité supra, n 28).
87. Les contrats de transaction conclus par les personnes publiques et répondant
aux conditions requises pour être qualifiés de contrats administratifs sont
aujourd'hui également concernés par les nombreuses modifications ayant affecté
le régime contentieux des contrats publics. Comme tout contrat administratif, la
transaction peut faire l'objet d'une annulation par le juge administratif de plein
contentieux à la demande d'un tiers (CE 4 avr. 2014, Dpt du Tarn et Garonne,
o
req. n 358994 , Lebon ; AJDA 2014. 1035, note A. Bretonneau et J. Lessi ).
De même, le juge n'est tenu de prononcer cette annulation que dans l'hypothèse
d'une irrégularité particulièrement grave tenant aux conditions de sa conclusion
o
ou à son contenu (CE 28 déc. 2009, Cne de Béziers, req. n 304802 , Lebon),
pouvant d'ailleurs prendre en compte certains impératifs d'intérêt général pour
maintenir le contrat. Ces principes sont sans doute applicables au régime des
transactions administratives (A. ZARCA, Questions sur l'annulation des
transactions, AJDA 2013. 506 ), même si certaines spécificités continuent de
s'appliquer dès lors que les causes de nullité de la transaction font l'objet de
o
règles particulières (V. supra, n 29). À cet égard, les conditions de régularisation
du contrat seront peut-être plus rigoureuses compte tenu du risque qu'une
approche trop complaisante sur ce point pourrait faire courir aux finances
publiques.
88. Le juge administratif peut également être saisi au titre de la législation sur
les autorisations de plaider, notamment si un contribuable demande à être
autorisé à agir au nom de la collectivité pour introduire une action en nullité
contre la transaction (CE 29 nov. 1929, Cts Chatelot, Lebon 1049. – CE 29 déc.
o
2000, Comparat, cité supra, n 57). Le juge s'attachera classiquement, dans cette
hypothèse, à vérifier si l'action présente un intérêt pour la collectivité et si elle
n'est pas dépourvue de toute chance de succès (CE, ass., 26 juin 1992, req.
o me
n 137345 , M Lepage-Huglo et autres, Lebon 246, concl. G. Le Chatelier,
AJDA 1992. 477, chron. C. Maugüé et R. Schwartz ). À cet égard, il pourra être
amené à vérifier que la transaction n'a pas constitué une libéralité au profit de la
o
personne privée avec laquelle elle a été conclue (V. supra, n 57).
89. Le juge administratif de plein contentieux peut être saisi d'une demande
o
d'homologation de transaction en cours de litige (V. infra, n 86). Ainsi, le Conseil
d'État a admis que les parties à l'instance puissent à tout moment présenter une
transaction mettant fin au litige, y compris à l'occasion d'un pourvoi en cassation
o
et demander au juge de l'homologuer (CE, ass., 11 juill. 2008, req. n 287354,
Sté Krupp Hazemag, AJDA 2008. 1588, chron. E. Geffray et S.-J. Liéber ; RFDA
2008. 951, concl. B. Dacosta et note B. Pacteau ). Le juge peut également
être amené à vérifier si l'intervention d'une transaction met un terme à un litige
porté devant lui. Il est à noter que, s'agissant de mesurer quelle a été l'intention
des parties, le juge de cassation n'exerce qu'un contrôle de la dénaturation des
faits de l'espèce sur le point de savoir si les parties à la transaction ont entendu
effacer une créance ; une telle question relève en effet de l'appréciation
souveraine des juges du fond, dès lors qu'il s'agit d'interpréter l'intention des
o me
parties au contrat (CE 29 sept. 2003, req. n 228051 , M Leroux, Lebon
T. 991).
re
Section 1 - Homologation en cours d'instance juridictionnelle
93. De manière logique, une fois cet accord entériné, il ne peut normalement plus
être remis en cause devant le juge. Ainsi, s'il a été constaté par le juge de
première instance, il ne peut plus être remis en cause devant le juge d'appel. Par
exemple, si l'existence d'un préjudice a été reconnue par les deux parties en
première instance, le droit à indemnité de la victime ne peut être remis en cause
elle
par la voie de l'appel incident (CE 24 mars 1944, Sieur et D Canel,
Lebon 102) ; si le juge de première instance a fixé le montant des travaux dû par
une collectivité publique à un entrepreneur, ce montant ayant fait l'objet d'un
accord sanctionné par le juge, il ne peut être remis en cause devant le juge
d'appel par l'entrepreneur (CE 9 nov. 1949, Sieur Marquis c/ Ville de Pantin,
Lebon 470. – V. aussi, CE 23 avr. 1958, Min. des PTT c/ Sieur Cachard, Lebon
T. 993).
94. Une telle homologation doit-elle être expressément demandée au juge pour
être susceptible d'intervenir ? Certaines décisions, qui correspondent sans doute à
la voie la plus orthodoxe, exigent que des conclusions en ce sens aient été
expressément présentées par les parties au juge (CE 7 oct. 1981, ANIFOM c/
Sahuc, Lebon 355). D'autres arrêts, plus pragmatiques, s'en tiennent à la seule
intention claire et explicite des parties, sans pour autant exiger, semble-t-il, une
véritable demande au juge (CE, sect., 9 févr. 1934, Chemin de fer du Nord c/
Sieur de Brigode, préc.).
95. La seconde voie est plus formaliste. C'est celle où les parties ont, en cours
d'instance, formellement conclu entre elles une transaction et où elles demandent
alors au juge de donner acte dans sa décision de leur accord. Alors que le juge
aurait pu s'en tenir à la solution traditionnelle et expédiente du non-lieu à statuer,
dès lors que l'objet même du recours avait disparu avec l'intervention de la
transaction, la jurisprudence a cependant admis une telle possibilité (CE 26 déc.
1917, Dame Linthout, Lebon 855. – CE 19 mars 1971, Sieurs Mergui, préc. –
o me ve
CE 13 oct. 2004, req. n 248626 , M Junion V Vanhadenhoven, Lebon 372).
L'intérêt est ici pour les parties de donner force exécutoire à la transaction qu'ils
ont conclue, alors que celle-ci n'en est normalement pas revêtue (V. supra,
o
n 73).
96. La seule réserve à cette action consiste dans le fait que le juge ne peut
revêtir de l'autorité de chose jugée une transaction conclue entre les parties au
litige, sans apporter un contrôle sur le contenu même de la convention
transactionnelle. Comme le relève la décision « Sieurs Mergui » : « si, à l'occasion
d'un litige, une collectivité publique a offert de verser une indemnité à la victime
d'un dommage, si cette offre a été acceptée et si les parties concluent à ce que le
juge administratif sanctionne l'accord ainsi réalisé, il n'appartient à la juridiction
compétente de donner acte de cet accord qu'à la condition que ce dernier ne
méconnaisse aucune règle d'ordre public ». Dès lors, l'ensemble des contrôles
susceptibles d'être effectués par le juge administratif sur le contenu de la
os
transaction trouvera à s'exercer (V. supra, n 52 s.). Comme l'écrivait
M. ROUGEVIN-BAVILLE dans ses conclusions sur cet arrêt : « [si] les parties vous
demandent encore quelque chose, en l'occurrence d'apporter à leur accord la
solennité et le caractère exécutoire de vos décisions, il serait difficilement
concevable que vous n'examiniez pas au préalable sur quelle sorte de
marchandise on vous invite à apposer ainsi votre label ».
er
Art. 1 - Contexte de la question
98. Plusieurs éléments de contexte sont venus relancer l'intérêt d'une procédure
par laquelle le juge administratif pourrait procéder à l'homologation d'une
transaction, sans être nécessairement saisi d'un litige pendant devant lui. La
logique est ici différente : il s'agit de donner au juge le pouvoir de donner force
exécutoire à un protocole transactionnel, avant même toute saisine éventuelle de
sa part par les parties. On pouvait a priori douter de l'intérêt d'une telle formule,
compte tenu des termes mêmes de l'article 2052 du code civil et des effets que la
jurisprudence reconnaît déjà aux transactions. De même, il y a une forme de
paradoxe à admettre l'existence de cette voie d'homologation juridictionnelle,
alors que l'intérêt de la transaction est justement d'éviter le recours au juge.
103. Dans ce contexte, est née l'idée de surmonter ces obstacles en provoquant
une décision juridictionnelle venant donner un caractère « incontestable » au
protocole transactionnel ainsi conclu. Il s'agit alors de demander au juge de
« sanctionner », indépendamment de tout litige, la convention conclue entre les
parties pour lui donner pleine autorité de chose jugée. Cette démarche pouvait
notamment se prévaloir des textes applicables devant les juridictions judiciaires.
o
Ainsi, le décret n 98-1231 du 28 décembre 1998 a introduit dans le code de
procédure civile un article 1441-1 selon lequel : « Le président du tribunal de
grande instance, saisi sur requête par une partie à la transaction, confère force
o
exécutoire à l'acte qui lui est présenté ». La loi n 99-957 du 22 novembre 1999 a
o
modifié l'article 3 de la loi n 91-650 du 9 juillet 1991 pour préciser que les
transactions ainsi homologuées par le juge constituent bien un titre exécutoire.
De même, dès lors que le juge administratif s'était pleinement reconnu le pouvoir
d'homologuer une transaction conclue entre les parties devant lui depuis la
o
décision « Mergui » (V. supra, n 86), il aurait semblé étrange que le juge refuse
d'examiner une demande directe en ce sens, sauf à encourager l'introduction
d'actions devant lui aux seules fins de permettre aux parties au litige de
présenter ultérieurement une convention transactionnelle pour que le juge puisse
la « sanctionner ».
105. Saisi pour avis en application des dispositions de l'article L. 113-1 du code
de justice administrative, le Conseil d'État devait admettre la possibilité, pour le
juge administratif, d'homologuer une transaction présentée par les parties,
indépendamment de tout litige (CE, avis, ass., 6 déc. 2002, Synd. intercommunal
des établissements du second cycle du second degré du district de L'Haÿ-les-
o
Roses et Sté CDI 2000, cité supra, n 79). Il ne s'agit cependant là que d'une
reconnaissance subsidiaire, ce pouvoir n'étant admis que dans des hypothèses
spécifiques. En effet, la Haute assemblée a commencé par rappeler que la
transaction a l'autorité de chose jugée entre les parties et qu'elle est exécutoire
de plein droit, sans que les règles de la comptabilité publique puissent y faire
o
obstacle (V. supra, n 68). Dès lors, en règle générale, des conclusions
directement portées devant le juge pour que celui-ci homologue une transaction
sont en principe dépourvues d'objet et par suite irrecevables.
106. En revanche, une telle demande est recevable, « dans l'intérêt général »,
dans deux hypothèses : soit lorsque la conclusion d'une transaction vise à
remédier à une situation telle que celle créée par une annulation ou la
constatation d'une illégalité qui ne peuvent donner lieu à régularisation, soit
lorsque son exécution se heurte à des difficultés particulières. La première
hypothèse semble largement renvoyer à la situation décrite précédemment de la
résolution des difficultés causées par l'annulation de contrats dont la passation
est soumise aux règles de mise en concurrence préalable. L'avis du Conseil d'État
mentionne d'ailleurs expressément la situation des marchés publics et des
délégations de service public. La seconde hypothèse est plus large et semble viser
tous les cas où l'action des tiers à la transaction peut faire obstacle à l'exécution
du protocole transactionnel, compte tenu notamment du fait que ce dernier ne
dispose pas des voies d'exécution forcée prévues au livre IX du code de justice
administrative. Toutefois, le juge a eu l'occasion de rappeler que le refus de payer
opposé par le comptable ne constituait pas une difficulté particulière de nature à
justifier que soit admise la recevabilité de la demande d'homologation, dès lors
que l'ordonnateur dispose en général, à son égard, d'un pouvoir de réquisition
o o
(CAA Douai, 13 avr. 2006, req. n 02DA00157 , JCP Adm. 2007, n 2044). De
même, le fait que le comptable public exige l'homologation de la transaction pour
exécuter une opération comptable ne suffit pas à justifier de la condition tenant à
l'existence d'une difficulté particulière (TA Versailles, 16 mai 2008, Cne d'Issy les
Moulineaux, AJDA 2008. 1556 ). Enfin, la seule circonstance qu'une clause de la
transaction ait prévu qu'elle ne prendrait effet qu'à compter de son homologation
ne constitue pas davantage une telle difficulté (TA Paris, 8 nov. 2006, Min. de la
o
défense, n 060410913).
er
§1 - Compétence et recevabilité
108. Le juge administratif n'est compétent que pour homologuer les transactions
ayant pour objet le règlement ou la prévention d'un litige pour le jugement
o
duquel la juridiction administrative serait compétente (V. supra, n 78). C'est le
tribunal administratif territorialement compétent qui devra être saisi de cette
demande, conformément aux règles de droit commun figurant au code de justice
administrative. Il faut cependant réserver l'hypothèse où la transaction viendrait
mettre un terme à un litige qui relèverait de la compétence en premier et dernier
ressort du Conseil d'État ; dans ce cas, pour suivre la règle fixée en matière
d'ordre juridictionnel compétent, c'est devant ce dernier que la demande
d'homologation devrait être directement portée.
109. Plusieurs conditions de recevabilité sont posées par l'avis. Le juge doit
d'abord vérifier que les parties ont effectivement consenti à la transaction. En
revanche, en présence d'une transaction régulièrement conclue et ne
méconnaissant aucune règle de fond, une des parties ne peut faire obstacle à la
demande d'homologation présentée par l'autre, en invoquant le fait qu'elle entend
se rétracter du consentement donné à la conclusion de ladite transaction
(CAA Versailles, 12 avr. 2018, AJDA 2018. 1272, note S. Mégret ). Cette
solution confirme donc implicitement mais nécessairement qu'une demande
d'homologation peut valablement être adressée au juge par une seule des parties
à la transaction et n'a pas à l'être nécessairement et conjointement par les deux.
De même, il ne peut être saisi que d'une demande d'homologation déjà conclue
et non d'un projet. En conséquence, lorsque le contrat de transaction doit être
soumis à l'approbation de l'assemblée délibérante d'une collectivité territoriale ou
d'un ou de plusieurs des conseils d'un établissement public, le juge ne peut être
saisi qu'après cette approbation. Ces exigences ont deux raisons : d'une part, le
fait de permettre de soumettre au juge pour homologation un projet de
transaction aurait eu pour effet de le transformer en « conseiller juridique » des
parties au projet de protocole, ce que la jurisprudence récuse ; d'autre part,
s'agissant des autorisations données par les assemblées délibérantes ou les
conseils d'administration des établissements publics, la demande d'homologation
ne doit pas venir « prendre de court » un éventuel déféré du préfet ou une
décision de la tutelle sur la transaction en cause. On peut ici sans doute penser
que, dans l'hypothèse où aurait été déférée à la censure du juge par le préfet la
délibération d'une assemblée locale autorisant son exécutif à conclure une
transaction, le juge de l'homologation serait bien inspiré de ne pas poursuivre son
office pour laisser au juge de la légalité le soin d'accomplir le sien. C'est pour
cette même raison que l'avis précise que les contrats de transaction soumis au
contrôle de légalité ne peuvent faire l'objet d'une demande d'homologation avant
d'avoir été transmis au représentant de l'État.
113. Dans le sens de la contradiction, il est ainsi rappelé que la demande est
communiquée à toute personne qui aurait eu la qualité de partie dans une telle
instance. Cette mention vise d'abord l'autre ou les autres parties à la
transaction ; il faut donc en déduire qu'une des parties peut valablement saisir le
juge d'une demande d'homologation et que celle-ci n'a pas à émaner de
l'ensemble des parties à la transaction. De même, si le protocole transactionnel
devait stipuler pour autrui, nul doute que les personnes intéressées devraient
alors être mises en cause.
115. Plus largement, le juge peut demander à toute personne de produire des
observations susceptibles d'éclairer sa décision, et il dispose de tous les moyens
d'investigation mentionnés au titre II du livre VI du code de justice
administrative. Il peut ordonner aux parties à la transaction la production de tout
élément susceptible de compléter son information. Ces conditions sont
particulièrement fortes, puisque le juge est invité à refuser d'homologuer la
transaction, s'il ne dispose pas des éléments d'appréciation nécessaires pour
pouvoir apprécier sa régularité.
Index alphabétique
■Accident de la circulation 8
■Aide juridictionnelle 8
■Astreinte 74
■Autorisation à transiger 15
⚪
assemblée délibérante 22
■Autorisations de plaider 88
■Chose jugée 29, 38, 66, 69, 74, 89, 91, 96, 103, 105, 119 s.
■Clause compromissoire 34
■Code civil
⚪
art. 2044 2, 10 s., 23
⚪
art. 2045 3, 5, 15 s.
⚪
art. 2047 74
⚪
art. 2051 73
⚪
art. 2052 29, 66, 69, 98
⚪
art. 2053 49 s.
⚪
art. 389 s. 27
⚪
art. 488 s. 27
⚪
art. 6 31
■Compétence juridictionnelle 76 s.
■Contradiction 112 s.
■Contrat d’assurance 43
■Contrôle entier
⚪
montant de la transaction 63
■Contrôle de légalité 22, 109, 114
■Contrôle restreint
⚪
décision de recourir à la transaction 63
■Convention transactionnelle 15 s., 22, 30, 41, 44, 59, 67, 72, 74, 85, 96, 103
■Décision illégale 35
■Délégation expresse 20
■Délégué du personnel 40
■Dépenses utiles 55 s.
■Dol 51
■Domaine public
⚪
aliénation 32
⚪
délimitation 32
■Droits immobiliers 75
■Effet extinctif 13
■Effet récognitif 75
■État 21, 24
■Homologation 90 s.
⚪
directe 98 s.
⚪
juridictionnelle 90 s.
■Indemnité transactionnelle 56
■Instruction 111 s.
⚪
contradictoire 112
■Intérêts moratoires 39
■Intervention(du juge) 82 s.
■Liberté contractuelle 42
■Mandataire 25 s.
■Non-lieu 67 s., 94
■Pouvoirs de police 32
■Préfets 20
■Procédure irrégulière 49
■Protocole transactionnel 30, 51, 53, 61, 70 s., 76, 98, 102, 103, 106, 113
■Question préjudicielle 79
■Rescision 120
■Responsabilité contractuelle 74
■Responsabilité médicale 9
■Société 25, 61
■Transaction partielle 72
■Travaux publics 78 s.
V. Dommage de travaux publics
■Vice de consentement 28
■Vice de nullité 27
■Violence 51
■Voies d’exécution forcée 74, 106, 119