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[1698-1701?]
Arnaud Pelletier
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ISBN 9782130577188
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https://www.cairn.info/revue-dix-septieme-siecle-2010-2-page-267.htm
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Le manuscrit qui porte le titre, de la main de Leibniz, Von der wahren Theologia Mystica
(Sur la vraie théologie mystique) est un unique folio recto verso conservé à la Bibliothèque
Gottfried-Wilhelm-Leibniz – Bibliothèque régionale de Basse-Saxe sous la cote lh I, 5, f.1.
En attendant sa publication critique définitive dans l’Édition de référence des Académies des
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Sciences de Berlin et de Göttingen (A), nous disposons de trois éditions aux corrections suc-
cessives : la première édition de Guhrauer, nettement défectueuse, fut partiellement corrigée
par Grua, et entièrement corrigée par Vonessen, pour ce qui concerne le dernier état du texte,
et en dehors des différentes strates raturées1.
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1. Cf. Leibniz, Deutsche Schriften (éd. Guhrauer), 1838 (Hildesheim, Olms, 1966), I, p. 410-
413 ; Leibniz, Textes inédits (éd. Grua), 1948 (Paris, puf, 1998), p. 146-147 ; Franz Vonessen,
« Gottfried Wilhelm Leibniz, Zwei kleine philosophische Schriften » in: Reim und Zahl bei Leibniz,
Sonderheft de la revue Antaios, Stuttgart, Ernst Klett Verlag, Bd. 8, 2, 1966, p. 128-133.
2. Susanne Edel, Die individuelle Substanz bei Böhme und Leibniz. Die kabbala als tertium compa-
rationis für eine rezeptionsgeschichtliche Untersuchung, in: Studia leibnitiana, Sonderheft 23, Stuttgart,
Franz Steiner, 1995, p. 120-123.
3. Andreas Morell à Leibniz du 16 janvier 1700, A I, 18, 271. Le texte mentionné est le sui-
vant : John Pordage, Theologia mystica oder geheime und verborgene göttlich Lehre von den ewigen
Unsichtbarlichkeiten, Amsterdam, 1698.
4. Une traduction partielle du texte se trouve dans : Jean Baruzi, Leibniz, Paris, Librairie Bloud,
1909, p. 375-377.
XVIIe siècle, n° 247, 62e année, n° 2-2010
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même sont-elles connues par elles-mêmes en premier, et les autres par leur moyen.
Dieu est ce qu’il y a de plus facile et de plus difficile à connaître : de premier et de
plus facile sur la voie de la lumière ; de dernier et de plus difficile sur la voie de l’obs-
curité [car Dieu est alors caché et éclaire le moins].
La plus grande partie de notre savoir et de nos manières de faire sont dans l’obscu-
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rité : ainsi l’histoire, les langues, les usages des hommes et les usages de la nature.
Il y a bien quelque lumière dans cette obscurité, mais peu savent y prendre part.
Tout comme les témoignages sur les usages des hommes dans l’antiquité romaine
peuvent être utiles chez nous, mais n’aident en rien le colon en terre barbare5, de
même, la science des usages de la nature n’est utile que pour cette vie en ce monde-ci,
mais elle ne peut rendre l’âme plus parfaite ni lui venir en aide si elle a écarté Dieu
de ce monde.
En attendant, ces témoignages ont leur utilité et leur intérêt, non seulement pour
suppléer aux besoins de la vie et de la société, mais aussi comme moyens pour avancer
sans entrave sur la voie de la lumière.
Il ne faut ainsi employer les divertissements des sens et la contemplation des ombres
que comme des moyens ou des expédients, mais il ne faut pas s’en contenter6.
L’un peut bien être savant sans pourtant être éclairé s’il ne croit pas Dieu, ou la
lumière, et s’il croit seulement son maître d’ici-bas, ou encore ses sens externes, et s’il
en reste ainsi à la contemplation de ce qui est imparfait.
Cette lumière ne vient pas du dehors même si ce que nous recevons du dehors
peut et même doit parfois nous donner l’occasion de l’apercevoir.
Parmi tous les maîtres extérieurs, deux ravivent au mieux la lumière intérieure : le
livre des Écritures Saintes et l’expérience de la nature. Mais les deux ne mènent à rien
sans le concours de la lumière intérieure.
La lumière essentielle est la parole éternelle de Dieu qui contient toute sagesse,
toute lumière, et en fait le modèle de tout être et la source de toute vérité. Sans les
rayons de cette lumière, la foi ne peut être juste, et sans une foi juste personne n’est
bienheureux7.
5. Suit le passage non complètement lisible : « bien que la science des usages de la nature, comme
des pouvoirs des plantes [….] ».
6. Tout ce passage depuis « C’est par elle seulement que l’on parvient à contempler … » est un ajout
de Leibniz.
7. Leibniz a supprimé ici : | Beaucoup parlent de cette lumière, mais peu en ont une connaissance
distincte. Veux-tu savoir jusqu’où va untel, alors regarde ce qui l’amuse. Qu’il retire une autre volupté
de cette contemplation, et il n’en a pas encore goûté la saveur |.
Leibniz, Sur la vraie théologie mystique 269
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saints doivent aussi avoir du non-être8.
La juste connaissance de soi consiste à bien distinguer notre être propre de notre
non-être.
[1vº] Il y a au fond de notre être propre une infinité, une empreinte et une image
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8. Leibniz a supprimé ici : | C’est déjà assez s’ils connaissent leur être propre et s’élancent au-dessus
du non-être. Le non-être n’est pas un péché, mais une origine des péchés |.
9. Allusion à la formule de Paul, « Dieu opère tout en tous » (première épître aux Corinthiens 12, 6).
10. Leibniz a supprimé ici : | Les substances corporelles appartiennent à l’œuvre de Dieu, les subs-
tances spirituelles au royaume de Dieu |.
11. Leibniz a supprimé ici : | Les corps en eux-mêmes ne sont pas des substances mais des ombres
qui passent |.
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Dieu veut le meilleur et le salut pour toute créature, et ce n’est pas par volonté aveu-
gle qu’il en choisit une plutôt que l’autre, ni en raison du mérite ou de la dignité, autre-
ment dit il ne choisit ni approximativement ni les meilleures (car c’est par lui seulement
qu’elles le deviennent), mais celles dont le choix permet le meilleur dans l’ensemble.
Car une chose infime ajoutée à une autre chose infime permet souvent de parvenir
à quelque chose de meilleur que la combinaison de deux autres qui sont en elles-
mêmes supérieures à chacune des deux premières. C’est en cela que consiste le secret
de la miséricorde et la solution de sa difficulté (deux choses irrégulières forment
parfois quelque chose de plus régulier que deux choses régulières).
La négation de soi est la haine du non-être en nous, et l’amour pour la source de
notre être propre, qui est Dieu.
C’est en cela que consiste crucifier le vieil Adam et revêtir le Christ, mourir à
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Adam et vivre au Christ : renoncer au non-être et s’attacher à l’être propre12.
Celui qui sait préférer la lumière essentielle aux images sensibles, ou l’être propre
au non-être, aime Dieu par-dessus tout.
Celui qui craint seulement Dieu s’aime soi-même et son non-être plus que Dieu.
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La foi sans connaissance ne vient pas de l’esprit de Dieu, mais n’est que lettres
mortes ou qu’une cymbale qui résonne.
La foi sans lumière ne produit aucun amour, mais seulement la crainte ou l’espé-
rance, et n’est pas vivante.
Qui n’agit pas selon la foi ne croit pas, quoiqu’il s’en vante.
Il est à regretter que si peu d’hommes savent ce que sont la lumière et la foi,
l’amour et la vie, le Christ et la Béatitude.
L’enseignement du Christ est Esprit et Vérité, mais beaucoup en font chair et
ombre.
Il n’y a rien de sérieux chez la plupart des hommes, ils n’ont pas goûté la vérité, et
s’enfoncent en secret dans un manque de foi.
Que chacun examine s’il a la foi et la vie13. S’il trouve une joie ou un plaisir
plus grand que dans l’amour de Dieu et dans l’accomplissement de sa volonté, alors
il ne connaît pas suffisamment le Christ et ne ressent pas encore la direction du
Saint Esprit.
L’Écriture donne un beau moyen de savoir si l’homme aime Dieu, à savoir quand
il aime son frère, et quand il s’efforce d’aider et de servir les autres autant qu’il est
possible. Celui qui ne le fait pas se vante faussement d’une inspiration, du Christ ou
de son esprit.
12. Allusions aux formules pauliniennes sur « le vieil homme » (cf. épîtres aux Romains, 5, 12 ; aux
Colossiens 3, 9-10 ; deuxième épître aux Corinthiens, 4-5).
13. Leibniz a supprimé ici la correction de « examine » par | s’il veut savoir s’il est sur le bon
chemin |.