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L’Europe, ses voisinages et la question des élargissements à venir : Union

pour la Méditerranée versus partenariat stratégique avec l’Est - position


française et allemande

Introduction
Quelles sont les discussions qui divisent l’Union Européenne ? De nos jours on peut dire
la thématique suscitant le plus de divisions est vraiment la crise de réfugié ou la crise
d’euro. Sans minimiser ces problèmes il faut penser à un problématique qui divise les
gouvernements depuis longtemps qui également reflet que la coordination entre les pays
de l’Union n’était jamais facile, à l’époque et aujourd’hui : les politiques d’élargissement et
de voisinage européen. Influencé par les deux grands pays au milieu de l’UE, que sont
l’Allemagne et la France, ce sont notamment ces deux pays qui ne peuvent pas arriver à
trouver un dénominateur commun en cette matière. Chacun cherche de modeler des
relations avec les pays de voisinage de l’Union d’une manière qui correspond à ses
propres intérêts. Bien évidemment, la France et l’Allemagne ont toujours suit les mêmes
buts comme la stabilité politique dans le voisinage immédiat, soit dans l’Est, soit dans la
Méditerranée ; pourtant, il y a des divergences profondes et des conflits de priorités qui
sont d’une nature géopolitique et historique.1

En premier lieu, il convient d’analyser les contextes et les visions différents des deux pays
sur le projet d’élargissement ce qui nous donnent un premier compréhension d’où
viennent les difficultés à faire converger leurs intérêts. Ensuite, il faut se faire une idée
d’ensemble des projets concrets concernant le partenariat, notamment le processus de
Barcelone et la PEV avec ses sous-organismes. Finalement, je vous présente un bilan sur
la collaboration franco-allemande et si elle a réussi ou pas.

Les visions différentes


Une explication pour les profondes divergences entre la France et l’Allemagne serait que
les deux pays ont des idées différentes du projet de l’Union Européenne. Pour la France,
le but de l’UE est assez clair : « L’Union est un espace limité à façonner politiquement au
sein duquel elle joue un rôle clé. » Le problème qui demeure jusqu’à aujourd’hui : l’Europe


1 Martin Koopmann (2012), Les relations franco-allemandes dans une Europe unifiée, pp. 63-64

1
n’a pas de frontière claire à l’Est. Dans le sud il y’a la Méditerranée qui est acceptée
généralement comme frontière au sud. Depuis des décennies la France préfère se tourner
vers le Sud et pas ver l’Est. Ce s’explique non seulement par sa position géographique
mais aussi par sa structure de population : la France accueille la plus grand communauté
musulmane et en même temps la plus grande communauté juive en Europe. La
proximité géographique et donc politique au Maghreb et le Moyen-Orient apparaît
évident. Pour cela, dans les années 1980 la France accepte l’élargissement méditerranéen :
la Grèce en 1981 et les ex-dictatures militaires l’Espagne et le Portugal en 1986. Cet
élargissement convenait les Français comme elle restait au centre politique et surtout
géographique de l’Europe. Après la Chute du mur de Berlin en 1989 la perspective de
l’élargissement à l’Est a entraîné un raidissement des politiciens et surtout de l’opinion
publique française. Dans la même année François Mitterand propose la création d’une
« confédération européenne » avec les pays de l’Est. Cette proposition visait à servir
comme substitut pour l’entrée dans la Communauté. Mitterand craignait qu’un
renforcement de la politique orientale et à l’Est de l’UE ne s’opère au détriment des pays
méditerranés et donc du pouvoir de la France. A l’époque cette idée n’a pas réussi en
raison des pressions allemandes ; mêmes les pays de l’Est étaient contre ce concept parce
qu’ils craignaient que ceci retarde leur intégration à la CEE. Comme déjà dit, la France a
conçu sa politique européenne comme un multiplicateur d’influence, comme « un vecteur
de puissance » ; la France veut jouer un rôle clé à tout prix. Dans les mots de Lefebvre et
Oppeln : « L’élargissement signifiait une perte relative de pouvoir de la France dans les
institutions européennes ». La France retient une position sceptique jusqu’à
aujourd’hui bien que le premier grand élargissement à l’Est en 2004 l’a obligé à devenir
plus pragmatique.2
Par contraste avec la France, depuis l’unification, l’Allemagne a la tendance à saluer
l’élargissement, notamment vers l’Est. L’élargissement signifie « un pas vers l’achèvement
du projet européen ». Pour cette raison les gouvernements allemands successifs plaident
tous en faveur de l’ouverture à l’Est pendant que la politique française maintient une
position plus réservée. Dans les années 1970 – 2000 l’Allemagne a agi vraiment comme le
moteur dans l’élargissement européenne. Comme le pays était (et bien sûr encore est) une
nation exportatrice, il avait un intérêt économique à l’extension du marché commun et à
la consolidation du projet de l’Union qui devait consister principalement d’une
communauté économique. Après la Chute du Mur l’élargissement a été reçu comme la


2 Cécile Calla, Claire Demesay (2013), Que reste-t-il du couple franco-allemand?, pp. 105-106

2
fin de la division Est-Ouest et l’Allemagne. En plus, on cherchait l’unification de
l’Europe après les Soviets et assurer la stabilité politique et économique aux frontières
orientales.3 On peut même poser la question si l’Allemagne voulait aussi mettre fin à sa
position à la périphérie de la Communauté ou elle se trouve directement confrontée aux
risques d’instabilités politiques et économiques de son voisinage.4

Les projets des partenariats


Simultanément à la discussion de l’élargissement, l’Union Européenne a lancé plusieurs
projets visant un rapprochement au voisinage au lieu d’une adhésion. Le premier projet
principal est né en 1995 : le processus de Barcelone ou le Partenariat Euromed. A
l’initiative de l’Union et de dix autres états méditerranéens (l’Algérie, l’Autorité
palestinienne, l’Égypte, l’Israël, la Jordanie, le Liban, le Maroc, la Syrie, la Tunisie et la
Turquie), ce processus vise à fournier un cadre aux relations bilatérales et régionales entre
ces pays. L’objectif est la création d’un espace de paix, de sécurité et de prospérité
partagée dans la région méditerranéenne. Euromed suit trois grands domaines d’activité :
un dialogue sur les questions politiques et de sécurité, un partenariat économique et
financier (le but était même l’instauration d’un marché de libre-échange en 2010) et un
partenariat dans le domaine social, culturel et humain.5

Le processus a jeté les bases de ce qui suit après, notamment la Politique Européenne de
Voisinage (PEV). Lancé en 2004 par la suite de l’élargissement du 1er mai 2004, la PEV a
pour finalité de consolider les relations entre l’UE et ses voisins. Le projet concerne 16
pays voisins non concernés par les procédures d’adhésion : Arménie, Azerbaïdjan,
Biélorussie, Géorgie, Moldavie et Ukraine à l’Est et les 10 pays du Euromed. On voulait
créer un « cercle des amis » sans nécessairement envisager leur adhésion.6 Il serait justifié
de demander quelle est la valeur ajoutée de la politique de voisinage par rapport aux
relations et partenariats qui existent déjà, spécialement le processus de Barcelone.
L’explication officielle dit que la PEV vise à compléter pour développer au mieux les
relations avec le voisinage immédiat ; dans le document d’orientation sur la PEV, issue
par la Commission des Communautés Européennes, on lit : « La PEV sera mise en

3 Cécile Calla, Claire Demesay (2013), Que reste-t-il du couple franco-allemand?, pp. 106-108
4 Joachim Schild (2011), 20 ans après : la France et l’Allemagne dans la nouvelle Europe, Regards sur l'économie allemande

5European External Action Service, Le processus de Barcelone en ligne sur http://eeas.europa.eu/euromed/barcelona_fr.htm


6Commission Européenne, Programme de travail de la Commission européenne, pour le dixième anniversaire du partenariat euro-méditerranéen, 12
avril 2005

3
œuvre dans le cadre du processus de Barcelone et des accords d’associations conclu avec
chaque pays partenaire ».7
La PEV demeure comme le Processus une politique aux objectifs mal définis qui nourrit
les divergences d’intérêts, notamment entre la France et l’Allemagne. L’Allemagne voulait
utiliser la PEV pour renforcer les relations avec les voisins de l’Union plus qu’avec les
voisins non-européens. C’est pourquoi elle propose un partenariat de modernisation à
l’Europe de l’Est et au Caucase du Sud dans le cadre de la politique de voisinage, qui
finalement est vraiment réalisé sous forme du Partenariat Orientale. De l’autre côté, la
France cherche traditionnellement la préservation de la dimension régionale
méditerranéenne au sein de la PEV qui abouti dans la création de l’Union pour la
Méditerranée (UPM).8 La segmentation de la PEV en plusieurs instruments de politique
régionale (Partenariat Orientale vs. UPM) est une bonne illustration et la conséquence
des faiblesses intrinsèques de la démarche initiales qui manque beaucoup de coordination
stratégique entre la France et l’Allemagne.9

De la PEV sont nés plusieurs instruments complémentaires. Il vaut regarder avant tous le
« partenariat oriental » et l’UPM.
Comme l’Allemagne forcement cherchait à renforcer des relations à l’Est, elle proposa un
partenariat de modernisation. En 2006, le ministre des Affaires étrangères en Allemagne,
Frank-Walter Steinmeier, parle même d’un « nouvelle Ostpolitik ». En 2009, cette
proposition a été mise en œuvre par le « partenariat oriental ». Inauguré au Sommet de
Prague il vise à rapprocher l’UE de six pays : l’Arménie, l’Azerbaïdjan, la Géorgie, la
Moldavie, l’Ukraine et la Biélorussie. C’est une expression de la dimension orientale de la
PEV pour soutenir les efforts de ces pays dans les réformes politiques, économiques et
aussi sociales visant à renforcer la démocratisation et la bonne gouvernance. Quelques
pays qui s’engagent fortement en coopération avec l’Union ont même l’opportunité de
négocier avec l’UE un accord d’association (pas d’adhésion !), c’est-à-dire une zone de
libre-échange « approfondi et complet ».10
L’instrument le plus important qui vient de la PEV est l’Union pour la Méditerranée. Ce
projet faisait partie de la campagne présidentielle de Nicholas Sarkozy en 2007, et a été
mis en œuvre en 2008, adressant directement à l’opinion française contre la ligne


7 Commission, Politique européenne de voisinage : Document d’orientation, pp. 6-7
8 Cécile Calla, Claire Demesay (2013), Que reste-t-il du couple franco-allemand?, p. 108
9 Martin Koopmann (2012), Les relations franco-allemandes dans une Europe unifiée, pp. 66
10 Parlement européen, Fiches techniques sur l’Union européenne, : les relations extérieurs de l’Union, en ligne sur

http://www.europarl.europa.eu/aboutparliament/fr/displayFtu.html?ftuId=FTU_6.5.5.html

4
allemande et aux électeurs d’origine maghrébine. De toute évidence, l’UPM est née dans
un contexte dominé par des considérations de politique intérieure. Cette Union consiste
des états membres de l’UE, les états de l’Euromed, et ajoute le Monténégro, l’Albanie et
la Bosnie-Herzégovine. En s’appuyant sur des financements européens, le projet visait à
restaurer la Méditerranée comme espace de coopération, tout en ignorant les politiques
de coopérations européennes déjà existantes comme la PEV et le processus de
Barcelone. En plus, Sarkozy cherche également à retirer à l’UE la prérogative d’organiser
l’espace politique méditerranéen. Selon lui, celui-ci doit être organisé en concertation
avec seulement (!) les pays riverains de la Méditerranée – donc la France. L’objectif est clair :
Sarkozy voulait orienter la politique Méditerranée en fonction de ses propres intérêts
politiques pour la France.
Sans surprise, l’Allemagne n’était pas trop enthousiaste. Dès le début elle refuse que le
projet soit limité aux pays riverains. L’argumentation d’Angela Merkel à l’époque était
d’un part économique et d’autre part politique : recourir aux financements européens ne
pourrait pas réussir si le projet était détaché de l’UE comme l’UPM cherche un
partenariat entre le voisinage méditerranéen et les pays riverains de l’UE ; en plus
certaines thématiques, par exemple la politique migratoire, concernent tous les États
membres de l’UE et pas uniquement les pays prévus pour le projet. De l’autre part, elle
argumentait que l’Union Européenne est elle-même une union d’États et on ne pourrait
pas la mettre en concurrence avec une nouvelle organisation ayant une vocation
similaire.11
A la fin on est arrivée à un compromis en trouvant un mi-chemin : le projet s’inscrit dans
le processus de Barcelone et de la PEV qui inclurent tous les membres de l’Union
Européenne. Appelée officiellement « Processus de Barcelone : Union pour la
Méditerranée », elle met l’accent sur quelques aspects particuliers de la Méditerranée, i.e.
la dépollution maritime, un plan solaire méditerranéen, les autoroutes, la protection
civile, l’Université euro-méditerranéenne et l’initiative méditerranéenne de
développement des entreprises. Elle ne doit pas dépasser le cadre politique, financier et
institutionnel des politiques antérieurs, alors ce que la chancelière allemande voulait.
Comme l’UPM était inscrit dans le processus de Barcelone, ses objectifs et les domaines
de coopération que le processus prévoit restent en fonction.12



11 Cécile Calla, Claire Demesay (2013), Que reste-t-il du couple franco-allemand?, p. 109
12 Commission des Communautés Européennes, Le processus de Barcelone : Union pour la Méditerranée

5
Un bilan sur la coopération franco-allemande
Les actions franco-allemandes n’ont pas vraiment généré des réelles avancées dans la
politique d’élargissement ou de voisinage de l’UE. Au contraire, on peut même dire que
leurs politiques ont été largement envisagées sous l’angle de seuls intérêts nationaux. Par
exemple, le lancement de l’Union pour la Méditerranée apparaît comme une revanche
aux aspirations d’Allemagne de chercher des relations avec l’Est. Ni la France ni
l’Allemagne sont arrivé à harmoniser leurs positions. L’une comme l’autre donne
toujours la primauté à des considérations nationales. Dans les mots de Martin
Koopmann : « la coopération franco-allemande s’est en quelque sorte réduite à un
exercice d’apaisement des conflits bilatéraux a posteriori, réduisant quasiment à néant les
chances de reprise du travail de coopération entre les deux pays. »13
Ce problématique présenté montre comme le couple franco-allemand n’est pas toujours
le moteur d’Europe. Ils restent des craintes françaises vers la puissance politique et
économique l’Allemagne qui posent un vrai obstacle pour une coopération qui aussi
porte ses fruits. En plus, les différences économiques peuvent aussi expliquer pourquoi
l’Allemagne s’intéresse au marché de l’Est. En ce sens, une collaboration vers un but
commun n’est pas possible d’une perspective rational ; chacun va suivre ce qui lui
convient mieux.


13 Martin Koopmann (2012), Les relations franco-allemandes dans une Europe unifiée, p. 77

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