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Collection des Études Augustiniennes
Série Antiquité - 150
Goulven MADEC
INTRODUCTION
AUX « RÉVISIONS »
ET À LA LECTURE DES ŒUVRES
DE SAINT AUGUSTIN
Goulven MADEC
INTRODUCTION
AUX « RÉVISIONS »
ET À LA LECTURE DES ŒUVRES
DE SAINT AUGUSTIN
ISBN: 2-85121-162-5
ISSN: 1158-7032
Avant-propos
4. Amerbach avait édité les Retractationes, au tome VIII, selon l'ordre chronologique,
à la suite du De correptione et gratia. «Mais le premier et le seul librarius du moyen âge,
qui ait réuni en un Corpus presque complet toutes les œuvres d'Augustin, avait été plus
avisé : il a eu soin de la faire transcrire en tête de la série de ses douze volumes qui
faisaient au XIIIe siècle un des ornements de la Bibliothèque de Clairvaux ; ce devait être
un homme intelligent et judicieux», selon J. De Ghellinck, «Préambule à l'édition», p.
342.
N.B. : les contributions des auteurs signalées en abrégé dans les notes font l'objet de
notices complètes dans la Bibliographie, à la fin de cet ouvrage.
5. Ceux-ci justifiaient cette disposition en ces termes : «Et quidem opportune in hoc
tomo disposita sunt ea, quae Augustinus juvenis ac nondum presbyter scripsit ; ita tamem
ut primum locum obtinerent libri Retractationum, quos editit senes, quasi praeviam
introductionem ad alios libros. Retractationes porro Confessionum libri, quos episcopus
vulgavit, non immerito consequuntur : quia sicut in scnptis suis si quid obscurum, si quid
dubium, si quid veritati non satis consonum irrepserat, retractando explanavit, enodavit,
emendavitque ; ita in Confessionum libris si quid in moribus ac vita sua a verae quam
tradit pietatis tramite aberraverat, piaculari confessione expiavit. Sicque in libris
Retractationum sincerum ac minime fucatum veritatis amorem cum singulari modestia
inspirat, in Confessionibus veram pietatem et disciplinant : qui bus dotibus instructum esse
oportet eum, qui ejus doctnnam contendit ex animo» (PL 32, 579-580).
6. Voir la Bibliographie à la fin de l'ouvrage.
7. Particulièrement l'article de J. De Ghellinck, et l'introduction de G. Bardy dans la
«Bibliothèque Augustinienne», vol. 12, et l'édition critique d'A. Mutzenbecher, CCL
LVII. La thèse complémentaire d'A. Mandouze, Retractatio retractationum, est
malheureusement restée à l'état de dactylographie.
LES «RETRACTATIONES*
Une œuvre unique en son genre
Pour peu que l'on aime les livres, on ne peut lire sans émotion ce
qu'écrivait Possidius à la fin de la Vita Augustini :
«Il ne fit pas de testament, parce qu'en pauvre de Dieu1 il n'avait pas de
quoi en faire. Il avait toujours ordonné que soit soigneusement gardée
pour la postérité la bibliothèque de l'Église avec tous ses livres... Il laissa
à l'Église un clergé très suffisant et des monastères d'hommes et de
femmes pleins d'ascètes avec leurs supérieurs, ainsi que des bibliothèques
fournies de livres et de sermons, les siens et ceux d'autres saints ; ces
œuvres permettent de savoir quelle fut, par le don de Dieu, sa grandeur
dans l'Église et les fidèles l'y retrouvent toujours vivant, conformément à
ces vers d'un poète païen qui, ordonnant aux siens de lui dresser à sa mort
un tombeau le long de la voie publique, fit inscrire sur la plaque :
"Passant, tu veux savoir si le poète vit après sa mort ?
Ce que tu lis, c'est moi qui le dis ; oui, ta voix est la mienne".
Et de fait ses écrits manifestent qu'il fut un évêque agréé et aimé de
Dieu, autant qu'il nous est donné de le voir à la lumière de la Vérité, un
homme qui vécut droitement et pleinement dans la foi, l'espérance et la
charité de l'Église catholique ; en témoignent ceux qui tirent profit de la
lecture de ses écrits théologiques. Mais je crois que ceux qui ont le plus
profité sont ceux qui ont pu le voir présent dans l'église et l'écouter parler
et surtout ceux qui ont connu sa conduite de vie parmi les hommes. Il
n'était pas, en effet seulement un scribe instruit du Royaume des cieux,
qui tire de son trésor du neuf et du vieux (cf. Mt. 13, 52), ni l'un de ces
marchands qui, ayant trouvé une perle préciseuse, vend ce qu'il possède
pour l'acheter (cf. Mt. 13, 45), mais aussi l'un de ceux à qui il est écrit :
"Parlez ainsi et agissez ainsi" (Je. 2, 12), et dont le Sauveur dit : "Celui qui
aura agi et enseigné ainsi, celui-là sera dit grand dans le Royaume des
1. «Pauper Dei» : la formule est augustinienne ; cf. Sermo 355, 3, à propos du prêtre
Januarius : «Nihil habebat ? Testamentum non faceret. Habebat aliquid ? Non se nostrum
socium quasi Dei pauperem fingeret».
10 UNE ŒUVRE UNIQUE
deux" (Mt. 5, 19)»2. Autrement dit, ses œuvres littéraires reflètent sa vie
de disciple du Christ.
Possidius avait appris d'Augustin que les livres sont un trésor d'une
tout autre espèce que l'argent ou les pierres précieuses ; qu'ils ne relèvent
pas du testament légal, parce que leur valeur est tout autre que mobilière
ou immobilière : ils assurent la survie de leur auteur, ils perpétuent le
dialogue ; mais il savait aussi qu'ils ne sont que le dépôt ou la trace d'une
pensée et d'une activité profondément vécues dans la communauté
ecclésiale.
Les Retractationes valent bien un testament. Elles donnent une vue
d'ensemble du monument littéraire qu'Augustin a légué à l'humanité.
Possidius écrivait encore : «Si nombreuses sont les œuvres qu'il a dictées
et publiées, si nombreux les exposés qu'il a faits, à l'église, et qui ont été
transcrits et corrigés, soit contre les hérétiques, soit en commentant les
livres canoniques pour l'édification des saints fils de l'Église, que c'est à
peine si un homme d'études parviendrait à les lire et à les connaître
tous»3. Et pourtant Augustin avait mené à bien la relecture de tous ses
livres ; il avait relu une grande partie de ses lettres ; il espérait revoir
ensuite les sermons qui avaient été enregistrés par des «notarii» et qui
étaient conservés dans la bibliothèque d'Hippone4 ; et il souhaitait qu'on
lût ses œuvres dans leur ordre chronologique, afin qu'on puisse observer
les progrès qu'il avait accomplis, car il se mettait au nombre de ceux qui
écrivent en progressant et qui progressent en écrivant5.
Selon Adolf von Harnack : «On apprécie généralement Augustin, parce
qu'il a créé, avec les Confessiones, quelque chose de nouveau et qu'il a
donné une langue à la vie intérieure ; mais les Retractationes ne
représentent-elles pas aussi quelque chose de nouveau dans l'histoire de la
littérature ? Et si Augustin, qui est peut-être le plus grand écrivain de
l'Antiquité après et auprès de Platon, a publié cet ouvrage dans sa nudité
et sa simplicité, ce fait ne cache-t-il pas aussi un problème ou plutôt un
événement autobiographique qui est digne de réflexion ? Alors peut-être
l'auteur des Retractationes nous apparaîtra-t-il encore plus digne
d'honneur que l'auteur des Confessiones»6.
7. J. De Ghellinck, p. 348. Les citations latines sont de Retr., Prol., 3 et de Conf. II,
3, 5 et X, 3, 3.
12 UNE ŒUVRE UNIQUE
de les solliciter et nous en venons à penser que ce livre aurait suffi, même
si tous les autres avaient disparu, à nous faire connaître l'âme de saint
Augustin»8.
Ces citations seront, je l'espère, une incitation à la lecture entière des
études admiratives et érudites que ces trois grands patrologues ont
consacré aux Révisions. Elles me dispensent aussi de poursuivre l'éloge
d'Augustin.
Comme les Confessions, les Révisions n'ont pas d'équivalent dans la
l'histoire de la littérature européenne9. Les deux œuvres relèvent
assurément de la personnalité profonde d'Augustin ; et ils la révèlent ;
l'une et l'autre sont issues d'une puissante impulsion intérieure, qui, selon
Harnack, anime tout génie, celle de se libérer de ses tensions internes par
leur présentation à l'extérieur et de se purifier par une confession
écrite10 ; l'une et l'autre contiennent des éléments d'autobiographie de
première importance ; et c'est grâce à elles que nous connaissons la vie
d'Augustin, d'une manière exceptionnelle pour un homme de l'Antiquité.
G. Bardy estimait que «Les Révisions sont les Confessions de la
vieillesse d'Augustin. Toute sa vie d'évêque tient ainsi entre ces deux
ouvrages : celui-ci joyeux, enthousiaste, cantique de l'action de grâces,
celui-là grave et tellement austère en apparence que la plupart des lecteurs
passent devant lui sans même soupçonner l'intérêt qu'il aurait pour
eux»11. Il ne faut pourtant pas prendre le rapprochement au pied de la
lettre ; ce serait augmenter le risque d'être déçu par «l'examen de
conscience du vieillard»12.
Ce sont, en effet, deux œuvres de formes aussi différentes que
possible : les Confessions sont une prière ou, comme le dit A. Trapè,
«una lunga lettera a Dio»13 ; les Révisions ont la simplicité, la netteté, la
sécheresse d'un catalogue bibliographique. Elles se composent d'une table
des matières : les capitula des deux livres, d'un prologue et d'une série de
notices littéraires : 26 dans le livre I, concernant les œuvres antérieures à
l'épiscopat, 67 dans le livre II, concernant les œuvres de l'épiscopat.
c'est tout à fait clair : «Je révisais mes ouvrages ; et tout ce qui m'y
choquais ou pouvait choquer autrui, je m'appliquais à préciser, tantôt en
le critiquant, tantôt en le défendant, comment on doit et peut le lire»19.
Augustin aurait progressivement pris conscience «que la tâche qu'il avait
entreprise ne pouvait, en toute justice pour lui-même et pour ses lecteurs,
être limitée à la correction des erreurs ; il devait aussi défendre ce qu'il
avait écrit contre les fausses interprétations et applications»20. Cette
opinion de J. Burnaby a été contredite par L. J. Van der Lof, qui s'est
appliqué à établir que le Prologue avait été «composé après coup» et qu'il
ne saurait donc «être question d'un changement d'intention chez
Augustin». «Dès le début, ajoute-t-il, on rencontre dans son autocritique
un élément apologétique»21. A vrai dire, on ne peut décider si le Prologue
est antérieur ou postérieur au corps de l'œuvre. On peut constater, en
revanche, que dès les premières notices, Augustin ne se contente pas de
corrections, mais s'occupe aussi de prévenir les contresens ou de solliciter
une interprétation bienveillante de telle ou telle formule. Le cas le plus
flagrant est assurément celui du De libero arbitrio22 : «cette notice, écrit
G. Bardy, ressemble bien à un plaidoyer. Si saint Augustin s'efforce de
trouver dans le De libero arbitrio quelques passages qui mettent en relief
la nécessité de la grâce, ne serait-ce pas parce qu'il n'a pas la conscience
tout à fait tranquille à cet égard et que les disciples de Pélage n'ont pas
absolument tort d'utiliser contre lui des expressions inadéquates ?»23.
C'est possible ; on comprend d'autant mieux, dans ce cas, qu'il ait tenu à
récuser une lecture pélagienne de cet ouvrage. Il est même possible que le
projet d'écrire les Retractationes soit lié à certaines contestations
concernant cet ouvrage24.
On ne niera donc pas qu'Augustin a donné à la révision de ses livres, ici
et là, l'allure d'une apologie. Après tout, un écrivain a bien le droit et
même le devoir d'indiquer en quel sens il veut que telle œuvre soit lue et
d'éviter les interprétations abusives. Les defensiones et reprehensiones
sont, du reste, très inégalement réparties entre les deux livres : d'après le
calcul de Harnack25, dans le livre I sont relevés 167 passages, en 26
œuvres, qui réclament correction ou explication ; dans le livre II, 52
19. Ep. 224 : «Retractabam opuscula mea ; et, si quid in eis me offenderet uel aliis
offendere posset, partim reprehendendo, partim defendendo, quod legi deberet et posset
operabar».
20. J. Burnaby, p. 87.
21. L. J. Van der Lof, p. 5-10.
22. Retr., I, 9.
23. G. Bardy, BA 6, 2e éd. p. 501.
24. Voir Ep. 143, citée plus loin.
25. A. Harnack, p. 1 102 ; calcul repris par J. De Ghellinck, p. 362.
UNE ŒUVRE UNIQUE 15
26. P. 8(1103).
27. P. 354.
28. Retr., Prol., 3.
29. G. Bardy, BA 12, p. 61.
Le projet et sa réalisation
Le temps était aussi venu pour lui de mettre à exécution le projet qu'il
avait conçu depuis longtemps de revoir l'ensemble de ses œuvres :
«réviser ses ouvrages, livres, lettres et sermons, avec la sévérité d'un juge
et biffer ce qui l'y choquait comme de la plume d'un correcteur»4. La
première allusion à ce projet se trouve dans une lettre au comte
Marcellinus, le président de la grande Conférence catholico-donatiste de
411, avec lequel Augustin s'était lié d'une grande amitié. Marcellinus
l'avait interrogé sur un passage du De libero arbitrio, concernant les
quatre hypothèses sur l'origine des âmes5. Augustin lui répondait :
«De tels problèmes ne me mettent guère en peine ; car, même si mon
avis ne peut être défendu par un raisonnement limpide, ce n'est que mon
avis, et non celui d'un auteur dont il est interdit de contester la pensée,
même lorsque, la comprenant mal, on pense quelque chose de contestable.
Pour ma part, je reconnais être de ceux qui s'efforcent d'écrire en
progressant et de progresser en écrivant. Si donc, par inadvertance ou
ignorance, j'ai avancé quelque chose qui soit critiqué ajuste titre, non
seulement par d'autres qui peuvent le voir, mais aussi par moi-même, —
car je dois bien le voir ensuite, si je progresse —, il ne faut ni s'en
étonner ni s'en affliger, mais plutôt me pardonner et me féliciter, non pas
de mon erreur, mais de ma critique. Car celui-là s'aime de façon trop
perverse, qui veut qu'autrui tombe aussi dans l'erreur, afin que sa propre
erreur reste cachée ! Combien meilleur et plus utile est-il que, là où il a
fait erreur, les autres ne le fassent pas de sorte que leur avertissement lui
fasse échapper à l'erreur ! Et s'il ne le veut pas, qu'il manque au moins de
compagnons dans l'erreur ! De fait, si Dieu m'accorde de faire ce que je
veux : recueillir et montrer dans un ouvrage consacré à cela tout ce qui
me déplaît à fort juste titre dans tous mes livres, on verra bien que je ne
fais pas cception de ma personne»6.
On doit d'abord retenir de cette lettre l'importante idée du progrès par
l'écriture, reprise à la fin du Prologue des Retractationes : «quomodo
scribendo profecerim»7. On peut aussi deviner qu'Augustin a proba
blement été accusé de «faire acception de sa propre personne»8 et que le
propos lui a été rapporté par Marcellinus. Il est certain en tout cas que
celui-ci faisait état d'une contestation d'idées d'Augustin touchant les effets
du péché originel9. Ne serait-ce pas la proche occasion du projet des
4. Retr., Prol., 1.
5. De lib. arb., III, 20, 56 ss.
6. Ep. 143, 2.
7. Retr. Prol. 3.
8. Cf. Act. apost., 10, 34.
9. Ep. 143, 5 et 7 : «Quae cum ita sint, hoc tamen quod in tertio libro de libero
arbitrio (III, 1 1, 34), cum de substantia rationali agerem, sic a me positum est ut dicerem :
LE PROJET ET SA REALISATION 19
"In corporibus autem inferioribus (anima) post peccatum ordinata regit corpus suum,
non omni modo pro arbitrio, sed sicut leges uniuersitatis sinunt", diligenter aduertant qui
putant me aliquid de anima humana uelut certum statuisse atque fixisse quod uel ex
parentibus per propaginem ueniat, uel in actibus uitae superioris atque caelestis peccauerit,
ut corruptibili carne mereretur includi ...Quaerant ergo alia quae recte reprehendant, non
solum in aliis festinantius editis, sed cliam in his ipsis libris meis de libero arbitrio. Neque
enim eos inuenturos nego unde mihi beneficium conferant ...»
10. A. Harnack, p. 2 (1097) : «Die frtihe Ankiindigung ist nicht nur an sich von
Wichtigkeit — man erkennt, daB es sich um eine Lenesaufgabe fur Augustin handelte —,
sondern auch, weil sie zeigt, daB nicht erst der Missbrauch, den die Pelagianer mit seinen
amteren Schriften getrieben haben, das Werk hervorgerufen hat».
11. A. Trapè, S. Agostino, p. 376.
12. Voir Ep. 139, à Marcellinus.
13. Voir De peccatorum mentis et remissione, I, 1, 1.
14. De 413 à 427.
15. Ep. 143, 4.
16. Ep. 169, 1.
17. BA 24, p. 44-45 ; p. 214-215.
20 LE PROJET ET SA RÉALISATION
adressée aux nôtres ; mais elle est comptée entre les livres, parce que les
deux autres en cette affaire sont des livres» (Retr. II, 25)35.
Il y a des livres-lettres recensés dans les Retractationes, qui se trouvent
dans des manuscrits de la correspondance : II, 20 : Ad inquisitiones
Ianuarii libri duo (= Ep. 54-55) ; II, 31 : Quaestiones expositae contra
paganos numéro sex (= Ep. 102) ; II, 36 : De gratia noui Testamenti ad
Honoratum liber unus (= Ep. 140) ; II, 41 : De uidendo Deo liber unus (=
Ep. 147) ; II, 45 : Ad Hieronymum presbyterum libri duo, unus de
origine animae et alius de sententia Iacobi (- Ep. 166-167) ; II, 48 : De
correctione donatistarum liber unus (= Ep. 185) ; II, 49 : De praesentia
Dei ad Dardanum liber unus (= Ep. 187)36. Mais il y a aussi des livres-
lettres qui ne figurent ni dans les Retractationes, ni dans les collections
manuscrites de lettres : le De bono uiduitatis liber unus, adressé à Juliana,
dont l'authenticité est attestée par YIndiculum de Possidius (X5, 47) ; le De
perfectione iustitiae hominis liber unus, adressé à deux évêques :
Eutropius et Paul, mentionné deux fois dans YIndiculum de Possidius
(VII, 4 ; X3, 21) ; YAd catholicos fratres liber unus, également enregistré
dans YIndiculum (VI, 20).
Il en est de même des livres-sermons : le Defide et symbolo reproduit
le discours théologique qu'Augustin prononça au concile d'Hippone en
393 ; il l'édita à la demande instante de plusieurs évêques ; et il figure
normalement dans les Retr. I, 17. Mais il est d'autres sermons dont
Augustin a fait des livres, comme en témoigne sa lettre au comte Darius :
«Misi et alios libros quos non petisti, ne hoc tantummodo facerem quod
petisti : Defide rerum quae non uidentur, De patientia, De continentia, De
prouidentia, et unum grandem : De fide et spe et caritate»37. Ils ne
figurent pas dans les Retractationes, de même que YAduersus iudaeos3* le
De utilitate ieiuniP9, le De disciplina christiana, le Sermo ad Caesariensis
ecclesiae plebem, le Sermo de symbolo ad catechumenos, le De excidio
urbis Romae.
Les Retractationes, telles que nous les lisons, ne présentent donc pas une
nomenclature parfaite des ouvrages d'Augustin ; ce n'était pas possible, du
fait même qu'Augustin hésitait parfois sur la catégorie dans laquelle il
35. De même, le livre III De peccatorum meritis : «in tertio libro quae est epistula, sed
in libris habita propter duos quibus eam connectandam putaui» (Retr. II, 33) ; et le livre II
De anima et eius origine : «Sed ad Petrum, quamuis habeat libri prolixitatem, tamen
epistula est, quam nolui a tribus ceteris separari» (Retr. II, 56).
36. Ajoutons le Commonitorium à Fortunatianus de Sicca (Retr., II, 41) = Ep. 148.
37. Ep. 231, 7. Le De continentia est mentionné par Possidius, Indiculum, X6, 202.
Le De prouidentia vient d'être découvert et édité par F. Dolbeau, RÉAug. 41 , 1995.
38. Voir Possidius, Indiculum, III, 4.
39. Voir Possidius, Indiculum, X6, 55.
24 LE PROJET ET SA RÉALISATION
devait ranger tel ou tel de ses écrits. On peut le regretter du point de vue
de l'histoire littéraire. Mais on peut aussi profiter de l'occasion pour
observer qu'Augustin, prêtre, puis évêque, avait, en écrivant, des
motivations et des préoccupations tout autres que littéraires, proprement
doctrinales et pastorales. Nous allons revenir sur ce point dans les pages
suivantes.
Pour être complet, il faut signaler encore que sont absents aussi des
Retractationes : les Quaestiones XVII in Matthaeum, probablement parce
qu'elles sont à considérer comme un appendice des Quaestiones
euangeliorum ; le De octo quaestionibus ex ueteri testamento, qui n'est
peut-être pas d'Augustin40, la règle monastique : le Praeceptum41, et
quelques petites pièces poétiques42.
1. Conf. IV, 2, 3.
2. Conf. IV, 13, 20.
3. Conf VI, 6, 9 ; Contra Utteras Petiliani, III, 25, 30. Voir G. Madec, «Bauto»,
Augustinus-Lexikon, I, 617-618. Le discours probatoire présenté à Symmaque (Conf.
V, 13, 23 : «dictione proposi ta») était peut-être déjà un panégyrique fictif ou une esquisse
de l'éloge de Valentinien.
28 OTIVM CHRISTIANAE VITAE
1. 1. A Cassiciacum, en 386-387
La conversion, entre autres bienfaits, libéra la vocation littéraire
d'Augustin. Dès l'automne 386, dans la villa de Cassiciacum, il organisait
avec son entourage des entretiens philosophiques. C'était, dans la bonne
tradition classique, l'activité normale de Yotium philosophandfi, Augustin
initiait à la philosophie ses jeunes disciples, Licentius et Trygetius, en leur
faisant lire YHortensius de Cicéron9 ; il voulait ensuite éprouver leurs
forces par un exercice pratique10 ... Ces conversations étaient enregistrées
par des notarii ; elles sont rapportées, — Augustin nous l'assure — dans
4- Voir BA 12, p. 275 ; 299 ; 353 ; 451. Je ferai désormais référence sous ce sigle aux
volumes parus dans la Bibliothèque Augustinienne.
5. H.-I. Marrou, Saint Augustin et la fin de la culture antique, Paris, Éd. de
Boccard, 1938, p. 337.
6. Retr., 1,1.
7. Ep. 31, 4 : «Sed qua ecclesiae cura tenear, ex hoc caritas uestra oportet adtendat
quod beatissimus pater Valerius ... nec presbyterum me esse suum passus est, nisi
maiorem mihi coepiscopatus sarcinam imponeret».
8. Contra academicos, 2, 2, 4.
9. Ibidem, 1, 1, 4.
10. Ibidem : «Volui tentare pro aetate quid possent».
OTIVM CHRISTIANAE VITAE 29
18. De ordine, II, 5, 16. Voir G. Madec, La Patrie et la Voie. Le Christ dans la vie et
la pensée de saint Augustin, Paris, 1989, p. 51-82 : «Premières pages sur le Christ».
19. Cf. C. acad., II, 3, 8, où Augustin dit à Romanianus : «Tamen si quid
superstitionis in animum reuolutum est, eiicietur profecto uel cum tibi aliquam inter nos
disputationem de religione misero».
20. Ep. 3, 1. Les Soliloquia se trouvent en BA 5.
21. Conf., IX, 4, 7.
22. Soliloquia, I, 2, 7.
23. Conf., VII, 1, 16.
24. De ordine, II, 5, 17.
25. Conf., IX, 4, 8-12.
26. Conf, IX, 5, 13.
27. Conf, VIII, 6, 14.
28. De ciu. Dei, X, 29, 2 ; cf. Conf, VIII, 2, 3. Voir P. Courcelle, Recherches sur
les Confessions de saint Augustin, Paris, 21968, p. 168-174 : «Simplicien et la
confrontation des Ennéades avec le Prologue johannique».
OTIVM CHRISTIANAE VITAE 31
"
OTIVM CHRISTIANAE VITAE 33
1. 3. A Rome, en 387-388
Après son baptême Augustin ne s'attarda guère à Milan. En automne
387, il était à Ostie : «près des bouches du Tibre ; à l'écart des agitations,
après les fatigues d'un long voyage, nous refaisions nos forces pour la
traversée». C'est là qu'il eut, en compagnie de sa mère, sa célèbre
expérience de contemplation. Quelques jours plus tard, Monique était
prise par la fièvre et mourait. Augustin retourna alors provisoirement à
Rome».
Un jeune homme de Thagaste, Evodius, s'était joint au groupe des amis
d'Augustin : il avait démissionné de la police impériale, s'était fait
baptiser et partageait désormais leur idéal de vie communautaire44. C'est
lui qui fut l'interlocuteur d'Augustin (ou son interlocuteur principal) dans
des entretiens sur la grandeur de l'âme et sur le libre arbitre : on le sait
grâce à la Lettre 162, dans laquelle Augustin écrit à Evodius, désormais
évêque d'Uzalis, qu'il trouverait les principes de solution de ses
difficultés sur l'âme dans ces Dialogues 45.
La personnalité de l'interlocuteur d'Augustin est diversement
appréciée. Selon H.-I. Marrou «l'Evodius du De quantitate animae n'a
d'autre caractéristique que d'être bête à plaisir et de tomber dans tous les
traquenards que lui tend Augustin. Comme le confident du détective dans
les romans policiers il n'est là que pour donner au maître l'occasion de
51. Ibidem : «Est enim religio uera qua se uni Deo anima, unde se peccato uelit
abruperat, reconciliatione religat ... Neque enim deerit nobis quaerentibus se qui desuper
est magister omnium».
52. Conf., V, 10, 18-19.
53. Voir De moribus, II, 20, 74 ; P. Courcelle, Recherches sur les Confessions de
saint Augustin, Paris, 21968, p. 179 et 228-229.
54. L'ouvrage n'a été achevé ou revu qu'après le retour en Afrique, puisqu'Augustin
fait état, en I, 1, 1, du De Gen. aduersus manichaeos, et, en II, 12, 26, très
probablement de sa récente halte à Carthage. Cf. G. Bardy, BA 12, p. 566.
55. Possidius, Vita, 3, p. 139.
36 OTIVM CHRISTIANAE VITAE
61. Voir H.-I. Marrou, Saint Augustin et la fin de la culture antique, p. 304-305 ; p.
486-488.
62. C. acad., II, 3, 8 : «cum tibi aliquam inter nos disputationem de religione
misera». Epistula 15, 1 : «Scripsi quiddam de catholica religione, quantum Dominus dare
dignatus est, quod tibi uolo ante aduentum meum mittere, si charta interim non desit».
63. F. Van der Meer, Saint Augustin pasteur d'âmes, Paris, 1955, 1, p. 32.
64. Voir G. Madec, «Le De ciuitate Dei comme De uera religione», Intériorité e
intenzionalità nel "De civitate Dei" di Sant'Agostino, Roma, 1991, p. 7-33.
Cura Ecclesiae
Travaux de la prêtrise
1. Retr., I, 14.
2. Voir PAC, p. 1139-1141.
3. Voir Sermo 355, 2 ; Possidius, Vita, 4.
4. Possidius, Vita, 7.
5. Voir De diuersis quaestionibus LXXXIII.
6. Ep. 21, 3 et 5.
40 TRAVAUX DE LA PRÊTRISE
7. O. Perler - J.-L. Maier, Les voyages de saint Augustin, Paris, 1969, p. 154.
8. P.-P. Verbraken, «Le sermon CCXIV de saint Augustin pour la tradition du
Symbole», Revue Bénédictine, 72, 1962, p. 7-21.
9. P.-P Verbraken, Etudes critiques sur les sermons authentiques de saint Augustin,
Steenbrugis, 1976, p. 105.
10. Mémoires, tome XIII, article LXI, p. 151 ; et note XIV, p. 966-967.
11. Possidius, Vita, 5, p. 143.
12. Cf. Ep. 41, 1.
13. Voir PAC, p. 105-127, et l'article d'A.-M. La Bonnardière dans Augustinus
Lexikon, I, 550-566.
14. P. Brown, La vie de saint Augustin, Paris, 1971, p. 165.
15. Et non «en décembre 393 ... le 3 décembre», comme l'écrit P. Brown, Ibid., p.
165.
16. Voir Retr., I, 17.
17. BA 9.
18. Voir BA 9, p. 14.
TRAVAUX DE LA PRÊTRISE 41
lecture en commun de YÉpitre aux Romains, des frères lui posèrent des
questions et voulurent que ses réponses soient enregistrées ; cela donna le
Commentaire de quelques propositions tirées de l'Épître de l'Apôtre aux
Romains (Retr., I, 23). De retour à Hippone il rédigea sur sa lancée
paulinienne un Commentaire de l'Épître aux Galates (Retr., I, 24) et
s'attaqua même à un commentaire en plusieurs livres de YEpitre aux
Romains, mais, «effrayé par la grandeur et la difficulté de la tâche», il
renonça bientôt pour se livrer à des travaux plus faciles (Retr., I, 25).
2. Écrits anti-manichéens
Il continua aussi et développa son action contre le manichéisme : il avait
encore des amis à convertir, tel Honoratus, pour qui il écrit le De utilitate
credendi (Retr., I, 14)24 mais il était désormais en fonction dans la
communauté catholique et le problème de la secte devenait pour lui
pastoral : les 28 et 29 août 392, il tenait une conférence publique et
contradictoire avec le prêtre manichéen d'Hippone, Fortunatus (Retr., I,
16); et il s'appliquait encore à combattre la propagande manichéenne, tant
sur le plan métaphysique : De duabus animabus (Retr., I, 15), que sur le
plan exégétique : Contra Adimantum (Retr., I, 22)25. Il acheva aussi,
comme il put, le De libero arbitrio : «iam etiam Hippone Regio presbyter
ordinatus, sicut tune potui, terminaui» (Retr., 1, 9, 1).
Chacun de ces ouvrages mérite quelque attention particulière, si l'on
veut saisir l'activité littéraire d'Augustin en sa diversité. Le De utilitate
credendi présente l'un des premiers récits de l'itinéraire spirituel
d'Augustin ; c'est que son dédicataire, Honoratus, est un ami de jeunesse,
qui a partagé ses exigences rationnelles, sinon rationalistes :
«intelligentissimi adulescentes et miri rationum exploratores» (§ 13) ; il
reste fidèle à la gnose manichéenne ; il est lettré, à preuve les multiples
mentions d'auteurs classiques qu'Augustin croit devoir faire ; il a gardé
aussi tout son esprit critique, à en juger par l'argumentation serrée et
nerveuse qu'Augustin lui propose. Le débat avec Fortunatus26 est d'une
tout autre facture : au témoignage de Possidius, Fortunatus avait aussi été
le compagnon d'Augustin dans la secte manichéenne autrefois à Carthage ;
mais il était maintenant prêtre manichéen à Hippone ; et il avait du succès,
si bien que des laïcs, catholiques et donatistes (!), demandèrent au jeune
prêtre Augustin de discuter avec lui en public27 ; le débat se tint aux bains
35. Rappelons ici le titre de l'ouvrage de Leibniz : Essais de théodicée sur la bonté de
Dieu, la liberté de l'homme et l'origine du mal.
36. Possidius, Vita, 7, p. 147.
37. Voir PAC, Maximinus, p. 728, et : Proculianus, p. 924-926.
38. BA 28.
39. BA 2.
TRAVAUX DE LA PRÊTRISE 45
2. A. Harnack, p. 8 (1 103) : «Es zeigt, daB Augustin selbst seit seiner Taufe und der
Rtlckehr aus Mailand — soweit reichen die Confessiones — seinen Werdegang als
abgeschlossen beurtheilt und in Bezug auf die folgende Zeit den eigentlichen Inhalt seines
Lebens in seiner schriftstellerischen Thatigkeit erkannt hat ... Von einer Entwicklung natte
er nichts mehr zu erzahlen, sondern nur von Fortschritten auf dem ein fiir aile Mal
gewonnenen Grunde, und Ailes, was er als katholischer Laie, Priester und Bischof
geleistet hat, stellte sich ihm in seiner schrifstellerischen Arbeit dar ... In der That — die
ganze Summe seiner Wirksamkeit liegt in seinen Werken vor. Sie waren seine Thaten».
3. B. Altaner, «In der Studierstube», p. 382, n. 11 : «A. Harnack ... irrt, wenn er
glaubt, Augustin habe die schriftstellerische Tàtigkeit als seine Hauptaufgabe angesehen».
4. Ep. 139, 3. «Inter arctissimas occupationes meas» (ep. 36, 1) ; «in mediis aceruis
occupationum mearum» (ep. 55, 1) ; c'est une sorte de refrain dans la correspondance
d'A. La charge épiscopale est une sarcina : un «barda». Cf. M. Jourjon, «Sarcina. Un
mot cher à l'évêque d'Hippone», Recherches de science religieuse, 43, 1955, 258-262.
TRAVAUX DE L'ÉPISCOPAT 49
lien d'amour nous identifie à eux, plus aussi redevient neuf à nos yeux ce
qui avait vieilli»5.
Mais la communauté d'Hippone a aussi, dans la vie quotidienne, bien des
misères et des besoins, qui provoquaient autant de «corvées» pour
Augustin : l'administration du patrimoine de l'Église, le soin des pauvres,
la fonction de négociateur et dejuge dans les affaires les plus diverses...
les jours et les semaines d'Augustin sont accaparés par ces besognes6.
Pendant trente ans ces tracas quotidiens ne lui laissèrent pas de répit, si ce
n'est lors de ses absences que les fidèles d'Hippone, du reste, supportaient
mal7.
Possidius fait état, trop vaguement à notre gré, de tournées pastorales
très fréquentes8. On connaît aussi quelques visites d'Augustin aux sièges
d'alentour9. Mais c'est surtout à Carthage que les assemblées conciliaires
l'appellent régulièrement, une vingtaine de fois en trente-cinq ans10 ; il y
prolonge ses séjours, parfois jusqu'à cinq ou six mois : il y prêche
souvent ; il y travaille beaucoup11 ; et il s'entretient naturellement avec
Aurelius. On aimerait connaître en détail leurs concertations ; à défaut, on
peut se fier à l'avis de Gustave Bardy : Aurelius «a une haute idée des
droits et des devoirs de sa charge et il ne laisse à personne le soin de le
remplacer. Mais, ami fidèle et dévoué d'Augustin, il a pleine conscience
du partage des rôles qui doit se faire entre eux : il laisse à son collègue les
initiatives intellectuelles, les livres à écrire, les lettres circulaires à
rédiger, les grands discours à prononcer, les discussions à soutenir ; il se
réserve les initiatives administratives, c'est-à-dire que, dans la plupart des
cas, il met en œuvre les idées que lui a suggérées l'évêque d'Hippone»12.
2. Sollicitations diverses
Il semble bien, en effet, qu'Augustin ait assumé la tâche du «théologien
de service» dans l'épiscopat africain. Partout où il passe ou séjourne, il est
appelé à prêcher13 ; et ses collègues ne se montrent pas disposés à lui
rendre la pareille14. Quand il devient évêque, il a déjà à son actif une
œuvre théologique considérable. Il a déjà bien engagé les controverses
doctrinales avec les manichéens et les donatistes ; ses collègues savent
qu'ils peuvent s'en remettre à lui ; et ils ne lui ont pas disputé ce rôle
doctrinal ... On le sollicite de tous côtés, sur les questions les plus
diverses ; il ne se dérobe pas au service de charité qu'il estime devoir,
non seulement à chacun, mais aussi à l'Église, notre mère15 : «Si notre
Seigneur m'ordonne d'aider, par l'action que je puis déployer grâce à sa
générosité, ceux qu'il a faits mes frères, je ne puis absolument pas me
récuser ; je dois bien plutôt entreprendre la tâche avec promptitude et
dévouement. Plus je désire, en effet, que soit largement distribué l'argent
du Seigneur, plus il me faut, si je sais que les intendants, mes compagnons
de service, éprouvent des difficultés dans la distribution, faire tout mon
possible pour qu'ils puissent réaliser avec facilité et aisance ce qu'ils
veulent avec ardeur et diligence»16.
Augustin en sera quitte pour se plaindre d'être parfois débordé et même
désemparé17 par les sollicitations qui surviennent de tous côtés, à
l'improviste, et qui ne souffrent pas de retard. Il s'en est expliqué dans
quelques lettres, qui présentent de précieux compléments aux
Retractationes ; et il faut les lire, pour saisir le véritable tiraillement qu'il
éprouve entre ses multiples occupations.
13. Retr., Prol. 2 : «tantumque mihi tributum est, ut, ubicumque me praesente loqui
opus esset ad populum, rarissime tacere atque alios audire permitterer». Cf. Possidius,
Vita, 9, p. 151 ; Sermo Denis, 17, 9 : «Frater meus tenuit me, iussit, rogauit, compulit ut
uerbum facerem uobis».
14. Sermo 94 : «Domini fratres et coepiscopi mei praesentia quidem sua nos uisitare et
exhilarare dignati sunt ; sed nescio quare nolunt me fessum adiuuare. Hoc ideo caritati
uestrae dixi, ipsis audientibus, utquodam modo audientia uestra intercedat pro me apud
illos, ut quando eos rogo faciant et ipsi sermonem : erogent quod acceperunt, operari
magis quam excusare dignentur». Cf. En. inps. 95, 1 ; 131, 1.
15. De cal. rudibus, 1,2: «Ego uero, non ea tantum quam familiariter tibi, sed etiam
quam matri Ecclesiae uniuersaliter debeo, caritate ac seruitute compellor ...» ; De Trin. III,
Prooem. : «Fratribus autem non ualeam resistere iure quo eis seruus factus sum,
Jlagitantibus ut eorum in Christo laudabilibus studiis lingua ac stilo meo, quas bigas in me
caritas agitat, maxime seruiam, egoque ipse multa quae nesciebam scribendo me didicisse
confitear».
16. Ibidem.
17. Cf. la fin du texte de YEp. 139, 3, cité ci-dessous : «et quid faciam prorsus
nescio».
TRAVAUX DE L'ÉPISCOPAT 51
ces ouvrages, si tu veux les avoir, envoie quelqu'un qui te copie le tout.
Mais permets-moi de vaquer à la recherche et à la dictée de travaux
auxquels, parce qu'ils sont indispensables au grand nombre, j'estime
devoir donner la priorité sur tes questions qui ne concernent qu'un tout
petit nombre»30.
On connaît aussi depuis peu une très intéressante lettre adressée à
Possidius31, en 419, où on lit notamment : «Je ne sais où tu nous as laissé
dans la dictée de nos ouvrages. Je rappelle donc tout ce que j'ai dicté
depuis que nous sommes revenus de Carthage. J'ai réécrit à Optat l'évêque
espagnol de nouveau sur la question de l'origine de l'âme32. J'ai réécrit à
Gaudentius, l'évêque des donatistes de Tamugadi qui avait prétendu
répondre à ce que je lui avais répondu auparavant33. J'ai dicté contre les
ariens34 pour répondre à ce que notre cher Denys m'avait envoyé du
Vicus Juliani ; ainsi que trois sermons qui sont à envoyer à Carthage.
Entre-temps, comme je me préparais déjà à retourner aux livres de La
Cité de Dieu, j'ai reçu à l'improviste une lettre de saint René qui
m'envoyait de Césarée deux livres de je ne sais quel Victor... J'ai écrit à
ce sujet un livre adressé à notre ami très cher et je veux écrire à Victor en
personne35, parce que c'est très opportun. Et, pour faire aussi ce qui reste
sur l'évangile de Jean, j'ai déjà commencé à dicter des sermons destinés au
peuple, pas très longs, qui sont à envoyer à Carthage à la condition que, si
notre primat veut que les autres lui soient envoyés, il le dise et qu'il ne
tarde pas à les publier lorsqu'il l'aura dit. J'en ai déjà dicté six ; car j'y ai
consacré particulièrement les nuits du samedi et du dimanche. Au total,
depuis que je suis arrivé, c'est-à-dire du 11 septembre au 1er décembre,
j'ai dicté environ six mille lignes»36.
On voit ainsi quelle importance Augustin donne à ses divers travaux
d'écriture ; ils sont tous d'ordre doctrinal, et non pas — faut-il le
rappeler ? — d'ordre purement littéraire. Mais ce sont les besoins de la
pastorale qui fixent les priorités.
points, peut-être plus obscurs, ont été omis, parce qu'ils étaient déjà
connus de celui qui m'interrogeait sur les points qu'il ne connaisait pas
encore et qui ne voulait pas que sa hâte soit retenue par des points qu'il
avait déjà acquis et solidement gravés dans sa mémoire pour les avoir
fréquemment entendu commenter. Il y a aussi bien des points qui ne sont
pas commentés dans l'ordre où ils sont racontés dans l'Évangile, parce
que, laissés de côté dans notre hâte, ils étaient repris, lorsqu'on en avait le
temps, et mis par écrit à la place qui restait vide à la suite des matières
déjà commentées. Je m'avisais ensuite que celui qui chercherait dans cet
ouvrage l'explication d'un passage de l'Évangile qui l'embarrasserait et
l'exciterait à la recherche, serait rebuté par le désagrément que
provoquerait ce désordre ; car j'avais appris que ces explications qui
avaient été dictées, comme on pouvait, en pièces détachées, avaient été
rassemblées et entrelacées en un seul corps. Et je fis en sorte qu'une liste
des titres flanquée de l'ordre des chiffres facilite à chacun la recherche de
ce dont il avait besoin»9. A la suite de ce prologue, l'ouvrage présente
donc une table des matières de quarante-sept questions sur l'évangile de
Matthieu et de cinquante-et-une sur l'évangile de Luc.
1. L'instruction chrétienne
Peu après son accession à la charge épiscopale, Augustin se mit à écrire
un traité de l'enseignement chrétien : De doctrina christiana (Retr., II,
4)10, un ouvrage d'herméneutique biblique et de rhétorique chrétienne,
qui lui avait probablement été commandé par Aurelius, primat de
Carthage, pour servir de manuel au jeune clergé, aux prêtres
nouvellement chargés de la prédication11. H.-I. Marrou y voyait, lui, «la
charte fondamentale de la culture chrétienne», le programme de «la
formation de l'intellectuel chrétien»12, et non pas uniquement de
1' «ecclésiastique». Le différend paraît devoir être résolu en distinguant
dans le traité d'herméneutique une «digression» portant sur «les principes
généraux d'une culture classique "baptisée"»13, et qui couvre la deuxième
partie du livre II (19, 29 - 42, 63). Augustin y esquisse, en effet, la
théorie des «sciences auxiliaires», pour ordonner leur ensemble à la
compréhension de l'Écriture sainte.
9. PL 35, 1321.
10. SA 11.
11. Cf. E. Hill, « De doctrina christiana : A Suggestion », Studia patristica, VI,
1962, p. 443-446.
12. H.-I. Marrou, Saint Augustin et la fin de la culture antique, p. 387-413.
13. Luc Verheijen, «Le De doctrina christiana de saint Augustin. Un manuel
d'herméneutique et d'expression chrétienne avec, en II, 19, 29 - 42, 63, une "charte
fondamentale pour la culture chrétienne"», Augustiniana, 24, 1974, p. 10-20.
58 BIBLE ET PRÉDICATION
3. Le commentaire de la Genèse
Le De Genesi ad litteram relève de la tradition de la littérature
hexamérale, au sens large, dont Augustin a connu, au moins, YHexameron
d'Ambroise et celui de Basile dans la traduction d'Eustathius. Mais il ne
traite pas le sujet sous forme d'homélies. Il poursuit un long effort
d'interrogation réelle sur le sens du texte biblique : «Dans cet ouvrage, il
son entier, c'est bien aussi une œuvre d'envergure qu'Augustin a voulu
mener à bien pour la formation spirituelle des chrétiens. Il en est de même
pour les Tractatus in lohannis euangelium.
Selon A. Mandouze, «Il n'est sans doute aucun ouvrage d'Augustin qui
soit autre chose que la réponse à l'appel d'autrui, appel direct ou indirect,
appel d'un ami ou d'un adversaire1, d'un clerc ou d'un laïc, d'un obscur
ou d'un grand personnage. Conversation simplement transcrite, sermon
improvisé, lettre prenant la dimension d'un traité ou traité supposant dix à
vingt ans de travail interrompu et repris, tout écrit de ce pasteur dévoré
par une foule de besognes immédiates ne pouvait être qu'une "œuvre de
circonstance"»2. Augustin fut, en effet, constamment sollicité et
considérait comme un devoir de charité d'aider de son mieux ses
compagnons de service3.
Il s'employait donc à satisfaire les demandes de ses confrères, évoques,
prêtres et diacres : Aurelius, Simplicianus, Paulin de Noie, Deogratias,
Quodvultdeus ; mais il était tout aussi empressé à l'égard de simples
fidèles : Juliana, Paulina, Januarius, Dardanus, Pollentius, Laurentius,
Dulcitius, Honoratus, Marcellinus... Il y avait aussi des frères qui le
pressaient de réfuter telle œuvre hérétique ou d'achever tel travail
théologique qui traînait sur le métier. Et lui-même à l'occasion demandait,
sous forme de lettre-livre, des éclaircissements à Jérôme, le savant moine
de Bethléem. L'activité littéraire d'Augustin fut essentiellement dialogale
et collective4.
du CNRS, 1982, parce que «sa seule biographie exige tout un volume» (p. 8), ce
monumental ouvrage n'en est pas moins éminemment augustinien par la masse des
références qui y sont faites aux œuvres d'Augustin. La plupart des personnalités que je
viens de nommer ne nous sont connues que grâce à l'activité littéraire d'Augustin.
5. Voir A. Sougnac, BA 14, p. 530-533.
6. Voir A.-M. La Bonnardière, Biblia Augustiniana, Les livres historiques, Paris,
1960, p. 57.
7. Voir Peri-ER-Maier, Les voyages, p. 215-222, où il est fait état des travaux de D.
De Bruyne et de C. Lambot à ce sujet. 11 faut y ajouter maintenant les articles de F.
Dolbeau éditant la partie de ces sermons qu'il a découverte. Revue Bénédictine, 101,
1991, p. 240-256 ; 102, 1992, p. 44-74 ; p. 267-297 ...
8. Voir PAC, p. 271-273.
9. BA 11/1.
10. Voir A.-M. La Bonnardière et G. Madec, BA 46B, p. 554-557.
11. Selon A. Ooldbacher, CSEL 58, p. 3 1.
SERVICES DE CHARITE 69
répondit dans YEpistula 102, qu'il considérait comme un livre (Retr., II,
31).
Lors de son long séjour à Carthage en 397, Augustin s'était, bien sûr,
concerté particulièrement avec le primat, Aurelius12. C'est probablement
lors de ces conversations que fut décidée la rédaction du De doctrina
christiana13. Quelque temps après Augustin était chargé de réfuter les
critiques inconsidérées d'un certain Hilarus14, qui protestait contre
l'innovation liturgique introduite à Carthage et consistant à chanter des
Psaumes «ad altare», c'est-à-dire durant la célébration eucharistique
proprement dite : «siue ante oblationem, siue cum distribueretur populo
quod fuisset oblatum»15. «Iubentibus fratribus» (Retr., II, 11) : ce pluriel
s'explique peut-être du fait que la décision fut prise en concile16.
Le De opere monachorum17 (Retr., II, 47) répond à une commande
personnelle d' Aurelius, comme en témoigne Yincipit : «Iussioni tuae,
sancte frater Aureli» : il s'agissait de calmer l'agitation qui commençait à
troubler l'Église de Carthage du fait de certains moines qui, se réclamant
des conseils évangéliques, voulaient s'adonner exclusivement à la prière et
se refusaient au travail manuel18. Augustin se livra donc à un
commentaire des textes de saint Paul sur le travail (§ 4-19) : 2 Thess. 3,
6-12 ; 1 Cor. 9, 1-22 ; 2 Cor. 11, 7-12 ; Actes, 20, 33-35, et réfuta
l'interprétation que les moines donnaient de l'allusion de Jésus aux oiseaux
et aux lis des champs (Matth. 6, 26-28) et de sa recommandation : «ne
vous inquiétez pas du lendemain» (Matth. 6, 34) (§ 20-35).
Januarius ne nous est connu que par les Epistulae 54 et 5519. On ne sait
s'il était clerc ou laïc. Mais ses scrupules liturgiques nous ont valu un
ouvrage précieux qui nous révèle les principes augustiniens de la théologie
liturgique centrée sur le mystère pascal : Ad inquisitiones Ianuarii libri
duo 20. En Retr., II, 20, il est précisé que le premier de ces livres est une
lettre à proprement parler, du fait qu'il porte en tête les noms de l'auteur
et du destinataire. Le deuxième est aussi une lettre, pour laquelle Augustin
prévoit une certaine diffusion : «hanc epistulam multis daturam atque
lecturam» (Ep. 55, 39).
Le De uidendo Deo (Retr., II, 41) est aussi une lettre-livre (= Ep. 147)
rédigée en réponse à une demande de Paulina21 : «Cum enim petiuisses ut
de inuisibili Deo, utrum per oculos corporeos possit uideri ...» (Ep. 147,
1). Quelques années auparavant, Augustin avait traité le problème dans
une lettre à la noble dame Romaine, Italica (Ep. 92J22 ; il y critiquait en
termes très sévères la thèse de la vision corporelle de Dieu : «Certains de
ceux qui bavardent de cette façon disent, d'après ce qui a pu m'être
rapporté, que nous voyons Dieu maintenant en esprit, et que nous le
verrons alors de corps, au point qu'ils affirment que les impies eux aussi
le verront de pareille manière. Vois à quelle absurdité ils parviennent,
lorsque leur caquet effréné se répand errant de-ci de-là, sans frein de
crainte ou de pudeur» (Ep. 92, 4). Un évêque fut profondément blessé par
cette diatribe d'Augustin qui pria instamment Fortunatianus, évêque de
Sicca, de s'entremettre pour se faire pardonner. On lit cette supplique
émouvante au début de YEplstula 147, le commonitorium qu'il a retrouvé
joint à YEpistula 148. Dans YEp. 147, 6, 18, ss., Augustin cite et
commente un long passage de YExpositio euangelii Lucae (I, § 24-27) de
saint Ambroise, sur le problème de la vision corporelle de Dieu23. En 21,
50, il réserve la question du corps spirituel, qui réclame un traitement
approfondi, qu'il donnera en De ciuitate Dei, XXII, 29.
Le De bono uiduitatis24 est une lettre avec en-tête : «Augustinus
episcopus, seruus Christi seruorumque Christi religiosae famulae Dei
Iulianae». C'est pourquoi il n'en est pas traité dans les Retractationes.
Augustin la rédige en 414, «inter alias urgentissimas occupationes meas»
(1, 1), en réponse à des demandes réitérées de Juliana25 ; mais il s'adresse
aussi à un cercle de lectrices plus large que la communauté de Juliana :
«quae simul in Christo uiuitis» (1, 1), «tota domestica uestra ecclesia»
(23, 29). En terminant, il observe que les écrits qu'il adresse aux
membres de la noble famille des Anicii suivent un bel ordre : il a, en
20. Voir M. KlOckener, «Augustins Kriterien zu Einheit und Vielfalt in der Liturgie
nach seinen Briefen 54 und 55», Liturgisches Jahrbuch, 41, 1991, p. 24-39.
21. Voir PAC, 837.
22. Voir F. Cavallera, «La vision corporelle de Dieu d'après saint Augustin»,
Bulletin de Littérature Ecclésiastique, 7, 1915-1916, p. 460-465
23. Voir B. Studer, Zur Theophanie-Exegese Augusins. Untersuchungen zu einem
Ambrosius-Zital in der Schrift "De uidendo Deo" (Ep. 147), Roma, 1971.
24. BA 3.
25. Voir PAC, p. 612.
SERVICES DE CHARITÉ 71
26. BA 3.
27. Voir A. Davids, De Orosio et s. Augustino Priscillianistarum adversariis, La
Haye, 1930.
28. Voir le livre III du De libero arbitrio, YEpistula 143 à Marcellinus, et le De anima
et eius origine, dont on parlera un peu plus bas.
29. Sur Dardanus, voir PLRE, 2, p. 346-347.
72 SERVICES DE CHARITÉ
Si les enfants ignorent Dieu, comment se fait-il que Jean (le baptiste) ait
tressailli dans le sein de sa mère, lors de la visite de Marie (Luc. 1, 42-
44) ? Selon Augustin, Dieu est partout présent tout entier ; mais il faut
distinguer cette omniprésence de l 'inhabitation de Dieu en ses fidèles,
devenus son temple par le baptême.
En septembre 418, lors de son séjour à Césarée, Augustin rencontra le
moine Renatus qui lui fit part de l'agitation qu'un jeune évêque, Optatus,
avait provoqué dans son diocèse, à propos du problème de l'origine des
âmes, en tranchant résolument en faveur du créatianisme contre le
traducianisme. Renatus remit à Augustin le texte d'une lettre de cet évêque
adressée à ses collègues de la province ecclésiastique de Césarée, en le
priant instamment de réagir. Augustin le fit sur le champ dans YEpistula
190. Il y détaillait les difficultés du problème et les raisons de son
hésitation. Une copie de cette lettre fut confiée, par un prêtre du nom de
Petrus, à un jeune laïc chrétien, converti du donatisme au catholicisme,
Vincentius Victor qui se chargea de porter la réplique, en deux livres.
Petrus en fut enthousiasmé. Renatus, lui, s'empressa de fournir une copie
de l'ouvrage de Victor à Augustin. Et celui-ci répliqua en s'adressant
successivement à Renatus, à Petrus et à Victor : le tout est rassemblé dans
le De anima et eius origine30 (Retr., II, 56).
Pollentius était aussi un laïc31, qui avait lu le De sermone Domini in
monte et qui interprétait autrement qu'Augustin les prescriptions évan-
géliques et pauliniennes sur la séparation des époux et le remariage
(Matth. 5, 32 ; 19, 9; 1 Cor 7, 10-16) ; L'Ad Pollentium de adulterinis
coniugiis libri duo32 est le seul traité de l'Antiquité chrétienne qui traite
ces questions pour elles-mêmes. Il faut noter aussi qu'Augustin ne se flatte
pas d'avoir résolu à la perfection ces problèmes très difficiles (Retr., II,
57).
Le «dossier Consentius» de la correspondance d'Augustin s'est
récemment enrichi de deux lettres fort intéressantes33. Laïc lettré des îles
Baléares, théologien à ses heures, Consentius militait contre les Priscil-
lianistes d'une manière audacieuse : il préconisait, en effet, pour mieux
dépister les hérétiques, de feindre l'hérésie et de s'infiltrer dans leurs
rangs, à l'exemple des priscillianistes qui feignaient eux-mêmes l'ortho
doxie. Il avait engagé dans cette action un moine du nom de Fronto dont il
raconte longuement les mésaventures dans YEp. 11*. Et il avait la naïveté
30. BA 22. Sur ces personnages, voir les notes d'A.-C. De Veer dans ce volume et
celle de M.-F. Berrouard dans BA 46B, p. 535 s.
31. Voir PAC, p. 878-880.
32. BA 2.
33. BA 46B. Voir J. Wankenne, «La correspondance avec saint Augustin», Les
Lettres de saint Augustin découvertes par J. Divjak, Paris, 1983, p. 225-242.
SERVICES DE CHARITÉ 73
34. BA 2.
35. Voir PAC, p. 629.
36. Il est qualifié de «primarius notariorum Vrbis» dans le manuscrit d'Autun, B.M.
20 (VIIe s.).
37. BA 9.
38. Mais A. Harnack en faisait grand cas ; voir Lehrbuch der Dogmengeschichte, III,
p. 220-236.
39. BA 2.
40. Voir Yvette Duval, «Flora était-elle africaine ?», RÉAug. 34, 1988, 70-77 ; Ead.,
Auprès des saints corps et âme. L'inhumation "ad sanctos" dans la chrétienté d'Orient et
d'Occident du Ille au Vile siècle, Paris, 1988.
74 SERVICES DE CHARITÉ
46. Comme le remarque M.-F. Berrouard. Il est notable aussi qu'Augustin fait
mention de cette œuvre dans De s. uirg. 1,1 ; De bono uid., 15, 19 ; De Gen. ad litt. IX,
7, 12 \Depecc. orig. 33, 39.
47. Voir Th. Camelot, «Les traités "De virginitate" au IVe siècle, Mystique et
continence, Paris, 1952, 373- 392 ; D. Riccardi, Verginità nella vita religiosa secondo la
dottrina di S. Agostino, Roma, 1961 ; J. M. Leonet, «Situation de la virginidad en la
espiritualidad agustiniana», Revista agustiniana de espiritualidad, 6, 1965, 215-245
48 . BA 10.
49. BA 8.
76 SERVICES DE CHARITÉ
2. Les Confessiones
Augustin n'a pas estimé devoir faire confidence sur les motifs qui l'ont
poussé à rédiger les Confessiones51 . Elles sont assurément issues d'une
exigence intérieure, comme le disait Harnack à propos des Retrac
tationes52, qui poussait Augustin à l'aveu de ses misères passées et à la
louange de la miséricorde divine à son égard. Elles relèvent, si l'on
préfère, d'une psychothérapie53 et du progrès auquel Augustin s'efforçait
par l'écriture54. Mais il est probable qu'elles ont eu pour occasion
prochaine une requête de Paulin de Nole adressée à Alypius et transmise
par celui-ci à Augustin55.
«Excitant humanum intellectum et affectum ; interim quod ad me
attinet, hoc in me egerunt cum scriberentur et agunt cum leguntur»
(Retr., II, 6) : le début de la phrase reprend une formule des Confessions,
X, 3, 4 : «cum leguntur et audiuntur excitant cor». On peut conclure de
là que les neuf premiers livres étaient édités, au moment où Augustin
rédigeait le livre X. Ils ont été lus et écoutés avec émotion assurément
3. La Trinité
On ne sait pas, non plus, le motif précis qui a poussé Augustin à
composer le De Trinitate59. Mais l'ouvrage était attendu avec impatience.
Il est assurément issu de la spiritualité trinitaire à laquelle Augustin a
longuement réfléchi et qu'il partageait certainement avec ses frères : «Si
nous disons que nous n'avons pas l'habitude de réfléchir sur de tels sujets,
nous mentons ; mais si nous reconnaissons qu'ils occupent nos réflexions,
parce que nous sommes pris par l'amour de la recherche de la Vérité, on
nous réclame, au nom de la charité, de révéler ce que peuvent être les
résultats de nos réflexions ... On désire de moi que je découvre le chemin
que j'ai parcouru, où je suis parvenu, et le trajet qu'il me reste à
parcourir jusqu'à la fin ; et ceux qui le désirent sont ceux que la charité
libre m'oblige à servir. Mais il faut, et Dieu me l'accordera, qu'en leur
servant de quoi lire, je progresse moi aussi, et qu'en désirant répondre à
leurs questions, je trouve moi aussi ce que je cherchais» (De Trin., I, 5,
8). Cependant l'ouvrage semble avoir été aussi suscité par la nécessité de
répondre à des propos inconsidérés sur la connaissance de Dieu (I, 1, 1-
2). L'élaboration en fut longue et mouvementée. «Iuuenis inchoaui, senex
edidi» (Ep. 174, 1, à Aurelius). Il était commencé vers 400 ; mais en 412,
dans YEp. 143, 4 à Marcellinus, Augustin disait encore qu'il ne voulait pas
précipiter l'édition d'un ouvrage qui porte sur des questions très délicates
(«periculosissimarum quaestionum libros») ; et en 415, dans YEp. 169, 1,
à Evodius, il précisait qu'il donnait la priorité aux œuvres qu'il estimait
utiles au grand nombre. En 420 l'ouvrage n'était pas encore terminé,
puisqu'en De Trin., XV, 17, 48, Augustin cite le tractatus in lohannis
euangelium, 99, 8-9<».
Entre-temps, après 415, puisque Augustin n'y fait pas allusion dans
YEp. 169, Augustin fut victime d'un vol singulier : lassés d'attendre, des
disciples indélicats dérobèrent un exemplaire comportant les livres I-XI et
le XIIe inachevé. Indigné du fait, Augustin avait décidé de reléguer cette
œuvre et de s'en expliquer par écrit. Il céda toutefois aux instances de ses
frères et surtout à l'ordre d'Aurelius : «multorum fratrum uehemen-
tissima postulatione et maxime tua iussione compulsus, opus tam
laboriosum, adiuante Domino, terminare curaui» (Ep. 174) .11 mena donc
59. BA 15-16.
60. A. -M. La Bonnardière, Recherches de chronologie, p. 69 ; M.-F. Berrouard,
BA 74A, p. 45-49.
SERVICES DE CHARITÉ 79
l'ouvrage à son terme, et ajouta des Prooemia aux cinq premiers livres61 .
Contrairement à ce qu'il faisait pour d'autres ouvrages, notamment les
Confessiones et le De ciuitate Dei, Augustin ne voulait pas éditer ces
livres par tranches : «J'avais décidé, en effet, de ne pas les publier un à
un, mais tous ensemble, parce que les suivants sont liés aux précédents par
le progrès de la recherche» (Ep. 174). C'est une indication précieuse, une
consigne de lecture : le De Trinitate réclame une lecture suivie, surtout en
sa deuxième partie (livres VIII-XV) où Augustin procède, «modo
interiore» (VIII, 1), à un long exercice d'intelligence du mystère de la
Trinité par une patiente recherche de son image dans l'esprit humain
(mens). On qualifie ordinairement cette réflexion de «théorie psycho
logique de la Trinité» ; mais il ne s'agit pas seulement pour Augustin, en
distinguant dans l'esprit la mémoire, l'intelligence et la volonté,
d'expliquer que la procession du Fils s'opère sur le mode de l'intelligence
et celle du saint Esprit sur le mode de l'amour, à la manière scolastique, il
s'agit d'un exercice spirituel dans lequel l'esprit scrute patiemment
l'image de Dieu qu'il est par création (cf. Gen. 1, 26), en approches
successives, «inquisitione progrediente», d'un livre à l'autre, jusqu'à sa
reconnaissance comme sujet en acte de souvenir, d'intelligence et d'amour
de Dieu.
4. La Règle
Il nous faut aussi traiter ici de la Régula, bien que, ou plutôt, parce
qu'Augustin n'en parle ni dans les Retractationes, ni ailleurs. Pourquoi
cela ? Le problème est des plus complexes ; mais il a été débrouillé
patiemment par L. Verheijen62.
La vie communautaire dans laquelle Augustin s'était engagé dès sa
conversion avait pris forme monastique à Thagaste, puis à Hippone. On en
a une preuve dans le fait que lorsqu'il devint évêque, en 395, Augustin
estima que ses devoirs d'hospitalité risquaient de troubler la vie régulière
des frères et décida de vivre en communauté avec les clercs : «J'arrivai à
l'épiscopat ; je vis que l'évêque se devait de manifester une politesse
assidue à l'égard de ceux qui viennent ou qui passent ; s'il ne le faisait pas,
on le dirait impoli. Mais si cette habitude était introduite dans le
monastère, ce serait inconvenant. Et je voulus avoir dans cette maison de
l'évêque un monastère de clercs» (Sermo 355, 2). Outre ces deux
communautés d'hommes, il y avait à Hippone ou dans les environs un
1. A en juger par les Actes des Conciles, il n'y est pas question des «Manichaei». Voir
les Index des Concilia Africae, éd. Ch. Munier, CCL 149.
2. BA 17.
3. Voir F. Décret, Aspects du manichéisme dans l'Afrique romaine, Paris, 1970 ;
L'Afrique manichéenne (ÎVe-Ve siècles). Étude historique et doctrinale, Paris, 1978 ; C.
Mayer, «Die antimanichaischen Schriften Augustin*. Entstehung, Absicht ...»,
Augustinianum, 14, 1974, p. 277-313.
4. BA 17.
5. BA 2.
6. BA 17.
86 ÉCRITS ANTI-MANICHÉENS
12. BA 28.
13. BA 29.
14. L'hypothèse de P. Monceaux, t. VII, p. 92 (cf. t. 6, p. 236), suivant laquelle A.
réfuterait un De baptismo donatiste, n'est pas retenue par la critique actuelle.
15. Voir Perler - Maier, Les voyages, p. 229-232.
16. BA 30.
17. BA 28.
18. Ed. Wilmart, MA I, p. 169.
19. Voir PL 43, 389-390.
92 ÉCRITS ANTI-DONATISTES
20. Voir K. Adam, «Notizen zur Echtheitsfrage der Augustin zugesprochenen Schrift
De unitate ecclesiae», Theol. Quartalschrift, 91, 1909, p. 86-115 (= Id., Aufsâtze,
Wurzburg, 1936, 196-215) ; Y.-M.-J. Congar, BA 28, p. 485-501 ; p. 746-749 ; M.
Moreau, Augustinus Lexikon, I, 808-815.
21. A4 31.
22. Voir J. Pépin, Saint Augustin et la dialectique, Villanova, USA, 1976.
23. P. Monceaux, t. VII, p. 113. Voir la liste des documents dressée par A. C. De
Veer,BA31, p. 48-50.
24. Voir Perler-Maier, Les voyages, p. 256-260.
ÉCRITS ANTI-DONATISTES 93
25. E. DEKKERS, «Sur la diffusion au moyen âge des œuvres moins connues
d'Augustin», Homo spiritalis, Festgabe fur Luc Verheijen, WUrzburg,1987, p. 450.
26. Ed. Wilmart, MA I, p. 168.
27. «Une énigme dans la liste des écrits d'Augustin rédigée par Possidius», MA 1, p.
317-319.
28. Voir P. Monceaux, t. IV, p. 354-365.
29. PAC, p. 719-722.
30. PAC, p. 905-913.
31. Ed. Goldbacher, CSEL 34, p. 85.
94 ÉCRITS ANTI-DONATISTES
court ... qui pourrait, vu la facilité de le copier, parvenir entre les mains
de beaucoup et, vu sa brièveté, être plus facilement appris par cœur»
(Retr,. II, 29). C'était donc, très nettement, un ouvrage de propagande
populaire.
Il faut encore rouvrir le dossier Petilianus, pour y ranger le De unico
baptismo32 (Retr., II, 34), qui est la réfutation d'un livre de Petilianus
portant le même titre, adressé par un prêtre donatiste à Constantinus33,
ami d'Augustin, qui lui avait demandé instamment d'y répliquer.
Donatistes et catholiques reconnaissent un seul baptême authentique ; mais
les donatistes prétendent être les seuls habilités à le conférer et le réitèrent
à ceux qui rejoignent leur communion. Augustin leur oppose la «régula
apostolica», la pratique des apôtres qui discernaient ce qui est bien et ce
qui est mal chez les païens, les juifs, les hérétiques : «Car c'est au Christ
qu'est due l'unique consécration de l'homme dans le baptême ; à toi la
réitération de l'unique baptême. Je redresse en toi ce qui est tien, je
reconnais ce qui est du Christ» (2, S)34.
32. BA31.
33. PAC, p. 218.
34. G. Bardy, persuadé de la rigoureuse exactitude chronologique de l'ordre des
Retr., estimait que ce livre devait être daté de 412 (BA 12, p. 511, n. 4), parce qu'il est
annoncé après le De pecc. meritis. Mais, s'il était postérieur à la Conférence de 41 1,
Augustin n'aurait pas manqué d'y faire état de cet événement. Il date de l'hiver 410-41 1,
selon A. C. De Veer, «La date du De unico baptismo de saint Augustin», RÉAug. 10,
1964, 35-38.
35. Voir S. Lancel, Actes de la Conférences de Carthage, Sources Chrétiennes 194,
195, 224 et 373.
36. Cf. ci-dessus, chapitre 4, 3 : «La passion de l'unité de l'Église».
37. BA 32.
ÉCRITS ANTI-DONATISTES 95
rito, 4, Augustin dit que les Actes de la Conférence étaient lus en public,
durant le Carême, à Carthage, Thagaste, Constantine, Hippone, et
ailleurs ; et selon YEp. 28*, 2, Augustin faisait encore lire à la suite un
livre qu'il avait écrit au sujet de ces Actes : «nous avons écrit aussi un
livre traitant de ces Actes, qui une fois ces Actes terminés, est lu chez nous
et écouté par le peuple avec la joie la plus grande». Les Actes étaient d'une
lecture difficile ; on se demande comment les auditeurs avaient la patience
de la supporter de bout en bout !38 On comprend qu'ils aient éprouvé
quelque soulagement, plutôt que beaucoup de plaisir, à écouter ensuite le
résumé qu'Augustin avait fait de ces Actes, «quoniam fatigant illa nimia
prolixitate» (Retr., II, 39)39. On peut donc se demander si ce n'est pas
plutôt le Breuiculus qu'Augustin faisait lire dans son église, suivi du Post
conlationem contra donatistas liber unus40. Ce titre est celui de la notice
des Retr. (II, 40) et de Possidius, Ind. 6, 16 (169), bien que l'ouvrage soit
adressé aux laïcs donatistes (cf. Ep. 139, 3), afin qu'ils ne se laissent plus
abuser par leurs évêques (Retr., II, 40).
Dans la notice des Retr., II, 40, Augustin fait aussi état d'une lettre
synodale adressée aux donatistes par les membres du concile de Zerta41,
qui eut lieu en 412. Il nous apprend qu'il en est l'auteur et ajoute : «sed
quia in concilio Numidiae omnibus qui ibi eramus hoc fieri placuit, non
est in epistulis meis». On la trouve pourtant dans la correspondance
d'Augustin, au numéro 141.
Les autres ouvrages anti-donatistes furent motivés eux aussi, comme
d'habitude, par des circonstances précises. En 416-417, le tribun
Bonifatius42, qui était probablement témoin des contacts que les donatistes
prenaient avec les Goths (de ses troupes, probablement), pour tâcher de
s'arranger avec eux, demandait à Augustin de l'éclairer sur la différence
qu'il y a entre ariens et donatistes (cf. Ep. 185, 1, 1). Augustin lui
répondit longuement par une lettre-livre : le De correctione donatistarum
liber unus = Ep. 185 (Retr., II, 48), en insistant sur l'histoire du schisme,
et sur la légitimité des mesures impériales prises à rencontre des
schismatiques.
Emeritus, évêque donatiste de Césarée, avait été le champion de la cause
donatiste à la Conférence de 411 (cf. Retr,. II, 46). Augustin avait déjà
correspondu avec lui (Ep. 87, qui fait état d'une lettre antérieure,
perdue)43. Il estima devoir lui adresser un livre «satis utilem» (Retr., II,
46), résumant les points sur lesquels le donatisme a été réfuté lors de la
Conférence. Ce livre est malheureusement perdu, lui aussi.
En été 418, mandaté par le pape Zosime, Augustin en compagnie
d'Alypius et de Possidius se rendait à Césarée (Cherchell), «ob termi-
nandas ... ecclesiasticas necessitates»44, Le 18 septembre, il rencontra sur
la place Emeritus, évêque donatiste du lieu, et l'invita à entrer avec lui
dans l'église ; il y improvisa un sermon dans lequel, tout en s'adressant au
peuple chrétien, il exhortait Emeritus à rejoindre la communion
catholique : c'est le Sermo ad Caesariensis ecclesiae plebem45. Mais dès
le début Emeritus s'était trouvé pris au piège devant l'assemblée
qu'Augustin amenait à réclamer une décision immédiate : «aut hic aut
nusquam !» (Sermo, 1 et 9). Le surlendemain, 20 septembre, Emeritus
revint à l'église ; on ne sait comment cette rencontre avait été organisée :
Augustin dit seulement que l 'évêque donatiste était venu spontanément ;
c'était probablement, non pas pour dialoguer, mais pour protester, par sa
présence muette, contre le sort qui était fait aux donatistes à la suite de la
Conférence de 411. Augustin en fut quitte pour argumenter seul, en tirant
parti de la lettre que les évêques catholiques avaient adressée à
Marcellinus avant la Conférence, et qu'il fit lire par Alypius (4-7), ainsi
que de l'affaire des maximianistes (8-11). Le tout fit l'objet d'un procès-
verbal : Gesta cum Emerito donatistarum episcopo liber unus (Retr., II,
50).
Peu de temps après, Augustin dut encore s'occuper de l'affaire de
Gaudentius46, évêque donatiste de Timgad. Le tribun et notaire Dulcitius,
chargé d'appliquer les lois impériales contre le donatisme, ne parvenaitt
pas à faire entendre raison à cet évêque, irréductible et extrémiste, qui
s'était enfermé avec ses fidèles dans leur basilique et menaçait d'y mettre
le feu. Par un billet, puis une longue lettre, Gaudentius avait signifié sa
décision à Dulcitius. Celui-ci pria Augustin d'y répondre (cf. Ep. 204). Le
livre I du Contra Gaudentium donatistarum episcopum (cf. Retr., II, 59)
réfute les lettres de Gaudentius à Dulcitius, point par point, en affinant le
procédé qu'il avait employé avec Petilianus : «J'ai donc entrepris, avec
l'aide de Dieu, de réfuter les écrits de Gaudentius, de telle sorte que même
les esprits lents ne doutent pas que j'aie répondu à tout. Car je citerai
d'abord son texte, ensuite j'ajouterai le mien ; mais non comme je l'ai fait
dans ma réponse à la lettre de Petilianus. Là, en effet, pour chaque passage
où son texte est cité, on a la mention : "Petilianus a dit", et quand mon
texte est rapporté : "Augustin a dit". Cela m'a valu d'être accusé par lui de
mensonge : jamais, disait-il, il n'avait disputé avec moi face à face, comme
s'il n'avait pas dit ce qu'il a écrit, parce que je ne l'ai pas entendu de sa
bouche, mais lu dans sa lettre ! ...Que faire avec des gens qui ont l'esprit
tourné de la sorte ou qui s'imaginent que ceux à qui ils désirent faire
connaître leurs écrits ont cette tournure d'esprit ? Mais même à ceux-là
donnons ici satisfaction ; et, quand nous citons le texte de Gaudentius, ne
disons pas : "Gaudentius a dit", mais : "Texte de la lettre" ; et quand nous
répondons, ne disons pas : "Augustin a répondu", mais : "Réponse au
texte"» (C Gaud. I, 1, 1). Le livre II répond à la réplique de Gaudentius à
Augustin, en la suivant d'assez près, mais sans la citer phrase par phrase.
On ne sait pas quel fut ensuite le sort de Gaudentius.
11
Ecrits anti-païens
1. Par exemple, De cat. rudibus, 27, 53-54. Voir G. Madec, «Tempora Christiana»,
Petites Études Augustiniennes, Paris, 1994, p. 233-259
2. Voir Perler-Maier, Les voyages, p. 225-226.
3. Ibidem, p. 266-272.
4. Voir PAC, Maximus : p. 733-734 ; Longinianus : p. 644, Volusianus : p. 1228.
5. Voir G. Madec, «Le Christ des païens d'après le De consensu euangelistarum de
saint Augustin», Recherches Augustiniennes, 26, 1992, p. 3-67.
6. PAC, p. 271-273.
7. Voir M. Moreau, «Le dossier Marcellinus», Recherches Augustiniennes, 9, 1973,
3-182.
100 ÉCRITS ANTI-PAÏENS
2. La Cité de Dieu
L'occasion prochaine de ce «grande opus» (Retr., II, 43) fut le sac de
Rome par Alaric en 410, en raison du désarroi qu'il causa dans les esprits
et de la recrudescence qu'il provoqua des récriminations païennes contre
le christianisme. Augustin était particulièrement attentif aux propos anti
chrétiens9 tenus dans l'entourage de Volusianus, grâce au comte
Marcellinus, qui lui demanda d'y répondre par des livres (Ep. 136, 3) et
c'est à lui que l'ouvrage est dédié.
Augustin en a énoncé le plan à plusieurs reprises, spécialement dans la
notice des Retractationes et dans YEpistula 1A*, adressée à Firmus10.
L'ouvrage se divise en deux grandes parties. La première est polémique ;
11. «Nam res ipsa, quae nunc christiana religio nuncupatur, erat apud antiquos, nec
defuit ab initio generis humani, quousque ipse Christus ueniret in carne, unde uera religio
quae aiam erat coepit appellari christiana» (Retr. I, 13, 3).
12. Cf. 1 Tint. 2, 5 : «Vnus enim Deus, unus et mediator Dei et hominum, homo
Christus Iesus».
102 ÉCRITS ANTI-PAÏENS
13. Voir S. Angus, The Sources oftke First Ten Books of Augustine's De Civitate
Dei, Princeton, 1906 ; B. CArdauns, M. Terentius Varro. Antiquitates rerum diuinarum.
Wiesbaden, 1976
14. F. Cumont, Les religions orientales dans l'Empire romain, Paris, 1929, p. 186.
15. Voir J. Pépin, «La "théologie tripartite" de Varron. Essai de reconstitution et
recherche des sources», RÉAug. 2, 1956, p. 265-294 ; Id. Mythe et allégorie. Les
origines grecques et les contestations judéo-chrétiennes, Paris, 2e éd., 1976, p. 276-392.
16. U. A. Padovani, «La Citta di Dio di S. Agostino : teologia e non filosofia della
storia, S. Agostino» Pubblicazione commemorativa del XV centenario della sua morte,
Rivista di filosofia neoscolastica, Suppl. spec. al vol. 23, 1931, p. 220-263.
ÉCRITS ANTI-PAÏENS 103
17. Cf. A. Luneau, Histoire du salut chez les Pères de l'Église : la doctrine des âges
du monde, Paris, 1964 ; R. Schmidt, «Aetates mundi. Die Weltalter als
Gliederungsprinzip der Geschichte», ZKG, 67, 1965-1966, 288-317 ; K.-H. Schwarte,
Die Vorgeschichte der augustinischen Weltalterlehre, Bonn, 1966
18. voir R. A. Markus, Saeculum : History and Society in the Theology of S.
Augustine, Cambridge, 1970.
19. Cf. J. Ratzinger, Die Geschichtstheologie des heiligen Bonaventura, Munchen,
1959.
20. Celle que Porphyre avouait n'avoir pas trouvée (De ciu. X, 32, 1).
21. Voir B. Studer, «Zum Aufbau von Augustins de ciuitate Dei», Augustiniana, 41,
1991, p. 937-951.
22. Comme l'a montré J. Van Oort, Jerusalem and Babylon, A Study into
Augustine's City of God and the Sources of his Doctrine of the Two Cities, Leiden,
1991, ch. 3 : «The City of God as an Apology and a cathechetical Work».
12
Ecrits anti-pélagiens
7. Ibidem, p. 335-340.
8. Ibidem, p. 340-345.
9. Cette thèse est rapportée par Augustin en Depecc. meritis, III, 1, 1.
ÉCRITS ANTI-PÉLAGIENS 107
l'amour par l'Esprit qui vivifie » (25, 42)12. Dans la notice des Retr., II,
37, Augustin écrit : «in quo libre ... acriter disputaui contra inimicos
gratiae Dei» ; il n'y a pourtant pas la moindre violence verbale contre les
personnes ; il faut plutôt comprendre que la question y est traitée à fond.
Cf. 1, 4 : «Sed illis acerrime ac uehementissime resistendum est qui
pu tant ...»
Trois ans plus tard, la lecture du De natura de Pélage, qui lui avait été
procuré par deux jeunes familiers de Pelage, Timasius et Jacobus13,
provoqua sa réplique : De natura et gratia (Retr., II, 42)14. Il s'y est
volontairement abstenu de nommer Pélage, «facilius me existimans
profuturum, si seruata amicitia adhuc eius uerecundiae parcerem, cuius
litteris iam parcere non deberem» (cf. Ep. 186, 1 ; Ep. 19*, 3). Le titre
énonce bien l'enjeu de la discussion : les péchés sont imputables à la
volonté de l'homme, non à sa nature ; mais cette nature est désormais
blessée et il n'y a pour la guérir que «la grâce de Dieu par Notre Seigneur
Jésus-Christ» (Rom. 7, 25 ; Augustin répète la formule une quinzaine de
fois). On notera que Pélage se servait de l'«argument patristique», citant
Lactance. Hilaire, Ambroise, Jean Chrysostome, le pape Xystus (en réalité
le philosophe Sextus ; cf. Retr., II, 42), et Augustin lui-même (61, 71 -
67, 80) ; c'est une pratique qu'A, développera dans ses écrits contre Julien
d'Éclane.
Cependant le mal se répandait, notamment en Sicile, où Caelestius avait
fait escale. Deux évêques envoyaient à Augustin les «Definitiones, ut
dicitur, Caelestii», qu'il réfutait dans le De perfectione iustitiae hominisls.
Possidius mentionne l'ouvrage parmi les traités contre les pélagiens,
Indiculum, VII, 4, et répète le titre en X3, 21. Il porte l'en-tête : «Sanctis
fratribus et coepiscopis Eutropio et Paulo Augustinus». personnages qui
sont probablement ceux auxquels Orose fait allusion au début de son
Commonitorium16. Il s'agit donc d'une lettre ; et c'est sans doute la raison
pour laquelle il n'en est pas fait mention dans les Retractationes. Cette
omission n'en reste pas moins «difficile à expliquer», comme le note G.
Bardy, BA 12, 38, n. 2 ; car l'ouvrage n'a pas été transmis dans les
collections de lettres. La formule du titre se trouve déjà dans De spiritu et
littera, 1,1. Augustin y cite et réfute, une à une, les thèses de Caelestius :
soit une douzaine de syllogismes (ratiocinationes, 1, 1 ; 2, 1 - 9, 20), puis
12. Voir I. Bochet, «"La lettre tue, l'Esprit vivifie". L'exégèse augustinienne de 2
Co 3, 6 », Nouvelle Revue Théologique, 1 14, 1992, p. 341-370.
13. PAC, p. 576-577.
14. BA 21.
15. BA 21.
16. PL 42, 665.
ÉCRITS ANTI-PÉLAGIENS 109
17. J'ai résumé de mon mieux l'exposé de Ch. Munier, BA 22, p. 9-24.
18. BA 22.
ÉCRITS ANTI-PÉLAGIENS 111
probablement lui qui rapporta qu'un frère d'Adrumète, avait objecté que,
si l'on suit la doctrine d'Augustin, «il n'y a pas à faire de réprimande à
qui n'observe pas les commandements de Dieu, mais seulement à prier
pour lui, afin qu'il les observe» (Retr. 2, 67 ; cf. De corr., 3, 5). Augustin
répondit par le De correptione et gratia30. dans lequel il exposait sa
doctrine de la grâce et de la prédestination avec une parfaite netteté,
comme il le précisait lui-même en De dono perseuerantiae, 21, 57.
La réponse aux critiques des moines de Provence se trouve dans 1' Ad
Prosperum et Hilarium de sanctorum praedestinatione libri duo, suite aux
lettres d'Hilarius et de Prosper (Ep. 225-226, dans le corpus augustinien).
Disciples fervents d'Augustin, ceux-ci ont pris part aux discussions que
provoquaient, en Provence, la doctrine augustinienne de la grâce. Le
premier livre établit que la foi, Yinitium fidei lui-même, est un don de
Dieu, en insistant sur deux exemples de prédestination gratuite : les petits
enfants, l'incarnation du Christ. Le deuxième traite de la persévérance
finale du fidèle. Augustin y commente aussi (II, 2, 4 - 5, 9) le Pater
suivant le De oratione dominica de Cyprien qu'il avait expliqué aux
moines d'Adrumète (cf. Ep. 215, 3). Depuis le IXe siècle31, ces livres sont
donnés à tort sous deux titres comme des ouvrages distincts : De
praedestinatione sanctorum. De dono perseuerantiae32. Ils ne forment
qu'un seul ouvrage, comme en témoigne aussi bien l'appendice des
Retractationes : «Item libri qui post istorum emendationem a sancto
episcopo Augustino conscripti et editi sunt ... ad Prosperum et Hilarium
de sanctorum praedestinatione », que Prosper d'Aquitaine, dans Pro
Augustino responsiones ad excerpta Genuensium : «in libris beatae
memoriae Augustini episcopi, quorum titulus est : De praedestinatione
sanctorum»33.
30. BA 24.
31. Cf. SA 24, 437, n. 1.
32. BA 24.
33. PL 51, 281
13
Ecrits anti-ariens
1. Tr. in loh. 40, 7. Voir M. Simonetti, «S. Agostino e gli Ariani», REAug. 13,
1967, p. 55-84.
2. PAC, p. 356-358.
3. Possidius, Vita, 17.
1 16 ÉCRITS ANTI-ARIENS
Pour observer les progrès d'Augustin, il faut lire ses opuscula dans
l'ordre chronologique ; c'est l'espoir qu'il a formulé lui-même à la fin du
Prologue des Retractationes. Mais il faut lire les œuvres, et non seulement
leurs notices qui ne fournissent à cet égard que des données sporadiques.
Dans le livre I, Augustin recense 26 ouvrages, qui sont tous rela
tivement courts, en 80 pages de l'édition d'A. Mutzenbecher ; dans le
livre II, il traite en 54 pages de 67 ouvrages, dont des œuvres aussi vastes
et aussi considérables que le De doctrina christiana, le Contra Faustum, les
Confessiones, le De Genesi ad litteram, le De ciuitate Dei, le De Trinitate,
le Contra Iulianum. Selon le calcul de Hamack, — répétons-le —, au
cours du livre I, Augustin relève dans ses premières œuvres 167 passages
qui réclament correction ou précision, tandis que pour les 67 œuvres de
l'épiscopat il n'y a que 52 remarques ponctuelles, 13 seulement pour les
30 dernières1. André Mandouze, pour sa part, distingue et chiffre les
defensiones et les reprehensiones propres à chaque ouvrage2. Si l'on en
fait la somme, on trouve pour les œuvres antérieures à l'épiscopat, 117
defensiones et 46 reprehensiones ; pour les œuvres de l'épiscopat, 18
defensiones, 30 reprehensiones ; et sur ces 67 œuvres, 26 seulement font
l'objet de remarques de détail. Les comptes de Hamack et de Mandouze ne
se recouvrent pas exactement ; mais ils ont la même valeur indicative.
Il est possible qu'Augustin ait été pris par le temps et ait précipité son
rythme de révision3 ; il est normal aussi qu'il ait trouvé de moins en
moins de remarques de détail — ou autres— à faire au fur et à mesure
qu'il avançait dans le traitement de ses œuvres, puisqu'il était persuadé
qu'il avait progressé en écrivant. Mais il ne nous dit pas expressément sur
quels points s'est exercé ce progrès doctrinal. Peut-on le découvrir à
l'analyse des Retractationes ? Les remarques sur les premières œuvres
permettent de relever, d'une part, la critique de certaines positions
6. Voir Origène, Entretien avec Héraclide, 15-22, Sources Chrétiennes, 67, p. 88-99.
7. P. Courcelle, Les Lettres grecques en Occident. Paris, 1943, p. 127. Cf. A.
Solignac, BA 14, p. 533-534.
122 APOLOGIE ET AUTOCRITIQUE
affichant ses hésitations, avait bel et bien opté pour la théorie de la chute
des âmes13. Je préfère de beaucoup me fier à l'aveu d'Augustin : «nec tune
sciebam, nec adhuc scio» (Retr, I, 1, 3).
Les disciplines libérales, Augustin se reproche aussi de leur avoir
accordé trop d'importance : «quas multi sancti multum nesciunt, quidam
etiam qui sciunt eas sancti non sunt» (Retr., II, 3, 2). Il fait allusion à la
description qu'il avait faite dans le De ordine, II, 12, 35 - 16, 44, de
l'invention des arts par la Raison. Madame I. Hadot a montré qu'elle
dépendait étroitement d'une source néoplatonicienne, probablement le De
regressu animae de Porphyre14, qui érigeait en système le trivium des
disciplines du langage : grammaire, dialectique, rhétorique, et le
quadrivium des disciplines du nombre : musique, géométrie, astronomie,
arithmétique. Le programme encyclopédique qu'Augustin mettait en
œuvre à Milan, en 387, était assurément de même inspiration ; il devait
assurer la montée des esprits vers l'intelligible. Mais, rappelons-le,
Augustin ne se sentait déjà pas astreint à suivre servilement le système
néoplatonicien, puisqu'il avait prévu de rédiger un De philosophia, en lieu
et place d'un De astrologia (cf. Retr., I, 6). Dans l'introduction du livre
VI De musica, il traitait avec quelque condescendance, sinon quelque
mépris, les longs développements des livres antérieurs : «Satis diu pene
atque adeo plane pueriliter per quinque libros in uestigiis numerorum ad
moras temporum pertinentium morati sumus ... » (1, 1). Selon H.-I.
Marrou, cette introduction a été ajoutée lors d'une deuxième édition du
livre VI15. Peut-être est-ce au moment même où Augustin répondait à la
demande de Memor, qui souhaitait offrir un exemplaire de l'ouvrage à
son fils, Julien, le futur évêque d'Éclane. Augustin ne lui envoyait que le
livre VI, le seul qu'il ait trouvé «relu et corrigé» (emendatus) ; les cinq
autres, il n'a pas eu le temps de les corriger : «curis uidelicet multis et
multum praeualentibus occupatus» (Ep. 101, 1) ; et il estimait, du reste,
que Julien ne les jugerait pas dignes de lecture (Ibid. 4). Mais il profitait
de l'occasion pour faire la critique de l'appellation «liberales disciplinae».
Ni les fables des poètes, ni les discours mensongers des orateurs, ni les
arguties bavardes des philosophes ne méritent ce qualificatif. Les lettres
vraiment libérales sont celles où on lit : «La Vérité vous libérera» (Jn. 8,
32). Augustin n'englobe pourtant pas ses écrits de jeunesse dans cette
critique ; il les considère toujours comme des chemins qui mènent par
13. R.J. O'Connell, St. Augustine's Early Theory ofMan, Cambridge, Mass. 1968 ;
1d. «Augustine's Rejection of the Fall of the Soûl», Augustinian Studies, 4, 1975, p. 1-
32. La thèse de R. J. O'Connell a été contredite notamment par G.J.R O'Daly, «Did St.
Augustine ever believe in the Soul's Pre-existence ? », Augustinian Studies, 5, 1974, p.
227-235. Voir aussi G. Madec, «La condition malheureuse», BA 6, 3e éd., p. 578-583.
14. I. Hadot, Arts libéraux et philosophie dans la pensée antique, Paris, 1984.
15. H.-I. Marrou, Saint Augustin et la fin de la culture antique, p. 580-583.
124 APOLOGIE ET AUTOCRITIQUE
Depuis que Harnack et Boissier ont monté en contraste l' Augustin des
Dialogues et celui des Confessions, l'un des thèmes principaux de la
recherche augustinienne, le principal peut-être, a été celui de l'évolution
intellectuelle d'Augustin. Cela correspond-il à ce qu'Augustin entendait
par son progrès1 ?
On a mis en opposition le «philosophe» qui converse avec ses amis et
parents dans les Dialogues et le «pénitent» que décrivent les Confessionses.
Selon L. Gourdon, nous serions «en présence de deux conversions et de
deux hommes différents»2. Selon W. Thimme, il va de soi qu'en tant que,
candidat au baptême, Augustin a accepté l'ensemble du dogme de l'Église,
sans y faire la moindre critique. Cependant il se montrerait très éloigné
d'une adhésion intérieure à ce dogme ; il n'en fait pas l'objet de sa
réflexion3 ; à part peut-être la doctrine de la Trinité, le dogme reste en
dehors de «l'intérêt théorétique d'Augustin»4. Cette dissociation de la foi
et de la pensée (autrement dit : du christianisme et de la «philosophie»)
ouvre la voie à une présentation thématique de la doctrine du «jeune
Augustin», qui est foncièrement «philosophique», au sens communément
reçu du mot : son jugement sur la philosophie et les écoles philosophiques,
sa victoire sur le scepticisme, les conditions de la connaissance, la
connaissance de l'âme et de Dieu, l'ordre du monde. Les premières
œuvres d'Augustin fournissent la matière ; W. Thimme la met en forme,
sans autre précaution méthodique, sans réflexion sur les genres littéraires,
ni sur les circonstances de production de ces œuvres... Il ne paraît pas
douter que ce soit là toute la pensée d'Augustin à cette époque.
1. Je reprends, dans les pages qui suivent, de façon libre des éléments d'un article :
«Le néoplatonisme dans la conversion d'Augustin. État d'une question centenaire (depuis
Harnack et Boissier, 1883)», Internationales Symposion ttber den Stand der Augustinus-
Forschung, WUrzburg, 1989, p. 9-25.
2. L. Gourdon, Essai sur la conversion de s. Augustin, Cahors, 1900, p. 46.
3. W. Thimme, Augustins geistige Entwicklung in den ersten Jahren nach seiner
Bekehrung (386-391), Berlin, 1908. p. 38-39.
4. Ibidem, p. 44.
128 LE «JEUNE AUGUSTIN»
9. L. c, p. 504-505.
10. A. Loisy, Compte-rendu de P. Alfaric, dans Revue critique d'histoire et de
littérature, Nouvelle série, 86, 1919, p. 144-148 (p. 146).
11. P. Alfaric, L'évolution intellectuelle, p. îv-v.
12. O. DU Roy, L'intelligence de la foi en la trinité selon s. Augustin, Paris, 1966, p.
16.
130 LE «JEUNE AUGUSTIN»
18. P. Courcelle, Recherches sur les Confessions de saint Augustin, Paris, 1950,
2e éd. 1968, p. 252-253.
19. A. Solignac, BA, 14, p. 529-536.
20. Voir la notice relative au De doctrina christiana, Retr., II, 4, 2.
132 LE «JEUNE AUGUSTIN»
25. L. c. p. 38.
26. L. c. p. 361 et 377.
27. L. c., p. 505.
28. K. Adam, Die geistige Entwicldung des heiligen Augustinus, Augsburg, 1931,
18 et 25.
29. L. c. p. 526 ; cf. p. 381
30. J. J. O'Meara, La jeunesse de s. Augustin, Paris, 1958, p. 170.
134 LE «JEUNE AUGUSTIN»
7. Ep. 10, 2.
8. Ep. 21, 2.
9. Sermo 355, 2.
10. Ep. 21,2.
11. Possidius, Vita Augustini, 4.
12. P. Brown, La vie de saint Augustin, p. 171-173. Voir aussi R. A. Markus,
«Conversion and Disenchantment in Augustine's Spirirual Career», Sacred and Secular,
Studies in Augustine and Latin Christianity, Variorum, 1994, article XVIII du recueil.
13. Titre du chapitre 15 de l'ouvrage de P. Brown.
LA CONVERSION ET LA GRÂCE 139
46. Voir son ouvrage : Logik des Schreckens. Augustinus von Hippo De diversis
quaestionibus ad Simplicianum 1 2, Mainz, 1990.
47. De moribus, I, 35, 80.
48. L. c.. p. 195.
49. K. Flasch, /. c, p. 176 ; cf. p. 255.
146 LA CONVERSION ET LA GRACE
Si l'on admet ce point de vue, il faut convenir que ce n'est pas en 396
que la pensée d'Augustin est devenue un «nid de contradictions»50, par
l'intrusion d'un Dieu qui accorde sa grâce aux uns et pas aux autres. Le
mal, — si c'en est un ! —, est bien antérieur. S'il y eut «rupture dans
l'évolution intellectuelle d'Augustin», «rupture avec la tradition
philosophique»51, ce fut en 387, quand il professa sa foi en un Dieu
créateur, un Dieu personnel qui intervient dans l'histoire d'Israël et des
Nations, dans l'histoire d'Augustin et de tout fils d'Adam. Car, si son
esprit fut enfin délivré du Dieu imaginaire, du mythe et des fictions de
l'imagination, grâce aux Libri platonicorum, il ne tarda pas à rejoindre le
Dieu de son enfance, «le Dieu des chrétiens, bien plus que le Dieu des
philosophes»52. Le vrai problème me paraît donc être de savoir si le «nid
de contradictions» ne se trouve pas dans la Bible elle-même et dans la
doctrine chrétienne qu'Augustin a essayé de comprendre.
Mais, dira-ton, Augustin a «innové» ! Il l'a avoué lui-même ; et
d'aucuns, depuis Richard Simon53, estiment qu'il s'est mis en rupture avec
toute la tradition chrétienne de l'interprétation des Épîtres de Paul. Ce
n'était pourtant pas son sentiment, puisqu'il invoquait avec insistance,
notamment dans ses répliques à Julien d'Eclane, les témoignages des Pères
grecs et latins qui, selon lui, abondaient en son sens54. Il croyait avoir
mieux compris, avoir progressé dans l'intelligence de la doctrine
paulinienne.
Mais il s'est trompé, dira-ton encore. C'est bien possible ; il ne serait
pas le seul parmi les nombreux interprètes de la redoutable Épitre aux
Romains. Il n'est pas de ma compétence de démêler le vrai du faux à ce
sujet. C'est l'affaire des théologiens55, à condition qu'ils s'appliquent à lire
toutes les œuvres d'Augustin, comme le demandait le P. Trapè, et à les
étudier, non pas comme une masse uniforme et indifférenciée, telles
qu'elles se présentent rangées côte à côte dans nos éditions, mais replacées
comme il se doit dans le relief de la vie et de l'activité d'Augustin.
L'ORDRE CHRONOLOGIQUE
17
Problèmes
5. Mémoires, XIII, p. 292. Texte fidèlement traduit par les Mauristes dans la Vita, IV,
12, 4, c. 192 (PL 32, 264) ; au lieu de 89, il faut lire 82 = alias 19.
6. Les Mauristes datent aussi le De natura boni d'après 404 (PL 42, 551-552) ; ils ne
proposent pas de date pour le Contra Secundinum (PL 42, 571-572).
7. A. Solignac, Les Confessions, BA 13, p. 51 ; O. Perler, Les voyages de saint
Augustin, p. 255 et 448-449 ; A. Mutzenbecher, Sancti Aurelii Augustini Retractationum
libri II, CCL 57, p. xvih-xix.
152 PROBLÈMES
les documents, surtout dans les manuscrits des Actes des Conciles. Le IVe
consulat d'Honorius correspond à l'année 398 ; les Acta contra Felicem
datent donc du 7 décembre 398 et, par là, se trouvent reportés dans la
période des polémiques d'Augustin contre les Manichéens. Par cette
correction très simple, toutes les difficultés disparaissent, l'ordre
chronologique est rétabli dans les Rétractations ; on est amené à
reconnaître une fois de plus l'exactitude d'Augustin, et, du même coup,
nous pouvons dater, à quelques mois près, vingt-cinq de ses ouvrages»8.
La correction proposée par P. Monceaux a paru lumineuse à S. M.
Zarb9 et à G. Bardy10. Mais non : toutes les difficultés n'ont pas disparu ;
car le débat s'est tenu en deux séances : la première un 7 décembre, la
deuxième le lundi suivant : «die m qui est post dominicum, id est pridie
idus decembris»11. Or le 7 et le 12 décembre tombaient un mercredi et un
lundi en 404, mais non en 39812. Lenain de Tillemont le savait : «Le
lendemain qui était le mercredi septième de decembre de l'an 404, ils
conférèrent ensemble en présence du peuple qui les écoutait avec grande
modestie et grand silence devant les balustres du chœur. Car la conférence
se fit dans l'église d'Hippone. Il y avait des notaires qui écrivaient toutes
les paroles de l'un et de l'autre. Le succès de la conférence fut que le Saint
luy ayant proposé le même argument qu'à Fortunat, ... Felix demanda
pour y répondre jusques au lundi 12 du mois, qui était cinq jours après.
Ces caractères si précis font voir qu'on ne peut soupçonner d'erreur la
date de cette conférence»13.
M. Wundt14, sans paraître connaître l'argumentation de P. Monceaux,
estimait que l'ordre des Retractationes est strictement exact et que la date
du C. Felicem est irréformable. En revanche, la précision du C. litt.
Petiliani est susceptible d'un sens différent de celui qu'on lui donne
habituellement. En effet, dans ce livre II, Augustin a pris le parti de citer
la lettre de Petilianus et d'y répondre point par point, instaurant ainsi une
dispute fictive qu'il a naturellement située au temps de la rédaction de la
lettre de Petilianus, et non pas au temps de sa propre réponse. La
précision permet donc de dater la lettre de Petilianus, mais non pas le C.
litt. Petiliani. On sait seulement, par les Retractationes, que cet ouvrage a
été composé bien après le débat avec le manichéen Felix.
A. Mandouze estime également que l'ordre est rigoureusement respecté
dans les Retractationes et que le C. Felicem est de décembre 404 ; mais il
explique autrement que M. Wundt (qu'il ne cite pas) la position du C. litt.
Petiliani dans les Retractationes : c'est en raison de son caractère
composite qu'Augustin l'aurait rangé à la date de la constitution de
l'ouvrage définitif en trois livres : le livre I aurait été rédigé entre 397 et
401, le livre II entre décembre 399 et décembre 401, le livre III entre le
12 décembre 404 et le 1er juin 41 1, date de la Conférence de Carthage15.
Dans les éditions récentes (1969 ...) de l'ouvrage d'H.-I. Marrou, avec
la collaboration d'A. -M. La Bonnardière : Saint Augustin et
l'augustinisme, le C. Felicem est daté des 7 et 12 décembre 404 et tous les
ouvrages mentionnés après celui-ci dans les Retractationes sont considérés
comme postérieurs (voir le tableau, p. 183-186). Je présume que c'est à la
suite de la thèse d'A. Mandouze. Mais dans les tables chronologiques de la
traduction française de La vie de saint Augustin par P. Brown (Paris,
1971), mises à jour par A. -M. La Bonnardière (cf. p. 9, n. 3), on peut
noter qu'il est fait exception (p. 218) pour le De Trinitate, qui est daté
de : «400? - 422?», et pour le De Genesi ad litteram, qui est daté de :
«401-414». C'est probablement parce qu'Augustin précise en Retr., II,
25, qu'il a interrompu la rédaction du De Trinitate et du De Genesi ad
litteram pour se mettre à réfuter la lettre de Petilianus : «Antequam
finirem libros De Trinitate et libros De Genesi ad litteram, inruit causa
respondendi litteris Petiliani donatistae quas aduersus catholicam scripsit,
quam differre non potui» ; ce qui s'entend normalement du livre I du
Contra litteras Petiliani. Mais dès lors le principe de l'exactitude absolue
de l'ordre des Retractationes est enfreint et l'explication d'A. Mandouze
ne tient pas.
Il faut observer, du reste, que les hypothèses de M. Wundt, d'A.
Mandouze, et autres tenants du principe de l'exactitude absolue de l'ordre
des Retr., impliquent qu'Augustin n'aurait travaillé de 397 à la fin de 404
qu'à deux ou trois ouvrages : les Confessiones, le Contra Faustum (plus
les livres I et II du C. litt. Petiliani, suivant A. Mandouze), tandis qu'il en
aurait écrit une bonne vingtaine, de 405 à 411. C'est possible ; mais ce
n'est pas certain, ni même vraisemblable. Selon A. Mandouze, cette
longue période «peut parfaitement convenir aux exigences littéraires et
aux dimensions matérielles des deux grands ouvrages augustiniens». Et il
ajoute : «N'ayant évidemment pas à souligner ce point en ce qui concerne
le cas des Confessions, je me permettrai d'attirer sur le Contra Faustum
Manichaeum l'attention de ceux qui pourraient être maintenant tentés de
penser que la part est trop belle, je veux dire que la période consacrée à
ces deux ouvrages est trop longue. S'est-on en effet suffisamment avisé du
travail proprement stylistique — littéral et littéraire — que représente un
montage comme celui qui se poursuit tout au long des 33 discussions
fictives du Contra Faustum Manichaeum ? J'aimerais bien qu'un
philologue solide et ne manquant pas de finesse s'attelât au travail inverse
et, "démontant la machine", nous exliquât à quels procédés exacts
Augustin a dû faire appel pour insérer à l'intérieur d'un texte suivi —
celui de son adversaire — des éléments pouvant donner l'illusion d'un
dialogue entre deux personnes qui en fait ne s'étaient point trouvées face à
face pour le tenir»16. Mais ce travail n'est pas à faire ; car Augustin s'est
contenté de reproduire les Capitula de Faustus en tête de ses réfutations,
dans un certain désordre auquel il n'a pas cherché à remédier. C'est ainsi
que, dans le Capitulum 32, Faustus prévoit de voir plus loin (postea) si les
prophètes ont réellement prédit Jésus17 ; or il n'en est pas question dans le
Capitulum 33 ; et le sujet a été traité dans le Capitulum 1218. La rédaction
des Confessiones et du Contra Faustum ont assurément pris du temps ;
mais presque sept ans, n'est-ce pas beaucoup, alors que l'évêque était
constamment sollicité par les problèmes de l'unité de l'église africaine ?
La «preuve formelle» (réclamée par P. Monceaux) que les Retrac-
tationes ne sont pas d'une exactitude absolue, se trouve désormais dans
YEpistula 23A* (Divjak), adressée à Possidius de Calama, ainsi que l'a
montré Marie-François Berrouard19, Augustin y énumère tout ce qu'il a
dicté entre le 11 septembre et le 1er décembre 419 : ce sont, outre six
homélies sur l'Évangile de Jean, la Lettre 202A adressée à Optat, le livre
II du Contra Gaudentium, le Contra sermonem Arianorum, le livre I du
De natura et origine animae : «itaque dictaui ex quo ueni, id est a tertio
idus septembris usque ad kalendas decembres uersuum ferme sex milia»20.
M.-F. Berrouard observe à ce propos :
«Que l'on compare cette liste avec celle des Retractationes, les
divergences sont flagrantes : au lieu d'être regroupés, les trois livres
mentionnés dans YEpitre sont dispersés à travers les Révisions : la notice
du Contra sermonem Arianorum, révisé le premier, est séparée par trois
ouvrages de celle des quatre livres du De natura et origine animae, qui est
elle-même séparée par deux autres ouvrages de celle des deux livres du
Contra Gaudentium. On voit donc avec quel discernement, et plus encore
peut-être pour cette période, il convient d'utiliser l'ordre des
Retractationes pour essayer de dater les livre de l'évêque d'Hippone»21.
On peut supposer que l'ordre chronologique n'est pas observé dans
VEpistula 23A*. Il faudrait alors le restituer suivant l'ordre des
Retractationes : 1) Contra sermonem arianorum (Retr., II, 52), 2) De
natura et origine animae (Retr., II, 56), 3) Contra Gaudentium (Retr., II,
59). Mais comment expliquer que YEpistula 23A* ne dise mot du De
nuptiis et concupiscentia (Retr., II, 53), des Locutiones (II, 54), des
Quaestiones (II, 55), du De coniugiis adulterinis (II, 57) et du Contra
aduersarium Legis et prophetarum (II, 58) ?
Il y a quelques autres cas plus ou moins litigieux : Ainsi le De diuersis
quaestionibus octoginta tribus n'est placé en Retr., I, 26, ni suivant le
début de la composition, puisqu'Augustin précise qu'il commença à
répondre aux questions de ses frères «ab ipso primo tempore conuersionis
meae» ; ni suivant la date du rassemblement des feuillets en un livre,
puisqu'il n'en donna l'ordre que lorsqu'il était déjà évêque (Ibidem).
Autre anomalie : en Retr., II, 33-34. Le De peccatorum meritis et
remissione, adressé à Marcellinus, précède le De unico baptismo. Fidèle
au principe de l'exactitude chronologique rigoureuse des Retractationes,
G. Bardy estimait que le premier mentionné était antérieur au second :
«Nous n'avons pas de raison pour suspecter l'ordre indiqué ici et pour ne
pas en placer la rédaction après celle du De peccatorum meritis», en 412.
Je rappelle que Lenain de Tillemont énumérait pourtant déjà les
difficultés22 : il ne s'y trouve pas de mention de la Conférence de 411.
Augustin y reproche (16, 27) aux donatistes de n'apporter aucune preuve
à leur accusation d'avoir livré les Livres saints portée contre le pape
Marcellinus et ses successeurs, alors qu'ils avaient fait appel à des Gesta
lors de la conférence23. Dans le résumé des Actes de cette conférence, il
précisait que l'empereur Constantin avait acquitté Caecilianus après que
Felix d'Aptonge l'eut été par le proconsul Aelianus24, alors qu'il affirmait
l'inverse dans ses travaux antérieurs25 et dans le De unico baptismo, 16,
28. L'argumentation a été reprise par A.-C. De Veer qui conclut que cet
ouvrage a été rédigé durant l'hiver 410-41 126.
Pour sauver l'ordre des Retractationes, A. Mandouze suppose que «le
début de la production anti-pélagienne d'Augustin peut remonter à l'hiver
410-41 1 et peut-être même plus tôt»27. Autrement dit, le De peccatorum
meritis aurait été commencé avant la Conférence de 41 1. C'est impossible,
s'il n'y avait pas de liens, avant cette Conférence, entre Augustin et le
comte Marcellinus, à qui cet ouvrage est adressé ; et rien, à notre
connaissance, ne permet de supposer qu'il y en eût28. Le De peccatorum
meritis est postérieur à la condamnation de Caelestius qui eut lieu, après
la Conférence, en octobre 41 129.
En 412, dans YEpistula 139, 3, Augustin fait part à son correspondant,
Marcellinus, de quelques travaux urgents qu'il vient d'exécuter ou qu'il a
en chantier. On y lit30 que le Breuiculus collationis et le Post collationem
contra donatistas sont achevés, tandis que le De gratia noui testamenti ad
Honoratum est en cours ; et pourtant ces trois ouvrages sont respecti
vement recensés dans les Retractationes en II, 39, II, 40 et II, 36.
Les notices Retr., II, 42-43, concernant respectivement le De natura et
gratia et le De ciuitate Dei, enfreignent également l'ordre chronologique,
puisque les premiers livres du De ciuitate Dei sont dédiés à Marcellinus
qui fut exécuté en septembre 413, tandis que le De natura et gratia n'a été
composé qu'en 41 S3 >.
Dans les Retractationes, II, 51, l'incipit des Gesta cum Emerito est ainsi
libellé : «Gloriosissimo Honorio Augusto XII et Constantio iterum uiris
clarissimis die XI kalendas octobris Caesareae in eclesia maiore». Il y a là
une erreur ; car lors de son douzième conculat, Honorius avait pour
associé Theodosius, et non Constantius32. S'il fallait corriger XII en XI, le
débat aurait eu lieu en 417. Mais le voyage d'Augustin à Césarée est
26. A.-C. De Veer, «La date du De unico baptismo de s. Augustin», REAug 10,
1964, p. 35-38.
27. Retractatio retractationum, p. 282
28. Voir M. Moreau, «Le dossier Marcellinus dans la Correspondance de s.
Augustin», Recherches Augustiniennes, 9, 1973, p. 139.
29. Voir F. Refoulé, «Datation du premier concile de Carthage contre les Pélagiens et
du Libellas fidei de Rufin», RÉAug., 1963, p. 41-49 ; B. Delaroche, «La datation du De
peccatorum meritis et remissione», REAug. 41, 1995, p. 37-57..
30. CSEL 44, p. 152-153.
31. Voir M.-F. Berrouard, «Les lettres 6* et 19* de s. Augustin», RÉAug. 27,
1981, p. 264-277 (voir p. 268) et Y.-M. Duval, BA 46B, p. 511.
32. Voir A. Cappelli, Cronologia, Cronografia e Calendario Perpetua, 6e éd., Milano,
1988, p. 191.
PROBLÈMES 157
33. Voir S. Lancel, «Saint Augustin et la Maurétanie Césarienne : les années 418-419
à la lumière des Nouvelles Lettres récemment publiées», RÉAug. 30, 1984, p. 48-59
34. Voir Perler-Maier, Les voyages, p. 345-350 ; A. Mutzenbecher, CCL 57, p.
XLIX-L.
35. Mémoires, XIII, p. 842 et 1027-1028.
36 . Perler-Maier, Les voyages, p. 373-378 ; A. Mutzenbecher, «Zur Datierung von
Augustins De octo Dulcitii qq.», Sacris Erudiri, 19, 1969-70, p. 365-379.
18
Tableau
Nota bene : Ce tableau présente les titres des œuvres d'Augustin suivant
l'ordre des Retractationes, par périodes, sans leur assigner de dates trop
précises, étant donné les difficultés signalées ci-dessus.
Les remarques et les indications bibliographiques ne visent qu'à inciter les
lecteurs à reprendre l'examen des problèmes de datation des œuvres qui les
intéressent.
Carthage, 376-383
Carmen theatricum
Voir Conf., IV , 2, 3 et 3, 5
De pulchro et apto
Vers 380-381 ; Conf., IV, 15, 27
Milan, 384-386
Panégyrique de Valentinien II
22 novembre 384 ; Conf., VI, 6, 9
Panégyrique de Bauton
1er janvier 385 ; C. litt. Petiliani, III, 25, 30.
Cura Ecclesiae
Prêtrise, 391-395/6
RI, 14 De utilitate credendi
RI, 15 De duabus animabus
RI, 16 Acta contra Fortunatum : 28-29 août 392
RI, 17 Defide et symbolo : 8 octobre 393
RI, 18 De Genesi ad litteram liber imperfectus
RI, 19 De sermone Domini in monte
RI, 20 Psalmus contra partem Donati
R I, 27 De mendacio
Enarrationes in psalmos 1 -32
Première œuvre mentionnée pour la période de la prêtrise, le De
ut. credendi doit dater de 391. Les autres œuvres se répartissent
normalement autour des Acta c. Fortunatum et du Defide et
symbolo, dont les dates exactes sont connues, comme nous l'avons
indiqué ci-dessus : «Problèmes».
Selon Retr., I, 23, l' Expos, quar. prop. ex ep. ad Romanos
résulte d'un entretien qui eut heu à Carthage ; ce voyage d'Augus
tin se fit probablement à l'occasion du concile qui se tint le 26 juin
394. Cf. Perler-Maier, Les voyages, p. 162-163.
Dès le temps de sa prêtrise, Augustin eut l 'idée d'un commen
taire entier des Psaumes et donna de courtes explications des Ps. 1-
32. Voir H. Rondet, «Essais sur la chronologie des "Enarrationes
in psalmos"», Bulletin de Littérature Ecclésiastique, 61, 1960, p.
111-127.
Cura Ecclesiae
Épiscopat, 1
395/6-411
Augustin devint évêque entre mai 395 et août 397 ; voir S. M.
Zarb, «De anno consecrations episcopalis s. Augustini»,
Angelicum, 10, 1933, p. 261-285. En mai ou juin 395, selon O.
Perler ; voir Perler-Maier, Les voyages, p. 164-178 ; en 396, selon
D. E. Trout, «The dates of the ordination of Paulinus of Bordeaux
and of his depature for Nola», RÉAug. 37, 1991, p. 237-260. Voir
aussi Lenain de Tillemont, Mémoires, XIII, p. 975-976.
R H, 1 Ad Simplicianum de diuersis quaestionibus
Première œuvre de la période de l'épiscopat (Retr., II, 1, 1) ;
elle date de l'hiver 395-396 selon Perler-Maier, Les voyages, p.
177. Il faudrait la reporter après le 4 avri 397, date de la mort
d'Ambroise de Milan, si Simplicianus était déjà évêque
lorsqu'Augustin répondait à ses questions ; voir Lenain de
Tillemont, Mémoires, XIII, p. 978-979. Mais ceci ne ressort pas
des marques de respect formulées dans YAd Simpl. et de YEp. 37
(Perler-Maier, p. 165-166). Selon A. Mutzenbecher, CCL 57, p.
xvm et CCL 44, p. xxxxxxill, l'ouvrage a été rédigé entre
396 et le printemps 398.
R II, 2 Contra epistulam Manichaei quant uocant fundamenti
R II, 3 De agone christiano
R II, 4 De doctrina christiana
Les livres I à III, 25, 35 ont été rédigés au début de l'épiscopat,
peut-être avant le 4 avril 397, puisqu'Ambroise n'est pas mentionné
parmi les célébrités chrétiennes défuntes : «ut de uiuis taceam» (II,
40, 61). La fin du livre III et le livre IV ont été ajoutés au cours de
la rédaction des Retractationes (cf. 2, 4, 1).
Rappelons ici qu'au cours de l'été 397, Augustin prêcha une
série de sermons à Carthage. Voir Perler-Maier, Les voyages, p.
215-222 : données à compléter et corriger par les travaux que F.
Dolbeau a publié dans la Revue Bénédictine, suite à sa découverte
des sermons inédits conservés dans le manuscrit de Mayence,
Stadtbibliothek, I 9.
R II, 5 Contra parlent Donati
œuvre perdue
R II, 6 Confessiones
Entre fin 397 et 401, selon A. Solignac dans son introduction
aux Confessions, BA 13, p. 45-54.
R II, 7 Contra Faustum manichaeum
162 TABLEAU
Cura Ecclesiae
Épiscopat, 2,
411-430
La Conférence de Carthage avec les donatistes se tint les 1er, 3 et
8 juin 41 1. Rappelons que Marcellinus, outre le rôle capital qu'il
joua en cette affaire, engagea ensuite Augustin dans la controverse
pélagienne, et la rédaction du De ciuitate Dei. Dès lors l'activité
d'Augustin va se déployer sur trois fronts durant des années.
R II, 33 De peccatorum meritis et remissione et de baptismo paruulorum
Voir ci-dessus : «Problèmes».
R II, 35 De maximianistis contra donatistas
œuvre perdue
R II, 36 De gratia noui testamenti ad Honoratum (= ep. 140)
Après le Breuiculus conlationis et le Post conlationem contra
donatistas, selon Ep. 139, 3 ; voir ci-dessus : «Problèmes».
R II, 37 De spiritu et littera
R II, 38 De fide et operibus
Début 413, à cause de l'allusion au De sp. et litt. : «modo
editus» (12,21).
RII, 39 Breuiculus conlationis cum donatistis
R II, 40 Post conlationem contra donatistas
Ces deux ouvrages ont été écrits avant le De gratia noui
Testamenti, selon Ep. 139, 3. Voir ci-dessus : «Problèmes».
R II, 41 De uidendo Deo (= ep. 147)
Commonitorium ad Fortunatianum (= ep. 148)
R II, 42 De natura et gratia
Au printemps 415, selon Y. -M. Duval, BA 46B, p. 511 et : «La
date du "De natura" de Pélage», RÉAug. 36, 1990, p. 257-283 (p.
259). Voir aussi ci-dessus : «Problèmes».
R II, 43 De ciuitate Dei
La rédaction s'est échelonnée sur une quinzaine d'années, à
partir de 412. Les trois premiers livres ont été édités avant la mort
de Marcellinus, en sept. 413. Les livres IV et V sont achevés en
415, suivant Ep. 169, 1 , à laquelle on assigne cette date. En 417,
Augustin travaille au livre XI, tandis que les dix premiers, selon
Orose, Hist., Prol., brillent déjà sur le monde entier («toto orbe
fulserunt») ! Selon YEp. 184A, 3, 5, que l'on date de 418,
164 TABLEAU
Éditions
Mutzenbecher Almut, Sancti Aurelii Augustini Retractationum libri II, CCL LVII,
Turnholti, Brepols, 1984.
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Études
Altaner Berthold, «In der Studierstube des heiligen Augustinus. Beitrage zur Kenntnis
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Schriften, TU 83, Berlin, 1967, p. 3-56).
Burnaby John, «The "Retractationes" of Saint Augustine : Selfcriticism or Apologia ?»,
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Van der Lof L. J., «Augustin a-t-il changé d'intention pendant la composition des
"Retractationes" ?», Augustiniana, 16, 1966, p. 5-10.
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Zarb Seraphinus, Chronologia operum sancti Augustini secundum ordinem Retractatio
num digesta, Romae, 1934.
20
Table analytique
Les œuvres d'Augustin sont signalées par ordre alphabétique, compte non tenu des
prépositions : Ad, Contra, De, etc.
Avant-propos 5-6
I. LES «RETRACTATIONES» 7
1. Une œuvre unique en son genre 9-15
2. Le projet et sa réalisation 17-24
DATE DUE
BIBLIOTHÈQUE AUGUSTINIENNE
PERIODIQUES