Vous êtes sur la page 1sur 5

Pour une spiritualité de l’environnement

Vous trouverez ci-dessous l’essentiel des entretiens donnés par monsieur l’abbé André
Beauchamp à la Province Esther-Blondin, le 5 mars 2011. Pour ne pas allonger, nous
avons adopté un style plutôt schématique.

Ier entretien : Le deuxième souffle

Nous parlons beaucoup de la crise de l’environnement comme de la crise la plus


importante de l’humanité. On crie au loup, on fait peur! Or, la crise la plus importante
que nous traversions actuellement est une crise spirituelle.
N’oublions pas le principe : on ne peut sauver que ce que l’on aime!
Pour arriver à sauver l’environnement, il faut se rendre compte à quel point chaque fibre
de notre corps est reliée à la terre. Un plus grand amour de la Terre serait à l’origine d’un
amour plus sage et plus respectueux. Pour cela, il faut acquérir un second souffle.

Le mot spirituel est riche en promesses et riche de possibilités.


Ce mot vient du latin spiritus : esprit
du grec pneuma : souffle, air
de l’hébreu ruah : vent, souffle de vie.
La crise de notre époque, bien qu’elle apparaisse comme une crise du « dehors », est bien
plutôt une crise du « dedans ». Elle est le signe d’un dérèglement intérieur.

Au sens strict, la spiritualité de l’environnement consiste à nous sentir en lien, en


continuité avec la nature.
La vie a commencé dans un milieu aqueux, marin. Puis, l’air est apparu. Nous, nous
sommes des êtres d’air. Nous respirons. Tâchons de retrouver ce souffle primordial.
Méditons la Genèse 1,2. L’Esprit (la ruah) tournoyait sur les eaux. L’homme fut tiré de la
glaise du sol (Gn 2,7) et Dieu lui insuffla une haleine de vie. Dieu est souffle. Il fait naître
la vie partout. L’homme devient un être vivant. À la mort, on rend le souffle de vie qu’on
a reçu (Qo 3,21).

Accéder à une spiritualité de l’environnement, c’est retrouver notre souffle en retrouvant


notre interdépendance avec notre milieu et notre origine. Le même souffle qui a
ressuscité le Seigneur Jésus, Jésus le transmet aux apôtres : « Il souffla sur eux… » (Jn
21,22).

Un vivant est essentiellement un être de respiration. Nous avons à découvrir notre


intégration dans un monde écologique. Nous devons apprendre à respirer avec notre
milieu, comprendre que nous sommes des êtres de souffle.

Réflexions personnelles
Relire le psaume 148, psaume de louange cosmique.
Au fond de nous, Dieu respire et nous respirons en Dieu, à Dieu.
Y a-t-il pour moi quelque chose de beau dans la nature qui me fait comme « respirer
davantage »?

Devenir plus attentive à mon souffle. Inspirer et expirer lentement.


Chanter, c’est faire de son corps une musique. Soyons donc la mélodie de Dieu.

Pour aller plus loin :


André BEAUCHAMP, L’eau et la terre me parlent d’ailleurs. Une spiritualité de
l’environnement, Montréal, Novalis, 2009, 219 pages.
André BEAUCHAMP, Vivre sa vie comme un chant, Montréal, Bellarmin, 2010, 117 pages.
Jean-Marie PELT, « L’homme renaturé, nomade et jardinier », dans La Vie spirituelle, no
708, janvier-février 1994, pp. 37-44.

2ème entretien : Vivre la spiritualité de l’environnement

Redécouvrir la beauté de la création, de la nature : savoir apprécier un coucher de soleil,


un arbre, l’harmonie du soir. « La beauté, c’est un message à quelqu’un » (Gabriel
Marcel). Dieu nous en a donné plein la vue!

Nous, nous fabriquons par millions des objets tous pareils… Pour l’artisan, chaque objet
est unique. Pour Dieu aussi!
Toute jeune fille est belle pour celui qui l’aime…

L’harmonie, la gratuité sont source de Beauté.


Faire une expérience océanique, l’expérience d’appartenir à un monde immense. Se
coucher dans l’herbe, regarder l’infini du ciel. On a alors le sentiment de se fondre dans
l’univers, d’échapper aux contraintes immédiates, on a la perception d’être créé.

Se recevoir comme un cadeau de Dieu, comme un humble pécheur… « Il est plus facile
que l’on croit de se haïr. La grâce est de s’oublier. Mais si tout orgueil était mort en nous,
la grâce des grâces serait de s’aimer humblement soi-même, comme n’importe lequel des
membres souffrants de Jésus-Christ. » (Bernanos, fin du Journal d’un curé de
campagne).

Adopter l’attitude de l’orant des catacombes : mains levées, grandes ouvertes qui
symbolisent notre pauvreté devant Dieu. « Tu me fais être et exister. Je me reçois de Toi
en pauvreté. Je savoure le moment présent. »

Savourer goulûment le présent. Comme dans l’hymne : « En toute vie, le silence dit
Dieu », de Patrice de la Tour du Pin (Prière du temps présent, p. 676).

Savourer la Beauté en toutes choses : dans une tasse de café, dans une pièce de musique.
Penser au roi Louis XIV : il n’avait pas notre chance. Il devait faire venir les musiciens
dans sa chambre, pour entendre de la musique. Nous, nous l’avons à portée de main…
Savoir goûter le plaisir qui n’est autre que la joie de l’existence qui retourne à Dieu.
Débusquer les « bonnes heures » (bonheur) de notre vie, lesquelles secrètent une intuition
d’éternité.

Vieillir n’est pas facile. On est confronté à un lot de restrictions comme : ne pas retrouver
ses affaires, éprouver des malaises physiques et psychiques.
Mais il faut essayer de ne pas laisser les choses périphériques nous voler notre expérience
fondamentale de la joie, ne pas laisser le meilleur se perdre, parce qu’on s’attarde trop
aux petits inconvénients du présent.
Être inassouvi d’apprendre et de découvrir. Par exemple, l’ordinateur.
Vivre dans la simplicité volontaire en appréciant ce qu’on a.
La sagesse véritable consiste à apprécier ce qu’on a, à rendre grâce pour cela.
Relire le texte de Matthieu : « Ne vous inquiétez pas pour votre vie… (…) A chaque jour
suffit sa peine » (Mt 6, 25.34).

Vivre, c’est s’insérer dans un milieu, en dépendre, se servir de ce qu’il donne.


L’être humain est à lui-même sa propre « providence ».
Faire confiance. Que notre travail, notre industrie ne devienne pas un stress.
Savoir s’abandonner; alors seulement, le niveau de stress diminue.
« Ne vous inquiétez donc pas du lendemain; demain s’inquiétera de lui-même » (Mt
25,34).
Refuser d’entrer dans le monde de la compétition, du sur-rendement. On a le droit de
vivre, de dormir!
Nous recevoir comme êtres créés.
Calmer nos énervements pour nous centrer sur l’essentiel.

Pistes de réflexion

Quel est l’élément de l’environnement auquel je me rattache (eau, air, sol, plante,
animal)?

Quels sont mes plus beaux ou les pires souvenirs rattachés à cet élément?

Est-ce que cet élément me relie à un ensemble plus grand?

Pour aller plus loin :


François CHENG, Cinq méditations sur la beauté. Livre de Poche, Nouvelle édition revue
et corrigée, Albin Michel, 2008, 123 pages.
Jean PROULX, Artisans de la beauté du monde, Sillery, Septentrion, 2002, 191 pages.
André COMTE-SPONVILLE, Albert JACQUARD, Théodore MONOD, Jean-Marie PELT, Pierre
RABHI, Annick de SOUZENELLE, …, Écologie et spiritualité, Espaces libres, no 169,
Albin Michel, 2006, 217 pages.
3ème entretien : « Moi, je suis la Vigne; vous, les sarments » (Jn 15,5).

Il y a peut-être 20 millions d’espèces vivantes. Le règne végétal présente les premières


bribes vivantes. Cette première espèce s’est enfouie dans le sol pour vivre.
La deuxième espèce, le règne animal, bouge, se déplace.
Le règne végétal est très complexe, hallucinant, fascinant.
Au plan symbolique, l’arbre offre quatre caractéristiques.

Longévité
L’arbre peut vivre très longtemps : de 1 jour à 10,000 ans, comme le sequoia.
L’arbre est très important dans la Bible. Il perdure.
Cf. Chêne de Mambré, jardin des Oliviers, vignes, sycomore de Zachée, cèdres du Liban.
Un arbre est patient, endurant, persistant.
« Je plie, et ne romps pas », dit le roseau au chêne, dans une fable de La Fontaine.
Le développement d’un être humain peut se comparer au développement d’un arbre.

Enfouissement
Jésus, tel un arbre, s’est enfoui dans la terre. Son lieu de naissance : Nazareth. Trente ans
de vie cachée.
Charles de Foucauld a vécu cette spiritualité de l’enfouissement. Il ne voulait pas de
statut, ne voulait pas être ordonné « prêtre ». Il ne voulait que rester là, « pure présence »
au milieu des touaregs du désert.
Certains êtres humains sont plus près du règne végétal. Ils s’enfouissent à une place.
L’être humain, tel un arbre, fourmille de petites racines. Cf. le cœur et toutes ses petites
ramifications de veines.

Fécondité
L’arbre porte des fruits et a besoin d’autres vivants pour se reproduire.
L’érable produit des samares. D’autres arbres produisent d’autres fruits : glands,
châtaignes, etc.
Le cerisier, des cerises. L’oiseau mange la cerise, puis « laisse tomber en terre » le noyau
qui, à son tour, germe et produit un autre cerisier.

Robustesse
L’arbre est robuste et solide. « Je plie, et ne romps pas ».
C’est assez intéressant de devenir un arbre…

Analyse de la coupe d’un arbre :


Au milieu : le cœur. Puis des ronds concentriques qui disent l’âge de l’arbre. Certains
cercles sont inégaux : parfois larges, parfois minces. Grâce à l’examen de la largeur des
cercles, on peut décrypter la vie de l’arbre, ses blessures. Tout est inscrit dans la chair de
l’arbre.
Jacob sort de sa lutte avec Dieu, blessé à la hanche. Cf. Gn 32,32.
Bref : l’arbre parle de nous et nous parle.
Les deux arbres de la Genèse (Gn 2,9)
. l’arbre de la vie : se situe du côté de Dieu. L’être humain y a accès. Il symbolise
l’éternité de la vie;
. l’arbre de la connaissance du bien et du mal. Cette connaissance est un privilège que
Dieu se réserve et que l’homme usurpe par le péché (Gn 3, 5.22). L’homme ne connaît le
mal que s’il décide lui-même d’en faire l’expérience.
Par suite de la désobéissance, l’arbre de la vie n’est plus accessible. Des anges le
défendent (Gn 3, 24).

L’arbre chrétien ultime : l’arbre de la croix


Il prend ses racines au sol, il pointe vers le ciel.
L’arbre de la vie et l’arbre de la connaissance du bien et du mal ne seront réconciliés que
dans la croix du Christ. Sur cet arbre désormais unique, les fruits de la souffrance et de la
mort deviendront fruits de vie. (Bible de Jérusalem, avec commentaires des Pères de
l’Église, notes et clefs de lecture).
C'est l'Arbre du salut : l'Arbre qui rachète l’homme. Dans une icône du Christ en croix,
sous la croix, on trouve le crâne d’Adam.

Le Christ lui-même : l’arbre fondamental


« Je suis la Vigne, vous, les sarments » (Jn 15,5).
Le Christ, c’est l’arbre auquel nous sommes rattachés.
Nous sommes incorporés à Lui, soudés à cet arbre-là. Greffés sur Lui, nous allons donner
des fruits qui sont « nôtres », mais toute la sève de vie vient de Jésus-Christ. D’où
l’importance de la greffe qui nous soude à l’arbre par excellence : Jésus-Christ. Cette
symbolique de la plante réfère à la symbolique de l’inhabitation, de l’intimité, du fruit.

Cette symbolique diffère de la comparaison utilisée par saint Paul. Cf l Co 12, 12-30.
Cette comparaison du Corps est axée sur la hiérarchie. « Vous êtes le Corps du Christ.
Acceptez donc qu’il y ait une Tête, c’est-à-dire une autorité! », pourrions-nous dire.

Travaux pratiques

Méditer sur l’arbre.

Reconstruire mon arbre généalogique.

À la lumière des trois entretiens, méditer sur l’utilisation faite de la symbolique de l’arbre
par votre fondatrice, Mère Marie-Anne.

Texte retranscrit par Pierrette Petit, S.S.A. et revu par le conférencier.

Vous aimerez peut-être aussi