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2011
Récemment, les scandales financiers qui ont ébranlé la confiance des investisseurs et qui ont
mis en lumière l’étendu de la problématique d’agence dans les grandes entreprises modernes,
ont donné plus d’ampleur au concept de gouvernance d’entreprise.
Nous présentons dans cette étude une synthèse des recherches empiriques et théoriques sur la
rémunération des dirigeants, son hypothétique lien avec la création de valeur, le débat au sujet
de la rémunération sous formes d’options et son impact sur le comportement du dirigeant.
Mots clés : Création de valeur actionnariale, rémunération des dirigeants, EVA, théorie de
l’agence, gouvernance d’entreprise, stock-options.
Abstract
Recently, the financial scandals which have shaken investor confidence and which have
demonstrated the extent of agency problem in the big modern firms, gave more importance to
the concept of corporate governance.
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Revue Marocaine de Recherche en Management et Marketing, N° 4-5. 2011
Indeed, one of the key objectives of improving governance practices is to align the interests of
executives with those of the company. In this, shareholders must adopt a remuneration policy
which led the executives to increase the value of the long-term of the company and ensure its
perennity. At the first glance, two simple principles allow to meet this objective:
strengthening the link between executive compensation and shareholder value, and encourage
executives to become shareholders.
Key words: Shareholder value, Executive compensation, EVA, agency theory, corporate
governance, stock-options
Introduction
Dans les entreprises modernes, on assiste à une dissociation entre la fonction de propriété
exercée par les actionnaires et la fonction de gestion, pratiquée par les dirigeants. Le pouvoir
réel de décision est alors détenu par les dirigeants. Quant aux actionnaires, qui recherchent un
profit maximum, ils ne peuvent pas contrôler la totalité des mesures prises par leur mandataire
social et ne possèdent ni la même compréhension, ni le même niveau d’information sur les
projets potentiellement réalisables par l’entreprise.
De ce fait, sous l’hypothèse d’information incomplète, probablement biaisée par des agents
stratèges et maximisateurs, et si les actions et décisions des dirigeants ne sont pas susceptibles
d’un contrôle efficace et permanent des actionnaires -ou si ce contrôle impose aux
actionnaires des coûts prohibitifs-, il est clair que les dirigeants n’auront pas toujours comme
objectif unique de maximiser la valeur de l’entreprise.
Le problème provient alors de la divergence d’intérêts entre les actionnaires et les dirigeants.
Ces derniers pourraient agir, tout au long du processus de décision, dans le sens contraire des
intérêts des actionnaires, et ne pas prendre en permanence des décisions qui favorisent la
création de valeur mais d’autres qui leur semblent judicieuses d’un point de vue subjectif et
personnel, bien qu’elles puissent être source de destruction de valeur.
En effet, les récents scandales tels que Enron, Woldcom ont dévoilé des comportements de
mauvaise gestion des dirigeants, une spoliation massive des actionnaires et ont mis en lumière
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De ce fait, la rémunération des dirigeants revêt une importance cruciale et elle est loin d’être
déterminée de manière aléatoire. Il s’agit d’une part, de récompenser justement le travail
accompli par le dirigeant dans l’intérêt de l’entreprise et de ses actionnaires et d’autre part de
le motiver à continuer à travailler de son mieux dans ce même intérêt. Théoriquement, la
forme de rémunération du dirigeant influence son comportement et oriente différemment les
stratégies de l’entreprise et par conséquent sa valorisation boursière44.
La « shareholder value » ou valeur actionnariale est un concept qui trouve ses origines dans
les études réalisées par les économistes américains Modigliani et Miller au début des années
1960. Ils partent du constat suivant : s’agissant d’évaluer une entreprise, du point de vue de
l’actionnaire, ce n’est pas tant le profit réalisé par l’entreprise qui importe mais le rendement
qu’obtient un actionnaire de part son investissement dans la société en question.
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J. CABY, G. HIRIGOYEN (2005), « Création de valeur et gouvernance de l’entreprise », 3 édition, Economica
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Pablo Fernandez (2003)45 a énoncé qu’il y a création de valeur pour l’actionnaire quand le
rendement des actionnaires excède le coût des capitaux propres (le rendement exigé des
capitaux propres). Une firme détruit la valeur quand l’opposé se produit.
Cette nouvelle approche marque une rupture radicale avec la conception traditionnelle de la
performance. Elle reconnaît que le capital a un coût et qu’il n’y a de création de valeur que
lorsque le rendement des capitaux investis est supérieur à ce coût. Alors que pendant
longtemps, on considérait que la performance pourrait se mesurer par le bénéfice comptable et
que seul le coût des dettes est considéré comme une charge. Ainsi, l’approche classique
donnait une image totalement erronée de la performance de l’entreprise.
Effectivement, les fonds propres ne sont pas une ressource gratuite. Les actions constituaient
un actif risqué et leurs détenteurs demandent un taux de rendement élevé. En revanche, si le
capital n’est pas correctement rémunéré, il se réallouera vers d’autres secteurs susceptibles de
lui fournir un rendement plus élevé.
La valeur ne se crée pas par hasard, surtout dans un environnement de plus en plus incertain.
Les décisions stratégiques sont déterminantes et ont un impact sur la valeur créée. Par
décisions stratégiques, nous entendons ici les grandes décisions qui sous tendent des montants
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P. FERNANDEZ (2003), « equivalence on ten different methods for valuing companies by cash-flow
discounting » working paper
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Plusieurs types de leviers entrent alors en jeu : des leviers stratégiques (externes et internes)
mais aussi des leviers financiers.
Un des premiers leviers externes est l’avantage concurrentiel qui a été beaucoup développé
dans les travaux de Michel Porter (1986) et Alfred Rappaport (1987).
La recherche d’une amélioration du profit économique peut être considérée comme un autre
levier stratégique.
Pour améliorer son profit économique et mettre en place ce levier, l’entreprise dispose de cinq
types d’actions :
- Augmenter l’endettement ;
- Investir plus dans des activités rentables, sachant que l’investissement constitue la décision
- Désinvestir des activités pas ou plus rentables qui n’ont aucune perspective d’amélioration ;
Plusieurs types de leviers financiers existent pour accroître la valeur actionnariale. Parmi
ceux-ci on peut retenir : les offres publiques de rachat d'actions et la gestion des risques des
prix financiers.
Les rachats par les sociétés de leurs propres actions sont des opérations qui deviennent très
courantes aux Etats-Unis et en Europe occidentale et qui tendent à s'amplifier aussi au Maroc
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ces dernières années, depuis que le souci de la valeur actionnariale a trouvé un écho chez les
dirigeants.
Plutôt que de distribuer directement le cash aux actionnaires, l’entreprise en rachetant ses
actions choisit de redistribuer le surplus de liquidité sous forme de plus value dans la mesure
où le rachat d’actions provoque généralement une hausse du cours, c’est donc une alternative
à la distribution de dividendes.
L'offre publique de rachat de leurs propres actions par les sociétés est un élément intéressant
de la stratégie financière de certains groupes industriels. Elle est à la source d'une importante
flexibilité recherchée par les dirigeants pour établir une structure rationnelle du capital
permettant l'accroissement de la valeur actionnariale.
De la même façon, la gestion des risques des prix financiers permet d'accroître la valeur
actionnariale. On définit les prix financiers comme étant les taux d'intérêt, les prix des devises
et les prix des matières premières.
Les entreprises cherchent donc, à développer le plus possible des stratégies d’immunisation
contre le risque, qui permettent entre autres de réduire la volatilité des cash-flows et en
conséquence la valeur de l’entreprise. En réduisant le risque spécifique ou diversifiable, la
gestion des risques permet ainsi d’accroître la valeur de l’entreprise.
Les indicateurs comptables traditionnels ont longtemps habillé le discours des dirigeants
d’entreprise et continuent à le faire.
Jusqu’au milieu des années quatre vingt, l’entreprise communiquait essentiellement sur le
résultat net (RN) ou le bénéfice par action (BPA), paramètres éminemment de la comptabilité
mais aussi sujets à « manipulation ».
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Une seconde génération d’indicateurs comptables est apparue lorsque le raisonnement s’est
élargie à la notion de rentabilité c'est-à-dire le rapport entre les résultats dégagés et les
capitaux mobilisés pour les atteindre. On parlera alors de taux de rentabilité des capitaux
propres (Rcp), critère soumis néanmoins à l’effet de levier : une hausse judicieuse de
l’endettement accroît le plus souvent cet indicateur sans que la valeur n’en soit pour autant
augmentée.
Ces indicateurs de nature comptables continuent à avoir la préférence des investisseurs car la
comptabilité est le système d’information majeur et organisé de l’entreprise. Cependant
l’utilisation de ces critères n’a qu’un lointain rapport avec la création de la valeur.
La mesure la plus récente et la plus répandue au sein des entreprises de la création de valeur a
été développée et déposée comme marque par le cabinet Stern & Stewart qui, en 1991, a
révisé le calcul de revenu résiduel à travers une série d'ajustements comptables pour aboutir à
l'EVA « Economic Value Added » ou « valeur ajoutée économique ».
L'EVA est alors définie comme un profit économique généralisé, c'est à dire le surplus obtenu
après rémunération de tous les apporteurs de fonds, dettes et capitaux propres. L'EVA est
donc égale à la différence entre le résultat opérationnel après impôts ou NOPAT, (Net
Operating Profit After Tax) et la rémunération de la totalité des capitaux investis au coût
moyen pondéré du capital. Il y a donc création de valeur (EVA > 0) non pas lorsque
l'entreprise s'est révélée simplement profitable, mais lorsque son résultat est suffisamment
abondant pour couvrir la rémunération des fonds propres évaluée au coût du capital.
En effet, l’EVA est un outil de gestion financière décentralisé qui permet à tous les niveaux
de l'entreprise de mesurer la performance d'une unité en lui appliquant un taux de rentabilité
exigé individuel.
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Comme les autres indicateurs économiques, cette méthode est le résultat d’une pression
poussée par les actionnaires sur les dirigeants, elle présente des avantages indéniables et des
caractéristiques propres à elle.
- L’EVA est une méthode plus simple que les cash flows actualisés.
Dans la méthode de l’EVA, la création de richesse espérée par l’actionnaire par rapport au
capital qu’il a investi initialement est mesurée par l’indicateur MVA (Market Value Added).
La MVA ou valeur ajoutée de marché représente la valeur actuelle des chroniques de l’EVA,
autrement dit la somme actualisée au coût du capital des EVAs anticipés pour chaque année.
Soit :
∑ t =1n . EVA t
MVA t =
(1 + K ) t
La MVA est une mesure de performance externe. A ce titre elle donne un ordre de grandeur
de la plus value que dégageraient les actionnaires de la vente de l’entreprise après déduction
des montants qu’ils ont investis. Cette plus value correspond à l’écart entre la valeur boursière
de l’entreprise et la valeur comptable des fonds propres, d’où :
«La MVA = valeur boursière – (capitaux engagés – dette financière) = valeur actuelle des
EVA »
En ce sens, l’EVA suscite plus d’intérêt que la MVA parce qu’elle mesure les performances
annuelles. La MVA est une mesure statique qui concerne la totalité de la création de valeur de
l’entreprise depuis sa date de création jusqu’au jour où elle est calculée, et elle est moins
pratique que l’EVA pour évaluer et rémunérer les performances des dirigeants. De plus, on ne
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peut la calculer que pour les entreprises ou les divisions d’entreprises dont les titres sont
négociés en bourse. L’EVA a l’avantage de permettre la mesure des performances à n’importe
quel niveau de l’entreprise, et pas seulement au niveau consolidé.
Dès le 18e siècle, les économistes ont reconnu le problème de délégation posé par la
séparation entre la propriété d’une entreprise et sa gestion. Ce problème avait été identifié par
Adam Smith qui allait même jusqu’à conclure de l’inefficacité des grandes sociétés par
actions qui venaient de faire leur apparition. Une inefficacité qui peut être expliquée par les
conflits d’intérêts entre des actionnaires et des dirigeants qui poursuivaient d’autres objectifs
que le traditionnel objectif de maximisation de la valeur de marché des fonds propres.
Afin de pouvoir atténuer l’intensité de ces conflits et dans le but d’aligner les intérêts
divergents, le concept de gouvernance d’entreprise est apparu et devient de plus en plus le
souci de toute entreprise et tous les pays.
L’analyse conceptuelle des conflits d’intérêts, appelés conflits d’agence, puise sa richesse
dans les multiples courants théoriques qui, de manière plus ou moins proche, ont contribué à
la connaissance de la relation actionnaires/dirigeants. Mais avant d’aborder ces théories, il est
nécessaire de souligner le rôle du dirigeant en tant que tel, et sa place dans le processus de
création de valeur actionnariale.
Dans la mesure où la politique générale de l’entreprise est principalement déterminée par ses
dirigeants, la maximisation de la valeur est placée sous leur responsabilité.
Bien évidemment, l’organisation est un reflet de son équipe dirigeante et les caractéristiques
et le fonctionnement de celle-ci ont un grand pouvoir explicatif sur les résultats de
l’entreprise, comme sur ses choix et positions stratégiques. De ce fait, le dirigeant constitue
un élément contributeur décisif à la création de valeur de l’entreprise.
Chez Alchian et Demsetz, le dirigeant occupe la position centrale du processus productif et est
chargé d’assurer la meilleure productivité possible en contrôlant les différents membres de
l’équipe. Il se trouve donc, au centre d’un véritable nœud de contrat, c'est-à-dire au centre de
toutes les relations entre tous les partenaires de la firme dont les intérêts sont contradictoires.
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Et de plus en plus, ces dernières années, le métier du dirigeant s’est complexifié et a connu de
nombreuses mutations sous le fait d’une pression accrue de l’environnement, rendant ainsi
extrêmement difficile la gestion des activités et des différentes parties prenantes de
l’entreprise.
Notons que la pression s’exerce essentiellement au niveau des actionnaires qui s’attendent à
voir leur richesse augmenter et doivent s’assurer en permanence que le premier objectif de
leur dirigeant est la maximisation de la valeur actionnariale.
La forme de société par actions est dotée d’un appareil managérial complexe où la propriété et
la gestion de la société sont exercés par des individus différents (actionnaires / dirigeants).
S’agit-il du type de système de droits de propriété le plus efficient ? Il s’agit là d’une question
qui a fait couler beaucoup d’encre depuis le 18ième siècle.
Développé par Berle et Means ainsi qu’Alchian et Demsetz, la théorie des droits de propriété
a montré comment cette forme d’organisation agit sur le comportement des agents individuels
et sur le fonctionnement et l’efficience du système économique.
Elle a été complétée par la théorie d’agence qui constitue aujourd’hui le cadre d’analyse
dominant des formes d’organisation économiques et plus particulièrement de la firme.
Cette théorie développée par Jensen et Meckling (1976) reste fidèle aux hypothèses standards
de rationalité : elle suppose que chaque partie cherche à maximiser son utilité et qu’elle
anticipe rationnellement l’effet d’une relation d’agence sur ses résultats futurs.
Jensen et Meckling définissent ainsi une relation d’agence comme un « contrat par lequel une
ou plusieurs personnes (le principal) engage une autre personne (agent) pour exécuter en son
nom une tâche quelconque qui implique une délégation d’un certain pouvoir de décision à
l’agent ».
Les problèmes qu’étudie la théorie de l’agence n’apparaissent donc que dans la mesure où :
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L’horizon économique de l’actionnaire est basé sur le long terme. Il aura tendance à
privilégier les investissements de long terme. En revanche, le dirigeant, qui peut être à
tout moment révoqué par le propriétaire de la firme, aura tendance à ne choisir que des
investissements basés sur le court terme.
Le dirigeant est au centre d’un nœud de contrat au sein de la firme qu’il dirige. Il peut
dès lors manipuler l’information qu’il transmet aux actionnaires et aux autres
partenaires de la firme. La position centrale qu’il occupe peut lui permettre d’être
opportuniste et donc de continuer à maximiser sa propre fonction d’utilité au détriment
des autres stakeholders.
Bref, la théorie de l’agence repose sur une idée de base assez simpliste : du fait des
divergences d’intérêts qui existent entre les individus ou les organisations, les relations de
coopération s’accompagnent nécessairement de conflits générateurs de coûts qui réduisent
ainsi les gains potentiels issus de la coopération. On appelle ces coûts, les coûts d’agence.
A partir de ce premier constat d’une non convergence des intérêts de ces deux parties, il reste
aux principaux (actionnaires) de mettre en place des mécanismes susceptibles de réduire au
maximum l’asymétrie d’information afin que les dirigeants ne soient pas tentés d’élaborer des
stratégies contraires à l’intérêt social et aux intérêts des actionnaires.
Le débat sur la gouvernance des entreprises repose sur l’hypothèse suivante : Parce qu’ils sont
capables de s’affranchir des différents mécanismes mis en place pour les contrôler, les
dirigeants d’entreprises sont en mesure de s’attribuer des rentes au détriment des actionnaires
(shareholders) et des autres partenaires de l’entreprise (stakeholders). Il s’agit donc de
proposer un certain nombre d’outils de contrôle et d’incitation des dirigeants susceptibles de
rétablir l’équilibre en faveur des différents groupes de stakeholders, d’aligner leurs intérêts et
d’aboutir à une répartition de la richesse créée plus équitable afin d’améliorer l’efficacité des
firmes et donc leur performance.
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Selon Caby (2005)47, « la gouvernance est venue mettre en jeu des leviers d’alignement du
comportement des dirigeants pour lutter contre les déviations que ces derniers peuvent faire
de diverses manières, à travers par exemple des stratégies d’enracinement, d’opportunisme, de
recherche de croissance, etc.… »
Et dans une optique plus large, Oman, Fries et Bruiter (2003) pensent que la finalité de la
gouvernance d'entreprise repose sur trois axes :
- Fournir les moyens de surveiller le comportement des dirigeants afin de protéger au meilleur
coût les intérêts des investisseurs et de la société contre les abus des dirigeants d'entreprises.
La gouvernance s’inscrit donc, dans une perspective de contrôle des dirigeants et de définition
disciplinaire des « règles du jeu managérial».
Au sens strict, les parties concernées sont les actionnaires. Mais au sens large, ce concept
concerne d’autres « détenteurs d’enjeux », en premier salariés, prêteurs, clients et
fournisseurs, et, d’une manière plus indirecte, les différentes personnes et collectifs concernés
par les activités de l’entreprise (Etat et collectivités locales, associations de défense de
l’environnement…).
46
G. CHARREAUX (1997), « Le gouvernement des entreprises », Economica
47 e
J. CABY, G. HIRIGOYEN, (2005) « Création de valeur et gouvernance de l’entreprise », 3 édition Economica
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Dès lors que la théorie de l’agence considère la firme comme une fiction légale servant de
nœud pour un ensemble de relations contractuelles entre des individus à intérêts divergents,
induisant à des comportements opportunistes destructeurs de valeur, la gouvernance
d’entreprise, afin de lutter contre ces déviations, a mis en jeu des leviers d’alignement du
comportement des dirigeants.
Ainsi, on peut distinguer deux types de leviers, les mécanismes de contrôle et les incitations
financières. Les mécanismes de contrôle des actions des dirigeants, sont de deux ordres : ils
sont internes à travers le jeu de la surveillance, ou externes à l’entreprise à travers la discipline
exercée par les divers marchés.
Ensuite vient le rôle des actionnaires, à travers le vote par procuration et l’actionnaire de
référence, et puis le rôle de la surveillance mutuelle des dirigeants de même entreprise.
Le libre fonctionnement des marchés financiers et boursiers est censé contraindre les
dirigeants à gérer conformément aux intérêts des actionnaires (PARRAT, 1999).
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Les prises de contrôle jouent aussi un véritable rôle disciplinaire et un moyen efficace pour
résoudre les conflits entre actionnaires et dirigeants induits par la divergence d’intérêts.
En effet, les menaces d’OPA (offre publique d’achat) qui pèsent sur les dirigeants exercent
une pression sur eux en les sanctionnant en cas de mauvaise gestion ou de manque de
transparence dans l’information transmise au marché.
Selon E. Fama et M. C. Jensen, la baisse et la montée des cours des actions permettent
l’appréciation de l’efficacité de gestion des dirigeants. Une baisse fait craindre une prise de
contrôle et incite les dirigeants à mieux satisfaire les intérêts de leurs actionnaires.
Le marché de travail des dirigeants joue aussi un rôle de contrôle. Il est chargé d’évaluer en
permanence la valeur des managers. Ceux-ci, peuvent en effet, être révoqués à tout moment
par leur conseil d’administration et peuvent dès lors se retrouver en position d’offreurs sur ce
marché. De ce fait, les dirigeants peuvent être tentés de veiller à ce que leur opportunisme ne
soit pas perçu par le marché pour ne pas remettre en cause leur réputation.
La question de la rémunération des dirigeants cristallise une part importante des débats en
gouvernance d’entreprise et illustre les frictions croissantes entre les actionnaires et les
dirigeants. L’enjeu de ce champ d’étude porte davantage sur l’architecture de la rémunération
des dirigeants que sur le niveau de rémunération proprement dit sachant que c’est selon les
modalités de sa rémunération que le dirigeant oriente différemment la stratégie de l’entreprise
et au final influence sa valorisation boursière.
48 ème
H. PLOIX, « Gouvernance d'entreprise : Pour tous, dirigeants, administrateurs et investisseurs » 2
édition Village Mondial, 2006
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Selon Larcker (1983) les plans de rémunération liés à la performance de la firme présentent
l'avantage de réduire la tendance des dirigeants, averses au risque, à rejeter les projets
d'investissement ayant une variance de rendement élevée.
Bien évidemment, lorsque la richesse des dirigeants est étroitement reliée à celle des
actionnaires, les dirigeants auront des préférences vis à vis des projets plus risqués, tout
comme les actionnaires. Inversement, lorsque la rémunération n'est pas subordonnée à la
performance, les dirigeants ne seront pas incités à entreprendre des projets risqués, ils auront
tendance à limiter les résultats de la firme en adoptant les options stratégiques les moins
risquées et peuvent recourir aux politiques de lissage comptable des résultats.
Abowd (1990)49 à travers ses recherches et ses études empiriques a conclu que la
rémunération des dirigeants a un effet sur la performance qui n’est pas instantané. La
sensibilité de la rémunération des dirigeants durant une année est corrélée positivement avec
la performance de l'année qui suit.
Leonard (1990), quant à lui, a fait une étude sur un échantillon de grandes entreprises entre
1981 et 1985 et a conclu que les entreprises adoptant les plans de motivation à long terme
sont exposées à une plus grande augmentation des recettes que les autres entreprises.
S. F. O'Byrne (1995), pour sa part, indique que la rémunération des dirigeants doit répondre à
quatre préoccupationspour les inciter à maximiser la valeur de l'entreprise:
Selon O'Byrne, aucune autre formule de rémunération ne peut mieux garantir le respect de ces
conditions que la participation des dirigeants au capital.
49
J. ABOWD , D.S. KAPLAN 1999, “Executive compensation : six questions that need answering”, Journal of
Economic Perspectives, 13, 145-168.
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Kevin J. Murphy qui est l’un des pionniers de la théorie du contrat a consacré plusieurs
articles et ouvrages à la rémunération des dirigeants et aux différents modes d’incitation
visant à résoudre le problème d’agence existant entre les dirigeants et les actionnaires. Et dans
un article rédigé avec l’aide de Michael C. Jensen, ils avancent que la rémunération du
dirigeant a pour but de réconcilier les intérêts des actionnaires, la création de valeur, et ses
intérêts propres qui peuvent parfois être contradictoires
Hall et Liebman (1998), eux aussi ont démontré, suite à une étude sur le marché américain,
qu’il existe une forte corrélation entre la rémunération des dirigeants et la performance de leur
société en prenant en compte les stock-options et la détention d’actions de leur société,
principaux outils de l’incitation à la performance permettant de résoudre le problème de
conflit d’intérêts avec les actionnaires.
Les modes de rémunération qui sont étroitement liés à la performance ont donc l'avantage de
favoriser « l'autorégulation » de l'agent, ce qui permet d'éviter un contrôle direct, complexe et
coûteux et qui sera bien entendu réducteur des coûts d'agence. C’est une technique d'auto
exécution de la gouvernance d’entreprise.
L’émergence d’un tel système n’est évidemment pas le fruit du hasard. Il découle de l’analyse
du comportement de l’agent et du désir du principal de parvenir à une convergence d’intérêts
destructrice de coût d’agence.
On entend ici par rémunération à court terme, l’ensemble des composantes des sommes
pouvant être allouées directement ou indirectement au dirigeant de manière annuelle.
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Les stock-options se voient assigner un double rôle par la théorie financière : elles
apparaissent comme un mécanisme d’alignement des intérêts des dirigeants sur ceux des
actionnaires et comme un outil de signalisation de la qualité de gestion de l’entreprise.
Juridiquement, les stock-options sont un droit optionnel et donc pas une obligation donnée à
son bénéficiaire à acquérir un certain nombre d’actions ou valeurs mobilières assimilées de
l’entreprise émettrice à un prix convenu à l’avance et fixé au moment de l’attribution de
l’option dit « prix d’exercice ». Par la suite, l’option pourra être exercée/levée par le
bénéficiaire à l’intérieur d’une période limitée de validité dans la mesure où le prix de l’action
est supérieur au prix convenu pour l’exercice de ladite option. Enfin, lorsque l’option est
exercée, le bénéficiaire pourra céder les actions acquises qui peuvent être soit des actions
anciennes détenues par la société émettrice du plan de stock-options dans le cadre d’un plan
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de rachat d’actions par exemple, soit des actions nouvelles émises notamment par le biais
d’une augmentation de capital social de la société.
Le dirigeant réalise ainsi à coup sûr une plus-value d’acquisition, à condition évidemment que
l’action ait bénéficié d’une évolution favorable sur la période. Dans le cas contraire, il suffit
pour lui de ne pas lever l’option.
Selon Mauboussin (2004)50, les options sont un investissement motivationnel, et comme tout
investissement, l'avantage d'une option doit dépasser le coût du capital pour pouvoir créer de
la valeur aux actionnaires.
Les avantages des stock-options résident donc, premièrement, dans la possibilité d’une
convergence d’intérêts entre dirigeants et actionnaires. Quand les dirigeants sont rémunérés
sous forme de stock-options, leur richesse s’accroît en même temps que celle de leurs
actionnaires et cela ne peut que limiter les choix de gestion motivés par intérêt personnel.
Cela contribue également à aligner leur horizon d’investissement sur celui des actionnaires,
c'est-à-dire les inciter à se préoccuper de la performance à long terme de la société et éviter le
« court-termisme » et la manipulation de cours et aussi les inciter à la prise de risque.
Et finalement, les stock-options peuvent être aussi utilisées comme un moyen de récompense
des performances individuelles du fait du caractère nominatif de leur attribution.
Toutefois, on doit souligner les critiques formulées aussi à l’encontre des stock-options, ces
critiques sont liées à l’utilisation qui en est faite plutôt que de l’instrument lui-même.
50
M.J. MAUBOUSSIN, (2004), « Employee Stock Options Theory and Practice »
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Conçu initialement comme un moyen de faire partager les intérêts des actionnaires par les
dirigeants en les intéressant directement à l’évolution du cours de bourse, le système a été «
dévoyé » au cours du temps. D’une certaine façon, le modèle est victime de son succès. Son
développement en a fait en quelques années un mode de rémunération des dirigeants à part
entière, qui reste avantageux pour les bénéficiaires même en période de chute boursière
(ajustements de prix d’exercice consentis par les sociétés).
Pour les professionnels, tout est en fait question de dosage. « Les stock- options sont un bon
outil lorsqu’on les utilise avec discernement et modération. Il faut rester sélectif pour
demeurer efficace et respecter les actionnaires », souligne d’ailleurs Bernard Lemée, directeur
des ressources humaines de BNP Paribas.
La retraite complémentaire :
Une autre forme d’intéressement à long terme, la retraite complémentaire. Les dirigeants
négocient des retraites personnelles parce que la retraite versée par les régimes obligatoires ne
représente que 25% à 45% des derniers salaires d’activité des dirigeants.
Il existe deux systèmes possibles en ce qui concerne la question des contributions à la retraite
pour le dirigeant :
- Un système de rentes définies qui garantit au bénéficiaire une annuité qui, typiquement, est
souvent à peu près égal à 65% du salaire que le dirigeant reste ou non dans l’entreprise
jusqu’à son départ à la retraite.
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A ces deux composantes, d’autres éléments de rémunération ayant toujours comme objectif
sous-jacent de motiver les dirigeants à toujours produire plus d’effort, ont vu le jour aux USA
et au Royaume-Uni. Comme par exemple les régimes d’unités d’actions avec restrictions ou
différées, le droit à la plus-value des actions ou encore les bonus différés.
Le débat qui est mené aujourd’hui sur la bonne gouvernance d’entreprise au Maroc a pour
objectif principale de répondre à la question : comment empêcher les dirigeants de poursuivre
leurs propres buts ? Comment les contraindre et les inciter à épouser les intérêts des
actionnaires ?
C’est dans cet objectif que la loi 17/95 et ensuite la loi 20-05 sur les sociétés anonymes et les
règles du Conseil Déontologique des Valeurs Mobilières ont été conçues. Elles visent
l’adoption de nouvelles règles d’organisation et d’administration des sociétés, notamment
celles cotées en bourse afin de donner plus de crédibilité à la place financière de Casablanca
et rassurer les investisseurs locaux et étrangers.
Sachant que la décision d’investissement notamment au niveau des investisseurs étrangers est
devenue de plus en plus soumise à une préoccupation majeure : l’état de la gouvernance dans
une économie. Concrètement, à une carence de gouvernance est associé un coût implicite qui
s’ajoute au coût du capital pour former le taux de rejet des projets (taux servant de seuil pour
apprécier et disqualifier les opportunités d’investissement).
L’importance de la gouvernance est alors comprise par les pays qui s’engagent de plus en plus
à améliorer leur profil de gouvernance. Cette amélioration se traduit pour le pays par une
baisse progressive de la prime à la bonne gouvernance.
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Revue Marocaine de Recherche en Management et Marketing, N° 4-5. 2011
- Améliorer les performances et la compétitivité des entreprises et accroître ainsi leur valeur à
long terme grâce à la qualité de leurs organes de gouvernance (Conseil d’Administration,
Conseil de Surveillance, Directoire, Conseil de Famille, Conseil de Direction…) ;
- Consolider les relations avec les parties prenantes (employés, clients, créanciers,
Administration, …) grâce au respect des dispositions législatives et réglementaires en vigueur
(droit boursier, droit du travail, droit des sociétés, droit commercial,….) et/ou contractuelles.
51
Il s’agit de la dualité du pouvoir entre pouvoir de contrôle de l’actionnaire confié au conseil de surveillance et
pouvoir de gestion des dirigeants assuré par le directoire afin que chacun assume sa responsabilité.
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Revue Marocaine de Recherche en Management et Marketing, N° 4-5. 2011
Ce code marocain de bonne gouvernance a mis l’accent sur quelques principes à respecter
concernant la rémunération des dirigeants, notamment le droit des actionnaires et associés à
être informés de la politique globale de rémunération des principaux dirigeants pour avoir
une vue claire de son coût global et de ses critères de détermination par référence aux
objectifs et aux résultats de l’entreprise.
Et pour encourager l’adoption des formules d’incitation financière, notamment les « stock-
options », la législation fiscale marocaine a mis en place, depuis 2001, un régime spécial
contenant des avantages pour les détenteurs de ces plans de stock-options, modifié par la loi
de finance de 2008.
L’enquête s’est déroulée du 10 Novembre 2008 au 10 Février 2009 auprès d’un échantillon
représentatif de 10 sociétés anonymes cotées en bourse.
Le choix de la forme juridique « société anonyme », avait pour raison, que c’est dans ce type
d’entreprise que la rupture entre la fonction de propriété et la fonction de gestion se concrétise
le plus. De ce fait, ces entreprises connaissent d’importants conflits d’intérêts susceptibles
d’impacter leur efficacité économique et réduire leur valeur.
Sur les entreprises contactées, seulement 40% ont répondu au questionnaire. Alors que 60%
des entreprises visées, nous ont tout simplement fait savoir qu’ils ne peuvent pas répondre aux
questions vu la nature du sujet abordé, et il est à signaler que peu d’études, sinon aucune
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Revue Marocaine de Recherche en Management et Marketing, N° 4-5. 2011
recherche académique, n’ont traité la question de la rémunération des dirigeants et son impact
sur la valeur de l’entreprise au Maroc. Cela constitue en soi une contrainte notamment en ce
qui concerne les difficultés d’aborder les acteurs et de délimiter le périmètre de l’étude.
50% des entreprises qui ont répondu à notre questionnaire appartiennent au secteur industriel,
25% au secteur financier et de l’immobilier et 25% aux autres activités de service.
L’investigation du terrain nous a permis de relever plusieurs constats sur l’état des lieux des
pratiques de gouvernance d’entreprise, notamment la politique de rémunération des
dirigeants, qui constitue le noyau de notre problématique.
Il est à noter qu’au moment où la bonne gouvernance d’entreprise se confirme de jour en jour
en tant que levier majeur d’alignement des intérêts des dirigeants sur ceux des actionnaires, et
comme une valeur universelle et une exigence à caractère international en matière des
affaires, ce concept n’est pas encore bien développé au Maroc.
Certes, tous les responsables contactés ont déclaré avoir une idée sur ce concept et avoir leur
propre code de gouvernance au sein de leurs entreprises, cependant la majorité d’entre eux
ignore son contenu exact et son étendu. Pourtant ils ont tous aussi affirmé que la gouvernance
constitue bien un levier déterminant de la création de valeur actionnariale.
En effet, à travers les réponses aux questions, la création de valeur actionnariale semble être
l’objectif premier de toute entreprise et cela est confirmé aussi en analysant les discours et les
communications financières de ces entreprises, où le mot de création de valeur se répète
plusieurs fois et justifie toutes décisions prises.
En ce qui concerne les droits des actionnaires à l’information, à la participation et au vote aux
assemblées générales, ils semblent être respectés conformément aux textes de loi. Cependant,
les décisions de qualification et de rémunération des dirigeants, même si elles sont soumises à
l’approbation des actionnaires, selon les réponses obtenues, il est évident que s’il est
réellement le cas, il s’agit des principaux actionnaires uniquement.
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Revue Marocaine de Recherche en Management et Marketing, N° 4-5. 2011
Par ailleurs, on peut qualifier les informations diffusées de restreintes, vu que seulement 25%
des entreprises ont affirmé la publication des informations sur les décisions stratégiques, et
même si toutes les SA confirment qu’elles publient des informations sur les résultats
prévisionnels et les objectifs, notre recherche documentaire nous a conduit à conclure que
seules quelques informations comptables rétrospectives qui sont effectivement publiées.
On constate aussi que toutes les entreprises disposent d’un service dédié à la communication
financière, une réalité prouvant la volonté des entreprises à améliorer leur relation avec les
épargnants et les autres parties prenantes, mais leurs systèmes de communication avec le
marché demeurent peu développés et enregistrent encore certaines limites, contrairement à ce
qui se passe à l’étranger. Ce constat peut être prouvé à travers une évaluation des sites web
des entreprises et en les comparants avec ceux des entreprises étrangères. Ajoutant à cela, une
absence quasi-totale d’informations diffusées sur la rémunération des principaux dirigeants.
Dans le cadre des observations empiriques effectuées sur notre échantillon, trois entreprises
sur quatre sont des SA à conseil d’administration classique, où les pouvoirs de contrôle et de
direction sont concentrés dans les mains du seul président- directeur- général.
En effet, malgré que la loi sur la SA donne la possibilité aux entreprises d’opter pour une
direction bicéphale constituée d’un conseil de surveillance et d’un directoire, la majeure partie
des SA cotées à la BCV ont opté pour la forme classique qui se compose d’un conseil
d’administration avec un président directeur général.
Cette forme ne facilite pas la transparence dans la gestion de l’entreprise étant donné qu’il n’y
a pas de séparation organique entre la gestion et le contrôle comme c’est le cas dans la forme
dualiste.
La question de l’indépendance des administrateurs, sur laquelle 25% seulement ont répondu
par l’affirmative, a révélé que dans nos SA, le conseil d’administration ne dispose pas de
suffisamment d’indépendance pour mener à bien l’ensemble de ses missions.
La politique de rémunération des dirigeants, qui constitue le centre de nos préoccupations tout
au long de ce travail de recherche, demeure toujours opaque.
D’après les résultats de l’enquête, seules 25% des entreprises déclarent avoir un comité
indépendant en matière de rémunération des dirigeants et uniquement 50% affirment qu’elles
adoptent des plans d’intéressement dans l’objectif d’aligner les intérêts des dirigeants sur ceux
des actionnaires à long terme et essentiellement des stock-options.
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Revue Marocaine de Recherche en Management et Marketing, N° 4-5. 2011
Des réponses qui reflètent le retard enregistré pas nos entreprises en la matière et nous
donnent une idée claire sur la réalité de la gouvernance de ces entreprises.
Certes, tous les responsables attestent que la politique de rémunération des dirigeants impacte
sur la création de valeur actionnariale.
Par ailleurs, il faut noter que cette politique ne peut jouer son rôle efficacement si elle n’est
pas bien indexée sur la performance de l’entreprise et déterminée objectivement sous la
responsabilité d’un comité indépendant. C’est uniquement dans ce cas qu’elle peut aligner les
intérêts des dirigeants sur ceux des actionnaires et orienter leurs actions vers un seul objectif,
qui est la création de valeur.
Conclusion
L’enrichissement de notre revue de littérature nous a permis de poser plus clairement à la fois
le contour de ce concept de rémunération des dirigeants et les possibilités de relation entre
chacune de ses composantes et la valeur créée par l’entreprise.
Il nous a permis aussi de déduire qu’effectivement la rémunération des dirigeants, si elle est
correctement conçue, constitue un moyen privilégié pour s’assurer que l’entreprise est gérée
au mieux, voire même un des seuls leviers d’action sur le dirigeant, à coté de la menace de
révocation. Les actionnaires préfèrent encore plus des incitations ex-ante à une sanction ex
post, pour d’évidentes raisons pécuniaires.
Nous avons par la suite voulu vérifier notre problématique sur le marché marocain, grâce à
une enquête auprès d’un échantillon d’entreprises cotées.
L’état des lieux montre que ces entreprises adoptent encore un style de management
traditionnel ne favorisant pas le respect des bonnes pratiques de gouvernance. Cela se
traduit par :
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Toutefois, les réponses des questionnés viennent étayer la théorie selon laquelle, dans le cadre
de la rémunération des dirigeants, intérêts des actionnaires et dirigeants se rejoignent.
Force est de dire qu’au Maroc, malgré la multiplication des textes de loi, notamment la loi 20-
05, nous avons encore besoin d’un plus grand encadrement de cette problématique de la
gouvernance d’entreprise et plus particulièrement la politique de rémunération des dirigeants
afin de rassurer les actionnaires et d’encourager l’investissement.
Sachant que le profil de gouvernance développé dans les entreprises devient une dimension
essentielle de la « salubrité » et de « l’hygiène » d’une économie. Le combat pour la bonne
gouvernance devient alors un combat pour le développement.
Toutefois, il faut noter que la promotion de l’éthique des affaires, qui va de pair avec le
développement d’une culture basée sur la transparence et la bonne gouvernance, est
conditionnée par l’engagement profond du chef d’entreprise par un comportement éthique
personnel.
Bibliographie
OUVRAGES
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Organisation
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