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Avril 1998
Evaluer une entreprise, c’est avant tout émettre un avis sur sa valeur en recourant à une
expertise, et non pas en établir le prix. En effet, un élément qui n’apparaît pas dans la
valeur affecte sensiblement le prix : c’est le fruit de la négociation. Cela étant, le prix ne
prouve pas forcément la valeur.
On retiendra donc que : « Estimer la valeur d’une entreprise est une expression
abrégée qui signifie estimer la valeur des droits détenus sur cette entreprise par les
possesseurs du capital. Si les droits des possesseurs du Capital sont affectés par un
quelconque élément extérieur, la valeur de ces droits en est toujours modifiée. »
Le présent article est articulé autour de deux axes principaux. Ainsi, et après avoir
rappelé les principes généraux de l’évaluation d’une entreprise ( avec mise en évidence
de l’importance du diagnostic dans la démarche de l’évaluateur) et les méthodes
d’évaluation dites classiques (1ère partie ), il s’efforce de faire la synthèse des
principaux courants de recherche qui se sont développés en matière d’évaluation
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d’entreprise et propose pour chaque type de situation, son mode de valorisation (2ème
partie).
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CHAPITRE I
PRINCIPES GENERAUX D’EVALUATION D’UNE ENTREPRISE
L’Entreprise est un outil de production ayant une valeur économique et doit être évalué
comme tel. Autrement dit, l’évaluateur doit se soucier dans sa démarche d’évaluation de
l’efficacité de l’entreprise. Il doit en outre savoir dans quel but il évalue, sans pour autant
perdre de l’esprit que le but de sont estimation n’est que de proposer une base
raisonnable de discussion.
Certains biens sont parfois appréciés pour eux - mêmes, en eux - même, et leur
possession constitue une finalité en soi, ce sont des « valeurs d’affection », ils prennent
ici une valeur indépendante de l’usage qui pourrait en être fait, une valeur intrinsèque.
A l’opposé, d’autres biens n’ont de valeur pour leurs propriétaires qu’en tant que moyens.
La finalité de leur possession est qu’ils permettent d’atteindre un but extérieur à eux-
mêmes. Leur valeur est jugée en fonction de leur aptitude à remplir la fonction pour
laquelle ils ont été conçus. C’est une valeur d’efficacité.
Il est clair qu’un titre de société n’a pas de valeur intrinsèque, sa valeur est fonction des
avantages qu’il procure, et des revenus qu’il peut générer. C’est une valeur d’efficacité.
La valeur d’entreprise n’est donc jamais une valeur intrinsèque, elle ne peut être
déterminée à partir d’un recensement et d’une valorisation de tous ses biens et de toutes
ses dettes, car l’entreprise est un « outil économique » et doit être jugée d’après ses
aptitudes à atteindre ses objectifs (peu importe qu’on possède des machines coûteuses si
celles-ci sont sans rentabilité ou mal adaptées aux fabrications). Il est bien sûr important
de connaître tout ce qu’une entreprise possède, mais auquel sera attribué un poids
relatif.
Une valeur d’entreprise est donc à classer non pas dans la catégorie des valeurs
intrinsèques, mais dans celle des valeurs d’efficacité, ou plus précisément de valeurs
économiques.
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Bien que l’entreprise en activité soit à considérer comme un tout indissociable, une
appréciation directe globale est impossible. L’évaluateur doit procéder par étapes
successives qui sont les suivantes :
L’actif net réel représente le vrai patrimoine de l’entreprise. Si toutes les valeurs
comptables figurant au bilan correspondaient aux valeurs réelles des biens et des
créances de la société, il est évident que l’actif net réel coïnciderait avec l’actif net
comptable.
La valeur substantielle comprend tout l’actif du bilan engagé dans l’exploitation. C’est la
masse des capitaux utilisés par l’entreprise dans son exploitation, sans tenir compte de
l’origine de ces capitaux (fonds propres ou capitaux d’emprunt).
Cependant, la valeur substantielle ne comprend pas la totalité des postes d’actif du bilan.
Certains biens peuvent ne pas être utiles à l’exploitation, ils ne sont pas « engagés » dans
l’exploitation et il convient de ne pas les décompter dans la valeur substantielle. Le
problème se pose pour les biens engagés dans l’exploitation et non inscrits dans l’actif
(ex : bien acquis en crédit bail), cette question sera revue ci-dessous.
La valeur substantielle renseigne donc sur la substance dont dispose l’entreprise pour
dégager des profits. Certaines écoles d’experts considèrent que la connaissance précise
de la valeur substantielle est d’une importance secondaire, car ce qui intéresse, ce n’est
pas tant la valeur du patrimoine de l’entreprise, mais c’est le profit qui ferait la valeur.
Certes, l’élément primordial d’appréciation de valeur est la capacité à produire des
bénéfices. Mais, il convient de s’assurer que « la substance » dont dispose l’entreprise
permet de considérer ces profits comme durables. Par ailleurs, on ne peut ignorer que
l’existence d’un actif solide constitue, dans certaines limites, un facteur susceptible de
contribuer à valoriser l’entreprise par l’assise qu’il lui confère.
C’est à dire le profit futur qui peut être raisonnablement espéré comme rémunération du
capital.
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Il faut toujours avoir présent à l’esprit l’importance des circonstances dans lesquelles
s’effectue une évaluation. Pour procéder dans de bonnes conditions à une estimation de
la valeur d’une entreprise, il est indispensable que l’expert chargé de cette mission
connaisse les raisons qui motivent cette estimation.
A la question qui lui est posée : « Quelle est la valeur de cette entreprise ? », il ne peut
que répondre : « Quel usage voulez-vous faire du chiffre que je vais vous indiquer ? ».
S’agit-il d’une cession de majorité, de minorité ?, ou s’agit-il d’une augmentation du
capital pour déterminer la prime d’émission ?, ou s’agit-il d’une fusion, auquel cas il ne
suffit pas d’estimer une seule valeur, mais il faut procéder à une évaluation relative des
deux entreprises intéressées ?. Néanmoins , certains aspects particuliers peuvent être
ignorés, telle l’identité de l’acquéreur en cas de cession.
La mission de l’expert se définit ainsi : Quel prix un partenaire sensé et prudent, bon
gérant de sa fortune, acceptera-t-il de payer, soit pour acquérir la majorité ou la
minorité, soit pour participer à une augmentation du capital. En d’autres termes, on est
amené à définir ce que les directives d’évaluation administrative appellent en Allemagne
« Gemeiner Wert » ou « valeur commune », c’est à dire une valeur acceptable par un
partenaire raisonnable non identifié. Un expert en évaluation n’est donc pas un
négociateur car l’expert détermine la valeur pouvant être payée raisonnablement par une
personne quelconque qui s’intéresse à l’entreprise, alors que le négociateur entame une
discussion avec un partenaire déterminé qui, pour des raisons qui lui sont propres, peut
accepter de surpayer ou non les titres par rapport à la valeur de l’expertise. L’expert
définit ainsi une valeur pouvant être considérée comme généralement admise, sans
prétendre définir une valeur précise et définitive.
Il est à noter que la valeur n’est pas une qualité intrinsèque d’un objet, au même ordre que
la couleur et le poids par exemple. Elle est relative aux situations, aux personnes et aux
motivations.
Le but de l’estimation de la valeur d’une entreprise est de proposer une base raisonnable
de discussion aux deux parties en présence. Pour évaluer cette entreprise, l’expert doit
se mettre dans la peau du futur actionnaire, il doit se préoccuper le plus du futur de la
société, ce qu’elle peut rapporter et non ce qu’elle a rapporté. Or, le vendeur a souvent
des difficultés à comprendre cette argumentation. Il se réfère malgré lui à ce qu’a lui a
coûté, à ce qu’a lui a rapporté l’action qu’il détient. Il épouse volontiers la thèse des
économistes classiques assimilant la valeur au prix de revient et
prétend même, au delà, que la valeur est supérieure au prix de revient.
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La valeur de l’entreprise est toujours une valeur de négociation même pour les
entreprises cotées en bourse dont la valeur devrait normalement être déterminée par le
marché financier.
Les cours des titres sociaux s’établissent par équilibre entre l’offre et la demande. Mais
une remarque est à faire : La valeur d’une action dépend des droits qui y sont attachés
(droit sur les bénéfices, le boni de liquidation, le droit de gérer). Or, l’achat d’un titre en
bourse correspond toujours à l’acquisition d’une minorité, d’une toute petite minorité
n’apportant dans la pratique aucun pouvoir de gestion. En d’autres termes, la valeur d’une
société (ou, pour parler avec précision, la valeur de la totalité des titres) doit être
différente de ce que l’on appelle la valeur de capitalisation calculée en multipliant le
cours boursier par le nombre d’actions. La valeur de capitalisation correspond à la seule
valeur du total des droits des minorités, c’est à dire pratiquement du seul droit aux
dividendes.
Le marché boursier n’est pas toujours parfait, il n’y a plus de concurrence parfaite du
moment où le transfert porte sur un grand nombre d’actions (chercher la majorité), la
valeur devient une valeur de négociation. Il est alors souhaitable de faciliter cette
négociation par une estimation de la valeur d’entreprise.
Dans ce cas, le marché de concurrence n’existe pas. La valeur est toujours une valeur de
négociation, tant pour une cession de minorité que pour un transfert de majorité. Il est
impossible d’avoir à priori une idée même approximative de la valeur des titres sans
avoir fait une estimation de la valeur d’entreprise. L’expertise prend ici une importance
capitale et doit être effectuée par une personne tierce à la transaction.
Toutefois, une valeur d’entreprise se juge dans une perspective capitaliste. C’est à dire
qu’il faut soigneusement distinguer la fonction d’actionnaire de celle de dirigeant
d’entreprise.
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Cette remarque est importante car si l’estimation de valeur porte sur une entreprise où
les actionnaires majoritaires sont également dirigeants de l’entreprise, il est fréquent
qu’une certaine confusion règne entre dividendes et appointements (ces derniers ayant
parfois un caractère de rémunération du capital). Il faut donc se replacer dans ce que
nous avons appelé la perspective capitaliste et pour cela, le plus simple est d’imaginer
que toutes les fonctions de direction sont assurées par des dirigeants salariés percevant
des appointements normaux (rétablir le profit attaché au capital en tant que tel).
L’expert fixe la valeur d’entreprise que pourrait accepter tout capitaliste soucieux de ses
intérêts, mais il ignore l’identité de ce capitaliste. Il ne considère que le mobile
capitaliste sans tenir compte de toute autre motivation extérieure (concentration
industrielle, élimination d’un concurrent, recherche de nouveaux débouchés
commerciaux, économies de frais d’exploitation, ...etc). Dans ce cas, le vendeur peut
obtenir un prix de négociation supérieur à la valeur d’expertise. Cette valeur d’expertise
n’est, avons nous dit, que la valeur des droits détenus sur l’entreprise par l’ensemble des
possesseurs du capital.
L’expert devra donc commencer par bien connaître l’objet des droits, c’est à dire
l’entreprise elle-même. Cette connaissance devra porter non seulement sur les aspects
comptables et financiers, mais également sur tout ce qui fait la vie de l’entreprise et sur
son environnement. L’expert doit à cet effet procéder, étape nécessaire à l’évaluation
d’entreprise.
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CHAPITRE II
DIAGNOSTIC D’ENTREPRISE, UNE ETAPE NECESSAIRE
PREALABLE A L’EVALUATION
Pour ce faire, l’expert doit examiner successivement les conditions d’exercice du métier
de l’entreprise, les moyens mis en œuvre, la situation financière et les contrats existants.
Pour parfaire son diagnostic, l’expert doit étudier les produits fabriqués par l’entreprise
(ou services rendus suivant l’objet social), analyser son marché, juger de sa qualité et la
comparer avec la concurrence.
1.1 Etude des produits fabriqués (ou des services rendus suivant l’objet social)
Les aspects qui nous paraissent devoir être soigneusement étudiés sont les suivants :
L’expert doit en fait regarder les produits ou, à défaut, se procurer un catalogue et
rechercher s’il s’agit de produits dont la vente devrait se développer dans l’avenir. Il doit
en outre analyser l’activité de l’entreprise et voir si elle est favorisée par des procédés,
brevets ou marques développés en propre par l’entreprise. Dans l’affirmative, il convient
de s’assurer qu’ils ont été enregistrés et, pour les brevets, de rechercher pour quelle
durée ils sont protégés.
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L’expert doit en effet analyser non seulement les marchés où intervient l’entreprise pour
commercialiser ses produits, mais également ceux auprès desquels elle s’approvisionne.
2. Le diagnostic technique
Le diagnostic technique porte à la fois sur les moyens matériels et les moyens humains.
Il convient en outre de compléter cette analyse par une étude de l’importance de la
personnalité du chef d’entreprise.
L’expert doit étudier les moyens matériels dont dispose l’entreprise et porter une
attention particulière aux aspects suivants :
L’expert doit apprécier la formation du personnel, l’adéquation des profils aux postes et
les niveaux de rémunération. A résultat égal ou supérieur à celui des concurrents, des
salaires plus élevés représentent une protection pour l’entreprise.
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Le chef d’entreprise peut être une personne très connue au plan local et disposer de
nombreuses relations à travers ses activités extra - professionnelles. Son départ risque
alors de s’accompagner d’une baisse d’activité. De la même manière, si le chef
d’entreprise est un commercial de tout premier plan ou un excellent technicien, les
résultats commerciaux risquent d’être altérés ou l’orientation générale de l’entreprise
modifiée.
Inversement, le diagnostic établi dans le cadre du rachat est une bonne occasion de faire
ressortir par un « œil neuf » les faiblesses de l’entreprise et l’acheteur peut, en
conservant les atouts existants, apporter des méthodes de travail personnelles et des
idées nouvelles.
3. Le diagnostic financier
L’étude d’une entreprise dans le cadre d’une évaluation implique une analyse approfondie
de ses comptes. En effet, toute valorisation repose pour une large partie sur des données
chiffrées issues de la comptabilité. Tout d’abord, dans les cas d’acquisition ou d’entrée
de nouveaux partenaires, il convient de se faire une opinion sur la fiabilité des
informations présentées par le cédant.
Si les états financiers sont certifiés par un Commissaire aux Comptes, les contrôles
peuvent être limités à une prise de connaissance du contenu des rapports généraux et
spéciaux des trois derniers exercices, complétés par un examen de leur cohérence.
Cette vérification des comptes, pour laquelle il est en règle générale fait appel à un
professionnel de la comptabilité, peut être organisée autour de critères suivants :
l’existence, la propriété, l’exhaustivité et la régularité des enregistrements comptables.
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Aussi, l’expert doit se poser un certain nombre de questions qui, de proche en proche,
par confrontation et synthèse des résultats successifs, lui permettront de porter un
jugement financier d’ensemble.
Première question : quelle est la rentabilité de l’entreprise ? quelle est son aptitude
a réaliser des bénéfices ?
Seconde question : quelle est la structure financière de l’entreprise ? son bilan est - il
équilibré ?
Quatrième question : quel est l’avenir financier de la société ? quels sont ses besoins
en capitaux, et sous quelle forme doivent - ils être investis ?
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CHAPITRE III
PANORAMA DES METHODES D’EVALUATION GENERALEMENT
UTILISEES : L’APPROCHE PATRIMONIALE
Chaque jour, les experts proposent de nouvelles méthodes d’évaluation. Il n’y a pas, tant
s’en faut, consensus sur une méthode unique. Il fallait un critère de choix pour
sélectionner celles qui seraient proposées dans cet article. Il nous a paru que, sur un
marché, ce qui fondait la valeur scientifique d’une méthode était moins le raffinement de
sa logique économique, que sa fréquence d’emploi. C’est donc la fréquence d’utilisation
qui a guidé la sélection des méthodes proposées par la présente étude.
Or, cet actif net n’est que comptable, plus ou moins éloigné de la réalité économique. Il
faut donc corriger et compléter ce bilan qui, malgré ses insuffisances reste la base
essentielle et indispensable des calculs ultérieurs. Les raisons de cet écart entre actif net
comptable et actif net réel sont essentiellement les suivantes :
ç Existence dans l’actif d’éléments sans valeur réelle, alors que n’y figurent pas
certains biens qui ne pourraient être omis sans fausser l’actif net réel ;
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Il faut travailler sur un bilan où l’on substitue aux valeurs comptables qui y sont inscrites,
les valeurs actuelles réelles du point de vue de l’entreprise, en fonction de l’utilisation
qu’elle en fait (valeur d’utilisation, valeur vénale, valeur de liquidation, …etc). A ce bilan,
seront également apportés, le cas échéant, tous les autres correctifs nécessaires.
Il faut noter également que, sauf dans le cas où il s’agirait d’estimer la valeur liquidative
d’une entreprise, il faut bien comprendre que la valeur recherchée des actifs, en tant que
moyens mis en œuvre pour une exploitation, est celle d’un ensemble indissociable :
l’existence et l’utilité d’un élément donné sont la plupart du temps conditionnées par
celles des éléments environnants, le chiffrage en détail n’est que l’inévitable moyen
d’évaluer un « tout ».
• Affectés à l’exploitation
Les critères d’évaluation des biens corporels sont multiples. On peut distinguer sept
concepts de la valeur :
ç La valeur d’acquisition : montant (prix de revient ou prix d’achat) pour lequel un bien
est entré dans le patrimoine de l’entreprise. Cette valeur ne tient pas compte du
phénomène inflationniste.
ç La valeur de liquidation : elle est définie par le prix de vente des biens dans des
conditions normales.
ç La valeur à la casse : elle représente le prix de vente d’un élément considéré hors
usage. C’est le prix de vente d’un bien non plus pour ce qu’il représente en tant
qu’outil mais pour le poids de ses éléments récupérables (ferraille, vieille fonte,
…etc).
ç La valeur vénale : prix de vente moyen dans le cadre d’une transaction librement
consentie de gré à gré.
Une première distinction entre les biens d’exploitation et ceux hors exploitation doit
être faite.
ç Les biens d’exploitation : sont des biens destinés à rester durablement dans
l’entreprise et doivent être évalués selon le critère d’utilisation.
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Ce critère d’utilisation veut que sa valeur soit égale à la dépense qu’il faudrait engager
pour acquérir un bien ayant les mêmes performances. Or, cette valeur d’utilisation doit
être prise dans son sens le plus large, car un bien neuf sur le marché peut avoir les
mêmes performances (nombre de produits par heure par exemple), mais nécessitant
moins de frais d’entretien, plus moderne (automatique ne nécessitant pas l’intervention
humaine) ou encore plus silencieux. Dans ces cas, une décote doit être prévue.
- Les biens hors exploitation : Ce sont des biens dont la réalisation immédiate
n’affectera en aucun cas l’efficacité de l’entreprise. Ces biens doivent être estimés à
leur valeur vénale nette, c’est à dire déduction faite des frais et impôts.
w Immobilisations en non-valeurs
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w Immobilisations incorporelles
Brevets : 2 sortes de brevets sont à distinguer, selon que les brevets sont :
· Non exploités : Dans ce cas, ils sont à comprendre dans l’actif réel à leur valeur
intrinsèque, leur cession peut être envisagée sans entraîner de conséquences
directes sur l’exploitation.
La valeur de ce brevet repose donc sur deux éléments : le niveau des revenus futurs, et
leur durabilité.
· Licences : leur sort suit en général celui des brevets. Toutefois, si le bénéficiaire
ne les exploite pas, plus encore que pour les brevets, ces « droits » n’ont pas de
valeur particulière d’actif réel en dehors du « goodwill » qu’elles permettent de
dégager.
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Pour cela, il faut prendre une durée raisonnable (3 à 5 ans), pour se prémunir contre
les aléas. D’autres éléments peuvent justifier d’un surprix, notamment : l’état des
locaux, la faculté de sous-louer, …etc. La valeur d’un droit au bail est d’autant plus
élevée que le loyer est faible.
w Immobilisations corporelles
à Terrains
On distingue d’une part les terrains d’exploitation, et les terrains hors exploitation, et
d’autre part, les terrains nus et les terrains bâtis.
En règle générale, un terrain vaut ce que serait son prix actuel d’acquisition. Le prix à
l’unité de surface (le mètre carré le plus souvent) est déterminé par comparaison avec
ceux pratiqués dans la région à l’occasion de transactions récentes. Ce prix est affecté
par diverses considérations de superficie, de situation, de conformation et de viabilité.
Les terrains hors exploitation sont évalués en valeur vénale, déduction faite de
l’imposition fiscale de la plus-value ainsi constatée.
Pour les terrains d’exploitation, c’est la règle générale qui s’applique. Bien entendu, la
valeur d’un terrain construit (y compris les surfaces annexes nécessaires : conditions
édictées par la réglementation de l’urbanisme permettent une utilisation normale des
bâtiments (parking)) est sensiblement inférieure à celle du même terrain nu (application
d’un abattement d’encombrement : frais de démolition des bâtiments).
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Pour ces terrains affectés à l’exploitation, une précision s’impose : le prix de tels
terrains est généralement élevé. Il n’est donc pas logique de fonder l’évaluation des
terrains, dans l’hypothèse d’une poursuite de l’exploitation, sur de tels chiffres,
puisqu’on ne peut envisager la cession de ces terrains sans compromettre l’activité de
l’entreprise. Il faut donc être prudent lors de cette estimation.
à Constructions
En règle générale, la valeur d’un bâtiment est obtenue à partir d’un coût de
construction au mètre carré (en fonction du type de construction) affecté de
coefficients divers tenant compte de l’état, de l’ancienneté, etc. Et s’agissant d’une
valeur d’utilisation, il est tenu compte de sa plus ou moins bonne appropriation à
l’usage qui en est fait.
ç les bâtiments édifiés sur terrain d’autrui ont une valeur nulle.
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N.B : Dans la plupart des cas, la valeur des installations fixes, telles que canalisations,
réseaux électriques, ...etc, ainsi que les monte-charges, ascenseurs, ...etc, est incorporée
aux constructions auxquelles elles sont attachées.
à Installations techniques
Nous avons vu que les installations attachées aux bâtiments sont valorisées avec ceux-ci.
Pour les autres installations, elles font l’objet d’une évaluation distincte.
Concernant certaines installations importantes «sur mesure», elles n’ont aucune valeur
vénale dans leur ensemble. Leur valeur vénale est donc faible, alors que dans le cadre de
leur emploi en exploitation, leur valeur d’usage demeure importante si elles restent bien
adaptées aux besoins de la fabrication.
à Matériel de transport
Le matériel de transport est évalué à partir des prix du marché de l’occasion, avec un
abattement tenant compte de l’état de l’entretien.
Elles sont estimées par des spécialistes, ou selon une méthode indiciaire.
à Immobilisations en cours
Généralement, elles ne posent pas de problèmes particuliers, et sont reprises pour leur
montant au bilan.
• Immobilisations financières
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à Prêts immobilisés :
à Dépôts et cautionnement
Ils sont repris pour leur valeur comptable après vérification de la réalité de la créance
qu’ils représentent.
à Titres de participation
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En plus de ce pourcentage, il faut voir la situation réelle : «la société mère détient-elle
un pouvoir supérieur à sa participation ou non ? ». Plus le pouvoir détenu diminue, plus
la décote augmente, mais dans certains cas on peut même appliquer une sur-cote
(pouvoir réel supérieur à sa participation), sauf si cette participation est forte, car le
risque lié à une forte participation doit être pris en compte, ce qui réduit cette sur-côte,
voire même l’annule.
Pour les autres titres immobilisés, ils seront repris, s’ils sont côtés, au cours de la
bourse. A défaut d’une cotation en bourse, ils seront repris à la valeur d’utilité pour
l’entreprise.
w Les stocks
En principe, les stocks doivent être évalués selon le principe de la valeur la plus basse
résultant de la comparaison entre le prix d’acquisition ou de revient et la valeur effective
qui doit leur être attribuée à la date de clôture du bilan.
On aura donc :
ç Pour les stocks de matières et fournitures : Ils sont généralement valorisés à leurs
cours sur le marché correspondant à partir de la dernière cotation ou d’une moyenne
sur une période significative. S’il y a des stocks spéculatifs avec une plus-value
latente, il faut en tenir compte ainsi que dans le cas de moins-values.
ç Pour les stocks de produits finis et de marchandises : Ils sont évalués au prix de vente
probable diminué du total des charges restantes à engager pour réaliser la vente
(charges de distribution, coûts de garantie).
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ç Pour les stocks des produits en cours : Ils sont évalués à leur prix de vente probable à
l’état de produit fini diminué des charges de distribution, et du coût d’achèvement
(coûts de production restant à engager).
Il faut noter que la valeur n’est attribuée au stock qu’après s’être assuré que les
provisions pour dépréciation sont suffisantes. De même, il faut mesurer l’importance
des stocks par rapport à la norme. En cas de stocks excédentaires d’utilisation
incertaine, ils subissent un abattement pour tenir compte de leur immobilisation.
w Créances
Encore plus, il ne faut considérer comme créances que des ventes facturées et non des
commandes plus ou moins certaines.
Si ces titres sont côtés, ils sont évalués au cours de la bourse. Néanmoins, pour ce faire,
deux conditions doivent être réunies :
ç Ces titres doivent faire l’objet de transactions suffisamment nombreuses pour que
leur cours soit significatif ;
Pour les titres non côtés, leur évaluation peut être fondée soit sur les perspectives de
dividendes, soit sur le prix de remboursement.
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En principe, les autres postes d’actif sont retenus pour leur valeur au bilan, à moins que
l’expert ne doute de la régularité et de la sincérité du bilan.
Elles peuvent être considérées comme des fonds propres à l’entreprise, en déduisant
toutefois l’impôt qui sera payé du fait de leur inscription au compte de résultat à
concurrence des amortissements pratiqués. Cet impôt est à ajouter au passif exigible
avec une éventuelle actualisation.
w Les provisions
Les provisions pour risques et charges : Il faut distinguer entre les provisions
justifiées et celles non justifiées ou sans objet.
ç Les provisions pour risques et charges certaines et justifiées, telles les provisions
pour impôt ou pour congé payé, sont à classer parmi les dettes.
ç Les provisions non justifiées ou sans objet réel ont le caractère de véritables
réserves et sont à intégrer parmi les capitaux propres, et donc dans l’actif comptable
corrigé.
Les dettes de financement sont reprises en passif exigible pour les valeurs portées au
bilan. Néanmoins, pour les dettes à échéance éloignée et à intérêt faible (par rapport à ce
qui est normal sur le marché) ou gratuit, il faut déprécier leur montant en proportion (par
actualisation) et la plus value correspondante, non imposable, vient augmenter la valeur
des fonds propres.
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Certaines entreprises consentent à leur personnel des avantages futurs (retraite, pension,
etc...) à titre de libéralité. On ne trouve généralement aucune inscription comptable
matérialisant ce passif à terme qui peut parfois être très important. Il s’agit donc de
prendre en compte le capital actualisé représentatif de cette libéralité, parmi le passif
exigible.
L’entreprise peut aussi avoir accordé à des tiers sa garantie sous forme de caution, aval,
...etc. Les engagements qui risquent d’être mobilisés par l’entreprise sont à considérer
comme passif exigible de la société.
Pour déterminer l’actif net comptable corrigé, certains auteurs déduisent de l’actif
réévalué les biens non nécessaires à l’exploitation et y ajoutent les biens n’appartenant
pas à l’entreprise mais nécessaires à l’exploitation. A notre avis, cette manière de
procéder n’est pas fondée dans la mesure où l’actif net comptable corrigé traduit la
valeur intrinsèque de l’entreprise, c’est à dire sa valeur d’affection et non d’efficacité.
C’est son patrimoine qui est mesuré indépendamment de sa destination (exploitation ou
non). Néanmoins, cette distinction se justifie pleinement lors de la détermination de la
valeur substantielle de l’entreprise.
On aura donc :
Actif Net Comptable Corrigé = Total des actifs réels - Total des dettes réelles
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La valeur substantielle est le premier critère servant au calcul du goodwill. Elle est
représentée par la masse globale des moyens de toute nature, estimés en valeur réelle,
mis en œuvre par l’entreprise pour satisfaire les besoins de son exploitation.
Il est évident que ce qui confère à un élément quelconque sa valeur en tant qu’outil
permanent d’exploitation, c’est son aptitude à rendre de façon durable les services que
l’on en attend ; une machine hors usage peut conserver une « valeur à la casse », mais on
ne peut plus la considérer comme moyen d’exploitation, elle perd toute valeur
d’utilisation.
De même, si l’entreprise utilise un matériel qui lui a été « prêté », elle doit songer qu’au
moment de sa restitution, il lui faudra bien, d’une manière ou d’une autre, le remplacer.
C’est cette notion de «service durable» qui va permettre d’inclure tel ou tel élément dans
la valeur substantielle.
D’une manière générale, on dira que la valeur substantielle est égale à l’actif net
comptable corrigé, diminué des éléments non nécessaires à l’exploitation et augmenté
des moyens dont dispose l’entreprise pour son exploitation sans en avoir la propriété.
Deux éléments sont donc à distinguer, selon qu’ils sont nécessaires ou non à
l’exploitation :
On distingue les éléments pris en location, ceux résultant d’un contrat de crédit bail,
ceux pris en location-vente, les biens empruntés sans contrepartie de loyer, les bâtiments
construits sur terrain d’autrui, et les biens susceptibles d’expropriation.
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Certains biens sont pris (de manière habituelle) en location. Au terme de ce contrat, on
les renouvelle auprès d’un autre bailleur. La durabilité des services est donc garantie,
seul le loyer change. D’après la notion des services durables, il n’y a pas lieu de retenir
ce bien en valeur substantielle.
Néanmoins, pour des biens rares, le terme du contrat peut priver l’entreprise du service
en question sans qu’une autre location puisse être envisagée, seule l’acquisition d’un
moyen identique pourra permettre la poursuite de l’activi té. Dans ce cas, il faut en tenir
compte pour le calcul de la valeur substantielle.
Cette formule s’analyse comme une location, avec option de vente ou non au terme du
contrat, si la société décide de ne pas acheter ou se retrouve dans le cas de la location
(voir point précédent). Par contre, si l’entreprise ne sait pas encore la position qu’elle
adoptera au terme du contrat, ou qu’elle a déjà décidé d’opter pour l’achat, l’élément
considéré doit être incorporé en valeur substantielle pour le coût actuel d’acquisition de
ce même bien. Ce coût d’acquisition est déterminé par la capitalisation des annuités
restant à payer, augmentée de la valeur d’achat actualisée au terme du premier contrat. A
défaut, on retiendra sa valeur d’utilisation.
En général, ce prêt est conclu pour de courtes durées. Les services ne pouvant être
considérés comme durables, il faut donc retenir en « valeur substantielle », la valeur
d’utilisation de l’élément en question s’il est de façon définitive indispensable à
l’exploitation.
Cet élément est repris en valeur substantielle pour le montant des dépenses de
reconstruction qui surgiront en fin de bail. En cas d’indemnité prévue de la part du
bailleur, celle-ci vient en déduction de la valeur des dépenses précitées. Si le délai est
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relativement lointain, il est nécessaire d’actualiser cette indemnité . Il est à noter par
ailleurs qu’en plus du bâtiment, cette reconstruction peut entraîner le rachat d’un terrain.
Cette VSB que nous avons mesurée est une valeur brute. En effet, on a aucune raison
pour déduire le passif exigible car la valeur substantielle a pour but de mesurer les
emplois nécessaires au bon fonctionnement de l’entreprise, abstraction faite de leur
mode de financement.
La notion de la valeur substantielle suppose l’adaptation des moyens qu’elle englobe aux
besoins de l’exploitation. Si ceci est parfaitement possible pour les moyens permanents
d’exploitation, le raisonnement ne peut être étendu de la même façon aux éléments de
l’actif circulant pour deux raisons essentielles :
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Rappelons que les capitaux permanents nécessaires à l’exploitation doivent financer les
investissements et le fonds de roulement normatif afin que l’équilibre financier soit
maintenu. Cette notion est beaucoup pragmatique et plus réaliste que la précédente. Ces
capitaux font l’objet d’une rémunération qui viendra s’imputer sur les bénéfices
prévisionnels afin de mettre en évidence le superbénéfice qui permettra de calculer le
goodwill.
Une remarque importante doit être cependant notée. En effet, le fonds de roulement
normatif peut être différent du fonds de roulement existant. Deux cas peuvent alors se
présenter :
ç Soit que le fonds de roulement existant dépasse le fonds de roulement normatif. Dans
ce cas, il y a excès de capitaux permanents. Cet excédent de trésorerie non
indispensable doit être joint aux actifs hors exploitation. Il n’intervient pas dans le
calcul du goodwill.
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Les deux méthodes précitées sont toutes les deux à la base de la détermination de la
valeur du goodwill de l’entreprise. Autrement dit, ces deux méthodes permettent de
déterminer la valeur des éléments matériels de l’entreprise. Reste à savoir laquelle des
deux serait plus commode. Ainsi, selon qu’on choisit l’une ou l’autre, le goodwill serait
différent. Quelle méthode choisir donc ?
Rappelons que le goodwill est la capitalisation d’un certain superprofit qui est égal à la
différence entre ce que dégage cette entreprise comme bénéfice et ce qu’elle devait
dégager dans des conditions normales, en tenant compte d’un taux de rente ou de
rémunération de la valeur substantielle ou encore un taux de rémunération des CPNE, et
ce sur une certaine durée.
La méthode de la valeur substantielle est basée sur une logique selon laquelle on
rémunère ce qui est disponible. Au contraire, la méthode des CPNE implique la
rémunération de ce dont on a besoin. Le raisonnement dynamique de la capacité
bénéficiaire est désormais en parfaite harmonie avec la dynamique des investissements
et du fonds de roulement normatif qu’il faudra financer.
Dans cette première partie, nous n’avons étudié l’approche patrimoniale de l’évaluation
des entreprises. Elle est importante certes, mais la valeur de l’entreprise ne se réduit pas
toujours à une somme d’actifs dont on déduirait les dettes, et ce pour 2 raisons
essentielles :
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ç La valeur patrimoniale ne tient pas compte des actifs immatériels ou incorporels non
comptabilisés que l’on appelle parfois une survaleur, mais plus souvent un goodwill ;
Pour palier les limites de l’approche patrimoniale, plusieurs méthodes d’évaluation ont
été développées. Elles ont approfondi essentiellement la notion de goodwill et la notion
de valeur basée sur la rentabilité de l’entreprise. Ces méthodes seront développées dans
la seconde partie de cette étude (numéro du moi de Mai 1998). Cependant, les axes de
recherche les plus récents en matière d’évaluation sont plutôt orientés dans d’autres
directions, à savoir :
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