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Neuropsychologie

de la sclérose
en plaques
Chez le même éditeur

Dans la même collection :


Handicap mental : approche transdisciplinaire – somatique, psychiatrique, psychopédagogique, par
C.-A. Dessibourg. 2009, 232 pages.
Démarche clinique en neurologie du développement, par C. Amiel-Tison, J. Gosselin. 2e édition, 2008,
256 pages.
Neuropsychologie du vieillissement normal et pathologique, par K. Dujardin, P. Lemaire, 2008,
256 pages.
Neurologie du comportement, par A. Schnider. 2008, 272 pages.
Conduite du bilan neuropsychologique chez l’enfant, par M. Mazeau. 2e édition, 2008, 304 pages.
Neuropsychologie de la maladie de Parkinson et des syndromes apparentés, par K. Dujardin,
L.  Defebvre. 2e édition, 2007, 184 pages.
L’infirmité motrice d’origine cérébrale, par C. Amiel-Tison. 2e édition, 2005, 336 pages.

Autres ouvrages :
Atlas interactif de neuroanatomie clinique. Atlas photographique + CD-ROM interactif Encéphalia,
par L. Thines, F. Lemarchand, J.-P. Francke. 2008, 144 pages.
Pratique de l’EEG. Bases neurophysiologiques, prinicipes d’interprétation et de prescritpion, par
J. Vion-Dury et F. Blanquet. Collection Abrégés de médecine. 2008, 224 pages.
Évaluation neurologique de la naissance à 6 ans, par J. Gosselin, C. Amiel-Tison. Éditions CHU Sainte-
Justine. 2e édition, 2007, 208 pages.
Les Nerfs crâniens, par D. Doyon, K. Marsot-Dupuch, J.-P. Francke et al. 2e édition, 2006, 304 pages.
Neuropsychologie, par R. Gil. Collection Abrégés de médecine. 4e édition, 2006, 432 pages.
Neuropsychologie et troubles des apprentissages, par M. Mazeau. 2005, 320 pages.
Neurologie, par J. Cambier, M. Masson, H. Dehen. Collection Abrégés de médecine. 11e édition, 2004,
576 pages.

Neuropédiatrie, par G. Lyon, P. Evrard. 2000, 2e édition, 568 pages.


Collection Neuropsychologie

Neuropsychologie
de la sclérose
en plaques
Coordonné par
Gilles Defer

Bruno Brochet Jean Pelletier

Préface de Olivier Lyon-Caen


Ce logo a pour objet d’alerter le lecteur sur la menace que représente pour l’avenir de l’écrit, tout parti-
DANGER culièrement dans le domaine universitaire, le développement massif du « photo-copillage ». Cette prati-
que qui s’est généralisée, notamment dans les établissements d’enseignement, provoque une baisse
brutale des achats de livres, au point que la possibilité même pour les auteurs de créer des œuvres nou-
velles et de les faire éditer correctement est aujourd’hui menacée.
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© 2010, Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés


ISBN : 978-2-294-70469-7

Elsevier Masson SAS, 62, rue Camille-Desmoulins, 92442 Issy-les-Moulineaux cedex


www.elsevier-masson.fr
Liste des auteurs

Bertrand Audoin, maitre de conférences des de neurologie – CRM BM UMR CNRS 6612,
universités – praticien hospitalier, MD, docteur CHU Timone, Marseille.
en neurosciences, pôle de neurosciences clini­ Michèle Montreuil, professeur des universités,
ques – service de neurologie – CRMBM UMR docteur en psychologie laboratoire de psycho­
CNRS 6612, CHU Timone, Marseille. pathologie et de neuropsychologie et pôle des
Hélène Brissart, neuropsychologue, service de maladies du système nerveux, CH Pitié-
neurologie, hôpital central, CHU de Nancy. Salpêtrière, Paris – Université de Paris 8.
Bruno Brochet, professeur des universités – Thibault Moreau, professeur des universités –
praticien hospitalier, (chef de) service de neuro­ praticien hospitalier, service de neurologie,
logie, CHU de Bordeaux. CHU de Dijon.
Maeva Camus, neuropsychologue, service de
Jean Pelletier, professeur des universités – prati­
neurologie, CHU de Caen.
cien hospitalier, (chef de) service de neurologie,
France Daniel, neuropsychologue, Réseau Bas pôle de neurosciences cliniques – service de neu­
Normand pour la SEP, Caen. rologie – CRMBM UMR CNRS 6612, CHU
Marc Debouverie, professeur des universités – Timone, Marseille.
praticien hospitalier, (chef de) service de neuro­
Sophie Pittion-Vouyovitch, praticien hospita­
logie, CHU de Nancy.
lier, service de neurologie, CHU de Nancy.
Gilles Defer, professeur des universités – prati­
cien hospitalier, (chef de) service de neurologie, Jean-Philippe Ranjeva, professeur des uni­
INSERM U 923, CHU de Côte-de-Nacre, Caen. versités en biophysique, CRMBM UMR CNRS
6612, CHU Timone, Marseille.
Nathalie Ehrlé, docteur en psychologie, neu­
ropsychologue clinicienne, service de neurolo­ Françoise Reuter, docteur en psychologie, pôle
gie, CHU Reims – Université de Lille 3. de neurosciences cliniques – service de neurolo­
Blandine Grassiot, docteur en neurosciences, gie – CRMBM UMR CNRS 6612, CHU Timone,
département de neurologie, CHU Côte-de- Marseille.
Nacre, Caen. Audrey Rico, docteur en neurosciences – prati­
Audrey Henry, neuropsychologue, service de cien hospitalier, pôle de neurosciences cliniques
neurologie, CHU de Reims. – service de neurologie – CRMBM UMR CNRS
Livia Lanotte, praticien hospitalier, réseau 6612, CHU Timone, Marseille.
LORSEP, CHU de Nancy. Wafaa Zaaraoui, docteur en biophysique,
Irina Malikova-Klemina, docteur en méde­ CRMBM UMR CNRS 6612, CHU Timone,
cine, pôle de neurosciences cliniques – service Marseille.

V
Préface

Dans la sclérose en plaques, il convient d’« explorer avec autant de soins les


fonctions psychiques que les autres grandes fonctions du système nerveux »
écrivait Jean Lhermitte dès la fin des années vingt… du siècle dernier. Cette
assertion était prémonitoire mais elle demeura négligée pendant plusieurs
décennies. Aborder la question des troubles psychologiques et cognitifs et de
la sclérose en plaques était donc une nécessité. Et ceci pour plusieurs raisons.
La première tient à l’avancée remarquable au cours de ces dernières années de
la connaissance de la maladie. La deuxième est en relation avec le besoin
d’analyse portant sur les relations entre la vie émotionnelle et l’expression de
la maladie. La troisième est liée à l’identification même des troubles psycho­
logiques et cognitifs au cours de la SEP, à leur pathophysiologie et à leur his­
toire naturelle. La quatrième raison tient aux possibilités de prise en charge
dont nous disposons aujourd’hui et à leur évaluation. Enfin, il est important
de s’interroger sur l’impact des traitements de la SEP sur les troubles psycho­
logiques et cognitifs. Est-on en mesure, grâce aux connaissances et aux théra­
peutiques nouvelles, de les contrôler, voire de les prévenir ? Poser ces questions,
c’est aussi réfléchir aux modalités de prise en charge de la maladie, du patient
et de son entourage.
Gilles Defer avait donc bien des raisons de consacrer un ouvrage à ces sujets.
Entouré de collaborateurs compétents à l’avant-garde de la réflexion et de la
recherche dans l’ensemble des domaines concernés, Gilles Defer a su à la fois
être didactique et exhaustif. Il nous invite à une découverte très riche et struc­
turée d’une facette de la sclérose en plaques que tout neurologue se doit de
percevoir et d’analyser. Qu’il en soit remercié.

Pr Olivier Lyon-Caen
Professeur à l’université Paris VI
Chef du service de neurologie à l’hôpital
de la Pitié-Salpetrière à Paris

VII
Avant-propos

La compréhension sur la nature, la physiopathologie et l’évolution naturelle


des troubles cognitifs de la SEP ont considérablement évolué ces 15 dernières
années et d’une manière générale l’intérêt de la collectivité scientifique dans
ce domaine est en accroissement constant. Ce constat est à l’origine de l’idée
de la rédaction de cet ouvrage. Sa réalisation a été rendue possible grâce à la
collaboration aussi efficace qu’amicale de Bruno Brochet et Jean Pelletier que
je remercie sincèrement pour avoir accepté de coordonner ce projet ensemble.
Je voudrais remercier également tous les autres co-auteurs d’avoir accepté de
collaborer à ce livre et de nous avoir permis de le finaliser à l’échéance que
nous nous étions fixée. Faire aboutir un projet de ce type est toujours un peu
délicat car l’objectif était double. Il fallait d’une part réaliser un ouvrage le plus
complet possible tout en respectant le nombre de pages imparties, d’autre part
faire un ouvrage susceptible d’intéresser non seulement les neurologues en
général et particulièrement ceux concernés par la SEP dans leur activité, mais
aussi les autres professionnels de santé régulièrement impliqués dans la prise à
charge de ces patients. Nous espérons avoir, sinon atteint, tout du moins
approché au plus près ces objectifs. J’espère que les lecteurs de ce livre trouve-
ront les informations et les mises au point utiles à leur pratique et à la prise en
charge des patients atteints de SEP et ayant des troubles cognitifs.
Gilles Defer

IX
Abréviations

AB aire de Brodmann FRR12RWT Free Recall and Recognition of 12


AG acétate de glatiramère Random Words Test
AMDP Association pour la méthodologie FrSBe Frontal Systems Behavior Scale
et la documentation en psychiatrie FSS Fatigue Severity Scale
AMI Autobiographical Memory Interview FST Face Symbol Test
AMM autorisation de mise sur le marché IFN interféron
AVC accident vasculaire cérébral IGT Iowa Gambling Task
BCcogSEP batterie courte d’ évaluation des IL interleukine
fonctions cognitives destinée aux IRM imagerie par résonance magnétique
patients souffrant de sclérose en IRMf IRM fonctionnelle
plaques LCR liquide céphalorachidien
BHE barrière hématoencéphalique LEMP leucoencéphalite multifocale
BIQ Beth Israel Questionnaire progressive
BNT Boston Naming Test MA maladie d’Alzheimer
BRB-N Brief-Repeatable-Battery of MACFIMS Minimal Assessment of Cognitive
Neuropsychological Tests Function in Multiple Sclerosis
BVAQ Bermond Vorst Alexithymia MCST Modified Card Sorting Test
Questionnaire MCT mémoire à court terme
CAD coefficient apparent de diffusion MDT mémoire de travail
CHIP Coping with Heath Injuries and MFIS Modified Fatigue Impact Scale
Problems MLT mémoire à long terme
Cho choline MMSE Mini-Mental State Examination
CIS Clinically Isolated Syndrome MP méthylprednisolone
CISS Coping Inventory for Stressful MSA Mutuelle sociale agricole
Situations MSFC Multiple Sclerosis Functional
CLVT-II California Learning Verbal Test-II Composite
CMH complexe majeur MSNQ Multiple Sclerosis Neuropsychological
d’ histocompatibilité Screening Questionnaire
CNAM Caisse nationale d’assurance maladie NAA N-acétylaspartate
COWAT Controlled Oral Word Association NMDA N-méthyl-D-aspartate
Test NO monoxyde d’azote
Cr créatine NPSBMS Neuropsychological Screening
CTIP Computerised Test of Information Battery for Multiple Sclerosis
Processing OCT tomographie par cohérence optique
CVLT California Verbal Learning Test ONTT Optic Neuritis Treatment Trial
DEX-S Self-rating Dysxecutive Questionnaire PASAT Paced Auditory Serial Addition Test
D-KEFS Delis Kaplan Executive Function PDP procédure de dissociation des
System processus
DS déviation standard PEV potentiels évoqués visuels
EDSS Expanded Disability Status Scale PSI Processing Speed Index
EEG électroencéphalogramme QI quotient intellectuel
EFPT Executive Function Performance Test RBMT Rivermead Behavioural Memory Test
EHD échelle d’humeur dépressive RMN résonance magnétique nucléaire
EMIF-SEP échelle de mesure de l’impact de la SB substance blanche
fatigue dans la SEP SBAN substance blanche d’apparence
ESS Environment Status Scale score normale
FIS Fatigue Impact Scale SCI syndrome cliniquement isolé
FLS faisceau longitudinal supérieur SDMT Symbol Digit Modalities Test

XV
Abréviations

SEFCI Screening Examination for Cognitive SRT Selective Reminding Test


Impairment SWL Short Word List
SEP sclérose en plaques TAS Toronto Alexithymia Scale
SEP-PP sclérose en plaques primaire TEA Test of Everyday Attention
progressive TMT Trail Making Test
SEP-RR sclérose en plaques récurrente- TR temps de réaction
rémittente TSVP test de saisie visuelle parallèle
SEP-SP sclérose en plaques secondairement TTA taux de transfert d’aimantation
progressive VESPAR Verbal and Spatial Reasoning test
SEP-TP sclérose en plaques transitionnelle VTI vitesse de traitement de
progressive l’information
SG substance grise WAIS Wechsler Adult Intelligence Scale
SGAN substance grise d’apparence normale WCC Way of Coping Check list
SILS Shipley Institute of Living Scale WCST Wisconsin Card Sorting Test
SNC système nerveux central WLG Word List Generation
SPART Spatial Recall Test WMI Working Memory Index
SRM spectroscopie de résonance WMS Wechsler Memory Scale
magnétique

XVI
Introduction

Les principaux aspects concernant la sclérose en les principales hypothèses étiologiques, les aspects
plaques (SEP) seront sommairement abordés, en cliniques, radiologiques, biologiques et thérapeu-
particulier les caractéristiques épidémiologiques, tiques.

3
Physiopathologie, Chapitre  1
épidémiologie

Jusqu’à présent, les études épidémiologiques ont proches de l’équateur. Toutefois, dans la même
aidé à identifier les facteurs qui pouvaient être liés zone géographique, où la latitude et le climat
au risque de développer la SEP, y compris géo- sont à peu près similaires, les taux de prévalence
graphiques, génétiques et infectieux, mais peu de peuvent présenter des différences significatives.
réponses définitives sont à ce jour disponibles. De Ces différences démontrent que les facteurs géo-
nombreuses difficultés de type méthodologique graphiques ne sont pas les seuls facteurs impli-
rendent la réalisation et l’interprétation de ces qués [4, 5] ;
études difficiles. • la SEP est plus fréquente chez les caucasiens (en
L’incidence d’une maladie se réfère au nombre de particulier, ceux avec une ascendance nord-
nouveaux cas enregistrés pendant une période de européenne) que dans d’autres groupes ethni-
temps donnée (habituellement un an) dans une ques. Cependant, au sein d’une zone donnée, la
population donnée (un groupe de 100 000 person- prévalence n’est pas toujours homogène. Il existe
nes est souvent utilisé). La prévalence de la SEP des fortes disparités régionales, comme le mon-
désigne le nombre des personnes atteintes de SEP trent les études épidémiologiques en Sicile et en
à un moment donné, dans une zone ou un lieu Sardaigne, révélant des chiffres supérieurs à ceux
précis. L’incidence et la prévalence doivent tou- de la zone méditerranéenne. La prévalence est
jours être présentées avec un intervalle de différente selon l’origine de la population en
confiance (IC) pour être valables. Afrique du Sud ou en Israël, elle est faible chez les
Japonais vivant au Japon ou aux États-Unis, chez
les gitans en Hongrie, et la SEP est presque
Données épidémiologiques inconnue dans certaines populations, comme les
Inuits, les Tsiganes roumains, les Lapons nor­
végiens, les aborigènes d’Australie, les Maoris de
À partir des études épidémiologiques existantes,
Nouvelle-Zélande. Ainsi, les origines ethniques
les observations suivantes ont été faites :
et la géographie semblent interagir de façon com-
• la plupart des patients (70 %) présentent les pre- plexe en influençant les chiffres de la prévalence
miers symptômes de la maladie entre 20 et dans les différentes parties du monde [2]. Cette
40 ans, même si la maladie peut être diagnosti- hétérogénéité conduit à s’interroger sur le rôle
quée chez les enfants et chez les adultes plus respectif des facteurs ethniques et des facteurs
âgés [1] ; environnementaux dans l’étiologie de la SEP
• la répartition de la SEP à travers le monde n’est [3,  4]. Certaines infections pourraient jouer un
pas uniforme. La prévalence croît dans chaque rôle indirect, en particulier par le phénomène de
hémisphère, lorsqu’on s’éloigne de l’équateur mimétisme moléculaire (homologie de séquen-
vers les pôles [2, 3]. La SEP est donc beaucoup ces protidiques entre l’agent infectieux et des pro-
plus fréquente à des latitudes plus hautes (au- téines du système nerveux central, notamment la
dessus du degré de latitude de 40 °), éloignées de protéine basique de la myéline). De nombreux
l’équateur, qu’à des latitudes plus basses, plus virus ont été soupçonnés, y compris le virus de la

5
Partie I. Données générales sur la maladie

rage, de l’herpès, de la rougeole, de la rubéole, • la SEP apparaît comme une maladie à prédis-
certains rétrovirus comme l’HTLV-1, et le virus position génétique, multigénique, avec un nom-
d’Epstein-Barr, responsable de la mononucléose bre de gènes et un mode de transmission qui
infectieuse. Chlamydia pneumoniae, un agent demeurent largement inconnus. De nombreu-
bactérien, a également été soupçonné mais son ses études de gènes candidats et des criblages
rôle n’a – là encore – jamais été prouvé [6, 7] ; anonymes du génome ont été réalisés. Le locus
• les migrations de population indiquent que les le plus important est localisé au niveau de la
migrants acquièrent un risque de développer classe II du complexe majeur d’histocompatibi-
une SEP intermédiaire entre celui de la région lité (CMH) et plus particulièrement en HLA-
d’origine et celui de la zone où ils déménagent. DRB1*1501. Néanmoins, ce gène de susceptibilité
Toutefois, cette modification du risque semble nécessite des interactions avec d’autres gènes,
dépendre de l’âge de cette migration. Les sujets peut-être de classe I, voire des modifications
qui déménagent avant l’âge de 15 ans ont une épigénétiques de quelques haplotypes. Les allè-
tendance nette au changement du risque de les du récepteur α de l’interleukine-2 et de l’in-
développer une SEP et cela d’autant plus que la terleukine-7 semblent constituer également des
migration a eu lieu précocement. Pour les sujets facteurs de susceptibilité génétique à la maladie
qui déménagent après l’âge de 15 ans, ce change- [8–10] ;
ment ne concernera que la génération suivante. • de même, le rôle des facteurs génétiques dans la
Tout en soulignant la relation complexe qui sévérité de la maladie reste controversé. Les étu-
existe entre les facteurs environnementaux et des nord-américaines comparant les popula-
génétiques qui prédisposent au développement tions d’origine européenne et africaine apportent
de la SEP, ces études tendent à démontrer que la des arguments en faveur d’une évolution plus
SEP pourrait dépendre d’une exposition pré- sévère dans la population d’origine africaine. En
coce à un facteur environnemental déclencheur France, les patients d’origine nord-africaine
ou protecteur chez des individus prédisposés présentent une maladie d’expression plus grave
génétiquement [2, 3, 8–10] ; que les patients d’origine européenne [12, 13].
• la SEP est environ de deux à trois fois plus fré- En France, des études anciennes déterminaient la
quente chez les femmes que chez les hommes, ce prévalence autour de 40 pour 100 000 habitants,
qui suggère que les hormones (ou des gènes spé- celle-ci semblant augmenter du sud-ouest au
cifiques situés sur les chromosomes sexuels) nord-est. Le taux d’incidence n’avait été estimé
pourraient avoir également un rôle direct ou que dans une seule étude, concernant les 94 000
indirect important dans la détermination de la habitants de Dijon âgés de moins de 60 ans, et
susceptibilité à la maladie [11] ; était évaluée à 4,3 pour 100 000 habitants par an,
• la SEP présente des différences de fréquence ce qui apparaissait proche des taux rapportés dans
chez les jumeaux, avec une concordance aug- d’autres villes d’Europe du Nord de même taille.
mentée chez les jumeaux dizygotes (les « faux Plus récemment, deux études nationales ont été
jumeaux ») (2 à 4 %) par rapport aux monozygo- conduites par la Caisse nationale d’assurance
tes (les « vrais jumeaux ») (25 à 30 %). Les enquê- maladie (CNAM) et la Mutuelle sociale agricole
tes épidémiologiques ont déterminé que le (MSA) sur la base de l’analyse de données médico-
risque d’un individu de développer la SEP aug- sociales. L’enquête de la MSA, qui portait sur une
mente si un membre de la famille proche est évaluation de la prévalence de la SEP, a permis
atteint de la maladie. Tandis qu’une personne en d’estimer la prévalence nationale de la SEP à 65,5
France présente environ un risque de 1 sur 900 pour 100 000 habitants (IC = 62,5–67,5), dont 96,3
de développer la SEP, le risque pour une per- pour l00 000 femmes et 41,9 pour 100 000 hom-
sonne ayant un frère ou une sœur porteur d’une mes, avec un gradient du nord-est vers le sud-
SEP de présenter la maladie est augmenté à ouest [14–16].
environ 1 sur 50. Ainsi, le risque augmente de Les réseaux de santé récemment constitués en
façon significative pour une personne dont un France ont permis de donner des appréciations
parent est déjà atteint de SEP, mais reste, toute- beaucoup plus fines et pertinentes puisque les étu-
fois, relativement faible [8] ; des sont effectuées sur une population précise sur

6
Chapitre 1. Physiopathologie, épidémiologie

le plan géographique. Ainsi, en Lorraine, la préva- sonnes qui vivent plus près de l’équateur sont
lence de la SEP en 2004 était de 120/100 000 (IC = exposées aux plus grandes quantités de lumière
119–121). Pour les femmes, la prévalence standar- du soleil toute l’année et présentent des taux plus
disée était de 169/100 000 (IC = 166–172), alors élevés de vitamine D synthétisée naturellement,
qu’elle était de 68/100 000 (IC = 65–72) pour les entraînant un possible effet bénéfique sur la fonc-
hommes. Dans cette étude, les taux d’incidence tion immunitaire et un possible effet protecteur
de la SEP, standardisés selon l’âge et le sexe, étaient vis-à-vis de certaines maladies auto-immunes tel-
de 5,5/100 000 (IC = 4,4–6,6), plus élevés chez les les que la SEP. La relation possible entre la SEP et
femmes (7,6/100 000 ; IC = 5,9–9,3) que chez les l’exposition à la lumière du soleil est actuellement
hommes (3,2/100 000 ; IC = 2,4–4,0) [17]. étudiée en Australie, par une vaste étude épidé-
Il est difficile de comparer les études, les objectifs miologique. L’effet protecteur de la vitamine D
et les méthodologies de recueil des données étant pourrait s’expliquer au moins partiellement par
différents. Toutefois, la plupart des données dis- son activité régulatrice sur le complexe majeur
ponibles laissent à penser que les chiffres disponi- d’histocompatibilité, et notamment sur HLA-
bles en 2009 sont nettement plus élevés que ceux DRB1*1501. Il semble en revanche qu’une fois que
dont nous disposions auparavant. Les études la maladie a débuté, il n’y ait aucun intérêt à pren-
récentes, du fait d’une meilleure accessibilité dia- dre de la vitamine D ou à s’exposer au soleil. La
gnostique et d’un meilleur suivi, montrent indis- vitamine D ne serait donc pas un traitement de la
cutablement que ces taux sont à réévaluer. On SEP [21, 22].
peut penser que l’incidence se situe probablement Au total, des données épidémiologiques récentes
entre 4 et 7 pour 100 000 habitants en France, avec ont permis de préciser des taux de prévalence et
des valeurs bien plus élevées chez les femmes, et d’incidence de la SEP en France plus importants
une prévalence supérieure à 100 pour 100 000 que ceux précédemment décrits. Il apparaît que
habitants. Ainsi le nombre de patients atteints de des études épidémiologiques peuvent être menées
SEP actuellement en France est très vraisembla- en France avec réussite, notamment depuis l’émer-
blement compris entre 65 et 90 000 [15]. gence des réseaux de santé.
Par ailleurs, l’incidence de la SEP semble avoir
augmenté chez les femmes, d’après des études
effectuées en Norvège, en Irlande du Nord, au
Danemark, au Canada et en Lorraine. Cette
Rôle du système immunitaire
constatation pourrait impliquer des facteurs envi-
Pour des raisons encore obscures, le système
ronnementaux, variables au cours du temps, qui
immunitaire se dérègle et développe une réponse
pourraient atteindre différemment les hommes et
dirigée contre la myéline, gaine protéolipidique
les femmes. De même, le sex-ratio de la SEP sem-
protectrice des fibres nerveuses du système ner-
ble se modifier avec le temps, avec une proportion
veux central, rendant compte du terme d’affection
croissante de femmes [17, 18].
démyélinisante. Il est probable qu’une des cibles de
Une théorie dite « hygiéniste » se développe ces l’attaque immunitaire soit une composante de la
dernières années afin de proposer une première myéline dans le système nerveux central. Les lym-
ébauche de réponse à cette augmentation d’inci- phocytes T apparaissent sensibilisés à la myéline,
dence. Elle repose sur la constatation d’une moin- traversent la barrière hématoencéphalique (qui
dre exposition à certains agents infectieux, sépare les vaisseaux du parenchyme cérébral et de
notamment parasitaires, au cours de la première la moelle épinière) et pénètrent dans le système
enfance. Ces données doivent être confirmées nerveux central. Une fois dans le système nerveux
dans l’avenir [19, 20]. central, ces cellules T contribuent au développe-
De même, certains auteurs ont émis l’hypothèse ment d’une réaction inflammatoire à laquelle par-
que la plus grande fréquence de la SEP dans les ticipent d’autres cellules, comme les macrophages,
régions qui sont plus éloignées de l’équateur pour- les cellules microgliales (équivalent des macropha-
rait être liée à des variations d’apport en vita- ges dans le système nerveux central) et les lympho-
mine D, qui est synthétisée naturellement lorsque cytes B. La place exacte des unes et des autres sera
la peau est exposée à la lumière du soleil. Les per- précisée dans les années futures [23–25].

7
Partie I. Données générales sur la maladie

Ces cellules peuvent pour certaines endommager suppresseurs). Le caractère diffus des lésions cor-
la myéline et entraîner une souffrance et parfois ticales pourrait en revanche être expliqué par une
une destruction axonale, directement ou par l’in- atteinte inflammatoire compartimentée dans le
termédiaire de substances chimiques (cytokines, système nerveux central, rendant compte de l’évo-
radicaux libres) qu’elles libèrent. Les cellules T lution clinique progressive, de l’absence de prise
peuvent reconnaître certains antigènes. Leur de gadolinium à l’IRM, et de la faible efficacité des
capacité à différencier les antigènes leur est confé- traitements de fond employés dans les formes pro-
rée par des protéines qui se trouvent sur la surface gressives. La part respective de ces deux compo-
de la cellule (récepteurs). Le nombre et la spécifi- santes, ainsi que les liens éventuels qui pourraient
cité des récepteurs des cellules T peuvent être les unir dans le temps ne sont toutefois actuelle-
déterminés par des gènes. ment pas encore bien appréhendés [26–29].
Le processus auto-immun anormal qui est res-
ponsable de la démyélinisation du système ner- Références
veux central dans la SEP semble impliquer une
activation sélective des cellules T mais aussi des [1] Noseworthy JH, Lucchinetti C, Rodriguez M,
Weinshenker BG. Multiple sclerosis. N Engl Med
cellules B ainsi que des cellules macrophagiques/ 2000 ; 343 : 938-52.
monocytaires.
[2] Kurtzke JF. Geographic distribution of multiple scle-
Les mécanismes impliqués dans l’atteinte inflam- rosis : an update with special reference to Europe and
matoire, démyélinisante et axonale, ainsi que les the Mediterranean region. Acta Neurol Scand 1980 ;
rapports temporels qui pourraient exister entre 62 : 65-80.
ces différents facteurs restent difficiles à préciser. [3] Dyment DA, Ebers GC, Sadovnick AD. Genetics of
L’éventualité que l’atteinte axonale puisse être multiple sclerosis. Lancet Neurol 2004 ; 3 : 104-10.
secondaire à l’agression répétée et entretenue de la [4] Compston A, Coles A. Multiple sclerosis. Lancet
myéline par l’inflammation pourrait paraître 2008 ; 372 : 1501-17.
séduisante, et en partie rendre compte, d’une part, [5] Ascherio A, Munger KL. Environmental risk factors
for multiple sclerosis. Part II : Noninfectious factors.
de la constitution d’un handicap progressivement
Ann Neurol 2007 ; 61 : 504-13.
croissant au fur et à mesure du temps et, d’autre
[6] Ascherio A, Munger KL. Environmental risk factors
part, de l’aggravation progressive de la charge for multiple sclerosis. Part I : The role of infection.
lésionnelle et de l’atrophie mise en évidence en Ann Neurol 2007 ; 61 : 288-99.
IRM. Toutefois, certains auteurs ont émis l’hypo- [7] Thacker EL, Mirzaei F, Ascherio A. Infectious mono-
thèse selon laquelle deux mécanismes pathologi- nucleosis and risk for multiple sclerosis : a meta-ana-
ques distincts pourraient coexister : un processus lysis. Ann Neurol 2006 ; 59 : 499-503.
démyélinisant inflammatoire et un processus [8] Ebers GC, Sadovnick AD, Dyment DA, Yee IM,
neurodégénératif indépendant. D’autres hypothè- Willer CJ, Risch N. Parent-of-origin effect in mul-
ses encore plus complexes ont été émises. Ainsi, il tiple sclerosis : observations in half-siblings. Lancet
a été mis en évidence l’existence d’une atteinte de 2004 ; 363 : 1748-9.
la substance grise (cortex cérébral) qui pourrait [9] International multiple sclerosis genetics ­consortium
Hafler DA, Compston A, Sawcer S, et al. Risk alle-
être assez fréquente. L’atteinte corticale et l’at-
les for multiple sclerosis identified by a genomewide
teinte sous-corticale pourraient être sous-tendues study. N Engl J Med 2007 ; 357 : 851-62.
par des mécanismes physiopathologiques diffé- [10] Chao MJ, Barnardo MC, Lincoln MR, Ramagopalan,
rents. Notamment, l’existence d’une dualité de SV, Herrera BM, Dyment DA, et al. HLA class I alle-
l’atteinte inflammatoire, responsable à la fois de la les tag HLA-DRB1*1501 haplotypes for differential
présence des lésions corticales et de lésions sous- risk in multiple sclerosis susceptibility. Proc Natl
corticales, a été avancée [26–29]. Acad Sci USA 2008 ; 105 : 13069-74.
Le caractère focal des lésions sous-corticales [11] Confavreux C, Hutchinson M, Hours MM, Cortinovis-
Tourniaire P, Moreau T. Rate of pregnancy-related
pourrait être en rapport avec une composante relapse in multiple sclerosis. Pregnancy in multiple
sanguine périphérique de l’inflammation, sous- sclerosis group. N Engl J Med 1998 ; 339 : 285-91.
tendue par l’existence de poussées et de lésions [12] Marrie RA, Cutter G, Tyry T, Vollmer T, Campagnolo
actives, sensibles aux traitements de fond utilisés D. Does multiple sclerosis-associated disability differ
actuellement (immunomodulateurs et immuno- between races ? Neurology 2006 ; 66 : 1235-40.

8
Chapitre 1. Physiopathologie, épidémiologie

[13] Debouverie M, Lebrun C, Jeannin S, Pittion- [21] Ebers GC. Environmental factors and multiple scle-
Vouyovitch S, Roederer T, Vespignani H. More severe rosis. Lancet Neurol 2008 ; 7 : 268-77.
disability of North Africans vs. Europeans with mul- [22] Ramagopalan SV, Maugeri NJ, Handunnethi  L,
tiple sclerosis in France. Neurology 2007 ; 68 : 29-32. Lincoln MR, Orton SM, Dyment DA, et al. Expression
[14] Moreau T, Manceau E, Lucas B, Lemesle M, of the multiple sclerosis-associated MHC class II
Urbinelli R, Giroud M. Incidence of multiple sclero- allele HLA-DRB1*1501 is regulated by vitamin D.
sis in Dijon. Neurol Res 2000 ; 22 : 156-9. PloS Genet 2009 ; 5 (2) : 1000369.
[15] Debouverie M, Rumbach L, Clavelou P. Organisation [23] Prat A, Antel J. Pathogenesis of multiple sclerosis.
des soins et données épidémiologiques récentes en Curr Opin Neurol 2005 ; 18 : 225-30.
France. Rev Neurol (Paris) 2007 ; 163 : 37-45. [24] Maggs FG, Palace J. The pathogenesis of multiple
[16] Vukusic S, Van Bockstael V, Gosselin S, Confavreux C. sclerosis : is it really a primary inflammatory pro-
Regional variations in the prevalence of multiple cess ? Mult Scler 2004 ; 10 : 326-9.
sclerosis in French farmers. J Neurol Neurosurg [25] Hauser SL. Multiple lessons for multiple sclerosis.
Psychiatry 2007 ; 78 : 707-9. N  Engl J Med 2008 ; 359 (17) : 1838-41.
[17] Debouverie M, Pittion-Vouyovitch S, Louis S, [26] Lucchinetti C, Bruck W, Parisi J, Scheithauer B,
Roederer T, Guillemin F. Increasing incidence of Rodriguez M, Lassmann H. Heterogeneity of mul-
multiple sclerosis among women in Lorraine, Eastern tiple sclerosis lesions : implications for the patho-
France. Mult Scler 2007 ; 13 : 962-7. genesis of demyelination. Ann Neurol 2000 ; 47 :
[18] Orton SM, Herrera BM, Yee IM, Valdar W, 707-17.
Ramagopalan SV, Sadovnick AD, et al. Sex ratio of [27] Trapp BD, Peterson J, Ransohoff RM, Rudick R,
multiple sclerosis in Canada : a longitudinal study. Mork S, Bo L. Axonal transection in the lesions of
Lancet Neurol 2006 ; 5 : 932-6. multiple sclerosis. N Engl J Med 1998 ; 338 : 278-85.
[19] Cabre P, Signate A, Olindo S, Merle H, Caparros- [28] Bruck W, Stadelmann C. The spectrum of multiple
Lefebvre D, Bera O, et al. Role of return migration sclerosis : new lessons from pathology. Curr Opin
in the emergence of multiple sclerosis in the French Neurol 2005 ; 18 : 221-4.
West Indies. Brain 2005 ; 128 : 2899-29910. [29] Kutzelnigg A, Lucchinetti CF, Stadelmann C,
[20] Correale J, Farez M, Razzitte G. Helminth infections Brück W, Rauschka H, Bergmann M, et al. Cortical
associated with multiple sclerosis induce regulatory demyelination and diffuse white matter injury in
B cells. Ann Neurol 2008 ; 64 : 187-99. multiple sclerosis. Brain 2005 ; 128 : 2705-12.

9
Symptômes, formes, Chapitre  2
évolution

La SEP est une affection inflammatoire auto-


immune du SNC touchant préférentiellement
Troubles visuels
l’adulte jeune. La symptomatologie clinique est
La névrite optique rétrobulbaire est l’atteinte
polymorphe [1, 2]. Les symptômes initiaux les
visuelle la plus fréquente. Elle est classiquement
plus fréquents sont sensitifs, oculaires et moteurs
monoculaire. Elle débute souvent par une douleur
(tableau 2.1).
à la mobilisation du globe oculaire suivie par une
baisse de l’acuité visuelle d’installation subaiguë
et d’intensité variable. L’examen retrouve un signe
Manifestations motrices de Marcus Gunn, correspondant à une atteinte de
la voie pupillaire afférente. Il est mis en évidence
Il s’agit le plus souvent d’une monoparésie ou en éclairant alternativement les pupilles avec l’ap-
paraparésie, et plus rarement d’une hémiparésie. parition paradoxale d’une dilatation pupillaire
L’installation est parfois aiguë, « pseudovascu- bilatérale. L’examen du champ visuel peut révéler
laire », avec une symptomatologie franche accom- un scotome central ou paracentral. Le fond d’œil
pagnée de troubles sensitifs. Le plus souvent, les est normal dans 2/3 des cas, mais peut retrouver
signes de début sont progressifs, insidieux, se un œdème papillaire modéré dans 1/3 des cas et
révélant par une fatigabilité motrice, une réduc- plus rarement des périphlébites rétiniennes.
tion du périmètre de marche ou la constatation Concernant la vision des couleurs, une dyschro-
d’un syndrome pyramidal témoignant de l’at- matopsie est parfois observée sans axe spécifique.
teinte des voies motrices. Il peut s’y associer une baisse de la vision des

Tableau 2.1
Symptômes et signes initiaux en fonction de l’âge de début de la SEP [2]
Âge Nombre Névrite Atteinte Atteinte Atteinte Diplopie, Ataxie (%)
de patients optique sensitive motrice motrice vertiges
(%) (%) aiguë (%) insidieuse (%)
(%)
< 20 ans 131 22,9 46,5 6,1 3,8 17,6 13,7
20–29 ans 435 22,8 52,2 7,3 6,2 12,4 11,3
30–39 ans 310 13,2 44,2 6,8 14,5 11,0 14,8
40–49 ans 173 9,2 33,5 2,9 30,6 16,8 12,7
> 49 ans 47 6,3 31,9 4,2 46,8 12,8 10,6
Total 1 096 17,2 45,4 6,2 13,9 12,9 13,2

11
Partie I. Données générales sur la maladie

contrastes. L’évolution habituelle se fait vers une puis la IIIe. Les lésions de la bandelette longitudi-
récupération en quelques semaines de façon com- nale postérieure sont responsables de l’ophtalmo-
plète ou partielle. Une uvéite peut être un symp- plégie internucléaire antérieure.
tôme rencontré dans la SEP, mais sa fréquence Les autres atteintes des nerfs crâniens observées
reste rare ; il s’agit le plus souvent de pars planite. peuvent être : une paralysie faciale périphérique, une
névralgie du trijumeau et/ou des troubles de la sensi-
bilité dans le territoire du nerf trijumeau (un déficit
Troubles sensitifs du V est évocateur d’une SEP chez un sujet jeune)…
La présence d’un nystagmus est fréquente.
Ils sont variés : paresthésies, dysesthésies, sensa- Des vertiges rotatoires, des troubles de la déglutition,
tions de ruissellement, de marcher sur du coton, une dysarthrie sont également des symptômes ren-
impression de striction, de peau cartonnée… Ils contrés dans la SEP. La surdité, quant à elle, est rare.
peuvent être en taches ou prédominer au niveau
des extrémités ou prendre un caractère systéma-
tisé, avec par exemple un niveau supérieur. Tous
les modes de sensibilité peuvent être touchés. Troubles sphinctériens
L’atteinte proprioceptive est fréquente, se mani- et génitaux
festant par une démarche talonnante, ataxique
aux membres inférieurs et une ataxie de la main Les troubles vésicosphinctériens sont fréquents au
aux membres supérieurs. L’examen retrouve une cours de la maladie et responsables d’un handicap
atteinte de la pallesthésie, une épreuve du Romberg majeur. Ils peuvent être présents dès le début de
perturbée, des perturbations de la marche du l’affection dans 10 % des cas, atteignant 80 à 90 %
funambule. Le signe de Lhermitte est un symp- des cas au cours de l’évolution. Ils sont représen-
tôme caractéristique évocateur de la SEP. Il se tés d’une part par des mictions impérieuses ou
manifeste par une sensation de décharges électri- urgenturie, une pollakiurie, une incontinence
ques à l’antéflexion de la nuque et traduit une urinaire témoignant d’une hyperactivité vésicale,
atteinte cordonale postérieure cervicale. et d’autre part par une dysurie, conséquence de
l’hypocontractilité du détrusor et/ou dyssynergie
vésicosphinctérienne.
Manifestations cérébelleuses Les troubles fécaux sont probablement sous-
estimés.
Elles s’observent majoritairement dans les for- Les troubles sexuels sont fréquents au cours de la
mes évoluées de SEP. Elles sont souvent associées SEP, rapportés dans les deux sexes.
à d’autres symptômes déficitaires, notamment
moteurs, ce qui les rend difficiles à mettre en évi-
dence. Le syndrome cérébelleux est statique et/ou
cinétique, généralement complété par une
Troubles de l’humeur
dysarthrie cérébelleuse, caractérisée par une
Ils seront abordés dans un autre chapitre de ce
voix scandée. Il est de mauvais pronostic puisqu’il
livre.
ne régresse que rarement. Le tremblement céré-
belleux peut être extrêmement invalidant.

Fatigue
Atteintes du tronc cérébral La fatigue est une plainte très fréquemment rap-
et nystagmus portée par les patients atteints de SEP (50 à 90 %
des cas). Elle peut être le symptôme le plus invali-
Les troubles oculomoteurs sont fréquents au cours dant et est considérée par une majorité de patients
de la SEP, et sont responsables d’une diplopie. La comme l’un des trois symptômes les plus sévères
paire crânienne la plus souvent lésée est la VIe, de leur maladie. Elle apparaît parfois chez les

12
Chapitre 2. Symptômes, formes, évolution

malades avant les premiers signes cliniques neuro- teste que très médiocrement les gênes fonction-
logiques déficitaires. Elle est souvent responsable nelles, qui peuvent être majeures, comme les
d’un arrêt précoce de l’activité professionnelle. atteintes visuelles, les atteintes des membres supé-
La fatigue rencontrée dans cette affection est une rieurs, les troubles cognitifs et la fatigue. Les diffi-
sensation subjective exprimée de façon différente cultés de cotation de l’atteinte cognitive rendent
par les patients. Ses caractéristiques comparées à imprécise l’évaluation du handicap global, d’où
la fatigue normale sont toutefois bien différentes. l’importance de développer des outils adaptés.
Elle apparaît rapidement après un effort minimal Malgré ces défauts, elle est devenue incontourna-
et le temps de récupération est plus long. Elle est ble non seulement pour les études cliniques mais
plus fréquente et plus sévère que la fatigue nor- aussi en pratique quotidienne. Elle demeure la
male. Cette fatigue peut être responsable d’une référence et aucune alternative n’a réellement fait
exacerbation des autres symptômes de la maladie. la preuve de sa supériorité et de sa simplicité (rela-
La chaleur est un facteur influençant l’état de fati- tive). Statistiquement, elle est utilisée comme une
gue. Les liens entre fatigue et troubles cognitifs échelle ordinale [3].
seront développés plus loin. Le score composite ou Multiple Sclerosis Functional
Composite (MSFC) est une autre échelle de mesure
du handicap, composée de 3 axes : la marche
Effets de la chaleur chrono­métrée sur 8 mètres, un test de dextérité
manuelle (9 hole peg test) et la PASAT, qui étudie les
La chaleur (augmentation de la température cor- capacités attentionnelles et de concentration. Il est
porelle, effort physique) est responsable chez cer- d’utilisation moins aisé que l’EDSS, et paraît com-
tains patients d’une aggravation ou de l’apparition plémentaire en évaluant l’atteinte des membres
de symptômes ou signes neurologiques. C’est le supérieurs et les fonctions cognitives [4].
phénomène d’Uhthoff.

Modes de début et formes


Évaluation clinique fonctionnelle évolutives de la SEP
Afin d’évaluer le handicap fonctionnel des Au début, deux modes d’évolution sont distin-
patients, plusieurs échelles ont été proposées, mais gués :
une seule est actuellement utilisée sur le plan • la forme rémittente est la plus fréquente, ren-
international. L’invalidité est évaluée à l’aide de contrée dans 85 % des cas. Elle se caractérise par
l’échelle de Kurtzke, notamment dans sa version des poussées cliniques et des rémissions. Ces
détaillée (EDSS : Expanded Disability Status dernières peuvent laisser des séquelles neuro­
Scale), chiffrée de 0 (examen neurologique normal logiques irréversibles. Elle affecte plutôt l’adulte
et absence de signes ou symptômes rapportés) à 10 jeune, la moyenne d’âge se situant aux alentours
(correspondant au décès survenu du fait de la de 30 ans, avec une prépondérance féminine
SEP). Elle n’est pas strictement cardinale, puisque (sex-ratio = 2,5, voire 3 femmes/1 homme) ;
partant de 0 puis allant à 1 et ensuite s’aggravant
• la forme progressive primaire, représentant 15 %
de 1/2 en 1/2 point. De plus, en fonction de son
des cas, est définie par une aggravation progres-
niveau, elle ne teste pas la même chose.
sive du handicap évoluant sur une période d’au
Classiquement, de 0 à 4, elle teste les données de
moins 6 à 12 mois. L’âge de début de cette forme
l’examen clinique neurologique puis, de 4 à 7, elle
est plus tardif, environ 40 ans, et le sex-ratio pro-
étudie essentiellement les données d’ambulation
che de 1. Elle peut être entrecoupée ou non de
(périmètre de marche, aides fonctionnelles), et
poussées.
enfin, de 7 à 9, elle varie selon les données fonc-
tionnelles liées au handicap lourd. Les différents Concernant les formes rémittentes, l’évolution
paramètres considérés étudient les fonctions peut se faire soit sur un mode rémittent, soit vers
pyramidale, cérébelleuse, du tronc cérébral, sensi- une forme secondairement progressive, avec ou
tive, sphinctérienne, visuelle et cérébrale. Elle ne sans poussées surajoutées.

13
Partie I. Données générales sur la maladie

Selon la classification de Lublin et Reingold poussée. Ces phénomènes ne sont pas en rapport
(1996), quatre formes cliniques sont distinguées avec la survenue d’une nouvelle lésion mais plutôt
(figure 2.1) [5] : liés à un bloc de conduction – complet ou incom-
• la forme rémittente ; plet – survenant au sein d’une lésion ancienne,
entraînant une dégradation temporaire de la
• la forme secondairement progressive ;
conduction nerveuse. Par consensus, la survenue
• la forme progressive primaire ; de nouveaux symptômes sur un délai inférieur à
• la forme progressive rémittente. 30 jours sera considérée comme appartenant à
une même poussée [6, 7].
L’évolution de la SEP et son pronostic sont hétéro-
gènes et considérés comme peu prévisibles. Les Une SEP récurrente-rémittente (SEP-RR) est défi-
formes évolutives sont variables et peuvent cor- nie par la survenue de poussées avec ou sans
respondre à des indications thérapeutiques diffé- séquelles. Elle se différencie de la phase progres-
rentes. La grande variabilité de l’évolution, allant sive, qui peut être entrecoupée ou non de pous-
de formes asymptomatiques jusqu’à des formes sées. Les poussées ont une importance secondaire
très sévères, gêne considérablement le médecin comparativement à la progression dans la sévérité
dans les informations qu’il peut donner aux du handicap neurologique d’un patient donné.
patients sous la forme de conseils pour les princi- Les signes cliniques neurologiques de la poussée
pales orientations de vie. sont très variables et sont le reflet de la localisation
Globalement, l’évolution de la SEP reste condi- – a priori aléatoire – de la (ou des) lésion(s)
tionnée par les deux événements cliniques fonda- responsable(s). Ainsi la poussée est reconnue
mentaux que sont d’une part la poussée et d’autre comme étant l’expression d’une ou de plusieurs
part la progression. La poussée est définie par lésions focales aiguës inflammatoires démyélini-
l’apparition de nouveaux symptômes, la réappari- santes atteignant le système nerveux central. Dans
tion d’anciens symptômes ou l’aggravation de les SEP-RR, la deuxième poussée survient au cours
symptômes préexistants. Elle survient de manière des deux premières années chez environ la moitié
rapide, aiguë – mais non brutale –, en quelques des patients. En moyenne, 2 à 3 % des patients
heures à quelques jours, jusqu’à une phase de pla- atteints de SEP-RR entrent chaque année dans une
teau suivie d’une phase de récupération plus ou phase progressive secondaire (SEP secondaire-
moins complète. Selon la définition internationale ment progressive, ou SEP-SP). La médiane de délai
issue d’un consensus d’experts, la poussée doit de survenue de cette phase de SEP-SP est chiffrée
durer plus de 24 heures. Des phénomènes paroxys- actuellement à environ 15 à 20 ans, en sachant que
tiques, une fatigue isolée, ou des symptômes surve- certains facteurs initiaux sont en rapport avec un
nant dans un contexte d’effort physique (phénomène risque précoce de survenue de cette phase progres-
d’Uhthoff) ou d’élévation de la température corpo- sive, et notamment l’âge des patients. Plus l’âge
relle (d’origine infectieuse, élévation de la tempé- aux premiers symptômes est tardif, plus court est
rature extérieure…) ne correspondent pas à une le délai d’entrée dans la phase secondairement
progressive. D’autres caractéristiques des poussées
sont considérées comme étant des facteurs prédic-
Les différentes formes évolutives tifs cliniques de risque d’incapacité précoce, dont
l’existence d’une poussée initiale laissant d’emblée
Rémittente des séquelles ou d’expression polysymptomatique
RR
– en faveur de l’expression clinique d’au moins
Secondaire
progressive SP
deux lésions –, et le nombre important de poussées
dès les premières années de la maladie.
Progressive Les résultats issus de cohortes (notamment les
primaire PP
cohortes lyonnaises, scandinaves, canadiennes et
Progressive
plus récemment bretonnes et lorraines) ont décrit
rémittente PR les principales caractéristiques de compréhension
Figure 2.1. de l’histoire naturelle de la SEP. Tout d’abord, il
Les différentes formes évolutives de la SEP [5]. semble que la mortalité de cette population (­survie

14
Chapitre 2. Symptômes, formes, évolution

globale de 35 à 40 ans) soit peu modifiée, sauf Les résultats de l’étude ONTT (Optic Neuritis
peut-être pour les patients lourdement handica- Treatment Trial) consacrée au suivi des neuropa-
pés (cohorte bretonne). Globalement, un niveau thies optiques inflammatoires fournissent des
de handicap entraînant une gêne définitive à la données à plus de 15 ans et montrent que le risque
marche (avec néanmoins un périmètre restant de développer une SEP cliniquement définie est
supérieur à 500 mètres sans aide ni arrêt), corres- significativement corrélé à la présence et au nom-
pondant à un EDSS à 4, est atteint avec une bre de lésions présentes sur l’IRM initiale. Ainsi,
médiane de 8 ans. La nécessité d’une aide constante l’évolution vers une SEP cliniquement définie a
à la marche (EDSS = 6) survient autour de 20 ans été observée chez 24 % des 191 patients sans lésion,
d’évolution et celle de l’aide constante d’un fau- 57 % des 44 patients avec une lésion, 57 % des
teuil roulant (EDSS = 7) autour de 30 ans pour les 26  patients avec 2 lésions, 72 % des 49 patients
médianes obtenues sur ces principales cohortes. présentant de 3 à 6 lésions et 76 % des 42 patients
De même, il apparaît que, au-delà d’un seuil cor- présentant plus de 6 lésions à l’IRM initiale [18].
respondant à un EDSS = 4, l’accumulation ulté- Les résultats à 20 ans d’un travail longitudinal étu-
rieure de l’incapacité n’est plus influencée par la diant l’évolution des syndromes cliniquement iso-
nature de l’évolution initiale (récurrente- lés en fonction de l’IRM initiale confirment les
rémittente ou progressive d’emblée). Le principe données de l’ONTT, et par conséquent la valeur
de « processus amnésique » de l’évolution de la prédictive de l’IRM effectuée lors du premier
maladie face aux événements initiaux a été décrit événe­ment démyélinisant. Ainsi, 67 des 107 patients
par Confavreux et Vukusic. De la même façon, (63 %) ayant présenté un épisode cliniquement isolé
l’incapacité semble essentiellement dépendante (neuropathie optique, atteinte du tronc cérébral ou
de l’âge du patient à un instant donné plutôt que syndrome médullaire) et suivis pendant 20 ans ont
du type évolutif de la maladie [8, 16]. évolué vers une SEP cliniquement définie. Parmi
Néanmoins, ces éléments statistiques souffrent eux, 60/73 (82 %) avaient une IRM de référence
d’importantes variations individuelles et restent anormale et 7/34 (21 %) une IRM normale [19].
discutables concernant leur application à la prati- De même, après un premier épisode neurologi-
que quotidienne. Les facteurs prédictifs cliniques que, la présence de bandes oligoclonales (IgG)
n’ont qu’une valeur individuelle limitée, qui n’a été détectées par isofocalisation à l’électrophorèse
que faiblement améliorée par la mise en évidence de des protéines du LCR est un critère sensible en
marqueurs pronostiques en IRM (comme la charge faveur du risque de survenue d’un second événe-
lésionnelle au début de la maladie), et établir le pro- ment neurologique, confirmant que la présence de
nostic individuel d’un patient donné reste extrême- bandes oligoclonales et/ou d’un index IgG aug-
ment difficile. Ainsi, par exemple, le concept de SEP menté a un intérêt diagnostique certain.
bénigne reste largement discuté. Elle est le plus sou-
vent définie par un EDSS ≤ 3 après dix ans d’évolu-
tion mais cette définition fait reposer la question de
l’absence de prise en compte dans l’EDSS de certai- Examens complémentaires
nes fonctions, telle l’atteinte cognitive [17].
IRM
L’IRM est aujourd’hui un examen complémentaire
Premier événement clinique essentiel pour le diagnostic et le suivi des patients
[20, 21]. L’IRM dite conventionnelle explore le
La littérature s’est souvent intéressée ces dernières parenchyme cérébral selon des techniques validées
années à la prise en charge des patients dès le pre- et utilisées depuis une vingtaine d’années. Les
mier événement clinique, correspondant à la pre- images sont obtenues en fonction des tissus explo-
mière poussée des formes rémittentes. La littérature rés et des paramètres techniques utilisés (séquen-
anglo-saxonne propose la dénomination de ces pondérées en T1 ou en T2).
Clinically Isolated Syndrom (CIS). Il peut s’agir de Sa sensibilité est souvent corrélée à la qualité des
n’importe quel épisode clinique inaugural (névrite images (résolution spatiale). Actuellement les IRM
optique, médullaire…). utilisées en pratique courante ont un champ

15
Partie I. Données générales sur la maladie

­ agnétique de 1,5 tesla. Les IRM à haut champ (au


m corticale. Il s’agit de lésions ovoïdes de taille varia-
moins 3 teslas) sont d’utilisation plus expérimen- ble, de topographie sus et sous-tentorielle au niveau
tale. Les séquences pondérées en T1 mettent en de l’encéphale, et/ou médullaire. Au niveau
évidence les lésions de la substance blanche sous encéphalique, elles sont réparties en périphérie des
forme d’hyposignal ou « trous noirs » : ils sont le ventricules, souvent juxtacorticales mais aussi
reflet de l’œdème et de la démyélinisation en phase visibles dans le corps calleux. Elles sont d’âge dif-
inflammatoire ou de la perte axonale et myélini- férent et ont tendance à la confluence. Parallèlement
que à distance de la phase inflammatoire. Il s’agit se développe une atrophie cortico-sous-corticale.
alors de lésions irréversibles. Il existe une corréla- L’atteinte médullaire s’étend généralement sur
tion significative entre la charge lésionnelle en moins de deux métamères et se situe préférentiel-
séquence pondérée en T1 et le degré d’atrophie ou lement au niveau cervicodorsal [23].
le niveau de handicap. L’intérêt pronostique de l’IRM a été montré à la
Les séquences pondérées en T2 permettent d’objec- fois après un premier événement neurologique cli-
tiver les lésions en hypersignal. La séquence flair, niquement isolé mais également au cours de l’évo-
en supprimant le signal du liquide céphalorachi- lution de la maladie [24]. Dans l’étude prospective
dien, permet de mieux explorer les anomalies péri- de Brex et al., publiée en 2002, le nombre de lésions
ventriculaires et juxtacorticales. La séquence à l’IRM encéphalique initiale, après un premier
pondérée en densité de protons permet d’améliorer événement démyélinisant, est retrouvé significati-
la visualisation des lésions de la fosse postérieure. vement corrélé au risque de développer un second
L’injection intraveineuse d’un produit de événement neurologique, et au handicap fonction-
contraste (chélates de gadolinium) est indispen- nel après 14 ans. Dans cette étude, la variation du
sable pour objectiver une augmentation de la per- volume lésionnel entre deux IRM au cours des
méabilité de la barrière hématoencéphalique, 5 premières années de la maladie est bien corrélée
témoin d’une activité inflammatoire de la mala- à l’évolution clinique ultérieure [25].
die, et conditionner la prise en charge thérapeuti-
que. Les lésions sont alors en hypersignal sur les
séquences pondérées en T1.
Étude du LCR
En marge de ces IRM conventionnelles se dévelop- Selon les critères de McDonald, l’analyse du liquide
pent des techniques d’IRM dite non convention- céphalorachidien (LCR) n’est plus nécessaire de
nelles. Elles permettent de détecter plus précocement façon systématique [6, 7]. En effet, les critères clini-
les anomalies tissulaires non visibles en IRM ques et radiologiques peuvent être suffisants pour
conventionnelle et de mieux comprendre le proces- établir le diagnostic de SEP si les diagnostics diffé-
sus physiopathologique impliqué au début de la rentiels ont été éliminés. Cependant, la ponction
maladie. Elles sont actuellement surtout expéri- lombaire reste souvent nécessaire, notamment pour
mentales. L’IRM de diffusion permet d’objectiver ce diagnostic différentiel. Une pléiocytose est consta-
des perturbations structurales, le transfert tée dans 35 % des cas, généralement inférieure à
­d ’aimantation explore l’organisation architecturale 20 éléments/mm3, à prédominance lymphocytaire.
moléculaire, la spectrographie met en évidence des Si elle est supérieure à 50 éléments/mm3, le diagnos-
modifications biochimiques et l’IRM fonctionnelle tic de SEP doit être remis en question. Dans un quart
la réorganisation fonctionnelle corticale. Ces techni- des cas, la protéinorachie est discrètement augmen-
ques présentent l’avantage d’explorer la substance tée (mais reste inférieure à 1 g/L).
blanche et la substance grise apparaissant normale En revanche, la présence de bandes oligoclonales,
sur les séquences conventionnelles et de préciser l’at- liée à une synthèse intrathécale d’immunoglobuli-
teinte tissulaire globale, régionale ou focale. Les fais- nes dans le LCR, a une sensibilité de 95 % et une
ceaux de fibres blanches peuvent être explorés par les spécificité de 90 % [26]. L’ élévation de l’index des
techniques de tenseur de diffusion (ou tractogra- immunoglobulines de type G est présente dans
phie). Elles aident à comprendre les mécanismes de 70 % des cas. En revanche, l’intérêt pronostique de
plasticité cérébrale [22]. l’étude du LCR pourrait résider à l’avenir dans la
Les lésions observées au cours de la SEP touchent recherche de bandes d’IgM, qui semblent apparaître
préférentiellement la substance blanche sous- comme un facteur de mauvais pronostic [27, 28].

16
Chapitre 2. Symptômes, formes, évolution

Potentiels évoqués • 9 lésions en hypersignal T2* ou une lésion T1


rehaussée par le gadolinium* ;
Les potentiels évoqués sont peu contributifs • au moins 3 lésions périventriculaires ;
dans la démarche diagnostique de SEP. Les
potentiels évoqués visuels (PEV) restent les plus • au moins 1 lésion juxtacorticale ;
pratiqués. Ils permettent de mettre en évidence • au moins 1 lésion sous-tentorielle*.
un trouble de conduction infraclinique du nerf
optique. Ils ont un intérêt en cas de symptômes
atypiques, de confirmation d’un déficit clini-
que passé inaperçu ou d’un mode de début pro-
SEP et grossesse
gressif d’emblée. Ainsi, une altération des PEV La SEP est une pathologie fréquente chez la femme
signe une atteinte actuelle ou antérieure per- jeune et en âge de procréer. Les questions de la
mettant d’affirmer qu’il existe un autre déficit grossesse et les liens entre SEP et grossesse se
neurologique, une dissémination spatiale et/ou posent régulièrement.
temporelle [29, 30].
Il a été démontré que la fréquence des poussées
diminue durant la grossesse alors qu’elle aug-
OCT (tomographie mente durant le premier trimestre de la période
par cohérence optique) du post-partum. Cette évolution s’explique par les
modifications du statut hormonal durant la gros-
Cet examen permet de mesurer l’épaisseur de la sesse et lors de la naissance. Par ailleurs, 10 % des
couche des fibres nerveuses de la rétine. Il est sim- patientes présentant une SEP expriment les pre-
ple et non traumatique. Sa technique est fiable et miers signes de leur maladie au cours de la période
reproductible mais il n’est pas utilisé dans le cadre du post-partum.
du diagnostic. L’épaisseur de cette couche est Les différentes études réalisées concluent toutes
amincie chez les patients présentant une SEP, à l’absence de l’augmentation du risque de stéri-
qu’ils aient ou non présenté une névrite optique. lité, de fausse couche, de prématurité et de préé-
L’amincissement semble corrélé à l’atrophie céré- clampsie chez les patientes présentant une SEP.
brale mesurée en IRM [31, 32]. Le taux de complications est identique à celui
des femmes indemnes de SEP. Le taux de césa-
riennes est le même, l’accouchement et la déli-
Critères diagnostiques vrance sont comparables. Il n’existe pas de
contre-indication à la réalisation d’une anesthé-
Le diagnostic de SEP repose sur des critères de dis- sie péridurale. Les nouveau-nés ne présentent
sémination spatiale et temporelle. Les critères dia- pas plus de complications que ceux nés de mère
gnostiques se sont particulièrement affinés ces non malade. L’ allaitement ne retarde pas la sur-
dernières années, permettant un diagnostic et une venue des poussées. Le taux de poussées est le
prise en charge thérapeutique plus précoce. Les même avec ou sans allaitement et la grossesse
critères de Poser et al. initialement utilisés ont été n’entraîne pas d’aggravation du handicap à long
remplacés par les critères de McDonald, dans les- terme. Les patientes se posent cependant légiti-
quels l’IRM a une place privilégiée, avec notam- mement la question de l’augmentation du risque
ment les critères de Barkhof-Tintore [7, 20, 33]. Des de développer une SEP chez leur enfant compte
réunions de consensus d’experts ont abouti à une tenu de la susceptibilité génétique à la maladie,
première publication des critères de McDonald en mais ce risque serait d’environ 2 à 3 %. L’aspect
2001, puis ces critères ont été révisés en 2005 évolutif du handicap est également à prendre en
(tableau 2.2) [6, 7]. compte avant la grossesse [11].
Les critères de Barkhof-Tintore constituent le
meilleur compromis sensibilité-spécificité pour le
* Une lésion médullaire peut être prise en compte pour
diagnostic de dissémination spatiale. Au moins le calcul des 9 lésions, pour la recherche de prise de
3 des 4 critères sont requis pour argumenter la contraste ou comme équivalant à une lésion sous-
dissémination spatiale [20] : tentorielle.

17
Partie I. Données générales sur la maladie

Tableau 2.2
Critères diagnostiques de la SEP [7]
Présentation clinique Données complémentaires nécessaires au diagnostic de SEP
• 2 poussées ou plus Aucune
• Preuve clinique objective de 2 lésions ou plus
• 2 poussées ou plus • Dissémination spatiale démontrée par :
• Preuve clinique objective d’une seule lésion – IRM (critères de Barkhof)
ou plus ou
– au moins 2 lésions IRM compatibles + LCR positif
ou
– nouvelle poussée clinique touchant un autre territoire
(nouvelle lésion)
• 1 poussée • Dissémination temporelle démontrée par :
• Preuve clinique objective de 2 lésions – IRM*
ou plus ou
– nouvelle poussée clinique
• 1 poussée ou plus • Dissémination spatiale démontrée par :
• Preuve clinique objective d’une lésion – IRM (critères de Barkhof)
(syndrome cliniquement isolé) ou
– au moins 2 lésions IRM compatibles + LCR positif
• Dissémination temporelle démontrée par :
– IRM*
ou
– nouvelle poussée clinique
• Troubles neurologiques progressifs évocateurs • Évolution progressive d’au moins une année (rétrospective
de SEP ou prospective)
• Et au moins 2 des 3 critères suivants :
– critères IRM encéphaliques : ≥ 9 lésions T2 ou 4 à 8 lésions T2
et potentiels évoqués visuels altérés
– IRM médullaire : ≥ 2 lésions médullaires focales
– LCR positif : bandes oligoclonales ou index IgG augmenté
ou les deux
* Critères IRM de dissémination temporelle :
– présence d’une lésion re haussée par le gadolinium sur l’IRM pratiquée 3 mois ou plus après l’événement clinique si la lésion n’est pas
responsable de la symptomatologie initiale ;
– ou apparition d’une nouvelle lésion T2 survenue à tout moment après l’IRM de référence effectuée au moins 30 jours après le début
de l’événement clinique.

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Partie I. Données générales sur la maladie

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20
Principaux Chapitre  3
traitements

Traitement des poussées injections sous-cutanées un jour sur deux et l’in-


terféron bêta-1a doit être injecté trois fois par
semaine par voie sous-cutanée ou une fois
Le traitement de la poussée, lorsqu’elle est avérée,
semaine par voie intramusculaire.
fait l’objet d’un consensus sous la forme de fortes
doses de méthylprednisolone en bolus intraveineux Les effets indésirables communs aux interférons
de 1 g par jour durant 3 à 5 jours. Ces perfusions sont des réactions locales aux points d’injection en
sont généralement bien supportées. Elles peuvent cas d’injection par voie sous-cutanée (érythème,
être réalisées au domicile du patient en l’absence de inflammation, douleur, induration, nécrose), des
facteurs de risque (diabète déséquilibré, antécé- effets généraux à type de syndrome pseudogrippal,
dents psychiatriques ou cardiovasculaires signifi- ou biologiques : hématologiques (leucopénie ou
catifs). Les effets indésirables les plus fréquents sont thrombopénie) ou hépatiques (augmentation des
l’excitation psychomotrice, l’insomnie, la tachycar- transaminases). L’ acétate de glatiramère peut être
die, l’érythème facial, le goût métallique intrabuc- responsable d’une oppression thoracique, de dysp-
cal, l’hypokaliémie, les épigastralgies, la poussée née ou de tachycardie et d’effets indésirables locaux
hypertensive et, chez le diabétique, le déséquilibre aux points d’injection (induration, lipoatrophie,
glycémique avec hyperglycémie. En cas de poussée parfois inflammation et douleur).
sévère, ces bolus pourront être renouvelés. Dans les formes agressives de SEP sont proposés en
seconde ligne soit un traitement par un anticorps
monoclonal (natalizumab), soit un immunosup-
presseur (mitoxantrone). Ces traitements sont
Traitements de fond réservés à l’usage hospitalier. Le natalizumab est
administré toutes les 4 semaines par voie intravei-
On distingue les traitements des formes rémittentes neuse durant 1 heure, suivie de 1 heure de sur-
de SEP (RR) et ceux des formes primaires progres- veillance. Les principaux effets indésirables graves
sives (PP) ou secondairement progressives (SP). sont la réaction allergique, imposant l’arrêt du trai-
Le traitement de première intention validé dans les tement, et l’augmentation du risque de leu-
formes RR est le traitement par immunomodula- coencéphalite multifocale progressive (LEMP). Ce
teurs. Leur efficacité est comparable concernant le traitement fait donc l’objet d’une surveillance clini-
taux annualisé de poussées, l’évolution de la mala- que et paraclinique attentive. La tolérance immé-
die et l’apparition ou l’aggravation d’un handicap. diate est généralement excellente. La durée totale
Certaines de ces molécules peuvent être prescrites de traitement n’est pas déterminée à ce jour [1].
dès le premier événement démyélinisant. La mitoxantrone s’administre mensuellement
Ils sont administrés sous forme injectable : l’acé- durant 6 mois. Ce traitement a une durée limitée en
tate de glatiramère nécessite des injections sous- raison d’une toxicité cumulative pouvant entraî­
­cutanées quotidiennes, l’interféron bêta-1b des ner une insuffisance cardiaque. Une surveillance

21
Partie I. Données générales sur la maladie

hématologique stricte est nécessaire puisque ce doivent permettre de coordonner au mieux, et au


traitement majore le risque de leucémie pharmaco- plus près du lieu de vie, les soins prodigués aux
induite, évalué à environ 1 cas sur 400. Par ailleurs, personnes atteintes de SEP. Ces missions néces-
ce traitement est fréquemment responsable d’ano- sitent une optimisation de l’information et de la
malies du cycle menstruel, le plus souvent réversi- formation données aux patients et à leurs aidants,
bles, et est associé à un risque tératogène élevé ainsi que l’ amélioration de la formation des pro-
nécessitant une contraception. fessionnels de santé concernés. Des missions de
À côté de ces 6 traitements validés, disposant d’une recherche, d’épidémiologie sont également inhé-
AMM en France, certains autres traitements sont rentes à ces objectifs principaux. L’ articulation
parfois utilisés hors AMM, dont essentiellement le de ces réseaux avec les soignants habituels, avec
cyclophosphamide (actuellement en cours d’éva- les structures médicosociales et médicoadminis-
luation), qui peut être proposé au cours des formes tratives est également effective. Dans les régions
SP, le mycophénolate mofétil, l’azathioprine et le où ces structures ont pu voir le jour, le bénéfice
méthotrexate, qui sont également utilisés de façon pour les patients comme pour les soignants est
non consensuelle. L’utilisation de ces traitements important. Une évaluation précise et rigoureuse
repose non pas sur des essais thérapeutiques fon- doit être effectuée en y intégrant une évaluation
dés sur les preuves mais sur l’expérience accumu- socioéconomique [2].
lée au fil des années par les neurologues et des Des aspects disparates et sommaires de présen-
études rétrospectives. tation générale de la SEP ont été présentés dans
ce chapitre, concernant les principales hypothè-
ses étiologiques, les caractéristiques épidémiolo-
Traitements symptomatiques giques, les aspects cliniques, radiologiques,
biologiques et thérapeutiques. Il apparaît que les
Le traitement de la SEP ne se limite pas au traite- troubles cognitifs, par leur fréquence et leur
ment des poussées et au traitement de fond. De retentissement, mais aussi par l’absence de leur
multiples symptômes nécessitent une prise en prise en compte dans l’évaluation du handicap,
charge, tels que la douleur, la spasticité, les troubles tiennent une place importante dans cette affec-
génitosphinctériens, la fatigue, les tremblements, le tion. C’est maintenant l’objectif de la suite de cet
syndrome dépressif, les troubles cognitifs et les ouvrage que de vous en proposer les principaux
troubles visuels. L’intervention de kinésithérapeu- aspects.
tes, psychologues, neuropsychologues, orthopho-
nistes, orthoptistes, et le recours à une consultation Références
multidisciplinaire de la douleur ou de la spasticité [1] Polman CH, O’Connor PW, Havrdova E,
ainsi qu’à de multiples spécialités médicales sont Hutchinson  M, Kappos L, Miller DH, et al. A ran-
souvent indispensables. La place des médecins de domized, placebo-controlled trial of natalizumab for
médecine physique et de réadaptation est absolu- relapsing multiple sclerosis. N Engl J Med 2006 ; 354 :
ment capitale à ce niveau de prise en charge. 899-910.
[2] Debouverie M, Rumbach L, Clavelou P. Organisation
des soins et données épidemiologiques récentes en
France. Rev Neurol (Paris) 2007 ; 163 : 37-45.
Organisation de la prise
en charge
Depuis 2000, des réseaux de santé ont été créés
en France avec l’aide des tutelles. Ces structures

22
Introduction
Michèle Montreuil, Jean Pelletier

La physiopathologie des troubles thymiques et l’anxiété et le stress, les troubles bipolaires,


émotionnels dans la sclérose en plaques (SEP) est l’euphorie, le rire et le pleurer spasmodiques, la
complexe car elle fait intervenir, d’une part, les labilité émotionnelle et l’alexithymie. De tels
lésions cérébrales et, d’autre part, les réactions à la troubles sont intriqués aux dysfonctionnements
maladie. Le retentissement de ces troubles sur la cognitifs, à la fatigue et aux douleurs chroniques.
vie quotidienne des patients et de leur famille jus- Ils sont responsables de difficultés d’adaptation
tifie leur recherche systématique pour assurer une socioprofessionnelle et familiale. Leurs consé-
meilleure prise en charge. quences sont plus délétères, car peu visibles,
Dans sa description initiale de la SEP, Charcot [1] que celles liées aux limitations physiques et
écrivait : « Les facultés intellectuelles et affectives sont sensorielles.
émoussées dans leur ensemble. Ce qui paraît domi- S’il est essentiel de mettre en évidence la partici-
ner chez ces malades, c’est une sorte d’indifférence pation des lésions organiques dans les troubles
presque stupide à l’égard de toutes choses. Il n’est pas thymiques et émotionnels, leur compréhension et
rare de les voir tantôt rire niaisement, sans aucun leur prise en charge exigent de prendre en compte
motif, et tantôt, au contraire, fondre en larmes sans les différents paramètres susceptibles d’intervenir
plus de raisons… » Les troubles thymiques et émo- dans leur survenue :
tionnels font référence actuellement dans la littéra- • la nature même de la maladie SEP, qui fait irrup-
ture anglo-saxonne à la dépression, aux troubles tion à une période de vie stratégique sur le plan
bipolaires, à l’euphorie, au syndrome pseudobul- des investissements affectifs et professionnels
baire et plus récemment à la psychose [2]. En ce qui chez un individu le plus souvent jeune ;
concerne la psychose, une seule étude récente,
• le potentiel évolutif et imprévisible de la mala-
publiée en 2005 [3], fait état dans la SEP d’une pré-
die, « véritable épée de Damoclès » ;
valence de 2 à 3 % de cas de psychose. Ce taux est
supérieur à la prévalence en population générale, • les caractéristiques actuelles de la maladie
estimée entre 0,5 et 1 %. Alors que dans la popula- (annonce récente du diagnostic ou évolution
tion générale, la psychose augmente avec l’âge, dans vers une forme progressive, séquelles, modifica-
la SEP la prévalence la plus élevée (4 %) se situe dans tion de traitement) ;
la tranche d’âge des 15-24 ans. Pour expliquer ce • la personnalité antérieure du patient ;
phénomène, de rares données d’imagerie réalisées • les antécédents personnels et familiaux ;
en IRM suggèrent la présence de lésions dans les
régions cérébrales médiotemporales [2]. • la qualité du soutien social et les modalités
d’adaptation (coping) pour faire face aux situa-
Dans ce chapitre, nous présenterons les don- tions source de déstabilisation.
nées actuelles de la littérature sur la dépression,

25
Troubles thymiques Chapitre  4
et émotionnels
Michèle Montreuil, Jean Pelletier

Dépression n’est pas une simple tristesse. Il s’agit d’une vérita-


ble douleur morale, qui peut conduire à des idées
de mort et à une conduite suicidaire. Le pessi-
Critères diagnostiques
misme imprègne l’ensemble de la vie du déprimé,
de la dépression sa vision négative porte autant sur les événements
Selon les critères du Diagnostic and Statistical actuels que sur l’avenir. L’humeur dépressive est
Manuel of Mental Disorders (4e édition : DSM-IV), observable sur le plan comportemental, notam-
le diagnostic de dépression repose sur la présence ment au niveau de la mimique, du débit verbal et
d’au moins cinq des symptômes cités ci-dessous et du ton de la voix, de la motricité et de la posture.
installés depuis une période d’au moins 15 jours. Le faciès est triste, figé, inexpressif, et l’ensemble
Ils doivent avoir pour conséquence une souffrance des gestes est souvent ralenti et exprime le décou-
significative ou une altération du fonctionnement. ragement et l’abattement. Le patient se décrit
Ils ne peuvent pas être dus à un autre trouble, ni comme indifférent aux choses agréables, ce qui
aux effets d’une substance ou à un deuil. En outre, correspond à l’anhédonie. Chez la majorité des
la présence des paramètres cliniques 1 et 2 est déprimés, l’anhédonie s’accompagne d’une hyper-
obligatoire : sensibilité aux choses désagréables et d’irritabi-
1. humeur dépressive ; lité, parfois d’impulsivité. À l’inverse, dans
d’autres cas, l’anesthésie affective est totale et le
2. diminution de l’intérêt ou du plaisir ; patient ne ressent plus rien, ni plaisir, ni déplaisir,
3. perte ou gain significatif de poids ; il n’est plus capable d’éprouver des émotions. Il
4. insomnie ou hypersomnie ; n’exprime, alors, qu’un désintérêt total pour tout
5. agitation ou ralentissement ; ce qui l’entoure, il s’agit de l’émoussement affectif.
Le ralentissement, psychique et moteur, s’accom-
6. perte de l’énergie ou fatigue ; pagne d’une sensation d’extrême fatigue appelée
7. sentiment de dévalorisation ou de culpabilité ; asthénie. L’ asthénie dépressive représente une
8. diminution de l’aptitude à penser, à se concen- gêne importante pour le malade, elle est plus
trer ou à prendre des décisions ; importante le matin, parfois légèrement amélio-
rée en fin de journée, mais le repos n’a aucune
9. pensées récurrentes de mort.
influence positive sur la sensation de fatigue du
Les cliniciens utilisent indifféremment, mais à sujet déprimé. Elle rend toute activité pénible. Le
tort lorsqu’il s’agit des critères d’inclusion pour patient se plaint de troubles de concentration,
une recherche, les termes d’épisode dépressif d’attention, et de mémoire. Le ralentissement
majeur, de syndrome dépressif ou de dépression cognitif se traduit par des idées appauvries, labo-
pour signifier une perturbation de l’humeur dans rieuses, voire absentes, une tendance à la rumina-
le sens de la tristesse. Cependant, l’humeur du tion mentale. L’ élaboration mentale est pauvre,
sujet qui présente une dépression caractérisée les réponses sont brèves, laconiques.

27
Partie II. Troubles thymiques et émotionnels

Dépression et sclérose en plaques faites à la lecture des différents travaux. D’une


part, les échantillons de patients sélectionnés sont
Dans le cas des maladies neurologiques telles que suivis dans des centres spécialisés, ce qui exclut les
la SEP, le tableau clinique est souvent moins carac- patients qui ne consultent pas en milieu hospita-
téristique. La tristesse n’est pas toujours au pre- lier et dont l’état psychopathologique n’est pas
mier plan. L’intrication entre les symptômes répertorié. D’autre part, les critères et les outils
dépressifs et ceux imputables à la maladie elle- d’évaluation de la dépression ne sont pas identi-
même rend le diagnostic difficile (tableau 4.1). ques d’une étude à l’autre.
Bien que la grande majorité des outils cliniques uti- La précocité et la fréquence de la dépression ont été
lisés pour évaluer la dépression dans la SEP n’aient initialement décrites à la fin des années 1980, dans
pas été élaborés spécifiquement pour des patients une étude française portant sur les relations entre
atteints d’affections neurologiques, un consensus troubles émotionnels et cognitifs et ancienneté de la
se dégage pour admettre qu’il existe plus souvent maladie [6]. Dans ce travail, 37 patients dont la
des signes dépressifs et plus rarement un véritable maladie évoluait depuis moins de 2 ans étaient
épisode dépressif majeur, tel que décrit par le DSM. comparés à 35 patients dont la durée d’évolution
Les scores aux échelles classiques de dépression était comprise entre 6 et 12 ans et à un groupe
sont généralement modérés. Aussi, assiste-t-on fré- contrôle. Les troubles cognitifs étaient présents chez
quemment à une sous-estimation de la souffrance 46 % des patients présentant une SEP récente et
dépressive, qui n’est pas prise en charge, alors dans 68 % des cas dans le groupe dont la durée
qu’elle engendre un désinvestissement des activités, d’évolution était plus ancienne. Une symptomato-
qu’elle majore les plaintes somatiques et cognitives logie dépressive était présente chez 38 % des patients
et qu’elle a un retentissement sur la qualité de vie évoluant depuis moins de 2 ans et chez 17  % des
des patients et sur celle de l’entourage. patients évoluant depuis 6 à 12 ans. S’il n’y avait pas
Au cours de la SEP, la prévalence de la dépression de corrélation significative entre dépression et trou-
vie entière est estimée à 50 %, avec une incidence bles cognitifs, une corrélation positive et significa-
annuelle de 20 %, qui est supérieure à celle d’une tive existait entre les déficits cognitifs observés et le
population non atteinte de SEP (8,9 %) [2, 4]. La défaut de contrôle émotionnel tel que l’incontinence
fréquence est plus élevée que dans les maladies affective.
chroniques et les autres affections neurologi- Parmi les déterminants de la dépression de la SEP,
ques  [5]. Comme dans la population générale, la il reste actuellement difficile de préciser la part
prévalence de la dépression chez les femmes attein- qui revient aux limitations motrices et sensoriel-
tes de SEP est supérieure à celle des hommes. les, aux troubles cognitifs, à la fatigue ainsi qu’aux
Cependant, les études de prévalence doivent être facteurs de personnalité dans l’adaptation à la
encore améliorées sur le plan méthodologique, car maladie. Dans la majorité des études, les troubles
au moins deux critiques importantes peuvent être dépressifs ne semblent pas être corrélés à l’impor-
tance des troubles cognitifs, ni aux indices lésion-
Tableau 4.1 nels évalués par l’IRM. La relation handicap et
Recouvrement des symptômes dépression est, elle aussi, controversée. En revan-
entre dépression et SEP che, la perception du risque de dépendance à
court terme, avec le spectre du passage au fauteuil
Dépression Sclérose en plaques
roulant, est corrélée à l’anxiété, à la dépression et
Perte d’énergie Fatigue et fatigabilité à un sentiment de détresse [7]. En effet, dans cette
Ralentissement Ralentissement étude, les auteurs montrent que, au regard des ris-
Désinvestissement Incapacités fonctionnelles ques réels de handicap (selon les études épidémio-
logiques), les patients qui sont au stade précoce de
Troubles de la Troubles cognitifs
la maladie (2 ans après le diagnostic) surestiment
concentration et de la
mémoire de manière significative leur risque à court terme
de dépendance au fauteuil roulant [7].
Troubles du sommeil Troubles du sommeil
Les facteurs à l’origine de la prévalence élevée de la
Troubles de l’appétit Diminution de l’appétit dépression dans la SEP restent imprécis. Deux

28
Chapitre 4. Troubles thymiques et émotionnels

interprétations, non exclusives, sont proposées. en lien avec le score à l’EDSS mais aussi avec l’in-
Sur un plan psychologique, il s’agirait de la réac- certitude quant au devenir, la perte d’espoir et les
tion à la maladie neurologique et à ses conséquen- stratégies défensives centrées sur l’émotion.
ces, telle que l’incertitude, la peur de la perte Chwastiak et al. [12] ont analysé, chez 739
d’autonomie, les difficultés d’adaptation à la situa- patients, les relations entre les symptômes dépres-
tion maladie et la qualité du soutien social perçu. sifs et la sévérité de la maladie (EDSS). Les scores
Sur un plan neurobiologique, les processus de dépression augmentaient avec l’aggravation de
­physio­pathologiques de l’atteinte neurologique la maladie. Les paramètres fonctionnels de l’EDSS
interféreraient avec les mécanismes biologiques étaient significativement associés aux symptômes
responsables de la survenue d’un état dépressif [5]. dépressifs, quels que soient l’âge, le niveau d’édu-
Quoi qu’il en soit, les conséquences cumulées de cation et l’ancienneté de la maladie. Les symptô-
la dépression et de la SEP aboutissent à un vérita- mes cognitifs étaient les plus fortement corrélés à
ble handicap du fait du retentissement social et la symptomatologie dépressive. De manière plus
professionnel. Il est nécessaire d’en faire le dia- détaillée, Arnett et al. (in [4]) ont mis en évidence
gnostic pour la traiter précocement. que les déficits cognitifs sont clairement corrélés
avec l’humeur dépressive et la perception néga-
tive de soi du patient déprimé mais pas avec les
Dépression, troubles cognitifs
symptômes neurovégétatifs de la dépression. La
et sévérité du handicap relation dépression et troubles cognitifs, en parti-
Les recherches initiales n’ont pas mis en évidence culier concernant la vitesse de traitement de l’in-
de relations claires entre déficits cognitifs et formation, les fonctions exécutives et la mémoire
dépression [4]. Dans une analyse réalisée récem- de travail, est mieux établie dans les dépressions
ment [8], il apparaît que, sur 15 études, à l’excep- sévères [4].
tion de 3, rapportées avant 1999, il n’y avait pas de Les études récentes établissent un lien entre
relation entre la dépression et le niveau de handi- dépression et handicap évalué par l’EDSS. Elles
cap lié à la SEP. Il est cependant nécessaire de dif- viennent contredire la littérature internationale
férencier les formes évolutives de la maladie afin antérieure à 1999 en ce qui concerne la relation
d’établir la réalité du lien et de développer des statistique entre la dépression, les troubles cogni-
recherches longitudinales. tifs et la sévérité du handicap [8].
Des travaux plus récents font apparaître que la Lobentanz et al. [13] ont étudié l’influence du
dépression et les troubles cognitifs sont plus handicap, de la dépression, de la fatigue et du
­fréquents dans les formes progressives que dans la sommeil sur la qualité de vie. Le handicap, évalué
forme rémittente, et plus particulièrement mar- par l’EDSS, la fatigue et le sommeil ont une inci-
qués dans les formes secondairement progressi- dence uniquement sur les dimensions physiques
ves [4]. Deux explications, non exclusives, peuvent de la qualité de vie, alors que la dépression est le
être avancées. Tout d’abord, la charge lésionnelle principal facteur prédictif de toutes les dimen-
évaluée à l’IRM serait supérieure dans les formes sions de la qualité de vie. L’ensemble des études
secondairement progressives, ensuite le stress confirment qu’il existe une corrélation négative
d’origine à la fois physique et psychologique serait significative entre dépression et qualité de vie,
plus important face au nouveau profil évolutif de quelle que soit l’origine de la dépression.
la maladie.
Pour Shawaryn et al. [9], la sévérité de la maladie Dépression et fatigue
en termes de handicap évalué par l’EDSS et le
déficit dans la vitesse de traitement de l’informa- La revue de la littérature internationale concer-
tion (notamment évalué par la PASAT) sont cor- nant la question des liens entre psychopathologie
rélés positivement et de façon significative à la et fatigue dans la SEP fait majoritairement réfé-
dépression. D’autres études constatent une corré- rence aux recherches sur la dépression.
lation également positive entre les troubles Dans la SEP, entre 75 à 95 % des patients ont une
dépressifs et la perception subjective d’un déficit plainte de fatigue [14]. Vers la fin des années 1980, la
cognitif [10, 11] et montrent que la dépression est fatigue est reconnue, par les professionnels de

29
Partie II. Troubles thymiques et émotionnels

santé, comme un des problèmes majeurs de la mala- est par ailleurs majorée par l’exercice physique et
die. Des définitions sont proposées afin de mieux de améliorée par le repos. Les résultats mettent de
cerner cette entité clinique. Le groupe canadien de plus en évidence l’absence de corrélation signifi-
recherche sur la SEP [15] propose la définition sui- cative entre le degré de fatigue, le niveau de handi-
vante : « Sensation anormale de fatigue ou manque cap et l’ancienneté de la maladie. Enfin, les
d’énergie disproportionné ou plus grand que prévu répercussions professionnelles, sociales et fami-
par rapport au degré d’effort quotidien et/ou au degré liales de la fatigue sont plus importantes pour les
d’incapacité ». Hubsky et Sears  [16] soulignent la patients atteints de SEP. Dans ce travail, et bien
dimension subjective et comportementale de la fati- que les patients SEP soient plus déprimés que les
gue : « Expérience subjective variant entre la fatigue patients des deux autres groupes, il n’existait pas
et l’épuisement et pouvant se manifester à travers les de différence significative entre les patients atteints
symptômes physiologiques, affectifs ou comporte- de SEP déprimés et les patients non déprimés au
mentaux et cognitifs ». score d’intensité de fatigue ressentie. La dépres-
La fatigue est un phénomène multifactoriel, dont sion n’explique donc pas à elle seule la fatigue. Ces
les mécanismes physiopathologiques demeurent données vont dans le sens de recherches n’ayant
mal connus et difficiles à traiter. Parmi ces fac- pas mis en évidence des corrélations positives
teurs, les aspects psychologiques et psychopatho- significatives entre fatigue et dépression.
logiques doivent être pris en compte. La fatigue, Si la majorité des études initiales n’a pas montré
au sens psychiatrique, correspond à un état sub- de relation entre fatigue et dépression [19], des
jectif d’épuisement qui altère la motivation et l’ac- études plus récentes décrivent un lien positif
tivité mentale soutenue. Elle survient dans des significatif [20–22]. Ainsi, dans l’étude de
situations telles que la dépression, l’anxiété et le Chwastiak [21], 76 % des 739 patients ayant un
stress chronique. Il s’avère également nécessaire score de fatigue supérieur à la normale présen-
de prendre en compte le rôle de la douleur dans la taient des scores de dépression élevés, contre 31 %
fatigue et dans la dépression et de considérer l’im- des sujets ayant des scores « normaux » aux échel-
pact de l’ensemble de ces facteurs sur la qualité de les de fatigue. Tellez et al. [20] ont évalué la fatigue
vie des patients. et la dépression de patients atteints de SEP sur une
Bien que la fatigue et la dépression correspondent durée de 18 mois. Les résultats montraient que
à deux entités cliniques distinctes, il existe des l’augmentation des scores de dépression était
recouvrements entre les deux syndromes car la positivement corrélée à l’aggravation de la fatigue.
fatigue fait partie du tableau de la dépression, avec Penner et al. [19] ont exploré les relations entre la
les conséquences suivantes : une baisse d’énergie, fatigue, la dépression et le handicap physique, en
un ralentissement physique et psychique, des comparant un groupe de 41 patients atteints de
troubles du sommeil, de la concentration et de la SEP avec un groupe de 41 sujets en bonne santé.
mémoire. Cependant, les affects négatifs tels que Les résultats de cette recherche révélaient un lien
la perte d’espoir, la tristesse et l’anxiété perma- significatif entre le niveau de handicap et la fati-
nentes, repérables au cours de la dépression, ne gue physique dans le groupe présentant une SEP.
sont pas associés au vécu de fatigue du sujet atteint Ils notaient que la dépression était le facteur prin-
de SEP, s’il n’est pas déprimé [17]. cipal qui influençait la fatigue dans les deux grou-
pes. Cependant, dans la majorité des recherches,
Pour tenter de préciser les relations entre la plainte
des critiques méthodologiques peuvent être for-
subjective de fatigue dans la SEP et la dépression,
mulées sur le faible contrôle des dimensions clini-
l’ancienneté dans la maladie et le niveau de handi-
ques communes à la dépression et à la fatigue.
cap, un travail a comparé 30 patients atteints de
SEP à 29 patients présentant d’autres pathologies Les études les plus pertinentes utilisent des outils
neurologiques et à 30 sujets en bonne santé [18]. cliniques qui distinguent la fatigue mentale de la
Les résultats confirment que la fatigue représente fatigue physique. Elles mettent en évidence que
pour les patients atteints de SEP un des trois seule la fatigue mentale est corrélée à la dépres-
symptômes les plus invalidants de la maladie. sion [23, 24].
Leurs scores de fatigue sont significativement plus Un travail effectué par Trojan et al. [24] montre
élevés que dans les deux autres groupes. La fatigue que les patients atteints de SEP ont des scores supé-

30
Chapitre 4. Troubles thymiques et émotionnels

rieurs aux sujets contrôles sur les dimensions  : a un impact sur la vie socioprofessionnelle, rela-
fatigue générale, fatigue physique et réduction tionnelle et affective. Les principales conséquences
d’activité et de motivation. Les patients ressentent sont une réduction des activités, avec une tendance
également plus de douleurs et une moins bonne au retrait, un sentiment d’impuissance et de déva-
qualité de sommeil, et le score de dépression et de lorisation. Elle peut se manifester par une irritabi-
stress est plus élevé. Que la fatigue soit générale, lité et/ou une agressivité envers l’entourage et
physique ou mentale, il n’y a pas de différence entraîner un retournement agressif contre soi-
significative entre les hommes et les femmes, ni même, sous forme d’affects dépressifs [18].
entre les formes progressives primaires et secon- Il est nécessaire de poursuivre les recherches sur
daires de la maladie, ni entre les patients traités ou les relations entre fatigue, dépression et anxiété, et
non traités par les thérapeutiques immunomodu- tâches complexes d’attention. En outre, il ressort
latrices. En revanche, il existe une relation très des études récentes que les outils cliniques les plus
forte entre fatigue générale et douleur. En utilisant pertinents sont multidimensionnels et distinguent
un modèle statistique multivarié, les auteurs mon- la fatigue psychique de la fatigue physique, cela
trent que la qualité du sommeil et la douleur afin de clarifier leur relation avec la dépression.
contribuent, l’une et l’autre, à la fatigue générale.
Un autre travail [25] insiste sur le caractère multidi-
Dépression et douleurs
mensionnel de la fatigue neurologique en compa-
rant des patients victimes d’un accident vasculaire Le handicap lié aux douleurs de la SEP est sous-
cérébral (AVC) et des patients atteints de SEP appa- évalué, alors que la douleur est estimée présente
riés pour le déficit fonctionnel, le handicap et les entre 53 et 86 % des cas [26]. L’origine de la dou-
séquelles cognitives. Les deux groupes de patients leur est variée : douleurs neurogènes paroxysti-
sélectionnés ne sont ni déprimés, ni anxieux et avec ques, douleurs neurogènes continues, douleurs
un handicap neurologique faible. Les résultats mon- des poussées, contractures (spasticité), douleurs
trent que 46 % des patients présentant une SEP ont iatrogènes, douleurs secondaires. En consultation
une fatigue significativement plus élevée que le courante, chez la majorité des personnes atteintes
groupe AVC (29 %). Les scores de sévérité et d’im- de SEP, la plainte douloureuse n’est pas toujours
pact psychique sont plus sévères dans le groupe SEP. mise en avant, à l’exception des douleurs aiguës.
Les scores sont plus élevés surtout pour les items Les problèmes sont si souvent intriqués et multi-
décrivant l’impact mental et affectif de la fatigue. ples (d’ordre physique, social, professionnel, affec-
En revanche, les conséquences de la fatigue sur le tif) que les patients rencontrent des difficultés à
fonctionnement physique, social et familial sont les hiérarchiser. Cependant, il est essentiel de
similaires dans les deux groupes. La bonne réponse rechercher la composante douloureuse afin de
au repos, concernant les patients atteints des deux comprendre la place que la douleur occupe dans
affections, serait donc un argument contre une par- certains comportements de retrait, d’isolement,
ticipation dépressive de la fatigue. de passivité, de découragement, d’angoisse et de
En dehors de tout syndrome dépressif, les troubles dépression. Dans le travail de Ehde et al. [26],
cognitifs ne sont pas toujours prédictifs de l’im- 44 % des 442 patients étudiés rapportent une dou-
portance de la fatigue. En revanche, la fatigue a un leur persistante au cours des trois derniers mois.
impact négatif sur les performances cognitives Comparés à des patients SEP non douloureux, il
attentionnelles et sur la motivation [19]. ressort que la douleur est positivement corrélée à
La plainte de fatigue est présente chez la majorité l’humeur dépressive, la fatigue, une perception
des personnes atteintes de SEP, aussi bien au début péjorative de l’état de santé, une baisse des activi-
de la maladie que dans les formes plus évoluées. tés quotidiennes à l’extérieur comme au domicile
Elle peut être permanente. Il s’agit d’un symptôme et à un score de handicap plus élevé à l’EDSS.
majeur pour lequel les patients se disent mal com-
pris par l’entourage et les soignants. Cette fatigue Dépression et traitements de fond
persistante majore le ralentissement global, les dif-
ficultés motrices et cognitives. Elle affecte l’activité Dans les années 1990, les traitements de fond,
de penser et la capacité de désirer et d’anticiper. Elle principalement représentés par les interférons bêta

31
Partie II. Troubles thymiques et émotionnels

prescrits dans les formes rémittentes, ont été incri- les régions médianes inférieures gauches et une
minés dans la survenue de la dépression et quel- atrophie plus importante des régions temporales
ques cas de suicides. Étant donné que la fréquence antérieures gauches. Dans le modèle statistique
de la dépression au cours de la maladie est élevée, de régression, ces deux régions expliquaient 42 %
ainsi que son incidence annuelle, à moins de faire de la variance totale.
des études longitudinales rigoureuses, il n’est pas Cependant, l’étude de l’humeur dépressive ne
aisé de déterminer quel rôle exact jouent ces traite- peut pas se limiter à une approche unique en ter-
ments dans la survenue d’une telle symptomatolo- mes de localisations. Le modèle biopsychosocial
gie. En 2000, Feinstein [4] procédait à une revue de devrait prévaloir dans la compréhension des dys-
la littérature sur cette question. Au regard des fonctionnements et des difficultés vécues par les
limites méthodologiques inhérentes à cette appro- patients. À cet égard, l’analyse des facteurs psy-
che, il soulignait qu’il était prématuré de conclure chosociaux prend une place de plus en plus impor-
à une relation entre la prise d’un traitement de tante dans les recherches cliniques contemporaines.
fond par interféron bêta et la dépression. Pour Par exemple, des mécanismes tels que la nature et
Siegert et Abernethy [4], le taux de dépression est le poids des ressources psychologiques personnel-
équivalent chez les sujets traités par interféron les, la recherche de soutien social doivent être pris
bêta et chez les sujets traités par acétate de glatira- en compte pour analyser quels sont les facteurs
mer. Les recherches actuelles confirment ces protecteurs contre la survenue de troubles de
observations, avec un éclairage important sur les l’humeur. Afin d’y répondre, des études menées
relations causales. Ainsi, il est utile de retenir que en psychologie de la santé sur le coping et les stra-
le meilleur index prédictif de la survenue d’une tégies d’ajustement se développent dans la SEP.
dépression chez les patients atteints de SEP et trai- L’objectif de telles recherches est d’étudier les res-
tés par interféron bêta est l’existence d’antécédents sources internes et externes auxquelles les patients
dépressifs. Il reste donc essentiel d’évaluer le statut font appel pour faire face aux situations difficiles
psychopathologique des patients qui débutent un et quelles sont les mieux adaptées. Il apparaît ainsi
traitement de fond et d’assurer un suivi rigoureux que les patients qui utilisent des stratégies actives
de leur état thymique et émotionnel. face à la maladie ont moins de symptômes dépres-
sifs que les patients qui ont recours à des stratégies
d’évitement [4].
Corrélats morphologiques Il apparaît donc nécessaire que les symptômes
de la dépression et rôle dépressifs soient identifiés et mieux pris en charge.
des facteurs psychosociaux Le traitement de la dépression permet d’améliorer
la qualité de vie des patients en réduisant les
Les régions neuroanatomiques impliquées dans aggravations fonctionnelles somatiques et cogni-
la dépression de la SEP restent mal connues et les tives et par conséquent de limiter le retentisse-
dispositifs méthodologiques sont difficiles à met- ment sur la vie sociale et relationnelle. En outre,
tre en place, au regard de l’absence de modèle leur prise en compte par un traitement adapté,
neuropathologique de la dépression. L’étude en comportant antidépresseurs et psychothérapie,
IRM la plus solide a été menée par Ghaffard et limite le risque de passage à l’acte suicidaire, qui
Feinstein [2]. Dans le cadre d’un entretien psy- est majoré par la présence de l’anxiété.
chiatrique structuré, les auteurs ont évalué la
dépression à partir des critères du DSM-IV chez
des patients atteints de SEP. Leurs critères d’ex- Anxiété
clusion étaient très rigoureux (absence d’antécé-
dent psychiatrique, et en particulier de dépression Dans la SEP, s’il existe de nombreuses recherches
antérieure à l’inclusion dans l’étude). Les auteurs sur la dépression, un faible nombre d’entre elles
ont comparé, en IRM, 21 patients déprimés appa- ont analysé la fréquence de l’anxiété et ses corréla-
riés à 19  patients non déprimés. Les résultats tions avec les autres dimensions cliniques et psy-
mettaient en évidence que les patients atteints de chopathologiques. L’anxiété est, de fait, mal
SEP déprimés présentaient plus de lésions dans étudiée et probablement sous-évaluée.

32
Chapitre 4. Troubles thymiques et émotionnels

Pourtant, la prévalence de l’anxiété dans la SEP charge précocement [4], là encore par médica-
est actuellement estimée à 36 % des cas [4, 7, 27]. ments et prise en charge psychothérapique.
Dans leur étude sur les troubles anxieux, Korostil
et Feinstein [27] ont utilisé les critères du DSM-IV
chez 140 patients atteints de SEP. Ils confirment la Suicide et SEP
présence de troubles anxieux chez 35,7 % d’entre
eux, avec une prévalence supérieure à la popula- Les passages à l’acte suicidaire sont plus fré-
tion générale concernant le trouble panique (10 % quents chez les patients atteints de SEP que dans
versus 3,5 %), le trouble obsessionnel compulsif la population générale. Les facteurs de risque de
(8,6 % versus 2,5 %), et l’anxiété généralisée suicide sont la précocité et la forme progressive
(18,6 % versus 5,1 %). Par ailleurs, les sujets à ris- de la maladie, la sévérité de la dépression asso-
que sont plus fréquemment de sexe féminin, avec ciée à l’anxiété, l’isolement affectif et social, les
des antécédents de dépression. En outre, ces faibles revenus et les antécédents psychiatriques
patients rapportent un nombre plus important de [30, 31].
situations de stress et un faible soutien social et ils Une des premières études sur les causes de décès
présentent des tendances à l’alcoolisation avec des dans la SEP a été menée au Canada, dans un large
idées suicidaires. Les auteurs constatent que, chez échantillon de 3 126 patients atteints de SEP [32].
la majorité des patients étudiés, le diagnostic de L’analyse couvrait une période de 16 années
troubles anxieux n’a pas été porté et, de ce fait, (1972–1988) et mettait en évidence que la propor-
aucun traitement n’a été mis en place, alors que tion de décès par suicide était 7,5 fois supérieure à
l’anxiété renforce les plaintes somatiques, et qu’as- la population générale, dans la même tranche
sociée à la dépression, elle majore le risque d’âge. Ce chiffre très élevé n’a pas été confirmé par
suicidaire. une étude danoise menée à partir d’un échantillon
L’anxiété ne semble pas corrélée avec l’âge, le sta- de 5 000 patients. La méthodologie était plus
tut professionnel, ni avec l’atteinte cognitive [27]. rigoureuse que dans l’étude précédente et les
Elle n’est pas liée à l’ancienneté de la maladie. auteurs notaient une incidence du suicide de
Cependant, la perception du risque à court terme 1,8 fois celle de la population générale. En outre, le
de dépendance au fauteuil roulant, chez des suicide touchait plus fréquemment des sujets dont
patients diagnostiqués depuis moins de 2 ans, est le diagnostic de SEP avait été porté avant l’âge de
significativement et positivement corrélée à l’an- 30 ans, et le plus souvent de sexe masculin. Dans
xiété et à un sentiment de détresse [7]. Les diffé- une étude suédoise conduite auprès de 12 000
rents résultats sont discordants en ce qui concerne patients sur une période de 17 ans, le taux de sui-
les relations entre anxiété et score de handicap. Il cides représentait 2,3 fois celui de la population
semble toutefois que moins le patient accepte les générale correspondante [33].
limitations physiques, plus il est anxieux [28]. Les Seule l’étude de Feinstein [31] a permis d’analyser,
relations entre anxiété et lésions cérébrales ne sont chez 140 patients atteints de SEP, les facteurs pré-
pas clairement identifiées. Ainsi, Zorzon et al. [29] dictifs de risque suicidaire. Ce sont les mêmes que
ne trouvent pas de corrélations avec les anomalies dans la population générale avec, par ordre d’im-
à l’IRM et ils défendent l’idée que l’anxiété est une portance, la sévérité de la dépression, la comorbi-
réponse réactionnelle aux pressions psychosocia- dité anxiété-dépression, les antécédents d’abus
les subies par les patients. Elle serait liée aux diffi- d’alcool (bien que, comparée à la population géné-
cultés d’adaptation et au vécu émotionnel rale, la prévalence de l’alcoolisme semble inférieure
douloureux engendré par la maladie. chez les SEP) et l’isolement social. Dans son travail,
L’anxiété, souvent perçue tant par le patient que par Feinstein [31] souligne, qu’au moment du recrute-
les soignants comme une réaction compréhensible ment des patients, un tiers des patients suicidaires
à la maladie chronique, fait rarement l’objet d’un ne bénéficiaient d’aucune aide psychologique et
traitement. Pourtant, elle constitue un facteur de deux tiers des patients présentant une dépression
souffrance, de morbidité mais aussi de mortalité lié majeure et des idées suicidaires ne recevaient
au risque suicidaire lorsqu’elle est associée à la aucun traitement antidépresseur. Plusieurs auteurs
dépression. C’est pourquoi elle doit être prise en déplorent l’absence de recherche systématique de

33
Partie II. Troubles thymiques et émotionnels

la symptomatologie anxiodépressive, en prati- nome. Les études sur le stress, dont celles de Cannon,
que courante, avec les conséquences que cela ont mis en évidence le rôle du système hormonal
implique. dans le processus émotionnel. Les émotions négati-
ves entraînent des réponses plus fortes du système
nerveux autonome que les émotions positives [36].
Stress et émotion
Composante comportementale
Dès les premières descriptions de la SEP, Charcot [1] Elle fait référence aux expressions de l’émotion,
avait suggéré la présence de « circonstances d’ordre qui diffèrent d’un individu à l’autre. Il s’agit, d’une
moral invoquées par les patients ». « Dans les antécé- part, de la communication verbale et non verbale
dents pathologiques des malades, nous n’avons à (ton de la voix) pour exprimer l’émotion à autrui
relever, en général, que des indices très vagues : l’hys- et, d’autre part, des réactions immédiates à une
térie y figure dans quelques cas mais ce sont les cir- situation (réflexes). L’expression faciale est certaine­
constances d’ordre moral qui, le plus communément, ment la composante comportementale de la com-
sont invoquées par les malades : les chagrins prolon- munication la plus étudiée et la plus significative.
gés pour les femmes, quant aux hommes, il s’agit Chaque état émotionnel correspond à un patron
pour la plupart de gens déclassés, placés en dehors du de préparation d’action spécifique.
courant général, trop facilement impressionnables,
mal armés pour soutenir la lutte pour la vie. »
Composante subjective
La littérature est riche de données qui abondent
autant sur la présence que sur l’absence de relation La composante subjective comprend l’ensemble des
entre émotion, stress subi et SEP. Bien qu’à partir processus mentaux qui interviennent dans la per-
des années 1990, les études sur stress et événements ception d’une situation, dans son maintien et sa
de vie aient proposé des dispositifs méthodologi- transformation en mémoire. La composante subjec-
ques de plus en plus rigoureux, leurs résultats res- tive, que l’on désigne également comme composante
tent contestables au regard des critères d’analyse du cognitive et expérientielle, peut se traduire par des mots.
stress et du choix des groupes témoins. En l’état Le langage constitue la voie majeure permettant d’y
actuel des recherches, le lien entre stress et SEP est accéder. Les émotions sont déterminées non seule-
considéré comme seulement plausible [34]. ment par une activité physiologique particulière,
mais aussi par une évaluation cognitive de la situa-
tion, de l’environnement et des relations interper-
Qu’est-ce qu’une émotion ? sonnelles. La composante subjective peut être
Le terme émotion signifie mouvement vers l’exté- étudiée par différentes méthodes, comme l’entretien
rieur. D’un point de vue sémantique, émotion et clinique ou les échelles d’autoévaluation. L’ émotion
mouvement sont liés. L’émotion est définie comme a pour fonction de signaler à l’individu quelles sont
une réaction aiguë et transitoire. Le caractère brutal les situations qui sont les plus adaptées pour lui et de
et habituellement bref de l’émotion la rend distincte le motiver à interagir avec les événements.
de l’humeur. L’humeur concerne des états plus dura- Cette rapide revue théorique sur les composantes
bles dans le temps que l’émotion. Il est classique de de l’émotion permet de mieux comprendre com-
décrire une émotion comme un système de réponses ment les psychothérapies centrées sur la recon-
complexes à trois niveaux : les réactions physiologi- naissance des émotions et la gestion du stress
ques, comportementales et expressives. Ces derniè- peuvent atténuer l’anxiété qui en découle. Dans ce
res sont très influencées par la personnalité du sujet modèle, les techniques de relaxation psychocor-
et les réactions cognitives et subjectives [35]. porelle et les techniques cognitives et comporte-
mentales semblent les plus adaptées pour agir sur
les trois composantes de l’émotion.
Composante physiologique/
Aborder la question du lien entre stress et troubles
biologique émotionnels dans une maladie chronique comme
Les réactions physiologiques concernent à la fois le la SEP nécessite de définir l’approche ­contemporaine
système nerveux central et le système nerveux auto- du stress dans le cadre des émotions. Le stress n’est

34
Chapitre 4. Troubles thymiques et émotionnels

ni une caractéristique propre à une situation, ni avec un groupe contrôle. Ils relèvent que 70 à 80 %
une caractéristique propre à l’individu, c’est la ren- des patients ont vécu un événement porteur d’une
contre événement/individu à un moment spécifi- charge émotionnelle durant l’année qui précède
que de la vie de celui-ci. C’est « une transaction l’éclosion de la maladie. Ces chiffres sont deux
particulière entre la personne et l’environnement fois supérieurs à ceux de la population témoin.
dans lequel la situation est évaluée comme excédant Selon Fischer [39], le risque d’être atteint d’une
ses ressources et menaçant son bien-être » [37]. SEP chez un sujet physiologiquement prédisposé
La conception du stress, fondée sur l’étude des augmenterait durant la période de 6 mois suivant
émotions, suppose que certains événements de vie un événement anxiogène. En outre, les aspects
(life events) ont un effet délétère lorsqu’ils exigent qualitatifs, c’est-à-dire la nature de l’événement et
des efforts adaptatifs intenses et des changements l’interprétation qu’en fait l’individu (stress perçu),
répétés et durables. Les « stresseurs » chroniques, ont un impact plus important sur l’activité de la
tels que les tracas de la vie quotidienne - « stres- maladie que le nombre d’événements à caractère
seurs » professionnels, chômage de longue durée, anxiogène. L’auteur considère que le stress peut
insécurité matérielle et physique… -, seraient de influencer le processus de la SEP. Cette relation
meilleurs index prédictifs d’altération consécutive serait, en partie, expliquée par l’interaction des
de la santé que les événements ponctuels ou facteurs psychologiques et neuro-immunologi-
« stresseurs aigus », même lorsque ces derniers ques. Li et al., en 2004 [40], ont rapporté les résul-
sont émotionnellement intenses [37]. Alors que les tats d’une recherche prospective. Il s’agit d’une
événements aigus, généralement ponctuels, pro- étude épidémiologique d’une cohorte nationale
duiraient des réactions émotionnelles intenses au Danemark, menée entre 1980 et 1997. Les
mais transitoires, la sollicitation des « stresseurs » auteurs étudient le lien entre un événement de vie
quotidiens épuiserait davantage les ressources émotionnel majeur (la mort inattendue d’un
adaptatives des individus. De telles études s’ap- enfant âgé de moins de 18 ans) et l’apparition
puient sur la passation de questionnaires d’éva- d’une SEP. Une population de 21 062 parents ayant
luation des problèmes quotidiens [37]. perdu un enfant et de 293 745 parents non soumis
à cet événement a été évaluée. Il existe un risque
Pour comprendre les différences interindividuel-
significativement plus élevé de développer une
les face aux stress, il existe des travaux menés en
SEP dans le long terme (vers la 8e année) pour un
psychologie de la santé sur les relations entre
parent ayant perdu un enfant comparé à un parent
stress et « coping », c’est-à-dire la capacité à faire
qui n’est pas dans cette situation. Les auteurs ont
face et à s’adapter. Le « coping » correspond à l’en-
publié des observations similaires en relation avec
semble des efforts cognitifs et comportementaux
la survenue d’un cancer. Si la méthodologie sem-
destinés à maîtriser, réduire ou tolérer les exigen-
ble rigoureuse, ils précisent, cependant, qu’ils
ces internes ou externes qui menacent ou dépas-
n’ont pas pris en compte des facteurs tels que le
sent les ressources d’un individu.
mode de vie, l’histoire familiale, les infections, les
Depuis le milieu des années 1990, de telles recher- traumatismes physiques et l’environnement des
ches se sont développées dans la SEP. La réaction sujets.
au stress est conditionnée par la nature même de
ce stress, des émotions qu’il engendre, des varia-
bles de personnalité, par la manière dont un sujet Relation entre stress
perçoit le contrôle sur la situation et par les straté-
gies d’adaptation qu’il met en place.
et poussée de SEP
Dans la SEP, certaines études indiquent que les
« stresseurs » intenses à court terme n’ont pas de
Études les plus citées conséquences négatives. Ainsi, Mohr et al. [41]
sur les relations entre stress constatent chez 36 patients atteints de SEP rémit-
et déclenchement de SEP tente l’absence de relation entre des événements à
fort impact émotionnel et l’apparition de nouvelles
Grant et al. [38] ont mené une étude rétrospective lésions cérébrales rehaussées après injection de
en utilisant une liste d’événements de vie (EVE) gadolinium à l’IRM. En revanche, ils notent dans le

35
Partie II. Troubles thymiques et émotionnels

groupe « stresseurs » de la vie quotidienne (conflits, récurrents avec épisodes hypomaniaques), le trou-
rupture de routine) l’apparition de nouvelles lésions ble cyclothymique et le trouble bipolaire non spé-
actives, 4 à 8 semaines plus tard, mais sans relation cifié. Dans le cadre du trouble bipolaire I, il existe
avec une aggravation clinique. Des facteurs indivi- 6 séries distinctes, qui se déclinent en épisode
duels de tolérance physiologique au stress, évaluée maniaque isolé (notion utilisée chez les sujets pré-
par l’activité cardiovasculaire, ont été incriminés sentant un premier épisode maniaque), épisode le
dans le déclenchement des poussées de SEP [42]. plus récent hypomaniaque, épisode le plus récent
Il ressort des études que les stresseurs psychoso- maniaque, épisode le plus récent mixte, épisode le
ciaux, tels que des conflits interpersonnels, une plus récent dépressif, et épisode le plus récent non
perte ou un deuil compliqué, une faiblesse du sou- spécifié. Ce rappel nous semble utile pour juger de
tien social perçu, les épisodes anxieux et dépressifs, la complexité du diagnostic et garder un regard
sont des facteurs de risque d’aggravation de la SEP. critique sur les travaux, trop peu nombreux et
Sur un plan méthodologique, il reste difficile d’ana- souvent anciens, qui relatent la présence d’un
lyser si le stress est la cause ou la conséquence de la trouble bipolaire dans la SEP.
poussée, car la perception des situations et la réacti- Les études initiales des années 1980 font mention
vité émotionnelle aux événements de vie sont diffé- d’un pourcentage élevé de dépression bipolaire
rentes de celles des sujets sains, en particulier dans dans la SEP. L’alternance d’épisodes dépressifs et
les périodes d’exacerbation de la maladie. Comparés maniaques est décrite plus fréquemment que l’état
à des témoins sains appariés, les patients atteints de maniaque isolé, tandis que la cyclothymie est
SEP non institutionnalisés ont des scores de dépres- considérée comme ordinaire. Une seule étude,
sion et des indices de détresse supérieurs [43]. En faite en post-mortem, chez une patiente ayant pré-
outre, les patients en rémission ont un style d’adap- senté une manie a mis en évidence une démyélini-
tation plus actif à la maladie que les patients en sation cérébrale périventriculaire étendue [46].
période d’aggravation [44]. Dans un suivi longitu- Tsuchiya et al. [47] ont procédé à une revue de la lit-
dinal sur 6 ans concernant 101 patients et 96 sujets térature sur l’ensemble des facteurs de risque (démo-
sains, Schwartz et al. [45] constatent que les sujets graphiques, psychosociaux, familiaux, comorbidité
témoins rapportent un nombre global plus impor- somatique) de survenue d’un trouble bipolaire.
tant d’événements de vie, parce qu’ils font plus réfé- Après analyse des travaux spécifiques à la SEP, ils
rence aux événements de vie neutres et positifs que considèrent que la relation entre SEP et troubles
les patients. Les auteurs notent, chez les patients bipolaires reste discutable, en particulier parce que
atteints de SEP, qu’il existe une relation bidirection- les critères diagnostiques sont imprécis et que
nelle significative entre stress et exacerbation de la l’euphorie, qui est observée à un stade avancé, peut
maladie. C’est-à-dire que plus le risque de progres- avoir été interprétée à tort comme un signe de trou-
sion de la maladie est élevé, plus les patients rappor- ble bipolaire.
tent des événements de vie stressants.
La littérature actuelle retient que la prévalence
Trojan et al. [24] montrent que l’anxiété a un du trouble bipolaire serait inférieure à 10 % mais
impact négatif sur la fatigue et que le stress est un deux fois supérieure à celle de la population
index prédictif de la fatigue générale et de la fati- générale. Le risque serait plus élevé en cas d’an-
gue mentale. técédents dépressifs personnels ou familiaux,
Il semble donc important d’étudier l’influence du soulignant ainsi l’existence d’un terrain prémor-
stress induit par la nature même de cette maladie bide [48].
chronique et les ressources utilisées par les Trois points peuvent retenir l’attention sur la
patients pour faire face aux problèmes liés à la question de la comorbidité SEP et trouble bipo-
maladie et aux facteurs concomitants. laire : la nécessité d’une étude minutieuse des cri-
tères diagnostiques, de la vulnérabilité génétique,
en recherchant des antécédents personnels et
Troubles bipolaires familiaux, des réactions aux corticostéroïdes chez
des sujets présentant des antécédents de troubles
Le DSM-IV distingue le trouble bipolaire I, le de l’humeur, et de la localisation et de l’étendue
trouble bipolaire II (épisodes dépressifs majeurs des lésions cérébrales.

36
Chapitre 4. Troubles thymiques et émotionnels

Euphorie, rire et pleurer • le rire spasmodique, qui ne correspond pas à


une humeur permanente comme c’est le cas de
spasmodiques et labilité l’euphorie, mais à une irruption brutale et pha-
émotionnelle sique d’une expression non maîtrisable, d’ori-
gine lésionnelle ;
Euphorie pathologique • l’attitude affective de distance souriante du sujet
hystérique ;
Initialement décrite au XIXe siècle sous le terme de
• le déni, qui est un mécanisme psychologique
spes sclerotica, l’euphorie correspond à une disposi-
défensif et provisoirement protecteur contre
tion permanente de l’humeur qui se caractérise par
l’irruption massive de la charge d’angoisse. Il
un état paradoxal de bien-être, de gaieté, d’opti-
apparaît surtout à la phase précoce de la mala-
misme sur un mode désinhibé, contrastant avec
die, alors que le handicap fonctionnel est
l’état physique et environnemental du sujet. Elle est
minime.
rare au début de la maladie. Elle est fréquente dans
les formes évoluées (en référence au score d’EDSS Enfin, des sourires fréquents, congruents ou non
de Kurtzke) et toujours associée à des troubles aux thèmes abordés au cours d’un entretien, ne
cognitifs et à une atteinte lésionnelle importante. traduisent pas forcément un état euphorique, mais
L’étude de Fishman et al. [49] confirme la fréquence plutôt une attitude de prestance. Ils sont souvent
de l’euphorie, dans 10 % des cas, chez des patients l’expression d’une répression consciente ou non
atteints de SEP secondairement progressive. Elle d’affects tristes ou de pleurs. Ils peuvent masquer
apparaît significativement liée à la sévérité des défi- un état dysphorique.
cits cognitifs, à un indice lésionnel élevé à l’IRM, à Si l’euphorie n’est pas significativement corrélée à
une faible capacité d’introspection et à un fort sen- la dépression, il ne faut pas négliger le fait que les
timent de détresse de l’accompagnant. deux troubles peuvent coexister [50]. Elle peut,
Cependant, il ne faut pas confondre l’euphorie également, être associée aux manifestations de
avec d’autres manifestations comportementales rire et de pleurer spasmodiques.
telles que : L’euphorie est souvent observée lorsqu’il existe
• la phase hypomaniaque voire maniaque d’un une atrophie cérébrale. Les lésions de la substance
trouble bipolaire, dont les caractéristiques dis- blanche favoriseraient la déconnexion entre le
cursives et motrices ne sont pas similaires. cortex préfrontal et les structures limbiques. En
Ainsi, dans la phase maniaque, les pensées rapi- ce qui concerne la substance grise, l’atteinte
des se succèdent et s’expriment sous forme de concernerait le cortex frontal inférieur. L’ensemble
logorrhée avec une fuite des idées, idées qui pas- de ces lésions a des conséquences patentes sur les
sent du coq à l’âne sur un mode continuellement fonctions exécutives [49].
ludique et sarcastique. Il existe aussi une hype-
ractivité motrice et mentale qui va de pair avec
Rire et pleurer spasmodiques
une diminution marquée du sommeil et une
absence de sensation de fatigue ; Le terme désigne des accès spasmodiques de rires
• la dépendance, chez certains patients, générale- ou de pleurs, de sévérité variable, qui surviennent
ment de sexe masculin, à des produits stimu- à la moindre stimulation. Soit le patient est partiel-
lants tels que le cannabis et parfois la cocaïne. lement conscient mais il explique mal le trouble,
Dans notre expérience clinique, l’usage de ces soit il ne juge pas sa réaction inadaptée. Ce phéno-
produits est antérieur à la maladie. Mais il aug- mène représente une dissociation involontaire,
mente dans les phases d’anxiété et lors de l’auto- incontrôlable, entre l’irruption émotionnelle et le
médication de la douleur et de la fatigue. Au vécu subjectif. L’accès est parfois contradictoire
cours des consultations médicales, les patients avec la nature du stimulus (dissociation émotion-
n’évoquent pas spontanément ce phénomène, ni nelle). Il n’y a pas de relation démontrée avec la
la quantité exacte utilisée. Cependant, l’effet de présence d’un état dépressif ou anxieux, ni avec les
ces produits sur l’humeur est à prendre en poussées ou avec des antécédents psychopatholo-
compte dans l’évaluation clinique ; giques personnels ou familiaux [51].

37
Partie II. Troubles thymiques et émotionnels

Ce trouble s’observe dans 7 à 10 % des cas de SEP conscient et qui le désolent quant aux conséquen-
dont la maladie évolue depuis plus de 10 ans. Ces ces dans ses relations avec l’entourage.
patients sont entrés dans la phase progressive, en Lorsque ce trouble est précoce, est-il un facteur
particulier secondairement progressive [51], avec pronostique de gravité de la maladie ? Pour répon-
un score de handicap supérieur à 6,5 à l’EDSS. Ce dre à cette question, il serait utile d’étudier sur un
symptôme est corrélé significativement à une mode longitudinal la nature de ses relations avec
atteinte cognitive caractérisée, qui touche en parti- l’évolution des perturbations cognitives et la
culier la vitesse de traitement de l’information et forme de la maladie. Cela permettrait de confir-
les fonctions exécutives [52]. L’hypothèse de lésions mer s’il doit être regroupé sous le terme générique
pontiques, provoquant une déconnexion avec l’hé- d’affect pseudobulbaire, incluant le rire et le pleu-
misphère droit, a été initialement avancée. L’ étiolo- rer spasmodiques, comme le font les auteurs
gie précise, notamment évaluée par les études en anglo-saxons [52]. Toutefois, l’utilité de créer une
IRM, reste mal documentée. Certains travaux ont entité clinique distincte, sous le terme de labilité
rapporté des corrélations significatives entre la pré- et d’incontinence émotionnelles, réside dans les
sence de ce trouble et l’existence de lésions cérébrales propositions thérapeutiques qui peuvent être
diffuses impliquant les régions frontales, pariétales ­précoces, qu’elles soient médicamenteuses ou
et les pédoncules cérébraux [2]. psychologiques.

Labilité émotionnelle
La labilité émotionnelle ne doit pas être assimilée
Alexithymie
au rire ou au pleurer spasmodiques. La labilité ne
Il n’est pas rare d’observer que les patients atteints
se limite pas aux rires ou aux pleurs et elle est
de SEP abordent leurs difficultés de manière fac-
moins spectaculaire en termes d’émergence et
tuelle, c’est-à-dire pauvre en verbalisation affective.
d’intensité. La labilité correspond à des cycles
Cette présentation clinique ne doit pas être confon-
rapides et répétés de changements de l’expression
due avec le tableau psychopathologique classique,
émotionnelle dans un temps relativement court.
décrit sous le terme « belle indifférence affective »
Par exemple, peuvent alterner des expressions
dans le comportement du sujet hystérique.
d’irritabilité, de tristesse, de bonne humeur au
cours d’un même entretien. La labilité peut s’ob- La présence d’une dissociation entre l’expérience
server dès le début de la maladie. Deux études intérieure de l’affect et l’expression de celui-ci évo-
françaises, utilisant d’une part l’échelle d’humeur que le fonctionnement alexithymique. L’alexithymie
dépressive en hétéroévaluation (EHD) chez des se définit comme une absence de prise de conscience
patients atteints de SEP de moins de 2 ans d’évo- des émotions et des affects, une difficulté de verba-
lution [6], et d’autre part le système AMDP lisation du vécu émotionnel, une pauvreté fantas-
(Association pour la méthodologie et la documen- matique et une tendance à recourir à l’action plutôt
tation en psychiatrie) [53], ont montré la fréquence qu’à l’introspection.
de ce trouble, respectivement dans 30 et 37 % des
cas. La labilité survient indépendamment de l’hu- Concept d’alexithymie
meur dépressive. Elle n’est pas corrélée avec le
handicap mais elle est corrélée positivement avec L’alexithymie est un concept forgé par Sifneos [55]
une baisse de l’efficience intellectuelle et mnési- pour désigner une difficulté à décrire et exprimer
que légère ou modérée [6]. L’échelle d’humeur ses émotions. Initialement décrite dans des mala-
dépressive a été validée, dans la SEP, sous la forme dies somatiques et s’appuyant sur des théories
d’un autoquestionnaire en 2007 [54]. Ce sont sou- psychosomatiques issues de la psychanalyse, le
vent les proches du patient qui se plaignent de ce concept s’est ouvert à des théories neuropsycholo-
qu’ils nomment un « changement de caractère » giques. Le phénomène a ainsi été décrit dans des
du patient. Le patient lui-même peut rapporter le cas de section et d’agénésie du corps calleux.
fait que son conjoint ou ses parents lui reprochent L’alexithymie ne se réduit pas à une incapacité à
des « sautes d’humeur », dont il n’est pas toujours exprimer verbalement les émotions. C’est un fonc-

38
Chapitre 4. Troubles thymiques et émotionnels

tionnement qui recouvre la pauvreté de certains thymie et anhédonie. Pour certains auteurs,
processus cognitifs et symboliques. Il a été décrit l’alexithymie est associée à un dysfonctionnement
dans diverses populations cliniques (maladies du transfert interhémisphérique, confirmant les
somatiques, psychiatriques, addictions), avec des résultats de Hoppe et Bogen qui datent des années
fréquences variables selon les pathologies. Dans la 1970 [58]. Taylor soutient l’idée que l’alexithymie
population générale anglo-saxonne, sa fréquence est la conséquence directe d’une incapacité à
est estimée à environ 15 %. réguler les émotions, mais il n’est pas exclu que
Initialement, Sifneos a créé le Beth Israel des facteurs interpersonnels et sociaux, comme le
Questionnaire (BIQ), qui est une échelle en hété- type d’environnement familial et la nature du
roévaluation. Puis l’équipe de Taylor [56] a repris soutien social, favorisent son apparition.
des items du BIQ pour développer un autoques-
tionnaire à 26 items, la Toronto Alexithymia Scale
(TAS 26). La TAS 26 est composée de quatre
SEP et alexithymie
dimensions, issues de l’analyse factorielle : une Très peu d’études traitent des relations entre
difficulté à identifier les états émotionnels, une alexithymie et sclérose en plaques. Deux études
difficulté à exprimer ses propres états émotionnels récentes ont analysé les relations entre SEP, alexi-
à autrui, une vie imaginaire réduite, un mode de thymie et dépression. Bodini et al. [59] ont étu-
pensée tourné vers les aspects factuels des événe- dié l’alexithymie dans la SEP à l’aide de la TAS
ments au détriment de la dimension affective. Sur 20, et les relations avec la fatigue et la dépression
un plan méthodologique, les auteurs ont souhaité en utilisant respectivement l’échelle de sévérité
améliorer les critères métrologiques de l’échelle à de la fatigue et l’inventaire de dépression de
26 items. Pour la cohérence statistique interne de Beck. Ils ont recruté 61 patients atteints de SEP
l’outil, la TAS a été limitée à 20 items (TAS 20), âgés de 19 à 55 ans, ne présentant pas de comor-
réduisant ainsi les dimensions cliniques de l’alexi- bidité associée et sans troubles cognitifs patents
thymie de quatre à trois facteurs : difficulté à iden- au MMSE. Ils présentaient tous une forme rémit-
tifier les états émotionnels, difficulté à exprimer tente de la maladie, et étaient traités par interfé-
ses propres états émotionnels, mode de pensée ron bêta depuis environ 1 an. La moyenne du
tourné vers les aspects factuels au détriment de la score d’EDSS était de 1,5 et la maladie évoluait
dimension affective. La TAS 20 est l’échelle actuel- en moyenne depuis 9 ans. Dans ce groupe, 13 %
lement la plus utilisée dans les recherches, car la des patients présentaient une alexithymie, 37 %
mieux validée. Cependant, il faut craindre que n’étaient pas alexithymiques et 28 % avaient un
l’utilisation de ce seul outil appauvrisse la dimen- fonctionnement à la limite de l’alexithymie. La
sion clinique initiale de l’alexithymie. C’est pour- fatigue et la dépression touchaient respective-
quoi d’autres auteurs ont proposé de réintégrer la ment 67 % et 29 % de leur échantillon de patients.
dimension richesse fantasmatique et d’ajouter la Ils observaient que les patients alexithymiques
notion de réactivité émotionnelle, en créant le avaient des scores plus élevés de dépression que
questionnaire BVAQ (Bermond Vorst Alexithymia les patients non alexithymiques. Les auteurs
Questionnaire) à 40 items [57]. Quel que soit l’outil ­considèrent que l’alexithymie et, en particulier,
utilisé, les différentes dimensions de l’alexithymie les dimensions cliniques « difficultés à identifier
issues de l’analyse factorielle entretiennent des les émotions » et « difficultés à communiquer les
relations entre elles, bien qu’elles ne se recouvrent émotions » pourraient jouer un rôle dans le déve-
pas complètement. loppement et la sévérité de la dépression. En ce
Plusieurs recherches ont montré une relation qui concerne la relation avec la fatigue, les
positive entre l’alexithymie et la dépression et patients alexithymiques avaient des scores plus
l’anxiété à la TAS 20, et une corrélation négative élevés de fatigue que les non alexithymiques.
entre l’alexithymie et l’expérience des émotions Cependant, ils observaient que l’association
positives. Ce résultat est conforme avec l’idée entre fatigue et alexithymie était statistiquement
selon laquelle l’alexithymie se caractérise par une indépendante du score de handicap à l’EDSS. Les
capacité limitée à ressentir les émotions positives auteurs suggèrent l’idée que l’alexithymie favori-
et avec la mise en évidence d’un lien entre alexi- serait une attention focalisée sur le corps et

39
Partie II. Troubles thymiques et émotionnels

l­ ’amplification des sensations physiques telles outre, les études anatomiques et en IRM ont
que la fatigue. Mais comme dans la majorité des montré, au cours de l’évolution de la SEP, la fré-
études sur le sujet, le dispositif méthodologique quence d’une atrophie globale du cerveau et du
ne permet pas d’affirmer précisément la nature corps calleux au niveau de la surface médiane
des relations entre alexithymie, fatigue et dépres- sagittale [63]. Sur un plan clinique, bien que cette
sion chez les patients atteints de SEP. dysconnexion ne soit pas aussi marquée que dans
Chahraoui et al. [60] ont évalué la prévalence de les cas de lésion massive du corps calleux, elle se
l’alexithymie avec la TAS 20, de la dépression à manifeste lors d’épreuves spécifiques telles que
l’aide du BDI et de l’anxiété avec l’échelle d’an- l’écoute dichotique, ou le test de présentation
xiété trait et état de Spielberger chez 61 patients tachistoscopique d’images et de mots. Rao [64] a
atteints de SEP. Ils observent une prévalence éle- initialement décrit un défaut de transfert d’infor-
vée de ces trois phénomènes : 42,5 % des patients mations verbales de l’hémisphère droit à l’hémis-
ont un fonctionnement alexithymique, 34,4 % phère gauche, uniquement dans un groupe de
sont déprimés et 44,3 % présentent un score d’an- SEP présentant une atrophie calleuse analysée
xiété significatif. En outre, les sujets alexithymi- par l’IRM.
ques sont plus déprimés et anxieux que les non Dans un travail original chez un nombre impor-
alexithymiques. tant de patients atteints de SEP, Pelletier et al.
[65] ont apporté des précisions importantes sur
ce sujet. Un protocole était appliqué à des patients
SEP et troubles du transfert ne présentant pas de troubles moteurs ou sensi-
interhémisphérique tifs des membres supérieurs, ni d’asymétrie des
potentiels évoqués auditifs précoces. Il compre-
À notre connaissance, les seules études ayant nait une étude en IRM de la section sagittale du
exploré l’hypothèse neuropsychologique de l’alexi- corps calleux (mesure automatique de l’aire
thymie, dans la sclérose en plaques, sont totale et de 6 sous régions) et trois épreuves fonc-
françaises. tionnelles présumées explorer le transfert inter­
Au cours des années 1990, nous avons montré la hémisphérique (une épreuve d’écoute dichotique
présence d’un fonctionnement alexithymique signi­ de paires de mots et de phrases courtes avec
ficativement supérieur chez des patients atteints de calcul d’un indice d’extinction de l’oreille gau-
SEP (> 40 %) comparés à des témoins appariés, en che, une épreuve de localisation tactile intra et
utilisant successivement le BIQ puis la TAS 26, intermanuelle avec calcul d’un indice d’altéra-
mais également un test original, le test de saisie tion du transfert somesthésique, et une épreuve
visuelle parallèle (TSVP) [61, 62]. Ce test est destiné de tapping uni et bimanuel avec calcul d’un
à évaluer la capacité de traitement global de l’hé- indice d’altération du transfert moteur). La com-
misphère droit simultanément à une tâche analyti- paraison avec un groupe témoin apparié a mis en
que nécessitant les compétences de l’hémisphère évidence que les mesures de l’aire calleuse totale
gauche. Plus qu’une mesure directe de l’alexithy- et des 6 sous-régions étaient significativement
mie, il s’agit d’un outil susceptible d’analyser cer- inférieures chez les patients comparativement à
tains aspects du fonctionnement alexithymique, en un groupe de sujets témoins appariés. Les résul-
référence aux hypothèses neuropsychologiques du tats aux trois épreuves fonctionnelles étaient
concept. Nous avions, initialement, émis l’hypo- inférieurs aux sujets témoins. Par ailleurs, les
thèse qu’un trouble du transfert interhémisphéri- analyses statistiques ont mis en évidence une
que pouvait expliquer la prévalence élevée de corrélation positive et significative entre les trois
l’alexithymie dans la SEP [62]. tests ainsi qu’une spécificité régionale de chaque
Il existe un nombre conséquent de données mon- épreuve pour des sous-régions différentes de
trant que l’atteinte des connexions interhémis- l’aire calleuse. Le dispositif expérimental ayant
phériques est fréquente dans la SEP. Cela fait ses preuves dans l’exploration de l’atteinte
s’explique par la topographie profonde des lésions calleuse de la SEP, il a été appliqué pour tester
touchant les fibres du corps calleux dans leur pas- l’hypothèse du déficit de transfert d’informa-
sage à proximité des ventricules cérébraux. En tions émotionnelles dans l’alexithymie.

40
Chapitre 4. Troubles thymiques et émotionnels

Mise à l’épreuve de la théorie fiquement dépendant de l’intégrité des régions


calleuse de l’alexithymie calleuses spléniales et préspléniales.
dans la SEP D’autres études sur les relations entre IRM et pro-
cessus émotionnels dans la SEP, incluant l’alexi-
Un groupe de 21 patients atteints de SEP présen- thymie, devraient être entreprises pour confirmer
tant une durée d’évolution moyenne de 6,5 ans et et affiner ces premiers résultats. Elles pourraient
un score d’invalidité moyen de 3,5 ont été évalués s’inspirer de dispositifs méthodologiques plus
à l’aide la TAS 26 et du TSVP et des trois épreuves récents, utilisés chez le sujet sain, pour l’étude des
de transfert citées ci-dessus. Une IRM cérébrale relations entre IRM, alexithymie et émotions [67].
avec calcul de la surface totale et régionale a été
réalisée. Le corps calleux, en particulier dans sa
partie postérieure, était de plus petite taille chez
les sujets alexithymiques. Les deux mesures
Réactions affectives secondaires au
d’alexithymie étaient intercorrélées et 13 patients vécu de la maladie chronique [68]
sur 21 présentaient un fonctionnement alexithy-
mique à la TAS 26, ce qui confirmait la fréquence SEP et spectre du handicap
élevée chez les patients comparés à la population physique et mental
générale. Une significativité marginale apparais-
sait entre l’alexithymie (TAS) et l’épreuve de Quelle que soit la structure de personnalité des
transfert manuel (tapping bimanuel). Les deux sujets, il faut rappeler que la SEP représente une
scores d’alexithymie (TAS et TSVP) étaient claire- condition instable de longue durée, véritable
ment corrélés avec les mesures de l’aire calleuse, « épée de Damoclès », avec des changements et des
en particulier dans sa partie postérieure, dans le fluctuations tout au long de son évolution. Le
sens où les sujets les plus alexithymiques présen- patient et son entourage doivent composer avec la
taient une aire calleuse de plus petite taille. Bien modification possible du handicap. L’incertitude
qu’il s’agisse d’une étude isolée, les résultats sem- qui entoure la nature, l’intensité et le devenir des
blent montrer que l’alexithymie serait liée à la troubles favorise le développement et l’exacerba-
perte des axones calleux dans la SEP. Mais cette tion de l’anxiété, du surinvestissement des
relation n’est valable que pour la partie posté- ­symptômes corporels, de l’émotivité et de la
rieure de la structure, suggérant que le mécanisme dépen­dance. La menace de l’intégrité physique et
en cause doit impliquer le transfert interhémis- mentale s’accompagne d’un sentiment d’impuis-
phérique de fonctions cérébrales localisées dans sance sur le cours évolutif de l’affection. Cette
les parties postérieures des hémisphères, à savoir imprévisibilité de la SEP est, en elle-même, source
essentiellement des fonctions sensorielles, en par- de stress, avec des conséquences négatives sur la
ticulier visuelles. L’effet est encore plus clair et perception subjective de l’état physique et moral.
plus spécifique concernant la région visuelle pour Au cours des premières années, le patient apprend
le test de saisie visuelle parallèle (TSVP). Il est à vivre avec des sensations et des malaises physi-
corrélé exclusivement au degré d’atrophie du splé- ques perçus comme étranges voire douloureux.
nium, lieu de passage des fibres unissant les deux Ils augmentent l’anxiété avec un risque de surin-
régions occipitales visuelles, ce qui peut être rap- vestissement corporel. Il n’est pas rare d’observer
proché de la nature visuelle de la tâche [66]. À par- une majoration de la plainte somatique sous la
tir de ces résultats, Habib et al. [63] ont suggéré forme d’une aggravation comportementale alors
l’idée que l’aptitude des patients à verbaliser leurs que celle-ci n’est pas objectivée au plan neurologi-
émotions est liée à la capacité de leur hémisphère que. Cela conduit parfois à une « hystérisation
gauche à utiliser les informations sensorielles secondaire », qu’il faut interpréter en fonction de
complexes traitées par les cortex associatifs de la personnalité, des événements de vie actuels et
l’hémisphère droit. En particulier, la performance de la charge d’angoisse face au risque évolutif.
au TSVP pourrait reposer sur la capacité des sujets Enfin, la colère, l’opposition, l’agressivité, l’an-
à récupérer verbalement le contenu émotionnel xiété et le découragement constituent des ­réponses
des scènes visuelles, un processus qui serait spéci- communes au travail psychologique que requiert la

41
Partie II. Troubles thymiques et émotionnels

maladie chronique, appelé aussi par certains caractère aversif décrit dans les situations de stress
auteurs « travail de la souffrance ». La maladie et les chronique.
transformations corporelles induisent des phéno- Pour comprendre les différences interindividuel-
mènes psychiques régressifs à travers une réactiva- les face aux situations de vie, il existe des travaux
tion des souffrances morales anciennes et, parfois, menés en psychologie de la santé sur le « coping »,
une angoisse de morcellement de l’identité. c’est-à-dire la « capacité à faire face ». De telles
recherches, à l’aide d’échelles d’autoévaluation,
se développent dans la SEP. La réaction aux situa-
Conséquences affectives, sociales tions perçues comme déstabilisantes est condi-
et professionnelles tionnée par des variables de personnalité, par la
manière dont un sujet perçoit le contrôle sur une
Cette maladie est fréquemment à l’origine d’une
situation et par les stratégies d’adaptation qu’il
perte de travail, de revenus, d’un statut social, et
met en place, appelées en anglais coping, et défi-
elle est potentiellement source de crise familiale
nies comme : l’« ensemble des efforts cognitifs et
chez un sujet jeune. Les limitations qui peuvent
comportementaux destinés à maîtriser, réduire
être physiques, cognitives et/ou liées à la fatigue
ou tolérer les exigences internes ou externes qui
physique et mentale entraînent une lenteur. Elles
menacent ou dépassent les ressources d’un indi-
entretiennent en permanence des difficultés
vidu ». La notion de « coping » s’inspire du concept
contre lesquelles le patient tente de lutter sur
de mécanisme de défense développé par la psy-
« tous les fronts » de la vie quotidienne, pour res-
chanalyse et du concept d’adaptation plus spécifi-
ter inséré le plus longtemps possible, malgré l’af-
que à la biologie et à l’éthologie.
faiblissement de ses capacités. C’est pourquoi la
nature même de la maladie, très souvent, entre-
tient et renforce des comportements à caractère Personnalité et mécanismes
obsessionnel, sous forme de ruminations anxieu- de défense
ses, de majoration des doutes, de questionne-
ments, d’ambivalence voire d’attitudes rigides de Les réactions et l’adaptation du sujet à la maladie
maîtrise et de contrôle des situations de la vie dépendent d’un ensemble de facteurs. Il s’agit de la
courante. Chez certains sujets, en particulier, lors personnalité « antérieure » à la maladie, de la qua-
des toutes premières années de la maladie, le sen- lité du soutien intrafamilial au moment de l’an-
timent d’urgence lié à l’anxiété peut conduire à nonce du diagnostic et au cours de l’évolution de la
une instabilité dans les choix de vie, en particu- SEP, des compétences d’ouverture sociale du sujet,
lier sur le plan affectif (ruptures affectives récur- ainsi que de sa relation avec le médecin référent et
rentes : « quitter avant de devenir un fardeau pour les autres professionnels de santé. Ceux-ci repré-
l’autre et être alors abandonné » ; indécision dans sentent un point d’ancrage et un repère dans le
le choix de faire un enfant…). Cela peut se tra- temps, sur le plan matériel et émotionnel. En effet,
duire par des attitudes non cohérentes selon que la relation de confiance établie avec les profession-
les décisions sont prises dans une phase d’opti- nels limite l’errance thérapeutique, en jouant un
misme ou de pessimisme. Les proches se plai- rôle « stabilisateur » au plan émotionnel et compor-
gnent du changement de caractère, de l’indécision temental. Cela est essentiel dans les périodes d’ag-
du patient. gravation de la maladie ou au cours des événements
Lorsque survient, de manière insidieuse, la perte de vie source de déstabilisation et d’angoisse.
d’une fonction physique et une diminution d’acti- La maladie est un possible révélateur de conflits
vité, il est souvent difficile pour le patient de redé- intrapsychiques et intra ou interfamiliaux. Lorsqu’il
finir sa vie, son rôle et son statut dans le couple, la existe des réactions émotionnelles fortes et fré-
famille et dans la société. Du fait de son caractère quentes, elles interfèrent avec la capacité du sujet à
évolutif et aléatoire, la SEP déstabilise le sujet et la comprendre, à réagir et à participer activement à la
cellule familiale. Rappelons qu’il s’agit pour le lutte contre sa maladie.
patient de faire face à des changements perma- Selon la théorie psychanalytique, les mécanismes
nents et imprévisibles qui entraînent des efforts de défense correspondent à des agencements de
adaptatifs durables, répétés. Ils ont, de ce fait, un phénomènes psychiques, susceptibles d’une obser-

42
Chapitre 4. Troubles thymiques et émotionnels

vation et d’une analyse scientifique, pour protéger non volontaire, à la projection et à l’identification.
le Moi du sujet. La notion de « Moi » renvoie, sché- Sous l’effet de l’incertitude et de l’angoisse, le patient
matiquement, au sentiment individuel d’unité et s’identifie à toute personne porteuse d’un handicap
de stabilité de l’identité. Les mécanismes de physique visible qui devient sur le plan fantasmati-
défense sont des processus psychiques incons- que le miroir de sa dégradation à venir. Une attitude
cients visant à réduire ou à annuler les effets dés­ phobique vis-à-vis de l’hôpital, du monde médical
agréables des dangers réels ou imaginaires, en en général, peut s’observer. Progressivement, le
remaniant les réalités internes et/ou externes et recours à des mécanismes tels que l’« intellectualisa-
dont les manifestations, comportements, idées, tion » et la « rationalisation » permettent de mainte-
affects, peuvent être inconscientes ou conscientes. nir à distance les affects ­tristes, l’anxiété et la perte
Les défenses sont à visée adaptative quand elles de confiance, sur un mode moins rigide que le déni
sont spécifiques à une menace particulière, quand ou l’évitement.
elles réduisent la douleur psychique, canalisent les Certains mécanismes de défense sont moins adap-
sentiments mais ne les bloquent pas et lorsqu’elles tatifs que d’autres, lorsqu’ils dominent le tableau
sont orientées vers l’anticipation. Les mécanismes clinique. C’est le cas de la « régression » et du
de défense produisent des conduites classiquement « retrait apathique » qui accompagnent une atti-
décrites dans les maladies chroniques, telles que tude passive et se manifestent par une dépendance
opposition, inhibition, persécution, soumission, affective et matérielle, des attitudes rigides sous
attitude de dépendance, collaboration. forme d’« entêtement ». Les proches se plaignent
du changement de comportement du patient. Il
n’est pas rare que le patient lui-même en éprouve
Mécanismes de défense de la tristesse et de la culpabilité. Selon la person-
faiblement adaptatifs nalité antérieure du sujet concerné, le clinicien
devra déterminer si cette attitude correspond
Schématiquement, certains mécanismes de défense
effectivement à une défense contre l’angoisse et la
fréquents peuvent être décrits au décours du dia-
frustration ou bien signe un processus de détério-
gnostic. L’angoisse est majeure, elle est chargée
ration cognitive, les deux pouvant coexister.
d’agressivité (auto ou hétéroagressivité), elle se
manifeste par de l’irritabilité, de la colère, de la
dévalorisation, de la culpabilité, une déstabilisa- Mécanismes de défense
tion des repères identitaires. Le sentiment fréquent plus adaptatifs
de culpabilité entraîne un « retournement contre
soi-même de l’agressivité ». À cette étape, il est Des mécanismes plus adaptatifs, au décours du
nécessaire d’évaluer le potentiel dépressif en tant diagnostic et dans le processus évolutif de la SEP,
que trait ou état chez chaque sujet. Le « déni » peut émergent à travers diverses attitudes. Il est possible
transitoirement dominer le tableau clinique lors- d’observer des comportements d’« anticipation »,
que la maladie est vécue de manière massivement qui permettent au patient de prévoir les consé-
douloureuse et dangereuse. Certains patients qui quences de la maladie et d’agir de manière prag-
se sentent en sursis ont tendance à l’« activisme », matique à court et moyen terme, pour lui et son
dans une fuite en avant où l’action laisse peu de entourage. L’« affiliation », c’est à dire la recherche
place à la réflexion et aux affects. Un tel fonction- de soutien d’autrui que ce soit sur un mode maté-
nement va souvent de pair avec l’« évitement », riel (recherche d’informations, aides financières),
transitoire, qui consiste à fuir tout ce qui peut rap- émotionnel ou social (besoin de contact avec les
peler la maladie (consultations, traitements, sous autres), dépend des facteurs de personnalité.
forme de médicaments, d’aides techniques, de Pour certains patients, un mécanisme tel que
prise en charge psychologique) et par extension l’« altruisme » correspond à l’engagement dans
toutes les situations de la vie quotidienne vécues une relation d’aide aux autres, dans une démarche
comme désagréables (« on ne peut rien lui dire, il active, par exemple, dans différents types d’asso-
n’assume plus »). ciations caritatives. Ce mécanisme est adapté à
Au cours de la première année de coexistence avec condition que le sujet ne rigidifie pas sa position
la maladie, le sujet a très souvent recours, de manière dans l’activisme outrancier ou dans la réparation

43
Partie II. Troubles thymiques et émotionnels

à tout prix de sa propre souffrance car, dans ce souffrance morale (anosognosie, euphorie, rire
cas, il correspond à la projection et à l’identifica- spasmodique, alexithymie), de tels troubles sont,
tion, sans prise de distance affective et ne laisse essentiellement, source de déstabilisation et d’iso-
pas de place aux échanges critiques avec autrui. lement social. Une meilleure information des pro-
La « sublimation » chez une personne malade est ches et la formation des professionnels de santé
un phénomène qui impressionne tout clinicien sur la question des troubles émotionnels et du
car elle met à jour l’étendue du potentiel d’adapta- comportement devraient idéalement condition-
tion de l’être humain face aux adversités et à la ner la qualité de l’accompagnement émotionnel et
souffrance. Il s’agit de la réévaluation positive de matériel proposé aux personnes atteintes de sclé-
la situation maladie, à travers le sens que le patient rose en plaques.
attribue aux valeurs existentielles. Dans la subli-
mation, l’énergie psychique est orientée vers des Références
activités culturellement valorisées (artistiques, [1] Charcot JM. Leçons sur les maladies du système ner-
intellectuelles, morales et spirituelles) et qui sont veux. Tome I. Bourneville DM, ed. : Delahaye ; et al.
source de périodes de quiétude et de satisfaction, 1987 Paris. (1868).
pour le patient et son entourage. [2] Ghaffar O, Feinstein A. The neuropsychiatry of mul-
Il va de soi que ces quelques mécanismes décrits tiple sclerosis : a review of recent developments. Curr
ne sont pas le reflet de l’extrême richesse des res- Opin Psychiatry 2007 ; 20 (3) : 278-85.
sources psychiques. En outre, il est essentiel de [3] Patten SB, Svenson LW, Metz LM. Psychotic disor-
ders in MS : population based evidence of an associa-
retenir que ces mécanismes ne sont pas fixés défi-
tion. Neurology 2005 ; 65 : 1123-5.
nitivement. Ils sont en mouvement, à l’image des
[4] Siegert RJ, Abernathy DA. Depression in multiple
changements d’état affectif de tout individu sclerosis : a review. J Neurol Neurosurg Psychiatry
confronté aux fluctuations de ses états internes et 2005 ; 76 : 469-75.
des situations extérieures. C’est pourquoi une [5] Goldman Consensus Group. New York City. The
maladie chronique neurologique telle que la SEP, Goldman Consensus statement on depression in
avec l’incertitude qui la caractérise, met à rude multiple sclerosis. Mult Scler 2005 ; 11 : 328-37.
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intervenir, d’une part, les lésions cérébrales, les prognostic risk in patients with multiple sclerosis :
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part, les réactions psychologiques à la maladie
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chronique.
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Afin d’aider le patient à vivre avec la maladie, il est littérature. L’Encéphale 1999 ; 25 : 78-85.
essentiel, pour les professionnels comme pour les [9] Shawaryn MA, Schiaffino KM, La Rocca NG,
proches, de ne pas dénier les périodes d’épuise- Johnston MV. Determinants of health-related qua-
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se produire. La capacité à faire face à la sclérose en intrusiveness. Mult Scler 2002 ; 8 : 310-8.
plaques dépend de la personnalité, de la souplesse [10] Maor Y, Olmer L, Mozes B. The relation between
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la présence de troubles cognitifs et de leur sévé-
[11] Lynch SG, Kroencke DC, Denney DR. The rela-
rité. Si les troubles émotionnels et cognitifs et tionship between disability and depression in mul-
leurs corollaires comportementaux donnent, à tiple sclerosis : the role of uncertainty, coping and
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Chapitre 4. Troubles thymiques et émotionnels

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46
Coping et sclérose Chapitre  5
en plaques
Thibault Moreau

La sclérose en plaques (SEP) est une maladie inva- Cette adaptation psychologique à la SEP peut
lidante, atteignant préférentiellement les adultes engendrer des troubles tels que la dépression, l’an-
jeunes, en pleine période de projets d’existence, xiété et altérer grandement la qualité de vie.
aussi bien socioprofessionnels que familiaux. Les stratégies de « coping » permettent, d’une part,
L’existence de la SEP entraîne des conséquences de mieux comprendre le parcours et le vécu du
sur la qualité de vie comme sur l’état psychique malade atteint de SEP au cours de sa maladie,
(humeur, anxiété). L’imprévisibilité évolutive de la d’autre part, d’apporter des éléments au neurolo-
SEP rend encore plus compliqués les engagements gue pour gérer au mieux cette prise en charge dès
dans les projets de vie. Le cheminement psychique l’annonce diagnostique.
d’un malade atteint de SEP se fait par plusieurs
étapes, à des temps différents, adaptées à chaque
personne. La première étape marquante est l’an-
nonce du diagnostic, qui est une étape cruelle, Définition du « coping »
brutale, entraînant une sidération émotionnelle
considérable. Le malade passe par des périodes de Le concept de « coping » a été introduit dans les
déni, de révolte, d’anxiété, de peur, de désespoir, années 1960 par Lazarus, d’après le terme anglais
de marchandage et enfin, dans le meilleur des cas, to cope with, qui se traduit par faire face, gérer,
d’acceptation. De nombreuses recommandations s’adapter [1]. Le coping se définit comme les efforts
ont été proposées aux neurologues praticiens pour cognitifs et comportementaux, ­constamment
rendre cette étape moins douloureuse, fondées changeants, destinés à gérer les exigences internes
sur la disponibilité du médecin annonceur, sur sa et/ou externes spécifiques qui sont perçues comme
capacité à prévoir une stratégie pour les années à menaçantes ou débordant les ressources d’une per-
venir et enfin sur l’individualisation d’un soutien sonne. En fait, les stratégies de coping adoptées par
proche pour aider le malade. Dès cette période, le un individu face à une mauvaise nouvelle vont per-
neurologue s’interroge sur la quantité et la qualité mettre au sujet de s’adapter à la situation, soit en
des informations sur la maladie qu’il se doit de modifiant cette dernière, soit en modifiant au
donner au malade en fonction de sa personnalité contraire son état cognitivo-émotionnel. Le choix
et de sa réaction à l’annonce diagnostique. Plus de la stratégie utilisée est un mécanisme la plupart
tard au cours de l’évolution de la SEP, les patients, du temps inconscient, mais le sujet dans certaines
en fonction de leur contexte de vie, de leur âge, de circonstances peut en prendre conscience. Le
leur capacité d’adaptation et de défense, installe- coping varie d’un individu à l’autre ; il peut changer
ront une stratégie cognitive et comportementale en fonction de la situation (stratégie différente face
pour gérer les difficultés de la maladie. Cette stra- à une difficulté ­professionnelle ou lors d’un souci
tégie dépendra bien sûr des ressources du sujet, familial…) et dans le temps. Il serait également
des événements de vie, des paramètres de la SEP. influencé par ­l ’anxiété-trait des sujets. Le caractère

47
Partie II. Troubles thymiques et émotionnels

imprévisible d’une maladie semble jouer un rôle caces pour diminuer la détresse émotionnelle
significatif dans la stratégie de coping utilisée, (dépression et anxiété) et sont corrélées à une
avec une surreprésentation du coping sur l’émo- meilleure qualité de vie [4]. À l’opposé, les straté-
tion [2, 3]. gies « émotion » sont associées avec la détresse
Il existe plusieurs stratégies de coping : émotionnelle et une altération de la qualité de vie
[9, 10]. Toutefois, suite à l’annonce du diagnostic
• le coping centré sur l’émotion : il regroupe l’en-
par exemple, un coping « émotion » peut permet-
semble des stratégies qui ont pour but de contrôler
tre au sujet de mobiliser ses ressources psychiques
l’attention émotionnelle, c’est-à-dire l’évitement,
et d’adapter dans un deuxième temps une straté-
la réévaluation positive, l’expression émotionnelle,
gie plus adéquate et moins génératrice d’altération
l’autoaccusation, les rêveries… Ces items réunis-
de la qualité de vie.
sent le fait de « se sentir mal », de culpabiliser, de
souhaiter changer, d’espérer un miracle (pensée
magique), de souhaiter modifier la situation, d’es-
sayer de tout oublier, de s’autocritiquer… C’est une Outils de mesure du coping
stratégie orientée vers la personne ;
• le coping centré sur le problème ou la tâche : il Ils sont fondés sur des autoquestionnaires compor-
correspond à l’ensemble des efforts que le sujet tant globalement des questions sur l’attitude de
entreprend pour affronter la situation, c’est- l’individu face à une situation stressante. Par
à-dire la mise en place de recherches d’informa- ­exemple, la CISS (Coping Inventory for Stressful
tions de moyens d’action, de plans d’action et les Situations) comporte 48 items avec des cotations
actions effectives. Les items de ce type de coping de 1 (pas du tout) à 5 (Beaucoup), avec 16 questions
regroupent des efforts pour résoudre le pro- correspondant à un coping orienté vers la tâche,
blème, suivre un plan d’action, se battre, se sen- 16 questions sur un coping orienté vers l’émotion,
tir plus fort, prendre les choses une par une, et 16 questions sur un coping orienté vers l’évite-
trouver des solutions… C’est une stratégie ment, dont 8 items correspondent à la diversion
orientée vers la tâche, le problème. sociale et 5 à la distraction [11]. Un score global est
ainsi déterminé pour mettre en évidence le coping
D’autres stratégies de coping ont été proposées dominant (encadré 5.1). D’autres échelles d’évalua-
dans la littérature, souvent redondantes avec les tion du coping existent, fondées sur le même prin-
catégories de Lazarus [4–7] : cipe : le Way of Coping Check list (WCC) [12, 13], le
• le coping centré sur la recherche du soutien social Coping with Heath Injuries and Problems (CHIP)
implique le fait de solliciter et d’obtenir de l’aide [14], le Coping Orientation for Problem Expe­
d’autrui. Les items correspondants sont deman- riences… Il existe une échelle de coping spécifique
der des conseils, une intervention concrète, l’aide à la SEP : la Cope Dispositional Coping Styles Scale
d’un professionnel, mais aussi le soutien émotion- [15]. Le patient répond à 15 catégories de questions,
nel d’autrui, savoir accepter sa sympathie, parler à correspondant chacune à 4 items, cotés de 0 à 5,
quelqu’un de ce que l’on ressent et ne pas s’isoler ; permettant d’établir un score qui indique le style
de coping utilisé, sur l’émotion ou le problème.
• le coping centré sur l’évitement comprend deux
composantes : la diversion sociale, qui a pour Les différentes échelles utilisées déterminent des
objectif d’aller voir d’autres personnes pour catégories de coping souvent hétérogènes, redon-
penser à autre chose, pour parler d’autre chose, dantes, expliquant certaines confusions dans l’in-
et la distraction, qui fait adopter par l’individu terprétation des résultats d’étude.
une tâche de remplacement (aller au cinéma,
voir une exposition, faire du sport) [8].
Coping et SEP
Efficacité du coping L’imprévisibilité de l’évolution de la SEP influence
le coping utilisé par les patients [2]. Il est classi-
Classiquement, il est reconnu dans la littérature que d’observer lors d’une imprévisibilité impor-
que les stratégies « du problème » sont les plus effi- tante dans les maladies chroniques un coping

48
Chapitre 5. Coping et sclérose en plaques

progressive au fil des mois, le plus souvent sans


Encadré 5.1
Le CISS (Coping Inventory poussée surajoutée, ce qui limite son caractère
for Stressful Situations) [11] imprévisible.
Dans les situations stressantes, j’ai habituel-
lement tendance à : Le « déni » est une stratégie plus rarement
(0 = pas du tout, 1 = un peu, 2 = moyenne- employée, surtout en début de maladie [16].
ment, 3 = beaucoup, 4 = énormément)
• mieux organiser le temps dont je dispose
• me centrer sur le problème et voir com- Facteurs modulateurs de la
ment je peux le résoudre stratégie de coping dans la SEP
• repenser à de bons moments que j’ai
connus
En début de maladie, à proximité de l’annonce
• me tracasser à propos de mes problèmes
• me reprocher de m’être mis(e) dans une diagnostique, le coping fondé sur la planification,
telle situation l’interprétation positive de la situation et la maî-
• faire du « lèche-vitrine », du « shopping » trise semble majoritairement retrouvé dans les
• m’offrir un de mes plats ou aliments études récentes [16]. Globalement, le coping « pro-
favoris
blème » est donc plus fréquent en début de mala-
• me dire que cela n’est pas réellement en
train de m’arriver die, période où l’information sur la SEP est plus
• déterminer une ligne d’action et la suivre diffusée [17, 18].
• me reprocher de ne pas savoir quoi faire L’âge, en début de maladie, ne semble pas interve-
• aller à une soirée, à une « fête » chez des
amis
nir dans la stratégie de coping utilisée. En revan-
• entreprendre sans délai des actions che, il est classiquement observé que plus le patient
d’adaptation atteint d’une SEP est âgé plus il utilisera des stra-
• souhaiter pouvoir changer ce qui s’est tégies de coping fondées sur le soutien social [19].
passé ou ce que j’ai ressenti
• rendre visite à un(e) ami(e) Le sexe semble influencer le type de coping utilisé.
• aller me promener Les femmes utilisent surtout un coping centré sur
• me mettre en colère l’émotion, sur la diversion et les stratégies pallia-
• ajuster mes priorités tives, alors que les hommes privilégient les copings
• prendre le contrôle de la situation sur la tâche [10]. Les femmes recherchent le sou-
• profiter de la situation pour montrer ce
dont je suis capable tien social plus fréquemment que les hommes, ce
• essayer de m’organiser pour mieux domi- qui a des conséquences sur la qualité de vie [20].
ner la situation
• etc.
Stratégie de coping, dépression,
«­  émotion » plus représenté. La SEP n’échappe pas anxiété et qualité de vie dans
à cette règle. Ainsi, globalement, le coping sur la SEP
l’émotion semble préférentiellement utilisé chez
les malades atteints de SEP ainsi que la stratégie La dépression est un symptôme fréquent dans la
fondée sur l’« évitement ». SEP, à tous les moments de la maladie, souvent
associée à des troubles cognitifs [21–25].
Les patients atteints de formes rémittentes adop-
tent davantage un coping « évitement » que ceux La dépression est plus fréquente dans les formes
atteints de formes progressives [2, 3]. secondairement progressives que dans les formes
rémittentes ou primitivement progressives de SEP
Parmi les patients atteints de formes progressives,
[26, 27].
ceux atteints de formes secondairement progres-
sives, où il persiste une certaine imprévisibilité, L’anxiété pathologique est retrouvée chez un tiers
ont tendance à utiliser davantage des stratégies de des malades. Elle est observée surtout en début de
coping « émotion » que ceux atteints de formes maladie [28, 29] et plus souvent dans les formes
primitivement progressives [10] (tableau 5.1). secondairement progressives ou rémittentes que
Ceux-ci utilisent surtout des stratégies de coping lors de SEP primitivement progressives [10].
sur « le problème » : cette forme de SEP débute La qualité de vie a été largement étudiée dans la
classiquement plus tardivement, a une évolution SEP. Elle apparaît altérée par rapport aux ­contrôles

49
Partie II. Troubles thymiques et émotionnels

Tableau 5.1
Scores de coping dans une population de SEP selon leurs formes cliniques [10]
Scores de coping
Tous patients RRMS (n = 53) SPMS (n = 53) PPMS (n = 29) Valeurs de
(n = 135) Moyenne (DS) Moyenne (DS) Moyenne (DS) p ANOVA
Moyenne (DS)
Coping centré sur le 36,9 (6,8) 36,8 (6,8) 36,3 (7,2) 37,9 (6,5) 0,59
problème (WCC)
Coping centré sur 40,6 (9,4) 40,4 (8,6) 43,5 (9,7) 35,6 (8,5) 0,001
l’émotion (WCC)
Stratégies de diversion 27,0 (5,7) 27,2 (5,4) 27,8 (5,9) 25,5 (5,7) 0,24
(CHIP)
Stratégies palliatives 25,6 (5,6) 25,9 (6,1) 25,8 (5,5) 24,9 (5,2) 0,72
(CHIP)
Stratégies instrumentales 29,7 (5,2) 30,1 (5,1) 28,8 (5,9) 30,8 (3,9) 0,22
(CHIP)
Stratégies émotionnelles 25,5 (7,1) 25,3 (7) 26,4 (7,7) 24,2 (6,3) 0,40
(CHIP)
RRMS : forme rémittente ; SPMS : forme secondairement progressive ; PPMS : forme primaire progressive ; DS : déviation standard.

sains, aussi bien dans les dimensions physiques groupes de malades, ils le sont beaucoup moins au
que psychosociales [7]. La forme secondairement niveau individuel. Ainsi, en début de maladie, le
progressive est la forme de SEP où la qualité de vie neurologue s’interroge sur la quantité et la qualité
est la plus atteinte [30]. La dépression, l’anxiété, d’informations sur la SEP qu’il doit donner à son
les dysfonctions cognitives sont associées à une malade, face à cette imprévisibilité. L’enjeu est
mauvaise qualité de vie [29, 31, 32]. pourtant essentiel, aussi bien pour l’acceptation
De façon générale, le coping « émotion » paraît de la maladie à terme, mais aussi sur le plan théra-
dans la SEP corrélé à une moins bonne qualité de peutique. Aujourd’hui, les traitements sont pres-
vie, à un moins bon ajustement psychosocial, à crits précocement avant un handicap permanent.
une plus importante dépression. Cela est particu- Ils sont contraignants et impliquent que le patient
lièrement marqué en début de maladie [4–7, 9, 17]. soit convaincu de leur intérêt pour une bonne
observance. Des connaissances précises sur la
Le coping « problème » est associé à une meilleure
maladie doivent être assimilées par le malade
qualité de vie, à un meilleur ajustement psychoso-
pour comprendre les objectifs du traitement.
cial et à une moindre dépression [4, 33, 34].
La perception de l’information donnée au malade
Par rapport à des sujets témoins, l’anxiété globale
est-elle influencée par la stratégie de coping utili-
et centrée sur la santé était plus fréquente lors du
sée ? Il serait logique d’attendre un risque d’aggra-
coping « émotion », alors que seule l’anxiété sur la
vation d’anxiété voire de dépression lors de coping
santé était plus souvent retrouvée lors de coping
« émotion ». L’information donnée pourrait-elle
« sur la tâche » [35].
faire tendre un coping « émotion » vers un coping
Le coping « évitement » est prédictif de troubles de centré sur la tâche ? Plusieurs études très récentes
l’humeur [4]. permettent de répondre partiellement à ces inter-
rogations. Une des raisons repose sur le fait que
plus les études sont récentes, donc dans l’ère thé-
Stratégie de coping et information rapeutique, plus les malades semblent utiliser un
sur la maladie à donner coping centré sur le problème, plutôt plus favora-
au malade ble à une meilleure qualité de vie [16–19]. Il s’agit
donc probablement d’une conséquence d’une
Si l’évolution et le pronostic de la SEP sont information plus largement donnée. Les patients
aujourd’hui bien connus à l’échelle de grands atteints de formes primitivement progressives

50
Chapitre 5. Coping et sclérose en plaques

­ tilisent surtout un coping centré sur la tâche,


u tir de malades récemment diagnostiqués, a
moins accompagné d’angoisse, alors que ces mala- confirmé l’effet positif d’une information précoce
des ont une information précise sur l’évolution de sur la SEP en orientant le coping vers une stratégie
leur maladie, plus prévisible, et pourtant plus centrée sur la tâche, garante d’une meilleure qua-
sévère. lité de vie [16].
Dans une étude française à partir de 255 malades
atteints de SEP de forme rémittente récente, débu-
tant un traitement par interféron, l’évolution de Conclusion
l’anxiété dans les 3 premiers mois de traitement
était étudiée selon la stratégie de coping [17]. Cette approche du coping, permettant d’appré-
Chaque malade recevait une information très hender les modalités et capacités d’adaptation du
complète standardisée sur la maladie sitôt l’inclu- malade face à l’annonce du diagnostic de SEP, et
sion dans l’étude. À l’entrée dans l’étude, les sujets même en cours d’évolution, est encore mal connue
avec un coping sur l’émotion étaient trois fois plus des neurologues [37]. Pourtant, en cette période
souvent anxieux que ceux utilisant un coping de traitement précoce, la perception par le malade
centré sur la tâche. Trois mois après l’information de ce moment clé de l’annonce diagnostique est
standardisée donnée, le niveau d’anxiété dimi- essentielle pour la meilleure prise en charge. En
nuait significativement dans le groupe utilisant fonction de la qualité du soutien social, de la stra-
un coping centré sur la tâche, mais surtout chez tégie de coping utilisée, le thérapeute peut appré-
les patients utilisant un coping centré sur l’émo- cier le niveau d’information à donner au malade
tion (figure 5.1). Donner en début de maladie des et surtout l’acceptation du traitement proposé.
informations sur la SEP semble donc être bénéfi- L’aide par un soutien psychothérapique lors d’un
que quel que soit le style de coping utilisé, et même coping plus fragile peut être essentielle pour ten-
lors du coping « émotion », le plus anxieux. Ces dre vers une stratégie d’adaptation centrée sur le
données infirment une étude antérieure montrant problème, synonyme de meilleure qualité de vie.
un effet négatif de l’éducation dans les maladies Une même approche peut être proposée à l’aidant
neurologiques progressives [36]. Lode et al., à par- naturel du malade.

80

70 p < 0,03 *

Tâche (p < 0,04 **)


Score moyen STAI-état

60
58
Émotion (p < 0,0001 **)

50
42,4 48,1 Évitement

40 41,2 41,5
39 Population totale
(p < 0,0001 **)
36,7 34,1
30

20
D0 M3

Figure 5.1.
Évolution de l’état-STAI (anxiété) entre D0 et M3 selon le mode de coping [17].
* Comparaison du changement M3-D0 selon les groupes de coping.
** Changement M3-D0.

51
Partie II. Troubles thymiques et émotionnels

Conclusion – Synthèse
Jean Pelletier

Les troubles thymiques et émotionnels rencontrés Par ailleurs, la dépression, l’anxiété et le stress
dans la sclérose en plaques se situent à l’interface pourraient apparaître comme principalement
de la neurologie et de la psychologie. réactionnels à la maladie, et représenter dans une
Comment en effet ne pas concevoir que, dans le certaine mesure, et en particulier à la phase pré-
cadre d’une affection dont les caractéristiques coce (annonce diagnostique), une modalité
pourraient être résumées, d’une part par la notion d’adaptation émotionnelle à la condition de
d’imprévisibilité concernant le décours évolutif malade. Toutefois, certains travaux récents sem-
qui reste souvent sombre en termes de handicap, blent impliquer très clairement le rôle des lésions
d’autre part par le fait que cette affection touche cérébrales dans la présence de ces perturbations
l’adulte jeune qui s’inscrit dans une phase active thymiques [39, 40]. En particulier, un substrat
de projets de vie, enfin par l’efficacité toute rela- neurobiologique pourrait participer à rendre
tive de la prise en charge thérapeutique, les compte des troubles émotionnels rencontrés dans
patients puissent développer des troubles sur le cette affection, impliquant à la fois un trouble de
versant thymique et émotionnel ? Faudrait-il en la connectivité entre les régions préfrontales et
déduire, comme cela a été rapporté dans certains l’amygdale, et la mise en jeu de processus fonc-
travaux anciens, que les patients atteints de SEP, tionnels compensatoires qui pourraient participer
fréquemment décrits comme des sujets dépressifs à en limiter l’expression clinique [41].
et/ou maniaques, voire euphoriques, présente- De même, l’euphorie, le rire et le pleurer spasmo-
raient une personnalité prémorbide caractéristi- diques, la labilité émotionnelle, plus fréquemment
que de cette affection ? rencontrés dans les phases évoluées de la maladie,
Comment aussi ne pas considérer que, dans le seraient plus particulièrement liés à l’importance
cadre d’une affection qui touche le système ner- de la charge lésionnelle et à sa distribution topo-
veux central et qui a pour particularité de présen- graphique qu’à un état réactionnel vis-à-vis de la
ter un caractère évolutif extrêmement dynamique, pathologie [40].
ces mêmes troubles thymiques et émotionnels Enfin, le comportement alexithymique, récem-
puissent être en rapport avec l’atteinte lésionnelle, ment rapporté chez les patients atteints de SEP,
qu’elle soit focale ou diffuse ? Serait-ce alors licite pourrait être sous-tendu par une dysconnexion
d’envisager que ces troubles puissent être exclusi- calleuse [42].
vement expliqués par l’atteinte cérébrale ? Il n’en reste pas moins vrai que du fait de leur fré-
Une telle dichotomie n’a actuellement plus sa quence, leur importance et leur impact sur la
place pour rendre compte de la présence des trou- « qualité de vie » des patients atteints de SEP, les
bles thymiques et émotionnels rencontrés chez les troubles thymiques et émotionnels rencontrés
patients atteints de SEP. L’expression de ces trou- dans la SEP sont autant d’éléments qui nécessitent
bles pourrait en effet trouver une cause mixte, à la d’être pris en compte, à la fois dans l’approche et la
fois liée à l’atteinte cérébrale, mais aussi au reten- prise en charge des patients, mais aussi en termes
tissement et au vécu de la maladie. de détection, du fait notamment des conséquences
Les techniques d’imagerie moderne ont récem- qu’ils entraînent au niveau de l’individu (retentis-
ment permis d’apporter un éclairage nouveau sur sement social, professionnel et familial). Toutefois,
les substrats morphologiques et fonctionnels des leur caractère souvent insidieux, voire caché, leur
troubles thymiques et émotionnels rencontrés hétérogénéité représentent malheureusement des
dans la SEP. facteurs qui en limitent l’expression et la prise en
charge. Enfin, leur intrication avec d’autres domai-
Notamment, les traits de personnalité, sinon
nes affectés par la maladie (perturbations cogniti-
caractéristiques, en tous cas fréquemment décrits
ves, fatigue, douleurs, notamment) rend leur
dans cette affection, pourraient en partie reposer
approche et leur évaluation difficiles.
sur une atteinte corticale [38].

52
Chapitre 5. Coping et sclérose en plaques

Le concept de coping, récemment adapté à la SEP, [12] Paulhan I, Nuissier J, Quintard B, Cousson F,
pourrait apparaître dans les années à venir comme Bourgeois M. La mesure du coping. Traduction
et validation de la version française de l’échelle
un des éléments déterminants de la stratégie d’adap-
Vitaliano. Am Med Psychol 1994 ; 152 : 292-9.
tation de l’individu face à la maladie [43, 44].
[13] Vitaliano PP, Russo J, Carr JE, Maiuro RD, Becker J.
Ainsi, une approche morphofonctionnelle implé- The ways of coping check-list : revision and psycho-
mentée sur le modèle de la SEP pourrait représen- metric properties. Multivar Behav Res 1985 ; 20 :
ter à la fois un outil capable de participer à préciser 3-26.
les connaissances sur le substrat structural et [14] Endler NS, Parker JDA, Summerfelt LJ. Coping with
fonctionnel des troubles thymiques et émotion- health problems : developing a reliable and valid
nels, au même titre que les troubles cognitifs, ren- multidimensional measure. Psychol Assess 1998 ; 10 :
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contrés dans la maladie, et en retour apporter des
[15] Carver CS, Scheier MF, Weintraub JK. Assessing
éléments pertinents, à la fois pour la compréhen-
coping strategies : a theoretically based approach.
sion des mécanismes impliqués dans ces pertur- J Pers Soc Psychol 1989 ; 56 : 267-83.
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Partie II. Troubles thymiques et émotionnels

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54
Introduction
Bruno Brochet

L’existence de troubles cognitifs survenant au cours la forme évolutive n’est pas précisée. Parmi 34 étu-
de la sclérose en plaques (SEP) est connue depuis la des neuropsychologiques contrôlées incluses dans
description initiale de la maladie. L’observation la méta-analyse de Zakzanis [6], les patients n’étaient
anatomoclinique de madame Dargès, cuisinière à la classés dans un groupe correspondant à une forme
Salpêtrière, rapportée par Cruveilhier [1] est consi- clinique définie que dans 53 % des cas. Seules
dérée comme la première description d’une patiente 26 études sur 34 précisaient le sex-ratio, 22 la durée
ayant une SEP et des troubles cognitifs, même s’ils de la maladie et 11 la prise de médicaments. Les tra-
étaient davantage caractérisés par une labilité émo- vaux plus récents réunissent plus souvent les quali-
tionnelle. Charcot, dans ses leçons [2], parlait de tés méthodologiques souhaitables. Ainsi, récemment
« troubles spéciaux de l’intelligence », qu’il décrivait Prakash et al. [7] ont pu réaliser une méta-analyse
ainsi : « Il y a un affaiblissement marqué de la portant sur les troubles cognitifs des formes rémit-
mémoire ; les conceptions sont lentes ; les facultés tentes de SEP qui a concerné 57 études contrôlées de
intellectuelles et affectives émoussées dans leur bonne qualité méthodologique.
ensemble… » Troubles de la mémoire, ralentisse- Une autre limite méthodologique bien connue et
ment des « conceptions », les deux principatux axes qui rend difficile la quantification de la fréquence
des troubles cognitifs de la SEP étaient identifiés. Ce des troubles cognitifs concerne le biais de sélection
n’est cependant que depuis la fin des années 1980 qui diminue la représentativité des échantillons.
que ce problème, pourtant majeur pour la vie quoti- En effet, la plupart des études ont été réalisées en
dienne des patients, a intéressé neurologues et cher- milieu hospitalier spécialisé et parfois en sélection-
cheurs. Quelques publications marquantes [3–5] ont nant les patients au préalable sur différents critères,
fait prendre en considération l’ampleur de ce pro- ce qui ne permet pas de connaître la fréquence dans
blème et jeter les bases des travaux de recherches, l’ensemble de la population des patients atteints de
qui se sont multipliés ces dernières années. Le nom- SEP. Les études en population restent rares.
bre de publications consacrées à « cognition et SEP »,
Les résultats d’autres études sont limités par une
répertoriées dans PubMed, est ainsi passé de
méthodologie neuropsychologique insuffisamment
81 entre 1990 et 1994 à 411 de 2004 à 2008. Les défi-
rigoureuse, négligeant, par exemple, de recourir à
cits cognitifs ont été rapportés dans des domaines
des groupes contrôles appariés sur l’âge, le sexe et le
variés comme la mémoire, l’attention, les fonctions
niveau éducatif alors que ces facteurs influencent
exécutives, la mémoire de travail et la fluence ver-
les résultats, ou négligeant de prendre en compte
bale. Ces différents aspects seront abordés en détail
des facteurs de confusion comme la dépression et la
dans les sections suivantes. Cependant, la nature
fatigue. Par ailleurs, il existe une certaine confu-
précise de ces troubles, leur fréquence et leur évolu-
sion dans la littérature entre les troubles cognitifs
tion restent incomplètement connues. L’existence
présents chez la majorité des patients, et qui restent
de biais méthodologiques à nombre de ces travaux
dans la majorité des cas modérés, et les formes
limite aussi leur portée. Un certain nombre d’étu-
démentielles qui sont bien plus rares.
des ont développé des méthodes neuropsychologi-
ques pertinentes mais ont concerné des échantillons La comparaison entre les études est parfois aussi
de patients hétérogènes en termes de formes évolu- rendue difficile par la très grande diversité des bat-
tives ou d’ancienneté de la maladie. La physiopa- teries neuropsychologiques utilisées. Certaines étu-
thologie des formes rémittentes (SEP-RR) débutantes est des se limitent à quelques tests, d’autres font appel à
en effet bien différente de celle des formes progres- des batteries extensives. L’attribution à tel ou tel
sives secondaires (SEP-SP) évoluées ou des formes domaine cognitif peut enfin varier en fonction des
progressives primaires (SEP-PP) et une analyse modèles théoriques auxquels se référent les auteurs.
séparée et comparée des différentes formes évoluti- Les fréquences rapportées dépendent non seule-
ves est nécessaire. Ces différentes formes ont cepen- ment de la batterie neuropsychologique utilisée,
dant souvent été étudiées sans distinction et parfois mais aussi des valeurs de référence retenues et des

57
Partie III. Troubles cognitifs

critères adoptés pour définir l’atteinte cognitive. Les difficultés que pose la réalisation d’études
Ainsi, Sepulcre et al. [8] en utilisant la Brief- longitudinales, en particulier leur lourdeur orga-
Repeatable-Battery for Neuropsychological exami- nisationnelle et l’existence de l’effet de pratique
nation (BRB-N) [9] sur une population de 59 patients (effet test-retest) observé avec de nombreux tests,
consécutifs de deux centres spécialisés, appariés en expliquent leur très petit nombre. L’évolution des
groupe à des sujets contrôles, ont rapporté des pour- troubles cognitifs reste ainsi mal connue.
centages d’atteinte cognitive allant de 30,5 % à 89,8 Les progrès de l’imagerie morphologique et fonc-
% selon la définition retenue (de plus de deux tests tionnelle permettent de mieux comprendre les
inférieurs à deux déviations standard (DS) à un test mécanismes à l’origine de ces troubles, et seront
inférieur à une DS des contrôles). abordés dans la partie IV.

58
Fréquence des troubles Chapitre  6
cognitifs, évaluation
et formes de la maladie
Bruno Brochet

Fréquence des troubles cognitifs (SDMT), un test qui explore la vitesse de traite-
ment de l’information (VTI), l’attention et la
mémoire de travail. Les pourcentages de patients
Très peu d’études ont été réalisées à partir
ayant des scores anormaux par rapport à des
d’échantillons de patients non sélectionnés recru-
valeurs normatives publiées d’une population
tés consécutivement en population générale per-
anglophone étaient respectivement de 55,5 % au
mettant d’évaluer la fréquence réelle des troubles
SDMT et 16 % au FRR12RWT, et 45 % avaient un
cognitifs. On peut citer deux études déjà ancien-
score au MMSE inférieur à 28. Malgré ses limites
nes concernant différentes formes cliniques et
(nombre très limité de tests), cette étude permet
durées d’évolution, qui ont rapporté des prévalen-
d’apprécier la fréquence des troubles recherchés
ces de 40 % environ [5, 10]. L’étude de Rao et al. [5]
par le SDMT (principalement attention/VTI)
a utilisé une très large batterie comprenant 31 sco-
dans une population globale de patients incluant
res chez 100 patients atteints de SEP, recrutés dans
toutes les formes et tous les stades de la maladie.
la population générale, comparés à 100 témoins
sains appariés. Quarante-trois pour cent des
patients SEP avaient des résultats anormaux à au
moins 4 scores, touchant surtout la mémoire à Évaluation : batteries
court terme, l’attention soutenue, la fluence ver-
bale et le raisonnement. C’est à partir de ces résul- Sans rentrer dans le détail des tests, qui seront
tats que Rao et al. [5] ont proposé une batterie abordés pour chaque domaine, nous pouvons
brève de dépistage applicable en 20 à 30 minutes, décrire les principes généraux de l’évaluation des
comprenant 4 tests. L’étude de McIntosh- troubles cognitifs dans la SEP. Nous n’aborderons
Michaelis et al. [10] a montré une fréquence de ici que les batteries utilisables en clinique quoti-
46 % de patients atteints cognitivement dans un dienne, les batteries utilisées dans le cadre de la
échantillon de 147 patients recrutés dans un regis- recherche devant être adaptées aux objectifs de la
tre en population. Plus récemment, Einarsson recherche. L’évaluation idéale est probablement
et  al. [11] ont étudié par visites à domicile un représentée par une évaluation écologique dans des
échantillon représentatif de la population des actes de la vie quotidienne. Pouvoir évaluer l’at-
patients ayant une SEP dans le comté de teinte des fonctions cognitives au cours de tâches
Stockholm. Ils ont utilisé une courte batterie correspondant à des actes réels de la vie personnelle
comprenant le Mini-Mental State Examination et professionnelle devrait permettre non seulement
(MMSE), un test de rappel libre issu du Free Recall de caractériser ces troubles mais aussi d’en appré-
and Recognition of 12 Random Words Test cier le retentissement. Cela pose malheureusement
(FRR12RWT) et le Symbol Digit Modalities Test des problèmes pratiques et ­théoriques multiples

59
Partie III. Troubles cognitifs

qui font qu’actuellement une telle évaluation n’est étaient perturbés pour détecter les patients cogni-
pas réalisée. Ce type d’approche doit utiliser des tivement atteints, définis par au moins 4 scores
procédures évaluées pour lesquelles on dispose de anormaux sur 31 scores d’une très large batterie [5].
valeurs normatives tout en étant adaptées à chaque Dans sa version définitive, la BRB-N comprend
sujet. De telles évaluations sont par ailleurs gran- 5 tests.
des consommatrices en temps paramédical. Le Qu’analysent les tests de la BRB-N ? Le Selective
développement des méthodes utilisant des logiciels Reminding Test (SRT) est un test de mémoire épi-
de réalité virtuelle [12] devrait permettre de mettre sodique verbale (rappel immédiat et différé) qui
au point des tests adaptés à la SEP. Les méthodes dépend peu de la mémoire de travail. Au contraire,
semi-écologiques tentent de circonvenir ces diffi- le Spatial Recall Test (SPART 10/36), un test de
cultés en évaluant les sujets par des tests classiques mémoire visuospatiale, nécessite que le sujet
qui veulent reproduire des situations de la vie quo- reconstruise mentalement un patron de 10 jetons
tidienne, comme le test des commissions [13], le placés au hasard sur un échiquier carré de 6 cases
Rivermead Behavioural Memory Test (RBMT) [14] de côté qui lui a été présenté auparavant. Une autre
et le Test of Everyday Attention (TEA) [15]. version (7/24) avait été proposée dans la batterie
L’évaluation du test des commissions porte essen- initiale. La performance est fortement facilitée par
tiellement sur la capacité du sujet à mettre en place le maintien en mémoire de la disposition d’ensem-
une stratégie pour résoudre le problème posé mais ble et sa manipulation et dépend donc de la
sans mise en situation réelle. Ce type d’approche mémoire de travail (stockage dans le calepin
explore avant tout les fonctions exécutives. Une visuospatial et manipulation dans l’administra-
étude récente a appliqué cette méthode à la SEP teur central selon le modèle de Baddeley [18]). Lors
[16]. La comparaison de tests comme le RBMT avec du SDMT, le sujet doit substituer des chiffres à des
des tests classiques de mémoire et du TEA avec des symboles géométriques en suivant le modèle pen-
tests attentionnels montre que les tests dits écologi- dant 90 secondes. Le test mesure la vitesse de trai-
ques prédisent mieux la gêne fonctionnelle que les tement des informations perceptives visuelles et
tests usuels [17]. Des études complémentaires sont l’exploration visuelle mais devrait peu dépendre
nécessaires pour déterminer la place de ce type de la mémoire de travail, le modèle de correspon-
d’évaluation. dance étant en permanence devant le sujet. Une
L’ évaluation habituelle des troubles cognitifs de la bonne mémoire de travail peut cependant permet-
SEP repose sur l’utilisation de batteries de tests tre des réponses plus rapides. Ce test est considéré
neuropsychologiques permettant d’explorer les avant tout comme un test de VTI et d’attention. Il
grandes fonctions susceptibles d’être atteintes. avait été développé initialement [19] pour dépister
Ces batteries comprennent habituellement des les troubles cognitifs chez les sujets cérébrolésés. Il
tests évaluant la mémoire épisodique verbale (rap- existe une forme écrite du SDMT. Dans la SEP, les
pel immédiat et différé), la mémoire visuospatiale, performances des formes orale et écrite ne sem-
l’attention, la mémoire de travail et la VTI, sou- blent pas différer [20]. Le SDMT est très proche du
vent des tests de fluence verbale et parfois des tests sous-test des codes de la WAIS (au cours duquel on
complémentaires des fonctions exécutives et du substitue des symboles à des chiffres) auquel il est
langage. fortement corrélé mais les deux tests ne sont pas
interchangeables [21]. Le SDMT est beaucoup plus
Des batteries courtes ont été proposées pour largement utilisé dans la SEP que les codes et sem-
effectuer une caractérisation simple des troubles. ble plus sensible [22]. Lors du Paced Auditory Serial
La batterie la plus souvent utilisée dans la littéra- Addition Test (PASAT), les sujets doivent addition-
ture est la BRB-N, proposée par Rao [9]. Dans ner des chiffres énoncés sur une bande sonore en
leur étude en population générale, Rao et al. [5] s’efforçant d’inhiber les interférences liées aux
avaient testé la capacité de différentes combinai- réponses précédentes. En ignorant le chiffre de la
sons de 3 ou 4 tests (parmi les 4 présentés dans le réponse précédente, présent dans la mémoire tam-
tableau 6.1) sous le nom de Neuropsychological pon (episodic buffer) de la mémoire de travail, le
Screening Battery for Multiple Sclerosis (NPSBMS). sujet manipule le chiffre retenu avant sa réponse et
La version à 4 tests (NPSBMS) avait une sensibi- le nouveau chiffre énoncé. Ce test dépend donc des
lité de 71 % et une spécificité de 94 % si deux tests capacités d’inhibition, de manipulation des don-

60
Chapitre 6. Fréquence des troubles cognitifs, évaluation et formes de la maladie

Tableau 6.1
Principaux tests neuropsycholologiques utilisés dans les batteries d’évaluation rapide
des troubles cognitifs de la SEP
Fonctions Batteries
NPSBMS BRB-N SEFCI BdR MACFIMS BCcogSEP
Attention PASAT 2 SDMT SDMT PASAT 2 SDMT Codes WAIS
Mémoire de PASAT 3 Empan chiffre PASAT 3 PASAT 3 et 2
travail inversé PASAT 2 Empan A/V
Fonctions D-KEFS sorting Ordres
exécutives test contraires
Go/No go
Mémoire SRT SRT SWL CVLT CVLT-II SRT
épisodique
verbale
Mémoire SPART (7/24) SPART (10/36) Brief visuo-spatial SPART (10/36)
visuospatiale memory test
Langage COWAT WLG SILS COWAT Fluences
Fluence verbales
verbale
Abstraction
Autre Jugement
d’orientation de
ligne
Plainte MSNQ
SRT : Selective Reminding Test ; SDMT : Symbol Digit Modalities Test ; SPART : Spatial Recall Test ; COWAT : Controlled Oral Word
Association Test ; WAIS : Wechsler Adult Intelligence Scale ; SWL : Short Word List ; SILS : Shipley Institute of Living Scale ;
CVLT : California Verbal Learning Test ; D-KEFS sorting test : Delis Kaplan Executive Function System sorting test.

nées mises en mémoire de travail et des capacités apprécie différentes fonctions : temps de réaction
de mise à jour de la mémoire de travail. Les perfor- simple et procédural, substitution de codes et rap-
mances dépendent donc des capacités attention- pel différé des codes, mémoire de travail (running
nelles, exécutives et de mémoire de travail. Ce test memory), reconnaissance des lettres (Sternberg
est également influencé par les capacités de calcul Memory Search), relations logiques (raisonnement),
et le stress. Le test Word List Generation (WLG) finger tapping et calcul mental. Parmi les autres
évalue la production spontanée de noms d’une batteries de dépistage proposées (tableau 6.1),
catégorie donnée (animaux) en 90 s. Il explore la citons aussi le Screening Examination for Cognitive
fluence verbale sémantique et nécessite des capaci- Impairment (SEFCI) [25], et une courte batterie
tés comme la pensée associative, l’imagerie men- proposée par l’équipe de Rennes (batterie de dépis-
tale et la flexibilité (switching). Le WLG a remplacé tage de Rennes, BdR) [26]. Ces batteries brèves sont
le Controlled Oral Word Association Test (COWAT), cependant trop longues pour être utilisées au cours
qui évalue la production de mots commençant par d’une simple consultation ou pour être proposées
une lettre donnée et qui avait été proposé initiale- systématiquement à tous les patients et ne peuvent
ment dans la NPSBMS. donc constituer un screening. À l’opposé, on peut
D’autres batteries courtes de screening ont été pro- leur reprocher d’être trop courtes pour permettre
posées, sans obtenir le succès de la BRB-N, comme une bonne caractérisation des troubles.
la Screening Battery [23] et une batterie informa­ Dans cet objectif, une batterie plus complète doit
tisée (ANAM), d’une durée de 30 minutes [24]. explorer la VTI, l’attention, la mémoire de travail,
Cette dernière, évaluée dans les formes de SEP-RR, l’inhibition, la flexibilité (shifting), la mémoire

61
Partie III. Troubles cognitifs

épisodique verbale et visuospatiale, les fonctions SDMT, et au PASAT. Viennent ensuite les troubles
visuospatiales, la fluence verbale et non verbale, la de la mémoire. Certaines études ont montré une
dénomination, le raisonnement conceptuel et atteinte plus fréquente du rappel différé que de
l’abstraction. Il faut y associer une évaluation de l’encodage et du rappel immédiat alors que
l’anxiété et de la dépression. Différentes batteries d’autres ont montré une atteinte équivalente [32].
très extensives ont été proposées [27, 28] mais elles Les résultats aux échelles de quotient intellectuel
explorent souvent des domaines peu concernés (QI) (WAIS-R) [33] sont peu perturbés. Le QI per-
par la SEP et sont très longues à faire passer. En formance (WAIS-R) est relativement plus atteint,
2002, un consortium de chercheurs [29] a proposé peut-être du fait du ralentissement observé dans
la MACFIMS (tableau 6.1), une batterie composée la SEP. Il existe assez fréquemment une atteinte de
de 7 tests durant de 90 à 120 minutes et visant à la conceptualisation et de l’abstraction (test des
couvrir les différents domaines atteints dans la similitudes). Les fonctions du langage sont relati-
SEP : PASAT, SDMT (VTI, mémoire de travail), vement préservées, à l’exception de la fluence
California Learning Verbal Test-II (CLVT-II) verbale.
(mémoire épisodique), Delis Kaplan Executive Aphasies, agnosies et apraxies, caractéristiques
Function System (D-KEFS) sorting test (fonctions des atteintes corticales, sont exceptionnelles au
exécutives), Brief visuo-spatial memory test, juge- cours de la SEP [34]. Un syndrome de dyscon-
ment d’orientation de ligne (perception visuospa- nexion des aires corticales par une lésion sous-
tiale) et COWAT (fluence). Cette batterie reprend corticale a été suspecté et confirmé en imagerie
ainsi plusieurs tests de la BRB-N. métabolique [34].
Une grande étude de validation a été réalisée avec La présence d’un syndrome de déconnexion cal-
la MACFIMS [30] chez 291 patients. Cette étude a leuse incomplet n’a été qu’exceptionnellement
montré que les tests les plus fréquemment atteints observée [35, 36]. Toutefois, des troubles fonction-
étaient ceux de la mémoire visuelle et de la VTI nels calleux ont été rapportés dans la SEP, princi-
(dans 54,3 % et 51,9 % des cas respectivement). palement représentés par une atteinte du transfert
Dans le même esprit, une batterie française interhémisphérique des informations en modalité
(BCcogSEP) reprenant certains tests de la BRB-N auditive, sous la forme d’une extinction relative
mais complétée par 4 autres tests orientés sur les de l’oreille gauche en condition dichotique (test
fonctions exécutives a été proposée (tableau 6.1) [31]. d’écoute dichotique), suggérant un déficit du
Elle est, comme la MACFIMS, intermédiaire entre transfert des informations auditivoverbales de
les batteries de dépistage et les batteries plus l’hémisphère droit à l’hémisphère gauche [37–39].
complètes. Ces données ont été confirmées plus récemment
par des études qui ont rapporté l’existence de per-
turbations du transfert calleux évalué en modalité
Caractéristiques des troubles auditive, visuelle et somesthésique, significative-
ment liée à la présence d’une atrophie calleuse
cognitifs de la SEP globale et/ou segmentaire [40–42].
L’aphasie aiguë, dont la fréquence est estimée à
Les troubles cognitifs de la SEP sont dominés par moins de 1 % [43], survient souvent dans le cadre
un ralentissement de la VTI, ainsi que des attein- de lésions volumineuses pseudotumorales ou
tes des fonctions attentionnelles et exécutives et pseudovasculaires [44–47]. L’alexie sans ou avec
de la mémoire. Ils seront détaillés dans les sec- agraphie est également rarement retrouvée
tions suivantes. [48, 49]. L’agnosie visuelle semble exceptionnelle
Zakzanis [6] a effectué une étude de la taille de [50]. Les démences de type corticale sont rares
l’effet de 34 études contrôlées réalisées entre 1983 [51]. Ces  derniers auteurs ont rapporté 6 cas de
et 1997 sur 1 845 patients. Les tests des fonctions démences corticales (avec dysgraphie, dyslexie et
attentionnelles, de la mémoire de travail et de la dysphasie) révélatrices de SEP, ce qui est excep-
VTI apparaissent les plus perturbés. Les effets les tionnel. Dans une série de 90 biopsies cérébrales
plus importants sont observés au SDMT, au test pour démence, Warren et al. [52] ont diagnosti-
des codes de la WAIS-R, qui est l’inverse du qué deux cas de SEP.

62
Chapitre 6. Fréquence des troubles cognitifs, évaluation et formes de la maladie

Dépistage il a été montré qu’au stade précoce de la phase


rémittente, le SDMT est un test sensible et spécifi-
Du fait de l’absence habituelle de déficits « corti- que pour dépister une atteinte cognitive démontrée
caux », le Mini-Mental Status Examination (MMSE) par une batterie plus large [60]. Dans cette étude,
est habituellement peu perturbé dans la SEP, des patients dont le diagnostic de SEP cliniquement
même chez les patients atteints cognitivement [53]. définie avait été établi récemment ont été évalué
Des questionnaires de plaintes ont été proposés. par le BRB-N ainsi que par un test de Stroop, un
Ils sont relativement longs à administrer et à ana- Go/No go, le sous-test des similitudes de la WAIS, le
lyser et ne semblent pas prédictifs des résultats test de Ruff et le Boston Naming Test (BNT). Le test
aux tests, sauf quand ils sont administrés aux singulier prédisant le mieux l’existence d’une
aidants. Benedict et al. [54, 55] ont développé un atteinte cognitive définie par des valeurs anorma-
questionnaire spécifique, le Multiple Sclerosis les à deux autres tests par rapport aux sujets contrô-
Neuropsychological Screening Questionnaire (MSNQ), les appariés était le SDMT, avec une exactitude de
qui est un questionnaire de 15 items présenté au plus de 80 % contre 68 % pour les similitudes et
patient ou à son entourage (distractibilité, diffi- 61 % pour le PASAT et le Stroop. Ce test, très sensi-
cultés à écouter les autres, ralentissement, oubli ble à la VTI, reflète probablement le déficit central
des rendez-vous, oubli des lectures, oubli des pro- de la SEP. Ces résultats ont été confirmés par une
grammes et émissions vus, oubli d’instructions, autre étude [62] réalisée dans un échantillon de
nécessité d’utiliser des « pense-bêtes », difficultés à patients ayant une SEP-RR ou SP avec des durées
mener à bien des activités planifiées, à répondre à de maladie plus variées. Dans cette étude, le SDMT
des questions de façon cohérente, difficultés à sui- prédisait l’existence d’une atteinte cognitive confir-
vre deux choses en même temps, difficultés à sui- mée par la MACFIMS (tableau 6.1), avec une sensi-
vre des conversations, difficultés à contrôler ses bilité de 82 %. Benedict et al. [56] ont confirmé la
pulsions, rire ou pleurer sans cause, discours égo- meilleure spécificité de dépistage par le SDMT que
centré excessif). Chaque item est côté de 0 (aucune par le questionnaire MSNQ.
gêne) à 5 (gêne maximale). Ce questionnaire n’a Une variante de ce test a été proposée, le Face
pas été validé en français. Les scores élevés des Symbol Test (FST), qui représente en fait une
questionnaires remplis par les personnes de l’en- adaptation du test des codes de la WAIS (qui est
tourage (scores supérieurs à 27) sont relativement l’inverse du SDMT et réalisé par écrit), dont les
bien corrélés aux performances des tests neuro­ chiffres ont été remplacés par des visages afin
psychologiques. Les corrélations sont moins bon- d’être proposé dans des cultures n’utilisant pas les
nes pour les questionnaires remplis par les chiffres arabes [63]. La seule étude de validation
patients, qui sont mieux corrélés aux scores de publiée à ce jour est une étude par rapport à un
dépression [54–57]. Ces résultats sont éclairés par score composite issu des résultats au test des codes
ceux de diverses études qui ont montré que la et au PASAT [63].
plainte cognitive est mieux corrélée à l’existence Ces tests souffrent cependant d’un effet test-retest
d’une dépression qu’à un déficit cognitif authenti- non négligeable qui peut être gênant s’ils doivent
fié [58–60]. être administrés régulièrement sur des longues
Les batteries courtes comme la BRB-N et la SEFCI périodes. En étudiant l’administration mensuelle
ont montré une bonne sensibilité et spécificité par du SDMT sur 6 mois, Benedict et al. [56] ont
rapport à des batteries plus longues mais ne peu- observé un effet retest beaucoup plus important
vent être proposées au cours d’une consultation. La chez les sujets contrôles sains que chez les patients,
capacité de tests isolés pour sélectionner les patients suggérant que ces derniers avaient perdu leur
devant bénéficier d’une évaluation plus complète a capacité d’apprentissage. Une administration
été récemment évaluée. Le test de l’horloge a été annuelle conduit cependant à un effet test-retest
proposé [61]. Ce test semble corrélé à différents non négligeable après 5 ans [64]. Le développe-
tests explorant différents domaines cognitifs ment d’un test proche du SDMT moins sensible à
atteints dans la SEP. Cependant il n’a pas été réalisé l’effet de pratique pourrait permettre de proposer
de calcul de sensibilité et spécificité par rapport à aux praticiens un outil de dépistage utile en prati-
un diagnostic d’atteinte cognitive. Plus récemment, que quotidienne.

63
Partie III. Troubles cognitifs

Fréquences des troubles selon patients ayant eu un SCI plus de 4 ans après. Ceux
ayant développé une SEP (19) n’avaient pas des
le stade et la forme clinique troubles cognitifs plus marqués que les autres,
sauf pour la mémoire visuelle. Feinstein et al. [72]
Les données sur les corrélations entre l’atteinte ont étudié 42 patients ayant eu une névrite opti-
cognitive et la sévérité de la maladie mesurée sur que. Ils ont observé des anomalies principalement
le handicap physique sont contradictoires mais les chez ceux ayant des lésions cérébrales en IRM
données récentes plaident pour une association touchant la VTI et l’attention (SDMT). Pelosi et al.
entre la sévérité du handicap cognitif et celle du [73] ont observé une atteinte isolée de la mémoire
handicap physique [65–67]. Les études divergent de travail dans une étude consacrée à la mémoire
également sur l’existence d’une corrélation entre chez des patients ayant un SCI médullaire.
durée de la maladie et atteinte cognitive. L’étude Achiron et Barak [74] ont étudié 67 patients en
séminale de Rao et al. [68] n’avait pas observé de moyenne un mois après un SCI suggérant un dia-
corrélation avec la durée de la maladie sur un gnostic de SEP probable et 53,7 % avaient des
échantillon de 100 patients. Une étude réalisée ­anomalies cognitives surtout attentionnelles et
pour établir des courbes des percentiles des résul- verbales. Feuillet et al. [75] ont utilisé une large
tats de la NPSBMS dans une large population de batterie neuropsychologique comprenant la BRB-N,
patients SEP-RR a mis une évidence une corréla- la Wechsler Memory Scale (WMS), le test de
tion modérée mais significative entre 4 scores Grober et Bushke, différents sous-tests de la
(3  issus du test SPART 7/24 et le PASAT 2) et la WAIS, le BNT et le Trail Making Test (TMT) chez
durée de la maladie [69]. Les études aux différents 40 patients moins de 3 mois après leur SCI.
stades de la maladie, détaillées ci-après, permet- Quatre-vingt pour cent d’entre eux avaient des
tent-elles de mieux répondre à cette question ? résultats anormaux à au moins un test et 57 % à
En fait peu d’études ont comparé les différentes deux tests. Les tests pour lesquels les patients SCI
formes évolutives avec une méthodologie unique. avaient le plus souvent des valeurs anormales
Certaines études ont concerné des échantillons étaient le SRT (mémoire verbale) (28 %), la
d’une forme clinique isolée ou d’un stade évolutif mémoire des images (WMS) (28 %), le PASAT
donné. Elles renseignent sur la fréquence et le (25 %), l’empan (23 %) et le TMT (20 %). Les tests
type des troubles selon les formes. les plus perturbés étaient le PASAT, l’empan
endroit et envers (mémoire de travail) et le TMT-B
Syndrome cliniquement isolé (flexibilité). Dans cette étude, les scores du SDMT
et du WLG (fluence) étaient en revanche normaux
Au stade de la première poussée, ou syndrome cli- alors que dans un autre échantillon de 18 patients
nique démyélinisant inaugural (SCI), les troubles SCI étudiés par la même équipe en moyenne
cognitifs peuvent être présents mais sont habi- 8 mois après le début clinique, le seul test anormal
tuellement limités. Les premières études ont sou- de la BRB-N était le WLG [76]. Ces résultats sug-
vent été focalisées sur une fonction et ont parfois gèrent que les atteintes sont parcellaires et hétéro-
testé les patients en poussée. Dans une étude por- gènes à ce stade de la maladie, touchant souvent la
tant sur 30 patients vus dans les 24 mois après les mémoire de travail, l’attention, la VTI et la fluence
symptômes initiaux de la maladie, Lyon-Caen verbale, mais dont les proportions varient selon
et al. [3] ont observé des troubles cognitifs chez l’échantillonnage et le recul par rapport aux
6 parmi 9 patients ayant une névrite optique iso- symptômes initiaux.
lée, dont 5 en poussée. Le bilan comprenait des
tests de mémoire et 3 sous-tests de la WAIS (cubes, SEP rémittentes
similitudes et vocabulaire). Callanan et al. [70]
ont étudié 48 patients ayant un SCI qu’ils ont Une étude contrôlée, utilisant la BRB-N et d’autres
comparé à 46 patients présentant un handicap tests, a concerné un échantillon de patients recru-
moteur non lié à une atteinte du système nerveux tés en population au stade du diagnostic de SEP-RR
central, et ont observé essentiellement des déficits cliniquement certaine (deuxième poussée) [60, 77] :
significatifs pour l’attention visuelle et auditive. 59 % d’entre eux avaient au moins deux scores ou
Feinstein et al. [71] ont réexaminé 35 de ces sous-scores de tests inférieurs au cinquième per-

64
Chapitre 6. Fréquence des troubles cognitifs, évaluation et formes de la maladie

centile des contrôles [60], et 50 % de ces patients étudié jusqu’à récemment. Amato et al. [78] ont
avaient des scores altérés au SDMT. Les deux tests étudié sur le plan cognitif une série de 163 patients
les plus fréquemment atteints après le SDMT avec un EDSS ≤ 3,0 après au moins 15 ans d’évolu-
étaient le PASAT et le Stroop (inhibition), suivis tion depuis le début de leur maladie. Une atteinte
par la mémoire épisodique (SRT) et la conceptua- cognitive significative a été observée dans 45 %
lisation (similitudes). Cette étude suggère qu’à ce des cas, mais aussi une dépression dans 54 % des
stade l’atteinte cognitive est plus étendue, tou- cas, et une fatigue dans 49 % des cas. Ces symptô-
chant principalement deux types de fonctions mes avaient un impact négatif sur l’activité pro-
(fonctions exécutives/attention/mémoire de tra- fessionnelle et les activités sociales. Ces résultats
vail et mémoire épisodique). ont été confirmés avec une définition des formes
Dans le cadre d’une étude multicentrique ita- bénignes plus strictes (EDSS ≤ 2,0).
lienne sur un échantillon de 461 patients ayant La SEP pédiatrique se présente le plus souvent
une forme rémittente (SEP-RR) [67], recrutés dans sous une forme RR. Quelques études récentes ont
des centres spécialisés en excluant les patients concerné les troubles cognitifs des formes pédia-
adressés pour un bilan cognitif, la fréquence des triques [79–81]. Dans une étude de 63 enfants
troubles (au moins deux tests altérés) a été évaluée comparés à 57 contrôles, 31 % des patients
à 31 % en utilisant une batterie composite. échouaient à au moins 3 tests et 53 % à au moins
Quarante-trois pour cent de ces patients présen- 2 tests d’une large batterie [81]. Les fonctions tou-
taient des scores anormaux au SDMT par rapport chées étaient par ordre de fréquence la mémoire,
à des valeurs normatives publiées. Le SDMT était l’attention, les fonctions exécutives puis les fonc-
le test le plus souvent en dessous des normes. tions du langage. Un QI bas était observé plus
Environ un tiers des patients avaient une atteinte souvent que chez les contrôles.
mnésique et environ 20 % une atteinte de la
fluence verbale (COWAT).
Prakash et al. [7] ont réalisé une méta-analyse de
Troubles cognitifs des formes
57 études des troubles cognitifs des SEP-RR progressives
regroupant 3 891 patients en utilisant la méthodo-
Rao et al. [82] avaient montré, dans un groupe de
logie de la taille de l’effet. Ils concluent à une
44 patients en phase progressive, l’existence de
atteinte modérément sévère de la cognition dans
troubles de la mémoire importants chez 9 d’entre
ces formes. Le tableau 6.2 synthétise les résultats
eux. Par la suite, peu d’études ont concerné les
des valeurs des tailles d’effet selon les fonctions
formes progressives en distinguant les formes
étudiées. Les mesures les plus fréquemment réali-
PP et SP et s’il est maintenant bien établi qu’elles
sées concernent la mémoire et les fonctions atten-
sont fréquemment associées à des troubles cogni-
tionnelles, qui sont également celles pour lesquelles
tifs, la fréquence relative de ces troubles dans les
la taille de l’effet mesuré est la plus élevée.
différentes formes reste mal connue.
Globalement, le niveau de handicap (EDSS) et la
Deux études ont comparé la fréquence des trou-
durée de la maladie n’étaient pas corrélés à une
bles cognitifs des formes progressives avec les for-
atteinte cognitive plus sévère dans ces formes de
mes rémittentes et tendent à montrer une atteinte
SEP-RR, mais l’atteinte de la mémoire était plus
plus sévère dans les premières. L’étude de Gaudino
sévère dans les formes les plus anciennes et les
et al. [83] qui portait sur la mémoire chez 21
plus évoluées.
SEP-RR, 18 SEP-PP et 25 SEP-SP avait montré une
Ces études sur les SCI et les formes RR montrent atteinte plus fréquente dans les formes progressi-
une atteinte plus étendue dans ces dernières que ves. Une plus grande étude a comparé avec la
dans les SCI mais l’existence d’une corrélation BRB-N les deux formes progressives et la forme
modeste avec la durée de la maladie une fois le stade R [65] : 108 patients SEP-RR, 71 SEP-SP, 55 SEP-PP
rémittent atteint laisse supposer qu’un certain état et 67 sujets contrôles non appariés étaient étudiés.
de plateau a été atteint. L’apport des études longitu- Par rapport aux contrôles, les performances
dinales à cette question est abordé plus loin. cognitives des patients SEP-R étaient déficientes
Les formes bénignes représentent un sous-groupe pour le SDMT, le SPART (mémoire visuospatiale)
particulier des formes rémittentes qui a été peu et le WLG alors qu’elles étaient anormales à tous

65
Partie III. Troubles cognitifs

les tests dans les formes SP et PP, même si elles deux groupes cliniques étaient significativement
prédominaient sur les 3 mêmes tests que les for- différents en âge, sexe et handicap, les patients SP
mes R (SDMT, SPART et WLG). Globalement, étant plus jeunes et moins handicapés. L’étude de
les patients PP et SP avaient des performances Wachowius et al. [86] qui a comparé 36 patients
inférieures aux patients SEP-RR sauf en ce qui SEP-PP, 85 patients SEP-SP et 40 sujets contrôles
concerne la fluence verbale (WLG), qui était plus sains à l’aide d’une batterie différente a, au
altérée dans les formes R que dans les formes PP. contraire, mis en évidence des troubles plus fré-
Bien évidemment les patients ayant une SEP pro- quents dans la forme PP pour un test de mémoire
gressive étaient plus âgés que les patients SEP-RR, (auditory verbal learning test) et un test de fluence
ce qui peut influencer les résultats. On peut cepen- verbale (COWAT). Les pourcentages de patients
dant retenir de ces études que l’évolution de la cognitivement atteints (au moins deux tests anor-
maladie de la forme R vers la forme SP s’accompa- maux) étaient respectivement de 50 % et 36,5 %
gne d’une extension des troubles cognitifs. dans les formes PP et SP. Dans cette étude, les
Quelques études ont comparé l’atteinte des diffé- patients SP et PP ne différaient pas selon l’âge, le
rentes formes progressives avec des résultats sexe, le niveau d’éducation et le niveau de handi-
contradictoires. Comi et al. [84] avaient mis en cap mais son effectif était plus limité que dans
évidence une atteinte cognitive plus fréquente l’étude de Huijbregts et al. [65].
chez les patients SP (53 %) comparativement aux L’étude qui a étudié sur le plan cognitif l’échan-
patients PP (7 %), mais cette étude était limitée tillon le plus important de patients ayant une
par la taille de l’échantillon (14 PP et 17 SP). Deux SEP-PP a été l’étude multicentrique européenne
autres études [83, 85], qui comportaient des effec- MAGNIMS [87, 88], qui a analysé un échantillon
tifs limités, n’avaient observé que peu de différen- de 191 patients ayant une forme PP ou transition-
ces entre les formes SP et PP. Dans l’étude de nelle progressive (TP), dont 63 ont été appariés à
Huijbregts et al. [65], les patients SP avaient des des sujets contrôles. Tous les sujets ont passé
performances inférieures aux patients PP pour le la BRB-N et le VESPAR (Verbal and Spatial
SPART et le WLG, alors que les patients de ces Reasoning test). Parmi ces derniers, 28,6 % avaient
des performances inférieures à deux déviations
standard (DS) des témoins appariés à plus de deux
Tableau 6.2 tests et 42,9 % avaient des scores inférieurs à 2 DS
Taille de l’effet (g) des différents domaines des contrôles au SDMT. Ces pourcentages sem-
cognitifs d’après une méta-analyse à partir blent plus faibles que dans les études ayant utilisé
de 57 études dans les SEP-R [4] la BRB-N dans les formes SEP-RR alors que l’âge
Domaine (nombre g (IC 95 %) des patients étudiés dans ces dernières études était
de mesures) plus bas. Les tests les plus fréquemment anormaux
Capacité cognitive – 0,539 (– 0,610– 0,467) dans les formes PP/TP étaient le SDMT, le PASAT
générale (QI, tests et le VESPAR, un test de raisonnement spatial
globaux) (35) puis le SRT (rappel différé), suggérant que les
Attention et fonctions – 0,555 (– 0,588– 0,522) domaines atteints sont comparables à ceux des
exécutives (237) formes R. Il est intéressant de noter qu’aucune dif-
férence n’a été notée pour les tests cognitifs entres
Perception visuelle – 0,440 (– 0,552– 0,328)
et auditive (15) les formes PP et les formes TP, qui ne différaient
pas significativement en âge, sexe et handicap.
Mémoire (215) – 0,607 (– 0,636– 0,577)
Ces dernières sont caractérisées par un épisode
Fonctions verbales – 0,442 (– 0,496– 0,388) unique inaugural de poussée, suivi, le plus sou-
et langage (64) vent à distance, par une phase progressive très
Capacités constructives – 0,529 (– 0,613– 0,444) comparable à celles des formes PP [89]. Ces for-
(24) mes TP constituent ainsi un état intermédiaire
Raisonnement, – 0,310 (– 0,355– 0,264) entre les formes PP et SP. L’absence de différence
Conceptualisation (68) entre ces formes sur le plan cognitif plaide pour
Petits effets : 0,1–0,3 ; effets moyens : 0,4–0,6 ; grands effets : une atteinte assez comparable entre les différentes
> 0,7. IC 95 % : intervalle de confiance à 95 %. formes progressives. La question de la fréquence

66
Chapitre 6. Fréquence des troubles cognitifs, évaluation et formes de la maladie

relative des troubles cognitifs entre les différentes [12] Leocani L, Comi E, Annovazzi P, Rovaris M, Rossi P,
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69
Partie III. Troubles cognitifs

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70
Évolution des capacités Chapitre  7
cognitives : les études
longitudinales
Gilles Defer, Maeva Camus

L’histoire naturelle des troubles cognitifs dans la


sclérose en plaques (SEP) est assez peu renseignée
Évolution des troubles cognitifs
du fait de la faible comparabilité des études longi-
Études rapportant une stabilité
tudinales qui sont, de plus, rarement menées dès le
début de la maladie et souvent effectuées auprès de ou une amélioration
patients recevant des traitements. Ces études doi- des performances
vent permettre de répondre à certaines interroga-
Plusieurs études ne mettent en évidence aucun
tions relatives à l’évolution de la SEP sur le plan
déclin cognitif et montrent plutôt une stabilité des
cognitif. Selon les travaux, on observe une stabilité
performances au cours du suivi. La plupart de ces
des performances cognitives ou au contraire un
études ont été réalisées auprès de patients atteints
déclin de celles-ci au cours de la maladie. Nous
de SEP-RR, connus pour présenter une atteinte
verrons comment peuvent s’expliquer ces différen-
moindre sur le plan cognitif comparativement
ces de résultats. Le premier chapitre de cette partie
aux formes progressives.
(p. 59) propose une description de la nature des
troubles cognitifs en fonction des formes de la Des données récentes rejoignent les conclusions
maladie. Une des questions qui en découle est de de travaux plus anciens, comme ceux de Patti
savoir si ces troubles évoluent de la même façon et al. [1] et de Mariani et al. [2], qui n’ont retrouvé
dans les formes rémittentes (RR), les formes secon- aucune détérioration cognitive respectivement à
dairement progressives (SP) et les formes progres- 3 ans et à 2 ans de suivi dans un groupe de patients
sives primaires (PP). Par ailleurs, l’évolution des atteints de SEP-RR.
performances cognitives est souvent mise en rela- Bonnet et al. [3] ont réalisé un suivi sur 3 ans de
tion avec d’autres paramètres comme l’atteinte 57 patients atteints de SEP-RR (diagnostic ≤ 6 mois),
cognitive initiale, la sévérité du handicap physi- et 43 patients ont pu être appariés à 43 sujets
que, l’âge, la durée de la maladie ou encore les don- contrôles. À l’inclusion, les patients atteints de
nées de l’imagerie. Ces différentes variables SEP-RR étaient significativement déficitaires par
peuvent-elles être considérées comme des facteurs rapport aux sujets contrôles dans différents tests
prédictifs de l’évolution des troubles cognitifs ? évaluant la mémoire épisodique verbale (Selective
Enfin, les études longitudinales restent difficiles à Reminding Test, ou SRT) et visuospatiale (Spatial
mener d’un point de vue méthodologique. Nous Recall Test, ou SPART), l’attention soutenue, la
détaillerons quelles sont les principales difficultés vitesse de traitement de l’information et la
rencontrées dans ces études. Les différentes don- mémoire de travail (SDMT, PASAT-2s et 3s), les
nées issues des travaux rapportés dans ce chapitre capacités d’inhibition (test de Stroop) et la concep-
seront discutées pour tenter de répondre plus spé- tualisation (subtest similitudes de la WAIS-R).
cifiquement à chacune des questions posées. Pour la plupart des tests, les performances des

71
Partie III. Troubles cognitifs

patients s’étaient améliorées à 3 ans par rapport à rence ­significative n’a été retrouvée entre les per-
leurs performances initiales ; elles restaient néan- formances à l’inclusion et celles à 1 an et à 2 ans
moins inférieures à celles des sujets contrôles pour ainsi qu’entre les évaluations à 1 an et à 2 ans.
certains tests (SDMT, PASAT-2s, Stroop, similitu- Néanmoins, après analyse des profils individuels,
des). Dans une autre étude (16 SEP-RR/20 sujets environ 1/3 des patients présentaient un déclin
contrôles), Bensa et al. [4] ont également montré cognitif.
une amélioration significative de certaines per- Dans une étude déjà ancienne mais originale,
formances (mémoire épisodique, attention/vitesse Feinstein et al. [11] avaient réalisé un suivi cognitif
de traitement de l’information, fonctions exécuti- de plus de 4 ans chez 48 patients présentant une
ves) entre l’évaluation à l’inclusion et celle à 1 an manifestation clinique isolée initiale (SCI : syn-
et à 2 ans. Jonsson et al. [5] ont réalisé un suivi drome cliniquement isolé). À la fin du suivi,
pendant environ 4 ans de 80 patients, essentielle- 35 patients avaient pu être réévalués (19 avaient
ment des patients atteints de SEP-RR (75 RR, 3 PP, développé une SEP cliniquement définie ; 16 pré-
2 SP), ayant une maladie débutante (diagnostic sentaient toujours un SCI). Sur l’ensemble du
inférieur à 1 an) et de 75 sujets contrôles. Lors de groupe de patients, une stabilité globale des per-
la dernière évaluation, seuls 64 patients ont pu formances avait été observée à la fin du suivi,
être réévalués (55 RR, 3 PP, 6 SP). Sur la base d’une exceptée pour une épreuve de reconnaissance des
analyse factorielle exploratoire, les auteurs ont visages (Recognition Memory Test [12]). Une
regroupé en 7 grands domaines cognitifs les récente publication de Kappos et al. [13] présente
mesures aux différents tests neuropsychologi- les résultats d’un suivi de 3 ans en ouvert, après
ques. Initialement, les patients étaient significati- une phase en double aveugle de 2 ans, d’un essai
vement déficitaires dans six des sept domaines thérapeutique évaluant l’effet de l’interféron β-1b
cognitifs et à la fin du suivi ils ne l’étaient plus que en sous-cutané (étude BENEFIT) sur le passage en
dans deux (dénomination et organisation visuelle), SEP cliniquement définie dans les SCI. En plus des
du fait de l’amélioration de leurs performances résultats cliniques favorables, l’étude a montré un
dans les autres domaines. À l’inclusion, 44 à 48 % effet positif du traitement précoce sur les perfor-
des patients avaient des troubles cognitifs (pro- mances au PASAT à 5 ans, comparativement au
portion qui différait selon si on considérait le traitement instauré plus tardivement (groupe pla-
nombre de domaines cognitifs touchés ou le nom- cebo). Il s’agissait d’une amélioration plus impor-
bre de tests échoués) alors que 4 ans plus tard seuls tante (due à un effet de pratique) dans le groupe
33 à 34 % présentaient de tels troubles. Weinstein traité tôt comparativement au groupe traité secon-
et al. [6] ont rapporté les résultats d’une étude dairement à la fin de la phase en double aveugle.
ancillaire sur la cognition d’un essai de phase III Les mécanismes de cette amélioration sont discu-
évaluant l’effet thérapeutique de l’acétate de glati- tés dans le chapitre 18 de la partie V (p. 181). À
ramère (AG) [7]. Les auteurs ont constaté que le noter que seul ce critère cognitif du score compo-
groupe placebo et le groupe de patients sous AG (n site du MSFC était significativement différent entre
= 248 SEP-RR) présentaient tous deux une aug- les groupes à la fin de l’étude.
mentation significative de leurs performances
L’étude de Sperling et al. [14] a quant à elle été réa-
(SRT, SPART 10/36, PASAT) entre l’évaluation à
lisée auprès d’une population hétérogène de
l’inclusion et celle à 1 an et à 2 ans. Ces auteurs ont
28 patients atteints de SEP (15 RR, 13 formes pro-
par la suite rapporté les résultats du suivi à 10 ans,
gressives) et de 28 sujets contrôles. Les auteurs
qui correspond à la phase d’extension en ouvert
n’ont constaté aucune évolution significative des
de ce protocole [8] (voir infra).
performances aux tests neuropsychologiques à
Des résultats similaires ont également pu être 1 an. À 4 ans de suivi, le déclin ne concernait que
constatés dans une population de patients atteints le rappel différé du SRT.
de SEP-PP. Camp et al. [9] ont réalisé une étude
auprès de 147 patients atteints de SEP-PP, dont 99 Plusieurs explications peuvent être proposées
ont pu être suivis sur 2 ans, dans laquelle les fonc- pour interpréter ces résultats.
tions cognitives ont principalement été évaluées La stabilité des performances chez les patients lors
avec la BRB-N (Brief Repeatable Battery of du suivi est interprétée par certains auteurs
Neuropsychological Tests [10]). Aucune diffé- (notamment Huijbregts et al. [15]) comme le signe

72
Chapitre 7. Évolution des capacités cognitives : les études longitudinales

d’un déclin si, en parallèle, les sujets du groupe l’évolution de la maladie (durée moyenne de la
contrôle améliorent leurs performances suite à un maladie : 1,58 ± 1,62 ans). Après 4 ans de suivi, les
effet de pratique. auteurs ont montré que les déficits cognitifs ini-
Par ailleurs, la stabilité observée dans plusieurs tiaux concernant la mémoire épisodique verbale
études pourrait également être la conséquence des et les capacités de raisonnement abstrait [20]
effets de la variabilité interindividuelle. Les conclu- étaient toujours présents et que de nouveaux défi-
sions de ces études longitudinales reposent sur des cits concernant la compréhension orale (Token
données de groupe. Ainsi, la stabilité ou l’améliora- test) et une épreuve de fluence verbale catégorielle
tion des performances de certains patients lors du (Set Test d’Isaacs) étaient observés. À 10 ans, les
suivi pourraient masquer l’aggravation des perfor- patients se distinguaient des contrôles pour les
mances d’autres patients dans l’analyse de groupe. mêmes tests que lors du suivi à 4 ans mais présen-
Cette variabilité dans l’évolution des performances taient également une réduction des capacités en
cognitives a été soulignée par plusieurs auteurs mémoire à court terme verbale et visuospatiale
[9, 16–18], qui ont constaté que selon les patients les [21]. Plus récemment, Bergendal et al. [22] ont
scores restent stables, s’améliorent ou se détériorent réalisé une étude auprès de 31 patients atteints de
au cours du suivi. Pour exemple, dans l’étude de SEP (10 RR, 17 SP, 4 PP ; à la fin du suivi, 5 RR
Amato et al. [17] réalisée auprès de 28 patients étaient passés en forme SP) et ont mis en évidence
atteints de SEP-RR (41 avaient été initialement une altération significative de certaines capacités
inclus), il a été montré qu’après 2,5 ans, 43 % des entre l’inclusion et une évaluation réalisée à 8 ans.
patients se détérioraient, 39 % restaient stables et Celle-ci concernait les capacités visuoconstructi-
18 % s’amélioraient. Dans la pratique clinique, il ne ves (copie de la figure de Rey), la mémoire à court
faut donc pas négliger l’analyse des profils indivi- terme visuospatiale (blocs de Corsi), la vitesse de
duels puisque chaque patient est susceptible d’évo- traitement de l’information (temps de réaction
luer différemment sur le plan cognitif. visuel) et la vitesse motrice de la main droite.
D’autres travaux ont été menés auprès de groupes
Certains auteurs [9, 19] ont souligné que les sujets
homogènes de patients, présentant tous la même
qui sortaient prématurément de leurs études
forme évolutive de la maladie. Certains ont été
étaient ceux qui étaient le plus détériorés sur le
réalisés auprès de patients présentant une forme
plan cognitif, ce qui pourrait avoir pour consé-
RR de SEP. Une étude effectuée auprès de
quence de minimiser le déclin observé au fil du
12 patients atteints de SEP-RR (échantillon initial
temps. Lors du suivi, cela réduirait la différence
de 32 patients) a montré qu’après 8,5 ans, il existait
entre les performances des patients et celles des
une aggravation significative concernant le coeffi-
sujets contrôles. Ce biais d’attrition implique une
cient de détérioration calculé à partir des notes
mauvaise estimation de l’évolution des capacités
obtenues à la WAIS et les performances en
cognitives et limite la portée des conclusions pou-
mémoire épisodique verbale [23]. L’étude de
vant être tirées des résultats de ces études.
Schwid et al. [8] a également été réalisée chez des
patients atteints de SEP-RR. Cette étude ancillaire
Études rapportant une sur la cognition correspond à la phase d’extension
aggravation des performances en ouvert d’un essai de phase III évaluant initiale-
ment l’effet thérapeutique de l’AG. Elle a porté sur
Dans d’autres études, un déclin cognitif a pu être 153 des 248 patients ayant initialement été inclus,
mis en évidence dans toutes les formes de SEP et 106 d’entre eux étaient toujours traités par l’AG
étudiées isolément. Toutefois, certaines d’entre et 47 par divers autres traitements suite à leur sor-
elles ont été réalisées sur des groupes hétérogènes, tie de l’étude pivot. À 10 ans, il a été observé un
constitués de patients atteints des différentes for- déclin significatif des performances aux tests d’at-
mes évolutives de SEP. tention, de vitesse de traitement de l’information
Amato et al. [20, 21] ont réalisé un suivi sur 10 ans et de mémoire de travail (SDMT, PASAT-2s/3s),
de 50 patients atteints de SEP (44 RR, 6  PP) et de qui n’était pas présent à 2 ans de suivi [6].
70 sujets contrôles. À la fin du suivi, 45 patients Enfin, quelques études ont été réalisées auprès de
(26 RR, 5 PP, 14 SP) et 65 sujets contrôles ont été patients présentant une forme progressive de SEP.
réévalués. Les patients ont été inclus tôt dans Dans une étude de 1998, Patti et al. [1] ont constaté

73
Partie III. Troubles cognitifs

une réduction des capacités en mémoire à court atteinte cognitive plus sévère. Cela indique, sans
terme verbale chez les patients atteints de SEP-SP surprise, que la comorbidité neurologique aug-
(n = 34) à 3 ans. Plus récemment, Huijbregts et al. menterait la sévérité des troubles tandis que la
[15] ont réalisé un suivi sur 2 ans de 55 patients seule comorbidité psychiatrique n’aurait pas cet
présentant une forme progressive (30 SP, 25 PP) et effet. Par ailleurs, un déclin cognitif au cours du
de 33 sujets contrôles. Le profil d’évolution des suivi a été observé chez les SEP-psy et chez les
performances sur cette période distinguait de SEP-psy-neuro.
façon significative les patients atteints de SEP-PP En résumé, alors que certains travaux rendent
des sujets contrôles pour le SDMT et le PASAT-2s compte d’une stabilité des performances, d’autres
et 3s, tandis que les patients atteints de SEP-SP ne rapportent un déclin de celles-ci. Ces résultats
se distinguaient des contrôles que pour le SDMT. peuvent être expliqués par des différences dans les
Ces différences étaient attribuables au fait que populations respectivement étudiées ainsi que
contrairement aux patients les performances des dans la durée du suivi. Les études les plus à même
sujets contrôles s’étaient améliorées à 2 ans, lais- de rendre compte de l’évolution réelle des perfor-
sant suggérer l’existence d’un déclin cognitif chez mances cognitives sont celles qui sont réalisées
les premiers. Denney et al. [19] ont comparé sur une longue période et qui permettent un suivi
24 patients atteints de SEP-PP à 25 sujets contrôles des patients dès le début de leur maladie. On
lors d’un suivi sur 3 ans (au début de l’étude, remarque que globalement les travaux ayant mon-
33 patients et 31 sujets contrôles avaient été inclus). tré une stabilité ou une amélioration des perfor-
Après réalisation d’une analyse factorielle, ils ont mances n’ont réalisé un suivi que de quelques
retrouvé un déclin cognitif significatif chez les années ; un suivi plus long aurait probablement
patients atteints de SEP par rapport aux sujets permis de mettre en évidence un déclin. De plus,
contrôles pour le facteur vitesse de traitement de certains de ces travaux ont été réalisés auprès de
l’information. patients récemment diagnostiqués [3, 5], ce qui
Tous ces travaux ont été réalisés auprès de patients rend sans doute encore plus difficile la mise en
assez jeunes, en ambulatoire. Il y a peu de données évidence d’un déclin significatif.
sur les personnes vivant en institution. À notre Globalement, les résultats de ces études suggèrent
connaissance, seules deux études récentes se sont que le déclin de certaines performances est plus
attachées à étudier la cognition de personnes facilement mis en évidence lors de suivis assez
atteintes de SEP plus âgées, résidant en maison de longs (8–10 ans). Au vu des résultats de la littéra-
retraite [24, 25]. Buchanan et al. [24] ont réalisé ture, le déclin serait principalement caractérisé
leur étude auprès de 1 309 résidents atteints de dans toutes les formes de SEP (RR, SP, PP) par une
SEP (âge = 57 ± 13,5 ans) et ont retrouvé une dété- altération des capacités d’attention soutenue, de la
rioration des performances cognitives significa- vitesse de traitement de l’information et par une
tive 1 an après leur entrée en institution. Dans une réduction des capacités en mémoire à court terme
autre étude, Demakis et al. [25] ont étudié 924 verbale et visuospatiale. Les données actuelles
patients (âge = 57,5 ± 13,5 ans) répartis en quatre sont toutefois insuffisantes pour caractériser pré-
sous-groupes : SEP isolée (SEP, n = 121), SEP avec cisément la pente du déclin en fonction des diffé-
au moins une autre pathologie neurologique (SEP- rentes formes de la maladie.
neuro, n = 169), SEP avec au moins un trouble
psychiatrique (SEP-psy, n = 269), SEP accompa-
gnée à la fois d’au moins un trouble neurologique
et d’au moins un trouble psychiatrique (SEP-psy- Recherche de facteurs prédictifs
neuro, n = 365). Les patients ont été évalués lors de du déclin cognitif
l’entrée en institution puis de façon annuelle pen-
dant 3 ans, avec la MDS-Cognition Scale [26], qui Comme nous venons de le voir, plusieurs études
permet de définir différents degrés d’atteinte rapportent un déclin cognitif au cours du suivi
cognitive. Toutes évaluations confondues, les SEP- chez les patients atteints de SEP. Certaines d’en-
neuro et les SEP-psy-neuro avaient de façon signi- tre elles ont cherché à identifier quels pourraient
ficative un score plus élevé à la MDS-Cognition être les facteurs prédictifs de ce déclin. Des fac-
Scale que les SEP et les SEP-psy, témoignant d’une teurs potentiels comme l’atteinte cognitive

74
Chapitre 7. Évolution des capacités cognitives : les études longitudinales

i­ nitiale, la sévérité du handicap, l’âge, la durée de significative. Denney et al. [19] ont comparé
la maladie ou encore les paramètres d’imagerie 24 patients atteints de SEP-PP à 25 sujets contrôles
ont été étudiés. lors d’un suivi sur 3 ans. À l’inclusion, les patients
considérés comme SEP-d étaient significative-
Performances cognitives ment moins performants que les patients SEP-p
initiales et déclin cognitif pour les facteurs vitesse de traitement de l’infor-
mation et mémoire verbale. De façon significative,
L’étude de Kujala et al. [16] est la première à avoir les performances des deux groupes de patients ont
mis en relation l’atteinte cognitive initiale (préser- décliné au cours du suivi pour le facteur vitesse de
vation versus détérioration) avec l’évolution des traitement mais se sont améliorées pour le facteur
performances dans le temps. Les auteurs ont réa- mémoire verbale. Cependant, il n’existait aucune
lisé un suivi sur 3 ans de 42 patients atteints de différence significative entre les patients SEP-d et
SEP (RR, SP et PP ; 9 RR sont devenus SP au cours les patients SEP-p concernant cette évolution des
du suivi) et de 34 sujets contrôles. Pour savoir si performances cognitives. Dans une autre étude de
les déficits initiaux pouvaient prédire le déclin, Duque et al. [28], réalisée auprès de 44 patients
deux groupes de patients ont été constitués à l’in- (15 SCI, 21 RR, 4 SP, 4 PP), dont 39 ont pu être
clusion à partir de leurs performances à différents rééva­lués à la fin du suivi (6 SCI, 22 RR, 7 SP, 4 PP),
tests : un groupe de patients préservés sur le plan et de 25 sujets contrôles, un déclin des performan-
cognitif (SEP-p, n = 20) et un groupe de patients ces en mémoire épisodique verbale (SRT) a été
légèrement détériorés (SEP-d, n = 22). À 3 ans, les retrouvé à 2 ans chez les patients quel que soit leur
patients SEP-d présentaient une aggravation statut cognitif à l’inclusion (SEP-d et SEP-p).
significative de leurs performances cognitives De ces études aux résultats parfois contradictoi-
comparativement aux patients SEP-p et aux sujets res, il apparaît d’une part que l’existence d’une
contrôles. Pour les auteurs, ces résultats indique- atteinte cognitive initiale serait plutôt prédictive
raient que l’absence initiale de trouble cognitif d’une détérioration secondaire mais que, d’autre
chez ces patients serait prédictive d’une préserva- part, ce type de prédiction n’est pas forcément
tion cognitive ultérieure alors que la présence ini- applicable à l’échelon individuel.
tiale de troubles cognitifs représenterait un facteur
de risque de détérioration des performances. Plus
récemment, Rosti et al. [27] ont retrouvé des résul-
Autres facteurs pouvant être
tats similaires en utilisant le PASAT-3s auprès de associés au déclin cognitif
patients atteints de SEP-RR lors d’un suivi à 1 an.
Ils ont également constitué des sous-groupes de
Sévérité du handicap physique
patients (SEP-d et SEP-p) selon leurs performan- et nombre de poussées
ces à l’inclusion. Entre la première et la seconde La sévérité du handicap physique, évaluée par
évaluation, la performance des patients SEP-d se l’EDSS (Expanded Disability Status Scale [29]),
détériorait alors que celles des patients SEP-p et fait partie des facteurs ayant été décrits comme
des sujets contrôles s’amélioraient. Dans une autre prédictifs du déclin cognitif. Dans leur étude réa-
étude récente, Bergendal et al. [22], lors d’un suivi lisée auprès de patients atteints de SEP-RR,
à 8 ans de patients atteints de SEP (RR, SP, PP), ont Schwid et al. [8] ont constaté que plus le score à
également constaté que les patients avec des défi- l’EDSS était élevé à l’inclusion et plus le déclin
cits mineurs à l’inclusion étaient moins sujets au cognitif était important à 10 ans, mais cela unique-
déclin cognitif que ceux ayant des déficits ment pour certains tests (SPART 10/36, SDMT,
majeurs. PASAT-3s). Cette étude rapporte également des
À l’inverse, dans l’étude de Schwid et al. [8], les résultats concernant le lien entre l’évolution du
auteurs observaient que le déclin des performan- score à l’EDSS ou du nombre de poussées et l’évo-
ces à 10 ans était plus marqué pour les patients lution des performances cognitives. En effet,
atteints de SEP-RR ayant de meilleures perfor- l’augmentation du nombre de poussées et du score
mances à l’inclusion. En revanche, l’évolution des EDSS au cours du suivi était associée de façon
performances cognitives les deux premières significative avec le déclin cognitif à 10 ans, mais
années était prédictive de celle à 10 ans de façon seulement pour certaines fonctions cognitives.

75
Partie III. Troubles cognitifs

Dans l’étude de Duque et al. [28], les patients exprimées en percentiles montrant l’évolution au
avaient été classés en sous-groupes, d’une part fil du temps des performances cognitives chez les
selon la présence ou non de poussées durant les patients atteints de SEP. Grâce à ces courbes, il
2 ans de suivi, d’autre part selon l’augmentation serait possible de savoir à quel moment dans
ou non du score à l’EDSS. Quelles que soient ces l’évolution de la ­maladie certaines performances
conditions, il existait un déclin des performances déclinent. L’évaluation cognitive a été réalisée
au SRT à 2 ans, laissant suggérer aux auteurs que avec la NPSBMS (Neuropsychological Screening
ni le nombre de poussées ni les variations du score Battery for Multiple Sclerosis [31]). Il a été montré
à l’EDSS n’étaient associés à l’évolution de ces que la durée de la maladie était significativement
performances. Néanmoins, les auteurs avaient corrélée au PASAT-2s (attention soutenue/
constaté que seuls les patients dont le score EDSS mémoire de travail/vitesse de traitement de l’in-
avait augmenté présentaient un déclin des perfor- formation) et à trois mesures du SPART 7/24
mances au SDMT. (mémoire épisodique visuospatiale). Ces tests ont
D’autres travaux comme celui de Kujala et al. [16] donc été utilisés pour construire les courbes. Les
n’ont pas retrouvé de corrélation significative auteurs ont analysé le délai de survenue du déclin
entre l’évolution du score à l’EDSS au cours du pour chaque test : les performances concernant le
suivi et les modifications de l’atteinte cognitive. nombre total de bonnes réponses aux essais
1–5 du SPART étaient déficitaires précocement
Au total, peu de données sont disponibles concer-
dès 1 à 3 ans de maladie. Le déclin concernant le
nant la valeur prédictive du score EDSS et/ou des
nombre de bonnes réponses en rappel différé du
poussées à l’inclusion sur l’évolution des perfor-
SPART était observé entre la 3e et la 7e année de
mances. Il semble donc difficile de savoir si le
maladie, suivi du déclin au PASAT-2s qui appa-
niveau initial du handicap pourrait être un fac-
raissait après 7 ans d’évolution.
teur prédictif du déclin cognitif. De plus, seule
l’évolution de certaines capacités cognitives pour-
rait être prédite par le score EDSS, de même que Paramètres d’imagerie
par le nombre de poussées. Des travaux complé-
Les liens existant entre les paramètres d’imagerie
mentaires seront nécessaires pour répondre à ces
et les troubles cognitifs sont exposés dans la
questions.
­partie IV (p. 145). Les données de l’imagerie sem-
blent également pouvoir être associées à l’évolu-
Âge et durée de la maladie tion des capacités cognitives. Certaines données
de l’IRM permettraient de prédire quels sont les
On remarque que la majorité des études longitudi- patients qui vont présenter un déclin cognitif.
nales sont menées auprès de patients plus ou moins Dans l’étude de Hohol et al. [32], l’augmentation
jeunes selon la forme de maladie. Néanmoins, du volume lésionnel total à 1 an était significative-
l’âge des patients est probablement un facteur sus- ment plus importante chez les patients qui
ceptible d’influencer les performances. Dans leur s’étaient détériorés sur le plan cognitif (n = 4) que
étude, Bergendal et al. [22] ont signalé que les chez les patients qui étaient restés stables (n = 21)
patients plus âgés présentaient un déclin cognitif ou qui s’étaient améliorés (n = 19). À l’inclusion,
significativement plus important que les sujets ces 4 patients avaient également une atrophie
plus jeunes et qu’une liaison existait entre le déclin cérébrale significativement plus importante que
des performances et l’âge, malheureusement sans les 2 autres groupes de patyients. Camp et al. [9]
présenter de façon précise et statistiquement docu- ont également retrouvé une corrélation entre cer-
mentée ces résultats. tains paramètres de l’imagerie et l’atteinte cogni-
Concernant l’aspect prédictif de la durée de la tive dans un groupe de patients SEP-PP. Les
maladie (estimée à partir de la date du diagnostic patients ayant les moins bons paramètres d’ima-
ou de la date des premiers symptômes), une gerie à l’inclusion (volume cérébral, hypo-inten-
équipe a cherché à déterminer à quel moment sité en T1, charge lésionnelle en T2) étaient
dans l’évolution de la maladie certaines capacités significativement moins performants à certaines
cognitives vont être amenées à décliner. Ainsi, tâches cognitives à 2 ans que ceux dont l’atteinte
Achiron et al. [30] ont construit des courbes en imagerie était moins sévère. Pour les auteurs,

76
Chapitre 7. Évolution des capacités cognitives : les études longitudinales

ces résultats pourraient suggérer que l’importance


de l’atteinte cérébrale initiale serait prédictive de
Difficultés méthodologiques
la détérioration cognitive au cours du suivi. Plus liées aux études longitudinales
récemment, Deloire et al. [33] ont réalisé un suivi
sur 5 ans de 46 patients atteints de SEP-RR de dia- L’analyse des études longitudinales rapportées
gnostic récent. Une évaluation cognitive a été dans les paragraphes précédents révèle des résul-
effectuée à l’inclusion puis à 1, 2 et 5 ans et diffé- tats souvent divergents. Cependant, cette diver-
rents paramètres d’imagerie ont été recueillis à gence peut s’expliquer par l’emploi de procédures
l’inclusion et à 2 ans. Le principal paramètre méthodologiques différentes mais aussi par des
d’imagerie prédictif de la détérioration des per- difficultés propres à ces études, notamment l’effet
formances aux tests évaluant l’attention et la de pratique.
vitesse de traitement de l’information était la pro-
Comme nous l’avons vu précédemment, on
gression de l’atrophie cérébrale centrale (variation
observe selon les études de grandes différences
de la fraction ventriculaire) durant les deux pre-
dans la durée du suivi, la taille des échantillons et
mières années après le diagnostic. Summers et al.
les tests utilisés. Cela rend les résultats des diver-
[34] ont recherché quels étaient les paramètres à
ses études difficilement comparables. On constate
l’IRM prédictifs de l’émergence de troubles cogni-
également que les variables cliniques des patients
tifs à environ 5 ans chez 30 patients atteints de
diffèrent : les variables émotionnelles, l’âge moyen,
SEP-RR. Un taux d’atrophie cérébrale globale
la sévérité du handicap, la durée de la maladie, les
élevé, un volume lésionnel élevé sur les séquences
formes évolutives, le niveau de détérioration
pondérées en T1 et une baisse du taux de transfert
cognitive initial ou encore le niveau d’éducation.
d’aimantation dans la substance blanche d’appa-
Nous avons vu que certaines de ces variables
rence normale (SBAN) à l’inclusion étaient asso-
pourraient être associées à l’évolution des perfor-
ciés à de moins bonnes performances cognitives
mances cognitives.
5 ans après. Dans un autre travail, Summers et al.
[35] ont recherché dans une population de patients L’âge moyen des patients inclus dans les études
présentant un SCI (n = 62) quels étaient les para- diffère selon les formes de SEP (SEP-RR générale-
mètres d’imagerie à l’inclusion qui prédisaient les ment plus jeunes que SEP-SP ou PP), ce qui repré-
performances cognitives à 7 ans. À la fin de sente une difficulté supplémentaire pour pouvoir
l’étude, 37 des 62 patients présentaient une SEP. comparer l’évolution des troubles cognitifs. Par
Le nombre de lésions et le volume lésionnel sur les ailleurs, les patients atteints de SEP-PP et de
séquences pondérées en T1, les nouvelles lésions SEP-SP ont souvent une durée de maladie plus
sur les séquences pondérées en T2 (à 3 mois de longue que les patients atteints de SEP-RR, dont la
l’inclusion) ainsi que le nombre de lésions prenant durée de maladie à l’inclusion est généralement
le gadolinium étaient les principaux paramètres en moyenne inférieure. Dans ce type d’étude, il
d’imagerie qui prédisaient l’altération des capaci- faudrait privilégier des groupes homogènes de
tés cognitives 7 ans après. Les auteurs ont souligné patients en termes d’âge, de forme et de durée de
la limite de ces deux études, à savoir l’absence maladie. Idéalement, le suivi devrait être réalisé
d’évaluation cognitive à l’inclusion, qui aurait pu dès le début de la maladie car lorsque le diagnostic
permettre de préciser si les déficits étaient déjà ou les premiers symptômes remontent à plusieurs
présents initialement et d’évaluer leur progres- années au moment de l’inclusion des patients
sion en lien avec l’évolution des paramètres dans une étude, le déclin cognitif peut avoir déjà
d’IRM. débuté et ainsi ne plus être décelable de façon
Il existerait ainsi différents paramètres d’imagerie significative par la suite. C’est pourquoi plusieurs
(atrophie cérébrale, volume lésionnel, taux de études longitudinales ont eu pour objectif d’éva-
­transfert d’aimantation dans la SBAN) pouvant ini- luer les capacités cognitives des patients dès le
tialement être pris en compte afin de prédire l’évo- stade du SCI [11, 28].
lution des performances cognitives. Cependant, la Enfin, l’influence du niveau d’éducation sur les
majorité voire la totalité de ces paramètres ne sont performances a été associée à la notion de « réserve
pas aujourd’hui accessibles au neurologue dans la cognitive ». Ce point est documenté dans le chapi-
pratique quotidienne. tre 13 (p. 129).

77
Partie III. Troubles cognitifs

Certaines études comportent un groupe contrôle d’un trouble cognitif et pour juger de son intensité
[3, 5, 15, 16, 19–21, 28] alors que d’autres n’en ont va ainsi différer d’une étude à l’autre, de même
pas [1, 2, 8, 9, 18, 22, 23, 32]. La présence d’un que les choix des seuils pathologiques. L’existence
groupe contrôle permet notamment d’évaluer d’un déclin est définie différemment selon les étu-
l’effet de pratique, en ayant comme point de com- des, ce qui rend plus difficile leur comparaison.
paraison l’amélioration des performances chez les
sujets sains. L’effet de pratique constitue une
importante limite méthodologique aux études
longitudinales pour lesquelles les évaluations
Conclusion
multiples sont nécessaires. Tandis que certains
Selon certains travaux, il semble que les capacités
travaux n’ont pas vraiment mis l’accent sur un
cognitives des patients atteints de SEP puissent
suivi longitudinal mais sur une comparaison
être amenées à décliner au cours de l’évolution de
entre les performances à l’inclusion et celles à la
la maladie. Ce déclin toucherait toutes les formes
fin de l’étude [14, 16, 20–23], d’autres réalisent des
de SEP. Il serait principalement caractérisé par
évaluations régulières (par exemple, une fois
une altération de la vitesse de traitement de l’in-
par  an) [3–6, 9, 19]. Ces derniers permettent un
formation, des capacités d’attention soutenue
meilleur suivi de l’évolution des performances
ainsi que par une réduction des capacités en
mais sont probablement plus sujets à l’effet retest.
mémoire à court terme verbale et visuospatiale.
Pour minimiser les effets d’apprentissage, plu- La stabilité des performances rapportée dans cer-
sieurs versions d’un même test sont parfois utili- taines études est surtout attribuée à l’effet de
sées. Néanmoins, l’utilisation de ces « formes ­pratique, qui est la principale difficulté méthodo-
parallèles » n’empêche pas l’effet de pratique, qui logique rencontrée dans les études longitudinales.
correspond non seulement à une amélioration des Néanmoins, de nombreux travaux ont souligné
performances due à la familiarisation avec le l’importance de la variabilité interindividuelle
matériel (mémorisation du contenu) mais aussi au dans l’évolution des performances cognitives. Ils
développement de stratégies permettant de mieux ont mis en évidence le fait que certains patients se
réussir la tâche lorsque celle-ci est à nouveau détérioraient alors que d’autres restaient stables
administrée, même si c’est sous une forme paral- ou s’amélioraient. Plusieurs études ont recherché
lèle. Par ailleurs, tous les tests ne disposent pas de les facteurs pouvant être associés à l’apparition
formes parallèles. C’est notamment le cas de la d’un déclin : l’atteinte cognitive initiale, le score
plupart des épreuves de la BCcogSEP [36], adapta- EDSS, le nombre de poussées, l’âge, la durée de la
tion française de la BRB-N ; c’est pourquoi une maladie et certains paramètres d’imagerie céré-
procédure de correction des effets d’apprentissage brale. La valeur prédictive de ces paramètres par
est proposée lors de l’utilisation de cette batterie rapport au déclin demande à être davantage
en test-retest mais cela n’est validé que pour un explorée.
seul retest. Afin de préciser le profil d’évolution des capacités
Il semblerait donc que dans le cadre des études cognitives et de mieux le caractériser dans les dif-
longitudinales, il conviendrait d’utiliser une bat- férentes formes de SEP, il est aujourd’hui souhai-
terie constituée de tests ayant une bonne fidélité table que de plus en plus d’études puissent être
test-retest. En conséquence, un test qui pourrait menées dès le stade de SCI et ce sur une longue
s’affranchir totalement de l’effet test-retest serait période. Du fait des multiples évaluations réali-
intéressant à évaluer à grande échelle. Ce type de sées au cours du suivi, l’utilisation de tests neu-
test sera évoqué dans le chapitre 12 (p. 123). ropsychologiques peu ou idéalement pas sensibles
Une autre question importante concerne les critè- à l’effet de pratique sera recherchée.
res de détérioration cognitive retenus dans les En plus de nous renseigner sur l’évolution des
études et qui ne sont souvent pas les mêmes. Ainsi performances cognitives et sur les facteurs pou-
de nombreux auteurs composent leur propre bat- vant prédire cette évolution, les études longitudi-
terie de tests et définissent donc leurs propres cri- nales pourraient apporter des réponses à d’autres
tères [5, 19, 21]. Le nombre de performances interrogations. Elles pourraient, par exemple,
déficitaires nécessaires pour définir la présence permettre d’identifier des facteurs cognitifs

78
Chapitre 7. Évolution des capacités cognitives : les études longitudinales

­prédictifs de l’aggravation de la maladie [37], in multiple sclerosis : a cognitive, psychiatric, and


comme de savoir si l’atteinte cognitive initiale MRI follow up study. J Neurol Neurosurg Psychiatry
1992 ; 55 (10) : 869-76.
peut être associée à la rapidité du passage de la
forme RR à la forme SP de la SEP. [12] Warrington EK. Recognition memory test. : NFER-
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79
Partie III. Troubles cognitifs

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Psychiatry 2005 ; 76 (5) : 744-9. 498-503.

80
Vitesse de traitement Chapitre  8
de l’information
et attention
Bruno Brochet

La neuropsychologie de l’attention s’est considé- brièvement rappelées. L’attention n’est probable-


rablement développée depuis une quarantaine ment pas une fonction unitaire se limitant à un
d’années. L’attention est considérée comme une simple mécanisme de sélection des informations
fonction de base impliquée dans toute perfor- et plusieurs composantes peuvent être distin-
mance cognitive ou dans toute tâche comporte- guées. Il convient de distinguer les processus
mentale. Elle est au premier plan des conséquences attentionnels qui sont communs aux différentes
cognitives des atteintes cérébrales. Les liens unis- situations dans lesquelles l’attention est mise en
sant les concepts d’attention, de mémoire de tra- jeu (attention-processus) [1] de l’attention-état,
vail et de fonctions exécutives étant très étroits, il qui évalue le niveau d’attention. Parmi les proces-
aurait pu être choisi de traiter ces trois thèmes sus, on peut citer :
ensemble. Cependant les travaux concernant ces • la préparation (à la réponse), qui fait référence à
domaines les ayant souvent étudiés de façon dis- la notion d’alerte ;
tincte, il nous a paru nécessaire de les aborder • l’intensité, qui fait référence aux concepts
séparément, tout en soulignant les points de ren- d’alerte tonique, d’attention soutenue et de vigi-
contre. Il a été donné de nombreuses définitions lance, qui sont très proches et qui font surtout
de l’attention et des contrôles attentionnels depuis référence au maintien de l’attention à un certain
celle de James en 1890 (in [1]) : « It is the taking
niveau ;
possession of the mind, in clear and vivid form of
one out of what seem several simultaneously possi- • la sélectivité, qui fait référence à l’attention foca-
ble objects of train of thoughts. Focalisation, lisée et à l’attention divisée. Ainsi a été particuliè-
concentration of consciousness are of its essence. » rement étudié le système focalisé d’orientation
Cette définition introduit les concepts de sélecti- attentionnelle visuospatial, qui permet la locali-
vité mais également de focalisation (au sens pho- sation de l’objet de l’attention [2]. L’attention divi-
tographique du mot), permettant à l’objet ou au sée est la capacité de répondre simultanément à
train de pensées d’être non seulement au centre plusieurs demandes attentionnelles, ce qui per-
de l’esprit du sujet mais d’une façon claire et met d’effectuer simultanément plusieurs tâches.
vivace. L’attention permet donc la sélection dans On peut associer à cette sélectivité la notion de
la perception et l’action et elle facilite le traitement « rehaussement » de l’information sélectionnée
de l’information, d’où le lien très étroit entre perte (in clear and vivid form). Dans le modèle de Van
des capacités attentionnelles et ralentissement de Zomeren et Brouwer [3], étaient distinguées au
la vitesse de traitement de l’information (VTI). Il sein de la sélectivité l’attention sélective (avec les
n’est pas dans l’objet de cet ouvrage de reprendre notions de distractibilité et d’interférences), et
toutes les théories et modèles de l’attention mais l’attention divisée (avec les notions de capacité et
certaines notions fondamentales méritent d’être de ressources attentionnelles) ;

81
Partie III. Troubles cognitifs

• la dimension exécutive de l’attention : la capa- 15  sujets sains plusieurs tests cognitifs modifiés
cité de passer d’un point d’ancrage de l’attention pour mettre en évidence une fatigue cognitive. Ils
à un autre (flexibilité attentionnelle) permet de ont ainsi montré l’existence d’une atteinte de l’at-
passer d’une tâche à une autre ou d’un set cogni- tention soutenue au test « continuous performance
tif à un autre, ce qui correspond à la notion de task » (tâche de performance continue).
shifting, qui a été rapporté comme une des fonc- De Sonneville et al. [10] ont étudié, chez 53 patients
tions exécutives élémentaires décrites par atteints de SEP et 58 sujets contrôles sains appariés
Miyake et al. [4]. La notion de sélectivité est éga- en groupe, différentes dimensions attentionnelles
lement étroitement liée à l’inhibition, autre à l’aide de 8 tâches informatisées (Amsterdam
fonction exécutive de base, qui est la capacité à Neuropsychological Tasks Program) afin de carac-
inhiber une réponse automatique ou dominante tériser en particulier les troubles de la vitesse de
[4]. La dimension exécutive de l’attention com- réaction simple (alerte simple), l’attention divisée,
prend, selon Posner [2], outre le switching et l’attention focalisée, l’attention soutenue et la flexi-
l’inhibition, la résolution de conflits, la détec- bilité attentionnelle. Les patients atteints de SEP
tion d’erreurs et l’allocation des ressources étaient déficitaires dans toutes les tâches étudiées,
attentionnelles. Ce système attentionnel exécu- suggérant que l’atteinte attentionnelle est assez
tif reprend la notion de système superviseur globale dans cette maladie. Dans toutes ces épreu-
attentionnel (SAS) de Norman et Shallice [5]. ves, les performances étaient évaluées en temps de
réponse et les déficits correspondaient à un ralen-
tissement de la vitesse de traitement. Il semble
SEP et attention donc que le point commun à ces déficits attention-
nels soit représenté par un allongement du temps
Sullivan et al. [6] ont interrogé 1 180 patients de traitement des informations quand la charge
atteints de SEP, dont 38 % rapportaient une des attentionnelle augmente.
difficultés cognitives et 22 % signalaient des diffi- Mc Carthy et al. [11] ont étudié différentes dimen-
cultés avec leur attention. Cette perception sub- sions attentionnelles chez 30 patients atteints de
jective est probablement sous-évaluée. SEP, de formes cliniques et de durées de maladie
Parmi les premières études ayant mis en évidence très hétérogènes, et 30 contrôles appariés, à l’aide
les atteintes attentionnelles au cours de la SEP, citons de tâches d’attention soutenue et divisée spéciale-
celle de Callanan et al. [7], qui comparait 48 patients ment développées. Dans ces deux tâches, la nature
avec un syndrome démyélinisant cliniquement isolé des cibles (chiffres) changeant au fur et à mesure
(SCI) à 46 sujets contrôles atteints d’un handicap ne de la tâche, les sujets sont amenés à maintenir leur
prenant pas son origine dans le système nerveux attention non seulement sur la tâche (repérer le
central. Les patients SCI étaient significativement chiffre cible dans des séries de chiffres présentées
plus déficitaires que les sujets contrôles pour l’atten- dans la tâche d’attention soutenue) mais aussi sur
tion visuelle et auditive, étudiées respectivement la nature des stimuli. Cela distingue cette tâche
par un test de vitesse de décompte de lettres et un d’attention soutenue d’une simple tâche de vigi-
test de vigilance auditive (identifier dans l’ordre les lance. Dans la tâche d’attention divisée, les cibles
lettres de l’alphabet dans une suite de lettres énon- étaient constituées de paires de chiffres (là aussi
cées par une bande). Filley et al. [8] ont souligné que changeant au cours de l’épreuve) à repérer dans le
les déficits de l’attention soutenue visuelle et audi- matériel présenté. Dans ces tâches, des présenta-
tive étaient plus importants dans la SEP que dans la tions visuelles, auditives et bimodales étaient
maladie d’Alzheimer. effectuées. Le groupe SEP avait des performances
inférieures au groupe contrôle pour les 3 modali-
Différentes dimensions tés et dans les deux tâches, avec un taux inférieur
de réponses correctes et des temps de réponses
attentionnelles au cours de la SEP plus élevés. Cette étude a donc confirmé le carac-
Dans le cadre d’une étude de l’effet de l’amanta- tère global de l’atteinte attentionnelle.
dine sur la fatigue de la SEP, Cohen et Fisher [9] Tinnefeld et al. [12] ont utilisé la batterie informa-
ont étudié chez 29 patients atteints de SEP et tisée d’étude de l’attention (TAP) [13] et le test

82
Chapitre 8. Vitesse de traitement de l’information et attention

semi-écologique TEA, évoqué précédemment dans nelle, 15 patients ayant une SEP récente et
ce chapitre, pour étudier les différentes dimen- 20 sujets sains ont eu à effectuer des tâches variant
sions de l’attention dans une petite population de par leur charge attentionnelle. Le premier niveau
26 patients atteints de SEP et 16 sujets sains. Les était une alerte simple, le second un Go/No go
patients différaient des témoins pour l’alerte et simple, le troisième un Go/No go inversé et le
l’attention divisée mais pas pour l’inhibition (Go/ quatrième un Go/No go complexe, avec 2 cibles et
No go) ni le TEA. Le petit effectif de cette étude en 3 distracteurs. Un déficit n’apparaissait que pour
limite cependant la portée. ce niveau de demande attentionnelle importante
(figure 8.1). Ces résultats, exprimés en temps de
réaction (TR), soulignent que ce déficit attention-
Charge attentionnelle nel passe par un allongement des TR et donc un
et contrôle exécutif ralentissement de la VTI.

Les données obtenues avec le test d’empan de


chiffres de la WAIS-R (digit Span), souvent pré-
senté comme un test du superviseur attentionnel SEP et vitesse de traitement
(à l’endroit), ou de la mémoire de travail (empan à de l’information
l’envers) (système exécutif central), ont montré
des résultats contradictoires. Les 12 patients Le traitement de l’information et donc sa vitesse
atteints de SEP étudiés par De Luca et al. [14] dans dépendent de l’utilisation des ressources atten-
une étude comparative avec des patients atteints tionnelles et de la manipulation des informations
de fatigue chronique et des sujets sains ne diffé- dans la mémoire de travail. Ces notions sont donc
raient pas des contrôles sains pour ce test. Dans souvent difficiles à distinguer lors des tests
une étude sur 109 patients, Beatty et al. [15] ont neuropsychologiques.
observé des valeurs normales chez les sujets L’étude en population de Rao et al. [19] a été l’une
atteints de SEP par rapport aux normes publiées des premières à mettre en évidence l’atteinte de la
mais les performances des patients étaient infé- VTI. Bien que les temps de réaction (TR) simples
rieures à celles d’un groupe de sujets contrôles ne différaient pas entre patients et contrôles, les
sains appariés à l’endroit et à l’envers. Dans cette
étude, le SDMT mettait en évidence des différen-
ces plus marquées. Une étude récente [16] a mis en 660 *
évidence des performances inférieures à l’empan 620
de chiffre (dans les deux sens) chez les patients 610.49
580
atteints de SEP diagnostiqués comme cognitive-
Temps de Réponse (ms)

ment atteints (définis par une performance à la 540 530.40


PASAT inférieure au cinquième percentile de 500
valeurs normatives publiées) par rapport aux 460
469.39
444.97
patients non atteints. 420 415.57 422.33
La difficulté des patients à utiliser des ressources 380
attentionnelles importantes lors de tâches exécu- 349.30
340 343.36
tives est illustrée par l’étude de Grafman et al.
300
[17]. Ces auteurs ont comparé 41 patients atteints TA IG RG CG
de SEP et 45 sujets contrôles pour des tâches Conditions Go/No-go

mnésiques nécessitant un contrôle attentionnel SEP R Sujets sains


ou non. Les patients atteints de SEP ne différaient Figure 8.1.
pas des sujets sains pour les tâches automatiques Temps de réaction chez 15 patients ayant une
mais avaient des performances inférieures pour SEP rémittente et 20 sujets sains à 4 tâches
les tâches nécessitant de mobiliser des ressources de charge attentionnelle croissante (d’après
attentionnelles. Cela est également retrouvé dans Bonnet et al. [18]).
l’étude de Bonnet et al. [18] pour une tâche d’in- TA : alerte simple ; IG : Go/No go ; RG : Go/No go inverse ;
hibition. Dans cette étude d’imagerie fonction- CG : Go/No go complexe.

83
Partie III. Troubles cognitifs

TR des patients à la Sternberg Memory Scanning plus globale [28, 34, 35]. Les études de corrélation
Task étaient significativement allongés. Moins avec l’imagerie montrent que le SDMT est souvent
spécifique, une atteinte au test PASAT (versions à le test le mieux corrélé aux paramètres étudiés, en
3 et 2 secondes) était également présente. L’atteinte particulier l’atrophie de la substance grise pro-
de la VTI était également soulignée par Litvan fonde [36, 37]. Enfin, De Sonneville et al. [10],
et  al. [20] sur l’étude du PASAT. L’atteinte de la dans leur étude sur les différentes dimensions
PASAT a été largement confirmée depuis par de attentionnelles décrite plus haut, ont observé par
nombreux auteurs, mais les perturbations à ce test une analyse de régression multiple que la durée de
dépendent beaucoup de l’atteinte de la mémoire la maladie et l’EDSS étaient corrélés, de façon
de travail. D’autres études ont montré des allonge- indépendante de l’âge, à la VTI.
ments des TR dans des populations de patients À la suite du travail de Kail [38], la question de
atteints de SEP. Bergendal et al. [21] ont observé déterminer si ce ralentissement était variable
une atteinte plus importante des TR visuels selon le type de traitement d’information a été
qu’auditifs par rapport à des normes publiées. soulevée. Reicker et al. [39] ont utilisé un test
Jennekens-Schinkel et al. [22] avaient observé un informatisé pour étudier les TR selon différentes
allongement significatif des TR visuels mais pas charges cognitives. Dans cette étude, comme dans
auditifs chez des patients atteints de SEP compa- l’étude de Bonnet et al. [18] (figure 8.1), plus la
rés à des sujets sains. Dans une étude utilisant des demande cognitive augmentait, plus l’allonge-
potentiels évoqués événementiels (ERP), Piras ment des TR était significativement plus impor-
et al. [23] ont observé un allongement des latences tant par rapport aux sujets sains.
de la P300 chez les patients atteints de SEP qui
était un peu plus fréquent (58 %) en modalité
visuelle et moindre en modalité auditive (42 %).
Ce délai de la P300 était corrélé à l’atteinte cogni-
VTI, mémoire de travail
tive. Cette différence n’était pas expliquée par un et fonctions exécutives
ralentissement sur les voies visuelles afférentes dans la SEP
puisque les premières composantes des potentiels
évoqués n’étaient pas retardées, suggérant un Ces résultats soulignent l’importance de cette
ralentissement à un niveau supérieur de l’intégra- atteinte de la VTI, qui est souvent considérée comme
tion visuelle. un déficit central dans la SEP qui pourrait expli-
Selon l’étude d’Archibald et Fisk [24], l’atteinte de quer, tout au moins en partie, d’autres déficits.
la VTI concernerait les formes rémittentes et C’est ainsi qu’il a été suggéré que l’atteinte de la
secondairement progressives, alors que l’atteinte mémoire de travail observée dans la SEP serait en
de la mémoire de travail ne concernerait que les fait essentiellement liée au ralentissement de la
formes secondairement progressives. VTI. En d’autres termes, l’atteinte de la mémoire
Le SDMT, souvent considéré comme un test de travail serait plus liée à un ralentissement dans
essentiellement de VTI, est fréquemment altéré le maniement des informations stockées transi-
dans la SEP [25–29], de même que le sous-test des toirement qu’à un problème de capacité. Demaree
codes de la WAIS [30, 31], qui en est très proche. et al. [40] ont étudié deux tests d’additions sériées,
L’étude de validation de la MACFIMS qui utilise l’un avec une information visuelle (VT-SAT) et
le SDMT notait une atteinte de la VTI dans 54 % l’autre auditive (AT-SAT), et ont étudié les diffé-
des cas [27]. Au début de la maladie, chez des rences en termes de vitesse après ajustement sur
patients récemment diagnostiqués pour une l’exactitude des réponses. Ils ont conclu que l’at-
SEP-RR, le SDMT est perturbé dans 50 % des cas teinte de la mémoire de travail est liée au ralentis-
[26] et chez les patients atteints de SEP-RR la fré- sement. Quand les patients atteints de SEP ont
quence de perturbation a été évaluée à 43 % [32]. Il tout leur temps pour répondre, leurs performan-
est intéressant de noter que le z score SDMT établi ces en termes d’exactitude des réponses sont iden-
peu après le diagnostic de SEP-RR cliniquement tiques aux sujets sains. Poursuivant ce travail,
définie est prédictif de l’EDSS 5 ans plus tard [33]. Lengenfelder et al. [41] ont étudié 43 patients
Un déficit au SDMT constitue une assez bonne atteints de SEP avec le VT-SAT pour analyser
prédiction de l’existence d’une atteinte cognitive les performances chez les patients quand la
84
Chapitre 8. Vitesse de traitement de l’information et attention

contrainte temporelle était supprimée. Ils ont tes formes évolutives de SEP au Test de la tour de
montré que pour une charge modérée en mémoire Londres (temps de planification et d’exécution),
de travail, la performance bien que plus lente était une tâche classique pour évaluer les fonctions
aussi bonne chez les patients que chez les contrô- exécutives, et à une version informatisée du test
les alors que quand la tâche demandait une capa- de Stroop (temps de lecture des mots, de dénomi-
cité supérieure en mémoire de travail, non nation des couleurs, et tâche dite d’interférence),
seulement la VTI était ralentie mais les perfor- qui explore l’inhibition des réponses automati-
mances diminuaient chez les patients cognitive- ques, une fonction exécutive de base, par rapport
ment atteints, suggérant que le ralentissement à des sujets sains, alors que les performances
n’explique pas tout. Ces résultats ont été confir- mesurées en termes d’erreurs ne différaient pas
més par Parmenter et al. [35]. En utilisant deux entre les deux groupes. Ces résultats suggèrent
index de la WAIS-III, l’index de mémoire de tra- que la différence entre les patients atteints de SEP
vail (Working Memory Index, WMI), qui com- et les sujets contrôles ne résidait pas dans une
prend les sous-tests de séquençage de lettres, de inefficience des fonctions exécutives mais dans le
nombres et d’empan spatial, et l’index de vitesse temps nécessaire pour mettre en jeu ces fonc-
de traitement (Processing Speed Index, PSI), De tions. McNiven et al. [46] ont également rattaché
Luca et al. [42] ont étudié un échantillon bien plus l’atteinte au test de Stroop à un ralentissement du
large de 215 patients atteints de SEP. Les T-scores traitement de l’information.
du PSI étaient significativement plus bas que ceux Toutes ces données suggèrent que l’atteinte de la
du WMI, mettant en évidence une atteinte plus VTI, possiblement liée à la démyélinisation, est
importante et plus fréquente de la VTI (dans 35 % centrale dans la SEP et contribue tout au moins
des cas) que de la mémoire de travail (13 %). partiellement aux déficits de fonctions plus spéci-
L’étude de Matotek et al. [43] avait montré des fiques ou les aggravent.
résultats différents. En comparant les capacités de
mémoire de travail et de fluence verbale d’un
échantillon de 39 patients atteints d’une SEP rela-
tivement peu évoluée (EDSS < 5) à un groupe
Qualité de vie, activités
contrôle de sujets sains appariés sur l’âge, le sexe quotidiennes et troubles
et le niveau éducatif, ces auteurs ont observé des attentionnels et de la VTI
déficits en mémoire de travail (speaking span test)
et en fluence verbale alors que les deux groupes ne Rao et al. [47] avaient montré que l’atteinte cogni-
différaient pas significativement selon une mesure tive était associée à une baisse des activités socia-
de la VTI. Globalement, ces travaux suggèrent les et professionnelles au cours de la SEP.
que l’atteinte de la VTI explique en partie les trou- Higginson et al. [48] ont étudié l’impact fonction-
bles observés lors des tests de mémoire de travail, nel des troubles attentionnels et mnésiques obser-
surtout quand la charge cognitive n’est pas trop vés dans la SEP en analysant la validité écologique
importante. des tests utilisés pour les mesurer, dans un groupe
Kujala et al. [44] ont comparé les performances à de 31 patients cognitivement atteints. Pour cela,
la PASAT et au Stroop de deux groupes de patients ils ont étudié les capacités fonctionnelles de la vie
atteints de SEP, le premier ayant une atteinte quotidienne (everyday functioning) par l’Environ-
cognitive modérée lors d’un bilan neuropsycho- ment Status Scale score (ESS) et les ont corrélé aux
logique et l’autre n’ayant pas d’atteinte à ce bilan. tests cognitifs classiques (CVLT, SPART 7/34,
Le groupe cognitivement atteint différait du PASAT et SDMT) et à des tests cognitifs supposés
groupe non atteint pour la PASAT en termes de plus écologiques comme le TEA et le RBMT. En ce
nombre de réponses (vitesse) et d’erreurs, mais qui concerne l’attention, ces auteurs ont observé
pour le Stroop les deux groupes ne différaient pas des corrélations significatives entre l’ESS et, par
pour le nombre d’erreurs mais uniquement pour ordre d’importance de la corrélation, l’Elevator
la vitesse, plus lente dans le groupe atteint. Counting with Distraction subtest de la TEA (test
Denney et al. [45] ont confirmé ces résultats. Ils d’attention sélective auditive), le SDMT, l’Elevator
ont observé un allongement significatif des temps Counting with Reversal, test de shifting attention-
de réponses chez 60 patients atteints des différen- nel, de flexibilité et de mémoire de travail et la
85
Partie III. Troubles cognitifs

PASAT. Quand ces différents scores étaient mis particulier celles dépendant de la vitesse de per-
dans un même modèle avec l’EDSS, seul ce der- formance. Ces auteurs ont utilisé un test chrono-
nier et la somme des sous-scores au TEA prédi- métré, le Timed Instrumental Activity of Daily
saient l’ESS, suggérant, d’une part, que ces tests Living.
écologiques avaient une meilleure validité et,
d’autre part, que les déficits attentionnels avaient Références
un impact fonctionnel significatif. Outre le petit
effectif et l’hétérogénéité des patients, cette étude [1] Camus JF. La psychologie cognitive des processus
avait cependant comme limite l’absence de groupe attentionnels. In : Couillet J, Leclercq M, Moroni
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Malden, MA, 2000].
déficitaires pour les items gestion des médica-
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tionnels étaient significativement corrélés aux pensatory strategy. Can J Rehabil 1990 ; 4 : 99-105.
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Utilisant le Short Form-36 (SF-36, mesure de la cally isolated lesions of the type seen in multiple
qualité de vie), un test de VTI informatisé sclerosis. A psychometric and MRI study. Brain
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(Computerised Test of Information Processing,
CTIP), et d’autres tests cognitifs (PASAT, Stroop [8] Filley CM, Heaton RK, Nelson LM, Burks JS,
Franklin  GM. A comparison of dementia in
et COWAT), Barker-Collo [51] a étudié l’impact Alzheimer’s disease and multiple sclerosis. Arch
du ralentissement de la VTI sur la qualité de vie Neurol 1989 ; 46 : 157-61.
chez 52 patients atteints de formes variées de SEP [9] Cohen RA, Fisher M. Amantadine treatment of fati-
à des niveaux différents de handicap. Le CTIP gue associated with multiple sclerosis. Arch Neurol
comprend un TR simple puis des tâches de choix 1989 ; 46 : 676-80.
de type sémantique de charge cognitive crois- [10] De Sonneville LMJ, Boringa JB, Reuling IEW,
sante. Cette étude non contrôlée n’a pas montré Lazeron RHC, Adèr HJ, Polman CH. Information
d’impact de la VTI indépendant de l’EDSS sur la processing characteristics in subtypes of multiple
qualité de vie, et en particulier les scores compo- sclerosis. Neuropsychologia 2002 ; 40 : 1751-65.
sites mentaux et physiques issus de la SF-36. Il est [11] McCarthy M, Beaumont JG, Thompson R, Peacock S.
Modality-specific aspects of sustained and divided
cependant clairement établi que l’atteinte cogni-
attentional performance in multiple sclerosis. Arch
tive a un retentissement sur l’activité dans la SEP Clin Neuropsychol 2005 ; 20 : 705-18.
[47, 48] et sur la qualité de vie [52]. En utilisant [12] Tinnefeld M, Treitz FH, Haase CG, Wilhelm H,
une autre méthodologie, Goverover et al. [53] ont Daum I, Faustmann PM. Attention and memory
montré que l’atteinte de la VTI avait un retentis- dysfunctions in mild multiple sclerosis. Eur Arch
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86
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88
Fonctions exécutives
Nathalie Ehrlé
Chapitre  9

Contrairement à la plupart des habiletés cogniti- Plus généralement, les processus exécutifs corres-
ves (mémoire, langage, calcul, etc.), les fonctions pondraient à des fonctions de haut niveau, suppo-
exécutives correspondent à un concept qui sées contrôler et diriger les fonctions de niveau
demeure équivoque, l’absence de définition et inférieur. Ils seraient donc impliqués dans presque
d’opérationnalisation claires les confinant au sta- tous les aspects de la neuropsychologie humaine et
tut d’heuristiques cognitives. L’une des raisons est hautement sensibles aux atteintes cérébrales. Cette
certainement que la perturbation de ces processus section propose une revue critique de la littérature
s’exprimerait dans une variété de situations concernant l’existence de troubles dysexécutifs
(mémoire, langage, raisonnement…) alors qu’il dans la SEP. L’hypothèse d’une atteinte de ces
existe habituellement une relation spécifique entre capacités semble largement acceptée, même si le
les processus modélisés et les troubles observés profil de troubles en fonction des différentes for-
(modèle de calcul et troubles acalculiques, par mes de SEP reste controversé [2, 3].
exemple). Idéalement, la démarche du neuropsy- D’un point de vue psychométrique, une méta-
chologue cognitiviste consiste à définir des pro- analyse récente [4] retient deux épreuves exécuti-
cessus à partir de modèles théoriques, processus ves, le test de Stroop et les fluences verbales, comme
qu’il peut ensuite confronter à la pathologie céré- mesures cognitives les plus sensibles pour des for-
brale. Concernant les fonctions exécutives, cette mes rémittentes. Dans la BCcogSEP (équivalent
démarche a rarement été appliquée, conduisant français de la BRB-N [5]), un soin particulier a été
fréquemment à une définition circulaire où un apporté à la documentation de ces aptitudes puis-
trouble cognitif observé chez un patient présen- que 4 épreuves supplémentaires (empan de chif-
tant des lésions frontales est qualifié d’exécutif. fres, ordres contraires, Go/No go, TMT oral) ont
« Exécutif » et « frontal » ne sont cependant pas été ajoutées aux 2 épreuves exécutives initiales
interchangeables, les fonctions dites exécutives proposées par Rao (fluence verbale, PASAT).
pouvant être supportées par un réseau cérébral Dans une perspective anatomofonctionnelle, le
s’étendant hors du lobe frontal. Rappelons que les cortex préfrontal comporterait une partie cogni-
circuits sous-corticaux desservent également la tive (dorsolatérale) et une partie socioémotion-
cognition et que des lésions très éloignées des nelle (ventrale). Cette dissociation se retrouve
structures frontales (dans la substance blanche, dans l’approche neuropsychologique actuelle des
en particulier) suffisent à occasionner des déficits fonctions exécutives qui distingue, à côté des
exécutifs (voir [1] pour un exemple dans la SEP). fonctions exécutives « froides », fondées essentiel-
Le terme ombrelle de fonctions exécutives englobe lement sur la logique (planification, raisonne-
donc de nombreuses compétences cognitives telles ment, flexibilité, abstraction…), des fonctions
que le raisonnement, la résolution de problèmes, exécutives « chaudes », reposant sur les émotions,
les capacités d’abstraction, la planification, le les croyances et les désirs (théorie de l’esprit, expé-
séquençage, l’attention soutenue, la résistance à rience de la récompense-punition, régulation des
l’interférence, le multitâches, l’utilisation d’un conduites sociales, prise de décision… [6]). Ces
feed­back, la flexibilité, la gestion de la nouveauté… deux types de fonctions seront considérés dans ce

89
Partie III. Troubles cognitifs

chapitre, la cognition froide étant pour le moment bref descriptif du test sera fourni avant d’aborder
plus richement documentée dans la SEP que la les résultats spécifiques à la SEP. Un soin particu-
cognition chaude. lier a été apporté aux outils disponibles pour une
population française.

Apport de Luria et Milner


L’approche cognitive des fonctions exécutives date Approche psychométrique
de la seconde moitié du xxe siècle. La plupart des des fonctions exécutives
tests actuellement utilisés dans l’examen de ces
fonctions découlent des travaux de Luria [7] et Test de Stroop
Milner [8] : création d’épreuves spécifiques (fri-
ses, séquences gestuelles, Wisconsin Card Sorting Descriptif
Test…) ou application d’épreuves préexistantes à Le test de Stroop comporte trois parties successi-
la pathologie cérébrale (Stroop Colour Test, Trail ves (figure 9.1) : la première planche est composée
Making Test…). La durée de ces épreuves reflète la de noms de couleurs écrits à l’encre noire que le
complémentarité entre la conception russe de sujet doit lire (planche de lecture), la deuxième
Luria (épreuves courtes : recherche de problèmes planche, de pastilles colorées dont le sujet doit
saillants lors d’un dépistage rapide fondé sur donner la couleur (planche de dénomination) et la
l’étude de cas individuels) et nord-américaine de troisième, de noms de couleurs écrits dans une
Milner (épreuves longues : recherche de troubles encre de couleur différente que le sujet doit
plus discrets nécessitant un examen long mis au dénommer (planche interférence). Cette dernière
point à partir d’études de groupes). planche nécessite l’inhibition d’une réponse
Bien que les tâches proposées par Luria apparais- dominante (la lecture) au profit d’une réponse
sent cliniquement pertinentes (plusieurs sont moins automatique (la dénomination). De nom-
reprises dans la BREF, par exemple), elles sem- breuses versions de cette épreuve existent (voir [13]
blent avoir été peu appliquées à la SEP (séquences pour une revue) : mode de lecture (en lignes ou en
gestuelles, tapping, Go/No go). Une méta-analyse colonnes, présentation des items un à un sur un
conduite sur 57 études rapporte un tapping alterné écran pour certaines versions informatisées),
sévèrement perturbé dans la SEP [4]. Deux études nombre de couleurs, variable considérée (nombre
semblent indiquer que bien que le tapping soit d’items complétés dans un temps donné ou temps
effectivement pathologiquement ralenti chez ces mis pour compléter la planche). La cotation de
patients, l’alternance (qui signe plus spécifique- cette épreuve est également variable. L’indice le
ment la composante exécutive) serait préservée plus communément considéré est le temps mis
([9, 10] mais voir [11] pour des formes rémitten- pour compléter chacune des planches. De plus, un
tes). Une perturbation du Go/No go a également score d’interférence est souvent calculé en com-
été documentée [12]. plément de ces trois scores (correction du temps
La suite de ce chapitre concernera les données enregistré pour la planche interférence en fonc-
recueillies selon l’approche psychométrique. tion de la vitesse de dénomination) afin de contrô-
Compte tenu de la diversité des fonctions exécuti- ler un éventuel effet du ralentissement. Les erreurs
ves et de la difficulté à déterminer des sous- spontanément autocorrigées ou non corrigées
processus (inhibition, flexibilité…), cette revue peuvent également être prises en compte.
sera construite à partir des épreuves exécutives les
plus communément publiées pour la SEP. De ce
fait, certains travaux, bien que pertinents pour
Résultats dans la SEP
cette problématique, ne seront pas traités ici faute À notre connaissance, le nombre d’erreurs n’a pas
de données suffisantes. De même, les données sur été considéré chez les patients SEP [1, 14]. Certains
la mémoire de travail ne seront pas abordées ici auteurs le mentionnent cependant comme anor-
(voir p. 107 la section « Mémoire de travail » de ce malement élevé [15, 16], sans s’attarder sur l’inter-
chapitre). Pour chaque épreuve considérée, un prétation de ce déficit.

90
Chapitre 9. Fonctions exécutives

Planches Stimuli Réponses

Planche lecture bleu rouge jaune « bleu-rouge-jaune »

→ Lire des mots jaune vert rouge « jaune-vert-rouge »

Planche dénomination « jaune-vert-bleu »

→ Donner la couleur de l'encre « rouge-bleu-rouge »

Planche interférence jaune bleu rouge « bleu-rouge-jaune »


→ Donner la couleur de l'encre bleu rouge vert « vert-vert-bleu »

Figure 9.1.
Test de Stroop.

Concernant la chronométrie, les performances de test, les patients SEP présentent en effet générale-
165 patients atteints de SEP rémittente suggèrent ment des temps bruts supérieurs à ceux des
une sensibilité normale à l’interférence en pré- contrôles quelle que soit la planche, corroborant
sence d’un ralentissement [1]. Les résultats d’Oli- l’existence d’un ralentissement [22]. Concernant
vares vont également dans ce sens mais le score la question d’une sensibilité spécifique à l’interfé-
d’interférence, mentionné comme non significatif rence, il est classique de pondérer l’augmentation
par les auteurs, n’est pas rapporté dans les tableaux du temps pour la planche interférence par le temps
de données [11]. Pour les autres formes de SEP, un enregistré aux autres planches. Cette démarche
effet d’interférence plus marqué est classiquement suppose néanmoins un positionnement théorique
décrit [15–19] (mais dans deux études [16, 19] seu- fort concernant le temps de traitement cérébral,
les les données de la planche interférente sont rap- celui-ci étant conçu comme constant quel que soit
portées). De façon variable, ce déficit est attribué le niveau de difficulté de la tâche. À l’aide d’une
tantôt à une perturbation de la vitesse de traite- approche différente, une très belle étude de
ment [17, 20], de l’attention sélective [15] ou encore Macniven [23] suggère que les déficits documen-
du fonctionnement exécutif [16]. tés par le Stroop dans la SEP pourraient résulter
exclusivement d’un ralentissement. Ce travail
s’inspire du modèle de Myerson et al. (difference
Sensibilité excessive engine [24]), qui postule que, chez le sujet sain et
dans le vieillissement normal en particulier, la
à l’interférence et ralentissement vitesse de traitement varierait suivant le niveau de
Pour l’ensemble des affections neurologiques, et difficulté de la tâche. À partir des temps de réac-
particulièrement pour la SEP, une question cru- tion de choix mesurés dans de nombreuses condi-
ciale concerne les liens entre le Stroop et la vitesse tions (batterie GCDT : Graded Conditional
de traitement. Un travail espagnol suggérait que Discrimination Tasks [25]), les auteurs dérivent
le ralentissement et la sensibilité accrue à l’inter- individuellement une fonction linéaire selon la
férence seraient dissociables chez les patients SEP, complexité des tâches et la mettent en relation
liés respectivement à l’ampleur de la démyélinisa- avec les performances chronométriques obtenues
tion frontale droite et pariétale gauche [21]. au Stroop [23]. Les résultats suggèrent que, bien
Compte tenu des contraintes chronométriques du qu’un ralentissement soit effectivement observé

91
Partie III. Troubles cognitifs

dans la SEP (temps de réaction plus longs pour les inconvénient est qu’aucune version parallèle n’est
trois planches) et que le score d’interférence ­calculé disponible pour cette épreuve.
proportionnellement soit également ­pathologique,
les différences avec les contrôles disparaissent Résultats dans la SEP
lorsque les temps sont considérés selon les équa-
tions linéaires. Ce genre d’étude apparaît promet- Plusieurs méta-analyses semblent indiquer que
teur pour déterminer si des troubles dysexécutifs l’autogénération verbale constituerait un indice
coexisteraient avec le ralentissement idéatoire cognitif sensible pour la SEP [29, 30] (voir [4] pour
caractéristique de la SEP. des formes exclusivement rémittentes). Les batte-
En résumé, si les trois planches du Stroop mettent ries neuropsychologiques courtes destinées aux
classiquement en évidence un ralentissement dans patients SEP incluent généralement une épreuve de
la SEP, la question d’une sensibilité excessive à l’in- fluence (COWAT pour la Breaf Repeatable Battery
terférence, qui signerait spécifiquement un déficit [31] et la Minimal Assessment of Cognitive Function
exécutif, reste controversée. Dans ce sens, les in MS, ou MACFIMS [32]). De façon consensuelle,
erreurs mériteraient d’être considérées. Le calcul une réduction pathologique du nombre de mots
d’un classique score d’interférence pourrait ne pas produits en fluence formelle et catégorielle est
être adapté chez les patients SEP, une méthodolo- décrite [16, 18, 19, 30, 33–37]. Le nombre de pro-
gie plus lourde mais plus écologique pouvant être ductions en fluence formelle serait corrélé positive-
appliquée pour opérationnaliser l’effet du ralentis- ment au statut thymique (dépression) ainsi qu’au
sement. Cliniquement cependant, d’importants ralentissement [38], ce dernier étant cependant
aménagements paradigmatiques seront nécessai- opérationnalisé par la PASAT dans cette étude.
res pour que ces approches soient implémentables Dans les formes rémittentes, une atteinte sélective
en pratique courante. de la fluence catégorielle (animaux et P testés en
1 min) [1], une perturbation [34, 36] ou une pré-
servation [39, 40] des deux types de fluence ver-
Fluences verbales bale ont été rapportées pour des formes précoces.
Descriptif La méta-analyse de Henry et Beatty [30] portant
sur 35 études serait plutôt en faveur d’une atteinte
Les tâches de fluence nécessitent la génération du des deux formes de fluence pour les patients
plus grand nombre d’items dans un temps imparti rémittents. Cette atteinte serait de moindre
(mots, dessins, événements autobiographiques…). ampleur en comparaison des formes progressives.
Les plus communes sont les épreuves de fluence Un point important est que la différence de sévé-
verbale qui supposent la production de mots com- rité entre les patients semble toutefois liée à
mençant par une lettre particulière (fluence pho- d’autres facteurs (âge, durée de la maladie, lour-
nologique ou formelle) ou appartenant à une deur du handicap neurologique) qu’à la forme de
catégorie sémantique (fluence catégorielle ou SEP. Remarquons que dans ces travaux, le déficit
sémantique). En langue anglaise, le test de fluence concomitant pour les deux formes de fluences
formelle le plus utilisé est le COWAT (Controlled (formelle et catégorielle) ne permet pas de ratta-
Oral Word Association Test) [26, 27], qui explore le cher le trouble à une étiologie strictement exécu-
nombre de productions fournies en 1 minute pour tive, la lenteur pouvant rendre compte de ce profil.
les lettres F, A et S ou C, F et L. Pour la population Le fait que les auteurs mentionnent les fluences et
française, les seules normes disponibles (en fonc- le code (dans sa version orale) comme meilleurs
tion du sexe et de 2 niveaux culturels) sont celles indices cognitifs de la SEP renforce l’hypothèse
de Cardebat et al. [28], établies à partir des lettres d’un simple indice de ralentissement, cette ver-
P, R et V et des catégories animaux, fruits et sion du code mesurant essentiellement la vitesse
métiers, chaque condition étant à compléter en de traitement de l’information [30].
2  minutes. Ces normes présentent l’avantage de
concerner à la fois la fluence formelle et catégo-
rielle. De plus, le temps alloué permet aux patients Analyse en clusters et switchings
ralentis ou souffrant d’un déficit de mise en œuvre Plus récemment, une méthode d’analyse des pro-
de générer néanmoins des productions. Le seul ductions a été proposée (figure 9.2) pour tenter de

92
Chapitre 9. Fonctions exécutives

Fluence phonologique/formelle Fluence catégorielle/sémantique

Exemple : R Exemple : Animaux

Rat Cluster 1 Abeille

Rame de taille 2 Mouche Cluster 1

Rare Moustique de taille 3

Roux Cluster 2 Coccinelle

Route de taille 2 Zèbre Cluster 2

Rouge Eléphant de taille 2

Riz Cluster 3 de taille 0 Girafe

Figure 9.2.
Méthode d’analyse des productions.

dissocier le rôle des régions temporales et fronta- switchings) permet d’établir des indices cognitifs
les [41]. Celle-ci repose sur la mesure de la taille moins dépendants de la lenteur. De plus, cette
des clusters (groupements sémantiques ou phoné- méthode de cotation apparaît précieuse pour le
miques à l’intérieur des productions) et du nom- diagnostic puisqu’elle permettrait d’identifier des
bre de switchings (changements entre ces groupes profils de performances à l’intérieur des fluences,
sémantiques ou phonémiques). Ainsi, les produc- profils qui pourraient augmenter la sensibilité de
tions « abeille, mouche, moustique, coccinelle, ces outils pour la SEP en comparaison d’autres
zèbre, éléphant, girafe » seront cotées comme deux populations neurologiques.
clusters de taille 3 et 2 respectivement et compor-
tant un switching (passage d’une catégorie séman-
tique à une autre). Selon Troyer et al. [41], le Wisconsin et autres tests
switching correspondrait à une fonction plus spé- de classement
cifiquement exécutive sous la dépendance du lobe
frontal. Descriptif
À notre connaissance, le seul travail ayant appli- Le Wisconsin Card Sorting Test (WCST) [43] appar-
qué la méthode de cotation en clusters et swit- tient à la catégorie des tests de classement (sorting
chings dans la SEP [42] démontrait une réduction en anglais). Dans cette épreuve (figure 9.3), le sujet
du nombre de productions et du nombre de swit- doit déterminer le critère d’appariement (couleur,
chings, à la fois en fluence formelle et catégorielle, forme ou nombre) entre ses cartes et 4 cartes de
et quel que soit le niveau de dégradation intellec- référence servant de modèles. L’inférence des cri-
tuelle des patients. Contrairement à d’autres tères est possible grâce à un processus d’essais-
populations neurologiques (maladie d’Alzheimer erreurs selon les corrections fournies par
ou de Parkinson), la taille des clusters semblait l’examinateur après chaque carte posée. Dans la
préservée chez les patients SEP. version originale (128 cartes), le sujet est censé
En résumé, du fait des contraintes chronométri- compléter 6 catégories (couleur, forme, nombre × 2)
ques des tâches de fluence, la considération du de 10 cartes consécutives chacune, l’ordre des caté-
nombre de productions seul semble insuffisam- gories étant imposé par l’examinateur. La version
ment informative pour la SEP. En revanche, l’ana- courte la plus usitée consiste à écarter les cartes
lyse de la nature des productions (clusters et offrant des appariements multiples et à laisser le

93
Partie III. Troubles cognitifs

La carte peut être placée sous le triangle (appariement selon la couleur), sous les étoiles
(appariement selon la forme) ou sous les cercles (appariement selon le nombre).

Figure 9.3.
Winconsin Card Sorting Test.

sujet choisir l’ordre des critères d’appariement Résultats dans la SEP


(Modified Card Sorting Test, ou MCST [44]). Une
Dans la SEP, les travaux s’étant intéressés au
version abrégée beaucoup moins appliquée [45]
Wisconsin sont extrêmement hétérogènes quant
consiste à se limiter au premier tas de cartes (soit
aux indices considérés et aux versions de l’épreuve
64 cartes).
appliquées. Un nombre anormalement élevé d’er-
De nombreux processus participent à la perfor- reurs et de réponses persévératives a été décrit chez
mance mesurée dans la tâche originale : identifi- les patients atteints d’une forme chronique progres-
cation des concepts, maintien de l’attention, sive [48, 49] alors que ces taux semblaient adéquats
résistance à l’interférence, utilisation d’un feed- pour des formes rémittentes ([48, 50] avec la version
back guidant le comportement, alternance entre abrégée Axelrod [45] ; [36, 39] avec la version abré-
les catégories et inhibition de la catégorie précé- gée de Nelson [44] ; mais voir [12]). Parmenter et al.
demment complétée. Afin d’en faciliter l’interpré- [51] ont également rapporté une tendance à la persé-
tation clinique, Heaton [46] a proposé une vération plus marquée pour les formes progressives
procédure d’administration et de cotation stan- que rémittentes, bien que dans cette étude les per-
dardisée permettant le calcul de nombreux indi- formances des patients soient déficitaires en com-
ces. Pour la population française (6 groupes d’âges paraison des contrôles quelle que soit la forme de
et 3 niveaux culturels), les normes publiées par les maladie. Avec une version informatisée de l’épreuve,
ECPA (Éditions du centre de psychologie appli- Denney et al. [17] ont trouvé des performances pré-
quée) ont été acquises selon cette méthode [47] et servées pour les deux types de SEP. Toutefois, ce
comportent les indices suivants : nombre total travail considère des indices inhabituels (comme le
d’items administrés, nombre total de réponses nombre total de cartes). De plus, bien que les diffé-
correctes, nombre total et pourcentage d’erreurs, rences ne soient pas mentionnées comme significa-
nombre total et pourcentage d’erreurs persévéra- tives, il semble que le groupe de formes primaires
tives, nombre total et pourcentage de réponses progressives présente un nombre d’erreurs anorma-
persévératives, pourcentage de réponses concep- lement élevé en comparaison des formes rémitten-
tuelles, nombre de catégories réalisées, nombre tes et des sujets sains. En considérant davantage
d’items pour compléter la première catégorie, d’indices (catégories complétées, réponses correc-
échec dans le maintien d’une stratégie, indice de tes, cartes pour compléter la première catégorie,
capacité d’apprentissage. persévérations) mesurés à partir de la version origi-

94
Chapitre 9. Fonctions exécutives

nale du test, Santiago et al. [1] rapportent un score (Delis-Kaplan Executive Function System) au
déficitaire pour la complétion de la première caté- Wisconsin pour documenter les troubles dysexé-
gorie chez 165 patients atteints de formes rémitten- cutifs dans la SEP [54, 55]. Cette épreuve (figure 9.4),
tes. Ce résultat pourrait refléter une lenteur de mise autrefois appelée CCST (California Card Sorting
en œuvre en présence de capacités exécutives pré- Test), consiste en deux séries de 6 cartes chacune.
servées. Chez des patients ayant présenté une Les 6 cartes sont imprimées sous des formats diffé-
névrite optique isolée, le suivi cognitif à long rents et comportent toutes un mot en leur centre.
terme (> 20 ans) suggère que 60 % d’entre eux pré- La tâche du sujet est de les classer en deux tas de
senteraient un taux d’erreurs anormalement élevé 3 cartes selon un maximum de possibilités et de
au Wisconsin, le seuil pathologique étant de plus verbaliser les critères de classement adoptés.
peu exigeant dans cette étude (plus de 2  dévia- L’argument principal de Ralph Benedict pour pri-
tions standard de la moyenne [52]). vilégier le DKEFS repose sur la présence de ver-
À notre connaissance, les capacités de maintien sions parallèles pour cette épreuve, inexistantes
cognitif ont rarement été considérées dans la SEP pour le Wisconsin, dont le retest est indéniable-
[50, 53]. Les scores de maintien de l’étude de ment problématique. Le second argument avancé
Lengenfelder [53] sont difficilement interprétables, concerne la possibilité de dissocier la formation de
les formes de SEP n’étant pas précisées et les écarts à concepts de la tendance à la persévération [51, 54].
la moyenne non cités. De même, Landrϕ [50] rapporte Il semble cependant que l’ensemble des indices
une préservation des performances chez des patients disponibles pour le Wisconsin n’ait pas été consi-
rémittents mais la version abrégée utilisée dans ce déré dans ces études, les réponses conceptuelles et
travail laissait peu de possibilités pour qu’un déficit les persévérations étant en effet calculables séparé-
s’exprime. Cette lacune dans la littérature neurop- ment (voir supra). Pour la population française, le
sychologique de la SEP est d’autant plus surprenante débat Wisconsin versus DKEFS dans la SEP n’est
que les troubles du maintien cognitif sont classique- malheureusement pas encore d’actualité, le DKEFS
ment décrits dans les pathologies sous-corticales. ne disposant d’aucunes normes (même pour la
version originale).
En résumé, la disparité du matériel et des indices
Wisconsin versus Delis-Kaplan ?
mesurés par le Wisconsin est une source de confu-
Depuis 2001, les équipes nord-américaines ont sion et rend difficile l’interprétation et la compa-
collégialement proposé de privilégier le DKEFS raison des données entre les études. Il semble

Le classement des
cartes peut être réalisé
selon : 1) l'égalité des
côtés de la figure
profession (égaux/inégaux) ; 2) la
croyance cuisinier première lettre du mot
(C/P) ; 3) le soulignage
des mots (avec/sans) ;
4) la thématique des
mots
(religion/profession) ;
5) la taille des lettres
(grandes/petites) ; 6) le
nombre de côtés de la
figure (3/4) ; 7) le niveau
pâtissier cierges d'abstraction (ce que l'on
prières peut toucher/ce que l'on
ne peut pas toucher) ;
8) la relation entre la
figure interne et externe
(identique/différente).

Figure 9.4.
Delis-Kaplan Executive Function System (DKEFS).

95
Partie III. Troubles cognitifs

cependant que les formes rémittentes soient moins (1-2-3, etc.) répartis aléatoirement sur une feuille
touchées que les formes primaires progressives A4 (figure 9.5). Dans un second temps (TMT-B),
(pour la tendance à la persévération tout au moins). les nombres doivent être reliés en alternance avec
Il manque un travail comparatif des formes de SEP des lettres, les nombres devant toujours être reliés
considérant l’ensemble des indices disponibles à dans l’ordre croissant et les lettres dans l’ordre
partir de l’épreuve originale. En particulier, l’hy- alphabétique (1-A-2-B, etc.). Un essai d’entraîne-
pothèse d’un trouble du maintien cognitif mérite- ment précède chacune de ces parties. La perfor-
rait d’être testée. Pour la pratique clinique, il mance chronométrique au TMT-B est interprétée
importe également de collecter, pour un patient comme une mesure de flexibilité. Toutefois, de
donné, le plus d’indices possible, une variabilité de nombreux facteurs interviennent dans cette tâche
troubles pouvant être attendue. Ce point est (exploration visuospatiale, vitesse de traitement).
important dans la perspective d’une stimulation C’est pourquoi le TMT-A est habituellement
cognitive ultérieure, un déficit d’abstraction considéré comme une condition contrôle du
n’étant pas à prendre en charge de la même façon TMT-B (bien que la complétion des deux parties
qu’un déficit de maintien cognitif ou qu’une ten- ne semble pas corrélée [56]). Pour le TMT-B, deux
dance pathologique à la persévération. Rappelons variables peuvent être considérées : le temps et les
enfin que l’application de versions abrégées permet erreurs d’alternance (le sujet reliant deux nom-
difficilement d’objectiver les troubles du maintien. bres ou deux lettres à la suite).
La possibilité d’appliquer d’autres épreuves de
classement comportant des versions parallèles, Résultats dans la SEP
comme le DKEFS, est conditionné en France par
l’établissement préalable de normes. L’application du TMT à la SEP semble relativement
récente et encore peu documentée. De plus, les don-
nées sont pour la plupart difficilement interpréta-
Trail Making Test (TMT) bles en faveur d’un trouble dysexécutif. Pour cela, il
faut en effet que le patient présente un déficit sélectif
Descriptif
à la partie B, c’est-à-dire un allongement significatif
Le Trail Making Test (TMT) est une épreuve de son temps de complétion et/ou la présence d’er-
requérant dans une première partie (TMT-A) que reurs d’alternance exclusivement lors de la seconde
le sujet relie dans l’ordre croissant des nombres planche (chiffres + lettres). Des performances chro-

TMT-A TMT-B

3 2

2 A

4 B

1 1

5 C 3

6 4 D

Figure 9.5.
Trail Making Test.

96
Chapitre 9. Fonctions exécutives

nométriques pathologiques ont été rapportées pour de l’intervalle interstimuli ou ISI (1,2 s à 3 s) et
la partie A après des névrites optiques isolées [52] modalité de présentation des items (audition et
mais les données de la seconde partie ne sont pas vision, le PVSAT correspondant à la version
disponibles pour cette étude, indiquant donc uni- visuelle). Les méthodes de cotation sont elles-
quement un problème de lenteur. Pour les syndro- mêmes très variables. Classiquement, le nombre
mes cliniquement isolés, un déficit sélectif à la partie B total de réponses correctes par essai est considéré
a été plus clairement démontré par l’équipe de ainsi que la somme des réponses correctes sur
Marseille [57]. Il semble cependant prématuré de l’ensemble des essais (score composite). Afin de
considérer ce test comme sensible pour la SEP, les pouvoir comparer les résultats des différentes étu-
travaux conduits à des stades plus avancés de la des, Gronwall [61] a proposé de calculer un temps
maladie générant des résultats contradictoires. Des moyen par réponse correcte en divisant la durée
performances normales ont été décrites pour des totale d’un essai par le nombre de réponses cor-
formes rémittentes (TMT-A et B) [40] alors que rectes. Toutefois, cette méthode ne permet pas
d’autres rapportent un trouble de la flexibilité qui ne d’évaluer la vitesse de traitement [62] alors que le
serait pas lié au ralentissement pour des formes pourcentage de réponses correctes offrirait les
rémittentes et secondairement progressives (TMT-B mêmes avantages. Afin d’évaluer spécifiquement
et calcul d’un score B-A) [35]. l’ampleur du ralentissement, une procédure adap-
En résumé, le TMT ne bénéficie pour l’instant pas tative permettant de mesurer un seuil temporel
d’une littérature suffisante dans la SEP pour que sa auquel le sujet est capable de réaliser la tâche a
pertinence clinique soit discutée. Pour combler cette parfois été introduite (Adjusting-PAST) [63]. La
lacune, il importe que les résultats des deux parties latence pour répondre et le nombre d’erreurs
du test à la fois soient analysés dans les études SEP. (omissions, réponses incorrectes ou réponses tar-
Dans l’éventualité d’un déficit chronométrique dès dives) sont parfois également quantifiés.
la partie A, une réflexion sur la façon de départager Concernant les variables démographiques (voir la
le ralentissement d’un trouble de la flexibilité devra très bonne revue de Tombaugh [62]), un effet délé-
être menée (voir supra « Test de Stroop »). tère de l’âge est classiquement décrit mais un effet
générationnel inversé a également été rapporté,
les jeunes étant moins familiers des opérations de
PASAT calcul mental. Les analyses de régression attri-
Descriptif buent en effet une portion significative de la
variance de la PASAT aux aptitudes arithméti-
La PASAT (Paced Auditory Serial Addition Task) ques. En revanche, aucun lien avec le sexe ou le
est une épreuve expérimentale mise au point par niveau d’intelligence (QI) n’a été démontré.
Sampson [58] et supposée évaluer l’attention et la Toutefois, plusieurs travaux rapportent une corré-
vitesse de traitement. Elle sollicite toutefois lation avec le niveau d’éducation [57, 64]. Un effet
d’autres capacités telles que le calcul mental et la d’apprentissage s’observe surtout lors de la
mémoire de travail (mise à jour notamment). La deuxième administration de l’épreuve (et ce,
version clinique la plus commune [59] nécessite même avec une liste de chiffres parallèle !). Ce
que le sujet additionne, au fur et à mesure de leur point est important pour l’application de cette
présentation, les deux derniers items d’une série épreuve dans le suivi (clinique ou protocole) car,
de chiffres (allant de 1 à 9) présentés oralement. pour être fiable, l’établissement d’un niveau de
Par exemple, si les chiffres 5, 3 et 7 sont présentés, base devrait s’affranchir de cet effet d’entraîne-
le sujet doit répondre « 8 » après le 3 puis « 10 » ment en incluant un retest.
après le 7. Les chiffres sont présentés à différentes
vitesses (1,2 s, 1,6 s, 2 s, 2,4 s), la vitesse étant
Résultats dans la SEP
constante pour un bloc (ou essai) donné. Le
PASAT (Paced Auditory Serial Addition Test) [60] En neuropsychologie, la PASAT fut initialement
correspond à la version informatisée de la PASAT. appliquée pour documenter l’évolution de la
De nombreuses versions de l’épreuve existent, dif- vitesse de traitement chez les patients traumati-
férant en nombre d’items par essai (50 ou 61 items), sés crâniens [59]. S’il continue à être utilisé dans
nombre d’essais administrés (2 à 4 essais), durée ces populations, ce test est surtout devenu une

97
Partie III. Troubles cognitifs

sorte de gold standard cognitif de la SEP [19, 65]. et des syndromes cliniquement isolés pourraient
Par son exigence concernant la vitesse de traite- être épargnées en comparaison des formes pro-
ment, ce test aurait, dans les formes rémittentes, gressives [72–75] (mais voir [76]). Les activations
une sensibilité de 74 % et une spécificité de 65 % obtenues en IRMf suggèrent toutefois que, même
(étude de patients par rapport aux témoins) [66]. à performances adéquates, les patients SEP recru-
À notre connaissance cependant, sa spécificité teraient des réseaux cérébraux différents de ceux
pour la SEP n’a pas été évaluée en comparaison des participants sains [73–75, 77].
d’autres affections neurologiques. Dans la SEP,
les travaux ont généralement réduit la procédure Précautions méthodologiques
à un ou deux essais (ou ISI). De plus, les ISI testés
sont souvent plus longs que ceux de la version ori- Concernant l’ensemble des travaux conduits avec
ginale, afin d’éviter un échec du groupe contrôle la PASAT dans la SEP, il convient de revenir sur
aux vitesses de présentation rapides (≤ 2,4 s). trois points méthodologiques fréquemment négli-
Ainsi, parmi les indices fréquemment considérés gés. Le premier concerne les biais de réponse. En
dans les essais cliniques, le MSFC (Multiple effet, lorsque le sujet trouve la tâche trop com-
Sclerosis Functional Composite) [67] concerne un plexe, une stratégie permettant de minimiser la
ISI de 3 s et la BRB (Breaf Repeatable Battery) [31] charge cognitive consiste à ne réaliser qu’une
des ISI de 2 et 3 s. L’administration sélective de addition sur deux. Cette stratégie aboutit à un
certains ISI implique cependant de disposer de score de 50 % de réponses correctes. Pour contour-
normes obtenues dans les mêmes conditions, un ner cet écueil, une méthode de cotation par dya-
score pour un ISI donné ne pouvant être extrait des a été proposée [78] (figure 9.6), consistant à ne
arbitrairement de normes collectées sur plusieurs comptabiliser que les réponses correctes consécu-
ISI (un effet de pratique lié aux autres ISI ne pou- tives. Sa plus grande sensibilité, en comparaison
vant être écarté). De façon consensuelle, un défi- de la cotation standard, a été démontrée dans la
cit à la PASAT existe dans la SEP. Initialement SEP [72, 79, 80]. Cette méthode reste pourtant
décrit par Rao [19], celui-ci a été amplement marginalement appliquée, qu’il s’agisse des tra-
documenté par l’équipe de John De Luca [53, vaux expérimentaux ou des batteries neuropsy-
68–71]. Les performances des formes rémittentes chologiques validées pour la SEP.

Décours temporel

Stimuli présentés 2 5 7 3 8 4

Réponses attendues «7» « 12 » « 10 » « 11 » « 12 » = 5 BR

Cotation classique «7» « 11 » «∅» « 11 » « 12 » = 3 BR

Cotation par dyades (D) «7» « 13 » « 10 » « 11 » « 13 » = 2 BR


D

Cotation des réponses tardives (T) «7» « 12 » « 10 » «∅ »« 12 » = 4 BR


T

En gras : réponses comptabilisées comme correctes (BR = bonnes réponses).

Figure 9.6.
PASAT.

98
Chapitre 9. Fonctions exécutives

Un deuxième point a trait au vécu associé à En résumé, la PASAT représente actuellement le


l’épreuve. Les cliniciens qui sont familiers de l’ad- gold standard cognitif de la SEP. Il reste cependant
ministration de la PASAT ne seront pas surpris que difficile de déterminer si sa sensibilité pour cette
le niveau de difficulté constitue son inconvénient pathologie repose uniquement sur la mesure d’une
majeur [62]. De nombreux sujets rapportent une vitesse de traitement ou si d’autres troubles cogni-
expérience négative, la décrivant comme frustrante tifs pourraient y contribuer (mémoire de travail,
voire aversive. Certains patients SEP de l’étude lon- calcul). Dans ce sens, il importe de standardiser
gitudinale de Diehr et al. [81] indiquaient même lui les méthodes de cotation (analyse par dyades,
préférer une ponction lombaire. Cela conduit d’une considération des réponses tardives, quantifica-
part à ce qu’une proportion importante de patients tion des phénomènes d’attrition) de façon à pou-
ne complète pas la tâche (17 % des patients SEP tes- voir établir des indices plus spécifiques des
tés par Aupperle ont refusé de réaliser la tâche et processus perturbés. Si la PASAT ne se révélait
6  % supplémentaires ont refusé de la poursuivre sensible qu’au ralentissement, une mesure alter-
[82]). Par ailleurs, des travaux conduits chez le sujet native moins stressante pour les patients pourrait
sain ont révélé un effet négatif de la PASAT sur être envisagée. De plus, l’amélioration des critères
l’humeur [83] ainsi qu’une élévation des indices de cotation aurait certainement comme second
autonomiques (fréquence cardiaque et tension bénéfice d’homogénéiser les données normatives
artérielle) [84]. Bien que ces facteurs ne semblent qui apparaissent pour le moment très variables
pas corrélés à la performance dans des groupes d’une étude à l’autre, y compris pour une même
pouvant tolérer la procédure (sujets sains), il version de l’épreuve et parfois à travers différents
importe d’être prudent pour des populations plus travaux conduits par une même équipe. Pour la
sensibles (patients neurologiques). En neuropsy- population française, des normes (non publiées)
chologie, deux écoles semblent s’opposer sur l’atti- établies par l’équipe de Marseille en fonction de
tude clinique à adopter dans ce cas. Certains l’âge, du sexe et du niveau scolaire sont utilisées
auteurs considèrent que la PASAT nécessite l’éta- pour les protocoles académiques.
blissement d’une relation de confiance et que le
patient doit seulement être prévenu du caractère
émotionnellement déplaisant de l’épreuve [85].
D’autres pensent que ce test est contre-indiqué chez Tests exécutifs et fonctionnement
les patients anxieux [86]. Quelle que soit l’attitude au quotidien
clinique, les études expérimentales conduites avec
la PASAT devraient systématiquement rapporter le La démonstration psychométrique de déficits sup-
biais d’attrition (patients exclus du protocole) car il pose que des difficultés puissent être prédites dans
est évident que tous les patients (et même certains toute situation impliquant les mêmes processus,
participants sains) ne sont pas en mesure de com- de la vie quotidienne notamment. C’est ce que l’on
pléter la tâche. nomme la validité écologique des tests. Ce point
Un dernier aspect méthodologique concerne les est très important puisqu’une faible performance
réponses en retard, c’est-à-dire les réponses four- qui ne s’observerait que dans le cadre de l’évalua-
nies après que le chiffre suivant a été présenté. Les tion neuropsychologique serait peu pertinente cli-
manuels d’administration et les normes publiées niquement. La question de la validité écologique
sur les différentes versions de la PASAT ne préci- des épreuves exécutives a commencé à être abor-
sent pas comment coter ces réponses. Un travail dée à la fin des années 1990, générant des résultats
conduit par De Luca suggère que les réponses tar- très hétérogènes (voir [88] pour une revue). Même
dives seraient essentiellement correctes [87] chez lorsqu’un lien a été trouvé entre les questionnaires
les patients SEP (formes rémittentes, progressives de fonctionnement exécutif dans la vie quoti-
primaires et secondaires confondues) et les sujets dienne (principalement le Self-rating Dysxecutive
sains. Toutefois, pour un ISI de 2 s (et non de 3 s), Questionnaire, ou DEX-S [89]) et les performances
les patients SEP bénéficieraient plus que les aux tests exécutifs, la validité se révélait modérée
contrôles de la prise en compte de ces réponses, (de .27 à .65). Le travail de Chaytor et al. [88] sem-
suggérant une lenteur de traitement plutôt qu’un ble indiquer que la considération de deux variables
trouble dysexécutif [87]. supplémentaires (mise en place de stratégies

99
Partie III. Troubles cognitifs

­palliatives et demande cognitive environnemen- Leur classification reste également floue, certains
tale) améliorerait la validité écologique du DEX-S. auteurs les concevant exclusivement comme exé-
Le DEX-S a rarement été appliqué à la SEP [90] et cutifs [40]. Quoi qu’il en soit, il apparaît
les corrélations avec les épreuves exécutives n’ont ­fondamental, expérimentalement et surtout cli-
pas été recherchées. Les trois études qui, à notre niquement, de ­documenter ces capacités chez les
connaissance, se sont intéressées à cet aspect patients SEP qui semblent présenter d’importants
[37, 91, 92] ont utilisé un outil évaluant plutôt les troubles des comportements sociaux. En effet,
« personnalités frontales », la FrSBe (Frontal après une longue durée de maladie, 70 % des
Systems Behavior Scale) [93, 94]. Cet autoques- patients SEP seraient sans emploi, divorcés et iso-
tionnaire explore trois dimensions du syndrome lés socialement [95, 96]. La plupart des données
frontal que sont l’apathie, la désinhibition et le disponibles concernant les changements émo-
fonctionnement exécutif. De façon consensuelle, tionnels, motivationnels ou de personnalité d’ori-
les auteurs rapportent un lien entre ce question- gine organique chez les patients SEP sont issues
naire et les performances aux épreuves exécutives. de la littérature neuropsychiatrique. Des modifi-
En administrant la FrSBe également à un accom- cations communes seraient retrouvées, avec une
pagnant, Goverover et al. [91] suggèrent que les égocentricité, un manque d’empathie sociale, un
patients ayant les troubles dysexécutifs les plus discours excessif, des tendances névrotiques
importants présentent l’autoévaluation la plus importantes et un déclin de l’extraversion, de la
discordante par rapport à celle de l’informant. Le conscience et de la conformité sociale [55, 97, 98].
problème majeur de l’ensemble de ces travaux Un travail de Ralph Benedict suggère que les
concerne l’existence de liens statistiquement forts troubles du contrôle exécutif prédiraient la baisse
entre ce questionnaire et d’autres épreuves non de l’empathie [97]. À l’inverse, la présence d’une
spécifiquement exécutives (comme le Code ou dépression majeure aurait un effet délétère sur la
une épreuve de dextérité manuelle). De plus, les mémoire de travail et le fonctionnement exécutif.
performances exécutives des patients inclus appa- Toutefois, savoir si traiter ces troubles générerait
raissent insuffisamment déficitaires (déficit sélec- des bénéfices cognitifs reste à démontrer [99].
tif au TMT-B par exemple, dans l’étude de Basso Concernant spécifiquement le traitement des
et al. [92]) pour en évaluer les conséquences réel- émotions ou l’attribution de pensées aux autres,
les dans la vie de tous les jours. la plupart des revues de neuropsychiatrie occul-
tent ces travaux (voir par exemple [99]) ou clas-
En résumé, de manière générale, il est très difficile
sent les troubles dans la sphère cognitive et non
d’évaluer les conséquences écologiques des trou-
comportementale [100].
bles cognitifs et une discordance est fréquemment
observée entre la plainte d’un patient et les perfor- D’un point de vue neuropsychologique, la cogni-
mances enregistrées aux épreuves neuropsycholo- tion chaude est généralement abordée sous deux
giques. Concernant les fonctions exécutives, un grands volets que sont les émotions (perception
problème supplémentaire semble dû au fait qu’une des émotions et impact de celles-ci sur d’autres
atteinte dysexécutive significative entraîne des biais processus, comme la mémoire) et la théorie de
de jugement. Deux précautions méthodologiques l’esprit, c’est-à-dire la capacité à attribuer des états
semblent prévaloir lors de l’utilisation de question- mentaux (pensées, sentiments…) à soi et à autrui.
naires : l’ampleur de la dégradation intellectuelle et À notre connaissance, les études réalisées chez les
l’avis de l’accompagnant (ce dernier n’étant pas patients SEP dans ce domaine restent marginales.
toujours aisé à recueillir dans le cadre de la SEP). Concernant la perception des émotions, des diffi-
cultés à identifier l’état émotionnel du locuteur à
partir des indices prosodiques du langage ont été
Cognition chaude rapportées [101]. Ces troubles, qui semblent indé-
pendants des atteintes cognitives et perceptives
Explorée depuis seulement une quinzaine d’an- des patients (langage et audition notamment),
nées en neuropsychologie, les processus de cogni- seraient susceptibles de perturber leurs interac-
tion chaude (émotions et cognition sociale) et tions sociales verbales. Bien que centré sur les
leurs bases neuroanatomiques accusent un impor- aspects exécutifs, un travail conduit dernièrement
tant retard en comparaison de la cognition froide. sur des formes rémittentes peu évoluées (≤ 3 ans,

100
Chapitre 9. Fonctions exécutives

EDSS ≤ 2) suggère que l’identification des émo- Anne a ressenti selon vous ? » Enfin, une question
tions faciales et la théorie de l’esprit pourraient contrôle permet de s’assurer que le sujet a correc-
être préservées chez ces patients [40]. Pour cela, tement mémorisé et compris l’histoire : « Dans
des tâches mises au point par Simon Baron-Cohen l’histoire, quelle sorte de tarte Anne a-t-elle faite ? »
et classiquement utilisées pour évaluer la cogni- (traduction réalisée par Audrey Simion).
tion sociale en psychiatrie ont été reprises. Le trai- Pour les patients SEP, des résultats pathologiques
tement des émotions faciales a été testé par le ont cependant été rapportés dans une autre tâche
« langage des yeux » [102]. Dans cette tâche, le classique, impliquant raisonnement et émotions :
sujet doit choisir parmi deux mots associés à un le test du Poker ou l’Iowa Gambling Task (IGT)
visage ou seulement à un regard (figure 9.7) celui [104]. Dans cette épreuve, le sujet doit tenter de
qui décrit le mieux ce que le personnage pense ou gagner le plus d’argent possible en piochant des
ressent (les deux versions ayant été testées dans cartes parmi 4 tas variant en gain. Deux de ces tas,
cette étude). dits « à risque », permettent de gagner immédiate-
La théorie de l’esprit a été investiguée au moyen ment beaucoup d’argent mais génèrent des pertes
de tâches de « faux-pas » [103] dans lesquelles, importantes. Les deux autres tas, « prudents » (ou
après la lecture d’une histoire, le sujet devait déci- conservative, en anglais), occasionnent des gains
der si quelque chose d’inapproprié a été dit par moindres mais les pertes sont négligeables. Au fur
l’un des protagonistes. Par exemple, le cousin et à mesure du jeu, les sujets sains apprennent
d’Anne, Pierre, est venu lui rendre visite. Anne a donc à piocher préférentiellement dans les tas
préparé une tarte aux pommes spécialement pour « prudents ». Pour que cette tâche soit réussie, le
lui. Après dîner, elle dit : « J’ai cuisiné une tarte sujet doit non seulement réaliser une analyse
pour toi. Elle est dans la cuisine. » « Mmmm, cognitive correcte de la situation mais également
répond Pierre, ça sent bon ! J’adore les tartes, sauf présenter une sorte de régulation émotionnelle
celles aux pommes évidemment. » L’examinateur adéquate, c’est-à-dire être capable d’inhiber le
demande ensuite : « Est-ce que quelqu’un a dit gain d’importantes récompenses immédiates au
quelque chose qu’il n’aurait pas dû dire dans cette profit d’un bénéfice plus fructueux mais à long
histoire ou a dit quelque chose de maladroit ? » Si le terme. Selon la théorie des marqueurs somatiques
sujet répond oui, suivent alors plusieurs questions proposée par Antonio Damasio [105], de nom-
destinées à documenter la compréhension du breuses prises de décision reposent sur notre réac-
faux-pas : « Qui a dit quelque chose qu’il ne devait tivité émotionnelle, ou état somatique. L’argument
pas dire ou a dit quelque chose de maladroit ? physiologique majeur en faveur de cette hypo-
Pourquoi il (elle) n’aurait-il pas dû le dire ou pour- thèse concerne l’existence d’un lien entre certai-
quoi était-ce maladroit ? Pourquoi pensez-vous nes tâches émotionnelles ou décisionnelles et des
qu’il (elle) l’a dit ? Quand il a senti la tarte, Pierre mesures de l’activité du système nerveux auto-
savait-il qu’elle était aux pommes ? Qu’est-ce que nome ou marqueurs somatiques (conductance

Pensive Impatiente
Figure 9.7.
Le langage des yeux (Reading the mind in the eyes’ test) [103].
Item extrait de la version « Regards » (www.autismresearchcentre.com/tests/default.asp).

101
Partie III. Troubles cognitifs

cutanée, fréquence cardiaque, activité muscu- même, le suivi de cas subcliniques (découverte
laire). Lors de l’IGT, une augmentation de la fortuite de lésions à l’IRM caractéristiques de la
conductance cutanée est rapportée chez les sujets SEP sans symptômes associés) semble indiquer
sains avant de piocher dans les tas « à risque ». un maintien des scores exécutifs à long terme
Chez les patients SEP, une lenteur d’apprentissage (5–8 ans) en dépit de l’atteinte initialement révé-
[106] et un apprentissage pathologique [40, 106] lée, à l’aide d’épreuves pourtant peu exigeantes
ont été documentés concernant le choix des tas. d’un point de vue exécutif (MCST, TMT, PASAT)
Une réduction de leur réponse anticipatrice a éga- [110].
lement été mise en évidence, quel que soit le niveau Une question cruciale, liée à la précédente,
de dégradation (EDSS ≤ 2 et > 2), et en présence concerne les recommandations pour la pratique
d’une réponse de base équivalente à celles des clinique courante. Il semble bien établi que les
contrôles [106]. Ces résultats suggèrent que les épreuves dites exécutives sont peu corrélées entre
patients SEP présenteraient des troubles décision- elles et que l’évaluation d’un patient doit donc
nels en partie attribuables à une réactivité émo- comporter l’administration de plusieurs tests
tionnelle pathologique. (des performances adéquates au Stroop pouvant
En résumé, la cognition chaude a été très peu explo- cependant être associées à un déficit au
rée dans la SEP mais des troubles semblent exister. Wisconsin, par exemple). Pour la SEP, nous ne
Les difficultés relationnelles de ces patients ainsi disposons pour le moment pas d’arguments per-
que l’isolement social dont ils sont souvent victi- mettant de privilégier certaines épreuves. Au
mes pourraient être en partie consécutifs à des niveau individuel, il importe tout d’abord de
troubles sociocognitifs et émotionnels d’origine savoir exploiter les indices issus des tests exécu-
neurologique. Si cette hypothèse était vérifiée, la tifs, de façon à isoler au mieux un trouble dysexé-
documentation de ces aptitudes devrait également cutif d’autres atteintes cognitives. Compte tenu
apporter un éclairage nouveau sur l’aménagement de la diversité des épreuves exécutives (processus
des interactions entre soignants et patients. explorés et niveau de difficulté), le choix doit se
faire en fonction du patient, c’est-à-dire tout
d’abord de son efficience globale (les sujets peu
Conclusion dégradés devant bénéficier d’épreuves plus exi-
geantes en adéquation avec leur niveau cognitif).
En comparaison d’autres affections neurologi- De plus, il importe de considérer les activités
ques, l’étude cognitive des patients SEP est rela- habituelles du patient afin de cerner les exigen-
tivement récente (années 1990), suscitant pour le ces exécutives requises dans son fonctionnement
moment plus de questions qu’elle n’apporte de quotidien (exigences professionnelles, en parti-
réponses. Concernant les fonctions exécutives, culier pour les patients encore en activité). La
de nombreuses interrogations restent en suspens, documentation des capacités exécutives est un
la plus importante étant certainement l’hypo- élément important du bilan neuropsychologique.
thèse d’une atteinte véritablement exécutive. Comme nous l’avons vu, ces fonctions sont
Comme nous l’avons vu, dissocier le ralentisse- impliquées dans de nombreuses activités et donc
ment du fonctionnement exécutif n’est pas susceptibles de générer un handicap cognitif
­toujours aisé et nécessite des précautions métho- significatif. Bien que la revalidation neuropsy-
dologiques, malheureusement souvent lourdes. chologique n’ait pas été abordée dans cette sec-
Le fait que de nombreuses études longitudinales, tion (voir chapitre 19 de cet ouvrage), l’objectif
rapportant des déficits exécutifs à un stade débu- clinique principal est bien sûr d’aider le patient à
tant de la maladie, ne trouvent pas d’aggravation minimiser l’impact écologique de ses troubles
de ces performances à long terme questionne dysexécutifs : régression de ceux-ci par des
leur nature réellement dysexécutive. Ainsi, une méthodes de stimulation cognitive ou, à défaut,
stabilité est-elle observée pour la PASAT et les mise en place de stratégies palliatives.
fluences formelle et catégorielle sur 2 ans [96, 107] L’auteur est très reconnaissante à Ayman Tourbah
et 4 ans [108] et pour les empans de chiffres et de de ses remarques constructives sur une précédente
localisations à plus de 8 ans d’évolution [109]. De version du manuscrit.

102
Chapitre 9. Fonctions exécutives

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106
Mémoire de travail Chapitre  10
Nathalie Ehrlé, Audrey Henry

Les troubles de la mémoire de travail (MDT) sem­ en faveur d’un système non unitaire, comportant
blent largement reconnus dans la SEP [1–16], cer­ des processus et formes dissociables [25, 26]. Parmi
tains auteurs les considérant même comme le celles-ci, la MDT correspondrait à un système per­
déficit cognitif le plus fréquemment rencontré mettant le maintien à court terme et la manipula­
[17–21]. Ces troubles seraient présents dès les sta­ tion mentale d’informations nécessaires à la
des précoces de la maladie [22–24]. Toutefois, une réalisation d’activités cognitives complexes [27].
certaine prudence s’impose car les outils neuro­ Historiquement, ce concept est né, dans les années
psychologiques utilisés dans ces études sont sou­ 1960 [28], des travaux explorant les relations entre
vent multifactoriels (comme la PASAT) et ne mémoire à court terme (MCT) et mémoire à long
permettent pas de dissocier une atteinte de la terme (MLT). La MCT était alors envisagée d’un
MDT d’autres perturbations cognitives (vitesse de point de vue essentiellement temporel, comme un
traitement, calcul…). De plus, très peu de travaux stock transitoire (quelques secondes à quelques
se sont intéressés aux capacités de MDT en consi­ minutes) permettant le transfert des informations
dérant les différents composants qui la constituent en MLT. L’existence de doubles dissociations neuro­
(voir [8] pour une exception). Au cours de cette psychologiques entre ces systèmes (patients pré­
section, nous définirons d’abord la MDT selon les sentant une atteinte de la MLT sans perturbation
modèles actuels (approche cognitiviste de de la MCT [29, 30] et réciproquement [31]) a
Baddeley et conceptions alternatives) puis illus­ conduit Baddeley et Hitch à réviser en 1974 le
trerons les contraintes psychométriques qui en concept de MCT [32]. Soulignant les interactions
découlent. Enfin, les données obtenues dans la entre ce système de stockage temporaire et les fonc­
SEP seront interprétées à la lumière de cette tions supérieures de haut niveau, ces auteurs privi­
approche théorique. Bien que les capacités en légient les termes de mémoire de travail. Ils
MDT des patients atteints de SEP aient surtout été proposent également de fractionner la MDT en
documentées à l’aide de la PASAT, cette littérature composants multiples (figure 10.1) : la boucle pho-
ne sera pas abordée ici (voir « Fonctions exécuti­ nologique gérerait l’information verbale et acousti­
ves et SEP », p. 89). De même, certains paradigmes que alors que le calepin visuospatial traiterait
appliqués sporadiquement dans cette pathologie l’information visuelle, ces deux systèmes esclaves
(tâches de n-back, empans lettres-chiffres…) ne étant sous le contrôle d’un troisième composant,
seront pas traités ici faute de données suffisantes. l’administrateur central, à capacité attentionnelle
limitée. Cette conception expliquerait pourquoi
certains patients atteints de troubles de la MDT
Définition de la MDT : (atteinte du calepin visuospatial sans atteinte de la
boucle phonologique ni de l’administrateur cen­
importance d’un modèle tral, par exemple) peuvent néanmoins présenter
théorique une MLT normale et réaliser correctement des
tâches cognitives exigeantes [33].
Depuis un demi-siècle, l’étude des bases neurales Par la suite, Baddeley enrichira ce modèle [27] en
de la mémoire a apporté de nombreux arguments subdivisant chacun des systèmes esclaves en deux

107
Partie III. Troubles cognitifs

Administrateur
central

Boucle phonologique Calepin visuospatial


Buffer
épisodique

Stock Récapitulation Stock Manipulation


phonologique articulatoire visuel spatiale

Sémantique MLT
visuelle épisodique Langage

Systèmes cognitifs cristallisés capables d'accumuler des connaissances à long terme.

Systèmes cognitifs fluides non modifiés par l'apprentissage (sauf par l'influence indirecte des
systèmes cristallisés).
Figure 10.1.
Modèle à composants muliples de Alan Baddeley.

composants (stock phonologique et récapitulation nombreux résultats cliniques, le modèle de MDT


articulatoire pour la boucle phonologique ; stock baddeleyen reste le plus influent [35]. Des concep­
visuel passif et manipulation spatiale pour le cale­ tions alternatives plus dynamiques et fonction­
pin visuospatial), puis en ajoutant plus récemment nelles de la MDT existent cependant [36–38].
un quatrième système, le buffer épisodique [34]. Selon ces conceptions, la MDT est modélisée
Ce dernier est conçu comme un système à capa­ comme une portion de la MLT. Ni le mécanisme
cité limitée permettant le stockage temporaire de contrôle cognitif, ni les représentations verba­
d’une information maintenue sous un format les ou visuelles ne seraient spécifiques à la MDT.
multimodal et liant les informations des systèmes En accord avec Baddeley, ces auteurs reconnais­
esclaves aux connaissances stockées en MLT en sent le rôle du cortex préfrontal (processus géné­
une représentation unique [34]. raux d’attention et de contrôle) et des régions
Anatomiquement, les études lésionnelles et neu­ postérieures (traitement perceptif selon le format
roradiologiques suggèrent que le stock phonologi­ verbal ou visuel des stimuli) mais rejettent leur
que et la récapitulation articulatoire seraient implication sélective dans les processus de traite­
associés respectivement aux aires de Brodmann ment à court terme [36–38]. Quelle que soit la
40 et 44, le calepin visuospatial aux aires 6, 19, conception théorique adoptée, il importe de sou­
40 et 47 et l’administrateur central aux aires fron­ ligner que les auteurs semblent s’accorder sur le
tales [33, 34]. Compte tenu de sa large validation fait que des troubles de la MDT peuvent provenir
comportementale chez le sujet sain, de son étayage d’une atteinte de processus de bas niveau et/ou
anatomofonctionnel et de sa compatibilité avec de d’une perturbation des processus de contrôle de

108
Chapitre 10. Mémoire de travail

plus haut niveau. Cliniquement, le handicap de façon à être représentatifs de la littérature de la


cognitif ne sera pas le même selon le niveau de SEP. Le matériel le plus communément utilisé
traitement atteint. Les processus de contrôle (ou (figure 10.2) consiste en des séries de chiffres
l’administrateur central pour Baddeley) consti­ (7-2-6-4-1) et de localisations spatiales (le sujet
tueraient le facteur principal déterminant les dif­ ayant à pointer des cubes répartis sur une plan­
férences interindividuelles en MDT [33, 39], leur che selon un trajet démontré par l’examinateur).
fonctionnement semblant corrélé à des tâches Pour ces mesures d’empans, les performances
cognitives de haut niveau comme les mesures s’évaluent d’abord en ordre direct (le sujet devant
d’intelligence [40]. Ainsi, une atteinte de l’admi­ restituer les items dans le même ordre que l’exa­
nistrateur central est susceptible d’occasionner minateur) puis inverse (en commençant par le
des troubles intellectuels plus invalidants qu’une dernier item).
atteinte de l’un des systèmes esclaves. Chez un Selon le modèle de Baddeley, l’empan en ordre
patient, il importe donc d’explorer les différents direct refléterait une capacité de stockage à court
processus impliqués dans la MDT, ce qui suppose terme supportée par la boucle phonologique ou le
l’application d’outils adaptés. calepin visuospatial. Seul l’empan en ordre inverse
impliquerait une composante exécutive par la sol­
licitation supplémentaire de l’administrateur cen­
Outils cliniques : empans tral (stockage à court terme + manipulation
et contraintes psychométriques mentale de l’information stockée). Ainsi, une per­
turbation de l’administrateur central peut être
La MDT est classiquement évaluée au moyen de suspectée si les performances d’un patient sont
tâches d’empans (empan alphabétique, empan sélectivement déficitaires pour l’empan en ordre
séquentiel, empan de mots courts/mots longs, inverse ou si ses performances se dégradent de
empans de mots qui riment/qui ne riment pas, façon significative en ordre inverse par rapport à
empans lettres-chiffres, n-back, Brown Peterson, l’ordre direct.
double tâche…). L’empan (span en anglais) cor­ Concernant les normes disponibles chez le sujet
respond à la plus grande série d’items restituables sain, Stuss et Levine [41] soulignent que les cota­
immédiatement après leur présentation. Dans un tions combinant les valeurs d’empans en ordre
souci de concision, nous nous focaliserons ici sur direct et inverse au sein d’un score unique ne per­
les tâches d’empans de chiffres et de localisations, mettent pas de dissocier l’évaluation du stockage de

Empans de chiffres Empans de localisations

Examinateur Patient

Ordre direct : 8
3-7-9-6 « 3-7-9-6 » 7
9
4-9-6-2-7-3 « 4-9-6-2-7-3 » 5

Ordre direct : 4
2 6
6-2-8-7 « 7-8-2-6 »
7-3-5-2-6-9 « 9-6-2-5-3-7 » 1 3

NB : Les chiffres inscrits sur les blocs apparaissent du côté examinateur.

Figure 10.2.
Tâches d’empans.

109
Partie III. Troubles cognitifs

la manipulation. D’un point de vue psychométri­ contentent des scores combinés du sous-test
que, cette critique apparaît fondamentale car les « Mémoire des chiffres » des échelles d’intelligence
scores composites de mémoire de travail intégrés ou de mémoire de Wechsler. Des scores pathologi­
aux dernières versions des échelles cliniques les plus ques sont ainsi décrits pour des patients SEP et des
usitées en France (échelle d’intelligence, WAIS-III syndromes cliniquement isolés [45] et pour des
[42] et échelle de mémoire, MEM-III [43]) reposent formes rémittentes ayant débuté depuis moins de
sur des scores combinés. Pour les empans de chif­ 3 ans [46]. Des scores adéquats ont également été
fres, les normes françaises sont également sous ce trouvés avec les versions finlandaise [47] et ita­
format (WAIS-III [42]), seuls les pourcentages lienne [11] de la WAIS. Dans cette dernière étude,
cumulés de la plus longue série en ordre direct et une dissociation avec la mémoire de travail visuos­
inverse étant disponibles (WAIS-III [42] et patiale est indiquée, le score global obtenu aux
­MEM-III [43]). De plus, bien que collectés par le empans de localisations (blocs de Corsi [48]) étant
même auteur, David Wechsler, ces pourcentages déficitaire. Pour l’ensemble de ces travaux cepen­
semblent discordants entre les deux échelles pour dant, aucune conclusion sur les composants de la
certaines classes d’âges (médianes de 6 et 5 chiffres MDT ne peut être tirée, les valeurs des empans en
respectivement pour les 30–34 ans dans la WAIS-III ordre direct et inverse étant confondues.
[42] et de 7 et 5 dans la MEM-III [43], par exemple). Les travaux ayant considéré séparément les deux
Pour les empans de localisations (MEM-III [43]), types d’empans ont plus fréquemment documenté
des valeurs normatives distinctes sont en revanche la mémoire des chiffres que celle des localisations.
rapportées pour les empans endroit et envers. Un déficit sélectif à l’empan de chiffres inverse n’a
De plus, même lorsque des normes détaillées sont qu’exceptionnellement été rapporté [12]. La plu­
publiées, un second problème interprétatif concerne part des auteurs trouvent soit une atteinte (pour
les patients qui présentent de mauvais ou très bons des formes rémittentes et secondairement pro­
empans en ordre direct. En effet, des scores de 4 chif­ gressives [49], pour des syndromes cliniquement
fres à l’endroit et de 3 chiffres à l’envers seront tous isolés [50], ou pour des formes non spécifiées [51]),
deux déficitaires alors que le score envers ne semble soit une préservation des deux mesures d’empan
pas refléter d’atteinte de l’administrateur central. (pour des formes progressives primaires et secon­
Inversement, un patient qui présente des scores de 8 dairement progressives [52], pour des formes
et 5 chiffres en ordre direct et inverse respectivement rémittentes [53, 54], ou pour différentes formes de
obtiendra des performances qui restent dans les nor­ SEP [55]). Ces données reflètent la difficulté à infé­
mes bien que la réduction significative de l’empan en rer à l’heure actuelle une atteinte de la MDT dans
ordre inverse en comparaison de l’ordre direct sug­ la SEP.
gère fortement un dysfonctionnement de l’adminis­ Selon Morgen et al., la valeur de l’empan de chif­
trateur central. Pour l’ensemble de ces raisons, nous fres en ordre inverse serait corrélée à l’atrophie
avons l’habitude de considérer dans notre pratique corticale (VBM) et non à l’atteinte de la substance
neuropsychologique rémoise le classique score de blanche [56, 57]. L’empan en ordre direct n’est
7 items ± 2 [44] pour l’empan en ordre direct (pour cependant pas considéré par cette équipe.
les chiffres et les localisations) et une valeur d’un
Concernant les empans de localisations, les données
item de moins pour l’empan en ordre inverse en
sont là aussi très controversées, avec des perfor­
comparaison de la valeur obtenue par le sujet en
mances globalement perturbées (pour différentes
ordre direct. Pour un patient qui obtient par exem­
formes de SEP [55]), globalement préservées (pour
ple un score de 6 à l’endroit, un score de 5 est attendu
des formes rémittentes [53] ou pour des syndromes
à l’envers, un score ≤ 4 suggérant une perturbation
cliniquement isolés [50]), ou sélectivement tou­
de l’administrateur.
chées pour l’empan en ordre inverse [52].

Mesures d’empans dans la SEP Conclusion


Concernant les empans de chiffres et de localisa­ Bien que les troubles de la MDT soient souvent
tions rapportés pour la SEP, plusieurs études se cités comme caractéristiques de la SEP, cette brève

110
Chapitre 10. Mémoire de travail

revue critique ne permet pas de déterminer si les multiple sclerosis : implications for rehabilitation.
patients présentent effectivement une atteinte de J Neurol Neurosurg Psychiatry 1999 ; 67 (5) : 661-3.
ce système de mémoire. Un point méthodologi­ [5] De Sonneville LM, Boringa JB, Reuling IE,
que important concerne les épreuves employées Lazeron   RH, Adèr HJ, Polman CH. Information
processing characteristics in subtypes of multiple
puisque seule la mesure d’empans de chiffres et sclerosis. Neuropsychologia 2002 ; 40 (11) : 1751-65.
localisations semble standardisée et commune à
[6] Grigsby J, Kaye K, Busenbark D. Alphanumeric
plusieurs études. Ainsi, une homogénéité des pro­ sequencing : a report on a brief measure of informa­
cédures expérimentales incluant l’investigation tion processing used among persons with multiple
systématique des différents composants de la sclerosis. Percept Mot Skills 1994 ; 78 (3 Pt 1) : 883-7.
MDT permettrait de mieux définir la nature des [7] Huijbregts SC, Kalkers NF, de Sonneville LM, de
atteintes qui pourraient exister dans la SEP. En Groot V, Reuling IE, Polman CH. Differences in
particulier, la question d’une perturbation de la cognitive impairment of relapsing remitting, secon­
MDT, opérationnalisée comme un processus dary, and primary progressive MS. Neurology 2004 ;
63 (2) : 335-9.
alliant stockage à court terme et travail mental
sur une information, reste ouverte (atteinte de [8] Litvan I, Grafman J, Vendrell P, Martinez JM. Slowed
information processing speed in multiple sclerosis.
l’administrateur central dans le modèle de Arch Neurol 1988 ; 45 : 281-5.
Baddeley).
[9] Paul RH, Beatty WW, Schneider R, Blanco CR,
Dans le cadre de la pratique clinique, l’empan en Hames KA. Cognitive and physical fatigue in multiple
ordre inverse devrait toujours être interprété en sclerosis : relations between self-report and objective
référence à celui en ordre direct pour que des performance. Appl Neuropsychol 1998 ; 5 (3) : 143-8.
conclusions exécutives puissent être tirées pour [10] Pelosi L, Geesken JM, Holly M, Hayward M,
un patient donné. Un autre point clinique impor­ Blumhardt LD. Working memory impairment in
early multiple sclerosis. Evidence from an event-rela­
tant a trait à la prise en charge des troubles de la ted potential study of patients with clinically isolated
MDT. En cas d’atteinte de l’un des deux systèmes myelopathy. Brain 1997 ; 120 (Pt 11) : 2039-58.
esclaves, boucle phonologique ou calepin visuo­ [11] Piras MR, Magnano I, Canu EDG, Paulus KS,
spatial, une stratégie palliative bénéfique consiste Satta WM, Soddu A, et al. Longitudinal study
à apprendre au patient à convertir le matériel sous of cognitive dysfunction in multiple sclerosis :
un autre format (d’un format verbal vers un for­ ­neuropsychological, neuroradiological, and neu­
mat visuel, par exemple) de façon à ce que l’infor­ rophysiological findings. J Neurol Neurosurg
Psychiatry 2003 ; 74 : 878-85.
mation puisse être gérée par le système esclave
préservé. Dans cette perspective, l’évaluation du [12] Rao SM, Leo GJ, Bernardin L, Unverzagt F. Cognitive
dysfunction in multiple sclerosis. I. Frequency pat­
fonctionnement des deux systèmes est donc fon­
terns and prediction. Neurology 1991 ; 41 : 685-91.
damentale, même s’il est préférable que celle-ci
[13] Rao SM, Reingold SC, Ron MA, Lyon-Caen O,
soit étayée par d’autres épreuves de MDT que les Comi  G. Workshop on Neurobehavioral Disorders
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111
Partie III. Troubles cognitifs

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Chapitre 10. Mémoire de travail

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113
Mémoire épisodique Chapitre  11
France Daniel, Gilles Defer

Les troubles mnésiques et en particulier épiso- selon la théorie de spécificité de l’encodage de


diques constituent une des plaintes cognitives Tulving et al. [3], l’information cible ne serait
les plus fréquentes des patients atteints de SEP pas la seule à être traitée. Ainsi, les informations
et sont de ce fait très étudiés depuis une ving- contextuelles intégrées à la trace mnésique
taine d’années. Il faut cependant noter que la constitueraient autant d’indices pour accéder
plupart des travaux dans ce domaine emploient aux souvenirs ;
le terme de mémoire à long terme, regroupant • le stockage correspond aux processus de mise en
en théorie les concepts de mémoire sémantique réserve de l’information pour usage ultérieur
et épisodique. Il convient donc de définir éventuel. Cette phase ne serait pas passive et
dans un premier temps le concept de mémoire comporterait une consolidation de l’information
épisodique. acquise (notamment au cours du sommeil) ;
• la récupération a pour but de restituer les don-
nées qui ont été mémorisées lors de la phase
Concept de mémoire épisodique d’acquisition. Il existe différents types de
conduites de restitution, qui sont le rappel libre
Selon Tulving [1], la mémoire épisodique corres- ou indicé et la reconnaissance.
pond à la mémoire des événements inscrits dans En neuropsychologie clinique et expérimentale, il
un contexte spatial et temporel précis. Dans son est possible de contrôler une ou plusieurs de ces
modèle d’organisation de la mémoire (modèle SPI, phases afin de mieux définir la nature des troubles
pour sériel, parallèle et indépendant), ce système observés en mémoire épisodique. Si par exemple,
serait le plus élevé dans la hiérarchie et dépendrait l’examinateur s’assure du bon encodage de l’infor-
de l’intégrité des systèmes inférieurs. Il serait de mation, les déficits subsistant pourront être attri-
ce fait le plus susceptible d’être affecté lors d’une bués à un déficit de stockage et/ou de restitution.
pathologie.
Précisons enfin que le concept de mémoire épiso-
Il est aujourd’hui admis que trois processus sont dique défini ci-dessus regroupe deux composan-
impliqués dans la mémoire épisodique : l’enco- tes : antérograde et rétrograde. Tandis que le bilan
dage, le stockage, la récupération : neurospychologique propose presque systémati-
• l’encodage est la phase durant laquelle les carac- quement une évaluation de la mémoire épisodi-
téristiques d’une information perceptive sont que antérograde (évaluation de la capacité à
traitées et converties en trace mnésique, suscep- encoder, stocker et restituer de nouvelles informa-
tible d’être réactivée ultérieurement. Selon la tions), le versant rétrograde (mémoire du passé loin-
théorie de profondeur de traitement de Craik et tain, mémoire autobiographique) n’est aujourd’hui
Lockart [2], un encodage superficiel aboutirait à exploré que dans un cadre expérimental. Notons à
une trace mnésique plus faible et moins durable ce propos que les patients atteints de SEP n’ont pas
qu’un traitement profond sémantique. De plus, toujours de plaintes concernant leurs souvenirs

115
Partie III. Troubles cognitifs

anciens. Par ailleurs, il n’existe que peu (voire pas) dence chez les patients une difficulté à restituer un
d’épreuves simples et validées pour évaluer la nombre croissant d’items en rappel sélectif et un
mémoire autobiographique en routine. Ces rai- taux d’oublis pour le rappel d’histoire sensible-
sons peuvent expliquer au moins en partie le peu ment comparable à celui observé chez les sujets
d’études concernant la mémoire épisodique rétro- contrôles. Ces résultats ont été interprétés en ter-
grade comparées aux très nombreux travaux por- mes de déficit de restitution. Certaines études rap-
tant sur la mémoire épisodique antérograde. portant les performances de patients et de sujets
sains à des épreuves de reconnaissance ont égale-
ment conclu à un déficit de récupération. En effet,
Mémoire épisodique ces travaux ont fait apparaître soit une baisse
mineure [9, 10], soit des performances correctes en
antérograde et SEP reconnaissance [11–14], témoignant selon les
auteurs de l’intégrité des processus d’encodage.
Revue de la littérature
Ces premières études concluaient donc à un défi-
Il est aujourd’hui admis que les patients atteints de cit de récupération, cependant la plupart d’entre
SEP ont une mémoire épisodique antérograde per- elles ne proposaient qu’une modalité de restitu-
turbée [4–6]. L’atteinte spécifique de la mémoire tion (soit rappel libre, soit reconnaissance), ce qui
épisodique pourrait même concerner un pourcen- nécessite d’en modérer les conclusions.
tage de patients supérieur à celui observé classique- D’autres études, aux méthodologies plus élabo-
ment dans les études portant sur les troubles rées, ont porté sur la sensibilité aux interférences
cognitifs en général [7]. Ce déficit majeur et ses et ont également attribué la baisse des performan-
conséquences possibles sur le quotidien des patients ces à un déficit des processus de restitution. Ainsi,
admis, la question d’une connaissance approfondie Rao et al. [15] ont proposé l’apprentissage d’une
de la nature des processus perturbés permettant en liste A de 12 mots en 4 essais, suivi du rappel libre
théorie de proposer une prise en charge adaptée est d’une liste interférente B, lui-même suivi du rap-
primordiale. Cependant, les différentes méthodo- pel libre et de la reconnaissance de la liste A. Après
logies et interprétations proposées par les études un délai de 30 minutes, la liste A faisait l’objet
que nous allons détailler ci-dessous ne permettent d’un rappel différé. Grâce à cette épreuve, les
pas de conclure formellement à un déficit de resti- auteurs ont pu montrer que les patients atteints de
tution et/ou d’encodage et aucune à notre connais- SEP avaient des difficultés à récupérer l’informa-
sance n’a exploré spécifiquement les phénomènes tion après l’apprentissage de la liste B et ont donc
de stockage et de consolidation. conclu à un déficit de restitution lié à une sensibi-
lité excessive à l’interférence rétroactive. Quelques
Études en faveur d’un déficit années plus tard, Jennekens-Schinkel et al. [16]
de restitution ont soumis un groupe de patients et un groupe de
Pendant longtemps, l’adage voulait que le profil sujets sains à différents tests de mémoire visuelle
neuropsychologique des patients atteints de SEP et verbale. Les auteurs ont rapporté des perfor-
soit sous-cortico-frontal et que, par conséquent, mances significativement inférieures chez les
les atteintes en mémoire épisodique soient caracté- patients à la tâche de mémoire verbale et particu-
risées par un déficit exclusif de la restitution. Cette lièrement quand celle-ci était précédée d’une
idée classique a été illustrée par plusieurs études. tâche de mémoire visuelle. Il y aurait donc une
L’une des premières [8] portait sur l’apprentissage sensibilité accrue à l’interférence proactive engen-
d’une liste de 24 mots en 4 essais en situation de drée par le premier apprentissage.
rappel libre. Les auteurs ont constaté que les Ces deux études étayent donc l’hypothèse d’un défi-
patients restituaient moins de mots que les témoins cit de restitution lié à une sensibilité excessive aux
mais qu’en revanche le nombre d’intrusions était interférences rétro et proactives. Cependant, aucune
comparable, et ont conclu en l’absence d’un déficit de ces études n’avait contrôlé la phase d’encodage.
d’encodage. Dans la même perspective, Rao et al. [9] En effet, soit cet encodage se fait sans consigne pré-
ont proposé une tâche de rappel sélectif et une cise, soit le nombre d’essais est fixe et ne permet pas
épreuve de rappel d’histoire. Ils ont mis en évi- forcément l’acquisition effective de l’information.

116
Chapitre 11. Mémoire épisodique

Étude en faveur d’un déficit ration [22]. Enfin, Defer et al. [7] ont émis l’hypo-
d’encodage thèse que les déficits d’encodage et de restitution
pouvaient être liés aux déficits exécutifs des
Tandis que Caine et al. [10] n’avaient pas interprété patients. Les auteurs ont montré que les perfor-
la légère baisse de performance en reconnaissance mances en fluence verbale, le pourcentage d’erreurs
en termes de déficit d’encodage, d’autres études persévératives et le nombre de catégories achevées
comme celle de Van der Burg et al. [17] ont consi- au Wisconsin Card Sorting Test [23] étaient corrélés
déré que le déficit observé en reconnaissance était aux différents scores de rappel et aux indices de
caractéristique d’un dysfonctionnement dès la regroupements sémantiques et de discriminabilité
phase d’acquisition. En effet, la nature des proces- du California Verbal Learning Test (CVLT) [24]. Ils
sus mis en œuvre en reconnaissance est différente ont conclu au fait que les patients pouvaient avoir
de celle impliquée en rappel, qu’il soit libre ou des difficultés à mettre en œuvre spontanément les
indicé. Ainsi, selon Mandler [18], la reconnais- stratégies efficaces à un bon encodage et à une
sance ne nécessiterait pas de recherche active en bonne restitution, et à inhiber celles moins efficien-
mémoire et reposerait davantage sur le sentiment tes et les mauvaises réponses.
de familiarité des items. Son atteinte serait donc le
reflet d’un authentique trouble mnésique caracté-
risé par un déficit d’encodage. Dans le même Principaux outils d’évaluation
temps, des travaux contrôlant la phase d’encodage Dans la plupart des études précédemment citées,
ont apporté d’autres arguments en faveur de cette les outils d’évaluation ne sont pas des épreuves
hypothèse. Caroll et al. [19] ont ainsi proposé l’ap- originales mais des tests standardisés. Cependant,
prentissage d’une liste de mots pour laquelle il était certains de ces tests n’ont pas de versions françai-
conseillé d’adopter une stratégie afin d’optimiser ses validées (les 15 mots de Rey, par exemple). Ce
les performances, suivi d’une tâche de reconnais- paragraphe a donc pour but de présenter les prin-
sance d’images pour laquelle deux consignes d’en- cipaux outils disponibles en France pour évaluer
codage (superficiel et profond sémantique) étaient la mémoire épisodique antérograde et leur intérêt
fournies. Ces auteurs ont montré que les patients dans la SEP (réflexions issues de l’analyse de la lit-
non seulement utilisaient moins spontanément térature et de notre expérience clinique).
que les sujets sains une stratégie d’encodage
sémantique de l’information (suggérant un déficit
d’encodage spontané), mais qu’en plus, quand
Épreuve de Grober et Buschke
cette dernière était utilisée, elle était moins efficace Une version validée en français de l’épreuve de
(suggérant un déficit spécifique de l’encodage Grober et Buschke est présentée dans un ouvrage
sémantique). Par ailleurs, De Luca et al. [20] ont collectif du GREMEM [25].
montré que les patients SEP avaient besoin de plus Cette épreuve consiste en l’apprentissage d’une
d’essais que des contrôles pour apprendre une liste liste de 16 mots présentés visuellement quatre par
de mots, mais qu’une fois l’acquisition de la liste quatre. Lors ce cette phase, l’examinateur demande
obtenue, la restitution était aussi efficiente chez les de montrer et de lire à haute voix le mot corres-
patients que chez les sujets sains, suggérant là aussi pondant à l’indice sémantique fourni (quel est le
un déficit d’encodage. nom de la fleur : jonquille…). Après désignation et
En résumé, la nature des déficits en mémoire épiso- lecture correctes des quatre mots de la fiche, un
dique antérograde reste encore à ce jour discutée, rappel indicé immédiat des quatre items est
certaines études plaidant pour un déficit dès la demandé. Si le rappel indicé est parfait, l’examina-
phase d’encodage quand d’autres ne concluent qu’à teur propose la fiche suivante, sinon, il présente de
un déficit de restitution (voir [21] pour revue). Mais nouveau la première fiche jusqu’à ce que les quatre
l’explication de telles divergences ne se situe-t-elle mots soient encodés. Après une courte tâche de
pas dans le fait que les déficits peuvent être multi- comptage à rebours, un rappel libre est proposé,
ples ? Ainsi, les troubles de mémoire épisodique ont suivi du rappel indicé des mots oubliés lors du rap-
pu être mis en relation avec une diminution de la pel libre, et cela trois fois (avec tâche de comptage
vitesse de traitement de l’information, pouvant à rebours entre chaque essai). Cette phase est sui-
retentir sur les processus d’encodage et de récupé- vie d’une tâche de reconnaissance. Après une

117
Partie III. Troubles cognitifs

vingtaine de minutes, une tâche de rappels libre et gories sémantiques (outils, épices et herbes,
indicé est proposée. vêtements, fruits) ;
Les scores obtenus sont les suivants : • apprentissage en une seule session d’une 2e liste
• score d’apprentissage/16, correspondant au nom- de 16 mots (liste de courses du mardi) apparte-
bre de mots correctement rappelés en rappel nant à 4 catégories sémantiques, dont 2 sont iden-
indicé quatre par quatre ; tiques à celles de la 1re liste ;
• score de rappel libre immédiat/48, correspon- • rappel libre et indicé à court terme de la 1re liste ;
dant au nombre de mots spontanément rappelés • rappel libre et indicé à long terme (20 minutes)
lors des trois essais de rappels libres immédiats ; de la 1re liste ;
• score de reconnaissance/16 ; • reconnaissance des mots de la 1re liste parmi une
• score de rappel total immédiat/48, correspon- liste de 64 mots présentés oralement et incluant
dant au nombre de mots rappelés lors des trois les 16 mots de la 1re liste et 48 distracteurs.
essais de rappels libres et indicés immédiats ; Ce test permet d’obtenir des scores directement
• score de rappel libre différé/16, correspondant liés à la performance lors de chacune des étapes
au nombre de mots spontanément rappelés lors (rappel libre et indicé à court terme, rappel libre
du rappel libre différé ; et indicé à long terme, reconnaissance à long
• score de rappel total différé/16, correspondant terme, persévérations et intrusions). L’analyse
au nombre de mots rappelés lors des rappels permet aussi d’évaluer des indices supplémen-
libres et indicés différés. taires calculés à partir des performances au test
(regroupements sémantiques et sériels, pente
Cette épreuve est la seule permettant de s’assurer de d’apprentissage, indices d’interférence pro et
l’encodage du matériel à mémoriser. Très couram- rétroactives et discriminabilité).
ment utilisée dans les maladies dégénératives telles
Contrairement à l’épreuve de Grober et Buschke,
que la maladie d’Alzheimer ou de Parkinson, elle
le CVLT permet au patient d’encoder « librement »
reste très rarement employée dans les études consa-
les 16 items proposés. Ainsi, les déficits d’encodage
crées à la SEP. Cette désaffection dans le domaine de
spontané sont facilement identifiables (grâce
la recherche concernant cette maladie ne semble
notamment aux indices de regroupements sériels
pourtant pas influer sur son utilisation, encore très
et sémantiques). L’autre intérêt de cette épreuve est
fréquente en consultation neuropsychologique
qu’elle propose les différents types de restitution
« SEP ». Cependant, si la nature des troubles épiso-
possibles (rappels libre et indicé et reconnais-
diques reste encore discutée aujourd’hui, il est un
sance), permettant donc de mettre en évidence des
fait qu’un déficit d’encodage spontané est souvent
déficits de restitution. Enfin, le fait de proposer
avancé et que l’épreuve de Grober et Buschke (où
une seconde liste interférente permet de mesurer
l’encodage est volontairement forcé) ne permettrait
la sensibilité aux interférences. Toutes ces raisons
pas de le détecter en l’absence de déficit de restitu-
suggèrent son intérêt potentiel en pratique clini-
tion. Il nous semble donc que cette épreuve ne
que. Cependant, il faut tenir compte du fait que la
devrait être proposée qu’en deuxième intention
validation française ne prévoit pas de versions
lorsque les tests à encodage « libre » sont trop diffici-
retests et donc lui préférer une autre épreuve en cas
les et/ou anxiogènes pour le patient.
de suivi longitudinal.
California Verbal Learning Test
(CVLT) Épreuves de rappel sélectif
Une version française du CVLT [24], développée
Ce type de tâches a deux versions validées en
et validée par Poitrenaud et al. [26], est aujourd’hui
français : le Selective Reminding Test (SRT), pré-
disponible dans le commerce (éditions ECPA).
sent dans la Brief-Repeatable Battery of Neuro­
Cette épreuve comprend les étapes suivantes : psychological tests (BRB-N) et sa version française
• apprentissage en 5 essais d’une liste de 16 mots la BCcogSEP [27], et le « RLS-15 », publié dans un
(liste de courses du lundi) appartenant à 4 caté- ouvrage collectif du GREMEM [25].

118
Chapitre 11. Mémoire épisodique

Ces deux épreuves comprennent les étapes sui- Spatial Recall Test 10/36
vantes :
Cette épreuve, adaptation du Spatial Recall Test
• apprentissage en 11 essais au maximum d’une 7/24, fait partie de la BRB-N et une validation
liste de 15 mots. Lors du premier essai, la liste de française est proposée dans la BCcogSEP [27].
15 mots est présentée oralement et suivie immé-
diatement d’un rappel libre de l’ensemble des Lors de cette tâche, une grille de 36 cases dont 10
mots. Lors des essais suivants, seuls les mots sont occupées par une pastille est présentée au
non restitués à l’essai précédent sont à nouveau patient durant 10 secondes. Le patient est ensuite
présentés oralement, avec à chaque essai un rap- invité à retrouver l’emplacement des 10 jetons sur
pel libre de la liste complète. L’arrêt de l’épreuve une grille vierge. Cette procédure est répétée trois
intervient soit au bout de 10 ou 11 essais, soit si fois. Après 7 minutes, le patient doit replacer une
le critère de réussite de 2 rappels consécutifs et dernière fois les 10 jetons sur la grille vierge.
complets des 15 mots est atteint ; Les scores obtenus sont la somme des jetons cor-
• après une vingtaine de minutes, un rappel libre et rectement placés lors des trois essais d’apprentis-
une tâche de reconnaissance différés des 15 mots sage et le nombre d’emplacements corrects après
de la liste sont proposés. les 7 minutes.
Cette épreuve de mémoire épisodique visuospa-
Les scores obtenus sont : tiale est la seule validée en français et couram-
• la moyenne des mots corrects émis au cours des ment utilisée dans la SEP. Elle n’est pas (ou peu)
rappels libres immédiats ; dépendante des troubles moteurs et visuels. Elle
• le pourcentage de rappel à long terme consis- peut donc être intégrée facilement à un bilan neu-
tant. Il s’agit du pourcentage de mots rappelés ropsychologique complet.
lors du dernier essai au moins 2 fois consécuti-
vement et à tous les essais subséquents par rap-
port au nombre total de mots rappelés ; Mémoire épisodique
• le nombre de mots corrects restitués en rappel
libre différé ;
rétrograde et SEP
• le nombre de mots reconnus au cours de la tâche La mémoire autobiographique est définie par
de reconnaissance. Baddeley [28] comme « la capacité à récupérer des
Comme pour le CVLT, l’encodage lors de ce type expériences vécues dont le soi est l’objet de
d’épreuve est « libre ». Cependant, l’encodage séman- connaissance ». La distinction au sein de la
tique de l’information n’est pas facilité par la nature mémoire autobiographique d’une composante
du matériel à mémoriser (pas de regroupements épisodique (événements spécifiques situés dans le
sémantiques évidents, par exemple). Ce type temps et dans l’espace et récupérés avec des
d’épreuve est donc considéré comme particulière- détails phénoménologiques) et d’une composante
ment difficile et parfois légèrement anxiogène (les dix sémantique (informations générales du passé) est
essais ne permettent que rarement l’encodage des aujourd’hui admise [28, 29]. Cependant, il est
15 mots…). L’ autre inconvénient de ce type d’épreu- parfois difficile de différencier le contenu épiso-
ves repose sur le fait que toutes les modalités de resti- dique et le contenu sémantique, les deux étant
tution ne sont pas proposées (pas de rappel indicé) et souvent associés dans un même souvenir.
qu’il existe un effet plafond des performances en À notre connaissance, seules trois études ont
reconnaissance. Toutefois, ces épreuves restent parti- exploré la mémoire autobiographique dans la SEP
culièrement intéressantes en cas de suivi longitudinal [30–32]. Ces trois études utilisaient l’Autobiogra-
puisque la version du GREMEM comprend trois lis- phical Memory Interview (AMI) [33] et ont rap-
tes parallèles (même si nous regrettons que les deux porté des résultats contradictoires. Paul et al. [30]
listes retests n’aient pas de normes…) et celle de la ont montré que les patients atteints de SEP pré-
BCcogSEP permet une correction des scores tenant sentaient un déficit au niveau de la sémantique
compte de l’effet retest, qui n’est cependant validée personnelle alors que la composante épisodique
que pour un retest. était préservée. Pour Kenealy et al. [31, 32], en

119
Partie III. Troubles cognitifs

revanche, 60 % des patients présenteraient un [4] Ron MA, Callanan MM, Warrington EK. Cognitive
déficit majeur de la composante épisodique de la abnormalities in multiple sclerosis : a psychometric
and MRI study. Psychol Med 1991 ; 21 : 59-68.
mémoire autobiographique tandis que la compo-
sante sémantique serait davantage préservée. [5] Rao SM. Neuropsychology of multiple sclerosis. Curr
Opin Neurol 1995 ; 8 : 216-20.
[6] Marié RM, Defer GL. Mémoire et fonctions exécu-
tives dans la sclérose en plaques. Proposition d’une
Conclusion batterie adaptée et résultats préliminaires. Rev
Neurol 2001 ; 157 : 402-8.
Si à ce jour, la nature des troubles en mémoire épi- [7] Defer GL, Daniel F, Marié RM. Étude de la mémoire épi-
sodique antérograde est encore discutée, il est sodique dans la sclérose en plaques grâce au California
Verbal Learning Test : données en faveur d’une altéra-
notable que l’idée d’un déficit de récupération a tion de l’encodage. Rev Neurol 2006 ; 162 : 852-7.
longtemps été privilégiée. Pourtant d’autres étu-
[8] Beatty PA, Gange J. Neuropsychological aspects of
des, souvent plus récentes, concluent à l’existence multiple sclerosis. J Nerv Ment Dis 1977 ; 16 : 42-50.
d’un déficit d’encodage pouvant être lié à une
[9] Rao SM, Leo GJ, Saint Aubin-Faubert P. On the
baisse de vitesse de traitement de l’information, ou nature of memory disturbance in multiple sclerosis.
à un déficit d’élaboration de stratégies. Soulignons J Clin Exp Neuropsychol 1989 ; 11 : 699-712.
à ce propos que le champ d’investigation des défi- [10] Caine ED, Bamfort KA, Schiffer RB, Schoulson I,
cits en mémoire épisodique antérograde reste Sanford L. A controlled neuropsychological compa-
aujourd’hui ouvert. En effet, une meilleure risons of Huntington’s disease and multiple sclerosis.
connaissance des liens exacts qu’ils entretiennent Arch Neurol 1986 ; 43 : 249-54.
avec d’autres fonctions cognitives (attentionnelles, [11] Rao SM. Neuropsychology of multiple sclerosis : a
exécutives…) et/ou thymiques et émotionnelles critical review. J Clin Exp Neuropsychol 1986 ; 8 :
503-42.
permettrait d’affiner les programmes de remédia-
[12] Beatty WW, Goodkin DE, Monson N, Beatty PA,
tion cognitive. Par ailleurs, les phénomènes de
Hertsgaard D. Anterograde and retrograde amnesia
stockage et de consolidation restent à ce jour pas in patients with chronic progressive multiple sclero-
ou peu étudiés dans la SEP, ce qui pourrait là aussi sis. Arch Neurol 1988 ; 45 : 611-9.
ouvrir de nouvelles pistes de prise en charge cogni- [13] Beatty WW, Wilbanks SL, Blanco CR, Hames KA,
tive si leur atteinte était objectivée. Tivis R, Paul RH. Memory disturbance in multiple
Concernant la pratique courante, la palette de sclerosis : reconsideration of patterns of perfor-
mance on the Selective Reminding Test. J Clin Exp
tests validés en langue française permet Neuropsychol 1996 ; 18 : 56-62.
aujourd’hui de choisir l’une ou l’autre épreuve en
[14] Callanan MM, Logsdail SJ, Ron MA, Warrington EK.
fonction des contraintes méthodologiques et/ou Cognitive impairment in patients with clinically
de l’ampleur des difficultés mnsésiques rencon- isolated lesions of the type seen in multiple sclerosis.
trées par le patient. A psychometric and MRI study. Brain 1989 ; 112 :
361-74.
Enfin, de nouvelles études portant sur la mémoire
épisodique rétrograde paraissent indispensables [15] Rao SM, Hammeke TA, Mc Quillen MP, Khatri BO,
Llyod D. On the nature of memory disturbance in
pour mieux appréhender l’intégrité des souvenirs chronic progressive multiple sclerosis. Arch Neurol
anciens dans la SEP et peut-être à terme concevoir 1984 ; 41 : 625-31.
et valider des outils simples d’exploration. [16] Jennekens-Schinkel A, Van der Velde EA, Sanders EA,
Lanser JB. Memory and learning in outpatients with
Références quiescent multiple sclerosis. J Neurol Sci 1990 ; 95 :
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120
Chapitre 11. Mémoire épisodique

[20] De Luca J, Barbieri-Berger S, Johnson SK. The nature d’évaluation des fonctions cognitives destinée aux
of memory impairments in multiple sclerosis : acqui- patients souffrant de sclérose en plaques. Rev Neurol
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121
Processus conscients Chapitre  12
et non conscients
Françoise Reuter, Bertrand Audoin, Jean Pelletier

La mémoire explicite ou mémoire consciente cor- tâche de mémoire implicite est liée à l’intégrité des
respond à la récupération intentionnelle, contrô- processus mnésiques automatiques ou non
lée, d’une information stockée en mémoire. La conscients. Toutefois, cette correspondance entre
plupart des travaux étudiant les capacités mnési- type de tâche et processus mnésique est simpliste
ques chez des patients atteints de SEP ont utilisé car elle ne prend pas en compte la possibilité d’une
des tâches de mémoire explicite. Les mécanismes implication de processus mnésiques non conscients
responsables des perturbations des capacités en au cours du rappel conscient de l’information et
mémoire explicite peuvent être multiples et les inversement. L’application de cette procédure chez
données de la littérature ne permettent pas d’en des patients atteints de SEP comparés à des sujets
spécifier la nature exacte. En effet, l’existence de contrôles a permis de mettre en évidence, au cours
ce trouble a été interprétée comme un déficit isolé d’un suivi longitudinal d’une année, une pertur-
du rappel de l’information en l’absence de dimi- bation des processus mnésiques conscients
nution des capacités de stockage [1]. En revanche, contrastant avec l’intégrité des processus mnési-
certaines études mettent l’accent sur l’implication ques non conscients [4]. Du point de vue du déve-
d’autres perturbations cognitives telles que le loppement de stratégies rééducatives de la mémoire
ralentissement du traitement de l’information, les chez des patients atteints de SEP, ces résultats
troubles de la mémoire de travail ou la diminu- montrent qu’il est intéressant de se fonder sur des
tion des capacités d’apprentissage, dans l’appari- mesures indirectes de la mémoire plutôt que sur
tion de perturbation des capacités d’encodage [2]. des mesures de la mémoire explicite.
Même si la nature des perturbations en mémoire Dans un autre travail, la PDP a été utilisée pour
explicite n’est pas clairement identifiée, il est évaluer des patients atteints de SEP en distinguant
admis que la mémoire explicite est perturbée chez deux groupes de patients, un groupe avec un défi-
des patients atteints de SEP alors que les capacités cit cognitif global et un groupe sans déficit cogni-
en mémoire implicite sont préservées. ­Scar­rabelotti tif [5]. Cette étude a reproduit les mêmes résultats
et Carroll ont été les premiers à étudier distincte- que la précédente étude, avec une distinction chez
ment les processus mnésiques conscients et les les patients sans perturbations cognitives chez qui
processus mnésiques automatiques dans la SEP, à les processus mnésiques conscients ainsi que les
l’aide de la procédure de dissociation des proces- processus mnésiques non conscients étaient
sus (PDP) [3, 4]. Le but de cette approche était de préservés.
relier les deux types de tâche (explicite versus
implicite) aux processus mnésiques (conscients La SEP se caractérisant par une dynamique spa-
versus automatiques). La PDP suggère que les per- tiale et temporelle, il existe une grande hétérogé-
turbations dans une tâche de mémoire explicite néité apparente des troubles cognitifs chez les
observées chez les patients atteints de SEP sont patients. Il est donc nécessaire d’utiliser des outils
liées à un déficit du rappel conscient de l’infor- d’évaluation qui permettent de mettre en évidence
mation et que l’absence de perturbations dans une un facteur commun à l’ensemble des perturbations

123
Partie III. Troubles cognitifs

cognitives. Pour répondre à cet objectif, il appa- conscients et conscients chez des patients souf-
raît donc indispensable de se positionner dans les frant de SEP de forme rémittente et chez des
phases qui mettent en jeu les traitements de l’in- patients ayant présenté un premier événement
formation les plus élémentaires possibles comme démyélinisant (syndrome clinique isolé, ou SCI).
la perception. La distinction entre les processus de Dans une première étude, 22 patients atteints de
traitement non conscients et les processus de trai- SEP d’évolution rémittente dont la durée d’évolu-
tement conscients peut s’établir à un niveau plus tion moyenne de la maladie était de 2 ans ont été
général que celui de la mémoire, c’est-à-dire au comparés à un groupe de 22 sujets témoins [9].
niveau de la perception visuelle. Dehaene et al. ont Dans une seconde étude, 18 patients au stade le
récemment développé la théorie de « l’espace neu- plus précoce de la maladie, c’est-à-dire après l’ap-
ronal global de travail conscient » afin de modé­ parition d’un premier événement démyélinisant
liser les processus d’accès à la conscience [6]. (SCI), dont la durée moyenne d’évolution de la
D’après ce modèle, les processus de traitement maladie était de 8 mois ont été comparés à un
non conscients seraient réalisés par des modules groupe de 18 sujets témoins [10]. Dans ces deux
qui fonctionnent en parallèle et traitent l’infor- études, les groupes étaient homogènes en termes
mation sans que le sujet en ait conscience (par d’âge et de niveau scolaire. Afin d’étudier les pro-
exemple : reconnaissance des visages, comparai- cessus de traitements non conscients et conscients
son d’entités numériques, détection du mouve- ainsi que la transition entre ces deux types de pro-
ment d’objet) [7]. Une information traitée par un cessus, une tâche de masquage visuel rétrograde a
processeur va devenir consciente lorsqu’elle est été utilisée [11]. Dans ce type de paradigme expé-
mobilisée par un mécanisme d’amplification rimental, l’identification consciente d’un stimulus
attentionnelle « top-down », entraînant la forma- « cible » est altérée du fait de la présentation d’un
tion d’une activité neuronale cohérente à longue second stimulus « masque » qui le suit dans le
distance liant les aires sensorielles aux aires de temps (figure 12.1). D’après le modèle de l’espace
plus haut niveau de traitement (activité réverbé- de travail neuronal conscient, ce masquage cor-
rante). Cette information deviendrait alors acces- respondrait à une interruption de l’activité réver-
sible à un vaste réseau de neurones interconnectés bérante, à la fois par une modification survenant
et distribués dans tout le cerveau et donc disponi- trop rapidement avant l’amplification de l’activité
ble pour une grande variété de processus cognitifs du stimulus ascendant, et par une modification
(prise de décision, contrôle cognitif, catégorisa- de l’activité attentionnelle descendante. Le mas-
tion). Selon ce modèle, cette fonction d’amplifica- quage visuel rétrograde est un paradigme expéri-
tion attentionnelle et d’intégration à longue mental simple qui permet d’évaluer les processus
distance serait assurée par des neurones dont la de ­traitements non conscients et conscients ainsi
caractéristique essentielle est de pouvoir mettre
en place des connexions à longue distance per- TEMPS
mettant de lier entre eux les différents processeurs
spécialisés. Les neurones impliqués dans cet CIBLE
espace de travail conscient ou workspace seraient
distribués dans plusieurs régions cérébrales, for-
M
mant alors un système distribué de connexions 9 Z
Z
cortico-corticales et cortico-sous-corticales, avec +
une densité plus importante dans les régions pré- M
frontales, cingulaires antérieures et les cortex 94Z
associatifs temporo-pariétaux [8]. Au stade pré- + Z
coce de la SEP, l’atteinte diffuse de la myéline, en
l’absence de lésions axonales, pourrait se répercu-
ter de manière préférentielle sur les processus
Délai en ms
cognitifs de haut niveau impliquant des régions céré- AMORCE
brales distantes qui doivent interagir rapidement. Figure 12.1.
En utilisant ce modèle, une approche récente a Exemple d’une tâche de masquage visuel
permis d’évaluer les processus de traitement non rétrograde (d’après Reuter et al., 2009 [9]).

124
Chapitre 12. Processus conscients et non conscients

que la transition entre ces deux états en mesurant En effet, il a été montré qu’il existait chez des
le seuil d’accès à la conscience chez des patients patients SCI un lien entre le retard d’accès à la
atteints de SEP. Il a ainsi été mis en évidence un conscience et la diminution du taux de transfert
retard de perception consciente mesuré par l’aug- d’aimantation au niveau de larges faisceaux asso-
mentation significative du seuil d’accès à la ciatifs tels que le faisceau occipitofrontal et le fais-
conscience dans les deux groupes de patients ceau longitudinal inférieur (figures 12.2 et 12.3).
(rémittents et SCI). Néanmoins, les processus de Ces résultats corroborent d’autres études ayant
traitements non conscients restaient préservés rapporté une implication de la déstructuration de
chez l’ensemble des patients. En effet, il était la substance blanche d’apparence normale dans
observé un effet de priming identique chez les l’apparition du dysfonctionnement cognitif dans
patients comparés aux sujets témoins au cours des la SEP [12–14]. En effet, plusieurs études récentes
processus de traitement non conscients [9]. ont démontré que les troubles cognitifs, au stade
L’intégrité de ces processus de traitement pourrait précoce de la SEP, étaient reliés aux perturbations
être liée au fait que cette activité engage des de la connectivité cérébrale. Certaines techniques
connexions à courte distance. En revanche, le d’IRM quantitatives non conventionnelles telles
retard d’accès aux processus de traitement que l’imagerie pondérée en transfert d’aimanta-
conscients observés chez les patients serait lié à tion et en diffusion (tractographie) permettent de
l’atteinte des connexions à longue distance sus- mieux caractériser les lésions macroscopiques
ceptibles d’être davantage touchées par le phéno- mais aussi microscopiques présentes dans le tissu
mène de démyélinisation. Cette hypothèse a été d’apparence normale (substance blanche et sub­
vérifiée dans une étude où les liens potentiels stance grise) chez les patients atteints de SEP.
entre le retard d’accès à la conscience et l’atteinte Dans les deux études citées précédemment, le déficit
de la substance blanche évaluée par IRM pondé- cognitif global des patients a été évalué à l’aide d’une
rée en transfert d’aimantation ont été mesurés 10]. batterie courte d’évaluation ­neuropsychologique

Figure 12.2.
Cartographies statistiques des régions de substance blanche de l’hémisphère droit, dont la baisse
de TTA (taux de transfert d’aimantation) est corrélée au seuil d’accès à la conscience chez des
patients SCI (d’après Reuter et al., 2009 [10]).

125
Partie III. Troubles cognitifs

Figure 12.3.
Cartographies statistiques des régions de substance blanche de l’hémisphère gauche, dont
la baisse de TTA (taux de transfert d’aimantation) est corrélée au seuil d’accès à la conscience
chez des patients SCI (d’après Reuter et al., 2009 [10]).

couramment utilisée dans cette pathologie, la de SEP. En effet, cette transition mesurée par le
BRB-N [15]. Les patients atteints d’une SEP de forme seuil d’accès à la conscience représente un facteur
rémittente (premier groupe étudié) obtenaient des commun à l’ensemble des troubles cognitifs
scores significativement différents par rapport aux observés dans des tâches cognitives qui requièrent
sujets contrôles pour les tests de fluence verbale et du un contrôle attentionnel important (vitesse de
SDMT (Symbol Digit Modalities Test). Ces paramè- traitement de l’information, mémoire de travail,
tres n’étaient pas corrélés au seuil d’accès à la fluences verbales). Cette mesure du seuil d’accès à
conscience. Dans le second groupe étudié (patients la conscience présente aussi l’avantage de ne pas
SCI), les scores obtenus étaient aussi significative- être sensible à un effet test-retest, ce qui la rend
ment différents par rapport aux sujets contrôles pour plus adaptée au suivi longitudinal des patients et
le test de fluence verbale, ceux-ci étant toutefois non au caractère évolutif de la SEP par rapport aux
corrélés au seuil d’accès à la conscience. outils d’évaluation classiques utilisés en neuro­
L’étude des processus de traitement non conscients psychologie. Par ailleurs, ce paramètre présente
et conscients (mémoire, perception) ainsi que de une bonne sensibilité puisqu’il a permis de discri-
la transition entre ces deux types de processus miner des patients très peu évolués (patients SCI)
(mesure du seuil d’accès à la conscience) peut de patients dont la durée d’évolution de la maladie
apporter de nouvelles perspectives en termes était plus longue (SEP de forme rémittente). La
d’évaluation et de stratégie de réadaptation cogni- sensibilité de la mesure du seuil d’accès à la
tive chez des patients atteints de SEP. La tâche conscience reste encore à confirmer, notamment
expérimentale permettant de déterminer chez chez des patients plus évolués (figure 12.4).
chaque individu un seuil d’accès à la conscience En conclusion, la distinction entre les processus de
est un paradigme simple qui pourrait être utilisé traitement automatiques et les processus de traite-
en tant qu’outil d’évaluation clinique des pertur- ment qui requièrent un contrôle attentionnel a été
bations cognitives précoces des patients souffrant décrite il y a quelques décennies par Schneider et

126
Chapitre 12. Processus conscients et non conscients

[2] De Luca J, Barbieri-Berger S, Johnson SK. The nature


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sition versus retrieval. J Clin Exp Neuropsychol
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workspace framework. Cognition 2001 ; 79 (1–2) :
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ming extends to novel unseen stimuli. Cognition
Figure 12.4. 2001 ; 80 (3) : 215-29.
Image montrant la directionnalité de diffusion [8] Dehaene S, Kerszberg M, Changeux JP. A neuronal
des molécules d’eau dans la substance model of a global workspace in effortful cogni-
blanche (en haut : orientation gauche-droite tive tasks. Proc Natl Acad Sci USA 1998 ; 95 (24) :
en rouge, orientation haut-bas en bleu, et 14529-34.
antéropostérieure en vert) et tractographie [9] Reuter F, Del Cul A, Audoin B, Malikova I, Naccache L,
de faisceaux pyramidaux (en bas). Ranjeva JP, et al. Intact subliminal processing and
delayed conscious access in multiple sclerosis.
Neuropsychologia 2007 ; 45 (12) : 2683-91.
Shiffrin. D’après les résultats des travaux mention- [10] Reuter F, Del Cul A, Malikova I, Naccache L,
nés dans cette section, cette dissociation apparaît Confort-Gouny S, Cohen L, et al. White matter
pertinente pour la caractérisation des perturba- damage impairs access to consciousness in multiple
tions cognitives chez des patients atteints de SEP. sclerosis. NeuroImage 2009 ; 44 (2) : 590–9.
En effet, cette maladie, caractérisée par une atteinte [11] Del Cul A, Dehaene S, Leboyer M. Preserved sublimi-
précoce de la substance blanche, entraîne des diffi- nal processing and impaired conscious access in schi-
cultés lors de la réalisation de tâches cognitives zophrenia. Arch Gen Psychiatry 2006 ; 63 (12) : 1313-23.
impliquant un contrôle attentionnel important [12] Audoin B, Au Duong MV, Ranjeva JP, Ibarrola D,
alors que les tâches dites automatisées semblent Malikova I, Confort-Gouny S, et al. Magnetic reso-
nance study of the influence of tissue damage and
être préservées au moins pendant les dix pre- cortical reorganization on PASAT performance at
mières années d’évolution de la maladie. Cette the earliest stage of multiple sclerosis. Hum Brain
­observation devrait encourager et inspirer le déve- Mapp 2005 ; 24 (3) : 216-28.
loppement de techniques de réhabilitation cogni- [13] Audoin B, Guye M, Reuter F, Au Duong MV, Confort-
tive, suggérant que la mémoire implicite ou le Gouny S, Malikova I, et al. Structure of WM bundles
traitement non conscient de l’information repré- constituting the working memory system in early
sentent des capacités cognitives préservées sur les- multiple sclerosis : a quantitative DTI tractography
study. NeuroImage 2007 ; 36 (4) : 1324-30.
quelles les patients pourraient s’appuyer afin de
réduire, dans une certaine mesure, leurs difficultés [14] Ranjeva JP, Pelletier J, Confort-Gouny S, Ibarrola D,
Audoin B, Le Fur Y, et al. MRI/MRS of corpus callosum
de la vie quotidienne et professionnelle. in patients with clinically isolated syndrome suggestive
of multiple sclerosis. Mult Scler 2003 ; 9 (6) : 554-65.
Références [15] Boringa JB, Lazeron RH, Reuling IE, Ader HJ,
Pfennings L, Lindeboom J, et al. The brief repeata-
[1] Grafman J, Rao S, Bernardin L, Leo GJ. Automatic ble battery of neuropsychological tests : normative
memory processes in patients with multiple sclero- values allow application in multiple sclerosis clinical
sis. Arch Neurol 1991 ; 48 (10) : 1072-5. practice. Mult Scler 2001 ; 7 (4) : 263-7.

127
Facteurs confondants Chapitre  13

Fatigue professionnelle et peut avoir des conséquences


multiples dans la vie quotidienne des patients, au
Sophie Pittion-Vouyovitch, niveau relationnel, social ou professionnel [9]. Les
Marc Debouverie définitions de la fatigue sont innombrables et ren-
voient à des concepts plurifactoriels qui majorent
La fatigue est un symptôme non spécifique, sub- les difficultés du clinicien lorsqu’il est confronté à
jectif, rencontré dans de nombreuses maladies cette question [10].
chroniques, en particulier la sclérose en plaques. La fatigue dans la SEP est une sensation exprimée
Elle a été, pendant longtemps, négligée par le corps de façon différente par les patients. Ses caractéris-
médical. La prise en compte de ce symptôme est tiques, comparées à la fatigue normale, sont essen-
relativement récente dans la sclérose en plaques et tiellement son apparition rapide après un effort
date des années 1980. En effet, c’est en 1989 que minimal, avec un temps de récupération majoré.
Krupp et al. publient la première échelle de fati- Elle est plus fréquente et plus sévère que la fatigue
gue, la Fatigue Severity Scale (FSS), mettant en évi- normale. Il s’agit d’une fatigue chronique exacer-
dence une prévalence plus élevée de ce symptôme bant les autres symptômes de la maladie [11]. Il
chez les patients atteints de maladies chroniques faut distinguer la fatigabilité physique de la fati-
comme la sclérose en plaques ou le lupus érythé- gue cognitive, qui peut être majorée lors d’un
mateux disséminé par rapport aux sujets sains [1]. effort d’ordre intellectuel. Ce dernier domaine est
Le premier problème auquel se heurtent les méde- mal connu, difficile à évaluer et souvent interprété
cins vis-à-vis de ce symptôme est son évaluation comme un déficit de type cognitif. Une échelle, la
objective pour connaître sa fréquence, son inten- Fatigue Impact Scale (FIS), ou sa version courte, la
sité, son autonomie comme symptôme de la SEP à Modified Fatigue Impact Scale (MFIS), couram-
part entière et non comme une variante sémiolo- ment utilisée, permet d’en étudier les trois dimen-
gique particulière du syndrome dépressif [2]. sions (cognitive, physique et psychosociale) [12].
Différentes échelles de mesure ont été proposées Les données de la littérature dans ce domaine sont
et ont fait l’objet d’études de validation, essentiel- parfois contradictoires. Aucun lien significatif n’a
lement en langue anglaise, mais aucune ne fait été établi entre le sexe et la fatigue. De même, il
figure de référence sur le plan international, a n’existe pas de corrélation entre les échelles de fati-
contrario de l’EDSS pour l’invalidité [3]. gue et l’âge des patients, hormis pour la dimension
C’est une plainte très fréquente au cours de la SEP. physique [6, 13]. Les scores élevés de fatigue, éva-
Elle est rapportée par les patients dans 50 à 90 % luée par l’EMIF-SEP (échelle de mesure de l’impact
des cas, selon les études [4–6], et 55 % des patients de la fatigue dans la SEP), traduction et adaptation
la considèrent comme l’un des trois symptômes culturelle de la FIS, sont corrélés significativement
les plus sévères de leur maladie [5]. Elle peut être aux scores EDSS élevés [14]. Cependant la relation
responsable d’une accentuation des autres symp- apparaît statistiquement significative uniquement
tômes dans 48 % des cas [7]. Elle apparaît parfois entre les scores élevés de l’EDSS et les dimensions
chez les malades avant les premiers signes clini- physique ou sociale de l’EMIF-SEP. Ainsi, il n’a pas
ques neurologiques déficitaires [5, 8]. Elle est sou- été mis en évidence de corrélation entre la dimen-
vent responsable d’un arrêt précoce de l’activité sion cognitive de l’EMIF-SEP et l’EDSS [6].

129
Partie III. Troubles cognitifs

L’intensité de la fatigue physique pourrait être un de la MFIS évalue le retentissement de la fatigue


facteur prédictif du handicap, ce qui n’est pas le cas sur le fonctionnement cognitif, qui est à différen-
de la fatigue cognitive [15]. La relation entre la fati- cier de la fatigue cognitive.
gue et les troubles des fonctions cognitives reste très À l’opposé, la relation entre diminution des per-
controversée [16–25]. Une étude de Krupp et al. formances cognitives et fatigue est retrouvée dans
montre que la fatigue cognitive est liée à une dimi- de nombreux travaux, que ce soit en début de
nution des performances cognitives, objectivée par maladie ou au cours de l’évolution [17, 24].
une série de tests proposés à deux reprises aux
patients atteints de SEP, entrecoupée d’une épreuve Une étude publiée en 2008, évaluant le lien entre
numérisée d’arithmétique nécessitant un effort la fatigue et la topographie des lésions et de
intellectuel soutenu. Cette étude a montré une l’atrophie cérébrale, retrouve une corrélation
baisse des performances en mémoire immédiate et statistiquement significative entre les scores de
visuospatiale, ainsi qu’une baisse du raisonnement fatigue et une partie de l’évaluation neuropsy-
abstrait chez les patients atteints de SEP alors que chologique portant sur l’attention, utilisant le
les sujets témoins amélioraient leurs scores. SDMT (p = 0,003) et la PASAT (p = 0,025). Les
Concernant les scores de fatigue physique et men- auteurs suggèrent que la fatigue pourrait être liée
tale, ils étaient majorés au cours des tests compara- aux perturbations des circuits neuronaux impli-
tivement aux scores initiaux, et cela dans les deux qués dans les processus attentionnels [25].
groupes [19]. D’autres travaux ne retrouvent pas de Citons également un autre travail ayant pour objec-
relation entre la fatigue et le dysfonctionnement tif de mesurer la fatigue cognitive en couplant la réa-
cognitif [20–22]. Bailey et al. ont étudié le lien entre lisation de tests neuropsychologiques et l’imagerie
la « fatigue cognitive » (correspondant à une dimi- fonctionnelle. Les données d’imagerie objectivent
nution des performances au cours des tests) et la une augmentation de l’activité cérébrale au niveau
fatigue subjective évaluée par des échelles de fatigue du cortex orbitofrontal seul (si l’on considère la
(FSS : Fatigue Severity Scale), en soumettant une période d’une passation de test) ou associé aux aires
série de tests neuropsychologiques à des patients pariétales et ganglions de la base (s’il est pris en
atteints de SEP anciennes avec un handicap sévère compte plus d’une passation de tests) chez les patients
(EDSS = 7–8) comparés à une population contrôle. atteints de SEP comparativement aux témoins [26].
La fatigue subjective est évaluée au début et à la fin La relation entre fatigue et cognition est donc dif-
de chaque session de tests. Les scores de fatigue sub- ficile à étudier, se heurtant à des problèmes de
jective se majorent au cours de chaque session dans définition, de conceptualisation de la fatigue mais
les 2 groupes, mais de façon plus importante chez également à des problèmes méthodologiques. Les
les patients SEP ; en revanche, il n’est pas mis en évi- résultats controversés dans la revue de la littéra-
dence de corrélation entre les modifications des sco- ture peuvent s’expliquer par plusieurs raisons. La
res de fatigue subjective et la fatigue cognitive [20]. fatigue est multidimensionnelle et inclut une
Parmenter et al. ont tenté une approche différente dimension cognitive qui peut être source d’ambi-
en évaluant les performances cognitives chez les guïtés, mais se différencie de la fatigue cognitive,
mêmes patients SEP (EDSS moyen = 4,6 [1,2–4]) à entité définie comme un déclin des performances
deux périodes distinctes : l’une au cours de laquelle après le maintien d’un effort mental soutenu.
il existe une fatigue marquée objectivée à l’aide de
Les échelles de fatigue utilisées sont différentes selon
deux échelles (FSS, FIS), puis une période où les
les études : certaines sont ­multidimensionnelles,
scores de fatigue sont faibles. Il n’est pas retrouvé de
d’autres unidimensionnelles ; elles ­comprennent
différence significative des performances cognitives
inconstamment une dimension cognitive comme la
quels que soient les scores de fatigue [21].
FIS ou la MFIS, qui évalue le retentissement de la
Certaines études retrouvent des résultats discor- fatigue sur le fonctionnement cognitif. Les batteries
dants en fonction des échelles de fatigue utilisées, d’évaluation neuropsychologique utilisées sont éga-
objectivant une relation significative entre les lement différentes selon les auteurs et parfois rédui-
­scores de fatigue cognitive et les scores de la FSS tes à quelques tests nécessitant peu d’efforts
(p < 0,008), mais non avec les scores de la MFIS intellectuels. Le faible nombre de patients inclus
ou même avec la dimension cognitive de la MFIS peut également représenter un facteur limitant la
[23]. Il faut souligner que la dimension cognitive puissance de certaines études.
130
Chapitre 13. Facteurs confondants

Dans l’avenir, l’utilisation d’échelles de fatigue et sur le niveau éducatif des patients. L’étude
de batteries de tests neuropsychologiques de façon PAQUID, grande étude épidémiologique en popu-
consensuelle permettrait probablement de com- lation, a montré qu’un haut niveau éducatif dimi-
parer objectivement les résultats. nue le risque de MA dans les tranches d’âge
La fatigue, sensation subjective, est une plainte uni- inférieures [27]. En fait, il semble que le niveau
verselle difficile à caractériser et donc à évaluer. Les éducatif retarde l’apparition des symptômes et
travaux effectués sur la fatigue dans le domaine de ainsi le diagnostic. En effet, au début de la patholo-
la sclérose en plaques se sont multipliés et ont per- gie, les patients atteints de MA avec un haut niveau
mis de considérer la fatigue comme un symptôme d’études présentent moins de troubles cognitifs
de cette affection. Elle apparaît multidimension- que les patients avec un bas niveau d’études mais
nelle. Sa pathogénie semble intriquée avec celle de cet avantage disparaît brutalement après un cer-
la sclérose en plaques et elle peut interférer avec tain temps d’évolution de la maladie, où l’on
l’évaluation des fonctions cognitives des patients. observe que les performances des patients à haut
niveau d’études rejoignent celles des patients à bas
niveau. Cet effet protecteur du niveau éducatif sur
la présence de déficits cognitifs, appelé capacité de
Troubles cognitifs et niveau réserve cognitive [28, 29], suggère la mise en place
d’éducation de phénomènes de plasticité cérébrale particuliers
venant compenser, chez les patients MA à haut
Bruno Brochet niveau d’études, l’atteinte lésionnelle. Ce phéno-
mène de compensation pourrait passer par des
Dans la maladie d’Alzheimer (MA), il a été montré modifications au niveau des réseaux neuronaux
un phénomène de compensation particulier fondé sous-tendant les tâches cognitives.

Tableau 13.1
Scores cognitifs selon le niveau d’éducation chez 43 patients ayant une SEP-RR cliniquement
définie depuis moins de 6 mois et 43 sujets sains appariés individuellement pour l’âge, le sexe
et le niveau éducatif
Tests Bas niveau d’éducation (n = 19) Haut niveau d’éducation (n = 24)
Patients Contrôles p Patients Contrôles p
SRT-LTS 45,16 (11,74) 57,21 (6,88) < 0,001 55,46 (10,67) 56,00 (10,64) NS
SRT-CLTR 30,89 (11,79) 46,52 (10,17) < 0,0001 48,00 (15,51) 48,62 (12,51) NS
10/36 18,89 (3,38) 22,31 (5,24) < 0,05 21,21 (5,49) 21,87 (4,89) NS
SRT-rappel 9,05 (2,09) 11,00 (1,05) < 0,01 10,46 (2,06) 10,87 (1,67) NS
10/36-rappel 6,26 (2,15) 8,31 (1,76) < 0,05 7,12 (2,56) 8,12 (1,85) NS
SDMT 36,31 (8,49) 56,26 (6,02) < 0,0001 46,33 (11,46) 57,00 (11,70) < 0,001
PASAT-3s 36,31 (16,46) 45,95 (10,11) < 0,01 47,41 (8,63) 48,75 (8,28) NS
PASAT-2s 25,10 (16,26) 38,47 (9,21) < 0,01 37,62 (8,98) 42,62 (8,42) < 0,05
WAIS-R 15,42 (5,33) 21,37 (3,07) < 0,001 19,54 (3,76) 21,04 (3,86) NS
Stroop 1,79 (0,74) 1,36 (0,19) < 0,05 1,95 (1,03) 1,32 (0,36) < 0,05
Go/No go 1,07 (0,15) 1,11 (0,11) NS 1,06 (0,12) 1,12 (0,13) NS
Ruff1 9,79 (4,95) 13,73 (4,75) < 0,01 13,21 (4,30) 13,29 (6,46) NS
Ruff2 7,00 (4,71) 11,58 (6,03) < 0,01 13,54 (7,20) 11,96 (6,96) NS
Boston 23,26 (2,42) 24,42 (2,14) < 0,05 24,37 (2,79) 24,41 (2,78) NS
WLG 22,05 (5,95) 24,26 (6,34) NS 26,12 (6,16) 27,83 (7,27) NS

131
Partie III. Troubles cognitifs

60

Score au SDMT 50

40

30

20

10

0
0 10000 20000 30000 40000 50000
Volume lésionnel (mm3)

HN BN Linéaire (HN) Linéaire (BN)

Figure 13.1.
Graphe de corrélation entre les scores au SDMT en fonction du volume lésionnel mesuré
sur les séquences FLAIR/T2 chez les patients à haut niveau (HN) et bas niveau (BN) éducatif
dans la cohorte AQUISEP (d’après Bonnet MC, communication personnelle).
Hauts niveaux : r = – 0,69 (p < 0,001). Bas niveaux : NS.

Bonnet et al. [30] ont étudié cette question dans tives différentielles observées selon le niveau d’étu-
des formes rémittentes de SEP dans le cadre d’une des n’étaient pas dues à des différences de sévérité
étude aux objectifs multiples (cohorte AQUISEP), de la maladie puisque les paramètres cliniques,
réalisée sur une cohorte de patients recrutés au démographiques et IRM ont été trouvés non signi-
moment du diagnostic de SEP-RR cliniquement ficativement différents entre les deux groupes de
définie. Sur les 43 patients SEP-RR de la cohorte patients. De manière identique, ces différences
AQUISEP strictement appariés à des sujets d’un point de vue cognitif ne sont pas dues à des
contrôles sains en termes d’âge, de sexe et de différences concernant l’état émotionnel du patient
niveau d’éducation, les patients avec un niveau puisque les scores de fatigue et de dépression ne
d’études inférieur strictement à 12 années d’étu- différaient pas entre les deux groupes.
des présentaient des performances cognitives L’ ensemble de ces résultats suggère qu’il existe
significativement inférieures à celles de leurs des phénomènes particuliers qui viennent com-
contrôles sains appariés pour l’ensemble des tests penser les atteintes tissulaires des patients avec un
proposés dans la batterie neuropsychologique, à niveau d’éducation supérieur et limitent leur
l’exception de deux (WLG, Go/No go) (tableau atteinte cognitive tout au moins au début de l’évo-
13.1). Les tests cognitifs les plus altérés étaient le lution. Une capacité de réserve cognitive protége-
SDMT, les deux index à court terme du SRT, et le rait ces patients de l’effet de la destruction
sous-test des similitudes de la WAIS-R. Au tissulaire au niveau de leur système nerveux cen-
contraire, les patients à haut niveau d’études ne tral. Ces phénomènes de compensation peuvent
présentaient que trois test cognitifs significative- cependant être limités lors de l’augmentation des
ment différents de leurs contrôles sains appariés ressources cognitives nécessaires au test et par
(SDMT, PASAT-2s et Stroop). Ces atteintes cogni- l’augmentation du degré d’atteinte tissulaire.

132
Chapitre 13. Facteurs confondants

Ces phénomènes de réserve cognitive sont impor- sclerosis and its relationship to depression and neu-
tants dans la perspective de la rééducation cogni- rologic disability. Mult Scler 2000 ; 6 : 181-5.
tive. Ils ont cependant des limites puisque les [14] Debouverie M, Pittion-Vouyovitch S, Louis S,
patients à haut niveau ayant l’atteinte lésionnelle Guillemin F. Validity of a French version of the fati-
gue impact scale in multiple sclerosis. Mult Scler
en IRM la plus importante sont ceux qui ont les 2007 ; 13 : 1026-32.
performances les moins bonnes (figure 13.1).
[15] Debouverie M, Pittion-Vouyovitch S, Brissart H,
L’existence de ces phénomènes de compensation a Guillemin F. Physical dimension of fatigue correla-
été confirmée récemment [31]. ted with disability change over time in patients with
multiple sclerosis. J Neurol 2008 ; 255 : 633-6.
[16] Schwartz CE, Coulthard-Morris L, Zeng Q.
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133
Partie III. Troubles cognitifs

PAQUID project. J Neurol Neurosurg Psychiatry [30] Bonnet MC, Deloire MS, Salort E, Dousset V, Petry
1999 ; 66 : 177-83. KG, Brochet BAQUISEP Study Group. Evidence of
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its implication for the constitution of the cognitive multiple sclerosis. J Clin Exp Neuropsychol 2009 ;
reserve. Dev Neuropsychol 2003 ; 23 : 317-37. 27 : 1-14.

134
Démence Chapitre  14
Gilles Defer, France Daniel

Si le neurologue averti connaît et sait aujourd’hui « L’homme en démence est privé des biens dont il
identifier les principaux déficits cognitifs observés jouissait autrefois, c’est un riche devenu pauvre. »
dans la SEP, il est parfois confronté à des patients Dans le même temps, il proposa la distinction
dont l’atteinte cognitive semble sévère ou très sévère, entre démences « aiguës » et « chroniques ». La
compromettant significativement leurs activités notion de démence « aiguë » fut ensuite abandon-
quotidiennes et les rendant dépendants de leur née, au profit du concept actuel de delirium ou de
entourage ou d’aides extérieures. Le constat d’une « confusion ». Celle de démence « chronique »
détérioration cognitive significative conduira spon- quant à elle n’a cessé d’évoluer, recouvrant des
tanément ce médecin à considérer que ce patient est affections d’abord psychiatriques puis organiques,
« dément » et qu’il convient de prendre les mesures avec notamment la description de la « démence
médicosociales en adéquation avec sa situation. Si avec dégénérescences neurofibrillaires et plaques
ce neurologue souhaite en savoir plus sur le sujet, il séniles cérébrales » d’Alzheimer en 1907.
s’apercevra rapidement qu’au bout du compte, très Les critères d’acquisition et de chronicité du déficit
peu d’études (sinon aucune spécifiquement) n’ont dans le diagnostic de démence sont donc anciens
été consacrées à l’évolution démentielle de la SEP. mais il faut attendre les années 1980 et la publica-
Pourtant, tous les manuels de neurologie et de tion du DSM-III (Diagnostic and Statistical Manual
neuro­psychologie classent volontiers la SEP comme of Mental Disorders) [2] pour leur voir ajouter
une « démence sous-corticale ». Mais la nature des des critères concernant la nature des déficits et
déficits en mémoire épisodique et les caractéristi- leurs effets sur la vie quotidienne. C’est ainsi
ques anatomiques de l’atteinte cérébrale sont-elles qu’aujourd’hui, la démence telle que définie par le
compatibles avec cette notion de démence sous- DSM-IV [3] se caractérise par la présence concomi-
corticale ? tante d’un déficit mnésique et d’au moins un autre
Alors, la démence dans la SEP existe-t-elle ? Si oui, déficit cognitif (phasique, praxique, gnosique et/ou
est-elle plutôt de nature sous-corticale ou corti- exécutif) ayant des conséquences sur le fonctionne-
cale ? Pour tenter de répondre à ces questions, il ment social et/ou professionnel. Les critères du
paraît d’abord nécessaire de rappeler des éléments DSM-IV sont reproduits dans l’encadré 14.1.
de terminologie avant de présenter les résultats Notons d’ores et déjà, qu’à la lecture de ces critè-
des études disponibles et d’en discuter les res opérationnels, il semble qu’un nombre non
conclusions. négligeable de patients atteints de SEP les rem-
plisse. En effet, il n’est pas rare qu’un patient
­présente un déclin suffisant de ses capacités mné-
Concept de démence siques et exécutives pour entraîner un handicap
irréversible source de dysfonctionnements social
Qu’est-ce que la démence ? et/ou professionnel pouvant conduire, par exem-
ple, à une séparation et/ou une perte d’emploi. Le
Dès le début du xixe siècle et les descriptions concept de démence dans la SEP ne devrait donc
d’Esquirol [1], le caractère acquis du déclin cogni- plus être abordé comme une question mais
tif fut au premier plan du concept de démence : comme une réalité clinique.

135
Partie III. Troubles cognitifs

Démence corticale versus


Encadré 14.1
Critères de démence (autre que
« Alzheimer » ou « vasculaire ») démence sous-corticale
du DSM-IV L’opposition démence corticale/démence sous-
A. Apparition de déficits cognitifs multiples, corticale a fait et fait encore aujourd’hui débat mais
comme en témoignent à la fois : reste pourtant la référence pour classer bon nom-
1. une altération de la mémoire (altération bre de pathologies neurologiques (du moment que
de la capacité à apprendre des informations
nouvelles et/ou à se rappeler les informa-
le déficit cognitif y est observé). Le concept de
tions apprises antérieurement) ; démence corticale, dont le prototype est la mala-
2. une (ou plusieurs) des perturbations die d’Alzheimer, se caractérise par un déficit mné-
cognitives suivantes : sique au premier plan, auquel se rajoute un
a. aphasie : perturbation du langage syndrome aphaso-apraxo-agnosique, ces déficits
(difficulté à nommer des objets ou des
personnes, un discours vague avec de
provoquant toujours assez rapidement une baisse
longues circonvolutions et une utilisa- de la qualité de vie et de l’autonomie du patient [3, 4].
tion excessive de mots imprécis comme Le concept de démence sous-corticale [5] est moins
« chose » et « ça ») ; consensuel et est couramment utilisé pour décrire
b. apraxie : altération de la capacité à les patterns de dysfonctionnement cognitif de
réaliser une activité motrice malgré des
fonctions motrices intactes (les sujets ne
pathologies pourtant très différentes telles que la
peuvent imiter des gestes comme se coif- maladie de Huntington, la paralysie supranucléaire
fer ou exécuter correctement des gestes progressive, la maladie à corps de Lewy, la maladie
symboliques comme faire un au revoir de de Parkinson, l’infection à VIH ou bien encore la
la main. L’apraxie peut conduire à l’im- SEP. Il se caractérise par une bradyphrénie et un
possibilité de tâches d’autonomie essen-
tielles comme s’habiller, etc.) ;
déficit exécutif au premier plan, pouvant influer
c. agnosie : impossibilité de reconnaî- sur les capacités visuospatiales et mnésiques, le tout
tre ou d’identifier des objets malgré en l’absence de syndrome aphaso-apraxo-agnosique.
des fonctions sensorielles intactes (des Notons que l’utilisation du terme de démence sous-
objets, des membres de la famille ou en- corticale n’implique pas systématiquement la
core sa propre image dans le miroir) ;
d. perturbation des fonctions exécuti-
notion de perte d’autonomie, le rendant déjà à notre
ves (faire des projets, organiser, ordon- sens difficilement opposable à celui de démence
ner dans le temps, avoir une pensée abs- corticale. L’autre point à l’origine de certaines
traite). controverses est la grande variabilité anatomique
B. Les déficits cognitifs des critères A1 et A2 des systèmes atteints sous-tendant les patterns
sont tous les deux à l’origine d’une altéra-
tion significative du fonctionnement social
cognitifs qualifiés de démence sous-corticale.
ou professionnel et représentent un déclin Ainsi, ce terme recouvre indifféremment des défi-
significatif par rapport au niveau de fonc- cits liés directement à des lésions de la substance
tionnement antérieur. grise sous-corticale et de la substance blanche mais
C. Mise en évidence, d’après l’histoire de la aussi indirectement à des dysfonctionnements du
maladie, l’examen physique ou les examens
complémentaires, que la perturbation est la
cortex frontal (dysconnexion cortico-sous-corticale),
conséquence physiologique directe de l’une expliquant l’usage fréquent du terme de démence
des affections médicales générales autres sous-corticofrontale en remplacement de celui de
que la maladie d’Alzheimer ou une affection démence sous-corticale [6].
cérébrovasculaire (par exemple, infection
par le VIH, traumatisme crânien, maladie de Ces réserves terminologiques et théoriques
Parkinson, maladie de Huntington, mala- posées, il apparaît que la notion de démence cor-
die de Pick, maladie de Creutzfeldt-Jakob, ticale et sous-corticale a le mérite de rendre
hydrocéphalie à pression normale, hypo- compte de profils cognitifs sensiblement diffé-
thyroïdie, tumeur cérébrale, ou carence en rents (tableau 14.1). Nous verrons cependant dans
vitamine B12).
D. Les déficits ne surviennent pas exclu- la suite de ce chapitre que le profil cognitif de la
sivement au cours de l’évolution d’un SEP se situe sans doute à cheval entre ces deux
delirium. concepts.

136
Chapitre 14. Démence

Tableau 14.1
Proposition de synthèse des caractéristiques neuropsychologiques des démences corticales
et sous-corticales
Démences Corticales Sous-corticales (ou sous-
corticofrontales)
Efficience intellectuelle globale Très perturbée ± Préservée
Mémoire épisodique Au premier plan Au second plan
Encodage Perturbé Préservé
Rappel libre Perturbé Perturbé
Rappel indicé Perturbé ± Préservé
Reconnaissance Perturbée Préservée
Mémoire implicite
Effet d’amorçage Perturbé Préservé
Mémoire procédurale Préservée Perturbée
Fonctions exécutives Au second plan Au premier plan
Bradyphrénie Longtemps absente Présente
Langage oral/écrit Manque du mot, Souvent préservé
Élocution dysorthographie… Dysarthrie
Longtemps préservée
Praxies Perturbées Préservées
Gnosies Perturbées Préservées
Humeur ± Préservée Perturbée

SEP progressive, avait seulement montré que


Démence au cours de la SEP 28/44 patients présentaient au moins des troubles
mnésiques et que sur ces 28 patients « cognitive-
S’il est aujourd’hui établi de façon consensuelle ment atteints » 9 présentaient des signes de dété-
qu’entre 40 et 65 % des patients atteints de SEP rioration cognitive plus globale (rien n’était noté
présentent un déficit cognitif plus ou moins concernant les répercutions au quotidien, par
important au cours de leur maladie [7–9], rien exemple). Quelques études plus récentes ont inté-
n’est moins documenté et démontré que la fré- gré à leur protocole expérimental des échelles per-
quence de survenue d’une démence, en l’absence, mettant d’objectiver la perte d’autonomie liée à
comme discuté plus haut, de consensus sur cette l’atteinte cognitive. Ainsi, deux équipes [13, 14]
question. Pourtant la nature multiple des déficits ont proposé le Minimal Record Disability, éva-
observés est aujourd’hui bien documentée (voir luant, entre autres, les déficits cognitifs suffisam-
infra) et les conséquences sur la vie quotidienne ment importants pour être considérés comme
des patients parfois avancées [10, 11]. invalidants au quotidien, chez des patients atteints
Rao et al. [12] ont rapporté dans leur revue de la de SEP. Les deux études ont rapporté qu’entre 3 et
littérature sur les pathologies de la substance 4 % des patients présentaient des troubles cogni-
blanche une fréquence de « démence sévère » de tifs sévères mais n’ont pas précisé la nature des
20 à 30 % des patients SEP cognitivement atteints. déficits observés et par là même n’ont pas docu-
Cependant, cette donnée issue d’une précédente menté la diversité des troubles cognitifs nécessaire
étude [7] n’y était finalement pas si clairement éta- au diagnostic de démence. Patti et al. [15] ont
blie. En effet, la publication d’origine, portant sur quant à eux évalué 26 patients atteints de SEP pro-
les troubles mnésiques chez 44 patients atteints de gressive grâce à différents tests cognitifs et une

137
Partie III. Troubles cognitifs

échelle de démence explorant la limitation des sur fond de dépression sévère. Une autre étude [19]
activités quotidiennes (Blessed Dementia Scale a rapporté 6 cas de démence corticale (avec trou-
[16]). Selon ces auteurs, la moitié de leurs patients bles mnésiques majeurs accompagnés de troubles
(13/26) correspondait au critère de « dysfonction- du langage à type d’aphasie, d’agraphie et d’alexie
nement cognitif sévère » ou « démence ». mais aussi de troubles du calcul et du raisonne-
Ces quelques études semblent donc montrer que la ment abstrait, ainsi que des troubles thymiques
SEP peut induire à plus ou moins long termes des et/ou de la personnalité). Ces démences se sont
troubles cognitifs majeurs et que ces derniers peu- avérées être le mode de révélation de la SEP (confir-
vent avoir des conséquences sur les activités de la mée par les examens cliniques et d’imagerie). Dans
vie quotidienne. On parle alors volontiers d’évolu- une revue ultérieure [20], le même auteur a
tion démentielle de la SEP. Parallèlement à cela, confirmé l’association des éléments cognitifs avec
quelques rares études ont pu rapporter des cas de les troubles thymiques et psychiatriques comme
démences, cette fois-ci non plus au décours de la événement inaugural de la SEP. Enfin, dans une
maladie mais inaugurale de cette dernière. étude neuropathologique plus récente [21] portant
sur l’analyse rétrospective de 90 biopsies cérébra-
Ainsi, Young et al. [17] ont rapporté 5 cas de
les de patients présentant un syndrome démentiel
patients venus en consultation pour des troubles
mais de cause indéterminée, un diagnostic de SEP
comportementaux et cognitifs accompagnés ou
a été posé 2 fois (2,2 % des cas).
non d’autres manifestations neurologiques. Les
évaluations neuropsychologiques montraient Ces cas de démences révélatrices de SEP sont rares
notam­ment une baisse de l’efficience intellectuelle et on peut donc se demander si la démence est
globale semblant s’accentuer à mesure des évalua- bien l’événement inaugural et si d’autres symptô-
tions. Tous ont eu à plus ou moins long terme un mes neurologiques n’auraient pas été négligés. Par
diagnostic de SEP. Notons cependant que l’ancien- ailleurs, dans la plupart des cas, ces démences
neté de cette publication soulève la question du sont décrites comme de type cortical, posant la
temps écoulé entre les premiers symptômes et la question du bien-fondé du classement de la mala-
consultation. Il y a une quarantaine d’années, en die parmi les « démences » sous-corticales.
effet, la sensibilisation du grand public aux patho- Tout d’abord, d’un point de vue anatomique, la
logies neurologiques n’était pas comparable à celle SEP a longtemps été décrite comme une patholo-
d’aujourd’hui et des troubles sensitifs ou moteurs gie de la substance blanche exclusivement. On sait
transitoires ne motivaient pas toujours une consul- aujourd’hui qu’il existe une atrophie et des lésions
tation chez un spécialiste. Ainsi, la démence était- corticales [22, 23] pouvant être corrélées au défi-
elle vraiment le mode de révélation de la SEP ou cit cognitif (voir partie IV). Ensuite, d’un point de
bien un symptôme parmi d’autres passés inaper- vue sémiologique, si des points communs entre
çus pendant des années ? En 1994, Fontaine et al. « démences sous-corticales » et SEP sont indénia-
[18] ont rapporté 2 cas de patientes atteintes de bles (bradyphrénie, langage et praxies plus ou
SEP confirmée histologiquement et ayant consulté moins préservées…), certains points diffèrent.
pour une détérioration progressive de leurs Ainsi, le déficit d’encodage en mémoire épisodi-
­capacités cognitives (répondant aux critères de que [24] ou bien encore l’absence de liens entre
démence corticale) sans autres signes neurologi- plainte cognitive et perturbations cognitives iden-
ques majeurs. L’atteinte cognitive était marquée tifiées [25–28] pouvant témoigner d’une certaine
notamment par un apragmatisme, une baisse de anosognosie ne sont pas en accord avec le profil
l’efficience intellectuelle globale majeure et des type des démences sous-corticales. Enfin, des dif-
troubles mnésiques, exécutifs et visuoconstructifs. férences concernant la mémoire implicite ont pu
La première patiente a également présenté des être rapportées. Tandis que dans les démences
troubles praxiques accompagnés de troubles du sous-corticales les effets d’amorçage sont relative-
comportement et de la personnalité. La seconde ment préservés alors que la mémoire procédurale
quant à elle a présenté des troubles du comporte- est perturbée [29, 30], le profil inverse a été rap-
ment dès l’enfance et des épisodes hallucinatoires porté dans la SEP [31], se rapprochant en cela de

138
Chapitre 14. Démence

ce que l’on observe dans les démences corticales altérée. Si donc la démence dans la SEP existe, il
[32–34]. Ces différences non négligeables nous ont semble important et nécessaire de mieux appré-
amené à proposer le tableau récapitulatif ci-après hender cette dimension afin d’adapter la prise en
(tableau 14.2). charge au quotidien (adaptation du domicile, sou-
tien psychologique des proches…). Concernant le
profil des troubles cognitifs observés, celui-ci
Conclusion semble différer suivant que le déficit cognitif est
inaugural de la SEP (profil de démence corticale)
Le petit nombre d’études à notre disposition ou qu’il survient à la suite d’une dégradation pro-
concernant la question de la démence dans la SEP gressive des capacités cognitives après plusieurs
et l’hétérogénéité des méthodologies utilisées et années d’évolution de la maladie (profil mixte).
des résultats ne permettent pas aujourd’hui de Les deux enjeux des futures études à venir dans ce
conclure sur la prévalence de celle-ci au cours domaine seront sans doute, d’une part, la mise en
de la maladie. Cependant nous ne pouvons que place de critères opérationnels permettant la qua-
constater qu’un nombre non négligeable de lification de démence chez un patient donné, et
patients vus en consultation présente un profil d’autre part de savoir si les mécanismes physiopa-
d’atteintes cognitives multiples et que leur vie thologiques impliqués dans les deux situations
familiale et/ou professionnelle en est clairement décrites ci-dessus sont les mêmes.

Tableau 14.2
Proposition de synthèse des caractéristiques neuropsychologiques des démences corticales
et sous-corticales et du profil cognitif observé dans la SEP
Démence corticale Démence sous- SEP
corticale
Efficience intellectuelle ↓↓↓ ↑↓ ↑↓
globale
Mémoire épisodique ↓↓↓ ↓ ↓↓↓
Encodage ↓ → ↓
Rappel libre ↓ ↓ ↓
Rappel indicé ↓ ↑↓ ↑↓
Reconnaissance ↓ → ↑↓
Mémoire implicite
Effet d’amorçage ↓ → ↓
Mémoire procédurale → ↓ →
Fonctions exécutives ↓ ↓↓↓ ↓↓↓
Bradyphrénie ↑↓ ↓↓↓ ↓↓↓
Langage oral/écrit ↓ → →
Élocution ↑↓ ↓ ↑↓
Praxies ↓ → →
Gnosies ↓ → ↑↓
Humeur ↑↓ ↓ ↓
↓↓↓ : déficit sévère ; ↓ : déficit ; ↑↓ : domaine plus ou moins préservé ; → : domaine préservé.

139
Partie III. Troubles cognitifs

Conclusion - Synthèse
Gilles Defer

L’identification des troubles cognitifs dans la SEP lité de vie) est un véritable défi pour les études
est historiquement ancienne mais scientifique- futures sur la cognition, qui devront arriver à
ment récente (voir l’introduction de ce chapitre). qualifier le « handicap cognitif » au même titre
Ces 20 dernières années, le « contour » des déficits qu’on évalue le handicap moteur actuellement.
cognitifs, selon leur nature et leur fréquence en Le niveau de sévérité de ce handicap cognitif
fonction de la forme de la maladie, a été globale- peut amener à discuter dans ce contexte la ques-
ment identifié grâce à de très nombreux travaux tion de la démence dans la SEP. Bien qu’il s’agisse
dont les premiers significatifs datent de la fin des d’une réalité clinique, il a été montré dans la der-
années 1980 [8, 35, 36]. Cependant cette descrip- nière section de ce chapitre que ni le concept ni
tion des troubles cognitifs dans la maladie ne s’est les critères opérationnels permettant de la défi-
pas faite sans difficulté ni divergence entre les nir n’était à ce jour clairement identifiés dans la
auteurs. Force est de constater que beaucoup d’in- littérature.
certitudes, dont certaines persistent aujourd’hui, Ces dernières années, la focalisation de certains
ont découlé directement de problèmes concernant travaux sur la question de la détection des trou-
la définition des concepts et/ou de questions bles a permis d’identifier un test unique, le SDMT,
méthodologiques multiples (diversité des tests et comme moyen de dépistage rapide de troubles
des ­batteries, absence de population contrôle ou cognitifs chez des patients atteints de SEP-RR ou
d’appariement, hétérogénéité des échantillons SP [41–42]. Ce test, qui évalue les capacités d’un
avec biais de sélection, non-prise en compte de sujet à substituer des chiffres à des symboles, fait
facteurs confondants, etc.). Ainsi, même si on appel aux capacités de vitesse de traitement de
s’accorde à dire que 40 à 60 % des patients atteints l’information (VTI), d’attention et de mémoire de
de SEP présentent à un moment donné ou à un travail. L’atteinte des capacités de VTI doit être
autre une atteinte cognitive, nous ne savons pas aujourd’hui considérée comme l’élément central
aujourd’hui quelle est la prévalence exacte d’un et majeur de l’atteinte cognitive dans la SEP, ce
tel déficit aux différents stades de la maladie. type de déficit étant identifiable précocement et
Connaître la prévalence impliquerait l’identifica- de plus évolutif [43–45].
tion des troubles par une évaluation systématique L’évaluation des déficits cognitifs peut être aussi
avec des batteries de tests adaptées et consensuel- modifiée par l’existence de facteurs confondants,
les sur de grandes cohortes de patients, situation principalement représentés par la fatigue et le
peu envisageable. Le cadre, plus fréquent, de niveau d’éducation, ce dernier s’il est élevé per-
l’évaluation ponctuelle pose la question des diffé- mettant au sujet de conserver un bon niveau de
rents tests et batteries utilisables pour identifier performances tant que la charge cognitive du test
les troubles cognitifs. Cette question a été abordée reste faible. Une autre question méthodologique-
en détail dans la première section de ce chapitre. ment difficile dans l’évaluation des troubles
On a y vu que certaines batteries de référence concerne les interactions et/ou les liens existant
(BRB-N, BCcogSEP) [37, 38] sont couramment entre les différents types de déficits. L’étude des
utilisées en recherche clinique, ou même en prati- fonctions exécutives permet d’aborder cette ques-
que dans des centres spécialisés (voire dans des tion tant ces fonctions englobent un grand nom-
essais thérapeutiques). Cependant aucune d’entre bre de compétences cognitives, généralement
elles n’est complètement satisfaisante puisque considérées comme de haut niveau. Comme pour
aucune ne comporte réellement d’évaluation éco- la mémoire de travail, leur évaluation repose sou-
logique permettant de préciser le retentissement vent sur des tests où le poids des capacités de VTI
des déficits du patient sur sa vie quotidienne, est important, rendant en cela l’interprétation
même si des approches intéressantes existent dans des résultats délicate. Des problématiques identi-
ce domaine [39, 40]. Cette question de l’impact ques ont été évoquées pour expliquer les perfor-
sur les activités quotidiennes (et donc sur la qua- mances en mémoire épisodique antérograde chez

140
Chapitre 14. Démence

certains patients [46, 47]. Enfin, les études les bien celle de l’identification précoce des patients à
plus modernes s’intéressent aujourd’hui aux « haut risque » cognitif. Il sera donc essentiel de
aspects conscients ou non conscients des proces- dépister ce profil de patients qui ne concerne pas
sus mnésiques et ouvrent un nouveau champ forcément des patients présentant une activité cli-
d’investigations passionnant pour le futur [48, nique importante afin de leur proposer une prise
49]. Ces études, s’appuyant largement sur l’ima- en charge spécifique. Dans ce contexte, même si
gerie fonctionnelle (voir chapitre 4), mettent en elles sont difficiles à mener, la réalisation d’études
exergue la notion essentielle que les troubles longitudinales visant à identifier précocement,
cognitifs observés dans la SEP relèvent essentiel- détailler et préciser l’évolution des troubles cogni-
lement d’une atteinte diffuse de réseaux neuro- tifs doit continuer de jouer un rôle central, quel
naux et non pas de lésions topographiquement que soit le type de population concernée (forme
spécifiques. progressive ou syndrome cliniquement isolé,
L’autre question centrale, une fois les troubles adulte ou enfant-adolescent). Elles devront per-
cognitifs détectés, est celle de leur évolution dans mettre de plus d’identifier les possibles consé-
le temps dans une forme de maladie (rémittente quences scolaires ou socioprofessionnelles chez
ou progressive) ou chez un individu donné. Cette ces patients et ainsi leur « handicap cognitif » et
question est actuellement non résolue en raison son retentissement sur la qualité de vie.
du faible nombre d’études longitudinales disponi-
bles, suffisamment longues ou méthodologique- Références
ment satisfaisantes. Une des difficultés rencontrées
Démence et SEP
lors des études longitudinales concerne l’effet de
[1] Esquirol E. Traité des maladies mentales considérées
pratique, qui n’est pas forcément supprimé par sous le rapport médical, hygiénique et médicolégal.
l’utilisation de formes parallèles, celles-ci n’étant J.-B. Baillière, Paris, 1838.
d’ailleurs pas disponibles pour tous les types de [2] American Psychiatric Association. Diagnostic and
tests. statistical manual of mental disorders. Third edi-
Au total, des données majeures ont été acquises tion (DSM III). American Psychiatric Association
ces 20 dernières années concernant les troubles Washington, 1981.
cognitifs de la SEP. Si de nombreuses interroga- [3] American Psychiatric Association. Diagnostic
and statistical manual of mental disorders. Fourth
tions persistent, il existe de nouveaux champs
edition, text revision (DSM IV-TR). American
d’investigations passionnants qui ouvrent de nou- Psychiatric Association Washington, 2000.
velles perspectives sur la compréhension des [4] Mc Khann G, Drachman D, Folstein M, Katzman R,
mécanismes et la prise en charge des dysfonction- Price D, Stadlan EM. Clinical diagnosis of Alzheimer’s
nements cognitifs. disease : report of the NINCDS-ADRDA work group
Issue de ces connaissances, il apparaît aujourd’hui under the auspices of Department of Health and
Human Service Task Force on Alzheimer’s disease.
essentiel chez un patient donné que les principaux Neurology 1984 ; 34 : 939-44.
types de déficits, isolés ou associés, soient correc-
[5] Albert ML, Feldman RG, Willis AL. The « subcor-
tement évalués ainsi que leur retentissement sur la tical dementia » of progressive supranuclear palsy.
vie quotidienne (par des moyens restant à définir), J Neurol Neurosurg Psychiatry 1974 ; 37 (2) : 121-30.
cela le plus précocement possible mais aussi de [6] Dubois B, Boller F, Pillon B, Agid Y. Cognitive defi-
façon longitudinale. cit in Parkinson’s disease. In : Boller F, Grafman J,
La question de l’apparition (pourquoi un patient editors. Handbook of neuropsychology. Elsevier
Amsterdam, 1991. p. 195-239.
finit par présenter à un moment donné des trou-
bles cognitifs) et celle du risque évolutif (pente et [7] Rao SM, Hammeke TA, Mc Quillen MP, Khatri BO,
Llyod D. On the nature of memory disturbance in
sévérité de l’aggravation) des troubles seront peut- chronic progressive multiple sclerosis. Arch Neurol
être le challenge clinique majeur de ces prochai- 1984 ; 41 : 625-31.
nes années si l’on se réfère à leur hétérogénéité et [8] Rao SM, Leo GJ, Bernardin L, Unverzagt F. Cognitive
aux données actuelles démontrant qu’un pour- dysfunction in multiple sclerosis. I. Frequency, pat-
centage important de patients n’évoluent pas sur terns, and prediction. Neurology 1991 ; 41 : 685-91.
le plan cognitif sur des durées pouvant aller [9] Rao SM. Neuropsychology of multiple sclerosis. Curr
jusqu’à 10 ans [43]. La question posée est donc Opin Neurol 1995 ; 8 : 216-20.

141
Partie III. Troubles cognitifs

[10] Rao SM, Leo GJ, Ellington L, Nauertz T, Bernardin L, [24] Warren JD, Schott JM, Fox NC, Thom M, Revesz T,
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Picconi O, et al for the COGIMUS Study Group. function among multiple sclerosis patients – The role
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142
Chapitre 14. Démence

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143
Introduction
Bruno Brochet

Afin de mieux comprendre les mécanismes en L’examen macroscopique du cerveau d’un patient
cause dans les troubles cognitifs de la sclérose en atteint de SEP est caractérisé par un certain degré
plaques (SEP), l’imagerie par résonance magnéti- d’atrophie cérébrale et la présence de multiples
que (IRM) est un outil de choix permettant d’ac- plaques correspondant aux lésions inflammatoi-
céder in vivo à l’analyse du tissu cérébral et même res démyélinisées disséminées dans le cerveau, de
de son fonctionnement. Au cours de ce chapitre forme, taille et répartition variable. Des lésions
seront abordées les techniques d’IRM conven- démyélinisées mais moins inflammatoires sont
tionnelle capables d’analyser le nombre de lésions fréquemment observées dans le cortex. Les pla-
macroscopiques présentes dans le cerveau et les ques sont largement distribuées dans la substance
mesures de volume cérébral, permettant de met- blanche, de façon bilatérale mais asymétrique,
tre en évidence une atrophie cérébrale diffuse. prédominant dans les régions proches des ventri-
Des techniques plus récentes visant à évaluer cules, en particulier latéraux, le corps calleux, le
l’existence d’atrophies plus localisées seront éga- plancher de l’aqueduc et le quatrième ventricule.
lement abordées. Les techniques conventionnel- Les autres plaques encéphaliques se répartissent
les, et en particulier la mesure de la charge dans la substance blanche lobaire et à la jonction
lésionnelle, ont une spécificité pathologique limi- blanc-gris. La répartition lobaire est, par ordre de
tée [1]. Des techniques plus récentes, plus qualita- fréquence décroissante, frontale, pariétale et tem-
tives, comme l’imagerie de diffusion, l’imagerie porale. La fréquence de l’atteinte frontale et tem-
de transfert d’aimantation et la spectroscopie porale joue probablement un rôle dans la genèse
IRM ont une meilleure spécificité [1]. Elles ont été des troubles cognitifs. L’examen macroscopique
appliquées avec succès à l’étude de ces troubles sous-estime les plaques du cortex, du tronc céré-
cognitifs et les résultats de ces études seront bral et du cervelet alors qu’elles y sont nombreu-
détaillés dans ce chapitre. D’autres techniques ses, notamment dans la région périaqueducale et
permettent d’aller plus loin, de dépasser la simple le faisceau longitudinal médian. Le rôle de ces
corrélation entre une atteinte morphologique et lésions cérébelleuses dans la genèse des troubles
une fonction et d’étudier le fonctionnement céré- cognitifs a reçu récemment une attention particu-
bral, ou plutôt son reflet, en corrélation avec le lière [3]. La plaque chronique typique est une
fonctionnement cognitif. Il s’agit d’une part des lésion bien limitée, allant de moins d’un milli­
techniques d’imagerie métabolique et d’autre part mètre à plusieurs centimètres, centrée par un ou
de l’IRM fonctionnelle (IRMf). plusieurs vaisseaux de taille moyenne, de forme
Pour comprendre les données de l’imagerie, il est habituellement ovalaire avec souvent des exten-
utile d’avoir des notions concernant les lésions sions périphériques digitiformes qui suivent un
anatomiques de la maladie (pour revue voir [2]). vaisseau. En microscopie, les gaines de myéline
La première notion à bien connaître, fondamen- sont détruites dans la plaque alors que les axones
tale pour une bonne compréhension des phéno- étaient classiquement considérés comme épargnés
mènes impliqués dans les atteintes cognitives de tout au moins au début de la maladie. Ces données
la SEP, est l’existence non seulement de lésions classiques ont été remises en question récemment
focales bien visibles macroscopiquement au sein par la mise en évidence de lésions fréquentes des
de la substance blanche cérébrale et de la subs- axones au sein des plaques récentes. Une souf-
tance grise, mais aussi d’une atteinte lésionnelle france axonale a été mise en évidence par l’expres-
plus diffuse du parenchyme cérébral, qui touche sion de la protéine précurseur de l’amyloïde au
également la substance blanche et la substance sein des lésions actives aiguës de SEP mais aussi
grise, et qui n’est pas visible macroscopiquement : dans la SBAN mais en plus petit nombre. Une
substance blanche d’apparence normale (SBAN), bonne corrélation a été observée entre la présence
substance grise d’apparence normale (SGAN) et de lésions inflammatoires et la présence de lésions
tissu cérébral d’apparence normale. axonales et, en particulier, des contacts étroits

147
Partie IV. Cognition et imagerie

hhhhentre cellules macrophagiques et microgliales etétudes récentes en IRM. Il existe au sein du cor-
axones lésés ont été observés, suggérant que l’in- tex une démyélinisation importante [4] et des
flammation pouvait contribuer dès les stades pré- lésions focales contenant peu de cellules inflam-
coces de la maladie à la constitution des lésions matoires. L’inflammation des méninges a été
axonales. Ces sections axonales au sein des pla- impliquée dans cette démyélinisation corticale. Il
ques pourraient contribuer à interrompre des est probable que l’atrophie corticale soit liée à une
réseaux neuronaux impliqués, par exemple, dans atteinte neuronale cérébrale secondaire aux
certaines fonctions cognitives. La survenue d’une lésions intracorticales mais qu’elle soit aussi une
dégénérescence wallérienne secondaire à la démy­ conséquence de l’atteinte axonale à distance. Les
é­linisation peut ensuite conduire à une perte axo- lésions corticales ont été classées en différents
nale à distance, contribuant à la perte axonale types : type 1 (contiguës aux lésions de la sub­
globale dans le cerveau et à l’apparition de l’atro- stance blanche), type 2 (petites lésions périvascu-
phie cérébrale. La démyélinisation chronique peut laires intracorticales), type 3 (lésions sous-piales)
également induire cette souffrance axonale. [5]. Les lésions de la substance grise profonde
L’atrophie cérébrale concerne la substance blan- sont peu connues mais les études en imagerie ont
che mais aussi la substance grise profonde, en montré qu’elles se développent très précocement
particulier le thalamus, et le cortex. La réduction au cours de la maladie. Là aussi le rôle de la
de volume de la substance blanche reflète plus l’at- dégéné­rescence wallérienne d’axones lésés au
teinte diffuse axonale que la perte tissulaire au sein des plaques du voisinage a été suggéré, les
sein des lésions. régions périventriculaires étant souvent le siège
des premières lésions de la maladie.
Les techniques de marquage myélinique ont permis
de montrer qu’à côté des plaques, entièrement Ces différents aspects pathologiques de la SEP ont
démyélinisées, existent dans bien des cas, surtout au pu être étudiés avec les techniques d’imagerie.
début de la maladie, des plaques faiblement mar- Des corrélations limitées ont été observées avec la
quées, appelées shadow plaques, correspondant à charge lésionnelle, même en se focalisant sur cer-
des régions spontanément remyélinisées en micro­ taines régions d’intérêt comme les lobes frontaux
scopie électronique. Le nombre d’oligodendrocytes ou temporaux. En revanche, les corrélations sont
épargnés au sein des lésions est un élément essentiel meilleures avec les techniques plus spécifiques
et dépend de l’ancienneté de la maladie. Ainsi, la étudiant le tissu cérébral d’apparence normale ou
remyélinisation est étendue (près de 60 % de la sur- avec la mesure de l’atrophie, en particulier de la
face démyélinisée) dans les formes récentes de SEP, sub­stance grise profonde et, dans une moindre
alors qu’elle devient rare et limitée à la périphérie mesure, du cortex. Cela souligne le rôle de l’at-
des plaques dans les formes plus anciennes. teinte en dehors des lésions macroscopiques dans
des régions importantes, conduisant à des phéno-
Dans la SBAN, l’immunohistochimie permet de
mènes de déconnexion au sein de réseaux neuro-
détecter des nodules microgliaux qui caractéri-
naux, comme cela a pu être montré pour le réseau
sent l’inflammation diffuse parenchymateuse, en
de la mémoire de travail [6]. Le niveau modeste
particulier dans les formes progressives [4]. Le
des corrélations entre troubles cognitifs et image-
rôle joué par cette inflammation diffuse dans la
rie morphologique peut être expliqué, tout au
genèse des troubles cognitifs n’est pas connu, mais
moins en partie, par l’intervention de phénomè-
il est possible que cette composante aggrave la
nes de compensation cérébrale, tels qu’ils ont
perte axonale dans les formes progressives.
été mis en ­évidence en imagerie fonctionnelle.
L’atteinte de la substance grise a reçu une atten- Cependant l’évolution de la maladie conduit à la
tion particulière ces dernières années et son rôle mise en échec de ces réseaux de substitution
dans l’atteinte cognitive a fait l’objet de plusieurs compensatoire.

148
Imagerie Chapitre  15
morphologique
Bruno Brochet, Blandine Grassiot, Gilles Defer

Corrélations avec les lésions partie dans le chapitre consacré à l’imagerie


fonctionnelle.
Bruno Brochet La signification des hypersignaux observés sur la
séquence T2 ou sur la séquence FLAIR, qui est
L’utilisation de l’imagerie par résonance magnéti- une séquence de pondération T2 dont le signal
que cérébrale (IRM) conventionnelle pour évaluer des liquides a été annulé par une inversion-récu-
l’évolution de la maladie au cours de la sclérose en pération, est la même. Les séquences FLAIR per-
plaques (SEP) est limitée par l’existence d’une fai- mettent cependant une meilleure individualisation
ble corrélation entre les paramètres mesurés et les des lésions périventriculaires et juxtacorticales.
constatations cliniques, ce qui est souvent appelé Les premières études IRM de tissu cérébral post-
la dissociation clinicoradiologique. Les limites de mortem ont montré que les hypersignaux T2 cor-
l’échelle EDSS utilisée en pratique clinique, respondent bien aux plaques chez des patients
notamment le fait qu’elle dépende surtout des décédés de SEP. Cependant la littérature illustre
troubles moteurs et très peu des atteintes « hémis- la faible spécificité pathologique des anomalies
phériques » comme les troubles cognitifs, explique T2. Les études d’imagerie post-mortem de cer-
en partie cette dissociation. C’est pourquoi de veaux non fixés [7] ont montré que ces images en
nombreuses études se sont attachées à mesurer les hypersignal correspondaient soit à un simple
corrélations entre les données de l’imagerie et les œdème, soit à des lésions démyélinisées riches en
perturbations cognitives mesurées par les tests macrophages, soit encore à des lésions caractéri-
neuropsychologiques afin d’améliorer la corréla- sées par une forte activation microgliale sans
tion clinicoradiologique. Les premières études démyélinisation ou des lésions chroniques acti-
avaient utilisé le scanner cérébral mais cette tech- ves ou inactives avec une gliose. D’autres études,
nique est insuffisamment sensible pour détecter en particulier expérimentales, ont montré que les
les lésions de SEP. Les premières études en IRM lésions ne différaient pas dans leur aspect sur les
ont cherché à corréler les troubles cognitifs au séquences T2, quelle que soit la sévérité de l’at-
nombre ou au volume des lésions cérébrales foca- teinte myélinique ou axonale, ou selon la présence
les ou à leur localisation. Pour bien comprendre ou de l’absence de remyélinisation [8]. Cette fai-
les limites de ces études, il faut insister sur deux ble spécificité explique les résultats assez déce-
éléments confondants essentiels : la faible spécifi- vants des études cherchant à corréler troubles
cité anatomopathologique des anomalies obser- cognitifs et charge lésionnelle en T2 et l’intérêt
vées en hypersignal en IRM conventionnelle et croissant qui s’est développé pour des méthodes
l’existence de facteurs de compensation cérébrale soit plus globales, comme l’atrophie, soit plus
qui peuvent limiter l’impact cognitif des lésions spécifiques, comme le transfert de magnétisation
cérébrales. Ce dernier point a été abordé au chapi- et l’imagerie de diffusion, qui seront abordées
tre 13 dans la section sur les facteurs confondants dans les sections suivantes de ce chapitre. Dès
liés au niveau d’éducation et sera repris dans cette 1987, Huber et al. [9] ont utilisé l’IRM pour

149
Partie IV. Cognition et imagerie

c­ omparer 32 patients ayant une SEP. Ils n’ont pas lement la perte structurelle axonomyélinique, il
trouvé de différence en termes de nombre et de faut s’assurer de l’absence d’œdème et ne considé-
distribution des lésions entre les patients quali- rer que les hypersignaux persistant sur plusieurs
fiés de déments et les autres. Malgré un effectif IRM espacées dans le temps. Dans une étude de
plus petit, Medaer et al. [10] ont observé plus de 30 patients SEP de formes cliniques variées,
lésions chez les patients ayant une SEP avec une Rovaris et al. [15] n’avaient observé aucune corré-
atteinte cognitive que chez ceux n’ayant pas d’at- lation entre la charge lésionnelle en T1 et les per-
teinte. L’étude de Franklin et al. [11] a corrélé formances cognitives. La même équipe [18] a
pour la première fois une mesure de la surface étudié 11 patients SEP considérés comme ayant
lésionnelle avec un index d’atteinte cognitive une démence frontale, définie par 3 tests anor-
chez 60 patients ayant une SEP « chronique pro- maux sur une série de 6 tests des fonctions exécu-
gressive », selon la terminologie ambiguë de tives (Stroop, Tour de Hanoi, Weigl Colour-Form
l’époque. Rao et al. [12] ont ensuite montré l’exis- Sorting Test et WCST, double tâche et fluence ver-
tence de corrélations entre la surface totale des bale) et 11 patients ayant des performances nor-
lésions et les tests évaluant la mémoire, le raison- males à tous ces tests. La mesure en IRM qui
nement, le langage et la capacité visuospatiale différenciait le mieux les deux groupes était la
dans un groupe de patients ayant différentes for- charge lésionnelle en T1 (valeurs médianes de
mes de SEP. L’existence de corrélations entre la 19,1 mL pour les patients déments contre 1,9 mL
charge lésionnelle et les anomalies cognitives a pour les patients non déments p < 0,006). Dans
été ensuite confirmée par différentes études ces différentes études, les patients n’avaient eu
[13–16], avec souvent un niveau de corrélation qu’une IRM, et on ne pouvait distinguer les « trous
supérieur à ce qui est observé avec les autres varia- noirs » réversibles, qui correspondent probable-
bles cliniques, en particulier motrices [17]. Ainsi, ment à des lésions très œdémateuses sans perte de
Swirsky-Sacchetti et al. [13] avaient observé dans structure, des trous noirs irréversibles ou perma-
leur étude une surface lésionnelle moyenne de nents, que l’on peut constater sur plusieurs exa-
28,3 cm2 chez les patients cognitivement atteints mens consécutifs espacés d’au moins un mois, et
contre 7,41 cm 2 pour les patients sans atteinte qui correspondent à des lésions sévères avec perte
cognitive (p < 0,0001). L’hypothèse sous-jacente axonale et myélinique. Cela constitue une limite à
concernant l’implication des lésions focales dans ces études.
la genèse des troubles cognitifs de la SEP est Peu d’études ont concerné des formes cliniques
qu’elles contribueraient à des syndromes de particulières. Dans une étude de patients au début
déconnexions, en interrompant des voies de pas- de la phase rémittente, Deloire et al. [16] ont étu-
sage importantes de fibres intercorticales ou de dié les corrélations entre les performances cogni-
fibres unissant les structures de la substance tives des patients, qui étaient comparées à celles
grise profonde, dont le thalamus et le cortex. de témoins sains appariés, et différentes variables
Peu d’études ont recherché des corrélations entre IRM conventionnelles et non conventionnelles.
les troubles cognitifs et la charge lésionnelle repré- Aucune corrélation n’a été observée entre des
sentée par les hyposignaux sur les séquences pon- résultats sur des tâches de mémoire (SRT, 10/36)
dérées en T1. Les lésions ayant un long T1 de même que sur les tests explorant les capacités
apparaissent hypo-intenses sur les séquences T1 d’inhibition (Go/No go, Stroop) et la charge lésion-
et, persistant sur plusieurs examens, sont appelées nelle, alors qu’il existait une corrélation avec les
« trous noirs » (black holes). Les données issues tests de vitesse de traitement de l’information
d’études en IRM post-mortem (revue dans [8]) ont (SDMT) (p < 0,0001 ; r = – 0,51) et de mémoire de
montré là aussi une certaine hétérogénéité : les travail (PASAT-3s) (p < 0,05 ; r = – 0,34). Cette
zones modérément hypo-intenses étant peu spé- association restait significative avec le SDMT
cifiques (lésions œdémateuses, lésions démyélini- quand les variables d’IRM non conventionnelles
sées ou non) et les lésions très hypo-intenses étant (mesures d’atrophie, mesures de transfert de
caractérisées par une perte axonale et une démyé- magnétisation de la substance blanche d’appa-
linisation sévères. Pour pouvoir considérer avec rence normale et des lésions) étaient ajoutées dans
certitude qu’un hyposignal en T1 reflète principa- des modèles multivariés, ce qui suggère que les

150
Chapitre 15. Imagerie morphologique

lésions jouent un rôle non négligeable dans la mémoire et de la fluence verbale alors que la
­physiopathologie des troubles cognitifs à ce stade charge lésionnelle pariéto-occipitale gauche
précoce de la maladie. Glanz et al. [19] ont étudié semblait liée aux troubles de l’apprentissage ver-
92 patients ayant eu un syndrome démyélinisant bal et de tâches plus complexes visuospatiales.
cliniquement isolé dans les 3 ans précédents, 77 Arnett et al. [14] ont étudié deux premiers grou-
d’entre eux ayant un diagnostic de SEP confirmé pes de patients avec une charge lésionnelle élevée
au moment de l’étude. Comparés à un groupe avec ou sans charge importante dans les lobes
contrôle restreint de 27 sujets sains, les scores des frontaux et un troisième groupe avec une charge
patients étaient significativement inférieurs à ceux lésionnelle faible. La présence de nombreuses
des témoins pour le SDMT et le PASAT mais non lésions frontales était associée à l’existence de
différents pour les autres tests de la BRB-N (voir perturbations marquées au Wisconsin Card
chapitre 3). Aucune corrélation n’a été observée Sorting Test (WCST), un test explorant les fonc-
entre les performances cognitives et la charge tions exécutives, mais qui met en jeu en fait de
lésionnelle en T2 en IRM. nombreux processus cognitifs. Ces études sug-
Amato et al. [20] ont montré que la présence de géraient ainsi une certaine spécificité régionale
troubles cognitifs chez des patients ayant une des corrélations lésions/fonction. Foong et al. [17]
forme bénigne (EDSS ≤ 3 après au moins 15 ans) ont poursuivi dans cette voie en proposant à
était associée à une charge lésionnelle plus impor- 42 patients ayant différentes formes cliniques de
tante. Dans cette population, il existait également SEP et 40 sujets contrôles divers tests des fonc-
une différence très significative pour la charge tions exécutives. La charge lésionnelle frontale
lésionnelle en T1 entre les patients avec et sans de ces patients représentait 42,4 % de la charge
troubles cognitifs, ces derniers ayant une charge lésionnelle totale. Il existait des corrélations très
lésionnelle en T1 plus réduite. La différence obser- modérées entre les résultats des tests des fonc-
vée était du même ordre que celle mesurée pour la tions frontales et la charge lésionnelle frontale.
charge lésionnelle en T2. Après analyse de régression multiple, le test de
Stroop (temps de réactions) et un test de mémoire
L’étude multicentrique européenne MAGNIMS
de travail spatial restaient corrélés indépendam-
a suivi longitudinalement une cohorte de patients
ment à la charge lésionnelle frontale. Cependant
présentant une forme progressive primaire
ces corrélations étaient modestes. Dans une
(SEP-PP) ou transitionnelle progressive (SEP-TP)
étude de 30 patients avec des formes cliniques
[21, 22]. Les formes TP sont caractérisées par une
variées, Rovaris et al. [15] ont également observé
poussée unique précédant une phase progressive.
une différence faiblement significative (p < 0,03)
Les formes PP et TP ne différant pas sur le plan
de charge lésionnelle frontale entre les patients
cognitif, les corrélations avec l’imagerie ont été étu-
ayant des performances anormales aux tests dits
diées en réunissant ces deux groupes en un seul.
frontaux et les patients ayant des performances
Un index cognitif a été construit en fonction des
normales. Ces deux dernières études retrou-
résultats aux tests neuropsychologiques. À l’inclu-
vaient des corrélations aussi bonnes entre l’at-
sion, il existait des corrélations entre cet index et la
teinte cognitive aux tests dits frontaux et la
charge lésionnelle en T2 (r = 0,45 ; p = 0,01) et en T1
charge lésionnelle totale, laissant supposer que la
(r = 0,45 ; p = 0,01). Il est à noter que la corrélation
localisation frontale ne jouait pas un rôle
avec la mesure de l’atrophie cér­é­brale (volume céré-
­essentiel. De même, dans une étude concernant
bral) était moindre (r = – 0,35 ; p = 0,01).
44 patients en phase secondaire progressive
Plusieurs études ont cherché à corréler la charge (SEP-SP), il a été observé que les anomalies aux
lésionnelle régionale afin de rechercher des pat- tests frontaux n’étaient pas corrélées de façon
terns de déconnexions spécifiques aux fonctions préférentielle à la charge lésionnelle frontale
atteintes. C’est ainsi que Swirsky-Sacchetti mais aussi bien à la charge lésionnelle frontale
et al. [13] ont segmenté le cerveau en 3 régions, que dans le reste du cerveau [23]. Sperling et al.
frontale, temporale et pariéto-occipitale. Les [24] ont étudié les corrélations entre les résultats
lésions prédominaient dans cette dernière région. aux tests cognitifs de la BRB-N et la charge
La charge lésionnelle frontale gauche était corré- lésionnelle des lobes temporaux, frontaux, parié-
lée à une atteinte du raisonnement abstrait, de la taux et des régions postérieures (lobe occipital,

151
Partie IV. Cognition et imagerie

cervelet et tronc cérébral) chez 28 patients la charge lésionnelle et l’aggravation cognitive [24,
atteints de différentes formes évolutives de SEP. 32, 33]. Dans l’étude européenne sur les formes
Des corrélations ont été surtout observées entre SEP-PP [22], l’évolution de la charge lésionnelle
les scores aux tests de mémoire et d’attention/VTI en T1 sur 2 ans était corrélée faiblement aux chan-
et les charges lésionnelles frontales et pariétales gements sur 2 ans d’un test de rappel différé de
mais aussi avec la charge lésionnelle totale à mémoire spatiale (SPART 10/36 DR) et de deux
laquelle ces volumes lésionnels régionaux étaient tests liés à la VTI, le SDMT et le PASAT. Dans
très corrélés. L’absence de corrélation notable l’étude de Hohol et al. [34], qui concernait
avec les charges lésionnelles temporale et posté- 44 patients atteints de différentes formes de SEP
rieure, qui sont également très corrélées à la suivis sur un an, il n’y a pas eu d’évolution cogni-
charge lésionnelle totale, plaide pour un rôle tive significative. Cependant les variations sur un
spécifique des lésions antérieures frontopariéta- an concernant la vitesse de traitement de l’infor-
les dans les troubles cognitifs de ces patients. mation et l’attention étaient corrélées aux varia-
Miki et al. [25] ont évalué la fréquence des lésions tions du volume lésionnel. Enfin, citons l’étude de
au sein des fibres en U chez 53 patients atteints de Pelletier et al. [35] qui a montré l’existence d’une
SEP et corrélé ces données avec une évaluation corrélation significative entre l’aggravation des
neuropsychologique. Les fibres en U situées trouble du transfert interhémisphérique sur 5 ans
immédiatement sous le cortex fournissent des et la charge lésionnelle initiale chez 30 patients
connexions intercorticales. Les 8 patients ayant ayant une SEP récente.
de multiples lésions dans les fibres en U avaient Ces résultats suggèrent que même si les lésions
des scores inférieurs aux tests des fonctions exé- jouent un rôle indirect dans la survenue des trou-
cutives par rapport aux 45 patients qui n’en bles cognitifs en favorisant une déconnexion entre
avaient pas ou peu. Ces résultats rejoignent ceux les aires corticales et sous-corticales, d’autres fac-
obtenus par d’autres études [26–28]. Lazeron teurs doivent être pris en compte, comme l’at-
et al. [27] ont utilisé les séquences FLAIR à cou- teinte diffuse du parenchyme cérébral, et en
pes fines pour rechercher les lésions juxtacortica- particulier de la substance grise profonde du cer-
les chez 39 patients. Ils ont observé une corrélation veau, qui peut être évaluée par les mesures d’atro-
significative entre le nombre de lésions juxtacor- phie et les techniques plus spécifiques.
ticales en FLAIR et un index de déficit cognitif,
les patients ayant été évalués par la BRB-N, alors
que cet index n’était pas corrélé au nombre total Atrophie et cognition
de lésions cérébrales. Il est intéressant de noter
Blandine Grassiot, Gilles Defer
que Moriarty et al. [26] ont observé une corréla-
tion significative entre le nombre de lésions dans
le cortex cérébelleux et un test cognitif. Cela peut
Atrophie dans la sclérose
être mis en relation avec des résultats récents en plaques
obtenus en imagerie fonctionnelle suggérant le
Aujourd’hui, la sclérose en plaques n’est plus consi-
rôle du cervelet dans la mise en jeu de procédures
dérée comme une simple pathologie inflamma-
cognitives automatiques [29], et qui sont mises en
toire entraînant une démyélinisation du système
défaut dans la SEP [30].
nerveux central. En plus des lésions focales de la
Analysant plus spécifiquement les lésions siégeant substance blanche (SB), il a récemment été montré
dans la substance grise, Catalaa et al. [31] n’ont que cette pathologie est également caractérisée par
pas trouvé de corrélation entre les performances une atteinte plus diffuse de cette SB mais aussi de
cognitives et ces lésions dans un échantillon de la substance grise (SG), se traduisant principale-
patients ayant une SEP-R. On sait cependant que ment par une perte axonale et/ou une mort neuro-
l’IRM sous-estime de façon importante les lésions nale. Cette atteinte diffuse peut être quantifiée par
corticales. le degré d’atrophie cérébrale. En effet, les études
Plusieurs études longitudinales qui ont étudié les pathologiques ont montré que la quantification de
troubles cognitifs avec un suivi IRM n’ont pas mis l’atrophie cérébrale était un bon reflet de la perte
en évidence de corrélation entre les variations de axonale [36].

152
Chapitre 15. Imagerie morphologique

Mesures de l’atrophie cérébrale réalisant une analyse exploratoire de l’ensemble


dans la SEP du cerveau, dite voxel à voxel, c’est-à-dire en tout
point de l’image du cerveau [34].
Depuis une quinzaine d’années, différentes tech-
niques de mesures de l’atrophie cérébrale ont été
développées pour évaluer la présence et l’évolu- Cognition et atrophie cérébrale
tion de cette perte de volume cérébral chez des dans la SEP
patients atteints de SEP. La première à avoir été
utilisée est la méthode dite linéaire appliquée sur Les liens entre le statut cognitif des patients et la
des coupes 2D d’image par résonance magnéti- charge lésionnelle ont été largement étudiés et la
que (IRM), sur lesquelles on mesurait, par exem- grande majorité de ces travaux ne rapportent
ple, la largeur des ventricules afin d’estimer qu’une association modérée entre ces deux para-
l’augmentation du liquide céphalorachidien (LCR), mètres [41, 42]. Ces liens sont analysés en détail
ou encore l’épaisseur de la bande corticale [37, dans la section précédente de ce chapitre. Grâce
38]. Cette méthode a été vite abandonnée du fait au développement des méthodes de quantification
de sa forte dépendance avec la sélection ou des volumes cérébraux, des équipes ont travaillé
l’épaisseur des coupes et avec la variabilité liée à sur la mesure de l’atrophie cérébrale, qui semble
l’opérateur et à la taille du cerveau du patient. entretenir une relation plus étroite avec les trou-
Aujourd’hui, ce sont des IRM 3D haute résolu- bles cognitifs que les lésions focales de SB [43]. En
tion qui sont majoritairement utilisées pour effet, l’atrophie cérébrale serait liée de manière
quantifier l’atrophie cérébrale, combinées à des plus significative aux déficits cognitifs que la
méthodes de segmentation permettant d’extraire charge lésionnelle [44], et ce même au stade débu-
le volume cérébral de la boîte crânienne [36]. Ces tant de la maladie [32].
techniques de segmentation peuvent être manuel- Certains travaux ont abordé le lien entre SEP et
les, semi-automatiques ou totalement automati- cognition sur la base de profils cognitifs globaux,
ques, chacune possédant ses avantages et ses établis grâce à la passation d’une batterie de tests
inconvénients. La méthode manuelle requiert un neuropsychologiques permettant d’évaluer les
temps de traitement important qui peut être principales fonctions cognitives telles que l’atten-
diminué par l’utilisation de méthodes semi-auto- tion et la vitesse de traitement de l’information, la
matiques, mais ces dernières requièrent encore mémoire, le raisonnement, la perception visuo-
une intervention humaine contrairement aux spatiale, l’intelligence verbale ou encore le lan-
méthodes entièrement automatiques. Les princi- gage. Ainsi, Zivadinov et al. [32] ont montré que
pales variables ainsi obtenues sont le volume l’apparition d’un déficit cognitif (c’est-à-dire un
parenchymateux ou le volume ventriculaire, qui déficit dans au moins deux des fonctions cogniti-
peuvent être rapportés au volume total intracrâ- ves testées) au cours de 2 ans de suivi était prédite
nien et qui s’expriment alors en fraction ; on parle par le taux d’atrophie du parenchyme (substance
de fraction ventriculaire (ou VF pour ventricular grise et substance blanche) au cours de la même
fraction) ou de fraction parenchymateuse (ou période lors d’une étude chez 53 patients atteints
BPF pour brain parenchymal fraction). Des tech- de SEP évoluant par poussées (SEP-RR), avec une
niques plus élaborées de segmentation permet- durée moyenne de maladie de 3,8 ans. Il a égale-
tent de distinguer la substance grise de la ment été décrit que l’atrophie corticale évaluée
substance blanche et ainsi d’obtenir des volumes chez 41 patients SEP-RR (durée moyenne de mala-
distincts pour ces deux compartiments [36]. Dans die : 4 ans) était plus importante chez les patients
la SEP, le terme d’atrophie centrale est souvent présentant une atteinte cognitive significative et
employé, par opposition à l’atrophie corticale, était associée à des performances inférieures dans
l’atrophie centrale représentant soit une augmen- de nombreux tests neuropsychologiques [45].
tation du volume ventriculaire, soit une atrophie Selon une autre équipe, la corrélation entre volume
des ganglions de la base. Aujourd’hui, il est égale- cérébral et déficits cognitifs pourrait dépendre du
ment possible de s’intéresser à l’aspect plus régio- type de tissu, substance blanche ou grise. En effet,
nal de l’atrophie, soit en ciblant sur une région Gioia et al. [46] ont montré, chez 28 patients
précise par un traçage manuel [39] ou bien en SEP-RR, que la présence de troubles cognitifs était

153
Partie IV. Cognition et imagerie

associée à un volume de substance grise inférieur Une étude récente réalisée chez 40 patients
alors que le volume de SB n’était pas différent SEP-RR et SEP-SP a rapporté une dichotomie
entre les patients cognitivement préservés et ceux entre la réduction du volume de SB, qui serait
cognitivement atteints. associée à des déficits en mémoire de travail et de
L’évaluation du lien entre déficits cognitifs spéci- traitement de l’information, et la réduction du
fiques et quantification de l’atrophie, développée volume de SG qui, elle, serait plus liée à des trou-
dans les paragraphes suivants, pourrait permettre bles de mémoire verbale [44]. Ainsi, la perte de SB
d’éclaircir les mécanismes qui sous-tendent cette semble associée aux déficits de maintien et de
atteinte cognitive. manipulation de l’information, tâches qui deman-
dent des communications rapides entre les diffé-
rents réseaux neuronaux mis en jeu. Ce résultat
Attention, concentration
conforte l’idée que dans la SEP, les altérations de
et vitesse de traitement la SB perturbent la connexion entre les régions
de l’information (VTI) cérébrales, notamment celles engagées dans les
Dans la SEP, les tests les plus utilisés pour éva- processus de mémoire de travail, empêchant le
luer les capacités attentionnelles, de concentra- bon fonctionnement des réseaux cognitifs impli-
tion et de VTI sont le PASAT (Paced Auditory qués dans ces fonctions [44]. Cette hypothèse est
Serial Addition Test) et le SDMT (Symbol Digit encore renforcée par les travaux de Pelletier et al.
Modalities Test). Une association entre atrophie [35], qui ont montré, chez 30 patients SEP-RR,
cérébrale et performances diminuées à ces deux que l’atrophie focale du corps calleux était asso-
tests cognitifs a été plusieurs fois observée. Par ciée à de faibles performances lors de tâches
exemple, il a été rapporté qu’un volume cérébral demandant un transfert d’information interhé-
plus élevé pouvait prédire des scores plus élevés misphérique.
au PASAT et au SDMT [47]. Une corrélation Au niveau régional, des corrélations entre atro-
négative entre performances au SDMT et taille phie thalamique et VTI ont été décrites chez des
des ventricules a également été décrite dans plu- patients atteints de SEP-RR et SEP-SP [39]. Chez
sieurs études réalisées chez des patients atteints le même type de patients (RR et SP), une équipe a
de SEP-RR ou de SEP secondairement progres- rapporté que les performances au PASAT étaient
sive (SEP-SP) [47, 48]. Plus précisément, il a été négativement associées au degré d’atrophie locali-
montré, dans une cohorte suivie prospectivement sée autour des ventricules, donc plutôt centrale
pendant 5 ans de patients ayant une SEP-RR [51]. Cependant, l’atrophie corticale est également
recrutés moins de 6 mois après le diagnostic, que associée à des déficits cognitifs. Dans l’étude lon-
l’aggravation les deux premières années de l’atro- gitudinale de Locatelli et al. [52], le score au
phie centrale, mesurée par la fraction ventricu- PASAT est négativement corrélé à l’atrophie du
laire, était le meilleur prédicteur d’une aggravation néocortex et notamment au niveau du lobe fron-
cognitive aux tests d’attention et de VTI sur 5 ans tal. Plus précisément, certains auteurs ont retrouvé
[33]. Dans une étude de Lazeron et al. [49] regrou- que l’atrophie du gyrus frontal supérieur bilatéral
pant 32 patients (SEP-RR, SP et PP) avec une était associée à des déficits en apprentissage verbal
durée moyenne de maladie de 12 ans, une réduc- et spatial, attention et raisonnement [53]. Dans
tion de volume cérébral était associée à une VTI une analyse voxel à voxel, Morgen et al. [54] mon-
plus faible alors que les performances en termes trent que plus les performances au PASAT sont
de qualité de réponses étaient identiques entre faibles, plus l’atrophie est importante au niveau
patients et sujets contrôles. du cortex préfrontal bilatéral, du gyrus précen-
Par ailleurs, certains travaux suggèrent que cette tral, du gyrus pariétal supérieur et du cervelet
relation entre atrophie cérébrale et capacités droit. Par ailleurs, cette relation semblait spécifi-
attentionnelles pourrait varier en fonction de la que de la SG, étant donné qu’aucune liaison entre
forme de la maladie, la relation entre volume néo- tests cognitifs et densité régionale de SB n’a été
cortical et performance au SDMT semblant plus décrite dans cette étude.
forte chez les patients SEP-SP comparés aux Ces analyses régionales suggèrent que les troubles
SEP-RR [50]. attentionnels seraient associés conjointement à

154
Chapitre 15. Imagerie morphologique

une atrophie centrale et néocorticale, cette ­dernière sujets sains, et que celui-ci était positivement cor-
étant prépondérante dans les régions frontales. rélé à leurs performances en mémoire verbale, que
Bien que cette relation entre atrophie néocorticale ce soit en encodage ou en rappel [57]. Sans se foca-
et troubles de l’attention soit présente dans les for- liser sur une seule région a priori, d’autres auteurs
mes rémittentes et secondairement progressives de ont rapporté une corrélation, d’une part, entre
la maladie, cette liaison serait plus forte chez les l’atrophie temporale gauche et les troubles de
patients atteints d’une SEP secondairement pro- mémoire verbale et auditive et, d’autre part, avec
gressive [50]. l’atrophie frontale droite et les troubles de
mémoire visuelle [56].
Mémoire verbale et visuospatiale Pour conclure, l’atrophie corticale est associée
aux troubles mnésiques dans toutes les formes de
La plupart des études sur les troubles mnésiques
la maladie. Deux régions particulières, le thala-
dans la SEP se sont davantage intéressées à la
mus et l’hippocampe, sont impliquées vis-à-vis
mémoire épisodique verbale que visuospatiale.
des troubles mnésiques observés dans la SEP.
De faibles performances en mémoire verbale ont
Cependant, le rôle exact de l’atrophie dans la
été associées à une augmentation du volume ven-
pathogénie des troubles mnésiques dans la SEP
triculaire [48] chez 37 patients SEP-RR et SP,
n’est pas totalement élucidé car peu d’études se
ainsi qu’à une diminution du volume cérébral
sont réellement intéressées au lien entre perfor-
global [49] chez 32 patients RR, SP et PP, ou
mance mnésique et atrophie régionale.
encore du volume de SG total [44] chez 40 patients
RR et SP. Pour l’atrophie corticale seule, celle-ci
est également associée à des troubles de mémoire Fonctions exécutives
verbale [45, 50] et visuospatiale [50, 55], notam- Le terme de fonctions exécutives est souvent uti-
ment dans l’étude de Benedict et al., qui regroupe lisé pour regrouper les notions de planification et
119  patients SEP-RR et SP [50]. Dans cette der- de contrôle de l’action ou de flexibilité mentale.
nière étude, l’augmentation du volume du troi- Les études sur les relations entre fonctions exécu-
sième ventricule, plus représentative de l’atrophie tives et atrophie dans la SEP sont peu nombreuses
centrale, est également retenue comme prédic- et ne sont pas homogènes quant aux tests utilisés
teur du déficit mnésique. Cette relation entre [48, 53]. Dans ces deux études, aucune association
atrophie centrale et mémoire visuospatiale est entre l’atrophie cérébrale et les fonctions exécuti-
confirmée par l’étude de Houtchens et al. [39], ves, que ce soit avec des volumes cérébraux régio-
qui s’est volontairement focalisée sur le volume naux ou avec l’atrophie centrale, n’a pu être
du thalamus et qui révèle des corrélations positi- démontrée. Ainsi, jusqu’à présent, aucune étude
ves entre volume thalamique et performances en n’a permis de démontrer l’existence d’une liaison
mémoire visuospatiale. L’idée d’une implication entre troubles dysexécutifs et atrophie cérébrale
de l’atrophie du cortex mais aussi des noyaux gris globale ou régionale.
centraux dans les troubles mnésiques a été reprise
par Tekok-Kilic et al. [56], qui ont montré que
l’atrophie corticale et sous-corticale contribuait Langage
indépendamment aux déficits mnésiques présen- Dans la SEP, les études neuropsychologiques ne
tés par les patients. révèlent pas d’atteinte précoce de la sphère du lan-
En dehors des noyaux gris centraux et plus préci- gage, généralement évaluée par la fluence verbale.
sément du thalamus, il existe une autre région qui Seules les études d’Amato et al. rapportent que
a été étudiée de manière spécifique : il s’agit de l’atrophie néocorticale, mais aussi l’évolution de
l’hippocampe. En effet, étant donné son rôle dans celle-ci au cours du temps, est liée aux performan-
la consolidation mnésique, Sicotte et al. [57] se ces en fluence verbale malgré le peu de déficits
sont intéressés au volume des sous-régions hippo- observés [45, 58]. Cependant, la fluence verbale
campiques dans la SEP en lien avec les perfor- n’est qu’un des aspects les plus simples du langage
mances mnésiques. Ils ont rapporté que les et les fonctions plus complexes n’ont pas été étu-
patients atteints de SEP-RR et SP présentaient un diées à ce jour. Ainsi, le fait que peu d’études rap-
volume hippocampique bilatéral inférieur aux portent un lien entre atrophie et troubles du langage

155
Partie IV. Cognition et imagerie

peut découler de l’absence d’exploration approfon- [6] Audoin B, Au Duong MV, Ranjeva JP, Ibarrola D,
die de cette fonction cognitive dans la SEP. Malikova I, Confort-Gouny S, et al. Magnetic reso-
nance study of the influence of tissue damage and
En résumé, l’atrophie cérébrale, et particulière- cortical reorganization on PASAT performance at
ment celle de la SG, est clairement observée chez the earliest stage of multiple sclerosis. Hum Brain
les patients SEP atteints de troubles cognitifs. Mapp 2005 ; 24 : 216-28.
Celle-ci concerne dans un premier temps les Imagerie morphologique
régions sous-corticales puis, plus tardivement, le [7] De Groot CJ, Bergers E, Kamphorst W, Ravid R,
néocortex [59]. Cependant, ces deux types d’atro- Polman CH, Barkhof F, et al. Post-mortem MRI-
phie, centrale et corticale, semblent avoir un rôle à guided sampling of multiple sclerosis brain lesions :
jouer dans cette relation avec la cognition, même increased yield of active demyelinating and (p)reac-
si peu d’études se sont intéressées à l’évaluation tive lesions. Brain 2001 ; 124 : 1635-45.
de la liaison entre atrophie régionale et troubles [8] Brochet B, Dousset V, Petry K. The biological signi-
cognitifs spécifiques. Étant donné l’existence de ficance of MR parameters in multiple sclerosis. In :
Tofts P, ed. Quantitative MRI of the brain : measuring
ce lien, la prise en compte de l’existence de cette change caused by disease. John Wiley & Sons, Ltd ,
atrophie cérébrale en cas de rééducation cognitive Chichester, 2003. p. 477-99.
paraît indispensable. Récemment, Hildebrandt [9] Huber SJ, Paulson GW, Shuttleworth EC, Chakeres D,
et  al. [60] se sont intéressés au rôle que pouvait Clapp LE, Pakalnis A, et al. Magnetic resonance
jouer la présence de l’atrophie cérébrale sur l’en- imaging correlates of dementia in multiple sclerosis.
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rémittente. Ces auteurs ont rapporté que seuls les [10] Medaer R, Nelissen E, Appel B, Swerts M, Geutjens J,
patients ayant une faible atrophie cérébrale béné- Callaert H. Magnetic resonance imaging and cogni-
ficiaient de l’entraînement cognitif. Ainsi, une tive functioning in multiple sclerosis. J Neurol 1987 ;
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atrophie trop importante constituerait un obsta-
cle à la mise en place d’une plasticité cérébrale qui [11] Franklin GM, Heaton RK, Nelson LM, Filley CM,
Seibert C. Correlation of neuropsychological and
permettrait un maintien des performances des MRI findings in chronic/progressive multiple sclero-
patients au niveau des sujets sains. Mais une telle sis. Neurology 1988 ; 38 : 1826-9.
hypothèse demande des investigations supplé- [12] Rao SM, Leo GJ, Haughton VM, St. Aubin-Faubert P,
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function in multiple sclerosis. Arch Neurol 2006 ; 63 [60] Hildebrandt H, Lanz M, Hahn HK, Hoffmann E,
(9) : 1301-6. Schwarze B, Schwendemann G, et al. Cognitive trai-
[51] Jasperse B, Vrenken H, Sanz-Arigita E, de Groot V, ning in MS : effects and relation to brain atrophy.
Smith SM, Polman CH, et al. Regional brain atrophy Restor Neurol Neurosci 2007 ; 25 (1) : 33-43.

158
IRM fonctionnelle Chapitre  16
Bertrand Audoin, Irina Malikova,
Jean Philippe Ranjeva, Audrey Rico

Principe de l’IRM fonctionnelle produit de contraste endogène. Au niveau des


régions intéressées par l’activation neuronale, la
et méthode d’analyse hausse de la pression partielle en oxygène dans le
sang entraîne une diminution de la quantité de
Aucune méthode d’imagerie fonctionnelle ne désoxyhémoglobine. Le champ magnétique local
permet d’étudier directement l’activité neuronale devient plus homogène et induit une cohérence de
car seuls les événements consécutifs à l’activation phase des spins de l’eau plus importante. Une aug-
sont visualisables. Les phénomènes observés en mentation de signal de 4 à 6 % est observable sur
IRMf sont liés aux variations locales de volume et des séquences sensibles aux différences de suscep-
de flux sanguins cérébraux provoquées par l’acti- tibilité magnétique (séquence pondérée en T2*)
vation neuronale [1, 2]. pour un champ magnétique principal de 1,5 T.
Le couplage neurovasculaire relie l’activité neuronale Actuellement, la plupart des travaux utilisent les
aux variations hémodynamiques locales. Ce couplage méthodes d’IRMf en mode bloqué. Celles-ci repo-
serait initié par un puissant vasodilatateur libéré par sent sur la comparaison d’images moyennes
les astrocytes : le monoxyde d’azote (NO). Le main- ­obtenues lors de périodes successives pendant
tien de ce processus pourrait être induit par la pré- ­lesquelles le sujet est alternativement passif et sti-
sence de molécules comme l’adénosine et les mulé. Certaines études reposent sur l’IRMf évé-
intermédiaires glycolytiques. De nombreux facteurs nementielle, qui est fondée sur le suivi du décours
comme le pH, la température, la pCO2 influencent ces temporel du signal à la suite d’un stimulus indivi-
variations hémodynamiques. Ainsi les variations locales duel. Une série d’épreuves permet, comme en
de flux sanguins secondaires à l’activation dépendent de EEG, d’extraire les événements intéressants.
phénomènes multiples et complexes. Durant l’activa- Plusieurs résultats peuvent être obtenus à partir
tion, le débit sanguin local augmente d’environ 50 % des données IRMf acquises durant une tâche
en quelques secondes. En revanche, la consommation cognitive. La détermination de la carte d’activa-
locale d’oxygène ne croît que faiblement. Ce décou- tion cérébrale pendant la tâche étudiée correspond
plage entre la variation du débit sanguin et la consom- à la localisation des différentes régions impliquées
mation d’oxygène induit une hausse de la pression dans la réalisation de la tâche. L’évaluation de la
partielle en oxygène dans les régions activées. connectivité fonctionnelle [3] représente la mise
Les propriétés magnétiques du sang prennent en évidence de la cohérence temporelle de l’activité
source au sein des érythrocytes grâce à la présence de différentes régions pendant la réalisation de la
de l’hémoglobine, principal véhicule de l’oxygène tâche. Cette approche a pour but de détecter la
dans le sang. Le fer ferrique contenu dans la coactivation des régions pendant une tâche ou tout
déoxyhémoglobine lui confère un caractère para- au moins l’interdépendance entre des signaux
magnétique, alors que l’oxyhémoglobine a des enregistrés dans des régions fonctionnellement
caractéristiques diamagnétiques. Possédant des connectées. En IRMf, cette notion décrit la cohé-
propriétés magnétiques différentes en fonction de rence, positive ou ­négative, du signal IRMf enre-
son état d’oxydation, l’hémoglobine constitue un gistré dans différentes zones corticales. Bien

159
Partie IV. Cognition et imagerie

qu’étant analysés à partir des mêmes données flux nerveux et ainsi se répercuter de manière préfé-
expérimentales, les résultats respectifs obtenus par rentielle sur les systèmes dont le fonctionnement
détection de l’activation et par connectivité fonc- repose sur la synchronisation d’activation neurale à
tionnelle ne sont pas redondants, apportant des distance. Au Duong et al. ont étudié la connectivité
informations complémentaires sur le fonctionne- fonctionnelle durant la réalisation du PASAT entre
ment cérébral. Par exemple, l’analyse classique le cortex préfrontal gauche et le reste du cerveau
contrastant une période de mouvement de la lan- dans un groupe de patients au stade initial de la SEP
gue et une période contrôle montre une activation et un groupe de sujets sains [5]. Le cortex préfrontal
au niveau du cortex moteur primaire bilatéral gauche (aire de Brodmann : AB 45/46) a été choisi
(M1), de l’aire de Broca et de l’aire de Wernicke comme région d’intérêt, du fait de son rôle impor-
gauche. En revanche, l’analyse de connectivité tant dans la mémoire de travail, qui est particulière-
fonctionnelle durant la tâche de mouvement de la ment impliquée lors de la réalisation du PASAT.
langue montre que l’aire de Broca covarie seule- Une carte de coefficients de corrélation a ainsi été
ment avec la zone de référence M1, mais pas avec obtenue, reflétant pour chacun des sujets le degré de
les autres aires activées [4]. connectivité fonctionnelle entre la zone source (cor-
L’analyse des données IRMf peut permettre par tex préfrontal gauche) et le reste du cerveau. La
ailleurs d’étudier la connectivité effective, c’est-­ comparaison intergroupes a mis en évidence une
à-dire « l’influence qu’une aire exerce sur une diminution de la connectivité fonctionnelle chez les
autre » durant une tâche donnée. Cette analyse se patients entre la région d’intérêt source (AB 45/46)
fonde sur la définition d’un modèle cortical théo- et plusieurs aires corticales comme l’AB 9 gauche,
rique, caractérisé par différentes zones cérébrales l’AB 3 droite et le cortex cingulaire antérieur
et différentes connexions prédéfinies entre ces (AB 24). Le défaut de connectivité reliant le cortex
zones. La caractérisation de l’activation cérébrale préfrontal gauche et le cortex cingulaire antérieur
en termes de connectivité effective exige la défini- était significativement corrélé au degré d’atteinte
tion d’un modèle de relations causales, dans lequel tissulaire macroscopique évalué par la charge
des régions (ou nœuds) et des connexions sont lésionnelle totale et également à l’atteinte tissulaire
définies a priori à partir de données neuroanato- microscopique mesurée par le transfert d’aimanta-
miques, neuropsychologiques et de neuro-image- tion. Cette nouvelle approche statistique des don-
rie fonctionnelle. La définition de ce modèle est nées obtenues en IRMf a permis de mettre en
primordiale car l’analyse statistique de connecti- évidence une altération de la connectivité fonction-
vité effective ne peut pas détecter des relations nelle chez les patients au stade précoce de la SEP.
physiques non représentées dans le modèle. C’est Cette observation peut être interprétée comme un
cette étape de définition du modèle qui la distin- défaut de communication physique au sein du
gue de la connectivité fonctionnelle, qui est sim- réseau de la mémoire de travail, probablement dû à
plement une observation de l’activité neurale, une déstructuration des fibres de la substance blan-
alors que la connectivité effective donne des expli- che qui connectent les aires corticales impliquées
cations plausibles sur l’origine de la modulation dans la réalisation de cette tâche.
de ces activités cérébrales. Afin de mieux comprendre l’influence des dom-
mages tissulaires diffus sur le fonctionnement du
réseau de mémoire de travail, Au Duong et al. ont
réalisé une étude de connectivité effective au sein
IRMf et paradigmes cognitifs du réseau de la mémoire de travail chez les mêmes
dans la SEP patients en utilisant les mêmes données d’IRMf [6].
Le modèle de la mémoire de travail a été construit
Modification de la connectivité à partir de données de la littérature, notamment
cérébrale dans la SEP des études en IRMf, et également à partir de deux
études précédentes utilisant le PASAT comme
La déstructuration diffuse de la myéline présente paradigme [7, 8]. Ce modèle comprenait huit
dès les premiers stades de la SEP pourrait entraîner régions corticales : AB 46 bilatérales (cortex pré-
une diminution de la vitesse de propagation de l’in- frontal), AB 40 (cortex pariétal) bilatérales, cortex

160
Chapitre 16. IRM fonctionnelle

cingulaires antérieurs bilatéraux et AB 44 (cortex témoins. Les patients présentaient notamment


préfrontal ventrolatéral) bilatérales. Cette analyse une activation plus importante comparée aux
a mis en évidence une réorganisation corticale au témoins au niveau des régions préfrontales et
sein du système de la mémoire de travail des pariétales. Il est cependant impossible dans
patients SEP au début de la maladie, avec une cette étude d’évaluer la répercussion fonction-
diminution des forces de connectivité de l’AB 46 nelle de cette réorganisation cérébrale en raison
droite vers l’AB 46 gauche et du cingulaire anté- de l’absence de mesure des performances des
rieur gauche vers l’AB 46 gauche. Au contraire, les sujets. Mainero et al. ont confirmé récemment
forces de connectivité du cingulaire antérieur droit ces résultats en utilisant le PASAT comme para-
vers l’AB 46 droite, et du cingulaire antérieur droit digme et en évaluant les performances [11]. Le
vers le cingulaire antérieur gauche étaient supé- profil d’activation des patients était caractérisé
rieures chez les patients par rapport aux témoins par des activations plus importantes que les
(figure 16.1). La diminution de la connectivité témoins au niveau des régions p­ réfrontales bila-
entre les régions latéralisées à gauche – régions térales, pariétales inférieures, temporales bilaté-
particulièrement impliquées dans la mémoire de rales, de l’aire motrice supplémentaire et du
travail verbale – pourrait traduire la répercussion gyrus cingulaire antérieur droit. Le degré de
de l’atteinte de la substance blanche sur la commu- réorganisation cérébrale chez les patients était
nication cérébrale interrégionale à longue dis- corrélé à l’importance de l’atteinte tissulaire
tance. L’augmentation des forces de connectivité à évaluée par la charge lésionnelle totale. Ces
droite pourrait être secondaire à un recrutement résultats suggéraient l’existence de processus de
compensatoire de régions normalement moins plasticité cérébrale compensatoire.
impliquées dans la mémoire de travail verbale chez À l’aide d’une tâche de mémoire de travail de
le sujet sain. type n-back, Wishart et al. ont mis en évidence
Dans un travail plus récent, Cader et al. ont des processus de réorganisation fonctionnelle
démontré chez des patients SEP l’existence d’une complexes chez des patients atteints de SEP
augmentation de connectivité fonctionnelle entre rémittente [12]. Ce travail présente comme prin-
les régions préfrontales droites et gauches durant cipal intérêt d’avoir utilisé une tâche relativement
une tâche de mémoire de travail verbale (n-back), pure de mémoire de travail et qui a été bien étu-
interprétée comme un mécanisme compensa- diée en imagerie fonctionnelle chez le sujet sain.
toire qui limiterait l’expression clinique de la Les patients présentaient une activation moins
maladie [9]. importante que les témoins au niveau des régions
Les différentes études IRMf en connectivité fonc- préfrontales et pariétales latérales et une activa-
tionnelle et effective ont donc mis en évidence à tion supérieure au niveau des régions frontales
la fois des réductions de connectivité probable- médiales bilatérales, du gyrus cingulaire anté-
ment secondaires à l’atteinte pathologique de rieur, des régions temporales internes bilatérales
substance blanche, et des augmentations de la et des régions occipitales. Ce profil d’activation
connectivité au niveau d’autres régions, proba- apparaît en faveur de l’existence de processus de
blement en rapport avec des processus compen- réorganisation complexes, comprenant une réor-
satoires. ganisation à la fois au sein du système de la
mémoire de travail mais aussi au sein de régions
Modification des profils cérébrales normalement non sollicitées par ce
type de tâches.
d’activation
Parry et al., utilisant le test du Stroop comme
Staffen et al. ont été les premiers à comparer paradigme, ont mis en évidence chez des patients
l’activation cérébrale induite par la réalisation à un stade avancé de la SEP (durée moyenne de
d’un test attentionnel (adaptation visuelle du la maladie de 10 ans) un profil d’activation diffé-
PASAT) chez des sujets sains et chez des patients rent au niveau des régions préfrontales compa-
atteints de SEP rémittente [10]. L’activation céré- rés aux témoins alors que les performances
brale moyenne des patients avait une distribu- étaient comparables entre les deux groupes [13].
tion et une intensité différente par rapport aux Les patients présentaient une activation qui

161
Partie IV. Cognition et imagerie

Figure 16.1.
Différence de connectivité effective au niveau du système exécutif de la mémoire de travail
chez des patients SCI et des sujets sains durant le PASAT (d’après Au Duong et al. [6]).
BA : Brodmann area.

p­ rédominait au niveau des régions préfrontales tales gauches. Ce dysfonctionnement semble dis-
gauches et les témoins au niveau préfrontal droit. paraître après l’administration d’un traitement
Le degré de réorganisation fonctionnelle des neuromodulateur, suggérant le caractère fonc-
patients était corrélé à l’importance de l’atrophie tionnel du réseau cortical.
cérébrale. Les auteurs ont ensuite étudié les effets D’autres aspects du fonctionnement cognitif ont
d’un anticholinestérasique (rivastigmine) sur le été étudiés en IRMf comme la planification chez
profil d’activation des patients et des témoins des patients au stade avancé de la maladie. Le test
durant la réalisation du Stroop. L’activation chez de la Tour de Londres a été adapté pour étudier les
les patients tendait à se superposer à celle des profils d’activations chez des patients dont les
témoins après l’administration de la rivastig- ­performances étaient moins bonnes que celles du
mine. Cette étude suggère un dysfonctionne- groupe contrôle [14]. Les résultats ne montraient
ment du réseau frontal droit chez les patients et pas de différence d’activations entre les deux
un recrutement compensatoire des régions fron- groupes. Les auteurs suggèrent que les mécanis-

162
Chapitre 16. IRM fonctionnelle

Aire de Brodmann 45/46


Taux de transfert d’aimantation de la substance grise
46
45,5 p = 0.038
45 r = − 0.502
44,5
44
43,5
43
42,5
42
41,5
41
−2 0 2 4 6 8 10 12 14 16 18
Activation
Taux de transfert d’aimantation de la substance blanche d’apparence
49
48,5
p = 0.040
48 r = − 0.500
47,5
47
46,5
46
45,5
45
44,5
−2 0 2 4 6 8 10 12 14 16 18
Activation

Figure 16.2.
Augmentation de l’activation corticale des patients SCI comparés aux témoins durant
la réalisation du PASAT et corrélations entre l’activation chez les patients SCI et l’intégrité
tissulaire évaluée par imagerie de transfert d’aimantation.
L’activation dans les régions préfrontales droites est d’autant plus importante chez les patients que l’atteinte tissulaire
de la substance blanche et de la substance grise est importante (d’après Audoin et al. J Neurol Sci 2006 ; 245 (1–2) :
87–91). BA : Brodmann area ; NAWM : normal appearing white matter (substance blanche d’apparence normale) ; GM :
grey matter (substance grise) ; MTR : magnetisation transfer ratio (ratio de transfert d’aimantation).

mes compensatoires présents chez les patients peu d’activation durant le PASAT en fonction du degré
évolués n’existent plus chez les patients avec une d’atteinte du faisceau longitudinal supérieur (FLS)
atteinte tissulaire plus importante qui limiterait gauche chez des patients présentant une SEP
les possibilités de réorganisation. L’extinction des rémittente. À performances égales, les patients
mécanismes de plasticité cérébrale a été également dont le FLS était le moins atteint présentaient des
mise en évidence chez des patients avec une activations similaires au groupe contrôle alors que
atteinte cognitive sévère comparés à des patients les patients dont le FLS était le plus atteint présen-
modérément altérés [15]. taient des activations bilatérales [16]. La présence
Des études combinées permettant d’évaluer l’acti- de cette plasticité fonctionnelle pourrait être, dans
vité corticale grâce à l’IRMf et la connectivité une certaine mesure, sous-tendue au stade précoce
­cérébrale structurale avec l’imagerie tensorielle de de la maladie par des modifications structurales
diffusion ont permis de mieux comprendre les au niveau des voies d’association impliquées dans
liens entre atteintes tissulaires et réorganisation la réorganisation fonctionnelle. Il a en effet été mis
corticale. Bonzano et al. ont étudié les différences en évidence récemment par une approche en

163
Partie IV. Cognition et imagerie

t­ ractographie issue de l’imagerie de diffusion une [6] Au Duong MV, Boulanouar K, Audoin B, Treseras S,
augmentation du nombre de connexions dans les Ibarrola D, Malikova I, et al. Modulation of effective
connectivity inside the working memory network
régions qui sont le siège d’une hyperactivation
in patients at the earliest stage of multiple sclerosis.
chez les patients atteints de SEP [17]. NeuroImage 2005 ; 24 : 533-8.
Ces processus de plasticité cérébrale au niveau des [7] Audoin B, Au Duong MV, Ranjeva JP, Ibarrola D,
systèmes cérébraux impliqués dans les activités Malikova I, Confort-Gouny S, et al. Magnetic reso-
cognitives complexes sont présents chez les nance study of the influence of tissue damage and
patients dès la première poussée de SEP. Audoin cortical reorganization on PASAT performance at
the earliest stage of multiple sclerosis. Hum Brain
et  al. ont démontré dans un groupe de patients Mapp 2005 ; 24 : 216-28.
après une première poussée de SEP que le profil
[8] Audoin B, Ibarrola D, Ranjeva JP, Confort-Gouny S,
d’activation des patients durant le PASAT était Malikova I, Ali-Cherif A, et al. Compensatory corti-
différent des sujets sains alors que les performan- cal activation observed by fMRI during a cognitive
ces étaient comparables [7, 8]. Il existait deux task at the earliest stage of MS. Hum Brain Mapp
types de modifications de l’activité cérébrale chez 2003 ; 20 : 51-8.
les patients : augmentation du recrutement du [9] Cader S, Cifelli A, Abu-Omar Y, Palace J,
cortex préfrontal gauche, normalement impliqué Matthews PM. Reduced brain functional reserve and
dans le contrôle exécutif de la mémoire de travail altered functional connectivity in patients with mul-
tiple sclerosis. Brain 2006 ; 129 : 527-37.
verbale, et recrutement du cortex préfrontal droit,
normalement non activé chez les contrôles. Chez [10] Staffen W, Mair A, Zauner H, Unterrainer J,
Niederhofer H, Kutzelnigg A, et al. Cognitive func-
les patients, l’intensité du recrutement du cortex tion and fMRI in patients with multiple sclerosis :
préfrontal droit était corrélée à l’atteinte tissulaire evidence for compensatory cortical activation during
cérébrale diffuse évaluée par imagerie de transfert an attention task. Brain 2002 ; 125 : 1275-82.
d’aimantation (figure 16.2). [11] Mainero C, Caramia F, Pozzilli C, Pisani A, Pestalozza
Il semble donc que le phénomène de plasticité I, Borriello G, et al. fMRI evidence of brain reorgani-
zation during attention and memory tasks in multiple
cérébrale limite l’expression clinique de la mala-
sclerosis. NeuroImage 2004 ; 21 : 858-67.
die et puisse expliquer le manque de lien entre la
[12] Wishart HA, Saykin AJ, McDonald BC,
symptomatologie et les données de l’imagerie Mamourian  AC, Flashman LA, Schuschu KR, et al.
morphologique. Brain activation patterns associated with working
memory in relapsing-remitting MS. Neurology 2004 ;
Références 62 : 234-8.
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Metab 1993 ; 13 : 5-14. attention tasks. J Neurol 2003 ; 250 : 461-72.
[4] He AG, Tan LH, Tang Y, James GA, Wright P, Eckert [16] Bonzano L, Pardini M, Mancardi GL, Pizzorno M,
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[5] Au Duong MV, Audoin B, Boulanouar K, Ibarrola D, [17] Audoin B, Guye M, Reuter F, Au Duong MV, Confort-
Malikova I, Confort-Gouny S, et al. Altered functional Gouny S, Malikova I, et al. Structure of WM bundles
connectivity related to white matter changes inside constituting the working memory system in early
the working memory network at the very early stage multiple sclerosis : a quantitative DTI tractography
of MS. J Cereb Blood Flow Metab 2005 ; 25 : 1245-53. study. NeuroImage 2007 ; 36 : 1324-30.

164
Méthodes de RMN Chapitre  17
avancées et explorations
intégrées
Jean-Philippe Ranjeva, Wafaa Zaaraoui,
Bertrand Audoin, Jean Pelletier

Les données histologiques récentes ont (re)démontré ration tissulaire (persistance ou atténuation de ces
que la sclérose en plaques (SEP) était une ­maladie hypo-intensités en T1).
complexe impliquant de nombreux ­phénomènes Pourtant, les corrélations entre la clinique, notam-
physiopathologiques comme l’inflammation, la ment les troubles cognitifs, et les données issues
rupture de la barrière hématoencéphalique, les de l’IRM conventionnelle restent faibles, démon-
activités macrophagiques et microgliales, les désor- trant que ces paramètres ne reflètent qu’une faible
dres mitochondriaux induisant des perturbations partie des différents processus physiopathologi-
énergénétiques [1] et de fonctionnalité des canaux ques rencontrés dans la SEP aux différents stades
ioniques [2]. L’ensemble de ces processus induit au de la maladie.
sein de la substance blanche (SB) et de la substance
Un des grands défis actuels est donc de dévelop-
grise (SG) des phénomènes de démyélinisation
per des techniques permettant d’observer et de
focale et diffuse, de dégénérescence axonale, de
quantifier les différentes atteintes tissulaires foca-
déstructuration tissulaire et d’atrophie céré-
les ou diffuses non visibles par les méthodes
brale [3]. Ces atteintes cérébrales évolutives indui-
conventionnelles, qu’elles soient au sein de la
sent des déficits cliniques progressifs impliquant
substance blanche (SB) ou de la substance grise
l’ensemble des fonctions cérébrales, et notamment
(SG), pour ensuite mieux comprendre et contrôler
les capacités cognitives des patients dès le stade le
leur évolution.
plus précoce (voir chapitres précédents).
Dans ce contexte, l’IRM joue depuis plusieurs
années un rôle de plus en plus important dans la
prise en charge des malades, aussi bien pour le dia-
Rappels sur les techniques
gnostic que pour le suivi de l’évolution naturelle ou avancées de RMN biomédicale
l’évaluation de l’impact de nouveaux médicaments.
L’IRM conventionnelle permet d’évaluer l’ampleur Spectroscopie par RMN
de l’atteinte multifocale au sein de la SB (charge ou
volume lésionnel mesurés sur les séquences pondé-
Principe
rées en T2), le caractère récent ou ancien des lésions La spectroscopie de résonance magnétique
observées (prise de contraste après injection de (SRM) est une technique d’analyse performante
gadolinium), la perte tissulaire au sein de ces lésions et non invasive pour l’exploration métabolique
(hypo-intensités observées sur les séquences pon- du cerveau. La SRM in vivo permet de quantifier
dérées en T1 en dehors de l’œdème avant injection les signaux RMN de différents métabolites
de gadolinium) et l’ampleur des processus de répa- ­cérébraux possédant des noyaux de même type

165
Partie IV. Cognition et imagerie

(tels que le proton) et de fréquence de résonance mIno relative à un phénomène de gliose [5]. Dans
différente en fonction de leur environnement les plaques actives (prenant le contraste), on
chimique. Ainsi, les principaux métabolites retrouve une augmentation des quantités de
détectés en SRM protonique cérébrale à temps mIno, de glutamate/glutamine et du lactate
d’écho long (TE = 135–270 ms) sont le (marqueur du métabolisme anaérobie et des
N-acétylaspartate (NAA), observé à 2 ppm, reflet macrophages). En dehors des lésions focales, une
de la fonction et de la densité neuronale, la créa- augmentation du pic de choline dans la sub­
tine/phosphocréatine (Cr), observée à 3 ppm, stance blanche d’apparence normale en IRM
reflet de la cellularité et des réserves énergétiques, conventionnelle peut être détectée plusieurs
et les dérivés de la choline (Cho), observés à mois avant l’apparition de la plaque de démyéli-
3,2 ppm, marqueurs entre autres des membranes nisation. De plus, le profil métabolique aux sta-
et de l’inflammation. Aux temps d’échos courts des les plus précoces de la maladie reflète un
(< 40 ms), d’autres métabolites peuvent être processus inflammatoire démyélinisant au sein
observés, comme le myo-inositol (mIno) à de la substance blanche associé à un dysfonc-
3,54 ppm, reflet de l’activité gliale et microgliale, tionnement neuronal dans la substance grise
le massif de glutamate/glutamine observé entre réversible dans un premier temps [6]. Aux stades
2,1 et 2,3 ppm, marqueur de l’excitoxicité, et les plus avancés, une baisse de NAA et une hausse
macromolécules observées entre 1,1 et 1,4 ppm, de mIno sont observées, traduisant une atteinte
qui reflètent entre autres les produits de dégrada- axonale irréversible, une activité gliale et des
tion membranaire (figure 17.1). phénomènes de gliose (hausse de mIno) au sein
des substances blanche et grise.
SRM protonique in vivo et SEP
SRM protonique in vivo
Dans le cas de la SEP, le taux de NAA est abaissé
dans les lésions chroniques hypo-intenses en T1,
et troubles cognitifs dans la SEP
reflétant la dysfonction et la perte axonale, et L’importance des troubles cognitifs chez les
peut s’accompagner d’une augmentation du patients souffrant de SEP a été associée de manière

MYÉLINISATION MEMBRANES
CELLULARITÉ EXCITOTOXICITÉ
DÉMYÉLINISATION
Glutamate (neurone)
INFLAMMATION LYMPHOCYTES MÉTABOLISME NH3
Glutamine (glie)
Phosphocréatine
MARQUEUR VIABILITÉ
Créatine N-acétyl aspartate NEURONAL NEURONALE
Choline (NAA)
et Dérivés
OSMOLYTE SURCHARGE
Taurine + scyllo-inositol Aspartate
PROTÉINES et/ou
DÉMYÉLINISATION
MARQUEUR myo-inositol LIPIDES
GLIAL + glycine Si acide lactique
ANOXIE

MACROPHAGES

4 3.5 3.0 2.5 2 1.5 1.0 0.5


PPM
Figure 17.1.
Informations métaboliques obtenues à partir d’un spectre protonique RMN cérébral in vivo
(d’après Viola et al. [4]).
ppm : parties par million.

166
Chapitre 17. Méthodes de RMN avancées et explorations intégrées

plus ou moins convaincante à ces désordres méta- sion des molécules d’eau par un tenseur (imagerie
boliques observables par SRM cérébrale du tensorielle de diffusion) permet de déterminer la
proton. direction prépondérante de diffusion moyennée à
Ainsi, les performances attentionnelles évaluées l’échelle du voxel. On peut ainsi visualiser préfé-
par une tâche d’écoute dichotique ont été corré- rentiellement les structures qui, comme les fibres
lées à la baisse de la fonctionnalité neuronale tra- nerveuses et les faisceaux de substance blanche,
duite par la baisse du rapport NAA/Cr au sein du sont caractérisées par une orientation commune.
locus coeruleus (structure du tronc cérébral) [7]. À partir de ces paramètres quantitatifs issus des
La baisse de ce même rapport NAA/Cr au sein du acquisitions IRM pondérées en diffusion, l’appli-
gyrus cingulaire antérieur a été reliée aux baisses cation d’algorithmes mathématiques permet de
de performances mnésiques évaluées par la calculer la cohérence directionnelle de la diffusion
Wechler Memory Scale (WMS) [8]. Parallèlement, des molécules d’eau appartenant à des voxels voi-
la détermination globale du rapport NAA/Cr sins et ainsi de visualiser artificiellement le trajet
cérébral a permis d’expliquer environ 40 % de la des fibres de substance blanche. C’est le principe
variance d’un facteur composite rendant compte de la tractographie (voir figure 12.4 p. 127).
de l’ensemble des dysfonctions cognitives chez
une population de patients atteints de SEP [9] IRM de diffusion et SEP
bien que d’autres auteurs rapportent que le rap-
Les processus pathologiques accompagnant la
port NAA/Cr semble non prédictif des troubles
SEP altèrent l’intégrité tissulaire et entraînent une
cognitifs [10].
augmentation de la diffusion moyenne des molé-
Enfin, l’augmentation de l’activité gliale reflétée cules d’eau, qui se retrouvent dans un environne-
par la hausse de mIno au sein de la substance ment moins restreint. C’est le cas des lésions de
blanche d’apparence normale durant les trois démyélinisation qui sont caractérisées par une
premières années suivant un premier événement augmentation du coefficient de diffusion, une
clinique semble être l’un des prédicteurs de la ­diffusivité élevée et une baisse de l’anisotropie. Ces
perte des capacités de fonctions exécutives chez anomalies de diffusion sont observées également
ces patients [11]. dans la SB d’apparence normale et dans la SG. Des
études longitudinales ont permis de visualiser au
IRM de diffusion cours d’une année une déstructuration tissulaire
progressive dans les formes progressives primaires
Principe et, à un moindre degré, dans les formes rémitten-
Le phénomène de diffusion est la conséquence de tes de SEP [12]. Cependant, si ces variations de dif-
la mobilité aléatoire (mouvements browniens) des fusion sont sensibles, elles sont peu spécifiques,
molécules d’eau. Ainsi, la diffusion est élevée dans reflétant aussi bien la perméabilité des membranes
le liquide céphalorachidien des ventricules et des que l’intégrité structurelle du tissu, l’inflamma-
citernes (parcours non restreint par les tissus), et tion, la gliose ou la perte axonale.
moindre lorsque les molécules d’eau évoluent dans
des structures qui restreignent leur mobilité, IRM de diffusion et troubles
comme les faisceaux myélinisés de substance blan-
che ou les structure corticales. Il est possible de cognitifs dans la SEP
sensibiliser le signal IRM au phénomène de diffu- De nombreuses études ont décrit des relations
sion grâce à l’application de gradients bipolaires de entre les anomalies structurales observées par
champ magnétique. Le degré de mobilité des molé- IRM de diffusion et les troubles cognitifs chez les
cules d’eau est exprimé par le coefficient apparent patients souffrant de SEP. De manière non exhaus-
de diffusion (CAD). Au sein du tissu cérébral, la tive, chez des patients présentant une forme rémit-
diffusion ne se fait pas uniformément dans toutes tente, certaines corrélations significatives ont été
les directions de l’espace et il est possible de définir observées entre le degré de structuration du corps
la directionnalité de cette diffusion en multipliant calleux exprimé par le coefficient apparent de dif-
les directions de sensibilisation du signal à la dif- fusion (CAD) et les performances au PASAT, une
fusion. La modélisation mathématique de la diffu- tâche impliquant des processus de mémoire de

167
Partie IV. Cognition et imagerie

travail, de traitement rapide de l’information et Transfert d’aimantation et SEP


de gestion de conflits [13, 14]. Les paramètres
caractérisant la structure du corps calleux (aniso- Comme les paramètres de diffusion, le TTA appa-
tropie et diffusivité moyenne) ont également été raît très sensible mais peu spécifique. Dans la SEP,
corrélés aux troubles cognitifs, montrant à la fois une baisse du TTA local peut être détectée plu-
un impact des lésions calleuses macroscopiques sieurs mois avant l’apparition d’une nouvelle
mais également des atteintes diffuses le long des lésion. La variation du taux de transfert d’aiman-
fibres d’apparence normale sur l’IRM convention- tation sur le premier mois suivant la prise de
nelle [15]. Un lien entre l’atteinte microscopique contraste serait de plus un bon indicateur de l’effi-
mesurée par imagerie de diffusion et les perfor- cacité des processus de réparation tissulaire. Chez
mances obtenues au SDMT a aussi été mis en évi- des patients souffrant de SEP cliniquement cer-
dence [16]. À un stade plus précoce de la maladie, taine, il est possible aussi de mettre en évidence
les troubles des fonctions exécutives apparaissent une baisse du TTA global sur l’ensemble du tissu
liés à différentes mesures de diffusion, traduisant cérébral d’apparence normale ainsi que dans la
une atteinte microscopique du tissu cérébral au substance blanche d’apparence normale. Ces ano-
niveau des faisceaux sous-corticaux du lobe fron- malies sont plus importantes chez les patients au
tal [17]. L’utilisation d’une méthode de tractogra- stade progressif. Leur amplitude a une valeur pré-
phie probabiliste et une analyse de cartographie dictive de la sévérité de l’évolution ultérieure de la
statistique des données d’anisotropie de diffusion maladie. Des anomalies de TTA peuvent égale-
ont permis de démontrer une relation entre cer- ment être détectées dès le stade du premier épisode
tains troubles cognitifs spécifiques et l’atteinte des neurologique démyélinisant, aussi bien au niveau
faisceaux de fibre blanche reliant des zones corti- de la SB d’apparence normale, qu’au niveau de la
cales impliquées dans ces systèmes ou dans des SG. Au stade précoce, les baisses de TTA les plus
systèmes potentiellement réorganisés [18]. importantes concernent les longs faisceaux d’asso-
ciation de fibres blanches (faisceau longitudinal
supérieur, corps calleux), les noyaux gris centraux
IRM de transfert d’aimantation et certaines aires associatives (figure 17.2) [20].

Principe
Transfert d’aimantation
Le signal IRM provient principalement des pro-
tons de l’eau dont les mouvements sont peu ou pas
et troubles cognitifs dans la SEP
restreints (pool libre). Bien que le signal des pro- De nombreuses études sont en faveur d’une
tons liés (protons des macromolécules de myéline atteinte tissulaire plus importante et plus dif-
et autres molécules membranaires) ne soit pas fuse chez les patients présentant des dysfonc-
directement observable, il influence cependant le tionnements cognitifs [21–25]. Ainsi, la
signal IRM par le biais d’échanges chimiques et dimi­nution du TTA dans le tissu cérébral d’ap-
physiques entre protons liés et protons libres de parence normale serait une variable prédictive
voisinage. La technique de transfert d’aimantation du déficit cognitif précoce [26]. En particulier,
est fondée sur la quantification indirecte de ces les atteintes de la SB d’apparence normale joue-
interactions. L’application d’une impulsion de raient un rôle majeur dans le dysfonctionnement
radiofréquence sélective sature le signal des pro- cognitif [27–29]. L’une des hypothèses serait que
tons liés et va provoquer une variation de l’aiman- l’atteinte tissulaire diffuse pourrait altérer la
tation des protons libres se traduisant par une connectivité intra et interhémisphérique et ainsi
baisse relative du signal IRM. Cette baisse relative entraîner des perturbations dans des tâches
de signal, quantifiée par le taux de transfert cognitives particulièrement dépendantes des
d’aimantation (TTA), dépend du nombre de sites connexions à longue distance [30, 31]. Cette
d’échange, donc du degré de structuration du hypothèse a été soulevée par un autre travail qui
tissu. Plus le tissu est structuré, plus ces échanges a mis en évidence un lien entre l’atrophie du
sont importants. Cependant, pour que les résultats corps calleux et le degré de perturbation à des
quantitatifs soient fiables, une procédure d’acqui- tests de transfert interhémisphérique [32]. Au
sition standardisée doit être appliquée [19]. stade précoce de la SEP, il a été montré que le

168
Chapitre 17. Méthodes de RMN avancées et explorations intégrées

Figure 17.2.
IRM pondérée en transfert d’aimantation d’un patient atteint de SEP.
Images acquises sans (à gauche) et avec (au milieu) impulsion de transfert d’aimantation. L’image de droite représente
la carte du taux de transfert d’aimantation, montrant une déstructuration des plaques de démyélinisation (flèche).

corps calleux présentait des lésions microscopi- diminution de la vitesse de propagation de l’in-
ques diffuses, mesurées notamment par le TTA, flux nerveux et ainsi se répercuter de manière pré-
en dehors de la présence de lésions macroscopi- férentielle sur les systèmes dont le fonctionnement
ques [33]. Ainsi, avant l’apparition d’une atro- repose sur la synchronisation d’activation neuro-
phie, il existerait des changements structuraux nale à distance [36].
diffus représentant essentiellement une atteinte Des corrélations significatives similaires ont éga-
de la myéline chez les patients ayant présenté un lement été rapportées entre les performances
SCI. Ces atteintes macroscopiques et microsco- mesurées par le PASAT et le SDMT et le TTA de la
piques au sein de cette structure ont été corré- SB d’apparence normale [35]. De plus, cette étude
lées aux perturbations cognitives [33]. montrait que le TTA de la SB et la charge lésion-
De manière plus générale, des corrélations entre nelle globale mesurée en T2 étaient des marqueurs
l’atteinte tissulaire de la SB d’apparence normale prédictifs des troubles attentionnels au stade pré-
évaluée en imagerie de transfert d’aimantation et coce de la maladie.
la présence de perturbations cognitives au stade
précoce de la SEP ont été décrites dans plusieurs
études [11, 14, 20, 26, 30, 34, 35]. De plus, il a été Double inversion-récupération
mis en évidence une corrélation significative entre pour la visualisation des lésions
les performances au PASAT et le degré de déstruc- intracorticales
turation tissulaire diffuse de la SB et non de la SG,
suggérant un impact fonctionnel déterminant du Des travaux récents ont montré que l’utilisation
processus pathologique de la substance blanche de séquences volumiques à double inversion-
sur le fonctionnement cognitif [34]. Le système de récupération (DIR) permettait d’optimiser le
la mémoire de travail pourrait être particulière- signal du cortex par rapport à celui de la sub­
ment sensible au processus pathologique de la SEP stance blanche et de visualiser ainsi certaines
du fait de la déstructuration diffuse et précoce des lésions corticales démyélinisantes fréquentes
faisceaux de SB intra et interhémisphériques. En [37–39], notamment aux stades plus avancés de
effet, la synchronisation des activités neuronales la maladie [3].
de régions cérébrales distantes pourrait constituer Ainsi une relation entre le nombre de lésions hip-
un des processus fondamentaux utilisés par le pocampiques et les capacités de mémoire visuo­
cerveau pour maintenir de l’information à court spatiale a été décrite ainsi qu’une corrélation entre
terme, dans le « flux » de la conscience. La dés- l’augmentation des lésions corticales et l’aggrava-
tructuration diffuse de la myéline présente dès les tion des atteintes cognitives sur un suivi de
premiers stades de la SEP pourrait entraîner une 3 ans [40].

169
Partie IV. Cognition et imagerie

Étude de la réorganisation teurs démographiques pour tester l’impact des


cérébrale par IRM fonctionnelle paramètres quantitatifs IRM considérés comme
complémentaires dans la description des différen-
L’IRM fonctionnelle (IRMf) est fondée sur la tes atteintes tissulaires observables.
détection des variations de susceptibilité Il a ainsi été montré que la diminution de la frac-
­magnétique induite par les variations locales tion du parenchyme cérébral (atrophie) et la dimi-
­d ’oxygénation du sang au cours de la cascade nution du TTA dans le tissu cérébral d’apparence
hémodynamique associée à une activation neuro- normale seraient deux variables prédictives du
nale. Elle permet de déterminer les aires cérébra- déficit cognitif précoce et constitueraient deux
les impliquées dans la réalisation d’une tâche processus distincts dans l’apparition des troubles
comme la réalisation d’un test neuropsychologi- cognitifs [26]. De manière plus sélective, la charge
que adapté aux contraintes techniques imposées lésionnelle T2 et le TTA moyen de la SB d’appa-
par le confinement dans la machine. L’IRMf a rence normale seraient les paramètres les mieux
ainsi permis de mettre en évidence la présence de associés aux troubles des capacités attentionnelles
réorganisation fonctionnelle cérébrale dès les sta- et de la vitesse de traitement de l’information chez
des les plus précoces de la SEP (voir la section pré- les patients au stade précoce de la SEP [35]. Chez
cédente). Ces processus compensatoires sont les patients à un stade plus avancé de la maladie,
observables dans les systèmes cognitifs de haut l’atrophie cérébrale « centrale » reflétée par l’élar-
niveau. L’augmentation du recrutement est corré- gissement de la taille du troisième ventricule sem-
lée à l’ampleur de l’atteinte tissulaire au début de ble fortement associée à l’étendue des troubles
la maladie [34]. Aux stades plus avancés, lorsque cognitifs [44, 45]. Cependant, lorsque ce paramè-
l’atteinte tissulaire est devenue trop importante, tre est contrôlé, l’atrophie corticale régionale appa-
l’activation cérébrale diminue [41], témoignant raît associée à des atteintes cognitives ­spécifiques
des limites de la réorganisation cérébrale et de la comme l’atrophie préfrontale gauche avec la
diminution de la réserve cognitive [42]. Certains mémoire verbale et auditive, l’atrophie frontale
traitements cholinergiques [43] ou des bloqueurs droite avec la mémoire de travail et la mémoire
de canaux potassium permettent aux patients épisodique visuelle [46]. Enfin l’activation céré-
traités de retrouver un profil d’activation proche brale, la réorganisation corticale et la connectivité
de celui des témoins (voir la section précédente). fonctionnelle obtenues par les acquisitions d’IRM
Les traitements statistiques appliqués à ces fonctionnelle apparaissent associées aux perturba-
mêmes données d’IRMf permettent de déduire le tions de la mémoire de travail [47, 48]. Ainsi il est
fonctionnement des différents réseaux cognitifs possible de construire des modèles pouvant expli-
durant la réalisation d’une tâche ou leur état basal quer la performance à une tâche comme le PASAT
[30, 31, 42]. grâce à une combinaison de paramètres exprimant
l’étendue et la localisation des atteintes cérébrales,
les anomalies de connectivité fonctionnelle et la
Approches multiparamétriques réorganisation corticale.

L’ensemble de ces travaux montrent que les para-


mètres accessibles par les techniques de RMN
avancées permettent d’appréhender partiellement
En résumé
les différents phénomènes physiopathologiques La complexité, la variabilité et les différences de
ou physiologiques reliés aux atteintes cognitives latence des différents processus physiopathologi-
observées chez les patients atteints de SEP. ques induisant l’apparition, l’aggravation ou la
De nombreuses études ont donc tenté d’évaluer limitation de l’expression des troubles cognitifs
les degrés explicatifs et prédictifs de combinai- chez les malades atteints de SEP nécessitent le
sons de paramètres IRM sur l’étendue des trou- recours à une caractérisation à la fois morphologi-
bles cognitifs. Ces travaux sont généralement que, structurale, métabolique, hémodynamique et
fondés sur des approches de régressions multipa- fonctionnelle la plus exhaustive possible pour pou-
ramétriques, étape par étape, contrôlant les fac- voir mettre en évidence et prévoir la ­progression de

170
Chapitre 17. Méthodes de RMN avancées et explorations intégrées

ces troubles. Les capacités de traitement rapide de corticales des réseaux à larges échelles impliqués
l’information et de mémoire de travail observées dans ces tâches. La perte tissulaire globale (atro-
au stade précoce de la SEP semblent reliées aux phie) altère les capacités cognitives globales et l’at-
atteintes focales et diffuses au sein de la SB qui teinte de structures comme l’hippocampe est reliée
induisent une baisse de connectivité entre les aires aux fonctions spécifiques telles que la mémoire.

Conclusion – Synthèse
Jean Pelletier

L’imagerie moderne, et particulièrement l’IRM, a Très clairement, les résultats des nombreuses étu-
très clairement permis de mieux aborder le des visant à évaluer les liens potentiels entre
domaine de la sclérose en plaques (SEP) en géné- ­l ’atteinte cognitive et les données de l’IRM
ral, et les perturbations cognitives rencontrées conventionnelle apparaissent contradictoires. En
dans cette affection en particulier. effet, en dehors de phases très évoluées de la mala-
Toutefois, si la place privilégiée de l’IRM dans le die où la charge lésionnelle globale apparaît
diagnostic de la maladie ainsi que dans l’évalua- ­significativement corrélée à la fréquence et à l’im-
tion des nouvelles thérapeutiques, voire dans portance des perturbations cognitives, la très
l’approche des mécanismes physiopathologiques grande majorité des études ne retrouvent pas ou
impliqués dans la maladie, ne peut être remise peu de lien entre le degré de la charge lésionnelle
en question, les données issues de l’IRM conven- globale et l’importance de la détérioration cogni-
tionnelle ont clairement montré leurs limites tive. La valeur prédictive de la charge lésionnelle
pour approcher de façon précise les relations sur l’existence et l’importance des troubles
entre les anomalies identifiées et les marqueurs ­cognitifs reste donc peu informative [49]. En
d’évolution clinique. Ce « paradoxe clinico-­ revanche, il semble que la charge lésionnelle régio-
radiologique » est particulièrement vérifié dans nale soit un meilleur marqueur de l’atteinte cogni-
le cadre des troubles cognitifs qui sont fréquem- tive chez des patients atteints de SEP, en particulier
ment identifiés chez les patients atteints de SEP. dans les formes rémittentes de la maladie [50]. La
Les raisons de cette discordance sont vraisem- distribution topographique des lésions, en parti-
blablement en partie représentées, d’une part, culier dans les régions frontales, pourrait donc
par le manque de spécificité des techniques influencer l’apparition de certaines perturbations
d’IRM conventionnelles dans le cadre de l’inter- cognitives [50].
vention de processus physiopathologiques hété- La mesure de l’atrophie globale ou régionale
rogènes, d’autre part par l’insuffisance de pourrait par ailleurs représenter un marqueur
sensibilité de ces techniques pour évaluer l’éten- plus sensible que la charge lésionnelle pour pré-
due des dommages tissulaires en dehors des dire l’atteinte cognitive, et parmi les différentes
lésions focales identifiées. Les nouvelles techni- techniques d’imagerie conventionnelle, le para-
ques IRM, dites non conventionnelles (imagerie mètre « atrophie » est le facteur dont la valeur
de diffusion, de transfert d’aimantation, spec- prédictive est la plus robuste concernant la sur-
troscopique et fonctionnelle), ont permis de venue de perturbations cognitives [51]. En parti-
mieux appréhender au niveau structural, méta- culier, et là encore, l’atrophie de certaines
bolique et fonctionnel les différents types d’at- structures a été mise en évidence au stade pré-
teintes impliquées dans la genèse des troubles coce de la maladie, permettant d’établir une
cognitifs, en particulier en évaluant les atteintes corrélation plus spécifique entre le degré d’atro-
de la substance blanche et la substance grise phie focale et certaines perturbations cognitives
d’apparence normale. [52, 53].

171
Partie IV. Cognition et imagerie

Les techniques d’imagerie non conventionnelle Références


ont en revanche permis d’apporter des éléments
nouveaux, permettant de mieux approcher les [1] Mahad DJ, Ziabreva I, Campbell G, Lax N, White K,
Hanson PS, et al. Mitochondrial changes within
supports structuraux, métaboliques et fonction- axons in multiple sclerosis. Brain 2009 ; 132 (5) :
nels des troubles cognitifs. De nombreuses études 1161-74.
ayant utilisé l’imagerie de transfert ­d ’aimantation, [2] Waxman SG. Mechanisms of disease : sodium chan-
de diffusion et spectroscopique ont mis en évi- nels and neuroprotection in multiple sclerosis-current
dence une atteinte tissulaire de la substance blan- status. Nat Clin Pract Neurol 2008 ; 4 (3) : 159-69.
che plus importante et plus diffuse chez les [3] Kutzelnigg A, Lucchinetti CF, Stadelmann C, Brück
patients présentant des dysfonctionnements W, Rauschka H, Bergmann M, et al. Cortical demye-
cognitifs, en particulier au stade précoce de la lination and diffuse white matter injury in multiple
maladie. Cette atteinte tissulaire diffuse de la sclerosis. Brain 2005 ; 128 (11) : 2705-12.
substance blanche pourrait donc, d’une part, alté- [4] Viola A, Nicoli F, Confort-Gouny S, Le Fur Y, Ranjeva
rer la connectivité intra et interhémisphérique et JP, Cozzone PJ. Applications of magnetic resonance
spectrometry (MRS) in the study of metabolic dis-
ainsi entraîner des perturbations dans des tâches turbances affecting the brain in alcoholism. Pathol
cognitives particulièrement dépendantes des Biol (Paris) 2001 ; 49 (9) : 718-25.
connexions à longue distance, et d’autre part être [5] Brex PA, Parker GJ, Leary SM, Molyneux PD, Barker
responsable de changements distants dans des GJ, Davie CA, et al. Lesion heterogeneity in multiple
régions de substance grise fortement connectées sclerosis : a study of the relations between appea-
comme les ganglions de la base, et particulière- rances on T1 weighted images, T1 relaxation times,
ment le thalamus [54, 55]. Cette atteinte diffuse de and metabolite concentrations. J Neurol Neurosurg
Psychiatry 2000 ; 68 (5) : 627-32.
la substance blanche pourrait par ailleurs repré-
senter le principal support à la présence d’une [6] Au Duong MV, Audoin B, Le Fur Y, Confort-Gouny
S, Malikova I, Soulier E, et al. Relationships between
réorganisation fonctionnelle évaluée en IRM gray matter metabolic abnormalities and white mat-
fonctionnelle et sous-tendue par des phénomènes ter inflammation in patients at the very early stage of
de plasticité cérébrale permettant de limiter l’ex- MS : a MRSI study. J Neurol 2007 ; 254 (7) : 914-23.
pression clinique de certaines perturbations [7] Gadea M, Martinez-Bisbal MC, Marti-Bonmatí L,
cognitives [56, 57]. Espert R, Casanova B, Coret F, et al. Spectroscopic
axonal damage of the right locus coeruleus relates to
La contribution respective de l’atteinte de la subs-
selective attention impairment in early stage relap-
tance grise et celle de la substance blanche pour ren- sing-remitting multiple sclerosis. Brain 2004 ; 127
dre compte des troubles cognitifs pourrait ainsi être (1) : 89-98.
déclinée de la façon suivante : l’atteinte de la sub­ [8] Staffen W, Zauner H, Mair A, Kutzelnigg A, Kapeller P,
stance blanche serait particulièrement précoce et Stangl H, et al. Magnetic resonance spectroscopy of
associée aux perturbations identifiées dans les memory and frontal brain region in early multiple
domaines de la vitesse de traitement de l’informa- sclerosis. J Neuropsychiatry Clin Neurosci 2005 ; 17
tion et de la mémoire de travail, tandis que l’atteinte (3) : 357-63.
de la substance grise, plus tardive, serait plus spéci- [9] Mathiesen HK, Jonsson A, Tscherning T, Hanson LG,
Andresen J, Blinkenberg M, et al. Correlation of glo-
fiquement associée aux troubles concernant la
bal N-acetyl aspartate with cognitive impairment in
mémoire verbale, l’euphorie et la désinhibition [58]. multiple sclerosis. Arch Neurol 2006 ; 63 (4) : 533-6.
La place de l’IRM dans la compréhension des per- [10] Cox D, Pelletier D, Genain C, Majumdar S, Lu Y,
turbations cognitives et son intérêt en tant que Nelson S, et al. The unique impact of changes in nor-
facteur prédictif de l’apparition et de l’aggravation mal appearing brain tissue on cognitive dysfunction
de celles-ci devraient indéniablement s’affiner in secondary progressive multiple sclerosis patients.
Mult Scler 2004 ; 10 (6) : 626-9.
dans les années futures [59–62]. En particulier, le
rôle des lésions corticales dans le dysfonctionne- [11] Summers M, Swanton J, Fernando K, Dalton C,
Miller DH, Cipolotti L, et al. Cognitive impairment
ment cognitif devrait pouvoir être appréhendé in multiple sclerosis can be predicted by imaging
avec précision par l’IRM dans les années à venir early in the disease. J Neurol Neurosurg Psychiatry
[63]. Pour ce faire, les appareils de haut champ 2008 ; 79 (8) : 955-8.
(3 T, 7 T) pourraient apporter d’indéniables pro- [12] Cassol E, Ranjeva JP, Ibarrola D, Mékies C, Manelfe C,
grès dans ce domaine [64–66]. Clanet M, et al. Diffusion tensor imaging in multi-

172
Chapitre 17. Méthodes de RMN avancées et explorations intégrées

ple sclerosis : a tool for monitoring changes in nor- [24] Rovaris M, Filippi M. MRI correlates of cognitive dys-
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173
Partie IV. Cognition et imagerie

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Independent contributions of cortical gray matter sclerosis. NeuroImage 2009 ; 44 : 590-9.
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2006 ; 245 (1–2) : 161-7. multiple sclerosis. Mult Scler 2007 ; 13 (6) : 722-30.

174
Chapitre 17. Méthodes de RMN avancées et explorations intégrées

[60] Summers M, Swanton J, Fernando K, Dalton C, tiple sclerosis detected by MR imaging at 8 Tesla.
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2008 ; 79 (8) : 955-8. imaging improve cortical lesion detection in multi-
[61] Portaccio E, Stromillo ML, Goretti B Zipoli V, Siracusa G, ple sclerosis ?. J Neurol 2008 ; 255 (2) : 183-91.
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multiple sclerosis. Neurology 2009 ; 73 (7) : 498-503. ultra-high-field MR imaging in patients with multi-
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1144-50. magnetic resonance imaging of multiple sclerosis at
[63] Kangarlu A, Bourekas EC, Ray-Chaudhury A, 7 Tesla with sensitivity to iron. Ann Neurol 2008 ; 64 :
Rammohan KW. Cerebral cortical lesions in mul- 707-13.

175
Introduction
Gilles Defer

Les aspects cliniques des troubles cognitifs ont été cognitives n’était pas une préoccupation majeure
décrits en détail dans les différents chapitres de la des premiers essais thérapeutiques, d’autre part
partie III. Il a été clairement montré dans ce cha- parce que la méthodologie utilisée pour réaliser ce
pitre comment les évaluations psychométriques type d’évaluation était peu ou mal adaptée [3].
réalisées par des neuropsychologues permettaient L’apparition de traitements symptomatiques de la
aujourd’hui de caractériser précisément voire de fatigue et surtout de traitements cibles propres aux
dépister facilement, même en l’absence de plainte troubles cognitifs de la maladie d’Alzheimer ou de
avérée, les dysfonctionnements cognitifs chez les Parkinson a conduit au développement de recher-
patients atteints de SEP. Cette capacité à diagnos- ches similaires dans la SEP. Aujourd’hui, la majo-
tiquer et identifier les différents troubles cognitifs rité des études prennent en compte le paramètre
chez ces patients fait bien sûr poser ensuite la cognitif au travers du suivi des performances au
question de leur prise en charge. Il faut reconnaî- MSFC qui inclut le PASAT. L’utilisation de ce test
tre que malheureusement, à ce jour, le neurologue comme évaluation cognitive a permis de montrer
se trouve assez démuni devant ces symptômes dans deux études récentes un effet positif de l’in-
parfois évolutifs dont on connaît les conséquences terféron bêta sur les performances de patients
importantes sur le plan médico­social et/ou socio- atteints de SEP rémittentes (étude pivot interféron
professionnel [1, 2]. La prise en charge des trou- bêta-1a IM) [4] ou de patients traités pendant 3 et
bles cognitifs constitue donc un défi spécifique 5 ans après un premier événement démyélinisant
dans la prise en charge globale de la maladie. En [5]. Cependant une évaluation limitée à un seul
effet, même si certaines données concordantes test, même s’il reflète plus ou moins directement
laissent aujourd’hui penser que les traitements de certaines fonctions cognitives connues comme
fond pourraient avoir un effet positif sur la cogni- déficitaires dans la SEP, ne peut à elle seule être
tion (voir infra), il s’agit dans tous les cas d’un effet représentative des dysfonctionnements cognitifs
marginal, comparativement à leur effet sur la fré- beaucoup plus complexes ou étendus observés chez
quence des poussées ou sur le handicap, et à l’évi- les patients. Par ailleurs, un protocole ayant comme
dence le plus souvent indirect. Le développement critère de jugement les variations de performances
de thérapeutiques médicamenteuses ou non médi- à un test peut être un préalable nécessaire à un pro-
camenteuses est donc souhaitable pour améliorer jet plus global en termes de cognition.
les troubles de l’attention, de la mémoire de travail Il serait donc important de pouvoir disposer pour
ou épisodique ou des fonctions exécutives dont tout essai thérapeutique, en particulier ceux
souffrent ces patients et par voie de conséquence concernant de nouvelles molécules, comme pour
leur qualité de vie, au même titre qu’on dispose de le handicap moteur, d’une évaluation simplifiée
médicaments et méthodes physiothérapeutiques (batterie réduite) permettant d’identifier un effet
pour prendre en charge les troubles moteurs ou
positif (ou délétère) sur la cognition. La disponibi-
vésicosphinctériens.
lité d’un test unique ou d’une batterie réduite a
Dans cette cinquième et dernière partie seront été discutée dans le chapitre 6 de cet ouvrage.
­abordées, d’une part, les données disponibles sur Toutefois aucun consensus n’existe réellement
les effets des traitements de fond de la maladie sur la aujourd’hui sur le sujet et il est probable que les
cognition, puis les pistes concernant les traitements besoins en termes d’évaluation cognitive puissent
symptomatiques et, d’autre part, les développe- différer selon que l’on souhaite identifier un effet
ments récents concernant la remédiation cognitive. cognitif annexe avec un traitement de fond dont
On remarquera d’emblée, concernant les traite- l’objectif thérapeutique principal est autre, ou
ments de fond, que si les données sont parcellaires selon qu’il s’agisse d’un traitement ­symptomatique
dans bien des domaines, c’est probablement d’une avec un objectif spécifiquement dédié au fonc-
part parce que l’étude des effets potentiels des trai- tionnement cognitif. De plus, il sera ­théoriquement
tements immunomodulateurs sur les perturbations important pour l’évaluation d’un ­traitement de

179
Partie V. Prise en charge thérapeutique des troubles cognitifs

fond d’être en mesure d’établir ce qui relèverait l’exploitation des fonctions préservées pour la
d’un effet cognitif direct (par un effet neurophar- prise en charge des traumatisés crâniens ont per-
macologique non attendu), d’un effet indirect (par mis de jeter les bases de nouveaux modes non
réduction des lésions inflammatoires et/ou pré- médicamenteux de prise en charge des déficits
vention de la dégénérescence). Les mécanismes cognitifs qui ont été depuis largement appliqués à
intimes de ces effets seront eux-mêmes intéres- la maladie d’Alzheimer et de Parkinson et de
sants à déterminer tant sur le plan anatomique façon plus récente à la SEP. Les données actuelles
(diminution de la charge lésionnelle, réduction de de la littérature et l’expérience de certains centres
l’atrophie), que sur le plan biologique (maintien français dans ce domaine feront l’objet de la
des capacités fonctionnelles de réseaux neuro- deuxième partie de ce chapitre.
naux, modification de la connectivité, voire modi- On peut enfin rajouter que l’amélioration de la
fications métaboliques). Aujourd’hui, les données prise en charge thérapeutique des troubles cogni-
concernant cette approche sont encore peu nom- tifs sera étroitement tributaire de l’amélioration
breuses et d’importants progrès peuvent donc être des connaissances sur leur histoire naturelle, en
espérés dans ce domaine. particulier au travers d’études longitudinales ini-
Des progrès significatifs concernant la prise en tiées le plus tôt possible dans la maladie (voir chapi-
charge des troubles cognitifs de la maladie ont été tre 7, p. 71) mais aussi sans doute d’une meilleure
réalisés ces dernières années dans le domaine de compréhension des mécanismes d’adaptation céré-
la rémédiation cognitive. En effet, les travaux brale et de leur évolution observés chez ces patients
accumulés sur le rétablissement de la fonction et/ou dès les stades précoces de la maladie [6–8].

180
Effets cognitifs Chapitre  18
des traitements de fond
et des traitements
symptomatiques
Gilles Defer

De nombreux travaux ont rapporté l’impact tique avec l’interféron bêta (IFN-β). En fait, c’est
cognitif dans la SEP de différentes classes médica- plutôt la question d’un effet positif sur les troubles
menteuses. Les données concernant les traite- cognitifs qui a été évoquée ces dernières années.
ments de fond, les corticoïdes et les traitements Malheureusement, en raison d’une très grande
symptomatiques vont être maintenant abordées hétérogénéité des études vis-à-vis des évaluations
successivement. psychométriques, du niveau des atteintes cogniti-
ves, de la fluctuation des performances, des profils
de maladie, de la taille des populations étudiées et
Immunomodulateurs de la variabilité des modalités de définition des
déficits et de celle des analyses statistiques utili-
sées, il est très difficile de poser des conclusions
Les effets potentiels des traitements de fond de la
définitives sur l’effet des INFs dans les troubles
SEP sur les troubles cognitifs présentés par les
cognitifs de la SEP [10]. Les principaux résultats
patients ont été partiellement évalués dans diffé-
seront présentés étude par étude, selon la forme de
rentes études dont des études de phase III ayant
maladie et le type de traitement.
concerné les principaux immunomodulateurs.
Les données recueillies à ce jour, si elles ne per-
mettent pas de conclure formellement, suggèrent SEP rémittentes (SEP-RR)
un possible effet positif de ces traitements sur les Dans une étude ancillaire à l’étude pivot de 1993
troubles cognitifs de la SEP, en tout cas dans les utilisant l’IFN-β1b chez des patients présentant
formes rémittentes. une forme rémittente, il a été mis en évidence chez
les patients traités avec la dose la plus élevée d’IFN-
Interférons bêta β1b (8 MU) une amélioration de leurs capacités de
reconnaissance visuelle différée entre la 2e et la
L’existence d’un lien entre manifestations psycho- 4e année [11]. Dans cette étude monocentrique qui
logiques et interféron est bien connue chez les concernait 30 patients (17 sous INF-β1b et 13 sous
patients atteints d’hépatite C et soumis à un trai- placebo), l’évaluation psychométrique a été débu-
tement par interféron alpha. Ces relations délétè- tée 2 ans après le début de l’étude et l’analyse sta-
res (troubles cognitifs touchant l’attention et la tistique n’a pas bénéficié de corrections sur les
mémoire et troubles psychiatriques sévères) [9] nombreuses comparaisons réalisées. Une autre
pouvaient faire poser la question d’un risque iden- étude [12] concernant l’INF-β1b, à nouveau sur

181
Partie V. Prise en charge thérapeutique des troubles cognitifs

une faible cohorte de patients (n = 46), a suggéré placebo sur la détérioration du PASAT pendant le
un effet sur l’attention et l’apprentissage visuospa- suivi [16].
tial durant la première année de traitement. Récemment, l’équipe italienne d’Amato et al. [17,
Cependant il existait à l’inclusion dans l’étude des 18] a rapporté les premiers résultats du suivi pros-
différences entre le groupe traité et le groupe pla- pectif d’une cohorte de patients atteints de SEP
cebo (sujets plus jeunes, durée de maladie plus rémittentes et traités par INF-β1a sous-cutané (22
courte). Deux études ouvertes se sont intéressées ou 44 μg). Plus de 450 patients ont été recrutés au
aux effets de l’INF-β1b sur les potentiels évoqués départ et les données cognitives jusqu’à 3 ans de
cognitifs (P300) [13, 14]. Ces deux études, réalisées suivi étaient disponibles chez 318 patients. La pro-
sur de petites cohortes de patients (respectivement portion de patients ayant développé une atteinte
14 et 16 patients) traités pendant 1 an, et comparés cognitive (définie par des performances ≥ 1 écart
à des sujets témoins pour l’une d’elles [13], ont type de normes en population générale, sur 3 tests
donné des résultats contradictoires ne permettant ou plus d’une batterie large explorant de nom-
pas d’identifier un effet positif ou négatif de ce breux domaines cognitifs) était significativement
traitement sur ce paramètre, parfois utilisé inférieure dans le groupe traité par la dose de
comme critère indirect du fonctionnement cogni- 44  μg par rapport à celui traité par la dose de
tif. Aucune différence significative n’était observée 22 μg, suggérant un effet dose-dépendant du trai-
pour les différents paramètres entre le groupe tement sur les fonctions cognitives. Dans cette
traité et le groupe témoin bien qu’un allongement étude, l’atteinte cognitive était associée à une
de la P300 moyenne ait été observé, et de façon réduction des activités professionnelles et sociales
importante (> 2 écarts types) chez 20 % des patients et les patients présentant une détérioration cogni-
dans l’étude de Gerschlager et al. [13]. Une réduc- tive semblaient par ailleurs plus fatigués que les
tion d’amplitude et de latence de la P300 avec amé- patients non détériorés.
lioration des réponses persévératives au test de
Wisconsin était observée par Flechter et al. [14].
Enfin, il faut citer qu’une autre étude portant sur
SEP progressives
une plus grande cohorte de patients, mais évalués Les données disponibles concernent principale-
une seule fois, n’a pas retrouvé de différence entre ment l’étude européenne réalisée dans les SEP
patients traités ou non par l’INF-β1b pendant au secondairement progressives (SP) avec l’INF-β1b
moins 6 mois sur des tests de mémoire verbale [15]. qui comprenait 476 patients et 197 contrôles, éva-
Dans l’étude pivot utilisant l’INF-β1a par voie lués sur le plan cognitif à l’inclusion puis à 12, 24
intramusculaire, une batterie cognitive a été et 36 mois. L’évaluation incluait différents tests de
appliquée à une partie des patients de l’étude à mémoire verbale et spatiale ainsi que le PASAT.
l’inclusion et après 2 ans de traitement. Cent L’étude n’a pas permis de montrer un effet signifi-
soixante-six patients (83 traités, 83 placebo) catif sur la cognition. Toutefois l’analyse secon-
sur 276 ont eu une évaluation psychométrique daire suggérait qu’une plus faible proportion de
­complète sur les 2 ans. Le critère de jugement patients traités par IFN-β1b réunissait les critères
reposait sur les modifications d’une batterie de détérioration cognitive [10, 19]. Une étude a
incluant de nombreux tests cognitifs regroupés en concerné l’IFN-β1a dans les SEP-SP, incluant 436
3 ­sous-domaines (traitement de l’information et patients (217 recevant l’INF) avec un EDSS entre
capacités d’apprentissage verbal, capacités visuo­ 3,5 et 6,5 ; une tendance non significative en faveur
spatiales et résolution de problèmes, et capacités du traitement a été observée pour le PASAT [20].
verbales et attention). L’analyse statistique assez Pour ce qui concerne la forme progressive pri-
complexe a permis d’identifier un bénéfice du maire de la maladie, une étude utilisant la Brief
traitement par rapport au placebo sur une partie Repeatable Neuropsychological Battery (BRNB)
des tests explorant les processus de traitement de de Rao avec le PASAT dans le cadre du score
l’information et les capacités d’apprentissage ver- composite MSFC pratiqué tous les 3 mois a été
bal. Une analyse secondaire a montré un effet réalisée chez 73 patients avec l’IFN-β1b. Les grou-
significatif en faveur du traitement vis-à-vis du pes traités et placebo étaient comparables au

182
Chapitre 18. Effets cognitifs des traitements de fond et des traitements symptomatiques

début de l’étude mais aucune différence significa- sont bien connus, leurs effets cognitifs plus spécifi-
tive n’a été observée entre les groupes pour aucun ques ont fait l’objet de quelques études. Patzold
des tests [10]. et al. [23] ont étudié l’effet d’une administration de
1 g de MP IV pendant 5 jours suivie d’une cortico-
thérapie orale régressive sur 2 semaines sur les
Acétate de glatiramère
performances au PASAT-3 s dans le cadre d’une
L’étude pivot évaluant l’acétate de glatiramère évaluation plus globale chez 27 patients qui ont été
(AG) a bénéficié également d’une évaluation cogni- testés à J0, J5 et J20. Les résultats ont été comparés
tive chez les patients recevant le traitement ou le à un groupe contrôle de 10 patients SEP stables
placebo, qui explorait 5 domaines de la cognition sans poussée, réalisant les tests selon la même pro-
avec la BRN-B et d’autres tests [21]. Aucune diffé- cédure. Une amélioration significative des perfor-
rence n’a pu être détectée entre les 2 groupes au mances à J20 a été observée chez les patients traités
bout des 2 ans de l’étude. Cependant les résultats alors qu’il n’était constaté aucune modification
aux tests étaient meilleurs dans les 2 groupes (traité chez les patients ne recevant pas de corticothéra-
et placebo) à la fin de l’étude par rapport à l’inclu- pie. L’effet observé pourrait être lié à l’effet anti-
sion. De plus les performances des patients à l’in- inflammatoire mais peut-être aussi à un effet retest
clusion étaient dans la limite de la normale pour en raison des évaluations très rapprochées même
tous les tests choisis sauf la fluence verbale ortho- si une triple passation initiale avait été systémati-
graphique [21]. Ce constat a conduit les auteurs à quement pratiquée. Si l’attention soutenue semble
réévaluer une partie de la cohorte 10 ans après le pouvoir s’améliorer, d’autres études indiquent plu-
début de l’étude [22] : 153 patients ont été ainsi tôt un effet délétère transitoire de la corticothéra-
réévalués (61 % de la cohorte initiale), 106 étant pie IV sur les processus mnésiques. Ainsi Oliveri
toujours sous AG et 47 autres ayant reçu divers et al. [24] avaient suggéré que la corticothérapie IV
traitements, seuls ou associés, avec des durées effectuée pour le traitement des poussées aurait un
variables depuis le début de l’étude d’extension. effet délétère temporaire sur la mémoire explicite.
Les résultats de cette évaluation ont montré qu’une Plus récemment, Brunner et al. [25] ont montré
détérioration cognitive intervenait principalement chez des patients traités par MP IV (500 mg/5
pour les épreuves évaluant l’attention et que si on jours) pour poussée de SEP ou névrite optique,
appliquait une modification de 1/2 écart type pour comparés à des volontaires sains, un effet négatif
définir un déclin cognitif, celui-ci était observé des corticoïdes sur la mémoire à long terme, réver-
selon les tests chez 27 à 49 % des patients, et 19 % sible 5 jours après l’arrêt du traitement.
des patients avaient une baisse d’un Z-score com-
posite des différentes épreuves. Curieusement, le
déclin cognitif observable était toujours plus
important chez les patients plus performants aux
Immunosuppresseurs
tests à la baseline, cela étant ajusté sur l’âge, le sexe Une étude française [26] a comporté une évalua-
et le niveau d’études. Les modifications observées tion cognitive chez 28 patients présentant une
sur les tests à 2 ans étaient prédictives des résultats forme progressive de SEP (10 PP et 18 SP) et traités
à 10 ans. Il n’y avait pas de différence entre les par une association mensuelle de méthylpredni-
patients traités dès le départ et ceux qui avaient solone (MP) et de cyclophosphamide (700 mg/m2).
reçu le traitement au moment de la phase d’exten- L’efficience intellectuelle globale, la mémoire et les
sion du protocole [22]. fonctions exécutives ont été évaluées avant et
après 6 et 12 mois de traitement. Une améliora-
tion a été observée sur les capacités d’encodage, de
Corticoïdes planification et d’inhibition ainsi que sur l’effi-
cience intellectuelle globale à 6 et 12 mois. Dans
La méthylprednisolone (MP) est utilisée depuis de une étude similaire, la même équipe s’est intéres-
nombreuses années pour traiter les poussées de sée à l’impact cognitif de l’association mitoxan-
SEP. Si les effets psychostimulants des corticoïdes trone-méthylprednisolone dans un groupe de

183
Partie V. Prise en charge thérapeutique des troubles cognitifs

15 patients ayant une indication à un traitement


immunosupresseur IV pour une forme de SEP-RR
Traitements symptomatiques
très active [27]. Les mêmes paramètres (efficience
Anticholinestérasiques
intellectuelle globale, mémoire et fonctions exé-
cutives) ont été évalués avant le traitement, à La majorité des travaux dans ce domaine ont
6 mois (fin du traitement) et 6 mois après l’arrêt concerné le donépézil. En 2000, Greene et al. [32]
du traitement. Cette fois-ci, les données cogniti- ont rapporté les résultats d’une étude ouverte sur
ves ont été comparées à celles de sujets sains pour 17 patients ayant un MMS ≤ 25, évaluant l’effica-
évaluer un effet d’apprentissage. Seuls 13 patients cité et la tolérance de ce médicament administré
sur 15 ont pu être évalués à 6 et 12 mois. À 6 mois, pendant 12 semaines. Une amélioration significa-
une amélioration de l’efficience intellectuelle a été tive des fonctions exécutives, de la mémoire et de
observée avec une amélioration également de cer- l’attention a été rapportée ainsi qu’une améliora-
tains sous-scores concernant la mémoire et les tion de certains aspects comportementaux. Deux
fonctions exécutives. L’amélioration à 6 mois était autres études randomisées en double aveugle
maintenue à 12 mois pour la majorité de ces critè- contre placebo, uniquement rapportées sous
res. Les mécanismes de l’amélioration observée forme de résumés, ont étudié avec des batteries
dans ces deux études restent toutefois difficiles à cognitives étendues sur une période de 6 mois les
interpréter en raison de l’association médicamen- effets du donépézil sur des cohortes respectives de
teuse et de l’absence de véritable groupe contrôle. 27 et 50 patients [33, 34]. Les données rapportées
Toutefois ces résultats suggèrent que l’effet très partielles suggéraient un effet du donépézil
conjoint d’un immunosuppresseur et de corticoï- sur les fonctions exécutives et une tolérance glo-
des pourrait contribuer, par la réduction de l’in- bale satisfaisante.
flammation et des lésions démyélinisantes, à une
Les résultats de ces études préliminaires ont été
amélioration et/ou restauration des connexions et
confortés par les résultats plus intéressants
donc contribuer à l’amélioration des fonctions
d’une étude monocentrique randomisée en dou-
cognitives, soulignant par là même la notion de
ble aveugle (donépézil 10 mg versus placebo)
troubles cognitifs potentiellement réversibles.
réalisée chez 69 patients [35]. Les patients inclus
dans cette étude devaient présenter un dysfonc-
tionnement cognitif sur un test d’apprentissage
Médicaments verbal mais pas d’atteinte cognitive sévère (MMS
dits antiasthéniants ≥ 26) et l’absence de symptômes dépressifs. Le
critère principal de jugement était la modifica-
Même s’il ne semble pas exister de corrélation tion des performances au Selective Reminding
entre la fatigue, la dépression et la présence de Test (SRT) avec évaluation parallèle d’autres
troubles cognitifs, plusieurs auteurs ont étudié l’ef- fonctions cognitives. L’impression clinique du
fet des médicaments antiasthéniants sur les fonc- patient et du clinicien était également évaluée
tions cognitives. Une étude utilisant l’amantadine par un questionnaire. Trente-cinq patients ont
(200 mg/j), ou la pémoline (56 mg/j), ou un placebo reçu le traitement actif et 34 le placebo. La dose
a été réalisée chez 45 patients traités sur 6 semai- reçue était de 5 mg au départ, augmentée à 10 mg
nes. Les tests utilisés exploraient l’attention, la après 4 semaines de traitement. Des résultats
mémoire verbale et non verbale. La fatigue n’était positifs en faveur du donépézil ont été observés
corrélée à aucun des paramètres neuropsychologi- pour les performances au SRT même chez les
ques à l’inclusion ou à la fin de l’étude. Celle-ci n’a patients traités par INF, ce résultat étant observé
pas montré de différence entre les 3 groupes de indépendamment de l’âge, du sexe, de l’EDSS,
traitement même si l’amantadine semblait avoir des performances à l’inclusion, ou du niveau
un effet plus important sur l’attention [28]. D’autres d’éducation ou du type de SEP. Une tendance
études sur de faibles cohortes de patients utilisant non significative à l’amélioration des perfor-
la 4- ou 3-4-aminopyridine ont évalué l’impact de mances pour le PASAT a été également obser-
ces molécules sur la cognition et ont donné des vée. L’autoévaluation des patients était favorable
résultats globalement négatifs [29–31]. au traitement (65 % versus 32 % pour le placebo)

184
Chapitre 18. Effets cognitifs des traitements de fond et des traitements symptomatiques

comme chez le neurologue (54 % versus 29 % groupe traité et le groupe placebo [37]. Signalons
pour le placebo). Les principaux effets secon- enfin qu’une autre étude randomisée en double
daires étaient des troubles du sommeil, des insu aurait été initiée avec ce produit [38]. À notre
troubles digestifs, une majoration de la spasti- connaissance à ce jour, les résultats n’en ont jamais
cité, des paresthésies. Aucun effet n’a été été publiés.
constaté sur les poussées concernant le sous-
groupe de patients présentant une forme rémit-
tente inclus dans l’étude. Bien qu’encourageante, Inhibiteurs des acides aminés
cette étude soulève de nombreuses questions excitateurs
concernant son interprétation. Tout d’abord, le
groupe donépézil et le groupe placebo n’étaient En dehors des anticholinestérasiques, il existe
pas comparables à l’inclusion : il était en effet d’autres pistes concernant d’autres médicaments
noté deux fois plus de SEP progressives dans le déjà utilisés dans les troubles cognitifs d’affec-
groupe placebo que dans le groupe traité, et des tions neurodégénératives.
différences significatives concernant le sex- De très nombreux travaux permettent aujourd’hui
ratio et le score EDSS moyen étaient mises en de retenir l’excitotoxicité liée au glutamate comme
évidence dans le groupe de 24 SEP rémittentes un des facteurs clés des processus de démyélinisa-
sous donépézil contre 14 sous placebo. De plus, tion et/ou des lésions axonales dans la SEP (pour
l’effet observé sur le SRT était faible (améliora- revue, voir [39]). On sait en particulier qu’il existe
tion des performances de 10 % par rapport à la des transporteurs du glutamate dans la substance
baseline) et ne s’accompagnait pas d’une amé- blanche sur les axones et les oligodendrocytes et
lioration des autres paramètres cognitifs ou du que l’expression de ces récepteurs est anormale-
score cognitif global. Ces observations ont ment augmentée dans le centre des lésions démyé-
conduit les auteurs eux-mêmes à suggérer l’in- linisantes actives et en périphérie des lésions
térêt d’une étude multicentrique plus large pour chroniques actives [40]. On sait également que les
confirmer ces données préliminaires. oligodendrocytes sont sensibles à une agression
Un autre anticholinestérasique a fait l’objet d’une excitotoxique, celle-ci étant par exemple potentia-
étude. Il s’agit de la rivastigmine. Cette étude a lisée in vitro par l’IL-1β [41]. Les démonstrations
exploré en IRM fonctionnelle les adaptations les plus convaincantes viennent des modèles expé-
cérébrales lors d’une tâche cognitive avant et après rimentaux d’encéphalomyélite allergique expéri-
administration de rivastigmine dans un petit mentale (EAE). Dans ces modèles, l’administration
groupe de patients présentant une forme rémit- d’antagonistes compétitifs ou non compétitifs des
tente de SEP, par rapport à un groupe contrôle. récepteurs au glutamate réduit significativement
L’étude a montré que les différences observées l’intensité des lésions histologiques et les manifes-
entre patients et témoins se normalisaient après tations cliniques secondaires aux processus d’im-
traitement sous rivastigmine [36]. Plus récem- munisation allergique. De plus, cet effet semble
ment, une étude monocentrique en double insu clairement indépendant des phénomènes inflam-
contre placebo a été réalisée chez 60 patients (de matoires qui persistent au sein des lésions [42–44].
15 à 55 ans) ayant une SEP confirmée (19 SEP-RR, La perte d’intégrité de la barrière hématoencépha-
31 SEP-SP, 10 SEP-PP) et qui recevaient (augmen- lique (BHE) est également considérée sur le plan
tation progressive sur 4 semaines) une dose de physiopathologique comme un événement majeur
rivastigmine de 3 mg/j pendant 12 semaines. Le initial du développement des lésions de SEP [45].
statut cognitif des patients était évalué par l’échelle Plusieurs travaux récents ont démontré l’implica-
de mémoire de Wechsler. Les groupes étaient tion des récepteurs NMDA comme un des méca-
comparables à la baseline sur le plan des données nismes essentiels contribuant à la perte d’intégrité
cliniques et des traitements reçus (interféron). et au dysfonctionnement de la BHE [46–48]. Il a
Une légère amélioration entre le début et la fin été ainsi démontré que la mémantine était suscep-
d’étude a été observée dans les 2 groupes sur dif- tible, en administration orale semi-prophylacti-
férents items de l’échelle de mémoire mais aucune que ou thérapeutique dans un modèle d’EAE chez
différence significative n’a été retrouvée entre le le rat Lewis, de restaurer l’intégrité de la BHE, de

185
Partie V. Prise en charge thérapeutique des troubles cognitifs

réduire les symptômes et de limiter les lésions Références


inflammatoires [47, 49].
Introduction
La mémantine est un antagoniste non compétitif
[1] Rao SM, Leo GJ, Bernardin L, Unverzagt F. Cognitive
du canal magnésium des récepteurs NMDA acti- dysfunction in multiple sclerosis. I. Frequency, pat-
vés par le glutamate. Cette molécule est commer- terns, and prediction. Neurology 1991a ; 41 (5) : 685-91.
cialisée en France pour le traitement des formes [2] Rao SM, Leo GJ, Ellington L, Nauertz T, Bernardin L,
sévères à modérées de la maladie d’Alzheimer, Unverzag  T F. Cognitive dysfuntion in multiple
mais aussi dans certains pays pour la maladie de sclerosis. II. Impact on employment and social func-
Parkinson. Si dans beaucoup d’études réalisées tioning. Neurology 1991 ; 41 (5) : 692-6.
dans l’Alzheimer les critères cognitifs ne sont pas [3] Fischer JS. Use of neuropsychologic outcome measu-
toujours au premier plan, dans chaque étude en res in multiple sclerosis clinical trials : current sta-
double insu dans l’Alzheimer ou les démences tus and strategies for improving multiple sclerosis
clinical trial design. In : Goodkin DE, Rudick RA,
mixtes, la mémantine a démontré un effet positif editors. Multiple sclerosis : advance in clinical trial
sur des échelles cognitives, évaluant particulière- design, treatment and future perspectives. Springer,
ment le critère mémoire (ADAS-cog, SIB, MMSE) London,  1996. p. 123-44.
[50–53]. Ces résultats ont été d’ailleurs confirmés [4] Fischer JS, Priore RL, Jacobs LD, Cookfair DL,
dans une méta-analyse [54]. Rudick RA, Herndon RM, et al. Neuropsychological
Récemment, deux études utilisant la mémantine effects of interferon beta-1a in relapsing multiple
sclerosis. Multiple Sclerosis Collaborative Research
dans le traitement des troubles cognitifs de la SEP Group. Ann Neurol 2000 ; 48 : 885-92.
ont été publiées. La première a été interrompue
[5] Kappos L, Freedman MS, Polman CH, Edan G,
précocement (après moins de 20 inclusions) en Hartung HP, Miller DH, et al. Long-term effect of
raison d’effets secondaires observés chez la moi- early treatment with interferon beta-1b after a first
tié des patients [55]. Les effets secondaires signa- clinical event suggestive of multiple sclerosis : 5-year
lés incluaient des troubles visuels, une majoration active treatment extension of the phase 3 BENEFIT
de la fatigue et surtout une aggravation des trou- trial. Lancet Neurol 2009 ; 8 : 987-97.
bles moteurs aux membres inférieurs avec majo- [6] Staffen W, Mair A, Zauner H, Unterrainer J,
ration des troubles de la marche et/ou de Niederhofer H, Kutzelnigg A, et al. Cognitive func-
tion and fMRI in patients with multiple sclerosis :
l’équilibre. Il faut remarquer que cette étude evidence for compensatory cortical activation during
incluait différentes formes de SEP dont des for- an attention task. Brain 2002 ; 125 (Pt 6) : 1275-82.
mes progressives. L’aggravation clinique a été [7] Mainero C, Caramia F, Pozzilli C, Pisani A,
majoritairement observée chez des patients ayant Pestalozza  I, Borriello G, et al. fMRI evidence of
un EDSS ≥ 4. D’autre part, la dose prescrite était brain reorganization during attention and memory
supérieure aux recommandations de l’AMM, tasks in multiple sclerosis. NeuroImage 2004 ; 21 :
avec une progression posologique rapide. La sec­ 858-67.
onde étude, qui mélangeait aussi toutes les for- [8] Ranjeva JP, Audoin B, Au Duong MV, Confort-
mes de SEP sans distinction, a inclus 126 patients Gouny  S, Malikova I, Viout P, et al. Structural and
functional surrogates of cognitive impairment at the
recevant chacun 20 mg/j de mémantine ou de very early stage of multiple sclerosis. J Neurol Sci
placebo. La durée de traitement n’était que de 2006 ; 245 (1–2) : 161-7.
3 mois et les groupes n’étaient pas comparables
sur les formes de maladie. Les résultats fondés Effets cognitifs des traitements de fond
sur l’évaluation du PASAT et d’un score du CVLT et des traitements symptomatiques
se sont avérés négatifs [56]. Une étude similaire [9] Dieperink E, Willenbring M, Ho SB. Neuropsychiatric
multicentrique randomisée contre placebo dans symptoms associated with hepatitis C and interferon
alpha : a review. Am J Psychiatry 2000  ; 157 : 867-76.
les SEP-RR est actuellement en cours en France.
Les patients sont évalués à l’inclusion, après un [10] Montalban X, Rio J. Interferons and cognition.
J Neurol Sci 2006 ; 245 : 137-40.
an de traitement, puis à nouveau 6 mois après
[11] Pliskin NH, Hamer DP, Goldstein DS, Towle VL,
l’arrêt du traitement avec une batterie cognitive
Reder AT, Noronha A, et al. Improved delayed visual
centrée sur les processus attentionnels. La fin du reproduction test performance in multiple sclero-
recrutement est prévue pour fin 2009, les résul- sis patients receiving interferon beta-1b. Neurology
tats sont attendus pour fin 2010. 1996 ; 47 : 1463-8.

186
Chapitre 18. Effets cognitifs des traitements de fond et des traitements symptomatiques

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187
Partie V. Prise en charge thérapeutique des troubles cognitifs

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­c yclosporine A. Int J Immunopharmacol 1995 ; 17 72 (Suppl. 3) : A112 [abstract].
(6) : 497-503.

188
Prise en charge Chapitre  19
neuropsychologique
dans la sclérose
en plaques
Hélène Brissart, France Daniel, Gilles Defer

Avant d’aborder ce chapitre, il semble essentiel de orientée progressivement vers les maladies dégéné-
rappeler que les termes employés en langue fran- ratives grâce notamment au développement d’ate-
çaise pour définir la prise en charge neuropsycho- liers de « stimulation cognitive », essentiellement
logique peuvent être multiples. Ainsi « remédia- dans les maladies d’Alzheimer et de Parkinson. Ces
tion », « revalidation » et « rééducation » peuvent dernières années ont donc vu l’élargissement du
être employés indifféremment en traduction du champ d’application de la « remédiation » cogni-
terme anglophone de rehabilitation. tive. D’une part, cette dernière ne se limite plus aux
La revalidation cognitive date du milieu du xxe siè- troubles du langage mais s’intéresse à d’autres
cle avec la description de rééducations d’aphasies domaines cognitifs comme la mémoire, l’attention,
au décours d’accidents vasculaires cérébraux l’héminégligence, les fonctions exécutives ou les
­principalement [1–3]. Aujourd’hui, l’association praxies. D’autre part, elle n’est plus réservée aux
­cognition-cerveau n’est plus envisagée comme patients souffrant d’AVC ou de traumatismes crâ-
localisationniste mais avec l’idée que les fonctions niens mais s’étend aujourd’hui aux troubles cogni-
cognitives sont sous-tendues par des réseaux tifs potentiellement évolutifs.
incluant plusieurs régions cérébrales. Nous savons Ces différentes raisons et le fait que la SEP touche
par ailleurs que le cerveau, suite à la survenue de des patients en pleine construction de vie person-
lésions, est capable de se réorganiser, les aires intactes nelle et professionnelle font que des travaux por-
pouvant prendre le relais des aires ­endom­magées. tant sur la prise en charge de leurs troubles
L’organisation fonctionnelle du cerveau pourrait cognitifs commencent à se développer. Travaux
donc être modifiée par un entraînement. Ainsi, que nous présenterons après avoir défini ce que
l’idée de plasticité cérébrale acceptée, et du fait de regroupe la notion de « prise en charge neuropsy-
l’avancement sur les connaissances concernant le chologique ».
fonctionnement cognitif, la « rééducation » se déve-
loppe peu à peu. Elle connaît toutefois un véritable
essor depuis l’extension de ces techniques à d’autres
pathologies comme le traumatisme crânien [4, 5]. Prise en charge
En effet, le caractère acquis et non « dégénératif » neuropsychologique : généralités
du traumatisme crânien permet un bilan neurop-
sychologique de référence et autorise l’application X. Seron et M. Van der Linden [6] distinguent plu-
d’une stratégie de revalidation définie. Plus récem- sieurs formes de prise en charge selon ­l ’importance
ment, la prise en charge neuropsychologique s’est et l’évolution des troubles et les objectifs fixés.

189
Partie V. Prise en charge thérapeutique des troubles cognitifs

Rétablissement de la fonction. Il se définit comme appellent les « prothèses mentales » (aide-mémoire,


la restauration du niveau de fonctionnement agenda…). Les aides externes sont donc réservées
cognitif antérieur. C’est par exemple la réinstalla- aux déficits les plus sévères, mais peuvent égale-
tion des processus attentionnels en entraînant le ment être proposées en complément d’une autre
patient dans des tâches de temps de réaction à technique.
choix. Les objectifs visés par la prise en charge neu-
Les techniques de restauration se fondent donc sur ropsychologique peuvent également différer [13] :
le postulat implicite que la cognition est un « mus- • le premier objectif consiste à faire apprendre au
cle » qu’il suffit d’entraîner. Cette prise en charge patient un certain contenu. Dans ce cas, les
est identique pour tous les patients et se compose ­progrès attendus concernent uniquement les
d’exercices répétitifs, de stimulations indifféren- connaissances travaillées, comme par exemple
ciées, de jogging mental… Notons cependant que le réapprentissage de certaines connaissances
Prigatano et al. [7] n’ont observé que peu d’amé- sémantiques ou procédures spécifiques. Le but
lioration après 625 heures d’entraînement, ou seu- n’est pas alors la généralisation ou le transfert
lement sur les tâches entraînées, ne traduisant ni des acquisitions sur d’autres ;
transfert, ni généralisation aux situations de la vie
• le second consiste à « réactiver » chez le patient des
quotidienne.
« procédures » généralisables à d’autres situations,
Réorganisation fonctionnelle et exploitation des comme par exemple l’utilisation de techniques
fonctions intactes. La première se définit comme d’imagerie mentale pour une meilleure mémori-
un « essai d’amélioration du fonctionnement sation. La nature du matériel utilisé a dans ce cas
cognitif par le recours à des procédures de traite- moins d’importance, il n’est pas l’objet de la réédu-
ment que le sujet n’utilisait pas auparavant ou de cation mais le support de cette dernière.
manière peu fréquente et non systématique ». C’est,
par exemple, apprendre à un patient dyscalculique Quel que soit le type de prise en charge neurop-
une stratégie inhabituelle de résolution de problè- sychologique choisi et les objectifs visés, un point
mes [8]. L’exploitation des fonctions intactes se important doit être pris en compte et concerne le
rapproche de la réorganisation. Elle vise à appren- développement des capacités de méta-cognition
dre au patient à utiliser des stratégies de facilita- [14]. Elle repose sur l’explication au patient de son
tion résiduelles, encore intactes. Les techniques de fonctionnement cognitif et de ses troubles ainsi
facilitation/réorganisation peuvent par exemple que sur des retours (feed-back) concernant les
reposer sur la meilleure utilisation d’indices d’ac- exercices proposés. Elle permet aux patients de se
cès lexical pour un patient ayant un manque du fixer des objectifs et les aide à compenser leurs dif-
mot [8]. Elles peuvent également encourager à ficultés et à mieux gérer leur environnement.
l’utilisation de techniques d’imagerie mentale [9], Enfin, les exercices doivent être choisis ou pensés
ou de stratégies verbales [10–12] pour améliorer de manière à ne pas générer de sentiment d’échec
des déficits mnésiques. chez le patient (sans toutefois être trop faciles), et
Ces prises en charge sont individualisées et pro- doivent permettre la mise en valeur des capacités
posent donc de définir pour un patient donné la et compétences, essentielle à la motivation et l’es-
(les) méthode(s) la (les) plus adéquate(s) compte time de soi. Il existe deux grandes familles de
tenu des difficultés cognitives qu’il rencontre au matériels de « rééducation » cognitive, inspirés
quotidien. pour la plupart de travaux chez les patients céré-
brolésés après traumatisme crânien et destinés
Aménagement des conditions d’exercices. En cas
aux prises en charge visant la généralisation des
de troubles très importants et irréversibles (en
acquisitions.
particulier dans les maladies dégénératives ou
chez certains patients traumatisés crâniens), l’ob-
jectif n’est plus d’améliorer le fonctionnement Matériel dit « papier-crayon »
cognitif mais d’aménager l’environnement et de
réorganiser la vie quotidienne afin que les déficits Souvent développé par des orthophonistes, il
cognitifs entraînent le moins de handicap possi- consiste en des exercices verbaux permettant de
ble, notamment par le biais de ce que les auteurs travailler des domaines cognitifs variés tels que

190
Chapitre 19. Prise en charge neuropsychologique dans la sclérose en plaques

les capacités de calculs et de raisonnement, la souvent jeunes et en pleine construction de leur


mémoire sémantique et de travail ou bien encore vie personnelle et professionnelle, qui est grande-
les fonctions exécutives. Ils peuvent être proposés ment dépendante de l’intégrité des fonctions
oralement ou par écrit et permettent pour la plu- cognitives. Par cet aspect, les patients atteints de
part une progression de la difficulté d’une séance SEP se rapprochent plus des patients cérébrolésés.
à l’autre. Cependant, les différences entre ces deux popula-
tions vont conduire à des prises en charge distinc-
tes. En effet, les troubles cognitifs faisant suite à
Logiciels de « rééducation » des traumatismes crâniens peuvent être très
cognitive variés, en fonction des aires cérébrales lésées.
Cependant, les lésions étant souvent localisées, les
Les principaux domaines visés par ce type de
déficits cognitifs concernent plus spécifiquement
matériel non verbal sont l’attention, la mémoire
certaines fonctions alors que dans la SEP les
visuelle et la flexibilité mentale. L’intérêt premier
atteintes ne sont pas focales mais diffuses. Les pri-
est la multitude d’exercices possibles en fonction
ses en charge neuropsychologiques spécifiques à
du niveau de difficulté souhaité et des progrès du
la SEP peuvent donc concerner un domaine cogni-
patient, l’autre, non négligeable, est le caractère
tif particulier (attention, fonctions exécutives
ludique de ces exercices. Le principal inconvé-
et/ou mémoire) ou proposer une approche plus
nient est la grande spécificité de chaque logiciel
globale.
impliquant l’acquisition d’un grand nombre d’en-
tre eux (souvent coûteux) pour adapter la prise en
charge à chaque patient. Attention
À ces outils commercialisés (dont l’efficacité n’est
pas toujours prouvée par des études scientifiques) L’attention, très souvent perturbée au cours de la
s’ajoutent les travaux de recherche de différentes SEP, est nécessaire à la majorité des activités de la
équipes travaillant sur la « remédiation » cogni- vie quotidienne, et de son intégrité peut dépendre
tive. Toutefois les auteurs ne détaillent pas tou- les autres fonctions cognitives. C’est donc logi-
jours les outils et/ou les méthodes utilisées, ce qui quement un des domaines auxquels les études se
rend difficile leur utilisation dans la pratique sont le plus intéressées.
courante. Une des premières études [15] a rapporté des
résultats préliminaires obtenus auprès de
10 patients atteints de SEP (5 patients atteints de
Prise en charge SEP rémittente, 5 patients de SEP secondairement
progressive), présentant une plainte cognitive
neuropsychologique ­subjective et/ou objectivée par un bilan neuro­
dans la sclérose en plaques psychologique. La prise en charge consistait en
6 sessions de 45 à 60 minutes, 4 fois par semaine,
La prise en charge proposée aux patients présen- et reposait sur un programme informatisé d’en-
tant des troubles cognitifs consécutifs à une SEP traînement de l’attention. Les auteurs ont mis en
ne peut pas être exactement la même que pour les évidence des améliorations qualitatives en termes
traumatisés crâniens ou encore les maladies neu- d’augmentation de la vitesse de traitement de
rodégénératives du vieillissement. Dans ce der- l’information et de meilleures performances au
nier cas, elle consiste à stimuler les capacités Paced Auditory Serial Addition Test (PASAT), au
encore préservées et à aménager l’environnement rappel spatial 7/24, et au Stroop. Suite à cette
du malade de manière à prolonger l’autonomie et étude, Plohmann et al. [16] ont proposé un pro-
à offrir le plus longtemps possible une qualité de gramme d’entraînement sur quatre composantes
vie satisfaisante. Dans la SEP, la cognition ne ­attentionnelles chez 22 patients atteints de SEP
connaît pas une dégradation aussi importante et (toutes formes confondues) ayant des troubles
rapide et toutes les fonctions ne sont pas affectées cognitifs légers à modérés objectivés par un bilan
(la démence y est exceptionnelle). Les objectifs neuropsychologique. Avant les séances de « remé-
diffèrent aussi. Les patients atteints de SEP sont diation », les patients ont été testés à 3 reprises

191
Partie V. Prise en charge thérapeutique des troubles cognitifs

(à  3  semaines d’intervalle) grâce aux subtests D’autres auteurs n’ont pas retrouvé cet effet béné-
« Alerte phasique et tonique », « Attention divi- fique d’un entraînement spécifique de l’attention.
sée », Go/No go, « Incompatibilité », « Flexibilité » Afin de mesurer la validité d’un programme
et « Vigilance » de la batterie informatisée d’éva- informatisé dans le domaine de la mémoire et de
luation de l’attention (TEA) de Zimmerman et l’attention, Solari et al. [18] ont constitué deux
Fimm [17], un autoquestionnaire de plainte atten- groupes de patients atteints de SEP (toutes for-
tionnelle et une évaluation globale des autres mes confondues) : le groupe expérimental
fonctions cognitives. Le programme informatisé (n = 40) s’entraînait aux exercices de mémoire et
proposait un entraînement spécifique de différen- d’attention, le groupe contrôle (n = 37) faisait des
tes composantes attentionnelles (alerte, attention exercices visuoconstructifs et visuomoteurs sur
divisée, attention sélective et vigilance). Chaque ce même logiciel. Les séances duraient 45 minu-
patient était entraîné sur les deux fonctions pour tes, 2 fois par semaine pendant 8 semaines. Les
lesquelles il était le plus déficitaire. Une fonction capacités cognitives des patients ont été mesu-
était entraînée au cours d’une première session rées avant, à 8 semaines et à 16 semaines avec la
(12 séances de 40 minutes sur 3 semaines). À l’is- Brief Repeatable Battery of Neuropsychological
sue de cette première session, les expérimenta- Tests (BRB-N) de Rao et al. [19]. L’état thymique
teurs effectuaient une nouvelle évaluation de et la qualité de vie ont également été pris en
l’attention (T4). Puis, lors de la deuxième session, compte. L’évolution des performances dans les
l’autre fonction était entraînée. De nouveau, les deux groupes ne différait pas à l’issue de ce pro-
patients étaient testés immédiatement (T5) puis à gramme et les auteurs ont conclu que la prise en
long terme (T6 et T7). Les résultats montraient charge spécifique de l’attention et de la mémoire
que l’alerte, l’attention sélective et l’attention divi- ne donnait pas plus de ­résultats qu’une interven-
sée bénéficiaient d’un entraînement spécifique. tion non spécifique. Cependant, on ne peut
Les capacités d’attention sélective semblaient aussi exclure que les exercices non spécifiques propo-
influencées par l’entraînement de l’alerte (tonique sés aient fait aussi intervenir l’attention, même
et phasique) et la flexibilité bénéficiait de tous les de manière indirecte. De plus, la batterie cogni-
autres entraînements (effet non spécifique). Les tive retenue [19], bien que souvent utilisée pour
auteurs ont également rapporté une hausse des l’évaluation des troubles cognitifs de la SEP en
performances aux tests de raisonnement et d’abs- raison de sa bonne sensibilité, ne paraît pas for-
traction. Enfin, les patients rapportaient moins de cément adéquate dans le cadre de l’évaluation
distractibilité, de fatigue, une impression de d’une prise en charge, notamment en raison du
moindre ralentissement dans les activités menta- manque de valeur écologique des tests qu’elle
les et une évolution positive de leur estime de soi. comprend. Enfin, les auteurs ne font mention
De plus, les effets se stabilisaient sur au moins d’aucun type d’intervention autre que l’entraî-
9 semaines, les retests à long terme (T6 et T7) ne nement cognitif sur ordinateur, sans entretien
se différenciant pas significativement de celui à ou conseils d’un psychologue.
court terme (T5). Cette étude, dont la méthodolo- Lincoln et al. [20] ont proposé une intervention
gie et le contenu des séances sont particulièrement personnalisée pour chaque patient, se démarquant
recherchés et documentés, semble montrer l’effi- ainsi des programmes standardisés habituellement
cacité de ce programme et l’importance de la prise proposés à l’ensemble des patients d’un même
en charge spécifique des troubles attentionnels groupe. La prise en charge ciblait les domaines de
dans la SEP. Les auteurs insistent toutefois sur la l’attention, de la mémoire et/ou du fonctionne-
nécessité de reproduire cette expérience sur un ment exécutif (selon le déficit cognitif constaté
plus grand nombre de patients afin de confirmer chez chaque patient). Au total, 240 patients atteints
leurs résultats. De plus, si les évaluations répétées de SEP probable ou certaine ont participé et ont
sont nécessaires à la mesure d’efficacité d’un pro- été randomisés en trois groupes (groupe contrôle :
gramme de « remédiation » cognitive, le fait dans aucune intervention neuropsychologique ; groupe
cette étude de proposer 7 bilans identiques à évalué : bilan neuropsychologique complet ; groupe
3  semaines d’intervalle ne permet pas d’exclure expérimental : bilan neuropsychologique complet
un effet retest, pouvant expliquer au moins en et prise en charge des troubles identifiés). Après 4 à
partie les améliorations observées. 6 mois, l’ensemble des patients a été évalué grâce à

192
Chapitre 19. Prise en charge neuropsychologique dans la sclérose en plaques

différents autoquestionnaires. Aucune différence Mémoire


entre les trois groupes n’a pu être mise en évidence
par cette autoévaluation subjective des troubles Plus nombreuses sont les études spécifiques à ce
cognitifs, de l’humeur et de la qualité de vie. La domaine. Si Lincoln et al. [20] ainsi que Solari
première critique qui peut être formulée sur ce tra- et al. [18] (voir supra) n’ont pas démontré d’effet
vail est le manque de description de la prise en positif d’un entraînement spécifique de la mémoire
charge proposée aux patients, concernant notam- chez les patients atteints de SEP, d’autres travaux,
ment le nombre moyen, la durée ou la fréquence et plus nombreux, ont souligné la nécessité et l’effica-
le contenu des sessions. De plus, l’évaluation de cité de la prise en charge des troubles mnésiques.
l’efficacité du programme de « remédiation » indi-
Une première série d’études, ne reposant pas à pro-
vidualisé ne semble reposer que sur des question-
prement parler sur des procédures de « remédia-
naires d’autoévaluation, dont on sait aujourd’hui
tion » cognitive mais sur la comparaison des
qu’ils pèchent par leur manque de sensibilité aux
performances mnésiques en fonction des condi-
difficultés des patients atteints de SEP (problèmes
tions d’apprentissage et/ou du matériel mémorisé,
de compréhension des questions ou des consignes,
donnent des pistes de prise en charge intéressantes.
relative anosognosie…) et qu’ils ne sont pas corré-
lés aux troubles cognitifs [21–23]. La première hypothèse, issue du constat que chez le
sujet sain, la répétition de l’information à mémoriser
peut optimiser le rappel de cette dernière à court et
Fonctions exécutives long terme, a été testée par Chiaravalloti et al. [26].
Seules deux études ont porté sur la réhabilitation Leur étude comparait les performances d’un groupe
cognitive des fonctions exécutives, pourtant sou- de patients à celles d’un groupe contrôle lors d’une
vent perturbées dans la SEP. Lincoln et al. [20] épreuve d’apprentissage de mots avec un nombre
avaient inclus le fonctionnement exécutif comme illimité d’essais (le critère d’arrêt étant la restitution
l’un des trois domaines visés par leur procédure de l’ensemble de la liste deux fois de suite). Cet
de réhabilitation cognitive (voir supra) et n’ont apprentissage était suivi de rappels différés à 30 et
trouvé aucune amélioration significative dans 90  minutes et à une semaine. Leurs résultats ont
leur étude. Birnboim et al. [24] ont quant à eux montré que les patients qui avaient eu besoin de plus
réalisé une étude sur 10 patients atteints de SEP d’essais pour mémoriser l’information avaient éga-
(5 patients atteints de SEP rémittente, 5 patients lement les performances les plus faibles. L’hypothèse
de SEP secondairement progressive). Vingt- d’un effet positif de la répétition sur le rappel ulté-
quatre sessions d’une heure par semaine étaient rieur d’un matériel verbal n’a donc pas été validée et
proposées. La procédure utilisait deux exercices les auteurs ont conclu à la nécessité d’explorer
de « stratégie » sur ordinateur ainsi que des exer- d’autres méthodes d’optimisation du rappel. Dans
cices papier-crayon. Une amélioration de 36 % a cette optique, différentes études ont mis en évidence
été rapportée chez les patients atteints de SEP chez les patients atteints de SEP (quel que soit le
rémittente contre 16 % chez les patients atteints degré de sévérité de l’atteinte mnésique) un effet
de SEP secondairement progressive à un test d’autogénération comparable à celui observé dans la
d’application stratégique (comparable au test des population générale [27–30]. L’effet d’autogénération
6 éléments [25]). Des améliorations significatives repose sur le fait que des items générés par le sujet
ont également été rapportées aux épreuves éva- sont toujours mieux rappelés que des items simple-
luant la mémoire épisodique verbale, la vitesse ment lus ou entendus. Des exercices proposant aux
de traitement de l’information, et l’autogénéra- patients de générer eux-mêmes ­l’information à
tion. Le petit effectif de cette étude et le manque mémoriser pourraient donc optimiser sa mémorisa-
de précision sur le programme proposé rendent tion et ainsi constituer une piste de prise en charge
difficile l’interprétation de ces résultats, cepen- efficace des troubles mnésiques.
dant ils tendent à prouver que les fonctions exé- Par ailleurs, trois études tentant de mesurer l’effi-
cutives peuvent faire l’objet d’une prise en charge cacité d’une prise en charge neuropsychologique
spécifique et que l’effet de cette dernière peut des troubles mnésiques ont été publiées et illus-
éventuellement se généraliser à d’autres fonc- trent assez bien l’intérêt d’une telle prise en charge
tions cognitives. auprès des patients atteints de SEP.

193
Partie V. Prise en charge thérapeutique des troubles cognitifs

Allen et al. [31] ont proposé à un groupe de patients lone, durant 6 semaines. Quinze jours après le pro-
atteints de SEP (formes non précisées), présentant gramme, aucune amélioration significative de la
des troubles mnésiques légers à modérés, des exer- qualité de vie ou de la fatigue n’a été rapportée. A
cices informatisés déjà utilisés auparavant chez des contrario, le groupe entraîné montrait de meilleu-
traumatisés crâniens [32]. Ces exercices consis- res capacités d’apprentissage, de récupération à
taient à apprendre à développer des stratégies pour long terme en mémoire épisodique et de mémoire
associer des noms avec des visages [33] et mémori- de travail et ce, indépendamment d’un facteur
ser des mots en rapport avec des histoires [34]. Afin contrôlé, à savoir l’étendue de l’atrophie cérébrale.
de juger de l’efficacité de la prise en charge, les Au regard de l’ensemble de ces travaux concernant
auteurs ont évalué l’état thymique des patients, qui la mémoire, il semble que les troubles mnésiques
semblait s’améliorer, et la plainte mnésique, qui observés au cours de la SEP peuvent bénéficier
semblait diminuer. Ils se sont aussi intéressés à la d’une prise en charge spécifique (notamment le
progression au sein même des exercices de réhabi- recours à des stratégies d’encodage efficaces).
litation et l’ont comparée à celle de patients céré-
brolésés. Les auteurs ont mis en évidence qu’à
niveau d’atteinte cognitive comparable, les perfor- Procédures de réhabilitation
mances des patients atteints de SEP étaient meilleu- cognitive non spécifiques
res que celles obtenues par les patients cérébrolésés
(mise en place des stratégies d’apprentissage plus Une des premières études dans ce domaine est celle
rapide, scores maximaux atteints plus rapidement, de Jonsson et al. [37], portant sur 40 patients atteints
moins de fluctuations). Chiaravalloti et al. [35] ont de SEP (toutes formes confondues) présentant des
réalisé une étude randomisée en double aveugle troubles cognitifs et répartis en deux groupes. Le
chez 28 patients SEP (toutes formes confondues). premier groupe (n = 20) a bénéficié d’un traitement
Au total, 8 sessions (2 par semaine pendant 4 semai- cognitif spécifique. Celui-ci était fondé sur les
nes) d’approximativement 45 minutes à 1  heure principes de compensation, de substitution et
chacune étaient proposées. Le groupe expérimen- ­d’entraînement et prenait en charge les capacités
tal devait apprendre à utiliser une technique de visuospatiales, d’organisation, de concentration et
mémorisation d’histoire reposant sur le contexte et de mémorisation (apprentissage de stratégies com-
l’imagerie. Le groupe contrôle se voyait proposer pensatoires). Par ailleurs, les patients participaient à
des exercices traditionnels de mémorisation sans ce que les auteurs appellent une « neuropsychothé-
entraînement spécifique aux techniques d’imagerie rapie », centrée sur l’acceptation des troubles et les
et d’encodage du contexte. Les participants du problèmes personnels des patients. Le deuxième
groupe expérimental ayant des troubles modérés à groupe (n = 20) a bénéficié quant à lui de stimula-
sévères ont montré une amélioration significative tions mentales non spécifiques telles que des discus-
de leurs capacités d’apprentissage comparés au sions à propos de films, de livres, ou de l’actualité.
groupe contrôle au moment du suivi immédiat. Dans les deux groupes, les patients étaient vus indi-
Peu d’amélioration était visible pour les patients viduellement, entre 1 heure et 1 heure et demie,
ayant des troubles légers (possibilité d’un effet pla- 3 fois par semaine et en moyenne 17 heures au total.
fond). L’autoévaluation des capacités mnésiques La prise en charge dans les deux groupes durait en
était également significativement meilleure dans le moyenne 46 jours. L’évaluation de l’efficacité du
groupe expérimental. Un suivi à long terme traitement reposait sur un bilan neuropsychologi-
(5  semaines) a montré une atténuation des effets que et une échelle de dépression avant la prise en
bénéfiques de la prise en charge dans le groupe charge, à court terme et long terme (à 6 mois). Cette
expérimental. Plus récemment, Hildebrandt et al. étude n’a pas montré d’effet spécifique de la prise en
[36] ont comparé 17 patients atteints de forme charge cognitive sur les résultats aux tests psycho-
rémittente ayant bénéficié d’un programme d’en- métriques ; elle a toutefois mis en évidence le fait
traînement informatisé de la mémoire épisodique qu’une prise en charge ciblée sur les troubles cogni-
et de la mémoire de travail à 25 autres n’ayant pas tifs pouvait avoir un retentissement positif sur
suivi de programme d’entraînement cognitif. Les d’autres domaines tels que la dépression.
patients SEP ont bénéficié du programme 4 mois Une autre approche consistant non plus à stimuler
après le dernier traitement à la méthylpredniso- les capacités cognitives mais à diminuer l’impact

194
Chapitre 19. Prise en charge neuropsychologique dans la sclérose en plaques

des troubles a été explorée par Mendoza et al. [38]. prise en charge cognitive sur les performances
Ils ont sélectionné 20 patients SEP (de formes évo- cognitives, d’une part, et le recrutement de certai-
lutives non précisées) résidant dans un centre de nes zones cérébrales, d’autre part, sont donc pour
soins adaptés, randomisés en deux groupes. La le moins prometteurs et suggèrent qu’une certaine
procédure a consisté à assigner des assistants à cha- plasticité cérébrale reste possible même quand les
cun des patients du groupe contrôle et à les encou- troubles cognitifs sont relativement importants.
rager à utiliser des calepins mémoire. La routine de
soins des patients du groupe contrôle ne subissait
aucun changement. Les auteurs cherchaient à étu- Réflexions méthodologiques
dier si l’attention spécifique donnée aux patients
par l’équipe formée et l’utilisation de calepins
et perspectives
mémoire pouvaient augmenter le sentiment de L’ensemble de ces travaux témoigne que certai-
confiance en soi, et ainsi réduire la dépression et/ou nes techniques et méthodologies sont efficaces,
améliorer le fonctionnement cognitif. Les résultats principalement dans le domaine mnésique, où la
ont montré une baisse significative de l’intensité de mise en place de stratégies d’encodage a montré
la symptomatologie dépressive, en revanche il n’y des bénéfices.
avait aucune amélioration significative concernant
la dimension cognitive. Dans le même esprit, Concernant le domaine de l’attention, impliquant
Gentry [39] a testé l’intérêt d’aménager l’environ- un vaste réseau d’activation, il n’apparaît pas sur-
nement et/ou de proposer des aides externes afin de prenant, dans cette pathologie démyélinisante,
diminuer l’impact des troubles cognitifs sur le quo- que les résultats soient controversés. Cependant
tidien. Le programme avait pour but de mesurer, certains résultats encourageants [16] devraient
dans un premier temps, la capacité des patients à motiver de futurs travaux compte tenu de la
apprendre à se servir d’un PDA (agenda électroni- plainte et de la réelle atteinte des patients, ainsi
que) lors d’une thérapie occupationnelle et, dans que des répercussions de ces troubles dans le fonc-
un second temps, l’impact que son utilisation pou- tionnement cognitif global.
vait avoir sur le quotidien. Les 20 patients ont été Concernant la prise en charge des troubles exécu-
évalués sur le plan fonctionnel 4 fois à 8 semaines tifs, le peu d’études disponibles à ce jour ne permet
d’intervalle. Entre les évaluations 2 et 3, une période pas de se prononcer réellement sur l’efficacité de
de familiarisation à cet agenda électronique a été cette prise en charge. Ce manque d’études peut s’ex-
proposée. Les résultats ont montré que les patients pliquer de plusieurs façons mais l’une d’elles repose
SEP présentant des troubles cognitifs pouvaient sans doute sur la notion même de fonctions exécuti-
apprendre à se servir d’un PDA et que l’utilisation ves, qui selon les auteurs regroupe des concepts sen-
de cet agenda pouvait augmenter de façon signifi- siblement différents. Cependant, il ressort qu’aucune
cative leurs scores fonctionnels. prise en charge exhaustive et spécifique des capaci-
Pour finir, une toute nouvelle approche a vu le tés de planification, d’inhibition et de shifting, par
jour ces dernières années. Elle repose sur la visua- exemple, n’a été à ce jour proposée, alors que ces
lisation de la plasticité cérébrale grâce aux techni- fonctions sont particulièrement impliquées dans la
ques d’IRMf en activation. Ainsi, Penner et al. vie quotidienne et nécessiteraient la mise en place
[40, 41] ont proposé à des patients atteints de SEP de méthodes de « remédiation ».
et présentant des troubles cognitifs modérés à O’Brien et al. [42] ajoutent, dans leur revue de lit-
sévères une IRMf en activation (tâches d’alerte térature, qu’une autre composante cognitive n’est
phasique puis tâche attentionnelle plus complexe). pas aujourd’hui prise en charge : il s’agit de la
Quand les auteurs ont comparé les patterns d’acti- vitesse de traitement de l’information, pourtant
vation avant et après un protocole d’entraînement souvent ralentie chez les patients SEP [43]. Dans
cognitif, ils ont retrouvé un recrutement supplé- ce domaine, la question du transfert à la vie quoti-
mentaire du cortex cingulaire postérieur, du pré- dienne est d’autant plus pertinente, puisque toute
cuneus et du cortex frontal dorsal associé à une intervention de remédiation ne peut reposer que
amélioration des capacités attentionnelles. Ces sur la notion d’entraînement et que le concept
premiers résultats, se rapportant à l’impact d’une de « cerveau-muscle » est dépassé. L’absence

195
Partie V. Prise en charge thérapeutique des troubles cognitifs

d’étude serait donc en partie conditionnée par le proposent aujourd’hui une prise en charge neuro­
manque présupposé d’effet généralisable d’un psychologique des troubles cognitifs couplée à un
entraînement spécifique. protocole de mesure d’efficacité.
Par ailleurs, il apparaît important de signaler que Le programme PROCOG-SEP [44, 45] est fondé
la SEP est une pathologie aux multiples formes et sur le principe des techniques de facilitation/ réor-
évolutions, ainsi le fréquent manque de descrip- ganisation. Vingt-quatre patients présentant une
tion des populations étudiées (formes, durée de SEP (rémittente ou secondairement progressive)
maladie…) dans les publications est un biais peu invalidante (EDSS < 4) ont été inclus. La prise
majeur en termes de conclusion et/ou de jugement en charge se faisait par groupe de 6 à 8 patients et
d’efficacité d’une méthode. Il semble, par exem- comprenait 10 sessions de 2 heures sur une durée
ple, qu’un patient atteint de forme progressive ne de 6 mois. Sept séances étaient consacrées à la
peut vraisemblablement pas prétendre à un même définition et la « remédiation » d’une fonction
gain cognitif qu’un patient atteint de forme rémit- cognitive propre. Les trois dernières proposaient
tente récemment diagnostiquée, n’ayant eu aucune des exercices multifonctions. L’évaluation de l’ef-
poussée invalidante. De plus, le caractère dyna- ficacité reposait sur l’utilisation de la BCcogSEP,
mique de la SEP (poussées, progression propre à proposée avant et après le programme. Les résul-
chaque patient…) reste une contrainte majeure tats ont mis en évidence une amélioration signifi-
quant à la mise en place de techniques de prise en cative des capacités de mémoire verbale et non
charge. Afin de contrôler au mieux cette difficulté verbale, d’autogénération et d’inhibition motrice.
méthodologique, les études peuvent par exemple En revanche, aucune amélioration des facteurs
apparier leurs groupes (expérimental et contrôle) attentionnels, de la mémoire de travail et de la
en tenant compte du nombre de poussées avant et vitesse de traitement n’a été rapportée. Les auteurs
pendant la prise en charge (mais cela implique ont conclu en précisant que la réhabilitation des
d’augmenter le recrutement). Enfin, rappelons-le, déficits cognitifs pourrait donc améliorer le fonc-
il est essentiel de proposer les évaluations neuro­ tionnement quotidien des patients atteints de SEP
psychologiques (quelles qu’elles soient et d’autant et diminuer le coût global de la maladie pour la
plus dans le cadre d’une évaluation de procédure société (influence possible sur la diminution du
de prise en charge) à distance des poussées temps de travail ou la perte d’emploi).
(> 1 mois) afin de ne pas évaluer un potentiel effet Le programme PenC-COG-SEP [46] est fondé lui
cognitif de ces dernières. aussi sur les techniques de facilitation/ réorgani-
Une ultime critique peut être formulée concernant sation. Quinze patients atteints de SEP ayant une
les procédures, qui ne sont que trop rarement décri- plainte cognitive subjective objectivée par des
tes, ce qui rend difficile la reproductibilité ou l’uti- tests cognitifs ont participé à cette étude. Afin de
lisation au quotidien de méthodes jugées efficaces. contrôler l’évolution naturelle des troubles et les
En effet, la démarche de la prise en charge cognitive éventuels effets retests, un même bilan neuropsy-
s’inscrit principalement dans la pratique clinique et chologique a été administré 3 fois à 3 mois d’in-
non seulement dans la recherche. Enfin, une réserve tervalle (baseline 1, 3 mois sans prise en charge
peut être apportée au sujet de l’utilisation d’une cognitive, baseline 2,  3  mois de prise en charge
procédure validée sur des populations anglopho- cognitive, retest). Il comprend, en plus des tests
nes (par exemple) chez des patients francophones. cognitifs, différentes échelles (fatigue, dépres-
Il est à présent admis que la traduction d’un test ne sion-anxiété et qualité de vie). Entre la deuxième
présente pas les mêmes qualités psychométriques baseline et le retest, les patients ont bénéficié
que l’épreuve originale. Il nous semble que ce qui d’une prise en charge individuelle spécifique
est vrai dans le domaine de l’évaluation l’est comprenant 12 séances de 1 h 30 par semaine.
d’autant plus dans celui de la remédiation cognitive, Chaque séance était composée d’exercices d’at-
où l’emprunte culturelle peut être particulièrement tention, de vitesse de traitement de l’information,
marquée (caractère écologique des exerci­ces, trans- de mémoire et de fonctions exécutives. La com-
fert à la vie quotidienne…). paraison des résultats obtenus aux deux baselines
Dans l’optique de développer des outils et procé- n’a montré aucune différence significative (témoi-
dures en langue française, au moins deux équipes gnant de l’absence d’un effet retest et d’une évolu-

196
Chapitre 19. Prise en charge neuropsychologique dans la sclérose en plaques

tion des troubles). En revanche, il existait une – d’autres consistent en la mise en place progressive de
amélioration significative des scores de mémoire « méthodes » de travail et reposent sur l’hypothèse
épisodique après la prise en charge cognitive. De d’une prise de conscience de l’efficacité de ces stratégies
plus, les patients rapportaient une meilleure cognitives et donc de leur application d’une séance à
l’autre et idéalement au quotidien (exercices concer-
connaissance de leurs troubles cognitifs et des
nant plutôt la mémoire de travail, la mémoire épisodi-
moyens permettant de les améliorer, une baisse que et les fonctions exécutives).
de leurs difficultés attentionnelles au quotidien, Ces exercices ont été conçus de manière à interférer le
et une meilleure estime d’eux-mêmes. moins possible avec les troubles moteurs et sensitifs.
Ces résultats encourageants ont conduit à la mise en Certains ressemblent à ce que l’on peut trouver dans les
place d’une collaboration scientifique auj­ourd’hui tests psychométriques : dans ce cas, si le principe peut
être semblable, le matériel est toujours différent afin de
étendue au niveau national afin de rendre accessible
ne pas interférer avec le suivi neuropsychologique et les
la prise en charge (individuelle ou de groupe) au bilans ultérieurs. Notons de plus qu’il est très important
plus grand nombre et aussi confirmer leurs résul- que ces exercices soient accompagnés d’explications sur
tats. En conclusion, nous décrivons en annexe quel- le fonctionnement cognitif afin que les patients puissent
ques exercices issus des deux études précédemment plus facilement comprendre leurs difficultés et trouver
citées afin d’encourager le développement d’autres des stratégies pour y remédier. Enfin, les points forts et
pistes ou stratégies de prise en charge. les améliorations doivent être accompagnés d’un feed-
back positif de la part du neuropsychologue afin de ren-
Annexes forcer la motivation et l’estime de soi.
Proposition d’exercices
Attention
Ces exercices portent sur les fonctions cognitives
atteintes dans la sclérose en plaques. Ils sont de deux
types : Exemple 1 : attention simple/vitesse
– certains constituent un « entraînement » avec l’hy- de traitement de l’information
pothèse que l’on obtiendra une amélioration par la
répétition de tâches impliquant les fonctions cogniti- Exercice fondé sur le principe du code : le patient doit
ves (exercices concernant plutôt l’attention, la vitesse faire correspondre à un ensemble de chiffres ou de let-
de traitement) ; tres un ensemble de symbols (figure A.1).

Figure A.1.

197
Partie V. Prise en charge thérapeutique des troubles cognitifs

6 2 1 4 3 5

5 6 4 2

5 5 6 4

Figure A.2.

Exemple 2 : attention simple/vitesse 1. Tâche simple verbale : écoute d’un texte (une fable
de traitement de l’information) de La Fontaine, par exemple) dans lequel il faut repérer
un mot cible (loup, par exemple).
Exercice « Dés Chiffres » : le patient doit reporter les 2. Tâche simple non verbale : labyrinthes et/ou par-
symboles ou les chiffres correspondant selon le modèle cours fléchés [47].
(figure A.2). 3. Tâche double : exécution des deux tâches simples
simultanément.
Exemple 3 : attention simple/vitesse
de traitement de l’information
Exercice des differences (figure A.3).

Exemple 4 : attention simple/vitesse


de traitement de l’information
Exercice de « barrage de cibles » (figure A.4).

Exemple 5 : attention divisée


Exercice en trois étapes où les deux premières consis-
tent en deux tâches simples (une visuomotrice, l’autre
verbale) alors que la troisième combine les deux. Le
patient dispose d’un jeu de cartes où figurent différen-
tes formes de couleurs différentes.
1. Tâche simple de classement de cartes (critère forme)
en 2 minutes.
2. Tâche simple de fluence verbale orthographique en
2 minutes.
3. Tâche double de classement de cartes (critère cou-
leur) et fluence verbale catégorielle en 2 minutes.

Exemple 6 : attention divisée


Exercice en trois étapes où les deux premières consistent
en deux tâches simples (une visuomotrice, l’autre audi-
tivoverbale) alors que la troisième combine les deux. Figure A.3.

198
Chapitre 19. Prise en charge neuropsychologique dans la sclérose en plaques

Entourez les 8 (�
8 ) et barrez les 6 (6)

12795628401756834914069274051638260
28146359723014286359703737825478079
21658943716302678563410928241537459
08678563159036162893190472815975409
27461851760472413984075621453078465
01892654086317945268359703173782547
07921658943716302567856409286241530
75240927469150183926408631943014286
35903401758349140692740165283093198
47262083931947281530637856317904526
28401797582409239782592740163758970
18586341092852415374908678561590346
16283539045792304162895109316892147
Figure A.4.

Exemple 7 : attention divisée Exemple 4 : exercice de génération


Exercice en trois étapes où les deux premières consis- de caractéristiques discriminatives
tent en deux tâches simples (une auditive, l’autre ver- Le patient doit donner la différence entre…
bale) alors que la troisième combine les deux. – un pingouin et un manchot → le pingouin vit dans
1. Tâche simple auditive : écoute d’une série de sons l’hémisphère nord, le manchot vit dans l’hémisphère sud ;
réguliers dans laquelle le patient doit repérer un son – une mouette et un goéland → la mouette est plus
discordant. petite que le goéland.
2. Tâche simple verbale : résolution de problèmes et/ou
d’énigmes [47]. Exemple 5 : polysémie
3. Tâche double : exécution des deux tâches simples
Le patient doit trouver un mot polysémique valable
simultanément.
pour chaque ensemble de définitions :
– fruit rouge ou outil rotatif de coupe → fraise ;
Mémoire sémantique – petit oiseau de Nouvelle-Zélande ou fruit comestible
à pulpe verte → kiwi.

Exemple 1 : exercice de vocabulaire Exemple 6 : complètement de proverbes


Le patient doit écrire la définition semblant la plus Être malin comme un… (singe).
adaptée pour différents mots. Chasse le naturel, il… (revient au galop).
Exemple : aduler → combler de louanges, de témoigna-
ges d’admiration. Exemple 7 : un peu d’histoire-
géographie…
Exemple 2 : exercice de génération Quelle est la date de la prise de la Bastille ?
de mots concrets sur définitions Placer sur une carte de France les différentes régions.
Le patient doit écrire le mot correspondant à la défini- Mémoire épisodique
tion donnée.
Exemple : partie antérieure du cou → gorge. Exemple 1 : souvenirs
autobiographiques
Exemple 3 : exercice de discrimination
Exercice consistant en une série de questions se rap-
visuelle de mémoire
portant à des informations situées dans le contexte spa-
Le patient doit entourer l’élément qui… tiotemporel du patient :
– est le plus gros : la pensée ou la violette ? – quelle est la date de votre dernier rendez-vous chez le
– est le plus court : allumette ou asticot ? coiffeur ?

199
Partie V. Prise en charge thérapeutique des troubles cognitifs

– combien de convives étiez-vous lors de votre dernier mémoriser. Le but ici est de montrer au patient l’intérêt
repas de Noël ? d’effectuer soi-même le travail de sémantisation des
– pouvez-vous m’évoquer brièvement vos dernières informations visuelles à mémoriser (effet de produc-
vacances ? tion/autogénération).
Exemple 2 : mémoire épisodique
antérograde Mémoire de travail
Exercice portant sur du matériel verbal (type para-
graphe de livre, article de journal…) avec appren- Exemple 1 : exercices des anagrammes
tissage en plusieurs étapes de stratégies d’encodage
efficaces. Par exemple, dans la catégorie des fruits, donner au
– Étape 1 : encodage libre du texte suivi d’un rappel patient l’anagramme : CROIBAT, afin qu’il retrouve le
libre puis d’une série de questions se rapportant au mot ABRICOT.
texte. L’intérêt de cette étape réside dans l’analyse des
stratégies spontanées mises en place par le patient et de Exemple 2 : mise à jour
leur efficacité (ou non). Exercices de répétition de chiffres, lettres ou adjectifs
– Étape 2 : encodage d’un second texte (où les éléments après transformation [48]. Le but ici est d’apprendre à
pertinents ont été surlignés) suivi d’un rappel libre décomposer la tâche (encodage puis seulement trans-
puis d’une série de questions se rapportant aux élé- formation) :
ments sélectionnés au moment de l’encodage. Le but – donner à l’oral la suite : 4/9/1 puis la consigne d’addi-
de cette étape est de montrer au patient l’intérêt de tionner +1 → 5/10/2 ;
préférer la qualité (éléments pertinents) à la quantité (à – donner à l’oral la suite : A/C/H puis la consigne d’ad-
vouloir tout retenir, on peut ne rien retenir du tout). ditionner +1 → B/D/I ;
– Étape 3 : encodage d’un troisième texte, pour lequel – donner à l’oral la série : beau/grand/gentil puis la consi-
on demande au patient d’effectuer lui-même la sélec- gne de donner l’antonyme de chaque adjectif → laid/
tion d’éléments pertinents. Cet encodage est suivi petit/méchant.
d’un rappel libre puis d’une série de questions se rap-
portant au texte. Le but ici est de montrer au patient Exemple 3 : mise à jour
l’intérêt d’effectuer soi-même la sélection des infor-
mations à mémoriser (effet de production/autogéné- Exercice de « navigation » pour lequel il faut appliquer
ration). une suite d’opérations à un item [48]. Le but est le même
que précédemment :
Exemple 3 : mémoire épisodique – donner à l’oral la série : 4/+ 3/+ 1/+ 2 → 4/7/8/10 ;
antérograde – donner à l’oral la série : G/+ 1/+ 2/+ 1 → G/H/J/K.
Exercice portant sur du matériel visuel (type plan-
ches avec couleurs ou dessins…) avec apprentis-
Exemple 4 : exercice « le compte est bon »
sage en plusieurs étapes de stratégies d’encodage À partir de trois chiffres donnés à l’oral, le patient doit
efficaces. trouver les bons signes opératoires (+, −, /, ×) afin de
– Étape 1 : encodage libre d’une première planche (par trouver le résultat proposé :
exemple : série de 10 couleurs à retrouver parmi – 3 … 4 … 2 = 9 (+, +) ;
10 autres et à replacer dans le bon ordre). L’intérêt de – 2 … 1 … 5 = 6 (−, +).
cette étape réside dans l’analyse des stratégies sponta-
nées mises en place par le patient et de leur efficacité Exemple 5 : jeu de Memory visuel
(ou non).
À l’aide du support d’un « jeu de cartes » non infantili-
– Étape 2 : encodage d’une seconde planche accompa-
sant (lettres grecques, par exemple), trouver le plus de
gnée d’un texte reprenant les différents éléments
paires possibles en retournant deux cartes semblables.
visuels à mémoriser. Le but de cette étape est de mon-
trer au patient l’intérêt de mettre des mots, du lien et
Exemple 6 : jeu des réponses décalées
donc du sens entre des éléments visuels apparemment
indépendants. Une série de questions simples est posée au patient qui
– Étape 3 : encodage d’une troisième planche, pour doit toujours répondre à la question précédente.
laquelle on demande au patient d’inventer lui-même – Quelles sont les couleurs du drapeau français ? → pas
un texte reprenant les différents éléments visuels à de réponse.

200
Chapitre 19. Prise en charge neuropsychologique dans la sclérose en plaques

– Quelle lettre vient après Y dans l’alphabet ? → bleu, sport, un personnage célèbre, un métier… Ou, plus dif-
blanc, rouge. ficile : un instrument de musique, une matière scolaire,
– Combien de jours compte une semaine ? → Z. un sentiment ou une émotion…

Fonctions exécutives
Exemple 2 : planification
Organisation d’un planning : différentes tâches sont
Exemple 1 : autogénération
à planifier sur une journée ou une semaine en tenant
« P’tit BAC » : écrire pour chaque lettre énoncée, le plus compte de contraintes telles que le temps, le budget, la
rapidement possible, une ville, un pays, une fleur, un fatigue… (figure A.5)

Quelle dure journée !


Vous devez organiser Noël chez vous cette année.
Vous avez pris votre 24 décembre pour terminer les derniers préparatifs.
La journée est courte et vous devez vous organiser pour réaliser les tâches suivantes :
• ouvrir les huîtres et préparer les hors d’œuvres frais ;
• aller chercher votre tante au train de 12 h 30 à la gare située à 10 min de chez vous ;
• préparer le chapon et le mettre au four ;
• préparer la bûche glacée, qui doit être mise au congélateur au moins 10 h avant d’être dégustée ;
• aller chercher votre robe au pressing, qui est situé à quelques minutes de la gare ;
• aller chercher le chapon que vous avez commandé la veille ;
• emballer les derniers cadeaux ;
• aller au centre commercial chez le marchand de jouets pour acheter le train électrique du petit Raphaël ;
• aller chez le coiffeur ;
• aller au supermarché chercher du papier cadeau et une nappe ;
• aller chercher votre commande de pains chez le boulanger situé à côté du pressing.

Attention :
• le centre commercial où se trouve le supermarché est fermé à partir de 16 h. Il est situé à 30 min de chez vous ;
• le boucher est situé tout près du boulanger ;
• le chapon doit cuire au moins 6 heures (en l’arrosant au moins toutes les heures) ;
• vous devez penser à garder du temps pour déjeuner le midi, vous préparer pour la fête et appeler votre neveu
qui n’a pu venir chez vous cette année.
Figure A.5.

Exemple 3 : flexibilité Exemple 4 : flexibilité et inhibition


« À la manière de Prévert » : demander au patient de Exercices dits à consignes multiples : quatre exercices
trouver des noms composés et les intervertir à la utilisant le même support avec seulement une partie
manière de Prévert. des consignes modifiée sont proposés à la suite. (figure
Un « moule à manquer » et une « table à repasser » vont A.6)
donner un « moule à repasser » et une « table à manquer ».

201
Partie V. Prise en charge thérapeutique des troubles cognitifs

Souligner les noms d’animaux domestiques seulement si ceux-ci sont précédés d’une couleur et si cette couleur
n’est pas celle de l’animal :
vert - lapin - blanc - bateau - canard - chou - bleu - renard - roux - chapeau - souris - verte - jaune - canari -marron -
écureuil -salade - cochon - rose - violet - chien - herbe - verte - rouge - poisson - escalier - bois - sardine - mauve - arti-
chaut - caramel - mou - kaki - crocodile - noir - poule - rouge - voiture - gris - âne - jaune - chat - souris - blanc - oie
Souligner les noms d’animaux sauvages seulement si ceux-ci sont précédés d’une couleur et si cette couleur est
celle de l’animal :
vert - lapin - blanc - bateau - canard - chou - bleu - renard - roux - chapeau - souris - verte - jaune - canari -marron -
écureuil -salade - cochon - rose - violet - chien - herbe - verte - rouge - poisson - escalier - bois - sardine - mauve - arti-
chaut - caramel - mou - kaki - crocodile - noir - poule - rouge - voiture - gris - âne - jaune - chat - souris - blanc - oie
Souligner les noms d’animaux domestiques seulement si ceux-ci sont suivis d’une couleur et si cette couleur est
celle de l’animal :
vert - lapin - blanc - bateau - canard - chou - bleu - renard - roux - chapeau - souris - verte - jaune - canari -mar-
ron - écureuil -salade - cochon - rose - violet - chien - herbe - verte - rouge - poisson - escalier - bois - sardine
- mauve - artichaut - caramel - mou - kaki - crocodile - noir - poule - rouge - voiture - gris - âne - jaune - chat
- souris - blanc - oie
Souligner les noms d’animaux sauvages seulement si ceux-ci sont suivis d’une couleur et si cette couleur n’est
pas celle de l’animal :
vert - lapin - blanc - bateau - canard - chou - bleu - renard - roux - chapeau - souris - verte - jaune - canari -mar-
ron - écureuil -salade - cochon - rose - violet - chien - herbe - verte - rouge - poisson - escalier - bois - sardine
- mauve - artichaut - caramel - mou - kaki - crocodile - noir - poule - rouge - voiture - gris - âne - jaune - chat
- souris - blanc - oie
Figure A.6.

Conclusion - synthèse
Gilles Defer

La prise en charge thérapeutique des troubles cogni- Cette démarche sera sans doute plus difficile pour les
tifs dans la SEP comporte de réelles perspectives tant essais sur les médicaments, car elle impliquerait théo-
sur le plan médicamenteux que sur celui de la réé- riquement l’étude de sous-groupes ou des stratifications
ducation cognitive. Les avancées ne seront toutefois complexes risquant d’augmenter le nombre d’inclusions
visibles dans ce domaine que si l’on arrive progres- nécessaires pour une même étude. Toutefois il n’est pas
sivement à répondre à des questions aussi majeures impossible que des paradigmes en imagerie fonctionnelle
que : ou neurophysiologiques (voire de pharmacogénomique)
– quel(s) trouble(s) cognitif(s) chez quel patient ? puissent permettre de sélectionner des cohortes homo-
– à partir de quand dans l’évolution de la maladie ? gènes de patients pour l’évaluation d’un médicament.
– comment le(s) détecter et comment le(s) prendre en Dans ce contexte, des progrès sur les connaissances
charge ? des mécanismes neurochimiques ou neuropharmaco-
– comment situer le cadre d’une analyse à l’échelon logiques, sous-tendant différentes fonctions cognitives,
individuel ? seront une étape essentielle, complémentaire et indisso-
Cet objectif impliquera, qu’il s’agisse de traitement ciable de l’amélioration des connaissances sur la chro-
médicamenteux symptomatique ou de rémédiation nologie d’apparition des principaux déficits cognitifs
cognitive, que de nouvelles approches méthodologi- (en particulier la vitesse de traitement de l’information,
ques se mettent en place dans les études cliniques pour l’attention et les fonctions exécutives) et leur évolution
démontrer l’efficacité de tel médicament ou de telle naturelle. Les progrès concernant la compréhension des
prise en charge rééducative. Ces nouvelles approches mécanismes précoces d’adaptation cérébrale aux déficits
méthodologiques concernent au premier chef la prise [41] seront tout aussi déterminants.
en considération du type de dysfonctionnement pré- Concernant la prise en charge cognitive, l’analyse par
senté par chaque patient en fonction de sa forme de patient prend tout son sens puisqu’elle permet théori-
maladie, de son sexe, de son âge, etc. quement d’adapter la prise en charge aux dysfonction-

202
Chapitre 19. Prise en charge neuropsychologique dans la sclérose en plaques

nements cognitifs présentés par un patient donné, et [7] Pringatano GP, Fordyce DJ, Zeiner HK, Roueche JR,
donc d’évaluer une procédure (pour tel type d’atteinte Pepping M, Woods BC. Neuropsychological reha-
est appliqué tel type de rééducation cognitive), stratégie bilitation after closed head injury in young adults.
largement applicable dans le cadre d’études multicen- J Neurol Neurosurg Psychiatry 1984 ; 47 : 505-13.
triques. On peut également espérer le développement [8] Meulemans T, Adam S. Rééducation des troubles de
de nouvelles techniques de prise en charge cognitive la mémoire : principes généraux. In : Meulemans T,
comme l’utilisation de la réalité virtuelle [49], sachant Desgranges B, Adam S, Eustache F, editors.
que quelle que soit la méthode employée, son efficacité Évaluation et prise en charge des troubles mnésiques.
devra être rigoureusement évaluée. Solal, Marseille 2003.
L’amélioration des troubles cognitifs de la SEP est un [9] McCarthy DL. Investigation of a visual imagery mne-
challenge majeur des années à venir dans le cadre plus monic device for acquiring name-face associations.
général de la prise en charge de la maladie. Deux scéna- J Exp Psychol Hum Learn Memory 1980 ; 6 : 145-55.
rios non exclusifs se profilent dans le futur. Le premier, [10] Crosson B, Buenning W. An individual memory
le plus probable, repose sur l’identification de traite- retraining program after closed-head injury : a single-
ments symptomatiques plus efficaces et sur la mise au case study. J Clin Neuropsychol 1984 ; 6 : 287-301.
point de procédures de rémédiation cognitive (à condi- [11] Grafman J, Rao S, Bernardin L, Leo GJ. Automatic
tion qu’elles aient pu faire la preuve de leur réel intérêt), memory processes in patients with multiple sclero-
adaptables à chaque patient en fonction des circons- sis. Arch Neurol 1991 ; 48 : 1072-5.
tances. Le second, plus lointain, s’appuie sur l’hypo- [12] Coyette F, Van der Linden M. La rééducation des
thèse de traitements de fond « neuroprotecteurs » qui troubles de la mémoire : les stratégies de facilitation.
éviteraient l’apparition ou la dégradation cognitive au In : Azouvi P, Perrier D, Van der Linden M, ed. La
même titre qu’ils protégeraient le sujet de l’apparition rééducation en neuropsychologie : études de cas.
ou de l’aggravation des symptômes neurologiques. On Solal, Marseille 1999.
sait aujourd’hui que, en particulier dans le domaine [13] Seron X. Efficacité de la rééducation en neuropsycho-
de la cognition, le système nerveux central n’est rien logie. In : Azouvi P, Perrier D, Van der Linden M,
d’autre qu’un immense réseau de structures intercon- editors. La rééducation en neuropsychologie : études
nectées entre elles et que les troubles cognitifs observés de cas. Solal, Marseille 1999.
dans cette maladie relèvent d’une atteinte diffuse de [14] Gianutsos R. Cognitive rehabilitation : a neuro­
ce réseau, où la substance blanche joue le premier rôle. psychological speciality comes of age. Brain Inj 1991 ;
Le protéger (voire le réparer) permettra la stabilisation 5 (4) : 353-68.
(voire l’amélioration) des déficits cognitifs et de leurs
[15] Plohmann A, Kappos L, Brunnschweiler H.
conséquences socioprofessionnelles chez les patients. Evaluation of a computer-based attention retraining
program for patients with multiple sclerosis. Schweiz
Références Arch Neurol Psychiatry 1994 ; 145 (3) : 35-6.
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203
Partie V. Prise en charge thérapeutique des troubles cognitifs

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204
Index  
         

A Brief-Repeatable Battery of Neuropsychological tests


Abstraction, 61, 62, 89, 95, 96, 192 (BRB-N), 58, 60, 61, 62–66, 89, 118, 119, 126,
Acétate de Glatiramère (AG), 21, 32, 72, 73, 183 140, 151, 152, 182
Activités quotidiennes, voir Vie quotidienne Brodmann area (BA), voir Aires de Brodmann
Adaptation (à la maladie), 25, 28, 29, 33, 35, 36, Buffer épisodique, 108
42, 44, 47–53
Administrateur central, 60, 107, 109 C
Âge, 6, 11, 13–15, 49, 76, 77, 97 Calcul (capacités de), 61, 97, 99, 107, 138
Agnosie, 62, 136 Calepin visuospatial, 60, 107–109, 111
Agraphie, 62, 138 California Card Sorting Test (CCST), 95
Aires de Brodmann, 108, 160–163 California Verbal Learning Test (CVLT), 61, 85,
Alerte, 81–83, 192, 195 117–119, 186
Alexie, 62, 138 Calleux (corps/transfert), 16, 38, 40, 41, 62, 147, 154,
Alexithymie, 38–41 167–169
Alzheimer (maladie d’/MA), 82, 93, 118, 131, 179, Charge attentionnelle, 82, 83
180, 186, 189 Charge lésionnelle, 8, 15, 16, 29, 52, 76, 147–153, 160,
Amantadine, 82, 184 161, 169, 171, 180
Anosognosie, 138, 193 Clinically Isolated Syndrome (CIS), voir Syndrome
Anticholinestérasique, 162, 184, 185 cliniquement isolé
Anxiété, 28, 30–34, 36, 37, 39–43, 47–52, 62, 196 Codes WAIS, 60–62, 63, 84
Aphasie, 62, 138, 189 Cognition
Apraxie, 62, 136 ––chaude, 89, 90, 100, 102
Atrophie, 8, 16, 17, 32, 37, 40, 41, 62, 76, 77, 84, 110, ––froide, 89, 90, 100
130, 138, 147–156, 162, 165, 168–171, 180, 194 ––sociale, 100, 101
Atteinte motrice, voir Manifestations motrices Computerised Test of Information Processing (CTIP), 86
Attention Conceptualisation, 62, 65, 66, 71
––divisée, 81–83, 192, 198, 199 Continuous performance task, 82
––focalisée, 81, 82 Controlled Oral Word Association Test (COWAT), 61,
––sélective, 81, 85, 91, 192 62, 65, 66, 86, 92
––soutenue, 59, 71, 74, 76, 78, 81, 82, 89, 183 Coping, 25, 32, 35, 42, 47–49, 50, 51, 53
Auditory verbal learning test, 66 Coping Inventory for Stressful Situations (CISS), 48, 49
Autobiographical Memory Interview (AMI), 119 Cortex, 8, 16, 17, 37, 41, 89, 108, 124, 130, 136,
Azathioprine, 22 147, 148, 150, 152–156, 160, 164, 169, 195
Cortical, 8, 16, 52, 62, 135, 138, 148, 152–156,
B 159–163, 167–170, 172
BCcogSEP, 61, 62, 78, 89, 118, 119, 140, 196 Corticoïdes, 181, 183, 184
Bipolaires (troubles), 25, 36 Critères
Blocs de Corsi, 73, 110 ––Barkhof-Tintore, 17, 18
Boston Naming Test (BNT), 63 ––McDonald, 16, 17
Boucle phonologique, 107–109, 111 ––Poser, 17

205
Index

Cubes (WAIS), 64 Exercices (de remédiation), 190–194, 196, 197,


Cyclophosphamide, 22, 183 200, 202
Expanded Disability Status Scale (EDSS), 13, 15, 29,
31, 37–39, 65, 75, 76, 78, 84–86, 101, 102, 129, 130, 149,
D 151, 182, 184–186, 196
Déclin cognitif, 71–78, 183
Déconnexion, 37, 38, 62, 148, 150–152
F
Dégénérescence wallérienne, 148
Face Symbol Test (FST), 63
Delis-Kaplan Executive Function System sorting test
Facteur
(DKEFS), 61, 62, 95
––de compensation, voir Phénomène
Démence, 62, 135–138, 139, 140, 191
de compensation
––corticale, 62, 136, 137, 138, 139
––prédictif, 15, 29, 31–33, 35, 36, 50, 63, 71, 74–77, 79,
––critères, 136
84, 130, 167, 169, 172
––inaugurale, 138
Fatigue, 12–14, 22, 25, 28, 30, 31, 36, 37, 39, 40, 42, 57,
––sous-corticale, 135–139
65, 82, 83, 129–132, 140, 179, 184,
Démyélinisation, 8, 16, 36, 85, 148–150, 152, 165–167,
192, 194, 196
169, 170, 185
––cognitive, 82, 129, 130
Déni, 37, 43, 47, 49
––échelle de mesure de l’impact de la fatigue
Dénomination, 62, 72
dans la SEP (EMIF-SEP), 129
Dépression, 25, 27–33, 36, 37, 39, 40, 49, 50, 52, 57, 62,
––Impact Scale (FIS), 129
63, 65, 92, 100, 132, 184, 194–196
––mentale, 30, 31, 42, 130
––et déficits cognitifs, 29
––Modified Fatigue Impact Scale (MFIS), 129
––et douleur, 30, 31
––physique, 30, 31, 42, 130
––et fatigue, 29–31
––psychique, voir Fatigue mentale
––et handicap, 29–31
––Severity Scale (FSS), 129, 130
––et IRM, 32
––subjective, 130
––prévalence, 28
Flexibilité, 61, 64, 82, 85, 89, 90, 92, 93, 96, 97, 155, 191,
Désinhibition, 172
192, 195, 202
Diagnostic and Statistical Manuel of Mental Disorders
Fluence verbale, 57, 59–62, 64–66, 73, 85, 89, 92, 117,
(DSM-III, IV-TR), 27, 28, 32, 33, 36, 135, 136
126, 150, 151, 155, 183, 198
Donépézil, 184
Fonctions exécutives, 29, 37, 38, 57, 60, 61, 62, 65,
Douleur, 21, 22, 37
66, 72, 81, 82, 84, 85, 89, 90, 100, 102, 136, 137, 139,
140, 150–152, 155, 167, 168, 179, 183, 184, 189, 191,
E 193, 195, 197, 201
Écologique (caractère, évaluation), 59, 83, 85, 92, 99, Forme
100, 102, 140, 192, 196 ––primaire-progressive, 13, 14
Écoute dichotique, 40, 62, 167 ––progressive rémittente, 14
Effet de pratique, voir Effet retest ––rémittente, 13, 14, 29, 63, 193
Effet retest, 58, 63, 72, 73, 77, 78, 95, 97, 118, 119, 126, ––secondairement progressive, 13, 14, 37, 50, 155, 193
141, 183, 192, 196, 197 Free Recall and Recognition of 12 Random Words Test
Effet test-retest, voir Effet retest (FRR12RWT), 59
Émotion, 27, 34, 35, 38, 39, 41, 48–51, 89, 100, 101 Frontal Systems Behavior Scale (FrSBe ), 100
Empan, 61, 64, 83, 85, 89, 102,
107, 109–111 G
Empathie, 100 Gadolinium, 8, 16, 17, 18, 35, 77, 165
Encodage, 115–120, 123, 137–139, 155, 183, Génétique, 6, 17, 36
194, 195, 199, 200, 201 Gliose, 149, 166, 167
Environment Status Scale score (ESS), 85 Glutamate, 166, 185, 186
Épidémiologie, 5, 22 Go/No go, 61, 63, 83, 89, 90, 132, 150, 192
Épigénétiques, 6 Grober et Buschke, 117, 118
Éthniques (facteurs), 5 Grossesse, 17
Étude longitudinale, 36, 71, 73, 76–78, 102, 118, 119,
123, 126, 141, 152, 154, 167, 168, 180 H
Euphorie, 25, 36, 37, 52, 172 Handicap, 8, 12–17, 21, 22, 28, 29, 33, 37–39, 41, 43, 50,
Executive Function Performance 64, 65, 75, 76, 130
Test (EFPT), 86 Hypersignal, 16, 17, 149

206
Index

I ––autobiographique, 115, 116, 119, 120


Imagerie par résonance magnétique (IRM), 8, 15–17, ––de travail, 29, 57, 59–65, 71, 73, 76,
18, 33, 35, 37, 38, 40, 41, 64, 76, 77, 98, 125, 130, 141, 81, 83–85, 90, 97, 99, 100, 107, 110, 123, 126, 140,
147–153, 159–168, 169, 170–172, 185, 195 148, 150, 151, 154, 160, 161, 162, 164, 167, 169,
––conventionnelle, 15, 16, 147, 149, 150, 165, 170, 172, 179, 194, 196, 197, 200
166, 168, 171 ––épisodique, 60, 61, 62, 65, 71, 72, 73, 75, 76, 115–117,
––de diffusion, 167, 168 119, 120, 135, 137, 138, 139, 193, 194, 197, 199, 200
––FLAIR, 132, 149, 152 • antérograde, 115–117, 120, 199, 200
––fonctionnelle (IRMf), 16, 98, 130, 141, 147, 148, 152, • rétrograde, 116, 119, 120
159–163, 170–172, 185, 195 ––verbale, 60, 61, 64, 71, 73, 75, 116, 154, 155, 170,
• connectivité effective, 160, 162 172, 182, 184, 193, 196
• connectivité fonctionnelle, 159–161, 170, 171 ––visuospatiale, 60, 61, 65, 76, 119, 155, 169
––inversion-récupération, 149, 169 Methotrexate, 22
––morphologique, 149, 164 Méthylprednisolone (MP), 21, 183
––non conventionnelle, 16, 125, 150, 172 Minimal Assessment of Cognitive Function in Multiple
––spectroscopie, 147, 165, 171, 172 Sclerosis (MACFIMS), 61, 62, 63, 84, 92
––tractographie, 16, 125, 164, 167, 168 Mini-Mental State Examination (MMSE), 63
––transfert d’aimantation, 16, 77, 125, 126, 147, 149, Mitoxantrone, 21, 183
150, 160, 163, 164, Multiple Sclerosis Functional Composite (MSFC), 13, 179
168, 169, 171, 172 Multiple Sclerosis Neuropsychological Screening
––transfert de magnétisation, voir Transfert Questionnaire (MSNQ), 61, 63
d’aimantation Mycophénolate, 22
Incidence (SEP), 5–7 Myéline, 5, 7, 8, 124, 147, 160, 168, 169
Inhibition, 60, 61, 65, 71, 82, 83, 85, 90, 94, 150, 183,
195, 196, 202 N
Interféron β (IFN- β), 21, 32, 39, 179, 181 Natalizumab, 21
Intracorticales, voir Cortex Néocortex, voir Cortex
Iowa Gambling Task (IGT), 101 Néocortical, voir Cortex
Neuropsychological Screening Battery for Multiple
J Sclerosis (NPSBMS), 60, 61, 64, 76
Juxtacorticale, voir Cortex Névrite optique, 11, 15
Niveau d’éducation, 77, 131, 132, 140
L
Labilité émotionnelle, 38, 52
O
Langage, 60, 61, 62, 65, 66, 100, 108, 136–139, 155
Occipital(e), 41, 151, 161
Lésions, 8, 12, 14–17, 18, 25, 32, 33, 35–38, 40, 44, 52,
Oligodendrocytes, 185
62, 64, 77, 89, 102, 125, 130, 136, 138, 141, 147–153,
165–169, 171, 172, 180, 184–186, 189
Lobe frontal, 89, 93, 154, 168 P
Paced Auditory Serial Addition Test (PASAT), 13,
M 60–66, 71–76, 83–86, 97–99, 102, 107, 132, 151, 154,
Macrophages, 149, 166 160–164, 167, 169, 170, 179, 182–184, 186, 191
Maintien cognitif, 95, 96 Pariétal, 38, 91, 130, 147, 152, 154, 160, 161
Manifestations Pédiatrique (SEP), 65
––cérébelleuses, 12 Phénomène de compensation, 131–133, 148, 149,
––motrices, 11 161, 162
Manipulation Planification, 85, 89, 155, 162, 183, 195, 201
––mentale, 107, 109 Plasticité cérébrale, 16, 131, 156, 161, 163, 164, 170,
––spatiale, 108 172, 189, 190, 195, 196
Mécanisme compensatoire, voir Phénomène Ponction lombaire, 16
de compensation Potentiels évoqués, 17, 18, 84, 182
Mécanismes de défense, 42–44 Poussées, 13, 14, 18, 21, 35, 36, 64, 75, 76, 183, 196
Mémantine, 185, 186 Prévalence (SEP), 5–7
Mémoire Prise en charge neuropsychologique, 120, 127, 133,
––à court terme (MCT), 59, 73, 74, 78, 107 156, 179, 180, 189, 196, 202, 203
––à long terme (MLT), 107, 115, 183 Processing Speed Index (PSI), 85

207
Index

Processus Sternberg Memory Search, 61


––compensatoire, voir Phénomène de compensation Stock
––conscient, 123–127 ––phonologique, 108
––non-conscient, 123–127 ––visuel, 108
Progression (de la maladie), 14, 196 Stockage, 60, 107–109, 111, 115, 116, 120, 123
Stratégie d’adaptation, 51, 53
Q Stress, 29–31, 33–36, 41, 42, 52, 61
Qualité de vie, 28–30, 32, 47–52, 85, 86, 194, 196 Stroop (test de), 63, 65, 71, 72, 85, 86, 89–92, 102, 132,
150, 151, 161, 162, 191
R Substance
Raisonnement abstrait, 73, 130, 138, 150, 151 ––blanche (SB), 16, 37, 89, 110, 125, 126, 127, 136–138,
Ralentissement, 27, 28, 30, 31, 57, 62, 81–86, 91, 92, 147, 148, 152, 153, 160, 161, 163, 165–167, 169, 171,
99, 102, 123 172, 185, 203
Réalité virtuelle, 60, 203 ––blanche d’apparence normale (SBAN), 77, 125, 147,
Récapitulation articulatoire, 108 150, 163, 166–168
Recrutement compensatoire, voir Phénomène ––grise (SG), 8, 16, 37, 84, 125, 136, 147, 148, 150,
de compensation 152–154, 163, 165, 166, 172
Récupération (en mémoire), voir Restitution ––grise d’apparence normale (SGAN), 147, 171
Rééducation cognitive, voir Prise en charge Suicide, 32, 33
neuropsychologique Suivi longitudinal, voir Étude longitudinale
Réhabilitation cognitive, voir Prise en charge Switching, voir Flexibilité
neuropsychologique Symbol Digit Modalities Test (SDMT), 59, 60, 61,
Remédiation cognitive, voir Prise en charge 62–66, 71–76, 83–86, 126, 130, 132, 140, 150–152,
neuropsychologique 154, 168, 169
Remyélinisation, 148, 149 Symptôme (SEP), 5, 11–14, 17, 22, 28, 30, 31,
Réorganisation cérébrale, voir Plasticité cérébrale 49, 64, 65, 102, 129, 179
Réseaux de santé, 6, 7, 22 Syndrome cliniquement isolé (SCI), 15, 64, 65
Réseaux neuronaux, 131, 141, 148, 154, 180 Système immunitaire, 7
Réserve cognitive, 77, 131–133, 170
Ressources cognitives, 132 T
Restitution, 115–120, 123 Tapping, 40, 41, 61, 90
Rétrovirus, 6 Technique de réorganisation, 190, 196
Revalidation cognitive, voir Prise en charge Temporale, 32, 93, 147, 151, 152, 155, 161
neuropsychologique Temps de réactions (TR), 61, 73, 83, 91, 92, 151
Rire et pleurer spasmodiques, 37, 38, 52 Test
Rivermead Behavioural Memory Test ––de l’horloge, 63
(RBMT), 60, 85 ––de Ruff, 63
RLS-15, 118 ––des commissions, 60
––du Poker, 101
S ––of Everyday Attention (TEA), 60, 83, 85, 86
Screening Examination for Cognitive Impairment Thalamus, 148, 150, 155, 172
(SEFCI), 61, 63 Théorie de l’esprit, 89, 100, 101
Selective Reminding Test (SRT), 60, 61, 64–66, 71, 72, Tomographie par cohérence optique (OCT), 17
75, 76, 118, 132, 150, 184, 185 Tour de Hanoï, 150
Séquences gestuelles, 90 Trail Making Test (TMT), 64, 89, 96, 97, 100, 102
Sex-ratio, 7, 13, 57 Traitements, 8, 21, 22, 31, 32, 50, 170, 179, 181,
Shifting, voir Flexibilité 183, 184, 203
Shipley Institute of Living Scale (SILS), 61 Transfert interhémisphérique, 39–41, 62, 152, 168
Short Form-36 (SF-36), 86 Troubles
Short Word List (SWL), 61 ––sensitifs, 11, 12
Similitudes (WAIS-R), 62–65, 71, 72, 132 ––sphinctériens et génitaux, 12
Spatial Recall Test (SPART), 60, 61, 64–66, 71, 72, 75, ––visuels, 11, 22
76, 85, 119, 152
Speaking span test, 85 U
Sternberg Memory Scanning Task, 84 Uhthoff (phénomène d’), 13, 14

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Index

V W
Verbal and Spatial Reasoning test (VESPAR), 66 Wechsler Adult Intelligence Scale (WAIS), 60–64, 71,
Vie quotidienne, 25, 35, 36, 42, 43, 57, 59, 60, 85, 86, 73, 83–85, 110, 132
99, 127, 129, 135, 137, 138, 140, 141, 190, 191, Wechsler Memory Scale (WMS), 64, 167
195, 196 Weigl Colour-Form Sorting Test, 150
Vigilance, 81, 82, 192 Wisconsin Card Sorting Test (WCST), 93, 95, 150, 151
Virus, 5, 6 Word List Generation (WLG), 61, 64–66, 132
Vitamine D, 7 Working Memory Index ( WMI), 85
Vitesse de traitement de l’information (VTI), 29, 38,
59, 60–64, 71–78, 81–86, 91, 92, 97–99, 117, 120, 140,
152, 154, 170, 172, 191, 193, 195–197, 198
Volume
––cérébral, 76, 147, 151, 153–155
––lésionnel, 16, 76, 77, 132, 152, 165

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